la génétique des populations

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La génétique des populations

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ISBN 2 13 0 3 5 6 2 6 5

D é p ô t l é g a l . — 1 é d i t i o n : 4 t r i m e s t r e 1967 3 é d i t i o n : 3 t r i m e s t r e 1 9 7 8

© 1967, P r e s s e s U n i v e r s i t a i r e s d e F r a n c e T o u s d r o i t s d e t r a d u c t i o n , d e r e p r o d u c t i o n e t d ' a d a p t a t i o n

r é s e r v é s p o u r t o u s p a y s

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INTRODUCTION

Les espèces vivantes se perpétuent parce que les individus se reproduisent. La génétique, qui étudie le mode de transmission des caractères héréditaires, les raisons de leur stabilité et les causes de leurs changements, est la clé qui permet de comprendre l'évolution de l'espèce.

La génétique des populations s'occupe de l'hérédité des organismes qui vivent et se reproduisent en liberté, dans les conditions naturelles. Elle est d'abord une émergence de la génétique classique, mendélienne : elle en découle mais elle concerne, au lieu d'individus ou de lignées isolées, des entités d'un degré de complexité supérieur, les communautés génétiques ou populations. De plus, la constitution génétique de ces entités est influencée par la sélec- tion naturelle, due à des causes extérieures à l'orga- nisme. La génétique des populations doit donc tenir compte des facteurs de la sélection, facteurs qu'ignore la génétique classique et qui relèvent d'autres do- maines de la biologie : de l ' science des relations entre les êtres vivants et leur milieu, et de l'éthologie, étude du comportement, et plus préci- sément du comportement normal des animaux dans leur milieu naturel.

La génétique des populations est une branche de la zoologie et de la botanique systématiques, car elle doit rendre compte de la variabilité des espèces,

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de leur distribution géographique et, à travers l'évo- lution, de toute la diversité du monde vivant.

Le propos de cet ouvrage est de montrer ce qu'est la génétique des populations, comment ses calculs permettent de comprendre l'action de la sélection, la genèse de la variabilité des espèces, la naissance d'espèces nouvelles et, ainsi, de saisir l'évolution en marche. Nous verrons ensuite dans quelle mesure les lois de la génétique des populations expliquent les grandes lois de l'évolution considérée dans son ensemble.

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C H A P I T R E P R E M I E R

GÉNÉTIQUE ÉLÉMENTAIRE

I. — Nature des facteurs de l'hérédité

La matière vivante est constituée essentiellement de protéines, c'est-à-dire de très grandes molécules complexes formées de chaînes d'acides aminés. C'est la nature et la position de chacun de ces acides aminés dans la molécule qui déterminent les pro- priétés d'une protéine et, par là, son rôle dans l'organisme.

Le support matériel de l'hérédité est la longue molécule hélicoïdale d'acide désoxy-ribonucléique qui forme la partie essentielle des chromosomes, localisés dans les noyaux des cellules vivantes. Cette molécule est une double chaîne de nucléotides (adénine, thymine, guanine et cytosine). L'ordre de succession de ces nucléotides le long de la chaîne constitue l'information génétique dont elle est por- teuse : les groupes de trois nucléotides consécutifs déterminent chacun le choix d'un acide aminé dans la synthèse d'une protéine. Au point de vue fonc- tionnel, on peut subdiviser la molécule d'acide désoxy-ribonucléique en unités de divers ordres de grandeur, correspondant à des fonctions d'ordres différents. En ce qui nous concerne ici, il n'est pas nécessaire d'entrer dans les détails, incomplètement élucidés d'ailleurs, de l'organisation de cette infor-

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mation génétique ; on utilise le terme général de gène pour désigner un facteur héréditaire, quelle que soit sa dimension. Chaque gène occupe dans le chromosome un lieu précis, un locus. Par mutation, tout gène peut être transformé en un gène différent qui occupe le même locus ; ces gènes s'excluent mutuellement, ce sont des allèles.

II. — Transmission

A chaque division cellulaire, les chromosomes se dédoublent et toutes les cellules reçoivent ainsi l'information nécessaire à leur différenciation et à leur fonctionnement. La transmission de l'informa- tion génétique d'une génération à la suivante se fait par l'intermédiaire de la lignée germinale ou germen, une filiation de cellules qui se différencient dès les premières divisions de l'embryon et finis- sent par former, chez l'adulte, les cellules repro- ductrices ou gamètes : ovules et spermatozoïdes ou grains de pollen.

Dans la règle, les cellules des animaux et des plantes sauvages sont diploïdes, c'est-à-dire qu'elles contiennent deux séries de chromosomes homologues et, par conséquent, deux exemplaires de chaque locus. Lorsque, chez un individu, les deux exem- plaires d'un même locus sont occupés par des gènes identiques, cet individu est homozygote pour ce locus. S'ils sont occupés par des allèles différents, il est hétérozygote pour ce même locus.

Lors de la formation des gamètes, une division particulière a lieu, au cours de laquelle les chromo- somes ne se dédoublent pas mais se séparent, c'est la réduction chromatique. Chaque gamète reçoit une série complète mais unique de chromosomes : les gamètes sont dits haploïdes. Après la fécondation

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les noyaux des gamètes mâle et femelle fusion- nent, ce qui rétablit le nombre diploïde de chromo- somes. Chaque individu porte donc, dans ses cellules, deux séries de chromosomes dont chacune provient de l'un de ses parents. Si ses parents sont génétique- ment différents, les gènes provenant de l'un et de l'autre sont en présence dans ses cellules, agissent ensemble mais ne se mélangent pas, ils gardent leur individualité.

Au moment de la formation de ses propres ga- mètes, à la réduction chromatique, les deux séries parentales se dissocient : il y a ségrégation des gènes homologues. Les gamètes peuvent contenir l 'un ou l'autre chromosome de chaque paire. Il en résulte une grande variété : ainsi chez l'Homme, qui possède 23 paires de chromosomes, il peut se former, avec une probabilité égale, 2 soit 8 388 608 sortes de gamètes différents, ce qui permet, par féconda- tion des gamètes tout aussi variés d'un autre indi- vidu, un nombre énorme de combinaisons nouvelles : chez l'Homme, 8 388 6 0 8 soit plus de 70 billions.

De plus, les gènes qui sont situés sur un même chromosome ne passent pas toujours ensemble. Au cours des phénomènes qui précèdent la réduc- tion chromatique, il arrive que deux chromosomes homologues se coupent au même endroit et échan- gent un de leurs tronçons ; les gènes qui se trouvaient de part et d'autre de la coupure sont alors séparés et entraînés dans des gamètes différents, c'est le crossing-over. Il est d 'autant plus fréquent entre deux loci que ceux-ci sont plus éloignés l'un de l'autre.

Ségrégation et recombinaison se font au hasard : la transmission des gènes à la descendance est affaire de probabilités, les résultats ne sont prévi- sibles que sur de grands nombres de cas semblables et s'expriment par des proportions statistiques.

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III . — Action

C'est l'ensemble des facteurs génétiques, le géno- type, qui détermine l'ensemble des caractères de l'organisme, le phénotype.

1. Pléiotropie. — La mutation d'un gène unique se traduit parfois par la modification frappante d'un caractère principal, mais en général, elle a des effets multiples : on dit qu'elle est pléiotrope.

Les mutations de la couleur du pelage, chez la souris, affectent aussi la couleur des yeux, ce qui est compréhensible, mais encore la taille, la fécondité, la longévité, la résistance à la chaleur et au froid, et bien d'autres caractères qui n'ont pas de rapport évident avec la pigmentation. Cela provient de ce que chaque gène ne détermine pas directement un caractère phénotypique, mais qu'il agit en général sur la synthèse d'une protéine, souvent d'un en- zyme qui intervient dans une ou plusieurs chaînes de réaction : chez le papillon Ephestia kühniella, une mutation qui empêche la formation de kynuré- nine, un précurseur du tryptophane, retentit sur tous les caractères à la formation desquels participe la réaction kynurénine-tryptophane.

Réciproquement, les caractères phénotypiques, étant l'aboutissement d'une — et généralement de plusieurs — chaînes de réactions, dépendent de tous les gènes qui influencent ces réactions. C'est pourquoi l'effet d'une mutation dépend beau- coup des autres gènes présents : la modification d'un gène peut être plus ou moins compensée ou renforcée par les autres gènes.

2. Polygénie. — Lorsque plusieurs gènes agissent de façon analogue dans la formation d'un caractère,

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on parle de gènes additifs ou polygènes. Par exemple, chez l'Homme, la différence de coloration de la peau entre la race noire et la race blanche est due à l'action conjuguée de 6 ou 7 loci. Les caractères déterminés par des polygènes sont tous ceux qui présentent une variabilité continue parce qu'il est impossible de distinguer les degrés de réalisation qui correspondent aux différentes combinaisons de gènes. La répartition de ce genre de caractère dans une population se traduit par une courbe de

Fig. 1. — Un exemple de variabilité continue : le nombre d'écailles de la ligne latérale chez un poisson, Coregonus lavaretus, du lac de Neuchâtel. E n abscisse, le nombre d'écailles ; en ordonnée, le nombre d ' individus (E. Dottrens, 1949).

distribution dite normale (courbe en cloche) (fig. 1) ou par une distribution de Poisson. La taille, les proportions, la coloration des animaux sont sous la dépendance de polygènes. D'ailleurs, l'observa- tion montre que pour ainsi dire tous les caractères

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à une vie active et à l'acquisition d'un comporte- ment de chasse, par exemple, mais en même temps elles contribuent à augmenter encore l'autonomie de l'animal ; par exemple, aux processus internes réglant la température du corps vient s'ajouter la possibilité de réagir volontairement contre le froid par le mouvement et par la recherche d'un milieu de température favorable.

L'action de la sélection permet de comprendre très bien l'évolution progressive : celle-ci a été possible parce que chacune de ses étapes présentait un certain avantage par rapport à la précédente : une régulation ou une coaptation physiologiques sont des avantages immédiats, au même titre que les rationalisations morphologiques. Mais la progression n'est pas obligatoire : des animaux moins perfec- tionnés ont pu subsister lorsqu'ils étaient à l 'abri de la concurrence, comme les Marsupiaux ont long- temps été à l'abri de la concurrence des Mammifères euthériens en Australie et en Amérique du Sud ; à partir d'un certain degré de différence, il ne peut plus y avoir de compétition écologique, et c'est ainsi qu'on trouve actuellement des êtres de niveaux évolutifs très divers, de la Bactérie à l'Homme, dans des rôles écologiques tout à fait différents et d'une infinie diversité.

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CHAPITRE XIV

ÉVOLUTION DE LA SÉLECTION

I. — Gaspillage et sélection

Les animaux les moins évolués de chaque embran- chement, et surtout les animaux aquatiques, pro- duisent en général des milliers ou même des millions d'oeufs qui commencent à se développer, mais dont deux seulement par couple, en moyenne, atteignent l'âge de la reproduction. Dans tous les embranche- ments on constate une tendance évolutive à la diminution du nombre initial de descendants, et les animaux les plus hautement organisés ne donnent naissance qu'à un petit nombre de jeunes, parfois à un seul par an ou moins encore.

Chez les animaux à ponte massive, l'énorme mor- talité pendant le développement est en grande partie indépendante des caractères génétiques : les innombrables œufs flottants de poissons et les jeunes alevins qui font partie du plancton sont dévorés en masse par les espèces planctonophages ; les pontes de Batraciens périssent fréquemment par assèchement, etc. Ce sont là des facteurs d'élimi- nation démesurés, devant lesquels les différences individuelles ne jouent aucun rôle, il ne s'agit pas de sélection mais de gaspillage. La sélection des caractères génétiques utiles ne se fait que sur le nombre réduit de survivants qui échappent à ces

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événements sans portée sélective. A cause du gas- pillage, cette sélection manque de précision : la valeur adaptative d'un génotype ne peut être éva- luée que sur la base d'un très grand échantillon, on parle de sélection de masse. On peut considérer que le gaspillage est à la sélection ce que le bruit est à l'information.

II. — Protection mécanique

Lorsque les œufs sont pourvus d'une abondante réserve nutritive, les jeunes éclosent à un stade de développement plus avancé où ils sont moins exposés. Le gaspillage des stades précoces est dimi- nué en conséquence, à condition que les œufs soient en même temps protégés par une coque résistante ou qu'ils soient incubés par la mère. Mais les œufs pondus sont d'autant moins nombreux qu'ils sont plus gros : ce qui limite l'abondance de la ponte, c'est la quantité de matière nutritive de réserve que l'organisme maternel est capable de produire. D'autre part, ce sont souvent les stades larvaires précoces qui sont les plus mobiles et leur existence peut être nécessaire à la survie de l'espèce, dont ils assurent la dispersion (larves planctoniques des ani- maux fixés).

La dimension des œufs est sous la dépendance de facteurs génétiques, eux-mêmes sujets à sélection : on a montré que chez les Lézards, dans les régions à forte mortalité adulte, la sélection favorise les pontes nombreuses qui permettent de remplir rapi- dement les places vacantes, tandis que dans les régions sans prédateurs (certaines îles, par exemple), la faible mortalité des adultes avantage les gros nouveaux-nés, c'est-à-dire les nichées de peu d'indi- vidus. Chaque espèce, et même chaque population,

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tend à s'adapter, dans la mesure de ses moyens, au taux de mortalité et au degré de dispersion que ses conditions d'existence lui imposent.

Lorsque le gaspillage ne peut pas être évité, une grande prolificité est de rigueur, comme c'est le cas pour de nombreux parasites dont les chances de trouver un hôte adéquat sont extrêmement minces Chez les animaux non parasites, l'évolution se fait en général dans le sens d'une diminution du nombre initial de descendants, compensée par des dispositifs de protection de plus en plus perfec- tionnés. Le passage de la vie aquatique à la vie terrestre implique déjà, nécessairement, une cer- taine protection des œufs contre la dessiccation et cette protection joue aussi contre les autres facteurs de destruction.

III. — Comportements anti-gaspillage

A cette protection purement mécanique vient s'ajouter, chez les Vertébrés, la sécurité due à des comportements adaptatifs nouveaux : nidification, surveillance et protection active des œufs et des jeunes, nourrissage, etc. Les animaux supérieurs éta- blissent fréquemment des territoires de nidification : avant chaque époque annuelle de reproduction, les mâles se disputent le terrain disponible et s'attri- buent des territoires qu'ils défendent contre les autres mâles. Chaque territoire est suffisant pour fournir les ressources alimentaires nécessaires à une nichée de l'espèce. Les individus qui ne réussissent pas à conquérir un territoire ne se reproduisent pas cette année-là ; de cette façon, la sélection par concurrence a lieu entre adultes et avant la repro- duction. Les jeunes qui naissent ensuite ne sont pas en nombre excessif et sont à peu près assurés

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d'une nourriture suffisante ; le gaspillage qui résul- terait d'une famine générale est ainsi évité. Chez les plus évolués, les jeunes sont ainsi amenés jus- qu'au seuil de la vie adulte avec un minimum de pertes, tandis que la sélection a lieu entre adultes.

De plus, les combats entre individus de même espèce sont rarement meurtriers chez les animaux

Fig. 19. — Combat ent re deux mâles de Varan (Hediger, 1962)

supérieurs : le plus faible abandonne la partie dès qu'il est convaincu de son infériorité. D'ailleurs, ces combats sont souvent des luttes formelles qui permettent aux adversaires de mesurer leur force sans employer leurs armes les plus dangereuses : les serpents n'utilisent pas leur venin contre un congénère, les animaux à cornes luttent front contre front et ne cherchent pas à s'éventrer. Chez les carnassiers, qui se bat tent sauvagement, le vaincu adopte une attitude de soumission qui calme immé- diatement le vainqueur et met fin au combat. Cette formalisation des combats entre congénères évite d'éliminer définitivement des individus qui peuvent être parfaitement viables mais encore jeunes ou provisoirement handicapés. Ce n'est que récem-

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ment que l'on a analysé ces comportements et qu'on a compris l'avantage qu'ils présentent pour l'espèce. Il est possible qu'on découvre d'autres dispositifs éthologiques de perfectionnement de la sélection.

IV. — Importance du degré d'organisation

Il est bien évident que ces comportements complexes, qui sont coordonnés avec les fonctions reproductrices et qui nécessitent des fonctions de relation très élaborées, ne peuvent exister que chez des animaux dont les systèmes nerveux et endo- crinien sont hautement organisés. Cette condition étant remplie, les facteurs génétiques qui déter- minent les comportements les plus opportuns devaient nécessairement être favorisés.

Il apparaît donc que l'action de la sélection devait inévitablement modifier à la longue les modalités mêmes de la sélection, en éliminant peu à peu les événements dus au simple hasard, pour la rendre de plus en plus précise et efficace. La sélection de masse est remplacée par une sélection individuelle. Cela ne signifie pas qu'elle devienne un tri rigou- reux, comparable à une sélection artificielle, mais elle est de plus en plus précise en ceci que les fré- quences relatives des descendants, déterminées par leur valeur adaptative, peuvent être prédites pour des échantillons de plus en plus petits.

Là comme ailleurs se manifeste la principale pro- priété de la vie, qui est de surmonter le désordre.

V. — Évolution de l'adaptabilité

Le résultat immédiat de la sélection naturelle est d'adapter la population aux conditions qui ont déterminé cette sélection. Chaque modification du

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milieu rend cette adaptation caduque ou insuffi- sante et en exige une nouvelle. Nous avons vu (p. 41) que la sélection, dans des circonstances changeantes, peut être fort dispendieuse si les génotypes préadap- tés aux nouvelles conditions sont rares. Or, toute l'évolution est faite d'une succession d'adaptations à des changements ; elle est donc influencée, facilitée, par tout ce qui peut assouplir le mécanisme de l'adaptation, soit sur le plan génétique, collectif, soit sur le plan individuel.

Les dispositifs génétiques décrits au chapitre V, tels que la polygénie, l'hétérosis, permettent des changements adaptatifs rapides de la fréquence relative de certains caractères. Leur accumulation donne des populations très polyvalentes et écolo- giquement adaptables, comme celles de Drosophila willistoni (p. 66).

Dans la série animale, l'adaptabilité individuelle augmente avec le degré d'organisation : l'autonomie physiologique, la complexité et la richesse des fonctions de relation, la faculté, aussi, d'apprendre par expérience, permettent de faire face à des situations très diverses et permettent aussi les innovations éthologiques (essais de changement de nourriture, exploration de nouveaux biotopes) qui peuvent amorcer un nouveau processus évolutif.

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CONCLUSION

Depuis l'époque de Darwin, qui comprit le pre- mier le rôle de la sélection naturelle, la génétique mendélienne a découvert dans les mutations l'origine des petites variations héréditaires que postulait Darwin, mais dont il ne pouvait préciser la nature. La génétique des populations commence à éclaircir les rapports entre les deux phénomènes en montrant que la modification possible, par mutation, de cha- que particule du matériel génétique, de chaque élément d'information dont il est porteur, fournit aux espèces vivantes leurs potentialités évolutives immédiates, tandis que la direction de l'évolution dépend de la sélection naturelle.

Celle-ci est un phénomène complexe. C'est elle qui, grâce à la reproduction sexuée biparentale, accumule ces potentialités dans le fonds génétique des populations sauvages, diversifie l'espèce, amène sa subdivision en espèces filles et guide, en somme, toute l'évolution par adaptation à des nécessités biologiques et écologiques préexistantes. Le terme de « sélection » est d'ailleurs mal choisi pour désigner cette faculté d'autoadaptation active : ce n'est pas un choix raisonné exercé de l'extérieur sur un matériel passif ; au contraire, toute son opération est conditionnée par les propriétés inhérentes aux organismes, les lois de la génétique et celles de la physiologie. C'est pourquoi la réponse adaptative est spécifique, déterminée par le niveau d'organi-

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sation et les caractéristiques de chaque espèce vivante. Les transformations évolutives des orga- nismes entraînent des changements correspondants des modalités et des conséquences de la sélection : l'évolution affecte donc les mécanismes de l'évolution elle-même.

Du fait de la sélection naturelle qui est la conser- vation et l'accumulation d'événements peu pro- bables, l'évolution de la matière vivante est un pro- cessus qui se déroule en sens contraire de l'habituelle dégradation de l'information, qui caractérise les évé- nements du monde inanimé. Elle devait inévita- blement, à force de perfectionnements organiques, aboutir à des êtres de plus en plus autonomes et individuellement adaptables, dont l'Homme repré- sente actuellement le plus haut degré.

Les résultats obtenus jusqu'à présent par la génétique des populations sont très encourageants et montrent que cette discipline a le mérite d'atta- quer le problème de l'évolution sous l'angle le plus favorable. Pour le moment, les représentations du processus de sélection sont encore simplistes, car l'étude des relations entre l'espèce vivante et le milieu environnant, soit l'écologie, n'est pas encore très avancée. Le milieu n'est pas inerte mais comprend une quantité d'espèces vivantes qui réa- gissent les unes sur les autres, si bien que ce sont en réalité, dans la nature, les biocoénoses entières qui évoluent. C'est donc des progrès de l'écologie globale, ainsi que d'une analyse plus nuancée des actions de la sélection naturelle, que dépendent les progrès à réaliser dans l'avenir.

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B I B L I O G R A P H I E S O M M A I R E

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