la foi et la vie

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La foi et la vie

Editions ARRISSALA, PARIS 2000Tous droits de traduction. d'adaptation et de reproduction par tous procds, rserves polir tous pays. La loi du I l mat-, 1957 n'autorisant, aux termes des al inas; 2 et 3 de l'article 41. dune part. que les copies ou reproductions strictement rserves l'usage priv du copiste et non destines une utilisation collective . et d'autre pan, que les analxses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, toute reprsentation ou reproduction intgrale ou partielle, faite sans le consentement de l'auteur ou de ses avants (alina 1" de l'article4O). Cette reprsentation ou reproduction- par quelque droit ou ayants cause, est illicite procd que ce soit. constituerait donc une contrefaon sanctionne par les articles 425 et suivant du Code pnal,

Dr Yossouf al-Qardwi

La foi et la vie

Traduit de l'arabe par Claude Dabbak

90, rue J.P. Timbaud. 75011 Paris Tel:01 53 36 76 58 /Fax: 01 53 36 76 59

Que Dieu me protge de Satan le lapid. Il y'a certes dans la cration des cieux et de la terre et dans l'alternance de la nuit et du jour des signes vidents pour ceux qui sont dous d'intelligence. 1 Notre Seigneur ! Nous avons entendu quelqu'un appeler la foi : Croyez en votre Seigneur ! et nous avons cru. Notre Seigneur ! Absous-nous de nos pchs, efface pour nous nos mauvais actes et place-nous aprs notre mort avec les gens de bien. 2

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Sourate, Ali-Imran La famille d'Imrane, verset 190 Sourate, Ali-Imran La famille d'Imrane, verset 193

Prface de l'diteur

Louange Dieu, qu'il nous vienne en aide et nous accorde sa misricorde. Que Dieu accorde la bndiction au Prophte, sa famille et ses compagnons ainsi qu' tous ceux qui auront suivi son enseignement. Oriente-toi donc exclusivement vers la religion, en pur monothiste. Telle est la nature conformment laquelle Dieu a cr les humains. Nul changement la cration de Dieu. l

A travers ce livre, le Dr Quaradw montre que la question de la foi est la plus importante des grandes questions qui se posent l'tre humain . Il dfinit la notion de foi en s' interrogeant sur : Quelle est cette foi dont nous parlons ? . Qu'est ce qui caractrise la foi islamique ? Il nous rappelle par la mme combien cette dernire est parfaitement adapte la nature humaine comme une cl la bonne serrure Tout au long de son ouvrage, le Dr Quaradw s'attache mettre en vidence les manifestations positives de la religion et de la foi dans la vie de l'individu et de la socit. Il constate qu' l'heure des progrs constants de la science, celle-ci n' pu donner aux hommes que des instruments pour vivre, mais qu'en aucun cas elle ne lui a donn d'idal pour lequel vivre et mourir . Il nous claire sur le fait que seules la religion et la foi sont capables de faire connatre aux individus des sensations

Sourate, ar Rom Les Romains , verset 30

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aussi positives que le contentement, la srnit, l'espoir, la constance etc. Il ajoute encore que la foi et la morale sont intimement lies et que si les hommes sont empreints de nobles vertus, c'est la socit toute entire qui rcoltera les fruits de cette moralit car elle seule est en mesure de lui faire conserver son intgrit et sa stabilit. Mais plus que tout il nous a sembl que la lecture de ce livre tait une relle invitation pour chaque croyant partir la reconqute de sa propre foi, de la raffermir jusqu' la sentir couler dans le sang et pntrer au plus profond du coeur. C'est pourquoi nous remercions sincrement le Dr Quaradw pour ce noble travail et nous prions Dieu qu'il l'agr. Nous remercions galement la traductrice, madame Claude Dabbak pour son travail empreint de sincrit ainsi que madame Nelly Leboucher pour sa collaboration.

Abdelhakim SEFRIOUI

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IntroductionDieu soit lou, et que la paix et la bndiction soient sur le Prophte, sa famille et ses Compagnons ainsi que sur tous ceux qui auront suivi son enseignement. La question de la foi n'est nullement une question marginale qu'il nous serait permis d'ignorer ou de laisser de ct. Cette question ne concerne-t-elle pas, en effet, l'existence mme de l'homme et son destin ? La question de la foi est mme, mon avis, la plus importante des grandes questions qui se posent l'tre humain. C'est elle qui dtermine le bonheur ou le malheur ternel, le Paradis ou l'Enfer. Tout tre dou de raison doit invitablement y rflchir afin de pouvoir atteindre la vrit. Nombreux sont les esprits clairs qui se sont penchs sur cette question et qui sont parvenus, chacun sa manire, confirmer la foi en Dieu. Certains se sont rfrs pour cela la voix de leur nature profonde, puisque la foi est inne en l'homme : Peut-on douter de Dieu, le Crateur des cieux et de la terre ? 1 selon la disposition inne que Dieu a donne aux hommes en les crant 2. D'autres se sont fonds sur le principe de la causalit, qui tablit que chaque acte ne peut manquer d'avoir un auteur, qu' chaque oeuvre il faut un artisan, chaque mouvement un instigateur, chaque horloge un horloger. Ce principe incontournable constitue l'un des fondements primordiaux de tout raisonnement.

' Sourate Ibrhm, Abraham , verset 10. ' Sourate ar-Rom, Les Romains , verset 30.7

D'autres encore ont abord la question sous la forme d'un calcul arithmtique, et sont parvenus la conclusion qu'il tait plus sr, pour cette vie comme pour l'autre, de croire en Dieu, au Jour dernier, la rsurrection et au Jugement. Le pote philosophe Abo 1-`Al al-Ma'arr dit en ce sens : L'astronome et le mdecin disent tous deux : les morts ne seront point ressuscits. Je leur rponds : Si vous avez raison je ne perds rien ; si c'est moi qui dis vrai vous serez les perdants. Le philosophe et mathmaticien Pascal a dit quant lui : Examinons donc ce point, et disons : `Dieu est, ou il n'est pas.' Mais de quel ct pencherons-nous ? La raison n'y peut rien dterminer ; il y a un chaos infini qui nous spare. Il se joue un jeu, l'extrmit de cette distance infinie, o il arrivera croix ou pile... Mais votre batitude ? Pesons le gain et la perte, en prenant croix que Dieu est. Estimons ces deux cas : si vous gagnez, vous gagnez tout ; si vous perdez, vous ne perdez rien... Mais il y a ici une infinit de vie infiniment heureuse gagner, un hasard de gain contre un nombre fini de hasards de perte, et ce que vous jouez est fini. ' ' Nous ajouterons quant nous : Celui qui croit en Dieu et au Jour dernier ne met pas en jeu sa vie phmre ici-bas pour gagner l'ternit dans l'Au-del... Bien au contraire, sa foi lui permet d'tre gagnant dans les deux vies, et d'avoir tout la fois le bien d'ici-bas et celui de l'Au-del. La Parole de Dieu est vraie : Que celui qui dsire la rcompense d'ici-bas sache qu'auprs de Dieu se trouvent la rcompense d'ici-bas et celle de l'Au-del. 2

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Blaise Pascal, Penses, 233. Sourate an-Nis', Les femmes , verset 134.

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Ceux qui agissent bien recevront un bien dans la vie de ce monde, mais la demeure dernire est certes meilleure. t Les pratiques cultuelles prescrites par la religion ne sont que des moyens pour purifier le coeur et lever l'me du croyant : l'effort fourni est bien minime par rapport au bien ainsi obtenu. Les interdits formuls par la religion ne sont, quant eux, qu'une protection pour le croyant ; leur prohibition vise prserver sa raison, ses moeurs, sa personne, ses biens, son honneur et sa descendance. Le Coran dit du Prophte (que la bndiction et la paix soient sur lui) : Il leur ordonne ce qui est convenable, il leur interdit ce qui est blmable ; il dclare licite, pour eux, ce qui est bon ; il dclare illicite, pour eux, ce qui est impur ; il te les liens et les carcans qui pesaient sur eux. Z Lorsque la religion interdit quelque chose aux gens, elle leur accorde en change quelque chose de meilleur qui ne comporte pas les effets nuisibles de la chose interdite. Le croyant n'a donc rien perdre adorer Dieu ToutPuissant et viter ce que Dieu lui a interdit. Il a au contraire tout gagner, puisqu'il sera ainsi guid sur la voie de la vrit et du bien, s'lvera au-dessus de ses passions et jouira d'un coeur en paix et d'une vie sereine. De nos jours, les gens sont tellement obsds par la recherche de l'intrt matriel que beaucoup d'entre eux considrent que la vrit est ce qui leur procure un avantage et non pas ce qui est conforme la ralit ou confirm par des preuves.

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Sourate an-Na hl, Les abeilles , verset 30. Sourate al-A'rf, Les murailles , verset 157.

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Une cole de pense, le pragmatisme, va ainsi jusqu' affirmer que l'utilit est le critre de la vrit et considre que les choses ne valent que par leurs effets et par les consquences qu'elles produisent dans notre vie pratique... que la vrit d'une proposition ne rside pas en ce qu'elle soit conforme la ralit, mais en ce qu'elle concorde avec le cours des vnements ; ainsi, on jugera de toute chose selon les effets qui en rsultent : si ces effets concordent avec nos objectifs et nos attentes, ladite chose sera bonne et vraie, et s'il en est autrement elle sera mauvaise et fausse. On ne dira donc pas qu'une action est bonne ou mauvaise, ni qu'une parole est vraie ou fausse, avant d'en connatre les consquences. l La position de cette cole, que nous rejetons dans son ensemble, ne met cependant nullement en cause notre foi : nous sommes convaincus que la chose la plus utile aux hommes est la vrit, et que la plus nuisible est l'erreur. Le Coran compare la vrit l'eau courante et au mtal pur, tandis qu'il compare l'erreur l'cume qui se forme la surface de l'eau d'une rivire ou aux dchets flottant sur le mtal que l'on fait fondre au feu pour en faire des bijoux ou des outils. Puis le Tout-Puissant conclut ainsi la comparaison : Ainsi Dieu oppose-t-Il en parabole le vrai et le faux : l'cume est rejete tandis que ce qui est utile aux hommes reste dans la terre. C'est ainsi que Dieu propose des paraboles. 2 Ce qui reste dans la terre, c'est le vrai, que le Coran dsigne par l'expression ce qui est utile aux hommes . C'est-dire qu'il leur est utile aussi bien dans un sens concret qu'abstrait, sur le plan matriel comme sur celui du coeur et de

' D'aprs la conclusion du Dr Mahmod Houb Allh aux deux livres de William James, La volont de croire et La raison et la religion. ' Sourate ar-Ra'd, Le tonnerre , verset 17. 10

l'esprit, au niveau individuel comme au niveau collectif, dans ce monde comme dans l'autre. Bien que nous soyons d'accord sur la prise en considration de l'utilit d'une manire gnrale, nous diffrons avec les matrialistes quant l'valuation de la nature et de l'tendue de cette utilit. En effet, nous n'valuons pas l'utilit de manire purement quantitative et concrte, et nous ne considrons pas uniquement l'intrt individuel. Notre valuation est qualitative autant que quantitative ; nous prenons en compte aussi bien l'me que la matire, et aussi bien la socit que l'individu. En outre, l'utilit ne se limite pas, pour nous, la vie de ce monde, mais nous prenons toujours en compte la vie future, la vie ternelle dans l'Au-del qui a t prpare pour les hommes et pour laquelle les hommes ont t prpars. Ces quelques lignes sont un prliminaire ncessaire pour expliquer l'objectif que nous recherchons travers cet ouvrage, La foi et la vie. Nous souhaitons en effet mettre en vidence les consquences positives de la religion dans la vie de l'tre humain, en considrant uniquement la religion en tant que foi, que croyance en Dieu et Ses Prophtes, l'Au-del et au Jugement conduisant la rcompense ou au chtiment. Ce livre fera apparatre clairement l'erreur de ceux qui prtendent, l'instar des marxistes, que la religion est l'opium du peuple et qu'elle va l'encontre de la vie. Assurment, mme si nous nous rfrions au seul critre de l'utilit et si nous acceptions le raisonnement de ceux qui n'adoptent une ide que s'ils y trouvent un intrt, et de surcrot uniquement un intrt dans cette vie, nous trouverions nanmoins que la religion reprsente une force considrable. L'histoire et l'anthropologie ont montr que la religion est une ncessit indispensable : une ncessit pour l'individu auquel

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elle apporte la srnit, le bonheur et la purification de l'me, et une ncessit pour la socit laquelle elle assure la stabilit, la cohsion et le progrs. Un individu sans religion ni foi est pareil une plume volant au gr du vent : il ne connat aucune stabilit mais change sans cesse de direction. Un individu sans religion ni foi n'a pas de valeurs, pas de racines, il est troubl, inquiet, il ignore qui il est et pourquoi il existe, il ne sait qui l'a revtu de l'habit de la vie, ni dans quel but, ni pourquoi cet habit lui sera t un jour. Sans religion ni foi, il n'est qu'un animal ou une bte froce, que ni l'ducation ni la loi, elles seules, ne suffisent dompter. Une socit sans religion ni foi n'est qu'une jungle, mme si elle est orne des apparences de la civilisation. Ce sont les plus forts et les plus rudes qui y survivent, et non pas les meilleurs et les plus pieux. C'est une socit de malheur et de peine, malgr tous les facteurs de confort et de bien-tre qui peuvent y abonder... une socit sans valeur, car les ambitions des gens qui la peuplent ne dpassent pas l'assouvissement des dsirs du ventre et de la chair : ils ne font que jouir et manger comme les animaux. Le progrs scientifique, aussi avanc qu'il soit, est incapable d'apporter aux gens la paix intrieure et le bonheur. En effet, la science amliore la vie dans ses aspects matriels, et elle est capable de rduire les lointains priples et les longs labeurs : c'est pourquoi on appelle notre poque l're de la vitesse, de la rduction des distances. Mais qui pourrait appeler cette poque l're de la vertu, l're de la srnit, l're du bonheur de l'humanit ? La science a mis au service de l'homme moderne des moyens de vivre, mais elle n'a pas su le guider vers les buts de la vie. Elle a embelli pour lui la surface de la vie sans lui en faire atteindre les profondeurs. Or, il est bien malheureux, l'homme qui se proccupe des moyens au point d'en oublier les fins, qui ne connat que les apparences et ignore tout de l'essence ! 12

La science matrielle a fourni l'homme de nombreux instruments, mais elle ne lui a pas donn d'idal ni de but pour lequel vivre et mourir. En effet, ce n'est pas l l'objectif ni le rle de la science : ce rle est celui de la religion. Certains penseurs et philosophes, tout en ne croyant pas en Dieu, ont dclar croire la foi en Dieu, en ce sens qu'ils taient convaincus de l'utilit de cette foi en tant que force d'orientation morale, en tant qu'influence positive et qu'inspiration cratrice. Ces penseurs n'ont pas pu nier les effets bnfiques de la foi en Dieu sur le coeur de l'individu et sur la vie de la socit. L'un d'eux a t jusqu' dire : Si Dieu n'existait pas, il faudrait l'inventer ! - c'est--dire qu'il faudrait donner aux hommes une divinit en laquelle ils croiraient, qu'ils s'efforceraient de satisfaire, dont ils craindraient le jugement, afin que les mauvais penchants puissent tre rprims et que les populations conservent un comportement moral. Ou encore : Ne jetez pas le doute sur Dieu, sans Lui ma femme me tromperait et mon domestique me volerait ! Nous ne sommes pas d'accord avec le raisonnement de ces penseurs : c'est la vrit qui mrite le plus d'tre suivie, et les erreurs doivent tre rejetes, quelles qu'en soient les consquences. Nous retiendrons toutefois de ces propos des dtracteurs de la religion et des ennemis de la foi, qu'aucun esprit honnte, mme s'il ne croit pas, ne peut nier les effets bnfiques de la religion et de la foi sur les coeurs et la vie. La vrit doit tre respecte pour elle-mme, quand bien mme elle n' apporterait aucun avantage et n' loignerait aucun mal : qu'en sera-t-il donc, lorsqu'on sait qu'elle est porteuse des plus grands bnfices et des meilleurs fruits ? L'existence de Dieu Tout-Puissant, qui seul possde la souverainet et le contrle du monde et mrite d'tre ador, 13

l'origine divine du message des prophtes et la vracit de ce qu'ils nous ont dit au sujet de l'Au-del, tout cela est une vrit tablie et confirme par des preuves : y croire est un devoir, car c'est la vrit. Et non seulement c'est la vrit, mais c'est galement une source de bien apparent et cach, de progrs pour l'individu et pour la socit, de bonheur ici-bas et dans l'Audel. Lorsque nous parlons des effets bnfiques de la foi sur le coeur de l'tre humain et la vie, c'est bien sr d'une foi puissante et vive que nous parlons : la foi qui s'panouit et illumine les coeurs, celle qui pntre au plus profond des mes. Nous ne parlons pas de la foi faible et hsitante, de la foi engourdie, mais bien de la foi vivante et veille. Peu importe que les porteurs d'une telle foi soient peu nombreux. Nous nous adressons aux matrialistes qui mettent en doute la valeur de la foi, pour leur montrer que plus la foi qu'ils combattent s'enracine dans les coeurs et s'affermit dans les mes, plus ses effets bnfiques se font sentir tant sur le plan individuel que collectif. Si telle est la consquence de la foi d'une manire gnrale, la foi islamique est plus bnfique encore. En effet, dans les autres religions, la foi a souvent t altre, de sorte que les enseignements de certaines religions ou le comportement de certains religieux ont pu donner penser que la religion tait l'ennemie de la vie ou l'opium du peuple. Telle tait l'opinion du juif Karl Marx, une opinion qui a t avale et rpte l'envi par les perroquets de chez nous sans rflexion aucune. Or, notre religion n'est pas la mme que celle dont il parlait, et notre socit n'est pas pareille la sienne. La foi de l'islam englobe le spirituel et le matriel, la vrit et la force, la religion et la science, la vie de ce monde et celle de l'Au-del ; c'est la foi en l'unicit divine, qui enracine dans les coeurs la dignit et la libert, qui considre toute servitude envers un autre que Dieu comme de la mcrance, de

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la perversion et de l'injustice, et qui interdit aux gens de se prendre les uns les autres pour matres au lieu de Dieu. Bien que la religion et la foi aient une telle influence dans tous les pays du monde, leur influence est plus profonde et leur ncessit est plus imprieuse dans les pays musulmans, arabes en particulier. Chaque serrure possde en effet sa cl : tous les efforts que l'on peut faire pour ouvrir une serrure avec une autre cl que la sienne sont inutiles et vous l'chec, ce n'est que du temps perdu des tentatives infructueuses. Or, la cl de l'identit musulmane, et arabe en particulier, c'est cette religion, cette foi qu'est l'islam. Tous les efforts que l'on pourrait dployer pour veiller cette identit et pour ranimer ses nergies caches par un moyen autre que le sien propre, c'est--dire que la religion et la foi, seront des efforts futiles, comme de construire sur de l'eau ou d'crire dans l'air. C'est la foi musulmane qui a permis aux Arabes de quitter leur pninsule pour faire sortir le monde des tnbres et le guider vers la lumire, pour soumettre les empereurs de Perse et de Byzance et tous les tyrans arrogants. Au fur et mesure de leur progression, ils libraient les gens de leur servitude envers d'autres cratures pour les conduire n'adorer que le Crateur, ils les libraient d'une vie de contrainte ici-bas pour leur offrir l'aisance ici-bas et dans l'Au-del, et ils leur apportaient, la place de l'oppression des religions et des despotes, la justice de l'islam. C'est la foi musulmane qui a permis notre nation arabe de triompher de l'Europe qui avait uni toutes ses forces contre elle pendant neuf croisades dans le but de dvorer tout ce qui pouvait l'tre dans cet Orient musulman. C'est la foi musulmane qui lui a encore permis de triompher de l'invasion tatare qui a dferl sur l'Orient comme 15

le vent dvastateur, ne laissant rien sur son passage sans le rduire en poussire ', une invasion qui aurait ananti la civilisation humaine si Dieu ne lui avait oppos des musulmans d'gypte et de Syrie qui la repoussrent et la vainquirent par Sa permission `Ayn Jlot. La cl de cette victoire fut le cri de ralliement de islam ! lanc par le chef mamelouk Qoutouz, un cri historique qui enflamma les troupes, stimulant leur ardeur, affermissant leur volont et leur faisant sentir l'odeur du Paradis. Or, notre communaut arabe a aujourd'hui faire face un autre ennemi insidieux qui occupe le coeur de son territoire et menace son existence et son intgrit : je parle de l'tat d'Isral, aid et soutenu par tous les partisans de l'incroyance en Orient et en Occident. Nous ne trouverons pas, pour nous opposer cet ennemi qui s'emploie nous diviser, d'arme meilleure et plus durable que la foi. Bien sr, la prparation militaire et la force matrielle que Dieu nous a ordonn de rassembler sont indispensables pour inspirer la crainte l'ennemi de Dieu et de notre communaut, mais les armes ne sont efficaces qu'entre les mains de hros, et seule la foi produit des hros. Certains d'entre nous se sont laisss sduire par les ides matrialistes modernes importes d'Occident, qui n'accordent aucune place Dieu ni l'Au-del dans la vie et ne reconnaissent pas la religion d'autre rle que celui d'un instrument pouvant tre employ, si ncessaire, pour satisfaire les foules attaches la religion et les pousser l'action pour un objectif temporaire. C'est pourquoi la religion et la foi ont t prives de leur place dans l'orientation et l'ducation de la communaut, et ont t retires de l'enseignement, de la culture, des mdias, de tous les domaines de notre vie intellectuelle et pratique, sociale et politique : la religion n'a conserv qu'un rle symbolique, basSourate Les ouragans , verset 42.

adh-Dhriyt,

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sur quelques lments superficiels et de pure forme mais qui ne lui confrent aucune porte relle. Lors de la guerre arabo-isralienne de 1967, nous possdions une force militaire considrable mais trs peu de foi : les armes ne nous ont t d'aucun secours, les tanks, les avions, les flottes, les bases et les missiles n'ont servi rien, parce que ces armes, pour modernes et puissantes qu'elles taient, n'taient pas tenues par des croyants. Dieu fasse misricorde au pote al-Moutanabb qui a dit : Les nobles coursiers et les lames sont sans utilit si les nobles coursiers ne portent pas de nobles cavaliers C'est la vrit, mme si elle est dure et amre : nous devons avoir le courage de l'admettre et d'en tirer les consquences afin de btir notre vie sur les fondations de la foi et de ses implications, et de changer ce qui est en nous afin que Dieu change notre situation, sans quoi nous continuerons tourner en rond comme le boeuf de trait autour du puits d'irrigation. Alors que notre ennemi endoctrine ses soldats avec des idaux religieux et les envoie combattre au nom de la grandeur d'Isral, du royaume de Salomon, des prophties de la Torah, comment pouvons-nous de notre ct nier le rle de la foi, carter les croyants ou mme les soumettre la rpression et la torture ! Voil que nous lanons des slogans comme la victoire aux rvolutionnaires , que le peuple l'emporte , alors que notre communaut sait seulement que la victoire attend les croyants, et la fin heureuse sera pour les gens pieux . 1

' Voir ce propos l'ouvrage du mme auteur sur la dfaite arabe de 1967 : Dars an-nakba ath-thniya : limdh anhazamn wa-kayfa nantasir ? ( La leon de la deuxime dfaite : pourquoi nous avons t vaincus et comment nous pourrons vaincre ). 17

Toute action contre la religion dans nos pays est un coup port au coeur mme de notre tre, ce qui fait notre vie et permet notre russite. Nous sommes un peuple croyant , et cette foi est le fondement de notre identit et le secret de notre force. C'est notre porte-drapeau, c'est elle qui a fait notre grandeur passe, qui motive nos rvoltes prsentes, qui est la source de nos espoirs pour l'avenir. Nous sommes un peuple croyant : c'est une question fondamentale, et la plume de l'crivain, la langue de l'orateur, la pense du philosophe, l'motion du pote, le pinceau du peintre, les lois du lgislateur, l'autorit du gouvernement, la force de l'arme, le contrle du peuple, doivent s'unir dans un mme effort pour prserver cette foi, la renforcer et la rpandre. Tel doit tre le rle du pre dans son foyer, de l'instituteur dans son cole, du professeur dans ses leons, du romancier dans ses rcits, du journaliste dans ses articles, de l'crivain dans ses ouvrages, de chaque artiste dans son art. Toute brche que l'on ouvre dans quelque ct de notre vie culturelle, artistique ou pratique pour faire pntrer les atteintes du doute et de la ngation jusqu'au coeur de la foi constitue une haute trahison envers notre nation ; c'est s'carter de ses principes, se dissocier d'elle pour rejoindre les rangs de l'ennemi et entraver la lutte positive et constructive qu'elle mne par ailleurs. Je suis convaincu que la foi aura le dessus et finira par triompher, tandis que la mcrance et le doute seront les perdants ; la Parole de Dieu est vraie : Ne vois-tu pas comment Dieu propose en parabole une bonne parole semblable un bon arbre solidement enracin et dressant ses branches dans le ciel, qui donne ses fruits tout moment avec la permission de son Seigneur ? Dieu propose des paraboles aux tres humains, - ainsi peut-tre rflchirontils. Et une mauvaise parole est semblable un mauvais arbre 18

dracin de la surface de la terre et qui n'a aucune stabilit. '

Sourate Ibrhm, Abraham , versets 24-26.

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La foi dont nous parlonsQu'est-ce que la foi ? La notion de foi telle que nous l'entendons Qu'est-ce que la foi dont nous parlons dans cet ouvrage, et dont nous tenterons de mettre en vidence les effets sur l'tre humain et la vie ? Pour rpondre clairement cette question, il nous faut d'abord dfinir la notion de foi et ce qui en dcoule. Pour ce qui est du sens de la notion de foi, il ne s'agit pas simplement de se dclarer croyant verbalement, car nombreux sont les hypocrites qui disent avec leur langue ce que leur coeur ne croit pas : Il est des gens qui disent : `Nous croyons en Dieu et au Jour dernier', alors qu'ils ne sont pas croyants. Ils cherchent tromper Dieu et ceux qui croient, mais ils ne font que se tromper eux-mmes sans s'en rendre compte. ' Il ne s'agit pas non plus simplement d'accomplir des actions et des rites habituellement accomplis par les croyants, car nombreux sont les imposteurs qui accomplissent ostensiblement des actions charitables et les rites du culte, alors que leurs coeurs sont dpourvus de bien, de vertu et de dvouement sincre Dieu : Les hypocrites cherchent tromper Dieu mais c'est Lui qui les trompe. Lorsqu'ils se lvent pour la prire ils se lvent paresseusement, par ostentation, et ils n'invoquent Dieu que rarement. 2 simplement de connatre Il ne s'agit pas intellectuellement les vrits de la foi, car nombreux sont ceux qui ne croient pas alors mme qu'ils connaissent les vrits de la

2

Sourate Sourate

al-Baqara, La vache , versets 8-9. an-Nis', Les femmes , verset 142.20

foi : Ils les nirent par injustice et par orgueil tandis qu'en eux-mmes ils en taient convaincus. 1 La fiert, l'envie et l'amour de ce bas-monde se sont interposs entre eux et cette foi qu'ils connaissaient, aprs qu'ils avaient compris la vrit : Un groupe d'entre eux dissimulent la vrit alors qu'ils savent. 2 La foi, en ralit, ne se situe pas uniquement au niveau de la parole, de l'action physique ou de la comprhension intellectuelle. La foi fait en ralit intervenir la totalit de l'tre et englobe aussi bien la connaissance que la volont et les sentiments. Elle se fonde ncessairement sur une connaissance intellectuelle dvoilant la nature relle des vrits de l'existence, une connaissance qui ne peut tre apporte que par la voie de la rvlation divine infaillible. Cette connaissance intellectuelle doit devenir une certitude absolue, inbranlable, totalement inaccessible au doute : Les vrais croyants sont ceux qui croient en Dieu et Son Prophte puis ne doutent plus. s Cette certitude absolue doit tre accompagne d'un engagement du coeur, d'une soumission de la volont s'exprimant par l'obissance au jugement de Celui en qui on croit, une obissance fonde sur un consentement total et sans arrire-pense : Non, par ton Seigneur, ils ne croiront pas tant qu'ils ne te feront pas juge de leurs diffrends, pour ensuite accepter ton jugement sans rancoeur et s'y soumettre totalement. 4

Sourate Sourate ' Sourate Sourate2

an-Naml, Les fourmis , verset 14. al-Baqara, La vache , verset 146. al-Houjourt, Les appartements , verset 15. an-Nis', Les femmes , verset 65. 21

Lorsque les croyants sont appels devant Dieu et Son Prophte pour que celui-ci juge entre eux, ils se contentent de dire : nous coutons et nous obissons ; voil ceux qui connatront le succs. 1 Il n'appartient pas un croyant ni une croyante, une fois que Dieu et Son Prophte en ont jug, de conserver le choix sur une affaire. 2 Cette connaissance et cette soumission doivent galement tre accompagnes d'un profond attachement sentimental, qui pousse le croyant agir en consquence de sa foi, se conformer ses principes de morale et de comportement et lutter pour cette foi avec ses biens et sa personne. C'est pourquoi le Saint Coran dcrit les croyants en ces termes : Les vrais croyants sont ceux dont les coeurs frmissent lorsqu'on mentionne Dieu, dont la foi augmente lorsqu'on leur rcite Ses versets et qui s'en remettent leur Seigneur, ceux qui accomplissent la prire et dpensent des biens que Nous leur avons dispenss, - ceux-l sont vritablement les croyants. 3 Le Coran prsente toujours la foi travers une morale vivante et des actions manifestes, par lesquelles les croyants se distinguent des mcrants et des hypocrites : Bienheureux les croyants, qui se recueillent humblement dans leurs prires, qui vitent les vains propos, qui acquittent l'aumne purificatrice, qui s'abstiennent des rapports charnels, sauf avec leurs pouses et leurs esclaves on ne peut donc les blmer, tandis que ceux qui convoitent d'autres femmes sont, eux, les transgresseurs - qui

Sourate an-Nor, La lumire , verset 51. Sourate al-Ahzb, Les coaliss , verset 36. ' Sourate al-Anfl, Le butin , versets 2-3.2

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respectent les dpts confis ainsi que leurs engagements, et qui sont assidus dans leurs prires. 1 Dieu dcrit encore ainsi les croyants sincres : Les vrais croyants sont ceux qui croient en Dieu et Son Prophte puis ne doutent plus, et qui luttent avec leur personne et leurs biens dans la voie de Dieu : voil ceux qui sont sincres. 2 Le martyr de l'islam Sayyid Qoutb (que Dieu lui fasse misricorde) dit propos de ce verset dans son commentaire F dhill al-qour'n : La foi est une reconnaissance par le coeur de la vrit de Dieu et de Son Prophte (que la bndiction et la paix soient sur lui), une reconnaissance inaccessible au doute, une reconnaissance sereine et ferme fonde sur une conviction inbranlable et invariable, au-dessus de toute hsitation du coeur ou des sentiments, et qui conduit lutter de sa personne et de ses biens dans la voie de Dieu. Lorsque le coeur a got la douceur de cette foi et s'y est fermement engag, il est ncessairement pouss actualiser cette foi hors du coeur, dans la vie pratique, dans le monde des hommes, afin d'harmoniser le sentiment intrieur de la ralit de la foi et le droulement concret de la vie autour de lui. Il ne supporte pas que la vision de la foi qui l'habite se trouve en contradiction avec la nature de la ralit qui l'entoure, car une telle contradiction le heurte et le fait souffrir chaque instant : c'est cela qui le pousse lutter de sa personne et de ses biens dans la voie de Dieu. Cette motivation mane du plus profond de l'tre du croyant : celui-ci cherche raliser la vision clatante qui habite son coeur, afin de la voir se manifester dans la vie et chez les gens autour de lui. Le conflit entre le croyant et la vie paenne qui l'entoure est un conflit essentiel manant de son refus d'une vie o la vision de la foi et la ralit pratique se trouvent en opposition, ainsi que du refus de tout

2

Sourate al-Mou'minon, Les croyants , versets 1-9. Sourate al-Houjourt, Les appartements , verset 15.

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compromis l'encontre de cette vision de la foi, pure et parfaite, au nom d'une ralit pratique insatisfaisante et dfigure qu'il ne peut admettre. Il ne peut alors que combattre le paganisme qui l'entoure, jusqu' ce que celui-ci accepte la vision de la foi et la vie de la foi. Tous ces lments mentionns prcdemment constituent ensemble la foi vritable, ou la croyance vritable, tandis que si certains lments en sont absents, ce qui en reste ne mrite plus d'tre appel la foi. On pourra appeler cela une ide, une thorie, une opinion ou quelque chose d'approchant, mais la foi vritable est celle qui illumine tous les aspects de la personne, rayonnant de lumire, de chaleur et de vie. Cette foi rayonne dans l'esprit qu'elle convainc et tranquillise, dans le coeur qu'elle meut et motive, dans la volont qu'elle oriente : si l'esprit est convaincu, si le coeur est mu, si la volont est oriente, le corps rpond et est pouss agir avec le zle d'un fidle serviteur. J'aime ce qu'a crit le professeur Ahmad Amn (que Dieu lui fasse misricorde) propos de la diffrence entre l'opinion et la conviction religieuse : Il est une grande diffrence entre adopter une opinion et avoir une foi : l'opinion se situe au niveau des connaissances que l'on possde tandis que la foi coule dans le sang, pntre jusqu' la moelle des os et au plus profond du coeur. Le partisan d'une opinion est philosophe et dit : `Je considre que ceci est juste, mais il se peut en ralit que ce soit faux ; c'est ce qui a t prouv pour l'instant, mais on prouvera peut-tre le contraire demain ; il se peut que j'aie raison comme il se peut que j'aie tort.' Mais celui qui possde une foi est profondment convaincu, sa certitude ne souffre aucun doute, sa foi est la vrit, elle est vraie aujourd'hui et le restera demain ; elle n'a

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plus besoin d'tre prouve ' et n'a plus faire face aux doutes et aux hypothses. Le partisan d'une opinion est peu enthousiaste ; si son opinion se vrifie il sourira avec calme et pondration, mais ne se chagrinera pas outre mesure si elle ne se vrifie pas, puisqu'il avait dj admis l'hypothse que son opinion, tout en tant juste, pouvait s'avrer fausse, tandis que l'opinion des autres, tout en tant fausse, pouvait s'avrer juste. Mais celui qui possde une foi est plein d'ardeur et son zle ne s'apaisera que lorsqu'il aura ralis ce en quoi il croit. Le partisan d'une opinion peut facilement en changer et la remettre en cause : il s'appuie sur une preuve, ou sur une utilit qui lui sert de preuve. Mais la position de celui qui possde une foi est le mieux exprime par cette parole de l'Envoy de Dieu : `Si l'on mettait le soleil dans ma main droite et la lune dans ma main gauche, condition que je renonce au message que j'apporte, je n'y renoncerais pas.' L'opinion est un corps inerte, elle ne vit pas tant que la foi n'y a pas insuffl de son esprit ; l'opinion est une caverne obscure, que seule la lumire de la foi peut clairer ; l'opinion est un marcage d'eau stagnante infest de moustiques, tandis que la foi est une mer dbordante qui ne permet pas sa surface de croupir ; l'opinion est une nbuleuse qui se forme, la foi une toile qui s'accroche. L'opinion pose des difficults, cre des obstacles, prte attention aux souhaits du corps, suscite doutes et hsitations... La foi, elle, affronte les dangers, branle les montagnes, modle le destin, change le cours de l'histoire, fait s'envoler les doutes

' C'est le cas une fois que l'on a acquis une conviction certaine ; mais avant cela, l'islam ne se satisfait pas d'une foi fonde sur la seule imitation : la foi du musulman doit tre une certitude fonde sur des preuves claires, et nous montrerons plus loin qu'une des caractristiques de la foi islamique est justement d'tre une foi fonde sur des preuves. 25

et les hsitations, suscite la conviction et la certitude et ne se satisfait que de ce que l'me dsire. 1 Le contenu de la foi dont nous parlons Il ne suffit pas de dfinir clairement la notion de foi pour savoir ce que cette foi contient et implique. Il nous faut donc ici prciser de quelle foi nous parlerons dans cette tude. Le mot foi a souvent t employ abusivement. On nous parle aujourd'hui de foi communiste, de foi existentialiste, de foi nationaliste, de foi en la patrie, de foi en la rvolution, de foi en toute sortes d'ides forges par l'homme sans que Dieu ne le lui ait permis. Que les gens disent ce qu'ils voudront ; il ne nous nuira en rien de dfinir la foi dont nous parlons. C'est la foi qui seule peut tre dsigne par le mot foi employ dans l'absolu : la foi religieuse qui est prsente depuis l'aube de l'humanit, qui ne l'a jamais quitte tout au long de son histoire et qui dtermine toujours largement les choix et les actions des tres humains. C'est la foi constitue par la dernire religion rvle, la foi musulmane, telle que l'ont explique le Saint Coran et l'enseignement du noble Prophte (que la bndiction et la paix soient sur lui) : la foi en Dieu, au Jour dernier, aux Anges, aux critures et aux Prophtes. C'est cette foi qui rsout le mystre de l'existence, qui explique l'tre humain le sens de sa vie et de sa mort, qui rpond ses questions ternelles : d'o venons-nous ? o allonsnous ? pourquoi ? Cette foi n'est pas une innovation de l'islam ni une invention du Prophte Mohammed (que la bndiction et la paix soient sur lui) : elle constitue la foi pure que tous les messagers de Dieu sont venus apporter et que tous les livres rvls ont exprime avant d'tre altrs et falsifis. Ce sont les

Ahmad Amn, Fa}d al-khtir ( La plnitude du coeur ).26

vrits ternelles qui ne sauraient subir ni variation ni changement, les vrits au sujet de Dieu et de Sa relation avec ce monde... de ce que nous pouvons en percevoir et de ce qui dpasse notre perception ; au sujet de la vritable nature de cette vie, du rle qu'y joue l'homme et du sort qu'il connatra ensuite. Ce sont les vrits qu'Adam a enseignes ses enfants, que No a enseignes son peuple, les vrits auxquelles Hod et Slih ont appel les `Ad et les Thamod, les vrits qu'ont proclames Abraham, Ismal, Isaac et les autres prophtes de Dieu, et qu'ont confirmes Mose dans la Torah, David dans les Psaumes, Jsus dans l'vangile. Tout ce qu'a fait l'islam, cela a t de purifier cette foi des distorsions et de la dbarrasser des corps trangers qui s'y taient introduits avec le temps, altrant sa puret et corrompant son monothisme, comme la croyance la trinit, l'intercession, la servitude envers d'autres matres que Dieu, qui l'avaient dforme par des dviations vers l'anthropomorphisme ou l'attribution au Dieu sublime et transcendant des faiblesses et des imperfections humaines, qui avaient brouill sa vision de l'univers, de la vie, de l'homme et de son rapport Dieu, la rvlation et aux enseignements religieux. Le rle de l'islam a galement t de prsenter cette foi d'une manire nouvelle, convenant au message dont la sagesse divine a voulu faire la dernire des rvlations et le but de tout tre humain jusqu' la fin des temps. La foi de l'islam est donc venue purifier la notion de monothisme et de perfection divine de tout ce qui avait pu la brouiller au cours du temps, comme elle a purifi la notion de prophtie et de rvlation des conceptions errones qui taient venues l'entacher. Elle a galement purifi la notion de rcompense dans l'Au-del des inventions paennes, des dviations, des usurpations et des impostures.

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Les lments fondamentaux de cette foi sont la croyance en Dieu, la croyance aux prophtes et la croyance en l'Au-del. On peut considrer que la foi en Dieu englobe la croyance en l'Au-del ; en outre, la foi en Dieu comprend la foi en Son existence, la foi en Son unicit et la foi en Sa perfection. L'existence de Dieu Tout-Puissant Tout concorde prouver qu'il existe, derrire cet univers, une force suprieure qui le dirige et le contrle ; certains dnomment cette force la cause premire , d'autres prfrent parler de l'esprit premier ou du moteur premier . Le Coran et les Livres rvls dsignent cette force sous le nom prcis qui englobe tous les attributs de la beaut et de la perfection : Allh, Dieu. Cette force suprieure, ou autrement dit ce Dieu sublime, la raison humaine est incapable d'en connatre l'essence et la nature : comment le pourrait-elle, alors qu'elle est incapable de connatre sa propre nature, l'essence de l'me et la nature de la vie, ainsi qu'un grand nombre des ralits matrielles de l'univers comme l'lectricit, le magntisme etc., dont on ne connat que les effets ? Comment l'homme pourrait-il alors esprer connatre l'essence du Dieu sublime et transcendant ? Voil Dieu, votre Seigneur ; il n'y a pas d'autre divinit que Lui, le Crateur de toute chose : adorez-Le donc. C'est Lui qui a charge de toute chose. Les regards ne peuvent L'atteindre, tandis qu'Il atteint les regards, - Il est le Subtil, parfaitement inform. ' Ce Dieu n'est pas celui d'un groupe, d'un peuple ou d'une rgion en particulier ; Il est le Seigneur des Mondes , le Seigneur des cieux et de la terre , le Seigneur de l'Orient

'

Sourate al-An'm, Les bestiaux , versets 102-103. 28

et de l'Occident : Dis : Chercherais-je un autre seigneur que Dieu, alors qu'Il est le Seigneur de toute chose ? 1 Rappelons-nous comment le Coran nous relate le dialogue entre Mose et le Pharaon o est souligne la totale souverainet du Tout-Puissant : Le Pharaon dit : `Et qu'est-ce que le Seigneur des Mondes ?' (Mose) dit : `Le Seigneur des cieux et de la terre et de ce qui se trouve entre les deux, si seulement vous croyiez fermement.' (Le Pharaon) dit ceux qui l'entouraient : `N'entendez-vous pas ?' (Mose) dit : `C'est votre Seigneur et le Seigneur de vos plus lointains anctres.' (Le Pharaon) dit : `Votre messager qui vous a t envoy est assurment fou.' (Mose) dit : `C'est le Seigneur de l'Orient et de l'Occident et de ce qui se trouve entre les deux, si seulement vous raisonniez.' 2 Le Coran apporte de multiples preuves de l'existence de Dieu : 1. Il invite l'esprit et l'intelligence contempler, dans l'Univers, les nombreux signes indiquant la prsence d'un sage Crateur. Il s'agit d'une loi fondamentale de la raison qui croit naturellement au principe de la causalit sans avoir besoin pour cela d'apprentissage ni de dmonstration. Dans la cration des cieux et de la terre, dans l'alternance de la nuit et du jour, dans le bateau qui vogue sur la mer charg de ce qui est utile aux hommes, dans l'eau que Dieu fait descendre du ciel pour faire revivre la terre aprs sa mort, la terre o Il a dissmin toutes sortes de btes, dans la variation des

2

' Sourate al-An'm, Les bestiaux , verset 164.Sourate ach-Chou'ar', Les potes , versets 23-28.

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vents et les nuages assujettis entre le ciel et la terre, il est certes des signes pour des gens qui raisonnent. 1 Cette cration doit ncessairement avoir un Crateur, cette organisation doit avoir un auteur : Auraient-ils t crs sans rien, ou seraient-ils euxmmes les crateurs ? Auraient-ils cr les cieux et la terre ? 2 'Qui est donc votre Seigneur, Mose ?' Il dit : `Notre Seigneur est Celui qui a donn chaque chose sa nature puis l'a dirige'. 3 2. Il fait appel la nature profonde de l'tre humain par laquelle celui-ci sait spontanment qu'il a un Seigneur, un Dieu tout-puissant et transcendant qui veille sur lui : Dirige ton visage vers la religion en un culte pur, selon la nature inne que Dieu a donne aux hommes en les crant - pas de changement dans la cration de Dieu -. Voil la religion droite - mais la plupart des gens ne savent pas. 4 Si cette connaissance instinctive est parfois oublie dans les moments de prosprit et d'amusement, elle rapparat au temps de l'preuve et du malheur. Alors, le vernis mensonger a tt fait de disparatre pour rvler la matire originelle de l'me humaine qui se retourne vers son Seigneur pour L'invoquer et L'implorer : C'est Lui qui vous fait parcourir la terre et la mer ; quand vous tiez sur le bateau et que nous les faisions voguer grce un bon vent dont ils se rjouissaient, un vent se mit souffler en tempte et des vagues se mirent les

'2 3

Sourate Sourate Sourate Sourate

al-Bagara, La vache , verset 164. at-Tor, Le mont , versets 35-36. Ta Ha, versets 49-50. ar-Rom, Les Romains , verset 30.

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entourer de toutes parts ; se sentant cerns, ils invoqurent alors Dieu, Lui vouant un culte exclusif : `si Tu nous dlivres de ceci, nous serons assurment au nombre de ceux qui sont reconnaissants.' ' Cette connaissance instinctive reparat galement lorsque l'homme se trouve soudain confront la question de l'origine de cet univers et de son organisation ; il n'a alors pas d'autre issue que de proclamer en rponse : Dieu . Et si tu leur demandes qui a cr les cieux et la terre et assujetti le soleil et la lune, ils rpondront assurment : Dieu. 2 Dis : Qui vous dispense votre subsistance du ciel et de la terre ? Qui possde le pouvoir sur l'oue et la vue, qui fait sortir le vivant du mort et fait sortir le mort du vivant, et qui dirige toute chose ? Ils diront alors : c'est Dieu. Dis : Ne Le craindrez-vous donc pas ? Car tel est Dieu, votre vrai Seigneur. Qu'y a-t-il donc aprs la Vrit, sinon l'garement ? Comment, alors, pouvez-vous vous dtourner ? 3 Le Coran fait appel l'histoire humaine pour montrer que ceux qui avaient cru en Dieu et Ses prophtes ont ainsi pu tre sauvs, tandis que le refus de croire a conduit les autres la ruine et l'anantissement : Ainsi dit-il propos de No : Ils le traitrent de menteur. Nous le sauvmes alors ainsi que ceux qui taient avec lui dans l'arche, et Nous noymes ceux qui

' Sourate2

Yonous, Yonous,

Sourate ' Sourate

al-'Ankabot,

Jonas , verset 22. L'araigne , verset 61. Jonas , versets 31-32. 31

avaient trait Nos signes de mensonge : ils taient certes des gens aveugles. 1 propos de Houd il dit : Nous le sauvmes ainsi que ceux qui taient avec lui par une misricorde de Notre part, et Nous anantmes ceux qui avaient trait Nos signes de mensonge et qui n'taient pas croyants. 2 A propos de Slih et de son peuple les Thamod, il dit : Voil leurs demeures dsertes en raison de leur injustice ; il y a en cela un signe pour un peuple qui sait. Et nous sauvmes ceux qui croyaient et qui taient pieux. 3 Enfin, Dieu dit Son prophte Mohammed (que la bndiction et la paix soient sur lui) propos de tous Ses messagers : Nous avons certes, avant toi, envoy des messagers leur peuple, leur apportant les preuves dcisives. Puis nous avons tir vengeance des criminels ; Nous devions secourir les croyants. 4 Dieu est unique Dieu, le Sublime, est unique, Il n'a pas d'associ, nul n'est semblable Lui dans Son essence, Ses attributs ou Ses oeuvres : Dis : Il est Dieu, l'Unique ; Dieu, l'Absolu. Il n'a pas engendr et Il n'a pas t engendr. Nul n'est gal Lui. 5

2

45

Sourate al-A'rf, Les murailles , verset 64. Sourate al-A'rf, Les murailles , verset 72. Sourate an-Nanil, Les fourmis , versets 52-53. Sourate ar-Rom, Les Romains , verset 47. Sourate al-Ikhls, Le culte pur . 32

Et votre Dieu est un Dieu unique, il n'y a pas d'autre divinit que Lui, le Misricordieux, plein de misricorde. 1 Toute l'extraordinaire organisation de l'univers prouve que celui-ci a t cr et est rgi par un seul tre. En effet, s'il se trouvait, derrire cet univers, plus d'un esprit et d'une volont pour en rgir l'organisation, cela serait une source de dsordre et de conflits entre ses lois. La Parole de Dieu est vraie : S'il se trouvait dans le ciel et la terre d'autres divinits que Dieu, le dsordre y rgnerait. - Gloire Dieu, le Seigneur du Trne, infiniment suprieur ce qu'ils Lui attribuent. 2 Dieu ne s'est pas attribu d'enfant, et aucune autre divinit ne se trouve avec Lui. Sinon, chaque divinit emporterait ce qu'elle aurait cr et les unes seraient suprieures aux autres. - Gloire Dieu, infiniment suprieur ce qu'ils Lui attribuent. 3 Dieu est donc unique dans Sa souverainet : Il est le Seigneur des cieux et de la terre ainsi que de tous les tres et choses qui s'y trouvent, Il a cr toute chose dans sa juste proportion, a donn chaque chose sa nature puis l'a dirige. Aucune de Ses cratures ne saurait prtendre avoir cr ou contrler la moindre particule dans les cieux ou sur la terre, ni encore en assurer la subsistance : Cela ne convient pas leur nature et ils ne le peuvent pas. 4 Dieu est galement unique dans Sa divinit : Lui seul est digne d'tre ador, et il n'est pas permis de se tourner vers un autre que Lui dans la crainte ou l'espoir. On ne doit craindre que Lui et se soumettre qu' Lui ; on ne doit esprer qu'en Sa misricorde, on ne doit compter que sur Lui et on ne doit se

i 24

Sourate al-Baqara, La vache , verset 163. Sourate al-Anbiy', Les prophtes , verset 22. Sourate al-Mou' minon, Les croyants , verset 91. Sourate ach-Chou'ar', Les potes , verset 211.

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conformer qu' Son jugement. Tous les tres humains, y compris les prophtes, les justes, les rois et les gouvernants, sont des serviteurs de Dieu : ils n'ont aucun pouvoir d'influer en bien ou en mal sur leur propre sort, aucun contrle sur la mort, la vie ni la rsurrection. Celui qui prendrait l'un d'eux pour divinit, le craignant et s'assujettissant lui, lui attribuerait ainsi une importance excessive en mme temps qu'il se sous-estimerait lui-mme. C'est pourquoi l'islam lance cet appel tous les tres humains, et aux Gens du Livre en particulier : gens du Livre ! Venez une parole commune entre nous et vous : que nous n'adorions que Dieu sans rien Lui associer, et que nous ne nous prenions pas les uns les autres pour seigneurs en dehors de Dieu. 1 Le Coran a seulement dit de Mohammed, le Prophte de l'islam (que la bndiction et la paix soient sur lui), qu'il tait : Un prophte, avant qui d'autres prophtes ont pass 2 , tandis que lui-mme n'a jamais prtendu tre plus que le serviteur de Dieu et Son prophte . 3 Tous les prophtes ne sont' rien de plus, nous dit le Coran, que des tres humains comme nous, que Dieu a choisis pour porter Son message Ses cratures et les appeler L'adorer et ne croire qu'en Lui seul. C'est pourquoi leur premier appel a toujours t : Adorez Dieu, vous n'avez pas d'autre divinit que Lui . 4

Sourate Al 'Imrn, La famille de 'Imrn , verset 64. Sourate l 'Imrn, La famille de 'Imrn , verset 144. 3 Voir le hadth authentique : Ne me glorifiez pas comme les chrtiens ont glorifi Jsus, fils de Marie. Mais dites : c'est le serviteur de Dieu et Son prophte. 4 Voir sourate al-A'rf, Les murailles , versets 59, 65, 73, 85 ; sourate Houd, versets 26, 50, 61, 81 ; sourate al-Mou'minon, Les croyants , versets 23, 32.2

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Le Coran dit ce propos : Nous avons envoy dans chaque communaut un messager disant : `Adorez Dieu et loignez-vous des fausses divinits'. 1 Nous n'avons pas envoy de prophte avant toi sans lui inspirer : il n'y a pas d'autre divinit que Moi, adorezMoi donc . 2 C'est donc une erreur manifeste que de prtendre que l'un de ces prophtes ait appel les gens faire de lui une divinit et vnrer sa personne : Il n'appartient pas un tre humain qui Dieu a donn l'Ecriture, la Comprhension et la Prophtie, de dire aux gens : `Soyez mes serviteurs au lieu de ceux de Dieu.' Mais soyez plutt de pieux savants, puisque vous enseignez et tudiez l'Ecriture. Et il ne vous ordonnera pas de prendre les anges et les prophtes comme seigneurs : vous ordonnerait-il la mcrance alors que vous tes musulmans ? ; C'est pourquoi la foi musulmane se rsume dans cette parole sublime, connue des musulmans comme l'attestation de l'unicit divine, du culte pur ou de la pit : Il n'y a pas d'autre divinit que Dieu. Ces mots, il n'y a pas d'autre divinit que Dieu , ont servi proclamer la rvolte contre les tyrans de la terre et les fausses divinits du paganisme... La rvolte contre toutes les idoles et tous les objets de culte adors la place de Dieu, qu'ils soient des arbres, des pierres ou des hommes. Ces mots, il n'y a pas d'autre divinit que Dieu , ont t un appel universel librer l'tre humain de toute servitude

2

3

Sourate an-Nahl, Les fourmis , verset 36. Sourate al-Anbiy', Les prophtes , verset 25. Sourate l 'Irnrn, La famille de 'Imrn , versets 79-80.

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envers les autres hommes, la nature et tous les tres et choses crs par Dieu. Ces mots, il n'y a pas d'autre divinit que Dieu , annonaient une voie nouvelle, qui n'manait ni d'un sage ni d'un philosophe, la voie de Dieu, le Seul vers qui les visages se tournent, le Seul qui les coeurs obissent et se soumettent. Ces mots, il n'y a pas d'autre divinit que Dieu , annonaient la naissance d'une socit nouvelle diffrente des socits paennes : une socit se distinguant par sa foi et par ses institutions, ne reconnaissant pas les diffrences raciales, gographiques ou sociales, parce qu'elle ne reconnat pas d'autre autorit que celle du Dieu unique. Les chefs et les tyrans paens avaient fort bien compris la menace que reprsentait cet appel, il n'y a pas d'autre divinit que Dieu , pour leur autorit, comment il pouvait anantir leur pouvoir despotique et soutenir contre eux les peuples opprims. C'est pourquoi ils dployrent tous leurs efforts pour le combattre et tentrent par tous les moyens d'y faire obstacle et de dtourner les croyants de la voie de Dieu. Le plus grand malheur de l'humanit tait que certains hommes s'taient rigs en dieux ou en demi-dieux, ou que d'autres hommes leur avaient attribu ce rle : c'tait eux que les gens vnraient, c'tait eux qu'ils se soumettaient, devant eux qu'ils s'inclinaient et se prosternaient, eux qu'ils obissaient. Mais la foi en l'unicit de Dieu parvint lever les coeurs des croyants de sorte que jamais plus un tre humain n'tait considr comme un dieu, ni un demi-dieu, ni un tiers de Dieu, ni un fils de Dieu... que jamais plus un tre humain n'tait en aucune faon difi. Jamais plus un tre humain ne se prosternait ou ne s'inclinait devant un autre tre humain, ou ne baisait le sol devant lui. C'est l le fondement de la vritable fraternit

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humaine, de la vritable libert, de la vritable dignit : en effet, il ne peut exister de fraternit entre l'adorateur et l'objet de son adoration, ni de libert pour un homme devant un dieu ou une suppose divinit, ni de dignit pour quelqu'un qui s'incline ou se prosterne devant une crature semblable lui ou qui lui obit au lieu d'obir Dieu. Abo Mos al-Ach'ar a relat : Nous arrivmes auprs du Ngus alors qu'il tenait assemble ; `Amr ibn al-'s tait sa droite et `Oumra sa gauche, tandis que les dignitaires religieux taient assis en deux ranges. `Amr et `Oumra (les deux dlgus envoys par les paens qorachites de La Mecque au Ngus pour lui rclamer les migrs musulmans) lui avaient dit : `Ils ne se prosternent pas devant toi'. Lorsque nous arrivmes, les dignitaires religieux et les prtres nous retinrent en disant : `Prosternez-vous devant le roi'. Mais Ja'far ibn Ab Tlib rpondit : `Nous ne nous prosternons que devant Dieu !' . Alors mme qu'ils taient des migrs qui avaient fui la rpression, des trangers rfugis chez ce roi et donc en son pouvoir, ils refusrent de dvier, ne ft-ce qu'un instant, de leur foi en l'unicit divine pour se prosterner devant un autre que Dieu, et Ja'far pronona ces mots qui devinrent la devise de tout musulman : Nous ne nous prosternons que devant Dieu. Dieu est parfait Lorsqu'on croit en la prsence et en l'unicit de Dieu, il faut ncessairement croire aussi que Dieu possde tous les attributs de la perfection propres Sa nature transcendante, et qu'Il se suffit totalement Lui-mme : Il n'a pas engendr et Il n'a pas t engendr. Nul n'est gal Lui. 1 Rien n'est

Sourate

al-Ikhls,

Le culte pur , versets 3-4.

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semblable Lui, Il est Celui qui entend et qui voit parfaitement. 1 Toute l'extraordinaire organisation de l'univers concourt le prouver, la nature humaine claire le sait instinctivement, et les messages divins rvls par l'intermdiaire des prophtes le confirment prcisment. Dieu, le Sublime, est l'Omniscient qui rien n'chappe : Il possde les cls de l'Invisible. Lui seul les connat. Il connat ce qui est dans la terre et la mer ; pas une feuille ne tombe sans qu'Il n'en ait connaissance, il n'est pas une graine dans les tnbres de la terre, rien de frais ni de sec, qui ne se trouve dans un crit explicite. 2 Il est le Tout-Puissant : Il fait ce qu'Il veut, rien ne peut Le vaincre ni s'opposer Sa volont : Dis : mon Dieu, matre de la royaut, Tu donnes la royaut qui Tu veux, Tu tes la royaut qui Tu veux, Tu rends puissant qui Tu veux et Tu humilies qui Tu veux. Tu dtiens le bien : Tu as pouvoir sur toute chose. 3 Il est l'Omnipotent, sa capacit est illimite : Il exauce la prire de l'opprim, Il carte le malheur, Il rend la vie aux ossements alors qu'ils taient poussire et ramne les cratures la forme premire qu'Il leur avait donne, et cela lui est facile : Bni soit Celui qui dtient la Royaut et a pouvoir sur toute chose. 4 est le Sage qui n'a rien cr en vain, qui ne laisse rien l'abandon, qui n'agit et ne lgifre que pour de bonnes raisons, connues de certains et ignores des autres. Les Anges euxmmes en tmoignent au ciel : Ils dirent : `Gloire Toi !Il

2

4

Sourate ach-Chor, La concertation , verset 11. Sourate al-An 'm, Les bestiaux , verset 59. Sourate l 'Imrn, La famille de 'Imrn , verset 26. Sourate al-Moulk, La Royaut , verset 1.

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Nous n'avons d'autre savoir que ce que Tu nous a appris. C'est Toi qui es l'Omniscient, le Sage.' ' Les prophtes et les amis de Dieu en tmoignent galement, ainsi que les gens dous d'intelligence : Ceux qui invoquent Dieu, debout, assis ou couchs, et qui mditent sur la cration des cieux et de la terre. Seigneur ! Ce n'est pas en vain que tu as cr cela. Gloire Toi ! 2 Il est le Misricordieux, Celui dont la misricorde l'emporte sur son courroux, dont la misricorde s'tend toute chose tout comme Son savoir s'tend toute chose. Le Coran relate l'invocation des Anges : Notre Seigneur, Tu tends toute chose Ta misricorde et Ton savoir. 3 Dieu dit : J'infligerai Mon chtiment qui Je veux, et Ma misricorde s'tend toute chose. 4 Les sourates du Coran commencent par les mots Au nom de Dieu, le Misricordieux, plein de misricorde pour rappeler l'tendue de la misricorde divine et fortifier l'espoir dans les coeurs des croyants, malgr tous les pchs qu'ils ont pu commettre : Dis : mes serviteurs qui avez commis des excs votre propre dtriment, ne dsesprez pas de la misricorde de Dieu : Dieu pardonne tous les pchs, c'est Lui le Pardonneur, Celui qui est plein de misricorde. 5 L'islam ne considre pas que Dieu se tienne l'cart de cet univers et de ses habitants, comme le Dieu envisag par Aristote, qui L'appelait le premier moteur ou la cause premire et Le dfinissait par des caractristiques purement ngatives, sans Lui reconnatre de pouvoir vritable d'intervention ni de dtermination. Le Dieu de la philosophie d'Aristote ne connat

Sourate al-Baqara, La vache , verset 32. Sourate AI 'Imrn, La famille de 'Imrn , verset 191. ' Sourate Ghfir, Celui qui pardonne , verset 7. Sourate al-A'rf, Les murailles , verset 156. 5 Sourate az-Zoumar, Les groupes , verset 53.2

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que Lui-mme et ne sait rien de ce qui se passe dans ce vaste univers. Le Dieu d'Aristote et de la philosophie grecque n'a pas cr cet univers partir du nant : pour les Grecs, le monde est ternel, il n'a pas de commencement et n'a pas t cr. Le Dieu d'Aristote n'a aucun lien avec ce monde, Il ne s'y intresse pas et n'influe en rien sur ce qui s'y passe ; Il n'a aucune connaissance des vnements de ce monde, de ce qui sort de la terre ou y pntre, de ce qui descend du ciel ou s'y lve. Tout ce qu'Aristote et ses partisans disent de Dieu, c'est qu'Il n'a ni qualit ni quantit, ni commencement ni fin, qu'Il n'est ni un ensemble ni une partie d'un ensemble, qu'Il n'est ni intrieur ni extrieur au monde, ni li lui ni spar de lui : toutes ces ngations ne permettent pas de considrer la divinit comme un tre suscitant l'espoir et la crainte, ni de lier les tres humains Dieu dans une relation claire fonde sur le contrle divin, la pit, la confiance, l'abandon, la crainte et l'amour. Ce Dieu dtach du monde, connu de la pense grecque puis, sa suite, de la pense occidentale moderne, est tranger la pense musulmane. L'islam ne connat qu'un seul Dieu : Celui qui a cr la terre et les cieux levs ; le Misricordieux s'est tabli sur le Trne, Lui appartient ce qui est dans les cieux et sur la terre, ce qui est entre eux et ce qui est sous la glbe. Si tu parles haute voix, Il connat certes les secrets et ce qui est le mieux cach. Dieu ! Il n'y a pas d'autre divinit que Lui, les plus beaux noms Lui appartiennent. 1 Dieu ! Il n'y a pas d'autre divinit que Lui, le Vivant, l'Immuable. Il n'est pas sujet la somnolence ni au sommeil. Tout ce qui est dans les cieux et sur la terre Lui appartient. Qui donc intercde auprs de Lui, si ce n'est par

'

Sourate

Ta Ha,

versets 4-8.

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Sa permission ? Il sait ce qui est devant eux et ce qui est derrire eux, tandis qu'ils ne peuvent rien apprhender de Son savoir, hormis ce qu'Il veut. Son Trne s'tend aux cieux et la terre ; leur prservation ne Le fatigue en rien ; Il est l'lev, l'Immense. 1 Dieu, selon l'islam, est le Crateur de toute chose. C'est Lui qui dispense leur subsistance tous les tres vivants, qui dirige toute chose ; son savoir embrasse tout, Il a fait le dcompte exact de toute chose, et Sa misricorde s'tend toute chose. C'est Lui qui a cr et form harmonieusement, dtermin et guid. Il entend et Il voit, Il connat les secrets et les conversations particulires : Il n'est pas de conversation particulire entre trois tres sans qu'Il ne soit le quatrime, ni entre cinq sans qu'Il ne soit le sixime, ni entre moins ni plus que cela sans qu'Il ne soit avec eux o qu'ils se trouvent ; puis Il les informera de leurs actions le Jour de la Rsurrection. 2 C'est Lui qui cre et ordonne, Il dtient la Royaut sur toute chose, Il fait pntrer la nuit dans le jour et le jour dans la nuit, Il fait sortir le vivant du mort et le mort du vivant, Il dispense la subsistance qui Il veut sans compter. Il est le Possesseur et le Matre de tout ce qui est dans les cieux et sur la terre : personne ne possde ne serait-ce que le poids d'un atome des cieux et de la terre, personne n'y partage Son pouvoir. Le soleil, la lune et les toiles sont assujettis selon son ordre, la terre, avec ce qui s'y trouve, est aplanie grce Son pouvoir, elle obit Sa volont, conformment Sa sagesse. C'est Lui qui envoie les vents pour amonceler les nuages qu'Il tend ensuite dans le ciel comme Il veut, pour en faire des fragments d'o tombe la pluie. C'est lui qui a assujetti les

2

Sourate al-Baqara, La vache , verset 255. Sourate al-Moujdala, La discussion , verset 7. 41

bateaux pour qu'ils voguent sur la mer selon Son ordre, et qui empche le ciel de tomber sur la terre, si ce n'est par Sa permission. C'est Lui qui a soumis la terre pour que les gens en parcourent les tendues et en tirent leur subsistance. Tous les tres qui peuplent les cieux et la terre sont Ses cratures et Ses serviteurs : les anges dans les cieux, les djinns et les tres humains sur la terre, tous sont soumis Son pouvoir et obissent Sa volont. Les anges sont, de par leur nature, Ses soldats obissants : Ils ne prennent pas la parole avant Lui et ils agissent selon Son ordre. t Ils ne dsobissent pas Dieu en ce qu'Il leur ordonne, et ils font ce qui leur est ordonn. 2 Les djinns et les tres humains, bien que Dieu leur ait donn la libert de choix, ne peuvent pas se soustraire la volont et la souverainet divines : ils n'ont aucun pouvoir sur leur mort, leur vie ou leur rsurrection, et ceux qui se rebellent aujourd'hui contre leur servitude envers Lui auront des comptes rendre demain : Tous ceux qui sont dans les cieux et sur la terre se prsentent au Misricordieux comme de simples serviteurs. Il les a dnombrs ; Il les a bien compts. Tous viendront Lui, un un, le Jour de la Rsurrection. 3 Dieu, le Sublime, est prsent auprs de tous Ses serviteurs de par Son omniscience : Il est avec vous o que vous soyez. 4 Il est, en particulier, prsent auprs des croyants par Son soutien et Son aide : Dieu est avec ceux qui sont pieux et qui font le bien. 5 Dieu est avec les croyants. 6

Sourate at-Tahrni, L'interdiction , verset 6. Sourate Maiyam, Marie , versets 93-95. Sourate al-Hadd, Le fer , verset 4. s Sourate an-Nahl, Les abeilles , verset 128. 6 Sourate al-Anfl, Le butin , verset 19.2 3

' Sourate al-Anbiy', Les prophtes , verset 27.

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L'univers et tout ce qu'il comprend, du plus lev au plus bas, anim et inanim, dou ou non de parole, tout est soumis l' Ordre de Dieu, obit Sa loi, tmoigne de Son unicit et de Sa toute-puissance, voque les signes de Sa science et de Sa sagesse ; tout clbre en permanence Sa gloire et Sa louange : Les sept cieux et la terre, et tout ce qui est en leur sein, clbrent les louanges de Dieu ; il n'est pas une chose qui ne clbre Ses louanges, mais vous ne comprenez pas leur chant. Il est certes plein de mansutude, enclin au pardon. ' Le fait que l'univers tout entier chante la gloire de Dieu et se prosterne devant Lui est une vrit profonde que souvent les yeux et les oreilles ne peroivent pas, mais qui apparat de toute vidence ceux qui regardent avec clairvoyance et coutent avec le coeur ; ils voient alors que le monde entier est un oratoire, que tous les rgnes de la Cration se prosternent avec rvrence et rptent la gloire et la louange du ToutPuissant, du Sage, du Misricordieux, plein de misricorde : C'est devant Dieu que se prosternent, de gr ou de force, tous ceux qui se trouvent dans les cieux et sur la Terre ainsi que leurs ombres, matin et soir. 2 N'as-tu pas vu que devant Dieu se prosternent tous ceux qui se trouvent dans les cieux et sur la terre, le soleil, la lune, les toiles, les montagnes, les arbres, les animaux et un grand nombre d'tres humains ? 3 Tout ce qui est dans les cieux et sur la terre chante la gloire de Dieu : c'est Lui le Puissant, le Sage. La royaut des cieux et de la terre lui appartient. Il fait vivre et Il fait mourir, et Il a pouvoir sur toute chose. C'est Lui le Premier

2

Sourate al-Isr', Le voyage nocturne , verset 44. Sourate ar-Ra'd, Le tonnerre , verset 15. Sourate al-Hajj, Le plerinage , verset 18.

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et le Dernier, l'Apparent et le Cach, et Il connat parfaitement toute chose. 1 La foi en la prophtie Il n'est pas difficile de croire en la prophtie, une fois que l'on est convaincu que Dieu est parfait, infiniment sage et misricordieux, qu'Il veille sur l'univers et le contrle et qu'Il a honor l'tre humain. La foi en la prophtie dcoule ncessairement de tout cela : Dieu ayant cr l'homme et lui ayant assujetti tout ce qui se trouve dans l'univers, Il ne saurait ensuite le laisser se dbattre sans le guider. La sagesse divine requiert en effet que Dieu guide l'homme en lui montrant la voie de l'Au-del tout comme Il le guide dans la vie de ce monde, qu'Il lui fournisse sa subsistance spirituelle tout comme Il lui fournit sa subsistance matrielle, qu'Il fasse descendre des cieux une rvlation porteuse de vie pour les coeurs et les esprits, tout comme Il en fait descendre une eau qui rend la vie la terre aprs sa mort. La sagesse divine exigeait que l'homme ne soit pas livr lui-mme, que l'individu ne soit pas tiraill par des forces et des autorits divergentes, que la socit humaine ne soit pas disloque par ses passions et ses intrts contradictoires. La sagesse divine exigeait, bien au contraire, que des prophtes soient envoys avec des preuves claires, pour guider les tres humains vers Dieu et tablir l'quilibre et la justice entre les serviteurs de Dieu. C'est pourquoi les prophtes ont reproch leurs concitoyens de s'tonner que Dieu ait envoy des messagers pour transmettre Ses ordres et Ses interdictions. Ainsi, No a dit : mon peuple, je ne suis pas en proie l'garement, mais je suis un messager du Seigneur des Mondes. Je vous transmets les messages de mon Seigneur, je vous conseille

Sourate al-Hadd, Le fer , versets 1-3. 44

sincrement, je sais de Dieu ce que vous ne savez pas. Vous tonnez-vous qu'un rappel vous parvienne de votre Seigneur par l'intermdiaire d'un homme d'entre vous, afin qu'il vous avertisse et que vous craigniez Dieu, et que peut-tre il vous soit fait misricorde ? 1 Hod s'est lui aussi adress son peuple en des termes semblables. Le Coran dit encore en rponse aux polythistes qui refusaient de croire au message de Mohammed : Est-il tonnant pour les gens que Nous ayons inspir un homme d'entre eux : `Avertis les gens et annonce ceux qui auront cru qu'ils auront une prsance mrite auprs de leur Seigneur' ? Les mcrants disent : `Assurment, c'est bien un magicien.' 2 L'orientation par la rvlation est le plus haut degr de l'orientation par laquelle Dieu guide l'tre humain. Il existe aussi une orientation naturelle universelle, celle laquelle faisait allusion le savant qui a dit, comme on lui demandait depuis quand il possdait la facult de comprendre : Depuis que ma mre m'a mis au monde : je me suis mis tter le sein, et lorsque j'avais mal je pleurais ! Cette orientation naturelle n'est pas particulire l'tre humain : on la trouve chez tous les animaux, les oiseaux, les insectes ; le Coran la dcrit, propos des abeilles, comme une inspiration divine : Et ton Seigneur a inspir aux abeilles : `Prenez des demeures dans les montagnes, dans les arbres et dans les constructions.' 3 Tous les lments de l'univers sont ainsi guids : depuis les plantes qui tirent leur nourriture des constituants du sol selon des proportions prcises et prdtermines, jusqu'aux plantes dont chacune vogue sans jamais dpasser son orbite, selon des lois jamais enfreintes : Il

Sourate al-A'rf, Les murailles , versets 61-63. Sourate Yonous, Jonas , verset 2. ' Sourate an-Nahl, Les abeilles , verset 68.2

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ne convient pas au soleil de rattraper la lune, pas plus que la nuit ne devance le jour ; chacun vogue dans une orbite. 1 Dieu oriente et guide toutes les cratures, des plus nobles aux plus infimes : d'o la rponse de Mose au Pharaon, voque par le Coran : 'Qui est donc votre Seigneur, Mose ?' Il dit : `Notre Seigneur est Celui qui a donn chaque chose sa nature puis l'a dirige'. 2 Dieu dit : Glorifie le nom de ton Seigneur, le Trslev, Lui qui a cr et agenc harmonieusement, dcrt et guid. 3 Le second degr d'orientation divine est fond sur la perception sensorielle (l'oue, la vue, l'odorat, le got) et les sensations instinctives (la faim, la soif, le dsir sensuel, la tristesse). Ce degr d'orientation est plus lev que le degr prcdent, puisqu'il implique une attention et une forme d'apprhension de la ralit, mme si cette perception n'est pas exempte d'erreur, comme dans le cas du mirage que l'observateur imagine tre de l'eau, ou de l'ombre qui parat immobile alors qu'elle se dplace. Le troisime degr d'orientation est fond sur la raison avec ses pouvoirs et ses capacits divers. Ce degr est suprieur celui de la perception sensorielle, quoique la raison s'appuie largement sur les sens pour juger et dduire et soit par consquent expose l'erreur, tout comme elle est susceptible de se tromper en organisant les hypothses et en tirant les conclusions. La raison, par les oprations qu'elle effectue, est la caractristique la plus leve de l'tre humain et celle qui le distingue des animaux.

2

3

Sourate Y Sn, verset 40. Sourate Ta Ha, versets 48-50. Sourate al-A'l, Le Trs-lev , versets 1-3. 46

Le quatrime degr est celui de l'orientation par la rvlation : c'est elle qui permet de corriger les erreurs de la raison humaine, de dissiper les illusions des sens, de tracer la voie laquelle la raison seule ne peut aboutir et de trancher les diffrends sur lesquels les esprits ne parviennent pas s'accorder. Les gens formaient une seule communaut. Puis Dieu envoya les messagers pour porter la bonne nouvelle et avertir, et Il rvla avec eux l'Ecriture avec la vrit afin de juger entre les gens au sujet de leurs divergences. Ceux-l mmes qui elle avait t donne divergrent son sujet aprs que les preuves dcisives leur taient parvenues, par esprit de rivalit. Dieu guida alors ceux qui croyaient vers la Vrit sur laquelle ceux-l divergeaient, avec Sa permission. - Dieu guide qui Il veut vers une Voie droite. 1 Nous avons certes envoy Nos messagers avec les preuves dcisives et Nous avons rvl avec eux l'Ecriture et la Balance afin que les gens pratiquent l'quit. 2 Des messagers pour porter la bonne nouvelle et avertir, afin que les gens ne puissent plus, aprs la venue des messagers, opposer d'argument Dieu. 3 Croire la prophtie et la rvlation divine comporte de nombreuses implications : 1. Cela implique de croire l'infinie sagesse et l'infinie misricorde de Dieu. En effet, c'est cette sagesse et cette misricorde qui requirent que les tres humains ne soient pas laisss l'abandon, qu'ils n'encourent pas de chtiment avant d'avoir reu un message porteur de bonne nouvelle et d'avertissement et qu'ils ne soient pas laisss

2

' Sourate al-Baqara, La vache , verset 213.

Sourate al-Hadd, Le fer , verset 25. ' Sourate an-Nis', Les femmes , verset 165. 47

leurs diffrends sans pouvoir se rfrer un jugement dcisif : L'tre l'abandon ? 1 humain croit-il tre laiss

Nous n'avons jamais inflig de chtiment avant d'avoir envoy un messager. 2 Puis Dieu envoya les messagers pour porter la bonne nouvelle et avertir, et Il rvla avec eux l'Ecriture avec la vrit afin de juger entre les gens au sujet de leurs divergences. 3 2. Cela implique de croire qu'il existe pour Dieu une seule religion, et que la religion de Dieu est unique et invariable en tout temps et en tout lieu, mme si les formes de pratique et les lois religieuses ont pu changer selon les poques : Dites : Nous croyons en Dieu, ce qui nous a t rvl, ce qui a t rvl Abraham, Ismal, Isaac, Jacob et aux tribus, ce que Mose et Jsus ont reu et ce que les Prophtes ont reu de leur Seigneur. Nous ne faisons aucune distinction entre eux et nous Lui sommes soumis. 4 Il vous a prescrit en matire de religion ce qu'Il avait enjoint No, ce que Nous t'avons rvl et ce que Nous avons rvl Abraham, Mose et Jsus : `tablissez la religion et n'en faites pas un sujet de division.' Ce quoi tu les appelles parat norme aux

2 3

4

Sourate Sourate Sourate Sourate

al-Qiyma, La rsurrection , verset 36. al-Isr', Le voyage nocturne , verset 15. al-Bagara, La vache , verset 213. al-Baqara, La vache , verset 136.

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polythistes. Dieu lit qui Il veut et guide vers Lui celui qui revient contrit. 1 Le Prophte (que la bndiction et la paix soient sur lui) se dcrit, par rapport aux prophtes qui l'ont prcd, comme la dernire pierre de cet immense difice : Je suis, par rapport aux autres prophtes, comme si un homme avait construit une demeure et l'avait tellement embellie que rien n'y manquait sauf une brique dans une des pices ; les gens se seraient alors mis tourner autour de cette demeure en l'admirant et dire : pourquoi ne poserais-tu pas cette brique ? Je suis cette dernire brique, et je suis le sceau des prophtes. 3. Cela implique de croire des idaux la porte des hommes, des modles humains excellents qui ont pu faire des plus hautes vertus, des meilleures actions et des plus belles valeurs des ralits concrtes, reconnaissables dans des personnes, au lieu que ces idaux ne demeurent des ides abstraites, de simples esprances ou des thories livresques. La plupart des gens ne sont pas des philosophes croyant aux abstractions : ils croient et ragissent ce qu'ils peuvent voir et ressentir. C'est pourquoi Dieu a envoy aux gens comme messagers des tres humains comme eux, et non pas des anges d'une nature diffrente de la leur : en effet, l'tre humain ne se sent l'aise qu'avec ses semblables et ne prend pour modle que ses semblables ; seul un autre tre humain peut le convaincre pleinement. Les polythistes refusaient de croire que Dieu ait envoy comme messager un tre humain ; ils disaient, depuis l'poque de No : Si Dieu l'avait voulu, Il aurait fait descendre des anges. 2 Ils dirent l'poque de Mohammed : Dieu a-t-Il envoy un tre humain

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' Sourate ach-Chor, La concertation , verset 13.Sourate al-Mou' minon, Les croyants , verset 24.

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comme messager ? 1 Dieu leur rpondit alors : Dis : si la terre tait peuple d'anges marchant tranquillement, Nous leur aurions certes fait descendre du ciel un ange comme messager. 2 Selon le Coran, les prophtes ne sont ni des dieux, ni des demi-dieux, ni des fils de dieux : ce sont tout simplement des tres humains comme nous, auxquels Dieu a octroy la grce de la rvlation afin qu'ils transmettent Son message l'humanit : Leurs messagers leur dirent : certes, nous ne sommes que des tres humains comme vous, mais Dieu octroie Sa faveur qui Il veut parmi Ses serviteurs. Il ne nous appartient pas de vous apporter de preuve, sinon par la permission de Dieu : que les croyants placent donc leur confiance en Dieu. 3 La foi en l'Au-del La vie de l'tre humain se rduit-elle ce bas-monde ? Est-ce que l'homme ne nat que pour tre aval par la terre ? Ou encore, comme le Saint Coran le fait dire un peuple, est-ce que vraiment : Il n'y a que notre vie de ce monde, nous mourons et nous vivons et nous ne serons pas ressuscits 4 ? D'o vient alors ce sentiment instinctif, cach au trfonds de chaque coeur humain depuis la nuit des temps, qui nous fait pressentir que nous n'avons pas uniquement t crs pour cette vie, pour cette priode si brve ? Comment expliquer que l'tre humain se sente, dans cette vie, comme un tranger ou un passant, comme un visiteur qui partira bientt pour sa demeure permanente ?

Sourate al-Isr', Le voyage nocturne , verset 94. Sourate al-Isr', Le voyage nocturne , verset 95. ' Sourate Ibrhm, Abraham , verset 11. 4 Sourate al-Mou'minon, Les croyants , verset 37.2

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Ce sentiment existait chez les anciens gyptiens et les poussait momifier les morts et difier les pyramides, tout comme il s'est manifest chez de nombreux peuples de diverses manires. Le cheikh Mohammed `Abdouh a dit : Tous les tres humains, monothistes ou idoltres, prophtes ou philosophes sauf un nombre insignifiant - se sont toujours accords considrer que l'me humaine possde une permanence qui fait qu'elle continue vivre une fois qu'elle a quitt le corps, qu'elle ne meurt pas dfinitivement, de sorte que la mort invitable n'est qu'une forme de disparition ou d'occultation ; et cela, malgr les diffrences dans leur vision de cette permanence et de sa ralisation et dans leur approche de l'argumentation ce propos. Ainsi, certains croient la rincarnation perptuelle de l'me travers d'autres tres humains vivants ou travers des animaux, d'autres pensent que cette rincarnation prend fin lorsque l'me atteint le plus haut degr de perfection ; d'autres encore disent qu'une fois que l'me a quitt le corps, elle retourne son tat immatriel tout en conservant ce qui fait son plaisir ou sa misre, tandis que pour d'autres elle s'attache des corps thrs plus lgers que nos corps visibles... Ce sentiment gnral de l'existence d'une vie aprs cette vie, prsent toutes les poques chez tous les tres humains quel que soit leur degr de connaissance ou la nature de leur civilisation, ne peut tre considr comme une simple vue de l'esprit ni comme un produit de l'imagination : il fait au contraire partie des inspirations qui sont le propre de l'espce humaine. De mme qu'il a t inspir l'tre humain que son esprit et sa pense sont le fondement de sa survie ici-bas - mme si quelques penseurs marginaux ont ni cela ou l'ont mis en doute il a t inspir l'esprit humain, et ce sentiment a t plac dans les coeurs, que l'existence humaine n'est pas limite cette brve vie mais que l'tre humain se dpartit de ce corps comme on te un vtement pour atteindre ensuite une autre

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tape o il vivra ternellement, bien qu'il soit incapable d'en pntrer le secret. Ce sentiment inspir possde une force dpassant presque celle de l'vidence : il fait comprendre chacun qu'il a t cr avec une me prte recevoir certaines connaissances immenses, par des voies indfinissables, une me aspirant des dlices infinis et sans limite, prpare des degrs de perfection que ne sauraient cerner les catgories connues. En outre, comment l'esprit pourrait-il accepter que le grand march qu'est cette vie prenne fin, alors que certains ont pill ou vol, que d'autres ont tu ou ont t des agresseurs ou des oppresseurs, sans que les coupables ne soient chtis... alors qu'au contraire, ils ont pu non seulement commettre leurs crimes impunment, mais encore soumettre les autres leur puissance et leur tyrannie ? Par ailleurs, combien de gens ont bien agi, ont lutt et se sont sacrifis, sans tre rcompenss pour leurs actions, soit parce qu'ils taient des soldats inconnus, soit parce que l'envie et la haine ont pouss les autres les renier au lieu de reconnatre leur mrite, soit encore parce que la mort les a atteints avant qu'ils n'aient rcolt les fruits de leurs bonnes actions. Combien de gens ont appel au bien, y ont oeuvr et l'ont dfendu, mais ont rencontr l'opposition des injustes, ont subi des dommages, ont d supporter la torture, la rpression et l'exil puis sont morts, alors que leurs ennemis, les tyrans, vivent en toute scurit et mme se complaisent dans le luxe... Ne semble-t-il pas plus logique l'esprit qui croit la justice du Dieu unique, ne lui semble-t-il pas invitable, qu'il existe une autre vie o les bons seront rcompenss pour leurs bonnes actions, et les mauvais punis pour leurs crimes ? C'est cette vrit qu'exprime la sagesse rgissant chaque atome des cieux et de la terre : Nous n'avons pas cr les cieux et la terre et ce qui est entre eux par divertissement ; Nous ne les avons crs qu'en toute vrit, mais la plupart d'entre eux 52

ne savent pas. Le jour de la Dcision sera leur rendez-vous tous. 1 Nous n'avons pas cr sans but les cieux et la terre et ce qui est entre eux ; c'est ce que s'imaginent les mcrants : malheur aux mcrants cause du Feu ! Traiterons-Nous donc ceux qui ont cru et fait le bien comme ceux qui ont sem la corruption sur terre, ou traiterons-Nous les gens pieux comme les pervers ? 2 Ceux qui ont fait le mal pensent-ils donc que nous les traiterons comme ceux qui ont cru et fait le bien, leur vie tant pareille leur mort ? Quel mauvais jugement ! Dieu a cr les cieux et la terre en toute vrit, afin que chacun soit rtribu pour ce qu'il aura acquis, sans qu'ils ne soient lss. 3 C'est Dieu qu'appartient ce qui est dans les cieux et sur la terre afin qu'Il rtribue ceux qui ont mal agi selon leurs actions et qu'Il rtribue ceux qui ont bien agi d'une trs belle rcompense. 4 Enfin, ressusciter les hommes aprs leur mort n'est nullement difficile Celui qui les a crs une premire fois : C'est Lui qui commence la Cration puis la renouvelle, cela Lui est trs facile. Il possde la transcendance absolue dans les cieux et sur la terre : c'est Lui le Puissant, le Sage. 5 Le Coran voque cette premire cration pour prouver que la rsurrection est possible ; il invoque galement comme preuve les manifestations de la toute-puissance divine dans le monde vgtal : tres humains ! Si vous tes dans le doute

' Sourate ad-Doukhn, La fume , versets 38-40.`' Sourate Sourate 4 Sourate 5 Sourate Sad, versets 27-28. al-Jthiya, Celle qui est agenouille , versets 27-28. an-Najm, L'toile , verset 31. ar-Rom, Les Romains , verset 27.

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au sujet de la rsurrection, sachez que Nous vous avons crs de poussire, puis d'une goutte de semence, puis d'une adhrence, puis d'un morceau mch form et non form, cela afin de vous expliquer. Nous tablissons dans les matrices ce que Nous voulons jusqu' un terme fix, puis Nous vous faisons sortir sous forme d'enfants, pour qu'ensuite vous atteigniez votre maturit. Tel d'entre vous mourra ; tel autre parviendra l'ge de la dcrpitude de sorte qu'il ne saura plus rien de ce qu'il savait auparavant. Tu vois la terre dessche, et lorsque Nous y faisons descendre l'eau elle se meut, elle gonfle et elle fait pousser une vgtation luxuriante de toutes espces. Il en est ainsi parce que Dieu est la Vrit, qu'Il fait revivre les morts et a pouvoir sur toute chose. Parce que l'Heure viendra sans aucun doute, et que Dieu ressuscitera ceux qui sont dans les tombes. 1 Le Coran voque galement, pour prouver que la rsurrection est possible, la cration de l'univers, des vastes corps des cieux et de la terre, une cration qui, si on y rflchit, est bien plus extraordinaire et plus considrable que la cration de l'tre humain : Celui qui a cr les cieux et la terre ne serait-Il pas capable de crer leur pareil ? Mais si ! Il est le Crateur par excellence, l'Omniscient. 2 Ne voient-ils pas que Dieu, qui a cr les cieux et la terre sans que leur cration ne Le fatigue, est capable de faire revivre les morts ? Mais si ! Il a pouvoir sur toute chose. 3 Aprs la rsurrection vient le jugement, o le compte exact des actions des hommes est effectu en toute quit : Ce

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Sourate al-Hajj, Le plerinage , versets 5-7. Sourate Y Sn, verset 81. Sourate al-Ahgf, verset 33. 54

jour-l, chaque me sera rtribue selon ce qu'elle aura acquis ; pas d'injustice ce jour-l : Dieu est prompt dans Ses comptes. 1 Nous poserons les balances exactes le Jour de la Rsurrection. Aucune me ne sera lse en rien : ne serait-ce que le poids d'un grain de moutarde, nous le ferons venir. Nous suffisons pour dresser les comptes. 2 C'est alors que les hommes sont partags entre les bienheureux et les damns : Les damns seront en Enfer, o ils connatront les gmissements et les sanglots ; ils y demeureront immortels aussi longtemps que dureront les cieux et la terre, moins que ton Seigneur ne veuille autrement : ton Seigneur fait absolument ce qu'Il veut. Les bienheureux seront au Paradis o ils demeureront immortels aussi longtemps que dureront les cieux et la terre, moins que ton Seigneur ne veuille autrement, - ce sera un don ininterrompu. 3 Le Paradis est une demeure que Dieu a prpare pour le repos de Ses serviteurs vertueux et o Il les comblera de bonheurs spirituels et matriels, qu'Il voque en ces termes dans le hadth goudousi : J'ai prpar pour Mes serviteurs vertueux ce que nul oeil n'a vu, que nulle oreille n'a entendu et que nul homme n'a imagin , - rcitez, si vous le voulez, la Parole de Dieu : Nul tre ne sait quelle joie leur est garde en rserve en rcompense de ce qu'ils faisaient. 5

Sourate Ghfir, Celui qui pardonne , verset 17. Sourate al-Anbiy', Les prophtes , verset 47. 3 Sourate Hod, versets 106-108. 4 Hadth qoudous ou hadth transcendant : parole de Dieu rapporte par le Prophte (que la bndiction et la paix soient sur lui) et ne faisant pas partie du Coran. s Sourate as-Sajda, La prosternation , verset 17.2

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La vie au Paradis est la vie vritable, et l'esprit humain est impuissant imaginer les bonheurs qu'il renferme. Le bonheur du Paradis n'est ni purement spirituel, ni uniquement matriel : c'est un mlange des deux. En effet, l'homme luimme n'est ni purement esprit, ni uniquement matire, mais est compos des deux ; et l'homme dans l'Au-del est le prolongement de l'homme ici-bas, malgr les diffrences qualitatives et de dtail. Il n'est donc pas tonnant que le Paradis contienne des fruits, de la chair d'oiseaux et des houris aux grands yeux, et la satisfaction de Dieu est plus grande encore . L'Enfer est une demeure prpare par Dieu pour punir les pervers parmi Ses cratures, et il renferme son tour aussi bien une punition matrielle qu'une punition spirituelle. On trouve d'une part le supplice physique : Chaque fois que leur peau aura t consume Nous la remplacerons par une autre 2 peau afin qu'ils gotent au supplice , et d'autre part le supplice moral constitu par le mpris et l'avilissement, comme dans la Parole de Dieu : Restez-y dans l'opprobre et ne me 3 parlez pas.

Sourate at-Tawba, Le repentir , verset 72. '" Sourate an-Nis', Les femmes , verset 56. 3 Sourate al-Mou'minon, Les croyants , verset 108. 56

Caractristiques de la foi islamique

1. Une foi claire La foi islamique possde des caractristiques que l'on ne trouve pas dans les autres fois : C'est une foi claire et simple, sans complication ni obscurit. Elle se rsume dans la prsence, derrire cet univers extraordinaire, si harmonieusement agenc, d'un seul Seigneur qui l'a cr et organis, qui y a dtermin toute chose sa juste mesure, un Seigneur qui n'a ni associ ni pareil, ni compagne ni enfant : C'est Lui qu'appartient tout ce qui est dans les cieux et la terre, tous Lui sont rsigns. ' C'est l une foi claire et facile accepter, car la raison humaine recherche toujours la relation et l'unit derrire la varit et le nombre, et cherche toujours ramener les choses une seule cause. La foi monothiste ne comporte pas d'obscurit et de complication comme la croyance la trinit ou au dualisme ou les croyances de ce type, pas de dogme ncessitant d'tre suivi aveuglment. 2. Une foi inscrite dans la nature humaine La foi islamique n'est pas trangre la nature humaine ni en contradiction avec elle. Au contraire, elle y est parfaitement adapte, comme une cl la bonne serrure. C'est ce qu'exprime explicitement le Coran : Dirige ton visage vers la religion en un culte pur, selon la nature inne que Dieu a donne aux hommes en les crant - pas de changement da