la fonction venimeuse et les venins

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La fonction venimeuse et les venins Jacqueline Heurtault’*, Max Goyffon*, Roland Stockmann Les venins jouent un role dans la neutralisation d’une proie ou d’un ennemi, ils sont done lies aux fonctions de nutrition et de relation mais aussi a d’autres fonctions vitales. La diversite est remarquable tant dans la realisation des appareils producteurs et vul- n&ants que dans le comporte- ment des animaux, le mode d’action des venins et leur composition : enzymes, amines biogenes, neurotoxines au mode d’action g&-kale- ment presynaptique, plus rare- ment postsynaptique, pro- teines d’action allergisante et autres proteines a effet physiologique original comme le NGF (nerve growth factor), peptides dont certains de petite taille aux effets varies et mCme analogues structuraux de toxines apparemment depourvus de toxicite. 1 Laboratoire de zoologie, Arthropodes, Mu&urn national d’histoire naturelle. * Lerai, laboratoire de zoologie, Arthropodes, Mu&urn national d’histoire naturelle, 57, rue Cuvier, 75005 Paris, France. 3 UFR sciences de la vie, Paris-VI, France. L es hommes ont probable- ment appris tres tot a recon- naitre et observer les ani- maux, les plantes qui pou- vaient presenter un interet ou un danger pour eux [381. Les serpents sont deja represent& dans la grotte de Lortet par l’homme prehisto- rique. La deesse-serpent Ouadzet est l’une des premieres divinites de la Basse Egypte ; le c( mur aux Cobras )) construit vers -2 700 a Saqqarah par Imhotep, medecin et architecte du pharaon Djoser, et le serpent utilise comme signe hiero- glyphe (parfois coupe en deux pour le rendre inoffensif) attestent de cette antique fascination. Des tablettes sumeriennes de la fin du troisieme millenaire font etat de l’utilisation, en therapeutique, d’ecailles de serpents. Les mor- sures d’animaux venimeux sont relatees par les papyrus egyptiens (entre -1550 et -1200). Le medecin egyptien, qualifie de <( maitre des scorpions )>, utilise dans sa phar- macopee l’infusion de scorpion et la graisse de vipere. Les tablettes babyloniennes de Constantinople decrivent le Shimmatu ou enveni- mation scorpionique et les Assy- riens utilisent deja la cantharide, tandis que les medecines orientales de Hnde et de la Chine preconi- sent, a dose homeopathique, le venin de crapaud. L’epoque helle- niste n’est pas en reste. Aristote, (384-322 av. J.C.) dans son histoire des animaux, decrit la biologie de l’abeille et sa piqure et donne cin- quante references concernant les arachnides : scorpions, pseudos- corpions, acariens et araignees. Aristote et Pline evoquent les piqures des <c scorpions marins H (pastenagues), des c( dragons marins )F(vives). Nicandre de Colo- phon (275-130 av. J.C.) en Lydie, ecrit deux ouvrages de pharmaco- logic Theriuca et Alexipharmaca trai- tant des intoxications animales et vegetales. Celse, au Ier siecle, decrit plantes et animaux venimeux, et Dioscorides Pedanius (40 a 90 ap. J.C.), au service de N&on, dans Liber de Venenis, reprend le contenu des manuscrits egyptiens et adapte le trait6 de Nicandre dont l’ensei- gnement sera poursuivi pendant toute la periode medievale. Pline l’Ancien (23 a 79 ap. J.C.), pendant les premieres an&es de l’ere chre- tienne, redige une encyclopedic dans laquelle il relate les pratiques utilisees contre les piqtires de scor- pions, les unes relevant de la pure credulite (enfouissement de figu- rines, presence de cadavres de scor- pions dans les maisons et prieres) les autres relevant dune veritable prophylaxie (surelevation et pro- tection des lits avec de l’ail ou des epines). Galien (131 a 201 ap. J.C.) medecin celebre sous le regne de Marc Aurele, traite egalement des animaux venimeux (Facultks natu- relles et De theriuca ad Poisonen) recommandant la cauterisation apres morsure. Oribasius (325403) et Aetius (480-556) de l’ere chre- tienne, commentent la medecine galenique sur les envenimations ; Paul d’Egine (625-690) suit les ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR / actualit& (1999) 10, 1,147-160 0 Elsevier, Paris 147

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Page 1: La fonction venimeuse et les venins

La fonction venimeuse et les venins

Jacqueline Heurtault’*, Max Goyffon*, Roland Stockmann

Les venins jouent un role dans la neutralisation d’une proie ou d’un ennemi, ils sont done lies aux fonctions de nutrition et de relation mais aussi a d’autres fonctions vitales. La diversite est remarquable tant dans la realisation des appareils producteurs et vul- n&ants que dans le comporte- ment des animaux, le mode d’action des venins et leur composition : enzymes, amines biogenes, neurotoxines au mode d’action g&-kale- ment presynaptique, plus rare- ment postsynaptique, pro- teines d’action allergisante et autres proteines a effet physiologique original comme le NGF (nerve growth factor), peptides dont certains de petite taille aux effets varies et mCme analogues structuraux de toxines apparemment depourvus de toxicite.

1 Laboratoire de zoologie, Arthropodes, Mu&urn national d’histoire naturelle. * Lerai, laboratoire de zoologie, Arthropodes, Mu&urn national d’histoire naturelle, 57, rue Cuvier, 75005 Paris, France. 3 UFR sciences de la vie, Paris-VI, France.

L es hommes ont probable- ment appris tres tot a recon- naitre et observer les ani- maux, les plantes qui pou-

vaient presenter un interet ou un danger pour eux [381. Les serpents sont deja represent& dans la grotte de Lortet par l’homme prehisto- rique. La deesse-serpent Ouadzet est l’une des premieres divinites de la Basse Egypte ; le c( mur aux Cobras )) construit vers -2 700 a Saqqarah par Imhotep, medecin et architecte du pharaon Djoser, et le serpent utilise comme signe hiero- glyphe (parfois coupe en deux pour le rendre inoffensif) attestent de cette antique fascination. Des tablettes sumeriennes de la fin du troisieme millenaire font etat de l’utilisation, en therapeutique, d’ecailles de serpents. Les mor- sures d’animaux venimeux sont relatees par les papyrus egyptiens (entre -1550 et -1200). Le medecin egyptien, qualifie de <( maitre des scorpions )>, utilise dans sa phar- macopee l’infusion de scorpion et la graisse de vipere. Les tablettes babyloniennes de Constantinople decrivent le Shimmatu ou enveni- mation scorpionique et les Assy- riens utilisent deja la cantharide, tandis que les medecines orientales de Hnde et de la Chine preconi- sent, a dose homeopathique, le venin de crapaud. L’epoque helle- niste n’est pas en reste. Aristote, (384-322 av. J.C.) dans son histoire des animaux, decrit la biologie de l’abeille et sa piqure et donne cin- quante references concernant les

arachnides : scorpions, pseudos- corpions, acariens et araignees. Aristote et Pline evoquent les piqures des <c scorpions marins H (pastenagues), des c( dragons marins )F (vives). Nicandre de Colo- phon (275-130 av. J.C.) en Lydie, ecrit deux ouvrages de pharmaco- logic Theriuca et Alexipharmaca trai- tant des intoxications animales et vegetales. Celse, au Ier siecle, decrit plantes et animaux venimeux, et Dioscorides Pedanius (40 a 90 ap. J.C.), au service de N&on, dans Liber de Venenis, reprend le contenu des manuscrits egyptiens et adapte le trait6 de Nicandre dont l’ensei- gnement sera poursuivi pendant toute la periode medievale. Pline l’Ancien (23 a 79 ap. J.C.), pendant les premieres an&es de l’ere chre- tienne, redige une encyclopedic dans laquelle il relate les pratiques utilisees contre les piqtires de scor- pions, les unes relevant de la pure credulite (enfouissement de figu- rines, presence de cadavres de scor- pions dans les maisons et prieres) les autres relevant dune veritable prophylaxie (surelevation et pro- tection des lits avec de l’ail ou des epines). Galien (131 a 201 ap. J.C.) medecin celebre sous le regne de Marc Aurele, traite egalement des animaux venimeux (Facultks natu- relles et De theriuca ad Poisonen) recommandant la cauterisation apres morsure. Oribasius (325403) et Aetius (480-556) de l’ere chre- tienne, commentent la medecine galenique sur les envenimations ; Paul d’Egine (625-690) suit les

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principes de Nicandre. La medeci- ne islamique, avec RhazPs (860-923) et Avicenne (980-1037) s’interesse egalement aux animaux venimeux. Au XIIe siecle, Nicolas de Salerne fonde son &Cole et publie Anfidofarium. Le Moyen Age fait une place importante a l’esoteris- me : la chair, le foie de vipere, la graisse de crapaud, les sangsues et la cantharide sont largement utili- ses. Albert le Grand et Vincent de Beauvais assimilent la vive a un monstrueux dragon aux dents venimeuses. En 1198, Ma’imonide, medecin juif du sultan Saladin ecrit un ouvrage sur Les poisons et les antidotes oh l’envenimation ophi- dienne est traitee. Plus tard Ambroise Pare (1510-1590) publie un livre illustre sur les animaux venimeux et Grevin (1538-1570) publie en 1568 un ouvrage verna- culaire Deux livres SUY les venins oti il aborde les poissons et autres ani- maux marins venimeux. En 1614, Aldovrandi nie le caractere veni- meux des poissons. En 1664, Fran- cesco Redi (1621-1697), philo- sophe, medecin et poete, fondateur de la toxinologie, ecrit De Venenis Animalibus ; il y decrit l’appareil venimeux de la viper-e et du scor- pion et refute les fables circulant a leur sujet ; il injecte des venins sous la peau et note leurs effets caracte- ristiques. 11 est malheureusement combattu par Moi’se Charras (1619-1698), apothicaire du due d’orleans et professeur de chimie au Jardin royal de Paris, auteur d’un trait4 sur la theriaque. Lacepe- de, Cuvier, Valenciennes nient ega- lement la venimosite des poissons. Le XVIIIe siecle est marque par les recherches d’un Italien, Felice Fon- tana (1720-1805) qui fonde les bases de la toxicologic systema- tique et redige un trait4 remar- quable sur le venin de la vipere et d’un americain John Hunter (1728-1793). En 1789, M. Amoreux publie Notice des insecfes de la Fran- ce rkpuft% venimeux ou les Arach- nides sont trait&. En 1839, Allman decrit l’appareil venimeux de la vive, d’autres ktudes montrent qu’il existe be1 et bien des poissons

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venimeux. En France, le prince Lucien Bonaparte (1775-1845), frere de Napoleon, publie en 1843 Analyse du venin de viphe et dkou- verfe de la vipkrine. La fin du XIXe siecle et le debut du XXe siecle sont alors marques par un foisonnement de travaux sur les animaux veni- meux dont beaucoup jettent les bases de l’immunologie actuelle. 11 faut relever, aux Etats-Unis, les noms de S.W. Mitchell (1829-1914) qui en 1860 soumettait un venin de crotale a une filtration a travers une membrane semi-permeable et iso- lait la crotaline, et de J. Fayrer (1824-1907) pour les serpents. En 1893 Martin &pare le venin d’un serpent australien en deux frac- tions, une fraction produit des hemorragies, l’autre bloque la res- piration. H. Sewall immunise un pigeon contre le venin de crotale ; T. Fraser obtient en 1895 un immunserum ; en France, Portier (1866-1962) et Richet (1850-1935) decouvrent l’anaphylaxie (1904- 1911) en travaillant sur les actinies. A. Calmette (1863-1933), sur le venin de cobra, et C. Phisalix asso- tie a G. Bertrand, sur le venin de la vipPre aspic, decouvrent simulta- nementt (1894) la serotherapie anti- venimeuse, cependant que M. Arthus (1862-1945) decouvre le phenomene d’anaphylaxie locale et l? Ehrlich (1854-1895), les anticorps antimicrobiens en Allemagne. Un grand nombre de travaux sur les venins sont dus a cette epoque 2 C&aire et M. Phisalix. Cette dernie- re mene a bien l’ceuvre entreprise avec son mari mort prematurement et publie, en 1922, une synthese en deux volumes sur les animaux venimeux et leurs venins : Anato- mie comparee des appareils veni- meux, physiologie, pathologie, composition des venins, immunite. En Amerique du Sud, V. Brazil (1865-1946), specialiste des ser- pents fonde l’Institut Butantan a Sao Paulo ; en 1933, Bogen decrit l’arachnidisme a partir des ani- maux venimeux d’Amerique du Sud ; J. Vellard publie en 1936 Le venin des araignkes qui est un travail historique, systematique et medical

issu lui aussi de l’mstitut de Sao Paulo. Plus pres de nous, en 1951, Watson et Crick utilisent un enzy- me de serpent pour elucider la structure des acides nucleiques. En 1959, Porath et Flodin decouvrent un procede (la chromatographie sur colonne) qui permet de @parer les proteines en fonction de leur taille. Les annees 1960 voient les travaux simultanes sur les serpents d’Eaker, Karlsson et Porath en Suede, Lee et Chang a Taiwan, Tamiya au Japon, qui aboutissent a l’isolement des toxines curari- santes. L’avenement de la biologie moleculaire, la connaissance de plus en plus poussee du neurone, vont alors debaucher sur les tra- vaux actuels men& dans de nom- breux pays. L&ape d’analyse se complete actuellement d’une etape de synthese : on sait fabriquer des toxines detoxifiees, des analogues ; on aborde l’ere des vaccins de syn- these et les venins, utilises comme outils moleculaires ouvrent de plus en plus de perspectives pour resoudre de nombreux problemes biologiques.

1. h propos de quelques dkfinitions [38] Beaucoup d’organismes vivants, procaryotes (batteries) ou euca- ryotes (animaux et vegetaux) sont capables d’elaborer des substances toxiques. Les especes toxiques sont venimeuses si l’effet du poison se manifeste par inoculation, ou veneneuses s’il se manifeste apres ingestion. Cependant, les sub- stances dites veneneuses car issues d’animaux v&reneux peuvent etre toxiques par injection, signalons & titre d’exemple, le cas de la tetrodo- toxine, alcalo’ide isole a partir de poissons veneneux et retrouve dans la glande a venin d’un mollusque cephalopode. Seront egalement dits veneneux les animaux dont non seulement l’ingestion mais aussi le contact avec leur milieu interieur (sang ou tissus) declenche des reac- tions nocives (Poisson-globe, anguille, papillons...). I1 est aussi convenu en biologie d’appeler

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venin, des poisons d’origine ani- male representant des armes d’at- taque ou de defense envers un ani- mal d’une autre espece ou envers l’homme. Ces venins sont soit inject&, soit projetes sur un preda- teur potentiel ou une proie en vue de la paralyser ou de la tuer, soit excretes a la surface du tegument, soit contenus dans les milieux inte- rieurs ou les tissus des animaux ; on distinguera des animaux veni- meux actifs capables d’injecter leur venin, ou du moms ayant un com- portement offensif (scorpions, ser- pents...) et des animaux venimeux passifs dont le venin n’est utilise qu’a des fins defensives (batra- ciens, diplopodes...). Les venins qu’ils soient d’animaux actifs ou passifs sont le plus sou- vent des substances complexes for- mees par secretion. On peut en extraire des toxines (du grec toxicon = (c poison pour fleche >x), c’est-a- dire des especes chimiques bien definies, a effet physiologique nocif plus ou moins specifique, et d’autres substances : enzymes, acides amines libres, facteurs de croissance, etc. Un venin peut contenir plusieurs toxines, plu- sieurs enzymes, etc. Par ailleurs, il faut rappeler qu’il existe chez les Procaryotes (batteries), chez les champignons (moisissures), les protistes vf?getaux et les vegetaux pluricellulaires de tres nombreuses toxines (toxines bacteriennes, alca- loides, glucosides, saponines.. .) et parfois m@me de veritables venins (Euphorbiacees, Urticacees). Cer- taines de ces substances sont utili- sees par les animaux, pour leur protection. Les venins se situent done dans un vaste ensemble de substances pro- duites par les etres vivants et inter- venant dans les relations entre ani- maux : ces substances sont dites semeiochimiques Le venin est d’origine endogene quand il est secrete par l’animal lui-m@me dans des glandes specia- Ii&es. Par contre, on parlera de venins ou de substances toxiques d’origine exogene si ces substances ne sont pas produites par les ani-

maux eux-memes mais empruntees soit a des batteries, a des algues unicellulaires, a des vegetaux, ou m@me a d’autres animaux. La loca- lisation tissulaire des substances toxiques est tres variable, elles peu- vent @tre soit contenues dans l’en- semble des tissus soit restreintes a quelques parties (tetrodotoxine localisee dans la peau ou les visceres des poissons Tetraodonti- dae). 11 semble evident que les venins et les substances defensives (dont la limite est souvent floue) procurent un avantage adaptatif aux orga- nismes qui les produisent.

2. Prbsentation et repartition des animaux venimeux Les venins se rencontrent dans tous les embranchements du regne ani- mal, que ce soit chez les protistes, les invertebres marins ou terrestres ou les vertebres. Dans chaque groupe, la proportion d’especes entrainant des problemes en toxi- cologie humaine (par rapport au nombre d’especes connues) est en general faible, sauf chez les ser- pents. Cnidaires 60/10 000 Mollusques 20/50000~70000 Poissons 500/25000a26000 Araignees 200/30000B35000 Acariens quelques especes /

50 000 2160 000 Scorpions Insectes

20/14OOa1500 nombreuses

espPces/ 1 000 000 Serpents 400 B 700/2700 Mammiferes 4 ou 5/3700 Oiseaux 3/5600 Le tableau I dresse la liste des prin- cipaux animaux venimeux et v&e- neux repertories ; nous avons choi- si de les presenter selon le mode d’envenimation, en suivant dans chaque rubrique, l’ordre systema- tique. C’est dans la zone intertropicale et dans les zones temperees chaudes que les animaux venimeux sont les plus couramment repandus. Le nombre d’animaux venimeux diminue a partir des zones intertro-

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picales vers le nord et vers le sud. Cette distribution peut avoir plu- sieurs causes, parmi celles-ci citons une cause paleogeographique (l’origine de certains groupes se situe dans ces zones) ou plus sim- plement une cause climatique. Dans l’embranchement des Cni- daires 1101, les quatre classes sont toutes porteuses de cnidocytes ou cellules urticantes. Les Cubome- duses (Cubozoa) responsables du syndrome d’h-ukandji 191 peuplent les &es d’Australie et des Philip- pines, ce sont les plus dangereuses pour l’homme. Les Zoanthaires (Cnidaires represent& uniquement par la forme polype) sont colo- niaux : certains Palythoa tropicaux forment des colonies de plusieurs metres car& aux Caraibes ; I’espe- ce I? vestitus des iles Hawaii appe- lee localement l’herbe de mort est encore utilisee pour la chasse. Les Siphonophores sont des colonies d’hydrozoaires flottantes remar- quables par le flotteur qui resulte d’un individu transform6 et qui Ieur a valu le nom de << gal&e por- tugaise j) : citons Physalia physalis dans l’Atlantique tropical et tempe- re et P utriculus dans l’Indo-Paci- fique tropical. Le genre Conus (mol- lusque Gasteropode) dont les especes chassent a l’aide d’une dent radulaire modifiee, harpon en relation avec une glande h venin, est essentiellement present dans les eaux peu profondes de l’Indo-Paci- fique [331. Les oursins reguliers qui peuplent les milieux tropical et subtropical sont responsables de la plupart des accidents dus aux Echi- nodermes. Halstead (1965) relate que certains Annelides polychetes de la famille des Amphinomidae, capables d’infliger des piqures douloureuses par les soies, vivent dans les eaux tropicales et austra- liennes. Les insectes Hymenopteres Acu- leates [71 (veritable aiguillon asso- tie a une glande a venin) compren- nent trois superfamilIes dont deux sont bien connues, les Vespoidea (guepes et fourmis) et les Apoidea (les Sphecidae, insectes solitaires dont les ad&es sont floricoles et

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dont les larves carnivores se nour- rissent d’insectes ou d’araignees paralysees, et les Apidae composes soit d’especes solitaires et d’in- sectes sociaux, soit d’especes tomes sociales dans les sous-familles Api- nae et Bombinae). Les Bombinae (bourdons) sont des pollinisateurs importants, les Apinae (abeilles) comprennent des especes tropi- tales non piqueuses et les especes domestiques au nombre de quatre : Apis mellifera cosmopolite, A. floreu, A. cerana et A. dorsata asiaticus. Chez tous les Apidae, la fonction venimeuse est defensive. Certaines

sous-especes d’abeilles ont ete exportees, ainsi A. mellifera adanso- ni, originaire du centre de l’Afrique a ete exportee au Bresil en 1956. Cette sous-espece ma1 controlee s’est hybridee avec A. m. ligustica importee d’Europe quelques annees auparavant. Les hybrides sont des populations tres agres- sives appelees abusivement << abeilles tueuses D. Les Vespoidea comprennent 12 familles dont 9 europeennes. Les larves sont majo- ritairement carnivores. Parmi les 12 familles, citons les Pompilidae, chas- seurs d’araignees vraies et de

mygales, habitant les regions tropi- tales d’Amerique du Sud. Chez les Formicidae, qui comprennent 11 sous-familles actuelles, les femelles possedent un appareil venimeux complet, plus ou moins developpe, parfois transform& en general dbfensif. Certaines espitces mor- dent. Les morsures des especes europeennes sont seulement desa- greables, celles des especes tropi- tales peuvent etre beaucoup plus graves. 11 existe aussi des especes qui piquent et mordent, injectant un venin, c’est le cas des ponerines. Les Vespidae sont des guepes

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presque toutes sociales : les larves sont carnivores, les adultes se nour- rissent de liquides sucres, captu- rent des insectes pour nourrir les larves ; les Vespidae se composent de plusieurs sous-familles dont les Polistinae : certaines tribus de ces societes de guepes sociales vivent dans les regions chaudes du globe, elles ont souvent un cycle plurian- nuel alors que le cycle des Polistinae de regions temperees est toujours annuel. Toujours chez les Hyme- nopteres Vespidae, les Vespinae (guepes et frelons) sont toutes sociales et leurs societes sont annuelles et monogynes ; le genre Vespa a trois especes nocturnes en Malaisie, trois autres diurnes peu- plent l’Asie du S.E. et l’hemisphere nord. Dans le genre Vespa, V. crabro (frelon) est plutot europeenne, V orien talis , un peu moins, et V. mandarinia represente un fleau au Japon. Dans le genre Vespula (guepes) les especes qui ont sou- vent des nids souterrains sont fre- quentes en Europe ; les nids des especes de Dolichovespula sont en general aeriens. Quelques Hemi- p&es hematophages comme les Triatoma d’Am&ique du Sud sont les vecteurs de la maladie de Cha- gas ; des Triatoma existent dans d’autres regions tropicales mais sont sans impact sur la Sante humaine. Outre les insectes, les Arthropodes se signalent par divers ordres a especes venimeuses plus ou moins dangereuses. Tous les scorpions 1371 possedent une glande a venin plus ou moins efficace. Les scor- pions Buthides sont tous potentiel- lement dangereux ; Tityus, Centru- roides et Rhopalurus peuplent le continent americain, Androctonus, &thus et Leiurus, l’Afrique du Nord, Parabuthus, 1’Afrique du Sud, Mesobuthus, 1’Asie. La moitie des familles de Pseudoscorpions sont venimeuses pour leurs proies mais inoffensives pour l’homme. Le loxoscelisme ou l’envenimation par des araignees [191 du genre Loxosceles semble uniquement du a Loxosceles reclusa (brown recluse spi- der) sur le territoire nord-americain

et B Loxosceles laeta sur le territoire sud-americain. D’autres especes, en particulier Loxosceles rufescens cosmopolite, peuvent provoquer des lesions cutanees mais ne sont pas responsables d’envenimations graves. Le latrodectisme est l’enve- nimation due aux latrodectes (The- ridiidae), cette envenimation varie avec les especes. La litterature concernant ces araignees d’impor- tance medicale est enorme et bien evidemment on comprendra que les resultats des travaux ne pour- ront @tre pris en consideration que si les identifications sont s&es ; Herbert Levi [23] a fait une mise au point de 24 annees de recherche sur les latrodectes oB il reconnait en particulier l’erreur faite d’avoir generalise la methode d’identifica- tion des araignees basee sur l’etude des appareils genitaux. L Lotz [24] a tenu compte de ces resultats dans une revision des latrodectes d’Afrique ; il reconnait huit especes en Afrique : L. geometricus, L. cinc- tus, L. indistinctus, L. karooensis, L. pallidus, L. renivulvatus, et L. tre- decimguttatus. Cinq de ces especes sont endemiques en Afrique, L. geo- metricus est une espece cosmopolite assez largement repartie, L. pallidus est signalee en Russie, Iran, Israel et Lybie. L. tredecimguttatus habite les pays mediterraneens, l’Arabie saoudite, l’Asie centrale et l’Ethio- pie. L. stuhlmanni est mise en syno- nymie avec L. cinctus et L. insertus avec L. renivulvatus. Rappelons que L. variolus existe dans 1’Est des Etats-Unis, L. hesperus, l’Ouest, et que L. bishopi est presente en Flori- de. L. mactans hasselti (the red-back spider appelee aussi katipo) est repandue de l’Inde a la Nouvelle Zelande et l’Australie ; recemment elle a et6 signalee au Japon (intro- duction ?). La densite des latro- dectes en un lieu varie beaucoup dune ark&e a l’autre. Parmi les autres araignees a eviter, Phoneutria nigriventer (Ctenidae neotropicale) a poils roux sur les cheliceres et Chei- racanthium sp. (Clubionidae des regions temperees) remarquables par leurs grandes cheliceres ; en Europe, Nuctenea umbratica cortici-

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cole mais vivant aussi dans les interstices de tout genre, Steatoda grossa et S. paykulliana, Achaearanea tepidariorum (Theridiidae) cosmopo- lite des maisons, Hogna (=Lycosa) radiata et H. (=Lycosa) tarentula peu- vent @tre cause d’arachnidisme ; Sicarius sp.(Sicariidae) communs en Afrique du Sud, en Namibie, sont des araignees potentiellement l&ales mais non agressives. Parmi les mygales 1201, Atrax robustus, habitant le Sud-Est australien est la seule mygale dont la morsure peut @tre mortelle pour l’homme. Les especes de Trechona (Dipluridae sud- americaines) sont craintes, et celles de Harpactirella (Barychelidae) d’Afrique du Sud, et de Idiommata (Barychelidae australiennes) sem- blent responsables d’accidents sans gravite. Les especes d’Actinopus, de Neocteniza (Amerique tropicale), de Missulena (Australie sud) mordent douloureusement. Les mygales Theraphosidae americaines ont une arme de dissuasion tres efficace constituee par des soies urticantes occupant une zone arrondie sur la moitie dorsale de l’abdomen. Ces soies se detachent quand la mygale frotte son dos avec sa quatrieme paire de pattes. Certains acariens (Pyemotes) ont une salive venimeu- se et peuvent provoquer des urti- caires geantes chez l’homme. Les animaux venimeux, qui sont surtout des predateurs, occupent des biotopes ou il y a souvent abon- dance de proies : strate arbustive et lit&e des forets, steppes ; dans les deserts oti les proies sont plus rares, les animaux venimeux com- pensent ce handicap par des strate- gies de chasse plus efficaces. Les vertebres marins sont represen- t& par de nombreux poissons mais aussi par quelques G serpents de mer )j, a toxicite tres elevee. La repartition des Blapides, serpents proteroglyphes [391 terrestres (cobras, mambas, bungares, ser- pents-corail et allies) couvre les regions tropicales, paleotropicales et australiennes de climat chaud. Les Blapides ont occupe tout le continent australien depourvu de Viperides et a Colubrides seule-

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ment presents dans la zone N/NE. Les serpents marins (Elapidae) se rencontrent dans les oceans Indien et Pacifique ; ils sont absents de l’Atlantique ; l’aire de repartition ne depasse pas la Coree au nord, la Tasmanie au sud. On considere que la repartition actuelle des serpents de mer est lice a des facteurs ecolo- giques : temperature, salinite, cou- rants, nourriture, vents... Les ser- pents Viperides solenoglyphes 1391 (appareil venimeux protractile) se subdivisent en Crotalines et Viperi- nes. Actuellement, les Crotalines occupent le Nouveau Monde et l‘Asie, et les Viperines l’Afrique, l’Asie et l’Europe. On constate sou- vent que la toxicite d’une espece de vipere varie en fonction de la tem- perature et depend des saisons. De nombreux genres de poissons Dasyutidue 1121 (raies a aiguillon) sont repandus dans les mers tropi- tales, les pastenagues et les trygons peuplent la Mediterranee, l’Atlan- tique et l’ocean Indien ; certaines especes vivent dans les eaux sau- matres et les eaux deuces : c’est le cas de Potumotrygon notoru ou c( raie de feu j). Plusieurs familles de pois- sons-chat sont venimeuses (epines des nageoires), elles vivent autant dans les eaux temperees que dans les eaux intertropicales. Comme certaines raies, des poissons-chat peuvent penetrer dans les eaux saumatres et les rivieres. La piqure des aiguillats (Squalide) des mers temperees peut-etre douloureuse. Les murenes mediterraneennes et atlantiques ont des glandes veni- meuses buccales ; elles mordent et injectent du venin. Les vives (nageoires dorsales venimeuses) vivent dans le sable pres des &es, printemps et etc. La plupart des Scorpuenidue (rascasses) qui vivent le long des &es de toutes les mers sont venimeuses ; deux genres sont particulierement dangereux, les poissons-Pierre ou synancees et les pterois (ou <q rascasses volantes )> des mers tropicales de l’ocean Indien et de l’ocean Pacifique). Les Chimeres, poissons des profon- deurs des differents oceans ont un aiguillon erectile a l’avant de la

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nageoire anterieure. Les Amphi- biens [22] venimeux dits passifs comprennent les Urodeles (sala- mandres et tritons), dans l’hemi- sphere nord et presents aussi en Amerique centrale et du Sud, mais absents en Australie et en Afrique sous-saharienne ; les Anoures (cra- pauds, grenouilles et rainettes) vivent dans toutes les regions du monde. Comme les serpents, ils peuvent etre arboricoles, terrestres, semi-aquatiques, aquatiques. Les Phyllobates (petits anoures vive- ment color&s de l’AmQique tropi- tale) comprennent cinq especes a eviter [35] : I? bicolor, I? uurotueniu, P. terribilis (du Choco en Colombie), l? Zugubris (Panama), P. vittatus (Costa-Rica). Un article de S. LM- ters et al. 1251 discute de l’aire de repartition des deux especes Phyllo-

bates bicolor et l? terribilis. Cette der- niere espece comprend une morphe turquoise c&me, colora- tion jusqu’alors inconnue. Les auteurs suggerent a partir de nou- veaux documents que les deux especes pourraient rep&enter les extremes d’une espece unique sui- vant une variation clinale nord- sud. En 1992, on a mis en evidence la presence d’homobatrachotoxine, poison neurotoxique et curarisant dans la peau et les plumes de trois especes de pitohuis, oiseaux de paradis originaires de la Papoua- sie-Nouvelle Guinee 1221. Deux familles de mammiferes [41] sont connues pour leur morsure veni- meuse, les Solenodontides et les Soricides. Les deux especes de Solenodontes considerees comme <c fossiles vivants >j ressemblent a d’enormes musaraignes pesant environ 1 kg ; elles sont strictement localisees a Cuba et Hispaniola et sont venimeuses par leurs glandes sous-maxillaires. Les musaraignes de la sous-famille des Soricines dite a dents rouges sont venimeuses egalement par leurs glandes sous- maxillaires ; elles comptent une centaine d’especes repandues en Eurasie, en Amerique du Nord et en Amerique centrale jusqu’en Equateur.

3. kologie Dans un reseau trophique, les ani- maux peuvent @tre a la fois proies, predateurs, competiteurs. Chaque role requiert une strategic particu- l&e. Les animaux venimeux peu- vent developper comme les autres des strategies non specifiques qui faciliteront leur predation ou leur defense [ill.

n 3.1. La fuite

C’est la strategic la plus courante.

n 3.2. Les colorations cryptiques

L’homochromie avec le substrat caracterise certaines araignees, des poissons (poissons-Pierre), des ser- pents (le vert de certaines especes se confond avec le feuillage, le mar- ron d’autres especes avec les branches, les couleurs uniformes d’autres especes avec le substrat de l’habitat environnant) ; l’homoty- pie ajoutee a l’homochromie peut accentuer le camouflage (serpent- liane : Ahuetulla) ; on a meme avan- ce que les dessins du serpent-corail pouvaient jouer un role cryptique par leur effet disruptif.

n 3.3. Les postures

Les postures d’intimidation visent a eloigner les agresseurs. 11 s’agit sou- vent de paraPtre plus gros : les cobras redressent le tiers anterieur du corps, les c&es cervicales ecartees simulant une coiffe plus ou moins grande suivant les especes ; l’attaque reelle est souvent precedee de quelques fausses attaques. D’autre serpents gonflent simplement leur corps d’air (boom- slang). Certains animaux pratiquent la thanatose ou mort apparente. C’est le cas du serpent a groin, de l’H&e- rodon, et de certains insectes. Par- fois l’immobilisation suffit a eloi- gner le predateur, le mouvement facilitant la perception visuelle. Une autre posture consiste pour certains serpents (le serpent-corail Micrurus par exemple) a se cacher la tete et a dresser la queue a la

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place. Si la face ventrale est vive- ment coloree, il s’agira dune pos- ture d’intimidation. Par contre, certaines strategies sont beaucoup plus specifiques aux ani- maux venimeux ou proteges par leur toxicite. Les colorations aver- tissantes ou differentes categories de mimetismes en sont des exemples.

H 3.4. Les signaux avertissants

De nombreux animaux venimeux et veneneux sont pourvus de signaux avertissants de G danger )). Les plus repandus font appel au sens visuel des predateurs poten- tiels grace a des couleurs avertis- santes dites aposematiques. Ce sont des taches ou des alternances d’anneaux color& de couleurs tranchees, par exemple : rouge et noir, jaune et noir, voire ces trois couleurs A la fois. Les serpents, les batraciens, les poissons, les insectes, quelques myriapodes, quelques araignees presentent ces colorations qui sont soit d’origine pigmentaire, soit d’origine phy- sique. D’autres signaux, par exemple des signaux sonores, sont utilises par les animaux venimeux. Les vibra- tions de la sonnette des crotales, les stridulations peuvent @tre inter- p&tees comme signaux avertis- sants.

n 3.5. MimCtisme et venins

cc Le mimetisme existe lorsqu’un organisme (le mime) simule des signaux d’un deuxieme organisme vivant (le modele) de telle facon qu’ils soient percus par un troisie- me organisme (l’operateur) et que le mime en tire un avantage pour sa protection, sa nourriture ou son comportement sexuel H (Robertson, 1980). 11 y aurait confusion par l’operateur, c’est-a-dire le preda- teur, entre le mime et son modele. Certaines categories de mimetisme sont directement likes a la toxicite du modele, voire du mime, envers l’operateur. En terme de predation, le m@me signal d’avertissement uti- lise par les modeles et par leurs

mimes procure un avantage aux deux puisque la pression selective s’exerce a l’ensemble des especes mimetiques.

4. Le comportement des ani- maux venimeux La proportion d’animaux veni- meux dans chaque groupe zoolo- gique varie selon le groupe concer- ne (100 % chez les scorpions, les cnidaires, 99 % chez les araignees, voisin de 0 % chez les lezards, les mammiferes et les oiseaux, 0 % chez certains ordres d’arachnides : solifuges, ricinules, amblypyges) ; leur comportement est aussi tres diversifie mais il est possible de faire des remarques d’ordre general sur leur ethologie. Les animaux venimeux actifs ont souvent un rythme d’activite plus important que les venimeux passifs que l’on considere comme plus lents et moins agressifs. Les ani- maux venimeux peuvent avoir un rythme d’activite diurne ou noctur-

l’envenimation humaine tzpendra evidemment de cette activite, de m@me le comportement phototropique ou thigmotropique des animaux pourra avoir des consequences sur leurs chances de rencontre avec l’homme, ce qui permettra de prendre les mesures prophylactiques eventuellement necessaires 1381. Les animaux venimeux n’ont pas toujours un comportement stereo- type. Melchers (1967) a realise l’etude experimentale cinemato- graphique de la capture de la proie par Ctrpiennitls (araignee Ctenidae), les mouvements sont parfaitement adapt& a chaque situation speci- fique. Lemballage de la proie chez les nephiles n’a lieu que pour des proies d’un certain poids, de m@me la piqfire paralysante des scorpions Pandin~s n’a lieu que chez les jeunes, les adultes peuvent immo- biliser leurs proies saris y avoir recours. Parfois dans certaines periodes de leur vie, les animaux venimeux ne se nourriront pas, et ne feront pas usage de leur appareil venimeux ;

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c’est ce qui se produira pendant la mue ou la diapause hivernale des arthropodes (araignees, scorpions, myriapodes), mais aussi pendant les periodes d’hibernation et de mue chez les reptiles. Lors de la predation, les differents sens, done des organes sensoriels specifiques aux differents groupes sont mis en cause pour la detection des proies, citons en quelques-uns : cnidocil des cnidoblastes chez les coelenteres, trichobothries des arachnides, fossettes thermosen- sibles des crotales, organe de Jacob- son des serpents. Photorecepteurs, mecanorecepteurs, chimiorecep- teurs, thermorecepteurs ont tous un role a jouer dans l’emission (par la proie) et la reception (par l’ani- ma1 venimeux) de stimuli [38].

5. Les appareils venimeux Les animaux venimeux actifs sont pourvus de glandes secretrices de venin et d’un appareil inoculateur. Chez les animaux venimeux pas- sifs, les glandes debouchent a l’ex- terieur du corps de l’animal, il n’y a pas d’appareil inoculateur (batra- ciens, myriapodes diplopodes, cer- tains poissons).

n 5.1. Les glandes A venin 1381

La secretion est assuree soit par des glandes unicellulaires (secretion &reuse-proteique de la peau des poissons) soit par des glandes plu- ricellulaires. Ce sont toujours des glandes exocrines. L’origine embryologique des cel- lules glandulaires est, dans la quasi-totalite des cas, ectoder- mique. Les glandes peuvent etre acineuses ou tubuleuses, simples ou composees. Parfois elles sont tres superficielles (echinodermes, poissons). Dans un meme groupe, on peut trouver plusieurs types de glandes muqueuses et &reuses, parfois associees, (certains ser- pents, certains batraciens) ou iso- lees. De nombreuses glandes veni- meuses ont souvent une secretion proteique et leur secretion est done

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reglee selon les &apes normales de la secretion de ce type : &ape intra- nucleaire de transcription, synthese des proteines au niveau du reticu- lum granulaire (traduction), passa- ge par l’appareil de Golgi, expul- sion des granules de secretion par exocyto& Ces etapes ont et4 &u- dices chez plusieurs groupes en microscopic electronique (serpents, batraciens...). A certaines secretions de type alcaldide sont associees des structures typiques de cellules ste- ro’idogenes comme la presence d’un reticulum lisse en reseau cris- tallo’ide. Les cellules glandulaires sont souvent pourvues a leur apex de microvillosites. On rencontre parfois egalement des canaux intracellulaires garnis eux aussi de microvillosites. L’appareil de Golgi est aussi a l’origine des cnidocystes des cnidaires. Les acini ou les tubes glandulaires debouchent dans des canaux excre- teurs uniques ou ramifies. Parfois, le venin est elabore par deux glandes successives (secre- tions cyanurees des diplopodes ou secretions de la chambre d’explo- sion des coleopteres bombardiers brachinides) dont les produits sont synergiques. Ces structures glan- dulaires peuvent constituer des glandes de type (< reacteur )X oti les produits de secretion doivent reagir entre eux pour constituer la substance toxique. 11 peut exister, associes aux glandes, des reser- voirs non glandulaires permettant une accumulation du venin (Hymenopteres) . La taille des glandes varie a l’inte- rieur d’un m@me groupe zoolo- gique, chez les araignees par exemple, elles peuvent n’occuper seulement que les cheliceres ou s’etendre dans tout le cephalotho- rax, avec tous les intermediaires possibles ; chez les pseudoscor- pions, certaines familles ont une glande a venin dans les deux doigts de la pince, certaines dans le doigt fixe, d’autres dans le doigt mobile ; certaines especes sont depourvues de glandes. Ni la toxicite, ni la quantite de venin inject6 ne sont fonction de la taille des glandes.

Si les etudes histologiques sur les glandes productrices de venin ont debut4 depuis environ 150 ans et se sont poursuivies jusqu’aux annees 1960, ce qui les rend relativement abondantes dans certains groupes, les etudes cytologiques precises font souvent defaut car beaucoup moins etalees dans le temps (sur- tout des annees 1970 aux an&es 1980).

n 5.2. L’appareil vulnbrant

L’appareil vulnerant [381 des ani- maux venimeux actifs a pour role l’injection du venin dans la proie ; il s’agit de franchir la barriere tegu- mentaire et bien souvent la barriere vasculaire. 11 comporte deux par- ties : le dispositif d’injection d’une part et le dispositif de penetration d’autre part.

5.2.7. Le dispositif d’injection

11 peut @tre rapport4 a deux modeles. Celui de la poire a injec- tion, le plus courant, est constitue par la musculature sit&e autour de la glande ou en aval de celle-ci (aiguillon des guepes, pompes buc- tales des insectes piqueurs- suceurs) ; des muscles sont associes aux cellules glandulaires, ces muscles peuvent entourer une cel- lule glandulaire (myriapodes), des acinis isoles (certains batraciens) ou m@me une glande complexe (la plupart des cas). Cette musculature permet l’expulsion du venin vers les organes vulnerants ou vers l’ex- terieur. Plus rare, est celui de la seringue a piston : il existe dans l’aiguillon d’abeille, l’appareil buc- cal des punaises (hemipteres). La conduction du venin (aiguillons d’hymenopteres) peut aussi dependre de phenomenes de capil- larite.

5.2.2. Les dispositifs de p&&ration

11s se ram&rent aussi a quelques modeles simples. Le plus simple est l’aiguille, c’est-a-dire une partie effilee, le plus souvent lisse a ouverture subterminale, position qui empeche le canal de se boucher.

Leffilement permet a la fois une penetration efficace et un retrait rapide. Ce dispositif est celui des dents de serpents, de l’aiguillon du scorpion, des cheliceres d’arai- g&es, des forcipules de myria- podes, des doigts des pinces de pseudoscorpions. Le canal de l’ai- guille peut @tre remplace par une gouttiere plus ou moins fermee (certains serpents, certaines epines des nageoires de poissons). Le deuxieme type est la pointe de har- pon qui a la forme d’un stylet, per- forant, barbule, s’enfoncant facile- ment dans les tissus et y restant fiche (ex : dent des cones , <c poils j) urticants des chenilles et des arai- g&es). Le troisieme type est la scie qui comporte deux stylets ou plus, barbules. Le mouvement alternatif des stylets est un cisaillement qui assure la penetration dans les tissus et un retrait parfois difficile (aiguillon d’abeille, pieces buccales des punaises). Ces stylets peuvent etre parfois maintenus par un guide (labium des punaises et des dip&es nematoceres). La penetra- tion des stylets vulnerants peut @tre assuree par projection : c’est le cas des dents de cones et aussi celui des cnidocystes de cnidaires ou des trichocystes des cilies. Les organes vulnerants peuvent avoir aussi la forme de mors articules formant pince, soit a deux mors, parfois trois (pedicellaires des echinides) ou meme quatre (machoires des anne- lides glycerides). La pince est sou- vent orientee dans un plan perpen- diculaire a l’axe du corps (cheliceres des araignees labidognathes, forci- pules de myriapodes). Parfois, l’orientation est parallele a l’axe du corps (dents des serpents protero- glyphes, cheliceres des mygales). Les machoires garnies de dents sont les mors des vertebres.

5.2-3. La localisation de /‘apparel vu/n&ant

Cette localisation varie avec les groupes zoologiques. L’appareil vulnerant est souvent situ& p&s de la region buccale, parfois dans les organes de prehension (acinetiens,

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cnidaires, pseudoscorpions) mais il peut au contraire se situer a l’arrie- re du corps (scorpions, hymeno- p&es aculeates, coleopteres bra- chinides, ornithorynque...) ou a des endroits exposes (poils urticants des chenilles et des araignees). La taille de l’appareil vulnerant n’est pas en rapport direct avec la veni- mosite de l’animal : par exemple les morsures de veuves noires, exe- cutees par des cheliceres de taille modeste sont plus dangereuses que celles des mygales dont les cheli- c&es sont relativement plus deve- loppees. Des exemples identiques existent chez les serpents. La pen& tration de l’organe vulnerant est assuree par une musculature asso- ciee dite intrinseque. Par ailleurs, existent souvent d’autres adapta- tions en particulier au niveau des articulations osseuses (chez les ser- pents, les poissons) ou appendicu- laires (chez les arthropodes) accompagnees d’une musculature permettant la mobilite des diffe- rents appareils que l’on peut quali- fier de musculature extrinseque, et qui permet d’assurer une penetra- tion et une retraction rapide de la partie vulnerante. L’exercice de la fonction venimeuse fait done appel a la participation de nombreuses structures, meme eloignees de la glande ou de l’organe de penetra- tion. Le controle nerveux de la fonction venimeuse est assure par l’innervation des glandes et des muscles. Les appareils venimeux sont reali- ses a partir de nombreuses struc- tures modifiees : on peut etablir une homologie (meme organisa- tion fondamentale et meme origine embryologique) entre la tar&e et l’aiguillon des hymenopteres, entre les differentes pieces buccales piqueuses des insectes, entre les glandes salivaires des vertebres et les glandes labiales des serpents, de l’heloderme et des musaraignes venimeuses. Mais bien souvent la fonction venimeuse est realisee par des appareils tres differents dans des groupes zoologiques plus ou moins eloignes et dont l’origine est totalement independante ; autre-

ment dit, il s’agit dans la plupart des cas de phenomenes de conver- gence : les arachnides en fournis- sent un exemple puisque les appa- reils vulnerants sont realises soit par les cheliceres (araignees), les pedipalpes (pseudoscorpions) ou le telson (scorpions). Les appareils venimeux, en systematique, sont des caracteres <( apomorphes H c’est-a-dire des caracteres adapta- tifs et specialises, 6volues. Chez certains animaux le venin (ou la substance defensive) peut @ire projete hors du corps de l’animal ; citons les cobras cracheurs, un batracien, quelques myriapodes, les coleopteres brachinides, quelques scorpions. Cette projection necessi- te l’intervention du systeme mus- culaire, associe a des dispositifs particuliers (dent du cobra, crible et chambre d’explosion des brachi- nides).

n 5.3. Les venins : composition

Les venins sont des secretions bio- logiques dont le residu set contient 90 % de proteines variees, mais un grand nombre de ces proteines reste encore inconnu en raison de leur presence en tres faible quanti- te. Une premiere difficult& dans l’etude de la composition des venins, part de la nature du prele- vement. Bien souvent, le venin est secrete en faible, voire en tres faible quantite, et pour obtenir un meilleur rendement de la traite de la glande a venin, on pratique un choc electrique. Bien souvent, ce choc entraine des lesions de la glande a venin et une liberation d’enzymes du cytosol absents phy- siologiquement du venin, ou des regurgitations souillant le venin lorsque la glande a venin est bucca- le. Aussi faut-il s’efforcer d’obtenir une secretion du venin d’une facon qui reproduit au mieux les pheno- menes physiologiques, Par exemple en faisant mordre ou piquer l’animal dans une membra- ne tendue sur un petit recipient qui recupere le venin. TrPs souvent les venins sont stables, surtout s’ils sont conserves au frais et surtout a

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l’abri de la lumiere. Les venins de scorpions, de serpents, sous forme lyophilisee gardent toute leur acti- vite pendant dix a vingt ans au moins. D’autres sont au contraire particulierement labiles quelles que soient les techniques de recueil et de conservation, comme la plupart des venins de poissons. Les enzymes sont des composants habituels des venins. Les hyaluro- nidases, considerees comme un fac- teur de diffusion tissulaire et done comme un facteur de potentialisa- tion des autres composants actifs, sont constamment retrouvees dans les venins, comme generalement dans tous les liquides physiolo- giques. Les venins oraux, secretes par une glande d’origine digestive, sont habituellement riches en pro- teases dont on peut admettre qu’elles participent a la digestion ou a une predigestion. Dans quelques rares cas, les enzymes paraissent quasiment absents, ou tres peu abondants, comme dans les venins de scorpions buthides, famille qui rassemble les especes dangereuses pour l’homme : l’ab- sence de reaction locale apres une piqure de buthide serait like a cette pauvrete en enzymes. Une autre classe de composants habituelle- ment presents est celle des neuro- toxines, au mode d’action varie, generalement presynaptique et alors de mecanisme tres diversifie, souvent encore ma1 compris, plus rarement postsynaptique provo- quant alors un blocage de la jonc- tion neuromusculaire a la man&e dun curare. Tres generalement, et quel que soit le mode d’action, les neurotoxines induisent une paraly- sie flasque et facilitent ainsi la cap- ture de la proie, surtout si leur effet s’exprime rapidement, ce qui est souvent le cas. Chez les serpents du genre Dendroaspis (mambas), le venin contient des molecules agis- sant en synergie et conferant au venin une haute neurotoxicite : on y trouve des inhibiteurs de choli- nesterases (fasciculines), des toxines facilitant la liberation d’ad- tylcholine (dendrotoxines) et de l’acetylcholine libre, d’oti une

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symptomatologie originale de type muscarinique provoquee par ces venins. Les neurotoxines peuvent constituer une v&itable famille de mol&ules polymorphes, typique- ment chez les scorpions, mais aussi chez les araignbes et les serpents. Dans le cas des araignkes et des scorpions, les unes ont pour cible spkcifiques les mammiferes, d’autres les insectes, d’autres enco- re les crusta&. Certaines neuro- toxines possedent en outre une activiM enzymatique, telle l’activiM de phospholipase A, (PLA,) de nombreuses neurotoxines pr&y- naptiques chez les serpents. Les activitks cytolytiques sont tout aussi frhquemment rencontrkes (serpents, araignkes). Chez les najas, les cytotoxines sont kgale- ment cardiotoxiques. Chez les ser- pents marins et de nombreux blapi- d6s australiens, certaines cyto- toxines sont specifiques du muscle stri6, entrainant une 1ibQation par- fois massive de myoglobine et sur- tout de potassium avec un risque de d&es par hyperkalihmie. Des PLA, peuvent avoir cette activit6 myotoxique. D’autres proteines, sans avoir de pouvoir toxique, se r6vitlent @tre de puissants allergenes et peuvent entra^mer des chocs ana- phylactiques majeurs : les venins d’hym&opti?res contiennent de nombreux allergenes dont des PLA,. Outre les prothines de dimen- sions variables, on rencontre encore de petites mol&ules peptidiques comptant moins de trente r&idus acides amines, aux effets varies : mellitine hkmolysante, apamine convulsivante des venins d’abeille, neurotoxine curarisante des venins de cbnes, sarafotoxines des venins des serpents du genre Atructuspis aux propri&% vaso-constrictrices puissantes 21 tropisme coronaire, rappelant par leur structure et leur mode d’action les endothblines, mkdiateurs vaso-actifs physiolo- giques. Mais il existe aussi des pro- t&nes apparemment atoxiques : analogues de toxines, vkritables anatoxines physiologiques, comme dans les venins de scorpion, ou prot&nes & effets physiologiques

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originaux comme le NGF (nerve growth factor) des venins de naja. Parmi les composants non pro- t&ques, les amines biogenes sont tres souvent pr&entes dans les venins : la douleur like 21 la p&S- tration de beaucoup de venins est volontiers attribuke 21 la s&-otonine, mais les cat6cholamines ou l’hista- mine ont elles aussi 6t6 souvent identifiees. On peut encore rencon- trer des alcaloides, certains trPs puissants, notamment chez les amphibiens (batrachotoxine, his- trionicotoxine, pumiliotoxines) ou encore chez les myriapodes diplo- podes (glomQine). La composition des venins peut varier, notamment en fonction de l’iige : chez certains vip&id&, le venin des jeunes est plus toxique que celui des ad&es et cette parti- cularite est interpr&e dans le sens d’une adaptation fonctionnelle favorable. Chez les viperides tou- jours, certains herp&ologues ont cru observer une relation entre la composition du venin et la nature des proies le plus frequemment consomm4es. Mais les venins peu- vent avoir aussi une composition differente au sein d’une m@me espece, pour diffkrentes popula- tions : le fait a et6 relev6 chez cer- tains scorpions 21 distribution &en- due et parait lie & des differences d’expressivitk des nombreuses neurotoxines qui entrent dans leur composition. La toxicit des venins est habituel- lement 6valuee par determination de la DL50 chez la souris. De nom- breuses pr&autions doivent @tre respectees pour pouvoir comparer les DL50, en particulier l’utilisation de la voie veineuse. Cependant, la voie c&brale est d’un usage de plus en plus frequent, soit que la toxine ne manifeste son pouvoir toxique que par cette voie qui s’af- franchit de la barriPre hemato- mkningke, soit que les quantit& disponibles de la toxine soient trPs faibles. M@me avec toutes les pr& cautions requises, la DL50 est une mesure qui n’est pas toujours transposable aux autres mammi- f&es : les mygales australiennes du

genre Atrax ont ainsi un venin sp& cialement actif contre l’espece humaine, et cette particularit rend d6licate la compr4hension de son mode d’action.

6. Les venins et les diffkrentes fonctions vitales La definition mSme des venins est une definition ecologique [381. Les venins interviennent pour l’attaque d’une proie ou pour la dkfense de l’individu, ils font done partie des fonctions de nutrition et des fonc- tions de relation. En fait les venins interviennent aussi, plus ou moins, dans de nombreuses autres fonc- tions vitales chez les animaux.

n G.l.Venins et fonctions de nutrition

Le venin joue une fonction primor- diale dans la fonction de nutrition chez les predateurs venimeux puis- qu’il permet la paralysie de !a proie qui sert alors d’aliment. A cette fonction de paralysie s’ajoute sou- vent, grgce aux enzymes qu’il contient, une fonction de prkdiges- tion ou une fonction anticoagulante permettant un eventuel pompage. Les venins sont des produits emis hors de l’animal, ils se rattachenl done & la fonction d’excr6tion au sens large du terme. Ce sont des mbtabolites secondaires, c’est-8- dire des produits elabor& parall&- lement aux metabolites primaires. Par leur diversite, ces metabolites secondaires sont souvent des mes- sagers chimiques. La diversite des organes et la diversit6 des especes qui les produisent expliquent cette remarquable vari&& qui va de corps tr&s simples 21 des molecules tres complexes, ainsi que la sp&ifi- cit6 de leur production : ainsi telle toxine ne sera s&r&Se que par telle espPce et une espPce relativement proche pourra s&r&er une toxine diffkrente (c’est le cas par exemple des gasMropodes tels les Murex, les Tha’is et les Buccins). Parmi ces m&abolites secondaires, certains se rencontrent dans de nombreux groupes animaux : les flavines (qui

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donnent la couleur jaune aux venins de serpents) sont des com- poses relativement courants . d’autres sont meme toujours prel sents dans l’organisme et exercent des fonctions cellulaires diverses, c’est le cas des amines biogenes : serotonine, histamine, acetylcholine contenues dans de tres nombreux venins. Plus rarement, les venins intervien- nent dans la fonction de reproduc- tion.

n 6.2. Venins et fonction de relation

Les venins des animaux venimeux actifs et passifs leur assurent un role de protection ; rappelons cependant que la limite entre sub- stances defensives ou rkpulsives et venins est des plus floues, et que la protection des animaux venimeux n’est pas totale ; bien souvent un predateur plus specialise (herisson, serpentaire, etc.) protege lui-meme est capable de manger des animaux venimeux ou veneneux. De nombreuses glandes defensives d’insectes secretent des venins- pheromones qui interviennent dans la communication sociale, c’est par exemple le cas des venins de certaines fourmis (Tetrumovium).

Conclusion La toxicite des animaux venimeux envers l’espece humaine est un domaine oh la medecine coop&e etroitement, pour plus d’efficacite, avec d’autres sciences : immunolo- gie, physiologie, biologie cellulaire, systematique et taxinomie (sciences de la connaissance et de la recon- naissance des especes animales). Les difficult& inherentes a la deter- mination necessaire des especes venimeuses sont toujours d’actuali- te (araignees, amphibiens, scor- pions...). La fonction venimeuse cooper-e etroitement avec les autres fonc- tions a la nutrition et a la defense des animaux ; elle augmente leur capacite de survie et a ce titre doit

@tre consideree comme un caracte- re adaptatif.

Rhfhrences Ill Barbier M., Introduction a l’ecologie chi-

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