la diffusion et la promotion des musiques actuelles ......que sont les musiques actuelles...

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Marie NICOLAS Master 2 Recherche en arts du spectacle Directeur de recherche : Emmanuel Wallon 2005-2006 Université Paris X, Nanterre en partenariat avec La Sorbonne, Paris IV et l’Université Autonome de Barcelone La diffusion et la promotion des musiques actuelles françaises en Espagne

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Marie NICOLAS Master 2 Recherche en arts du spectacle

Directeur de recherche : Emmanuel Wallon

2005-2006

Université Paris X, Nanterre en partenariat avec La Sorbonne, Paris IV

et l’Université Autonome de Barcelone

La diffusion et la promotion des musiques actuelles françaises

en Espagne

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Remerciements

Aucun travail ne s’accomplit dans la solitude.

Je tiens à remercier :

- Emmanuel Wallon, mon directeur de mémoire et Christian Biet, directeur des masters d’Arts

du spectacle de Paris X, Nanterre

- Michèle Alten, Jean-Jacques Velly et Mario D’Angelo de l’UFR de Musique et Musicologie

de la Sorbonne, Paris IV

- Jordi Lopez Sintas et David Barba, du département Humanités de l’Université Autonome de

Barcelone (UAB)

pour leur soutien compréhensif dans mon projet de master recherche un peu atypique.

J’adresse mes sincères remerciements à :

- Sébastien Prieto du Bureau Export de Barcelone,

- Gaëlle Massicot de l’AFAA

- Agnés Juez de l’ARC, association de représentants, promoteurs et managers de Catalogne

- Miquel Pujado, musicien et doctorant (thèse sur la chanson française et catalane)

qui ont bien voulu me fournir des informations et des documents relatifs à mon thème d’étude.

Je suis très reconnaissante à toutes les personnes qui m’ont accordé des entretiens et dont la liste est

communiquée juste après le sommaire.

Une dernière pensée pour ceux qui m’ont entouré jusqu’au dernier moment, je pense à ma sœur Cécile

Nicolas qui m’a prêté son ordinateur alors que le mien m’a abandonné à quelques jours de la remise et

à Esperanza Molina pour sa maîtrise de l’informatique.

Enfin, je tiens à m’excuser par avance pour les erreurs inopinées, les informations obsolètes et les

redites qui auraient pu se glisser involontairement dans ce mémoire.

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SOMMAIRE GENERAL Liste des personnes interviewées..........................................................................7

Introduction générale............................................................................................9

I. Les atouts et les difficultés de la diffusion et de la promotion des musiques françaises en Espagne ................................................................12

1. Que sont les Musiques Actuelles françaises .......................................................12 2. Les enjeux culturels et économiques de l’export ...............................................15

2.1 Le rayonnement de la France à l’étranger ..................................................... 15 A) Les outils............................................................................................................ 15

a. L’AFAA devient Cultures France ................................................................. 15 b. Le réseau des instituts et des alliances françaises .......................................... 16 c. Des supports pédagogiques musicaux ...................................................... 17

2.2 Les objectifs économiques du bureau export de la musique française et de francophonies diffusion ........................................................................... 18 A) Le bureau export .............................................................................................. 18 B) Francophonies Diffusion.................................................................................. 19

2.3 Des objectifs artistiques pour la diversité....................................................... 20

3. Chronique contemporaine de la chanson française en Espagne et en Catalogne..........................................................................................................20

3.1 Petite chronologie des influences musicales entre les deux pays .................. 20 3.2 L’influence de la chanson française en Catalogne......................................... 22

A) Une tentative de donner du sens aux traductions dans la musique traditionnelle..................................................................................................... 22

B) Le premier mouvement important de chanson littéraire ............................. 23 C) L’influence majeure de Brassens .................................................................... 24 D) Un mouvement plus populaire ........................................................................ 24 E) Une identité folk du Sud entre la Catalogne et l’Occitanie dans

les années 70...................................................................................................... 25 F) La permanence du modèle français................................................................ 25 G) Autres points de pénétration de la musique française .................................. 26 H) Le pouvoir évocateur de la chanson française pour ceux qui ont vécu

sous le franquisme ............................................................................................ 27

4. La vitalité du spectacle vivant face à la crise du disque....................................28 4.1 La musique enregistrée en pleine mutation mondiale................................... 28

A) Les évolutions par pays.................................................................................... 28

4.2 L’importance du concert dans l’économie des musiques actuelles .............. 29 A) Le spectacle vivant : une locomotive du secteur musical.............................. 30

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B) Les festivals en pleine expansion..................................................................... 31

5. Médias et diversité culturelle...............................................................................31 5.1 Petit historique de la spécialisation des radios musicales ............................. 31 5.2 Le rock envisagé sous l’angle économique ..................................................... 32 5.3 Le poids du star system et du hit-parade........................................................ 33 5.4 La promotion : indispensable pour attirer l’attention .................................. 34 5.5 La radio musicale, un moyen de diffusion fortement lié à

l’industrie discographique ............................................................................... 34 5.6 Deux modèles de radios : commercial et indépendant .................................. 35 5.7 Le bilan radio en France : les chiffres du SNEP............................................ 35

A) Un bilan marqué par la perte de vitesse du francophone et des nouveaux talents ............................................................................................... 35

B) Conclusion sur les contenus des radios musicales ......................................... 36 a) Le processus de concentration de la production et de l’édition

phonographique.......................................................................................... 37 b) La musique authentique ne saurait être un pur produit marketing ..... 37

5.8 Les artistes français dans les médias espagnols ............................................. 38

Conclusion............................................................................................................40

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II. Le marché musical espagnol........................................................................41 Introduction .........................................................................................................41 1. Vue d’ensemble du paysage musical ibérique ...................................................44

1.1 Les politiques culturelles : un régionalisme puissant .................................... 44 1.2 Un marché du disque en crise mais un secteur du spectacle vivant

en pleine expansion ........................................................................................... 46 1.3 L’Espagne et le piratage................................................................................... 46

2. Environnement économique et légal...................................................................47 2.1 Les droits des artistes musiciens...................................................................... 47

A) Les droits d’auteurs ......................................................................................... 47 B) Les droits d’interprètes.................................................................................... 47 C) La réforme de la loi de la propriété intellectuelle en Espagne ..................... 47 D) « Copyleft, gauche d’auteur… d’autres façons de partager » .................... 48\

2.2 Les principales sociétés de perception de droits et organisations institutionnelles ................................................................................................. 50 A) La SGAE : Sociedad General de Autores y Editores.................................... 50

a) La SDAE Sociedad Digital de Autores y Editores................................... 50 b) La fundacion autor et iberautor ............................................................... 51

B) La AIE artistas, interpretes y ejecutantes...................................................... 51 C) Promusicae........................................................................................................ 51

2.3 Les différents contrats et les taxes pour les musiciens français.................... 51 A) Le disque et supports dérivés .......................................................................... 51

a) Pour négocier un contrat d’enregistrement en licence en Espagne....... 51 b) Le contrat de merchandising ou de commercialisation .......................... 52 c) Les droits audiovisuels ............................................................................... 52

B) Les concerts....................................................................................................... 53 a) Les droits de représentation ou « management right » .......................... 53

C) Les contrats d’édition....................................................................................... 53 a) Les obligations de l’éditeur........................................................................ 53 b) Les éléments à négocier.............................................................................. 54 c) La cession des droits d’édition à une maison de disques ........................ 54

D) Les taxes ............................................................................................................ 55

3. Le spectacle vivant : un secteur en pleine expansion ........................................55 3.1 Les priorités géographiques : Barcelone et Madrid ...................................... 56 3.2 Les salles ............................................................................................................ 57

A) Le prix moyen des tickets ................................................................................ 57

3.3 Les festivals........................................................................................................ 58

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3.4 Les rendez-vous professionnels........................................................................ 58

4. Le développement d’artistes musiciens ..............................................................59 4.1 Les professions .................................................................................................. 59

A) Le manager (terminologie anglaise) ou l’agent (terminologie française).... 59 B) L’agent ( terminologie anglaise) ou le tourneur / booker

(terminologie française) ................................................................................... 59 C) Le promoteur .................................................................................................... 60

a) Les promoteurs privés ............................................................................... 60 b) Les promoteurs officiels : les mairies ....................................................... 60

4.2 L’organisation d’une tournée d’un groupe étranger en Espagne ................ 61 4.3 Un problème de promotion .............................................................................. 61

5. Le marché phonographique et la distribution ...................................................62 5.1 Une préférence pour la langue espagnole ....................................................... 62 5.2 Les maisons de disques ..................................................................................... 63

A) Les majors......................................................................................................... 63 B) Les indépendants .............................................................................................. 64

5.3 La distribution................................................................................................... 65 A) Les distributeurs indépendants....................................................................... 65

5.4 Les éditeurs phonographiques et la vente en gros ......................................... 65 A) La syncronisation ............................................................................................. 66 B) Les détaillants indépendants et les magasins en chaîne................................ 66 C) Les grands magasins ........................................................................................ 67 D) Les disquaires indépendants ........................................................................... 67 E) Les supermarchés............................................................................................. 68 F) Les distributeurs sur Internet ......................................................................... 68

6. Les médias espagnols............................................................................................68 6.1 Vue d’ensemble sur l’Espagne......................................................................... 68 6.2 Les radios, en situation de monopole .............................................................. 69 6.3 La télévision....................................................................................................... 70 6.4 La presse écrite généraliste et spécialisée ....................................................... 71

A) La presse généraliste ........................................................................................ 71 B) Les magazines spécialisés, les fanzines ........................................................... 71 C) La presse professionnelle ................................................................................. 72 D) Les agendas annuels ......................................................................................... 72

7. Analyse croisée des concerts et des sorties de disques d’artistes français de 2003 à 2005 ............................................................................................................73

Conclusion............................................................................................................75

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III. Propositions pour développer les musiques actuelles ...............................77

Introduction .........................................................................................................77 1. Quelques raisons du recul d’intérêt envers la musique française....................77

1.1. Les années 70 et les radios formulas ou le pouvoir de l’industrie discographique anglo-saxonne......................................................................... 77

1.2 Recul de l’enseignement du français comme première langue étrangère ... 78

1.3 Une image démodée de la musique française qui se limite à la chanson ..... 79

1.4 Un panorama très étroit de la musique française dans les radios catalanes et espagnoles ..................................................................................... 80 A) Boulevard d’Enric Cusi sur Com Radio, le dimanche à minuit

(durée une heure) ............................................................................................. 80 B) Si més no sur Catalunya radio, animé musicalement par Marc Serena,

tous les jours de 15h à 16h ............................................................................... 81 C) Vive la Culture ! sur Radio Circulo de Bellas Artes le mercredi

de 21h30 à 22h et en rediffusion le vendredi de 10h30 à 11h ....................... 81 D) Los gabachos sur Radio contrabanda, chaque lundi a 21h30

(durée une heure trente) .................................................................................. 82 E) Un projet en gestation de Miquel Pujado, musicien ..................................... 82

2. Propositions pour améliorer la situation............................................................82 2.1 Prendre en compte certaines racines traditionnelles communes ................. 82

2.2 Une identité régionale forte qui mérite d’être mise en avant ....................... 83

2.3 Les festivals ont un rôle important de découverte ......................................... 83

2.4 Améliorer la visibilité des musiques françaises.............................................. 84

2.5 Le rôle indispensable des médias..................................................................... 85

2.6 Plus de moyens de promotion pour le Bureau Export et Francophonies Diffusion............................................................................................................. 86 A) Il faut développer les contacts espagnols de Francophonies Diffusion ....... 87

2.7 Plus de soutien des industries discographiques et des politiques ................. 87

2.8 Plus d’actions pour les musiques actuelles de la part de Cultures France (anciennement AFAA) ?...................................................................... 88

2.9 La publicité, un autre moyen de diffusion à ne pas négliger ........................ 89

2.10 Développer les sponsors.................................................................................... 89 2.11 Développer les échanges artistiques ................................................................ 89 2.12 Conclusion sur les propositions ....................................................................... 90

3. Analyse des entretiens ..........................................................................................90

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3.1 Le point de vue des promoteurs espagnols WAM (Barcelone) et Green Ufos (Séville) .......................................................................................... 90 A. La connaissance des groupes français ............................................................ 90 B. L’importance d’avoir une distribution discographique pour

une meilleure promotion des concerts............................................................ 92 C. La collaboration entre les divers acteurs ....................................................... 93 D. Les styles musicaux .......................................................................................... 95 E L’organisation d’une tournée et le démarchage des dates de concerts ....... 97 F. « L’Europe du Sud », des langues latines, est-elle une aire de diffusion

et d’échanges des productions musicales de ces pays ................................... 99 G. Les influences, les liens entre les disques et les concerts............................... 99 H. Le relais indispensable des médias pour la promotion ............................... 100 I. Le rôle du Bureau Export et des institutions françaises............................. 102

3.2 Point de vue des institutionnels...................................................................... 103 A) Le Bureau Export de la musique française à Barcelone............................. 103

a. Rôle et objectifs du Bureau Export Espagne ........................................ 103 b. L’Espagne et ses « atouts » festivaliers.................................................. 105 c. Les moyens d’action du BE de Barcelone .............................................. 105 d. Le spectacle vivant espagnol : entre privé et public.............................. 107 e. Les partenariats........................................................................................ 107 f. Les politiques culturelles ......................................................................... 108 g. L’exportation du cinéma français reste prioritaire sur

l’exportation de la musique ..................................................................... 108 B) Le service de coopération culturelle de l’Ambassade de France

à Madrid.......................................................................................................... 108 a. Rôle, objectifs et organisation du département culturel de l’Ambassade..... 108 b Les moyens d’actions centrés sur les industries culturelles.......................... 109 c. Les outils et les structures partenaires......................................................... 112

Conclusion générale ..........................................................................................114

Bibliographie......................................................................................................120

Centres de ressources et bibliothèques en France..........................................125

Sites internets.....................................................................................................126

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Liste des personnes interviewées

Radios

- Enric Cusi, animateur de radio, émission sur la chanson française sur Com radio

- Marc Serena, animateur musical du programme « Si mès no » sur Catalunya Radio

- Jordi Roura, musicien et radiophoniste indépendant

- Sylvain, animateur de l’émission « Los gabachos » sur Radio Contrabanda, Barcelone

Institutionnels

- Laurent Coulon, attaché audiovisuel de l’ambassade de France à Madrid

- Serge Fohr, attaché culturel de l’ambassade de France à Madrid

- Sébastien Priéto du Bureau Export de la Musique française à Barcelone

- Jean-Jacques Abadi, DGCID, du Ministère des affaires étrangères

- Jean-Louis Montemont, responsable pédagogique de l’Institut Français de Barcelone

- Gaëlle Massicot, département musiques actuelles de l’AFAA

- François Chesnais, du FCM

Associations professionnelles catalanes

- Agnés Juez de l’ARC, association de représentants, promoteurs et managers de Catalogne

- Eva Faustino, de l’APECAT

Promoteurs / Tourneurs

- Jordi Gratacos, fondateur de WAM productions et du Bureau Export Espagne

- Rafa, fondateur de Green Ufos, Séville

- Jean-Michel de Bie, Ginga productions, tourneur de Richard Galliano

Distributeur

- Xavier Riembau de K-Industria, Barcelone

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Universitaires

- Antoine Leonetti, coordinateur du département de master de gestion culturelle à l’université de

Barcelone

- Miquel Pujado, musicien et doctorant (thèse sur la chanson française et catalane)

Musiciens

- Benoît, du groupe les Hurlements de Léo

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Introduction générale Ma première préoccupation lorsque j’ai abordé mon master 2 recherche d’arts du spectacle a été de me

situer dans une perspective professionnelle musicale à l’international. Parlant déjà anglais et allemand

couramment, je me suis lancé un nouveau défi : apprendre l’espagnol !

Je suis donc partie en échange universitaire Erasmus à Barcelone pour six mois et, au premier semestre,

j’ai obtenu de suivre les cours de gestion de la musique au département de musicologie de la Sorbonne

(Paris IV) grâce au soutien compréhensif de Christian Biet, directeur des masters d’arts du spectacle de

Paris X, Nanterre. De ce point de vue, mon année a été une vraie réussite.

Pour mon mémoire, j’ai alors choisi un sujet de terrain, par le biais d’une étude de cas sur un secteur qui

reste encore à développer : l’export des musiques actuelles françaises.

Comme je partais à Barcelone, j’ai centré mon sujet sur l’Espagne et donc plus particulièrement sur la

Catalogne. Les musiques actuelles demeurent en quête de reconnaissance institutionnelle au pays de

Don Quichotte et l’implantation des productions musicales françaises est un travail en développement ;

c’est un processus à long terme.

J’ai donc décidé de faire mon étude sur la diffusion et la promotion des musiques actuelles françaises en

Espagne à partir d’un état des lieux du fonctionnement de la diffusion scénique, discographique et

médiatique des musiques populaires dans ce pays et de la réception des musiciens français dans ce

paysage.

Avec ce diagnostic, j’ai cherché à cerner quelles étaient les opportunités et les stratégies à développer

pour favoriser les échanges entre France et Espagne.

Pourquoi avoir choisi de faire ce travail sur un tel sujet d’actualité sur lequel l’on ne trouve aucun

livre ?

Cela n’a effectivement pas été facile à traiter mais premièrement, je ne souhaitais pas faire un sujet qui

aurait consisté à reprendre un thème déjà étudié et que mon mémoire finisse oublié dans une

bibliothèque universitaire. J’ai l’espoir qu’il intéresse certaines personnes du secteur.

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Deuxièmement, de par le fait qu’il n’y ait aucun ouvrage sur cette problématique très spécifique, j’ai été

amenée à faire une série d’entretiens auprès de personnes compétentes travaillant à la promotion des

musiques actuelles françaises et autres professionnels espagnols. Dans une perspective de future

recherche d’emploi, cela m’a permis d’avoir un premier contact avec eux, facilité par la démarche de la

recherche universitaire.

De plus, si j’ai voulu avoir une vision globale de tout le secteur musical (industries du disque, médias

de diffusion…etc) c’est surtout le point de vue des entrepreneurs du spectacle qui m’intéresse et

l’Espagne connaît à l’heure actuelle une véritable explosion de festivals et une croissante exponentielle

du nombre de concerts.

En dernier lieu, la Catalogne connaît depuis cinq ans un accroissement spectaculaire de l’immigration

des Latinos Américains (ancienne) mais surtout d’Européens (en particulier Français et Italiens) qui

font de la région un espace ouvert sur les autres cultures du monde et de Barcelone, une capitale

cosmopolite. Les Catalans sont fiers de leur « Nation » et se sentent Européens bien avant de se

reconnaître Espagnols. Leur région semble donc être une des meilleures portes d’entrée sur le marché

espagnol pour les musiques du monde entier.

Pour traiter de « La diffusion et la promotion des musiques actuelles françaises en Espagne » j’ai bâti

ma réflexion à partir d’ouvrages généraux en français, en espagnol et en anglais sur le management de

la musique, son traitement par les médias (en particulier les radios) et les politiques culturelles en

Europe. J’ai ensuite contacté le bureau export de Paris et celui de Barcelone pour avoir accès à leur base

de données professionnelle et leurs documents internes.

J’ai aussi consulté beaucoup de sites Internet pour faire le tour des organismes institutionnels et privés

travaillant dans le secteur, mais ma principale source d’information a été les entretiens, que j’ai sollicité

auprès des institutionnels, des promoteurs, des journalistes et des divers partenaires du Bureau Export.

Si j’ai demandé des interviews auprès de tous les auteurs, ils ne m’ont pas tous été accordés. Je regrette

de ne pas en avoir obtenu de Sophie Mathieu, directrice exécutive du Bureau Export de Paris, ni d’Aline

Jelen de la SACEM pour connaître le volume des droits d’auteur générés en Espagne par les artistes

français. Nous n’avons malheureusement pas réussi à faire coïncider nos emplois du temps avec Hugo

Hernandez, directeur du label Naïve Espagne, un des plus beaux succès de chanson française là bas

avec Carla Bruni.

J’ai donc d’abord cherché à cerner les enjeux économiques et culturels de l’export des musiques

actuelles « made in France » en Espagne, tout en esquissant une chronique de la chanson française en

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Catalogne. Dans cette même partie, j’ai mis en avant la vitalité du spectacle vivant espagnol face à la

crise mondiale du disque comme étant une bonne alternative pour diffuser les musiques indépendantes

car les médias espagnols sont encore loin de respecter une charte de la diversité culturelle. Si je dresse

un tableau général du secteur au pays de Don Quichotte, j’ai toujours cherché à voir quelle était la place

des musiciens français à l’intérieur de ce système.

Dans une deuxième partie, je creuse le thème du marché musical ibérique du point de vue des politiques

culturelles, de l’environnement économique et légal, du fonctionnement du spectacle vivant, du marché

phonographique et de la distribution. Dans tout cela, j’ai cherché à savoir quels étaient les styles

musicaux qui avaient le plus de succès. Pour terminer, j’ai fait une analyse des concerts et des sorties de

disques français en territoire espagnol en cherchant à étudier les influences de ces deux moyens de

diffusion entre eux.

En dernier lieu, j’ai dressé un bilan des actions menées par les divers acteurs grâce à l’analyse des

entretiens. Je propose ensuite quelques perspectives d’évolution des stratégies de promotion des

musiques actuelles en Espagne. Je dresse d’abord les raisons du recul de l’intérêt des espagnols pour les

productions musicales venues de France et je fais des suggestions pour améliorer la situation par une

collaboration accrue entre les divers partenaires privés et publics.

La problématique qui sous-tend tout mon travail a été la question : Que faut-il développer pour accroître

efficacement la présence et la visibilité des musiciens français en Espagne. J’espère y avoir bien

répondu, dans la mesure de mes moyens.

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I. Les atouts et les difficultés de la diffusion et de la promotion des musiques françaises en Espagne

1. Que sont les Musiques Actuelles françaises

Cette appellation révèle un double flou sémantique. D’une part, qu’entend-t-on par « actuelles » et

d’autre part par « françaises » Le terme de « Musiques Actuelles » est apparu à la fin des années 1990 impulsé par le ministère de la

culture. Par rapport au concept de musique « rock », il a l’avantage d’englober tous les genres musicaux

qui ne sont pas classiques, sans pour autant les restreindre du point de vue sémantique. On y retrouve

donc le jazz, le rock, la chanson, les variétés, les musiques traditionnelles, le rap, la techno,

l’électronique…etc.

Cependant, cette définition porte en elle-même la difficulté à cerner les enjeux de ces musiques aux

esthétiques très différentes. Comme le dit joliment le rapport de la commission des Musiques Actuelles

en 1998 :

« Musiques Actuelles : terres de contrastes ou l’histoire d’une appellation qui pose plus de problème

qu’elle n’en résout. » Les Musiques Actuelles sont un secteur où la variété des comportements, des

pratiques, des styles et des esthétiques est très impressionnante. Malgré leurs longues histoires, le terme

« actuel » tend à en faire des victimes de la mode alors que tout le monde s’accorde pour situer la

naissance du rock en 1955, sans parler du jazz et des musiques traditionnelles qui ont un patrimoine qui

ne date pas d’hier ! Ce flou sémantique est sans doute un élément de réponse à la difficulté du secteur à

se structurer car quel point commun y a-t-il entre les modes de fonctionnement des musiciens

folkloriques et ceux des hard rocker ?

Les collectivités territoriales préfèrent, quant à elles, la notion de « musiques amplifiées » qui en

précisent un peu mieux les contours. Mais le choix des mots n’est pas facile et traduit une certaine

difficulté à trouver une appellation qui soit satisfaisante. Le sociologue Marc Touché nous donne cette

définition :

« Les mots musiques amplifiées ne désignent pas un genre musical en particulier, mais se conjuguent au

pluriel pour signifier un ensemble de musiques et de pratiques sociales qui utilisent l’électricité et

l’amplification sonore comme éléments majeurs des créations musicales et des modes de vie. (…) Le

thème de musiques amplifiées représente un outil fédérateur regroupant sous sa flamme des univers

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musicaux contrastés : musiques de recherche, rock n’roll, jazz, rock, hard rock, funk, reggae, chansons,

house music, tous les dérivés des cultures rock. »1

Les professionnels quant à eux, se réfèrent directement à un style musical car chacun se spécialise sur

quelques esthétiques bien identifiables par leurs collaborateurs.

De mon point de vue, les Musiques Actuelles ou amplifiées sont avant tout des musiques populaires qui

viennent du peuple et qui parlent à chacun de nous. J’utiliserai indépendamment les deux termes,

souvent contractés sous les initiales MA, ce qui a le mérite de ne plus les opposer.

D’autre part, le terme de « musiques françaises » pourrait sembler assez évocateur, à savoir, on

s’imagine facilement les musiques d’expression française ou francophone. Or, pour le milieu

professionnel, sont considérées comme françaises toutes les musiques produites en France, ce qui

élargit considérablement leurs champs esthétiques. Les productions françaises regroupent de nombreux

artistes français ou étrangers qui ne s’expriment pas nécessairement en français.

Le concept de productions françaises est délicat : comment lui donner une unité ?

Il suffit à un artiste d’avoir une maison de disque ou son manager en France pour être considéré comme

tel, dans ce cas, ni la nationalité, ni la langue ne fondent un critère d’appartenance. Le bureau export

soutient toutes les productions, sans tenir compte des expressions de langues.

Il en est de même pour l’association Francophonie Diffusion qui aide à la promotion et la

commercialisation à travers le monde des artistes de l’Espace francophone. Quels sont les pays et

gouvernements de la Francophonie ?

Albanie 2* > Belgique > Bénin > Bulgarie > Burkina Faso > Burundi > Cambodge > Cameroun >

Canada > Canada / Nouveau-Brunswick > Canada / Québec > Cap-Vert > Centrafrique > Comm. Fr. de

Belgique > Comores > Congo > Côte d'Ivoire > Dijibouti > Dominique > Egypte > France > Gabon >

Guinée > Guinée Equatoriale > Guinée-Bissau > Haïti > Laos > Liban > Luxembourg > Macédoine

(Ex-Ryde) * > Madagascar > Mali > Maroc > Maurice > Mauritanie > Moldavie > Monaco > Niger >

Pologne * > R.D. du Congo > Roumanie > Rwanda > Sainte-Lucie > Sao Tomé-et-Principe > Sénégal

> Seychelles > Suisse > Tchad > Togo > Tunisie > Vanuatu > Vietnam

1 Marc Touché, connaissances de l’environnement sonore urbain. L’exemple des lieux de répétition. Faiseurs de bruits ? Faiseurs de son ? Ed. CRIV/CNRS,1994. 2 * Pays observateur

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« Sont considérés comme musiques de l’Espace Francophone, les titres chantés dans l’une des langues

des pays de l’Espace Francophone. Si le titre est un instrumental, il doit être interprété par des

musiciens issus de l’Espace Francophone. »3

On le voit donc, le champ des MA françaises et francophones est immense, fait d’identités multiples et

de fusions.

Comme le dit très bien Alessandro Robecchi dans son livre Manu Chao, musique et liberté « On trouve

les disques de la Mano Negra à New York sous l’étiquette World music / France, mais on ne s’étonnera

pas trop de les trouver à Barcelone dans les bacs de rock espagnol, et si on ne les trouve pas, on

recherchera en variétés françaises à la FNAC ou alors dans les rayons de punk ou de reggae. Ce

métissage n’est pas non plus un hasard dans l’absolu. Si la vie est faite de mélange, la musique d’autant

plus. »4

Par exemple, dans la sélection des 15 artistes français de l’opération commerciale « French

connection » menée par le bureau export et les FNAC en Espagne, on trouve Feist (jazz en anglais),

Pink Martini (anglais, espagnol, français), Sergent Garcia (espagnol), Rokia Traoré et Emir Kusturica

au milieu de Yann Tiersen, Camille ou Benjamin Biolay entre autres.

On peut donc en déduire que la notion de définition de la francophonie est délicate et qu’il est

indispensable de se centrer du point de vue des productions musicales françaises, qui sont très riches.

On ne peut donc pas décliner la francophonie exclusivement sur le plan de la langue de Molière. Mais il

faut la penser à travers l’ensemble des dialectes plus ou moins proches …

En ce sens l’espagnol est une langue qui a des points communs. On explique plus aisément alors le

succès d’artistes tels que Manu Chao et Sergent Garcia en Espagne et en Amérique latine.

Le travail des producteurs français sur la world music est en ce sens caractéristique. C’est un point

positif pour la France d’avoir une large palette de styles musicaux différents et intéressants. On se

concentrera donc sur les musiques « made in France » qui englobent toutes sortes d’expressions y

compris la world music et la chanson française, ainsi que des textes en anglais, en espagnol, en arabe

(Souad Massi), en portugais (Césaria Evora)… etc.

La définition de l’identité des Musiques Actuelles françaises regroupent donc toutes sortes de genres

musicaux allant de la world à la chanson, en passant par l’électro, le dub, le reggae, le pop rock etc… et

dont les paroles peuvent être en plusieurs langues.

Cependant, il peut sembler étrange aux espagnols de trouver des artistes de flamenco tels que Ana

Salazar ou Juan Carmona étiquetés comme français. Ils ont en tout cas trouvé en France une maison de

3 www.francodiff.org 4 P.19 Robecchi Alessandro, Manu Chao, Musica y libertad, ed. reservoir book, traduction libre de l’espagnol

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15

production pour les promouvoir, mais leurs musiques restent profondément espagnole dans leur

essence.

2. Les enjeux culturels et économiques de l’export

2.1 Le rayonnement de la France à l’étranger

D’après Jean-Jacques Abadi, de la direction générale de la coopération internationale et du

développement du ministère des affaires étrangères, les enjeux politiques du soutien des musiques

actuelles à l’export sont de deux ordres :

- Les raisons sont économiques : il y a une volonté d’aider la filière musicale qui donne de l’emploi

et participe à la diversité culturelle.

- Les musiques actuelles contribuent à rajeunir l’image de la culture française à l’étranger, il y a une

volonté de toucher la jeunesse et d’élargir les échanges culturels au-delà de ceux établis avec les

élites locales.

Après avoir longtemps concentré leurs aides sur le spectacle vivant à travers l’Afaa entre autres, le

ministère des affaires étrangères et l’ambassade de France à Madrid ont changé leur focus principal sur

les industries musicales.

« Au niveau international, la France doit dorénavant compter, dans la promotion de son image, sur la

diffusion des musiques françaises et francophones, ainsi que sur la visite d’artistes français. La

diffusion d’un clip vidéo sur une télévision étrangère ou la participation d’un artiste français à une

publicité jouent un rôle non négligeable dans l’évolution de la perception de la France dans le monde.

L’exportation du disque français, en renforçant la notoriété des artistes, contribue également à améliorer

leur position sur le marché français. Cette montée en force du répertoire national, qui joue aussi un rôle

d’intégration et de ciment social, favorise l’accroissement des investissements en France et renforce

ainsi la filière de la production musicale et de la création.

C’est ce qui a conduit le ministère des Affaires étrangères à développer une politique de promotion des

industries musicales françaises à l’international qui s’appuie essentiellement sur des opérateurs

spécialisés tels que le Bureau Export de la Musique française et Francophonie Diffusion, en cohérence

avec l’ensemble des instruments de l’action audiovisuelle extérieure tels que TV5, CFI et RFI. »5

A) Les outils

a. L’AFAA devient Cultures France

5 www.ambafrance-es.org

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L’action culturelle française à l’étranger se restructure. En effet, l’AFAA (Association française pour

l’action artistique) et l’ADPF (Association pour la diffusion de la pensée française) se sont fédérées en

juin 2006 sous l’enseigne Culturesfrance avec l’idée d’une nouvelle ambition pour l’action de la France

dans le monde au niveau culturel. Cette fusion fait suite au rapport Jacques Blot. Culturesfrance reprend

ainsi les missions et les budgets des deux associations, avec l’idée de prendre modèle sur le British

Council.

Doté d’un budget de 30 millions d’euros, ce nouvel organisme a pris la forme d’un EPIC et annoncera à

la rentrée les actions prévues pour 2007. Il est par ailleurs prévu que Culturesfrance cherche à

compléter et diversifier ses sources de financements, notamment en s’adressant aux collectivités

territoriales et en répondant à des appels d’offre.

Impulsée par Olivier Poivre d’Arvor, directeur de l’AFAA depuis 99, cette restructuration intervient au

sein de structures établies depuis 1922 pour l’AFAA, et 1945 pour l’ADPF. Les missions de la première

(développement à l’étranger des arts du spectacle, graphiques, du patrimoine, des saisons culturelles...)

et de la seconde (promotion du livre, de la recherche et de la documentation...) vont être conservées et

enrichies selon plusieurs axes. Je les développerai dans ma troisième partie.

b. Le réseau des instituts et des alliances françaises

Pour ce qui concerne le rayonnement culturel de la France à l’étranger, on constate qu’en Espagne,

malgré un réseau culturel très développé, les alliances françaises et les instituts ne s’investissent que

très peu dans le domaine musical.

« Nous avons eu l’occasion d’apprécier, lors de nos divers déplacements en Afrique francophone, le

rôle

primordial assuré par les centres culturels français dans les pays francophones à faibles revenus, en tant

qu’animateur de la vie culturelle locale et découvreurs de talents. (...) La tâche est plus compliquée dans

d'autres pays. C’est le cas de manière générale dans la plupart des pays développés où les événements

culturels de l’institut français entrent en concurrence avec des centaines d’autres, mais c'est le cas

également d’autres pays -comme la Chine- où il n’existe a priori qu’une faible appétence pour

découvrir la culture française. »6

6 Extrait du Rapport d’information sur la stratégie d’action culturelle de la France à l’étranger par Louis Duvernois (sénateur)

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A Barcelone par exemple, en 2006, la seule programmation musicale de l’institut français se limite à un

concert de raï de Chab Samir pour la fête de la musique. Une des raisons avancées et que

l’établissement ne dispose pas de salle appropriée. En effet, le concert s’est donné en plein air, devant

l’entrée et le public était un peu à l’étroit.

Cependant, en discutant avec des musiciens catalans, j’ai appris qu’auparavant l’institut français était

beaucoup plus impliqué au niveau musical et qu’il avait été à l’origine de la venue de Renaud entre

autres.

Je n’ai pas obtenu d’entretien avec le directeur qui visiblement ne souhaite pas se prononcer sur la

question. Il semble que l’institut français et le bureau export de la musique française ne travaillent guère

ensemble. Sébastien Priéto du Bureau Export m’a dit qu’ils partageaient leurs mailings list pour la

communication des concerts mais que leur collaboration s’arrête là. Même à ce niveau, les informations

ne sont pas envoyées de façon systématique.

L’Espagne bénéficie à ce jour du réseau le plus important au monde d’instituts et d’alliances françaises.

Mais la tendance est à leur réduction. Pour exemple, la fermeture en août 2006 de l’institut français de

Séville.

c. Des supports pédagogiques musicaux

Le CAVILAM (Centre d’Approches Vivantes des Langues et des Médias) et le bureau export élaborent

des compilations musicales avec livrets pédagogiques qui sont mises à disposition des professeurs de

français des instituts et alliances. D’après la documentaliste de Barcelone, ces supports rencontrent un

certain succès auprès des enseignants. Il est difficile d’évaluer la place de la musique dans le

programme de cours, chaque professeur étant libre d’organiser ses cours à sa manière.

L’initiative de cette « nouvelle génération de la chanson française », remonte à 1993 au moment où le

bureau export a été créé.

En septembre 1991, le bureau de la coopération linguistique et éducative a l’idée de provoquer un

engouement pour le Français en faisant découvrir les nouveaux chanteurs. Cette première action avait

eu comme partenaires l’AFAA et les magazines de disques aux Pays Bas. Les maisons de disques

avaient pris en charge l’édition des CD et du guide pédagogique.

Les résultats sur les Pays Bas ont été très positifs car les ventes de disques français ont augmenté de

30%, et l’opération a donné lieu à la création d’un festival annuel de chanson française sur Amsterdam,

les concerts se sont multipliés et des projets de vidéoclips incluant des interviews d’élèves néerlandais

avec les artistes ont vu le jour.

Pourquoi ne pas réadapter l’initiative à l’Espagne ? La musique est une des façons les plus agréables

d’apprendre une langue en découvrant la culture d’origine.

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2.2 Les objectifs économiques du bureau export de la musique française et de francophonies diffusion

A) Le bureau export

« Cette structure, qui regroupe les pouvoirs publics et les professionnels de l’industrie phonographique,

a pour mission principale de promouvoir les industries musicales et la chanson française sur les marchés

étrangers. Ses moyens d’action ont été renforcés par la convention signée avec le ministère des Affaires

étrangères le 19 juillet 2000. »7

Au delà du rayonnement culturel, les enjeux sont commerciaux. Auparavant, les actions d’aide à

l’export du ministère des affaires étrangères se centraient principalement sur le spectacle vivant, mais

avec la création du bureau export en 1993, les efforts se sont recentrés sur le disque. Une des missions

principales du bureau export est de trouver des licences avec les labels locaux des pays pour « aider les

maisons de disques françaises à promouvoir leurs artistes à l’étranger ».

Aujourd’hui, le bureau export a tissé un réseau de 8 bureaux à travers le monde : en Europe à Londres,

à Berlin, à Barcelone et dans le reste du monde Tokyo, Sao Paulo, Mexico, Moscou, New york. Ces

bureaux sont financés à 50% par les pouvoirs publics (à travers le ministère des affaires étrangères,

celui de la culture et de la communication et l’AFAA), à 20% par les producteurs de disques (SCPP, la

SPPF, le SNEP), à 16% par les organismes professionnels (le FCM, la Sacem et le CNV) et enfin à 12%

par le financement européen.

La mission des bureaux est double :

« -effectuer un travail de proximité qui permet d’identifier et de développer les réseaux envisageables

de développement

- relayer l’action des professionnels. »

Si les aides du bureau export peuvent être données à des tourneurs français, l’action est centrée sur les

industries discographiques, les artistes et leurs managers peuvent être aidés seulement par

l’intermédiaire de leurs maisons de disques. Bien conscient de la difficulté de faire passer les musiques

françaises dans les médias, le bureau export aide également les médias français comme étrangers. Les

professionnels étrangers peuvent être aidés dans leurs projets de diffusion de la musique française

(éditeurs, maisons de disques, tourneurs et festivals).

Les actions se partagent entre :

- l’aide à la prospection et au développement

7 www.ambafrance-es.org

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Ces actions prennent la forme d’organisation de rencontres professionnelles en France et à l’étranger, de

voyages d’études sur de nouveaux territoires de prospection pour les responsables export des maisons

discographiques (en partenariat avec Ubifrance). Le bureau export coordonne également la présence

française sur les salons professionnels internationaux tels le Womex, le Sonar, le Popkomm, le

Midem… en soutenant les show cases des musiciens français.

- l’aide à la promotion

Le bureau export offre des outils de promotion et de marketing, son site Internet contient une base de

données de plus de 6000 contacts. Une newsletter sur les artistes produits en France est régulièrement

envoyée à ceux qui en font la demande et aux professionnels repérés comme susceptibles d’être

intéressés. Sont également édités des guides thématiques, des compilations pédagogiques, des DVD de

compilations de clips.

- l’information

Là-base de données du site Internet www.french-music.org est actualisée régulièrement. Le bureau

export met à disposition son centre de ressources, réalise les cahiers export : études sur l’industrie des

pays où ils sont implantés. Un service de consulting personnalisé aux labels, aux managers et aux

entrepreneurs de spectacle est offert en plus de réunions d’information pour les tourneurs français.

Le soutien à l’export prend également trois formes :

- l’aide aux tournées à l’étranger

A travers sa commission export, le bureau subventionne les tournées à l’étranger d’artistes signés par

des labels français.

- l’aide à la promotion d’artistes

Le bureau soutient les actions de promotion et les déplacements d’artistes à des fins promotionnelles et

les déplacements des producteurs.

- l’aide à l’audiovisuel musical

La commission vidéo-musique aide l’adaptation de DVD musicaux pour les marchés étrangers.

B) Francophonies Diffusion Cette association travaille à la promotion des sorties de disques et des tournées d’artistes auprès des

radios étrangères.

Elle vise également à développer des liens entre les radios partenaires et favorise la circulation de

l’information en impliquant tous les partenaires comme acteurs.

D’après le site Internet de l’ambassade de France :

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« En Espagne, 4 radios sont membres du réseau francophonie diffusion en dehors de RFI :

Madrid > Radio 3 - Radio Nacional España (couverture nationale)

Madrid > Radio Circulo de bellas artes 100.4 FM (radio locale sur la capitale)

Barcelone - (Catalogne) > Catalunya Radio (couverture régionale)

Barcelone - (Catalogne) > Com radio (couverture régionale)

Barcelone RFI sur 105.3 FM : RFI en français

2.3 Des objectifs artistiques pour la diversité

Au-delà de ces considérations économiques et médiatiques, les enjeux sont bien évidemment

artistiques. En effet, les musiciens s’enrichissent de la confrontation avec des publics différents et des

échanges avec les artistes locaux. Entre France et Espagne, il y a des identités régionales fortes et des

systèmes de vase communiquants entre les musiques catalanes et occitanes, les musiques traditionnelles

se jouant des frontières d’état. On regrette cependant que ces courants musicaux restent dans des cercles

minoritaires.

Je développerai les influences, les similarités des musiques de ces deux pays « latins » d’Europe dans la

partie suivante.

3. Chronique contemporaine de la chanson française en Espagne et en Catalogne

Si j’ai pu mener à bien cette partie, c’est grâce aux témoignages :

- du comédien-animateur de radio catalane Enric Cusi (Com radio),

- de Jordi Roura, musicien catalan et radiophoniste indépendant,

- de Marc Serena, radiophoniste de Catalunya radio et

- de Miguel Pujado, musicien et doctorant sur une encyclopédie de la chanson française et catalane

3.1 Petite chronologie des influences musicales entre les deux pays

En Espagne, et en particulier en Catalogne, il existe un intérêt de tradition pour les différentes

manifestations de la culture française.

« Dans la société catalane ancienne cohabitaient un attrait pour la culture française en même temps

qu’un certain rejet. Il y a plusieurs contes populaires comme « Le tambour de Bruch » qui présentent les

Français du temps de Napoléon comme des ennemis envahisseurs (Gabachos) en même temps que la

société catalane s’enorgueillit des avances sociales qui arrivèrent à cette période. Il y a aussi des

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chansons traditionnelles anti-françaises avec des insultes comme la chansonnette enfantine que me

chantait le concierge de mon immeuble quand j’étais petit « Gabatx, coquí posa faves al tupí… » …

tout cela cohabite avec l’utilisation de « Merci » pour remercier et d’autres terminologies françaises. »

dit Jordi Roura.8

« Au XIXème siècle, tous les Catalans savaient parler français parce qu’on l’enseignait dans les écoles

dès le plus jeune âge et jusqu’à la première guerre mondiale les relations entre les deux pays étaient très

fructueuses. »

Dans les années 1930 et 1940, la modernité musicale continue à venir de France. Charles Trenet,

Maurice Chevalier, Edith Piaf viennent chanter dans les cabarets espagnols et leurs disques sont

distribués avec un grand succès. « On ne peut dire qu’ils étaient de grandes stars mais les gens les

connaissaient. »9

« Ici, la francophilie fut tellement grande que même les groupes rock, inspiraient leurs noms des

chanteurs venus de l’Hexagone. Par exemple, un des groupes connus des années 60 s’appelait « Los

gatos negros » (Les chats noirs) qui est la combinaison de « Les chats sauvages » et « Les

chaussettes noires ». Eux-mêmes présentaient parfois leurs concerts en français. Ceci s’explique parce

que tous les chanteurs populaires français des années 50 et 60 venaient souvent jouer en Espagne et

recevaient un bon accueil ici. Il y avait même beaucoup d’artistes français qui interprétaient leurs

chansons dans les deux langues d’origines latines.

Par exemple Adamo, Aznavour, Mireille Mathieu chantaient en espagnol, Gilbert Bécaud avait une

maison à Majorque. »

Jordi Roura conclut « Il y avait une francophilie flagrante pendant de nombreuses années. »

Entre 1940 et 1960 la chanson littéraire de Brassens, Léo Ferré et Jacques Brel rencontre un grand

intérêt dans de petits cercles intellectuels, même si leurs concerts ne passent pas à la télévision.

Tout cela doit beaucoup au fait que le chanteur Paco Ibáñez a vécu à Paris dans ces années là, et qu’il

s’est beaucoup inspiré de la chanson littéraire et engagée de Georges Brassens. Aidé par son ami Pierre

Pascal, il traduisit en espagnol quelques unes de ses chansons. Dans son Live à l’Olympia, il chante

« La mauvaise réputation ». Ceci contribue à développer chez les Espagnols un intérêt croissant pour

ces auteurs engagés et littéraires.

En Catalogne, le lien est encore plus fort, grâce à deux facteurs :

des racines communes avec les chansons des troubadours occitans,

la proximité géographique.

8 Entretien avec Jordi Roura, le 2 juin 2006, Gracia, Barcelona 9 Entretien avec Enric Cusi

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A la fin des années 1950 et au début des années 60, quand commençe le boom des yéyés, des artistes

tels que Sylvie Vartan, Johnny Hallyday, Charles Aznavour, Marie La Forêt… passent à la télévision

espagnole et donnent des concerts à Barcelone.

Jusqu’aux années 70 certains chanteurs français sont présents dans les radios espagnoles. A la

télévision, même Aznavour, Adamo, Juliette Gréco ou Gilbert Bécaud chantent leurs chansons traduites

en espagnol.

« Il existait une francophilie évidente pendant longtemps qui s’est rompue au début des années 1970.

Le dernier chanteur français populaire ici fut sans doute Joe Dassin, qui a également chanté en

espagnol. »10

Dans les années 1970, le panorama musical a changé avec l’entrée en force du marché anglo-saxon, qui

était déjà présent mais qui, à cette époque, s’est imposé de façon dominante. A partir de ce moment, la

présence musicale française disparait. Par exemple, les artistes des années 70 comme Maxime Forestier,

François Béranger, Francis Cabrel… ne sont pas venus ici ou alors seulement écoutés dans de très petits

cercles, pour une minorité. Il y a quelques exceptions comme Georges Moustaki qui continue à jouer et

dont les gens connaissent les paroles par coeur.

Dans les années 80, le Français cesse d’être enseigné dans les écoles comme première langue étrangère

et l’Anglais s’impose définitivement. Ceci contribue aussi au recul de l’intérêt pour la culture française.

Aujourd’hui, la musique française est inconnue pour la majorité des espagnols.

Si bien qu’il est certain qu’aujourd’hui, à cause des médias de communication qui ne la relaye plus

massivement et du phénomène de la mondialisation, la musique française arrive en Espagne seulement

pour un public minoritaire, la chanson venue d’Hexagone a eu son âge d’or en Catalogne dans les

années 50 et 60. Voyons donc maintenant quels ont été les liens musicaux entre France et Espagne dans

le passé. Etant à Barcelone, j’ai centré cette partie sur la région catalane, qui est encore aujourd’hui, une

des meilleures portes d’entrée sur le marché espagnol pour les productions françaises.

3.2 L’influence de la chanson française en Catalogne

A) Une tentative de donner du sens aux traductions dans la musique traditionnelle

Si l’on se penche sur le passé, dans l’année 1961 où commence à se créer une nouvelle chanson

catalane, il existait un mouvement –antérieur à la naissance du soutien à Brassens – qui cherchait à se 10 idem

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réaliser dans la musique de danse, dans la musique populaire de quartiers en traduisant les succès de la

musique du monde en catalan mais avec une attention spéciale à la qualité des traductions.

Donc, le groupe qui participa à ce mouvement de récupération de la langue catalane choisit les

intellectuels les plus importants du moment pour ce travail, comme Jordi Sarsadenas, grand poète

catalan et professeur de français, Albert Jané, linguiste et Josep Maria Andreu, poète. Ces messieurs,

pour construire un répertoire, commencèrent par choisir des chansons françaises à succès des années 50

(Gilbert Bécaud, Sacha Distel…etc) et les traduisirent en catalan avec l’idée de faire quelque chose de

populaire mais, malheureusement, ils n’y eu pas la répercussion espérée.

La raison de cet échec est peut être due au fait que ceux étaient engagés idéologiquement dans cette

tâche artistique n’avaient pas le niveau musical pour le faire, et les musiciens qui pouvaient le faire

travaillaient déjà d’une autre manière et n’étaient pas intéressés économiquement. Ceci a été un échec,

mais il est important de signaler que cela a existé et que ce fut représentatif, chose que l’on oublie

souvent quand l’on considère que les premières chansons traduites furent celles de Brassens et de Brel.

B) Le premier mouvement important de chanson littéraire

Dans les années 60, la « nova canço » (nouvelle chanson catalane) se construit une identité basée sur

des traductions de certaines chansons françaises ou de nouvelles compositions inspirées de ce style.

L’influence est clairement revendiquée : Georges Brassens, Jacques Brel et Léo Ferré furent pris

comme modèles.

Mais il est nécessaire de savoir que Brassens et Brel, qui sont aujourd’hui quasiment les uniques

références que les Espagnols ont de la chanson française, appartenaient encore à un cercle minoritaire à

cette époque. Certaines chansons étaient d’ailleurs censurées. Ceci a donc trouvé place dans un

mouvement plus informel, dans un milieu cultivé dans lequel circulaient en secret les disques de

Georges Brassens, Jacques Brel et Léo Ferré. En effet, avec le franquisme la diffusion de certaines de

ces œuvres était interdites, comme celle de Ferré « Franco la muerte » (Franco la mort). Néanmoins, ces

disques arrivaient par le biais des amis ou de la famille expatriée en France et ont obtenu une certaine

reconnaissance, grâce à cette minorité cultivée qui travaillait avec les groupes de la résistance.

Ces artistes connurent la gloire dans les années 50 et 60 dans les cercles catalans cultivés qui luttèrent

contre le régime.

La « nova canço » catalane est donc un mouvement fortement influencé par la chanson française. Pour

les gens d’ici, c’est une culture de prestige et de niveau intellectuel intéressant. Pour la nouvelle

chanson catalane, c’est une récupération identitaire, qui choisit un modèle très attirant pour la

bourgeoisie : français, intellectuel et avec certaines touches politiques de gauche.

Le grand Joan Manuel Serrat à ses débuts interprétait une chanson de Guy Béart Les sabates ( Les

souliers) et certaines de ses chansons étaient très influencées par Brel, par exemple, son crescendo dans

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Helena, est quasi un plagiat de Pourquoi faut-il que les gens s’ennuient (per què la gent s’avorreix

tant).

« Quand l’influence n’est pas dans les paroles, elle se remarque parfois dans l’interprétation comme

celle de Ovidi Montlor, dans laquelle on peut trouver des similitudes avec le jeu de mains de Serge

Reggiani ou d’Yves Montand » dit Miquel Pujadó.

C) L’influence majeure de Brassens

Très rapidement, Georges Brassens a séduit un public catalan comme Pi de la Serra avant d’influencer

aussi des chanteurs espagnols comme Joaquín Sabina. Malgré le fait que les musiques soient très

différentes, les thèmes du rocker espagnol sont semblables à ceux de Brassens mais avec une

connotation plus urbaine.

Par exemple, l’histoire de Margot qui donnait la gougoutte à son chat (Margot que se da de mamar a

su gato) est resituée dans le monde des banlieues avec Eva tomando el sol où la fille prend le soleil, se

donnant innocemment aux regards des hommes.

Le chanteur français était une référence de base. Ceci peut se comprendre parce qu’il est un héritier de

la tradition des troubadours occitans ayant des racines communes avec la Catalogne.

Le premier disque de la nouvelle chanson catalane fut enregistré par José Maria Espinas et a pour titre

simple Canta Brassens (Chante Brassens). Il contient 5 thèmes de Brassens Le vent(El vent), La cane

de Jeanne (L’oca d’en Roca), Le parapluie (El paraigua), Marinette (Marineta) et La prière (La

pregaria).

Le collectif les Setze jutges (Les 16 juges), symbole de ce premier mouvement, illustre parfaitement

l’influence de Brassens dans le cercle amateur. Delfi Abella travaillait sur les traductions.

L’idée de la chanson Supplique pour être enterré à la plage de Sète a été utilisée par trois chanteurs

catalans : Ovidi Montlor Les meves vacances, Pere Tapies Al darrer adéu et Lluis Llach Arran de terra

chansons dans lesquelles chacun parlait du lieu cher à leur cœur.

D) Un mouvement plus populaire

A partir de l’année 1966, il y a une nouvelle vague pour rénover le premier mouvement qui était dans

certains cas trop élitiste. Divers promoteurs voulurent rendre la chanson catalane plus ouverte. Un

groupe de jeunes artistes formèrent le collectif L’esquella. Ils voulaient être plus modernes et populaires

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dans le style. A ce moment, les modèles français sont toujours présents mais, sans rejeter Brassens ni

Brel, ils s’intéressent aux productions qui viennent du monde pop comme Antoine, Christophe, Serge

Alexander, Michel Polnareff… certains comme Antoine se traduisirent en catalan, les groupes voulaient

ainsi donner un ton plus populaire et moins élitiste.

« Les chansons faites à partir des traductions de Brassens ne pouvaient pas se danser. Et aussi, avec la

censure du franquisme, les chansons de Brassens qui nous parvenaient étaient simples (par exemple : La

cane de Jeanne, Le parapluie..etc), sans tabou politique. Du point de vue des chanteurs catalans et des

groupes qui avaient déjà une structure folk, folk-rock, l’exemple français a toujours était un des

meilleurs. C’était celui qui nous était le plus proche, qui était synonyme de qualité et venait d’un pays

plus libre et moderne » dit Jordi Roura.

E) Une identité folk du Sud entre la Catalogne et l’Occitanie dans les années 70

« Il y a un autre phénomène important de rapprochement avec la culture française. En 1967, naquit un

mouvement qui s’oppose à la chanson catalane, le Grup de folk qui était totalement influencé par le folk

song américain de Bob Dylan et Joan Baez mais aussi par le folklore catalan. Ici, il ne s’agit pas du

même mimétisme qu’en France avec Hugues Aufray qui s’habillait comme Dylan. En Catalogne, c’est

différent, c’est un mouvement avec de fortes racines politiques qui se base sur le folklore américain. La

chanson de Pete Seeger We shall not be moved est traduite et chantée et, en peu de temps, elle se chante

dans les rues lors de manifestations interdites par le gouvernement franquiste et devient un hymne

syndical. Beaucoup de ces chansons se chantaient dans les églises de chrétiens progressistes. Ce Grup

de Folk n’a pas duré longtemps, juste une année et demie, mais il eut beaucoup de répercussions. Même

en 2004, on a réédité leurs disques et le groupe est remonté sur scène.

Quand cela a disparu, quelques groupes de ce mouvement cherche à nouveau des thèmes intéressants

dans la culture française, pas dans la culture officielle, mais dans les mouvements folk d’Occitanie, à

Toulouse, dans le but de trouver des références similaires avec la culture catalane. Un chanteur comme

Claude Marti est édité en Catalogne immédiatement, de même que beaucoup de groupes inconnus en

France ont joué ici : Mont-Joia, Jean-Marie Carlotti. Dans l’année 1973, des liens importants se

renouent avec la musique française » dit Jordi Roura.

F) La permanence du modèle français

« En 1979 commence un autre point de contact important. A travers de la revue L’escargot folk, un

groupe de musiciens catalans prend connaissance de stages organisés en France de danse traditionnelle,

de chansons et instruments folk qui se font de l’autre coté des Pyrénées. Notre groupe va à Vendôme et

l’on trouve que le modèle français pourrait bien fonctionner en Catalogne.

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A ce moment en 1979, c’est la transition politique vers la démocratie. C’est un moment très important

historiquement. Le peuple récupère les rues et les places. C’est le temps des changements pour la

société civile et le moment de canaliser les énergies des gens brimés par le franquisme. En 1980, nous

allons à Gérardmer avec un autre groupe de musiciens et l’on reste impressionnés par le

professionnalisme français. Les musiciens français étaient eux aussi stupéfaits devant notre fraîcheur et

notre enthousiasme : ils nous appelaient « les amateurs militants ». Marc Perrone, Mélusine, la

Bamboche, La grande rouge… étaient nos références et artistes admirés.

A partir de ce moment, nous sommes allés assister pendant de nombreuses années à ces rencontres et

certains musiciens du même style sont venues jouer ici. Ce fut une expérience très intéressante parce

que pour eux, il existait déjà les équipements de quartiers, les MJC et les diverses associations de la loi

1901 et ici, nous n’avions rien. Nous avons établi une communication et beaucoup de groupes qui

existent encore aujourd’hui sont nés de ces échanges. Certains les dénomment « du modèle français ».

Grâce au contact avec la musique française folk nous avons récupéré l’accordéon diatonique qui était

presque oublié, seul perdurait un petit festival animés par de vieux musiciens à Arsèguel, un petit

village des Pyrénées. Grâce aux master classes et ateliers de Marc Péronne entre autres, nous avons

appris la technique et nous l’avons appliquée ici. Nous avons acheté des instruments nouveaux et nous

jouions les thèmes de notre répertoire folklorique. Il s’agissait de créer une musique traditionnelle aux

racines catalanes avec de nouveaux instruments. Avec le temps, ceci a généré la création du festival

Tradicionnarius en 1988, qui pendant 3 mois par an, maintient une activité chaque fin de semaine sans

aucun moyen économique, grâce à des groupes qui jouaient bénévolement, dont beaucoup de ce

dénommé « modèle français ».

Pendant longtemps les gens jouaient sur des cornemuses et des accordéons achetés en France. C’est

arrivé à un tel point que certains critiques dénoncèrent une influence effrontée et dirent « Nous n’irons

nulle part si l’on ne sort pas du modèle français. »

Le festival tradicionnarius a généré 8 autres festivals similaires dans toute la Catalogne et il est très

important.

Au début, l’idée était de monter une sorte de vitrine pour rendre visible ce que nous faisions vu que les

médias ne faisait aucun cas de nous. Mais au bout d’un moment, nous avons vu la nécessité de nous

rapprocher d’entités similaires à la nôtre comme le conservatoire de Toulouse, ou le centre Dastum de

Bretagne, qui pour nous, était un modèle de défense du patrimoine traditionnel.

De ce genre, dans le festival tradicionarius, peu de groupes français ont joué : seulement Perlinpinpin

folc, Cardabella, Gacha Empega… au contraire, beaucoup de groupes catalans ont eu l’occasion de

jouer dans diverses villes du sud de la France : à Marseille, au conservatoire de Toulouse entre autres.

G) Autres points de pénétration de la musique française

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« A travers le mouvement excursionniste, on découvre des groupes comme Les quatre barbus ou Les

frères Jacques ». Le thème de ce mouvement était l’exaltation de la nature, c’était pour nous une

manière d’échapper à la dureté du franquisme, en se promenant à travers la montagne en chantant.

D’un autre coté, les chrétiens progressistes des années 60 achetaient des disques et admiraient le Père

Duval et Sœur Sourire en créant des répliques catalanes de ces artistes qui arrivèrent à éditer leurs

disques : El pare Ladislau i Sor Núria.

Pour terminer, avec les enfants, on chantait des chansons d’Yves Duteuil, François Imbert, Henri Dès,

Anne Sylvestre et beaucoup d’autres chanteurs traduits en catalan. »11

H) Le pouvoir évocateur de la chanson française pour ceux qui ont vécu sous le franquisme

Jordi Roura se remémore :

« Ce qui caractérise la musique française pour moi ? C’est en premier lieu, la musicalité de la langue

qui est extraordinaire, et ensuite une esthétique, un son. De plus, pour moi, une chanson évoque un

paysage. Toute mon adolescence a été bercée par la chanson française… pour danser, pour rencontrer la

première fille, pour fonder le premier groupe de rock. Ce sont des décors très importants de ma vie…

Sylvie Vartan, les chaussettes noires…, je ne sais… quand ici on mangeait du pain dur, on pouvait rêver

à la douce saveur d’une baguette. Aussi du fait que j’ai personnellement , comme beaucoup de gens, de

la famille qui s’est exilée en France après la guerre et qui est restée là-bas. Aux débuts des années 60,

nous allions rendre visite aux proches en été et nous découvrions avec ravissement un monde bien

meilleur. La richesse française faisait le contrepoint avec la misère qui se vivait en Espagne sous

Franco. Bien évidemment, pour quelques-uns d’entre nous, cela forme un souvenir puissant qui n’existe

pas pour les nouvelles générations.

En chantant ici des chansons d’artistes français, d’une certaine manière, nous manifestions notre

aspiration à une vie meilleure, car nous vivions une vie difficile ici, et nous l’imagions merveilleuse là-

bas. Aujourd’hui, il n’existe plus une telle différence du système de vie mais à l’époque, la France était

une référence très attirante.

Nous pouvions voyager à Andorre où l’on présentait déjà un autre mode de vie. Parce que quand les

frontières de l’Espagne étaient fermées, on pouvait aller en Andorre et acheter des disques interdits

venus d’autres pays, du vin, du fromage… C’était un moyen de fuite. Andorre était gouvernée par le

président français et l’évèque de la Seu d’Urgell. Ce petit territoire nous permettait de connaître la

culture française que la censure ne laissait pas passer en Espagne. »12

11 Jordi Roura 12 idem

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4. La vitalité du spectacle vivant face à la crise du disque

4.1 La musique enregistrée en pleine mutation mondiale

Nul n’apprendra ici que le secteur du disque est en crise, puisque ce phénomène dure depuis quelques

années déjà et qu’il se s’agit pas d’une crise au niveau local mais qu’elle touche tous les pays.

« En cinq ans, le marché mondial de la musique enregistrée a perdu 20% de sa valeur. Il semble se

stabiliser aujourd'hui aux environs de 33 milliards de dollars. »13

Les maisons de disques et les professionnels de cette industrie accusent à tort et à travers la piraterie (ou

le système du peer to peer sur Internet –plus communément appelé P2P) mais pour beaucoup d’artistes

Internet est un moyen de faire connaître leurs œuvres auprès d’un plus grand nombre. Par exemple, la

nouvelle star de la pop anglaise Lily Allen s’est faite remarquée sur le web.

De toutes façons, du point de vue des artistes, les pertes ne sont pas très importantes, les musiciens

ayant toujours touché un petit pourcentage sur chaque disque vendu. Je crois que l’on peut avancer que

de tout temps, la scène et les concerts ont été leur première source de revenus.

Voici le point sur les ventes de disques au niveau mondial à partir des informations du site Internet du

SNEP (Source Ifpi) :

« Les ventes mondiales chutent de 3.3% en 2005 : le marché des supports physiques perd 6.7% alors

que les ventes numériques sont multipliées par 2.8. En 2005, le marché mondial de la musique

enregistrée a représenté, en valeur détail, 33.3 milliards de dollars contre 34.3 milliards en 2004 (-

2.7%).

La perte du marché des supports (1.4 milliard de dollars) est très partiellement compensée par la très

forte progression des ventes numériques (700 millions de dollars).

Aujourd'hui, les ventes numériques représentent 5.3% du marché mondial de la musique enregistrée

contre 1.8% en 2004.

La part de marché des ventes numériques a donc triplé entre 2004 et 2005.

A) Les évolutions par pays

En 2005, la part de marché des 10 principaux marchés était de 84.8% contre 84.1% en 2004.

13 http://www.disqueenfrance.com/snep/dossiers/2006_12.asp

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VENTES TOTALES

Millions de dollars 2004 2005 Evolution

USA 7214 6973 -3.3%

Japon 3697 3718 +0.6

Royaume Uni 2226 2162 -2.9%

Allemagne 1452 1457 +0.3%

France 1262 1257 -0.4%

Canada 559 544 -2.7%

Australie 488 440 -9.8%

Italie 430 428 -0.5%

Espagne 389 369 -5.1%

Brésil 303 265 -12.5%

Total TOP 10 18 020 17 613 -2.3%

Autres 3448 3143 -8.8%

Total Monde 21 468 20 756 -3.3%

En 2005, quelques pays se sont stabilisés : le Japon (+0.6%), l'Allemagne (+0.3%), la France (-0.4%)

et l'Italie (-0.5%).

D'autres sont encore dans le rouge : les Etats-Unis (-3.3%), le Royaume-Uni (-2.9%), le Canada (-

2.7%), l'Australie (-9.8%), l'Espagne (-5.1%) et le Brésil (-12.5%). »14

4.2 L’importance du concert dans l’économie des musiques actuelles

Le troisième millénaire est celui de la musique en direct en Espagne avec un nombre de concerts

et de spectateurs qui augmente chaque année.

« La musique vivante est une des rares aires de croissance du secteur en ces temps de

crise »

14 http://www.disqueenfrance.com/snep/dossiers/2006_12.asp

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1999 2000 2001 2002 2003 2004 Concerts 56,845 71,045 72,276 72,573 101,323 114,428 Spectators (thousands) 20.105 22.421 21.894 22.961 22.095 21.713

Average ticket prices (€)

11.10 11.20 12.30 12.70 16.80 16.20

Takings (€) 76.858 74.377 79.030 94.486 104.522 120.469 Source : Anuario SGAE 2005 15

A) Le spectacle vivant : une locomotive du secteur musical

J’ai choisi quelques extraits de l’entretien de Fernando Martín journaliste spécialisé dans les musiques

actuelles du quotidien El País dans l’annuaire SGAE 200616 pour mettre en valeur la bonne santé du

spectacle vivant en Espagne.

« Ce sont les concerts, plus que les disques, qui renforcent la croyance que le spectacle vivant a pris, ne

serait-ce que temporairement, le rôle de locomotive dans le secteur[des musiques populaires]. Les

chiffres d’audience des concerts en live révèlent que l’intérêt pour la musique populaire, loin de

décroître, se maintient et - dans certains cas - augmente de forme décisive. (…) Ce qui signifie que le

public potentiel de cet art augmente de partout en quantité et qualité encore plus du fait de la

globalisation (mondialisation). Chaque jour, il y a plus de groupes et artistes dans tous les styles de la

musique populaire. »

En Espagne, chaque ville et village a annuellement sa fiesta mayor où beaucoup de musiciens se

produisent sur scène. Mais souvent ces grands évènements populaires ne contractent que des artistes

« mainstream » ou des orchestres de village.

Par ailleurs, depuis une dizaine d’années, le phénomène des festivals s’est développé de façon très

expansive. Par contre, peu de salles programment directement des artistes. Il n’existe pas en Espagne de

réseau équivalent à nos SMAC françaises. Les gérants de salle prennent très rarement le risque de

produire un concert car il y a une forte concurrence de l’offre publique avec des milliers de concerts

gratuits.

Pour amortir les coûts de programmation, les festivals font appels à des sponsors privés et c’est chose

fréquente que de voir un nom de bière accolé à un nom de festival comme le Festival International de

Benicassim-Heineken, ou le Estrella damm-Primavera sound festival à Barcelone.

15 P.38 export guide 2005 16 www.artenetsgae.com/anuario/home.html

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B) Les festivals en pleine expansion

« Woodstock tous les jours, la célébration de cinq festivals avec plus de 100 groupes confirme la

bonne santé du marché de la musique vivante (live) »

Titre El país du vendredi 14 juillet 2006, dans sa section culture.

« Une recrudescence de macrofestivals traverse l’Espagne : Woodstock tous les jours. C’est le paradis

des grands concerts, circonstances insoupçonnées il y a quelques années. Après être restée à la marge

des grandes tournées du pop, rock et associé, l’Espagne est devenue la destination préférée de tout

l’éventail musical. (…) Plus de cent groupes, dans leur majorité britanniques et américains se retrouvent

dans une surprenante prolifération de festivals. (…) derrière cette apparition de la naissance d’un

négoce rapidement interprétés par quelques entreprises qui naquirent dans le décade précédent comme

promotrices de concerts. (…) le budget général des grands concerts de cette fin de semaine dépasse les

17 millions d’€uros. Dans certains cas, ils sont aidés par les administrations locales. La mairie de Bilbao

a investi 1,3 millions d’€uros dans le festival qui commençait hier. (…) les raisons de cette explosion

sont dues à des facteurs de promotion touristique, de changement de l’industrie du disque à travers

l’apparition de nouvelles technologies, la possibilité d’un nouveau négoce et de l’intérêt pour explorer

l’audience musicale en Espagne. (…) Cet été sera décisif dans le futur des grands festivals. Si la

réponse n’atteint pas le niveau prévu, beaucoup de festivals disparaîtront. Dans une large mesure cela

dépendra de la présence d’aficionados d’autres pays, spécialement britanniques. L’origine de cette

explosion se trouve dans le succès du FIB Festival International de Benicassim dont le développement a

été vertigineux. Ce festival a 50% de ses spectateurs qui sont étrangers. Dans le sillage de Benicassim,

les offres se sont multipliées au point de résulter inflationnistes. Mais la réalité est le vertigineux

accroissement par rapport à l’été précédent. En 2005, on considérait que le calendrier était saturé. Mais

cela ne s’est pas passé comme ça. L’été 2006 connaît un essor spectaculaire. Deux entreprises

apparaissent dans cette vague : Sinnamon (qui possède la salle du Razzmataz à Barcelone) y Las tour

international. (…) Cette expansion ne bénéficie pas seulement à leurs créateurs mais contribue

également à la professionnalisation du secteur. »17

5. Médias et diversité culturelle

5.1 Petit historique de la spécialisation des radios musicales

Depuis le début des années 1950, les radios et la musique entretiennent des rapports très étroits. Ce

phénomène est né aux Etats-Unis quand la naissance de la télévision et sa rapide expansion dans les

17 Extrait de El país, édicion cataluña, viernes 14 de julio 2006, año XXXI, numero 10.628

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foyers a obligé les professionnels des ondes hertziennes à trouver d’autres stratégies de programmation.

En 1952, les professionnels radiophoniques se sont rendus à l’évidence : pour concurrencer le petit

écran il ne fallait pas l’imiter, mais élaborer des programmations pour un public ciblé (pour attirer les

agences publicitaires qui souhaitent communiquer avec des segments spécifiques de population).

La seconde aire de la radio est donc marquée par la spécialisation des chaînes de radio envers des

segments spécifiques de public. Chaque radio définit ses objectifs et le type d’audience qu’elle souhaite

toucher.

« La légende dit qu’au milieu des années 50, deux jeunes producteurs de radio qui visaient à augmenter

l’audience de leur émission ont observé que les clients des bars étaient prêts à payer dans les juke-box

pour écouter toujours les mêmes chansons dans un intervalle de temps réduit. »

Ils ont alors pensé que si les gens payaient pour écouter leurs chansons favorites, (…) leur station devait

fonctionner sur le même modèle (c’est à dire la diffusion en continue d’un nombre limité de disques qui

tourneraient par période).

« Au bout d’un an, ils étaient devenus les leaders de l’audience et le nouveau système de

programmation, -baptisé Top 40 d’après les titres qui contenaient une majorité de singles- s’étendit à

tout le pays jusqu’à dominer le marché jeune en 1957. »18

5.2 Le rock envisagé sous l’angle économique

« Le rock (musiques populaires) acquiert ainsi une dimension économique indéniable quand, à travers

la communication de masse, il est absorbé et intégré dans un système de marché. Il devient alors le

« pop » (dérivé de populaire, qui touche la masse) et ses aspects culturels et artistiques sont soumis à la

commercialisation, au marketing, à la manipulation sociale des contenus et des formes en vue de la

vente. Comme n’importe quel commerce, l’industrie discographique est régie par la logique de

production capitaliste, dont la finalité est de réaliser un marché large configuré par divers auditeurs qui

achètent des disques différents et écoutent divers types de musiques. »

« De la chanson commerciale à la chanson engagée, (…) aucun genre musical qui dispose d’amateurs

ne s’exclut en théorie de l’intégration au marché qui tend à se diriger vers un public chaque jour plus

diversifié, segmenté selon les niveaux de culture, d’extraction sociale ou simplement en fonction des

classes de goût. »19

18 La radio musical en España, historia y análisis, Luis Miguel Pedrero Esteban, ed.IORTV, p.135 (traduction libre) 19 Lanza A. Historia de la musica (vol 12) Turner musica, madrid 1986, p.12-13

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« Dans ce contexte de culture de série conçue pour une consommation massive, apparaissent des

produits jugés en fonction de leur rentabilité (disques d’or, liste des succès…), de leur caducité

(obsolescence), de leurs répétitions stéréotypées et homogénéisantes. On pourrait même parler de

colonisation culturelle si on constate, par exemple, la programmation des mêmes titres à succès dans les

radios du monde entier. »20

« Ce flux est le résultat de diverses stratégies de communication culturelle. Parmi lesquelles, la radio

révèle une position dominante. Elle est au centre de la manipulation : elle a besoin du succès de

l’industrie discographique, de la même manière que l’industrie du disque conditionne sa propre

rentabilité. »21

« L’industrie discographique doit être analysée sous deux angles : celui du travail et celui de sa

valorisation.

En premier lieu, le disque est un produit qui requiert un processus industrialisé dans toutes ses phases :

sélection (paroles, musique et interprètes), enregistrement séparé de chaque instrument et voix,

superposition, mixage et master. Le produit discographique est un résultat distinct de l’idée originale, il

est unique mais susceptible de reproduction multiple sur des supports physiques, sérialisables, adaptés

au marché et commercialisables.

5.3 Le poids du star system et du hit-parade

D’un autre coté, c’est un produit de qualité inégale des thématiques avec une forte prédominance du

vedettariat, donnant la primauté à l’interprète sur le compositeur. »22

« Si la création d’un disque de variétés est un processus collectif, sa commercialisation s’appuie sur la

transformation du chanteur en un grand artiste. S’accomplit ainsi une des lois de la production culturelle

selon laquelle pour démontrer l’unité du produit, il est nécessaire de l’attribuer à un créateur unique.

(…) Au final, le disque (ou tout autre support musical) est un produit international, qui établit la

prédominance du rythme et de la musique sur les paroles afin d’obtenir la meilleure diffusion possible,

sans limites géographiques ou linguistiques. »23

« Si l’objet musical n’a pas de valeur en soi (…) l’industrie phonographique a besoin de le déguiser et

de l’agrémenter de qualité artificielle qui influent sur sa consommation, due à l’obsolescence accélérée

de chaque titre dans le contexte d’une offre constamment renouvelée (un disque à succès dure en

moyenne entre trois et six mois sur le marché discographique). Ce stratagème se fait grâce au hit-

parade : une classification éloignée de la production, reconnue comme légitime par les consommateurs

20 Critica de la seduccion mediatica, Sanchez-Noriega, JL, tecnos, Madrid, 1996. 21 Radio musical en españa, p.143 22 idem p.144 23 idem p.145

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et capable de définir pour eux la valeur d’un titre ou d’une composition apparue récemment sur le

marché. (…) Cette classification requiert un support important, un système de moyens de

communication audiovisuels qui l’expose de façon régulière.(…) »24

5.4 La promotion : indispensable pour attirer l’attention

Quant à son processus de valorisation, le produit discographique a une valeur d’usage aléatoire, sujette

à aux goûts et aux envies du consommateur. C’est précisément pour cela et sur ce facteur, en théorie

externe au processus de production, que l’on travaille le plus dans la pratique pour donner un sens et

une continuité à l’industrie musicale.

« La production à proprement parler de l’objet disque n’est pas plus qu’une partie mineure de

l’industrie qui doit créer les conditions d’achat de cet objet. Il s’agit essentiellement d’une industrie de

manipulation et de promotion qui implique le développement d’activités de service que produit le

consommateur : l’essentiel de la politique économique nouvelle qu’annonce ce type de consommation

réside dans la production de la demande et non dans celle de l’offre. Certes, il est difficile d’admettre

que la valeur de l’objet ne réside pas dans l’œuvre en elle-même mais dans un large ensemble dans

lequel se construit la demande de marchandises. »25

5.5 La radio musicale, un moyen de diffusion fortement lié à l’industrie discographique

« La radio musicale maintient et maintiendra un poids notable comme agent de diffusion de la musique

pop et pour autant continue à dépendre de l’industrie phonographique car en construisant une

programmation basée sur l’offre de cette dernière, elle conditionne sa propre rentabilité. Cela arrive

surtout sur les stations qui émettent des nouveautés discographiques – le format Top 40 le plus

cautionné du monde- dont le succès dépend de l’habilité des disc jockeys à vendre des « objets-

musique ». (…) Le processus de la demande fortement influencé par la radio musicale vient renforcer

le processus de l’offre, en réduisant ainsi l’éventail de genres et de styles à ceux qui plaisent parce

qu’ils sonnent bien parce qu’ils se vendent et confirmant ainsi l’implacable potentialité homogénéisante

de cette industrie culturelle.»26

« Dans la gestation des succès –confection, programmation et publicité- intervient tout un ensemble

d’intérêts formés principalement par ceux des entreprises phonographiques elles-mêmes, celles des

interprètes, celles des émissions commerciales de radio et de télévision, des discothèques, de la presse

24 Radio musical en España, p.146 25 Attali Jacques, Bruits, essai sur l’économie politique de la musique (traduction libre de l’espagnol !) 26 Radio musical en España p.149

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musicale et des établissements qui vendent les disques. (…) De cette manière, se ferme un cercle qui

s’intègre pleinement dans les marques d’une culture capitaliste contemporaine. » 27

Selon S. Frith, le pop constitue une catégorie musicale dont l’idée originale et la finalité s’orientent

principalement depuis son origine à un marché massif et sert à différencier deux modèles basiques et

antagonistes de programmation :

- celui des radios qui jouent un rôle de véhicule dans l’exposition du phonogramme élaboré

- celui de celles qui conçoivent le disque comme un produit culturel.

5.6 Deux modèles de radios : commercial et indépendant

• Les intérêts des stations basées sur le premier modèle convergent avec ceux des artistes, éditeurs et

producteurs, parce que la finalité commerciale des uns et des autres ont un même destinataire : le

consommateur qui, à force d’entendre les mêmes chansons, désire les posséder afin de les écouter

quand il le souhaite. Tout réside dans la capacité de l’animateur à développer la valeur d’usage des

chansons sur le terrain artistique et par des anecdotes extra-musicales : l’aspect physique et

vestimentaire des interprètes, leur provenance géographique, leur filiation…

• La deuxième grande option dans le traitement radiophonique du pop échappe à l’intégration

soumise de la programmation aux stratégies des compagnies discographiques puisque les critères

utilisés pour sélectionner les morceaux se basent sur des raisons artistiques, selon l’opinion de

spécialistes qui travaillent de façon indépendante et autonome. Chaque disc-jockey est responsable

des titres qu’il défend pendant son temps d’antenne, il les commente, les critique bien au-delà des

résultats des positions et résultas de ventes que les disques ont sur le marché.

5.7 Le bilan radio en France : les chiffres du SNEP

A) Un bilan marqué par la perte de vitesse du francophone et des nouveaux talents

"Le nombre d'artistes francophones présents dans le top 100 des diffusions radio chute de 27% (44 en

2004 et 32 en 2005).

Deux fois moins de nouveaux talents dans le top 100 des diffusions (34 en 2004 et 18 en 2005). »

Le nombre de nouvelles signatures d'artistes francophones reprend quelque peu après deux

années de chute substantielle : -30 % en 2003, -35 % en 2004 et +14 % en 2005. 27 Jones D.E y Baró J La industria musical a Catalunya, Llibres de l’index, Barcelona 1995, p.15

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48 nouvelles signatures d'artistes francophones ont été enregistrées au cours du premier semestre 2005.

C'est mieux qu'en 2004 mais c'est deux fois moins qu'il y a quatre ans.

La hausse du nombre de contrats rendus constatée en 2003 et 2004 s'est inversée : 24 contrats rendus en

2005 contre 48 en 2004 et 47 en 2003.

Le solde des nouvelles signatures, très faiblement positif l'année dernière (6 nouveaux contrats)

s'améliore donc cette année : 24 nouveaux contrats.

Malgré cette amélioration, le solde net des nouvelles signatures (24 nouveaux contrats) reste très

inférieur à ce qu'il était avant la crise (45 nouveaux contrats en 2001 et 68 en 2002).

Les investissements marketing et promotion chutent de 24 % après deux années de stabilité.

Le montant des investissements marketing et promotion qui s'était maintenu au cours des deux dernières

années de crise a chuté de 24 % au cours de ce semestre.

Cette baisse a particulièrement touché le répertoire international (-32 % contre -22 % pour le répertoire

francophone).

Au cours des quatre dernières années, les investissements marketing et promotion auront baissé de 28

%, chiffre en adéquation avec la chute du chiffre d'affaires des nouveautés (-27 %).

Enfin, la baisse sur quatre ans des investissements marketing et promotion (-28 %) est plus faible que

celle des commercialisations d'albums (-43 %) montrant ainsi une augmentation des investissements sur

un nombre plus réduit d'albums. » 28

Face à ce désinvestissement des maisons de disques dans la promotion, les promoteurs de tournées sont

obligés de faire eux-mêmes la promotion de leurs artistes s’ils veulent remplir les salles. Pourtant, dans

la répartition des rôles, c’est aux maisons discographiques de faire ce travail avec les médias. Les

tourneurs peuvent éventuellement se charger des contacts avec la presse écrite, les radios et les

télévisions étant généralement toujours déléguées aux maisons de disques ou à des attachés de presse

spécialisés.

B) Conclusion sur les contenus des radios musicales

Cette lecture de la spécialisation des radios musicales sous l’angle économique nous aide à comprendre

pourquoi dans la majeure partie des cas, les programmations sont très insatisfaisantes esthétiquement

28 http://www.disqueenfrance.com/snep/dossiers/2005_02.asp

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parlant et pourquoi certains comportements d’animateurs tentent en vain de revêtir de sensibilité

artistique une routine de programmation qui est nettement mercantile.

Souvent les radios essayent d’attirer l’audience en programmant des disques en fonction de leur indice

de ventes sur le marché, ceux qui plaisent le plus au public, dont les achats sont généralement

influencés par ces mêmes émissions radiophoniques. En principe, les trois considérations primordiales

sur lesquelles se fixent les programmateurs sont :

- les résultats des ventes ( donnée objective)

- la popularité du disque (donnée objective)

- la qualité du produit phonographique (trait essentiel subjectif et variable selon le public de chaque

émission).

a) Le processus de concentration de la production et de l’édition phonographique

A quelques exceptions près, les radios musicales s’approvisionnent à partir de l’offre globale de

l’industrie discographique, une des plus internationales et concentrées du monde sous le contrôle

dominant des majors :

- l’américaine Warner –EMI music (après la fusion de Time Warner incluant Atlantic, Elektra et

Warner Brothers). La partie éditions de Warner Chapell représente 16% du marché de l’édition.

- la britannique EMI (Virgin, Capitol, Priority) atteint 17% des parts de marché de l’édition. La

fusion entre EMI et Warner avait été envisagé mais la cour européenne l’a unnulée.

- Universal music group (du groupe Seagram, propriétaire de A&M records, Deutsche

Grammophon, Polydor, Motown records, Phillips, MCA, Mercury, Decca record company et Velve

music group). Le groupe Universal vient de racheter cet été BMG publishing et devient donc

numéro 1 mondial de l’édition (sous réserve que la cour européenne approuve la fusion en vertu du

respect à la concurrence).

- La japonaise Sony music (Epic et Columbia entre autres)

- L’allemande Bertelsmann Music group BMG (avec Ariola et RCA).

Ces multinationales contrôlent tout le processus de la production à la distribution dans quasiment tous

les pays développés. Leur comportement d’entreprise est bien évidemment régi par la logique de faire

un maximum de bénéfices en développant des stratégies de productivité majeure.

b) La musique authentique ne saurait être un pur produit marketing

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Mais la réalité du marché qui nourrit les radios s’impose souvent sur les « succédanés » de la promotion

et du marketing : « L’histoire du rock démontre que les mouvements de rénovation arrivent du bas vers

le haut : les nouvelles tendances ne se créent pas dans les salons de réunions, mais dans la rue, entre les

minorités attentives aux changements et ayant soif de nouveauté. Ultérieurement ces musiques sont

assimilées et commercialisées par les empires discographiques. »29

Un autre facteur de sélection de la musique par les stations radios est conditionné par la loi. Avant

l’invasion de la musique anglo-saxonne dans les radios et marchés discographiques du monde entier

(bien que maintenant surgit avec force le phénomène des musiques latines), certains pays ont établi des

quotas minimum de diffusion de production nationale. En France, la loi des quotas a permis à la scène

musicale autochtone de se maintenir avec l’appui de modestes discographies locales. Depuis le premier

janvier 1996, l’application de la loi du quota de 40% de musique francophone imposée aux émissions

de 6h du matin à 22h30, surveillée par le conseil supérieur de l’audiovisuel sanctionne par des amendes

les stations qui ne respectent pas la loi.

« Ces amendes peuvent aller de 3 à 6 % du volume commercial global de la station et parfois la

concession de la fréquence peut ne pas être renouvelée. La politique française des quotas se joint à la

dite « exception culturelle », qui a réussi à ce que l’industrie cinématographique conserve 35% de son

propre marché et satisfasse plus de 60% de l’audience télévisuelle – un cas unique en Europe. (…) En

Espagne, Manuel Fraga a promu un ordre en 1968 qui exige des quotas pour « imposer un style proche

de nos coutumes (…) et pour que la musique soit plus intelligible pour un public de langue espagnole ».

Cependant cet ordre ne s’applique pas dans la réalité alors qu’il est toujours formellement en vigueur.

Une politique similaire a été promue en Catalogne, appelée « loi du catalan ».30

Cependant, malgré cette loi favorable, les jeunes talents francophones ne sont pas en tête des diffusions

radios françaises, à fortiori alors en Espagne.

La radio musicale est devenue l’agent principal de cette manipulation de l’industrie discographique. La

vitrine radiophonique est devenue indispensable jusqu’à aujourd’hui pour la survie du succès de

l’industrie discographique car la radio s’est convertie dans le premier canal de défense et de diffusion

de chaque nouveau lancement sonore.

5.8 Les artistes français dans les médias espagnols

29 Manrique, D.A. Historia del rock, El país, Madrid 1987, p.8 30 radio musical en españa, p.158-159

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Le bureau export Espagne ne dispose d’aucune revue de presse, radio et télévision sur les artistes

français qui viennent se produire en Espagne. J’ai pu obtenir celles des artistes produits par WAM

concernant la partie presse écrite.

SOUAD Massi / Anacrusa productions concerts 22 et 23 avril 2006 à Badalona et Benicassim et sortie

de son album Mesk Elil dans l’année 2006.

Cette chanteuse d’origine algérienne a eu quelques articles élogieux et entretiens sur ses concerts et sa

sortie de disques dans la presse. Notamment dans 5 revues spécialisées (Worl Music, Batonga,

Enderrock, Rock de luxe, Folc) 3 quotidiens (El país, El periodico : 2 articles, La vanguardia : 2

articles) et une revue féminine (Elle).

La promotion radio était déléguée à Anacrusa productions qui lui a procuré quelques passages sur :

- 2 radios nationales (RNE Radio 3 (programas como Los Elefantes y Discópolis...) - Cadena Ser: en

el programa Hoy por Hoy de Carles Francino (su colaboradora María Luisa García).

- 2 radios régionales (Catalunya Radio-iCat (programas como el de Albert Puig). ComRadio)

- 7 radios locales (Radio Ciutat de Badalona, Radio L´Hospitalet, Radio Estel, Radio Nou (Valencia),

Rac1, Radio Círculo de Bellas Artes - Onda Madrid)

YANN TIERSEN, Les retrouvailles, 24 février 2006, sala Riviera Madrid, Emotiva

Il est clair que le succès des films Le fabuleux destin d’Amélie Poulain et de Good bye Lenine sont pour

beaucoup dans la notoriété internationale de la musique deYann Tiersen.

Pas moins de 65 médias ont assisté à son concert.

Il a fait 10 passages à la télévision et on ne compte pas les articles de presse et les sites Internet qui ont

parlé de lui. Yann Tiersen connaît un vrai succès médiatique en Espagne et la revue de presse de son

dernier passage pèse un certain poids !

EMIR KUSTURICA et le NO SMOKING ORCHESTRA, 9, 12, 14 et 15 janvier 2005 (Logroño,

Barcelone, Madrid, Murcia, WAM producciones.

Il en est de même pour cet artiste complet, dont la notoriété cinématographique attire l’attention des

médias.

D’autant que sa tournée de concerts avec Le No smoking orchestra en Espagne coïncide avec la sortie

de son film La vie est un miracle.

Il a fait deux télévisions nationales TV1/TV2 (journal de 20h) : retransmission d’un extrait du concert

de Madrid et Canal +, émission la hora Wiki : interview de tout le groupe et enregistrement du concert

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de Madrid. Quatre TV locales ont également retransmis les interviews et les concerts de Barcelone et de

Logroño : Localia Catalunya Aqui Barcelona, TV3 Les informations, BTV et TVE2 Aragon cabaret.

Au niveau de la presse, deux quotidiens nationaux ont retranscrit des interviews et fait un reportage sur

les concerts : El país du 16 janvier 2005 et La vanguardia du 20 janvier 2005, le quotidien régional La

verdad a également fait une interview d’Emir. Plusieurs critiques de concerts dans diverses revues

musicales ou quotidiens nationaux : Mondo sonoro, indyrock.es, el pais, la vanguardia, el mundo…etc

s’ajoutent aux innombrables chroniques sur sa musique et son dernier film tant dans la presse écrite que

sur Internet.

Pour les autres artistes de WAM comme Rachid Taha (3 dates en janvier 2005), Le peuple de l’herbe (5

dates en février 2005) en première partie de Sergent Garcia (6 dates) et Amadou et Mariam (2 dates en

juin 2005), le succès médiatique n’est pas aussi éclatant même s’ils arrivent à avoir une relativement

bonne couverture de presse écrite. Je regrette de n’avoir aucune information sur les passages en radio et

en télévision pour tous les artistes (exception faite de Souad Massi).

Conclusion Les atouts : En Espagne, il y a une tradition d’intérêt pour la chanson française et il ne faudrait pas

grand chose pour le renouveler auprès du grand public.

Les musiques actuelles françaises sont faites d’ identités multiples et rassemblent tous les styles

musicaux sans restriction de nationalité. Chacun peut y trouver ce qu’il aime.

Le spectacle vivant en Espagne est en pleine expansion et les festivals ont une vitalité extraordinaire.

Certains ont un rayonnement internationale et chaque année, il s’en crée de nouveaux. La scène

musicale espagnole constitue une vraie richesse et une bonne alternative à la crise mondiale des

supports.

Les difficultés : En Espagne, les radios sont dominées par les grands groupes de communication et

fonctionnent sur un modèle très commercial. Ce processus de concentration dominé par les grandes

maisons discographiques ne laisse que très peu de place aux musiques alternatives.

Dans la partie suivante, j’ai cherché à donner une vision assez exhaustive du marché musical espagnol.

Je donne aussi quelques conseils destinés aux professionnels français qui voudraient développer leurs

artistes à l’international. On trouvera également une analyse croisée des sorties d’albums des musiciens

français mises en parallèle à leurs concerts en Espagne. J’ai essayé de déterminer les influences entre

ces deux économies complémentaires de la musique : le disque et le spectacle.

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II. Le marché musical espagnol

Introduction Bien que l’Europe existe, chaque pays à encore ses propres modes de fonctionnement et ses propres

coutumes. L’Espagne a appliqué la décision européenne de réduire la TVA sur les disques. En

introduction, je donne une vision générale des expressions musicales les plus populaires. Il faut savoir

que le secteur musical est moins professionnels qu’en France. Par exemple, les revues spécialisées ne

sont pas bien développées.

Les styles musicaux les plus appréciés

Depuis les années 1990, la scène espagnole alternative s’est considérablement développée, elle est

maintenant riche de divers styles artistiques. Dans les dernières années, ces scènes indépendantes ont

connu un processus de normalisation notamment à travers un réseau de festivals dont les plus

remarquables sont le Primavera sound de Barcelone et le FIB de Benicassim qui propose une

programmation de très haute qualité.

Cependant, cela n’est qu’une part de la scène musicale espagnole qui est très fortement marquée par une

forte présence de la musique commerciale avec un quota de 50% pour les productions nationales en

terme de ventes d’albums. Ces musiques de grande écoute sont caractéristiques du formatage du pop

des radio-formulas, de chansons aux légères influences flamenco ou de rythmes latins lors des mois

d’été.

Cela s’explique par la crise actuelle du disque face au piratage très poussé qui rendent les maisons de

disques frileuses à s’investir sur des genres minoritaires, dits à risque. Face à cette crise, le spectacle

vivant se porte comme un charme, le nombre de concerts a quasiment doublé en 5 ans car il est passé de

56 845 en 1999 à 114 428 en 200431. Le spectacle vivant est particulièrement actif dans les régions de

Madrid et de Catalogne.

Les musiques du monde

Elles connaissent un vrai succès qui n’est pas sans lien avec le phénomène croissant de l’immigration

qui fait de la population espagnole un peuple métissé. En effet, selon les chiffres dont on dispose, en

1996, les immigrés représentaient seulement 2% de la population, en 2005 le pourcentage est de 15% en

particulier dans les centres urbains de Madrid et Barcelone. Il faut manier ces chiffres avec prudence car

l’on sait bien qu’il y a beaucoup d’immigrants sans papiers, donc non recensés.

Ainsi donc, ces nouveaux citoyens amènent leurs propres références musicales qui finissent par se

mélanger aux cultures locales. De nombreux festivals ont une programmation musiques du monde

31 anuario SGAE de las artes escénicas, musicales y audiovisuales 2005

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comme Pirineos sur, la Mar de musicas... D’autre part, le star system de la world fonctionne en

Espagne depuis déjà plusieurs années, le public est fidèle et a toujours bien accueilli Cesaria Evora,

Goran Bregovic… La musique des balkans, les batucadas bréziliennes, le raï, la scène africaine

rencontrent un public croissant. Les musiques latines, en particulier cubaines ont littéralement

explosées.

D’un point de vue local, le « sonido de Barcelona » appelé aussi le Barcelona sound (le son de

Barcelone) décrit cette tendance aux brassages musicaux avec des groupes locaux composés de

musiciens étrangers, dont Manu Chao en fut l’instigateur suite à sa résidence à Barcelone, on y trouve

aujourd’hui Ojos de brujo, Macaco… Et bien sûr, les musiques aux origines régionales ne cessent de

croître et de se moderniser.

La musique ethnique s’est érigée comme une alternative raisonnable aux initiatives anglo-saxonnes qui

ont donné le ton durant la majeure partie du siècle passé. La diversité, avec toute la richesse qu’elle

suppose, devient enfin nécessaire dans le sens ou elle permet de maintenir l’intérêt pour les diverses

formes musicales à disposition de l’amateur (aficionado).

Le pop rock

La scène pop espagnole est née dans les années 1980 avec des groupes au succès massif comme

Mecano, Radio Futura, Alaska et Dinarama… et plus tard dans les années 1990 avec l’émergence

d’une scène alternative qui a donné lieu à un véritable star system. Il y a toujours un double circuit,

celui des stars commerciales dont les ventes atteignent des sommets et s’imposent sur les médias

principaux et la scène indépendante qui compte une audience militante et alternative. Parmi les artistes

qui se sont faits connaître dans les années 1990 on peut citer Jarabe de palo, la Oreja de Van Gogh,

Amaral, El canto del loco, Bebe…

En Espagne, le « rock urbain » est particulièrement prestigieux avec ses slogans socio-politiques et

sarcastiques comme ceux de Extremoduro, Ska-P, Rosendo et sa musique qui frise le hard rock.

La scène rock indépendante a commencé à se faire connaître dans les années 1990 grâce au

développement de festivals comme celui de Benicassim (créé en 1995) qui a aidé à la promotion de Los

planetas, la buena vida, Manta Rey, surfin’ bichos…cette scène est très diverse et va du rock métal au

rock électro en passant par la house ou les expérimentations du pop rock. C’est une des scènes les plus

riches d’Europe, mais une des moins connue également.

Dans cette tendance, le rock en catalan se défend bien, même s’il ne connaît pas une audience en dehors

de son territoire avec des groupes comme Els Pets, Adria Puntí, Gerard Quintana…

L’électronique

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Elle a connu une véritable explosion dans les années 1990, parallèlement à d’autres pays. Elle ne se

limite plus à un cercle restreint d’experts mais connaît un vrai succès auprès du public. En particulier à

Barcelone qui est une ville phare en ce domaine avec le festival Sonar, la référence en la matière et qui

vient d’achever sa 13ème édition en 2006. Ce festival rassemble un public venu de tous les pays qui

atteint en moyenne 80 000 personnes friandes des nouvelles tendances d’avant gardes.

Le phénomène des DJs s’est également considérablement développé, devenant les figures de référence

dans les clubs et les festivals.

Je n’ai pas approfondi plus amplement ce thème, car je me suis centrée sur le spectacle vivant. Peut-on

considérer un DJ comme un musicien ? Pour moi, la musique électronique est un peu en marge du

spectacle de scène.

Le hip hop

En quelques années ce genre est passé d’une forme marginale à une reconnaissance publique.

Notamment grâce au succès immense en 2002-2003 de la bande originale du film 8 miles par Eminem,

dont les ventes ont atteint 200 000 copies en Espagne, allié à l’émergence de Mala Rodriguez, la

première star espagnole du genre. Mais les racines du rap espagnol remontent déjà aux années 1980,

dont la scène se concentre à Madrid, comme aujourd’hui d’ailleurs.

Les variétés

Le succès du show télévisé « Operación triunfo » entre 2001 et 2003 a donné naissance à des stars très

jeunes et populaires qui sont emblématiques d’un genre que l’on peut qualifier de « chanson légère »

une sorte de flamenco pop mêlé à une touche de musique latino. Le symbole de cette vague est David

Bisbal qui a vendu énormément de disques.

Comme en France, les sagas musicales se multiplient dans un genre tout aussi peu exigeant que notre

Star academy. Mais la télévision semble un bon outil de promotion pour ce genre de musiques

commerciales. Il faut noter que le phénomène majeur de 2005 est celui de Maria Isabel, une petite fille

de 9 ans, gagnante de la compétition internationale de l’Eurojunior.

Le pop aux influences latines est largement apprécié par le grand public avec des chanteurs comme

David Civera et Raúl… mais aussi beaucoup de musiques de variétés puissent leur influence dans le

folklore andalou ou les chansons populaires comme Rocío Jurado, Isabel Pantoja, María del Monte…

D’autres stars de variétés ne s’inspirent pas tant du folklore espagnol comme Julio Iglesias, Camilo

Sesto, Juan Pardo… dont la carrière est principalement orientée vers l’Amérique latine car ils

rencontrent un certain désintérêt des jeunes espagnols. Une exception est celle de Alejandro Sanz qui a

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connu un énorme succès avec son hit Más vendu a 5 millions d’exemplaires en Espagne et en Amérique

latine.

La chanson espagnole et catalane

Ce genre « canción de autor » est directement influencé par la chanson littéraire française de Georges

Brassens et de Jacques Brel et par les chansons militantes d’Amérique latine. Le message contenu dans

les paroles est aussi important que l’instrumentation, il est souvent poétique ou engagé politiquement et

socialement. Pendant la dictature de Franco, le collectif catalan Les setze jutges ont véhiculé des

messages d’insurrection dans un style musical épuré.

La chanson catalane a donné naissance a toute une génération de chanteurs qui restent très

charismatiques et sont toujours une référence aujourd’hui : Joan Manuel Serrat, Lluís Llach, Raimon et

Maria del Mar Bonet. Du coté castillan, on a Luis Eduardo Aute, Hilario Camacho, Paco Ibáñez…Avec

le temps et la fin de la dictature, l’engagement politique s’est atténué, Serrat, Joaquim Sabina, le couple

Victor Manuel et Ana Belén mélangent des touches plus intimistes et des succès commerciaux.

Avec la chute du régime de Franco, la chanson d’auteur est passée par une redéfinition d’elle-même,

donnant naissance à une nouvelle génération de troubadours dans les années 1990 : Rosana, Pedro

Guerra, Ismael Serrano, Javier Alvarez et Jorge Brexter (Uruguayen vivant à Madrid) ont contribué à

rénover le genre en assimilant de nouvelles influences brésiliennes, africaines, avec des paroles moins

personnelles et moins politiques.

1. Vue d’ensemble du paysage musical ibérique Il faut d’abord savoir que 75% de la population espagnole est urbaine et se concentre dans les villes

Madrid, Barcelone, Valencia et Séville. Il est également important de savoir que le marché de l’emploi

est précaire et que les dépenses musicales par capital des espagnols ont un des taux les plus bas

d’Europe, en 2004, il s’élevait à 10,50 €uros. Les régions les plus riches sont au demeurant celles où le

catalan est parlé, à savoir la région de Valence et la Catalogne qui nous concerne particulièrement.

L’Espagne a une culture très riche, festive qui se déroule très souvent dans la rue, chaque région a ses

traditions populaires et ses fêtes appelées fiestas mayores.

1.1 Les politiques culturelles : un régionalisme puissant

Bien que le ministère de la culture fut créé en 1977, les actions commencent vraiment au début des

années 1980 avec l’arrivé de la démocratie. Ces politiques se caractérisent par une volonté de rattraper

le temps perdu. Cette évolution extrêmement rapide explique une certaine faiblesse des autorités

publiques dans le champ culturel et une définition floue des rôles de chaque infrastructure. Cependant,

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depuis avril 2004 avec le gouvernement socialiste de José Luis Zapatero, l’intérêt politique pour la

culture n’a cessé de croître, et on peut espérer des politiques culturelles sur le long terme, notamment en

terme de professionnalisation du secteur.

En effet, tous les actuels managers, agents, directeurs de labels Etc… ont appris leur travail sur le tas, ce

qui a favorisé aussi certaines pratiques illégales. D’après le cahier export 2005 du bureau export

Espagne, les habitudes de travail sont assez peu professionnelles, avec une grande part d’improvisation

et d’organisation de dernière minute.

La Fundacion autor est la seule institution à organiser des formations pour les professionnels.

L’Institut national des arts scéniques et de la musique du ministère de la culture, de l’éducation et des

sports est le seul organisme national pour le spectacle vivant dans le domaine musical. Il travaille

surtout en faveur de la musique classique notamment avec le plan national des auditorium et gère

directement l’organisation de grands évènements.

Dans Le libre blanc de la Generalitat de Catalogne sur les industries culturelles de 2002, il est mis en

avant la vitalité du secteur du spectacle vivant face à la crise mondiale que connaît le secteur du disque.

Cela confirme ce point développé en première partie où l’on a vu une véritable explosion de festivals.

En Espagne, les régions ont une autonomie très forte, et on note un déséquilibre entre les divers

territoires en terme de moyens. Il n’y a pas institution nationale culturelle où les tourneurs français

puissent s’adresser, chaque communauté doit être contactée individuellement.

Je vais centrer mon étude sur la Catalogne qui est une des régions des plus prospères, et de par sa

position géographique avec la France, semble être plus encline aux échanges culturels et musicaux.

Depuis 5 ans, Barcelone est en effet devenue une vraie capitale européenne du Sud et accueille une

forte immigration.

Barcelone et Madrid concentrent les deux tiers des ventes de disques de toute l’Espagne ainsi que les

agences de concerts, les associations professionnelles et les labels.

D’après l’association espagnole de phonogrammes et de vidéos Promusicae, 52% des structures qu’elle

représente sont à Madrid, et 30% à Barcelone. On note une concentration de l’industrie musicale qui est

inquiétante pour l’institut culturel de Barcelone qui déplore que la majorité des compagnies se

déplacent à Madrid. Cependant, Barcelone est encore riche de beaucoup de compagnies indépendantes.

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1.2 Un marché du disque en crise mais un secteur du spectacle vivant en pleine expansion

L’Espagne ne va pas à contre sens de la tendance mondiale pour ce qui est du téléchargement illégal de

musique. En 2005, 66,4% des archives téléchargées étaient musicales. Cependant, cette révolution

technologique n’a pas que des conséquences néfastes puisque les ventes de DVDs musicaux ont

spectaculairement augmenté de 122% en 2004. Les Espagnols apprécient très fortement la musique.

D’après le rapport de la SGAE sur une étude menée en 2002-2003, 38,9% des espagnols écoutent de la

musique quotidiennement. 50,2% affirment avoir acheté un CD au cours de l’année alors que le disque

reste un objet cher par rapport à leur pouvoir d’achat.

Les concerts rencontrent un succès croissant. En 2004, les spectateurs atteignent 21,7 millions pour 114

428 concerts. 24,9% de la population va au moins une fois par an au concert. On note une très forte

préférence pour le pop rock face à la musique classique. Le nombre de spectateurs payant augmente

également, bien qu’il y ait une forte offre de concerts gratuits. Par contre, le public espagnol se montre

assez peu curieux pour les concerts de groupes inconnus, surtout s’il faut payer pour y aller.

En matière de consommation musicale, ce sont quand même les médias radiophoniques et télévisuels

qui tiennent le haut du pavé. D’où un vrai problème pour la scène alternative qui n’a pas de vitrine dans

ces médias commerciaux.

1.3 L’Espagne et le piratage

La situation est encore plus critique qu’en France. En 2004, 31% des ménages sont équipés d’une

connection Internet et on recense 270 millions de fichiers musicaux téléchargés illégalement.

Mais l’Espagne fait face à un autre phénomène plus grave que le téléchargement à titre privé.

Il s’agit du « piratage Top Manta » ou la vente dans la rue de CDs piratés, téléchargés illégalement sur

Internet. Les revendeurs passent dans les restaurants, vendent dans la rue… C’est un marché noir bien

développé. En 2004, 3059 personnes ont été détenues par la police pour piratage et environ 4 millions

de CD illégaux ont été saisis.

La SGAE et le ministère de la culture mènent des campagnes de sensibilisation pour la défense du droit

d’auteur et les politiques ont établi le plan suivant :

- La création d’une commission inter administrative pour la défense des droits violés par le piratage

- des campagnes pour faire prendre conscience à chacun des effets néfastes du piratage sur la création

- la révision de la loi judiciaire espagnole

- une formation appelée « in house » pour les policiers et les juges.

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Au niveau européen, en avril 2004 l’union a émis une directive anti-piratage visant à harmoniser les

législations nationales pour garantir un standard de protection équivalente du droit d’auteur (copyright)

à l’intérieur du marché européen et pour faciliter l’échange d’information pour contrer ces pratiques

illégales.

2. Environnement économique et légal

2.1 Les droits des artistes musiciens

A) Les droits d’auteurs Sur la question du droit d’auteur, la législation en vigueur en Espagne diffère peu de celle de la France.

Les droits moraux ne peuvent être cédés en aucun cas. Ils s’appliquent pendant toute la vie de l’auteur

et jusqu’à 70 ans après sa mort. Ensuite, ils tombent dans le domaine public.

Les droits patrimoniaux sont également les mêmes qu’en France, et peuvent être cédés sous certaines

conditions (en générant des revenus). Il s’agit des droits de reproduction, de distribution, de diffusion

publique et de transformation.

La SGAE retient 10% de chaque ticket vendu pour les droits d’auteur, peu importe si les frais ont été

couverts ou pas. Pour chaque concert, les groupes doivent remplir la feuille des auteurs (hoja de

autores) et s’assurer que le paiement est bien effectué. Une fois de retour dans leur pays, ils peuvent

réclamer leurs droits auprès de la société civile correspondante, la Sacem en l’occurrence.

B) Les droits d’interprètes

Ils ne sont pas considérés comme auteurs, mais ils ont certains droits sur l’originalité de leurs

interprétations. Les droits d’exploitation des artistes interprètes durent 50 ans, ensuite ils tombent dans

le domaine public. Les musiciens touchent des droits de la fixation sur support de leur interprétation, le

droit à la reproduction, à la diffusion publique et à la distribution.

Lors des concerts, les artistes ne sont pas supposés être employés avec un contrat d’emploi

(présomption de salariat comme en France) mais fournissent une prestation de service. A moins de

stipulation contraire, l’impressario est supposé avoir acquis le droit exclusif d’autoriser la reproduction

et la diffusion en public. Dans le cas des groupes, ils doivent désigner un représentant parmi eux.

C) La réforme de la loi de la propriété intellectuelle en Espagne

Cependant face à la crise, l’Espagne prend des mesures et vient d’adopter le 22 juin 2006 une nouvelle

loi.

L’adoption de celle-ci a généré une grande polémique entre auteurs, producteurs, distributeurs, radios,

télévisions et associations d’utilisateurs. Cette loi consacre la taxe en faveur des auteurs sur toutes

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ventes de supports vierges depuis les CD aux lecteurs MP3. Ceux qui sont les plus contents de la

réforme sont évidemment les sociétés de gestion des droits d’auteurs. Malgré l’opposition des

utilisateurs et de quelques experts, cette taxe a été soutenue par les partis politiques PSOE (Partido

Socialista Obrero Español) et PP (Partido Popular) qui l’ont défendu comme l’unique manière de

garantir un équilibre entre le développement des nouvelles technologies et les droits d’auteurs.

Il y a néanmoins un conflit d’intérêts divergeants entre l’industrie, les auteurs et les utilisateurs. La taxe

est très polémique, notamment du point de vue des ingénieurs informatiques qui utilisent les CD vierges

pour graver leurs programmes.

Selon Antón Louro, le leader socialiste « l’adoption de cette loi suppose de reconnaître encore plus de

droits pour les créateurs et auteurs et d’établir des compensations pour les titulaires des droits. C’est un

soutien fort pour la culture et ses créateurs. »

Les députés qui ont fait la loi admettent que la taxe (canón) sur la copie privée (celle que chacun se fait

chez soi pour son usage privé) peut être injuste pour beaucoup d’utilisateurs qui achètent des supports

non pour copier des œuvres mais, par exemple, pour enregistrer et garder leurs propres photos

numériques. Cependant, les législateurs pensent que la taxe continue d’être la seule manière de

rémunérer les auteurs jusqu’à ce que la technologie se développe suffisamment pour pouvoir contrôler

les copies privées d’œuvres musicales et cinématographies.

Pour la SGAE : « la réforme a réussi à placer le droit d’auteur à la hauteur de la reconnaissance qu’il a

déjà dans d’autres pays européens. (…) Pourtant, nous sommes conscients que cette mesure ne suffira

pas à résoudre toutes les difficultés et tous les maux de l’industrie, mais nous considèrons que c’est un

texte courageux. »32

Comme alternative à cette montée en puissance des droits des auteurs, une autre licence se développe

sur les ondes Internet.

D) « Copyleft, gauche d’auteur… d’autres façons de partager »

Titre l’EP3 (supplément culturel du País) du vendredi 23 juin 2006.

En préambule :

« Le copyleft est une nouvelle forme d’appréhender les droits d’auteur. Ce sont des licences qui

permettent à qui reçoit une œuvre de la copier, de la distribuer ou de la modifier. Ce sont des solutions

adaptées au monde technologique. Un mouvement qui souhaite abolir les frontières pour partager

l’information. Il y a déjà des millions d’œuvres libres de par le monde. »

32 El país du 23 juin 2006, page 58

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Ce copyleft est donc une licence de propriété intellectuelle qui permet à son utilisateur de télécharger

légalement sa musique d’Internet et de la distribuer du moment que ce n’est pas à des fins

commerciales, que son auteur est cité et qu’il respecte l’original.

Une des plateformes de copyleft les plus populaires est Creative commons, quelques 60 000 personnes

l’ont déjà téléchargé. Le groupe Canteca de Macao, dont 165 000 chansons étaient téléchargées de sa

page web en un an, nous explique quel intérêt réprésente pour son groupe cette licence de Creative

commons.

« Au début, on mettait notre musique sans aucun type de licence, mais on voulait quand même protéger

certains de nos droits, comme celui de percevoir une part de l’argent que génère son exploitation

commerciale. (…) Pour nous, le copyleft nous a été très bénéfique pour tout -dit Lucia qui joue le cajón

dans le groupe. A tel point que nous avons fait l’ouverture du festival de Viña Rock cette année et que

cela nous a permis d’aller à Grenade et de remplir une salle de 600 personnes, sans avoir de disque sur

le marché. »

Même si le copyleft reste pour l’instant une option minoritaire, il y a des milliers de musiciens,

scientifiques, écrivains, artistes plastiques, informaticiens, journalistes ou professeurs qui utilisent ces

licences dans le monde entier.

Selon les statistiques de Yahoo, en Espagne, plus de 700 000 œuvres possèdent une licence de type

Creative commons. Dans le monde, ce sont plus de 20 millions d’œuvres.

Souvent ce sont des artistes peu connus qui les utilisent, mais parmis eux on trouve certains dont la

reconnaissance n’est plus à faire comme Pearl Jam, les Beastie boys… Un des plus célèbres défenseurs

de cette autre manière de partager et diffuser la musique est le ministre de la culture et grand maître de

la musique brésilienne Gilberto Gil. Lors d’une visite récente en Espagne, il déclarait que le Brésil

recherchait un équilibre « entre le droit d’auteur et le droit du public à accéder aux œuvres » selon

l’agence Europa press. De son coté Ferran Mascarell, conseiller culture de la generalitat de Catalogne

défend également « la nécessité de réformer la propriété intellectuelle dans un contexte marqué par de

constants changements. »33

Derrière les licences copyleft existe une philosophie héritée des fondateurs de l’informatique dont

l’objectif principal était la libre circulation des connaissances qui aujourd’hui, grâce aux nouvelles

technologies, paraît plus facile que jamais.

Mais qu’est ce que le coypleft exactement ? L’encyclopédie Internet Wikipedia (qui fonctionne elle-

même sous ce type de licence) définit la notion comme un groupe de licences qui s’appliquent au

33 p.12-14 du supplément culturel EP3 du quotidien El país du vendredi 23 juin 2006.

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software, à la littérature, à la musique et à l’art dont l’objectif est de « garantir que chaque personne qui

reçoit une copie ou une version dérivée d’une œuvre, peut l’utiliser, la modifier et la redistribuer sous

forme originale ou dans des versions dérivées. »34

Pour la musique, les principaux portails Internet desquels on peut télécharger des chansons légalement

sous la licence copyleft sont :

www.jamendo.com et www.promocioname.net dont la philosophie est de faire connaître les

groupes à travers Internet.

Cependant tous les supports du monde ne remplacent pas la diffusion de la musique dans son essence,

« en live » dans un rapport direct avec le public. Face à la crise de l’industrie du disque, le secteur du

spectacle vivant est plus que jamais en développement, avec une augmentation constante du nombre de

concerts chaque année en Espagne.

2.2 Les principales sociétés de perception de droits et organisations institutionnelles

A) La SGAE : Sociedad General de Autores y Editores

La SGAE est une organisation non commerciale fondée en 1899 qui dispose de bureaux dans chaque

région autonome d’Espagne. Elle a pour but de défendre les droits d’auteur et de s’assurer que ces

derniers sont bien rétribués pour la diffusion de leurs œuvres (droits de reproduction, de distribution, de

diffusion publique, de transformation et de copie privée) et gère la redistribution de ces droits. Elle vise

aussi à promouvoir les créations de ses membres. Les droits collectés sont de deux ordres :

- les droits pour la diffusion publique constituent la source principe de revenus. En 2004, le montant

de ces perceptions a atteint 68 743 millions d’euros, réparties entre l’exploitation télévisuelle privée

(39 995 millions) et les radios commerciales 82 307 millions d’euros.

- droits de reproduction mécanique, les ventes d’enregistrement ont représentées en 2004 41 2

millions d’euros, on note une baisse de 9% par rapport à 2003.

a) La SDAE Sociedad Digital de Autores y Editores

34 idem

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Cet organisme a été fondé en 2000 par la SGAE pour répondre aux nouvelles questions posées par le

téléchargement. Par un travail de recherche, de développement et d’actions innovantes il vise à intégrer

de nouveaux systèmes technologiques pour permettre à la SGAE de récupérer les droits d’auteurs issu

du téléchargement digital.

b) La fundacion autor et iberautor

Crée par la SGAE, ces deux entités ont pour but de développer les activités sociales et culturelles, dont

la promotion musicale.

B) La AIE artistas, interpretes y ejecutantes

Est une société de management des droits des artistes. Elle développe une politique de support de

formation et de promotion musicale en Espagne, de même qu’elle travaille sur la question des accidents

de travail.

Elle finance également certaines tournées à l’étranger et des festivals en Espagne.

C) Promusicae

Est l’association espagnole de phonogrammes et vidéos qui œuvre à la promotion et à la défense du

copyright des producteurs phonographiques. Elle regroupe 68 producteurs phonographiques et de

vidéos, principalement des majors, car elle est difficilement accessible pour les labels indépendants.

Elle mène des enquêtes sur le secteur musicale en collaboration avec les autres institutions. En 2005 est

sorti Le livre blanc de la musique en Espagne, une étude poussée sur l’industrie musicale et son

influence sur l’économie et la société espagnole.

En Catalogne, l’ APECAT accueille les labels indépendants.

2.3 Les différents contrats et les taxes pour les musiciens français

A) Le disque et supports dérivés

a) Pour négocier un contrat d’enregistrement en licence en Espagne

Les démarches à suivre sont :

- Il faut déposer l’œuvre à la SGAE, ou tout autre société civile pour que le droit d’auteur soit

reconnu (copyright).

- Déposer le nom du groupe, le site web

- Avoir terminé les contrats précédents

- Maximiser le nombre d’offres avec les divers labels potenciels.

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Le contrat d’enregistrement selon la loi espagnole doit être écrit. Dans celui-ci l’artiste cède ses droits

d’exploitation. Les points principaux sur lesquels il faut négocier sont :

- la promotion, au centre de la négociation : le contrat doit inclure un plan de marketing

promotionnel qui comprend l’achat de publicités dans les magazines spécialisés, des prestations

promotionnelles et des concerts de présentation, des vidéos, des posters, des passages radios…

- la durée du contrat : il y a trois types de contrats : le contrat de travail, le contrat temporaire et le

contrat mixte (travail et durée). L’habitude en Espagne est d’enregistrer un disque en 18 mois, deux

en trois ans et trois en 5 ans.

- La durée de la cession des droits d’exploitation d’enregistrement est, selon la loi espagnole, est de

50 ans maximum à partir de la publication.

- L’exclusivité

- Les royalties : elles sont obligatoirement proportionnelles aux ventes. En général, le pourcentage

varie entre 12 % et 18 % sur le prix de vente du disque. Dans le cas où l’artiste est le producteur

phonographique, le pourcentage sera beaucoup plus élevé et le contrat sera de co-production avec la

maison de disque.

Dans le cas où la maison de disques a payé tous les coûts d’enregistrement du master, le pourcentage

dévolu à l’artiste sera entre 7 % et 12%. L’artiste doit mettre en avant ses résultats de vente sur ces

précédents albums pour négocier un pourcentage plus élevé de royalty. Le pourcentage des royalties est

réduit lors de publicités télévisuelles, dans le cas de ventes à prix réduit à certains clients et pour les

copies de promotion de l’artiste. Dans le cas d’avance sur les royalties, il ne faut pas donner la priorité à

une somme colossale au détriment d’une bonne promotion qui doit toujours être contractuelle bien

qu’une avance conséquente détermine l’attitude de la maison de disques.

b) Le contrat de merchandising ou de commercialisation

Il faut être attentif à bien négocier la cession des droits consistant à commercialiser des produits dérivés

au nom de l’artiste (T-shirt…etc). Cette cession peut être exclusive ou pas.

Certains groupes gagnent plus en produits dérivés qu’en ventes de disques et ceux-ci se piratent

difficilement ! Il faut définir la zone géographique si le produit est en licence pour l’Espagne ou pour le

monde entier. Le pourcentage varie entre 20% et 50 % en fonction de la notoriété du groupe.

c) Les droits audiovisuels

Comme pour le disque, il est important de négocier ces droits car ils peuvent représenter une source non

négligeable de revenu car la vente de vidéos et de DVD ne connaît pas la crise à la même échelle que le

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disque. Ils doivent être stipulés dans le contrat écrit. C’est un aspect important à négocier. Personne ne

peut diffuser des images d’un groupe sans son express consentement.

B) Les concerts

a) Les droits de représentation ou « management right »

En Espagne, beaucoup de maisons de disques tentent de faire face à la crise en essayant d’avoir le

contrôle des droits de représentation pour ne pas avoir affaire au manager scène et pour récupérer leur

investissement à chaque concert. Lors de cette cession de droits, le pourcentage habituel de ce type de

contrat tourne autour des 20% pris sur les cachets bruts du groupe. C’est un cas fréquent en Espagne. Il

y a certaines exceptions à cette règle, notamment celle du « personal manager » dont le pourcentage sur

les droits de représentation peut s’élever jusqu’à 50% étant donné qu’il gère absolument toutes les

affaires de l’artiste. Les agents de booking, appelés également les tourneurs, prennent en général 10%

de commission sur les revenus bruts des musiciens.

C) Les contrats d’édition a) Les obligations de l’éditeur

L’éditeur, à qui les droits sont cédés a les obligations de :

- Publier et de reproduire l’œuvre dans le format convenu.

- Mettre l’œuvre en circulation, au maximum deux années après que l’auteur est délivré le master. Il

est possible de rédiger une clause stipulant une durée plus courte.

- Assurer une exploitation continue ce qui implique qu’il doit déployer des actions commerciales afin

d’assurer des ventes efficaces. Le « publisher » ne peut en aucun cas arrêter la diffusion et la

commercialisation de l’œuvre quand bon lui chante.

- Rendre le master original quand les opérations de pressage sont terminées et que l’œuvre est mise

en circulation.

- Rendre compte des résultats à la vente.

- Prendre en charge la destruction de l’œuvre dans le cas de travaux éphémères, comme les

compilations d’été par exemple qui doivent être toutes vendues ou détruites.

- Rééditer l’œuvre quand la première édition est en rupture de stock.

Dans ce contrat, l’auteur cède à l’éditeur en échange d’une compensation monétaire, le droit de

reproduire et de publier son œuvre. Il s’agit de la cession des droits d’exploitation de ses chansons et de

ses arrangements musicaux. Ce contrat d’édition se différencie du contrat d’enregistrement qui

concerne la cession des droits d’exploitation de l’enregistrement lui-même et pas de la chanson. Ce

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contrat est nécessairement écrit. L’auteur y cède les droits de distribution, de reproduction, de diffusion

publique et les droits de transformation (dans une certaine mesure où son œuvre est respectée).

L’éditeur musical est dans l’obligation d’assurer l’exploitation commerciale maximale de l’œuvre

musicale de l’auteur par tous les moyens possibles. Le rôle de l’éditeur est de chercher (et de trouver !)

toutes les voies possibles pour exploiter le travail de l’artiste. En Espagne, les contrats d’édition ont une

certaine tendance à tous se ressembler car la plupart des éditeurs se basent sur un contrat type qui est

semblable à celui d’une œuvre littéraire dans lequel le concept d’œuvre musicale a été introduit.

b) Les éléments à négocier

- l’exclusivité car il est souvent d’usage de « se marier » avec un éditeur

- la durée de la cession des droits : il est recommandé de ne pas fixer de durée au-delà de 5 ans,

mais tout dépend de la confiance de l’artiste envers l’éditeur. Il est d’usage de préciser que cette

période est renouvelable. Si elle n’est pas précisée, cela implique que l’éditeur s’engage à publier

l’œuvre pendant toute la vie de l’auteur et 70 ans après sa mort, après quoi l’œuvre tombe dans le

domaine public.

- la rémunération de l’auteur : l’habitude veut que l’auteur et l’éditeur se partagent les bénéfices de

l’exploitation à 50 / 50%. Ce pourcentage peut baisser pour l’artiste mais ne peut être inférieur à

20%, tout dépend du travail et de l’investissement financier de l’éditeur.

- le territoire : le plus souvent il est mondial, sinon il faut le préciser.

- Chaque droit cédé doit faire l’objet d’un pourcentage écrit.

- Les droits de l’arrangeur s’il y a lieu, en général, son pourcentage ne peut excéder 16,66%.

Le contrat d’édition doit être écrit, s’il ne l’est pas, il n’est pas nécessairement nul et non avenu mais

l’artiste peut le révoquer quand il le désire.

Le contrat est nul et non avenu s’il n’est pas écrit dans le cas d’une cession de droits en exclusivité, si le

nombre minimum et maximum de copies n’est pas spécifié et si la rémunération de l’auteur n’est pas

stipulée.

c) La cession des droits d’édition à une maison de disques

Généralement en Espagne, le contrat d’enregistrement inclut la cession des droits d’édition des

chansons, ce qui est fortement déconseillé pour les artistes. Les maisons de disques y voient un

potentiel d’augmenter les revenus en réduisant les coûts de fabrication et de promotion et en recevant

des bénéfices de la diffusion publique de l’enregistrement en même temps qu’un meilleur contrôle du

contenu. C’est un résultat de la crise du secteur qui cherche à faire face au piratage des disques en

s’appropriant les droits de représentation, de management ou d’édition, ce qui affecte directement

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l’artiste. Il n’est pas bon de laisser les maisons de disques gérer toutes les fonctions. « detract from the

latter ».

Il vaut bien mieux avoir chaque entité bien distincte : artiste, maison de disques, éditeur et manager de

manière à ce que chacun s’investisse pour donner toutes les chances à l’œuvre de connaître le succès.

D) Les taxes

En ce qui concerne le champ artistique, la loi espagnole n’est pas très claire. En principe, les groupes

étrangers ne sont pas soumis à la TVA (16%) mais ils doivent théoriquement s’acquitter d’une

déduction de 25% de l’IRPF sur leur salaire brut que l’artiste peut réclamer ensuite à l’état espagnol

quand il paye ses impôts dans son pays d’origine.

Le pourcentage très élevé de cette taxe décourage les artistes comme les producteurs, qui dans la

pratique trouvent des solutions pour ne pas faire apparaître dans le budget la totalité des cachets, mais

les passent en frais de productions (sur lesquels la taxe ne peut pas s’appliquer). Dans ce cas, les

musiciens doivent être enregistrés à la sécurité sociale. Une autre option - vu que les règles dans le

domaine de la musique ne sont pas très claires- est de considérer l’artiste étranger comme un

« produit », dans ce cas, il n’est ni question de TVA ni de IRPF, il fait alors une facture de service.

L’industrie de la musique est soumise aux taxes suivantes en Espagne :

- IVA : l’équivalent de notre TVA française, elle s’applique à tous les producteurs. Elle est de 16% du

prix de vente. Le secteur musical se bat pour obtenir le même taux que pour les livres qui est à 7%,

qui est collecté par chaque compagnie et payé tous les trois mois à l’état.

- IS : impôt sur les sociétés. Toutes les compagnies payent une taxe annuelle qui représente 35% des

revenus nets.

- IRPF : impôt sur le revenu qui tourne autour de 15% des factures des artistes s’ils sont espagnols,

pour les étrangers ce sont 25% (en théorie).

3. Le spectacle vivant : un secteur en pleine expansion Dans ces temps de crise de la filière musicale, la musique live est en pleine santé. Chaque année, le

nombre de concerts et de spectateurs augmente.

En 1999, le nombre de concerts recensés en Espagne s’élevait à 56 845 et rassemblaient 20,1 Millions

de personnes en générant 76 858 € de recettes pour un prix du billet moyen à 11,10€.

En 2004, le nombre de concerts a plus que doublé, leur nombre atteint 114 428. Les bénéfices générés

ont également augmenté considérablement puisqu’ils atteignent 120 469€. Par contre, le nombre de

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spectateurs n’augmentent pas au même rythme (21,7 Millions) ce qui peut s’expliquer par le prix

moyen du billet qui s’élève alors à 16,20€.

Les mois d’été sont les plus vivants car en Espagne, chaque ville et village organise ses « fiestas

mayores ». On y trouve une programmation toutefois peu audacieuse, en effet les groupes indépendants

ne tiennent pas le haut de l’affiche, encore moins s’ils ne sont pas très connus.

Ces dernières années, on assiste à un accroissement exponentiel des festivals d’été en tous genres.

Des salles de concerts se sont constituées un peu partout à travers le pays, ce qui commence à former un

certain réseau stable, mais on est encore loin des conditions de nos SMAC françaises.

L’Espagne reste donc encore un pays où il est plus facile de faire petites séries de concerts et non de

véritables tournées pour les artistes étrangers qui jouent surtout à Madrid et Barcelone et quelque fois à

Valencia et Bilbao.

Il est important de rappeler qu’en Espagne, les programmateurs musicaux sont avant tout des mairies.

C’est notamment le cas des « fiestas mayores » auxquelles elles allouent une part conséquente de leur

budget culturel. Sinon, les auditoriums ont leur programmateur mais leur saison est quasiment

exclusivement consacrée à la musique classique, bien que celui de Barcelone a une petite

programmation de « musiques du monde ». On y a vu notamment cette année, le groupe « français » de

fanfare serbe - c’est à dire auto-produit en France- Slonovsky bal. La plupart des concerts de stars

internationales comme Paul Mac Cartney, U2… sont également organisés par les mairies, le plus

souvent dans le rôle de producteur associé à des sponsors privés (boissons, mode…etc). De très

nombreux festivals, surtout de world music, sont financés majoritairement par les municipalités, les

communautés de communes et la région.

3.1 Les priorités géographiques : Barcelone et Madrid

En Espagne, à la différence de la France, où souvent il est plus facile pour un groupe de se développer

en province dans le réseau de salles SMAC après avoir conquis une certaine notoriété dans sa région,

les concerts s’organisent toujours dans les villes clés de Madrid et Barcelone. Ceci s’explique par ce

chiffre surprenant : 2 tiers des ventes de disques se concentrent entre Barcelone et Madrid. Cela est dû

au déséquilibre très net de richesses et de populations entre les différentes régions et les villes. Cela

s’ajoute au manque évident de politiques culturelles avisées en faveur des musiques actuelles, les

municipalités dans leur grande majorité ne s’investissent que dans le classique ou dans le mainstream.

C'est-à-dire qu’elles ne prennent pas de risque et programment surtout des groupes connus et

commerciaux.

Les villes clés, en dehors des festivals sont : Madrid, Barcelone, Zaragosse, Valence, Séville, Grenade,

Vigo, la Coruña, Gijon, Bilbao et San Sebastian.

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3.2 Les salles

Dans l’ensemble, les lieux se sont améliorés ces dernières années mais il y a un déficit indiscutable de

salles bien équipées (pour les artistes comme pour le public). Les grandes stars internationales jouent

généralement dans les stades de football ou en plein air. Avec le développement économique des villes

espagnoles, beaucoup de salles de jauge allant de 100 à 1000 spectateurs se sont construites mais

souvent avec de mauvaises conditions acoustiques et des problèmes de sécurité. 27,6 % des concerts de

moins de 25000 spectateurs ont eu lieu dans des discothèques ou dans les salles des fêtes municipales

en 2004.

On trouve les salles les plus importantes dans les « capitales » de région. Il n’y a pas de réseau national

de salles dédiés aux musiques populaires ; seulement en Catalogne, mais elles sont faites pour

promouvoir uniquement les musiques traditionnelles ou actuelles catalanes. La plupart des salles

programment tout aussi bien des concerts que des DJs, les transformant en discothèques. Leur capacité

tourne autour de 400 à 1000 personnes.

La plupart sont privées et n’ont pas d’infrastructures de qualité : souvent il n’y a pas de loges. Le plus

important à savoir est qu’il n’y a pas de programmateurs car le business est dans le bar et dans la

discothèque. En conséquence, les salles ne payent pas de cachets aux artistes, il faut donc louer la salle

et souvent consacrer un budget supplémentaire pour le matériel son et lumière.

Le manque de normes conduit à ce que les salles de petite capacité souffrent d’un équipement minimal

en terme de matériel son, d’éclairage et souvent d’acoustique. Le catering s²e limite dans la plupart des

cas en approvisionnement de boissons.

C’est une pratique très courante que les salles ne payent pas les musiciens. Les quelques clubs privés

qui le font payent autour de 80€ à 100€. Les clubs de musiques électroniques donnent l’exemple en

matière de « salariat », mais c’est un paiement en cash et sans contrat.

En juillet 2005 les deux grandes associations de salles de musique ASACC à Barcelone et la « noche in

vivo » à Madrid ont joint leurs forces pour fonder une association nationale ACCES dans le but de

promouvoir et de défendre les intérêts de leurs membres au niveau national.

A) Le prix moyen des tickets

Le nombre de spectateurs payants augmente chaque année malgré une profusion de concerts gratuits

mais qui tendent à décroître. En 2004, 19,4% de spectateurs sont allés à des concerts financés

uniquement par la vente des entrées, ce qui correspond à plus de 4% de croissance par rapport à 2002.

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Le prix moyen des billets atteint 16,18€ (il a augmenté de 4€ par rapport à 2002). Evidemment les

concerts des stars de rock comme Eric Clapton ou U2 sont plus chers ( environ 30€).

La tradition des fêtes populaires, les fiestas mayores, ont rendu les espagnols assez frileux et peu

habitués à payer pour la culture, tant au niveau des concerts que pour acheter des disques. En

comparaison des autres pays de l’Europe de l’Ouest, les espagnols ne s’accoutument que depuis peu à

cette idée.

3.3 Les festivals

Beaucoup de grands festivals proposent des activités extra-musicales : camping, restaurants typiques et

exotiques, stands alternatifs (vêtements, tatouage…etc), connexion Internet, expositions, écrans vidéo,

défilés de mode. Cela explique pourquoi une part de l’audience qui augmente chaque année assiste à ces

festivals sans même savoir qui sont les artistes programmés.

Malgré ce fait, la plupart des programmateurs de ces grands festivals cherchent toujours à avoir des

têtes d’affiches, les noms les plus à la mode. Ils consacrent donc une grosse partie de leurs budgets

artistiques dans les cachets faramineux des stars internationales. Ce qui implique que le reste des

artistes programmés qui bénéficient d’une notoriété moindre sont souvent mal payés et jouent un rôle de

remplissage dans une certaine mesure.

On note un accroissement des festivals de musiques du monde dans le sillage du pionnier et

institutionnel WOMAD aux Canaries et à Caceres qui proposent des programmations innovantes. Parmi

les principaux : Pirineos sur (en Aragon), La mar de musicas (à Cartagena), le Festival international de

musiques populaires et traditionnelles de Vilanova et de la Gertru (Catalogne) et le marché de la

musique vivante de Vic (Catalogne).

La plupart ont lieu en été et sont très chers d’entrées (environ 60€ la journée). Ils touchent surtout un

public étranger (50% pour le Festival FIB de Benicassim, autour de 40% pour le Primavera sound et

pour le Summercase o peut supposer également une audience touristique ). De plus, le public espagnol

est habitué à assister à des concerts gratuitement lors des fiestas mayores (ferias en Andalousie) de

chaque ville grâce aux appuis des collectivités locales. Cependant, la qualité des programmations n’en

est pas très élevée. Mais ces dernières années, les municipalités commencent à déléguer la production et

l’organisation à des compagnies indépendantes, ce qui a nettement amélioré le niveau de l’organisation.

D’un autre coté, les festivals privés relèvent d’une meilleure organisation, les artistes sont mieux traités

et bénéficient d’une meilleure considération. Mais ces festivals sont en minorité.

3.4 Les rendez-vous professionnels

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En dehors du WOMEW qui a parfois lieu en Espagne, rien de comparable au MIDEM ici. Il semble que

les professionnels n’en ressentent pas le besoin d’organiser des rencontres entre eux. Aux rendez-vous

européens, ils ne sont guère présents non plus. Les espagnols ont en général un manque de connaissance

de ce qui se fait à l’extérieur de leurs frontières.

Les rendez-vous avec le public

Jordi Tarta, présentateur populaire d’une radio catalane, organise la Fira del disc de Barcelone 23

éditions, de Girona 13 éditions et Reus. A Majorque aussi est organisée une foire aux disques. Quelques

festivals proposent également des stands aux labels, comme le Sonar et le FIB. Le salon international

itinérant du WOMEX ( World Music Exposition) a eu lieu à Séville en 2003.

Les rendez-vous entre professionnels

Là encore ce sont les festivals qui les organisent. Le Sonar en tête avec un espace dédié aux

professionnels à l’intérieur du musée d’art moderne. Le Mercat de musica viva de Vic qui a lieu le

deuxième week-end de septembre, propose en dehors de plus de 80 concerts, 65 stands de

professionnels dont la plupart sont institutionnels.

4. Le développement d’artistes musiciens

4.1 Les professions

A) Le manager (terminologie anglaise) ou l’agent (terminologie française)

C’est la personne la plus courtisée par les groupes et c’est aussi celle qui travaille beaucoup pour peu de

gains – en tout cas, dans un premier temps. C’est pourquoi, il n’y a souvent pas de contrat écrit entre le

manager et le groupe, jusqu’à ce que les problèmes surgissent.

Jusqu’à récemment en Espagne, le rôle du manager était tenu par les programmateurs. En effet,

beaucoup des salles et de festivals préfèrent contacter directement les groupes plutôt que de passer par

le manager, en particulier lorsque ceux-ci sont en début de carrière. La personne du manager est vu

souvent par les groupes et les programmateurs (le plus souvent les municipalités) comme un « requin »

dont on préfère se passer. Souvent, beaucoup de ces managers manquent de collaboration avec la

maison de disques. Ce qui explique que dans la plupart des cas, les maisons de disques préfèrent jouer

elles-mêmes le rôle de manager du groupe. En effet, face à la crise des ventes de disques, le spectacle

vivant représente une source non négligeable de revenu.

Ce n’est évidemment pas le même cas de figure lorsque les groupes sont connus.

B) L’agent ( terminologie anglaise) ou le tourneur / booker (terminologie française)

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Ce professionnel est déjà mieux reconnu par les programmateurs qui payent les artistes (tels que les

festivals et les municipalités). Il fait l’intermédiaire entre les programmateurs et le manager.

Dans le cas des musiques populaires, l’agent a souvent la maîtrise d’un territoire, il est appelé « mayor

de zona » et les managers font appel à lui pour sa connaissance des programmateurs de la région. Ils

sont un passage obligé pour qui veut organiser une vraie tournée et ne pas se contenter de quelques

concerts isolés, mais il faut savoir qu’ils prennent une commission importante.

En Espagne, la loi ne régule pas cette profession et le tourneur a une liberté totale pour fixer les taux de

commission sur les dates qu’il trouve aux artistes. Les taux varient entre 10% et 50% du cachet, quelque

fois ils peuvent même atteindre 60%, surtout quand ce sont les municipalités qui engagent les artistes.

Les agents spécialisés dans les musiques indépendantes sont contactés pour organiser les tournées des

artistes étrangers. Ceux-ci délèguent ensuite aux agents de zone qui prennent en charge la production et

la promotion sur un territoire spécifique. Ces agents de zone, sont souvent managers de groupes locaux,

propriétaire de salles, ou journalistes.

Avec l’explosion de la world music et de la fusion, un petit réseau de bookers/ agents de groupes locaux

se dessine, ils jouent le rôle d’importer des groupes non anglo-saxons. Par exemple : espiritu del sur,

syntorama… ils représentent surtout des groupes cubains ou africains.

Là encore, beaucoup de tourneurs travaillent également comme promoteurs avec les groupes étrangers.

C) Le promoteur

a) Les promoteurs privés

Ceux-ci organisent des tournées pour les groupes très connus, généralement anglo-saxons comme

Coldplay, les Chemical brothers...etc. Leurs catalogues sont vastes et ils ont souvent un contrat

d’exclusivité avec des agences anglaises ou américaines. Ces promoteurs ne travaillent que très

rarement avec des groupes non anglo-saxons ou alors avec des groupes très connus et fortement

soutenus par les maisons de disques majors. Le plus souvent, ils louent les salles et travaillent comme

producteurs des dates. Ils centrent leur activité sur les mois d’été et collaborent avec des agents

régionaux qui organisent les concerts dans les régions qu’ils connaissent parfaitement, ils se chargent

alors de la production et de la promotion locale. Parmi ces promoteurs privés on peut citer Sinnamon et

Advances music qui organisent respectivement leur propre festival : le Wintercase festival et le Sonar.

b) Les promoteurs officiels : les mairies

Les fiestas mayores sont organisées par les mairies. Ces fêtes traditionnelles sont des manifestations

colorées mêlant tous styles d’arts du spectacle, mais la musique y trouve une place dominante. Chaque

ville met en valeur ses traditions et sa capacité à promouvoir les nouveaux courants artistiques. Toutes

les activtées sont offertes gratuitement et prennent place dans la rue le temps d’un week end ou d’une

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61

semaine, suivant la taille de la ville. En 2004, presque 70% des concerts de musiques actuelles

organisés sur le territoire espagnols relevaient financièrement des mairies. En ce sens, les mairies sont

de vrais programmateurs avec leur département des fiestas qui est en charge de toutes sortes de

célébrations publiques. Ces fiestas mayores sont très coûteuses, il en résulte qu’il y a peu de budget

pour les entités travaillant sur l’année. Ces fêtes se doivent d’être populaires, c’est pourquoi on note un

manque total de prise de risque sur la programmation qui est généralement très mainstream. Se

démarquent les festivals de Madrid Los veranos de la villa et Barcelone avec ses Fiestas s de la Mercè

et de festival international BAM.

Le département municipal de la culture est en charge de la programmation sur l’année des théâtres de

ville, dans lesquels on trouve surtout de la musique classique, du théâtre et de la danse. Quelque fois

cependant, ces théâtres proposent des thématiques ouvertes au jazz ou aux musiques du monde.

D’autres entités publiques organisent des évènements culturels, telles que les « diputaciones » et les

« consejerias ». Les gouvernements des communautés autonomes montent également leur propre

festival, comme les concerts gigantesques en Galice organisés à l’occasion du millenium. Ces autorités

autonomes disposent parfois d’un département pour promouvoir leur culture à l’étranger, comme c’est

le cas de la Catalogne avec l’ICIC et de l’Andalousie avec EXTENDA. Dans le domaine de la musique,

ces entités utilisent le MIDEM comme plate-forme promotionnelle pour leurs professionnels régionaux

mais le manque de travail collectif tourne souvent au gaspillage de budget qui se perd dans les

méandres bureaucratiques.

Le réseau des théâtres espagnols, géré par le ministère de l’éducation et de la culture, commence à

ouvrir ses portes petit à petit à la musique et à d’autres formes d’art.

4.2 L’organisation d’une tournée d’un groupe étranger en Espagne

Il est conseillé de travailler avec une agence locale qui prendra en charge l’organisation technique ainsi

que la promotion et la question délicate des taxes. Il faut se renseigner sur le professionnalisme avant de

s’engager quand l’agence n’est pas connue. En effet en Espagne, les formations dans le domaine

musical sont inexistantes et il en résulte un certain manque de professionnalisme, c’est pourquoi il faut

s’assurer quelques garanties avant de « se marier » avec des promoteurs locaux. Par exemple, le

manager français peut s’appuyer sur l’expertise et le conseil du Bureau Export de Barcelone.

4.3 Un problème de promotion

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Il est bon de savoir que les maisons de disques multinationales montrent peu d’intérêt et ne

s’investissent que très peu dans la promotion des artistes étrangers, surtout s’ils ne font pas partie des

charts.

D’un autre coté, les agences de relations presse spécialisées dans la musique n’existent quasiment pas

en Espagne à part quelques agents free-lance ou les départements de promotion des majors.

La situation est vraiment difficile pour les artistes alternatifs qui connaissent jusqu’à aujourd’hui un

impact quasi inexistant auprès des médias et de leurs agents commerciaux. C’est notamment le cas des

radios, sur lesquelles il est difficile d’écouter autre chose que des chansons commerciales, cela est aussi

vrai pour les radios publiques, même si c’est dans une moindre mesure. Les seuls moyens de promotion

sont alors dans la presse écrite alternative et spécialisée.

5. Le marché phonographique et la distribution L’industrie de la musique en Espagne comme dans le reste du monde traverse une crise qui l’oblige à

changer ces formes traditionnelles de distribution pour faire face au piratage.

Au niveau mondial, le marché de la musique espagnol se place au 9ème rang, après les Etats-Unis, le

Japon, le Royaume Uni, l’Allemagne, la France, l’Australie, le Canada et l’Italie.

En Espagne, les ventes générales de supports musicaux ont baissé de 12,5% entre 2003 et 2004. Mais si

les ventes de CD baissent inéluctablement, on voit apparaître un nouveau support très prisé par les

consommateurs de musiques : les DVDs musicaux enregistrés depuis 2002 ont connu une hausse

spectaculaire de 122%.

La moyenne d’albums achetés par personne est de 1,1 en 2004 (contre 1,9 en 2000) représentant une

dépense annuelle de 10,05€ (alors qu’en 2000, elle était de 16,6€).35 A la différence d’autres pays de

l’Europe de l’Ouest, ce sont les jeunes qui continuent à acheter des disques : plus de 25% des acheteurs

réguliers en 2003 avaient moins de 25 ans, et plus de 55% ont moins de 34 ans.

Le développement du téléchargement légal sur Internet est relativement récent avec des fournisseurs

comme Terra musica, Vitaminic, Los 40 ou Itunes Espagne, mais les gens continuent pour la plupart à

utiliser le système illégal du P2P, n’étant pas conscients des conséquences sur la création.

5.1 Une préférence pour la langue espagnole

Si les chiffres globaux baissent, le répertoire national demeure puissant avec 52% des parts de marché

en 2004, ce qui correspond même à une augmentation de 6% par rapport à l’année 2003. Seulement 5

albums sur les 50 meilleures ventes n’étaient pas d’artistes chantant en espagnol. En effet, même quand

il s’agit de ventes internationales, la majorité vient d’Amérique latine.

35 Music & copyright, 27 april 2005

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63

Un autre signe de cette popularité croissante du répertoire en espagnol est le succès de Cadena dial, un

réseau national de 78 radios sur lesquelles on n’écoute que de la musique en espagnol. D’après le

rapport de la SGAE sur les pratiques et habitudes de consommation culturelle en Espagne en 2003,

60,7% des gens qui ont acheté un CD durant l’année ont choisi un album de pop rock espagnol, et

45,8% de pop rock latino.

On comprend aisément maintenant pourquoi Manu Chao et Sergent Garcia ont réussi plus facilement

que d’autres à pénétrer le marché espagnol qui est assez fermé grâce à leur héritage multiculturel et leur

forte propension à chanter en espagnol.

Les discothèques sont des endroits essentiels pour la promotion des artistes, et les DJs sont ouverts aux

artistes internationaux. Ainsi depuis le succès planétaire de Daft punk, la scène électronique française

connaît un certain succès en Espagne : Laurent Garnier, Miss Kittin…

Cependant, après les groupes « en espagnol », ce sont évidemment les groupes anglo-saxons qui ont le

plus de succès, par exemple Coldplay, U2 remplissent aisément des grandes salles.

5.2 Les maisons de disques

A) Les majors

Les quatre compagnies majors, membres de Promusicae, totalisaient en 2004, 78,4% des parts du

marché musical espagnol. Ces compagnies sont pour la plupart situées à Madrid. Polygram a été établie

sur le sol espagnol en 1961, Sony en 1970, Warner et EMI en 1981, Ariola en 1962 à Barcelone et

BMG à Madrid en 1986, l’arrivée de MCA et Virgin est plus récente. La fusion entre Sony et BMG en

2004, a propulsé ce groupe en tête des majors d’Espagne. C’est un des rares pays où le groupe

Universal n’a pas une position dominante.

Sony BMG a réalisé 6 albums du top 10 de 2004avec: Estopa La calle es tuya, Manola Garcia Para que

no se duerman entre autres. Pour les vidéos, 5 du top 10 ont été signées chez Sony BMG.

Warner Music Group (WMG) L’Espagne est le marché le plus important pour le groupe en dehors

des Etats-Unis. Le succès est largement du à Alejandro Sanz dont l’album Grandes exitos 91-04 a été

numéro 6 du top 10 des albums de l’année. D’autre part, WMG a réalisé deux des meilleures bandes

originales de films ainsi que celle des Choristes qui a connu un important succès.

Universal Music Group (UMG) doit sa position grâce à sa signature avec le groupe U2 dont l’album

How to dismantle an atomic bomb c’est vendu à plus de 200 000 exemplaires.

EMI avec une part de marché qui représente 13% a n’eu que peu de hits en Espagne, comme dans le

reste du monde d’ailleurs. Une exception est l’album de Bebe Pafuera telarañas qui atteint le n°14 des

albums hits.

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B) Les indépendants

Bien que le marché soit dominé par les majors, les indépendants se défendent bien et certains ont connu

des succès non négligeables. On pense aux labels Blanco y negro, à Divulsa et à Vale Music qui sont

tous basés à Barcelone. Le label indépendant Gran via Musical a été racheté en partie par Universal en

avril 2004, leurs parts de marché mises en commun est estimée à 21,5% en 2004. Mais le label Diablo,

issu de Gran via ne fait pas partie de UMG est a été une des réussite surprise de 2004 avec le

distribution de Melendi Sin noticias de Holanda, qui s’est placé au rang de 7e meilleure vente d’album

en 2004.

C’est en 1983 que se fondent les trois premiers labels espagnols indépendants : Munster, Elefant et

Subterfuge à partir de fanzine, ils sont maintenant leaders dans l’industrie musicale indépendante.

Les grands producteurs indépendants

On en recense environ 15 dont la particularité est d’être intimement liée à la personnalité de leur

directeur. Ce sont soit des compagnies, soit des labels qui se sont montés au cours des années 1980. Ils

ont un impact non négligeable sur le marché national, voire international pour certains. Leurs artistes,

signés pour des contrats longue durée sont distribués par les majors. Le plus important label de cette

catégorie est Subterfuge.

Pour les autres labels plus petits, le principal problème de ces producteurs indépendants est celui de la

distribution et de la promotion. Ces labels travaillent pour un marché spécifique, appelé « marché de

niche », dont ils ont une connaissance de spécialistes. Parmi eux, on trouve Sinnamon, B-core…

Cependant de par leur peu de moyens, ils ont une vision plus globale de leur travail que les majors car

ils contrôlent toute la chaîne de la production à la distribution y compris le marketing, la promotion et la

logistique commerciale. Les plus importants ont été rachetés par les majors comme il a été dit plus haut

mais il en reste cependant quelques uns comme Harmonia Mundi, Vale Music, Nuevos Medios et V2.

Vale Music, un indépendant qui se défend face à la concurrence des majors

C’est la compagnie indépendante la plus importante avec une part de marché de près de 11% en 2004.

Son énorme succès est du à son émission de télévision Operacion triumfo, sorte de Star academy à

l’espagnole, et dont l’album d’un des anciens élèves David Bisbal a été le meilleur album de l’année

2004.

Les associations de labels indépendants

Ces associations ont toutes pour but premier de défendre les intérêts de leurs membres en réclamant

qu’ils soient sur un pied d’égalité face aux majors concernant les coûts de manufacture (pressage). Les

indépendants sont souvent obligés de payer les droits d’auteur à la SGAE au moment du pressage (en

grosse quantité) sans que soient prises en compte les potentialités des ventes qui se feront sur le long

terme.

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En 2003, s’est créé l’Union Phonographique Indépendante UFI autour des membres Nuevos Medios,

Nebenegra, Pias, Boa, Subterfuge, V2 (pour n’en citer que quelques uns) dans le but de s’unir pour

avoir plus de poids face aux médias et aux institutions. Leurs objectifs sont de :

- représenter tous les producteurs phonographiques indépendants avec des délégations dans chaque

région autonome et un bureau vitrine à Madrid

- démanteler la concentration des pouvoirs dans les médias

- éradiquer le piratage

- combattre le « payola » ou le paiement des médias en échange d’un passage radio, d’un article…

- participer aux négociations pour améliorer l’environnement légal (réduction de la TVA, quotas…)

- négocier des contrats spécifiques pour ses membres avec la SGAE

- négocier les droits des producteurs pour le téléchargement de la musique sur Internet.

5.3 La distribution

En Espagne, il y a un manque de stratégie de distribution que ce soit du coté des labels indépendants ou

des distributeurs eux-mêmes. Bien que les villes principales, comme Madrid et Barcelone, aient une

offre diversifiée, au point de saturer leur marché, il y a des régions entières ignorées par les

distributeurs. En dehors des grandes villes, seuls les hits des multinationales peuvent être trouvés. Le

marché de la distribution est monopolisé par les distributeurs des majors.

82,9% de la population achète les CDs dans des magasins de disques, les supermarchés et d’autres

points de vente non spécialisés. On distingue deux types de magasins, dans lesquels le prix moyen du

CD est de 14,8€ avec une TVA de 16%36 :

- les spécialisés comme les disquaires ou les multi-spécialistes comme la FNAC

- les généralistes qui ne centrent pas leur activité sur les disques.

A) Les distributeurs indépendants

Quelques labels ont opté pour faire leur auto distribution à travers des distributeurs spécialisés, c’est le

cas notamment de Resistencia, Surco, BOA et Bcore.

5.4 Les éditeurs phonographiques et la vente en gros

Il y a quatre types d’éditeurs en Espagne :

36 Source Promusicae

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- ceux qui sont liés à une maison de disques. C’est le cas de Nemo qui est lié au label Nuevos Medios

et Penta Music pour le label Fonomusic.

- Les éditeurs qui publient les artistes les plus connus des multinationales et qui considèrent le

département d’éditions de la maison de disque insuffisante. C’est le cas de Clippers éditions par

exemple.

- Les éditeurs qui travaillent comme sous-traitants avec certains labels, ils co-éditent et ont des

contrats d’administration comme P.S.M ou Tessysound.

- Les éditeurs spécialisés comme Multimusic.

Le marché de l’édition musicale en Espagne est relativement stable avec EMI MP et Warner Chapell

qui sont en tête, se partageant 41% des parts du marché. Warner Chapell qui a le plus grand catalogue

de répertoire de musiques latino était le leader du marché en 2004 avec 21% des parts de marché. BMG

MP et UMPG sont sur un pied d’égalité avec 14% des parts.

A) La syncronisation

Ce terme se réfère, dans le jargon du milieu, au fait de trouver d’autres supports et débouchés à la

musique en dehors du disque, des radios et des concerts. Par exemple pour une bande originale de film

(au cinéma ou à la télévision), un spot publicitaire, un accompagnement musical d’une pièce

dramatique…etc. C’est le rôle des éditeurs d’exploiter toutes les voies possible pour diffuser les œuvres

de leurs artistes.

14% des revenus de BMG provient de la syncronisation alors que UMPG joue un rôle important dans la

musique de théâtre. Le plus grand succès de cette catégorie en 2004 a été la musique pour le générique

de la série télévisuelle Un paso adelante.

Ces éditeurs vendent leurs produits à des détaillants non-spécialistes, par exemple, les stations essence

sur les autoroutes d’Espagne. On compte parmi eux Disclub Amat, Musical 1, Oriran musical et

Discoplay. Ces éditeurs et les 25 vendeurs en gros espagnols commencent à supplanter de plus en plus

les petits magasins dont le « turnover » (rotation des produits) était considéré comme trop lent. Ces

vendeurs en gros fournissent environ 200 points de vente. Les deux principaux sont Discos Arnedo et

Disclub qui possèdent aussi leurs propres points de vente.

B) Les détaillants indépendants et les magasins en chaîne

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Parmi les 670 magasins où on trouve de la musique en Espagne, seulement 7% sont des spécialistes ou

des chaînes.37 On faut compter avec le poids important des distributeurs directs des maisons de disques.

Les magasins spécialisés en musique représentent 46,3% des ventes de disques en Espagne. Parmi eux

on trouve la FNAC (multi spécialiste mais basée sur la culture), les Discos Castello ou Gong à

Barcelone. Cette distribution spécialisée a pu s’accroître grâce à la diversification de ses activités

comme la ventes de places de concerts, les show cases…ou même une radio interne ou une chaîne de

télévision.

Les deux chaînes principales sont German Mediamarkt avec 23 points de vente à travers le pays qui

font 9% des parts de marché et la FNAC.

Pour les espagnols, la FNAC est perçue comme un Cortés Inglès (sorte de Galeries Lafayette espagnol

comme un super marché de luxe), c’est à dire pas en tant que magasin spécialisé. Cela s’explique

facilement par la pauvreté de la sélection dans certaines catégories, comme le jazz, les musiques du

monde, pour ne pas parler des variétés françaises ! Au niveau du stock et des nouveautés, il est clair que

les FNAC espagnoles ne s’investissent pas comme les FNAC françaises.

Le premier magasin FNAC a ouvert en Espagne en 1993 et maintenant on compte 10 points de vente à

travers le pays notamment à Valence, Zaragosse, Alicante et 3 à Barcelone. A Madrid, il y a une FNAC

de 5 000m2.

La part de marché de la FNAC est estimée à 10%38.

C) Les grands magasins

Ils ne sont pas à négliger, le Corte inglés est de la première importance dans le circuit de la distribution

espagnole. Sans être des spécialistes, ils jouent un rôle très important pour l’industrie du disque car

grâce à leur dynamisme et leurs 120 magasins répartis à travers tout le pays, ils atteignent 23,9% des

parts du marché musical.39

D) Les disquaires indépendants

Comme en France, ils souffrent de la compétition et leur nombre se réduit chaque année. En effet, ils ne

peuvent proposer leur stock au même prix que les grands magasins qui commandent en quantité, ce qui

diminue les ventes car le prix est un facteur très important, surtout pour une clientèle jeune. Pour

compenser cela, la plupart se spécialisent soit dans un type de support (vinyle), soit dans un genre

musical.

37 Music & copyright, 27 avril 2005 38 idem 39 Libro blanco de la musica en España 2005

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E) Les supermarchés

On en compte environ 270 en Espagne, mais leur offre est bien sûr moins riche que celles des magasins

spécialisés. La section disque est en effet considérée comme un moyen d’augmenter le temps du client

dans le supermarché. Ils vendent les disques avec une marge très réduite et pourtant, la rotation de ce

secteur correspond rarement à plus de 3% du turnover total du magasin.

Ces établissent pratiquent la règle du 20/80, c’est à dire que 20% de leurs préférences représentent 80%

de la rotation. Ce qui explique pourquoi on y trouve toujours les artistes archi connus. Les labels

indépendants et les nouveaux artistes n’ont quasi aucune chance d’y être distribués.

Pourtant, l’hypermarché propose en moyenne entre 5 000 à 20 000 références alors que les spécialistes

peuvent en proposer entre 120 000 et 150 000.

Les deux chaînes principales sont Carrefour et Al campo (Auchan) et leurs parts de marché s’élèvent

maintenant à 29,81% grâce à une stratégie similaire à celles des magasins spécialisés : une plus grande

variété de choix, des postes d’écoutes…etc.40

F) Les distributeurs sur Internet

En 2004, seulement un peu plus du tiers de la population était équipé d’Internet. Cependant certaines

compagnies de disques ont leur propre site Internet et certains distributeurs proposent leurs services sur

Internet. La SGAE a créé son propre portail Portal latino en 2000, pour promouvoir tous ses membres.

Vitaminic est un site pour les groupes qui n’ont pas encore signé avec un label, et pour les maisons de

disques indépendantes. C’est une multinationale européenne qui a un site autonome pour chaque pays

en sa propre langue. Il collabore avec des festivals indépendants et organise des tournées.

Les autres sites de téléchargement sont Itunes, Terra musica, Los 40… On trouve quelques sites

hybrides comme El corte inglés, Carrefour, Tipo et la FNAC.

Les labels indépendants se sont regroupés en juin 2005 en créant le site www.musicdld.com.

6. Les médias espagnols

6.1 Vue d’ensemble sur l’Espagne

Il faut bien avouer que la tendance n’est pas à la diversité, mais à un formatage puissant suivant le

courant « mainstream ». Pour diffuser de la musique qui sorte un peu des sentiers battus du hit-parade,

la télévision est inatteignable tout comme la grande majorité des chaînes de radio, à l’exception de

RNE3 Radio nacional 3. En effet, les « radios formulas » sont la norme et la pratique illégale du

40 Libro blanco de la musica en España, Promusicae 2005

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« payola » -le paiement des radios par les maisons de disques pour avoir un temps de diffusion pour

leurs artistes- est une pratique répandue.

Les labels indépendants qui n’ont pas les moyens de payer les radios, n’ont quasiment que la presse

écrite pour les promouvoir.

Mais le média que la population espagnole consomme le plus est bien entendu la télévision : 98% de la

population la regarde régulièrement, alors que les magazines sont lus par seulement 53,2%, les radios

écoutées par 59,6%, les quotidiens sont lus par 30,3% et Internet se trouve dans 31,3% des foyers.41

Dans le domaine musical, l’importance du groupe PRISA dont l’empire s’étend du quotidien El país

aux stations radio de Cadena SER (qui comprend les radios les plus écoutées, appelées les 40

principales) est indénaible. Ce groupe et qui possède même son propre label : Gran via musical qui a

une branche de distribution et d’organisation de festivals (Media festivals) tout comme des parts dans

les radios.

6.2 Les radios, en situation de monopole

La marché national est dominé par le groupe SER, les 40 principales faisant 2 576 millions d’auditeurs,

Kiss FM 1 247 millions, Cadena dial 1 238 millions, Cadena 100 : 713 000 auditeurs… RNE radio 3 :

254 000. Cette liste est non exhaustive.

Le succès du groupe SER s’explique par les 40 principales qui ne diffusent que les hits et son réseau de

langue espagnole Cadena Dial est le réseau de musique le plus populaire du pays. Ensuite, le second

groupe radiophonique est celui de Telefonica qui a racheté Onda Cero et Voz network. Le troisième

grand groupe de radios commerciales est COPE, dirigé par l’église catholique.

Les radios formulas qui passent les hits, sont quasiment le seul type de programme musical en Espagne

et cette situation rend les choses très difficiles pour ceux qui n’atteignent pas le quota du disque d’or

(50 000 unités).

La radio nationale RNE Radio 3 se revendique comme la seule radio de poids à programmer de la

musique alternatives. C’est la seule en effet qui supporte des artistes avec une seule démo et des

groupes étrangers qui ne sont pas encore distribués en Espagne et qui suit beaucoup de festivals de

musique indépendante. Tout cela sans obligation de passer de la publicité, ce qui fait de cette radio, un

des supporteur les plus pertinent des musiques indépendantes – cependant, en l’écoutant, on constate

tout de même une forte présence de musiques anglo-saxonnes, bien que les productions d’autres pays y

aient aussi leur place.

41 Encuesta de hábitos y prácticas culturales en España (SGAE)

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Il n’y a que peu de radios indépendantes ou pirates, elles existent mais touchent seulement un très petit

nombre d’auditeurs. Pour la promotion de la musique française, on note l’emission « los gabachos » sur

radio contrabanda le lundi de 21h30 à 23h, mais comme celle-ci est en français, elle ne touche que peu

de public, d’autant plus du fait qu’elle ne peut que s’écouter à Barcelone et dans les environs.

En 1997, est fondé à Madrid le « Circulo de bellas artes » (Cercle des Beaux Arts) avec sa propre radio

Circulo qui propose un programme éclectique et ouvert d’esprit, c’est avec lui que l’ambassade de

France collabore pour son émission « Vive la culture » qui chaque semaine donne un petit aperçu de la

culture française en Espagne. Le problème est que l’antenne soit seulement locale sur Madrid.

Les radios municipales sont un réseau à exploiter, bien qu’elles suivent pour la plupart le modèle des

radios formulas, elles sont plus accessibles.

6.3 La télévision

Les trois chaînes de télévisions principales sont TVE1, Tele5 et Antena 3, la première est publique et en

2003 avait 24,6% de l’audience. Les deux autres sont privées et réalisaient en 2003, 23,5% pour tele5 et

22% pour TVE2. Il faut savoir que les chaînes régionales sont souvent plus regardées que les chaînes

nationales, notamment en Catalogne (TV3, canal 33), en Andalousie (Canal sur), en Galice (TV

Galega) et la chaîne locale sur Madrid (Telemadrid).

Il n’y a que très peu de programmes musicaux sur les chaînes commerciales de télévision. S’il y en a

quelques uns, ils passent tard dans la nuit et programment généralement exclusivement du pop

« mainstream ». Il n’y a rien sur Antena 3.

Sur TV3, la chaîne catalane il y a Sputnik (le jeudi à 22h : un des meilleurs programmes), Loops and

rodasons, et Musics del Món (musiques du monde) le samedi à 00h50 sur canal 33.

Sur TVE2 il y a l’emission « La tierra de las mil musicas » qui passe le samedi à 23h, sur TVE1

« Musica uno » passe le mardi à 23h45.

Sur TV5 « No solo musica », « Operacion triumfo » et sur canal + « Los 40 principales » et « Del 40 al

uno » sont les seuls programmes musicaux sur des chaînes nationales.

« Los conciertos de radio 3 » diffusé sur TVE2 à 1h30 chaque soir est le supplément télévisé des

concerts émis sur RNE 3 de 19h30 à 20h.

MTV est disponible par le cable canal satellite ou via digital et touche presque 2 millions de spectateurs.

L’accès aux chaînes nationales de télévision est quasiment impossible pour les artistes qui ne font pas

parties des charts, par contre, les chaînes locales se montrent plus accessibles. « Avec l’arrivée de la

télévision numérique, de nouvelles opportunités sont à saisir, car les chaînes récemment créées sont à la

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71

recherche de nouveautés pour élaborer leurs programmes » dit l’attaché de culturel de l’ambassade de

France, Laurent Coulon.

6.4 La presse écrite généraliste et spécialisée

Les espagnols ne sont pas réputés pour être de grands lecteurs, cependant la presse est un média

important pour le pays.

A) La presse généraliste

Chaque quotidien consacre un espace conséquent à la culture notamment à travers un supplément

culturel hebdomadaire. Ces suppléments culturels comprennent des interviews, des reportages, des

recommandations de concerts ou de disques. Voici les suppléments des principaux quotidiens

- L’abc : l’abc cultural le samedi,

- Avui (en catalan) : cultura le jeudi,

- El mundo : el cultural le jeudi et la luna le vendredi,

- El país : EPS le vendredi et Babelia le samedi,

- El periodico : llibres le jeudi et viernes le vendredi,

- La razón : caballo verde le vendredi,

- La vanguardia : culturas le mercredi.

B) Les magazines spécialisés, les fanzines

Comme ils sont spécialisés, ils sont plus faciles à toucher.

Pour le style pop rock les plus importants sont :

- Rock de luxe,

- Go mag,

- Mundo sonoro,

- Rock zone

- On the rock

- Enderrock (en catalan)

mais ils sont aussi ouverts à d’autres genres musicaux.

Pour le Hip hop, on trouve

- Hip hop nation et

- Serie B.

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Pour les musiques du monde, c’est

- Batonga est la référence.

En Espagne, la presse gratuite a son importance, en effet Mondo sonoro, Go mag, Batonga …etc… sont

distribués gratuitement et attirent de plus en plus de lecteurs. Seulement financés par les publicités, leur

distribution s’est amélioré et les multinationales les perçoivent comme essentiels pour leur campagne de

pub.

Un autre phénomène intéressant est celui de la presse gay qui se développe très vite et qui parle souvent

de l’actualité musicale par exemple le Shangay express et le Punto H.

Cependant, on note un certain désintérêt pour les musiques européennes dans la presse espagnole qui se

concentre quasi exclusivement sur les groupes nationaux et anglo-saxons. L’exception se fait sur

certains styles de musique comme la fusion, les musiques du monde, le raï ou l’électronique pour

lesquels on ne peut pas faire l’impasse sur les artistes étrangers.

C) La presse professionnelle

Les mensuels principaux sont

- Escenario et son supplément SIM (Semanario de la Industria Musical),

- Show press et

- Clave profesional.

Ils ne sont en rien comparable à ceux que l’on peut trouver en France ou en Grande Bretagne, souvent

ils manquent de profondeur et relatent seulement les courants musicaux dominants. Ils sont surtout faits

pour les programmateurs des fiestas mayores et ils promotionnent les groupes qui vendant le plus, les

chanteurs têtes d’affiches ou les troupes de cabaret. Seul le SIM est destiné à l’industrie.

D) Les agendas annuels

- Agenda clave et

- El guia de la musica qui sont tous deux très influencés par l’industrie musicale commerciale et on

ne dispose que de peu d’informations sur les compagnies.

- L’anuario de la musica du El país traite des faits musicaux et des chiffres principaux.

- L’agenda de la communication publié par le ministère de la culture recense tous les médias et les

faits importants pour chacun d’eux.

Il n’y a pas de listing des salles et de rapport sur les habitudes de travail.

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7. Analyse croisée des concerts et des sorties de disques d’artistes français de 2003 à 2005

Le nombre de concerts ne cesse d’augmenter depuis trois ans. D’après les données du bureau export, en

2003 on recensait 152 concerts, en 2004, 220 et en 2005 : 253. Cependant, il y a encore beaucoup

d’autres artistes français qui viennent jouer en Espagne et qui ne se mettent pas en contact avec le

bureau export et ne sont donc pas comptabilisés. Le secteur du spectacle vivant se porte bien, même si

tous ces artistes ne bénéficient pas toujours d’une bonne visibilité, ils sont très nombreux à passer la

frontière.

Pour les sorties d’albums, c’est l’inverse qui se produit : on compte en 2003, 148 sorties de disques dont

des bandes originales de film, des compilations et des albums. En 2004, la crise du secteur se traduit

dans les chiffres car on ne trouve que 70 disques nouveaux sur le marché espagnol et en 2005 la

tendance se confirme avec seulement 43 sorties d’albums et de compilations.

Pour cette analyse, j’ai essayé de voir quels étaient les liens entre les concerts et les sorties d’album en

Espagne. On note une certaine indépendance des deux secteurs et souvent le classique et efficace

triptyque « sortie de disques / concerts / communication » ne se fait pas dans la réalité.

On ne dispose que des données depuis 2003, il est donc possible que certains artistes venus jouer cette

année là aient leurs disques distribués les années antérieures mais il semble que la très grande majorité

des musiciens viennent par la scène sans avoir de support disque.

En 2003, sur les très nombreuses sorties d’albums seuls 13 groupes sont venus jouer sur la scène

espagnole la même année. Il s’agit de Zimpala, Yann Tiersen, Laurent Garnier, Zebda, NFL3 trio, Bireli

Lagrene, Berg sans nipple, Tahiti 80, Calc, Souad Massi, Cesaria Evora, Positive black soul et Raul

Paz. La plupart des groupes sont venus pour plusieurs dates à part Yann Tiersen, Tahiti 80, Raul Paz et

Positive black soul qui ont fait le voyage pour un seul concert.

En Espagne, bien souvent les concerts précèdent les sorties de disques. En 2003, pas moins de 11

groupes tels Mobiil, Manu Dibango, Vitalic, The hacker, Avril, The younsters, Sergent Garcia, Jane

Birkin, Femi Kuti, Agoria et Khaled donnent des concerts qui déboucheront sur la distribution de leurs

disques les deux années suivantes.

Il y a aussi une très grande majorité de disques qui sont distribués sans que leurs auteurs ne se

produisent sur les scènes espagnoles. Il ne m’a pas été possible d’avoir accès aux résultats des ventes

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pour étudier l’influence du concert sur les ventes. On peut cependant supposer que le spectacle vivant

contribue à faire connaître l’artiste et se traduit positivement chez les disquaires.

Le cas de Carla Bruni est particulier : sans qu’elle ne soit jamais venue en Espagne, elle a été disque

d’or en 2003 mais elle bénéficiait déjà d’une notoriété en tant que top model et son passage chantant à

la télévision dans une publicité Nescafé a fait connaître sa musique au grand public.

En 2004, si le nombre de sorties d’albums réduit, les concerts de promotions se multiplient, on en

compte 18 dont les dates et la sortie du disque coïncident.

Parmi eux, en chanson française : Jane Birkin se produit en Espagne pour 6 concerts, le groupe

Babamars ne fait pas moins de 8 dates tout comme Dominique A, M et le groupe Autour de Lucie

donnent un concert unique. Le groupe le plus diffusé est Experience qui se produit 10 fois.

Le style électro est à l’honneur avec Etienne de Crecy, Encre, The younsters, Playdoh qui joue 3 fois

tout comme Mobiil et the Hackers, Oslo Telespcopic vient jouer deux fois.

Dans un style plus anglo-saxon jazz et pop rock, Feist, Air et Eric Truffaz donnent deux concerts.

Les musiques du monde rencontrent un public intéressé lors de quatre concerts de Khaled et de Manu

Dibango.

Cette année là, viennent jouer plusieurs artistes dont le disque est sorti l’année précédente il s’agit de

Richard Galliano, Julie Delpy et Henri Salvador. Il semble que pour les groupes qui ont déjà une

certaine notoriété, les tourneurs ne soient pas prêts à les promouvoir s’ils n’ont pas de disques.

Cependant, il y a quand même des concerts qui permettent aux musiciens de se faire connaître par la

scène d’abord, et dont la venue débouche sur la distribution de leur disque l’année suivante : Emir

Kusturica, Rinocerose, le peuple de l’herbe et Souad Massi sont dans cas.

En 2005, 15 sorties d’albums donnent lieu à des concerts.

Le style électro est bien représenté avec le groupe Rinocerose qui se produit 7 fois, tout comme Vitalic,

alors qu’Agoria donne 4 concerts.

La chanson française n’est pas en reste : Françoiz Breut fait une tournée de 8 dates, Mouss et Hakim

donnent 4 concerts, Coralie Clément et Brigitte Fontaine participent au festival Primavera sound. Yann

Tiersen vient à 4 reprises.

Dans le style dansant Sergent Garcia fait une tournée remarquée de 13 dates, Le peuple de l’herbe

donne 5 concerts et Saian supa crew vient pour une date unique.

Les musiques du monde rencontrent toujours un bon accueil avec Amadou et Mariam qui viennent à 5

reprises, Marcio Faraco ne donne pas moins de 8 concerts et Emir Kusturica 4.

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Parmi les artistes programmés au festival Primavera sound la plupart ont leur disque distribué comme

Helena Noguerra, Coralie Clément, Bertrand Betsch, Oslo telescopic et le couple Dominique A,

Françoiz Breut.

Parmi les nouveaux venus sur les scènes espagnoles mais déjà présents sur le marché du disque on

trouve Pink Martini, Aiwa et Marianne Faithfull.

Si le nombre de sorties de d’album sans concert se réduit, la très grande majorité des artistes qui

viennent se produire en concerts n’ont pas leurs disques distribués.

Pour certains cela ne semble pas être un problème pour trouver des dates. C’est notamment le cas de

Miss Kittin qui se produit chaque année depuis 2003 et qui a fait plus de 12 prestations électroniques,

Rachid Taha qui est venu pour de nombreux concerts et Daara J ; pour n’en citer que les plus présents.

La scène électronique paraît avoir son propre réseau car les artistes sont nombreux à venir.

Conclusion Grâce à ce paysage musical espagnol, j’ai pu faire dans la partie suivante des propositions pour

développer les musiques actuelles françaises sur ce territoire. Je me suis appuyée sur l’avis des

professionnels pour élaborer des suggestions en fonction de leur attentes.

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III. Propositions pour développer les musiques

actuelles « made in France » en Espagne

Introduction

Les années 70 se caractérisent pour la chute spectaculaire de l’intérêt pour les productions musicales

françaises. Dans ce contexte comment recréer un engouement chez les espagnols après l’invasion

massive des musiques anglo-saxonnes ?

1. Quelques raisons du recul d’intérêt envers la musique française

1.1. Les années 70 et les radios formulas ou le pouvoir de l’industrie

discographique anglo-saxonne

A cause des nécessités de l’industrie, arrive le moment où la musique française ne passe plus dans les

médias. La radio se professionnalise, et si auparavant passait la musique qui était choisie par les

animateurs des émissions, les radios-formulas interrompent ce processus de programmation en

établissant de faux hit parades en échange d’une somme d’argent payée par les maisons de disques.

A partir de ce moment, les radios passent uniquement ce que paye l’industrie discographique, ce n’est

pas une escroquerie, c’est une négociation.

Le programme des « 40 principales » de la chaîne SER du groupe PRISA a changé le paysage

radiophonique. Cette station émet depuis Madrid pour tout le reste de l’Espagne dès le début des années

70.

Jordi Roura m’explique très simplement comment cela fonctionne :

« La radio dit : « Vous me payez tant, et votre chanteur sortira numéro X, avec Y diffusion par jour » et

alors les industries discographiques répondent « Donnez moi le numéro 5, par exemple ».

Ainsi depuis ce moment là, la programmation radiophonique dépend des stratégies des maisons de

disques et des artistes sur lesquels elles veulent investir. Le panorama a radicalement changé.

C’est à ce moment que s’est perdu l’intérêt pour le marché français. »

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Dans les années 70, le marché anglo-saxon s’est développé de manière très intensive ce qui fait que la

musique française en Espagne, comme dans d’autres pays d’Europe, a totalement disparu des médias.

D’autre part, la chanson intellectuelle a acquis sa propre identité forte en Catalogne, et il n’est plus

nécessaire d’aller chercher ailleurs ce style au delà des pyrénées.

Dès lors, les maisons de disques proposent seulement les productions nationales espagnoles et anglo-

saxonnes en très grande majorité.

De plus, pour les jeunes, la culture anglaise et américaine représente la modernité. On se centre plus sur

le « look » que sur les contenus.

1.2 Recul de l’enseignement du français comme première langue étrangère

Un phénomène important qu’il ne faut pas oublier est la disparition massive de l’enseignement du

français dans les écoles, les collèges et les lycées. Apprendre une langue implique toujours de découvrir

la culture du pays d’origine. Maintenant que l’anglais est la langue la plus apprise et que de plus,

l’industrie discographique anglo-saxonne est sans aucun doute la plus active, il est devenu difficile de

transmettre la culture française au travers du monde scolaire, ce qui contribue à son oubli pour les

jeunes générations.

C’est une conséquence importante. Il faudrait faire une activité de « lobbying » pour renouveler l’intérêt

pour apprendre le français dans les écoles du monde entier et en particulier en Espagne qui est un pays.

De mon expérience de professeur de français à Barcelone, je peux dire que beaucoup de catalans sont

amenés à parler et à rédiger en français dans le monde professionnel. En effet, beaucoup d’entreprises

basées en Catalogne ont des clients français. Il est dommage qu’il ne l’aient pas appris à l’école car

l’effort qu’ils doivent faire pour l’apprendre en tant qu’adultes est beaucoup plus important. Dans ma

pédagogie, j’ai donc appliqué mes suggestions d’apprendre la langue en musique (en dehors bien

entendu du lexique professionnel dont ils avaient besoin) et j’ai rencontré un réel intérêt de chacun. J’ai

travaillé entre autres supports, sur la compilation du Bureau Export avec un guide pédagogique très bien

fait qui donne une courte biographie de chaque artiste et explique le vocabulaire difficile. Ainsi mes

élèves ont découvert un univers sonore et linguistique riche et l’apprentissage du français leur a paru

plus ludique. Sans doute certains seront le public de demain des concerts de musiciens français en

Espagne.

Mais l’argument qui consiste à dire que le problème de ne pas comprendre les paroles est fondamental

pour écouter les musiques françaises ne fonctionne pas. Parce qu’à l’époque dorée des années 50 et 60,

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beaucoup de gens ne comprenaient pas non plus le français, et pourtant l’intérêt pour la culture

française était très fort, tout ce qui venait de France était bien accueilli, parce que venant d’un pays

libre. D’autre part, il n’y avait pas, à l’époque, en Espagne, une offre musicale riche. Aujourd’hui, il

n’est pas non plus certain que les gens qui écoutent de la musique anglo-saxonne comprennent toutes

les paroles, mais il est clair que le pop en général se centre plus sur le rythme et la mélodie que sur le

contenu littéraire.

1.3 Une image démodée de la musique française qui se limite à la chanson Comme on peut le lire dans le livre 30 années de rock : 1954-1984 (30 años de rock) de la bibliothèque

de la Vanguardia :

« La France prend du retard dans le pop et gagne avec Aznavour et Bécaud »42. A partir de l’expansion

du rock anglo-saxon, les indécisions des éditeurs discographiques français pour promouvoir les

nouveaux mouvements musicaux ont donné une image de la France, vue de l’étranger, comme ayant

« perdue le contact de la tête du pop international ». Et il est clair que c’est bien le pop qui plait le plus

aux jeunes. Dès lors, dans les années 80 et 90, la chanson française n’a plus aucune répercussion, à part

quelques exceptions comme Laurent Voulzy. Pour ce qui est des autres styles ils ne parviennent pas en

Espagne.

« La chanson française vit actuellement en Espagne avec des artistes des années 50 et 60 qui sont

aujourd’hui passés de mode. Il faut bien se rendre compte que l’unique chanteur qui vient jouer souvent

ici est Georges Moustaki ! En 1991, Charles Trenet est venu jouer au Tivoli, une grande salle sur le

Paseo de Gracia. Juliette Greco est venue l’an passé et Henri Salvador il y a deux ans, il a rempli le

Teatre grec (3000 personnes) avec un public toutes générations confondues. Mais il s’agissait

également d’un public d’aficionados et non pas d’un public vraiment populaire. Aucun jeune artiste

français, aussi connu soit-il en France, ne peut espérer remplir une salle si grande. Les jeunes ne

connaissent absolument pas les artistes actuels français » me conte Miquel Pujado, lors d’un entretien

au Café Zurich.43

Il faut faire face à la réalité : les Espagnols et les Catalans restent avec une idée superficielle de la

chanson française, celle des années 1940 et 50, de style « rive gauche » avec accordéon et « valse

musette ». C’est un phénomène étrange qu’également certains artistes francophones arrivent ici

seulement en anglais comme Céline Dion. Ici, presque personne ne sait qu’elle chante en français aussi.

Mais il est vrai que certains artistes comme Alain Souchon ne veulent pas venir jouer dans un pays où

l’on ne parle pas français, car ils veulent être parfaitement compris de leur public. 42 Mediano Josep et Singla Joan, 30 años de rock 1954-1984, Biblioteca la vanguardia. Editions La vanguardia, 1984. P.92 43 Entretien avec Miquel Pujado, le 6 juin 2006 au café Zurich, Barcelone.

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Cependant, si pour la plupart des espagnols, la musique française se limite à la chanson, la grande

diversité des productions musicales de France arrive en Espagne dans tous ses différents styles. Ceux

qui rencontrent le plus de succès sont les artistes « world », aux sonorités traditionnelles, mais ils sont

promus ici avec une référence à leur pays d’origine et non pas de production, comme par exemple

Saoud Massi, Rachid Taha, Cesaria Evora… et personne ne sait qu’ils sont produits en France. Le

Bureau Export de la musique française travaille sur toutes productions françaises, c’est à dire que l’on

trouve dans le « catalogue » beaucoup de musiques qui n’ont rien à voir avec une identité française du

point de vue de la langue entre autres.

1.4 Un panorama très étroit de la musique française dans les radios catalanes et espagnoles

Le problème des radios espagnoles aujourd’hui est qu’elles dépendent d’un système purement

commercial. Il y a quelques années, il fallait payer 6000€ pour entrer dans la liste de diffusion des « 40

principales ». Avant, les programmateurs faisaient ce qu’ils voulaient. Actuellement tout est aux mains

des industries discographiques.

Les radios publiques sont la seule possibilité de défendre un autre style de musique, mais en Catalogne

elles ont pour objectif premier de défendre la culture catalane, bien avant de promouvoir les musiques

d’autres pays d’Europe, même si elles viennent de nations voisines.

Au début de la radio, la censure franquiste était très stricte. Aucune production étrangère ne passait.

Après la seconde guerre mondiale, Franco, pour se maintenir au pouvoir, s’est adoucit et a ouvert les

radios aux chansons françaises et italiennes en fonction de leur contenu non subversif. Par exemple,

Aznavour avec La bohème, la Mamma traduites dans un mauvais espagnol. Dans les années 60 et 70 il

n’y avait qu’une chaîne contrôlée par le régime.

Aujourd’hui, l’organisme Francophonies Diffusion qui travaille à la promotion de la musique française

sur les radios étrangères n’a que trois radios partenaires en Espagne, à la différence de l’Allemagne où

l’on en compte une vingtaine. Il s’agit de Radio circulo de bellas artes, radio locale de Madrid (on peut

seulement l’écouter sur Internet dans d’autres régions), Catalunya radio et Com radio dont les

programmes sont en catalan, ce qui fait que leurs émissions ne sont écoutées qu’en Catalogne.

Le seul programme qui est entièrement dédié à la chanson française ici est celui d’Enric Cusi, qui

contribue à véhiculer cette image vieillotte de la chanson française.

A) Boulevard d’Enric Cusi sur Com Radio, le dimanche à minuit (durée une heure)

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Enric Cusi contribue à maintenir le patrimoine musical des chanteurs populaires des années 1940 à

1960. Les chanteurs de cette époque étaient vraiment très connus, ainsi la majorité de ses auditeurs a

plus de 50 ans. Son audience varie de 5 000 à 20 000. C’est un programme minoritaire qui est transmis

très tard, de plus c’est un radio régionale, qui n’a pas de fréquence dans toute l’Espagne, mais elle peut

s’écouter également sur Internet.

« De mon point de vue, je suis sûr que si Charles Aznavour venait jouer ici maintenant, il pourrait

remplir le Palau de la musica de Barcelone. Mais seulement quelques aficionados connaissent

Dominique A, Benjamin Biolay, Khaled… »44 me dit Enric Cusi.

Il ne soutient que ce qui lui plait, c’est à dire les chansons de cette époque dorée, il parle d’une autre

époque et ne cherche pas à faire découvrir l’actualité de la scène française. Parfois, il passe quelques

artistes actuels mais toujours en adéquation avec ses goûts personnels, qui sont très restrictifs par

rapport à l’ensemble de ce qui se fait aujourd’hui.

Il a reçu une subvention de l’ambassade de France, il y a dix ans pour la création de son émission

dédiée à la musique française. Cela a été un miracle et une série de hasards et de conversations entre

l’ambassade de France et Maragall qui voulait promouvoir un programme sur la culture française.

B) Si més no sur Catalunya radio, animé musicalement par Marc Serena, tous les jours de 15h à 16h

Il s’agit d’un programme quotidien général d’une heure qui consacre 30% du temps d’antenne à la

musique et 70% aux débats. Marc Serena est chargé de la programmation musicale et grâce à son

contact avec Francophonies Diffusion, il programme parfois de la musique française. Mais il faut

prendre en compte que le rôle premier de cette radio est de promouvoir la musique catalane avant toute

autre.

Chaque jeudi, le présentateur fait une interview d’un musicien, et le vendredi il fait des

recommandations de disques et de concerts. Le groupe catalan Obrint Pas fait également des

recommandations d’artistes en fonction de leurs propres goûts musicaux. Il y a quelques mois, ils ont

présenté le nouveau disque de Mouss et Hakim mais ils ont dû demander au label français de leur

envoyer le CD… Tout ceci nécessite du temps et évidemment cela ne peut pas se faire à chaque fois.

Pourquoi n’y a-t-il personne qui envoie aux journalistes les disques des artistes qui sortent en

distribution sur le marché espagnol ?

C) Vive la Culture ! sur Radio Circulo de Bellas Artes le mercredi de 21h30 à 22h et en rediffusion le vendredi de 10h30 à 11h

44 Entretien avec Enric Cusi, Gracia, Barcelona

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Réalisée en collaboration avec Radio France Internationale (RFI) et le Service de Coopération et

d’Action Culturelle de l’Ambassade de France, Vive la Culture sur Radio Circulo, est une émission qui

s’adresse aux francophones et aux francophiles. Chaque semaine, Fabien Letertre nous invite à

découvrir en exclusivité les interviews des personnalités françaises ou francophones qui font l’actualité

en Espagne, à écouter le meilleur et les dernières nouveautés de la scène musicale française, à peaufiner

votre français grâce aux cours en chansons de RFI et grâce à l’agenda culturel, à tout savoir sur les

sorties de films, les concerts, les livres, les expositions.

D) Los gabachos sur Radio contrabanda, chaque lundi a 21h30 (durée une heure trente)

Il s’agit d’un programme en français sur une radio associative locale de Barcelone. Avec ce nom de

« Gabachos » les français qui l’animent cherchent à provoquer les catalans et les espagnols, à se

présenter comme mal acceptés par eux (car Gabachos est une insulte qui qualifiait les français

envahisseurs du temps de Napoléon). De mon point de vue, ce type d’émission ne contribue que très

peu à promouvoir la musique française, même si elle reçoit des groupes de qualité, parce qu’en français,

elle est seulement à la portée de la communauté française de Barcelone et que les catalans et autres

locaux francophones sont sans doute peu attirés par une émission de ce nom (car s’ils parlent français,

on suppose qu’ils apprécient les Français et ne les voient pas comme des « gabachos »). Cela me paraît

un non-sens de faire une émission qui n’est pas dans la langue du pays, le réflexe communautaire ne va

pas dans le sens de développer un marché à l’étranger. Il faut s’adapter au pays où l’on veut

s’implanter, à commencer par la langue.

E) Un projet en gestation de Miquel Pujado, musicien

Ce musicien et passionné de musique française est en train de travailler à un projet sur la chanson

européenne parce qu’il lui paraît très important de faire découvrir les cultures des pays voisins alors que

la radio actuellement ne diffuse presque qu’exclusivement les productions étrangères anglo-saxonnes.

2. Propositions pour améliorer la situation 2.1 Prendre en compte certaines racines traditionnelles communes Le témoignage de Jordi Roura et de son expérience dans le folk catalan-occitan est très instructive et

donne des pistes pour un développement possible des échanges entre France et Espagne. Ce n’est pas

parce que les médias ne font que peu de cas des musiques françaises que les liens entre la Catalogne et

la France ont disparu. Il est nécessaire de saisir comme des opportunités les étroites relations

historiques, identitaires et culturelles entre le Sud de la France et la Catalogne pour favoriser une

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meilleure collaboration et une perméabilité, en commençant au niveau régional. D’autant plus que

l’Europe donne toujours plus de pouvoir au régions, aujourd’hui.

2.2 Une identité régionale forte qui mérite d’être mise en avant Aux débuts des années 1990, avec le mouvement du rock gitan et de la rumba avec la Mano Negra, les

Gipsy kings, entre autres (on attribue des origines catalanes à la rumba)…etc, il y avait une voie à

creuser pour développer les échanges transfrontaliers. Pour les gitans, il a toujours était très clair que

leur territoire de travail allait de Narbonne à Barcelone. Il semblerait qu’il y ait eu l’opportunité de créer

un marché musical au Sud. Il y a bien eu quelques disques de musiciens du quartier de Sant Jaume de

Perpignan qui ont été édités ici, mais ils n’ont pas bénéficiés d’une réelle promotion et cela a été une

occasion manquée. Avec les Olympiades de 1992, un grand projet international de la rumba aurait pu

être monté… Aujourd’hui en France, il y a beaucoup de groupes à l’identité festive avec des

instruments traditionnels comme La rue Kétanou, Les hurlements de Léo, Zebda, Mouss et Hakim… qui

pourraient rencontrer un vrai succès ici.

2.3 Les festivals ont un rôle important de découverte

Aujourd’hui, ces évènements ont le plus grand potentiel pour faire découvrir les artistes étrangers qui ne

sont pas trop commerciaux ou « mainstream », ceux qui viennent d’autres cultures. Par exemple,

Dominique A est maintenant relativement connu en Espagne, grâce à sa participation dans des festivals

locaux. L’importance de ce type de spectacle est capitale d’autant plus que les médias se désintéressent

massivement des productions indépendantes, mais qu’ils continuent à parler des festivals.

La promotion dépend toujours du cas que font les radios, la télévision et la presse des programmations

festivalières ou de concerts isolés. Dans le cas des festivals, la couverture médiatique au niveau de la

presse écrite est assez bonne, elle est plus difficile à obtenir lors de tournées indépendantes.

Du point de vue d’Enric Cusi, animateur de Com radio :

« Le festival Primavera sound de 2005 avait une scène française très intéressante, mais elle n’a pas eu

le succès espéré parce qu’elle n’a pas été relayée par une forte campagne de promotion et que le public

espagnol ne connaissait pas la majeure partie des artistes. La pauvre Helena Noguerra a joué devant un

public clairsemé (ceci s’explique aussi par le concert d’une grande star internationale à la même heure

sur une autre scène). Pour le concert de M, le public était très majoritairement français. Le travail du

promoteur Green Ufos est exemplaire mais reste quand même dans un cercle minoritaire. Pour que les

gens viennent aux concerts, il est nécessaire que les artistes soient un minimum connus. »

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Les festivals sont les prescripteurs de la nouveauté mais le problème et qu’ils se multiplient à une allure

vertigineuse et que le public ne peut pas augmenter au même rythme. Le public est assez disparate,

certains viennent pour les artistes, d’autres viennent pour passer avant tout un bon moment entre amis

en camping au bord de la mer et ne prêtent que peu d’attention à la programmation.

Le monde du spectacle en Espagne est actuellement dans une phase très dynamique, il y a beaucoup de

concerts mais la télévision ne parle jamais d’eux (à part TV2 qui retransmet un concert une fois par

semaine). En effet, les programmes culturels sur la télévision espagnole sont extrêmement limités. Dans

ce monde mondialisé et globalisé, les musiques qui ne sont pas « mainstream » ne rencontrent qu’un

public très segmenté. Quand on pense que le seul programme de chanson européenne est celui de

l’Eurovision, c’est vraiment dommage !

Malgré le peu de cas qu’en font certains médias, an particulier télévisuels et les radios commerciales les

festivals demeurent les principaux outils de reconnaissance des artistes étrangers en Espagne.

2.4 Améliorer la visibilité des musiques françaises On ne peut pas dire qu’il n’y ait pas de concerts, au contraire il y en a de plus en plus à Barcelone, mais

ils se font dans des conditions plus intimistes qu’avant. Le grand public n’est guère informé. Les

musiques actuelles françaises sont diffusées dans de petits cercles, les artistes ne sont pas réellement

populaires.

C’est un phénomène étrange, il y a des concerts de groupes très intéressants comme ceux qui sont

programmés dans le cadre du BAM, du Primavera sound, dans les festivals de musiques traditionnelles

comme La mar de musica… mais le grand public n’y a pas accès (du point de vue de l’information

souvent et ensuite pour des questions de prix : le ticket moyen de la journée festivalière est de 60€).

Dans les années 1960, les artistes français passaient dans des programmes de variétés à la télévision où

l’on pouvait voir des chanteurs de rock, de variétés (par exemple Sacha Distel)… qui souvent

chantaient quelques chansons en espagnol (sans doute aussi pour pouvoir entrer sur le marché latino

américain).

« Aujourd’hui, c’est autre chose… » dit Jordi Roura. « Francophonies Diffusion m’envoient les disques

de Gotan Project et après quelques mois, ils viennent jouer en Espagne, c’est merveilleux ! Il ne faut

plus attendre des années ! Il y a plus de concerts mais le marché est plus difficile à pénétrer, parce qu’il

dépend plus du contrôle de l’industrie et de la médiatisation que des goûts du public. Et comme il

semble qu’il n’y ait pas d’investissements forts sur la promotion de la part des managers et des maisons

de disques, les artistes passent hors de la connaissance du grand public. Au contraire, Georges Moustaki

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est très valorisé depuis le début des années 1970, et même s’il n’est pas un très grand artiste, il remplit

le Palau de la Musica lorsqu’il vient jouer à Barcelone. »

2.5 Le rôle indispensable des médias Les divers médias de communication continuent à jouer un rôle très important dans la promotion

musicale et il est indispensable qu’ils relatent de l’actualité des musiques françaises pour que les

espagnols puissent être au courant de ce qui se fait en France aujourd’hui. Le travail des éditeurs et des

maisons de disques sur la promotion doit être développée ici.

Par exemple, le succès de Carla Bruni en Espagne devrait encourager à promouvoir de façon plus active

et à chercher d’autres moyens de diffusion. Si elle a était disque d’or ici c’est d’une part parce qu’elle

était déjà connue en tant que top model mais aussi grâce à son apparition dans un publicité pour

Nescafé où elle chantait une de ses chansons… ainsi le grand public a pu s’intéresser à elle. Il s’est

passé la même chose avec Pink Martini dont la chanson Je ne veux pas travailler accompagnait une

réclame publicitaire télévisuelle. Un ami qui a travaillé comme disquaire m’a raconté que les gens lui

demandaient souvent qui était l’auteur de cette chanson afin d’acheter son disque. Pink Martini a donc

également une bonne reconnaissance en Espagne.

Le problème est qu’aujourd’hui, il n’y a que très peu de programmes musicaux à la télévision, qui reste

le média favori des espagnols, et que tout cela se limite quasiment aux seuls video-clips. Avant, Charles

Aznavour, Françoise Hardy…etc passaient sur le petit écran espagnol. Dans les années 80, TV3

présentait une émission Angel casas show où il y avait des performances en direct… on a pu y voir

Gilbert Bécaud, Charles Trénet, Lény Escudero.

Aujourd’hui, le direct n’est plus à la mode, le plus souvent on ne trouve que les clips, la médiocre télé-

réalité avec Operacion triumfo ou cette mauvaise Eurovision.

Il est nécessaire de proposer une alternative à cette programmation, le concours d’Eurovision pourrait

devenir une émission intéressante. « A quoi bon prétendre faire une émission européenne si tous les

chanteurs chantent en anglais ? » se demande Enric Cusi. Il faut préserver la diversité musicale et se

recentrer sur les chanteurs et leurs nationalités, cela aurait-il moins d’intérêt s’ils chantaient dans leur

propre langue ?

Les multinationales dominent le marché actuellement. Ainsi les majors imposent les productions anglo-

saxonnes et espagnoles. En dehors de cela, les espagnols ne connaissent quasiment pas les productions

des autres pays, à part peut être celles d’Amérique latine, mais qui arrivent aussi sous leur forme la plus

commerciale par exemple avec Shakira.

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Cependant, je ne crois pas au discours fataliste qui consiste à baisser les bras devant sa majesté le

Marché, il faut se mettre au travail et proposer des alternatives avec l’appui de tous les acteurs publics

et privés. Car qui peut vraiment prétendre que les Espagnols n’ont que le goût des musiques purement

commerciales ?

2.6 Plus de moyens de promotion pour le Bureau Export et Francophonies Diffusion

J’ai choisi ici de retransmettre une citation étendue de Jordi Roura, animateur radio indépendant, qui en

dit long sur ce qui pourrait être fait.

« Le Bureau Export de la musique française à Barcelone fonctionne bien, mais il pourrait faire

beaucoup plus de choses » opine Jordi Roura. « Il y a des artistes très importants qui sont venus jouer

ici comme par exemple Benjamin Biolay, M…etc et qui auraient pu avoir plus de succès si les radios

avaient relayé leurs musiques en les présentant comme les artistes de la nouvelle scène de la chanson

française… Quel dommage ! C’est clair qu’ils n’apparaissent pas dans les médias mais c’est qu’il y a

des quotas et qu’il faut payer pour y entrer. Il faut mettre une publicité, ou soigner les relations avec les

programmateurs, on ne peut pas se contenter d’envoyer un CD quand un artiste vient jouer ici, il y a

mille autres choses à faire.

Il faut être conscient qu’il y a un vrai marché à conquérir ici mais pour cela il faut envoyer des

informations de façon beaucoup plus continue et investir plus de moyens dans la promotion.

Il me semble que le Bureau Export de la musique française de Barcelone n’a pas de moyens et le travail

ne doit pas être facile. Sébastien Prieto m’a dit un jour « J’ai quelques disques qui pourraient

t’intéresser, passes au bureau ! » (il rit) C’est bien qu’il me le dise ! mais cela n’est pas faire de la

promotion… « passes, peut être j’aurais quelques CD qui t’intéressent ! »

Par exemple, le consulat de Pologne m’envoie constamment deux personnes qui me harcèlent

d’informations sur le peu de groupes polonais qui viennent jouer à Barcelone. Ils me proposent des

interviews, organisent des conférences de presse, incitent les journalistes à enregistrer les concerts pour

les diffuser ensuite sur les radios, envoient des invitations pour assister à des festivals à Varsovie etc…

Et tout cela avec peu de moyens économiques et peu de vraies possibilités d’ouvrir un marché. Entre

France et Pologne, ce sont deux manières très différentes de promouvoir leur culture musicale.

Je crois que ce manque de promotion et de moyens humains est une impasse, il faut être conscient de la

nécessité d’y mettre un réel investissement financier et humain. Parce que la proximité géographique, le

niveau et la qualité musicale indiscutable de la musique française fait de l’Espagne un terrain conquis

d’avance, le public est dans de bonnes dispositions, il faudrait peu de choses pour que cela marche

vraiment très bien. »

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A) Il faut développer les contacts espagnols de Francophonies Diffusion

Avant de venir conquérir le marché en Espagne, il est nécessaire de prendre en compte que ce territoire

n’est pas centralisé comme la France, chaque région étant dotée d’un fort pouvoir autonome. Ainsi, il

n’est pas suffisant de venir jouer dans la capitale de Madrid car il existe d’autres coutumes et le système

de promotion a ses particularités qui nécessitent de bien connaître le terrain.

Depuis 7 ans que Jordi Roura travaille avec Francophonies Diffusion, il a vu changer les responsables

quasiment tous les 6 mois et chaque fois, les nouveaux venus lui demandent si a des contacts d’autres

radios espagnoles à leur donner, mais ce n’est pas son rôle en tant que journaliste radio indépendant.

L’organisme lui paraît très intéressant mais il a du mal à s’expliquer qu’il n’ait que 3 contacts dans

toute l’Espagne, qui sont d’ailleurs majoritairement en Catalogne.

« Chaque quinzaine, je reçois entre 3 et 8 CD d’artistes français avec leurs dossiers, des interviews

neutres que l’on peut émettre directement…etc. Cela me paraît vraiment être un bon outil de travail,

mais le problème est que nous ne sommes que 3 personnes à recevoir cela ! Enfin, depuis quelques

temps, sur Radio Nacional 3 à Madrid, José Miguel Lopez anime une émission de très bonne qualité et

semble recevoir les informations de Francophonies Diffusion. Mais je ne crois pas qu’il remplisse les

fiches des disques les plus diffusés, comme nous le faisons tous les 15 jours. Il reçoit les disques et les

programme et c’est tout, il ne fait pas un réel travail de collaboration avec cet organisme français.

2.7 Plus de soutien des industries discographiques et des politiques Malgré un grand potentiel de public en Espagne et en Catalogne tout particulièrement, il semble que les

maisons de disques et les institutionnels rechignent à s’investir avec de vrais moyens financiers et

humains pour conquérir ce marché et donner une réelle visibilité à leurs artistes.

Jordi Roura a un regard très critique sur la situation actuelle et la compare aux succès passés de la

musique française.

« En regardant les choses en face, on dirait qu’il n’y a pas de volonté de créer réellement un marché. Il

s’agit toujours d’efforts ponctuels et peu consistants parce qu’il n’y a pas de soutien de l’industrie et pas

non plus du public, car en dehors des quelques passionnés, les gens ne connaissent pas les artistes

français.

Et pourtant, il y a eu des artistes locaux qui ont développé toute leur carrière basée sur la chanson

française. Par exemple, une figure importante de la chanson catalane est Guillermina Mota qui a

pendant 40 ans enregistré de bonnes versions de Guy Béart, Barbara, Marie-Paule Belle, Anne

Sylvestre, Charles Trenet, Brel…etc. Beaucoup d’autres artistes ont passé pratiquement toute leur

carrière à traduire des artistes français. Pour ne pas parler de Miquel Pujado qui est un cas incroyable.

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En Catalogne, il y a plus de choses que dans le reste de l’Espagne. Dans les années 40 triomphaient des

petits orchestres comme celui de Bernard Hilda qui a joué pendant longtemps à la Parilla de l’Hotel Ritz

de Barcelone. Dans les années 60, des chanteurs peu connus en France, comme par exemple Patrick

Jacques ou Georgie Dann, se sont installés à Barcelone, voyant le succès qu’avait la chanson française.

Ce qu’ils vendaient le plus était le fait qu’ils étaient français, c’était comme un prestige à l’époque. »

2.8 Plus d’actions pour les musiques actuelles de la part de Cultures France (anciennement AFAA) ?

La restructuration de l’AFAA qui est devenue Cultures France en se fédérant avec l’Association pour le

Développement de la Pensée Française, laisse peut être espérer de nouvelles synergies et actions en

faveur de la musique. La nouvelle charte propose en effet :

La mise en place de plates-formes communes et spécialisées avec le réseau des

Alliances françaises et des Centres culturels.

On peut espérer que la collaboration sera plus efficace avec tous les acteurs de ce réseau qui est très

riche en Espagne.

Produire et traduire des documents d’appui à la promotion des artistes.

Le défi est qu’ils soient plus largement diffusés et qu’ils trouvent un écho dans les médias, mais cela

semble être une initiative intéressante.

Viser à une plus grande diversité des disciplines et des oeuvres diffusées à l’étranger

grâce à la mise en place de comité de professionnels dont l’avis sera décisionnaire.

Les musiques actuelles auront-elles une place accrue dans ces nouveaux comités ?

Développer la réciprocité des échanges et la circulation des oeuvres et des artistes, tant

pour les artistes français à l’étranger que pour les artistes étrangers en France.

Là encore, nous l’avons vu, au niveau de l’Espagne la réciprocité n’est pas réelle, bien que les

espagnols soient demandeurs. Quelles seront les actions concrètes ?

Mettre en place de résidences d’artistes à l’étranger.

Elles n’existent pas encore en terre ibérique. Cultures France fera-t-elle de l’Espagne un pays

prioritaire sur ce programme ? Pour les musiques populaires, il y aurait de nombreux échanges

artistiques intéressants à monter dans le cadre de résidence, en pays catalan tout particulièrement (cf la

partie sur l’histoire de la chanson française en Catalogne).

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2.9 La publicité, un autre moyen de diffusion à ne pas négliger

A) L’incroyable pouvoir de la publicité, du cinéma et des jeux vidéo

« Les films et la publicité sont devenues, curieusement, un des meilleurs supports de promotion des hits

musicaux. Les publicités lancent et recyclent les thèmes nouveaux ou classiques avec une force tant

incomparable qu’imprévisible. Bien que l’intention initiale d’une réclame de mode ou de parfum n’est

pas, de toute évidence, de vendre de la musique, la rentabilité démontrée a généré de nouveaux types

d’intérêt et de contrats à l’heure de sélectionner un thème ou un autre. »45

Les revenus que représentent les annonces publicitaires sont en général la principale source de

financement pour les chaînes commerciales.

D’après Les cahiers export sur l’Espagne qui remontent à 2001, il est noté que « La partie la plus

importante de la consommation de musiques se fait au travers des médias comme la radio et la

télévision. »

Le média essentiellement regardé par les Espagnols est la télévision ; cependant comme il n’y a que très

peu d’émission musicale sur les chaînes commerciales télévisuelles la publicité devient un débouché

très intéressant en plus d’être lucrative grâce aux droits d’édition. Seules les chaînes nationales ont une

programmation musicale mais qui est très limitée, d’où le pouvoir de la publicité avec supports

musicaux pour faire découvrir la musique au plus grand nombre par le petit écran. L’idéal est que le

nom de l’artiste apparaisse à un moment donné de manière à ce que le public puisse l’identifier. La

publicité Nescafé qu’a fait Carla Bruni en Espagne n’est pas innocente dans son succés.

2.10 Développer les sponsors

Les entreprises privées s’investissent plutôt bien dans le domaine musical, mais là encore elles ne

sponsorisent que les gros évènements, les festivals qui sont déjà bien couverts par la presse. Les

marques de bière ont un réel intérêt à s’associer à des évènements festifs. Mais il y beaucoup d’autres

entreprises qui sont axées sur une clientèle jeune et qu’il suffirait de convaincre de soutenir les

musiques actuelles.

2.11 Développer les échanges artistiques

Pour le moment, il n’y a aucun programme d’échanges artistiques entre France et Espagne, seulement

on note quelques évènements isolés, dus aux contacts personnels de quelques producteurs et tourneurs.

45 Pérez Jiménez, Juan carlos, Imago Mundi. La cultura audiovisual. Fundesco, Madrid 1996, p.65

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On peut espérer qu’avec le nouvel organisme Cultures France la tant promue « réciprocité des

échanges » sera enfin une réalité.

2.12 Conclusion sur les propositions

La situation de la musique française en Espagne n’est pas désespérée, surtout en Catalogne. Il y a une

tradition d’intérêt qui peut être ranimée avec le soutien des médias et un effort de la part des maisons de

disques et des institutions culturelles publiques.

Les générations qui ont vécu sous le franquisme gardent une affection particulière pour les chanteurs

français de cette époque et pour les jeunes, il faut seulement leur faire parvenir l’information. Il ne

s’agit pas d’un terrain hostile, mais il faut bien le connaître et travailler plus.

3. Analyse des entretiens J’ai interviewé les divers acteurs travaillant à la diffusion et la promotion des musiques actuelles

françaises pour confronter les points de vue, les objectifs et les résultats obtenus afin de proposer des

pistes de travail à l’avenir.

J’ai commencé par les maisons espagnoles de production de spectacles qui organisent les tournées

d’artistes produits en France en terre ibérique.

3.1 Le point de vue des promoteurs espagnols WAM (Barcelone) et Green Ufos (Séville)

A. La connaissance des groupes français

- Jordi Gratacos, fondateur du Bureau Export de la musique française à Barcelone, a découvert certains

artistes français par l’intermédiaire de la scène, lors de festivals en Catalogne, notamment celui du

Mercat de la Musica Viva de Vic (marché de la musique vivante de Vic) pour lequel il travaillait et qui

a une programmation internationale. Ensuite, il a été chargé d’être l’antenne de l’Irma en Espagne pour

élaborer la base de données de l’Europop book. Les collaborations avec la France se sont multipliées

naturellement, notamment avec le Festival du printemps de Bourges, dont il est devenu l’Antenne

espagnole : il était chargé de sélectionner des groupes espagnols pour les présenter au festival et de faire

venir les groupes français rencontrés là-bas en Espagne. Cela lui a permis de rencontrer d’autres

promoteurs français, des agents, des managers d’autres festivals comme Les Transmusicales de Rennes,

Les Eurockéennes de Belfort. Il a aussi développé des échanges avec Toulouse…

Puis, il a créé en Espagne, le festival BAM (Barcelona Acción Musical) en collaboration avec la ville de

Barcelone, qui souhaitait donner une programmation musicale de qualité à sa fiesta mayore de la Mercè.

Jordi Gratacos, en charge de la programmation, a fait venir des artistes français grâce aux contacts qu’il

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avait établis avec les managers français et petit a petit s’est établie une relation. Il est devenu un des

« récepteurs » des propositions musicales françaises en Catalogne.

Plus tard, il a monté sa propre structure de productions : WAM (World Around Music) producciones en

parallèle du festival BAM pour promouvoir des groupes qui l’intéressait ou parce que d’autres

promoteurs lui faisaient des propositions pour faire tourner leurs musiciens en Espagne. En effet,

beaucoup de managers, de tourneurs le contactent et parfois, si les groupes sont très petits, la WAM

contracte directement avec eux car il a la possibilité de les programmer lors du festival BAM ou de leur

trouver des dates de tournée.

Plus tard, le Bureau Export de la Musique Française de Paris lui a proposé de réaliser le cahier export

Espagne en 2001, puis de mener la délégation française du BE en Espagne en 2002.

Il a donc une relation très forte avec la production artistique et discographique française mais il mène

aussi sa propre activité de producteur / tourneur avec des groupes espagnols. Lors d’un entretien à

Rennes, lors des Transmusicales, il a demandé au Bureau Export de Paris d’embaucher une personne à

temps plein pour le bureau de Barcelone. Sébastien Prieto a été recruté en 2003.

- Rafael López, fondateur de Green Ufos, Séville

Pour cette maison discographique et de productions de concerts, fondée en Andalousie en 1993, la

connaissance des groupes s’est fait avec le temps, graduellement, en un processus artistique continu sur

le long terme.

La première information qu’ils ont eue sur des artistes français fut par l’intermédiaire d’un fanzine

français « Abus dangereux » en 1994 et qui parlait du groupe Peter Parker Experience. Cet artiste, Peter

Parker, développait un projet artistique intrigant en se mettant dans la peau de personnage de

Spiderman, en endossant sa personnalité réelle. Le terme « Experience » se réfère au processus de

transformation en Spiderman.

« Il a attiré mon attention, j’ai donc écrit à sa compagnie française qui s’appelait Lithium. Ils m’ont

envoyé son disque, ainsi qu’un de Diabologum et un de Dominique A. »

« A l’époque, j’avais une petite structure de production et de distribution, beaucoup plus amateur

qu’aujourd’hui, moins formelle, mais on faisait déjà de la promotion. Ainsi on a proposé à la compagnie

Lithium de promouvoir et de distribuer ces 3 disques en Espagne. On a eu une réponse prometteuse.

Lithium, dirigé par Vincent Chauvier, nous a mis en contact avec d’autres compagnies indépendantes en

France, qui nous ont écrit en envoyant des disques de leurs artistes. Nous avons donc été mis en contact

avec les structures Rosebud et Village vert. Il y a 12 ans de cela.

J’ai donc connu ces artistes français par l’intermédiaire de leurs disques.

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Une fois que le contact été fait, nous sommes entrés dans une chaîne promotionnelle. J’ai ensuite vu les

groupes en direct en Espagne, parfois nous sommes est allés en France. J’ai donc découvert la musique

française par divers médias et supports comme les vidéos, les CD, les concerts…etc. » 46

B. L’importance d’avoir une distribution discographique pour une meilleure promotion des concerts

On constate qu’il est nécessaire ou du moins, vivement recommandé, d’avoir une distribution du disque

des musiciens dont on souhaite organiser des concerts, pour pouvoir appuyer la promotion sur un

support tangible.

Pour Jordi Gratacos, en principe, les groupes qu’il fait venir ont un manager discographique et leurs

disques sont distribués en Espagne.

Mais, pour la promotion, il y a des problèmes avec les grandes multinationales qui sont souvent basées

à Madrid et veulent seulement promouvoir les grandes stars. Dans le cas de petits groupes, la WAM doit

faire elle-même la promotion à partir de Barcelone. Seule la major Universal travaille un peu mieux sur

ce thème médiatique, en particulier son label Universal jazz.

Le travail de promotion pour la WAM est donc très important, parce qu’ils ne peuvent pas se reposer sur

les maisons de disques pour des artistes plus confidentiels, seuls Madonna et Mickael Jackson

mobilisent les multinationales. C’est pourquoi, la WAM a deux personnes en charge de la promotion qui

travaillent également sur la présence des disques des artistes dans les bacs.

Cependant, la grande majorité des groupes avec qui la WAM travaille, même s’ils sont petits ou moyens

sont malheureusement dans des maisons de disques multinationales.

Il est effectivement plus difficile de vendre des groupes français ou étrangers peu connus en Espagne

que des artistes alternatifs espagnols. Mais, si le groupe a une renommée internationale comme

Madonna, évidemment, il est plus facile de trouver des dates de concerts et d’obtenir un écho positif

dans les médias que pour des artistes locaux.

Cependant la WAM travaille sur des artistes « alternatifs » et, à part pour Manu Chao, il est difficile

d’obtenir une répercussion médiatique, ceci même dans la presse écrite qui est plus facile à toucher que

les radios et la télévision.

« Par exemple, alors qu’Amadou et Mariam ont fait un boom dans le monde entier, ici en Espagne, leur

promotion est très difficile, car ils ont très peu vendu de disques. Cela est dû au fait que les maisons de

disques ne font pas bien leur travail pour les petits artistes et qu’elles ne mettent pas la pression auprès

46 Entretien avec Rafael López du 28 juillet à Séville

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des distributeurs. La presse est très difficile à séduire car elle ne prête guère attention aux groupes

alternatifs.

La promotion discographique est très importante car on peut très difficilement vendre des groupes dont

on ne peut pas trouver de CD dans les bacs. La WAM travaille seulement avec des artistes qui ont déjà

leurs CD distribués en Espagne, sinon c’est trop difficile. »47

Rafael López, de Green Ufos, partage le même avis :

« Le plus important, avant qu’un artiste vienne faire un concert, c’est de le faire connaître, vendre ses

disques pour qu’il y ait une base minimum de fans. On fait d’abord et avant tout la promotion en

envoyant les disques aux revues, aux radios, aux fanzines, aux sites Internet…

Normalement, on ne travaille pas avec des groupes qui n’ont pas leurs disques distribués en Espagne,

mais il y a quelques rares exceptions. Par exemple, avec le Primavera sound de 2005, pour le chanteur

Daniel Darc, on ne s’occupait pas de la distribution ni de la promotion, son disque était distribué en

France avec de très bonnes critiques qui avaient passé les frontières dans la presse spécialisée

espagnole. Pour la scène française du Primavera sound il y avait 11 artistes français, du coup ce n’était

pas très grave qu’il y en ait un qui n’ait pas son disque distribué dans ce cas précis, car le festival

bénéficiait déjà d’une bonne promotion par ailleurs.

Mais on ne peut pas organiser une tournée d’un groupe sans qu’il ait son disque distribué sur le

territoire, il est nécessaire de pouvoir appuyer la promotion sur quelque chose de concret. Sinon cela me

paraît non viable. Car il faut souvent louer les salles en Espagne, et si le public n’est pas au rendez-

vous, on ne couvre pas les frais. La maison de productions Green Ufos s’occupe toujours de distribuer

les disques des artistes qu’elle fait tourner et normalement, ne prend pas en charge les concerts de

musiciens dont elle ne diffuse pas elle-même le disque et dont elle n’est pas responsable de la

promotion. »48

C. La collaboration entre les divers acteurs

La WAM travaille parfois avec d’autres promoteurs espagnols de concerts régionaux qui agissent

comme des représentants de zone car ils connaissent mieux le terrain.

« Par exemple, en Galice, tout passe par une entreprise de management qui connaît tout, les mairies, les

festivals… en bref, tout le réseau musical de là-bas. C’est plus facile de passer par lui et de lui donner

47 Entretien avec Jordi Gratacos, le 8 mai 2006, Barcelone 48 Entretien avec Rafael López du 28 juillet à Séville

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10% de commission sur les concerts vendus car ces représentants de zone vendent plus facilement les

prestations des artistes. »

Cependant, dans la plupart des cas, la WAM travaille en direct avec les organisateurs de concerts.

Comme avec certains festivals à Séville, à Madrid…

Pour Green Ufos, c’est un peu différent, la collaboration se fait directement avec le manager français

pour engager l’artiste, mais en Espagne, ils ont le contact direct avec les programmateurs et les

directeurs de salles.

« Au niveau des concerts, on peut travailler directement avec le groupe (s’il est autogéré) ou alors avec

leurs agents / managers français. Pour proposer une tournée en Espagne ou une date dans un festival,

l’on traite avec son manager ou son agence de management française. On négocie les conditions avec

une personne qui parle au nom du groupe, qui est délégué par lui.

Concernant le statut de Green Ufos, nous ne sommes pas manager des artistes français, car le general

manager fait un travail global avec le groupe et s’occupe de beaucoup d’aspects de la carrière des

artistes tant économiques qu’artistiques.

Green Ufos représente l’artiste en Espagne et s’occupe de lui procurer des dates, mais sans avoir le

statut de manager. Par exemple, si un festival espagnol veut programmer des artistes français

(Experience, Dominique A), il n’appelle pas le manager français mais directement Green Ufos, son

représentant en Espagne.

Ils font une première sélection en fonction des propositions de dates, de cachets… car ils ont l’agenda

des artistes. Une fois qu’ils trouvent quelque chose de viable, ils font la proposition au manager

français.

Les programmateurs les contactent pour deux motifs :

- Ils savent qu’au fil des années, Green Ufos a travaillé avec ces artistes et qu’ils sont leur

représentant en Espagne, pour autant ils sont reconnus.

- D’autre part, il se peut que les programmateurs contactent directement le manager français. Dans ce

cas, celui-ci invite Green Ufos à donner son avis car ils ont une bonne connaissance du territoire

espagnol et le manager s’en remet à eux pour garantir que le concert sera viable pour l’artiste. Cela

se fait alors en exclusivité pour les groupes avec qui ils travaillent. C’est un engagement moral «

un contrat de paroles » entre le manager français et le promoteur espagnol.

Green Ufos ne travaille pas avec des représentants de zone pour d’autres régions d’Espagne. Ils traitent

directement avec les programmateurs espagnols.

Pour les concerts, il y deux possibilités :

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- soit ils organisent une tournée, l’initiative vient alors de Green Ufos qui contacte les

programmateurs susceptibles d’être intéressé par le groupe dans la région.

- soit les programmateurs montent leur saison artistique et contactent Green Ufos pour qu’ils leur

fassent des propositions artistiques.

Dominique A est plus connu que beaucoup de groupes anglais. Sa popularité dépend de

l’investissement de promotion. Pour Dominique A, Françoiz Breut, Experience... C’est Green Ufos qui

s’occupe directement de la promotion espagnole des groupes. »

D. Les styles musicaux « made in France » qui ont le plus de répercussion en Espagne

De l’avis de Jordi Gratacos,

Ce qui marche le mieux parmi les musiques françaises c’est le pop, l’électronique et la world music.

« Le problème, c’est que se sont des productions françaises mais que les artistes sont d’une autre

origine, d’une autre identité… Entre autres exemples, on peut citer Rachid Taha (raï) dont les origines

sont arabes, et ses influences musicales du Maghreb… Tiken Jah Fakoly vient d’Afrique.

Le Bureau Export considère comme français toute la production faite en France d’artistes venus de

partout. Il suffit que le groupe vive en France, ou que la production soit faite dans l’Hexagone, pour que

les musiciens soient considérés comme français. Du moment qu’une partie de la chaîne

professionnelle et promotionnelle du groupe se fait en France que se soit l’éditeur, le manager ou le

producteur discographique, il est considéré comme français.

D’un point de vue général, l’intérêt pour les productions musicales étrangères augmente par rapport aux

années passées. L’underground a augmenté conséquemment grâce aux festivals comme le Primavera

sound, le Sonar, le BAM, le FIB… la culture musicale s’améliore en Espagne.

En Catalogne en particulier, la culture musicale est beaucoup plus large grâce à l’immigration de

beaucoup d’Européens sur les 5 dernières années. Il est plus facile d’engager des artistes français ou

étrangers en général ici que par le passé. Mais cela ne veut pas dire qu’Amadou et Mariam auraient une

grosse répercussion à Madrid.

Ceci dit, Barcelone et Madrid restent des villes à part pour la musique. Pour le reste de l’Espagne, il

faut placer les artistes dans les festivals comme le Womad de Caceres, le Festival de Jaen, le Pyreneos

sur, la Mar de musica… Sur ces évènements, les programmateurs sont très au fait de l’actualité

musicale de qualité et indépendante. Par contre, les fiestas mayores de chaque ville programment

principalement les célébrités ou alors les musiciens du coin… de la part des villes (ayuntamientos), il y

a peu d’éducation culturelle et musicale et donc peu de curiosité. Cependant, pour les petits groupes, le

bouche à oreille fonctionne bien, le piratage des disques, les « tribus », les groupes de fans…Par

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exemple, pour le concert de La caution lors du festival Urban funk, le groupe n’était pas passé en

radios, mais il avait déjà son public. La salle était comble grâce à la tribu du hip hop, c’est une

promotion underground avec les promoteurs et les collectifs. »49

Pour Rafael López, les styles de musiques françaises qui rencontrent le plus de succès, sont les

musiques électroniques et la world music.

« Mais nous travaillons sur la nouvelle chanson et le nouveau rock français. Par exemple, certains ont

rencontré le succès comme Dominique A, Françoiz Breut, Jacqueline pour la chanson et dans le

nouveau rock : Experience, Diabologum, Autour de Lucie, ou encore Little rabbits.

Je pense sincèrement que le succès d’un artiste ne dépend pas tant de son style que de sa qualité

artistique. Pour le dire autrement, si un artiste est vraiment bon, il transcende le style pour faire une

œuvre tout à fait originale. Sa proposition artistique dépasse les étiquettes… il devient difficile de le

classer dans un style.

En Espagne, à part les musiques anglo-saxonnes et espagnoles, il y a eu un boom de la world music, qui

en plus que de la qualité de ses productions, a bénéficié d’une étiquette bien promue et d’un effet de

mode. Il y a eu aussi une vague de la musique électronique, dans laquelle l’électro française (French

touch) a connu un vrai succès.

S’il y a une, deux ou trois compagnies qui s’investissent dans la promotion de la musique française et

que celles-ci sont relayées dans les médias, il se peut que les gens s’intéressent à la musique française

en général.

Mais, je pense sincèrement que la répercussion que certains artistes français connaissent en Espagne

n’est pas due au fait qu’ils soient français, mais que leur proposition musicale est au même niveau et

aussi intéressante que celles des groupes espagnols ou anglo-saxons. C’est surtout la musique en soi qui

fait la différence. Cependant, s’il y a une forte mobilisation médiatique sur la musique française, il se

peut qu’il y ait quelques personnes qui s’y intéressent de plus en plus, comme un concept global.

Nous promouvons par exemple Little rabbits et Experience qui chantent en anglais et en français,

Married Monk qui, bien que français, chante exclusivement en anglais ou encore des groupes qui sont

exclusivement instrumentaux. La musique française est très diverse. »50

49 Entretien avec Jordi Gratacos, le 8 mai 2006, Barcelone 50 Entretien avec Rafael López du 28 juillet à Séville

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Sébastien Priéto du BE dit : « En Espagne, il y a une vraie culture urbaine, par exemple le Hip Hop a

beaucoup de succès. Les Espagnols vivent beaucoup dans la rue, c’est pourquoi le hip hop a était bien

reçu, c’est toujours plus difficile d’importer des styles musicaux qui n’existent pas déjà dans le pays.

A l’exception de l’électronique, dont le dynamisme est d’abord venu de l’étranger. Par exemple, le

Festival Sonar a une programmation riches de DJs venus de différents pays. »51

E L’organisation d’une tournée et le démarchage des dates de concerts

Pour faire un concert en Espagne, il faut le plus souvent louer la salle. A la charge du producteur donc :

la location de la salle, l’affichage, la communication, le back line (matériel sono), les cachets des

artistes…

Il faut savoir que les droits d’auteur s’appliquent aussi aux artistes étrangers (10% reversés à la SGAE).

Il n’y a que les festivals qui programment : dans ce cas, c’est au tourneur de leur proposer un prix de

concert (incluant les cachets des musiciens et sa propre commission). C’est la situation idéale.

Il n’y a pas de jauge type pour les artistes, cela dépend des lieux et de leur notoriété. La WAM essaye de

« vendre » ses artistes auprès des festivals et des mairies et s’il y a plusieurs dates, la WAM fait la

production de certaines autres pour donner une cohérence à la tournée.

En ce qui concerne les meilleurs lieux pour promouvoir les artistes, cela varie également, car là aussi,

cela dépend vraiment de la popularité de l’artiste.

« Les festivals semblent bien, mais il faut faire attention à ce que l’artiste soit bien représenté dans la

programmation. Par exemple, l’année dernière en 2005, Yann Tiersen a été programmé au FIB dans un

chapiteau de 2000 personnes. Et cette année, le festival voulait le programmer dans le même type de

scène mais la WAM n’a pas accepté. Il a fallu négocier les conditions : soit sur une scène plus grande

soit il ne donnait pas de concert. Résultat : il a joué devant 8000 personnes cette année !

Il faut prendre en compte tout cela, si le groupe va jouer dans un festival et que sur le programme, il

apparaît en 53e position sur les 60 groupes présents, il n’intéressera pas la presse qui n’a pas le temps de

tout voir et qui se concentre sur les têtes d’affiche surtout.

Parfois, il vaut mieux prendre le risque de faire soi même la production de la date à Madrid ou à

Barcelone en octobre ou novembre. Nous faisons la location de la salle et nous convoquons les médias

pour faire la promotion. Nous ne gagnons pas d’argent, voire nous en perdons, mais sur le long terme,

c’est beaucoup plus efficace, il y a plus de répercussions. »

51 Entretien avec Sébastien Priéto, le 11 août 2006, Barcelone

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Il est difficile de gagner de l’argent avec ce système mais le développement d’artistes est un métier

risqué. Par exemple cette année, la WAM a perdu beaucoup d’argent avec Arthur H et Salif Keita, mais

elle croit en ces artistes. Le développement se fait sur le long terme à l’international. »

« Plus tard, il faut bien récupérer l’investissement. Il faut donc profiter d’avoir fait venir les groupes

pour les vendre à un festival par la suite, pour couvrir ce qui a été perdu dans la date de présentation, de

promotion. »52

Concernant le statut de Green Ufos lors de l’engagement des artistes cela dépend des cas et des dates.

Parfois, ils sont producteurs, parfois, seulement tourneur.

« Les festivals payent des cachets, c’est idéal. Mais parfois, Green Ufos veut faire connaître un artiste et

organise une tournée de 6 à 10 dates. Quand on a tant de dates, il peut y avoir des dates payées aux

cachets et d’autres sur lesquelles il faut louer la salle, ce qui importe, c’est le résultat final positif. Louer

la salle c’est risqué, mais c’est la règle dans le secteur de la musique, il y a des jours ou l’on gagne et

d’autres ou l’on perd. C’est ma vision et celle de mon entreprise, d’autres préfèrent ne jamais prendre

de risques.

Pour moi, l’important est le résultat global de l’année ou d’une tournée. Peu importe les résultats

particuliers, mais les résultats globaux. Si le résultat final est positif, ce n’est pas grave de perdre sur

deux dates.

Louer les salles, c’est habituel, même pour les artistes connus. Parce qu’il n’y a pas dans chaque ville

une mairie, un festival, un programmateur (promoteur) qui soit disposé à payer les artistes. »

D’habitude, lors d’un concert où ils sont producteurs, Green Ufos loue la salle au prix donné et ne

négocie pas les conditions. Ainsi pour les recettes, toutes les entrées sont donc pour eux que cela aille

bien ou mal, ils payent les musiciens en espérant rentrer dans leurs frais.

« Il n’y a pas de co-production, ça complique un peu les choses, c’est ennuyeux. On fait le plus simple

possible.

Les jauges sont très variables, dans une même tournée, il peut y avoir une salle de 1000 places et une de

250. Dans les festivals, il y a des fois 12 000 ou 15 000 personnes et les artistes peuvent jouer sur une

scène pour 7000 personnes ou pour 500, c’est très variable là aussi.

En général, les festivals sont une bonne manière de promouvoir les artistes bien qu’il y ait des occasions

fréquentes où un festival peut être une grande perte de temps et d’argent. Par exemple, il faut être sur de

bonnes scènes et à des bons horaires, sinon cela ne vaut pas le coup. »53

52 Entretien avec Jordi Gratacos, le 8 mai 2006, Barcelone 53 Entretien avec Rafael López du 28 juillet à Séville

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F. « L’Europe du Sud », des langues latines, est-elle une aire de diffusion et d’échanges des productions musicales de ces pays

Il appartient aux professionnels de promouvoir le concept d’ « Europe latine ». Quant à développer, une

aire « latina europeana» de diffusion musicale, cela dépend de la capacité des managers, des promoteurs

et des groupes de savoir vendre ce concept potentiel de latino.

« Pour l’instant, je ne vois pas que beaucoup de groupes espagnols s’exportent en Europe. En revanche,

beaucoup de groupes Sud américains marchent bien ailleurs, ils contractent avec la France ou la

Belgique… Le groupe barcelonais Ojos de brujos est une exception, le manager Javi Xarco de la

Fabrica de colores les fait tourner partout, ils sont numéro 1 à la BBC… Mais c’est un cas unique.

Ici, en général les producteurs espagnols ne cherchent pas à exporter leurs artistes, et ne savent pas trop

comment les vendre à l’étranger. L’Espagne a un marché très centré sur lui-même. » dit Jordi Gratacos.

Pour Rafael López :

« Il n’y a pas vraiment d’aire de diffusion « d’Europe latine ». Les musiques actuelles françaises ne

rencontrent pas le succès pour la raison qu’elles sont françaises, à quelques exceptions près. Par

exemple, Carla Bruni représente tellement le cliché français, même si elle est d’origine italienne qu’une

partie de son succès est sans doute du à sa provenance française, mais aussi à sa notoriété

internationale. »

Mais pour beaucoup d’autres groupes que promeut Green Ufos, le succès vient avant tout de la qualité

de la proposition musicale et non de la nationalité.

« Je pense qu’il y a une génération d’artistes français (s’exprimant en anglais ou en français) dont la

qualité des propositions artistiques est aussi bonne, voire meilleure que celles les groupes anglo-saxons.

Mais concernant une aire de diffusion facilitée entre les pays d’Europe du Sud, je ne crois pas qu’il soit

facile pour les musiques actuelles françaises de s’introduire en Italie ou au Portugal. La musique

française est de toute évidence plus connue en Espagne qu'au Portugal. D’ailleurs, cette génération de la

chanson du milieu des années 90 dont je parle, peu de gens la connaissent au Portugal et en Italie alors

qu’en Espagne, cela fait 10 ans que je travaille avec certains artistes (depuis 1994), comme Dominique

A qui a aujourd’hui une réelle reconnaissance. »

G. Les influences, les liens entre les disques et les concerts

Les concerts et les disques vont ensemble et le succès des uns influencent celui des autres, cela marche

dans les deux sens. Le monde des concerts ne fonctionne pas indépendant de l’industrie discographique.

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Il se peut qu’une tournée soit un moyen de promouvoir un disque. Ainsi, parfois la tournée peut être

déficitaire mais elle est intéressante car elle permet de vendre plus de disques, d’augmenter la

popularité de l’artiste et qu’il fasse une tournée triomphale pour la sortie de son nouvel album. Dans ce

cas, cela vaut la peine de prendre des risques financiers.

Mais c’est souvent l’inverse, le succès des disques aidant les concerts à faire le plein de public.

Ce qui fait vivre les artistes aujourd’hui reste le spectacle avant tout. Il se peut qu’une tournée se fasse à

fonds perdus mais permet une plus grande popularité par la suite.

« Pour les artistes peu connus, il y a une chance de s’implanter à condition qu’ils soient bien entourés

professionnellement, qu’ils aient un manager ou un promoteur. Je crois que l’auto-production, l’auto

distribution, l’organisation directe de concerts par le groupe est aujourd’hui bien compliquée. Il y a 7 ou

8 ans, c’était plus viable. Aujourd’hui c’est très difficile car il y a [sur production] : beaucoup de

groupes, beaucoup de disques, beaucoup de managers… pour des artistes qui n’ont pas de structure, ni

de manager, ni de label, je ne crois pas que cela puisse marcher. Il n’y a que peu d’espace pour les petits

groupes non structurés. » dit Rafael de Green Ufos.

Jordi Gratacos est encore plus radical :

« Le succès des ventes de disques dans le pays est primordial pour rencontrer un succès sur scène.

Le problème ici est que le système est pyramidal, les grands artistes vendent beaucoup de disques, mais

à la FNAC, il n’y a que très peu de place pour les musiques alternatives.

Je crois que de ce point de vue, les FNAC françaises sont beaucoup plus riches si je compare celles de

Barcelone avec celle de Toulouse. »

H. Le relais indispensable des médias pour la promotion Le principal de la promotion se fait par les radios et la télévision et, en Espagne, il y a seulement le

format du top 50. Ici, il n’y a pas de radios indépendantes, alternatives, toutes les radios sont main

stream, ou oldies… à part l’unique Radio Nacional Tres (RNE3).

Les quelques émissions qui diffusent des musiques indépendantes, se comptent sur les doigts de la

main.

De l’avis de Sébastien Priéto : « La visibilité des artistes français n’est pas mauvaise, elle dépend de

chaque projet, la promotion se fait en fonction des jauges des concerts (du nombre d’entrées voulues).

Par exemple, la compilation des chansons de Serge Gainsbourg Gainsbourg revisited, par de jeunes

artistes français a une excellente visibilité, Carla Bruni, Manu Chao et Gotan Project également.

Le Bureau Export représente toute la filière musicale, il est normal que les plus petits aient une moindre

visibilité. »

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Les radios en Espagne sont soient commerciales, soit associatives, très indépendantes et fragiles. Il est

difficile d’entrer sur les radios espagnoles.

Pour les radios où l’on trouve des musiques non commerciales, il y a quelques émissions très

intéressantes et où il n’y a pas de publicité. Mais ce sont les seules à ma connaissance :

- Radio Nacional Trés (espagnol, nationale) a deux programmes « siglo XXI » et « disco grande »

- catalunya radio (catalan, régionale)

- com radio (catalan, régionale)

- radio circula de bellas artes (espagnol, locale sur Madrid)

- radio contrabanda (français, associative et locale sur Barcelone)

La Catalogne se démarque des autres régions avec quelques radios culturelles intéressantes, par

exemple, en Andalousie, Canal Sur est très commercial. La promotion des artistes est à faire par le

producteur et la maison de disque. Le Bureau Export ne travaille pas avec les radios.

La paysage radiophonique semble difficile à changer car tout va dans le sens d’une tendance au

commercial (même en France).

La presse écrite

Les revues spécialisées font de bons rédactionnels et ont leur importance dans le monde professionnel.

Les magazines sont bien diffusés et ont un bon rayonnement. Ils ne sont pas à négliger dans la

promotion. Par exemple, les plus pertinents sont :

- Mundo sonoro

- Rock de luxe

- Batonga

- Go Mag

La presse quotidienne est très importante : El país, La vanguardia, El mundo, ABC… La presse

généraliste a une bonne couverture pour la musique et la culture dans son ensemble : les quotidiens sont

de bons médias.

Pour la télévision, c’est beaucoup plus difficile de diffuser la musique dans ce média.

Seule la chaîne TV2 a deux programmes musicaux nationaux « Hip hop » et « No solo musica » mais à

une heure tardive et retransmet les concerts de RNE3 une fois par semaine. Au niveau régional, la

Catalogne est encore la mieux fournie. Avec :

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- Canal 33 : les émissions Sputnik, Lubs

- Catalunya TV a filmé la scène du CCCB (Centre de Culture Contemporaine de Barcelone) lors du

festival BAM où il y avait deux groupes étrangers et 1 groupe catalan qui chantait en espagnol.

Pour Rafael López :

« Les médias ont une grande influence dans la popularité d’un artiste ou d’un groupe. Green Ufos s’est

développé à travers les médias alternatifs, et a fait la promotion des groupes français en insistant sur la

qualité musicale. Sans les médias, il est difficile de se faire rencontrer les artistes et le public. »

I. Le rôle du Bureau Export et des institutions françaises

Rafael, fondateur et directeur de la maison de productions Green Ufos, prend position :

« Le bureau de la musique française ne nous aide en rien pour engager les artistes. Ce qui serait idéal,

c’est qu’il nous aide financièrement. Mais il n’a pas de moyens pour le faire, il ne nous aide vraiment

pas beaucoup, voire pas du tout.

D’autre part, le Bureau Export, surtout en Espagne, n’est pas bien organisé, je pense. J’ai des contacts

avec eux mais justement, je dis ça en connaissance de cause. Je ne connais pas les bureaux export dans

les autres pays, mais j’imagine que c’est mieux. En tout cas en Espagne, je pense qu’il pourrait jouer un

rôle plus important, plus positif et enrichissant.

Aussi, sa politique vient directement de ce que dit le Bureau Export de Paris, il est un instrument

d’exécution [de ce que les maisons françaises mettent dans leurs priorités sans connaître la spécificité

du marché du territoire espagnol…] je ne connais pas bien le thème, mais il me semble que ça pourrait

être bien mieux organisé en étant plus centré sur le terrain.

Pour l’améliorer, par exemple, je pense que la France et ses institutions devraient cesser d’être si

bureaucratiques. Car quand on parle de musique, de concerts, de compagnies et artistes indépendants,

de jeunes talents qui cherchent à se faire connaître, la bureaucratie pour eux est le pire qui puisse leur

arriver parce qu’ils ont besoin de l’étincelle, de l’auto suffisance et de savoir saisir les opportunités

parfois au dernier moment.

Mais si, pour recevoir une subvention, il faut s’y prendre 6 mois à l’avance, qu’il faut envoyer un

dossier énorme avant et après, c’est une bureaucratie qui ralentit tout le processus, et même qui

s’oppose à ce qu’elle cherche à réaliser, c’est à dire la promotion de la création artistique française.

Il faudrait trouver des moyens, mettre en place des méthodes pour que le Bureau Export, l’AFAA

(Cultures France), la Sacem, l’ambassade de France…etc, tous les organismes qui cherchent à

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promouvoir la musique française à l’étranger soient moins bureaucratiques et plus simples (en tout cas

en Espagne).

Par exemple, ici à Séville, en 2005, le département culturel de la mairie et l’AFAA voulaient monter une

scène musicale française. Le projet était que l’AFAA prenne en charge tous les frais de transports et

d’hébergement; et la mairie se charge de payer les cachets artistiques.

La mairie était très intéressée, mais voulait choisir les groupes, car elle connaît mieux ceux qui sont

connus et qui marchent en Espagne, pour que le public soit au rendez-vous.

Mais, l’AFAA voulait faire seule les propositions musicales alors que les groupes envisagés étaient

totalement inconnus du public espagnol. C’est une position tout à fait bureaucratique, en fonction de

priorités et de critères propres à l’AFAA, qui n’a pas su saisir cet intérêt de la mairie et cette opportunité

pour faire venir des groupes français déjà un peu connus en Espagne pour qu’il y ait du public.

Cela me paraît totalement non viable de programmer des artistes français ici, si personne n’a jamais

entendu parler d’eux, le public ne viendra pas, c’est certain.

Par exemple, si nous voulons organiser une tournée d’un artiste français qui nous plait et que l’on

demande une subvention au Bureau Export, il faut que le groupe fasse partie des objectifs et priorités de

promotion du Bureau Export. Le BE a comme un catalogue de groupes à promouvoir à l’étranger.

Imagines-toi que moi, je découvre un artiste français par un autre canal, qui me paraît plus intéressant

que ceux du BE, je vais le faire, mais je ne peux pas recevoir de subvention.

Si tu n’as pas de contacts avec les institutions, c’est difficile d’obtenir des subventions si tu choisis des

artistes qui ne font pas partie des priorités administratives de promotion. C’est le serpent qui se mord la

queue…

Finalement, nous n’avons eu qu’une collaboration avec le Bureau Export pour la nuit française du

Primavera sound en 2005, car nous ne pouvons pas passer notre temps à faire des dossiers de demande

de subventions que nous avons peu de chances d’obtenir. »54

3.2 Point de vue des institutionnels

A) Le Bureau Export de la musique française à Barcelone

a. Rôle et objectifs du Bureau Export Espagne

54 Entretien avec Rafael López du 28 juillet à Séville

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Le Bureau Export de Barcelone a un rôle de relais entre le marché français et le marché espagnol, il a

pour objectif les ventes de disques des productions françaises en Espagne.

Il doit être générateur d’un dynamisme et répondre à la demande des français et des professionnels

espagnols.

Il faut savoir qu’un disque sur trois de musiques actuelles françaises est vendu à l’étranger, il y a un

certain nombre de labels français qui ne vivent que grâce aux ventes réalisées à l’export. Le but des

bureaux export est de faire vivre la filière musicale française (notamment les industries du disque).

Le disque ne va pas sans le « live », les concerts s’inscrivent directement dans la promotion de l’album,

nouvellement distribué sur un territoire.

Les hurlements de Léo qui sont venus jouer en mars sans avoir leur disque distribué est un cas à part.

Mais ils avaient déjà un contact personnel sur place et le public était essentiellement français.

Le Bureau Export répond aux attentes de ces financeurs : les maisons de disques, le CNV, la Sacem, les

pouvoirs publics français…

Le Bureau Export Espagne a une totale liberté d’action dans la mesure des objectifs et des priorités des

maisons de disques françaises qui lui sont transmises par l’intermédiaire du Bureau Export de Paris.

Ensuite, Sébastien Priéto tente de les faire coïncider avec les attentes des espagnols. Chaque pays a sa

propre réception.

La priorité est au développement des labels français et de leurs artistes à l’étranger. Par exemple, en ce

moment la priorité est sur le chanteur Raphaël qui a envie de s’implanter en Espagne (sa mère est

argentine et il parle espagnol).

Ce qu’il faut retenir pour la définition des Musiques Actuelles françaises ou « made in France », c’est

que l’on ne parle en aucun cas de nationalité, ce sont les productions françaises mais elles sont reçues

pour leur qualité musicale, leur proposition intéressante et originale.

Chaque projet a ses atouts et ses limites. Parfois même 300 ventes de disques en Espagne, peuvent changer la

donne pour le label français, si elles viennent s’ajouter à 300 dans un autre pays. Peu importe d’où viennent les

artistes… Daft punk, Laurent Garnier sont aussi attendus ici que des stars anglo-saxonnes.

Il faut prendre en compte qu’en Espagne, le marché du disque est encore jeune, et il est entré de plein

fouet dans la crise mondiale du disque. Il est aussi moins professionnel qu’en France ou en Angleterre.

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Ici tout est centralisé par la SGAE, la société qui gère les droits d’auteur…on imagine mal à Sacem

jouer le même rôle en France, elle fait partie d’un secteur musical professionnel composé de bien

d’autres organismes.

La SGAE organise des cours, a des studios… cela ne devrait pas être son rôle en tant que société privée

de perception de droits d’auteur. Son contrôle s’étend au-delà de ses missions.

b. L’Espagne et ses « atouts » festivaliers

La venue de musiciens français en Espagne s’inscrit dans un développement à l’international, même si

les conditions de programmation ne sont pas toujours aussi bonnes qu’en France. Les concerts

s’inscrivent dans un processus d’investissement de carrière à l’étranger sur le long terme.

Il faut bien garder en tête qu’un tiers des disques produits en France est vendu à l’étranger. Ainsi les

concerts permettent de promouvoir le disque qui est déjà le plus souvent en distribution ici.

L’Espagne connaît en ce moment une explosion de festivals. Chaque année il s’en crée de nouveaux,

par exemple, cette année le Summercase à Barcelone. On peut craindre une saturation du marché mais

pour l’instant cela fonctionne bien.

Ces festivals ont tous des objectifs touristiques, Sébastien Priéto pense que cela est normal, logique car

tout à une fin commerciale. Mais le Primavera sound à de bons objectifs artistiques également.

Pour la scène française de 2005, l’argument de la direction est de ne pas vouloir la renouveler car elle

n’a pas fait augmenter le public français de ce festival basé à Barcelone.

Le Bureau Export n’a pas aidé le South pop festival de Séville parce qu’il n’avait pas de budget.

c. Les moyens d’action du BE de Barcelone

Les moyens financiers

Le Bureau Export Espagne a peu de moyens, ceci s’explique en partie par rapport au marché du disque

qui n’est pas très fort ici en comparaison de l’Allemagne par exemple. En effet, cette dernière est en

terme de marché le 2ème pays non francophone qui a les meilleures ventes de disques français. Rien de

comparable avec l’Espagne dont la population achète peu de disques.

Le Bureau Export de Paris reçoit de ses financeurs un budget global qu’il répartit entre ses 10 bureaux à

l’étranger.

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L’AFAA n’a pas non plus de priorités sur l’Espagne, par contre elle a un programme sur l’Amérique

latine et a des budgets spéciaux pour les bureaux export du Brésil et Mexique. Une des raisons données

est que l’Espagne est un pays transfrontalier avec des coûts de transports des artistes moins importants.

Il existe effectivement beaucoup de projets qui se font entre la France et l’Espagne, sans que le Bureau

Export intervienne.

La Sacem subventionne le Bureau Export de Paris mais pas directement le BE Espagne car il y a le

relais de la SGAE pour les droits d’auteur. Les concerts d’artistes français, en Europe, peuvent être

aidés par le Centre National des Variétés ( si la demande émane d’un tourneur français) et le Bureau

Export Espagne.

Tout est centralisé à Paris, tous les bureaux export font un rapport annuel après le Midem. Aucun des

bureaux basé à l’étranger n’a de lien direct avec l’AFAA (Cultures France).

Les moyens d’actions et les outils

Le Bureau Export est en contact avec les institutions espagnoles et les associations de professionnels,

notamment avec l’APECAT… ils s’échangent les contacts, enrichissent mutuellement leur base de

données.

Il élabore des informations sur les musiques actuelles produites en France sous forme de compilations,

de guides, de newsletters adressées aux professionnels (d’après la base de données du Bureau Export de

Paris, celle de WAM et des professionnels qui en font la demande sur le site Internet). Sébastien Priéto

démarche pour trouver de nouveaux contact professionnels notamment lors des salons comme le

Midem, le Womex (Séville / Berlin).

Le démarchage pour trouver des syncronisations aux productions françaises reste de la responsabilité

des éditeurs français qui doivent trouver leur propre relais en Espagne.

Le réseau culturel institutionnel peut être un relais d’informations pour contacter les producteurs

locaux. En fait, tout dépend de l’implication des directeurs des Instituts français et alliances françaises

pour la musique (car leur compétence couvre tous les domaines culturels) et de leur implantation dans

la ville. Le Bureau Export s’oriente en tout cas vers les alliances et les instituts français pour trouver des

promoteurs locaux.

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Le Bureau Export a un rôle statistique, mais connaître les ventes de disques est un vrai problème, en

Espagne, c’est un casse tête car il n’y a aucun organisme officiel ici.

d. Le spectacle vivant espagnol : entre privé et public

Beaucoup de communautés autonomes ont la gestion directe de festivals dont s’occupe le délégué

culturel de la région (Generalitat) ou de la ville (Ayuntamiento). Les fiestas mayores sont un

phénomène culturel important en Espagne et un débouché important pour les concerts : les liens avec

les mairies sont à développer. A Barcelone, le BAM pendant les fêtes de la Mercè a une programmation

exigeante.

Le Bureau Export ne pense pas que ces concerts gratuits des fiestas mayores fassent concurrence aux

promoteurs privés.

Le marché de la musique de Vic (Mercat de la musica de Vic, Catalogne) est un lieu de rencontres pour

les promoteurs catalans, centré sur le business privé du marché du disque, même s’il y a quelques

financements publics. Le salon Womex est incontournable, c’est d’ailleurs le seul vraiment

international qui ait jamais eu lieu en Espagne. Séville l’a accueilli en 2003.

e. Les partenariats

La FNAC est pour le BE un partenaire important, notamment sur l’opération commerciale « French

touch » (compilation d’artistes made in France) à l’automne 2005. Elle devrait se renouveler cette année

étendue sur un mois (à partir du 10 octobre) au lieu des trois semaines de l’an passé.

Pour la distribution, il faut faire attention au choix du distributeur mais en principe cela fonctionne bien

(pour plus de précisions, se référer à la partie précédente).

Le Bureau Export Espagne a réussi à donner conscience aux professionnels espagnols de la richesse

des productions françaises et que celles-ci pouvaient bien fonctionner au pays de Don Quichotte.

Sébastien Priéto reçoit de plus en plus de demandes d’organisateurs de concerts ou de distributeurs

d’artistes. Les groupes sont plus facilement prêts à venir ici depuis l’existence du BE.

Normalement le Syndicat National des Editeurs Phonographiques et Promusicae s’échangent des

informations, sans passer par l’intermédiaire du BE.

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f. Les politiques culturelles

La SGAE joue un rôle public alors que c’est une société privée. C’est un phénomène culturel et

historique tout comme celui des fiestas mayores.

En Catalogne, le secteur musical est plutôt bien structuré. Il y a l’APECAT (producteurs de disques,

l’ARC (producteurs de spectacles), l’ICEX (pour exportation de la culture catalane). Il n’en est pas de

même dans toutes les régions d’Espagne.

C’est au ministère de la culture espagnol de prendre ses responsabilités pour développer le secteur. Par

exemple, il n’y a pas d’équivalent au Bureau Export pour les musiques espagnoles.

UFPI (Union de fonograficas y productores indepedientes) est une association qui essaye de fédérer

tous les producteurs espagnols au niveau national. Mais pour l’instant, c’est la SGAE qui gère tout.

g. L’exportation du cinéma français reste prioritaire sur l’exportation de la musique

Malgré les efforts de Jean-François Michel, fondateur du Bureau Export, pour convaincre les pouvoirs

publics de mettre plus d’argent sur l’exportation musicale (lobbying), le cinéma reste un plus gros

marché que la musique. On ne peut pas comparer le cinéma et la musique. C’est d’ailleurs pourquoi il

n’y a pas d’attaché musique dans les ambassades mais seulement des attachés audiovisuels et culturels.

B) Le service de coopération culturelle de l’Ambassade de France à Madrid

J’ai pu obtenir ces informations grâce à un entretien téléphonique avec Laurent Coulon, attaché

audiovisuel de ce service.

a. Rôle, objectifs et organisation du département culturel de l’Ambassade

L’organisation de ce service est supervisé par le conseiller culturel et divisé en quatre secteurs, qui ont

chacun leur attaché :

- la coopération sur le Français

- le livre

- l’audiovisuel et la musique (seulement envisagée par le biais des disques)

- le culturel en général ( principalement la partie spectacles)

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La direction de l’audiovisuel travaille avec le DAE à Paris par l’intermédiaire du bureau des radios et

des industries culturelles. Il y a quelques années, ils ont travaillé sur le concept de la « french touch » en

musique électronique. Le soutien de l’ambassade dans le domaine des musiques actuelles s’est d’abord

fait sur l’électronique et s’est peu à peu élargie à tous les styles. Il y a eu un réel effort sur la chanson

française qui a rencontré l’intérêt du public.

L’ambassade est un levier de conviction pour démarcher auprès des grandes entreprises, comme la

FNAC par exemple. L’opération avec celle-ci à l’automne 2005 a très bien marché en collaboration

avec le BE.

Le traitement de la musique par l’ambassade est particulier car il relève de deux attachés : Serge

Fohr, attaché culturel (pour la partie spectacle) et Laurent Coulon, attaché audiovisuel (sur le disque).

Par contre, les concerts des groupes français ne peuvent pas être aidés si leurs disques ne sont pas

distribués sur le territoire.

Le Bureau Export en Espagne a ceci de particulier qui n’a pas son siège dans un centre culturel

français, mais qu’il s’est monté à Barcelone autour de Jordi Gratacos et de sa boite de production WAM

(World Around Music). Barcelone est avec Madrid un des centres musicaux d’Espagne. Son

implantation dans la capitale catalane a permis une complémentarité avec les actions de l’ambassade

menée sur Madrid.

b Les moyens d’actions centrés sur les industries culturelles

Le budget du service culturel

La répartition du budget culturel de l’ambassade, se fait en octobre, novembre selon le choix de des

attachés, du conseiller culturel et de l’ambassadeur.

Concernant l’aspect financier, l’attaché audiovisuel reçoit une enveloppe globale de 60 000€ à

répartir entre le cinéma et la musique. Cette année seulement 10 000€ ont été attribués aux actions

musicales car l’action sur le cinéma et la télévision est fortement majoritaire.

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Le Bureau Export en Espagne n’a que peu de budget par rapport aux autres Bureaux européens de

Londres et de Berlin. Serait-ce pour des raisons historiques ? En effet, le Bureau Export a été créé à

Barcelone avec Jordi Gratacos, en élargissant les missions du WAM.

Le Bureau Export Espagne manque cruellement de moyens, c’est miraculeux ce qu’il arrive à faire

avec si peu de budget.

De toutes façons, en France aussi, c’est une période difficile pour la culture, avec une baisse du

budget global, la contribution au BE Espagne, suit la tendance à la baisse.

Les moyens du service audiovisuel sont :

- les missions invitation (peu utilisées)

- les subventions

- les crédits

Le service culturel fait un travail d’influence.

L’attaché culturel, Serge Fohr, concentre ses actions sur le spectacle vivant et sur les festivals en

particulier. Il est l’opérateur privilégié de l’AFAA. Une bonne partie de son enveloppe budgétaire passe

en « missions invitations » de producteurs et distributeurs en France et vice-versa (voyages). Son

budget est un peu plus conséquent que celui de l’attaché audiovisuel mais n’est pas non plus énorme.

Il sollicite l’AFAA qui lui fait des recommandations d’artistes.

L’action de l’attaché audiovisuel est toujours centrée sur le disque, mais parfois elle s’élargit sur les

concerts de chanson française, notamment avec la venue d’Henri Salvador au festival de Salamanque

l’an passé.

La spécificité de l’action de l’attaché audiovisuel (de même que celle du BE) est d’être à mi-chemin

entre le culturel et le commercial car elle promeut les industries culturelles françaises sans restriction

de nationalités des artistes produits, donc on y trouve Cesaria Evora (Cap vert), Marcio Faraco

(Brésil)…etc. Il en est de même pour le cinéma, duquel elle soutient des films en co-productions.

Lors de la convention de l’UNESCO sur la diversité, la France a pris position pour défendre les

industries culturelles mais elle a agit fortement en faveur de la culture lors des négociations de l’OMC.

L’attaché audiovisuel promeut les activités culturelles mais reste aussi sur le commercial, c’est le jeu de

passe-passe politique français.

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Concernant la promotion, l’ambassade a participé activement à la scène française du Festival

Primavera sound 2005 à Barcelone. Il y a eu un public nombreux et intéressé. A l’exception d’Helena

Noguerra qui passait à la même heure qu’une grande star sur une autre scène. Il y a un vrai public pour

la chanson française : Dominique A et Carla Bruni sont connus de beaucoup d’Espagnols.

Pour les sorties de disques, l’ambassade met des extraits des albums sur son site Internet « Vive la

culture ».

Sur la musique et le cinéma, l’ambassade de France à Madrid a relayé l’initiative du Bureau Export de

Paris sur le thème des musiques françaises susceptibles d’être reprises pour des films : collection de 6

disques « French répertoire ». Laurent Coulon été chargé de trouver des relais auprès des productions

espagnoles de cinéma, des réalisateurs pour les convaincre d’utiliser ces musiques dans leurs films. Il y

a des extraits très connus comme des chansons d’Edith Piaf, Yves Montand…

A l’époque de la french touch, tout le réseau culturel français était sollicité, aujourd’hui l’ambassade

travaille moins dans ce sens. Les instituts français n’ont pas de salles pour faire de la programmation.

Ils travaillent avec des partenaires, mais n’ont pas une action déterminante. Le réseau culturel français

en Espagne est le plus important au monde en nombre d’établissements. Les instituts français et les

alliances françaises sont sensées être des relais pour aider à trouver des radios locales.

En Espagne, les échanges culturels avec la France sont très importants, ils existent sans qu’il y ait

besoin que l’ambassade intervienne. Par exemple, le rap français est très apprécié : le festival Urbana a

accueilli la scène marseillaise. Il y a trois ans, un espagnol avait proposé de faire un album sur le rap

français, une sorte de compilation de promotion. C’est parti d’une initiative individuelle et non de

l’ambassade.

Laurent Coulon admet que lors qu’il était en poste à Prague, le Ministère des Affaires Etrangères

avait une incitation plus forte sur les musiques actuelles. Par exemple, il y avait eu cette initiative de

ce double album sur l’électronique française et pragoise « Prague, versus Paris ».

Il n’y a pas une réelle réciprocité des échanges, le travail du BE, d’Ubifrance (ciné), TVF (télévision

française à l’étranger), RFI et Francophonies Diffusion vise à une promotion des productions, des

images françaises à l’étranger. Cependant, pour l’Espagne, il serait sans doute intéressant de creuser les

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liens transfrontaliers. En novembre 2004, s’est montée une association européenne de musiques de film,

cela ouvre peut être la voie à de nouvelles collaborations..

c. Les outils et les structures partenaires

TV5 a une représentante audiovisuelle en Espagne mais mène surtout une action sur le cinéma. Par

exemple, l’année passée, TV5 s’était associé au festival de San Sebastian pour une opération de

relations publiques pour donner plus de visibilité à la chaîne.

Pour l’instant, TV5 ne s’est pas encore associé à des festivals de musique mais cela pourrait être un bon

moyen d’accroître la visibilité de la chaîne dans une stratégie de gagner un public (être mieux diffusé

par les cablo-opérateurs) : le festival FIB de Benicassim pourrait être une bonne idée.

Pour l’opération FNAC, TV5 aurait pu s’associer également, le sera-t-elle en octobre 2006 ?

RFI a une fréquence à Barcelone (capte le signal français) mais pour le Ministère des Affaires

étrangères la diffusion RFI en Union européenne n’est pas une priorité, son action est centrée sur les

pays en développement. Il semblerait qu’il y ait des actions collaboration avec la radio publique

catalane, mais je n’ai pas pu le vérifier.

Francophonies Diffusion fait appel à l’ambassade pour trouver des radios partenaires, mais en

Espagne, c’est un monde très difficile à pénétrer. Francophonies Diffusion semble rencontrer de vraies

difficultés en Espagne, sans doute parce que la radio est très formatée. En Allemagne, il y a beaucoup

plus de radios associatives. C’est le rôle de l’ambassade de les aider à trouver des partenaires sur le

terrain.

RNE3 a un animateur spécifique qui anime une émission sur les musiques actuelles françaises.

Concernant les collaborations avec les institutions espagnoles, l’attaché audiovisuel a des liens avec

le ministère de la Culture espagnol mais surtout sur le cinéma, notamment avec l’ICAA qui est

l’équivalent espagnol du CNC, Serge Fohr collabore également avec eux sur l’organisation d’opérations

spéciales.

Sur les questions musicales, l’ambassade a été sollicitée pour donner son avis sur la réforme des droits

d’auteur. La collaboration avec le ministère est très étroite depuis 2004, avant le gouvernement de

Zapatero il ne se passait rien au niveau culturel.

Les actions au niveau régional sont plus à la marge et se font surtout sur le cinéma.

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Pour que la musique française soit diffusée dans de bonnes conditions, il semble indispensable d’avoir

une licence avec un distributeur espagnol et un tourneur local également.

Le marché de la distribution espagnol manque de professionnalisme et de réactivité.

La promotion :

Il est curieux de remarquer que les labels indépendants travaillent bien mieux que les grosses maisons

de disques au niveau de la promotion. Les majors ne s’investissent que sur les valeurs sûres, les succès

garantis.

Entre France et Espagne, il y a un tel volume d’échanges artistiques qu’on ne peut pas tout

promouvoir (à la différence des polonais par exemple). L’ambassade de France envoie les

communiqués de presse à ses contacts. La newsletter de « Vive la culture » est envoyée à tous les

abonnés et fait la promotion de l’actualité culturelle française. Le site est encore en chantier, il est en

cours d’enrichissement pour s’élargir auprès du public espagnol.

Pour améliorer le paysage radiophonique en Espagne ? Cela semble difficile avec l’emprise des

radios commerciales qui cherchent à rentabiliser leur entreprise à tout prix, il n’y a pas grand chose à

faire à part le contact direct avec un animateur… le réseau francophone reste encore à construire en

Espagne.

La diversité musicale en Espagne est vraiment en danger dans les radios, c’est un système de plus

en plus capitaliste, basée sur la politique commerciale des grandes maisons de disques. Il faut espérer

que certaines de ces majors s’investissent elles-mêmes pour la diversité car elles dominent le marché. Il

faudrait que les pouvoirs publics interviennent au niveau d’une loi pour la diversité.

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Conclusion générale

La diffusion des musiques actuelles françaises en Espagne se décline sous plusieurs aspects. Les

échanges entre ces deux pays voisins sont nombreux, même si parfois ils se font dans des conditions

plutôt amateur que professionnelles.

Le bureau export de Barcelone fait un travail remarquable avec le peu de moyens dont il dispose. En

quatre ans, il a acquis une réelle reconnaissance des acteurs de terrain qui font de plus en plus appel à

lui pour organiser leurs tournées musicales et trouver des partenariats. Cependant, il peut encore gagner

en visibilité mais pour cela, il est nécessaire que ses financeurs institutionnels et privés y consacrent

plus de moyens financiers et humains.

Du coté de la scène, les choses sont plutôt positives avec un nombre de concerts qui augmente chaque

année depuis 2003, malgré de mauvaise conditions d’accueil pour les musiques amplifiées qui trouvent

difficilement des salles adaptées en Espagne. En 2005, le Bureau Export de Barcelone en a recensé plus

de 250 et l’on peut supposer que d’autres spectacles ont eu lieu sans qu’ils aient été répertoriés.

Cependant, lorsque j’en parle à mes amis espagnols, ils ont du mal à me croire : en effet, s’ils y a

beaucoup de concerts, ils restent dans un cercle minoritaire et le grand public n’est jamais informé.

Malgré l’explosion des festivals qui s’avère être une bonne alternative à court terme face au manque de

salles permanentes spécialisées, les musiciens français ne sont pas connus par la très grande majorité

des espagnols.

Du point de vue discographique, les sorties de disques français en territoire espagnol suivent la

tendance générale à la baisse au niveau mondial. Mais cela ne doit pas être interprété comme un

mauvais signe, car l’industrie du disque est en plein bouleversement mondial, comme à chaque fois que

de nouveaux supports apparaissent. L’histoire de ce secteur montre que les maisons de disques

reprennent toujours le dessus après quelques années de flottement.

Pour exemple, le célèbre réseau Kazaa de téléchargement peer-to-peer vient d’être condamné à payer

100 millions de dollars de dommages et intérêts aux maisons de disques et va s’associer aux majors

pour diffuser leurs artistes légalement. Par ailleurs, les sites de téléchargement qui respectent les droits

d’auteur fleurissent et rencontrent chaque jour plus d’utilisateurs. La musique doit désormais compter

avec les nouvelles technologies. Pour l’instant, il n’y a pas de statistiques sur les téléchargements sous

les formats MP3 et WAP mais l’on peut supposer qu’Internet participe positivement à la diffusion de

musiques actuelles françaises de par le monde et cela sans même que le disque soit distribué dans le

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pays. C’est une nouvelle opportunité pour les artistes de se faire connaître au niveau mondial. Le

problème du piratage systématiquement pointé du doigt porte davantage préjudice aux majors qu’aux

musiciens, dont les revenus principaux proviennent de la scène.

Au niveau de la diffusion en radios le problème est plus grave mais il ne concerne pas spécifiquement

les musiques françaises mais bien tous les genres alternatifs. A part Radio Nacional 3, en Espagne,

toutes les radios fonctionnent sur un format purement commercial et la pratique illégale du payola - qui

consiste à payer les stations pour que les artistes soient diffusés sur les ondes FM - est bien la norme

dans la pratique. Il appartient aux pouvoirs publics espagnols d’établir une loi pour la diversité

culturelle dans les médias. Actuellement, le paysage est monopolisé par les majors qui mettent hors jeu

radiophonique tous les petits labels indépendants qui ne trouvent que quelques radios locales pour

diffuser leurs artistes.

En France, il y a une culture des radios associatives et publiques qui défendent une certaine idée de la

culture, mais la tendance générale est à l’uniformisation là aussi.

Il faudrait une prise de conscience collective au niveau européen pour réguler par une loi le paysage

radiophonique qui devrait transmettre la diversité musicale et culturelle de chaque pays. Cela pourrait

être une des missions clés de ce nouveau European Music Office, basé à Bruxelles et qui devrait bientôt

avoir un correspondant espagnol.

Malgré ce paysage médiatique peu encourageant, il faut être conscient qu’il y a un réel marché potentiel

pour les musiques françaises en Espagne et surtout en Catalogne. Le monde des concerts est en pleine

expansion, les festivals proposent des programmations de qualité qui bénéficient d’une bonne

médiatisation et les liens historiques et culturels font que les Catalans ont un a priori favorable pour les

productions françaises. Pendant longtemps en effet, la culture française a été une référence et elle le

reste pour beaucoup de gens. Il suffirait de rendre plus visible la venue des musiciens français en

Espagne pour que la population lui donne un accueil chaleureux.

La promotion doit devenir le principal axe de travail à l’avenir.

Les maisons de disque françaises doivent y mettre plus de moyens car le monde des médias espagnols

n’est pas facile à pénétrer mais leur relais est indispensable pour réellement développer un marché. Les

labels sont tenus de s’investir fortement au niveau promotionnel s’ils veulent trouver des débouchés à

leurs artistes, sinon leurs actions n’auront jamais qu’une petite portée.

Pour cela, ils ont tout intérêt à développer des partenariats avec des maisons discographiques locales qui

peuvent relayer leurs actions sur le terrain dont ils ont une meilleure connaissance en échange du même

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travail pour leurs artistes espagnols en France. Si l’on base la collaboration sur la réciprocité des

échanges, on peut faire beaucoup de choses !

Si la crise du disque n’est plus un secret pour personne, je ne crois pas à sa mort réelle. Mais les labels

doivent maintenant réfléchir à rendre le support CD plus attrayant. En effet, si l’on peut écouter la

musique sur les formats MP3 et Wap qui ne prennent pas de place dans nos petits appartements, il faut

que les amateurs aient encore un intérêt à garder des disques qui les encombrent. Je pense qu’un réel

travail sur le contenu et le graphisme de la pochette du disque est aujourd’hui fondamental pour que les

gens aient encore envie d’en acheter. Le dernier album Techari du groupe barcelonais Ojos de brujo est

en ce sens exemplaire. C’est un objet en soi, en plus de la musique. C’est d’ailleurs un des rares groupes

alternatifs qui a réussi à passer les frontières en étant numéro 1 sur la célèbre radio BBC.

L’opération commerciale des FNAC espagnoles French connexion à l’automne 2005 en partenariat

avec l’ambassade et le bureau export a été une réussite. Il est heureux qu’elle se renouvelle en octobre

2006 car elle donne une bonne visibilité aux artistes français sélectionnés. Etendue sur un mois, ses

répercussions auprès des amateurs pourraient encore être améliorées si TV5 décidait de s’y associer

ainsi que RFI, peut être alors que d’autres médias espagnols suivraient par la suite.

Pour ce qui est de la partie concerts, bien plus que dans le disque encore, il est nécessaire d’avoir un

partenariat avec un promoteur local. Les managers français doivent prendre conscience que l’Espagne

connaît actuellement une grande vitalité du spectacle vivant grâce à une profusion de festivals musicaux

qui ont une reconnaissance internationale pour beaucoup d’entre eux. C’est une occasion rêvée pour

faire découvrir leurs artistes dans une perspective de développement de carrière à l’international. Ces

évènements festivaliers sont en effet les meilleurs endroits de visibilité pour les musiciens. La scène

française du Primavera sound en 2005 a été une magnifique réussite, il est regrettable qu’elle n’ait pas

été renouvelée en 2006.

Dans le cas d’une tournée de concerts dans des salles permanentes, il faut absolument qu’elle se fasse

en parallèle à la sortie du disque sur le territoire si l’on veut couvrir les frais et qu’elle ait une réelle

répercussion. On ne peut pas faire une bonne promotion sans avoir un support tangible. Bien que le

téléchargement sur Internet devienne une option d’écoute choisie par beaucoup d’amateurs de musique,

encore faut-il qu’il se fasse légalement pour ne pas porter préjudice à l’ensemble des acteurs de la

filière.

Du coté des actions des institutionnels français, le bilan est en demi-teinte.

Pour l’AFAA, on a pu voir qu’elle n’avait pas su saisir l’intérêt de la mairie de Séville pour organiser

une festival autour d’artistes français qui auraient pu avoir une bonne répercussion. Elle s’est campée

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sur ses positions administratives, voulant décider seule des musiciens à promouvoir sans connaître le

terrain espagnol. A l’avenir, le nouvel organisme Cultures France devra laisser un pouvoir de décision

aux partenaires locaux espagnols. La réciprocité des échanges fait partie de ses missions, en effet, il me

semble nécessaire qu’elle le soit dans la réalité car l’on voit mal l’Espagne accueillir les productions

françaises sur son territoire si elle-même n’a pas de débouchés pour ses artistes dans l’Hexagone. Il faut

établir un vrai dialogue et monter des partenariats qui fonctionnent dans les deux sens. Il faut adapter

les priorités export des maisons de disques françaises à la demande et à l’intérêt des promoteurs locaux

espagnols, sinon aucune action partenariale de ne sera possible.

Pour l’instant, il n’y pas de programme sur l’Espagne. Cultures Frances s’investira-t-il plus à l’avenir ?

Au niveau du réseau culturel français des Instituts et Alliances, l’on constate que pour l’instant, peu de

directeurs s’investissent en Espagne en faveur des musiques actuelles. Ne peut-on pas envisager des

actions communes à l’avenir avec les divers partenaires institutionnels qui œuvrent au rayonnement de

la culture française à l’étranger ?

Du coté de Francophonies Diffusion, le chemin à parcourir est encore long. Les radios espagnoles sont

très difficiles à pénétrer et les changement très fréquents de personnel ne facilitent pas le travail sur la

durée. L’équipe vient encore de se renouveler en cette rentrée 2006, et le peu de partenaires espagnols

s’étonnent de ces perpétuels changements. Comment faire un travail de fond ? On constate qu’en

Allemagne, il y a beaucoup plus de radios partenaires, comment peut-on expliquer cela en dehors du

fait qu’il y a plus de radios alternatives là-bas ? Sans doute, Francophonies Diffusion a-t-elle un

correspondant sur le terrain. Serait-ce quelqu’un du Bureau export de Berlin qui compte quatre

personnes travaillant à temps plein ? ou un correspondant extérieur ? Il me semble nécessaire qu’en

Espagne, une personne soit en charge de trouver des radios partenaires car depuis la France avec une

équipe constamment renouvelée, il n’y a pas eu de résultats très positifs jusqu’à maintenant.

Enfin le Bureau Export de Barcelone nécessite des moyens supplémentaires tant humains que

financiers. Il aurait été intéressant d’avoir le point de vue du Bureau export de Paris sur cette question.

Pourquoi les Bureaux de Londres et de Berlin ont une équipe de quatre personnes et celui de Barcelone

n’est composé que de Sébastien Priéto ? Même s’il fait un travail efficace, il ne peut pas se démultiplier

à l’infini ! Un des argument avancé est que le marché du disque en Espagne n’est pas un débouché très

lucratif pour les labels français. Cependant, le spectacle vivant connaît une formidable expansion et l’on

sait bien que de tout temps c’est d’abord les concerts qui ont fait vivre les musiciens. Le marché

potentiel pour les tourneurs est bien réel alors pourquoi ne pas s’investir plus sur l’Espagne ?

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Ne peut-on pas envisager une personne supplémentaire ? Il y aurait encore une multitude d’actions à

mener. Notamment sur la promotion : la recherche de partenariats avec les radios, la presse, la

télévision, aider les labels français à rencontrer des maisons de disques espagnoles pour développer

leurs artistes mutuellement sur ces deux pays voisins qui ont une admiration culturelle réciproque. Il

serait bon également d’établir une revue de presse des concerts des artistes français en Espagne, à

l’heure actuelle rien n’existe… Avec le succès de Carla Bruni, facilité par la publicité qu’elle a fait

pour Nescafé, l’on voit que les syncronisations sont très intéressantes à développer. Le bureau export

pourrait être un relais pour les professionnels sur cet aspect, dont découleraient sans doute beaucoup de

ventes de disques.

En ce qui concerne l’European Music Office, c’est une entité qui est encore en cours de structuration et

qui a peu de moyens pour l’instant. Au niveau de l’Espagne, son antenne n’est pas encore mise en

place, mais devrait se faire en partenariat avec la SGAE. Quel sera son rôle exactement sur le terrain

espagnol ?

Ce bureau européen de la musique mène actuellement une activité de lobbying auprès de l’Union

Européenne pour obtenir des fonds en faveur de l’industrie musicale à la même échelle que ceux le

cinéma. Il souhaite promouvoir la diversité culturelle de la musique européenne tout en lui procurant

une meilleure compétitivité sur le marché international. Il souhaite rassembler tous les acteurs de

l’industrie musicale des pays membres afin de faire des propositions auprès des entités publiques

nationales et celles de l’Union Européenne. Il agit fortement pour que cette dernière accorde un soutien

au secteur musical dans son nouveau programme culturel.

En effet, il est urgent que des actions et des lois soient mises en place au niveau européen pour

préserver, voire rétablir la diversité culturelle dans les médias. Le concours télévisuel Eurovision

pourrait devenir intéressant !

Pour conclure, sur la diffusion et la promotion des musiques actuelles françaises en Espagne, il y a un

réel potentiel de marché à développer, mais le chemin à parcourir est encore long. Des actions restent à

mettre en place sur la promotion et la communication pour que les artistes français aient enfin une

bonne visibilité auprès de la population locale.

Il faut commencer par rénover l’image de la chanson française qui vit encore sur un acquis des années

50 et 60 mais qui ne correspond plus à l’actualité du paysage des musiques populaires en France. Elles

doivent être envisagées dans leur ensemble et leur extrême diversité, faite de métissages divers avec les

cultures arabes, africaines, caraïbiennes, tziganes et gitanes. Il faut également savoir saisir les

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correspondances musicales entre la Catalogne et le Sud de la France pour développer les échanges

transfrontaliers.

Les industries du disque sont encore dans une crise mondiale mais peu à peu, elles commencent à

s’adapter aux nouvelles technologies qui doivent être considérés comme une chance pour les artistes de

se faire connaître mondialement à condition que les lois régulent les téléchargements en respect des

droits d’auteurs. Il faut arrêter de stigmatiser le piratage qui a le mérite d’augmenter la popularité des

artistes. Découverts par le biais d’Internet, ils bénéficient d’un intérêt croissant et leurs concerts

rencontrent un public toujours plus nombreux.

Au niveau musical, l’Europe est encore en construction. Il faut veiller à ce que toutes les expressions

soient représentées dans leurs richesses et diversités. Le chantier est immense ! Pourquoi ne pas

commencer par l’Europe du Sud, une « Europe Latine » qui regrouperait la France, l’Espagne, l’Italie et

le Portugal… L’avenir des régions d’Europe est entre nos mains.

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• Rock de lux, noviembre 2005

Guides

• Fondanèche Daniel, Guide pratique pour rédiger un mémoire de DEA ou une thèse, ed.Vuibert

guides, 1999.

• Rouveyran Jean-Claude, le guide de la thèse, du projet à la soutenance, ed. maisonneuve & larose,

1999.

• Beaud Michel, L’art de la thèse, ed. La découverte, 1986.

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• Guide des métiers de la musique, ed. cité de la musique, département pédagogie et documentation

musicales, 2000.

Sociologie

• Arendt Anna, La crise de la culture, Ed. Folios essais, 2002.

• Heinich Nathalie, Ce que l’art fait à la sociologie, collection paradoxes, ed. de minuit, 1998.

• Steiner Philippe, La sociologie de Durkheim, collection repères, ed. la découverte, 2005.

• Besançon Julien, Festival de musique : analyse sociologique de la programmation et de

l’organisation, Ed. l’harmattan, 2000.

• Adorno Theodor W. introduction à la sociologie de la musique, ed. Contrechamps 1994.

• Authelain Gérard La chanson dans tous ses états, collection musique et société, ed. Van de Velde,

1987.

• Silbermann Alphonse Les principes de la sociologie de la musique, ed. Librairie Droz Genève Paris

1968

• Mattelart Armand, Diversité culturelle et mondialisation, collection repères, ed. la découverte,

2005.

• Brender Anton, La France face à la mondialisation, collection repères, ed. la découverte, 2004.

• Escal Françoise et Nicolas François, Le concert : enjeux, fonctions, modalités, collection logiques

sociales, ed. L’harmattan 2000.

• Warnier Jean-Pierre, La mondialisation de la culture, collection repères, ed. La découverte, 2005.

Dictionnaire

• Plougastel Yann (sous la direction de) Dictionnaire de la chanson mondiale depuis 1945, ed.

Larousse, 1996.

• Waresquiel Emmanuel (sous la direction de) Dictionnaire des politiques culturelles de la France

depuis 1959, Paris, Larousse-CNRS éditions, 2001.

Politiques culturelles

• D’Angelo Mario, Les politiques culturelles en Europe : la problématique locale, Editions du

Conseil de l’Europe, 2000.

Revues

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• Revue internationale de recherches et de synthèses en sciences sociales n°126 L’homme et la

société : musique et société, Ed. L’harmattan, 1997.

• Hebdo Les inrockuptibles n°496, juin 2005, Tous les festivals de l’été, Europe p.94.

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Centres de ressources et bibliothèques en France

• Bibliothèque de musique et de musicologie de la Sorbonne,

3 rue Michelet, 6ème Paris, 1er étage, 01 53 73 71 32

• Médiathèque musicale de Paris

Forum des halles, 8 porte St Eustache 01 55 80 75 30, du mardi au samedi de 12h à 19h.

• Centre de documentation de musique contemporaine CDMC de la cité de la musique

16 place de la fontaine aux lions 19ème, porte de Pantin

• Bibliothèque Gustave Malher (archives de Maurice Fleuret)

11 bis rue de Vezelay, 8ème, 01 53 89 09 10

• Centre de ressources de l’AFAA : [email protected] 01 53 69 83 00

1 bis avenue de Villars, 7ème, Métro St François Xavier

• Centre de documentation du ministère de la culture

182 rue Saint Honoré, 75 001 Paris, 01 40 15 73 32

• Irma/ centre d’information du jazz

20 rue Souleillet, 75 020 Paris, 01 43 15 11 11

• Centre national de la Chanson

24 rue Geoffroy l’Asnier, 75004 Paris, 01 42 72 28 99

• CNV

9 rue des batignolles, 75008 Paris, 01 56 69 11 30

• Bibliothèque Buffon (politiques culturelles)

15 bis rue Buffon, 75005 Paris, 01 55 43 25 25

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Sites internets Structures transversales travaillant sur l’international

www.emo.com European music office

www.french-music.org Bureau export

www.afaa.asso.fr

ambassade de France à Madrid

Institut français et lycée de BCN

Acteurs espagnols

www.promusicae.com ou www.alyve.com producteurs de disques espagnols

www.postonove.com

ICEX

SGAE

ICUB

Com radio

Green ufos Séville www.greenufos.com

Radiation

Festivals espagnols

www.primaverasound.com du 1er au 3 juin 2006

www.barcelona.es/bam

FIB www.fiberfib.com ou www.festival-benicassim.com du 20 au 24 juillet 2006

Structures françaises travaillant à l’international

www.sacem.fr

www.adami.org

www.onda-international.com Projet MIRA à Bordeaux le 31 mars se procurer les actes

www.lefcm.org

Spedidam Mail : [email protected] / Web : www.spedidam.fr

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CNV www.cnv.fr

Agence intergouvernementale de la Francophonie dir° Culture et Patrimoine, paris 15ème

Mail : [email protected] / Web : http://agence.francophonie.org

Structures françaises annexes

www.bibliotheques.paris.fr

www.prodiss.org

www.irma.asso.fr

www.reseau-printemps.com

www.culture.gouv.fr

www.ladocfrançaise.gouv.fr

www.la-fedurok.org

www.cite-musique.fr

www.professionnelsduspectacle.com

www.francefestivals.com

www.lefair.org

Divers

www.civiweb.com Emploi à l’étranger

http://blues.uab.es/seneca Fac UAB BCN

http://www..uab-idiomes.com UAB SIM

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