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La fertilisation croisée des actions de production et de transmission de connaissances en management stratégique Document de synthèse pour l’Habilitation à Diriger des Recherches Présentée et soutenue publiquement par : Melchior SALGADO le lundi 18 juin 2012 JURY : M. Jean-Pierre BOISSIN, Professeur à l’Université de Grenoble 2 M. Claude JAMEUX, Professeure à l'Université de Savoie Mme Ulrike MAYRHOFER, Professeur à l'Université Lyon 3 M. Francis BIDAULT, Professeur à l’ESMT Mme Véronique MAUME-DESCHAMPS, Professeure à l’Université Lyon 1 Monsieur Henri SAVALL, Professeur à l'Université Lyon 3

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La fertilisation croisée des actions de production et de transmission de

connaissances en management stratégique

Document de synthèse pour l’Habilitation à

Diriger des Recherches

Présentée et soutenue publiquement par :

Melchior SALGADO

le lundi 18 juin 2012

JURY :

M. Jean-Pierre BOISSIN, Professeur à l’Université de Grenoble 2

M. Claude JAMEUX, Professeure à l'Université de Savoie

Mme Ulrike MAYRHOFER, Professeur à l'Université Lyon 3

M. Francis BIDAULT, Professeur à l’ESMT

Mme Véronique MAUME-DESCHAMPS, Professeure à l’Université Lyon 1

Monsieur Henri SAVALL, Professeur à l'Université Lyon 3

La fertilisation croisée des actions de production et de transmission de

connaissances en management stratégique

Document de synthèse pour l’Habilitation à Diriger des Recherches

Melchior SALGADO

Maître de Conférences en Sciences de Gestion à l’Université Claude Bernard, Lyon 1.

Directeur de Recherche : Monsieur le Professeur Henri Savall, Université Jean-Moulin, Lyon 3.

Melchior Salgado. Dossier pour l’Habilitation à Diriger des Recherches

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Avant propos

La rédaction de la note de synthèse porte à la connaissance du jury les éléments d’appréciation sur la capacité de l’impétrant à encadrer des travaux de recherche.

Dans ce document, nous fournissons un état des réflexions épistémologiques, méthodologiques et théoriques sur notre projet de recherche qui nous conduit aujourd’hui à travailler sur « la fertilisation croisée entre les actions de transmission et de production de connaissances d’intention scientifique en sciences de gestion ».

Les éléments développés dans ce dossier permettent de présenter notre parcours et de faire le point sur l’avancement de notre projet de recherche à un instant « t », ainsi que sur les perspectives futures.

Le curriculum Vitae fournit un point de repère sur les principales étapes de mon parcours personnel, professionnel et académique.

Curriculum Vitae synthétique

Je suis né le 7 septembre 1962 à Suertes en Espagne et je suis arrivé en France en 1968. J’ai vécu à Lyon, suivi une scolarité classique en français et participé à des cours du soir en espagnol jusqu’au baccalauréat. A 18 ans j’ai interrompu mes études pour aller travailler dans le monde professionnel. Six ans plus tard, après avoir exercé différentes expériences professionnelles, j’ai démarré mon cursus universitaire pour obtenir le Diplôme d’Études Approfondies (D.E.A.) en Gestion Socio-économique en 1990. Ce diplôme a été pour moi, le passeport qui m’a permis d’atteindre mon objectif initial : effectuer ma carrière professionnelle dans le milieu de la formation et de la recherche. Tout en travaillant comme professeur-assistant en École de Commerce, j’ai ensuite préparé une thèse de doctorat soutenue en 1998. Aujourd’hui, je suis en poste à l’Institut Universitaire de Technologie (IUT) de l’Université Lyon 1 comme Maître de Conférences en sciences de gestion. Je suis officiellement rattaché au laboratoire de sciences actuarielle et financière (SAF) de l’Institut de Science Financière et d’Assurances (ISFA), et je participe régulièrement aux séminaires de recherche organisés par l’Institut de Socio-Économie des Entreprises et des Organisations (ISEOR). Sur le plan personnel, je suis marié « de fait » et j’ai une petite fille âgée d’un an.

Le curriculum vitae détaillé figure en annexe n°2.

La liste des travaux de recherche mobilisés pour la réalisation de cette note de synthèse figurent en annexe n°1.

Melchior Salgado. Dossier pour l’Habilitation à Diriger des Recherches

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SOMMAIRE Avant propos .................................................................................................. 2

Curriculum Vitae synthétique ............................................................... 2

Sommaire ........................................................................................ 3

Introduction générale ..................................................................... 6

Qu’est-ce que la HDR ? ............................................................................................................. 6

Parcours et évolution des centres d’intérêt au niveau de la recherche ....................................... 6

Thème central de la note de synthèse ....................................................................................... 8

Le plan de la note de synthèse ................................................................................................ 10

Chapitre 1. Le projet de recherche : fondements épistémologiques et principes méthodologiques ........................................................... 12

Références des travaux utilisés pour le chapitre 1. ..................................................................................... 12

Introduction du chapitre 1 ...................................................................................................... 14

1.1. Les fondements épistémologiques de notre projet de recherche ....................................... 15 1.1.1. Notre positionnement par rapport à la finalité des « sciences de gestion » ..................................... 15

1.1.1.1. Le paradigme positiviste ou constructiviste .............................................................................. 15 1.1.1.2. Le refus de la dichotomie entre recherche fondamentale et recherche appliquée .................. 17 1.1.1.3. La finalité transformative des sciences de gestion .................................................................... 17 Éléments de synthèse sur notre positionnement par rapport à la finalité des sciences de gestion ........ 18

1.1.2. Une approche transversale des sciences de gestion ......................................................................... 18 1.1.2.1. Les spécificités des sciences de gestion par rapport aux autres sciences sociales .................... 18 1.1.2.2. L’action de décloisonnement au cœur notre projet de recherche ............................................ 19 Éléments de synthèse sur l’approche transversale des sciences de gestion ........................................... 20

1.1.3. La validité des résultats obtenus dans les travaux de recherche en gestion ..................................... 20 1.1.3.1. Les critères de validité externe et interne ................................................................................. 21 1.1.3.2. Les techniques d’évaluation utilisées pour valider la scientificité de notre projet de recherche ................................................................................................................................................................ 21 Éléments de synthèse sur la validité des résultats obtenus en sciences de gestion ................................ 22

1.2. Les choix méthodologiques .............................................................................................. 22 1.2.1. L’approche socio-économique : une vision innovante de l’entreprise et de la recherche en gestion ..................................................................................................................................................................... 23

1.2.1.1. Finalité et fondements de la théorie socio-économique des organisations .............................. 23 1.2.1.2. Les apports de l’analyse socio-économique dans le cadre de notre projet de recherche ........ 25 Éléments de synthèse sur l’analyse socio-économique ........................................................................... 27

1.2.2. L’approche ago-antagoniste et la gestion des contradictions inhérentes au management ............. 28 1.2.2.1. Présentation générale et apports de l’approche ago-antagoniste ............................................ 28 1.2.2.2. Gérer les contradictions inhérentes au management ............................................................... 30 Éléments de synthèse sur l’approche ago-antagoniste .......................................................................... 32

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1.2.3. L’approche métaphorique comme lentille cognitive et outil de transmission de messages ............ 32 1.2.3.1. Les enjeux liés à l’utilisation de la métaphore en sciences de gestion ...................................... 33 1.2.3.2. Les apports de l’approche métaphorique dans le cadre de notre projet de recherche ............ 35 Éléments de synthèse sur l’approche métaphorique .............................................................................. 36

Synthèse du chapitre 1 ........................................................................................................... 37

Chapitre 2. L’action au niveau de la stratégie de développement de l’entreprise ................................................................................... 38

Références des travaux utilisés pour le chapitre 2. ..................................................................................... 38

Introduction du chapitre 2 ...................................................................................................... 40

2.1. Le positionnement de nos travaux par rapport au champ des sciences de gestion ............. 40 2.1.1. Les concepts clés de « stratégie » intégrés dans notre projet de recherche .................................... 41 2.1.2. De la stratégie au management stratégique ..................................................................................... 42

Éléments de synthèse sur le positionnement de nos travaux dans le champ des sciences de gestion ... 43

2.2. Stratégies de coopérations interentreprises ..................................................................... 43 2.2.1. Les problématiques de gestion soulevées par les coopérations interentreprises : des questions d’actualité ! .................................................................................................................................................. 43 2.2.2. Les apports de l’analyse théorique et pratique des « coopérations multipoints » ........................... 44

2.2.2.1. Les apports « théoriques » ou conceptuels par rapport à la littérature existante .................... 44 2.2.2.2. Les apports « pratiques » ou managériaux pour les praticiens ................................................. 48 Éléments de synthèse sur les stratégies de coopérations interentreprises. ............................................ 54

2.3. Stratégie d’internationalisation des entreprises ................................................................ 54 2.3.1. Stratégie d’internationalisation des entreprises : volontarisme managérial vs déterminisme stratégique ? ................................................................................................................................................ 55

2.3.1.1. Le volontarisme managérial des grandes entreprises ............................................................... 55 2.3.1.2. Environnement et comportement stratégique : deux facteurs clés de développement des PME ................................................................................................................................................................ 56

2.3.2. Le rôle des structures institutionnelles d’aide à l’internationalisation des PME............................... 59 Éléments de synthèse sur la stratégie d’internationalisation des entreprises ........................................ 60

Synthèse du chapitre 2 ........................................................................................................... 61

Chapitre 3. L’action au niveau des stratégies de développement des individus ...................................................................................... 62

Références des travaux utilisés pour le chapitre 3 ...................................................................................... 62

Introduction du chapitre 3 ...................................................................................................... 64

3.1. Utiliser le théâtre pour le développement personnel des managers en activité et des futurs managers ............................................................................................................................... 66

3.1.1. La pratique théâtrale : un outil de formation au service du développement de l'individu ............... 67 3.1.1.1. Théâtre et formation : une histoire consubstantielle ................................................................ 67 3.1.1.2. La pratique théâtrale dans les entreprises ................................................................................ 70

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3.1.2. Les effets de la formation par le théâtre ........................................................................................... 73 3.1.2.1. Réactions et appréciations des "acteurs-apprentis" sur la formation par le théâtre ................ 73 3.1.2.2. L'amélioration des connaissances des managers ...................................................................... 74 3.1.2.3. Des changements de comportements professionnels et personnels ........................................ 76

3.1.3. Conditions de succès et limites liées à l’utilisation du théâtre en formation continue..................... 77 3.1.3.1. Définir clairement les objectifs visés ......................................................................................... 77 3.1.3.2. Le soutien de la Direction .......................................................................................................... 77 3.1.3.3. La prise en compte des aspects matériels et organisationnels en amont ................................. 78

3.1.4. Managers ou metteurs-en-scène ? .................................................................................................... 80 Éléments de synthèse sur nos travaux réalisés sur le théâtre d’entreprises ........................................... 81

3.2. Utiliser les simulations de gestion et la méthode des cas pour développer les compétences managériales des acteurs ....................................................................................................... 82

3.2.1. Les simulations de gestion : caractéristiques et spécificités ............................................................. 82 3.2.1.1. Les jeux et leurs enjeux en formation ........................................................................................ 83 3.2.1.2. Les facteurs clés de succès des formations par le « jeu » .......................................................... 85

3.2.2. La méthode des cas pour former au management ........................................................................... 87 3.2.2.1. Les principales caractéristiques et spécificités de la méthode des cas..................................... 87 3.2.2.2. Contraintes et vertus de la méthode des cas ............................................................................ 88 3.2.2.3. Les apports de l’étude de cas pour développer les compétences managériales des étudiants 89

3.2.3. Vers une utilisation simultanée des simulations de gestion et des études de cas ............................ 91 Éléments de synthèse sur les apports de la recherche effectuée sur les simulations de gestion et les études de cas .......................................................................................................................................... 92

Synthèse du chapitre 3 ........................................................................................................... 93

Conclusion générale ..................................................................... 94

A. La gestion de l’articulation entre l’activité de recherche et l’enseignement .......................... 94 a. Recherche et formation en sciences de gestion : des relations complémentaires et … ambigües ......... 94 b. L’action de l’enseignant-chercheur comme levier de développement des synergies entre l’enseignement et la recherche ................................................................................................................. 100 c. Vers la construction d’un modèle intégrateur d’analyse des complémentarités entre recherche et enseignement ............................................................................................................................................ 102

Éléments de synthèse sur la gestion de l’articulation entre l’activité de recherche et l’enseignement 103

B. Apports personnels et professionnels liés à l’élaboration de la note de synthèse ................ 104

Bibliographie ............................................................................................... 109 Annexes ...................................................................................................... 122

Annexe n°1. Liste des travaux mobilisés pour la note de synthèse HDR. ................................. 123

Annexe n° 2. Curriculum vitae détaillé ................................................................................... 127

Annexe n°3. Les publications transmises (volume séparé) ...................................................... 130

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Introduction générale

Voyons tout d’abord dans cette introduction générale, ce que représente pour nous ce travail lié à l’élaboration de la note de synthèse pour l’HDR. L’évolution de nos centres d’intérêt au niveau du projet de recherche global sera présentée dans un deuxième temps. Nous verrons ensuite qu’il est possible d’identifier certains invariants qui constituent le dénominateur commun de tous nos travaux de recherche, et permettent de préciser le thème central de cette note de synthèse. Enfin, le fil conducteur de ce dossier sera présenté dans un quatrième temps.

Qu’est-ce que la HDR ?

La HDR est un propos d’étape dans un cheminement du chercheur qui se poursuit au-delà de la HDR.

Comme le souligne Roland Perez (1998), c’est un travail de recherche sur la recherche, un travail de réflexivité. Ce travail d’introspection vise à effectuer un bilan d’étape de notre parcours, pour présenter la cohérence du projet global de recherche, et les perspectives. Stimulant et complexe, cet exercice nous permet ainsi de remettre à plat notre pratique théorique et méthodologique.

Nous souhaitons pouvoir montrer ici notre capacité personnelle à conduire la recherche d’autres personnes. Cette capacité passe par la rédaction de cette note de synthèse qui vise à mettre en relief notre autonomie pour diriger notre propre recherche, son originalité et la scientificité des travaux produits.

De plus, comme nous sommes un enseignant-chercheur en sciences de gestion nous nous efforçons aussi de montrer comment nos travaux sont de nature à faire progresser les pratiques managériales, tout en développant certaines compétences clés (techniques ou comportementales) auprès de nos étudiants.

Parcours et évolution des centres d’intérêt au niveau de la recherche

Le projet de recherche et le parcours personnel ont évolué en fonction de circonstances de la vie que nous avons provoqué ou non ; c'est-à-dire des rencontres ou des évènements divers dans l’environnement professionnel ou personnel.

Notre premier travail de recherche a porté sur l’analyse des dysfonctionnements liés à la gestion de l’interface entre fonction administrative et commerciale, au cours du DEA de

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Gestion Socio-Economique. Ce travail a été déterminant car il a très fortement conditionné la méthodologie de recherche utilisée dans les autres travaux de recherche effectués dans la suite du parcours.

En parallèle, l’ouverture des pays de l’Est nous a fourni l’occasion de travailler avec Roland Calori sur un projet de recherche européen lié à la perception des dirigeants de grandes entreprises occidentales, sur l’évolution de l’environnement macro-économique.

Après avoir intégré le département Politique Générale de l’Entreprise de l’ESC Lyon1

Ensuite, la rencontre avec d’autres chercheurs nous a conduits à travailler sur la méthodologie de la recherche-action, et à réintégrer l’université comme Maître de Conférences. Au sein du laboratoire SAF

, nous avons travaillé sur des problématiques de gestion liées à la « stratégie de l’entreprise » : à savoir une thèse de doctorat sur les coopérations interentreprises, et divers travaux sur l’internationalisation des entreprises.

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1 L’ESC Lyon est devenue EM Lyon en 1997.

2 SAF : Sciences actuarielle et financière de l’ISFA, Université Lyon 1 (E.A. n° 2429).

nous avons démarré un travail sur l’efficacité des pratiques de formation active, et l’analyse des complémentarités existantes entre l’activité de formation et de recherche en sciences de gestion.

Ces différentes expériences professionnelles ont favorisé notre ouverture personnelle sur les différentes méthodes pédagogiques et de recherche, grâce à la diversité des établissements et des publics fréquentés. Signalons à ce stade, une filiation naturelle avec l’approche socio-économique qui a constitué notre premier véritable travail de recherche, et qui a été maintenue par une participation assidue aux séminaires doctoraux organisés mensuellement par l’ISEOR.

La présentation de ce parcours constitue une première illustration de certaines notions fondamentales qui seront développées dans cette note de synthèse : stratégie délibérée vs stratégie émergente, déterminisme vs comportement volontariste, développement de l’entreprise vs développement individuel, qualitatif vs quantitatif, etc.

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Thème central de la note de synthèse

Le dénominateur commun de nos travaux de recherche.

Le dénominateur commun de nos travaux de recherche est celui de « l’action stratégique3

La finalité du projet de recherche.

» qui est au cœur des sciences de gestion. Les actions stratégiques peuvent concerner le développement des entreprises et celui des individus.

Dans ce cadre, les principes fondamentaux que l’on retrouve dans l’ensemble des travaux qui constituent notre projet de recherche sont les suivants :

- la visée transformative des sciences de gestion comme sciences de l’action (facteur déterminant qui justifie l’existence de la gestion) ;

- une approche transversale de l’entreprise qui va au-delà du strict découpage en sous-disciplines, et permet de travailler sur les zones de frottement (interfaces et interactions) ;

- le refus d’une logique de raisonnement binaire (qui conduit à accepter un jeu de substitution) entre les activités de production et de transmission de connaissances.

La finalité de notre projet est de voir comment la fertilisation croisée entre les actions de production et de transmission de connaissances d’intention scientifique peut permettre à l’enseignant-chercheur en sciences gestion, de mieux observer la complexité des entreprises et des individus, et de faciliter leur transformation.

Comme il semble y avoir « une grande confusion entre la production de connaissance et la communication de connaissance en sciences de gestion » (Savall, 2011), précisons à ce stade ce que nous entendons par « production » ou « transmission ».

Par rapport à la fonction d’enseignant-chercheur, la « production de connaissances » fait référence à son activité de « chercheur » ; alors que la « transmission de connaissances » concerne à la fois son activité « d’enseignant » (qui par définition transmet des connaissances à un public en formation), et son activité de « chercheur » (qui doit gérer les interactions avec les acteurs du terrain et communiquer -ou transmettre- les connaissances produites).

En d’autres termes, les activités de production et de transmission sont différentes, et en même temps complémentaires car elles peuvent s’enrichir mutuellement. Si nous considérons que la fonction principale d’un enseignant-chercheur est de produire et de transmettre des

3 En hommage à Roland Calori et en référence à son ouvrage : L’action stratégique, éd. d’Organisation, 1989.

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connaissances ; très schématiquement, nous verrons l’importance de « chercher pour transmettre » et de « transmettre pour chercher ».

Ainsi, du côté des enseignants-chercheurs notre travail insiste sur la nécessaire prise en compte de la dimension liée à la « transmission » des connaissances, pour travailler sur la « pédagogie du chercheur » par rapport à son terrain de recherche (auprès des acteurs du terrain), et pendant son activité pédagogique (auprès de ses étudiants en formation).

Au niveau des entreprises, nous pensons que pour améliorer les pratiques sociales et économiques, la recherche en sciences de gestion devrait évoluer vers la production de connaissances transmissibles à la fois à la communauté scientifique et aux praticiens.

A l’instar de Véry (2002), nos travaux ne visent pas à fournir des recettes simplistes et universelles car « la gestion des entreprises est bien trop complexe pour se réduire à des lois universelles de succès » (Véry, 1991). Ainsi, tout l’enjeu consiste à transmettre simplement des choses complexes pour faciliter le dialogue entre la diffusion de connaissances sur la scène confidentielle des chercheurs en sciences de gestion dans laquelle « le chercheur parle au chercheur », et sur la scène publique de la formation continue ou initiale. Alain Berthoz4

- au niveau de la recherche et de la formation en sciences de gestion : proposer une vision intégrative et globale de la fonction « d’enseignant-chercheur» en sciences de gestion, qui produit et transmet des connaissances d’intention scientifique, aux managers en activité et à de futurs managers.

(2009) qui travaille sur le concept de « simplexité » signale que : « simplifier dans un monde complexe n’est jamais simple ».

Par rapport à la finalité de cette note de synthèse, notre objectif est transmettre au lecteur deux idées forces qui nous animent dans la réalisation de notre projet de recherche global :

- au niveau des entreprises et des organisations, proposer une réflexion sur les vertus des méthodes de formation active pour faciliter le développement des entreprises et des individus.

4 Alain Berthoz est professeur au Collège de France où il codirige le Laboratoire de physiologie de la perception de l’action. Membre de l’Académie des sciences, il a notamment publié Le Sens du mouvement (1997), La Décision (2003), et La Simplexité (2009).

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Le plan de la note de synthèse

Nous commençons par présenter dans le chapitre 1 les fondements épistémologiques et les choix méthodologiques qui jalonnent notre projet de recherche. Pour bien mettre en relief l’importance de l’action dans la recherche en sciences de gestion, nous présentons dans un premier temps une réflexion critique sur la finalité des sciences de gestion et sur les critères de validité des résultats obtenus. Les trois principales approches théoriques (socio-économique, ago-antagoniste et métaphorique) qui influencent nos choix méthodologiques sont ensuite présentées afin de positionner notre projet de recherche par rapport au champ disciplinaire des sciences de gestion.

Les deux chapitres suivants de la note de synthèse portent sur le déroulement, et les contributions théoriques et pratiques de nos travaux. Les recherches empiriques ont été effectuées sur deux types d’actions : celles qui sont prises au niveau de la stratégie des entreprises, et celles qui portent sur les individus.

Dans le chapitre 2, nous analysons les travaux effectués sur les actions liées à la stratégie de développement de l’entreprise. Ils portent essentiellement sur deux modalités de développement : l’internationalisation et les coopérations interentreprises. Les résultats de ces recherches permettent d’approfondir les travaux existants sur la relation entre l’entreprise et son environnement, et d’analyser les comportements volontaristes ou déterministes des entreprises. Les résultats obtenus montrent que les entreprises sont contraintes d’intégrer les évolutions de l’environnement dans leur stratégie de développement, mais que leurs actions contribuent aussi à modeler l’environnement (au niveau du territoire et au niveau des industries) dans lequel elles travaillent. Nous avons travaillé sur deux types de terrains : des PME et des grandes entreprises.

Le chapitre 3 présente les travaux effectués sur l’action au niveau des stratégies de développement des individus. Basées sur l’expérimentation, nos recherches visent à évaluer les méthodes de formation active au management qui mettent l’action et la mise en situation au cœur du processus d’apprentissage. Citons à titre d’exemples l’utilisation du théâtre, d’études de cas, ou de simulations de gestion comme outils de formation au management pour développer les compétences des individus. Ici, nos terrains portent sur l’analyse d’actions de formation continue auprès de managers en activité dans des entreprises (projet ThéMaStrat5

5 ThéMaStrat : Théâtre et Management Stratégique.

) ; et sur des actions de formation initiale auprès d’étudiants qui font leurs études dans des cursus en management (théâtre et simulations de gestion). Trois de nos articles et diverses communications montrent que le théâtre, et les jeux de simulation sont des outils qui facilitent la formation au management, et permettent un développement des compétences managériales des acteurs.

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Enfin, nous terminons par la présentation de l’axe de recherche sur lequel nous travaillons actuellement, qui porte sur la gestion de l’articulation entre l’enseignement et la recherche en sciences de gestion, et qui débouche sur la construction d’un modèle conceptuel pour analyser les relations entre ces deux activités. Ce modèle permet une meilleure compréhension de notre activité d’enseignant-chercheur au quotidien, et met en lumière le rôle clé joué par l’action des enseignants-chercheurs pour développer les complémentarités entre la transmission et la production de connaissance d’intention scientifique en sciences de gestion.

L’architecture de la note de synthèse est résumée comme suit dans la figure n°1.

Figure n°1. Architecture de la note de synthèse

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Chapitre 1. Le projet de recherche : fondements épistémologiques et principes méthodologiques

Références des travaux utilisés pour le chapitre 1.

Les références des travaux utilisés pour la rédaction de ce premier chapitre figurent dans l’encadré ci-dessous.

1.1. « Analyse théorique et pratique des coopérations multipoints ». Thèse de Doctorat

en sciences de gestion de l’Université Jean-Moulin, Lyon 3. Soutenue le 1° décembre 1998, mention très honorable avec les félicitations du jury et proposition de subvention pour publication. Directeur de thèse : Professeur Francis Bidault, IMD Lausanne. Rapporteurs : Professeur Robert Paturel, Université Pierre Mendès France, Grenoble ; Professeur Henri Savall, Université Lyon 2. Suffragants : Professeur Roland Perez, Université de Montpellier 1 ; Professeur Jean-jack Cegarra, Université Lyon 3.

1.2. « Analyse des dysfonctionnements liés à l’interface entre la fonction commerciale et administrative ». Mémoire de DEA de gestion socio-économique des entreprises et des organisations, Université Lumière Lyon 2. Soutenu en juin 1990, avec mention. Directeur du mémoire : Roland Calori, Professeur à l’EM Lyon. Suffragants : Marc Bonnet, Professeur à l’Université Lyon 2, Alain Patout, Directeur Régional Tréficable Pirelli.

2.1. « Tous sur scène ! Comment le théâtre peut-il aider à former les cadres ? », Gestion, Revue Internationale de Gestion, volume 35, n°4, pp. 19 à 26, hiver 2010.

2.2. « Les jeux d’entreprises : un outil de formation au management », Revue Éducation Permanente, n°178, pp. 143 à 150, 2009.

2.3. « Le théâtre : un outil de formation au management », Revue Française de Gestion, volume 34/181, pp. 77 à 96, 2008.

2.6. Gestion des relations paradoxales entre recherche et formation en sciences de gestion, Revue Gestion 2000. Envoyé le 2 novembre 2009, en cours de révision.

3.1. « La transmission de connaissances : un indicateur d’évaluation des effets des recherches en gestion », Congrès International Iseor-Academy of Management (AOM) Division «Research Methods», Lyon, les 15 et 16 juin 2011.

3.2. « La méthode M.I.M.E. comme vecteur de production et de transmission de connaissances entrepreneuriales », colloque de l’Académie de l’Entrepreneuriat, Paris, 15 et 16 octobre 2011.

3.5. « Production et transmission de savoirs actionnables en sciences de gestion », Congrès International Iseor-Academy of Management (AOM) Division «Research Methods», Lyon, du 8 au 10 juin 2009. Co-auteurs : Sylvain Biardeau et Stephan Bourcieu.

3.6. « Enseignement et recherche en gestion : des complémentarités naturelles ? », 15° colloque de la recherche des IUT, Lille 2009, du 8 au 10 juin 2009.

3.8. « Méthodes qualitatives et quantitatives : des complémentarités naturelles aux complémentarités latentes », Congrès International Iseor-Academy of Management (AOM) Division «Research Methods», Lyon, du 21 au 22 avril 2008. Co-auteurs : Sylvain Biardeau et Stephan Bourcieu.

Melchior Salgado. Dossier pour l’Habilitation à Diriger des Recherches

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3.9. « Utiliser le théâtre dans l’enseignement supérieur. Cas d’expérimentation dans une filière de formation au management », 13° Colloque de la Recherche des IUT, Thionville-Yutz, France, les 31 mai et 1° juin 2007.

3.10. « Méthodes qualitatives et quantitatives : des complémentarités naturelles », Congrès International Iseor-Academy of Management (AOM) Division «Research Methods», Lyon, du 26 au 28 mars 2007. Co-auteurs : Sylvain Biardeau et Stephan Bourcieu.

3.16. « Enjeux et pratiques de la Responsabilité Sociale dans les entreprises », Congrès International Iseor-Academy of Management (AOM) Division «Research Methods», Lyon les 18 et 19 octobre 2005. Co-auteurs : Sylvain Biardeau et Stephan Bourcieu

3.17. “Research in Management or research for Management ? When Reseacher becomes Intrapreneur”, 21th EGOS Colloquium Berlin, du 30 juin au 2 juillet 2005. Co-auteur : Stephan Bourcieu.

3.20. « Action research a way of training for young action-researchers? », 20th EGOS Colloquium Ljubjana, Slovaquie, du 1 au 3 juillet 2004. Co-auteur : Stephan Bourcieu.

3.21. « Vers un syncrétisme en recherche managériale? », Congrès International Iseor-Academy of Management (AOM) Division «Research Methods», Lyon, mars 2004.

3.23. « CIFRE Conventions: an institutional support for empirical research Results of an exploratory survey », EGOS 19th Colloquium, Copenhague, Danemark, du 3 au 5 juillet 2003. Co-auteur: Stephan Bourcieu.

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Introduction du chapitre 1

Voyons dans un premier temps les fondements épistémologiques de notre projet de recherche, avant de préciser notre positionnement en termes de choix méthodologiques.

L’objectif de ce premier chapitre est de fournir une grille d’analyse des problématiques de gestion développées dans la suite de la note de synthèse. Il permet de préciser les paradigmes, les orientations et les dispositifs utilisés dans la construction du processus de recherche. Ces différents éléments sont des invariants intégrés dans notre processus scientifique de recherche.

1.1. Les fondements épistémologiques de notre projet de recherche

1.1.1. Notre positionnement par rapport aux sciences de gestion

1.1.2. Une approche transversale des sciences de gestion

1.1.3. La validité des résultats obtenus

1.2. Les choix méthodologiques

1.2.1. L’approche socio-économique

1.2.2. L’approche ago-antagoniste

1.2.3. L’approche métaphorique

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1.1. Les fondements épistémologiques de notre projet de recherche

Le questionnement épistémologique est une réflexion critique constructive sur la recherche d’intention scientifique, sa portée et ses limites (Savall et Zardet, 1997). Ainsi, ce chapitre permet d’expliciter et de mettre en lumière les deux premiers principes fondamentaux que l’on retrouve dans notre projet de recherche :

- les sciences de gestion sont les sciences de l’action (dans l’action pour l’action) à visée transformative ;

- Les sciences de gestion sont composées de disciplines propres à la gestion (stratégie, marketing, comptabilité, etc.), qui cohabitent avec d’autres disciplines des sciences sociales (psychologie, sociologie, droit, etc.).

Précisons notre positionnement par rapport à la finalité des sciences de gestion (1.1.1), avant de proposer une approche transversale des travaux de recherche (1.1.2.), et une discussion sur les critères de validité des résultats obtenus dans cette discipline (1.1.3.).

1.1.1. Notre positionnement par rapport à la finalité des « sciences de gestion »

Si la légitimité pratique et professionnelle des sciences de gestion ne semble plus faire de doute aujourd’hui, David et al. (2008) signalent qu’elles souffrent toujours d’un déficit d’identité. En effet, les sciences de gestion sont une des plus jeunes sciences sociales, et leur statut épistémologique suscite encore aujourd’hui de nombreux débats sur leur scientificité.

Voyons ci-après notre positionnement par rapport à trois débats centraux : le paradigme positiviste ou constructiviste, la réalisation de recherches fondamentales ou appliquées, et la finalité des sciences de gestion.

1.1.1.1. Le paradigme positiviste ou constructiviste

Les travaux de Déry (1992, 1994) permettent de comprendre l’évolution des débats épistémologiques sur les paradigmes positivistes ou constructivistes qui ont traversé le domaine des sciences de gestion, en distinguant deux périodes :

- la première jusqu’à la fin des années 1970. C’est une période au cours de laquelle le modèle « orthodoxe » de la science prévaut (orthodoxie épistémologique pour donner

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une image unitaire des sciences de l’administration6

, et orthodoxie dans laquelle chacun devait s’inscrire), c'est-à-dire un discours largement inspiré du positivisme, qui s’appuie sur les travaux effectués sur l’organisation scientifique du travail de Taylor, ou les principes de direction rationnelle de Fayol. Dans cette perspective, toutes les observations doivent être traduites en langage logico-mathématique pour acquérir le statut de connaissance scientifique. De plus, ce modèle s’accompagne d’une attitude naturaliste selon laquelle les sciences de la nature et les sciences dites appliquées seraient les modèles à suivre par les sciences de l’administration (Déry, 1992, 1994).

- la seconde période a démarré à la fin des années soixante-dix en contestant le modèle orthodoxe sur le plan méthodologique. Cette période se caractérise par la révélation du pluralisme épistémologique régnant dans les sciences de gestion, qui permet de proposer différentes grilles de lecture sur les pratiques concrètes de production de connaissances. Cette « fragmentation de l’épistémologie est en soi un indicateur du rejet du modèle orthodoxe de la science et de son discours à portée présumément universelle » (Déry, 1992, 1994). Si la communauté académique en sciences de gestion reste encore très marquée par le dualisme constructivisme-positivisme (Savall et Zardet, 2004), nous pensons que dans les domaines de la stratégie et du management, les effets d’adhésion qu’entraine tout courant dominant dans l’histoire des sciences (Laufer, 1994) font que la plupart de chercheurs se réclament aujourd’hui d’une approche constructiviste ; et David (1999) signale qu’il n’est pas facile aujourd’hui de se prétendre positiviste.

Par rapport à ce premier débat, précisons que les travaux réalisés dans le cadre de notre projet de recherche s’inscrivent dans une perspective constructiviste qui présente les trois principales caractéristiques suivantes selon Usunier et al. (1993) et Igalens et al., (1998) :

- la réalité est socialement construite, le monde n’est pas donné une fois pour toutes ; - le changement et le processus de transformation de l’objet étudié ne sont pas des

problèmes pour le chercheur, au contraire ils constituent une dimension clé inhérente aux systèmes de production, reconnus dans leur composante sociale (Everaere, 1993) ;

- la neutralité de l’observateur, du chercheur, est donc un mythe, car l’interaction entre observateur et observé est par définition la condition même de la connaissance. Elle est recherchée elle-même (Arnaud, 1996). Les idées d’objectivité et donc d’un possible accès objectif sont abandonnées.

6 Déry emploie le terme sciences de d’administration pour désigner les sciences de Gestion. Pour les dictionnaires (Littré, Robert ou Larousse), gestion et administration sont synonymes au point que les définitions renvoient de l’un à l’autre ; si « administration » présente l’avantage d’avoir le même sens en anglais (ce qui fait qu’il est souvent préféré au Canada), il présente l’inconvénient de ce côté-ci de l’Atlantique de se nuancer d’une connotation étatique ou publique (Bouilloud et Lecuyer, 1994).

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1.1.1.2. Le refus de la dichotomie entre recherche fondamentale et recherche appliquée

Bouilloud et Lecuyer (1994) précisent que la gestion présente la particularité de se définir en fonction de son objectif, et non pas de sa nature. En effet, l’objectif de la gestion est d’assurer la bonne marche et le fonctionnement des entreprises ou des organisations au sens large, et donc tout ce qui peut participer à ce fonctionnement est susceptible de faire partie de la gestion. Dans cette perspective, la gestion est une « praxéologie », c'est-à-dire une science de l’action qui ne trouve son sens que dans la pratique.

Ce constat nous conduit à préciser notre positionnement par rapport au caractère fondamental ou appliqué de la recherche en sciences de gestion. La recherche fondamentale désigne des développements qui prennent la forme de découvertes, d’inventions, de réflexions, de modélisations, voire de conjectures (Usunier et al., 1993). Et la recherche appliquée (ou finalisée) a pour objectif d’apporter des solutions à des « clients » en combinant l’explicitation du modèle explicatif et du modèle prescriptif (Savall et Zardet, 2004).

A l’instar de Godelier (1982, in Savall et Zardet, 2004) nous refusons d’opposer ces deux types de recherches dans la hiérarchie des valeurs, et pensons au contraire qu’elles devraient se compléter dans une perspective critique. Pour cesser d’opposer ces deux types de recherches et réussir à développer un environnement mutuel et interconnecté entre recherche fondamentale et recherche appliquée, les travaux de Savall et Zardet (2004) proposent « qu’au lieu de considérer la recherche fondamentale éloignée des entreprises et la recherche appliquée trop proche d’elles, une alternative est de considérer l’entreprise comme un lieu où l’on peut simultanément conceptualiser et expérimenter ». Dans cette optique, nous pouvons constater que notre thèse de doctorat portait déjà sur une « analyse théorique et pratique des coopérations multipoints », et nous avons suivi cette orientation dans les travaux ultérieurs qui visent à fournir des contributions « théoriques » et « pratiques » dans le champ des sciences de Gestion.

1.1.1.3. La finalité transformative des sciences de gestion

La nature et l’utilité des contributions des recherches nous incite à nous interroger sur l’objet propre des sciences de gestion ou de management. Selon Savall (1994), les recherches en gestion ont simultanément deux types d’objets de connaissances : « les pratiques actuelles des acteurs sociaux au sein des entreprises et les concepts, méthodes et outils qui font évoluer cet état de pratiques ». Donc, de part leur objet les sciences de gestion sont expérimentales, et les résultats obtenus peuvent être substantiels et/ou méthodologiques.

Quelque soit le type de résultats obtenus, nous considérons qu’ils doivent pouvoir servir directement ou indirectement aux praticiens, aux autres chercheurs de la communauté scientifique, aux étudiants en formation qui travailleront un jour dans des entreprises ou des organisations, etc. En d’autres termes les recherches en sciences de gestion doivent être

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utiles pour les acteurs de la recherche et plus globalement pour la société civile (Paturel et Savall, 1999). Pour cela, Marchesnay (1991) insiste sur la légitimité normative des recherches en gestion car leur finalité est bien l’amélioration des performances des organisations ; et Savall et Zardet (2004) signalent que par opposition aux sciences contemplatives, elles comportent une dimension ou à tout le moins un dessein transformatif.

Nos travaux s’inscrivent dans cette lignée, car nous pensons que la finalité des sciences de gestion est d’améliorer les pratiques de gestion en produisant ET en transmettant de la connaissance (actionnable) pour accroitre la performance sociale et économique des entreprises et des organisations. Mais, nous avons constaté au long de notre parcours que ce point de vue n’est pas toujours partagé par l’ensemble de la communauté scientifique, et la question de savoir si l’on fait de la « recherche en management » ou de la « recherche pour le management » est encore d’actualité.

Éléments de synthèse sur notre positionnement par rapport à la finalité des sciences de gestion

Nos travaux de recherche s’inscrivent dans une perspective constructiviste qui permet de travailler sur les interactions.

Nous refusons d’opposer la recherche fondamentale et la recherche finalisée, car nous pensons que ces deux types de recherches sont complémentaires.

Enfin par rapport à la finalité des sciences de gestion, nous pensons que les sciences de gestion sont les sciences de l’action (dans l’action pour l’action) à visée transformative. Donc, les travaux réalisés dans ce domaine doivent produire et transmettre de la connaissance à différents acteurs pour accroitre la performance sociale et économique des entreprises et des organisations.

1.1.2. Une approche transversale des sciences de gestion

La question de la transversalité (ou décloisonnement) est un sujet complexe qui pose tout d’abord la question de la place de la gestion par rapport aux autres sciences sociales (sociologie, psychologie…). Nous verrons ensuite que l’action de décloisonnement constitue un invariant qui est au cœur de notre projet de recherche.

1.1.2.1. Les spécificités des sciences de gestion par rapport aux autres sciences sociales

Pesqueux (2003) souligne l’extraordinaire développement de la recherche en gestion qui traduit l’expansion des sciences de gestion comme discipline depuis le début de la décennie 70, mais aussi comme pratique sociale qui accorde une primauté à la Raison utilitaire. Les sciences de gestion font partie des sciences sociales, mais elles présentent des spécificités (Pesqueux, 2003 ; David et al., 2008 ; Savall et Zardet, 2004).

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La première spécificité concerne la place de « l’action » dans les recherches en sciences de gestion. A notre sens, c’est la variable clé discriminante qui permet de différencier les sciences de gestion des autres sciences sociales. D’un point de vue sémantique, rappelons que le terme même de gestion désigne une action, le fait de gérer, d’engager des moyens au sein d’un ensemble organisé, aux fins de réaliser les but que proposent d’atteindre ceux qui les ont acquis (Savall et Zardet, 2004). Et dans le même ordre d’idées, Hatchuel (2000) rappelle que l’étymologie du mot « gestion » est romaine : « le verbe gérer signifie porter, aussi bien dans le sens de porter une pierre que de se charger d’une tâche ».

La seconde spécificité de la recherche en sciences de gestion est d’être souvent au carrefour d’autres disciplines scientifiques (Girin, 1981). C’est la double caractéristique d’être à la fois une science de l’action et d’être dotée d’un objectif inhérent à sa pratique, qui permet d’expliquer le déplacement dans le temps des domaines de la gestion et leur enrichissement. Bouilloud et Lecuyer, (1994) citent le cas de différentes disciplines comme la psychologie, la psychanalyse, la sociologie des organisations, ou l’ethnologie, qui sont « entrées » dans la gestion au fur et à mesure que se sont affinés les outils d’analyse disponibles, et accrues les exigences de résultat dans les organisations. Ainsi, le gestionnaire n’est pas le seul à travailler sur l’entreprise, et l’économiste, le sociologue, l’historien, l’anthropologue, etc. peuvent aussi travailler sur le même objet générique (Verstraete, 1999). Mais la gestion apparait aussi comme une discipline autonome qui embrasse d’une part des domaines qui lui sont propres (la comptabilité, les finances, etc.), et d’autre part des domaines exogènes comme le droit, la fiscalité, la psychologie ou la sociologie (Bouilloud et Lecuyer, 1994).

Donc, comme la gestion est par essence multidisciplinaire, il est important de s’interroger sur l’articulation entre sciences sociales et sciences de gestion (Verstraete, 1999). Sur ce point, Savall et Zardet (2004) signalent que « les sciences de gestion se situent entre deux eaux : d’un côté la littérature, de l’autre l’ingénierie et la médecine. Les sciences de gestion sont aujourd’hui victimes de leur origine littéraire … s’il est vrai que les sciences de gestion cohabitent avantageusement avec d’autres disciplines des sciences sociales, leur contribution à l’amélioration des organisations les en différencie clairement ». Dans ce domaine les emprunts aux autres disciplines des sciences sociales sont tellement nombreux que le chercheur en sciences de gestion est parfois qualifié d’ « excursionniste » (Martinet, 1990).

Ces différents éléments nous permettent de préciser le positionnement de nos travaux de recherche qui s’inscrivent dans le cadre d’une approche transversale des sciences de gestion.

1.1.2.2. L’action de décloisonnement au cœur notre projet de recherche

Par rapport au décloisonnement, nous constatons qu’au fil du temps, nos travaux n’hésitent plus à intégrer progressivement les apports des autres sciences humaines telles que les sciences de l’éducation, la psychologie, la sociologie, etc. En effet, nous considérons que les sciences de gestion sont au croisement d’autres disciplines ; et qu’elles sont

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emprunteuses (David et al., 2008). Mais ce qui les différencie des autres sciences « contemplatives », c’est qu’elles ont un dessein transformatif (Savall et Zardet, 2004).

De plus, les sciences de gestion sont elles-mêmes découpées en spécialités : marketing, finances, stratégie, management, ressources humaines, entrepreneuriat, etc. Ici encore, notre approche de la recherche en sciences de gestion consiste à proposer des actions de décloisonnement pour tenir compte des complémentarités entre ces différentes spécialités. Nous pensons en effet, qu’une approche transversale de la gestion permet une meilleure observation de la complexité de l’objet à deux niveaux : celui des entreprises et celui des individus.

Enfin, dans notre projet, l’action de décloisonnement peut également être illustrée par rapport aux méthodologies de recherche que nous utilisons. Nous refusons la logique de substitution entre les méthodes qualitatives et quantitatives car nous considérons que ces deux approches s’inscrivent dans un continuum qualimétrique qui les rend complémentaires (Biardeau, et al., 2007).

La qualimétrie constitue « un essai pacificateur consistant à reconnaître que l’essence des informations traitées au cours du processus scientifique d’élaboration de connaissances est simultanément qualitative (s’exprimant par des mots-clés) et quantitative (nombres-clés et traitement mathématique) » (Savall et Zardet, 2004).

Éléments de synthèse sur l’approche transversale (décloisonnée) des sciences de gestion

Les sciences de gestion sont composées de disciplines propres à la gestion (stratégie, marketing, comptabilité, etc.), qui cohabitent avec d’autres disciplines des sciences sociales (psychologie, sociologie, droit, etc.).

Multidisciplinaires par essence, les sciences de gestion sont emprunteuses. Et, c’est le dessein transformatif des sciences de gestion qui les différencie des autres sciences humaines.

Voyons ci-après un dernier point de discussion sur la validité des résultats obtenus dans les travaux de recherche en sciences de gestion.

1.1.3. La validité des résultats obtenus dans les travaux de recherche en gestion

Nous avons évoqué ci-dessus (§1.1.1.3), l’utilité sociale des résultats obtenus pour évaluer la légitimité de la recherche (et du chercheur) en gestion. Mais, dans les faits, il y a aujourd’hui peu de convergences et d’unanimité sur les critères de validité d’une recherche au sein de la communauté des enseignants-chercheurs en sciences de gestion (Savall et Zardet, 2004 ; Wacheux, 2006).

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Voyons tout d’abord deux critères souvent utilisés pour apprécier la validité d’une recherche : la validité interne et la validité externe. Nous présenterons ensuite, les techniques que nous utilisons pour valider les résultats obtenus dans notre projet de recherche.

1.1.3.1. Les critères de validité externe et interne

La validité externe désigne la possibilité d’étendre, de transposer, de généraliser les résultats obtenus sur un échantillon à une population plus large (Savall et Zardet, 2004). Il s’agit de savoir si les résultats sont valables à l’extérieur d’un échantillon, ou bien tout à fait contingents à la situation observée? Ce sont généralement les quantitativistes qui s’intéressent plus à la validité externe de la recherche.

La validité interne porte sur les résultats obtenus, les anomalies de résultats discordants, les instruments méthodologiques, la méthode retenue par rapport à la problématique et aux résultats recherchés (Savall et Zardet, 2004). Ce critère est très souvent retenu par les chercheurs plus qualitativistes.

A l’instar de Savall et Zardet (2004), nous pensons que les critères de validité interne et externe ne sont pas disjonctifs ni exclusifs. En effet, la validité globale d’une recherche dépend de la validité du modèle prévisionnel, des instruments et méthodes utilisés dans le parcours du chercheur, et de la qualité des matériaux recueillis, en particulier les matériaux expérimentaux.

De plus, nous proposons de travailler sur la dimension liée à la transmission des connaissances, pour mesurer les effets réels de la recherche en gestion.

1.1.3.2. Les techniques d’évaluation utilisées pour valider la scientificité de notre projet de recherche

Dans notre projet de recherche, la vérification de la validité des résultats obtenus passe par la mise en place d’un processus incrémental d’acquisition de connaissances et par la diffusion des résultats.

Le processus incrémental d’acquisition de connaissances se traduit par la réalisation de recherches longitudinales et par une multiplication des cas étudiés afin de valider progressivement les résultats obtenus. Citons, à titre d’exemple, le fait d’utiliser la population des étudiants comme un terrain propice d’expérimentation pour nos recherches en sciences de gestion.

La diffusion des résultats est effectuée à différentes cibles par la voie de publications écrites et par la transmission orale. Citons, à titre d’exemples :

- les acteurs qui ont participé à la recherche, - les praticiens,

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- les membres de la communauté scientifique, - d’autres populations de la société civile (par exemple, les étudiants).

Ainsi, la diffusion des résultats obtenus vise une double évaluation scientifique et pratique qui passe par la confrontation entre le chercheur et les acteurs du terrain et/ou les autres membres de la communauté scientifique.

En bref, le processus incrémental d’acquisition de connaissances, et la transmission de la connaissance produite à différentes cibles (aux acteurs de la recherche, aux praticiens, aux membres de la communauté scientifique, et à d’autres populations de société civile -par exemple, les étudiants-) constituent deux leviers importants pour évaluer la validité de notre projet de recherche.

Éléments de synthèse sur la validité des résultats obtenus en sciences de gestion

In fine, les travaux réalisés en sciences de gestion doivent avoir une utilité sociale et sociétale.

La validité interne et la validité externe des travaux constituent deux dimensions souvent utilisées pour évaluer la validité de la recherche en sciences de gestion.

La transmission des résultats obtenus auprès de différentes cibles (telles que les acteurs de la recherche, les praticiens, les autres chercheurs, ou d’autres populations de la société civile -par exemple les étudiants-) constitue un autre indicateur pour évaluer la validité de la recherche en gestion.

Voyons dans le paragraphe suivant les choix méthodologiques retenus dans notre projet de recherche.

1.2. Les choix méthodologiques

A l’instar de Hatchuel (1994) et Calori (1999), nous faisons le choix d’un « pragmatisme épistémologique ou d’une épistémologie pragmatique » pour faire de la recherche en sciences de gestion. En effet, nous pensons que la faisabilité d’une recherche en sciences de gestion dépend davantage des possibilités d’accès au terrain que de considérations théoriques, conceptuelles ou épistémologiques (Usunier et al., 1993).

Cependant, la méthodologie retenue par le chercheur peut fortement influencer les résultats obtenus, et il nous semble donc important de les expliciter dans ce paragraphe. Nos choix méthodologiques s’appuient sur les fondements de trois grandes approches théoriques : la théorie socio-économique des organisations, l’approche ago-antagoniste, et l’approche métaphorique.

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La présentation de ces trois approches nous permet ainsi d’expliciter nos choix méthodologiques, et de préciser le dernier principe fondamental qui jalonne nos différents travaux, à savoir : le refus d’une logique de raisonnement binaire dans les recherches en sciences de gestion.

1.2.1. L’approche socio-économique : une vision innovante de l’entreprise et de la recherche en gestion

Voyons brièvement les principales caractéristiques de la théorie socio-économique avant de montrer comment nous intégrons ses fondements épistémologiques dans notre projet de recherche.

1.2.1.1. Finalité et fondements de la théorie socio-économique des organisations

1.2.1.1.1. Présentation générale de l’approche socio-économique

La théorie socio-économique a été créée par H. Savall en 1974. Elle considère l'entreprise comme un ensemble complexe comprenant cinq types de structures en interaction avec cinq types de comportements humains7

Les nombreuses recherches-interventions dûment évaluées ont révélé que les causes fondamentales (causes racines) des dysfonctionnements sont dues aux carences de pilotage (comportements humains), des systèmes d'informations stimulantes (« SIOFHIS"), de synchronisation ou de « toilettage

. Cette interaction permanente et complexe crée les pulsations d'activités qui constituent le fonctionnement vivant de l'entreprise. Or, on détecte dans ce fonctionnement des anomalies, des perturbations, des écarts entre le fonctionnement souhaité (ortho fonctionnement) et le fonctionnement réellement constaté : ce sont les dysfonctionnements dont le caractère chronique engendre des coûts cachés. Ces coûts cachés affectent la performance globale de l'organisation, à savoir sa compétitivité, sa rentabilité, son efficacité et la qualité de son fonctionnement.

8

La gestion socio-économique innovatrice est un mode de gestion qui intègre étroitement la dimension sociale de l’entreprise et sa performance économique : elle comporte des méthodes de

».

management global s'appuyant sur le développement humain de l'entreprise comme facteur principal d'efficacité à court, moyen et long termes.

7 Les éléments fournis dans cette présentation générale sont tirés de Savall, Zardet et Bonnet (2009), des séminaires doctoraux organisés mensuellement par l’ISEOR, et du site internet de l’ISEOR (http//www.iseor.com).

8 Le toilettage représente les pratiques de maintenance périodique des structures, procédures, comportements... bref, de tout ce qui se dégrade au fil du temps (Savall et Zardet, 1989, 4° édition 2003).

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Savall et Zardet (1989) précisent très clairement la finalité de l’analyse socio-économique de la façon suivante : « la recherche de compatibilité entre objectifs économiques et sociaux dans une approche unitaire de la gestion qui n’oppose pas, mais au contraire relie ces deux dimensions ». Et pour cela, la théorie socio-économique propose une ingénierie du management : une démarche scientifique d’investigation visant à provoquer le changement dans l’entreprise.

Voyons ci-après, trois fondements épistémologiques de l’analyse socio-économique, qui constituent aussi le socle de notre projet de recherche : la contingence générique, l’interactivité cognitive et l’intersubjectivité contradictoire.

1.2.1.1.2. Les fondements épistémologiques de l’analyse socio-économique

1.2.1.1.2.1. L’interactivité cognitive

Le principe «d’interactivité cognitive» signifie que les connaissances sont coproduites par le chercheur et les acteurs lors de dispositifs interactifs, tels que les diagnostics et les groupes de projet (Savall et Zardet, 2004 ; Capelletti, 2010). On retrouve là le principe de coproduction de connaissances mobilisé par Van de Ven et Johnson (2006), qui est un mécanisme fécond de production de connaissances au cours d’une recherche, et plus précisément dans les recherches interventions.

Cristallini (2005) précise qu’il « s’agit d’un processus de production de connaissances d’intention scientifique, dans lequel l’intervenant chercheur est partenaire dans l’action et coproducteur de connaissances avec le terrain, dans le but de formuler des règles de connaissance nouvelles ou plus précisément des connaissances structurées sous forme de règles. Il s’agit de mener des expérimentations sur et avec l’objet de la recherche. »

Au final, on peut dire que l’interactivité cognitive est « une technologie permettant de produire une connaissance communicable et partageable par d’autres acteurs… » (Cristallini, 2005), et donc un moyen fécond de générer des connaissances nouvelles.

Nous appliquons le principe d’interactivité cognitive dans la plupart de nos travaux, car nous pensons que la connaissance naît dans des liens intersubjectifs et sociaux.

1.2.1.1.2.2. L’intersubjectivité contradictoire

L’objectivité est un but vers lequel il faut tendre, sans qu’il soit entièrement atteignable (Bonnet, 2003). Donc, Savall et Zardet (2004) signalent que « face à l’impossible objectivité des informations, l’intersubjectivité contradictoire est une alternative pertinente, qui consiste à confronter les points de vue relatifs et subjectifs de chacun des acteurs, en organisant et suscitant des interactions entre acteurs dotés de points de vue en partie convergents, et en partie différents, voire contradictoires ».

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En bref, le principe d’intersubjectivité contradictoire considère que la perception que les acteurs ont de la réalité va agir sur cette dernière. C’est un procédé qui permet de « confronter explicitement les différents acteurs dotés de leurs points de vue et analyses respectifs, pour en identifier les convergences et les spécificités » (Savall et Zardet, 2004).

Par rapport à notre projet de recherche, la prise en compte de la perception des acteurs dans la phase de recueil d’informations constitue un de nos invariants méthodologiques. En effet, nous savons qu’il est difficile de comprendre la réalité sans s’intéresser à la manière dont les acteurs la perçoivent (Delorme et Flückiger, 2003). Ainsi, nous intégrons systématiquement le principe d’intersubjectivité contradictoire dans nos travaux, afin de réduire les biais des discours recueillis par entretiens sur le terrain.

Voyons le troisième et dernier principe qui traite de la « contingence générique ».

1.2.1.1.2.3. La contingence générique

Savall et Zardet (2004) définissent la contingence générique comme un « cadre épistémologique admettant la présence de spécificités dans le fonctionnement des organisations, mais posant l’existence de régularités et d’invariants, qui constituent des règles génériques dotées d’un noyau dur de connaissances présentant une certaine stabilité et une certaine universalité ».

Le concept de « contingence générique » vise à définir les conditions de généralisation des résultats obtenus (Savall et Zardet, 1997). En partant d’informations de terrain, le principe de contingence générique, permet de construire une production scientifique exportable parce qu’exploitable dans d’autres travaux (Lallé, 2004)

Par rapport à la production de connaissance, l’aspect contingent est lié aux spécificités contextuelles, et le principe générique repose sur un effort de conceptualisation, qui vise à dégager des invariants par rapport aux situations étudiées (Lallé 2004).

En bref, le concept de contingence générique désigne la combinaison possible entre contingence et universalisme : un noyau dur de connaissances génériques complété par des périphéries contextuelles issues de cas différents A, B, C… (Savall et Zardet, 2004).

1.2.1.2. Les apports de l’analyse socio-économique dans le cadre de notre projet de recherche

Ce cadre théorique est un élément essentiel dans la mise en œuvre de notre projet. Bien que nous ne faisons pas de recherche intervention au sens strict du terme, notre référentiel de base est très clairement d’essence socio-économique.

En effet :

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- nous considérons l’action du chercheur comme une variable clé à prendre en compte dans le processus de recherche ;

- nous utilisons la méthodologie de traitement de données proposée par l’analyse socio-économique (dépouillement, thèmes, sous-thèmes, phrases témoins…) dans la quasi-totalité de nos travaux ;

- les trois fondements épistémologiques exposés ci-dessus (interactivité cognitive, intersubjectivité contradictoire et contingence générique) sont pris en compte au quotidien dans notre activité d’enseignant-chercheur.

Ainsi, ces différents constats nous conduisent à préciser que nos travaux relèvent :

- de la recherche-action, pour notre activité liée à la production de connaissance d’intention scientifique (la recherche). Bien qu’ambivalent9

- de « l’action learning » dans le cadre de nos activités qui portent sur la transmission de connaissances (l’enseignement). Les principes fondateurs de « l’apprentissage par/de l’action » s’inspirent des travaux de Revans (1982). Apprendre par l’action est un champ interdisciplinaire qui vise des applications très diversifiées, avec des pratiques et des idées en pleine effervescence. Cette approche met l’accent sur un vrai processus de recherche, partagé et coopératif (Vandamme, 2005). Selon Revans (1982), apprendre par l’action repose sur l’idée qu’il faut se fier à soi-même pour résoudre ses propres problèmes et créer ses opportunités ; mais apprendre de/par l’action concerne aussi le changement dans les organisations, les communautés et les

, ce concept occupe une place de plus en plus importante dans les sciences sociales et dans les sciences de gestion (Argyris, 1985 et 1995 ; Plane, 1996 ; David, 2000). Fondé sur les travaux de Lewin (1951), la recherche-action intègre le rôle clé des interactions entre le chercheur en sciences sociales et les acteurs de la recherche, car c'est en intervenant auprès des hommes qui veulent produire des changements que le scientifique sera à même d'observer, de mesurer et de comprendre des processus qui lui demeuraient autrement inaccessibles (Plane, 1996). En d’autres termes, dans le cadre d'une recherche-action, le chercheur est un « intervenant-chercheur » engagé dans un processus où il y a concurremment et successivement création de connaissance et changement ; et la recherche-action aide à transformer le système à partir de sa propre réflexion sur lui-même, dans une optique participative (David, 2000).

9 Par rapport à cette méthodologie de recherche, précisons l’existence d’une nuance introduite avec « l’action sciences » (Argyris, 1985) plutôt orientée vers la production de connaissances au service de l’action. Sur ce point, David (2000) signale que la position d’Argyris, fut plus militante que celle de Lewin puisque le but d’une expérimentation « d’action science » est de décrire et de transformer. Savall et Zardet (2004) précisent qu’il s’ensuit une différence assez marquée entre les deux cas sur la position du chercheur : « le chercheur se veut relativement neutre en recherche-action, alors qu’il a en action-science un rôle d’assistance et d’expérimentateur, en contribuant à développer simultanément les connaissances fondamentales en sciences sociales et à l’action en société ».

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sociétés. Nous mobilisons tout particulièrement l’action learning dans les travaux effectués sur les méthodes de formation active qui visent à stimuler la pratique réflexive des formés, et plus généralement à identifier les conditions dans lesquelles un apprendre de l’action peut s’effectuer.

Éléments de synthèse sur l’analyse socio-économique et transition vers l’approche ago-antagoniste

Nous pensons que les fondements de cette théorie traduisent une volonté de dialogue, qui correspond tout à fait à notre conception de la recherche en sciences de gestion. Signalons à titre d’exemple, la méthode de conceptualisation utilisée dans l’analyse socio-économique qui repose sur une logique dialectique, c'est-à-dire un art de raisonner et de discourir en utilisant une méthode d’analyse de la réalité qui met en évidence ses contradictions et cherche à les dépasser.

Sur ce point, Savall et Zardet (2004) signalent : « finissons-en avec les oppositions binaires, qualitative-quantitative, universalité-contingence, pour adopter une posture dialectique, holistique et synthétique utilisant de façon articulée les données qualitatives combinées aux données quantitatives et financières d’une part et, d’autre part, les modèles et concepts généraux avec les données spécifiques et contextuelles ».

Nos travaux s’inscrivent dans cette logique car ici l’opposition n’est pas une contradiction au sens où elle ne renvoie pas à une théorie binaire (Lallé, 2004). Au contraire, l’opposition devient le moteur même de la réflexion, et pousse à rechercher des formes intermédiaires entre ces différents concepts tels que : produit caché / visible ; autonomie positive / négative ; recherche contemplative / transformative ; économique / social…).

A l’instar de Savall et al. (2005), nous pensons qu’il convient de « dépasser cette vision dichotomique social/économique ». La dialectique d'opposition provoque des coûts de régulation (coût humain, social et économique) destructeurs de la valeur ajoutée nécessaire au bien-être durable des parties prenantes. Une dialectique de synthèse, de nature synergétique et intégrative n’est-elle pas plus pertinente, efficace et efficiente ? (Savall et al., 2005).

Proche de ces principes de base auxquels nous adhérons, voyons ci-après les principales caractéristiques de l’approche ago-antagoniste qui constitue notre deuxième cadre théorique de référence.

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1.2.2. L’approche ago-antagoniste et la gestion des contradictions inhérentes au management

1.2.2.1. Présentation générale et apports de l’approche ago-antagoniste

La théorie des systèmes ago-antagonistes a trouvé naissance dans le champ de la recherche biomédicale (Bernard-Weil, 1999 et 2003), et a été relayée du côté des sciences humaines par le biais du management et de l’organisation des entreprises. Le principe est de repérer dans un système des couples ago-antagonistes qui permettent de reconstruire l’édifice d’un système.

Citons quelques exemples de couples ago-antagonistes en sciences de gestion : le raisonnement inductif et déductif (Marchesnay, 2008), le pragmatisme épistémologique et l’épistémologie pragmatique (Hatchuel, 2005), le chercheur pragmatique ou le praticien pragmatique (Calori, 1999), l’intention et l’action ; le positivisme ou le constructivisme ; l’exploitation et le renforcement des compétences centrales, etc.

Dans ces couples10

- les stratégies bipolaires. Les stratégies bipolaires consistent à intervenir au niveau des deux pôles d’un couple en s’efforçant à prendre des mesures qui favorisent les deux pôles (sans se contenter de renforcer le plus faible ou de limiter l’exercice du plus fort). Ainsi, pour certains couples ago-antagonistes qui font aujourd’hui l’objet

, l’antagonisme provient du fait de la conflictualité des pôles du couple et l’agonisme du fait que cette conflictualité a des effets positifs et non destructifs. La notion de couple ago-antagoniste est d’autant plus intéressante qu’elle va à l’encontre de l’épistémologie dominante qui éprouve de grandes difficultés à prendre en compte simultanément (ou du moins alternativement) les deux pôles de certains couples ago-antagoniste.

Les implications de cette approche au niveau des sciences de gestion, ressortent par exemple dans les travaux de Schmitt (1996) qui visaient à transposer les « classiques organigrammes de l’entreprise en un schéma, ou un réseau de type ago-antagoniste » : hiérarchie / autonomie des niveaux, maîtrise / cadres, fidélisation / clientèle nouvelle, R&D / marketing, maintenance directe / sous-traitance, etc.

La seule reconnaissance de l’existence de ces couples qui sont souvent en état de dysfonctionnement, constitue un premier apport pour les sciences de gestion, mais ne constitue que le début de la démarche ago-antagoniste. En fait, c’est l’approfondissement de leurs dynamiques qui va permettre de modifier certains principes de gestion, et d’établir les bases des « stratégies paradoxales », notamment :

10 Autrefois appelés « couples opposés » dans l’approche ago-antagoniste (Bernard-Weill, 1999 et 2003).

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d’une forte actualité (mondialisation / sauvegarde des identités locales ; dérégulations économiques / régulations) ; Bernard-Weil (2008) signale que « l’absence d’une connaissance, sinon parfois intuitive, de la dynamique ago-antagoniste ne permet que difficilement de progresser dans la recherche des solutions stratégiques : le choix d’un pôle préférentiel est souvent un facteur d’échec ». Mais les stratégies bipolaires ne peuvent être considérées comme une « voie moyenne » : « l’eau tiède est incapable d’exercer un contrôle ; seule une alternance d’eau chaude et d’eau froide est capable de le réaliser » (Schmitt, 1996).

- les stratégies unipolaires paradoxales. Bernard-Weil (2008) illustre cette stratégie par l’exemple « du train de Guingamp qui était en déficit. Plutôt que de le supprimer, on a augmenté sa fréquence, donc aggravé le déficit dans un premier temps ; mais ce changement a rétabli l’équilibre financier du fait de l’augmentation du nombre de voyageurs ». Schmitt (1996) fournit un second exemple de stratégie unipolaire paradoxale dans le domaine du management : « pour mettre fin à un conflit entre un directeur général et un directeur-général adjoint trop indépendant, il recommanda à ce dernier de submerger le premier de notes lui donnant des informations sur ses moindres faits et gestes -ce qui fit comprendre au directeur général que sa surveillance tatillonne n’était plus de mise- ». On voit dans ces deux exemples que les stratégies unipolaires paradoxales visent à agir sur un « agent » déjà en excès sans l’associer à celui dont on a mis en évidence la déficience. Ces stratégies qui visent à « aggraver » les symptômes pour mieux les réduire11

En bref, le principal intérêt cette approche est de montrer qu’il ne faut pas céder à l’attrait d’une pensée unipolaire : il faut apprendre à penser ou réapprendre à penser toujours de manière bipolaire. Ainsi, la théorie ago-antagoniste peut permettre une meilleure analyse de l’objet complexe que constitue l’entreprise. Par exemple, pour Le Moigne (1990), le concept d’organisation exprime la dualité entre l’action et les résultats.

sont assez proches de « l’injonction paradoxale ».

Par rapport à notre projet de recherche, la théorie ago-antagoniste nous fournit un cadre qui permet d’intégrer des logiques de régulation et d’équilibrations entre les deux pôles d’un couple « paradoxal ». A l'instar des deux faces d'une même monnaie qui à la fois s'excluent et

11 Bernard Weil (2008), précise que ces stratégies sont rarissimes dans le domaine médical. En revanche, les thérapeutiques psychiatriques ont recours à ce type de méthodes qui s’appuient sur la combinaison du transfert et du contre-transfert en psychanalyse (ou de la frustration et de l’«empathie»), ou sur des thérapeutiques dites paradoxales dans les thérapies familiales. Ces méthodes ont été développées dans les travaux de Bateson et de Watzlawick effectués sur l’injonction paradoxale qui très schématiquement exprime deux contraintes qui s’opposent : l’obligation de chacune contenant une interdiction de l’autre.

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sont indissociables, cette logique de raisonnement constitue le fondement de la plupart de nos travaux de recherche dans lesquels nous refusons une logique de raisonnement binaire qui nous conduirait à accepter un jeu de substitution entre :

- la recherche qualitative et la recherche quantitative (approche qualimétrique),

- La formulation de la stratégie et sa mise en œuvre (stratégie vs management),

- Les comportements volontaristes et déterministes (pour les stratégies d’internationalisation, l’utilisation des coopérations, etc.),

- La transmission et la production de connaissances d’intention scientifique (recherche et formation),

- etc.

Dans le même ordre d’idées, voyons les travaux de Fiol (2003) réalisés sur la gestion des contradictions inhérentes au management.

1.2.2.2. Gérer les contradictions inhérentes au management

Après avoir constaté que les grandes théories des organisations se sont peu intéressées au concept de contradiction ; les auteurs qui s’inscrivent dans ce courant de pensée (Boisot et Fiol, 1987 ; Fiol et al., 1996 ; Fiol et Lebas, 1998 ; Fiol, 1998, 1999) considèrent que le management est « l’art de faire face en permanence à des situations contradictoires, c'est-à-dire à des situations où le manager est écartelé entre des attitudes contradictoires » (Fiol, 2003).

Ces travaux permettent d’identifier des couples d’attitudes contradictoires inhérentes à l’exercice quotidien du management.

Le qualificatif « contradictoire » est retenu par ces auteurs pour exprimer le processus d’opposition et de renforcement mutuel observé dans leurs recherches entre deux attitudes. Le concept d’attitude contradictoire vis-à-vis d’une situation est défini en référence à six critères (Fiol, 2003) :

1. deux attitudes sont opposées quand tout accroissement de l’une tend à provoquer une réduction de l’autre.

2. Deux attitudes sont complémentaires quand elles se renforcent mutuellement.

3. Deux attitudes contradictoires, c'est-à-dire opposées et complémentaires, se représentent sous la forme de deux semi-axes situés de part et d’autre d’une origine commune, chaque semi-axe reflétant une des attitudes.

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4. Au sein d’un couple d’attitudes contradictoires, chaque attitude se caractérise par une force qui est aussi une faiblesse. La force d’une des deux attitudes compense la faiblesse de l’autre et vice versa.

5. Deux attitudes contradictoires sont liées par une dynamique « d’extenseur ». En fait, une opposition entre deux attitudes peut-être appréhendée selon deux logiques : celle du « curseur » ou celle de « l’extenseur » (cf. figure n°2 ci-après). La première consiste à considérer que les deux attitudes constituent les extrémités d’un continuum entre lesquelles il est possible de déplacer un curseur. Elle conduit à deux comportements : l’exclusion d’une des attitudes au détriment de l’autre (ou, ce qui revient au même, la domination de l’une sur l’autre), et la transaction qui conduit à trouver un équilibre entre les deux attitudes selon un jeu à somme nulle dans lequel toute préférence accordée à l’une se fait systématiquement au détriment de l’autre.

6. la logique de l’extenseur accorde une valeur égale aux deux attitudes opposées. Postulant que l’accroissement de la pratique d’une des attitudes tend à réduire celle de l’autre, elle promeut le renforcement mutuel de l’une par l’autre et garantit le développement approprié de chaque attitude en fonction de la situation de management considérée. Pour cela, le manager doit avoir suffisamment développé les deux attitudes pour satisfaire les exigences méthodologiques des différentes situations de management qu’il peut rencontrer dans l’entreprise. Au raisonnement en « ou », la logique de l’extenseur substitue la dialectique du « et ». Sur ce point, la logique du donnant-donnant ou du gagnant-gagnant (Axelrod, 1992) peut s’apparenter à celle de l’extenseur.

Figure n°2. Gérer les contradictions, passer d’une logique de curseur à une logique d’extenseur (Fiol, 2003).

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En bref, lorsque deux attitudes sont contradictoires (par exemple : être concret et être abstrait), « chaque attitude s’oppose à l’autre, peut se réaliser au détriment de l’autre et même nier l’autre dans une logique du ou (l’une ou l’autre) ». Et, « en même temps, les deux attitudes sont inséparables car elles se justifient, l’une et l’autre, par la complémentarité de leurs forces respectives et par le jeu de compensation des effets pervers de l’une par les avantages de l’autre, dans logique du et (l’une et l’autre) ».

Nous utilisons ce cadre d’analyse dans nos travaux pour mieux comprendre et analyser les attitudes contradictoires d’un enseignant-chercheur, liées aux décisions sur les arbitrages à faire entre ses activités de recherche ou d’enseignant.

Éléments de synthèse sur l’approche ago-antagoniste et transition vers l’approche métaphorique

La théorie ago-antagoniste nous aide à mieux préciser notre positionnement épistémologique en tant qu’enseignant-chercheur en sciences de gestion, puisque dans notre activité nous sommes conduits à réguler en permanence les tensions entre plusieurs couples ago-antagonistes. Cette approche nous apprend que la régulation ne peut se faire par l’annulation d’un des pôles, car les deux pôles seront toujours présents, et par conséquent la question clé concerne la détermination du « dosage » entre les couples.

Dans le même ordre d’idées nous mobilisons les travaux réalisés sur les contradictions inhérentes au management, car ils mettent en lumière l’intérêt de la logique d’extenseur, pour mieux comprendre les attitudes contradictoires qui s’offrent à un manager confronté à une problématique complexe, qui doit prendre une décision.

Ces deux approches montrent ainsi les limites liées à un raisonnement binaire qui conduit à des logiques d’exclusion plutôt que d’intégration.

Voyons ci-après le dernier cadre théorique utilisé dans nos travaux de recherche : l’approche métaphorique.

1.2.3. L’approche métaphorique comme lentille cognitive et outil de transmission de messages

Les principaux enjeux liés à l’utilisation des métaphores en sciences de gestion seront précisés dans un premier temps. Nous verrons ensuite comment nous mobilisons cette approche dans le cadre de notre projet de recherche.

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1.2.3.1. Les enjeux liés à l’utilisation de la métaphore en sciences de gestion

L’utilisation de la métaphore dans le processus de construction de connaissances fait l’objet de débats virulents dans la communauté scientifique. En effet, cette approche qui permet de penser « par ressemblance et par substitution » (Pesqueux, 1999) est très souvent adulée par les uns et bannie par les autres.

La métaphore consiste à transférer en sciences de gestion des concepts fondés dans une autre discipline dont l’objet d’étude est a priori très éloigné des problèmes de management des organisations12

- l’écologie des populations qui trouve ses fondements en biologie. Son utilisation en sciences de gestion a permis d’aboutir à une meilleure compréhension de la variété organisationnelle, et des relations entretenues entre organisation et environnement (Hannan et Freeman, 1977 ; Aldrich, 1979 ; Nelson et Winter, 1982 ; Astley et Van de Ven, 1983 ; Singh et Baum, 1994),

(Le Roy, 2001). Ainsi, le raisonnement métaphorique pose la question de l’interdisciplinarité liée à la rencontre entre les sciences de gestion et les résultats issus d’autres champs théoriques (cf. §1.1.2.).

La revue de la littérature existante sur l’utilisation de la métaphore en sciences de gestion, montre qu’il existe de nombreux transferts issus d’autres disciplines. Citons, à titre d’exemples :

- les doctrines militaires qui ont permis de faire évoluer les recherches portant sur la concurrence en centrant l’analyse sur les comportements des firmes plutôt que sur les structures du secteur (Kotler et Singh, 1981 ; Ries et Trout, 1986, Le Roy, 1999a, 1999b),

- la chimie pour travailler et approfondir certaines notions telles que la vitesse et le temps de réaction utilisées dans de nombreux travaux de recherche en sciences de gestion (Aliouat, 1996 ; Balanzian, 1997 ; Geindre, 2000),

- la médecine, qui peut favoriser la crédibilité des sciences de gestion, en travaillant sur les analogies entre la médecine et la gestion (Fière et Savall, 2007).

12 Dans la littérature existante, les travaux qui portent sur la métaphore utilisent une terminologie très diverse qui reste assez floue. Par rapport à l’objectif de cette note de synthèse qui vise essentiellement à expliquer pourquoi nous avons recours à ce choix méthodologique, précisons ici, que nous retenons une définition volontairement large du raisonnement métaphorique qui inclut des notions connexes telles que analogie, image, similarité, etc. Le lecteur intéressé pourra utilement consulter les travaux réalisés par des chercheurs français qui fournissent d’excellentes synthèses au niveau de la sémantique utilisée et sur l’état des débats qui existent au sein de la communauté scientifique (Desreumaux, 1998 ; Le Roy, 1997 ; Le Roy, 2001 ; Berger-Douce et Durieux-Nguyen., 2002 ; Ocler, 2006).

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Par rapport à ces transferts, Desreumaux (1998) précise que la métaphore est très largement pratiquée en sciences de gestion, même si elle est toujours sujette à caution. Et, Le Roy (2001) signale l’existence de nombreuses controverses sur leur validité et sur les qualificatifs qu’il convient de leur attribuer. Très schématiquement, on peut différencier deux courants de pensée.

Pour certains chercheurs, le transfert métaphorique d’un univers source vers un univers cible est par nature une relation qui n'est « pas conventionnelle » (Indurkhya, 1991). Donc, toute métaphore est littéralement fausse (Allbritton, 1995 ; Hill et Levenhagen, 1995) puisque la métaphore dit alternativement : « le référent est comme le référé, et le référent n’est pas comme le référé13

A l’opposé, les autres chercheurs (Morgan, 1980, 1984, 1989 ; Granger, 1987 ; Weick, 1989, Berger-Douce et Durieux-Nguyen, 2002) qui s’inscrivent dans un second courant de recherche, insistent sur le caractère contradictoire des métaphores qui explique leur importance dans les langages pour permettre aux individus de construire leur réalité sociale. En sciences de gestion, les travaux fondateurs de Morgan (1983) montrent comment différentes perspectives peuvent générer de nouvelles avancées dans le domaine de la théorie des organisations. Ses travaux qui partent de l’hypothèse « et si on considérait l’entreprise comme … », montrent qu’à l’aide de huit perspectives différentes (machine, organisme, cerveau, culture, système politique, prison mentale, flux de transformation et instrument de

», ou encore : "ceci c'est comme cela, ce n'est pas cela mais c'est comme cela" (Valastro, 2003).

La métaphore interroge le chercheur sur le rôle du langage dans le processus de production de connaissances en sciences de gestion. C’est la nature paradoxale des métaphores qui a poussé certains auteurs à opposer le langage imagé au langage littéral, pour affirmer la nécessité de minimiser le langage imagé dans les recherches scientifiques (Le Roy, 2001). Ainsi, pour Pinder et Bourgeois (1982), la métaphore peut être nuisible à la recherche quand elle est mal maîtrisée. Si elle est inévitable, du fait de sa capacité à simplifier les analyses, les chercheurs doivent le plus possible exclure le langage imagé de leurs propositions théoriques.

En bref, dans ce premier courant de pensée, les plus virulents considèrent que la métaphore ne favorise pas la recherche (Bachelard, 1938 ; Pinder et Bourgeois, 1982), et pour les auteurs « plus tempérés », la métaphore ne serait au mieux qu'une étape vers la formalisation de la connaissance scientifique : le chercheur doit formuler des relations « littéralement vraies » pour arriver à cette connaissance (Beer, 1984 ; Hunt et Menon, 1995 ; Pinder et Bourgeois, 1982 ; Tsoukas, 1991).

13 Par rapport à l’approche ago-antagoniste présentée dans le paragraphe précédent (§1.2.2.), notons ici que « le référant » et « le référé » constituent deux pôles d’un coupe ago-antagoniste.

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domination) on peut voir différentes facettes de la réalité et proposer en conséquence des modes de management différents (Berger-Douce et Durieux-Nguyen, 2002).

Ici, le raisonnement métaphorique est considéré être l’un des plus importants modes de compréhension du monde, car il suscite la créativité et il permet de multiplier les angles d'attaque d'un problème complexe. C’est un procédé qui juxtapose soit des termes, soit des exemples concrets pour créer un réseau de similitudes et ainsi déterminer un sens à la description de la réalité (Khun, 1993). Par conséquent, la métaphore doit alors devenir un objet de recherche central, afin de comprendre comment les individus construisent leurs représentations de la réalité, comment ils interprètent le monde et comment ils agissent individuellement et collectivement (Lakoff, 1986 ; Lakoff et Johnson, 1980).

Retenons à ce stade que les métaphores sont de plus en plus utilisées en sciences de gestion du fait de leur simplicité, et de leur valeur pédagogique. Voyons ci-après comment nous les utilisons dans notre projet de recherche.

1.2.3.2. Les apports de l’approche métaphorique dans le cadre de notre projet de recherche

Pour notre part, nous pensons que dans le processus de production de connaissance d’intention scientifique, la métaphore ne sert pas qu’à décrire une réalité externe, mais peut aider les chercheurs et les praticiens à construire une part de cette réalité, et leur indiquer la manière dont cette dernière doit être vue et analysée.

Par rapport à la dimension liée à la transmission de connaissances, nous utilisons le raisonnement métaphorique comme un outil qui facilite la communication entre l’émetteur et le récepteur. A l’instar de Savall et Zardet (2011), nous considérons la métaphore comme un outil linguistique propre à communiquer des idées. Malgré les différentes limites évoquées ci-dessus, l’utilisation de la métaphore permet de « cristalliser un ensemble de messages, ce qui facilite la mémorisation et leur emploi par les acteurs au sein des entreprises et des organisations, dans le cadre de leurs pratiques managériales » (Savall et Zardet, 2011).

Dans nos travaux, nous avons parfois recours à la métaphore du théâtre (cf. chapitre 3) pour analyser le rôle des différents acteurs qui travaillent dans l’entreprise, ou celui des enseignants-chercheurs en gestion (Salgado, 2008 ; Salgado, 2009). Voyons à titre d’exemple un bref panorama des travaux qui utilisent cette métaphore dans les domaines de la stratégie ou du management :

- Au niveau des sciences de gestion, la métaphore du théâtre prend une importance croissante dans les travaux de certains chercheurs qui proposent un modèle analogique

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entre le théâtre et les entreprises ou les organisations (Pine et Gilmore, 1999 ; Boje et al,. 2003).

- De même, dans le domaine de la stratégie, la métaphore du théâtre est aussi utilisée par Corvellec (1995) quand il signale que la stratégie d’entreprise s’apparente à une pièce de théâtre dans la mesure où elle doit être «jouée», c'est-à-dire guider l’action des membres de l’entreprise et produire de la performance.

- Enfin, dans le domaine du management stratégique, le théâtre est parfois utilisé comme un outil d’analyse qui permet de rendre compte de la réalité du rôle des acteurs de l’entreprise (Calvo-Riba, 2004), puisque le monde de l’organisation s’apparente à une scène de théâtre sur laquelle chaque acteur social joue un rôle précis (Pine et Gilmore, 1999). A l’instar de Meisiek (2002) qui présente le théâtre comme un outil de changement organisationnel au service des entreprises, les résultats de notre recherche empirique montrent que le théâtre est également un puissant outil de formation au management.

Nos travaux s’inscrivent dans le prolongement de ces différentes recherches. Nous utilisons ainsi la métaphore comme une lentille cognitive pour analyser différents niveaux de fonctionnement des organisations, comprendre le rôle des acteurs qui y travaillent, et donner du sens à certaines situations de management. Malgré ses limites (représentation parcellaire et non-exhaustive de la réalité), la métaphore présente l’avantage de contribuer à une meilleure explication de la réalité et surtout à faciliter la transmission des informations sur la perception de la réalité.

Éléments de synthèse sur l’approche métaphorique

En bref, l’utilisation du raisonnement métaphorique fait l’objet de vives controverses sur son utilisation dans les travaux de recherche d’intention scientifique. En effet, le raisonnement métaphorique basé sur l’idée de ressemblance, implique l’existence à la fois de points communs et de différences.

Pour notre part, nous avons recours à l’approche métaphorique dans nos travaux, car son utilisation permet de contribuer à la production de connaissances pour mieux comprendre la réalité des organisations.

De plus, sa valeur pédagogique facilite la transmission des connaissances vers les acteurs de la recherche, le reste de la communauté scientifique, les praticiens, ou d’autres populations de la société civile (par exemple les étudiants ou autres individus en formation).

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Synthèse du chapitre 1

La présentation des fondements épistémologiques de notre projet de recherche, et de nos choix méthodologiques visaient à fournir une grille d’analyse des problématiques de gestion traitées dans notre projet de recherche.

Par rapport aux principaux débats qui animent la communauté scientifique des chercheurs en sciences de gestion nous nous inscrivons dans une perspective constructiviste, et une logique de complémentarités entre recherche appliquée et fondamentale.

Les sciences de gestion sont composées de disciplines propres à la gestion (stratégie, marketing, comptabilité, etc.), qui cohabitent avec d’autres disciplines des sciences sociales (psychologie, sociologie, droit, etc.). Dans cette perspective, nous proposons une approche transversale (décloisonnée) des sciences de gestion.

Au niveau de leur finalité nous considérons les sciences de gestion comme des sciences de l’action (dans l’action pour l’action) à visée transformative, pour améliorer la performance économique et sociale des entreprises et des organisations.

Nos travaux de recherche-action portent sur deux niveaux : l’entreprise et les individus qui y travaillent. Et, la validation des résultats obtenus dans nos travaux passe un processus incrémental d’acquisition de connaissances et la diffusion des résultats par des publications écrites ou des la communication orale, à différentes cibles (les acteurs de la recherche, la communauté scientifique, les praticiens, ou d’autres populations de la société civile -par exemple, les étudiants-), pour aller vers une double évaluation scientifique et pratique.

Les fondements épistémologiques (interactivité cognitive, intersubjectivité contradictoire, et contingence générique) et la finalité de la théorie socio-économique des organisations constituent le principal référentiel méthodologique de notre projet de recherche.

Deux autres approches (ago-antagoniste et métaphorique) complètent ce référentiel de base et permettent d’identifier certaines pistes pour gérer les contradictions inhérentes à la fonction d’enseignant-chercheur en gestion.

Après avoir présenté les principes épistémologiques et méthodologiques de notre projet nous sommes maintenant en mesure de rendre compte du déroulement de nos recherches et de leur contenu à la fois sur le plan théorique et opérationnel de la gestion de l’entreprise. Le chapitre suivant est consacré aux actions liées au développement de l’entreprise, et le chapitre 3 aux actions de développement sur le plan individuel.

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Chapitre 2. L’action au niveau de la stratégie de développement de l’entreprise

Références des travaux utilisés pour le chapitre 2.

Les références des travaux utilisés pour la rédaction du chapitre 2 figurent dans l’encadré ci-dessous.

1.1. « Analyse théorique et pratique des coopérations multipoints ». Thèse de Doctorat

en sciences de gestion de l’Université Jean-Moulin, Lyon 3. Soutenue le 1° décembre 1998, mention très honorable avec les félicitations du jury et proposition de subvention pour publication. Directeur de thèse : Professeur Francis Bidault, IMD Lausanne. Rapporteurs : Professeur Robert Paturel, Université Pierre Mendès France, Grenoble ; Professeur Henri Savall, Université Lyon 2. Suffragants : Professeur Roland Perez, Université de Montpellier 1 ; Professeur Jean-jack Cegarra, Université Lyon 3.

2.4. « Peut-on anticiper l’évolution des coopérations interentreprises ? » ; Revue Sciences de Gestion, n° 33, pp. 11 à 34, 2002.

2.5. "Stability and Complexity of Inter-Firm Cooperation: The Case of Multi-Points Alliances" ; European Management Journal, volume 19, number 6, December 2001. Co-auteur: Francis Bidault.

3.12. « Dynamique d’internationalisation des PME Rhône-Alpines », 8° CIFPME, Association Internationale de Recherche en PME, à Fribourg, Suisse, du 25 au 27 octobre 2006. Co-auteurs : Stephan Bourcieu, Stephane Thivin.

3.13. « Regional structures of support and assistance for creation, technological and international development of SMEs. The case of Rhône-Alpes region, France », 2nd International Conference Baltic Business Development, Szczecin, Pologne, du 3 au 5 septembre 2006. Co-auteurs : Bernd Hoffman, Stephane Thivin.

3.22. « Conséquences du volontarisme stratégique sur le développement international des PME », Colloque international organisé par l’AIRPME sur « l’Entrepreneur en action : contexte et pratiques », Agadir Maroc, 23 et 24 octobre 2003. Co-auteurs : Stephan Bourcieu et Sylvain Biardeau.

3.24. « Management for Global Alliances: The Role of General Management», ANZAM / IFSAM Vith World Congress, Management in Global Context : Prospects for the 21st Century, 13-13 July 2002, Queensland, Australia. Co-auteur : Stephan Bourcieu.

3.25. « Management des cooperations interententreprises : le cas des coopérations multipoints », XI° Conférence Internationale Association Internationale de Management Stratégique, ESCP-EAP, Paris, France, 5-7-2002. Co-auteur : Stephan Bourcieu.

3.26. « Apports théoriques et pratiques de la recherche en IUT : cas d’une recherche exploratoire en stratégie d’entreprises », CNRIUT , Le Creusot, mai 2002.

3.27. « The role of international joint venture faced with institutional environment in the development for SMEs in Countries in Transition » ; co-auteur Stephan Bourcieu, colloque international EGOS organisé à Lyon, France, le 5, 6 et 7 juillet 2001.

3.28. « Vers la construction d’une grille d’analyse des coopérations interentreprises » ; Congrès international ASAC-IFSAM, Montréal, Canada, du 8 au 11 juillet 2000.

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3.29 « Influence des architectures organisationnelles sur la performance et l’évolution des coopérations interentreprises » ; IX° conférence internationale de Management Stratégique, Montpellier, France, les 24, 25 et 26 mai 2000.

3.30. « Stability and complexity of Inter-firm Cooperation : The Case of Multi-Points Alliances » ; co-auteur Francis Bidault, communication présentée au colloque international organisé sur le thème « Competing through alliance networks : changing dynamics of Industrie Structure », à Barcelone, Espagne, le 27, 28, 29 juin 1999.

4.1. “Evolution for inter-firm cooperation : the case of multi-point alliances », working paper n° 9801, laboratoire de sciences actuarielle et financière (équipe d’accueil CNRS 2429).

4.2. « Vers la prise en compte de l’aspect global des coopérations interentreprises » ; Cahiers Lyonnais de Recherche en Sciences de Gestion, n°20, avril 1999.

4.3. « Formation, mise en œuvre et évolution des alliances multi-activités » ; rapport de synthèse, 1998.

4.4. « Importance quantitative et enjeux liés à la conclusion d’alliances multi-activités » ; rapport d’étape, 1996.

4.5. “The business of Europe : Managing Change » ; Ouvrage collectif coordonné par Roland Calori et Peter Lorange, éd. Sage Ltd, 1991. Contributeur.

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Introduction du chapitre 2

Voyons dans ce chapitre nos travaux qui portent sur la stratégie de développement au niveau de l’entreprise.

Nous commencerons par positionner cet ensemble de travaux dans le champ des sciences de gestion. Les recherches effectuées sur les stratégies de coopérations interentreprises et sur les stratégies d’internationalisations seront présentées dans les sections suivantes.

2.1. Le positionnement de nos travaux par rapport au champ de sciences de gestion

2.1.1. Les concepts clés de « stratégie » intégrés dans notre projet de recherche

2.1.2. De la stratégie au management stratégique

2.2. Les stratégies de coopérations interentreprises

2.2.1. Les problématiques de gestion soulevées par les coopérations interentreprises

2.2.2. Les apports de l’analyse théorique et pratique des « coopérations multipoints »

2.3. La stratégie d’internationalisation des entreprises

2.3.1. Stratégie d’internationalisation des entreprises : volontarisme vs déterminisme

2.3.2. Le rôle des structures institutionnelles d’aide à l’internationalisation des PME

2.1. Le positionnement de nos travaux par rapport au champ des sciences de gestion

Compte tenu de l’approche transversale qui caractérise notre vision de la recherche en gestion, nos travaux se situent à l’intersection de deux spécialités : la stratégie et le management.

Les développements qui suivent visent à montrer que compte tenu de la porosité des frontières qui existent entre les différentes spécialités des sciences de gestion, adopter une approche transversale permet d’aller au-delà du strict découpage couramment adopté entre les

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travaux en stratégie et ceux en management. Cette démarche est d’autant plus importante que la revue de la littérature montre que le terme « management stratégique » supplante progressivement la « stratégie d’entreprises ».

2.1.1. Les concepts clés de « stratégie » intégrés dans notre projet de recherche

Compte tenu de la polysémie du concept de « stratégie » (qui est au cœur de notre projet de recherche), proposer une définition de ce terme n’est pas une tâche aisée. Citons à titre d’illustration trois définitions qui montrent la variété des définitions existantes dans la littérature :

- Atamer et Calori (1993) définissent la stratégie comme « un ensemble de choix importants pour le succès de l’entreprise, pour son adaptation à l’évolution de l’environnement et son influence sur lui ». Ces auteurs proposent une première définition générale et englobante de la stratégie d’entreprise.

- L’équipe d’enseignants de Politique Générale d’entreprises d’HEC (Detrie et al., 1997) considère que la stratégie consiste à « choisir les domaines d’activité dans lesquels l’entreprise entend être présente et allouer des ressources de façon à ce qu’elle s’y maintienne et s’y développe ». Cette définition permet d’identifier deux niveaux de stratégie : corporate (globale) et business (activité).

- Savall et Zardet (1995) proposent une définition différente de la stratégie qui « consiste à concevoir, réunir et manœuvrer des ressources, des forces et énergies de façon intentionnelle, pour occuper dans l’espace et dans le temps une position jugée avantageuse dans un contexte relativement conflictuel et de compétition, afin de réaliser un projet de l’acteur (entreprise ou individu) comportant des enjeux importants et relativement durables ». Ici, les auteurs rajoutent la dimension individuelle pour définir la stratégie.

Dans ce champ, notre principale contribution aura été de travailler sur certaines dimensions clés de la stratégie, qui jalonnent nos travaux de recherche et nous permettent de défendre trois de nos convictions profondes :

- Par rapport aux interactions entre l’entreprise et son environnement, nous défendons l’idée que l’entreprise modèle son environnement, et l’action de l’environnement modèle également l’entreprise. Dans le prolongement des travaux de Perroux (1973, 1975) nous considérons l’entreprise comme une « unité active ». Ainsi, nos travaux apportent une contribution à un débat central dans l’étude de l’organisation : celui du déterminisme vs volontarisme stratégique.

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- Au niveau de la recherche en stratégie, nous insistons sur le fait qu’il est indispensable de bien préciser le type d’entreprise qui constitue le terrain de recherche. En effet, parler de stratégie dans le contexte d’une grande entreprise ou dans celui d’une PME ou d’une TPE renvoie à des perceptions et des réalités totalement différentes. Par exemple, dans le contexte des Grandes Entreprises, la typologie entre stratégie globale (corporate) et stratégie d’activité est pertinente car les dirigeants intègrent dans leur raisonnement ces deux niveaux d’analyse. En revanche dans les PME, et surtout les TPE, le niveau « corporate » est beaucoup plus rarement pris en compte par les chefs d’entreprises souvent absorbés par leur travail quotidien.

- Enfin, nous pensons que le problème clé de la stratégie concerne sa mise en action (Savall et Zardet, 1995 ; Salgado, 2006). En effet, la stratégie prend forme progressivement dans un flux continu d’actions (Mintzberg, 1976) délibérées et émergentes. Ces différentes actions peuvent porter sur les orientations stratégiques de l’entreprise (spécialisation, diversification, différenciation…), les modalités du développement (croissance interne, externe ou partagée par des coopérations), ou les décisions organisationnelles. Mais dans tous les cas, elles requièrent la mobilisation des individus pour la formulation et surtout pour leur mise en œuvre.

Voyons ci-après comment la question liée à la porosité des frontières entre la « stratégie » et le « management stratégique », influence le positionnement de notre projet de recherche.

2.1.2. De la stratégie au management stratégique

Depuis plusieurs décennies la stratégie et le management « forment un couple inéluctable mais orageux » (Martinet, 1989). Étymologiquement, Mayrhofer et Urban (2001) signalent que le mot management vient du latin manus (la main) et de l’italien maneggiare (manier, conduire). Et, Martinet et Silem (2009) rappellent que « dans le vieux français on parlait de ménage … signifiant l’art de diriger, d’administrer, d’organiser une entité économique … en vue d’atteindre un objectif déterminé ».

Aujourd’hui, le terme management que l’on peut définir comme « l’art de conduire l’évolution d’une organisation » (Mayrhofer et Urban, 2011) est rentré dans le langage courant. Et on constate qu’en sciences de gestion, ce dernier est très souvent couplé avec l’adjectif « stratégique ». Par exemple, Helfer et al., (2004) précisent que « le management … repose plus que jamais sur deux composantes indissociables : la stratégie et l’organisation ». Et dans le même ordre d’idées, le management stratégique « consiste à définir et à mettre en œuvre les orientations stratégiques de l’entreprise » (Martinet et Silem, 2009).

Ces constats montrent ainsi que dans la littérature existante, ces deux composantes (management et stratégie) apparaissent indissociables et interdépendantes, car elles travaillent sur de nombreuses dimensions communes telles que le développement des

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ressources, l’organisation, les comportements des acteurs, etc. De plus, il semble que progressivement le management stratégique supplante celui de stratégie (Calori et Atamer, 1989). Pour notre part, cette évolution « environnementale », et l’aspect transversal de nos travaux nous conduit à positionner nos travaux de recherche dans le champ du management stratégique pour :

- privilégier une approche globale et non cloisonnée des sciences de gestion - éviter certains sous-découpages fictifs entre les différentes disciplines qui composent

les sciences de gestion.

Éléments de synthèse sur le positionnement de nos travaux dans le champ des sciences de gestion

En bref, nous pensons que l’on ne peut se satisfaire d’une logique binaire entre la stratégie et le management. Cependant, le caractère transversal de nos recherches, l’évolution progressive de nos centres d’intérêts, ainsi que la tendance générale qui existe au sein de la communauté scientifique, nous conduit aujourd’hui à positionner nos travaux actuels dans le cadre du management stratégique.

La première modalité de développement de l’entreprise sur laquelle nous avons travaillé porte sur les coopérations interentreprises.

2.2. Stratégies de coopérations interentreprises

Les modalités de développement des entreprises s’inscrivent dans un continuum qui va de la croissance interne aux fusions / acquisitions en passant par les coopérations.

Voyons ci-après les problématiques de gestion soulevées par cette modalité de développement. Nous présenterons ensuite les apports théoriques et pratiques de nos travaux de recherche qui portent sur une forme spécifique de coopérations interentreprises : les coopérations multipoints.

2.2.1. Les problématiques de gestion soulevées par les coopérations interentreprises : des questions d’actualité !

Tout d’abord, les coopérations interentreprises posent la question du périmètre (ou frontière) de la firme. En effet, en mettant en relation deux ou plusieurs entreprises, les coopérations constituent un terrain d’observation privilégié pour travailler sur la problématique du décloisonnement, à savoir la gestion des interfaces et des interactions organisationnelles : il s’agit de voir comment les partenaires font pour travailler ensemble.

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De plus, la variété des formes de coopérations interentreprises permet d’approfondir les questions liées à l’analyse et à la gestion de la complexité organisationnelle. La complexité des coopérations varie en fonction des niveaux organisationnels impliqués dans la mise en œuvre de l’opération, du nombre de points en coopération et des supports utilisés pour les mettre en œuvre.

Nos recherches ont été centrées sur les « coopérations multipoints » qui impliquent plusieurs activités ou fonctions des groupes partenaires, et nous ont permis de répondre à certaines questions de recherche liées à leur émergence (leur processus de formation), aux problèmes de management (coordination, centralisation vs décentralisation du pilotage, équilibrations multiples …), et à l’évaluation de leur performance (ou évolution). Détaillons à présent les principaux résultats de nos travaux de recherche effectués sur cette nouvelle forme de rapprochement interentreprises : les coopérations multipoints.

2.2.2. Les apports de l’analyse théorique et pratique des « coopérations multipoints »

Conformément à nos convictions profondes sur la finalité de la recherche en sciences de gestion, nos travaux effectués sur ce thème fournissent deux types d’apports : théoriques pour la communauté scientifique, et pratiques pour les dirigeants.

2.2.2.1. Les apports « théoriques » ou conceptuels par rapport à la littérature existante

La terminologie est une variable essentielle pour comprendre l'objet de recherche analysé. Une analyse comparative de trois concepts couramment utilisés dans les travaux qui portent sur les coopérations (alliance, partenariat, joint-venture), permet de constater que la terminologie utilisée dans ce champ est très confuse. Signalons à titre d’exemples, quelques constats :

- Par rapport au concept "alliance", le champ couvert n'est pas clairement délimité. Les différents auteurs n'incluent pas les mêmes formes de coopération sous l'étiquette "alliance stratégique". Parfois, le terme alliance n'est pas défini, et quand il l'est, les auteurs ne lui accordent pas toujours la même signification : certains l'utilisent comme un terme générique pour décrire le phénomène de la coopération interentreprises, d'autres le considèrent comme un type particulier de coopération. Enfin, il semble que de plus en plus de travaux utilisent le terme "alliance" pour analyser les coopérations entre concurrents.

- Par rapport à l'utilisation du terme "partenariat", nous constatons qu'il recouvre également une large variété de situations. Dans son acception générique, il est synonyme du terme "coopération". En revanche, il semble que de plus en plus de travaux réservent l'utilisation du terme "partenariat", pour analyser les coopérations entre firmes non concurrentes (clients/fournisseurs), ou celles conclues entre des grandes entreprises et des PME.

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- Au niveau de la définition du concept "joint-venture", nous constatons que malgré les tentatives de clarification, ce concept fait encore l'objet de débats dans la communauté académique, pour trouver une définition qui fasse l'unanimité (Koenig, 1996, Garrette et Dussauge, 1995, Paturel, 1997). Il semble que la traduction la plus conforme soit la "filiale commune".

L’idée clé qui ressort de nos travaux est la suivante : ces trois concepts (alliance, partenariat et joint-venture) sont parfois utilisés comme des synonymes alors qu'ils ne représentent pas la même réalité. En effet, l'alliance et le partenariat traduisent une modalité de développement de l'entreprise au même titre que la croissance interne ou externe, alors que la joint-venture est un support ou un moyen (parmi d'autres) pour mettre en œuvre les coopérations interentreprises.

A ce stade, notre premier apport conceptuel aura été de construire une typologie des supports utilisés pour mettre en œuvre les coopérations interentreprises (cf. figure n°3, ci-après). Notre objectif est de contribuer à limiter les risques de confusion entre la manœuvre stratégique et les supports utilisés. Pour cela, ces derniers sont classés en trois catégories :

- les supports informels,

- les supports contractuels pour lesquels nous différencions les contrats "réglementés" (contrat de licence, contrat de franchise), et les contrats "libres ou non-réglementés" (contrats élémentaires, contrats-cadre, contrat de consortium),

- les supports capitalistiques. Dans cette catégorie deux types de supports sont différenciés : ceux qui se traduisent par la création d’une entité qui a la personnalité morale (joint-ventures, holdings, et GIE) et les liens capitalistiques au niveau du capital social du partenaire (participations minoritaires unilatérales, participations croisées).

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Figure n° 3. Classification des supports de mise en oeuvre.

Adapté de Yoshino (1995), Urban et Vendemini (1994)

Le deuxième apport théorique de la recherche aura été de conceptualiser une nouvelle forme de coopération rarement prise en compte dans la littérature existante : les « coopérations multipoints ». L’objectif était de compléter les travaux actuels sur la coopération. Citons à titre d’exemple, l’analyse des travaux descriptifs qui montrent l’existence de différents niveaux de complexité en fonction du type de coopérations. La complexité est une variable importante qui peut influencer l’efficacité et l’évolution de la coopération. Le degré de complexité est généralement évalué par rapport au nombre de fonctions objet de la coopération, mais très peu de travaux intègrent le nombre d’activités en coopération. Les coopérations multipoints permettent ainsi de prendre en compte l’aspect global des coopérations et d’intégrer certains éléments tels que :

- les coopérations qui touchent plusieurs activités des partenaires,

- la multiplicité des supports utilisés dans le cadre d'une même coopération,

- ou la gestion simultanée de coopérations symétriques et asymétriques conclues dans le cadre d'une même coopération globale.

Ainsi, cette recherche débouche sur la construction d’une typologie des coopérations multipoints fondée sur l’étendue du champ en coopération (ou contenu) :

Supports informels

Accords informels

Consortium

Supports avec participations capitalistiques

Contrats réglementés

Contrats "libres"

Franchise

Licence

Contrat cadre

Contrat élémentaire

Supports contractuels

Avec création de personnalité morale

J.V.

Holding commun

G.I.E.

Sans création de nouvelle personnalité morale

Participation minoritaire unilatérale

Participations croisées

Supports de mise en oeuvre

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- les coopérations à fonctions dominantes (qui impliquent trois fonctions au plus dans une ou plusieurs activités). Ce sont les moins médiatisées ; elles ne sont pas systématiquement initiées par les Directions Générales ; les partenaires n'ont pas forcément une bonne connaissance mutuelle et le délai de mise en œuvre est toujours inférieur à deux ans ;

- les coopérations intégrées (qui impliquent l'ensemble des fonctions d'une activité). Elles sont conclues entre des partenaires qui travaillent toujours sur les mêmes marchés et qui n'ont pas forcément acquis une bonne expérience dans la mise en œuvre des stratégies de coopérations interentreprises ;

- les coopérations globales (qui impliquent l'ensemble des fonctions de plusieurs activités). Elles sont toujours initiées par les Directions Générales du groupe ; la plupart du temps, les dirigeants entretiennent des relations personnelles et la coopération fait l'objet d'une très forte médiatisation externe. En revanche, la connaissance interne du personnel est faible et la délimitation des différents domaines en coopération n'est pas toujours précise. Enfin, le délai de mise en œuvre est long (très souvent supérieur à trois ans).

Ces différentes formes de coopérations multipoints sont résumées dans la figure n°4 ci-après.

Figure n° 4 : classification par rapport à l'étendue du champ.

Étendue du champ Une activité Deux activités et plus

Deux ou trois fonctions

Coopérations multipoints à "fonctions dominantes"

Quatre fonctions et plus

Coopérations multipoints "intégrées"

Coopérations multipoints "globales"

Signalons pour conclure ce paragraphe sur la contribution conceptuelle de ce travail, que nous avons mobilisé essentiellement trois cadres théoriques de base :

- La théorie de la dépendance des ressources car elle accorde une place centrale à l'environnement et aux dépendances contraignantes entre les firmes qui les poussent à coopérer. Les résultats obtenus dans notre travail permettent d'ouvrir des pistes de recherche sur la mesure du degré d'interdépendance lorsque les partenaires coopèrent sur plusieurs points des firmes partenaires. Ou encore, sur les motivations profondes

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des partenaires qui choisissent de conclure une coopération multipoints comme une solution de "second choix", ou transitoire lorsqu'une fusion ou une acquisition est impossible dans l'immédiat.

- La théorie des coûts de transaction (Coase 1937, Williamson 1975) qui propose une justification théorique des situations où la coopération est préférable aux fusions et acquisitions, d'une part, et aux simples contrats d'autre part. Cette approche incite tout d’abord à différencier deux niveaux dans l'analyse des coopérations interentreprises : les coopérations élémentaires qui se situent au niveau d'une transaction, entre deux partenaires, et les coopérations globales (ou multipoints). Elle permet de formuler ensuite une question centrale par rapport à notre objet de recherche : une coopération multipoints est-elle réductible à la somme de ses composantes, c'est-à-dire de ses coopérations élémentaires ? La théorie des coûts de transactions suggère une réponse négative. En effet, une mise en parallèle avec l'explication qu'elle fournit sur la structure de groupe, tend à montrer que toutes les "composantes" sont solidaires, si les partenaires mettent en place un système, qui coordonne la mise en œuvre des différentes coopérations élémentaires. Ainsi, en travaillant sur la complexité des coopérations interentreprises, nous avons montré que « le tout est différent de la somme des parties ». En d’autres termes, « une coopération n'est pas réductible à la somme des coopérations élémentaires qui la composent ; car au contraire, chacune de ces dernières se définit en fonction de son insertion dans la coopération multipoints".

- La théorie des jeux étudie l'interdépendance des décisions prises par les acteurs. Par rapport à notre problématique, la théorie des jeux souligne l'importance du facteur temps dans la mise en œuvre des coopérations interentreprises. Plus précisément, elle montre que les acteurs tiennent compte des conséquences futures de leurs décisions lorsque les joueurs ignorent réellement le terme exact de la relation. La prise en compte des coopérations multipoints fournit des éléments complémentaires à cette théorie ; car les partenaires coopèrent sur du long terme (avec un horizon fini ou non), mais "ils jouent simultanément plusieurs parties". Ainsi, ils doivent intégrer les conséquences de leurs décisions sur le futur, mais également dans le présent, puisqu'ils sont engagés dans plusieurs jeux simultanément.

2.2.2.2. Les apports « pratiques » ou managériaux pour les praticiens

Voyons les apports pratiques de la recherche en trois points : ceux liés à l’émergence des coopérations, les éléments sur le management, et enfin des données sur la performance et l’évolution des coopérations multipoints.

2.2.2.2.1. L’émergence des coopérations multipoints

Tout d’abord, les résultats obtenus montrent que les coopérations multipoints existent et ne sont pas un phénomène négligeable. En effet, parmi les 93 groupes impliqués dans la

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recherche, 51% d'entre eux (soit 48 groupes) signalent avoir conclu une ou plusieurs coopérations multipoints.

Généralement, les groupes qui concluent des coopérations multipoints ont acquis, au préalable, une bonne expérience dans la mise en œuvre de coopérations interentreprises et estiment avoir une bonne connaissance mutuelle avant de conclure l'accord.

La coopération multipoint peut-être la résultante d’une stratégie délibérée des partenaires (processus Top-down), ou être le résultat d’actions émergentes d’acteurs des entreprises (bottom-up). De plus, par rapport aux interactions entre l’entreprise et l’environnement, la recherche montre que ces modalités de développement peuvent être le fruit de comportements volontaristes des partenaires et aussi être déterminées par des évolutions environnementales.

En général, la conclusion d'une coopération multipoints est matérialisée dans un contrat-cadre formalisé qui précise les objectifs et le champ de la coopération. Cet accord fait souvent l'objet d'une forte médiatisation à l'extérieur du groupe. Les groupes accordent également une importance particulière à la communication interne au sein de leur groupe.

2.2.2.2.2. Le management des coopérations multipoints

Par rapport au management des coopérations, nous proposons tout d’abord aux praticiens une typologie des configurations organisationnelles susceptibles d’être mises en place par les partenaires pour gérer la coopération multipoints. Trois configurations sont identifiées :

- Les "configurations contractuelles" (sans joint-venture et sans liens capitalistiques) : elles sont mises en place par des partenaires qui ont rarement travaillé ensemble sur d'autres opérations ; d'ailleurs leur expérience dans la mise en œuvre de stratégies de coopérations interentreprises est plutôt faible, enfin, le délai de mise en œuvre de la coopération multipoints est court (inférieur à deux ans) ;

- les configurations "avec joint-venture et sans liens capitalistiques" nommées "configurations de type JV". Elles sont mises en place à l’initiative des responsables d'activités et la communication interne de l'opération au sein du groupe est faible ;

- les configurations "avec joint-ventures et liens capitalistiques" nommées "configurations de type LCJV". Elles semblent être utilisées pour des coopérations dont le délai de mise en œuvre est long (supérieur à trois ans) et la délimitation des différents domaines, objet de la coopération, n'est pas toujours précise au départ.

La typologie des différentes configurations organisationnelles est présentée dans la figure n° 5 ci-après.

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Figure n° 5 : Les typologies de configurations organisationnelles

an

Architectures contractuelles : absence de JV et absence de liens capitalistiques

A

a1

a2

B

b1 b2

bn

b3 Supports

contractuels et/ou

informels

an

Architectures de type JV : existence de JV sans liens capitalistiques

A

a1

a2

B

b1 b2

bn

b3 Existence de JV et

autres supports

an

Architectures de type LCJV : existence de liens capitalistiques et de JV

A

a1

a2

a3

B

b1 b2

bn

b3 Existence de JV et

autres supports

Participations capitalistiques

a3

a3

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Nos travaux mettent également en lumière l’impact des structures de pilotage mises en place (centralisées vs décentralisées), et le rôle clé joué par les Directions Générales des alliés pour gérer les interactions et les interfaces entre les partenaires.

Dans la plupart des cas, une structure de pilotage centralisée a été mise en place au niveau des maisons mères des groupes partenaires. Sa composition est le plus souvent paritaire et sa mise en place semble être justifiée par l'importance stratégique de la coopération multipoints. La structure mise en place permet au groupe de managers, chargés de gérer la coopération, de coordonner leurs actions et de suivre le déroulement de la coopération. Les Directions Générales des groupes qui ne font pas systématiquement partie de cette structure, l'utilisent pour obtenir de l'information sur le déroulement de la coopération multipoints ou pour exercer une influence sur son développement.

Par rapport aux rôles joués par les Directions Générales, nous constatons qu’elles sont toujours impliquées dans le pilotage des coopérations multipoints. Elles assurent cinq tâches non exclusives : la prise en compte de l'aspect global de la coopération multipoints, les interventions ponctuelles pour gérer des tâches non routinières, l'animation et la "sponsorisation" de la coopération, le suivi et le contrôle périodique du déroulement de la coopération multipoints, et, enfin, la gestion des relations verticales entre les différents acteurs concernés par la coopération multipoints dans leur groupe. Par rapport à notre problématique, les répondants signalent une tâche primordiale qui incombe aux Directions Générales : la gestion de l'aspect global de la coopération, c'est-à-dire la cohérence entre les différents points objet de la coopération. Cette tâche semble d'autant plus importante que les partenaires utilisent une configuration organisationnelle complexe (de type LCJV).

Cette recherche permet enfin d’identifier quatre types d’obstacles souvent rencontrés par les partenaires pour mettre en œuvre les coopérations multipoints :

- la résistance au changement qui semble être d'autant plus forte que l'architecture organisationnelle mise en place utilise des supports capitalistiques, et que la coopération multipoints implique l'ensemble des fonctions d'une ou plusieurs activités du groupe.

- Le fait que les partenaires aient des activités en concurrence. Dans 85% des coopérations multipoints, les partenaires signalent être concurrents sur des domaines plus ou moins nombreux. En revanche, seulement la moitié d'entre eux estiment que les activités en concurrence ont constitué un obstacle à la mise en œuvre de la coopération. En fait, la notion de partenaire concurrent ou non-concurrent reste difficile à appréhender dans les coopérations multipoints. En analysant l'impact des activités en concurrence à la lumière des coopérations multipoints, nous avons montré la nécessité de différencier deux niveaux pour analyser la concurrence entre les partenaires : celui du groupe et celui des activités qui le composent.

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- les différences culturelles entre les partenaires. La quasi-totalité des répondants qui citent le problème de la culture nationale quand ils sont impliqués dans des coopérations franco-étrangères. En revanche, certaines réponses qualitatives tendent à montrer que les différences liées à la culture d'entreprise ne sont pas perçues comme un obstacle, mais comme un facteur de performance lorsque l'objectif de la coopération est l'apprentissage. Ici encore, les coopérations multipoints mettent en relief la nécessité de différencier deux niveaux d'analyses : les différences culturelles au niveau du groupe, et au niveau des différentes activités.

- l'évaluation et le partage des résultats de la coopération. Sur ce point la moitié des répondants estiment que ce facteur a constitué un obstacle à la mise en œuvre de la coopération multipoints. De plus, la recherche suggère que l'évaluation et le partage des résultats posent moins de problèmes lorsque les partenaires utilisent uniquement le support joint-venture (configuration de type JV) ou bien, dans le cas où la coopération multipoints ne concerne qu’une activité du groupe.

2.2.2.2.3. La mesure de la performance et l’évolution des coopérations multipoints

Pour évaluer la performance des coopérations multipoints, les résultats de la recherche montrent la perception des dirigeants sur la pertinence de cinq indicateurs : "l'atteinte des objectifs fixés en commun, les résultats strictement financiers, l'harmonie des relations avec le partenaire, la longévité de la coopération multipoints et la satisfaction personnelle de dirigeants. La quasi-unanimité des répondants s'accordent à signaler la pertinence de trois premiers indicateurs (l'atteinte des objectifs fixés en commun, les résultats strictement financiers et la longévité de la coopération multipoints), et les résultats sont plus mitigés sur la pertinence des deux derniers.

De plus, les résultats suggèrent qu'en fonction de l'étendue du champ ou du type d'architecture organisationnelle utilisée par les partenaires, les indicateurs à retenir pour évaluer le succès d'une opération sont différents. Par exemple, l'indicateur "atteinte des objectifs fixés" est considéré primordial quelle que soit la configuration organisationnelle, mais les répondants signalent aussi :

- la satisfaction des dirigeants et l’harmonie des relations entre les partenaires lorsque les configurations sont de type « contractuelles » ;

- les résultats financiers et la longévité de la coopération lorsque les partenaires mettent en place une configuration de type JV ;

- et les résultats financiers, l’harmonie des relations, et la satisfaction des dirigeants dans le cas de configurations complexes de type LCJV.

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Nous avons aussi identifié les facteurs qui ont un impact positif sur la performance des coopérations multipoints. Citons à titre d’exemples :

- La volonté politique au macro-niveau de la coopération. Il semble en effet que les coopérations multipoints ne puissent être conclues, ni mises en œuvre sans une entente stratégique au macro-niveau.

- Le « développement d’un réseau dense d’interrelations personnelles entre les acteurs ». Ce dernier est souvent liée à l'implication des Directions Générales dans le pilotage, c'est-à-dire des contacts "fréquents" avec le partenaire pour assurer la cohérence entre les différents "points" en coopération, et donner des impulsions qui facilitent le développement dans de nouveaux domaines (rôle d’animateurs-sponsors).

- L’importance liée à la prise en compte des aspects formels et informels. Citons à titre d’exemple, l'identification précise des différents domaines objet de la coopération dès la conclusion de l'accord (bien que ceux-ci fassent, par la suite, l'objet d'adaptations et de réévaluations futures), ou la définition précise des procédures et modalités liées à l'évaluation et au partage des résultats.

- Enfin, des caractéristiques propres au profil des partenaires peuvent également être importantes. Par exemple, le niveau minimum d'expérience préalable des partenaires dans la mise en œuvre de stratégies de coopération interentreprises, ou l'absence d'activités en concurrence entre les partenaires.

Enfin, par rapport à l’évolution des coopérations, les résultats suggèrent d’une part l'existence d'une correspondance entre la configuration organisationnelle mise en place, et le type d'évolution de la coopération multipoints. On peut dire que plus les coopérations multipoints utilisent de supports capitalistiques (type JV et LCJV), plus elles risquent de connaître des évolutions différentes de celles fixées par les partenaires au départ. D’autre part, par rapport à la typologie fondée sur l'étendue du champ, les résultats suggèrent l'existence d'une correspondance entre l'étendue du champ et le type d'évolution de la coopération multipoints ; celles qui impliquent de nombreuses fonctions dans plusieurs activités (globales) ou l'ensemble des fonctions d'une activité (intégrées) présentent un risque élevé de connaître des évolutions différentes des objectifs fixés par les partenaires au départ.

Compte tenu de ces éléments, nos travaux débouchent sur la proposition suivante : l'étendue du champ en coopération et la configuration organisationnelle mise en place par les partenaires sont deux facteurs de complexité qui influencent l'évolution des coopérations multipoints.

Nous pensons que ces éléments sont à intégrer par les dirigeants lorsqu’ils décident de conclure une coopération multipoints. En effet, certaines combinaisons entre ces deux dimensions (étendue du champ et configuration organisationnelle) présentent de très fortes

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probabilités d'évoluer différemment des objectifs fixés par les partenaires au départ (par exemple, les coopérations globales qui utilisent des configurations de type LCJV).

Éléments de synthèse sur les stratégies de coopérations interentreprises.

Par rapport aux problématiques de gestion soulevées par les coopérations interentreprises, cet ensemble de travaux fournit de nouveaux éclairages sur les coopérations multipoints, qui compte tenu de leurs spécificités intrinsèques (multiples points en coopération), interrogent sur le périmètre (ou frontières) de l’entreprise, et la gestion de la complexité organisationnelle (multiples interactions et interfaces organisationnelles).

Sur le plan théorique, ce projet de recherche permet de conceptualiser une nouvelle forme de coopération rarement prise en compte dans la littérature existante. Sur le plan pratique, nos travaux fournissent aux dirigeants impliqués dans ce type de coopérations des données clés liées à la formation, au management et à l’évolution de ces opérations qui leur permettront d’améliorer leurs pratiques managériales.

Par rapport à la problématique de cette note de synthèse, retenons à ce stade trois idées forces qui ressortent de cet ensemble de travaux :

- il existe une relation entre la complexité de la coopération et son évolution ;

- le type d’architecture organisationnelle mise en place par les partenaires influence la performance et l’évolution des coopérations interentreprises ;

- les études de cas et les résultats obtenus au cours de cette activité de recherche permettent d’alimenter notre activité pédagogique, puisque les résultats obtenus sont transférés aux étudiants dans les cours de stratégie d’entreprises.

Les travaux réalisés sur les coopérations interentreprises nous ont ensuite conduits à travailler sur les stratégies d’internationalisation des entreprises. En effet, les stratégies d’internationalisation sont souvent mises en œuvre en utilisant des coopérations interentreprises.

2.3. Stratégie d’internationalisation des entreprises

Compte tenu de la globalisation des marchés, l’internationalisation est une manœuvre stratégique majeure pour le développement de l’entreprise (Mayrhofer et Urban, 2011). Nos

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différentes publications s’attachent à analyser les relations entre l’entreprise et son environnement. La finalité est de voir comment le comportement des entreprises peut influencer, ou au contraire être déterminé, par les évolutions de l’environnement dans lequel elles évoluent.

Par rapport aux stratégies d’internationalisation, les comportements volontaristes ou déterministes des grandes et des petites entreprises seront examinés dans un premier temps (§2.3.1.). Nous verrons ensuite le rôle joué par les structures institutionnelles d’aide à l’internationalisation des PME (§2.3.2.).

2.3.1. Stratégie d’internationalisation des entreprises : volontarisme managérial vs déterminisme stratégique ?

Deux types de travaux ont été réalisés sur ce thème : ceux qui portent sur le comportement volontariste des grandes entreprises, et les autres réalisés sur l’internationalisation des Petites et Moyennes Entreprises.

2.3.1.1. Le volontarisme managérial des grandes entreprises

Un premier travail a été réalisé dans les années 1990 dans le cadre d’un groupe de travail européen nommé MODEM (Managing on Developing European Market). Piloté par Roland Calori, ce projet visait à travailler sur la fertilisation croisée entre la représentation des dirigeants comme base de leurs actions, et la conception théorique de la dynamique économique internationale.

Plus précisément, l’objectif était d’identifier les perceptions des dirigeants de grands groupes sur :

- le développement de leur secteur d’activité,

- le possible impact du Marché Unique Européen (1992) par rapport à leur stratégie de développement,

- les réponses de leur entreprise par rapport aux évolutions de l’environnement.

Cette recherche a porté sur l’évolution de quatre industries (automobile, banque, édition, brasserie), et a été effectuée par plusieurs équipes de chercheurs dans sept pays de la communauté européenne.

Les résultats obtenus montrent d’une part, comment ces dirigeants perçoivent la dynamique d’évolution de leur industrie, et l’implication de ces représentations au niveau du management pratiqué dans leur entreprise. A titre d’exemples, la recherche a permis d’identifier trois forces majeures qui influencent la complexité du Marché Unique Européen : la diversité des pays européens, les forces de l’homogénéité européenne et la force liée à la

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globalisation des marchés. De plus, dans le cadre de l’ouverture de l’Union Européenne aux pays de l’Est, les managers des principaux groupes européens avaient une vision assez paradoxale du Marché Unique Européen.

Au bilan, le premier apport de ce travail aura été de montrer l’importance de la perception des dirigeants pour comprendre leur mode de management.

En second lieu, par rapport à la stratégie d’internationalisation des grandes entreprises, les travaux effectués montrent que la perception des dirigeants est une variable stratégique essentielle, car elle oriente l’action stratégique des entreprises. En d’autres termes, la représentation qu’ils ont du futur modèle influence l’évolution de l’environnement.

Ainsi, par rapport aux « représentations » ou « perceptions », l’idée force à retenir de ce travail est la suivante : les dirigeants de grandes entreprises semblent pouvoir adopter un comportement volontariste qui leur permet de modeler leur environnement. Mais qu’en est-il au niveau des PME ?

2.3.1.2. Environnement et comportement stratégique : deux facteurs clés de développement des PME

Nous avons réalisé d’autres travaux qui montrent l’existence de combinaisons entre des comportements déterministes et volontaristes qui se traduisent par des actions exercées par les PME pour donner à l’environnement une orientation plus favorable à leur développement.

2.3.1.2.1. Combiner le déterminisme stratégique et le volontarisme managérial au niveau des PME

La revue de la littérature insiste sur le fait que les Petites et Moyennes Entreprises évoluent dans un contexte de déterminisme stratégique car leurs stratégies sont souvent "commandées de l'extérieur" et ne visent qu'à se conformer aux exigences de l'environnement. Marchesnay (1992) résume ainsi cette position : "la grande entreprise modèle son environnement, la moyenne l’aménage, et la petite s'y intègre".

Ce constat nous a poussé à réfléchir sur les causes racines qui conduisent les PME à adopter un comportement qualifié de volontariste ou déterministe. En d’autres termes :

- les PME sont elles amenées à créer par leurs stratégies des réponses à ces transformations pour garantir leur survie et/ou leur développement ?

- ou alors, assiste-t-on à l’émergence d'une classe de PME mondialisées (Fernandez et Noël, 1994), qui profitent des opportunités liées à l'ouverture des marchés, pour envisager des stratégies internationales dans une perspective volontariste d'action sur l'environnement ?

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Nos travaux montrent que si de nombreuses PME adoptent un comportement déterministe, ce constat ne peut faire l’objet d’une règle générale. En effet, confrontées à des environnements toujours plus turbulents et au renforcement de la concurrence des firmes globalisées, certaines PME adoptent aussi des comportements stratégiques volontaristes dans leur développement international.

Par rapport au débat sur la tension entre déterminisme et volontarisme managérial (Child, 1972 ; Atamer et Calori, 1998), la première contribution de nos travaux porte sur l’identification de certaines variables telles que le degré d'expérience et d'engagement international, ainsi que l'innovation pour expliquer le volontarisme de ces PME face à l'environnement concurrentiel. Et, en second lieu les résultats de nos recherches montrent :

- l’existence d’un lien fort entre la nature du volontarisme stratégique d'une part, et d'autre part le contexte dans lequel les PME s'internationalisent ;

- de plus, le volontarisme des PME porte d'autant plus sur les facteurs structurels de l'environnement local (facteurs politiques, socioculturels …) que celui-ci n'est pas stable.

- Ainsi, c'est vers les pays en transition (ou des pays émergents) que les PME se tournent pour développer des actions transformatives enracinant leur présence internationale, car les structures institutionnelles des ces derniers sont moins établies que dans les Pays Industrialisés.

Ce dernier constat et notre précédent travail effectué sur les coopérations multipoints (cf. §2.2), nous a tout naturellement conduit à nous interroger sur l’utilisation des coopérations interentreprises pour faciliter le processus d’internationalisation des PME.

2.3.1.2.2. Utiliser les coopérations interentreprises comme moyen d’action pour agir sur l’environnement

En travaillant sur la relation entre l’internationalisation des PME et les coopérations interentreprises, notre objectif majeur était de répondre à la question centrale suivante : les coentreprises peuvent-elles contribuer au développement d’actions d'influence de l’environnement institutionnel, généralement inaccessibles aux PME ? Cette question est importante car les recherches effectuées montrent que « malgré les progrès de la mondialisation et de la construction d’espaces économiques intégrés, les comportements stratégiques des acteurs continuent à être façonnés par l’environnement national, et plus précisément par ses caractéristiques institutionnelles et culturelles » (Mayrhofer, 2001).

Tout d’abord, nous constatons que le choix des modalités de présence sur les marchés étrangers est un élément central de la problématique d'internationalisation des entreprises.

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Entre le choix de l’exportation directe (avec les risques inhérents à l’absence d’une présence physique locale) et l’internalisation directe des activités sous forme de filiales locales (fortement consommatrices de ressources), la coentreprise apparait comme une solution médiane, favorisant l'équilibre entre engagement de ressources, présence locale et maîtrise des interlocuteurs locaux. De plus, l’implication avec des acteurs locaux rôdés aux mécanismes culturels, sociaux et politiques, assure la nécessaire interface avec l'environnement local et l'accès à la connaissance de ses caractéristiques spécifiques.

Ce travail réalisé dans un contexte instable et incertain (celui de la transition des pays de l’Est) montre également que : « plus encore que l'environnement concurrentiel, les facteurs institutionnels tiennent une place importante dans la stratégie des entreprises ». Ainsi, des actions sur l’environnement institutionnel peuvent constituer un levier d'orientation dans un sens plus favorable de l'environnement micro-économique. Par exemple, la volonté d'action sur l'environnement économique local qui va bien au delà du secteur d'activité des PME, apparaît comme centrale dans les stratégies des PME, et se traduit par des actes d'influence sur la politique des transports en Russie ou encore sur des questions monétaires liées à l'absence de devises en Ukraine.

Les actes d'influence des PME visaient systématiquement des traits spécifiques de l'environnement institutionnel résultant des difficultés de la transition. Et, il est important de noter que ces actions sur l'environnement institutionnel ne sont pas une fin en soi, mais un moyen d'agir, via les acteurs institutionnels, sur l'environnement micro-économique afin de l'orienter dans un sens favorable (création d'un marché nouveau, l'ouverture d'un marché auparavant inaccessible ou encore le maintien d'un marché en dépit de conditions environnementales défavorables).

Pour conclure, les résultats montrent que pour parvenir à ces fins, les coentreprises jouent un rôle fondamental dans l'acte d'influence sur l'environnement institutionnel local. Elles permettent d’exercer ce rôle d'influence, en jouant sur leur connaissance des réseaux relationnels locaux (qui permet de s'insérer dans les processus décisionnels, marqués par une forte imbrication des composantes politiques, administratives et économiques), sur leur capacité à collecter de l'information et sur leur connaissance des spécificités de l'environnement local. Ces facteurs permettent de pallier l'absence de système d'information pour les PME et leur fournissent les données nécessaires à l'orientation des actions d'influence.

En bref, dans un contexte en transition, l’implication d'un acteur local est essentielle au développement de la confiance avec les acteurs institutionnels locaux, pré-requis indispensable à l'implication des PME dans une démarche de transformation de l'environnement micro-économique.

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Comme l’environnement local est un facteur important pour le développement de la PME, une partie de notre projet de recherche s’est intéressé au rôle joué par les structures institutionnelles d’aide à l’internationalisation des petites et moyennes entreprises.

2.3.2. Le rôle des structures institutionnelles d’aide à l’internationalisation des PME

La problématique étudiée dans ces travaux est la suivante : la France possède un grand nombre d’intervenants qui animent le dispositif de soutien (financier ou accompagnement) des entreprises françaises dans leur décision d’internationalisation. Mais cette multiplicité, qui devrait faire la force des entreprises françaises, est souvent perçue comme une difficulté supplémentaire pour les PME qui disent ne pas connaitre les activités d’accompagnement proposées par les différentes intervenants.

Nos travaux ont été effectués auprès de petites et moyennes entreprises de la région Rhône-Alpes.

Tout d’abord les résultats obtenus illustrent la forte variété des approches retenues par les PME Rhône-Alpines pour s’internationaliser :

- diversité au niveau des processus de prise de décision qui peuvent être déterminés par l’environnement mais aussi par des comportements volontaristes pour modeler l’environnement dans un sens qui soit plus favorable ;

- diversité par rapport aux modalités utilisées dans leur processus d’internationalisation. Signalons à titre d’exemple l’exportation, l’utilisation d’importateurs exclusifs ou d’agents commerciaux, la mise en place de coopérations (licences, franchises, joint-ventures…), ou des investissements dans le cadre d’une croissance interne ou externe (acquisitions ou fusions).

De plus, les PME Rhône Alpines s’accordent à considérer que le manque de ressources (financières, compétences linguistiques, etc.) affecte la capacité de développement international des PME. Ce constat a conduit les pouvoirs publics à mettre en place un dispositif d’aide pour les PME qui souhaitent s’internationaliser : aide au déploiement à l’exportation (CCI et Chambre des Métiers), assurance prospection (COFACE), soutien individualisé aux démarches à l’export (SIDEX), volontariat international en entreprise (V.I.E.), contrat de développement à International (OSEO), exportage (ERAI, CGPME, Classe export), etc. Et, ces aides sont accordés par différents organismes tels que la DRIRE, le DTI, le CRITT, le réseau des CCI en France et à l’étranger, la COFACE, les banques ou partenaires financiers, UBIFRANCE, les missions économiques, les collectivités territoriales, etc.

Enfin, il ressort de nos travaux le constat suivant : la multiplication d’organisations régionales et internationales (dont la finalité est d’aider les PME Rhône Alpines dans leur

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développement) se traduit par une compétition entre elles. En effet, le nombre d’organismes institutionnels et la compétition qui existe entre eux entraine une complexification du système qui nuit à son efficacité. En bref, les PME de la région Rhône-Alpes soulignent la difficulté d’accès à l’offre de ces organismes, liée au manque d’informations pertinentes, la difficulté pour trouver le bon interlocuteur, et le coût d’accès à l’information.

Au niveau pratique, par rapport à l’efficacité des organismes de soutien à l’internationalisation, nos travaux insistent sur la nécessité de faire évoluer les comportements vers une coopération (décloisonnement) entre les différents organismes, plutôt que vers une compétition qui n’est profitable à personne. Pour y parvenir, notre principale recommandation porte sur la mise en place d’un « réseau des réseaux » d’aides à l’internationalisation des PME.

Éléments de synthèse sur la stratégie d’internationalisation des entreprises

Par rapport à la stratégie d’internationalisation, nos travaux montrent que la perception des managers est un facteur clé qui influence la stratégie de développement de l’entreprise.

Les grandes entreprises adoptent souvent un comportement volontariste qui vise à modeler leur environnement. Si les PME ont plutôt tendance à subir les évolutions de l’environnement (déterminisme stratégique) ; nous avons aussi constaté que certaines d’entre elles adoptent aussi un comportement volontariste pour leur développement international. Dans ce cadre, les co-entreprises avec un partenaire local semblent être une modalité tout particulièrement adaptée pour le développement international des PME, car elle permet d’agir sur leur environnement institutionnel.

Enfin, retenons que la multiplication des structures d’aide à l’internationalisation des PME pose la question de la coopération entre ces différents organismes.

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Synthèse du chapitre 2

Le chapitre 2 a porté sur les actions liées à stratégie de développement au niveau de l’entreprise. Dans ce cadre, nos travaux de recherche ont été segmentés en deux grands ensembles : les coopérations interentreprises et les stratégies d’internationalisation.

Les travaux sur les coopérations interentreprises fournissent des apports conceptuels tels que la construction de typologies sur un nouvel objet de recherche : les coopérations multipoints. Conformément aux fondements épistémologiques de notre projet de recherche, des recommandations concrètes (sur l’émergence, la mise en œuvre et l’évolution) sont proposées aux dirigeants.

Par rapport aux stratégies d’internationalisation, nos terrains de recherche portent sur des grandes entreprises et sur des PME, pour intégrer progressivement la notion de territoire en sciences de gestion. Globalement, nous avons montré comment les entreprises sont contraintes d’intégrer les évolutions de l’environnement dans leur stratégie de développement international, et comment les actions des entreprises contribuent également à modeler leur environnement.

Ce travail de réflexivité sur les résultats obtenus met en lumière l’importance de la coopération, et permet d’insister sur une de nos convictions profondes défendue dans notre projet global : le refus d’une approche dichotomique qui jalonne nos différents travaux de recherche. Par exemple, nous avons constaté que la mise en œuvre du développement d’une entreprise résulte d’une combinaison entre un comportement volontariste et un comportement déterministe. De plus, l’utilisation des co-entreprises permet aussi d’agir sur l’environnement institutionnel lorsque les entreprises s’internationalisent dans des contextes en transition (cas des BRIC par exemple). Et enfin dans les pays industrialisés, nos travaux montrent la nécessité d’une coopération entre les différentes structures institutionnelles mises en place pour favoriser l’internationalisation des entreprises.

Pour conclure, signalons que ce chapitre nous a aussi permis de positionner notre projet de recherche dans le champ des sciences de gestion. Nous avons ainsi précisé que nos premiers travaux portaient sur la stratégie de développement des entreprises, et qu’ils ont progressivement évolué vers le management stratégique. En effet, toutes les entreprises et organisations sont composées d’individus, et ce sont eux qui formulent et mettent en œuvre les stratégies de développement de l’entreprise. Ainsi, tout naturellement nos travaux se sont progressivement intéressés aux actions de développement au niveau des individus qui sont une variable stratégique essentielle (Savall et Zardet, 1995,), car ils constituent le principal levier d’action dans une entreprise. Ces travaux sont présentés dans le chapitre suivant.

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Chapitre 3. L’action au niveau des stratégies de développement des individus

Références des travaux utilisés pour le chapitre 3

Les références des travaux utilisés pour la rédaction du chapitre 3 figurent dans l’encadré ci-dessous.

2.1. « Tous sur scène ! Comment le théâtre peut-il aider à former les cadres ? »,

Gestion, Revue Internationale de Gestion, volume 35, n°4, pp. 19 à 26, hiver 2010. 2.2. « Les jeux d’entreprises : un outil de formation au management », Revue

Éducation Permanente, n°178, pp. 143 à 150, 2009. 2.3. « Le théâtre : un outil de formation au management », Revue Française de

Gestion, volume 34/181, pp. 77 à 96, 2008. 2.6. Gestion des relations paradoxales entre recherche et formation en sciences de

gestion, Revue Gestion 2000. Envoyé le 2 novembre 2009, en cours de révision. 3.1. « La transmission de connaissances : un indicateur d’évaluation des effets des

recherches en gestion », Congrès International Iseor-Academy of Management (AOM) Division «Research Methods», Lyon, les 15 et 16 juin 2011.

3.2. « La méthode M.I.M.E. comme vecteur de production et de transmission de connaissances entrepreneuriales », colloque de l’Académie de l’Entrepreneuriat, Paris, 15 et 16 octobre 2011.

3.3. « Conduire le changement dans les entreprises et les organisations par le théâtre », Congrès International Iseor-Academy of Management (AOM) Division «Research Methods», Lyon, du 14 au 16 juin 2010.

3.4. « Développer les compétences entrepreneuriales des étudiants et des formateurs par la méthode des cas », 16° colloque de Recherche des IUT, du 9-11 juin 2010. Co-auteur : Patrick Perrin.

3.5. « Production et transmission de savoirs actionnables en sciences de gestion », Congrès International Iseor-Academy of Management (AOM) Division «Research Methods», Lyon, du 8 au 10 juin 2009. Co-auteurs : Sylvain Biardeau et Stephan Bourcieu.

3.6. « Enseignement et recherche en gestion : des complémentarités naturelles ? », 15° colloque de la recherche des IUT, Lille 2009, du 8 au 10 juin 2009.

3.7. « Formation au management : les vertus du théâtre en formation continue et en formation initiale », 14° colloque de la Recherche des IUT, Lyon, France, les 29 et 30 mai 2008.

3.8.. « Méthodes qualitatives et quantitatives : des complémentarités naturelles aux complémentarités latentes », Congrès International Iseor-Academy of Management (AOM) Division «Research Methods», Lyon, du 21 au 22 avril 2008. Co-auteurs : Sylvain Biardeau et Stephan Bourcieu.

3.9. « Utiliser le théâtre dans l’enseignement supérieur. Cas d’expérimentation dans une filière de formation au management », 13° Colloque de la Recherche des IUT, Thionville-Yutz, France, les 31 mai et 1° juin 2007.

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3.1.1. « Vers une mise en place de méthodes pédagogiques actives dans les cursus de formation au management », 4° colloque UCLouvain, Louvain-la-Neuve, du 24 au 26 janvier 2007.

3.12. « Dynamique d’internationalisation des PME Rhône-Alpines », 8° CIFPME, Association Internationale de Recherche en PME, à Fribourg, Suisse, du 25 au 27 octobre 2006. Co-auteurs : Stephan Bourcieu, Stephane Thivin.

3.13. « Regional structures of support and assistance for creation, technological and international development of SMEs. The case of Rhône-Alpes region, France », 2nd International Conference Baltic Business Development, Szczecin, Pologne, du 3 au 5 septembre 2006. Co-auteurs : Bernd Hoffman, Stephane Thivin.

3.14. « Le théâtre : un outil de gestion au service des managers », 15° Conférence de l’Association Internationale de Management Stratégique, AIMS, Annecy, du 13 au 16 juin 2006.

3.15. « ThéMaStrat : Théâtre et Management Stratégique », Colloque de la Recherche en IUT, CNRIUT, Brest, 1° et 2 juin 2006.

3.18. « Utiliser le théâtre dans et pour l’entreprise », 14° conférence de l’Association Internationale de Management Stratégique, AIMS, à Angers du 6 au 9 juin 2005.

3.19. « Théâtre et Management Stratégique : des complémentarités naturelles ? », Lyon France, Colloque des 17° Journées des IAE, 13 et 14 septembre 2004.

3.21. « Vers un syncrétisme en recherche managériale ? », Congrès International Iseor-Academy of Management (AOM) Division «Research Methods», Lyon, mars 2004.

5.1. « Cas ACR Conseil », Finalisation d’une étude de cas sur la création d’entreprise pour dépôt à la Centrale des Cas et des Médias Pédagogiques des IUT. Co-auteur : Patrick Perrin.

5.2. Démarrage d’un projet de recherche sur l’intention et le comportement entrepreneurial des étudiants.

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Introduction du chapitre 3

Dans le cadre de notre parcours professionnel, et dans le contexte économique et social actuel, l’intérêt de ce dernier ensemble de publications qui portent sur le développement des compétences des individus nous semble être d’autant plus justifié, que l’investissement dans le capital humain et dans la formation professionnelle, constitue un élément clé de compétitivité d’une économie (Guibault, 1997 ; Nicholson, 2003). La création de valeur passe et passera de plus en plus par le développement des compétences des hommes et des femmes qui constituent son capital humain (Andrieu, 2005). La formation représente, a priori, le principal facteur de valorisation des ressources humaines (Plane, 2006). Mais, le retour sur investissement des actions de formation est encore assez rarement évalué dans les entreprises (Le Louarn et Wils, 2001 ; Gerard F.M., 2003), et il est encore aujourd’hui difficile de fournir un constat précis sur l’effet des actions de formation.

On peut résumer la situation actuelle par le constat suivant : les coûts de formation ne cessent de progresser dans les entreprises, mais la problématique du transfert (des connaissances acquises) au travail reste posée (Seillier, 2007). Par rapport à l’ampleur des coûts de formation, Andrieu (2005) constate que sur le plan économique, la formation a un coût élevé. De fait, dans la conjoncture actuelle, les effets de la crise se font aussi ressentir dans ce domaine, puisque les Directions d’entreprises accordent de plus en plus d’attention à la maîtrise du budget formation (CEGOS, 2009). Par ailleurs, d’autres travaux mettent en lumière l’inadéquation des méthodes traditionnelles pour former des adultes, car elles coûtent cher, sont longues et parfois inefficaces. Citons à titre d’exemples les travaux de Mucchielli (2008) qui précise au niveau du contenu de ces formations : « ce ne sont plus des connaissances universitaires qu'il faut à l'adulte, ce sont des compétences en situation... un art de l'action opportune » ; et qui, au niveau du contenant, aboutit à un constat d’échec des méthodes traditionnelles appliquées dans les entreprises. Dans le même ordre d’idées, les travaux réalisés dans le cadre de l’analyse socio-économique (Savall et Zardet, 2008) montrent que les carences liées à la formation (dispositifs ou besoins de formation peu ou mal satisfaits) constituent une variable explicative de nombreux dysfonctionnements dans les entreprises (démotivation du personnel, mauvaise ambiance dans l’entreprise, problèmes de qualité, insatisfaction des clients, etc.).

Ce constat d’échec des méthodes traditionnelles (Moingeon, 2003 ; Mucchielli, 2008 ; Salgado, 2009) a conduit certains organismes à intégrer dans leur catalogue de formations au management, des approches innovantes nommées « méthodes actives » (Team Building, coaching exécutif, business-games, etc.). Par rapport aux formations traditionnelles, les méthodes actives utilisent plusieurs leviers, tels que la mise en activité des formés, la motivation intrinsèque des participants, ou le groupe comme moyen de formation et facteur de progrès (Mucchielli, 2008). Le point commun de toutes ces méthodes concerne la recherche d’une participation active des formés.

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Nous présentons dans ce chapitre nos travaux de recherche qui portent sur l’analyse des enjeux liés à la mise en place des méthodes pédagogiques actives pour développer les compétences des praticiens en gestion et des étudiants. Nos terrains de recherche concernent donc des populations de managers en activité et d’étudiants (qui seront de futurs managers). Trois méthodes pédagogiques actives sont étudiées dans ce chapitre : le théâtre comme outil de formation, les simulations de gestion (ou jeux d’entreprises) et les études de cas.

La finalité de ces recherches est d’aider les gestionnaires à adopter des méthodes pédagogiques actives de formation plus susceptibles d’être efficaces et efficientes sur le plan de la formation au management. Donc, les résultats obtenus visent une diffusion auprès de deux types de « gestionnaires » : les praticiens (managers, dirigeants, spécialistes de la formation ou consultants), et les enseignants-chercheurs académiques.

Pour les praticiens, nos recherches longitudinales montrent que ces trois approches de la formation14

- Les méthodes pédagogiques actives (théâtre, simulations, études de cas) peuvent contribuer au développement personnel, et à améliorer les compétences managériales des praticiens, des étudiants, et des enseignants-chercheurs.

se déroulent sur un court laps de temps et ne demandent pas plus de ressources que les formations traditionnelles. De plus, la variété des compétences apprises au cours de ces formations (développement personnel, habiletés techniques, habiletés interpersonnelles) se traduit par des retombées directes sur le travail.

Pour les enseignants chercheurs, les résultats de ces travaux montrent l’existence de complémentarités réciproques entre les deux activités d’enseignement et de recherche en sciences de gestion : elles peuvent s’enrichir mutuellement si les acteurs adoptent une logique d’extenseur (et non une logique de curseur). Par exemple, il est (ou devrait être) couramment admis que la recherche permet d’améliorer la pédagogie en gestion, mais nos travaux mettent aussi en lumière la réciprocité de la relation (recherche-formation), en montrant qu’une pratique pédagogique rigoureuse peut constituer un objet d’observation scientifique (Moingeon, 2003 ; Guillot, 2009).

Les deux idées force défendues dans ce deuxième axe de notre projet de recherche sont les suivantes :

- En sciences de gestion, des pratiques pédagogiques rigoureuses constituent des objets d’observation scientifique car il existe des complémentarités réciproques entre la recherche et la formation.

14 Approche par le théâtre, les simulations de gestion, et les études de cas.

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Pour ce faire, dans ce chapitre, nous commençons par une présentation des travaux réalisés sur le théâtre comme outil de développement personnel (§3.1.). Les simulations de gestion, et la méthode des cas seront analysées dans un second temps pour montrer comment elles peuvent améliorer les compétences managériales des acteurs (§3.2.).

Le plan du chapitre est le suivant.

3.1. Utiliser le théâtre pour le développement personnel des managers

3.1.1. La pratique théâtrale : un outil de formation au service du développement de l’individu

3.1.2. Les effets de la formation par le théâtre

3.1.3. Conditions de succès et limites liées à l’utilisation du théâtre en formation continue

3.1.4. Managers ou metteurs-en-scène ?

3.2. Utiliser les simulations de gestion et la méthode des cas pour développer les compétences managériales

3.2.1. Les simulations de gestion : caractéristiques et spécificités

3.2.2. La méthode des cas pour former au management

3.2.3. Vers une utilisation simultanée des simulations de gestion et des études de cas

3.1. Utiliser le théâtre pour le développement personnel des managers en activité et des futurs managers

Le théâtre est de plus en plus utilisé dans et pour les entreprises (Fustier, 1996, Leplâtre, 1996, Salgado, 2008). Nos travaux s’intéressent tout d’abord aux complémentarités existantes entre le théâtre et le management, et à ses principaux domaines d’applications en entreprise : celui de la formation au management et celui de la politique de communication interne ou externe.

Ces travaux sont réalisés dans le cadre d’un projet de recherche intitulé ThéMaStrat (Théâtre et Management Stratégique). Ils ont donné lieu à la publication de deux articles et de sept communications sur le cas d’une entreprise qui a eu recours au théâtre pour former plus de 200 cadres. Cette recherche monographique permet tout d’abord d’illustrer le déroulement et le contenu concret de la formation dispensée. De plus, le recours à l’approche métaphorique nous permet de travailler sur la métaphore du manager-metteur-en-scène.

Voyons dans un premier temps l’histoire consubstantielle entre le théâtre et la formation, avant de montrer comment le théâtre s’est progressivement introduit dans les entreprises.

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Les avantages et les atouts de cette méthode de formation sont ensuite synthétisés en nous appuyant sur les propos ou les réactions des participants à notre étude de cas (collectés par questionnaires ou entretiens), et sur une revue de la documentation sur le sujet. Finalement, nos publications donnent aussi des conseils pour optimiser les retombées du théâtre comme méthode de formation au management (conditions de succès), et expriment certaines limites et risques de cette méthode de formation.

3.1.1. La pratique théâtrale : un outil de formation au service du développement de l'individu

3.1.1.1. Théâtre et formation : une histoire consubstantielle

Une brève analyse historique montre que le théâtre est utilisé depuis longtemps dans le domaine de la formation. Ubersfeld A. (1996) signale que : « la tragédie grecque (et même la comédie) avait pour mission l’éducation du citoyen d’Athènes en tant que citoyen et en tant qu’homme privé ; les Jésuites faisaient du théâtre dans leurs collèges une distraction moralisatrice. Dès la fin du XIX° siècle, le théâtre peut jouer un rôle d’enseignement en matière socio-politique, … et contribuer à former l’homme nouveau ».

Dans une optique de formation, Barthélémy-Ruiz (1996) identifie deux utilisations du théâtre : soit une finalité directement didactique (pour l’enseignement de méthodologies de communication, expression orale, vente, négociation, apprentissage des langues, etc.), soit la recherche d’objectifs pédagogiques dans lesquels le théâtre intervient en appui d’un processus de formation globale (il permet de tester d’autres manières d’être en groupe, de manager, de faciliter la communication, il est utilisé comme « déclic », comme nouvelle porte d’entrée, etc.).

De nombreux ouvrages se sont intéressés à la pratique théâtrale des élèves, et notamment les plus jeunes d’entre eux, à ceux que l’on considère encore en âge de jouer. Mais très peu analysent l’impact de cette pratique sur les adultes. Peut-être parce que jouer, faire le clown, faire du théâtre ne saurait être considéré comme une activité sérieuse pour les gens sérieux que sont les adultes, les employeurs ou les salariés d’entreprise (Barthélémy-Ruiz, 1996). On constate cependant, que certaines filières de formation utilisent différents types de jeux très proches des formes théâtrales dans le cursus de formation de leurs étudiants. Citons, à titre d’exemples, la formation de futurs enseignants (IUFM), les carrières juridiques (avocats), les métiers de la vente, etc.. De même, certains programmes de formation au management développés dans les grandes écoles et dans quelques universités, utilisent des méthodes de formation « actives » (jeux d’entreprises, jeux de rôle, mises en situations sur des études de cas, des projets de création d’entreprises, etc.), pour former leurs étudiants, qui

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seront de futurs dirigeants d’entreprises. Sans toujours nommer explicitement le concept, toutes ces méthodes sont fondées sur « le jeu »15

- L’improvisation : « Technique pédagogique pour l’apprenti comédien ou préparation à une mise en scène, l’improvisation apprend à inventer des jeux de scène et des paroles, soit libres, soit à partir d’un canevas, qui devront illustrer une situation. … L’improvisation contemporaine vise à exalter les possibilités de l’invention créatrice des comédiens. Dans la préparation à la représentation, l’improvisation sert d’abord à cerner les diverses possibilités de jeux à partir du texte que l’on va représenter, ou à former les comédiens à répondre aux situations imprévues en relation avec l’aléatoire des représentations » (Ubersfeld A., 1996).

.

Mais, quelles sont les principales spécificités du jeu théâtral qui justifient son utilisation dans le domaine de la formation initiale ?

Le théâtre est une démarche pédagogique originale car elle s’appuie sur l’utilisation de plusieurs techniques mobilisées dans les actions de formation au management. Signalons à titre d’exemples :

- Le travail corporel. Il comprend le langage du corps ou langage kinésique (mimiques, gestes…), la proxémique (distance sociale de communication entre individus), le paralangage (bruits, borborygmes, soupirs…), ainsi que tous les stimuli olfactifs, tactiles (sensibilité au contact, à la température…) et la présentation extérieure, notamment la tenue vestimentaire et les accessoires (cravates, bijoux, pochettes…). La PNL s’est attachée à déchiffrer le sens des éléments non verbaux qui interviennent dans la communication, par exemple les mouvements des yeux qui accompagnent la parole. En expression orale, le travail corporel permet un travail sur la « mise en scène » de la parole. Par rapport au pouvoir émotionnel du geste, Diderot (1751, in Hubert M.C, 1998) a été le premier théoricien à soutenir que le geste peut déclencher une réaction émotionnelle sur le spectateur, plus forte que la parole : « il est des gestes sublimes, que toute éloquence oratoire ne rendra jamais ».

- Le travail sur la voix. Il vise à améliorer la diction mais aussi les différents éléments de la communication non verbale (Bellenger et Pigallet, 1997). En effet, la communication se fait également par d’autres moyens que les mots employés : les modalités de la voix (volume, ton, rythme, tempo), la gestuelle (gestes, expressions, postures, attitudes ou mouvements), etc.. Certains auteurs (Quesne Quiloata, 1996) considèrent que sur 100% du pouvoir affirmatif d’un message, 20% seulement concernent les mots. Le reste, soit 80% est lié au comportement et à l’utilisation de la voix.

15 Les spécificités des jeux et leurs enjeux en formation seront développées dans le §3.2.1.1. ci-après.

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- Le travail sur les émotions. Il permet d’introduire la logique émotionnelle de l’acteur. Cette dernière a pour objet la description, l’explication et la compréhension des indicateurs internes qui renseignent le décideur sur l’interaction entre son environnement externe et son environnement interne, au cours de ses processus de choix (Bourion, 2001). La logique émotionnelle prend en compte la subjectivité de l’acteur dans la prise de décision, c’est à dire la complexité de leurs choix qui sont faits d’intérêts contradictoires, de passions multiples, de désirs et de comportements secrets et parfois de jalousies personnelles, voire d’inimitiés paranoïaques (Bourion, 2001). De nombreux travaux mettent en relief l’importance de cette dimension, par exemple, ceux des auteurs (Laborit, 1974, Mintzberg, 1976) qui ont intégré le concept de « rationalité limitée » développé par Simon (1955).

- La mise en scène. Dans une acception large, le terme « mise en scène » désigne l’ensemble des moyens d’interprétation scénique : décoration, éclairage, musique et jeu d’acteurs (…). Dans une acception étroite, le terme « mise en scène » désigne l’activité qui consiste dans l’agencement, en un certain temps et en un certain espace de jeu, des différents éléments d’interprétation scénique d’une œuvre dramatique (Veinstein, 1955 in Pavis, 2002).

- Les jeux de rôle et les simulations de situations. Les mises en situation peuvent être directement liées au poste de travail, ou porter sur des contextes non professionnels. Dans le jeu de rôle, chacun peut toujours dire qu’il a joué la situation comme un acteur, mais que lui n’aurait jamais agit ainsi. Le mixage avec une mise en situation réelle permet au stagiaire de jouer spontanément comme il pense qu’il convient d’agir dans le cas présenté. Par exemple, il sera le vendeur le plus performant, ou le manager le plus efficace, ou le collaborateur le plus habile pour faire passer son projet. En revanche, son interlocuteur pourra être en situation de jeu de rôle et mimer le type de personnage que souhaite avoir en face de lui, le stagiaire qui pratique l’entraînement en situation réelle (Chalvin, 1999).

Couramment utilisées au théâtre, ces techniques visent à rendre le comédien « plus à l’aise » dans son corps, avec lui même et avec les autres. Ainsi, certains auteurs (Meirieu, 2002 ; Balazar et Gentet-Ravasco, 2003) se sont interrogés sur les vertus et les spécificités du théâtre utilisé en formation initiale. Leplâtre (1996) propose une synthèse en trois points :

- Tout d’abord, la pratique théâtrale permet d’appréhender l’individu dans sa globalité, en engageant la personne dans l’ensemble de ses dimensions (intellectuelles, corporelles, et affectives). Le théâtre ajoute ainsi, une dimension affective et émotionnelle (Artaud, 1964), généralement peu exploitée en formation.

- En second lieu, le théâtre est une œuvre obtenue par la mimesis, c’est à dire par imitation ou reproduction de l’action. Grâce aux identifications successives à des rôles

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différents, le théâtre favorise une meilleure compréhension des problèmes des autres, il apprend à intérioriser la personnalité de l’autre et à accepter les différences. Ainsi, fondée sur la mimesis, l’approche théâtrale peut contribuer à l’épanouissement psycho-affectif et intellectuel de l’individu, et l’aider à maîtriser la présence physique, l’image corporelle, la prise de distance ou le rapprochement à l’égard des autres.

- Enfin, le théâtre est l’occasion de multiples acquisitions effectuées sous forme ludique. Il s’appuie sur le jeu dans sa conception sérieuse et universelle (Huizinga, 1951) pour faciliter l’apprentissage, et réconcilier : formation, plaisir de jouer et prise de conscience de son corps. Selon le dictionnaire Larousse, le jeu est « une activité qui vise au plaisir, à la distraction de soi, ou des autres ».

Par rapport à notre problématique, les travaux réalisés sur la fonction du jeu permettent d’identifier certains points complémentaires sur l’utilisation du jeu théâtral en formation. Par exemple, Caillois (1967) propose une classification du jeu en quatre rubriques principales selon que, dans les jeux considérés, prédomine le rôle de la compétition (football, billes ou échecs), du hasard (la roulette ou la loterie), du vertige (aventure) ou du simulacre (représentation théâtrale et l’art dramatique). Par rapport aux trois autres catégories, les jeux de simulacre présentent la spécificité majeure de placer l’individu dans une situation où le sujet joue à croire, à se faire croire ou à faire croire aux autres qu’il est un autre. De même, Barhélémy-Ruiz (1996) précise que le jeu est avant tout un système de règles (les joueurs sont placés hors de la vie courante) qui crée une situation irréversible (ce qui a été joué l’a été), et qui permet au joueur de prendre du recul sur la réalité pour dédramatiser les problèmes ou trouver des solutions originales. Le joueur peut agir sur le déroulement de la partie ce qui permet une réelle interactivité, et maintient le suspense. Enfin, le jeu exige des joueurs, ce qui veut dire qu’il ne suffit pas d’apporter des dés, ou une pièce de théâtre pour que le jeu soit présent ; mais il faut que les participants animent ce support et lui donnent vie. Ces caractéristiques clés qui ont été identifiées par les théoriciens du jeu sont essentielles pour notre recherche, car elles sont toutes présentes dans le « jeu théâtral ».

En bref, les techniques théâtrales, qui s’appuient sur le jeu, sont de plus en plus introduites dans certains cursus de formation initiale car elles favorisent le développement personnel « de l’acteur ». Mais, qu’en est-il de leur utilisation dans les entreprises, pour former les managers ?

3.1.1.2. La pratique théâtrale dans les entreprises

3.1.1.2.1. L’industrie du théâtre d’entreprise

Selon Fustier (1996), le « théâtre d’entreprise » a débuté en France avec René Droin, lorsqu’il a créé la première pièce jouée en juin 1986 au congrès de l’AFCIQ (ancêtre de l’Association Française pour la Qualité). Depuis, le « théâtre d’entreprise » fait l’objet de nombreuses controverses. D’une part, son apparition a soulevé bien des polémiques dans le milieu

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artistique. Comme si en jouant ailleurs que dans les salles qui leur sont consacrées, les artistes se compromettaient, perdaient leur créativité, leur identité, leur talent, comme s’ils « vendaient leur âme au diable » en quelque sorte (Leplâtre, 1996). D’autre part, l’utilisation de ce vocable ne semble satisfaire personne et elle n’a pas été choisie par les professionnels eux-mêmes. Pour preuve, si l’on effectue une recherche dans le dictionnaire du théâtre (Pavis, 2002), on trouvera les mots : théâtre de boulevard, de rue, de masse, expérimental, etc. ; mais à aucun moment n’apparaît le vocable « théâtre d’entreprise ». Son utilisation s’est répandue au travers de la presse, comme il en va souvent, avant même qu’on y ait réfléchi (Leplâtre, 1996). Ainsi, la terminologie n’est pas encore stabilisée dans ce domaine, et d’autres termes tels que « théâtre institutionnel », « théâtre dit d’entreprise », « théâtre dans l’entreprise », ont également été avancés.

Un mot-clé permet de caractériser l’industrie du théâtre d’entreprise : la diversité.

Tout d’abord, la diversité au niveau de ses différentes formes. Citons l’écriture de pièces (standard ou sur commande -comme celles de Molière d’ailleurs !-) destinées à être jouées dans l’entreprise par des acteurs ou par le personnel de l’entreprise. Mais aussi, la « clown-analyse » : c’est à dire des personnages comiques (acteurs) qui interviennent dans des réunions très sérieuses pour jouer un rôle de miroir déformant et révélateur de dysfonctionnements. Ou encore, des séminaires organisés avec un petit nombre de participants qui vont pratiquer les différentes techniques théâtrales évoquées ci-dessus (improvisation, expression corporelle, mise en scène, etc.), et/ou travailler sur différents types de jeux (jeux de simulation, jeux d’empathie, etc.).

Ensuite, la diversité au niveau des différents intervenants qui réalisent ces prestations. Les organismes qui s’engouffrent dans ce créneau sont très divers : consultants professionnels, comédiens, compagnies de théâtre, organismes de formation, etc.

Enfin, la diversité des situations dans lesquelles les entreprises ont recours au théâtre d’entreprise : congrès, micro représentations pour un service de formation, réunions d’atelier, colloques commerciaux, réunions de service, assemblées générales du personnel, anniversaires, congrès de clients, gestion de situations de crise, etc. Dans ces différentes situations, les intervenants qui travaillent dans cette industrie présentent parfois le théâtre comme « le remède» qui permettra à l’entreprise d’atteindre des objectifs multiples tels que : faire passer des messages, mobiliser les salariés autour d’un projet, accompagner le changement, permettre l’expression du personnel, favoriser la communication interne ou externe, former, etc.

La variété et la croissance de l’offre de prestations proposée dans ce domaine, montre que de plus en plus d’entreprises ont recours au théâtre pour mettre en œuvre leur stratégie de développement. Les domaines d’intervention étant très divers, nous avons décidé de focaliser notre analyse sur l’utilisation du théâtre dans le cadre de la formation continue des managers.

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3.1.1.2.2. Du théâtre pour former les managers

En tant qu’enseignant-chercheur en sciences de gestion, nous nous plaçons du point de vue du décideur (chef d’entreprise, responsable de formation, etc.) pour analyser deux dimensions clés sur l’utilisation du théâtre d’entreprises : les objectifs à atteindre et les différentes méthodes de formation existantes. En fonction des objectifs fixés par l’entreprise, nous différencions deux types de formations. Les premières sont destinées à transmettre du savoir et des apprentissages au personnel de l’entreprise, par exemple l’acquisition de compétences techniques liées à l’exercice de sa fonction (maîtrise d’un nouveau logiciel ou d’une nouvelle technologie, connaissances comptables, marketing, etc.). Les secondes concernent les formations qui visent des évolutions de la personne en termes de savoir-être. Les changements comportementaux peuvent porter sur différents aspects de la personnalité du sujet. Citons les actions de formation destinées à accroître la motivation ou la participation du personnel, à faciliter son implication et son adhésion à l’élaboration ou à la mise en œuvre de la stratégie de l’entreprise, à développer le leadership ou la responsabilisation, etc.

En 1991, Ehrenberg soulignait déjà la croissance de la demande de entreprises pour ce dernier type de formations : « le participatif comme méthode de gestion et mode d’exercice de l’autorité est le registre sur lequel se focalisent les préoccupations des managers … L’implication du travailleur devient aussi essentielle dans la productivité et dans la performance de l’entreprise que l’était son exclusion dans la gestion bureaucratique ». En effet, du point de vue de l’entreprise, l’implication et la stimulation de l’autonomie peuvent constituer un moyen d’économiser la discipline autoritaire. Ainsi, de plus en plus de formations portent aujourd’hui sur le développement de la responsabilisation des salariés afin qu’ils deviennent les « entrepreneurs de leurs propres tâches ». En bref, on peut dire que les actions de formation financées par l’entreprise visent à accroître les compétences personnelles et/ou professionnelles des membres de l’entreprise, et par voie de conséquence à améliorer l’efficience des formés.

Après avoir défini les objectifs de la formation, le décideur pourra avoir recours à différentes méthodes pédagogiques, qui devront intégrer des contraintes diverses telles que : la durée de la formation (sur une période bloquée, ou étalées dans le temps), le lieu de formation (dans l’entreprise, hors les murs, par correspondance), le choix des participants (intra-entreprise ou inter-entreprises), etc. Ces méthodes peuvent être classées sur un continuum qui va des formations « classiques » (séparation étanche entre celui qui sait -le formateur- et celui ou ceux qui ne savent pas -les formés-) jusqu’aux formations qualifiées « d’actives » (qui s’appuient sur les mises en situation et sur le « jeu »).

Le jeu théâtral, qui est au cœur de notre problématique de recherche fait partie des méthodes pédagogiques « actives » et nous a conduits à formuler la question centrale de l’article paru dans la Revue Française de Gestion (2008) comme suit : « le théâtre d’entreprise est-il un outil pertinent pour former les managers ? ». Ensuite une deuxième publication dans la Revue

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Internationale de Gestion (2011), présente les conditions de succès, les limites et des recommandations pour les praticiens qui souhaitent mettre en place cette méthode.

Voyons, ci-après les effets des formations qui utilisent la pratique théâtrale.

3.1.2. Les effets de la formation par le théâtre

Nous nous appuyons tout d’abord sur les réactions des participants, avant d’identifier les connaissances acquises et leur transfert au travail.

3.1.2.1. Réactions et appréciations des "acteurs-apprentis" sur la formation par le théâtre

3.1.2.1.1. On peut former par le théâtre dans les entreprises

Voltaire disait que « le théâtre instruit mieux qu’un gros livre » ; et c’est aussi la perception de la quasi-totalité des Managers et de leurs supérieurs hiérarchiques qui ont participé à notre recherche. Ils s’accordent à signaler que le théâtre est un outil de formation pertinent dans les entreprises. Ainsi, les appréciations des participants confirment certains résultats de travaux effectués sur les atouts du théâtre comme outil de formation (Leplâtre, 1996 ; Balazar et Gentet-Ravasco, 2003 ; Salgado, 2008).

C’est une méthode active et participante, qui permet d’appréhender l’individu dans sa globalité (dimensions intellectuelles, corporelles et affectives), et facilite l’apprentissage par la mise en situation des participants et la mise en jeu.

3.1.2.1.2. Le théâtre facilite l’appropriation de concepts qui ne resteraient que purement théoriques

Par rapport à l’utilisation des différentes techniques théâtrales en formation, notre étude de cas montre un fort consensus des participants qui soulignent la pertinence des improvisations, du travail sur la voix et sur la mise en scène. Pour les travaux effectués sur l’expression corporelle et les émotions les avis sont plus partagés (Salgado, 2008).

En bref, la multiplicité des techniques utilisées au théâtre permettent aux participants d’incarner et d’enraciner des concepts (confiance en soi, affirmation de soi, engagement personnel…) qui ne resteraient que purement théoriques avec d’autres méthodes de formation traditionnelles.

3.1.2.1.3. Le théâtre permet de vivre une expérience commune

L’évaluation de cette action de formation par le théâtre a mis en relief un résultat non attendu : le théâtre permet de vivre une expérience commune. A l’issue du séminaire, les participants ont exprimé un fort taux de satisfaction générale (Salgado, 2008), en insistant sur l’originalité de l’expérience vécue. De plus, cette approche de la formation, se traduit par

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un phénomène d’ancrage dans la mémoire collective de l’organisation, puisque plus d’un an après la formation, les participants s’en rappellent encore !

Si l’on présuppose l’existence d’une relation entre la satisfaction des formés et l’apprentissage au cours de la formation, ce premier est déjà intéressant en soi. Mais, allons au-delà de la satisfaction des participants, et voyons les apports de la méthode au niveau des connaissances apprises.

3.1.2.2. L'amélioration des connaissances des managers

Les données recueillies par entretiens semi-directifs et par la voie des questionnaires nous ont permis d’identifier deux catégories de connaissances acquises au cours du séminaire : celles qui portent sur le développement personnel des managers (connaissance et affirmation de soi), et celles qui concernent l’amélioration de leurs habiletés interpersonnelles.

3.1.2.2.1. Le théâtre comme source de connaissance et d'affirmation de soi

Au niveau du développement personnel, les participants signalent que le séminaire a permis de mettre en relief l’importance de la connaissance de soi, et de la nécessité d’analyser son propre comportement : « cette formation m’a permis de mieux me connaître… Cette formation a été pour moi une sorte de miroir et l’image reflétée m’a apparue plutôt positive » ; « ... permet de s’étonner soi-même sur ses possibilités » ; « Je pense que je serai plus attentive à mon comportement et à mes réactions », « Mon comportement en règle générale, et ma façon d’appréhender les personnes ».

Ainsi, les Managers de Proximité estiment avoir une plus grande confiance et une meilleure affirmation de soi après avoir participé au séminaire. Citons à titre d’exemples : « … pouvoir mettre en avant une confiance que je ne soupçonnais pas de ma part » ; « Meilleure confiance en soi. Mieux pouvoir juger les autres. Aller plus facilement vers l’autre » ; « Je vais avoir une assurance plus facile pour aller vers les agents et dire ma façon de voir les problèmes ».

Ces résultats sont en mettre en relation avec les écrits existants qui insistent sur l’importance de la connaissance et de l’affirmation de soi pour exercer une fonction de manager. Par exemple, Calori et Atamer (1989) précisent que pour développer l’action stratégique, les managers sont amenés à s’appuyer sur la connaissance des hommes, et en tout premier lieu la connaissance de soi qui permet au dirigeant de s’auto-évaluer. De même, pour Lapierre (2003, 2006) diriger c’est nécessairement composer avec ses qualités et ses défauts personnels, ses dons et ses manques, ses forces et ses faiblesses, ses habiletés et ses maladresses de direction, ses compétences et ses incompétences, etc. Enfin, les travaux effectués sur l’intelligence émotionnelle (Kets de Vries, 2003 ; Goleman et al., 1997 ; Goleman, 2005), cherchent à comprendre le rôle des émotions dans la performance des individus, et mettent en relief l’importance de certaines variables telles que les compétences personnelles et sociales des managers.

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En bref, composer avec soi-même, semble être la première compétence requise pour réussir dans la Direction des entreprises ; et les techniques théâtrales facilitent l’acquisition de cette compétence (plus difficilement accessible de façon théorique par les méthodes traditionnelles).

Mais, le manager ne travaille pas en vase clos, et quelle que soit son niveau hiérarchique ou sa place dans l’organisation, il doit aussi posséder certaines habiletés interpersonnelles16

3.1.2.2.2. Le théâtre comme moyen d'améliorer les habiletés interpersonnelles des managers

pour exercer sa fonction.

Sur ce point, les résultats de notre recherche montrent que le théâtre a sensibilisé les participants sur la nécessaire prise en compte de l’autre dans les relations de management (acceptation et respect des autres) : « L’écoute des autres, en faisant attention à eux et à les respecter » ; « Comprendre l’autre par et avec son regard tout en faisant passer mes propres émotions ».

De plus, les travaux effectués au cours du séminaire sur les techniques de communication (orale, corporelle, émotionnelle), ont permis aux Managers d’améliorer leur prise de parole en public. Ces derniers signalent : « Surveillance des attitudes, du positionnement lors d’éventuelles interventions en groupe, face à un public » ; « L’approche avec les agents. Meilleure préparation des messages à faire passer » ; « Modifier mon comportement et la présentation lors de l’animation d’une formation ou d’un exposé ».

S’adressant à un public qui a souvent exercé une fonction technique avant de devenir des managers, certains principes de base en management d’équipes, ont pu être transmis par le vécu au cours du séminaire. Les retours sur les prestations théâtrales des participants fournissaient aux intervenants d’excellentes occasions pour insister sur :

- Les différents aspects de la fonction de Manager de Proximité qui comprend, l’accueil et l’intégration des « nouveaux » arrivants, la nécessité de définir des objectifs, d’encourager et de rassembler son équipe. Mais aussi, l’importance de surveiller et de contrôler l’exécution du travail effectué par les subordonnés.

- L’importance de l’engagement personnel du manager de proximité pour exercer sa fonction.

16 Les habiletés interpersonnelles concernent les compétences du manager qui lui permettent de gérer les interactions avec les autres acteurs de l’organisation (maitrise de techniques de communication, engagement personnel, connaissance de certains principes de base en management, etc.).

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- L’utilité de connaitre et de mobiliser les différentes techniques de communication pour mieux gérer le relationnel avec son équipe, et mieux exercer sa fonction de Manager de Proximité.

Ainsi, au terme de la formation, la plupart des Managers de Proximité signalent que le séminaire les a « confortés dans leur rôle de manager ». Ensuite, nos travaux cherchent à voir si les retombées du séminaire se sont traduites par des changements comportementaux chez les managers ?

3.1.2.3. Des changements de comportements professionnels et personnels

Pour évaluer le transfert de la formation, nous avons interrogé les formés et leurs supérieurs hiérarchiques (Directeurs d’Activités). Les résultats obtenus montrent que les Managers de Proximité ont transféré les connaissances acquises au cours du séminaire dans leur environnement professionnel et aussi dans leur vie personnelle.

3.1.2.3.1. Le transfert dans la vie professionnelle

Plus de trois quarts des répondants signalent utiliser les enseignements dispensés au cours du séminaire dans leur vie professionnelle. Dans l’ordre, le transfert s’effectue dans les situations de travail suivantes :

- pour la conduite d’entretiens, et tout particulièrement les entretiens annuels d’évaluation des personnels,

- dans les relations quotidiennes avec leurs subordonnés ou avec leurs collègues,

- pour animer des réunions de travail,

- au cours de présentations orales,

- pour gérer les relations avec leurs supérieurs hiérarchiques.

Et, dans ces différentes situations professionnelles, la plupart des supérieurs hiérarchiques (Directeurs d’Activité) estiment que le séminaire a contribué à améliorer le niveau de performance de leurs Managers de Proximité.

3.1.2.3.2. Le transfert dans la vie personnelle

Comme cette action a été réalisée dans le cadre de la formation continue en entreprise, il nous semble intéressant de préciser que les participants signalent appliquer aussi les enseignements du séminaire dans le cadre de leur vie personnelle. Par exemple : « Mise en application dans des situations de conflits avec mes enfants » ; « Intérêt "personnel" pour l'amélioration de soi dans le comportement » ; « Intérêt avant tout personnel, et dans le temps je pense que l'on trouvera des intérêts professionnels » ; « Permet d'enrichir chacun des participants tant au

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plan personnel qu'au plan professionnel… » ; « Formation très insolite (ça change des autres formations -en bien !-). Très bénéfique sur le plan personnel ».

En bref, les résultats obtenus montrent que le théâtre facilite l’acquisition d’une variété de connaissances qui contribuent au développement personnel et professionnel des managers. Mais le théâtre n’est pas une panacée, et pour être efficaces et efficientes, ces formations doivent être gérées avec beaucoup de professionnalisme.

3.1.3. Conditions de succès et limites liées à l’utilisation du théâtre en formation continue

Nos travaux qui ont un dessein transformatif, proposent des recommandations pratiques visant la mise en place d’actions qui utilisent le théâtre comme outil de formation dans les entreprises. A destination des praticiens nous proposons trois recommandations majeures.

3.1.3.1. Définir clairement les objectifs visés

La définition claire des objectifs est la première condition de succès, car le théâtre ne peut pas servir toutes les causes de l’entreprise. En effet, le théâtre est parfois utilisé en « dernier recours », lorsque les autres méthodes n’ont pas fonctionné (Guerre, 1996). Ainsi, la définition claire des objectifs visés, permet de voir si le commanditaire (l’entreprise) et l’intervenant sont sur la même « longueur d’ondes », et s’ils sont prêts à défendre la même cause.

Lorsqu’il faut travailler sur des problématiques liées à des changements comportementaux, cette méthode est tout particulièrement adaptée car elle permet de prendre en compte l’individu dans sa globalité. Mais, la pratique théâtrale peut aussi faciliter l’apprentissage de connaissances plus techniques. Dans le cadre d’un plan de formation global, le théâtre peut être utilisé seul, ou associé à d’autres modules de formations plus classiques.

3.1.3.2. Le soutien de la Direction

Malgré l’essor du théâtre d’entreprise, le soutien de la Direction est encore aujourd’hui une condition de succès pour l’implantation et la mise en œuvre de formations par le théâtre. En effet, « l’originalité » constitue un facteur de différenciation de la méthode. Mais, l’originalité pose aussi la question de la légitimité de l’introduction de la pratique théâtrale dans les entreprises. Envoyer les managers « faire du théâtre » peut-être perçu comme une activité « peu sérieuse », et entrainer des comportements de blocage de la part des stagiaires pour assister et s’impliquer dans la formation.

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3.1.3.3. La prise en compte des aspects matériels et organisationnels en amont

Voyons trois recommandations liées à la durée de la formation, à la composition du groupe de participants, et au choix des formateurs.

3.1.3.3.1. Des formations de courte durée en résidentiel

Nos observations montrent que, quelque soit la situation, les spécificités des formations théâtrales requièrent une durée minimale d’une journée pour produire un « déclic » chez les formés. A contrario, une durée trop longue risque de réduire l’efficience de l’action de formation. La « bonne durée » pour mettre en œuvre cette méthode de formation de façon efficiente, semble être d’environ deux jours bloqués hors les murs de l’entreprise. Cette recommandation est à nuancer en fonction du contexte de l’entreprise et des objectifs visés. Mais, dans tous les cas, la durée est une variable stratégique qui peut impacter l’efficacité et l’efficience de cette méthode de formation pour trois raisons.

Tout d’abord, la durée a un premier impact sur les coûts directs (visibles) de la formation. Citons à titre d’exemples :

- le montant de la facturation de la prestation de l’intervenant qui dépend du nombre de jours (ou d’heures) d’intervention. En termes de ressources financières, les prestations pratiquées dans le secteur restent proches de celles des organismes de formations classiques.

- Les ressources matérielles utilisées pendant le séminaire. Le poste principal concerne les frais d’hébergement des participants, car une condition de succès est de pouvoir organiser ces formations à l’extérieur de l’entreprise pour que les participants puissent « décrocher » physiquement de leur poste de travail. S’il est important de veiller au confort des participants pendant le séminaire, la méthode de formation en elle même ne requiert pas d’utilisation de matériel spécifique, si ce n’est une salle de travail équipée de chaises.

En second lieu, la durée peut aussi affecter l’implication globale des participants, pendant le séminaire. En effet, l’implication du formé est le fruit d’un savant mélange entre la perception de ce que la formation va « apporter » au formé et ce qu’elle lui « coûte » professionnellement et personnellement. Par exemple, sur le plan professionnel, plus la durée de formation est longue et plus le salarié sera absent de son poste de travail ! Si des mécanismes de régulation performants ne sont pas mis en place par l’entreprise, le formé devra gérer à son retour l’ensemble des dysfonctionnements liés à son absence. Sur le plan personnel, comme les séminaires se déroulent en résidentiel, la durée du séminaire aura inévitablement des répercussions sur l’organisation de sa vie personnelle ou familiale.

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Enfin, l’entreprise ou les intervenants, peuvent être tentés dans certaines situations de « faire rentrer » une formation dans une durée fixée a priori pour intégrer des contraintes budgétaires ou matérielles. Dans ce cas, la durée pourra directement conditionner « le rythme » que l’intervenant donnera au séminaire, et indirectement l’implication des participants. Si la durée est trop courte, les participants risquent d’être trop sollicités (à cause d’un rythme trop soutenu), et inversement, si le séminaire est trop long, les participants peuvent ressentir un sentiment « d’ennui ».

3.1.3.3.2. La composition du groupe

Par rapport au nombre de participants, l’effectif ne devrait pas dépasser 12 personnes. Ici encore, l’effectif est fonction du contexte de l’entreprise et des objectifs de la formation. Mais, il est important de prendre en compte ce facteur en amont de la mise en œuvre de l’action de formation ; car il peut conditionner l’ambiance du groupe, et l’efficacité de l’action. Dans la monographie étudiée, cette étape a fait l’objet d’une attention toute particulière pour intégrer dans les mêmes sessions des managers d’âge, d’ancienneté, ou de zones géographiques différentes, afin de créer une culture commune de Managers de Proximité.

Enfin, la dernière condition de succès concerne le choix du formateur, car c’est lui qui anime le séminaire, et qui doit avoir conscience des avantages et des risques liés à l’utilisation de cette méthode, pour mieux les gérer.

3.1.3.3.3. Le choix des formateurs

Pour faire son choix, le responsable de la formation trouvera sur le marché une offre très diversifiée constituée d’organismes de formation, de cabinets de conseil, de troupes de théâtre, de comédiens, etc. Compte tenu de cette diversité, signalons deux variables qui permettront aux décideurs de réduire les risques liés au choix du formateur : la compétence et l’éthique de l’intervenant.

Par rapport à la compétence, il semble préférable de travailler avec des intervenants qui ont une expérience préalable de l’entreprise, ou tout au moins des notions sur la sociologie des organisations. Ce sont en effet eux qui devront reformuler et synthétiser les messages clés à faire passer au cours de la formation, voire à exprimer des non-dits. De plus, l’intervenant va utiliser de techniques du théâtre pour les transférer dans le monde de la formation en entreprise. Donc, la connaissance des techniques théâtrales est un pré-requis, pour être à l’aise lors de leur mise en oeuvre. Enfin, une expérience pédagogique préalable en animation de groupes, en formation au management, ou tout au moins en direction d’acteurs, constituera un atout majeur pour réussir la formation.

Par rapport à l’éthique, Enriquez (1981) signale, que tout projet formatif est pris dans des références aux images du formateur (thérapeute, accoucheur, analyste, militant, réparateur,

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transgresseur, et destructeur). Ainsi, tout acte de formation fait référence à des modèles (Léger-Jarniou, 2008), à des représentations de l’intervenant sur l’activité de formation. Ce point est tout particulièrement important dans cette méthode qui vise la transmission de connaissances, et aussi des changements comportementaux. Un questionnement sur les objectifs personnels qui conduisent le « comédien-formateur » à utiliser cette méthode peut-être utile. En effet, certains individus peuvent être tentés de s’improviser « comédiens-formateurs » pour se lancer dans ce créneau en plein essor. Lorsque l’intervenant ne maitrise pas les compétences exposées ci-dessus, le processus de formation s’en trouvera naturellement affecté, et certains auteurs (Brunel, 2004) signalent le risque de voir ces méthodes actives parfois transformées en « simulacres de formation ».

Après avoir précisé les apports de cette recherche pour les praticiens, voyons la contribution de ces travaux pour la communauté scientifique des chercheurs en sciences de gestion, à la lumière de la métaphore du théâtre.

3.1.4. Managers ou metteurs-en-scène ?

La métaphore du manager-metteur en scène nous a semblé pertinente pour analyser les similitudes qui existent entre le métier de manager et celui de metteur en scène.

Tout d’abord, la fonction du metteur en scène est de monter une pièce, en assumant la responsabilité esthétique et organisatrice du spectacle, en choisissant les comédiens, en interprétant le texte, en utilisant les possibilités scéniques à sa disposition. Tout comme le metteur en scène, le manager est chargé au quotidien de diriger une équipe, en assurant la responsabilité des résultats, en participant au recrutement des membres qui composent son équipe, en « mettant en actes » la stratégie d’ensemble de la société, et en utilisant les ressources qu’il a à sa disposition.

Dans le cadre de la mise en œuvre de leurs fonctions, les managers et les metteurs en scène sont conduits à prendre en compte les différentes « parties-prenantes » : les clients (ou le public), les salariés (ou les comédiens), et les produits de l’entreprise (ou la pièce de théâtre). De plus, l’un comme l’autre sont amenés à intégrer la question liée aux rapports de « pouvoir » dans l’organisation. Le manager peut être contesté par d’autres « collègues », les « subordonnés » ou les « supérieurs hiérarchiques » ; et le metteur en scène peut se retrouver dans une situation similaire (l’acteur qui se sent emprisonné par des directives trop tyranniques, le décorateur, le collectif, etc.). Les travaux de Crozier et de Friedberg (1977) sont très significatifs sur cet aspect du management, en précisant les stratégies personnelles adoptées par les « acteurs » de l’entreprise. Par exemple, un salarié estime que la tâche est insuffisamment rémunérée, il travaillera alors assez peu. Cette stratégie, cette « logique d’acteur », dépend de ce que les dirigeants (ou metteur en scène) peuvent proposer à leur personnel (ou comédiens).

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Ces différents constats nous conduisent tout naturellement à analyser les qualités requises pour exercer ces deux métiers.

Michel Godet (1991) affirme que le « manager stratège » doit cumuler trois qualités essentielles. Tout d’abord, il doit faire preuve d’une immense vertu d’anticipation. Cette capacité d’anticipation est également primordiale pour le metteur en scène, qui doit intégrer et prévoir les réactions probables des spectateurs. Ensuite, le manager doit être capable de traduire l’information en décision, puis en action. Cette qualité est également essentielle pour le metteur en scène afin de pouvoir interpréter et traduire le texte de l’auteur, en décisions à prendre et à « mettre en actes ». Enfin, le manager doit mobiliser, impliquer, responsabiliser les membres de son équipe en inculquant des valeurs communes d’appartenance, de reconnaissance, ou en affichant clairement les termes du contrat qui existe entre une entreprise et son personnel. De même, le metteur en scène reste en retrait, il supervise les opérations afin d’apporter son soutien, ses conseils et des suggestions concrètes pour optimiser le jeu des acteurs, mais il n’est généralement pas sur le plateau au moment de la représentation. Le metteur en scène doit donc mobiliser les comédiens en utilisant les mêmes principes que le manager (délégation, motivation, implication, responsabilisation, confiance, etc.) ; car au théâtre comme dans l’entreprise, rien n’est possible si les individus ou les groupes ne s’approprient pas le sens de l’action.

Ainsi, les similitudes qui existent entre les deux métiers nous permettent de conclure cette analyse par le constat suivant : « le metteur en scène est un manager ; et (dans les faits) le manager est lui aussi un metteur en scène ». Ainsi, les résultats de la recherche empirique, et la métaphore du « manager – metteur en scène » permettent de mieux comprendre l’intérêt du transfert des techniques théâtrales vers les entreprises.

Éléments de synthèse sur nos travaux réalisés sur le théâtre d’entreprises

Par rapport aux convictions que nous défendons dans cette note de synthèse, nous avons signalé (cf. §1.1.2.) que les sciences de gestion sont une science au croisement de plusieurs disciplines. Nos travaux sur l’utilisation du théâtre comme outil de formation illustrent la complémentarité interdisciplinaire possible entre le milieu artistique et la gestion pour montrer qu’en sciences de gestion, la métaphore du théâtre facilite l’observation de l’objet complexe entreprise, et permet de mieux comprendre la fonction d’un manager. Et, dans le sens inverse on constate que de plus en plus d’artistes se forment aujourd’hui au management des activités culturelles.

De même nous avons mis en exergue la visée transformative des sciences de gestion, pour accroitre la performance économique et sociale des entreprises et des organisations (cf. §1.1.2.). Nos travaux montrent que le théâtre est un outil de changement organisationnel et de développement personnel. En fait, c’est la dimension instrumentale du théâtre qui a

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facilité son émergence dans les entreprises. Dans ce cadre, la mobilisation des règles et des techniques utilisées au théâtre visent in fine à améliorer l’efficacité de la communication et les relations interindividuelles dans les entreprises. Donc, lorsqu’il est utilisé comme outil de formation au management, le théâtre contribue au développement personnel des managers et à l’amélioration de leurs habiletés techniques et interpersonnelles.

Voyons ci-après les deux autres méthodes de formation active au management sur lesquelles nous travaillons dans notre projet de recherche : les simulations de gestion (ou jeux d’entreprises) et les études de cas.

3.2. Utiliser les simulations de gestion et la méthode des cas pour développer les compétences managériales des acteurs

A l’instar de Ballaz et al. (qui avaient déjà fait ce constat en 1974), une analyse réflexive sur notre activité d’enseignant-chercheur, nous a progressivement conduit à prendre conscience, au cours des cycles que nous animons depuis plusieurs années, du fait que de nombreux étudiants et salariés d’entreprises ne sont pas toujours très actifs pendant les sessions de formation qui visent l’acquisition de connaissances nouvelles ou la transformation des attitudes.

Ainsi, à partir de notre expérience pédagogique nous avons orienté nos travaux de recherche sur l’utilisation de deux méthodes actives qui sont de plus en plus utilisées dans les programmes de formation au management : les simulations de gestion et les études de cas17

3.2.1. Les simulations de gestion : caractéristiques et spécificités

.

L’objet de notre projet est de travailler sur l’efficacité de ces deux méthodes de formation active au management, et sur leurs conditions de mise en place dans les établissements d’enseignement supérieur. Nos terrains d’observation portent sur des populations d’étudiants en formation initiale et continue.

Voyons tout d’abord les principales caractéristiques et spécificités des simulations de gestion.

Les simulations de gestion sont de plus en plus fréquemment utilisées dans les cursus de formation au management. Couramment pratiquées dans les grandes écoles, notamment de management, elles sont désormais progressivement introduites dans les universités. Acteur de cette évolution, nous avons souhaité réfléchir à l’entrée de cette méthode pédagogique dite «active» dans les établissements d’enseignement supérieur qui, jusque-là, utilisaient

17 Nous traitons dans ce même paragraphe les deux méthodes, car à notre sens les jeux d’entreprises peuvent aussi être analysés comme une succession de mini-cas.

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majoritairement de méthodes traditionnelles. L’expérience que nous avons mise en place sur le terrain a permis de repérer les enjeux et les conditions d’utilisation des simulations de gestion dans les cursus de formation au management.

Voyons les enjeux liés à l’utilisation des jeux d’entreprises dans le domaine du management, avant de présenter leurs vertus et leurs contraintes.

3.2.1.1. Les jeux et leurs enjeux en formation

Les premiers jeux sont apparus à l’école au début du XXe siècle, pour stimuler l’imaginaire et la créativité des élèves. Considérés comme un mode de cognition par l’expérimentation, ils ont fait leur apparition en formation des adultes sous la forme de jeux de simulation (Viton, 2007). Précisons ci-après les spécificités liées à l’utilisation du jeu dans les formations au management (Rodriguez, 2010).

3.2.1.1.1. Faire jouer aux managers pour apprendre à manager

L’utilisation du jeu dans les formations au management soulève deux types d’interrogations, qui sont discutées dans notre projet de recherche.

La première interrogation porte sur les compétences requises pour être manager. En effet, si l’on considère le management comme « l’art de diriger », le manager doit disposer de deux types de compétences : techniques (méthodes et outils de management), et comportementales (capacité à communiquer, à motiver, à déléguer, etc.). Les jeux d’entreprises peuvent-ils permettre une acquisition simultanée de ces deux types d’apprentissages techniques et comportementaux ?

La deuxième question concerne le recours à ces méthodes pédagogiques actives dans l’université publique française. Quelles sont les variables à prendre en compte et les erreurs à ne pas commettre pour que des pédagogies innovantes puissent cohabiter avec des méthodes plus classiques ? Ces méthodes qui placent l’apprenant au centre du processus d’apprentissage ne risquent-elles pas d’entraîner, dans le même temps, un déplacement du rôle des enseignants ?

En nous référant à notre pratique professionnelle de plus de vingt ans en tant qu’animateur de jeux d’entreprises, nous avons fourni dans l’article publié dans la revue Éducation Permanente en 2009, les premiers éléments de notre réflexion sur ces différentes questions. Pour cela, nous nous sommes essentiellement appuyés sur l’expérience pédagogique mise en place depuis 2001 dans deux programmes de formation au management (IUT et IUP) dispensés au sein de l’Université Lyon 1.

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3.2.1.1.2. Simuler la réalité pour mieux l’appréhender

Les jeux d’entreprises constituent une pratique pédagogique active et originale qui permet aux étudiants de se « mettre dans la peau » de dirigeants d’entreprises. Pour cela, la promotion est scindée en plusieurs groupes, qui représentent des équipes de direction chargées de gérer une entreprise pendant un mandat pouvant aller de un à six ans. Pour y parvenir, chaque équipe de direction prend plusieurs décisions périodiques.

Les entreprises travaillent toutes dans le même secteur industriel, elles démarrent avec une situation initiale identique et sont ensuite mises en situation de concurrence. Pour gérer leur entreprise, les « dirigeants » doivent prendre des décisions relatives aux différentes fonctions (gestion de production, marketing, ressources humaines, finances, etc.), et intégrer l’évolution de l’environnement économique dans lequel ils travaillent (inflation, croissance, climat social, intempéries, etc.). Quant aux enseignants, ils sont amenés à jouer différents rôles pour animer la simulation : banquier, assureur, expert-comptable, syndicaliste, fournisseur, représentant de l’État ou d’une collectivité territoriale, etc.

Le module est conçu sous forme de séminaires bloqués d’une durée de trois à cinq jours. En fonction du niveau des étudiants, la pratique pédagogique qui s’appuie sur le jeu vise plusieurs objectifs. Les simulations d’entreprises peuvent être utilisées pour accueillir les étudiants dès leur arrivée à l’université ; elles facilitent alors leur intégration, et permettent une familiarisation avec les connaissances de base qui seront approfondies par la suite dans les différentes disciplines.

Mais les jeux peuvent également être utilisés pendant toute la durée du cursus, afin que les étudiants mobilisent et mettent en pratique les compétences acquises au cours de leur formation. Les jeux sont programmés soit en cours d’année, soit en fin de formation.

Pour atteindre ces objectifs, les participants doivent relever trois «challenges». Le premier concerne le classement des différentes équipes en fonction de la « rentabilité financière » de leur entreprise. La rentabilité financière est la résultante de la cohérence et de l’efficacité des décisions prises par les dirigeants (politique de prix, budgets publicitaires, gestion du personnel, investissements dans l’outil de production, gestion des stocks, etc.). Ce premier volet facilite ainsi l’acquisition de connaissances, et permet aussi de voir comment les étudiants mobilisent leurs compétences en gestion.

Le deuxième volet porte sur la rédaction d’un rapport d’activité destiné aux actionnaires de la société (rôle joué par les animateurs), afin de pouvoir être reconduits dans leur mandat de gestion. Le rapport présente la stratégie suivie par la société, les objectifs fixés, les réalisations effectives, et l’analyse des écarts entre les prévisions et les résultats obtenus. Ce travail permet aux futurs managers de travailler l’expression écrite, et de développer leur capacité à prendre du recul par rapport au travail quotidien.

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Le troisième aspect de la simulation consiste à élaborer et à soutenir la politique de communication de leur société. La présentation est ensuite mise en scène devant un jury composé d’enseignants et de professionnels, mais aussi devant toutes les autres équipes concurrentes, ce qui représente parfois un auditoire de plus de 100 personnes. Ce volet permet ainsi de prendre en compte les différents aspects liés à la communication orale. Pour mettre en scène et faire vivre leur présentation, les étudiants sont invités à mobiliser différentes techniques théâtrales (Deldime, 1991 ; Leplâtre, 1995 ; Quentin, 1999 ; Salgado, 2005) telles que l’improvisation, la gestion de la voix, la gestion des émotions ou le travail corporel (cf. §3.1.1.). Les consignes données pour relever ce dernier challenge reposent sur quatre concepts : la créativité, la liberté, le professionnalisme et le plaisir. La créativité se traduit concrètement par la recherche d’un nom pour la société, d’un slogan, la création de messages publicitaires audiovisuels ou écrits, etc. S’agissant de la liberté, au cours des présentations orales, les étudiants sont invités à mettre en scène leur présentation dans un contexte précis (assemblée générale d’actionnaires, salon professionnel, réunion de travail...), et à expérimenter les différentes techniques théâtrales évoquées plus haut. Afin d’éviter les « dérives », nous insistons sur l’importance du professionnalisme dont doivent faire preuve les présentations orales afin de tempérer d’éventuels « excès » de créativité ou de liberté. Enfin, « pris au jeu et pris par le jeu », les étudiants expérimentent et prennent conscience du plaisir que peut procurer le travail lorsqu’il est bien fait.

3.2.1.2. Les facteurs clés de succès des formations par le « jeu »

Huizinga (1951) insiste sur l’importance du jeu dans sa conception sérieuse et universelle. Il précise que les jeux (ou les simulations de gestion) peuvent être utilisés dans différents contextes autres que les loisirs (école, université, entreprises, etc.), pour faciliter l’apprentissage en réconciliant la formation et le plaisir de jouer (De Grandmont, 1995 ; Viton, 2007). Mais quel que soit le contexte le jeu requiert l’existence de règles du jeu.

Les recherches effectuées sur ces expériences pédagogiques, nous ont permis de repérer trois facteurs clés à prendre en compte au moment de mettre en place une formation par le jeu : les contraintes matérielles, les contraintes pédagogiques liés aux formateurs, et celles liées à la nécessaire implication des étudiants.

3.2.1.2.1. Des contraintes logistiques

Les contraintes matérielles jouent un rôle majeur. Elles peuvent en effet remettre en cause l’atteinte des objectifs pédagogiques des simulations d’entreprises, notamment en cas de problèmes liés à la disponibilité des locaux ou à la gestion des emplois du temps.

Sur le premier point, il est important de signaler que les simulations d’entreprises sont « plus gourmandes » en moyens matériels que les cours classiques : alternance de séances de travail en groupes et de séances plénières, nécessité de salles distinctes pour la gestion des rendez-vous avec les animateurs, besoins d’outils multimédias, etc.

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Par rapport aux emplois du temps, les enseignements classiques sont généralement structurés en séances d’une ou deux heures, alors que les jeux d’entreprises requièrent la mobilisation intensive de trois à cinq journées consécutives.

Les méthodes actives peuvent donc perturber le rythme régulier des cours des étudiants, et par conséquent celui des enseignants. Les contraintes matérielles et logistiques seront d’autant plus facilement surmontées que l’on aura pris en compte :

- le choix de la « bonne date » pour programmer le jeu ; les dates les plus propices se situent en début ou en fin de semestre (avant ou après le démarrage des enseignements réguliers) ;

- la nécessité d’une coordination avec les autres disciplines afin de s’assurer l’adhésion des collègues, le soutien des coordonnateurs et celui de la direction (Raucent et Vander Borght, 2006) ;

- la taille optimale de chaque groupe ; en fonction des objectifs pédagogiques et du niveau de difficulté de la simulation, des groupes de trois à cinq personnes permettent à chacun de travailler efficacement. Mais les contraintes matérielles influent souvent sur la constitution des groupes. La taille du groupe conditionne en outre le temps que l’enseignant peut lui allouer : la diminution du nombre d’étudiants par groupe implique automatiquement l’augmentation du nombre de groupes gérés par les animateurs.

C’est à ces conditions que peuvent cohabiter sereinement et efficacement les pédagogies actives et les pédagogies classiques.

3.2.1.2.2. Des formateurs prêts à « jouer le jeu ».

Pendant toute la durée de l’animation, les formateurs jouent les rôles des différentes parties prenantes de l’entreprise (voir plus haut) tout en gardant à l’esprit l’aspect pédagogique de l’exercice. Cette bivalence constitue un élément-clé lors de la mise en place de pédagogies actives. Du point de vue de l’étudiant, la mise en scène de la situation professionnelle permet de situer les actions et le travail qu’il effectue dans un contexte professionnel (Raucent et Vander Borght, 2006). Du point de vue de l’enseignant, le fait de jouer lui-même différents rôles l’amène à se questionner sur :

- l’évolution de son rôle (tuteur, animateur...) ; le dispensateur de savoir qui donne aux étudiants un cours « clés en main » devient un « metteur en scène » qui anime (guide, conseille, arbitre, remet en cause...) et tente de développer l’autonomie des étudiants.

- Sa résistance au changement. En effet, l’introduction de pratiques pédagogiques actives suppose que l’enseignant acquière des compétences spécifiques, notamment

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celle de gérer simultanément les interactions qu’il a avec les différents groupes, et celles qui ont lieu entre les différents membres au sein de chaque groupe.

- La perception de sa fonction. Nous pouvons observer l’étonnement des étudiants lorsque, pour la première fois, ils se trouvent face à un enseignant qui, lui aussi, joue ponctuellement un rôle qui n’est habituellement pas le sien (par exemple celui d’un banquier). Du côté des enseignants, de l’avis général, il est difficile de revenir à des méthodes traditionnelles lorsqu’on a pratiqué les méthodes actives.

3.2.1.2.3. La nécessaire implication des étudiants

Selon les cas, les groupes sont constitués soit par l’animateur, en amont (pour tenir compte des profils complémentaires), soit à l’initiative des étudiants (selon les règles qu’ils se donnent).

Leur implication tient en partie à l’évaluation, personnelle ou collective, de chaque membre du groupe. Raucent et Vander Borght (2006) signalent deux difficultés majeures suscitées par le travail en groupe : l’inégale contribution des membres (qui peut varier pendant la durée du séminaire) et la gestion des relations sociales.

Nous pratiquons le plus souvent une évaluation collective, mais nous expérimentons également, dans certaines situations spécifiques, une méthode consistant à attribuer aux étudiants un nombre de points (« note du groupe » X « nombre d’étudiants du groupe ») que les étudiants se répartissent ensuite en fonction de l’implication et du travail fourni par chacun.

Voyons ci-après les enjeux liés à l’utilisation de la méthode des cas, qui constitue la troisième et dernière pédagogie active étudiée dans notre projet de recherche.

3.2.2. La méthode des cas pour former au management

Depuis 1935, la méthode des cas est systématiquement utilisée à la Business School de Harvard. Aujourd’hui, la plupart des établissements d’enseignement supérieur de gestion intègrent cette méthode dans leurs parcours de formation.

Nous commençons par détailler les principales caractéristiques de cette méthode. Les contraintes qui conditionnent son utilisation seront ensuite présentées. Enfin, nous verrons comment la méthode des cas peut-être utilisée pour développer les compétences managériales et entrepreneuriales des étudiants.

3.2.2.1. Les principales caractéristiques et spécificités de la méthode des cas

Marchesnay (2008) précise que les études de cas sont un retour à la maïeutique. Elles demeurent le support privilégié des enseignements de gestion, particulièrement dans les

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domaines de l’organisation, du marketing, de la stratégie (Claret et Saint André, 2002) et de l’entrepreneuriat.

Mucchielli (2008) définit la méthode des cas comme une pédagogie active fondée d’une part sur l’étude d’un cas concret, en vue de trouver une solution ou d’en rechercher la structure du point de vue dont on se place, … d’autre part sur la discussion en groupe, celle-ci opérant par sa valeur propre de formation. Ainsi, au-delà de la dizaine ou vingtaine de pages qui décrivent un problème de gestion, Rosenzweig (2004), précise qu’en définitive un cas, c’est un « principe pédagogique » : ce sont les étudiants en charge de débattre du cas qui sont les acteurs pédagogiques.

La conduite de ce travail de groupe sur un cas concret requiert une technique spéciale d’animation (Mucchielli, 2008). En effet, le processus d’analyse et de discussion est inductif. Rosenzweig (2004) pousse la logique à l’extrême en affirmant que « tout est dit par les étudiants, l’enseignant se tait, il ne dispense pas de savoir. Au fond, le vrai responsable du processus, c’est l’étudiant, pas le professeur. Le professeur n’est pas là que pour apporter des idées mais pour créer les conditions de leur émergence ». Paradoxalement, c’est un chef d’orchestre (Rosenzweig, 2004) ou un metteur en scène (Raucent, 2006, Salgado, 2008), qui au niveau des idées défendues n’impose rien, mais facilite l’accouchement de ces dernières. Bref, c’est de l’enseignement en temps réel (Rosenzweig, 2004) !

Ce point est tout particulièrement important, car c’est dans le travail et dans la discussion de groupe que s’opère l’action formatrice proprement dite (Mucchielli, 2008). Ce sont les interactions groupales suscitées et protégées par l’animateur qui sont au cœur du processus d’apprentissage.

3.2.2.2. Contraintes et vertus de la méthode des cas

Du point de vue des étudiants, les contraintes liées au timing mettent souvent les participants sous tension, ce qui peut les conduire à privilégier leur capacité de réaction (de crainte du ridicule devant les autres) plutôt que l’apprentissage de connaissances. La difficulté pour formaliser les apprentissages du cas traité est une autre limite de la méthode ; en effet, la séance de restitution est souvent effectuée sur la base d’un débat ouvert avec la salle qui ne facilite pas les prises de notes structurées par les étudiants. D’autant plus, que puristes de la méthode « refusent de faire cette synthèse, car la méthode suppose qu’il n’y ait pas de synthèse » (Rosenzweig, 2004).

Du point de vue des formateurs, la méthode de cas est plus exigeante et plus risquée que les méthodes classiques, car l’enseignant travaille « sans filet ». Ainsi, la principale limite concerne le fait de trouver des enseignants-chercheurs prêts à s’investir dans de longues préparations pour fabriquer, actualiser, ou animer des cas. En effet, en choisissant cette option, les enseignants-chercheurs acceptent de privilégier leur activité d’enseignement, alors que le déroulement ultérieur de leur carrière est basé sur leur activité de recherche.

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Malgré ces contraintes, la méthode des cas présente l’avantage de faire rentrer l’entreprise dans la salle de classe (Garel et Godelier, 2004) car elle fournit des approches concrètes et pragmatiques de la vie des entreprises (Claret et Saint-André, 2002).

De plus, cette « mise en scène pédagogique », facilite l’acquisition des savoirs et des compétences dispensés par des formations universitaires à finalité professionnelle (Pinçon, in Claret et Saint-André, 2002).

Nos recherches s’appuient sur des cas d’expérimentations effectuées auprès d’une population d’étudiants. Elles visent à comprendre comment la mise en place des études de cas peut contribuer à développer les compétences managériales des étudiants.

3.2.2.3. Les apports de l’étude de cas pour développer les compétences managériales des étudiants

Nous utilisons la méthode des cas dans la plupart de nos enseignements en stratégie d’entreprise. Dans notre projet de recherche, les publications que nous avons effectuées sur ce thème sont tirées d’un séminaire de formation à l’entrepreneuriat au cours duquel nous utilisons une étude de cas construite et co-animée avec un praticien expert-comptable.

3.2.2.3.1. Le contexte de l’expérimentation

Le séminaire commence par la distribution d’un questionnaire qui vise à évaluer la sensibilité des étudiants à la création d’entreprise en début de formation. Ce questionnaire, leur est à nouveau distribué à la fin du séminaire afin de voir s’il y a eu ou non une évolution de leur perception. A ce jour nous avons recueilli plus de 250 questionnaires. Les informations ainsi collectées visent à être utilisées dans le cadre d’un projet de recherche sur l’entrepreneuriat.

Pour placer les étudiants en « situation quasi-réelle » et « faire entrer l’entreprise dans la salle de classe », nous demandons aux participants d’adopter une position de « consultants » pour traiter ce cas qui porte sur la création d’une boulangerie.

3.2.2.3.2. Les objectifs pédagogiques de l’étude de cas

La méthode poursuit deux objectifs fondamentaux : le premier est d’amener les étudiants à formuler et à justifier un avis éclairé sur le projet de création, et le second est de développer les compétences managériales des participants. Pour cela, l’étudiant sera amené à mobiliser des connaissances pluridisciplinaires acquises dans le cursus de formation : stratégiques, financières, juridiques, fiscales, sociales, communication, etc.

Ainsi, sur le plan pédagogique, l’étude de cas vise in fine à transformer des savoirs en savoir-faire, et travailler sur le savoir-être pour les sensibiliser à la démarche entrepreneuriale.

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Au niveau de la recherche, l’objectif est de comprendre ce processus de transformation, et de travailler sur l’efficacité des différentes méthodes de formation à l’entrepreneuriat.

Nos travaux montrent tout d’abord que le cas permet l’acquisition et la mobilisation de savoirs. Par exemple, l’acquisition de connaissances nouvelles sur les principales étapes de la création d’une entreprise (savoirs) ; et la mobilisation de connaissances acquises dans les différentes disciplines enseignées dans son cursus de formation : stratégie d’entreprise, comptabilité, fiscalité, etc.

De plus, l’utilisation de la méthode des cas facilite également l’acquisition de savoir-faire, tels que la recherche d’informations complémentaires de différente nature (règlementaire, sociale, fiscale…) dans diverses sources, les compétences nécessaires pour traiter une problématique globale de gestion, pour construire un business plan, etc.

Enfin, la méthodologie utilisée permet un travail sur les compétences comportementales (savoir-être) telles que la prise de décision, la capacité d’analyse et de synthèse d’une situation complexe, la capacité de travail en groupe ou d’argumentation pour défendre le projet à l’oral, par écrit, etc.

Par rapport aux formations classiques, c’est une approche transversale de l’entreprise, qui permet de mobiliser les synergies entre les différentes disciplines de la gestion. Dans un cursus de formation à la gestion, les apports de cette méthodologie peuvent être déclinés comme suit par disciplines. Signalons à titre d’exemples :

- Au niveau de la gestion comptable et financière. Acquisition et mobilisation de connaissances en comptabilité générale (construction d’un bilan, d’un compte de résultat), analyse financière (ratios, tableau des soldes intermédiaires de gestion, flux de trésorerie, etc.), contrôle et analyse de coûts (marges, seuil de rentabilité, coûts variables, coûts fixes, etc.).

- Au niveau de l’analyse stratégique. Développement de la capacité à rechercher l’information sur les caractéristiques d’un secteur d’activité (la boulangerie dans notre étude de cas) afin d’en extraire les informations pertinentes permettant de porter un jugement sur l’attractivité de cette activité. Mobilisation des principaux outils d’analyse stratégique tels que : l’analyse de la filière, les forces concurrentielles (Porter, 1982, 1986), etc.

- Au niveau juridique, social et fiscal. Être capable de proposer des recommandations au futur créateur, et d’arbitrer sur le meilleur choix, par rapport au statut juridique de l’entreprise, le statut du futur dirigeant, de son conjoint, des associés potentiels…

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- Au niveau de la création d’entreprise et de l’entrepreneuriat. Une sensibilisation des étudiants sur l’importance des différents aspects de la création d’entreprise : le profil du créateur, la validation de l’idée de la création, le montage du projet, le lancement des opérations, etc.

- Au niveau de la politique de communication. La présentation des principaux éléments liés à la politique de communication de la future entreprise, et la cohérence avec la cible à laquelle elle s’adresse (recherche d’un nom, d’un slogan, construction et préparation de plaquettes publicitaires…). Une présentation orale de l’opinion de l’étudiant sur le projet de création devant un public composé (ou jouant le rôle) de futurs investisseurs, de banquiers, fournisseurs, etc.

- Au niveau de la rédaction écrite. Le cas permet d’insister sur l’importance de la forme et de la qualité professionnelle des documents du dossier qui doivent être synthétiques, clairs et argumentés pour répondre à la problématique développée, et aux exigences d’un tiers comme le banquier par exemple.

Ainsi, nos travaux montrent que la méthode des cas facilite la transmission de connaissances essentielles à l’exercice d’une fonction de manager. En effet, elle permet d’apprécier les connaissances acquises par l’étudiant, et surtout de vérifier s’il a bien compris les interactions entre les différentes disciplines enseignées dans un cursus de gestion.

De plus, nous proposons une utilisation simultanée de ces deux méthodes pédagogiques actives (cas et jeux) pour développer les compétences des formés, et in fine améliorer les pratiques de gestion dans les entreprises.

3.2.3. Vers une utilisation simultanée des simulations de gestion et des études de cas

Le principal avantage des deux méthodes présentées dans les paragraphes précédents (§3.2.1. « Simulations de gestion » et §3.2.2. « Études de cas ») est de libérer la potentialité des futurs managers et de les inciter à se comporter en homme d’action, qu’ils seront dans un proche avenir.

Comme les deux méthodes permettent de développer les compétences managériales des participants, nous préconisons une utilisation simultanée de la simulation et des études de cas. A l’instar de Ballaz et al. (1974), nous pensons qu’il « serait erroné de privilégier l’une d’entre elles et à la limite d’en rejeter une comme serait tenté de le faire pour la méthode des cas un auditoire expérimentant pour la première fois à la simulation de gestion et succombant à l’attrait de la nouveauté ».

En effet, la tentation de spécialiser ces deux modes d’enseignement dans leur domaine respectif risque fort de tomber dans le travers d’un enseignement cloisonné des techniques de gestion (cf. §1.1.2.), alors qu’il faudrait au contraire en réaliser une synthèse par le recours

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simultané à ces deux méthodes qui agissent surtout au plan des attitudes et aptitudes (Ballaz et al., 1974).

Dans cette hypothèse, la fonction même d’enseignant-chercheur risque fort d’évoluer, et au-delà des apports pour les étudiants, ces expériences peuvent aussi permettre de faire évoluer les compétences des formateurs.

Ainsi, l’enseignant devient un animateur, un conseiller, un metteur en scène qui transforme la relation traditionnelle entre l’enseignant et l’enseigné, pour mettre en place une pratique pédagogique rigoureuse qu’il pourra utiliser comme terrain ou objet d’observation scientifique.

Éléments de synthèse sur les apports de la recherche effectuée sur les simulations de gestion et les études de cas

Par rapport aux convictions que nous défendons dans notre projet de recherche, les résultats des travaux effectués sur les simulations de gestion et les études de cas montrent notre attachement à :

- la transversalité de la formation et de la recherche en sciences de gestion. En effet, les simulations et les études de cas permettent un apprentissage simultané en termes de savoirs (acquisition et mobilisation de compétences techniques), de savoir-faire (acquis par la mise en pratique et la mise en situation), et de savoir-être (compétences comportementales liées au travail de groupe).

- L’importance de la mise en action du formé et de la mise en scène de la formation comme facteurs facilitant l’apprentissage des principales règles (et techniques) de gestion des entreprises, le développement des capacités de synthèse à l’écrit, et l’acquisition de techniques de communication orale. En effet, la principale caractéristique des simulations et des études de cas est de privilégier la formation par la mise en situation plutôt que l’enseignement magistral.

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Synthèse du chapitre 3

Les travaux présentés dans ce chapitre portent sur l’évaluation des actions de formation pour développer les compétences individuelles des acteurs. Notre conviction profonde est de considérer que le principal levier d’action dans les entreprises est l’homme, et, dans ce cadre, la formation peut jouer un rôle essentiel pour développer le potentiel humain.

Trois types de formations actives ont été analysés : le théâtre, les simulations de gestion et les études de cas.

Ces recherches ont tout d’abord permis de voir comment ces méthodes contribuent au développement personnel des managers, et facilitent l’acquisition de compétences managériales.

De plus, ce travail de réflexivité sur nos recherches effectuées au niveau des stratégies de développement des individus, nous permet de préciser trois régularités méthodologiques que l’on retrouve dans notre projet de recherche :

- l’existence de résultats descriptifs tels que la présentation détaillée des monographies qui constituent nos terrains de recherche, et du dispositif méthodologique mis en place ;

- la présence de résultats explicatifs qui permettent de comprendre les avantages, les inconvénients, et les leviers utilisés pour expliquer l’efficience et l’efficacité de ces méthodes de formation active (la mise en situation des formés, la multiplicité des techniques utilisées, le recours au jeu, le rôle de la Direction, etc.) ;

- des résultats prescriptifs destinés à des praticiens gestionnaires ou à des enseignants-chercheurs. Citons à titre d’exemples, la présence de recommandations sur les conditions de succès et les obstacles à la mise en œuvre des méthodes de formation active qui doivent cohabiter avec les méthodes traditionnelles.

Voyons pour conclure, comment nous mobilisons ces différentes expérimentations pour travailler sur la conception d’un modèle d’analyse des relations complémentaires et ambigües qui existent entre la recherche et l’enseignement en sciences de gestion.

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Conclusion générale

Nous concluons ce travail par une présentation succincte de l’axe de recherche sur lequel nous travaillons actuellement : la gestion l’articulation entre l’enseignement et la recherche en sciences de gestion. Les apports personnels et professionnels liés à l’élaboration de cette note de synthèse seront présentés dans un second temps.

A. La gestion de l’articulation entre l’activité de recherche et l’enseignement

Cet axe de recherche s’inscrit dans le prolongement des travaux présentés sur l’utilisation des méthodes de formation active comme objet de recherche en sciences de gestion (cf. chapitre 3 ci-dessus). La rédaction de cette note de synthèse nous a en effet conduits à effectuer une analyse réflexive sur la façon dont nous exerçons notre fonction d’enseignant-chercheur, et plus précisément sur le fait de voir « comment un enseignant-chercheur peut gérer l’articulation entre l’enseignement et la recherche en sciences de gestion pour que ces deux activités se renforcent mutuellement ». Paradoxalement, cette question qui est au cœur du métier d’enseignant-chercheur (Boissin, 2009) et de ses préoccupations quotidiennes, est peu traitée par ces mêmes chercheurs en sciences de gestion, alors que la majorité des institutions de formation souhaitent établir des liens étroits entre recherche et formation (Ramanantsoa, 2003 ; Courpasson, 2006 ; Tarondeau, 2007).

Ce projet vise une finalité très pratique, puisque les réponses fournies pourront servir aux enseignants-chercheurs qui rencontrent souvent des difficultés pour gérer harmonieusement leurs activités de formation et de recherche. Les organismes de formation trouveront également des éléments de réflexion sur la place de l’activité de recherche dans la formation, et la place de la formation dans l’activité de recherche.

Pour cela, nous verrons tout d’abord la nature des relations ago-antagonistes qui existent dans le couple formation et recherche. Ensuite, nos travaux mettront en lumière le rôle clé joué par l’action de l’enseignant-chercheur qui adopte une logique d’extenseur pour que les activités d’enseignement et de recherche s’améliorent ensemble et se renforcent mutuellement, dans le domaine des sciences de gestion. Enfin, le modèle conceptuel d’analyse des relations qui existent entre la recherche et la formation en gestion sera présenté dans un dernier temps.

a. Recherche et formation en sciences de gestion : des relations complémentaires et … ambigües

Par rapport à la recherche en sciences de gestion, nous avons signalé dans le chapitre 1 que sa finalité était d’améliorer la performance organisationnelle (Verstraete, 2007). Pour cela,

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ses méthodes doivent aboutir à des propositions (Marchesnay, 1991) et intégrer des recommandations pour l’action (Savall et Zardet, 2004).

Par rapport à l’enseignement de la gestion, Laroche (2007) signale que sa finalité est de former des praticiens de la gestion ; c’est-à-dire diffuser les pratiques de gestion de manière à ce que les enseignés une fois formés, puissent pratiquer la gestion conformément aux enseignements de gestion reçus. Pour cela, Perez (2004) précise que la formation peut mettre l’accent soit sur les contenus, soit sur les comportements.

Très schématiquement, trois dimensions permettent de comprendre la topographie de la formation à la gestion en France (voir figure n°6) : les organismes d’offre de formation (les écoles ou l’université), le type de formation dispensée (formation continue ou formation initiale), et les éthos des formateurs (praticiens, enseignants, enseignants-chercheurs) qui conditionnent les modèles d’enseignement.

Figure n°6 : Tryptique de la formation à la gestion en France

Par rapport à notre recherche, ces trois dimensions, permettent de formuler les observations suivantes sur la formation à la gestion :

- Au niveau de l’offre de formation à la gestion, il coexiste en France deux grands systèmes qui se côtoient : les écoles de commerce (consulaires ou privées) et l’université. Compte tenu de la globalisation du marché de la formation et des problèmes d’accréditation liés aux normes internationales de qualité ; les universités et la plupart des grandes écoles sont tenues d’intégrer la dynamique « recherche - formation » dans leur stratégie de développement (Jameux, 2009).

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Signalons à titre d’exemple la tendance actuelle qui s’accélère dans les écoles de commerce vers une politique de recrutement ou de promotion interne en faveur des enseignants reconnus par les critères académiques tels que le Doctorat, l’habilitation à diriger des recherches (HDR), ou l’agrégation de l’enseignement supérieur.

- Au niveau des cibles, les formations à la gestion peuvent être effectuées dans le cadre d’actions de formation continue (intra-entreprises, interentreprises, dans l’entreprise, au sein de l’organisme de formation) ou de formation initiale (du premier cycle au doctorat). Le profil des apprenants est une variable clé qui conditionne les objectifs du programme de formation, les méthodes pédagogiques utilisées, le contenu des enseignements, et… les relations que peut entretenir l’activité de formation et de recherche. Sur ce dernier point, Moingeon (2003) signale que le dialogue peut-être très productif entre la recherche en gestion et la formation des dirigeants : « l’animation de séminaires de formation peut-être appréhendée par le professeur-chercheur comme une opportunité de tester la validité des résultats de ses recherches, voire d’identifier de nouveaux questionnements ». Ainsi, les actions de formation continue, peuvent constituer un terrain fertile pour la recherche en sciences de gestion en facilitant l’accès aux dirigeants, aux salariés, ou aux autres parties prenantes de l’entreprise. Pour la formation initiale le problème semble être plus complexe compte tenu de la multiplicité des niveaux et des situations de formation. Par exemple, au niveau des troisièmes cycles, les liens entre recherche et formation sont assez évidents, puisque les études doctorales constituent notamment une initiation à la recherche. En revanche, la question de la connexion entre l’enseignement en premier ou second cycle et la recherche, reste encore posée aujourd’hui18

.

- Enfin, par rapport aux formateurs, Laroche (2007) identifie trois modèles fondamentaux d’enseignement de la gestion en fonction du profil du formateur. Le modèle direct (dans lequel l’enseignement de la gestion se fait directement par les praticiens), le modèle pédagogique (dispensé par des enseignants professionnels qui mobilisent un savoir-faire et des techniques pédagogiques, pour une meilleure transmission des pratiques), et le modèle académique qui est une version encore plus élaborée que les deux précédentes, car les enseignants sont aussi des chercheurs qui contribuent à développer les savoirs sur les pratiques de gestion, à travers des démarches scientifiques.

Dans les deux premiers modèles (direct et pédagogique), les résultats des travaux de recherche obtenus par des chercheurs vont nourrir et renforcer les actions de formation

18 Pour notre part, c’est ce dernier point que nous souhaitons aujourd’hui approfondir dans cet axe de recherche.

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effectuées par des formateurs praticiens ou enseignants professionnels (qui n’ont pas d’activité de recherche). Dans le modèle académique, l’enseignant-chercheur s’appuie sur les techniques pédagogiques, la production de connaissances scientifiques, et sur une théorisation susceptible d’améliorer la qualité de l’enseignement et de la recherche. Nos travaux portent sur ce dernier modèle (académique) pour analyser l’interface et les interactions entre les activités de recherche et de formation en sciences de gestion. Dans ce cas, la population des participants en formation constitue simultanément un terrain d’expérimentation pour transmettre et produire des connaissances d’intention scientifique, en sciences de gestion.

Voyons ci-après deux cas d’expérimentations, qui montrent comment la recherche en gestion peut renforcer la formation et réciproquement.

Cas d’expérimentation n°1. Quand la recherche en gestion nourrit la formation.

Ce premier cas concerne le projet de recherche intitulé ThéMaStrat19

- facilite la mise en place d’un processus cumulatif d’acquisition de données sur une population de futurs managers d’année en année ;

qui porte sur l’utilisation du théâtre pour développer les compétences des managers en activité. Cette expérimentation a démarré sur la base d’un projet de recherche classique négocié avec une grande entreprise qui a utilisé le théâtre pour former plus de 200 managers dans le cadre d’une action de formation continue (cf. §3.1.2). Les résultats de cette recherche ont permis de montrer que le théâtre est un outil pertinent de formation au management, dans le cadre d’actions de formation continue dans les entreprises. Le processus de validation des résultats obtenus est passé par la voie classique de diffusion auprès des praticiens commanditaires (rapport écrit et présentation orale), et de la communauté scientifique par la voie de communications dans des colloques ou d’articles publiés dans des revues académiques.

Les premiers résultats de recherche obtenus en entreprise, nous ont ensuite conduits à transférer cette méthode pédagogique à l’université pour l’expérimenter auprès d’étudiants en formation initiale qui seront de futurs managers, et à mettre en place un dispositif méthodologique de recherche qui vise la production de connaissance d’intention scientifique.

Aujourd’hui, ce module de formation a été suivi par plus d’une centaine d’étudiants, et constitue à son tour un terrain de recherche à part entière qui :

- permet de tester des hypothèses descriptives, explicatives et prescriptives sur l’évaluation de cette méthode pédagogique active ;

- permet des traitements comparés entre les résultats obtenus auprès de managers en activité et auprès d’une population d’étudiants.

19 « ThéMaStrat » : projet de recherche qui vise à analyser les relations entre le Théâtre et le Management Stratégique.

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Ainsi, cette action de transfert a permis de créer un module de formation qui n’existait pas à l’université. Et, ce module de formation constitue un nouveau terrain pour une recherche longitudinale qui relève de la recherche-action : expérimentation, observation participante de l’enseignant-chercheur, recueil de données par la voie d’un questionnaire élaboré sur la même structure que celui utilisé au cours de la recherche effectuée en entreprise, réalisation d’entretiens, et analyse de contenu d’un rapport écrit rédigé par les participants sur le module de formation auquel ils ont participé.

La figure n°7 présente une première approche séquentielle des interactions entre la recherche et l’enseignement. Par rapport à la gestion des interactions entre la recherche et la formation, cette expérimentation montre que l’activité de recherche peut enrichir l’activité d’enseignement dans un premier temps, et cette dernière alimente ensuite à son tour les résultats de l’activité de recherche.

Figure n°7. L’activité de recherche en gestion comme point de départ du transfert.

Voyons à présent comment l’activité d’enseignement peut aussi constituer le point de départ du processus d’enrichissement réciproque entre la recherche et l’enseignement.

Cas d’expérimentation n°2. Quand la formation renforce la recherche en gestion.

Dans le cadre de notre activité d’enseignement nous avons toujours procédé à une évaluation des simulations de gestion que nous avons animées. Dans une perspective de recherche, ces évaluations nous ont permis de formaliser un projet de recherche longitudinal qui vise à évaluer l’efficacité des simulations de gestion pour former au management.

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Donc, le point de départ de cette expérimentation a été l’activité d’enseignement qui a ensuite été progressivement étendue et transférée sur le terrain de la recherche. Le dispositif méthodologique mis en place :

- s’appuie sur un processus cumulatif d’acquisition de données dans le temps sur différents types de populations, pour faciliter l’identification d’invariants ;

- permet une collecte de données par triangulation pendant les sessions de formation : observation participante, questionnaires, et réalisation d’entretiens avec les participants.

Les résultats de recherche (descriptifs, explicatifs, et prescriptifs) participent à la production de connaissances en sciences de gestion. A titre d’exemples, ils permettent de mesurer et d’expliquer la satisfaction des participants, d’effectuer des propositions sur les conditions d’utilisation de la méthode, et d’évaluer les apports en termes de compétences de gestion acquises. Le processus de validation des résultats de recherche passe par une diffusion classique des résultats à la communauté scientifique par la voie de communications dans des colloques, ou d’articles. De plus, ces résultats de recherche sont ensuite transférés dans les sessions de formations ultérieures et contribuent ainsi à une transformation de notre modèle pédagogique personnel.

Sur le plan conceptuel, la figure n°8 montre que dans un premier temps l’activité d’enseignement peut nourrir la recherche, et dans un second temps, les résultats de la recherche permettent à leur tour d’améliorer les pratiques de formation au management.

Figure n°8. L’activité d’enseignement comme point de départ du transfert.

A ce stade, les figures n° 7 et 8 (ci-dessus) présentent une approche séquentielle des interactions entre l’activité d’enseignement et de recherche, qui se caractérisent par des

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processus reproductifs de type cumulatifs à visée transformative. Les boucles de rétroactions de sorties mettent ainsi en lumière « une autre façon » de faire de la recherche (Moingeon, 2003) qui contribue à une transformation du modèle d’enseignement de la gestion de type académique (pratiqué par les enseignants-chercheurs).

Voyons ci-après le rôle clé joué par l’action de l’enseignant-chercheur qui est à l’origine et au cœur de ces transformations.

b. L’action de l’enseignant-chercheur comme levier de développement des synergies entre l’enseignement et la recherche

L’activité d’enseignement est un lieu de rencontre entre l’enseignant et son public en formation. Les interactions entre ces deux parties prenantes visent en tout premier lieu la transmission de connaissances. Et nous avons vu dans les paragraphes précédents que sous l’impulsion de l’enseignant-chercheur, ces interactions peuvent aussi faciliter la coproduction de connaissances d’intention scientifique.

De plus, l’enseignant-chercheur ne travaille pas en vase clos puisque son activité (d’enseignement et de recherche) le conduit toujours à rencontrer d’autres acteurs tels que des praticiens, d’autres enseignants ou d’autres chercheurs. Ces différents lieux de rencontres constituent potentiellement des lieux de production et de transmission de connaissances, lorsque l’enseignant-chercheur adopte une « logique d’extenseur » (cf. §1.2.2.) qui le pousse à développer les synergies entre l’enseignement et la recherche en gestion.

Voyons à titre d’exemple, comment les stratégies de coopérations entre ces différents acteurs peuvent faire émerger de nouveaux projets de recherche, et contribuer à développer simultanément les compétences des deux « alliés » en formation et en recherche. Nous nous appuyons sur le cas d’une coopération que nous avons mise en place avec un praticien expert-comptable (PAST20

- Le premier concerne l’enrichissement réciproque du praticien et de l’enseignant-chercheur qui a lieu tout au long du processus de construction du cas. Issus de disciplines différentes, cette expérimentation leur permet d’acquérir de nouvelles compétences dans des domaines qui ne leur sont pas familiers au départ. Le décloisonnement disciplinaire, joue ici un rôle clé dans le processus d’apprentissage

) pour concevoir et co-animer une étude de cas sur la création d’entreprises.

Au niveau des « alliés », les apports de la coopération peuvent être résumés en deux points :

20 PAST : Professeur Associé Temporaire.

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et contribue à l’enrichissement réciproque des compétences pédagogiques des formateurs.

- Le deuxième aspect porte sur la complémentarité des alliés par rapport à la co-animation du cas. Citons à titre d’exemple, la construction de mimodrames ou d’improvisations entre les formateurs, dont la chute permet à l’étudiant de trouver par lui-même la réponse aux questions qu’il s’est posé ; et de faire ainsi passer les principaux messages liés à la gestion des entreprises. Comme au théâtre, ou dans le milieu sportif la répétition de ces situations contribue à améliorer les compétences des formateurs pour utiliser les méthodes pédagogiques actives.

Par rapport à la gestion de l’articulation entre l’enseignement et la recherche, précisons tout d’abord que la mise en œuvre de stratégies de coopérations entre des praticiens et des enseignants-chercheurs demandent du temps. Donc, pour qu’elles puissent émerger, être mises en place et perdurer, le mode de raisonnement des parties prenantes doit s’inscrire dans une « logique d’extenseur » (Fiol, 2003), et non pas dans une logique binaire de curseur. Dans une logique de curseur l’objet même de l’existence des professeurs associés à l’université est de faire bénéficier l’enseignement de la richesse de leur expérience acquise dans les entreprises. Mais pourquoi ne pas faire bénéficier aussi la recherche des connaissances et des compétences des praticiens, et réciproquement ? Notre expérimentation engagée depuis cinq années, montre qu’en adoptant une logique d’extenseur, ces stratégies de coopérations peuvent aussi contribuer à faire évoluer les modèles pédagogiques, et à développer les compétences des praticiens en recherche, ou tout au moins les associer à la recherche.

De plus, cette coopération qui a porté sur la conception et l’animation d’une étude de cas, nous a conduits à mettre en place un processus incrémental de recueil de données auprès des publics en formation, pour travailler sur deux nouveaux projets de recherche :

- le premier concerne une recherche sur l’entrepreneuriat. L’objectif est d’évaluer la sensibilité des étudiants à la création d’entreprises, et de mesurer leurs évolutions comportementales suite aux actions de formation. Cette recherche se situe dans la lignée des travaux qui cherchent à mesurer si le fait de suivre une formation à l’entrepreneuriat influence l’intention entrepreneuriale (Ajzen, 1991 ; Dyer, 1994 ; Kolvereid et Moen, 1996 ; Fayolle, 2005 ; Boissin et Emin, 2007). Ainsi, les questionnaires distribués aux participants sont ceux utilisés à grande échelle dans plus d’une vingtaine de pays par l’Observatoire des Intentions Entrepreneuriales des Étudiants (Boissin et Emin, 2007). A ce jour, nous avons recueilli plus de 250 questionnaires distribués au début et à la fin des séminaires sur la création d’entreprises qui viendront alimenter cette base de données mondiale.

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- le second projet de recherche vise à évaluer l’efficacité des méthodes pédagogiques actives pour former à la gestion. L’expérimentation décrite ici, constitue un volet supplémentaire d’une recherche-action longitudinale qui porte sur l’efficacité des méthodes de formation fondées sur le jeu et la mise en situation comme outil de formation à la gestion.

En bref, retenons l’idée clé suivante : les résultats de cette coopération ont permis un transfert réciproque de compétences entre le praticien et l’enseignant-chercheur ; et le matériau recueilli sur ce terrain permet d’alimenter deux projets de recherche en cours de réalisation.

c. Vers la construction d’un modèle intégrateur d’analyse des complémentarités entre recherche et enseignement

Une analyse réflexive sur les expérimentations décrites ci-dessus, et la revue de la littérature existante, nous conduisent aujourd’hui à proposer un modèle conceptuel intégrateur qui facilite l’analyse des complémentarités réciproques entre la recherche et la formation. Ce modèle est présenté dans la figure n° 9 ci-dessous.

Figure n° 9. Modèle d’analyse des relations entre l’enseignement et la recherche

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Tout d’abord, ce modèle montre que la production de connaissances (recherche) et la transmission de ces connaissances (enseignement) sont des activités distinctes et qu’il ne faut pas les confondre. Mais, loin de s’opposer, les activités d’enseignement et de recherche sont complémentaires. La recherche peut servir l’enseignement et réciproquement l’enseignement peut nourrir la recherche.

Contrairement aux deux figures précédentes (figure n°7 et n°8), l’aspect séquentiel a disparu. Ici, le point de départ de la fertilisation croisée concerne l’action de l’enseignant-chercheur qui adopte une logique d’extenseur dans son travail quotidien, pour impulser un mouvement perpétuel de renvois mutuels, entre les deux pôles ago-antagonistes que constituent la recherche et l’enseignement.

Ainsi, ce modèle permet aujourd’hui de mettre en relief deux idées force qui jalonnent notre projet de recherche :

- Idée force n° 1. Au cœur de la construction du modèle : le rôle de l’enseignant-chercheur qui travaille sur l’action et dans l’action. En effet, l’action du chercheur est une variable clé pour gérer les tensions ago-antagonistes (paradoxales) qui existent entre les activités de recherche et de formation, et pour parvenir à transformer des résultats de recherche en contenu de formation (ou l’inverse). Dans tous les cas, en sciences de gestion, l’objectif de l’enseignant-chercheur est de produire et de transmettre de la connaissance actionnable à des praticiens, au reste de la communauté scientifique, ou à un public en formation (initiale ou continue).

- Idée force n° 2. L’action de l’enseignant-chercheur s’inscrit dans une logique d’extenseur (et non pas de curseur) entre les deux activités. Contrairement au modèle statutaire actuel des enseignants-chercheurs fondé sur l’existence d’un « supposé continuum » entre l’activité de recherche et d’enseignement, il nous semble préférable aujourd’hui de parler de complémentarités réciproques, car « enseignement » et « recherche » ne sont pas synonymes. Sur ce point, l’actualité sociale évoquée sur la « révolte des universités françaises », a montré qu’une forte partie d’enseignants-chercheurs universitaires ne croient plus aujourd’hui en ce modèle illusoire, et sont passés à un modèle de « désenchantement statutaire » qui les conduits souvent à privilégier l’activité de recherche ou l’activité de formation, en fonction de leurs objectifs personnels de carrière.

Éléments de synthèse sur la gestion de l’articulation entre l’activité de recherche et l’enseignement

En bref, nous avons vu que la recherche et la formation entretiennent des relations complémentaires et aussi ambigües. Pour mieux comprendre et gérer ces relations, le modèle

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d’analyse conceptuel proposé dans ce paragraphe est tiré de trois cas d’expérimentations qui mettent en lumière l’intérêt de la « logique d’extenseur », par rapport à une logique de curseur.

Le modèle proposé pourra servir aux nombreux enseignants-chercheurs qui rencontrent des difficultés pour gérer harmonieusement leurs activités d’enseignement et de recherche, car implicitement, la tendance dominante est de considérer que « la principale fonction de la recherche est la production de connaissances, et celle de l’enseignement de les transmettre ».

L’idée force défendue dans nos travaux est de souligner les limites d’une opposition binaire en sciences de gestion, et de proposer aux enseignants-chercheurs d’adopter une position dialectique qui pousse à rechercher des formes intermédiaires entre ces deux pôles ago-antagonistes. En d’autres termes, l’enseignement et la recherche ne sont pas synonymes, mais ils sont complémentaires, compte tenu de l’existence d’une zone fertile qui facilite les transferts entre les deux activités, et qui peut permettre de mettre la recherche au service de la formation à la gestion, et réciproquement.

B. Apports personnels et professionnels liés à l’élaboration de la note de synthèse

La réalisation de cette note de synthèse s’est appuyée sur une analyse réflexive de travaux qui ont souvent été réalisés en fonction de rencontres ou d’opportunités, et qui ont fait l’objet de publications.

La rédaction de ce document a permis de constater que nous avons travaillé sur une assez large diversité de thèmes propres aux sciences de gestion. Citons à titre d’exemples : les stratégies de coopérations interentreprises, les stratégies d’internationalisation des PME, la méthodologie de recherche, des travaux sur la mise en relation entre le théâtre et le management, l’évaluation de méthodes pédagogiques actives, des projets sur la création d’entreprises, etc.

Ces différents travaux ont fait l’objet d’une segmentation en trois grands ensembles qui permettent de différencier plusieurs niveaux d’actions, et constituent les axes de notre projet de recherche :

- le premier porte sur l’action du chercheur en sciences de gestion (positionnement épistémologique et méthodologie présentés dans le chapitre 1) ;

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- Le deuxième concerne les actions liées à la stratégie de développement au niveau des entreprises (chapitre 2) ;

- Et le troisième sur les actions de développement des compétences et de transformation des comportements au niveau individuel (chapitre 3).

Ainsi, ce travail d’introspection a facilité la mise en lumière d’un certain nombre d’invariants qui sont toujours pris en compte dans tous nos travaux de recherche. Ces invariants traduisent nos convictions profondes sur notre vision de la recherche en sciences de gestion, et permettent de mettre en relief les principes génériques qui jalonnent notre projet. Citons à titre d’exemples :

1. Le refus d’une approche dichotomique pour faire de la recherche en gestion. Nous refusons d’inscrire nos travaux dans une logique de raisonnement binaire qui conduit à accepter un jeu de substitution entre les deux pôles d’un couple : par exemple, la production et la transmission de connaissances, la théorie et la pratique, le volontarisme et de déterminisme, le qualitatif et le quantitatif, l’inductif et le déductif, etc. Nous nous inscrivons dans le cadre d’une épistémologie pragmatique ou un pragmatisme épistémologique, qui insiste sur l’importance de la coopération et du décloisonnement.

2. Le fait de privilégier l’analyse des zones de « frottement » comme objet de recherche. A ce titre les interfaces et les interactions constituent deux concepts clés qui sont au cœur de toutes nos problématiques de recherche. Par exemple, les interfaces inter-organisationnelles étudiées dans les recherches sur les coopérations, les interfaces entre les entreprises et l’environnement dans le cas des stratégies d’internationalisation, les interactions entre l’apprenant et le formateur, les interactions entre la recherche et l’enseignement, etc.

3. La visée transformative des sciences de gestion, qui justifient le recours à une méthodologie d’inspiration socio-économique pour traiter nos problématiques de recherche constitue le troisième invariant de notre projet. Ainsi, trois principes de l’analyse socio-économique constituent les fondements épistémologiques de notre action de production de connaissance d’intention scientifique : la contingence générique, l’interactivité cognitive, et l’intersubjectivité contradictoire (cf. § 1.2.1.). Deux autres approches complètent ce référentiel de base : l’approche ago-antagoniste qui montre les limites liées à un raisonnement binaire, et l’approche métaphorique pour ses vertus pédagogiques.

La structure de la note de synthèse reflète aussi l’évolution de notre activité d’enseignant- chercheur en sciences de gestion, dont l’objet est de travailler sur des actions à visée transformative à deux niveaux : celui des entreprises et celui des individus.

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Au niveau de l’entreprise, nos travaux sur les coopérations interentreprises ont tout d’abord fourni des apports conceptuels (construction de typologies), et des propositions concrètes aux dirigeants sur la formation, la mise en œuvre et l’évolution des coopérations multipoints. Ensuite, en travaillant sur les stratégies d’internationalisation, nos recherches permettent d’intégrer les interactions de l’entreprise avec son environnement et par voie de conséquence la notion de territoire en sciences de gestion. En bref, cet ensemble de travaux présentés dans le chapitre 2, permet de mieux appréhender la complexité organisationnelle, et de montrer comment les firmes gèrent les interactions avec leur environnement.

Mais, l’entreprise ne peut exister sans les individus qui la composent. Ainsi, tout naturellement, nos travaux se sont progressivement orientés vers l’analyse des actions qui visent le développement individuel des acteurs. Cet axe de recherche devient aujourd’hui une priorité dans notre projet de recherche, car notre conviction profonde explicitement affichée est de considérer que le principal levier d’action dans les entreprises est l’homme. Sur ce point, les travaux présentés dans le chapitre 3 montrent que les méthodes pédagogiques actives sont un outil pertinent pour la formation au management et le développement des individus.

Ces travaux constituent le socle de nos recherches en cours qui portent sur les lieux de production et de transmission de connaissances d’intention scientifique, et plus précisément sur la fertilisation croisée des actions de production et de transmission de connaissances en sciences de gestion. Une analyse réflexive sur notre pratique d’enseignant-chercheur a permis de montrer comment nous mettons en relation au quotidien notre activité de recherche et d’enseignement. Cette réflexion a aboutit sur la construction d’un modèle d’analyse conceptuel des complémentarités entre l’enseignement et la recherche en sciences de gestion. Ce modèle permet :

- d’insister sur l’importance de l’action de l’enseignant-chercheur pour produire et transmettre des connaissances d’intention scientifique aux praticiens, aux autres chercheurs, et aux étudiants qui seront de futurs managers ;

- d’illustrer les avantages des stratégies de coopérations entre praticiens et enseignants-chercheurs ;

- de montrer qu’il existe des complémentarités réciproques entre l’enseignement et la recherche en sciences de gestion. En effet, si les résultats obtenus au cours de l’activité de recherche peuvent enrichir l’activité d’enseignement ; nous avons aussi vu qu’une pratique pédagogique rigoureuse peut contribuer à enrichir les travaux de recherche, voire même en constituer un objet de recherche à part entière.

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Ainsi, dans le contexte économique et social actuel, nous pensons que le modèle d’analyse des complémentarités entre l’enseignement et la recherche pourra aider à accompagner l’évolution de la fonction d’enseignant-chercheur.

Les orientations futures de notre projet sont de poursuivre nos recherches sur l’épistémologie et la méthodologie de recherche utilisée en sciences de gestion (cf. chapitre 1). Cela passe par l’exploitation de différents matériaux en notre possession, et la réalisation de nouvelles recherches expérimentales et incrémentales sur les méthodes de formation active considérées comme des vecteurs de production et de transmission de connaissances en sciences de gestion. L’objectif final est de travailler sur le rôle joué par la dimension « transmission » dans le processus de production de connaissances d’intention scientifique, afin de voir si elle (la transmission) constitue un indicateur pertinent pour évaluer l’impact des recherches en gestion. A ce jour deux communications ont été présentées sur ce thème dans deux colloques21

Le second apport concerne l’importance de la représentation et la perception des acteurs pour analyser l’objet complexe en sciences de gestion. En effet, la représentation des acteurs de l’entreprise, mais aussi celle du chercheur, conditionne leurs actions opérationnelles et stratégiques. Plusieurs de nos travaux insistent sur l’importance de la perception pour mieux cerner la réalité de l’objet étudié. Par exemple, dans le cas des

, et les retours obtenus nous conduisent aujourd’hui à transformer ces papiers en articles.

Nous concluons en soulignant l’impact lié à la réalisation de cette note de synthèse en termes d’apprentissage, puisque ce travail s’appuie sur une réflexion professionnelle sur nos pratiques d’enseignement et de recherche.

Tout d’abord, cette étape nous a conforté dans l’idée de continuer à utiliser la « réflexivité », comme outil méthodologique pour faire de la recherche en sciences de gestion. Nous avions bien constaté dans nos différentes recherches que la réflexivité est au cœur du processus d’apprentissage des managers et des étudiants : avec cet exercice académique, nous avons expérimenté l’importance de ce concept clé (la réflexivité), en effectuant personnellement ce travail de recherche sur notre propre recherche dans le cadre de cette HDR.

21 3.1. « La transmission de connaissances : un indicateur d’évaluation des effets des recherches en gestion », colloque de l’Academy of Management, Lyon, les 15 et 16 juin 2011.

3.2. « La méthode M.I.M.E. comme vecteur de production et de transmission de connaissances entrepreneuriales », colloque de l’Académie de l’Entrepreneuriat, Paris, 15 et 16 octobre 2011.

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coopérations multipoints, en fonction du responsable interviewé, « le tout peut-être considéré être différent ou égal à la somme des parties ».

En transposant cet exemple sur le plan personnel, je suis conduit à conclure ce travail par les deux questions ouvertes suivantes :

- peut-on dire que le métier d’enseignant-chercheur est différent ou égal à la somme de deux activités qui le composent, à savoir l’enseignement et la recherche ?

- De même, le produit final que constitue cette note de synthèse pour l’habilitation à diriger des recherches n’est-il pas différent de la somme des travaux qui la composent ?

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Bibliographie

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Verstraete T, « A la recherche des sciences de gestion », Revue Française de Gestion, n° 178-179, 2007, p. 91-105.

Véry Ph., Stratégies de diversification. Nouvelles perspectives, éd. Liaisons, 1991.

Véry Ph., Des fusions et des hommes, éd. d’Organisation, 2002.

Viton C., « Le jeu de rôle comme mode de cognition par l’expérimentation », Education permanente, N° 172, 2007, p. 119-129.

Wacheux F., Méthodes qualitatives et recherche en gestion - Economica – 1996.

Watzlawick P., La réalité de la réalité. Confusion, désinformation, communication, coll. Points, Essais, 1978.

Watzlawick P., Le langage du changement. Éléments de communication thérapeutique, coll. Points, Essais, n° 186, 1980.

Weick K.E., (1989), « Theory Construction as Disciplined Imagination », Academy of Management Review, vol. 14, n° 4, 1989, p. 516-531.

Williamson O.E., Markets and Hierarchies: Analysis and Antitrust Implications, Free Press, 1975.

Yoshino M.Y., Rangan U.S., Strategic Alliances, An Entrepreneurial Approach to Globalization, Cambridge, MIT Press, 1995.

Melchior Salgado. Dossier pour l’Habilitation à Diriger des Recherches

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Annexes

Table des annexes : Annexe n°1 : Liste des travaux.

Annexe n°2 : Curriculum Vitae détaillé.

Annexe n°3 : Sélection des publications transmises (volume séparé).

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Annexe n°1. Liste des travaux mobilisés pour la note de synthèse HDR.

Thèse de doctorat et mémoire de D.E.A. 1.1. « Analyse théorique et pratique des coopérations multipoints ». Thèse de Doctorat en

sciences de gestion de l’Université Jean-Moulin, Lyon 3. Soutenue le 1° décembre 1998, mention très honorable avec les félicitations du jury à l’unanimité et proposition de subvention pour publication. Directeur de thèse : Professeur Francis BIDAULT, IMD Lausanne. Rapporteurs : Professeur Robert PATUREL, Université Pierre Mendès France, Grenoble ; Professeur Henri SAVALL, Université Lyon 2. Suffragants : Professeur Roland PEREZ, Université de Montpellier 1 ; Professeur Jean-Jack CEGARRA, Université Lyon 3.

1.2. « Analyse des dysfonctionnements liés à l’interface entre la fonction commerciale et administrative ». Mémoire de DEA de gestion socio-économique des entreprises et des organisations, Université Lumière Lyon 2. Soutenu en juin 1990, avec mention. Directeur du mémoire : Roland Calori, Professeur à l’EM Lyon. Suffragants : Marc Bonnet, Professeur à l’Université Lyon 2, Alain Patout, Directeur Régional Treficable Pirelli.

Articles publiés dans des revues à comité de lecture. 2.1. « Tous sur scène ! Comment le théâtre peut-il aider à former les cadres ? », Gestion,

Revue Internationale de Gestion, volume 35, n°4, pp. 19 à 26, hiver 2010. 2.2. « Les jeux d’entreprises : un outil de formation au management », Revue Éducation

Permanente, n°178, pp. 143 à 150, 2009. 2.3. « Le théâtre : un outil de formation au management », Revue Française de Gestion,

volume 34/181, pp. 77 à 96, 2008. 2.4. « Peut-on anticiper l’évolution des coopérations interentreprises ? » ; Revue Sciences

de Gestion, n° 33, pp. 11 à 34, 2002. 2.5. « Stability and Complexity of Inter-Firm Cooperation : The Case of Multi-Points

Alliances” ; European Management Journal, volume 19, number 6, December 2001. Co-auteur : Francis Bidault. Articles en cours de révision 2.6. Gestion des relations paradoxales entre recherche et formation en sciences de gestion, Revue Gestion 2000. Envoyé le 2 novembre 2009, en cours de révision

Communications publiées dans des actes de colloques avec comité de lecture

3.1. « La transmission de connaissances : un indicateur d’évaluation des effets des recherches en gestion », Congrès International Iseor-Academy of Management (AOM) Division «Research Methods», Lyon, les 15 et 16 juin 2011.

3.2. « La méthode M.I.M.E. comme vecteur de production et de transmission de connaissances entrepreneuriales », colloque de l’Académie de l’Entrepreneuriat, Paris, 15 et 16 octobre 2011.

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3.3. « Conduire le changement dans les entreprises et les organisations par le théâtre », Congrès International Iseor-Academy of Management (AOM) Division «Research Methods», Lyon, du 14 au 16 juin 2010.

3.4. « Développer les compétences entrepreneuriales des étudiants et des formateurs par la méthode des cas », 16° colloque de Recherche des IUT, du 9-11 juin 2010. Co-auteur : Patrick Perrin.

3.5. « Production et transmission de savoirs actionnables en sciences de gestion », Congrès International Iseor-Academy of Management (AOM) Division «Research Methods», Lyon, du 8 au 10 juin 2009. Co-auteurs : Sylvain Biardeau et Stephan Bourcieu.

3.6. « Enseignement et recherche en gestion : des complémentarités naturelles ? », 15° colloque de la recherche des IUT, Lille 2009, du 8 au 10 juin 2009.

3.7. « Formation au management : les vertus du théâtre en formation continue et en formation initiale », 14° colloque de la Recherche des IUT, Lyon, France, les 29 et 30 mai 2008.

3.8. « Méthodes qualitatives et quantitatives : des complémentarités naturelles aux complémentarités latentes », Congrès International Iseor-Academy of Management (AOM) Division «Research Methods», Lyon, du 21 au 22 avril 2008. Co-auteurs : Sylvain Biardeau et Stephan Bourcieu.

3.9. « Utiliser le théâtre dans l’enseignement supérieur. Cas d’expérimentation dans une filière de formation au management », 13° Colloque de la Recherche des IUT, Thionville-Yutz, France, les 31 mai et 1° juin 2007.

3.10. « Méthodes qualitatives et quantitatives : des complémentarités naturelles », Congrès International Iseor-Academy of Management (AOM) Division «Research Methods», Lyon, du 26 au 28 mars 2007. Co-auteurs : Sylvain Biardeau et Stephan Bourcieu.

3.11. « Vers une mise en place de méthodes pédagogiques actives dans les cursus de formation au management », 4° colloque UCLouvain, Louvain-la-Neuve, du 24 au 26 janvier 2007.

3.12. « Dynamique d’internationalisation des PME Rhône-Alpines », 8° CIFPME, Association Internationale de Recherche en PME, à Fribourg, Suisse, du 25 au 27 octobre 2006. Co-auteurs : Stephan Bourcieu, Stephane Thivin.

3.13. « Regional structures of support and assistance for creation, technological and international development of SMEs. The case of Rhône-Alpes region, France », 2nd International Conference Baltic Business Development, Szczecin, Pologne, du 3 au 5 septembre 2006. Co-auteurs : Bernd Hoffman, Stephane Thivin.

3.14. « Le théâtre : un outil de gestion au service des managers », 15° Conférence de l’Association Internationale de Management Stratégique, AIMS, Annecy, du 13 au 16 juin 2006.

3.15. « ThéMaStrat : Théâtre et Management Stratégique », Colloque de la Recherche en IUT, CNRIUT, Brest, 1° et 2 juin 2006.

3.16. « Enjeux et pratiques de la Responsabilité Sociale dans les entreprises », Congrès International Iseor-Academy of Management (AOM) Division «Research Methods», Lyon, les 18 et 19 octobre 2005. Co-auteurs : Sylvain Biardeau et Stephan Bourcieu.

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3.17. “Research in Management or research for Management ? When Reseacher becomes Intrapreneur”, 21th EGOS Colloquium Berlin, du 30 juin au 2 juillet 2005. Co-auteur : Stephan Bourcieu.

3.18. « Utiliser le théâtre dans et pour l’entreprise », 14° conférence de l’Association Internationale de Management Stratégique, AIMS, à Angers du 6 au 9 juin 2005.

3.19. « Théâtre et Management Stratégique : des complémentarités naturelles ? », Lyon France, Colloque des 17° Journées des IAE, 13 et 14 septembre 2004.

3.20. « Action research a way of training for young action-researchers? », 20th EGOS Colloquium Ljubjana, Slovaquie, du 1 au 3 juillet 2004. Co-auteur : Stephan Bourcieu.

3.21. « Vers un syncrétisme en recherche managériale ? », Congrès International Iseor-Academy of Management (AOM) Division «Research Methods», Lyon, mars 2004.

3.22. « Conséquences du volontarisme stratégique sur le développement international des PME », Colloque international organisé par l’AIRPME sur « l’Entrepreneur en action : contexte et pratiques », Agadir Maroc, 23 et 24 octobre 2003. Co-auteurs : Stephan Bourcieu et Sylvain Biardeau.

3.23. « CIFRE Conventions: an institutional support for empirical research Results of an exploratory survey », EGOS 19th Colloquium, Copenhague, Danemark, du 3 au 5 juillet 2003. Co-auteur: Stephan Bourcieu.

3.24. « Management for Global Alliances: The Role of General Management», ANZAM / IFSAM Vith World Congress, Management in Global Context : Prospects for the 21st Century, 13-13 July 2002, Queensland, Australia. Co-auteur: Stephan Bourcieu.

3.25. « Management des cooperations interententreprises : le cas des coopérations multipoints », XI° Conférence Internationale Association Internationale de Management Stratégique, ESCP-EAP, Paris, France, 5-7-2002. Co-auteur : Stephan Bourcieu.

3.26. « Apports théoriques et pratiques de la recherche en IUT : cas d’une recherche exploratoire en stratégie d’entreprises », CNRIUT , Le Creusot, mai 2002.

3.27. « The role of international joint venture faced with institutional environment in the development for SMEs in Countries in Transition » ; co-auteur Stephan Bourcieu, colloque international EGOS organisé à Lyon, France, le 5, 6 et 7 juillet 2001.

3.28. « Vers la construction d’une grille d’analyse des coopérations interentreprises » ; Congrès international ASAC-IFSAM, Montréal, Canada, du 8 au 11 juillet 2000.

3.29. « Influence des architectures organisationnelles sur la performance et l’évolution des coopérations interentreprises » ; IX° conférence internationale de Management Stratégique, Montpellier, France, les 24, 25 et 26 mai 2000.

3.30. « Stability and complexity of Inter-firm Cooperation : The Case of Multi-Points Alliances » ; co-auteur Francis Bidault, communication présentée au colloque international organisé sur le thème « Competing through alliance networks : changing dynamics of Industrie Structure », à Barcelone, Espagne, le 27, 28, 29 juin 1999.

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Cahiers de recherche et rapports 4.1. “Evolution for inter-firm cooperation : the case of multi-point alliances », working

paper n° 9801, laboratoire de sciences actuarielle et financière (équipe d’accueil CNRS 2429).

4.2. « Vers la prise en compte de l’aspect global des coopérations interentreprises » ; Cahiers Lyonnais de Recherche en Sciences de Gestion, n°20, avril 1999.

4.3. « Formation, mise en œuvre et évolution des alliances multi-activités » ; rapport de synthèse, 1998.

4.4. « Importance quantitative et enjeux liés à la conclusion d’alliances multi-activités » ; rapport d’étape, 1996.

4.5. “The business of Europe : Managing Change » ; Ouvrage collectif coordonné par Roland Calori et Peter Lorange, éd. Sage Ltd, 1991. Contributeur.

Autres travaux en cours 5.1. « Cas ACR Conseil », Finalisation d’une étude de cas sur la création d’entreprise

pour dépôt à la Centrale des Cas et des Médias Pédagogiques des IUT. Co-auteur : Patrick Perrin.

5.2. Projet de recherche sur l’intention et le comportement entrepreneurial des étudiants.

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Annexe n° 2. Curriculum vitae détaillé

Melchior Salgado 169 cours Lafayette, 69006 Lyon

Tél. : 06 98 85 98 34 - 09 50 61 54 84 Courriel : [email protected]

Né le 7 septembre 1962 à Suertes (Espagne) Marié de « fait ». Un enfant.

Formation

Décembre 1998 : • Doctorat ès sciences de gestion, I.A.E. de Lyon, Université Jean Moulin, Lyon III.

Mention très honorable avec les félicitations du jury à l’unanimité. Titre : Analyse théorique et pratique des coopérations multipoints. Directeur de thèse : Monsieur le Professeur Francis BIDAULT, IMD Lausanne, Université Jean Moulin Lyon III.

Septembre 1990 : • Diplôme d'Études Approfondies (DEA) de Gestion Socio-Economique des

Entreprises et Organisations, co-organisé par l’Université Lumière, Lyon II et l’ESC Lyon. Mention : Bien.

Juin 1989 : • Maîtrise A.E.S.- Gestion des Entreprises-, option finances et comptabilité à

l'Université Jean Moulin, Lyon III.

Juin 1988 : • Licence A.E.S.-Gestion des Entreprises- à l'Université Jean Moulin Lyon III.

Mention : Assez bien. • Diplôme de la Chambre de Commerce Espagnole (Lyon).

De septembre 1985 à juin 1987 : • Diplôme d'Études Universitaires Générales (DEUG) A.E.S. à l'Université Jean

Moulin Lyon III. Mention : Assez bien. • Diplôme Universitaire d'espagnol à l'Université Jean Moulin Lyon III. • Diplôme Préparatoire aux Études de Comptabilité Française (DPECF), à

l'Académie de Lyon.

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Parcours professionnel

Depuis septembre 2000 : Maître de Conférences à l’Université Claude Bernard Lyon 1.

• Fonctions pédagogiques essentiellement exercées au sein du département Gestion des Entreprises et des Administrations de l’IUTA, à l’École Polytechnique Universitaire de Lyon (EPUL) et à l’Institut de Science Financière et d’Assurances (ISFA).

• Responsabilités administratives : - Responsable du diplôme de Maîtrise de Petites et Moyennes Structures de

2004 à 2007 et responsable des stages au sein du département Gestion depuis septembre 2001.

- Membre du comité de sélection à Lyon 1 depuis 2008. - Membre élu au conseil de Gestion du département GEA de 2008 à 2011.

• Activités de recherche et de contribution au développement de la communauté scientifique :

- rattaché au laboratoire de recherche SAF de l’Institut de Science Financière et d'Assurances, Lyon 1 ; École Doctorale de Lyon.

- Participation aux séminaires doctoraux et postdoctoraux mensuels organisés par l’ISEOR.

- Membre de différents comités scientifiques et d’organisation pour des colloques (CNRIUT, l’AOM, 2009).

- Membre de comités de lecture pour des associations telles que l’AIMS, ou l’AIRPME…

- Membre de différentes associations : AIMS, Académie de l’Entrepreneuriat, ADERSE, association des amis de François Perroux.

- Encadrement de travaux en tant que Directeur de mémoire de Master 2 (MIAGE, Master 2 MPMO). Membre de deux jurys thèses de doctorats et de divers jurys de Masters.

- La liste des travaux de recherche figure en annexe n°1

De septembre 1998 à août 2000 : • Professeur contractuel à l’Université Lumière Lyon 2 comme enseignant de

Politique Générale de l'Entreprise. En parallèle : travail à la Direction des Études du département Gestion des Entreprises et des Administrations de l'I.U.T. Lumière et responsable du suivi des anciens élèves.

• Enseignant vacataire à l'Université Claude Bernard, Lyon 1 : cours d'économie industrielle aux étudiants de Maîtrise Informatique Appliquée à la Gestion (MIAG).

• Enseignant vacataire à l'Université Jean Moulin Lyon 3 : cours de comptabilité générale aux étudiants du D.U.T. Carrières Juridiques.

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• Enseignant vacataire à l'EM Lyon : cours Politique Générale et Stratégie d'entreprise.

• Enseignant vacataire à l'École de Commerce Européenne : cours d'analyse et contrôle de coûts et simulations de gestion d'entreprises.

Septembre 1995 à août 1998 : • Ingénieur d'Études à l'I.U.T. Lumière de l’Université Lyon 2. Fonctions :

enseignant de Politique Générale de l’Entreprise. En parallèle : activité de prospection et de gestion des relations avec les entreprises partenaires de l'IUT Lumière.

• Attaché d'Enseignement et de Recherche à la Faculté de Sciences Économiques et Gestion, Université Lumière Lyon 2. Cours de comptabilité et cours de Politique Générale de l'Entreprise.

Octobre 1994 à septembre 1995 : • Enseignant vacataire à l'Université Jean Moulin Lyon 3. Cours de Politique

Générale de l'Entreprise aux étudiants du D.E.S.S. Certificat d'Aptitude à l'Administration des Entreprises (C.A.A.E), du D.U. généraliste de Gestion d'Entreprises, de maîtrise A.E.S. (Administration Économique et Sociale), et de maîtrise L.E.A. (Langues Étrangères Appliquées).

Septembre 1990 à novembre 1994 : • Professeur-Assistant au département Politique Générale de l'Entreprise du Groupe

ESC Lyon. Fonctions : enseignement, recherche et ingénierie pédagogique. Publics : étudiants de l'année fondamentale, étudiants du programme de management et, participants au M.B.A. du Centre d'Études Supérieures au Management (C.E.S.M.A).

Septembre 1989 à septembre 1990 : • Intervention socio-économique d'une durée de cinq mois au sein d'une unité

commerciale de Treficable-Pirelli S.A. Résultats obtenus : un diagnostic interne réalisé par entretiens semi-directifs, la présentation des résultats à l'ensemble des membres de l'unité, et des propositions d'actions d'amélioration.

• Stage de deux mois au service Contrôle de Gestion de la FNAC SA. Mission : la mise en place d'une procédure de contrôle de gestion interne pour la vente de billetterie.

Septembre 1981 à septembre 1989 : • Agent de comptoir bilingue à IBERBUS S.A. à temps plein jusqu’en 1985, et

ensuite à temps partiel. Gestion administrative et commerciale de l’agence.

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Annexe n°3. Les publications transmises (volume séparé)

La sélection des publications transmises figure dans le volume séparé ci-joint.