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Collection : SCIENCES ET TECHNIQUES AGRONOMIQUES Edition 2015 LA CULTURE DE LA BETTERAVE A SUCRE ET LA PRODUCTION DE SUCRE EN ALGERIE Recueil d'articles réalisé par Djamel BELAID Ingénieur Agronome

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Collection : SCIENCES ET TECHNIQUES AGRONOMIQUES

Edition 2015

LA CULTURE DE LA BETTERAVE A SUCRE ET LA PRODUCTIONDE SUCRE EN ALGERIE

Recueil d'articles réalisé par Djamel BELAIDIngénieur Agronome

SOMMAIRE

ChapitreLa filière betterave à sucre en Algérie 2

ChapitreConduite de culture 7

ChapitreCanne à sucre au maghreb 27

ChapitreLe sucre dans l'alimentation 29

ChapitreLa filière sucre au Maroc 39

ChapitreLa filière betterave à sucre 2

Khemis Miliana peine à s'investir dans l'industrie. Après avoir tourné le dos à sa vocation agricoleLa Tribune le 23 - 06 – 2008. Ziad Abdelhadi(…) Après des années de quasi-inactivité, la raffinerie de sucre reprendra, enfin, du service. Pour rappel, cette usinedont les travaux de réalisation ont commencé, en 1964, est entrée en production en 1966. Elle s'étale sur unesuperficie de 25 hectares, implantée sur le territoire de la commune de Sidi Lakhdar, à l'ouest de Khemis Miliana,produisait uniquement jusqu'en 1970 du sucre à partir de la betterave sucrière cultivée dans la région.

Cette usine est l'une des toutes premières construitesen Algérie juste après l'indépendance. Ce qui faitd'elle un témoin de la politique industrielle menée àl'époque. Elle produisait à ses débuts près de 300tonnes de sucre par jour en période d'activité. En effet,«l'usine tournait tout au plus pendant seulement quatremois par an, du fait qu'elle dépendait exclusivementde la récolte annuelle de betterave sucrière, mettantainsi les installations à l'arrêt pendant le reste del'année. Et, du coup, tout le personnel permanent,environ trois cents, était payé à ne rien faire. Quantaux saisonniers recrutés pour les besoins d'intensesactivités, après, leur présence n'était d'aucune utilité.C'est dire qu'une telle situation de gel de l'usinependant les trois quarts de l'année ne pouvait êtretoléré», nous a expliqué Haouki Mohamed, P-dgactuel de l'entreprise, rencontré sur place. Selon lui,d'autres facteurs sont venus encore mettre en difficultél'usine. «Les agriculteurs se détournant peu à peu aufil des ans de la culture de la betterave sucrière pourd'autres types de culture, cela rendit ainsi difficilel'approvisionnement de l'usine en betteraves. Pis : lesrendements sont devenus insignifiants et la betteraverécoltée qui pesait en moyenne trois à quatre kilos nedépassait guère 400 à 500 g. Avec un tel poids, laquantité que l'on en tirait devenait dérisoire, et, pareffet d'entraînement, la production de l'usine nepouvait que diminuer. Un manque à gagner qui a misl'entreprise devant d'énormes difficultés financières.Elle n'arrivait plus à honorer ses dettes dues auxbesoins de son fonctionnement et à son équilibrebudgétaire.» Toujours d'après notre interlocuteur, «parconséquent, il fallait trouver une solution au plus vitepour espérer voir, enfin, l'usine tourner à plein régimeou, tout au moins, la faire sortir de l'impasse danslaquelle elle se trouvait». C'est ainsi qu'«en 1984, ilfut décidé en haut lieu de greffer sur l'activité del'usine, le raffinage de sucre roux d'importation,histoire de faire tourner l'outil de production àlongueur d'année». Mais qu'à cela ne tienne,l'importation de sucre coûte énormément d'argent etl'usine n'était pas en mesure de s'approvisionner parses propres moyens financiers. Devant cette impasse,les dirigeants de l'époque, sollicités par la sociétéCevital, le groupe de la grande distribution Blanky etLTC, ont fini par signer des conventions avec ces

dernières pour leur fournir du sucre blanc raffiné àpartir du sucre roux livré par les sociétés citées ci-dessus. Une formule de processing qui a beaucoupplus servi les sociétés que l'entreprise de raffinage desucre de Sidi Lakhdar. «Au bout de quelques mois, ons'est vite aperçu au sein de l'entreprise que cetteformule de prestation était beaucoup plus profitableaux sociétés qu'à l'entreprise. Les maigres dividendesrécoltés à partir du processing ne suffisaient même pasà couvrir la masse salariale de l'entreprise. C'estpourquoi il a été décidé de mettre fin aux conventionspassées avec les partenaires. Depuis, la situation del'usine n'a pas cessé de se dégrader sur tous les plans»,a souligné le P-dg. Et de poursuivre : «L'établissements'est retrouvé livré à lui-même. La chaîne deproduction ne fonctionnait que de façon occasionnelleet de manière à assurer les salaires du personnels surplace et acheter les consommables.» En somme, untableau guère reluisant et les pouvoirs publics ont viteréalisé que la seule solution qui puisse sauver ce siteindustriel viendrait uniquement de sa privatisation.«Nous avons reçu la visite d'un groupe d'opérateursanglais. Après avoir visité toutes les installations et lesmoindres recoins du périmètre de l'entreprise, ils nousont signifié par correspondance que notre usinedevrait connaître de profondes transformations, car,pour eux, l'outil de production était totalementobsolète, ce qui induit sa totale modernisation. Celavoulait dire consentir un très lourd investissement.Quant à la question du personnel en place, il devraitlui aussi faire l'objet de formation spécifique si lesAnglais venaient à se rendre acquéreurs de l'unité.Telles étaient leurs perspectives dans le cas où ilsdevenaient acquéreurs . Depuis, il semblerait que cesderniers se seraient rétractés», a fait savoir le premierresponsable de la raffinerie de sucre de Sidi Lakhdar.«La bouée de sauvetage de l'entreprise a finalementrésidé dans la prise de décision par le conseil desparticipations de l'Etat [CPE] qui a cédé la raffinerie àla SARL Ouest import pour un montant de 900millions de DA», a précisé le P-dg. Une nouvelle trèsbien accueillie par l'ensemble des travailleurs qui,jusque-là, doutaient que leur entreprise puisse trouveracquéreur. Certains travailleurs rencontrés lors denotre passage dans l'usine, interpellés sur la question,ont déclaré tout de go : «Toutes nos inquiétudes se

sont dissipées après cette nouvelle.» Des exemples deprivatisations d'entreprises qui se sont avéréesbénéfiques à leur personnel se comptent par dizaines.Cela laisse confiants les travailleurs de la raffinerie desucre de Sidi Lakhdar qui diront dans ce sens : «Nous

sommes ainsi rassurés pour nos postes d'emploi etlibérés des inquiétudes qui planaient sur nous.» Ensomme, l'usine connaîtra un nouveau départ, ce quiétait fort attendu dans la région. (…)

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LA BETTERAVE SUCRIERE EN ALGERIE. DEFIS ET PERSPECTIVESM. S. Cherfaoui. Enseignant à la faculté agro-bio de l’université de Tizi Ouzou11/04/2011 EL WATAN

La betterave sucrière (Beta vulgaris) est une plante de la famille des chénopodiacées. Elle est originaire du bassinméditerranéen. Elle est cultivée pour sa racine riche en saccharose, dont la teneur varie de 16 à 20%.

Elle a été testée pour la première fois en Algérie en 1887 dans la plaine de la Mitidja. Les colons ne se sont pasintéressés à son développement parce qu’en France elle a connu un essor dès 1811 sous le règne de Napoléon quiordonna sa culture sur 32 000 ha avec une aide financière de l’Etat. A cette époque déjà, en 1828, en France ilexistait 89 sucreries qui produisaient 4000 tonnes de sucre. Actuellement, en 2011, ce sont 42 sucreries quiproduisent environ 4,9 millions de tonnes de sucre par an. Dans le monde, la betterave sucrière est cultivée sur 7millions d’hectares. La production mondiale de sucre en 2010 (de canne et de betterave) est de 158 millions detonnes. Elle a diminué pour la deuxième année consécutiveet n’arrive pas à satisfaire les besoins estimés à 167millions de tonnes. En 1966, la première sucrerie-raffinerie algérienne a démarré à Khemis Miliana,suivie de celle de Guelma. Le but n’était pas desupprimer les importations, mais de produire unecertaine quantité au niveau national afin de réduire ladépendance du marché international et de moderniserl’agriculture au niveau des périmètres irrigués ; labetterave sucrière est une culture industriellefortement mécanisée et à forte marge brute. Lasucrerie d’El Khemis a été conçue pour un traitementde 1 500 tonnes de betterave par jour, soit 150 000tonnes pour une campagne de 100 jours, ce quicorrespond, avec des rendements évalués à l’époque à30 t/ha, à une superficie de 5 000ha.

Produits de la betterave sucrière Les besoins en sucre au niveau mondial étantassurés à 38% par la betterave sucrière, le reste par lacanne à sucre, la proportion de la betterave ne cessed’augmenter. Diverses raisons expliquent cettesituation : la betterave est beaucoup moins exigeanteen eau et plus riche en sucre que la canne. Dans unetonne de betterave on peut extraire 130 à 140 kg desucre, 50 kg de mélasse et 500 kg de pulpes humides. La betterave sucrière est une plante bisannuelle,mais récoltée la première année pour la production desucre au bout de 200 jours environ après le semis, ellen’a pas d’exigences particulières. Au niveau de laparcelle, la biomasse aérienne (feuilles et collets)représentent 40% de la récolte. Pour un rendement de60 t/ha, on peut avoir 24 t de vert avec 12% de

matière sèche, soit 2,8 t/ha de fourrages riches pourl’alimentation des animaux, avec 0,8 UF, c’estl’équivalent de 23 quintaux d’orge !

Les autres sous-produits développent toute uneindustrie de distillation (100 litres d’éthanol par tonnede racines) et de levure de panification (10 kg delevure sèche par tonne de mélasse). Les pulpes sontconsommées soit fraîches, soit ensilées, soitdéshydratées. C’est par toutes ces utilisations que labetterave sucrière entraîne dans son sillage ledéveloppement de l’élevage notamment bovin. Si lesbesoins estimés à 700 000 tonnes de sucre par an enAlgérie sont importés en totalité, nous subissons àchaque fois les coups de la spéculation et del’instabilité des marchés internationaux.

Le choix se pose entre le raffinage, l’importation duproduit fini ou la culture de la betterave en Algérie.Dans le souci d’éviter les crises récurrentes de ceproduit stratégique, il est impératif dès maintenant deprocéder à la mise à niveau des sucreries existantes etrelancer dans un cadre organisé les coopérativesspécialisées en cultures industrielles afin d’exploiteren commun les moyens matériels (semoirs deprécision, bineuses, arracheuse, etc.).

Notre contribution pour la réhabilitation de cetteculture fait suite aux dernières décisions concernant lesucre ; nous pensons que ces mesures conjoncturellesne règlent point le problème, d’ailleurs une décisionofficielle a été prise. Cette situation n’ira pas au-delàdu mois de septembre 2011. Nous pensons que cetteculture doit de nouveau être progressivement intégrée

dans les systèmes de production afin d’assurer leminimum de sécurité alimentaire surtout que c’est uneculture facile et que les compétences existent. Pourencourager les futurs betteraviers à investir dans cetteculture, il est nécessaire de les aider durant lespremières années en subventionnant certains intrantspropres à la culture (semence, fertilisation et produisphytosanitaires).

La teneur en sucre des différentes variétés debetteraves varie de 16 à 20 %, selon les rendements.La quantité de sucre obtenue est en moyenne de 10tonnes par hectare. Les travaux de l’ex-IDCI (institut

de développement des cultures industrielles) ontmontré les potentialités de cette culture en Algérie. Enexpérimentation avec 600 mm d’eau on obtenait 80t/ha ; la moyenne au Maroc est de 70 à 80 t/ha. Avec40 000 ha entre les plaines du haut Chéliff, de Annabaet les nouveaux périmètres irrigués on peut doncassurer, avec un rendement moyen de 50 t/ha, uneproduction nationale de 400 000 tonnes de sucreannuellement soit 57% de nos besoins et ceci avectous les avantages cités plus haut. La réussite de cetobjectif exigera du temps et dépendra de l’installationde nouvelles sucreries et de l’équipement en matérielspécifique des futurs betteraviers.

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Pénurie de sucre : le ministre du Commerce démentSonia Baker 22. septembre 2015 .

Le ministre du Commerce, Bakhti Belaib, dément catégoriquement l’existence d’une pénurie du sucre au sud dupays. C’est à partir de Médéa que Bakhti Belaib a réagi à cette rumeur qui a fait le tour du pays et qui a mêmesuscité des réactions de certains transformateurs. «Il n’y a pas de pénurie du sucre, mais il s’agit plutôt d’unerumeur amplifiée et destinée à provoquer des tensions sur le marché», a déclaré le ministre en marge d’une visite detravail dans cette wilaya.

Il assure que des enquêtes ont été effectuées par lesservices administratifs du ministère du Commerce, àtravers plusieurs wilayas du pays, suite à cette rumeur.Et les résultats attestent qu’«il n’y a aucune pénurie dece produit». Au contraire. Ces enquêtes font état del’abondance du sucre sur le marché et de sadisponibilité auprès des grossistes et commerçants dedétail. Belaib ira encore plus loin en affirmant que lesstocks actuels en «sucre roux», matière première dontest tiré le sucre destiné à l’usage quotidien, sontsuffisants pour couvrir les besoins du pays durantdeux ans.

Autrement dit, l’Algérien ne manquera pas desucre. Le ministre du Commerce relève l’existence denouveaux projets dans ce domaine qui vont augmenterconsidérablement l’offre. La matérialisation«prochaine» de nouveaux projets d’investissementdans ce segment d’activité va garantir une abondancedurable du sucre sur le marché national. «Desinvestissements qui, une fois fonctionnels, permettrontde mettre à l’abri le circuit de distribution etd’approvisionnement du sucre de toute “perturbation”ou “dysfonctionnement” susceptible de profiter à lasphère spéculative», a-t-il souligné. Le ministre faitréférence au mégaprojet d’une usine de sucrecristallisé en cours de réalisation dans la wilaya deBoumerdès. Un projet lancé par le groupe privéMazouz. Il y a aussi un autre projet d’usine deraffinage de sucre qui verra le jour bientôt. Il s’agitd’une unité en cours de réalisation par le groupe La

Belle en partenariat avec le français Cristal Union. Ilest à souligner que l’Algérie exporte, à travers legroupe Cevital, du sucre, notamment vers la Tunisie.Une perturbation due à l'insuffisance des livraisonsLa perturbation de l'approvisionnement du marché ensucre, relevée ces dernières semaines dans certaineswilayas, était due notamment «aux quantitésinsuffisantes de sucre livrées par les opérateurséconomiques», indique mardi le ministère duCommerce. «La perturbation qu'a connue le marchénational de sucre dans certaines wilayas est dueessentiellement aux quantités insuffisantes de sucrelivrées par les opérateurs économiques activant dansla filière, notamment celui conditionné en sachet de 1kg de marque "Skor"», précise un communiqué duministère. Cette insuffisance s'explique par une baissede la production «et ce, pour des raisons techniques(manque d'eau) induisant une rupture dansl'approvisionnement des réseaux de distribution durantla dernière semaine du mois d'août 2015 et qui s'estrépercutée sur la situation du marché de ce produit»,ajoute la même source. Selon le ministère, il s'agitd'une situation accentuée par une forte demandeexprimée par les ménages à l'occasion, d'une part, del'approche de l’Aïd El-Adha et, d'autre part, desrumeurs faisant état de l'augmentation des prix desproduits de large consommation. Néanmoins, note lecommuniqué, «la situation a commencé à s'améliorerprogressivement à partir du début du mois deseptembre grâce à la production enregistrée qui est de4 000 tonnes/jour ce qui a permis de mettre sur lemarché des quantités importantes par les

producteurs». Le ministère a tenu à souligner, enoutre, que le marché du sucre est régulièrementapprovisionné indiquant que les quantités importéesde sucre roux durant les huit premiers mois de l'annéeen cours s'élèvent à 1 071 732 tonnes contre 1 104 318

tonnes pour la même période de 2014. «Ces quantitéscouvrent largement les besoins de la consommationnationale», relève le communiqué, ajoutant que lesquantités de sucre blanc importées entre janvier etaoût derniers étaient de 204 803 tonnes.

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ChapitreConduite de culture 7

LA BETTERAVE A SUCRE MONOGERME - Le développement des cultures sucrières au Maroc : cas de labetterave à sucre dans le périmètre irrigué des Doukkaka -

LA BETTERAVE A SUCRE MONOGERME Décembre 2000 PNTTA

• Principales contraintes au développement de la betterave monogerme.• Exigences et choix des techniques d’implantation.• Stratégie pour le développement de la betterave monogerme.

Introduction La culture de la betterave à sucre occupe annuellement une superficie d'environ 65.000 hectares et permet deproduire près de 3 millions de tonnes de racines. Avec la canne à sucre, elle permet la production de près de500.000 tonnes de sucre, au niveau de 13 sucreries et sucreries raffineries, soit près de 54% des besoins nationauxen consommation de sucre. Depuis son introduction au Maroc en 1962-63, cette culture a enregistré une augmentation très significative de saproductivité. Cependant, les niveaux des rendements à l'hectare ainsi que la qualité de la matière produite restent endeçà des potentiels atteints dans la plupart des périmètres betteraviers. Aussi, presque la quasi totalité des terres betteravièressont cultivées en semences multigermes. Les premiersessais d’introduction de la monogerme au Maroc onteu lieu vers les années 1974-1975. Au cours de cesannées, la monogerme fut introduite en tant quevariété et non comme une nouvelle technologie;situation qui a abouti inévitablement à l’échec et quiexplique que son utilisation reste très limitée malgréles avantages qu'elle offre en matière d'améliorationde la productivité et d'économie de main d'œuvre.

Il est bien admis que quel que soit le potentiel deproduction d’une variété si celle-ci n’est pasaccompagnée de techniques culturales appropriéespour extérioriser sa grandeur génétique, sesperformances ne seront jamais atteintes. Ainsi, la miseau point d’un itinéraire technique permettantune bonne préparation du sol, un semis précis et unemeilleure protection de la culture s’avère un préalableà toute relance de développement de la betteravemonogerme.

Principales contraintes au développement de labetterave monogerme

Les techniques actuelles de préparation du sol et desemis pratiquées dans les différents périmètresirrigués du Maroc ne répondent pas aux exigences dessemences monogermes. En effet, le travail du sol estprincipalement réalisé à la charrue à disques avec unnombre variable de reprises au "covercrop". Ce typede matériel ainsi que les conditions de son emploidans des sols souvent secs, aboutissent à des lits desemences grossiers caractérisés par une structure trèshétérogène et composée de grosses mottes et de terre

fine. Cet état d'affinement du sol entraîne unemauvaise qualité du semis, des levées échelonnées sesoldant par des peuplements irréguliers et des pertes àla récolte. L'hétérogénéité de la levée réduit l'efficacitédes traitements herbicides. De même, le travail du solà l'état sec nécessite une puissance élevée de tractionet use prématurément l'ensemble tracteur-machine.

En ce qui concerne le semis, celui-ci est réalisé soitmanuellement sur des billons à des interlignes de 50 à60 cm et à des espacements entre graines variant entre16 et 20 cm, soit mécaniquement par des semoirs deprécision équipés d'éléments semeurs non adapté auxsemences monogermes. Dans le cas des périmètresirrigués en gravitaire, la contrainte principale audéveloppement du semis mécanique est l'inexistencesur le marché national de semoirs de précisioncapables de semer sur des billons préalablementconfectionnés.

En matière de protection de la culture, il est àsouligner que dans la majeure partie des périmètresirrigués, l'utilisation des désherbants chimiques et despesticides est limitée aux grandes exploitations. Lacause de cet état étant liée au coût élevé à l'achat deces produits et à la non-disponibilité de matériel detraitement.

Aussi, la distribution de l’eau selon le système de"tour d'eau", associé parfois à la non-disponibilité deseaux d'irrigation, constituent une contrainte essentielleau développement de la betterave monogerme. Eneffet, cette culture requiert lors de son installation desirrigations rapprochées dans le temps, en vue d'assurerla germination et une levée homogène. Ces irrigations

rapprochées ne peuvent être assurées par l'irrigation àpartir du réseau, qui prévoit des irrigations au moins à7 jours d'intervalle.

Enfin, les terres agricoles du Maroc sont caractériséespar la micro-exploitation et le morcellement desparcelles. L'investissement en matière de machinesagricoles requises pour la préparation du sol, dusemis, etc., est rendu difficile par cette situation.

Exigences et choix des techniques d'implantation de labetterave monogerme

Il n'existe pas de règle absolue pour le choix detechniques d'implantation de la betterave monogerme.En effet, ce dernier sera dicté par les possibilitésexistantes et les conditions climatiques. Lestechniques actuelles évoluent pour conciliersimplification, gain de temps et qualité de la structure.En règle générale, tout choix d'outils doit respecter lesexigences spécifiques de la culture telles que citées ci-après et tenir compte des caractéristiques du sol et desconditions climatiques de la région. Dans tous les cas,il y a lieu de veiller à répondre aux éléments suivants:

• La maîtrise du labour, de la préparation du litde semences et du semis;

• La maîtrise de la fertilisation;• La disponibilité en eaux d'irrigation,

particulièrement pour la pré-irrigation desparcelles et juste après le semis;

• Les traitements herbicides et pesticides et ladisponibilité du matériel d'application de cesproduits;

• La date et les procédés de récolte.

Préparation du sol

Les travaux de préparation du sol ont pour objectifsfondamentaux, d'une part de réussir une germinationet une émergence rapide et régulière des graines, etd'autre part de permettre un enracinement profond. Ilsdoivent donc aboutir à une bonne structuresuperficielle tout en conservant la structure profonderéalisée par le labour. Ces travaux doivent êtreraisonnés dès la récolte du précèdent tout enrecherchant des façons culturales soignées et un lit desemences bien nivelé. Ceci exige un choix judicieuxdes outils de préparation du sol et que chaqueintervention soit réalisée dans des conditions de soloptimales.

Date de labour

La date de labour pour l'implantation d'une culturetelle que la betterave doit être raisonnée dès la récoltedu précèdent. En effet, elle a une influence directe surla qualité du labour, particulièrement la facilité

d'exécution des travaux de préparation superficielle dusol qui font suite au labour et une certaine influencesur le rendement des récoltes ultérieures.

Ainsi, elle doit être positionnée de façon qu'elleparticipe pleinement à la réalisation de la structuredu sol attendue à l'automne. Dans le cas despérimètres betteraviers du Maroc, les laboursprécoces, juste après la récolte, sont à conseiller dansla mesure ou les sols sont encore humides et faciles àtravailler. La reprise de ces labours en automne estd'autant plus aisée que le sol aura été sujet à une forteactivité structurale liée aux effets climatiques(fragmentation des mottes).

Intérêt de la pré-irrigation

Lorsqu'il n'est pas possible de procéder à un labourprécoce, la pré-irrigation offre un intérêt majeur dansla préparation du sol et représente une pratique qu'ilfaut encourager, notamment dans les sols secs. Eneffet, celle-ci permettra les avantages suivants:

• Faire germer les semences d'adventices;• Faciliter la reprise des terres avec notamment

une économie d'énergie et une usure moindredes outils;

• Obtenir un meilleur émiettement.

Le labour

La racine pivotante de la betterave exige unestructure homogène. En conditions normales (pas desemelle de labour, terre non dégradée), le labourprofond se fait sur une grande profondeur d'environ 25à 35 cm afin de faciliter la croissance sansdéformation des racines. En effet, plus que d'autresplantes, la betterave est très sensible à la qualité de lastructure des horizons profonds du sol. Les tassementsont pour conséquence une moindre prospectionracinaire et une difficulté de croissance de la plantesituée à l'aplomb de la zone compactée.

Le pivotement de la betterave est par ailleurssensible aux hétérogénéités de structure, donc auxalternances de zones fragmentées et de zones plusmassives qui entraînent l'apparition de racinesfourchues. Dans la mesure du possible, il convientd'éviter:

• Les labours irréguliers ou grossiers qui sontensuite difficiles à niveler (sol trop sec);

• Les bandes de terres compactées ou lisséesqui peuvent parfois se révéler difficiles àameublir ultérieurement (sol très humide etrisque de tassement excessif);

• Les bandes de terre insuffisammentretournées, qui favorisent la levée rapide des

mauvaises herbes.• Les labours très profonds qui remontent en

surface la terre du sous-sol, dépourvued'humus.

Préparation du lit de semences

Plusieurs recherches s'accordent sur le fait que lastructure du lit de semence d'une culture betteravièredoit offrir un profil cultural tel qu'illustré par laFigure1. Le lit de semence devra permettre unplacement optimal de la graine par le semoir; àsavoir:

• # Une graine placée à 2 - 3 cm sous la surfacedu sol, 4 cm étant la limite. Cette couche desol devra en effet être traversée par la tigelledont les capacités de croissance à l'obscuritésont limitées physiologiquement. La graine nedoit pas également être placée tropsuperficiellement pour ne pas risquer unedessiccation en cas de sécheresse.

• # Lors de la préparation, l'épaisseur de lacouche travaillée ne doit pas être tropimportante. Ceci afin de permettre auxéléments de plombage du semoir de réaliser letassement favorable à la remontée d'eau parcapillarité. Le travail du semoir est d'autantplus facilité que la profondeur du lit degermination est régulière.

• # La partie inférieure du lit de semence devraprésenter une bonne continuité avec l'horizonsous-jacent, ce qui assurera une alimentationcorrecte en eau et surtout ce qui évitera desaccidents de pivotement et des fourchages.

Pour aboutir au lit de semence tel qu'illustré par laFigure 1, il est nécessaire d'envisager l'introduction denouvelles techniques (outils de préparation du lit desemences) pouvant mieux répondre aux exigences dela culture de la betterave dans les différents périmètresbetteraviers du Maroc.

En cas d'un labour précoce, lorsque ce dernier a peuévolué sous l'action du climat, la préparationsuperficielle doit être énergique et concerneragénéralement une profondeur de 10 cm. Des outilsanimés par la prise de force sont suggérés dans ce caspour améliorer l'état d'affinement du sol, notammentla herse rotative (Figure 2). Plusieurs critèresfavorisent l'emploi d'un tel outil, entre autre:

• L’efficacité dans la destruction des mottesdurcies provenant de labours d'automneréalisés dans de mauvaises conditionsd'humidité (état sec). L'émiettement recherchéest en général obtenu.

• L’ameublissement sur une profondeur plusgrande, ce qui pour la betterave, favorise un

bon développement du pivot et par voie deconséquence contribue directement àl'élaboration de son rendement.

• La possibilité de la combinaison de cet outilavec un rouleau ou une herse de même largeurpermet une économie d'énergie et atténue letassement par les roues du tracteur. Notonsque pour les sols battants et sensibles, lesherses rotatives ne sont pas à préconiser. Dansde tels types de sols, il y a lieu d'assurer unrappuyage du sol tout en préservant en surfacedes petites mottes. Cet état de surface peutêtre obtenu par le passage d'une combinaisond'outils associant par exemple sur le mêmebâti des dents droites ou dents vibrantes et unrouleau cultipacker ou une herse à cages(Figure 3).

Afin d'obtenir une bonne régularité de la levée, le litde semence doit être bien nivelé. Le tassement du litde semences est assuré par un ou deux passages d'unrouleau avant de réaliser le semis (Figure 4). Cet outilaura pour fonction de tasser le lit de semences dans sapartie superficielle, limitera les hétérogénéités deprofondeur du lit de semences et assurera une bonnecirculation de l'eau non saturante des couchesinférieures plus humides. En cas de pluie, il estprimordial d'attendre le ressuyage du sol. Le risqued'accidents de structure (compactage, semelles depréparation) est d'autant plus grand que l'humidité dusol en surface ou en profondeur est importante.

Le semis

En règle générale, le semoir choisi doit permettre deréaliser la préparation définitive du sol, en produisantde la terre fine et en réaménageant la structuresuperficielle autour de la graine. Il doit offrir unsystème fiable de contrôle de la profondeur. Parexemple, pour suivre les irrégularités du sol,lemontage de l'élément semeur sur "parallélogramme"est un procédé permettant d'assurer sa stabilité etsonindépendance. Le tassement localisé de la semencepourrait être assuré par une roue plombeuse fixée justederrière l'organe ouvreur. Notons, cependant que pourchaque type de sol, il faut rechercher la combinaisond'organes la plus appropriée.

Le semis à plat

Les semoirs actuels sont équipés d'une très largegamme de systèmes d'enterrage. Les constructeurs dece type de matériel proposent diverses combinaisonsd'éléments composés de chasse-mottes, rouleaux,roues, herses, griffes, socs en étrave, et socs piocheurs(Figure 5). En général, pour le cas de la betteravemonogerme, un semoir doit essentiellement répondre

à deux objectifs:

# Assurer une levée rapide et homogène, rôle desorganes de mise en terre, de plombage et derecouvrement;

Figure 3: Combinaison d'outils portés ou semi-portésà l'arrière du tracteur

A. Surface constituée de terre fine et de petites mottes(de 2 à 3 cm de diamètre environ) afin de réduire lasensibilité à la battance et favoriser la ré partition desherbicides de pré-émergence.B. Couche intermédiaire (lit de semences) composéede terre fine et de petits agrégats.C. Base du lit de germination fragmentée et retasséeà profondeur constante propice à l'implantationracinaire ainsi qu'au terrage régulier du semoir et auxremontées d'eau par capillarité.D. Zone tassée jusqu'à la base du lit de germinationrésultant de l'action des organes de plombage équipantles éléments de semoir et favorisant les remontéesd'eau par capillarité.E. Couche à structure fragmentée constituée demottes de dimensions moyennes présentant leminimum de discontinuit é et d'accident (semelle,bouchon de débris végétaux, compaction).F. Sol non travaillé régulièrement (sauf sous-solageéventuel).

Figure 1: Schéma du lit de semence recherché pour laculture de la betterave monogerme (ITB)

En effet, le rendement racine augmente avecl'addition du potassium, vu le rôle bénéfique de cedernier dans la translocation des hydrates de carbonede la partie a érienne vers le pivot, et par la suite dansl'édification de la partie souterraine. C'est pour cetteraison qu'à la récolte, la grande partie du potassiumabsorbée se trouve au niveau du pivot (2/3). Lesexportations de la betterave peuvent atteindre 800 Kgde K2O/ha.

En effet, les travaux de recherche conduits dans lespérimètres betteraviers marocains ont montré que:

• Les quantités de potassium exportées par labetterave sont corrélées aux niveaux durendement en racine.

• Les exportations moyenne en Kg K2O partonne de racine oscillent autour de la valeur6,5.

Cependant, des variations inter-régionales et intra-régionales ont été observées. Cette variabilité peuts'expliquer par les effets liés au sol (notamment sarichesse en potassium), à la plante et aux conditions

climatiques. La fertilisation potassique a fait l'objet deplusieurs recherches visant, entre autres, ladétermination de la dose optimale de potassiumpermettant de maximiser les rendements en racine eten sucreàl'hectare. Ces recherches ont montré quedans la plupart des périmètres betteraviers, sauf celuides Doukkala où les réserves des sols en potassiumsont faibles, les quantités de potassium à apporter dépendent étroitement de la richesse du sol en cetélément. En effet, de nombreux auteurs (Tableau 3)ont rapporté que sur les sols des Doukkala, à richesseen potassium faible à moyenne, l'apport croissant dupotassium engendre des augmentations du rendementen racine comprises entre 9 et 30% du témoin (sansapport de K+). La dose optimale de potassium se situeà 300 kg K2O/ha. Par contre, dans les autrespérimètres, l'effet des apports croissants sur lerendement demeure négligeable, parfois nul; ce quiindique que les sols de ces régions sont bien pourvusen potassium. En effet, Les teneurs moyennes enpotassium dans ces sols sont de 420, 540 et 740 mg/kgde sol respectivement au Tadla, Gharb et la basseMoulouya. Selon les normes d'interprétationétrangères établies dans des conditions proches àcelles du Maroc, et considérant 150 mg/kg commeseuil critique, il s'est avéré que 98% des sols du Tadlasont riches en potassium. D'après l'abaque d'AÏTHOUSSA (1989), la réponse aux apports potassiquesn'est pas appréciable au delà des teneurs en K O du solsupérieures à 212 mg/kg.

La fertilisation phosphatée

Chez la betterave à sucre, la fumure phosphatée joueun rôle bénéfique sur la croissance racinaire et surl'absorption de l'azote et le potassium. Contrairementà l'azote, le phosphore même à des doses élevées,influence positivement la teneur en sucre et la puretédu jus en abaissant le taux de l'azote alpha-aminé dansla râpure. De plus, une bonne alimentation enphosphore permet une meilleure résistance à lasécheresse en favorisant l'implantation du systèmeracinaire. Le phosphore agit également sur lescaractéristiques morphologiques du système racinaire,à savoir l'élongation et l'augmentation du diamètremoyen des racines.

Les résultats des quelques travaux de rechercheconduits au Maroc, dans le but de déterminer la dosede phosphore permettant l'obtention du meilleurrendement en racine et en sucre, sont rapportés dans letableau 4.

Ces résultats montrent que la dose optimale dephosphore n'est pas la même pour tous les périmètresbetteraviers. Ceci est lié à la différence de richesse dusol en cet élément. La dose recommandée est en

moyenne de 83 U/ha, 100 U/ha, 120 U/ha et 160 U/harespectivement au Doukkala, au Gharb, au Tadla et àla basse Moulouya.

Fertilisation boratée

Plusieurs oligo-éléments sont nécessaires pour ledéveloppement de la betterave à sucre. Cependant, lebore demeure l'élément le plus important pour cetteculture. En effet, une carence en cet oligo-élémentprovoque l'apparition de la maladie dite "pourriture ducœur noir" de la betterave. Il en résulte par la suite unmauvais développement du bourgeon terminal puis sadestruction, ce qui engendre une réduction de laproductivité, aussi bien quantitative que qualitative dela culture. Un apport préventif de 2 à 3 kg de bore parhectare ou une application foliaire à mi-saison peutéviter l'apparition d'une telle carence.

L'irrigation

Les besoins en eau d'une culture sont définis commeétant la quantité d'eau nécessaire pour satisfairel'évapo-transpiration maximale (ETM) d’une culturesaine, dans des conditions d'alimentation en eau nonlimitantes. Ces besoins sont soit mesurés directementen station expérimentale, soit calculés en multipliantl'évapotranspiration potentielle par le coefficientcultural (Kc).

Les études menées dans différents périmètresbetteraviers montrent que pour un semis d'automne, laculture de betterave consomme 8 à 10 mm d'eau partonne de racines récoltées. Autrement dit, unebetterave évaporant 600 mm produira 60 Tonnes deracines, tandis que pour un cycle long, pendant lequella même culture consomme 800 mm conduira à uneproduction de 80 tonnes.Cependant, la consommation maximale en eau d'unebetterave ayant un cycle de 250 jours, s'étalant de finOctobre à fin Juin s'élève à 880 mm en annéeclimatique favorable.

En général, l'évapotranspiration se caractérise par defortes fluctuations inter-annuelles qui sont liées à des variations climatiques importantes. Ainsi,l'évapo-transpiration diminue généralement depuisSeptembre jusqu'à Janvier et Février, après quoi elleaugmente et atteint un maximum vers les mois de Juinet Juillet. L'irrigation totale d'une culture de betterave est trèsvariable. En effet, plus on sème tardivement, plus lecycle végétatif s'étale dans les périodes sèches et plusles besoins en eau d'irrigation augmentent. Ce sontalors les semis tardifs qui sont les plus expos és au

déficit hydrique. La dose d'irrigation totale dépendégalement de la date de récolte et de la répartition despluies dans l'année. Comme ordre de grandeur, onpeut dire que la culture de betterave consomme 70mm pour produireune tonne de sucre pour un semis de mi-Octobrecontre 90 mm pour un semis de mi-écembre.

La stratégie à adopter pour la conduite de l'irrigationde la betterave à sucre consiste à cibler les irrigationsde complément aux précipitations sur les phases lesplus sensibles de la culture:

• Etablissement et pré-tubérisation : L'apportd'eau pendant cette phase vise non seulementà satisfaire la consommation en eau de laplantule, mais aussi à réhumecter le sol pourassurer une bonne levée. Une irrigationcomplémentaire aux pluies, appliquée justeaprès le semis, assure un bon démarrage de laculture et par conséquent un bondéveloppement du peuplement.

• Début de la tubérisation : Pour les semisprécoces, cette phase coïncide avec la périodepluvieuse (de Janvier à Mars) et il est doncrare d'avoir recours à l'irrigation, excepté pourles semis de Décembre qui nécessitent uneirrigation en Mars.

• Pleine tubérisation : Pendant cette phase,une bonne alimentation hydrique est à assurerétant donné que les racines sont en phase degrossissement intense. A titre d'exemple, dansles Doukkala, le nombre d'arrosages pendantcette période peut varier de 3 à 5 selon laprécocité du semis.

• Maturation : L'allongement de la périodeculturale sous irrigation entraîne certes uneaugmentation du rendement en poids desracines de la betterave à sucre. Cependant, iln'en est pas de même pour la teneur en sucre.En ce sens, l'expérience marque l'intérêt desuspendre les arrosages 15 à 20 jours avant larécolte de manière à favoriser la migration dessucres de la partie aérienne des betteraves versla partie racinaire. Néanmoins, il estdéconseillé de suspendre les arrosages plus de45jours avant la récolte. En effet, si l'irrigations'arrête trop tôt, non seulement le rendementen sucre diminue, mais aussi, la qualité desracines se détériore par l'augmentation de lateneur en éléments mélassigènes.

Le désherbage

La présence de mauvaises herbes ou plantesadventices dans une parcelle de betterave peut être

nuisible à plusieurs titres. En effet, la compétitionpour l'eau, les éléments minéraux et la lumière affectedirectement la croissance et le développement de laculture ainsi que son rendement ultérieur. De ce fait,depuis l'introduction de la betterave à sucre au Maroc,la lutte contre les mauvaises herbes a toujours étérecommandée pour réussir cette culture. Toutefois, lesdésherbages manuels et les techniques culturales ontsouvent constitué les méthodes de lutte les plusgénéralement utilisées par les agriculteurs. En effet, àl'exception de certaines grandes exploitations, ledésherbage chimique n'a été introduit que timidementdans la conduite de la betterave sucrière à l'échellenationale.

La réussite de l’installation de la culture debetterave de type monogerme exige un programme decontrôle des mauvaises herbes à base de produitschimiques efficaces. Au Maroc, on disposeactuellement de plusieurs matières actives oumélanges de matières actives performantes pour faireface aux diverses situations envisagées ou présentes(Tableau 5).

Les traitements phytosanitaires

La culture de la betterave à sucre estcontinuellement menacée par des ravageurs et sujetteà des maladies depuis le semis jusqu'à la récolte, etqui peuvent affecter une ou plusieurs composantes deson rendement. En effet, ils peuvent entraver sacroissance, réduire les réserves qu'elle accumule danssa racine et contribuent parfois à ouvrir la voieàd'autres organismes qui s'installent sur des tissus déjàatteints, aggravant ainsi les dégâts. Les symptômes etdégâts des principaux ravageurs et maladies de labetterave à sucre au Maroc ainsi que les moyens delutte sont donnés dans le tableau 6.

La récolteLa date de récolte de la betterave n'est pas définie parun stade de maturité physiologique, mais cette

Tableau 3: Réponse de la betterave aux apports d'engraispotassiques et aux conditions des sols (Agbani et Hachimi, 2000)Tableau 4: Doses de phosphore recommandées pour la betterave àsucre.

culture est plutôt récoltée quand sa production ensucre est optimale. La maturité de la betterave, qui setraduit par le jaunissement des feuilles, est difficile àapprécier avec précision. Aussi, la date de récolte dela betterave est bien plus déterminée par les exigencesde travail, la possibilité de livraison à la sucrerie ou lalibération du sol, que par la maturité physiologique.Les travaux de recherches menés dans différentspérimètres betteraviers marocains montrent que laphase de maturation de la betterave doit être la plus

ensoleillée que possible et suffisamment longue, sanstoutefois être exagérée. D'une manière générale, lateneur en sucre dans la racine suit une courbe encloche: elle est trop faible en avril-début mai,acceptable en fin mai, bonne en juin, élevée en juillet,tandis qu'elle décroît en août. Par conséquent, le faitde retarder la récolte s'avère néfaste pour le rendementet surtout pour la qualité technologique de labetterave. En effet, les betteraves récoltées en aoûtsont moins riches en sucre que celles arrachées enjuillet, à cause des hautes températures estivales quifont chuter leur teneur en sucre. Le poids des racinesaugmente considérablement jusqu'à la premièrequinzaine de juillet, se traduisant par un gain derendement racine par jour de 0.4 T/ha.Par la suite, la diminution devient forte, surtout enaoût. Il en est de même pour la pureté du jus qui estsatisfaisante à partir du mois d'avril jusqu'à la première quinzainede juillet. D'une manière générale, si la récolte n'estpas faite àce moment là, la racine continue de respirer sansphotosynthétiser et perd ainsi de son poids et de sarichesse en sucre, et ceci est d'autant plus accentuéque la température est élevée. Aussi, une foisrécoltées, les racines de la betterave sucrière peuventsubir sous l'action du climat, généralement chaud à lapériode de la récolte, des transformations plus oumoins préjudiciables à leur aptitude technologique et àla production en sucre. Ainsi lorsque la durée destockage des betteraves en plein champ augmente, ellese traduit par une chute de poids des racines et unedétérioration assez remarquable de la qualitétechnologique. La date de récolte de la betteraven'est pas définie par un stade de maturitéphysiologique.

• les prix de facturation appliqués résultentd’une péréquation avec la multigerme ycompris les semences lesrésultats des premiers essais ont été trèsencourageants.

• une sensibilisation réussie auprès desagriculteurs quant aux avantages de ce type desemence.

Dans une perspective de re-dynamisation de lavulgarisation de la culture de la betterave monogermeen vue de sa généralisation et pour lui assurer undéveloppement continu et durable, la recherche surl’optimisation des techniques de production de ce typede culture doit être poursuivie ainsi que les efforts demécanisation qui seront entrepris doivent tenir compteet des aspects techniques et des aspectsorganisationnels. Aussi, des mesuresd’accompagnement doivent être décidé es pourencourager cette opération.

. Les aspects techniques doivent concerner toutes lesinterventions qui visent l’obtention d’un peuplementoptimum, une meilleure protection phytosanitaire, unbon entretien de la culture et une bonne récolte quipréserve aussi bien la quantité que la qualité de lamatière première.

Si le gros matériel peut convenir facilement auxgrands domaines, des solutions adaptées aux petitesexploitations qui sont majoritaires peuvent êtrerecherchées. Toute solution technique proposé e doittenir compte des conditions pédoclimatiques de régionet du type d’irrigation pratiqué. La prédominance despetites parcelles betteravières constituent unecontrainte majeure à l’introduction du gros matériel.Pour contourner cette limite il y a lieu de promouvoirla création de petites et moyennes entreprises (jeunespromoteurs) qui prendraient en charge tous les travauxque nécessitent la conduite de la betteravemonogerme. Les associations régionales deproducteurs de betterave peuvent aussi se doter dematériel et outils adapté s aux exigences de labetterave monogerme. La maîtrise des aspects techniques etorganisationnels n’est pas suffisante pour garantir, àl’avenir, un développement total de la monogerme.D’autres mesures de support et d’accompagnementdoivent être prises. On peut citer:

• le renforcement des structures de recherche etde vulgarisation et la mise en place d’unprogramme national de recherche sur labetterave monogerme en général et samécanisation en particulier.

• le renforcement de l’encadrement et laformation. Cette action sera réaliséeà traversl’organisation d’un programme de formationsur la conduite de la betterave monogerme,

destiné à deux groupes cibles: agriculteurs etfils d’agriculteurs, inspecteurs et agentsd’encadrement, des journées de sensibilisationet des voyages d’études pour les agriculteursréticents ou non encore acquis à la culture dela betterave monogerme. La formation nedevra pas se limiter qu’aux techniques deproduction, mais aussi au réglage du matériel,à son utilisation et son entretien.

• l’établissement de conventions de partenariatentre les différents intervenants dans la filièresucrière y compris les petites et moyennesentreprises de travaux agricoles. En plus desbanques, les sucreries peuvent mettre à ladisposition des jeunes promoteurs lefinancement nécessaire pour l’acquisition dumatériel approprié et les ORMVA leurassurent les moyens logistiques.

• les sucreries, en tant que bénéficiaires detoutes lesactions, doivent contribuer dans lapromotion de la mécanisation et, par la même,au développement de la betteravemonogerme. Aussi, il est possible d’envisagerl’instauration d’une prime pour lesbetteraviers qui ont opté pour la culture de lamonogerme.

• l’organisation professionnelle du matériel doitveiller au bon choix des outils nouveaux etadaptés aux conditions marocaines, participeraux essais de démonstration et assurer lespièces de rechange nécessaires.

SourceN ̊75/Décembre 2000Programme National de Transfert de Technologie en Agriculture(PNTTA), DERD, B.P: 6598, Rabat, http://agriculture.ovh.orgBulletin réalisé à l'Institut Agronomique et Vétérinaire Hassan II,B.P:6446, Rabat, Tél-Fax: (037) 77-8063, DL: 61/99, ISSN: 1114-0852 Fiche Technique La betterave à sucre monogermeBULLETIN MENSUEL D’INFORMATION ET DE LIAISONDU PNTTA TRANSFERT DE TECHNOLOGIE ENAGRICULTURE

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Effet du cycle de la culture sur le rendement qualitatif et quantitatif de la betterave sucrière dans la régiondu Gharb (Maroc)Abdelhamid Mzibra, Allal Douira & Mostafa Zehauf Reçu le 2 mai 2006, accepté le 3 mai 2007

Résumé : L'étude de la durée du cycle de la betterave sucrière et de sa période culturale dans l'année a été menéedans la région du Gharb au Maroc pour trois types de variété de betterave sucrière (Recoltapoly, type Z ; Sultan,type N et Desprez poly E, type E) au cours de la campagne agricole 2003-2004. Quatre dates de semis (septembre,octobre, novembre et décembre) ont été combinées avec quatre dates de récolte (mai, juin, juillet et août) dans undispositif split plot. Les semis de septembre et octobre ont donné les meilleurs résultats. Quant aux dates de récolte,les meilleurs rendements (racines par hectare, richesse en saccharine) ont été réalisés pendant les mois de juin et dejuillet. Les durées de cycle optimales avec les semis d'octobre et de novembre sont de 270 et 244 joursrespectivement. L'étude de la durée du cycle devrait tenir compte des types de variété. Le prolongement de la duréedu cycle est favorable surtout pour les types N et E. Ceux de type Z sont performants quand la durée du cycle estcourte.

Mots-clés : Maroc, Betterave sucrière, variété, date de semis, date de récolte, teneur en glucide, rendement desculturesAbstract : Effect of length-growing season of theculture on the quantitative and qualitative yield ofsugar beet in the region of Gharb (Morocco). Thestudy of the length-growing season of sugar beet andits placement in the year has been led in the region ofGharb (Morocco) in relation to three types of sugarbeet varieties, Recoltapoly (type Z), Sultan (type N)and Desprez E poly (type E) during the year 2003-2004. Four sowing dates (September, October,November and December) have been combined withfour harvesting dates (May, June, July and August) ina split plot design. Sowing dates in September andOctober gave the best results. As for harvesting dates,the best output (root yield, sugar content) has beenachieved in June and July. The optimum growingseason of 270 and 244 days is obtained with sugarbeets sowed during the months of October andNovember respectively. The study of the length-growing season should take account of the types ofvariety. The extension of the length-growing season isespecially favourable for the N and E types. Those ofZ type are effective when the length-growing seasonis short.Keywords : Morocco, Sugar beet, varieties, sowingdate, harvesting date, carbohydrate content, crop yieldTable des matières1. Introduction2. Matériel et méthodes2.1. Conduite de la culture2.2. Matériel végétal2.3. Protocole expérimental2.4. Préparation du sol2.5. Mesures des paramètres recherchés3. Résultats et discussion3.1. Périodes de semis3.2. Périodes de récolte3.3. Types de variété4. Conclusion1. Introduction

Le développement de la culture de la betteravesucrière dans la région du Gharb au Maroc esttributaire de contraintes majeures. Parmi celles-ci, lamise en place de la culture qui coïncide, pour lessemis tardifs, avec la période des fortes précipitationscausant des stagnations d'eau dans les parcelles debetterave sucrière, voire même des inondations quipeuvent être à l'origine des pertes de plantules. Ceciexplique en grande partie les faibles rendementsobtenus (41 t.ha-1) qui restent en deçà du potentiel dela région (plus de 80 t.ha-1) (Belfkih et al., 1994 ;Bousraref, 1995). Par ailleurs, le semis très précoce(septembre) coïncide avec une période sèche et nepeut être réussi que par la bonne préparation du lit desemences, moyennant des irrigations (humidité du sol

proche du point de flétrissement) et un contrôle desparasites du sol, ce qui engendre des fraissupplémentaires pénalisant les revenus desbetteraviers.

Etant donné la capacité limitée des sucreries, letraitement de la betterave sucrière au niveau desusines ne peut se faire que dans une courte durée (laréception dans les usines débute à partir de lapremière décade de mai et prend fin durant latroisième décade de juillet) ; ainsi s'impose l'utilitéd'étaler les semis et par conséquent l'arrachage. Dansce sens, trois paramètres sont à prendre enconsidération lors de l'installation de la culture de labetterave sucrière, à savoir la date de semis, la date derécolte et la durée du cycle. L'effet du cycle sur lecomportement de la betterave sucrière a fait l'objet demultiples investigations de la part d'auteurs dont onpeut citer Hull et al. (1970) et Jaggar et al. (1983).Généralement, la durée optimale se situe entre 220 et250 jours pour les semis précoces d'octobre et entre170 et 220 jours pour les semis tardifs de findécembre – début janvier, quel que soit le type devariété (Boujarmoune, 1976 ; Belhadfa, 1978 ; Rahim,1979 ; Zhari, 1981 ; Zizi, 1991 ; El Iaziji, 1992 ;Bousraref, 1995). Dans le périmètre de Tadla, la duréedu cycle de la betterave sucrière est de 260 jours pourle semis de septembre et de 180 jours pour le semis defévrier (Schmidt et al., 1975). En ce qui concerne laqualité technologique de la betterave sucrière, la fortechaleur en fin de cycle, avec des températuressupérieures à 30 °C (à partir de la deuxième décade dejuillet), favorise la respiration et entraîne uneréduction de la matière sèche et de la teneur en sucre(Papy, 1973). Ainsi, l'agriculteur doit connaître lesépoques optimales de semis et de récolte afin d'obtenirde hauts rendements en racines et en sucre.

Les objectifs du présent travail sont de déterminer lameilleure date de semis et la meilleure date de récolteafin d'établir un planning idéal des arrachages enfonction des types de variété.

2. Matériel et méthodes2.1. Conduite de la culture

L'essai a été conduit pendant la campagne agricole2003-2004, sur un sol limono-argileux. Le climat de lazone d'étude est généralement semi-aride à hivertempéré, de type méditerranéen avec une forteinfluence océanique. La hauteur annuelle desprécipitations est de 684,30 mm et seuls les mois denovembre à janvier furent humides au cours de lacampagne d'étude. La proximité de l'océan entraîneune diminution de l'amplitude thermique. Le

rayonnement solaire est très important dans la région,même en hiver. Le nombre d'heures d'insolationaccuse une décroissance sensible d'octobre àdécembre. Il croît ensuite constamment de janvier àjuin avec un rythme tel qu'il opère un changement netde février à mai à cause des grandes perturbationsatmosphériques qui s'accentuent particulièrementdurant cette période.

2.2. Matériel végétalTrois types de variété de betterave sucrière ont faitl'objet de cette étude : Recoltapoly, type Z ; Sultan,type N et Desprez poly E, type E. Le premier type (Z)a la particularité d'avoir un cycle court, un rendementen racines faible par rapport aux autres types devariété, mais il est plus riche en sucre. Le deuxièmetype (N) présente une richesse en sucre moyenne, sonrendement en racines est moyen et il a un cyclemoyen. Le dernier type (E) présente un cycle long,une richesse en sucre faible et un rendement enracines élevé.

2.3. Protocole expérimentalLes traitements ont été testés dans un dispositif ensplit plot avec le type de variété en grande parcelle etle cycle en petite parcelle. Cent nonante-deuxparcelles élémentaires ont été réalisées avec 4 dates desemis, 3 variétés de semences et 4 répétitions. Lesdimensions d'une parcelle élémentaire sont de l'ordrede 8 m de long et de 4 m de large (Tableau 1).

2.4. Préparation du solLa préparation du sol a consisté en un labour profondde 30 cm à l'aide d'une charrue à disques dès la récoltedu précédent cultural (le blé), suivi de deux passagescroisés du stuble plow (pulvérisateur dissymétriquelourd). Le semis a été précédé par un apport d'engraisde fond 14-28-14 à raison de 4,5 qx.ha-1 ; la dosed'azote recommandée dans la région du Gharb estcomprise entre 120 et 180 kg (Zehauf et al., 1995),deux passages croisés de cover crop (pulvérisateurdissymétrique léger). Soixante-trois unités d'azote,126 unités de P2O5, 63 unités de K2O et 3 quintauxd'ammonitrate (33,3 %) par hectare ont été apportéscomme engrais de couverture (99,9 unités d'azote),soit au total 162,9 unités d'azote, 63 unités de K2O et126 unités de P2O5.

L'espacement visé entre graines sur la ligne au semisest de 10 cm, ce qui correspond à une quantité de 12kg.ha-1. Cette quantité élevée est utilisée pour pallierau problème des pertes au stade plantule.

Un herbicide de pré-émergence à base de métamitronea été utilisé à raison de 2 kg.ha-1, après chaque datede semis. Des désherbages manuels ont été effectuésun mois après la date de semis.

2.5. Mesures des paramètres recherchésRendement en racines. Afin d'éliminer l'effet debordure au niveau des parcelles élémentaires, les deuxlignes extrêmes ont été écartées, en laissant 0,50 m dechaque coté de la ligne. L'ensemble des racinesrestantes pour la superficie de 18 m2 (3 x 6) a étérécolté et pesé.

Richesse en saccharine. Un échantillon des racinesrécoltées est prélevé, lavé et râpé, suivant lesprocédures décrites par le comité technique denormalisation des sucres (SNIMA, 2005) à l'aide d'unsaccharimètre électronique à coin quartz. Lapolarisation est exprimée en pourcentage de sucre brutcontenu dans la râpure.

Eléments mélassigènes. Les éléments mélassigènessont des éléments qui réduisent l'extraction du sucre, ils'agit de Na, K et N α-aminé. Les concentrations deces éléments dans le jus de sucre donnent une idée surle sucre mélasse, c'est-à-dire sur la quantité de sucrequi ne peut pas être extraite par le processus classiquedes sucreries. Les concentrations sont exprimées enMmol pour 100 g de jus de sucre. Les dosages sontdéterminés à l'aide d'un spectrophotomètre pour N α-aminé et d'un photomètre à flamme pour Na et K.

3. Résultats et discussion3.1. Périodes de semis

Pour les semis d'automne, l'avancement des périodesde semis améliore significativement les rendements enracines (Tableau 2). Les meilleurs résultats sontobtenus pour les semis de septembre avec 55,06 t.ha-1de racines. Tout retard dans le semis ne peut avoir quedes effets négatifs sur les rendements suite auxconditions climatiques défavorables que connaît larégion du Gharb pendant cette période (pluiesabondantes en début de cycle et fortes chaleursestivales en fin de cycle). Les semis trop tardifs dedécembre risquent d'échouer (cas de cette campagne)en raison des fortes précipitations causant desinondations.

Il y a lieu de signaler qu'il est cependant très difficileaux agriculteurs de réaliser les semis au mois deseptembre à cause des attaques parasitaires fréquentesen cette période et d'autre part, l'irrigation estobligatoire car l'humidité du sol est proche du point deflétrissement en cette période. En outre, toutepréparation du lit de semences n'est possible que pardes irrigations entraînant des frais supplémentaires.

Les semis d'octobre et novembre peuvent êtreconduits sans apport d'irrigation, vu que lesprécipitations en cette période sont importantes, et

avec un contrôle minimum des parasites. Pour larichesse en saccharine, les meilleurs résultats sontobtenus avec des semis en septembre et en octobreavec 15,06 et 15,23 % respectivement (Tableau 2). Il ya lieu de signaler que la richesse en saccharine dechaque mois de semis représente la moyenne desrichesses en saccharine des mois de récolte, mai, juin,juillet et août.

Quant aux éléments mélassigènes, aucune différencesignificative n'a été enregistrée entre les différentesdates de semis testées. Les valeurs moyennes desteneurs en K, Na et N α-aminé dans le jus sont del'ordre de 4,98 ; 2,94 et 2,63 Mmol par 100 g de jusrespectivement.

3.2. Périodes de récolte

Les rendements les plus élevés en racines sont obtenuspour les dates de récoltes de juin et de juillet avec47,76 et 58,50 t.ha-1, respectivement (Tableau 3). Lesrécoltes précoces du mois de mai sont caractériséespar des faibles rendements en racines (38,80 t.ha-1)qui sont dus au fait que la culture n'a passuffisamment accompli son cycle pour extérioriser sonpotentiel. Les récoltes d'août, de l'ordre de 42,30 t.ha-1, ont des répercutions négatives sur l'accumulation dusucre, suite aux fortes chaleurs estivales et au stresshydrique (proche du point de flétrissement) qui ontlieu durant cette période et qui ne peuvent quecontribuer à la dégradation du sucre.

Au niveau de la richesse en saccharine, les valeursobtenues montrent une diminution significative au furet à mesure qu'on avance dans le temps. Les meilleurstaux sont obtenus pour les récoltes de mai et de juinavec 17,53 et 16,57 %, respectivement. La moyenneenregistrée est de 15,01 %. La richesse la plus basse(9,70 %) est enregistrée en août.

Quant aux éléments mélassigènes, les teneurs les plusélevées en potassium sont obtenues lors de la récoltede mai avec 5,77 Mmol par 100 g de jus contreseulement 3,88 pour les récoltes d'août. Ceci peut êtreattribué au stress hydrique qu'a connu la culture et quia limité son absorption par la plante. Pour le Na, ilsemble qu'il y a antagonisme dans l'absorption de cetélément avec le K. En effet, quand la teneur de l'un deces éléments augmente dans le jus de la betteravesucrière, la teneur de l'autre diminueautomatiquement. Ainsi, les teneurs les plus élevéesenregistrées sont de l'ordre de 3,41 Mmol par 100 g dejus en août contre 2,64 Mmol par 100 g de jus en mai.Pour l'azote α-aminé, aucune différence significativen'a été observée entre les quatre dates de récolte, lamoyenne enregistrée est de 2,63 Mmol par 100 g dejus de betterave sucrière.

3.3. Types de variété

Les rendements moyens en racines obtenus par lestrois types de variété ne sont pas stastiquementdifférents, les moyennes enregistrées sont de l'ordre de46,70 t.ha-1 (Tableau 4).

Les meilleures richesses en saccharine (15,40 %) ontété obtenues au niveau de la variété de type N(Sultan). Les plus faibles richesses (14,60 %) sontobservées chez les variétés de type Z (Recoltapoly). Ily a lieu de signaler que les richesses en saccharineobtenues par type de variété sont faibles car ellesreprésentent la moyenne des richesses en saccharine,quelles que soient les dates de semis et les dates derécolte et les faibles richesses en saccharine de larécolte du mois d'août (9,70 %) ont abaissé lamoyenne.

Aucune différence significative n'a été relevée entreles trois types de variété concernant les élémentsmélassigènes ; les teneurs moyennes en potassium,sodium et azote α-aminé sont de 4,98, 2,95 et 2,78Mmol par 100 g de jus, respectivement.

Date de semis. L'examen des résultats par type devariété, compte tenu des dates de semis (Tableau 5),montre que les semis de septembre, octobre etnovembre enregistrent une diminution progressive derendement en racines, 55,06 ; 47,26 et 37,23 t.ha-1,respectivement. Aucun effet des types de variété surles rendements n'a été relevé, que ce soit au sein dechaque date de semis ou entre les différentes dates.Pour la richesse en saccharine, la variété de type N(Sultan) a donné les meilleurs rendements pour lesemis d'octobre (16,00 %). Le semis de septembresemble convenir pour les variétés de type E (15,50 %); la variété de type Z a montré une supériorité pour ladate de semis de septembre (14,70 %). Pour ce qui estde la date de semis de novembre, il apparaît que lavariété de type N a donné une richesse relativementélevée (15,00 %) par rapport aux autres types, 14,50% pour le type Z et 14,10 % pour le type E.

Date de récolte. Lorsque la récolte est réalisée entremai et juillet, les résultats enregistrés (Tableau 6)montrent qu'une augmentation de rendement enracines, quel que soit le type de variété testé, a étéobservée. En effet, la moyenne passe de 38,80 t.ha-1enregistrées en mai à 58,50 t.ha-1 pour le mois dejuillet, le rendement pour le mois de juin est de 47,77t.ha-1.

Pour la richesse en saccharine, les trois types devariété étudiés marquent une baisse progressive desteneurs en sucre brut en passant des mois de mai à

août. Ainsi, un rendement moyen de 17,53 % a étéenregistré pour la date de récolte de mai et 9,70 %pour la date de récolte d'août. Cette chutespectaculaire enregistrée lors de la date de récolte enaoût peut être expliquée par les fortes chaleursestivales associées à l'effet du stress hydrique, cesconditions entraînant généralement une dégradationdes sucres accumulés au niveau des racines.

Durée du cycle. Le rendement en racines augmenteavec l'allongement de la durée du cycle entre les moisde mai et juillet, le rendement en racines obtenu esttrès faible pendant le mois d'août par rapport auxautres récoltes, quelle que soit la durée du cycle. Cecipeut être expliqué par les conditions climatiques(fortes chaleurs et stress hydrique) défavorables à lacroissance de la plante. Les durées du cycle optimales,pour les semis de septembre, octobre et novembre,sont respectivement de 293, 269 et 242 jours. Cecimontre que tout retard dans le semis affectenégativement le rendement en racines, ce qui estconforme avec les résultats obtenus par certainsauteurs (Schmidt et al., 1975 ; Boujarmoune, 1976 ;Belhadfa, 1978 ; Zizi, 1991 ; El Iaziji, 1992).

Pour la richesse en saccharine, les meilleurs résultatssont obtenus avec les récoltes de mai, quelle que soitla durée du cycle. Passé ce mois, les valeursdiminuent légèrement jusqu'au mois de juillet. Enaoût, la richesse en saccharine est très faible, avec untaux de réduction qui peut atteindre 50 % par rapportaux autres mois.

Les meilleures durées du cycle pour les semis deseptembre, octobre et novembre sont de 251, 227 et200 jours, respectivement. Tout retard dans le semis semanifeste par une réduction de la durée du cycle dedéveloppement de la culture.

Le prolongement de la durée du cycle améliore lerendement en racines des variétés de types E et N etpeut aller jusqu'à 293 jours. Le type Z, par contre,arrive à son maximum avec une durée du cycle moinslongue (242 jours).

Au niveau de la richesse en saccharine, les seuilsmaxima ont été atteints pour une durée du cycle de227 jours, quel que soit le type testé. Les variétés detype Z et N ont atteint un seuil satisfaisant assez tôtdans le cycle de la culture, avec une durée de 200jours seulement. Les variétés de type N et Emaintiennent un niveau de richesse assez satisfaisant,même pour la durée du cycle le plus long. Pour lesvariétés de type Z, les richesses obtenues diminuentprogressivement avec la longueur du cycle, ceciconfirme bien le comportement de la variétéRecoltapoly qui est une variété de type Z.

Pour la date de récolte du mois d'août, on note larichesse la plus faible, avec les durées du cycle de277, 304 et 328 jours.

4. ConclusionLes rendements en racines s'améliorent avec laprécocité des semis (55,06 t.ha-1 de racines pour lesemis de septembre), mais ils présentent le risqued'attaques des parasites. Les semis tardifs (décembre)ne sont pas intéressants du fait de la concurrence desmauvaises herbes qui coïncide avec la périodepluvieuse. Il est préférable de recommander auxagriculteurs de réaliser les semis entre octobre et lami-novembre. Cette période semble être la plusadaptée dans la région du Gharb.

Les dates de récolte des mois de juin et juillet ontdonné les rendements en racines les plus élevés (47,76et 58,50 t.ha-1 respectivement). Les récoltes les plusprécoces (mai) ou les plus tardives (août) donnent defaibles résultats (38,80 t.ha-1 et 42,30 t.ha-1,respectivement).

Cette chute de rendement peut être expliquée par ladurée du cycle végétatif et par les problèmes dechaleurs estivales excessives. La décision d'arracherprécocement ou tardivement doit tenir compte destypes de variété. De même, à cause des conditionsclimatiques défavorables en août, il est déconseilléd'arracher durant ce mois.

Les rendements en racines augmentent avecl'allongement de la durée du cycle de la betteravesucrière. Le nombre de jours, 285, 270 et 244,correspondent respectivement aux semis deseptembre, octobre et novembre. L'évolution de larichesse en saccharine connaît une réduction entre lesmois de mai et de juillet, 17,53, 16,57 et 16,27 %. Enaoût, les richesses notées sont très faibles et la chutepeut atteindre 50 % par rapport aux autres mois, 9,70%.

Le prolongement de la durée du cycle est favorablepour les variétés de type N et E, les variétés de type Z,par contre, arrivent à leur maximum pour une duréedu cycle moins longue, de l'ordre de 244 jours.

Le planning idéal des semis – arrachages, sur la basedes résultats de cet essai, peut être récapitulé commesuit :

– Type Z : octobre – mai et novembre – juillet.

– Type N : septembre – juin et juillet, octobre – juin etjuillet et novembre – juin.

– Type E : septembre – juin, octobre – juin etjuillet et novembre – juin.

BibliographieBelfkih A., Dehdi A. & Baghou S., 1994. Incidence des techniquesde production sur la productivité de la betterave sucrière dans lazone d'approvisionnement de la SU.NA.G Ksiri. Diagnosticagronomique. Kenitra, Maroc : Office Régional de Mise en Valeurdu Gharb (O.R.M.V.A.G), 15.Belhadfa H., 1978. Réaction de l'enracinement de la betteravesucrière dans différents états du profil cultural. Mémoire : InstitutAgronomique et Vétérinaire Hassan II de Rabat (Maroc).Boujarmoune C., 1976. Etude agronomique de la betteravesucrière dans le périmètre irrigué de Sidi Slimane. Mémoire :Institut Agronomique et Vétérinaire Hassan II de Rabat (Maroc).Bousraref A., 1995. Effets des techniques culturales sur laproductivité de la betterave sucrière dans le Gharb (étudediagnostic). Kenitra, Maroc : Service de la Protection desVégétaux / Office Régional de Mise en Valeur du Gharb(S.P.V./O.R.M.V.A.G).El Iaziji A., 1992. Etude de l'interaction azote, durée etpositionnement du cycle sur le rendement et la qualitétechnologique de la betterave sucrière dans le périmètre desDoukkala. Mémoire : Institut Agronomique et Vétérinaire HassanII de Rabat (Maroc).Hull R. & Webb D.J., 1970. The effect of sowing date andharvesting date on the yield of sugar beet. J. Agric. Sci., 75, 223-229.Jaggar K.W., Wickens R., Weeds A.D. R. & Scott K., 1983. Effectof swing date on plant establishment, bolting and the influence ofthese factors on yield of sugar beet. J. Agric. Sci., 101, 147-161.Papy F., 1973. L'élaboration du rendement de la betterave sucrière.Homme, Terre, Eau, 9, 15-34.Rahim E., 1979. Etude du fonctionnement d'une culture de labetterave sucrière au champ sous l'effet de différents peuplementset de profil cultural. Mémoire : Institut Agronomique etVétérinaire Hassan II de Rabat (Maroc).

Schmidt G. & Hesse F.W., 1975. Introduction de la betteravesucrière au Maroc. Rabat, Maroc : Office Fédéral de laCoopération Technique Allemand (GTZ), I.N.R.A.SNIMA, 2005. Sucres, méthodes de réception de la betteravesucrière, NM 08.5.111-1997. In : Catalogue des normesmarocaines. Rabat : Service de Normalisation IndustrielleMarocaine (SNIMA), 143.Zehauf M., Harrak A. & Enahari J., 1995. Synthèse des résultatssur quatre années d'expérimentation. Rapport O.R.M.V.A.G .Kenitra, Maroc : Office Régional de Mise en Valeur du Gharb(O.R.M.V.A.G), 17.Zhari A., 1981. Essai synthétique sur la conduite de la culture dela betterave sucrière au Tadla. Mémoire : Institut Agronomique etVétérinaire Hassan II de Rabat (Maroc).Zizi M., 1991. Incidence du type des variétés, durée et position ducycle sur le rendement et la qualité technologique de la betteravesucrière. Mémoire : Institut Agronomique et Vétérinaire Hassan IIde Rabat (Maroc).Pour citer cet articleAbdelhamid Mzibra, Allal Douira & Mostafa Zehauf, «Effet ducycle de la culture sur le rendement qualitatif et quantitatif de labetterave sucrière dans la région du Gharb (Maroc)», Base [Enligne], numéro 2, volume 12 (2008), 139-146 URL :http://popups.ulg.ac.be/1780-4507/index.php?id=2736.A propos de : Abdelhamid MzibraUniversité Ibn Tofail. Faculté des Sciences. Laboratoire deBotanique et de Protection des Plantes. BP 133. MA-Kenitra(Maroc). E-mail : [email protected] propos de : Allal DouiraUniversité Ibn Tofail. Faculté des Sciences. Laboratoire deBotanique et de Protection des Plantes. BP 133. MA-Kenitra(Maroc).A propos de : Mostafa ZehaufOffice Régional de Mise en Valeur Agricole du Gharb(O.R.M.V.A.G), Centre Technique des Cultures Sucrières(C.T.C.S). BP 79. MA-Kenitra (Maroc).

.Le développement des cultures sucrières au Maroc : cas de la betterave à sucre dans le périmètre irrigué desDoukkaka Zagdouni L.in Bedrani S. (comp.), Elloumi M. (comp.), Zagdouni L. (comp.), Bedrani S. (collab.), Elloumi M.(collab.), Zagdouni L. (collab.). La vulgarisation agricole au Maghreb : théorie et pratique Paris : CIHEAM CahiersOptions Méditerranéennes; n. 2(1) 1993 pages 143-150

Résumé : Au Maroc, dès 1960, la modernisation de l'agriculture passe par le développement prioritaire de la grandehydraulique dont ont bénéficié les cultures sucrières, en particulier la betterave à sucre. Dans le périmètre irrigué de la plainedes Doukkala, un des plus performants, le rendement de cette culture est corrélée à deux types d'éléments : les conditions decette région, et le mode d'intervention de l'Etat. Le Code des investissements agricoles de l'Etat fixe les droits et devoirs dechacun et les Offices régionaux de mise en valeur (ORMV) ont diverses fonctions : organisation de l'utilisation du sol, de lavulgarisation et application de la Réforme agraire. A l'échelle locale, les Centres de mise en valeur (CMV) assurent la passationde contrats pour la betterave à sucre et servent d'intermédiaires entre les agriculteurs et le Crédit agricole. Le désengagementaccéléré de l'ORMVA de Doukkala risque de pénaliser les petites exploitations, majoritaires dans la région et non éligibles pourle crédit.

I. – IntroductionDès les premières années de l’indépendance (1956),l’Etat marocain avait opté pour une politiquedélibérément « moderniste » dans le domaine agricole,qui assignait à ce secteur un rôle moteur dans ledéveloppement économique et social du pays. Lelancement pour les zones d’agriculture pluviale (bour)de «l’opération labour » à la fin des années 50 et lacréation pour les zones irrigables de l’Office nationald’irrigation (ONI) au début de la décennie suivanteont illustré cette volonté.

A partir du milieu des années 60, on assista à la miseen oeuvre d’une nouvelle stratégie qui consacre lapriorité absolue à l’agriculture irriguée. Depuis, lapolitique agricole suivie au Maroc se confond avec lapolitique dite des « barrages » ou du « milliond’hectares ». En effet, la priorité accordée àl’agriculture est avant tout une priorité accordée à lagrande hydraulique1.Les objectifs poursuivis à travers cette nouvellestratégie sont de trois ordres :

l’amélioration du taux d’autosuffisance en denrées❒

alimentaires de base ;la recherche de l’équilibre de la balance❒

commerciale par le développement des exportationsagricoles ;

l’amélioration des conditions de vie des ruraux par :❒– la création d’emplois dans les campagnes commemoyen de réduire l’exode rural ;– l’atténuation des disparités sociales et régionales ;– la revalorisation des productions moyennant ledéveloppement de l’agro-industrie.Dans le but de rentabiliser ses lourds investissementsdans ce type d’agriculture et de s’assurer l’adhésiondes agriculteurs à son projet de modernisation et auxobjectifs de sa politique agricole, l’Etat a procédé, enparticulier, à la création de nouvelles structuresd’encadrement pour l’agriculture irriguée (lesORMVA) et à la promulgation d’un cadre juridiqued’incitation qui se voulait global et cohérent (le Codedes investissements agricoles–CIA)1.

La présente réflexion se propose d’analyser, dans lecadre de cette option de politique agricole, ledéveloppement des cultures sucrières au plan nationalet d’évaluer l’expérience de la betterave dans le cas dupérimètre irrigué des Doukkala.

II. – Le développement des cultures sucrières auMarocBien que la betterave à sucre ait été introduite dès1962–63, l’option de promouvoir les culturessucrières n’a été définitivement prise qu’à partir de1966, lors de l’élaboration par un Comité économiqueinterministériel d’un document intitulé Esquisse d’unepolitique sucrière. Cette option était tout d’abordfondée sur une analyse prospective des évolutionsprobables à moyen et à long termes de l’offre et de lademande de sucre sur le plan international qui laissaitentrevoir le caractère conjoncturel de la situation desur-stockage au milieu des années 60 2.L’excellent démarrage de la betterave au plan nationaloffrait les prémices d’un développement rapide etsoutenu des cultures sucrières dont les avantages sontde trois ordres :

la consolidation de l’indépendance politique et❒économique du pays en assurant la production d’unedenrée stratégique ;

la création d’une industrie nationale qui génère des❒possibilités d’emploi et de promotion d’une panoplied’activités aussi bien à l’amont qu’à l’aval de la filièresucrière ;

l’intensification agricole des zones de production❒moyennant une utilisation massive de la main-d’oeuvre et l’adoption de techniques culturalesmodernes.Au bout de trente années, le bilan de l’option prise demanière aussi décisive de la nécessité de développer laproduction sucrière au Maroc peut être appréhendé à

travers les indicateurs suivants3:Le taux d’autosuffisance en sucre, denrée❒

alimentaire de base et de forte consommation, quiavoisine actuellement les 2/3 des besoins deconsommation du pays, ce qui a permis par ailleursune économie importante en devises pour lacollectivité nationale ;

La création d’emplois nouveaux dans l’industrie❒sucrière (7 000 emplois dont les 2/3 à caractèrepermanent), au niveau des exploitations agricoles (9millions de journées de travail, soit l’équivalent de 30000 emplois permanents de 300 journées par an), maisaussi de nouvelles activités qui se sont développées enmilieu rural sous l’impulsion d’une demande accruede facteurs de production, de biens et de services parles agriculteurs ;

La rentabilisation des investissements hydro-❒agricoles par une utilisation plus intensive des terresirriguées ;

L’intensification de l’élevage grâce aux multiples❒aliments que procurent les cultures sucrières (collets,pulpe sèche et mélasse).Si, sur un plan national, le développement des culturessucrières constituent sans doute l’un des résultatsréellement satisfaisants de la politique agricoleadoptée, il n’en reste pas moins que ce développementse trouve limité par la persistance de certainesinsuffisances. Il s’agit en particulier de la faiblesse desrendements réalisés tant par rapport au potentiel deproduction que par rapport à la capacité detransformation et de traitement de l’industrie sucrièrexexistante qui n’est actuellement utilisée qu’à 80%.

III. – La betterave sucrière dans le périmètreirrigué1. Présentation du périmètreSitué en bordure de l’Océan Atlantique dans laProvince d’El Jadida, le périmètre comprend troisrégions distinctes : les dunes du Sahel, le piémont desmassifs de Rehamna et des collines de Youssoufia, laplaine centrale des Doukkala. Il s’étend sur unesuperficie de 493 000 ha dont 405 000 ha deSuperficie agricole utile (SAU).Le climat est de type semi-aride à hiver tempéré. Lapluviométrie moyenne annuelle est de 300 mm variantentre 250 à l’intérieur et 400 mm sur la côte. Latempérature moyenne annuelle est de 18°C.Concernant l’aménagement hydro-agricole de cepérimètre, il a été entamé bien avant l’indépendancedu pays et se poursuit encore. A ce jour, seul lepérimètre bas-service d’une superficie de 61 000 haest équipé dont 33 500 ha par aspersion. En find’aménagement, plus de 120 000 ha seront irrigués.L’irrigation est fondée sur l’utilisation des eaux del’oued Oum R’bia qui a nécessité la construction dedeux barrages de régularisation (El Massira et Infout),l’installation d’une galerie tête morte longue de 16,7

km, un canal principal de 111 km, un canalintermédiaire de 24 km et 13 stations de pompage.

Tableau 1. Situation de l’irrigation dans la zoned’action de l’ORMVA de DoukkalaSuperficie nette Mode d’irrigation Date de lamise Casier ou secteur irriguéeen ha en eauBoulaouane1 100 Aspersion 1970Faregh8 900 Gravitaire 1952–58Sidi Smaïl8 000 Gravitaire 1963–69Sidi Bennour9 300 Gravitaire 1975Zemamra : Projet Doukkala ISecteur Z1 4 500Aspersion 1977Secteur Z0, Z2 et Z3 11 500Aspersion 1980Tnine Gharbia : Projet Doukkala IISecteurs Sud, Ouest 1 et Ouest 2 9 400Aspersion 1982Secteur Nord 3 700Aspersion 1984Extension PTI : Projet Doukkala IIFaregh 1 900Aspersion 1985Sidi Smaïl1 400Cuvette Sidi Smaïl 1300 Gravitaire 1987Source : L’Irrigation au Maroc. Association nationaledes améliorations foncières, de l’irrigation et dudrainage.

2. Les performances de la betterave sucrière dansle périmètre irrigué des DoukkalaEn terme de rendements en betterave sucrière, lepérimètre des Doukkala est incontestablement le plusperformant de tous les périmètres irrigués. En effet,les rendements y atteignent à présent 70 t/ha enmoyenne.Une enquête, réalisée en 1987, auprès d’unéchantillon de près de 200 exploitations dans lessecteurs irrigués par aspersion des Projets Doukkala Iet Doukkala II, a montré que ces rendementsatteignent les 84 t/ha en moyenne dans les Extensionsde Sidi Smaïl et de Faregh, contre 70 t/ha et 66 t/hadans les subdivisions de Zemamra et de TnineGharbia4. L'enquête a révélé par ailleurs que ce sontfinalement les exploitations dont les propriétés sontles plus grandes (plus de 10 ha en irrigué) qui sont lesmoins performantes en betterave.

Tableau 2. Rendements en betterave réalisés dans lazone des Projets Doukkala I et II (campagne agricole1986-87)Strates de NombreRendementspropriété d’exploitationsréalisésen irrigué enquêtées(t/ha)(ha)0-0.5 2870,90.5-1 2965,11-2 3674,32-5 2869,35-10 1273,310-20 758,6Total 15069,8Source : Alioua F., Benatya D., Zagdouni L., 1988.L’impact socio-économique des projets d’irrigationDoukkala I et DoukkalaII, Direction duDéveloppement Rural, IAV H.II, Rabat.

3. Essai d’interprétation des performances de labetterave sucrière dans le périmètre irrigué desDoukkalaLes performances de la production betteravière dansle périmètre des Doukkala peuvent être corrélées àdeux types d’éléments : ceux qui tiennent à desconditions propres à cette région et ceux qui tiennentplutôt au mode d’intervention de l’Etat.

A. Les conditions propres à la région des DoukkalaIl s’agit d’une région où la sédentarisation est des plusanciennes et où existe une véritable paysannerie quidispose d’une tradition de la petite irrigation,antérieure à l’avènement de l’aménagement hydro-agricole. Le statut melk (propriété privée) prédomineavec 93% des terres irriguées contre 4,6% pour lesecteur de la Réforme agraire et 1,6% pour leDomaine de l’Etat. Il s’agit aussi d’une région où ladensité de sa population rurale est des plus élevées dupays si bien que l’occupation du sol par les culturesest quasi totale. Depuis le début du siècle, la densitéde la population n’a cessé d’augmenter pour atteindre88 hab./km2 en 1982 à l’échelle de toute la zoned’action de l’ORMVA de Doukkala et dépasse les 150hab./km2 dans le périmètre irrigué.

Tableau 3. Evolution de la densité de la populationdans les Doukkala (1917 à 1982)

Années 1917 1932 1936 19521960 1971 1982Densité hab./km2 27 31 51.753.4 61.8 71.6 88Source : Khayati I., 1988. Mutations des structuresagraires dans le périmètre irrigué des Doukkala.Mémoire de DES, Faculté des Lettres d’El Jadida.

Il s’agit aussi d’une région qui se singularise par laprédominance de la petite propriété foncière. En effet,dans le périmètre irrigué, 88% des propriétés ontmoins de 5 ha, contre 11% pour celles comprises entre5 et 20 ha et 1% pour celles de plus de 20 ha.

Tableau 4. Les structures foncières dans le périmètreirrigué des DoukkalaClasse de taille Superficie AgriculteursTaille moyenne(%) (%) (ha)0-5 ha 53 881.475-20 ha 36 118.00> 20 ha 11 126.84Total 100 1002.44Source : FAO-Centre d’investissements, 1992. Projetde soutien au développement agricole (PSDA) dansles ORMVA. Mission de préparation, août.

Mis à part les deux périmètres irrigués en zoneprésaharienne de Tafilalet et Ouarzazate, celui desDoukkala a la taille moyenne de la propriété foncièrela plus réduite.

Tableau 5. Taille moyenne de la propriété foncièredans les périmètres de la Grande hydrauliqueOffice Tafilalet Ouarzazate DoukkalaHaouz Tadla Loukkos Souss-MassaMoulouyaPropriété moyenne (ha) 0,84 1,48 2,442,97 3,73 6,48 6,627,6Source : FAO, Centre d’Investissements, Projet desoutien au développement agricole (PSDA) dans lesORMVA, Mission de préparation, août 1992.

L’exiguïté de l’assiette foncière amène les exploitantsinsuffisamment pourvus en terre et disposant d’unemain-d’oeuvre familiale abondante à procéder à desréajustements par la prise de terres à bail. Ceci peutêtre illustré à travers les résultats établis à partir del’enquête réalisée en 1987 auprès d’un échantillon deprès de 200 exploitations dans les secteurs irrigués paraspersion des Projets Doukkala I et Doukkala II 5.

Tableau 6: Structure foncière des exploitations dansla zone des Projets Doukkala I et IIStrates de Nombre Terres enirrigué Terres en bourpropriété d'exploitationsen irrigué enquêtées PropriétéExploit. Taux de faire- Propriété Exploit.Taux de faire-(ha)moyenne moyenne valoir indirect moyennemoyenne valoir indirect (ha) (ha)(%) (ha) (ha) (%)0-0,5 45 0,281,29 78,6 1,26 1,7728,80,5-1 42 0,781,99 61,7 1,09 1,3519,61-2 47 1,502,46 40,7 0,91 1,0724,72-5 42 3,343,98 22,3 1,87 2,6432,85-10 13 6,578,00 23,7 6,61 7,9617,410-20 7 14,9013,69 2,1 13,61 13,330,0Total 196 2,273,18 33,3 2,07 2,5220,4Source : Alioua F., Benatya D., Zagdouni L., 1988.L’impact socio-économique des projets d’irrigationDoukkala I et Doukkala II. Direction duDéveloppement Rural, IAV Hassan II, Rabat.

Ces résultats montrent en effet que 1/3 des terres enirrigué pour 1/5 des terres en bour sont exploités enfaire-valoir indirect. Le recours massif à ce moded’exploitation lui confère un caractère vital pour lemain-tien des familles très nombreuses dont les terresen propriété ne dépassent pas les 2 ha. Il s’agit enfind’une région où les conditions pédo-climatiques enfont la région où les rendements potentiels enbetterave sucrière sont les plus élevés de tout le pays(80 t/ha contre 70 t/ha au Tadla et au Gharb et 50 t/hadans la Moulouya)6.

B. Le mode d’intervention de l’EtatEn vue de rentabiliser les lourds investissements qu’ilavait consentis dans la politique des barrages, il étaitnécessaire pour l’Etat d’asseoir des règles et desmécanismes pour inciter les agriculteurs à adhérer àl’entreprise de modernisation de l’agriculture qu’il

avait engagée et pour les amener à relayer son action.Aussi, l’Etat a promulgué le 25 juillet 1969 un Codedes investissements agricoles (CIA) qui fixe les droitset devoirs de chacun. Selon ce code, l’Etat prend à sacharge le financement et la réalisation del’aménagement autant externe (remembrement,infrastructure d’adduction d’eau et d’assainissement)qu’interne (défrichement, drainage, nivellement dessols).Les coûts de l’équipement que l’Etat prend en chargelui sont remboursés en partie par la plus-valuerésultant de l’aménagement à concurrence d’unesomme forfaitaire fixée à 1 500 DH/ha7 mais en partieaussi par le prix à payer pour l’eau dont la facturationaux usagers est supérieure au coût de l’énergienécessaire pour son adduction.De même que les agriculteurs peuvent bénéficier deservices rendus par l’Etat tels quel’approvisionnement en intrants subventionnés, lefinancement par des crédits bonifiés, l’encadrement etl’assistance technique, ainsi que la garantie de lacommercialisation de certaines productions, telles queles cultures sucrières, à des conditions préétablies.En contrepartie, et selon le CIA, les agriculteurs despérimètres irrigués ont l’obligation, entre autres, derespecter les plans d’assolement et les normesd’exploitations qui sont fixés par l’Etat. Les diversesfonctions d’organisation et de contrôle ont étéconfiées par l’Etat aux ORMVA en tant que structuresautonomes. Chacun d’eux, dans sa zone d’action, a laresponsabilité de l’équipement, de l’organisation del’utilisation du sol, de la vulgarisation et de laréalisation de la Réforme agraire. A l’échelle locale,l’ORMVA opère à travers ses institutions de base quesont les CMV qui constituent les partenaires directspour les agriculteurs.En effet, c’est à ces cellules de base qu’incombent, àl’échelle de leur zone d’action, les tâches de contrôledes plans d’assolement, de la coordination de ladistribution de l’eau d’irrigation, de vulgarisation etd’approvisionnement en intrants des agriculteurs.De plus, la pratique de cultures sous contrat, telle labetterave sucrière, confère aux rôles impartis à cesorganismes une portée plus importante encorepuisqu’ils servent d’intermédiaires entre lesagriculteurs, les sucreries et le Crédit agricole.En effet, ce sont les CMV qui assurent la passationdes contrats pour la betterave avec les agriculteurs etqui organisent les opérations de récolte, de transport etde livraison de la production pour le compte dessucreries.Ce sont les CMV également qui procèdent à l’achatdes intrants qu’ils livrent, au même titre que l’eaud’irrigation, en guise d’avances de culture auxagriculteurs moyennant les financements contractéspour le compte de ces derniers auprès du Créditagricole. Le remboursement de toutes les redevances

dues à l’ORMVA et des emprunts ainsi obtenus auprèsdu Crédit agricole s’effectue par un prélèvement directsur la valeur de la production betteravière qui estlivrée en totalité aux sucreries. Ainsi, la betteravesucrière qui est la principale culture de rente dans lepérimètre irrigué des Doukkala constitue uneproduction hautement stratégique. Elle l’est d’autantplus qu’il s’agit d’un périmètre de petite agriculturefamiliale. En effet, le fait de bénéficier de créditsgarantis pour la betterave soulage considérablementles besoins en trésorerie des petites exploitationsfamiliales et réduit du même coup leur aversion aurisque.Etant une culture qui se prête à une intensification, parle travail, de la production agricole, la culture de labetterave constitue aussi une opportunité d’emploipour une part importante de la main-d’oeuvredisponible dans ce type d’exploitation. L’intérêt de labetterave sucrière pour ces exploitations découle enfindu caractère polyfonctionnel de cette culture. Elleprocure, certes, un revenu monétaire par la productionlivrée aux sucreries mais également des sous-produitstrès appréciés pour l’alimentation du cheptel.Il n’en reste pas moins que la progression de cesrendements s’est accompagnée par une dégradationglobale de la qualité technologique de la betterave. Eneffet, sa richesse en sucre a baissé de 21,4% à SidiBennour durant la période 1973-1988 et de 9,6% àZemamra entre 1981 et 1988, alors que lesrendements avaient enregistré durant les mêmespériodes des augmentations respectives de 135,5% (enpassant de 31 t/ha à 73 t/ha) et de 14,5% (de 62 t/ha à71 t/ha)8. Sur le plan agronomique, les principauxfacteurs expliquant cette détérioration qualitativesont : l’excès de la fertilisation azotée et le stresshydrique en relation avec l’allongement du cyclevégétatif et l’insuffisance de la densité dupeuplement. Du point de vue des agriculteurs,l’application de doses excessives de fertilisants azotéset la réduction du peuplement de la betterave sontmotivées par l’obtention de racines de plus groscalibre et d’un tonnage en betterave brute à l’hectareplus élevé, alors que le système de tarificationappliqué est établi sur lateneur en sucre de laproduction livrée9.

Autant le diagnostic agronomique à la parcelle quel’analyse des pratiques techniques des agriculteursrévèlent donc une certaine insuffisance quant àl’évolution des apports de la vulgarisation en matièrede betterave. Dans le cas des céréales en particulier, lafaiblesse des rendements obtenus dénote uneévolution plus insuffisante encore des thèmestechniques proposés par la vulgarisation. En fait, depar le cadre de leur intervention et la multitude destâches qui leurs étaient assignées, les CMV et leursagents ont été accaparés par les opérations de contrôle

et de prestation de services liées surtout aux culturesdites intégrées, au détriment des actions devulgarisation dans ses multiples dimensions.

IV. – ConclusionEn définitive, on peut donc conclure que ledéveloppement de la betterave sucrière a étéindéniablement soutenu par le caractère intégré del’intervention de l’Etat. L’impact de cette interventionsur l’essor de cette culture a été beaucoup plusimportant dans le périmètre irrigué des Doukkala.Ceci tient, certes, à des potentialités de productionplus élevées mais surtout à la prépondérance de lapetite agriculture familiale dans ce périmètre.Le mode d’intervention de l’Etat a offert desconditions particulièrement favorables aux actions devulgarisation surtout auprès des petites exploitationsfamiliales qui réalisent les rendements en betterave lesplus élevés. Il se trouve cependant que dans le cadredu “Programme d’ajustement structurel” mis enoeuvre au Maroc depuis 1983, les ORMVA ont étéamenés à entreprendre un désengagement progressifde certaines opérations, notamment financières. Cettenouvelle option de politique agricole a été confirméedavantage par le Plan d’orientation de 1988-1992 quiprévoit même de « désengager les ORMVA de touteopération à caractère commerciale ou de prestationsde services » dans le cas des cultures sucrières 10.C’est ainsi que l’ORMVA de Doukkala a été choisipar les pouvoirs publics pour entreprendre uneopération pilote d’un désengagement accéléré.Formalisée par un contrat-programme de trois ansentre l’Etat et cet Office, cette expérience consiste àtransférer aux deux sucreries de ce périmètre, et ausecteur privé, la responsabilité de l’approvisionnementen intrants, du contrôle des opérations de récolte de labetterave à sucre et de la vente de la production. Lecalcul des redevances et leur recouvrement ont étéégalement confiés à ces deux sucreries. Ce contrat-programme prévoit aussi le désengagement de cetOffice de son rôle d’intermédiaire pour l’obtention deprêts au nom des agriculteurs auprès du Créditagricole. Désengagé de telles activités et prestations,cet Office est appelé, désormais, à se concentrer surl’amélioration de l’exploitation, l'entretien du systèmed’irrigation et le renforcement des services devulgarisation. Si l’agriculture irriguée au Maroc a étéassimilée à une agriculture sous le contrôle de l’Etat11, le changement de politique agricole en courscomporte un risque considérable. Ce risque estinhérent à la volonté des décideurs de démanteler lemode d’intervention établi auparavant et dont lecaractère intégré a été la principale raison des progrèsréalisés12. En effet, le désengagement précipité del’ORMVA de Doukkala de son rôle d’intermédiaire nerisque t-il pas de pénaliser la grande majorité queconstituent, dans ce périmètre, les petites exploitations

qui ne sont pas souvent éligibles pour le crédit ? Parailleurs, les sucreries privées auront-elles, à ellesseules, la capacité suffisante pour prendre en chargetoutes les activités qui leurs ont été transférées et quiont été assurées auparavant par l’Office en tant quereprésentant de l’Etat ?Enfin, en l’absence de techniques appropriéespermettant de transférer des responsabilités auxagriculteurs, et d’une véritable organisationprofessionnelle des producteurs, le renforcement de lavulgarisation et l’amélioration de ses méthodes nesauraient suffire pour enrayer les défaillancespersistantes de la production agricole et pour avoirune efficacité durable.

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To cite this article / Pour citer cet article : Zagdouni L. Ledéveloppement des cultures sucrières au Maroc: cas de labetterave à sucre dans le périmètre irrigué des Doukkaka. In :Bedrani S. (comp.), Elloumi M. (comp.), Zagdouni L. (comp.),Bedrani S. (collab.), Elloumi M. (collab.), Zagdouni L.(collab.). La vulgarisation agricole au Maghreb : théorie et pratique. Paris: CIHEAM, 1993. p. 143-150 (Cahiers Options Méditerranéennes;n.2(1)) http://www.ciheam.org/http://om.ciheam.org/ CahiersOptions Méditerranéennes, Vol. 2, n° 1

Notes1. Akesbi N., Guerraoui D., 1991. Enjeux agricoles : Evaluation del’expérience marocaine, Ed. Le Fennec, Casablanca.2. Faraj H.,1977. Plan Sucrier, in Hommes, Terre et Eaux 6:22.3. Ministère de l’Agriculture et de la Réforme Agraire–Directionde la Production Végétale. Situation du secteur sucrier, juin 1989.4. Alioua F., Benatya D., Zagdouni L.,1988. L’impact socio-économique des projets d’irrigation Doukkala I et Doukkala II,Direction du Développement Rural, IAV Hassan II, Rabat.5. Alioua F., Benatya D., Zagdouni L.,op.cit.6. FAO–Centre d’Investissements. Projet de soutien audéveloppement agricole (PSDA) dans les ORMVA. Mission depréparation, août 1992.7. Les propriétaires disposant d’une superficie de moins de 5 hasont exempts de ce versement, sauf s’ils vendent leur parcelle dansune période inférieure à 10 ans après l’équipement.8. Hachimi L., Agbani M., 1990 . Observations sur les incidencesde certains facteurs agronomiques sur la qualité technologique dela betterave sucrière : cas des Doukkala, in Sucrerie Maghrébine,42-43, 1er- 2e trim. (Spécial IIRB).9. Alioua F., Benatya D., Zagdouni L., op.cit.10. Ministère du plan–Direction de la planification. Pland’orientation pour le développement économique et social 1988-1992, Rabat, 1989.11. Herbert Popp, 1984. La question hydraulique : effets socio-géographiques de la politique des barrages au Maroc, Rabat, 1984.12. Banque Mondiale–Département de l’évaluation rétrospectivedes opérations, 1989. L’Expérience de la Banque mondiale enmatière de développement de l’irrigation : impact socio-économique, institutionnel et technique et bilan, Vol. III : Maroc :Projets d’Irrigation Doukkala I et II.Références• Akesbi N., Guerraoui D., 1991. Enjeux agricoles : Evaluation del’expérience marocaine, Ed. Le Fennec, Casablanca.•Alioua F., Benatya D., Zagdouni L. ,1988. L’impact socio-économique des projets d’irrigation Doukkala I et Doukkala II,Direction du Développement Rural, IAV Hassan II, Rabat.

•Association nationale des améliorations foncières, de l’irrigationet du drainage. L’Irrigation au Maroc.•Banque Mondiale–Département de l’évaluation rétrospective desopérations,1989. L’expérience de la Banque mondiale en matièrede développement de l’irrigation, impact socio-économique,institutionnel et technique et bilan, Vol. III : Maroc : projetsd’Irrigation Doukkala I et II.•FAO–Centre d’Investissements. Projet de soutien audéveloppement agricole (PSDA) dans les ORMVA. Mission depréparation,août 1992.•Faraj H. , 1977. Plan Sucrier, in Hommes, Terre et Eaux, 6:22.•Hachimi L., AGBANI M. ,1990. Observations sur les incidencesde certains facteurs agronomiques sur la qualité technologique de

la betterave sucrière : cas des Doukkala, in Sucrerie Maghrébine42-43, 1er et 2e trim. (Spécial IIRB).•Herbert Popp, 1984. La question hydraulique: effets socio-géographiques de la politique des barrages au Maroc, Rabat.•Khayati I. , Mutations des structures agraires dans le périmètreirrigué des Doukkalas, 1988. Mémoire de DES, Faculté desLettres d’El Jadida.•Ministère de l’Agriculture et de la Réforme Agraire–Direction dela Production Végétale. Situation du secteur sucrier, juin1989.•Ministère du Plan–Direction de la Planification. Pland’orientation pour le développement économique et social 1988-1992, Rabat, 1989.

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BAISSE DE LA TENEUR EN SUCRE DE LA BETTERAVE SUCRIÈRE PAR LA POURRITURE MOLLECAUSÉE PAR ERWINIA CAROTOVORA (*)Jaafar SNAIKI (1), Abdelmajid NADIF (2), MohammedOUHSSINE (1) Bull. Soc. Pharm. Bordeaux , 2005, 144, 251-258

Le développement de la betterave sucrière dans la plaine du Gharb au Maroc a engendré une prolifération deparasites et d’agents pathogènes infectant cette culture. La pourriture molle, causée par Erwinia carotovora,entraîne une réduction de la teneur en sucres.

INTRODUCTIONJusqu’en 1963, le Maroc importait la totalité de sesbesoins en sucre sous forme brute ou raffinée. Cettedenrée représentait à elle seule plus de 10 % desimportations [4]. Actuellement, le Maroc produitenviron 450 000 tonnes à partir de la betteravesucrière (80 %) et de la Canne à sucre (20 %). Lecomplément est assuré par des importations quis’élèvent à 550 000 tonnes [6].(*) Manuscrit reçu le 5 octobre 2005.(1) Laboratoire de Biotechnologie microbienne,Département de Biologie, Faculté des Sciences deKénitra, Université Ibn Tofaïl, BP 133, 14000 Kénitra,Maroc. [email protected], [email protected](2) ORMVAG (Office Régional de Mise en ValeurAgricole Du Gharb)/CTCS (Centre Technique desCultures Sucrières), BP 79 Kenitra, Maroc.

La culture de la betterave sucrière est localisée dansles zones irriguées de Lokkos, Doukkala, Tadla,Moulouya et du Gharb. Cette dernière, située au nord-ouest du Maroc, présente environ 30 % des surfacesbetteravières et fournit 25,5 % de la production soit763 712 T. En hiver, les températures moyennesminimales dépassent +5°C dans la moitié nord de laplaine, alors qu’elles sont inférieures au Sud. En été,les moyennes maximales varient de 30 à 34°C dans lapartie côtière et dépassent 34°C dans la partie centraleet orientale. Les températures moyennes mensuellessont supérieures à 20°C de juin à septembre et varientde 11 à 20°C les autres mois.Ces dernières années, une réduction des rendements aété observée. On est passé de 49,5 T/ha en 1999 à 45,5T en 2002 alors que les superficies cultivées sontpassées de 13 679 à 16 963 ha. Cette baisse de

rendement est tributaire de divers facteurs. Mis à partles structures foncières, les techniques culturales et lescontraintes du milieu, l’amélioration de la productionse heurte à de nombreux problèmes phytosanitaires.On a une apparition appréciable de cercosporioseaprès des périodes chaudes et humides, surtout dans lazone côtière du Gharb [1], alors que d’autres maladiesfoliaires (Phoma, Ramularia, Uromyces) sont moinsrépandues. En été, l’Oïdium (Erysiphe betae) sedéveloppe surtout sur les betteraves ayant souffert desécheresse ou de températures élevées. Les chenillesde diverses espèces de noctuelles attaquent les jeunesplants de semis précoce (septembre et octobre).Occasionnellement, des taupins et vers blancs causentdes dégâts dans les champs. En hiver, dans les solslourds et humides de la zone côtière du Gharb, lesjeunes plantules peuvent être tellement endommagéespar les limaces qu’un nouveau semis est alorsnécessaire. Les nématodes Ditylenchus dipsaci,Heterodera schachtii et Meloidogyne sp. peuvent aussicauser d’importants dégâts. Enfin, la betteravesucrière a été confrontée dans la région du Gharbaprès récolte à une pourriture molle en 2001. L’agentresponsable est une bactérie du genre Erwinia de lafamille des Entérobactériacées [7]. Une sécrétion denombreuses enzymes (pectinases, cellulase, protéases)lyse les tissus végétaux [5]. L'utilisation du testELISA direct (méthode sandwich) nous a permisd’identifier deux bactéries, Erwinia carotovora subsp.Atroseptica et Erwinia chrysanthemi, dans 31 % deséchantillons pathogènes provenant de trois zonesproductrices de betterave sucrière dans la plaine duGharb [8]. Dans ce travail, nous montrons l’effetd’Erwinia carotovora sur la teneur en sucre desbetteraves.

MATÉRIEL ET MÉTHODESPrélèvement des échantillonsLa zone d’action de l’ORMVAG (Office régionale dela Mise en Valeur agricole du Gharb) couvre troissucreries et 26 CAD (Centres de Développementagricole) (Tableau I). Pour chaque CDA, trois racinessaines, en début de pourriture, de pourriture moyenneet de pourriture avancée ont été prélevées, soit pourles 26 CDA, un total de 312 racines.

Tableau I : Distribution des échantillons collectés pourl’analyse.Sucreries Centres deDéveloppement agricoleMachraa Bel Kasiri 241-242-247-224-226-223-222-221Sidi Allal Tazi 25-231-233-243-224-245-235-234-237-236Sidi Slimane 221-212-213-214-216-217-218-246

Présence et identification de la bactérieLa bactérie a été recherchée à partir de vingt racinesprises au hasard présentant une pourriture avancée.Des fragments découpés avec un scalpel stérile ont étédéposés sur le milieu gélosé King B (10 ml glycérol,1,5 gKH2 PO4, 1,5 g MgSO4, 7 H2O, 15 g agar, q.s.p.1000 ml eau distillée, ajusté à pH 7,2) dans des boîtesde Petri stériles. Ce milieu permet d’isoler lesbactéries du genre Erwinia dont les colonies sontblanchâtres, d’aspect crémeux et de contour irisé [3].Après 24 h d’incubation à 27°C à l’obscurité,différents isolats ont été obtenus et purifiés par quatrerepiquages successifs sur le même milieu.Lapathogénicité des isolats a été vérifiée sur des tranchesde pomme de terre ou de carotte. Des carottes et despommes de terre ont été pelées,découpées et mises dans des boites de Petri stérilesavant de déposer la crème bactérienne. Le résultat estpositif lorsque les symptômes de la pourriture molleapparaissent sur les tranches après 24 à 48 heuresd'incubation à 26°C. L’activité enzymatique de l’agentpathogène s’accompagne d’un ramollissement.Seules les souches qui ont induit des symptômes depourriture molle sur les carottes et les pommes deterres ont fait l’objet d’une identification biochimique.Cette dernière, inspirée des caractères biochimiquesde Cedeño et al. [2], a été réalisée à l'aide d’une sériede tests adoptés au Laboratoire de Biotechnologiemicrobienne de la Faculté des Sciences de Kénitrareposant sur l'utilisation de substrats carbonés : testKligler, test ONPG [ortho-nitro-phényl-galactopyranoside] de recherche de la β-galactosidase,milieu citrate de Simmons, test à l’uréase sur milieuurée-indol, milieu mannitol-mobilité, test rouge de

méthyle. Tous les tests sont réalisés en tubes. Chaquetube est inoculé avec une suspension bactériennepréparée dans de l'eau physiologique stérile et réaliséeà partir d'une colonie fraîche. Les souches semultiplient seulement si elles sont capables d'utiliserle substrat correspondant.

Teneur en sucre des racinesAu laboratoire de technologie du CTCS (Centretechnique des cultures sucrières), la richessesaccharifère des racines saines, en début de pourriture,moyennement pourries, et complètement pourries des26 CDA a été comparée. Pour la richesse en sucre, 26g de racines ont été broyés dans une solution de 200ml d’eau distillée contenant 177 g de sulfated’alumine. 100 ml de la solution obtenue sontanalysés dans un polarimètre pour déterminer le tauxde sucres dans la racine rapporté en g par 100 g dematière fraîche.

RÉSULTATSPrésence d’Erwinia carotovora Sur les vingtéchantillons analysés, 80 % ont développé une crèmebactérienne sur le milieu King B. L’inoculation destranches de pomme de terre (Figure 1) et de carotte aabouti à la formation d’une pourriture noire, due à laprésence de bactéries pathogènes.

Fig. 1 : Tranches de pomme de terre incubées 48 h à28°C en absence (1) ou en présence (B) de pourrituremolle.La batterie de tests effectuée révèle la présenced’Erwinia carotovora. C’est une bactérie Gramnégatif, à respiration anaérobique facultative, enforme de bâtonnet disposée en diplobacille, nonsporulante (Figure 2). Elle dégrade le glucose, lesaccharose, le lactose et hydrolyse la gélatine, avec undégagement gazeux. Elle réagit négativement dans lessolutions de rouge de méthyle, l’urée, l’indole, lecitrate et le sulfure d’hydrogène. La pourriture mollediminue considérablement le taux de sucre des racinesde Betterave, pour tout le périmètre du Gharb(Tableau II).

Fig. 2 : Observation microscopique d’Erwiniacarotovora après coloration de Gram.Teneur en sucre

Tableau II : Taux de sucre (g/100 g de matière fraîche)des racines de Betterave sucrière présentant diversdegrés de pourriture molle pour trois sucreries de larégion du Gharb.

racineSucreriessaine en début de pourrituremoyennement pourrie

pourrieSidi A Tazi 18,3 ± 0,9 7,1 ±0,2 3,7 ± 0,2 1,6 ±0,1Mechraâ Bel Ksiri 17,0 ± 0,4 6,8 ± 0,13,5 ± 0,1 1,5 ± 0,1Sidi Sliman 16,9 ± 0,5 6,8 ± 0,1 3,4 ±0,1 1,5 ± 0,1Total 17,4 6,9 3,51,5Les racines saines présentent de 16,9 à 18,3 % desucres. On constate une chute importante (61,5 %) dutaux de sucres en début de pourriture, de 80 % pourune pourriture moyenne et de plus de 91 % pour unepourriture avancée. Les différences de richesse ensucres sont significatives entre les différents degrés depourriture.

DISCUSSION - CONCLUSIONLa pourriture molle de betterave sucrière est présentedans les trois zones sucrières et peut être considéréecomme bien installée dans le Gharb. Elle est due à labactérie Erwinia carotovora. La baisse du taux desucre est similaire dans les trois zones sucrières etdépend du degré de pourriture. Cette diminution peuts’expliquer par une dégradation du saccharose par desenzymes bactériennes. Les agriculteurs étant payésselon le taux de sucre de leur production, et lapourriture molle étant une maladie de post-récolte, ilfaut diminuer le temps de séjour de la betterave aprèsrécolte. Il est donc nécessaire d’organiser les dates derécolte afin de les acheminer rapidement à l’usine.

Actuellement, la lutte contre cette maladie repose surdes mesures prophylactiques et préventives : rotationdes cultures, élimination des résidus de culture,désinfection régulière du matériel agricole et deslocaux de stockage. Désormais, il faut préciser lesconditions favorables au développement de cettepourriture, vérifier si d’autres espèces d’Erwinia sontimpliquées, tester divers fongicides [9] et utiliser desvariétés de Betterave résistantes afin d’éviter que lamaladie échappe à tout contrôle.

RÉFÉRENCES1 -Akalach (M.), Nadif (A.), Aabad (M.), El Ghrasli (D.) - Modulede formation sur le thème « Protection des cultures de céréales,betterave à sucre et cultures maraîchères ». Centre Technique desCultures Sucrières (CTCS). Juin 1999. 49 p.2 -Cedeño (L.R.), Nieves (B.M.), Palacios (E.L.) - Erwiniacarotovora subsp. atroseptica, causante de la pudrición blanda delplátano ‘Hartón’ (Musa AAB) en Venezuela. [Erwiniacarotovorasubsp.atroseptica, responsable de la pourriture molle dubananier plantain'Harton' (Musa AAB) au Venezuela.] (espagnol) -Fitopatol. Venez., 1990, 3 (1), 6-9.3 -Helias (V.), Andrivon (D.), Jouan (B.) - Les Erwinia : agents depourritures molles. Symptômes et transmission. - La Pomme deterre Française, 1999, (513).4 -Lahlou (I.), Madrane (O.) - Développement des culturessucrières au Maroc. - Rencontre internationale en Languefrançaise sur la Canne à sucre organisée par l’AFCAS[Association Française de canne à sucre] , 1991, 27-34.5 -Liu (Y.), Cui (Y.), Mukherjee (A.), Chatterjee (A.K.)-Characterization of a novel RNA regulator of Erwinia carotovorassp. Carotovora that controls production of extracellular enzymesand secondary metabolites. - Mol. Microbiol., 1998, 29(1), 219.6 -MADREF (Ministère de l’Agriculture, du DéveloppementRural et des Eaux et Forêts) - 2002.2587 - Nadif (A.), Lakbidi (C.), Boulif (M.), Ouhssine (M.) -Détection d’une bactérie responsable de la pourriture molle sur labetterave à sucre dans la plaine du Gharb - Proc. Congr. IIRB,Marrakech, 21-23 Mai2001.8 - Snaiki (J.), Nadif (A.), Ouhssine (M.) - Détection de deuxpathotypes d'Erwinia causant la maladie de la pourriture molle surla betterave à sucre dans la plaine du Gharb au Maroc. - EPPOBull., 2005, 35 (3), 537.9 -Snaiki (J.), Ouhssine (M.), Nadif (A.) - Lutte chimique contreles germes de la pourriture molle de la betterave sucrière de larégion du Gharb. - Journ. Nat. Microbiol., Oujda, 27 et 28 Mai2005. Poster P36. http://ww1.univ-oujda.ac.ma/jonami/Cahier desresume poster.pdf

ABSTRACTDecrease in sugar level of sugar beat owing to soft mold caused byErwinia carotovoraThe development of sugar beat in the Gharb plain in Morocco hasled to the proliferation of parasites and pathogenic agents in thiscrop. Bacterial soft rot due to Erwinia carotovora has induced areduction in sugar levels.Key-words: bacterial soft rot, Beta vulgaris, Erwinia carotovora,sugar, sugar beat.

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ChapitreCanne à sucre au maghreb 27

SUCRE DE CANNE MADE IN DZ [email protected] 7.06.15Avez vous remarqué sur les villes du littoral « al gsab », Ces roseaux qui poussent un peu partout ? Dès qu'il y a unterrain non cultivé, ils prolifèrent. Roseaux et canne à sucre sont des familles botaniques proches. Pourquoi ne pasessayer de planter de la canne à sucre en Algérie ?

L'Algérie n'a pas le climat équatorial de Cuba pourcultiver de la canne à sucre, notamment lapluviométrie. Cependant, de l'eau on peut s'enprocurer à partir de la récupération des eaux de pluieet des eaux des stations d'épuration. Cette mobilisationpermettrait de cultiver de petits périmètres de culture.La rentabilité de telles productions pourrait êtreassurée par des circuits courts : de petits ateliers detransformation de la canne et des sous-produits. La transformation de la canne à sucre nécessite peu demoyens. Ce processus nécessite un broyage des tigespuis l'extraction du sucre par eau chaude. Les jus sontensuite asséchés ce qui permet la cristallisation dusucre. On obtient également un résidu : la mélasse quiconstitue un excellent complément alimentaire pour lebétail.

PRODUCTION ARTISANALE ET FAMILIALE DESUCRE DE CANNEOutre la culture de la canne à sucre, il serait possibled'envisager la présence de cette plante dans les jardinsfamiliaux. L'exploitation des cannes nécessiterait alorsun broyeur manuel permettant l'extraction du jus decanne. L'arrosage des cannes pourrait être assurénotamment par le recyclage d'une partie des eauxdomestiques des habitations.

L'exploitation artisanale des tiges de cannes à sucreest courante dans nombre de pays produisant de lacanne à sucre. Des vendeurs ambulants proposent desboissons rafraichissantes. Pour cela ils disposent depetits broyeurs manuels qui leur permettent depréparer devant la clientèle les boissons. Au mettre titre qu'une vigne dans une cour ou un arbrefruitier dans un jardinet, quelques cannes pourraientêtre présentes chez les particuliers.Actuellement, à notre connaissance, il n'existe pas depépinières proposant de jeunes tiges de cannes àsucre. De tels jeunes plants seraient à ramener duMaroc ou de France. Pourquoi le Maroc ? Car ce payspossède une longue tradition de culture de la canne àsucre. Des vestiges archéologiques, dont des bacstaillé dans la pierre font remonter sa culture au 15èmesiècle. Par ailleurs, la reine Victoria n'utilisait que dusucre produit au Maroc pour sucrer son thé.Actuellement, le Maroc produit 50 % de ses besoins

en sucre en cultivant canne et betterave à sucre.

Concernant la plantation de cannes, comme pour lesroseaux, il suffit de mettre sous 5 à 10 centimètres deterre une tige de canne pour qu'elle bourgeonne àchaque nœud et produisent ainsi de jeunes pousses.Celles-ci sont exploitables dès la deuxième année deculture.

P. RABHI, NON AU DESERT MINERAL DE NOSVILLES

L'idée de produire du jus de canne à sucre dans lecadre d'una agriculture urbaine et péri-urbaine peutparaître saugrenue. Cependant, les chiffres sont là. Onassiste à une augmentation croissante des bouches ànourrir. Il faut également compter sur l'attraitqu'exerce notre pays sur les populations du sahel quise voit de plus en plus fermer les portes de l'eldoradoeuropéen. Parallélement, à cette augmentation onasiste à une réduction des surfaces en sols agricoles eten eau dans un contexte de réchauffement climatique.Aussi, il nous semble, qu'en zone littorale où lapluviomètre dépasse allègrement les 600 mm de pluieannuels, et où les températures sont clémentes chaquemètre carré sauvé du béton devra servir à l'avenir à laproduction agricole. Avant de penser à produire sur lestoits des immeubles, le bon sens voudrait que lesterres les plus fertiles du pays soient sauvée du bétonet que les espaces libres soient cultivés. Produire duraisin en ville du raisin ne demande que peut desurface. Nombre de maisons algériennes possèdentune cour possèdant une vigne sous forme de treille.Déjà, à l'étranger il est envisagé de produire du raisincontre un mur d'immeuble ou de planter des arbresfruitiers pour ombrager des parkings. Pour P. Rabhi, les villes de demain ne devront plusêtre un désert minéral, mais un espace où le végétalreconquiera ses droits.

SE REAPPROPRIER UN POUVOIR DE DECISIONALIMENTAIRE

Il nous semble que l'agriculture algérienne doit seréapproprier la capacité de produire du sucre ; que cesucre soit issu de betterave sucrière ou de canne àsucre En Algérie, la culture de betterave à sucre a

existé dans les années 70. Elle a été arrêtée après ladisparition du président Houari Boumediène car jugéepeu rentable. Or, l'évolution des techniques d'arrosagelocalisée telle que le goutte à goutte, ou les semencesmono-germes de betteraves ainsi que les progrès de lamécanisation permettent d'envisager de telles culturesen Algérie. Même si elles devraient à l'avenir couvrirqu'une partie des besoins locaux, une telle productionpermettrait un plus grand pouvoir de négociation desraffineurs de sucre algériens lors de leurs achats dematière première sur le marché international.Actuellement, les stocks de sucre ne couvrent quequelques mois de la consommation locale.

Or, certains industriels de l'agro-alimentaire restentsur des positions passéistes en affirmant qu'il n'est paspossible de produire du sucre en Algérie.Actuellement les productions agricoles locales fontl'objet d'une mutation. Une rupture technologique esten train de s'oppérer. Du fait de la poursuite desimportations de produits alimentaires, cette rupture est

encore méconnue du large public. Or, que ce soit enmatière de production de tomate industrielle,d'enrubannage des fourrages ou du semis direct sanslabour, des agriculteurs ont modifié radicalement leurfaçon de procéder. Les nouvelles techniques deproduction de la tomate ont permis de multiplier partrois les rendements, l'enrubannage permet deconserver la valeur alimentaire des fourrages plus detrois ans. Quant au semis direct des céréales, nonseulement ce moyen permet de combattre lasécheresse mais il réduit considérablement les coûtsde production.

Concernant le consommateur, il doit avoir lapossibilité de se ré-approprier cette capacité deconsommer locaux. La culture de la canne à sucrepeut permettre de produire artisanalement du jus decanne, des sodas, du sucre ou des infusions sucréescomme cela existe en Colombie. Le consommateurlocal est actuellement dépendant de produitsétrangers.

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ChapitreLe sucre dans l'alimentation 29

PRATIQUES ALIMENTAIRES DES DIABETIQUES. ÉTUDE DE QUELQUES CAS A ORAN (ALGERIE)Food practices of the diabetics. Study of some cases in Oran (Algeria)Ouassila Salemi p. 80-95

Résumé : Cette étude a été menée à Oran (Algérie). Elle tente d’appréhender les enjeux liés au suivi du régime alimentaire. Ils’agit de montrer toute la complexité des pratiques alimentaires auxquelles sont confrontés les diabétiques, de saisir del’intérieur leurs logiques et les motivations qui président au suivi ou non du régime alimentaire. Il en ressort que l’adoption ounon du régime alimentaire ne dépend pas uniquement de la volonté du diabétique. Il ne s’agit pas simplement d’ordonnerl’application de la norme médicale car l’alimentation ne relève pas uniquement du sanitaire ou du nutritionnel. Les malades serévèlent acteurs en déployant leurs propres stratégies face aux différentes contraintes de la vie quotidienne.

Mots-clés :alimentation, contraintes sociales, diabète,famille, stigmateKeywords :diabetes, family, food, social constraints,stigmaIndex JEL :D1 - Household Behavior and FamilyEconomics, L1 - Market Structure; Firm Strategy; andMarket Performance

Je remercie vivement Pr Mohamed Mebtoul pour sesconseils et ses encouragements, le Comité derédaction de la revue, ainsi que les relecteursanonymes pour leur lecture attentive et leurs précieuxet pertinents commentaires.

Introduction 1 Le diabète est une maladie caractérisée par unehyperglycémie (hausse du taux de glycémie dans le(...)

1Le diabète1 est l’une des causes de décès les plusimportants dans le monde. Il prend des proportionsalarmantes et suscite de vives inquiétudes chez lespraticiens en charge de cette maladie. Selonl’Organisation mondiale de la santé (OMS), il y a plusde 180 millions de diabétiques dans le monde. Unchiffre d’autant plus effarant qu’on prévoit le double àl’horizon de 2030. Alors qu’ils étaient très rares il y aencore vingt ans, 63 % des diabétiques vivent dans lespays en développement. L’OMS estime que le taux demortalité dû au diabète va augmenter de 50 % durantla prochaine décade si aucune mesure urgente n’estprise. Véritable épidémie, le diabète est responsablede plus de décès que le VIH, il tue une personnetoutes les dix secondes.

2En Algérie, le diabète constitue l’un des problèmesmajeurs de santé publique, en particulier le diabète detype 2 et ce en raison de l’explosion de son incidence(Kourta, 2006). Sur une population estimée à 32millions d’habitants, et selon la Fédération algériennedes associations des diabétiques, le nombre dediabétiques a atteint le chiffre de 2 millions dont 21 %d’insulinodépendants. Selon la Société algérienne dediabétologie, 90 % de la population des diabétiques

présentent le diabète de type 2 et 10 % de type1(Hadjiat, 2006). L’Algérie traverse depuis deuxdécennies une transition sanitaire. En effet, levieillissement progressif de la population s’estaccompagné d’une augmentation des pathologieschroniques non transmissibles. Une enquête nationale,nommée Transition and Health Impact in North Africa(TAHINA) a été menée dans le cadre global d’unprojet de recherche sur la transition épidémiologiqueet son impact sur la santé en Afrique du nord. Elle aété réalisée en 2005 par l’Institut national de santépublique d’Alger (INSP) en collaboration avecl’Union européenne dans 16 wilayas (départements).Selon cette étude, le diabète est le deuxième étatmorbide le plus fréquent (8,78 %) aprèsl’hypertension artérielle (16,23). Il touche 12,21 %d’Algériens dont une prédominance féminine de 12,54%. Le diabète est plus fréquent en milieu urbain, il estde l’ordre de 10,15 % contre 6,40 % en milieu rural.

3Durant notre présence, aussi bien au service demédecine interne qu’au centre de santé de Maraval,les femmes étaient plus nombreuses à consulter. Enoutre, le service de diabétologie du centre hospitalo-universitaire d’Oran, a confirmé que les femmes sontles plus exposées au diabète. Les principales raisonsen cause sont liées à l’obésité qui influe à 70 % sur lasanté des femmes et les expose aux complications dudiabète, ensuite les facteurs liés aux troublespsychiques (Kourta, 2008). Cette prédominanceféminine n’est pas spécifique à l’Algérie. En effet, unesérie d’aspects sociaux, culturels et économiques dufardeau discriminatoire du diabète pèse sur lesfemmes dans quasiment toutes les régions du monde(Henrichs, 2009). En outre, selon l’OMS, près de lamoitié des décès imputables au diabète surviennentchez des personnes de moins de 70 ans et 55 % despersonnes qui meurent de la maladie sont des femmes.

4Dans la perspective médicale de la prise en charge dudiabète, le respect du régime alimentaire revêt unedimension importante. En effet, l’administration dutraitement médical, qu’il s’agisse de l’insuline oud’antidiabétiques oraux est tributaire d’une

alimentation hypocalorique, réduite en lipides saturéset en sucres simples. L’approche médicale, centrée surl’équilibre de la glycémie et sur la prévention descomplications du diabète rejoint dans son optique,l’éducation nutritionnelle conventionnelle dontl’objectif est la modification des comportementsalimentaires. Elle est basée sur l’hypothèse selonlaquelle l’ignorance et le manque de connaissancesdiététiques sont à incriminer dans les mauvaisesconduites alimentaires et que l’acquisition d’un savoiret d’un savoir-faire est à même d’aboutir à uneamélioration de la situation nutritionnelle (Calandre,2002). En effet l’information sur les risques encourusà la suite du non respect du régime alimentaire n’étaitpas suffisante pour changer les pratiques desdiabétiques. Il nous semble que cette attitude qualifiéed’« irrationnelle » par le corps médical doit nousinciter à rechercher les dimensions sociales quiimprègnent profondément la vie quotidienne. Or biensouvent, les médecins prennent peu ou prou enconsidération la dynamique socio-alimentaire. Lefaible impact des campagnes de prévention et desensibilisation à une nourriture diététique montre bienqu’au-delà de sa dimension bio-nutritionnelle,l’alimentation intègre d’autres préoccupations d’ordresocio culturel (Calandre, op. cit.). La limite del’éducation nutritionnelle est qu’elle met en positiondominante les critères de santé et de nutrition, enéclipsant les autres fonctions de l’alimentation,hédonique, sociale et culturelle. Or l’alimentationn’est pas seulement la satisfaction d’un besoinphysiologique, elle est un acte complexe qui renvoie àdes réalités psychologiques, sociales et culturelles(Lahlou, 1988). L’alimentation est une productionsociale et un système de comportements et dereprésentations de la vie sociale (Garabuau-Moussaoui, 2002) : « Les hommes ne mangent pas desnutriments mais des aliments cuisinés, combinés entreeux au sein de préparations culinaires (…) selon unprotocole fortement socialisé » (Poulain, 2002).

5Selon l’enquête TAHINA, « les Algériens mangentmal », la consommation alimentaire quotidienne nerespecte pas les recommandations internationales desanté (Kourta, 2006). Elle est jugée faible en fruits etlégumes (0,6 fruit par jour au lieu des 2 portionsrecommandées et 0,8 légume par jour au lieu des 3portions recommandées). En revanche, laconsommation des produits gras et sucrés est en deçàdes normes (2,7 portions-jour contre 1 portionrecommandée).

6Le regard socio-anthropologique, qui tente decomprendre la complexité de l’objet aliment, s’inscritdans une logique de refus du jugement de valeur surles pratiques alimentaires (Mebtoul, 2007). Il s’agitpour nous, de questionner les logiques sociales

déployées par les diabétiques à l’égard del’alimentation, le sens attribué au régime et lesdifférentes contraintes auxquelles ils font face. Il noussemble que la compréhension des sens donnés àl’aliment et au régime est importante avant de décréterla transformation autoritaire des comportementsalimentaires. Car comme le proclamait déjà MargarethMead dès 1945 : « Avant de chercher à savoircomment changer les habitudes alimentaires [il fauttout d’abord] comprendre ce que manger veut dire ».Françoise Héritier-Augé (1985) avait écrit : » L’autre,c’est d’abord celui qui ne mange pas comme soi ».L’alimentation apparait ainsi comme le socle à partirduquel se développent aussi bien les identitésindividuelles que collectives. L’alimentation en tantque fait social constitue un ensemble dereprésentations, savoirs et pratiques qui s’affirmentdans ses différences par rapport à d’autres systèmesalimentaires (Suremain et al., 2006).

2 Les waâda ou zerda constituent des repas festifsoccasionnels pour célébrer les saints spécifiques (...)

7En Algérie, l’alimentation constitue le point nodal dedifférents regroupements qui ont lieu à l’intérieur desespaces domestiques ou en dehors, lors de repasfamiliaux habituels ou au cours d’occasions commeles mariages, les naissances, etc. Des regroupementsplus importants de populations venues des alentoursou de régions plus éloignées se réunissent dans leswaâda2.

3 Gros grains de semoule roulée, cuits dans unesauce faite de légumes et de viande. 4 Lambeaux de pâte feuilletée arrosés de sauce delégumes et de viande. 5 Losanges de semoule farcis à la patte de dattes,frits dans l’huile et enrobés de miel. 6 Oreillettes de farine et de beurre, frites dansl’huile, enrobées de miel et parfumées aux grains (...) 7 Table basse.

8Elles viennent célébrer en communion et dans laliesse, le plus souvent autour d’un grand couscous,l’ancêtre commun, ou rendre hommage à un sainthomme vénéré auquel est dédié un mausolée. Seretrouver pour manger ne se limite pas auxévénements heureux. Les funérailles sont aussi desoccasions pour partager la nourriture, exprimer sacompassion, renforcer les liens familiaux etcommunautaires. L’histoire alimentaire algériennetémoigne d’une très ancienne expérience agronomiqueet d‘une riche tradition culinaire. Malgré l’avènementde l’industrie agroalimentaire, les algériens restenttrès attachés aux plats traditionnels comme lecouscous, le berkoukes3 la chakhchoukha4 et lesdifférentes soupes et pâtes, qui sont toujours appréciés

aussi bien dans les compagnes que dans les villes. Lesplats autochtones associés aux apports extérieursconstituent la cuisine algérienne actuelle, changeanted’une région à une autre, souvent par de légèresvariantes et parfois de façon radicale (Bouayad,1978). Les gâteaux ne sont pas en reste, makrout5,griwèche6 et autres douceurs sont présentes pouragrémenter les meida7 autour desquelles membres dela famille et hôtes, dégustent avec du thé ou du café.Nos pratiques culinaires imposent le partage avec lesmembres de la famille (Mebtoul, op. cit.). En effet, leplat collectif est prédominant dans les foyers algériens(52,07 % des Algériens mangent dans le platcommun). En outre, tous les repas sont pris à domicilepour plus

9 de 93 % des cas et les trois principaux repas sontpris en famille.

10Afin de répondre à notre problématique, nous avonsprivilégié l’approche qualitative. Notre posture socio-anthropologique qui s’inscrit dans l’altérité a consistéà restituer les propos de l’autre par la recherche de laqualité des discours émis par les interviewés. Elle estbasée sur des entretiens individuels approfondis,répétés et de longue durée (entre une heure et demi etdeux heures environ), et l’observation fine et détailléedes différents espaces investis. Ces deux techniquesjumelées nous paraissent les mieux adaptées afin de »relever les discours et les situations permettantd’accéder aux croyances, aux représentations, auxpratiques et aux institutions qui donnent sens à unesociété » (Fassin, 1990). Nos investigations se sontdéroulées en premier lieu au service de médecineinterne de la nouvelle structure hospitalière 1ernovembre d’Oran. Ce choix se justifie par le fait qu’ilest un service de consultation et d’hospitalisation demalades diabétiques. En outre, la présence en son seind’un allié a constitué une opportunité. En effet,l’obtention d’une autorisation d’enquête a été facilitéeet la circulation à l’intérieur du service sans porter deblouse ainsi que la possibilité de s’entretenir en apartéavec les patients ont constitué des atouts pour le bondéroulement de l’enquête. Nous avons pu avoir accèsaux dossiers des malades et nous nous sommesentretenus avec huit d’entre eux : cinq femmes et troishommes, âgés de 25 à 52 ans. Dans un souci dediversification, nous avons opté pour un second lieu,le centre de santé de Maraval situé dans la même ville.Cette structure de santé compte parmi les unitéssanitaires de base. Ces dernières se trouvent être lapremière destination des malades (52,09 % des cas yont recours, selon TAHINA). Le médecin généralistey exerçant est notre informateur privilégié. Il estchargé du suivi des malades chroniques,principalement des diabétiques, pour certains de trèslongue date. Nous avons pu assister aux consultations,

rencontrer les malades, pour ensuite prendre rendez-vous pour des entretiens à domicile. Nous avonsinterviewé huit femmes au foyer âgées entre 43 et 65ans, différentes dans leurs caractéristiquessociodémographiques (cf. l’annexe). Les entretiens sesont déroulés pendant le mois de Ramadhan. Lespropos des enquêtés ont été recueillis sur unenregistreur numérique. Le matériel sonore a ététraduit de l’arabe dialectal et saisi en français.

11Trois parties structurent cet article. Les contrainteséconomiques seront d’abord évoquées. En effet, nosinterviewés liaient les difficultés de suivre le régimepréconisé à la précarité de leur situation. Puis, nousmontrerons que les pratiques alimentaires sontrévélatrices de la nature des relations existant au seindes familles ainsi que du statut du diabète dans lasociété. Enfin, nous verrons, comment certaineshabitudes et traditions culinaires ont un impact sur lespratiques alimentaires des diabétiques, et commentl’alimentation renvoie à des univers de sens aussivariés que le plaisir, la convivialité et lacommensalité.

Les contraintes économiques 8 Le seuil de pauvreté général étant de 5,7 %, lepourcentage restant représente les couches intermé(...)

12Le diabète devient de plus en plus une maladie despauvres (Hamadachi, 2009). Les difficultéséconomiques suivies de la dévaluation du dinaralgérien (DA) ont provoqué une augmentationsignificative du prix des aliments de base, notammentdes céréales. L’étude réalisée en 2006 par le Centrenational d’études et d’analyses pour la population et ledéveloppement (CENEAP) a révélé que 11,1 % desménages algériens sont pauvres, 15,2 % vivent enmilieu rural et 8 % dans les centres urbains8.

9 Le ftour est le repas pris à la rupture du jeûne dumois de Ramadhan.

13La relation entre le niveau des ressourcesfinancières et la consommation est apparuedéterminante dans les conduites alimentaires desdiabétiques interviewés. En effet, dans un contextemarqué par la cherté des produits de consommation, lacomposition du panier de provisions reste tributairedes fluctuations des prix du marché. Cette situations’accentue pendant la période de Ramadhan où onassiste à une véritable flambée des prix. Devant cetétat de fait, les femmes, actrices socialesincontournables dans les pratiques culinaires(Mebtoul, op. cit.) mettent en branle une imaginationcréatrice afin de concocter le fameux ftour9 duRamadhan. Houria, 65 ans, est diabétique depuis

douze ans et mère de deux filles et trois garçons. Sonmari est retraité. Deux de ses fils sont partis enFrance. Son troisième fils ne travaille pas, il vit avecsa femme et son enfant. A peine avions-nous abordé lethème du régime qu’elle s’exclama :

14« On ne va pas se mentir, ce n’est ni facile, niévident de faire le régime ! Ils nous disent de mangerceci, de ne pas manger cela, mais nous, on n’a pas…iln’y a pas ! On n’est pas en Europe, là-bas oui, il y a detout, ici non. Que te dire sinon qu’on espère que Dieusoit avec nous. »

15Le régime alimentaire apparaît ainsi commeincongru devant un budget extrêmement serré. Il n’estpas question pour Houria de penser au régime dans detelles conditions :

16« Quand mon fils m’a lu la feuille que lui a remisele médecin, où étaient mentionnés les aliments que jedois prendre pour mon régime, je ne pouvais qu’enrire. Le régime demande des moyens que je n’ai pas.Mon fils ne travaille pas. La retraite de mon mari nepeut pas subvenir à tous nos besoins. Nous nousingénions, ma belle fille et moi à préparer des platsqui soient agréables et suffisants pour tout le monde,surtout en cette période de Ramadhan. Alors pour cequi est du régime, c’est une autre paire de manche.Manger des fruits comme les pommes, de la viandegrillée, des légumes, c’est vraiment impossible…Impossible… ».

17Ainsi le régime n’est pas envisagé à cause de larestriction budgétaire. Le plus important est deconcilier menu et prix du marché. Avec la retraite deson mari qui est de l’ordre de 10 000 DA (avoisinantles 100 euros), Houria se tourne vers les denréesalimentaires les moins chères à l’exemple du riz et dela pomme de terre. Mais cette dernière est devenue,elle aussi inabordable :

18« Le médecin m’a encore dit hier de faire le régime,mais avec quoi ?avec 10 000 DA comment faire… Estce qu’avec 10 000 DA, on peut acheter les pommes, laviande de bœuf, le poulet, etc. Maintenant, on estobligé d’acheter du riz et de la pomme de terre, que tedire sinon que nous vivons ‘la situation du pauvre’ etmême la pomme de terre qui était le légume dupauvre, avec laquelle on arrivait à faire la cuisine sanstrop se casser la tête, eh bien ! Elle est devenue unluxe, son prix avoisine les 100 DA ! Tu te rendscompte elle est devenue aussi chère que les fruitssinon plus ! On nous dit de faire le régime mais il fautvoir comment on vit ! »

19Saliha a 39 ans. Elle est diabétique depuis trois ans.Son mari est instituteur. Elle a cinq enfants. Elle aussi,

invoque des contraintes d’argent comme un obstacledans le suivi de son régime :

20« Il ne suffit pas de dire au malade de faire lerégime, ce n’est pas aussi facile ! Le diabétique abesoin de manger, de bien manger et de manger debonnes choses, comme les pommes par exemple. Etcela nécessite de l’argent bien sûr ! La dernière foisj’étais malade, le médecin, m’a dit que j’ai unecarence en calcium et en vitamines. Il m’a dit que ceque je mange est pauvre en vitamines. Mais commentfaire ! »

21La paie de son mari étant insuffisante, Saliha atrouvé quelques astuces pour pallier le manqued’argent :

22« Je fais la ‘hrira’ pour deux jours, je ne jette pas lesrestes, je mets au frigo et je garde pour les enfants. LeRamadhan est synonyme de dépenses. La paye demon mari est de 24 000 DA et avec le mariageprochain de ma fille, je suis en train de préparer sontrousseau. J’ai vendu mes bijoux en or et mon marin’est pas au courant. Tu sais comment je fais pour medébrouiller ? Eh bien, je mets des pièces de monnaie,au fur et à mesure, dans la tirelire et quand il y a assezd’argent, j’achète ce qui manque. J’achète à l’insu demon mari. Lui, il achète le gros, la pomme de terre,les légumes… Des fois avec 300 DA, j’achètequelques épices, du sel, du vinaigre. Par exemple, cematin, en emmenant ma fille à l’école, j’ai acheté lesavon à 50 DA. Si je lui dis, il me répondra, qu’il n’apas. Lui, il se contente de faire le marché et il me ditde me débrouiller, alors que les diabétiques ont besoinde bien manger et de prendre des vitamines. »

23Djamila a 51 ans, cadette de quatre filles et de deuxgarçons, elle est célibataire et vit seule. Anciennecouturière, elle est diabétique depuis trente ans. Nepouvant pas travailler depuis l’opération faite sur samain, elle ne vit que de la retraite de sa mère qui estde l’ordre de 1 000 DA (10 euros). Elle ne perçoit plusla pension chômage estimée à 3 000 DA :

24« Le régime demande des moyens importants.Avant quand je travaillais, ça ne posait pas deproblème, j’achetais avec mon propre argent. J’avaisla possibilité d’acheter et quoi acheter. Quand tu aston propre argent, tu peux dépenser comme tu veux,mais dans le cas contraire, tu restes enchainée. Tu nepeux rien faire et c’est vraiment difficile. La retraitedes vieux n’est que de 1 000 DA. Je t’assure que je nevis que de 1 000 DA et encore, il y a quelque temps, jene recevais que 800 DA… C’est la retraite de mamère, mon père n’en a pas, il n’a jamais vraimenttravaillé. Les gens croient que je touche 10 000 DA.Quand je leur ai montré le papier ou était inscrit le

chiffre, ils ne croyaient pas leurs yeux, ils ajoutaientcomment fais-tu pour vivre ? Tu sais, bien que je soisdans le besoin, je ne demande jamais l’aumône auxgens. S’ils veulent bien me donner, j’accepte, sinon jesuis comme tu me vois. Avant je n’avais pas trop deproblème pour suivre mon régime, mais maintenant,ce n’est pas moi qui parle, c’est celle-là… (Ellemontre la fiche de paiement du mois courant), je n’airien reçu. Je ne touche plus l’argent du chômage. Jesuis en train de courir à droite et à gauche pour réglerle problème. Dis-moi comment vais-je faire pourpayer l’eau, l’électricité, le gaz. Et si j’arrive à lespayer, que me resterait-il pour acheter le marché, jesuis vraiment entrain d’y penser… il n y a rien, queveux-tu cuisiner, plutôt que peux-tu cuisiner, alorsl’essentiel c’est de trouver quelque chose à manger,n’importe quoi ! »

25Pendant le mois de Ramadhan, période durantlaquelle l’entretien a été réalisé, Djamila est invitéechez sa sœur aînée pour manger chez elle :

10 Le shour est le repas pris tard dans la soiréepour pouvoir tenir la journée pendant le mois de Ra(...)

26« Pendant ce mois de Ramadhan, je vais mangerchez ma grande sœur, elle n’habite pas très loin. Elles’est toujours occupée de moi, surtout quand je tombemalade. Moi aussi, j’ai toujours été à ses côtés, lors deson opération, j’étais à son chevet. Elle et son mari ontinsisté, ils savent très bien dans quelle situation je suiset je t’avoue que je n’ai pas le choix. Mais cela neveut pas dire que je ne cuisine pas du tout. Je préparequand même quelque chose, il se pourrait que monfrère vienne chez moi, donc il doit y avoir de quoimanger, de toute façon, s’il ne vient pas, je garde lanourriture pour le shour10. »

27Ces illustrations montrent bien la difficulté deconcevoir le régime devant les contraintes liées à lacherté de la vie. Ainsi, « la conformité aux normesnutritionnelles ne fait pas partie des préoccupationspremières, qui relèvent de la gestion d’une forme depénurie, du poids des tâches domestiques et d’unefaible intégration sociale » (Régnier, 2009).

28Il n’est pas inutile de rappeler que le diabète et sesconséquences, en termes de mortalité et de morbidité,particulièrement en ce qui concerne le développementdes complications, frappent en premier lieu lesmembres des communautés les plus vulnérables,principalement, les personnes à faible niveau socio-économique, réactivant ainsi la question récurrente etpréoccupante des inégalités de santé (Imbert, op. cit.).Ainsi, les disparités financières pour avoir accès à desaliments sains expliquent pourquoi l’incidence du

diabète et de l’obésité se trouve parmi les populationsles moins favorisées, à fort taux de chômage. (Bihr etal., 2000). Mais les facteurs économiques et leslimites des revenus ne permettent pas à eux seulsd’expliquer le comportement des diabétiques. Ilss’accompagnent d’autres considérations liées auxrapports sociaux de sexe au sein de la famille, dansl’organisation sociale et du statut du diabète dans lasociété.

Relations familiales et statut du diabète29Manger ensemble apprend à partager une culture, àmanier un système de signes et implique des conduitesnormées et interdépendantes de prise en compted’autrui (Rivière, 1995). Ainsi les pratiquesalimentaires sont révélatrices de la nature des rapportssociaux qui se tissent au sein des espacesdomestiques. Camille Lacoste-Dujardin (1996), dansson ouvrage traitant de la maternité et du patriarcat auMaghreb, a développé une analyse très pertinente desrelations familiales. Elle a mis en exergue laparticularité de la relation qui lie le fils à sa mère :

30« Le mariage du fils a donc introduit une tiercepersonne aux côtés de la dyade mère-fils : une jeunefemme… La mère gagne incontestablement enpouvoir : à sa fonction maternelle simple s’ajoutedonc désormais celle d’une responsable de l’entreprisedomestique, organisant et dirigeant le travail despersonnes qui sont à présent placées sous ses ordres…En fait, à l’influence maintenue entière sur son filsvient s’ajouter une domination réelle sur la nouvellevenue, où les liens affectifs n’ont au moins au début,que fort peu de part, quand ils ne sont pas chargésd’hostilité et de jalousie latente. Quand à la nouvellejeune femme, elle ne se hasarde guère, à son arrivée, àtenter d’acquérir quelque pouvoir. Préparée dèsl’enfance, et par une femme, sa mère, à l’école de lasoumission et du travail domestique de la maisonnée,de peur d’encourir le risque d’une répudiation quicompromettrait ses chances d’accéder à son tour auseul statut possible et gratifiant pour une femme :celui de mère de fils. »

31Camille Lacoste-Dujardin montre bien comment lafemme n’accède au statut que la société lui reconnait,qu’en se mariant et en devenant mère et de garçons desurcroit. Cette tradition de la femme mère-avant-toutest intériorisée par la femme elle-même selon lespréceptes de l’idéologie patriarcale basée sur ladomination masculine. Nos pratiques alimentairessont révélatrices de la prégnance du fonctionnementde ce modèle traditionnel basé sur les rapports sociauxde sexe. Les hommes mangeant seuls, ou alors il y aun ordre des repas : celui des hommes précédant celuides femmes (Lacoste Dujardin, 1996). Le régimealimentaire du diabétique, produisant des

modifications dans les pratiques culinaires socialiséesau sein de l’espace familial, peut être ainsi producteurde tensions entre les membres de la famille. Il sembleainsi difficile de concilier le régime individuel avec unrepas conçu pour toute la famille, surtout quand lapersonne concernée par le régime est une femme,socialement dominée. C’est le cas de Kheira, 56 ans,mère de cinq garçons et de deux filles et diabétiquedepuis dix-neuf ans. Hypertendue, elle doit ainsisuivre un régime demi-sel. Elle disait : « Au momentde servir, les garçons qui mangent avec leur père nesont pas satisfaits. Ils émettent des commentaires, ilsveulent que le repas soit impeccable, ils ne veulent pasresaler, ils disent qu’ils ne sont pas malades, alors jedis à ma fille de ne pas prendre en considération monrégime pour éviter les problèmes. »

32Sa fille l’interrompt : « Quand ils rouspètent, je neme tais pas. Je leur dis que le régime est important.D’ailleurs quand je mange avec ma mère je ne resalepas. »

33Et sa mère d’ajouter :« C’est surtout mon mari à quiça ne plait pas, les garçons sont plutôt compréhensifs,surtout l’aîné. D’ailleurs c’est lui (l’aîné), malgré lefait qu’il n’a pas de travail fixe qui m’achète lesmédicaments non remboursables que je prends pourmon traitement contre les champignons. »

11 Ce mot veut dire littéralement atteinte à lapoitrine. Il est fort stigmatisant car il fait allusi (...)

34Ainsi les relations familiales structurent lespratiques alimentaires. Ces dernières basées sur desrepas conçus pour toute la famille piègent souvent lerégime alimentaire centré sur la personne malade(Mebtoul, op. cit.) et tiennent compte aussi desrapports sociaux de sexe. Même si de plus en plus dejeunes mariés vivent en dehors du cocon familial, denombreuses mariées se plaignent de l’ingérence de labelle-mère dans la vie du « couple ». Benabed (2008),dans son étude sur les couples stériles, a montrél’emprise de la belle mère dans la relation conjugale etla pression qu’elle exerce sur le couple dès quel’enfant tarde à venir. Cette dernière se manifeste dansson rôle de contrôleuse de la vie du couples’exprimant par la violence symbolique des mots.L’entretien avec Amina, 25 ans, universitaire, mère detrois filles, diabétique depuis quatre ans, est révélateurde cette emprise. Contrainte de cacher sa maladie à sabelle-mère, elle déclare : « Il n y a que ma famille(mes parents, mes frères et sœurs) et mon mari quisont au courant de mon diabète. Déjà que ma bellemère voit mal que je sois asthmatique, et pour celaelle me traite de messdoura11. Si elle apprenait que jesuis diabétique ce serait pire ! »

35La belle-mère continue à jouer un rôle essentieldans l’espace familial (Mebtoul, 2000) même si ellen’habite pas sous le même toit que son fils. La belle-mère d’Amina qui n’a pas eu son mot à dire pour lemariage de son fils unique, semble constituer unemenace pour la stabilité du couple : « Elle n’a jamaisvraiment accepté notre mariage, mon mari l’a misedevant le fait accompli. Naïve comme je suis, je leurai dit que j’étais asthmatique. Depuis elle ne rate pasune occasion pour me le rappeler, surtout quand ellevient chez moi et qu’elle me trouve souffrante.D’ailleurs, elle n’arrête pas de répéter que son filsdevrait épouser une femme en très bonne santé, alorssi par malheur elle apprenait que je suis diabétique,j’appréhende le pire… A l’annonce de la maladie, jeme suis dit que c’était fini pour moi, que ma vie étaitfinie… Mais grâce au soutien de ma famille et de monmari, j’ai pu remonter la pente. Mon mari m’aidebeaucoup, il m’encourage à bien prendre soin de moi,pour moi pour lui et pour les enfants. »

36Hafida est âgée de 33 ans, elle est diabétique depuistrois ans. L’histoire de sa maladie dénote le rapportconflictuel entretenu avec la belle-mère, au point delier la survenue de sa maladie à cette dernière. A cepropos, elle disait : « Même si je sais que le diabèteme vient de ma famille, mes parents, mes trois frèreset deux sœurs sont diabétiques, mais, ce sont lesproblèmes et les conflits avec ma belle mère qui ontprovoqué mon diabète. Il ne se passait pas un joursans qu’il y ait de querelles, mais j’étais obligée desupporter parce que mon mari n’a pas les moyens delouer dehors jusqu’au jour où on a été tout simplementexpulsés de la maison et nos affaires jetées dehors.Heureusement que j’ai une sœur ici qui a accepté demettre nos affaires chez elle et de nous hébergerprovisoirement, le temps qu’on trouve une solution. Jene sais vraiment pas quoi faire ni comment faire, pourle moment je compte sur la patience de ma sœur et deson mari et sur leur générosité… Quand j’étais chezma belle mère, c’est elle qui décidait du menu, jefaisais la cuisine pour toute la famille. Il n’était pasquestion de suggérer quoi que ce soit, d’ailleurs le faitque je sois diabétique n’a rien changé à la situation.Ma belle mère est autoritaire et ne veut rien savoir. Ondevait manger et se taire ! »

37Ainsi la gestion profane du diabète ne se fait passans relation avec le fonctionnement quotidien desdifférents espaces sociaux (famille, lieu de travail,etc.). Il est intéressant d’observer que le diabétiquemet en avant une perspective qui octroie la primautéaux relations sociales dominantes et prend ainsi encompte les jugements des autres et les interditssociaux au cœur de la société (Mebtoul, 2003) sanss’embarrasser de la rationalité de la norme médicale :«Quand je suis invitée chez des gens, je me comporte le

plus normalement du monde. Je prends un gâteau oudeux et j’augmente la dose d’insuline. Même autravail, personne n’est au courant. Pour mon insuline,je me pique aux toilettes et c’est mieux comme ça ! »(Amina)

38C’est aussi, le cas de Saliha, 45 ans, cinq enfants,diabétique depuis cinq ans. Lors du mariage de safille, elle a du passer la nuit hors de chez elle. Elle n’apas emporté ses médicaments avec elle et elle amangé comme tout le monde. Elle affirmait :« Je suispartie au sud pour le mariage de ma fille et je suisrestée deux jours sans faire mes injections. Je nevoulais pas la faire devant les gens, tu sais les genscomment ils sont... En plus je n’ai pas trouvé unendroit où la faire loin des regards. Je ne voulais pasqu’on s’apitoie sur mon sort et entendre dire ‘lapauvre elle est malade’. Je l’ai donc laissé dans monsac et je suis revenue avec, mais j’ai souffert après. Jene te cacherais pas aussi que j’ai pensé aussi à ma fillemariée et à mes autres filles. Tout le monde saitmaintenant que le diabète est héréditaire, je ne veuxpas que l’on insinue quoi que ce soit à ma fille quivenait de se marier. Je ne voudrais pas aussicompromettre les chances de mariage de mes autresfilles, je préfère que tout ça reste dans le secret. »

39Cette discrétion liée au mariage est apparue aussidans le discours de Djamila : « À part mes sœurs,personne ne sait que je suis diabétique, je ne fréquentepas les gens, je ne vais pas chez les voisins. Je n’aimepas divulguer mes secrets. Les gens parlent trop. Je neveux pas qu’ils le sachent, ils vont commencer à dire,elle a ceci, elle a cela, elle a fait ceci, elle a fait cela.Je ne veux rien de tout cela. Je ne veux pas en parler.En plus, si quelqu’un se présentait pour demander mamain, je ne veux pas qu’il sache que je suisdiabétique. Si on s’entend et qu’on se marie,j’attendrais quelque temps, puis je lui dirais que lemédecin vient de me dire que je suis diabétique. Jesais très bien que si les gens apprenaient que je suisdiabétique, personne ne voudra se marier avec moi.Qui est ce qui va prendre pour épouse une femmemalade ? De toute façon, c’est ma maladie et c’estmoi qui en suis atteinte, elle ne regarde que moi, je nevois pas pourquoi j’irais en parler aux autres ! »

40Le malade diabétique, confronté à certainessituations, se trouve parfois dans l’obligation de seconformer à la norme sociale. A ce propos, Réda, 35ans, sans profession, diabétique depuis cinq ans, disait: « Lors des repas collectifs, de mariages et autresfêtes, tu es obligé de manger comme les autres sinonles gens te regardent de travers. Ne pas manger estperçu comme un manquement à l’hospitalité. Ilconduit aussi au regard accusateur des gens alors jepréfère manger et subir les conséquences. »

41Manger apparaît ainsi comme un engagement dansle groupe et un élément d’appartenance et de cohésionsociale. En effet » nous ne mangeons pas seulementpour nous nourrir, mais aussi pour des raisonscérémoniales et sociales » (Rivière, op. cit.).

42On peut donc rappeler l’influence del’environnement social immédiat sur le comportementdu diabétique. Les illustrations précitées montrentbien le travail de mise en scène qu’opère le diabétiquepour se prémunir du regard de l’autre et préserverainsi sa réputation(Goffman, 1967). Elles montrentaussi comment les diabétiques se basent sur « d’autrescritères d’appréciation, souvent loin du savoir desexperts, liés à la vie quotidienne, à leur proximité del’objet, à leur connaissance du milieu, à l’évaluationplus au moins juste de leurs aptitudes personnelles»(Le Breton, 1995). Le discours sur les pratiquesalimentaires des diabétiques apparaît ainsi comme unegrille de lecture des relations sociales selon desmodalités spécifiques à l’appartenance culturelle.Cette dernière, ensemble de coutumes, de croyances etde rituels sous tend un enracinement d’habitudesalimentaires. Ces dernières liées aux critèreshédoniques et gustatifs des aliments apparaissent aussicomme déterminantes dans les comportements desdiabétiques. C’est à l’analyse de ces aspects que vaêtre consacrée la troisième partie.Changements et résistances. Habitudes alimentaires,goût, plaisir et commensalité

43Le discours médical préconise de consommer desaliments en se basant sur leurs qualités diététiques. Illaisse transparaître des jugements de valeur prompts àsanctionner certains comportements comme desaberrations par rapport à une conception scientifiqueet idéalisée de l’aliment, réduit à ses caractéristiquesnutritionnelles, économiques et, à la rigueurorganoleptiques (De Garine, 1971). Son approche estd’autant plus normative qu’il s’agit d’un régimeprescrit pour une maladie chronique où il est demandéaux diabétiques de se conformer à un certain nombred’exigences basées sur des rations alimentairesreparties dans la journée. Ces dernières doivent obéirà un certain nombre de règles restrictives consistant àmanger moins sucré, moins salé et moins gras. Cesrecommandations qui n’envisagent le corps que dansses dimensions biologiques et physiologiques fontabstraction du sens qui est donné à l’aliment et auxfonctions hédoniques et symboliques ducomportement alimentaire. Les repas constituent desmoments privilégiés de la rythmique régulière de lapersonne et contribuent à forger des habitudesalimentaires (Rivière, op. cit.). Ces dernières, «phénomènes culturels révélateurs de l’organisationsociale et des rapports qu’une société donnée

entretient avec ses membres et le milieu naturelenvironnant » (Bathily, 1991) ont leur impact sur lesuivi du régime alimentaire.

44Nacera a découvert son diabète à la suite desanalyses qui sont habituellement faites aprèsconfirmation de sa grossesse. Même si elle considèreque son diabète lui vient de ses parents, tous deuxdiabétiques, elle impute réellement son atteinte de lamaladie au choc du à l’annonce de sa grossesse nondésirée. Le passage au régime de Nacera n’a pas étéenvisagé dans la durée : « En faisant le régime, jem’attendais à ce que je sois complètement guérie, lemédecin m’avait dit qu’après la naissance du petit, lediabète allait partir, que tout redeviendrait commeavant et que j’arrêterai tout, mais finalement non, ilest resté… »

45La seule fois où Nacera a suivi un régime qu’ellequalifie de « strict », fût après la naissance de sonenfant. La raison invoquée étant la forte peur decomplications de la plaie chirurgicale de sacésarienne. Mais ce qui semble présenter un obstaclepour le maintien de son régime, ce sont ses ancienneshabitudes alimentaires. A ce propos, elle disait : «Quand on mange en famille et quand il en reste, jen’aime pas qu’il en reste. Je fais ça depuis toujours,pas seulement depuis que je suis diabétique. Je n’aimepas laisser les petites quantités de restes. Je me dis àquoi bon les garder, il vaut mieux les consommer toutde suite et ne pas les jeter, alors que normalement, ondoit ramasser les restes, on les garde et quand on afaim, on réchauffe et on mange, mais moi non, je lesmange tout de suite. Je fais ça depuis mon enfance,depuis que j’étais petite. C’est une habitude, je ne saispas, c’est une habitude… une mauvaise habitude. »

46Cette « mauvaise » habitude de manger les restes derepas ne s’arrête pas là. Nacera avoue ne pasconcevoir cette obligation de piquer dans l’assiettecomme un « poussin ». Pour elle, bien manger estsynonyme de rassasiement : « J’aime manger et bienmanger. J’aime sentir le ventre plein et alourdi, mêmesi je me sens mal après. Je deviens comme une poupéesans bras ni jambes. J’aime manger à satiété, Je nesuis pas comme ce poussin qui se contente de piquerun peu de nourriture ça et là et puis c’est tout non nonnon, il faut que je sois rassasiée, je ne vais pas tementir, et le fait de manger trop… trop… (Silence)»

47La manière de cuisiner les aliments semble aussiposer problème dans la mesure où les médecinspréconisent de consommer les légumes cuits à lavapeur, d’éviter les fritures et l’utilisation des matièresgrasses, et opter plutôt pour les grillades :

48Nacera : « Moi je ne veux pas préparer un menu

spécialement pour moi, je te mentirais si je te disais lecontraire. Je ne peux pas manger des plats cuits à lavapeur et diminuer du goût des plats. Par exemple, onnous demande de manger le poisson grillé, moi jen’aime pas le manger comme ça. J’aime le faire friredans l’huile et j’en mange suffisamment c’est-à-direjusqu’à ce que je n’en aie plus envie, jusqu’à ce que jesois rassasiée. Le médecin nous recommande deprendre jusqu’à 4 sardines grillées, moi je les préfèrefrites, je ne les aime pas cuites autrement. »

49Saliha : « Je faisais cuire les légumes à la vapeur,toute sorte de légumes, les haricots, les carottes, etc.mais après je n’en pouvais plus. Je ne pouvais pluscontinuer toute ma vie à manger comme cela, lanourriture n’a plus de goût. Les légumes cuits de cettefaçon sont bien, mais à la longue, franchement cen’est pas possible. »

50Djamila : « C’est difficile de changer sa façon demanger, comme c’est difficile de changer seshabitudes. On mangeait de telle sorte après on doitmanger autrement. Au début je mangeais et quandj’avais faim, je mangeais encore. Les médecins m’ontrecommandée de diminuer la quantité de pain, decouscous, de gâteaux, de sucreries, de fritures et toutce qui peut augmenter le cholestérol. D’un autre côté,il faut manger les légumes cuits à la vapeur. Même sipar exemple je fais cuire les aubergines à la vapeur,pour le poisson, je n’aime pas le manger grillé. Je lefais fondre dans très peu d‘huile, à feu très doux, et ila vraiment meilleur goût. Le poisson grillé, je nel’apprécie pas. »

51L’ancrage social des habitudes et traditionsculinaires apparaît ainsi comme déterminant dans lescomportements alimentaires des diabétiques. Cesderniers semblent aussi être influencés parcettepréférence pour un ou plusieurs alimentsfortement valorisés sur le plan symbolique (Rivière,op. cit.) à l’exemple du pain et du couscous. Cesderniers, présents quotidiennement ouoccasionnellement sur les tables algériennes vont àl’encontre du régime préconisé par les médecins. Ilsemble difficile selon nos interlocuteurs de diminuerleur consommation. Khadîdja, 56 ans diabétiquedepuis vingt ans : « Le médecin nous dit deconsommer une baguette de pain en la répartissanttout au long de la journée. Or cette quantité estinsuffisante et je ne peux pas manger sans pain c’estcomme cela. » Le pain occupe une place centrale dansl’alimentation quotidienne algérienne. En effet, lesAlgériens sont de grands amateurs de pain, il estprésent sur toutes les tables. Sa fabrication relève dusacré car il est considéré comme une na’ma (un donde dieu). Il symbolise la communion des hommesavec le divin et les hommes entre eux (Poulain, 2002).

Il accompagne presque tous les plats et principalementles ragoûts. Trempé délicatement dans la sauce, ilabsorbe le liquide et aide à saisir les morceaux delégumes et de viande, jouant ainsi le rôle de lafourchette (Feki, 2000). « D’un goût agréable à tous, ilconstitue un trait d’union entre les divers plats et faitl’unité de ceux qui le partagent… Il est symbole desécurité, non seulement comme base de l’alimentationmais parce qu’il évoque le fruit du travail, la forceinvestie dans la culture des céréales. La symboliquedu pain est très forte. »(Rivière, 1994)

52Halima déclare : « Pendant le mois de Ramadhan,je dois prendre une assiette de couscous avec du petitlait au « shour ». Pour moi c’est sacré je ne peux pasm’en passer ! ». Le couscous constitue bel et bien unsymbole fort de la cuisine algérienne, il s’apprête demille et une façons. Il s’accommode avec différentessauces et est préparé en toutes occasions. Aliment-emblème, Il tisse les liens qui unissent les membres detoute la communauté et constitue ainsi une sorte debannière derrière laquelle, ils se retrouvent (Poulain,op. cit.).

12 Il s’agit de boulettes de pommes de terre frites.

53D’autres aliments semblent incontournables,particulièrement sur la table du ftour du mois deRamadhan. Mohamed, 52 ans est retraité de lafonction publique. Hospitalisé au moment del’entretien, il estime que les recommandationsmédicales ne sont pas respectées au sein de lastructure hospitalière, en revanche, il affirme : « Uneassiette de Maâkouda12 est indispensable à la table duftour du mois de Ramadhan. Je ne peux pas concevoirla table san. »

54Saliha déclare : « Je t’avoue que je ne peux pas mepasser de mon verre de limonade. Il est indispensableet personne ne pourra me l’enlever ! En revanche je neprends pas de couscous comme avant, parce qu’il medonne des douleurs au niveau du colon. Quant aurégime sans sel, je diminue le sel quand je sens quema tension est élevée. »

13 Le berkouk (ou tajine hlou) est un plat sucré àbase de fruits séchés : abricots, pruneaux, raisin (...)

55Et Djamila, de dire : « Tu sais des fois je n’ai pas dutout de diabète, sauf quand je mange des alimentssucrés. Cette fois ma glycémie est un peu élevée, c’està cause du berkouk13, on commence toujours le moisde Ramadhan par le sucré, pour que tout le moisRamadhan soit aussi sucré (doux) et quand il en resteje n’aime pas le jeter et donc j’en mange et maglycémie monte ! »

56Ces aliments-symboles (pain, couscous, maâkouda,berkouk, etc.) convoquent l’imaginaire de l’individuet produisent un sens qui déborde largement le cadrealimentaire. Les nourritures sont non seulementbonnes à manger mais également bonnes à penser(Strauss, 1962). En outre, ces deux dernièresillustrations montrent clairement comment Saliha etDjamila établissent leur rapport avec la maladie et lerégime alimentaire. Ainsi, elles préfèrent être plutôtdans une logique de contrôle des symptômes, plutôtque dans une logique de contrôle de la maladie etvivre normalement leur quotidien. (Strauss et al.,1975). Cette logique « populaire » (Massé, 1995) sefonde sur la perception que le patient a de sa maladie,de l’efficacité de son traitement (Fainzang, 1997) maisaussi de son rapport aux aliments. Ces derniersacquièrent au sein des repas une mystérieuse valeursymbolique, évocatrice de réconfort, qui est l’un desfacteurs de leur acceptabilité. (Trémolières, 1978). Lesaliments procurent du plaisir, plaisir lié àl’appréciation des mets mais aussi plaisir des repaspris en collectivité, dans la convivialité. En revanche,les restrictions et autres modifications préconiséesdans le cadre du suivi du régime alimentaire remettenten cause les qualités psychosensorielles desaliments.Halima ne cache pas son goût effréné pourles fruits de saison, surtout en période d’automne.D’ailleurs, elle nous a confiés, la veille de l’entretien,avoir consommé sans retenue du raisin. Elle ajouta :«Quand je vais aux mariages, je mange avec mes amiesdiabétiques, On se dit puisqu’on ne se rencontre passouvent, alors les rares fois qu’on a l’occasion de sevoir, on met le diabète de côté, on le laisse entre lesmains de Dieu. On mange, on ne fait pas du toutattention. On mange ce qui nous est servi et ça nenous fait pas de mal. Quand je suis en groupe avec lafamille et les amis, je mange le plus normalement dumonde et je me sens vraiment bien. Manger commedit le médecin c’est perdre ce plaisir. La nourriture n’aplus de goût. C’est comme de la terre. »

57Amina : « J’ai fait des gâteaux pour l’Aïd avec dela confiture. Il en restait sur mes doigts, j’ai résisté àla tentation. J’ai couru me rincer les mains car lamaladie me l’interdit. Ainsi je ne peux pas manger lesgâteaux que j’ai faits de mes propres mains, ensuite jene peux pas partager ce plaisir avec mes enfants etmon mari. C’est aberrant ! »

58Manger s’articule avec l’affect, l’histoirepersonnelle du sujet et son sentiment d’appartenance(Lahlou, op. cit.). Cette affectivité s’investit fortementdans le rapport aux aliments « c’est-à-dire dansl’appétit comme dans la dégustation, dans les dégoûtscomme dans les préférences, ainsi que dans le plaisiret la distraction obtenus par la consommation et laconversation » (Rivière, 1994). Les habitudes

alimentaires sont des marqueurs identitaires. Elless’incorporent dans le corps social et sous-tendent unenracinement affectif et culturel. Elles se construisentpar les croyances, les pratiques alimentaires etculinaires (Kanafani-Zahar et al., 2007). Ces dernièressont étroitement liées à l’appréciation du goût, auplaisir de manger et au sens du partage.Conclusion

59Manger est un acte social complexe, » un fait socialtotal » qui a de multiples dimensions. Il traduit uneréalité profondément ancrée dans la vie quotidienne,qui ne se limite pas aux dimensions sanitaires etnutritionnelles. Le caractère collectif del’alimentation, les habitudes et traditions culinairesassociées aux critères de goût, de plaisir et decommensalité sont prédominants dans lesreprésentations de la femme diabétique.

60Cette étude a tenté de décrypter et de mettre au jourles sens attribués essentiellement par les femmesdiabétiques aux pratiques alimentaires. Celles-cimettent aussi en exergue le statut du diabétique dansla société patriarcale en Algérie, en dévoilant lesrapports de pouvoir au sein des familles.

61La dimension financière est aussi centrale pourexpliquer les restrictions alimentaires opérées par lesdiabétiques contraints d’occulter le régimealimentaire. Le diabétique est soumis à de multiplescontraintes, énoncées ci-dessus, qui modulent sesactions sans pour autant être un objet passif asserviaux forces sociales (Strauss, 1992).

62La complexité de l’objet aliment mériterait uneanalyse plus approfondie. Il serait important de sefocaliser ultérieurement sur les pratiques quotidiennesdéployées aussi bien par les hommes que par lesfemmes, afin d’opérer une comparaison entre les deuxsexes. Il s’agira de privilégier la perspective desrapports sociaux de sexe dans le champ alimentaire,en essayant de montrer notamment les différencesdans les pratiques de consommation, en identifiant lalogique d’imposition des hommes à l’égard desfemmes. La question est de savoir si les hommesdiabétiques suivraient davantage le régime alimentaireque les femmes et surtout d’en extraire les raisonsprofondes.

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Notes1 Le diabète est une maladie caractérisée par une hyperglycémie(hausse du taux de glycémie dans le sang) chronique résultantd’un défaut de sécrétion d’insuline (hormone produite par lepancréas) ou de son action ou alors de ces deux anomaliesassociées. Il se présente principalement sous deux formes : lediabète de type 1 : (ou diabète juvénile) et le diabète de type 2 :(oudiabète obèse).2 Les waâda ou zerda constituent des repas festifs occasionnels

pour célébrer les saints spécifiques à chaque région ou seulementpartager équitablement la viande issue de l’abattage de moutonsou de bœufs3 Gros grains de semoule roulée, cuits dans une sauce faite delégumes et de viande.4 Lambeaux de pâte feuilletée arrosés de sauce de légumes et deviande.5 Losanges de semoule farcis à la patte de dattes, frits dans l’huileet enrobés de miel.6 Oreillettes de farine et de beurre, frites dans l’huile, enrobées demiel et parfumées aux grains de sésame.7 Table basse.8 Le seuil de pauvreté général étant de 5,7 %, le pourcentagerestant représente les couches intermédiaires et aisées.9 Le ftour est le repas pris à la rupture du jeûne du mois deRamadhan.10 Le shour est le repas pris tard dans la soirée pour pouvoir tenirla journée pendant le mois de Ramadhan.11 Ce mot veut dire littéralement atteinte à la poitrine. Il est fortstigmatisant car il fait allusion à la tuberculose.12 Il s’agit de boulettes de pommes de terre frites.13 Le berkouk (ou tajine hlou) est un plat sucré à base de fruitsséchés : abricots, pruneaux, raisins secs, etc.

Pour citer cet articleRéférence papierOuassila Salemi, « Pratiques alimentaires des diabétiques. Étudede quelques cas à Oran (Algérie) », Économie rurale, 318-319 |2010, 80-95.Référence électroniqueOuassila Salemi, « Pratiques alimentaires des diabétiques. Étudede quelques cas à Oran (Algérie) », Économie rurale [En ligne],318-319 | juillet-octobre 2010, mis en ligne le 01 octobre 2012,consulté le 13 octobre 2015. URL :http://economierurale.revues.org/2816

Auteur : Ouassila Salemi Groupe de recherche en anthropologiede la santé (GRAS), Université d’Oran, Algérie

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La filière sucre au Maroc 39

Filière sucrière : Réviser le prix du sucre à la hausse pour sauver le secteur !14/04/14 publié par SB La Nouvelle Tribune

Le nouveau contrat-programme du secteur cible un taux de couverture des besoins en sucre du pays à hauteur de 62% à l’horizon 2020. La Recherche & Développement (R&D) et l’augmentation des surfaces dédiées à la culturesucrière constituent les leviers de cette nouvelle stratégie. Il reste que la filière est freinée dans son expansion par lahausse vertigineuse du coût du fuel.

La Fédération Interprofessionnelle Marocaine duSucre (FIMASUCRE) et la Fédération NationaleInterprofessionnelle des Semences et Plants (FNIS)ont organisé conjointement, le mercredi 9 avril 2014,une Journée nationale d’étude, sur le thème : «R&D etInnovation, leviers d’amélioration de la productivitéde la filière sucrière».

Cette manifestation, marquée par la participation duMinistère de l’Agriculture et de la Pêche Maritime,des partenaires de la FIMASUCRE et de la FNIS,ainsi que d’experts nationaux et internationauxopérant dans le secteur sucrier, a permis auxparticipants d’échanger leurs expériences, d’analyserle bilan du contrat-programme 2008-2013 et de sepencher sur les orientations stratégiques de la filièresucrière marocaine. Ce fut également l’occasion des’informer sur les programmes de R&D, d’innovationet de création variétale au niveau de plusieurs payseuropéens et de grands producteurs de sucre commel’Ile de la Réunion.

Comme l’a bien rappelé, en guise d’introduction, M.Fikrat, Président de a FIMASUCRE et PDG deCosumar, «la R&D et l’innovation constituent lescatalyseurs de la compétitivité de la filière sucrière auMaroc». Et c’est pour cette raison, a t-il expliqué, que«la FIMASUCRE a créé un Centre de Recherche &Développement des Cultures Sucrières, avec l’appuidu Ministère de l’Agriculture». Outre la productiondes boutures certifiées au profit des agriculteurs et laréalisation d’un programme de recherche sur labetterave et la canne à sucre, ce centre, qui serabientôt opérationnel, vise également à offrir desformations adéquates aux agriculteurs et techniciensde la filière sucrière.

Signatures de 3 conventionsEt pour encourager davantage la R&D, 3 conventionsde partenariat pour le développement de la filièresucrière et le renforcement de la R&D dans ledomaine des plantes sucrières et des semences de labetterave à sucre au Maroc ont été signées lors decette Journée. Celles-ci ont concerné, d’une part, la

Fédération interprofessionnelle marocaine du sucre(Fimasucre) et la Fédération nationaleinterprofessionnelle des semences et plants (FNIS), etd’autre part, Cosumar, l’Union nationale desassociations des producteurs des plantes sucrières duMaroc (UNAPPSM), le Crédit agricole du Maroc, et,enfin, la Sucrerie raffinerie de cannes (Surac), laSucrerie nationale de betterave du Loukkos (Sunabel),l’Office régional de mise en valeur agricole du Gharb(ORMVAG) et l’Association des producteurs desplantes sucrières du Gharb (APPSG). Elles visent lapromotion de la R&D, l’introduction de variétésperformantes adaptées au climat du pays,l’accompagnement des agriculteurs, la production deboutures certifiées et la formation des agriculteurs ettechniciens de la filière.

Outre la R&D, la mécanisation de la conduite desplantes sucrières est aussi au centre despréoccupations des professionnels, du fait qu’ellecontribue fortement aux performances desproducteurs. Dans ce cadre, la fédération, à traversCosumar, alloue un budget annuel de l’ordre de 30MDH au développement de la mécanisation.

Amélioration des rendementsRevenant sur le contrat-programme liant leGouvernement et FIMASUCRE sur la période 2008-2013, M. Abdelhamid Chafai El Alaoui, directeur dela coordination de l’amont agricole, de la coordinationtechnique et de la communication de Cosumar, asouligné que des résultats satisfaisants ont été obtenusaussi bien au niveau agricole qu’industriel. Au niveauagricole, ces résultats se sont traduits parl’amélioration de la productivité des plantes sucrièreset des revenus des producteurs. Le rendement(tonne/hectare) est ainsi passé de 7,8 t/ha en 2006 à9,5 t/ha actuellement, a fait remarquer M. El Alaoui.Cette performance a été obtenue grâce à lagénéralisation de la semence monogerme à hauteur de94 %, le développement de la mécanisation des semisà plus de 87 % et la récolte de l’ordre de 13 % pour labetterave et 37 % pour la canne à sucre. Notons quel’appui de l’Etat, à travers le Fonds de développementagricole et les actions engagés en faveur de la

mécanisation de l’amont agricole et l’introduction desemence monogerme, ont fortement contribué àl’accroissement des performances du secteur. Il resteque des marges d’amélioration sont possibles, sachantqu’au niveau européen, le rendement moyen ressort à12 t/h.

Au niveau industriel, Cosumar a engagé sur la périodeun investissement de plus de 5 milliards de dirhamspour la mise à niveau de son outil industriel, et l’Etat aconsenti une contribution de plus de 2 milliards dedirhams. Cet enveloppe globale a permisl’augmentation des capacités de traitement dessucreries, pour la porter à 4 millions de tonnes par an,l’accompagnement de la hausse de la productionagricole, la modernisation des sucreries et de laraffinerie et, enfin, la réduction drastique de laconsommation énergétique.

Hausse notable des rendementsCes investissements ont permis à Cosumar d’accroîtreses capacités de production et d’améliorer sesperformances industrielles, en portant sa capacitéindustrielle à 1,65 millions de tonnes de sucre blancpar an, dépassant ainsi les besoins du marché national,estimés à 1,2 millions de tonnes de sucre par an.

Forts des succès enregistrés dans le cadre du contrat-programme 2008-2013, l’Etat et FIMASUCRE se sontengagés sur une nouvelle feuille de route, visant àintensifier davantage la mise à niveau et ledéveloppement de la filière sucrière à l’horizon 2020.Ce nouveau contrat-programme 2013-2020 vientconsolider les acquis et préciser les engagements desdifférents intervenants. Il prévoit une extensionsignificative des superficies dédiées à la culturesucrières pour la porter à 105 700 ha à l’horizon 2020(dont 77 500 ha de betterave à sucre et 22 900 ha decanne à sucre), contre 35 000 ha durant la campagne2012-2013 et 53 000 ha pour la campagne 2013-2014.Cette opération devrait s’accompagner d’uneamélioration de la productivité afin d’atteindre unrendement de 10,5 t/ha (10,8 t/ha pour la betterave et9,6 t/ha pour la canne à sucre). L’objectif est derapprocher davantage les rendements enregistrés auMaroc de ceux des pays européens, grâce notammentaux effets de la R&D, l’introduction de nouveauxplants plus performants, une mécanisation accrue, etc.

Grâce à cette double action sur les superficies et lesrendements, l’Etat et les professionnelles tablent surun accroissement du taux de couverture des besoins ensucre du Maroc à partir de la production nationale enle portant à 62% à l’horizon 2020. Notons que laconsommation du sucre en moyenne d’un Marocainest estimée à 36 kg par an, dont 80% deconsommation de bouche.

80 000 exploitants agricolesA travers ce nouveau contrat programme, l’Etat attestede l’intérêt qu’il accorde à la filière sucrière. Celui-cise justifie par la place stratégique qu’occupe celle-cidans l’économie nationale. Comme l’a bien rappeléM. Nabil Chaouki, directeur de développement desfilières de production au Ministère de l’Agriculture etde la Pêche Maritime, outre sa contribution à lasécurité alimentaire du pays en sucre, celle-ci estderrière la création de plusieurs dizaines de milliersd’emplois dans les domaines agricole et industriel. Lafilière sucrière génère 2 000 emplois directs et 3 000emplois indirects dans l’industrie, et 10 millions dejournées de travail dans l’amont agricole, garantissantun revenu à 80 000 exploitants agricoles de betteravesà sucre et de canne à sucre. «Il s’agit de petitsagriculteurs performants dont la superficie moyennecultivée ne dépasse pas 1 hectare, et qui utilisent unemain d’œuvre familiale. Ce qui dénote de l’impactsocial positif de la filière sucrière au niveau du monderural», fait remarquer M. Ouayach Ahmed deComader. Ces petits agriculteurs tirent généralemententre 30 000 et 35 000 dirhams/ha de betterave ou decanne à sucre, auxquels il faut soustraire les fraisinhérents aux charges, dont celles relatives àl’approvisionnement en eau et en fuel. La filièrecontribue également au développement de l’élevagelaitier et à l’émergence de pôles de développementrégionaux. En plus de la vente de la betterave et de lacanne à sucre à Cosumar, les agriculteurs vendentaussi les feuilles des plants de betteraves, destinées àl’alimentation du bétail.

La facture salée du fuelIl reste que les performances du secteur demeurentfragiles. Outre la dépendance de la production sucrièrenationale vis-à-vis de l’évolution climatique, cettejournée a été aussi l’occasion pour les professionnelsdu secteur de revenir sur certains obstacles majeurs audéveloppement de la filière. Et cette fois, l’accent aété singulièrement mis sur l’impact de la hausse dufuel industriel. Selon M. Mohammed Fikrat, présidentde FIMASUCRE et PDG de Cosumar,«l’augmentation du prix du fuel intervenu en juin2012, conjuguée à l’indexation des prix du fuelindustriel, entrainant une hausse globale de plus de 2000 dirhams/tonne, affecte l’équilibre économique dela filière et freine les investissements programmésdans le contrat-programme». Selon les professionnels,cette augmentation du prix du fuel de plus de 56 %depuis juin 2012, soit plus de 2 000 dirhams/tonne defuel, pèse lourdement sur la filière, notamment auniveau des sucreries consommatrices de betteraves,compromet les investissements futurs et hypothèquel’avenir de la filière, notamment au niveau de laproduction de sucre à partir de la betterave, si aucune

mesure urgente n’est mise en place.

Face à cette situation, les professionnels, par la voixdu président de FIMASUCRE, ont sollicité unerevalorisation urgente du prix du sucre, assortie d’unevisibilité permettant la réalisation à moyen terme desinvestissements de reconversion fuel/charbon desunités industrielles, devenue indispensable (Cf.Entretien avec M. Fikrat). Une sollicitation qui risquede rester lettre morte actuellement, vues les tensionssociales naissantes liées notamment à la baisse dupouvoir d’achat des citoyens…Moussa Diop

Recommandations en matière de R&DLes échanges d’expériences entre professionnels dusecteur et experts nationaux et étrangers lors de lajournée nationale d’étude portant sur la thématique

«R&D et Innovation, leviers d’amélioration de laproductivité de a filière sucrière», a permis auxparticipants de dégager un certain nombre derecommandations. Parmi les plus importantes, nouspouvons citer :– l’accélération du programme de R&DFIMASUCRE/FNIS compte tenu de l’importance dulevier variétal pour l’amélioration de l’attractivité desplantes sucrières ;– la redynamisation des centres Techniques de R&Dde la filière sucrière pour continuer à jouer le rôle delocomotive d’amélioration des performances et desélection variétale de la canne à sucre ;– le renforcement de la concertation et des échangesavec les acteurs de la filière sucrière intervenant dansla R&D ;– la multiplication des actions d’ouverture, d’échangeet de recherche avec les institutions nationales etinternationales de la R&D, etc.

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L’industrie sucrière au Maroc histoire et réalité 23 avril 2013 Abdelkader Belcadi

Dans le cadre de cette étude, nous allons voir tout d’abord l’histoire de l’industrie sucrière au Maroc et en mêmetemps nous verrons la situation sur le plan national et nous concluons avec l’impact économique de ce typed’activité.Chaque pays libéré de la domination, aspire à sondéveloppement industriel basé sur les matièrespremières dont ils dispose. Le type d’industrie qui, enpremier lieu, entre en considération est généralementl’industrie agricole et alimentaire. Les puissancescoloniales n’avaient aucun intérêt à encourager dansces pays, le développement des cultures industriellesqui pouvaient entrer en concurrence avec leurs intérêtsfinanciers et commerciaux.C’était le cas en particulier de la production de labetterave et de l’industrie sucrière.Si vers 1930 l’on a essayé de cultiver la betterave àsucre au Maroc, ce fut purement et simplement à titred’expérience. On avait développé cette culture sur leplateau de Meknès, à Fès à une échelle relativementpeu étendue. On utilisait cette betterave uniquementpour la production d’alcool. Aucun effort n’a été tentépour la véritable production du sucre au Maroc. C’està l’époque du protectorat au contraire qu’on aconstruit les raffineries de Casablanca et de Tétouan,pour travailler le sucre brut, mais il s’agissait de sucrede canne importé de colonie tropicale ou des îles del’Amérique centrale.La proclamation de l’indépendance du Maroc en1956, a suscité un nouvel examen du problème dusucre. Le gouvernement convaincu de la nécessité dediminuer les importations, était bien décidé àentreprendre l’étude de la production du sucre surplace ce qui présente de nombreux avantages

économiques, financiers, sociaux, diminution despaiements en devise, création de nouveaux emploisetc �En outre l’Etat peut sur le plan commercial, utiliserdes produits non rentables dans leur forme primaire etd’autre part animer les entreprises marocainesauxiliaires.Cette production présentait également des avantagespour les agriculteurs et particulièrement pour les petitsfellahs soucieux d’améliorer leur exploitation.L’historique des productions : la production du sucreremonte au Maroc à un passé lointain. Déjà au VIIesiècle, les Arabes avaient apporté au pays du Maghrebla culture de la canne à sucre. Cette plante dont laprésence au Bengale est attestée déjà aucommencement de l’époque historique, était connuedepuis longtemps dans l’Asie tropicale. Les Arabespassent maîtres dans le traitement de la canne. AuMaroc, la canne est adaptée parfaitement à la valléedu Souss. Les résultats obtenus dans ce domainedevaient être assez satisfaisants. Il ressort desdocuments historiques que dans les villes du sud, lesucre était un produit de consommation assezdéveloppé. La production sucrière de la vallée deOued Souss et de la plaine du Haouz, malgré latechnique primitive des ateliers, devait être assezimportante, puisqu’elle a pu faire la concurrence àl’Egypte. Le rayonnement de la production marocaineétait tel que plusieurs cours royales d’Europe

figuraient jusqu’au XVIe siècle parmi les principauxclients de notre pays sucre de Marrakech

C’était la Reine Elisabeth d’Angleterre qui exigeaitexclusivement le «sucre de Marrakech »

le plus grand épanouissement de la production dusucre de canne au Maroc a eu lieu au XVIème siècle,au temps de la dynastie des Chorfa Saadiens, euxmême originaires du Sahara.Les archéologues trouvent sur les lieux des ancienschantiers de la canne à sucre, des ruines des moulins àcanne, de marmites en cuivre et les moules quiformèrent les pains de sucre.Durant le XVIIIe siècle, la culture de la canne à sucreau Maroc a baissé graduellement en raison de laconcurrence organisée par des producteurs de sucredes îles du nouveau monde.Déjà au XIXème siècle, le Maroc avait cessé d’êtrenoté sur le marché mondial comme producteur etexportateur du sucre. Mais parallèlement lesimportations du sucre commençaient à s’accroître aufur et à mesure que la consommation du thé prenait del’importance.Le Royaume du Maroc indépendant pouvait animercette tradition séculaire et la transformer en réalité.Il s’agissait cependant de décider si la matièreprincipale est essentielle devait être consultée par lacanne à sucre ou par la betterave sucrière bien plusjeune dans l’histoire, mais de culture plus commode.Les expériences sur les conditions de la culture de labetterave eurent lieu au temps du protectorat. A partirde l’année 1956, elles furent considérablementintensifiées. Les cultures d’essai entreprisesexclusivement à l’origine dans le périmètre du Gharbet sur le plateau de Meknès-Fès furent ensuiteexpérimentées à une échelle beaucoup plus limitée,dans les périmètres de Tadla, des Triffa et des Abda-Doukkala. Ces essais dirigés par le service de larecherche agronomique, d’après la méthodeSOMSUC, ont été dans l’ensemble satisfaisant. Leproblème économique : les analyses des conditionsont démontré la supériorité de la culture de labetterave à sucre celle de la canne à sucre. Aussi bienau point de vue agricole qu’au point de vueéconomique, il fut prouvé qu’il était effectivementplus avantageux de laisser l’industrie sucrièremarocaine sur la culture de la betterave et d’installerdes sucreries betteravières.Afin de mieux comprendre cette décision importante,il est utile d’examiner la demande en sucre au Marocet les possibilités d’y faire face.En 1961, la population du Maroc atteignait environ10,8 millions d’habitants. Or l’alimentation de lapopulation marocaine est constituée avant tout deproduits contenant des hydrocarbonés, au premierrang desquels se trouve le sucre. C’est ainsi que la

consommation du sucre par tête d’habitant estconsidérable. Elle s’est accrue sensiblement durantces dernières années. De 14,4 kg par tête d’habitant en1949, elle dépassait en 1954 la consommation parhabitant en Europe centrale, Allemagne, Pologne,Tchécoslovaquie et atteignait 29,5 kg.En 1958, elle a dépassé celle de la Belgique et de laFrance avec 34 kg. La consommation totale du sucreau Maroc durant la période de 1949-1961 a atteint370.000 tonnes, 480.000 tonnes en 1970. Pour faireface à cette consommation élevés, le Maroc étaitobligé d’importer en supportant ainsi des sortiesconsidérables de devises étrangères, ce quireprésentait 10% environ du total des importations duMaroc. Une grande partie était importée sous formede sucre brut de canne qui était ensuite raffiné dans lesraffineries de Casablancaet de Tétouan. Le reste sousforme de pains morceau ou cristaux était importé deFrance et de Belgique.La dépense en devises pour l’achat du sucre àl’extérieur, même lorsqu’il ne s’agit que de sucre brut,constituait pour le pays une très lourde charge. Cesdevises pouvaient être employées avec plus de profitpour des investissements d’importance tels que :équipement d’irrigation, installation d’entreprisesindustrielles Modernisation de l’agriculture. Etantdonné que rien n’empêchait de baser l’industriesucrière sur la betterave du pays les autorités duRoyaume se sont tout spécialement occupées de ceproblème. La question qui se posait était de savoirdans quelles régions du Maroc, outre la polygonebetteravière de Sidi Slimane, il allait être possibledans de bonnes conditions d’envisager la culture decette plante.périmètre du Tadla (Béni Moussa et Béni Amer) –Périmètre de la basse Moulouya des Triffa etéventuellement de Zèbra-Périmètre du Gharb, dans lesparties du Nord et de l’Ouest situées en dehors duPolygone betteravier-périmètre des Abda-Doukkala,particulièrement le secteur de l’Oued Faragh et celuide Sidi Bennour.

Conception et originalité de la sucrerie desDoukkalaLa sucrerie a été construite en 1969 pour traiter lesbetteraves provenant du secteur irrigué du périmètredes Doukkala. Dans la conception originale de cetteunité industrielle, on s’est efforcé de tenir compte ducontexte climatique social et original propre aupérimètre des Doukkala, de minimiser le coût desinvestissements de créer une usine facile à conduire,dotée de moyens de contrôle et de conduite les plusmodernes et surtout élastique et facilement extensible.Ainsi créée pour traiter 200 T/J et produire 25.000 Tde sucre brut par an, elle a produit dès sa 2e campagneplus de 30.000 t de sucre brut et annonce déjà à partirde la 3e campagne son programme d’extension.

Facteur agricole : l’extension du sucre commencedans les champs. La rentabilité des sucreries sefaçonnent dans billons. Consciente de l’importance dusecteur agricole dans la vie d’une sucrerie et du rôleque les sucreries doivent jouer dans un secteur vitalcomme celui-ci duquel elles ne peuvent ni ne doiventdésintéresser, la sucrerie a entrepris depuis 1969 soitune année avant son démarrage, une politique agricoleunique qui ici permet de s’intégrer efficacement dansle secteur de production de la betterave. Cetteintégration a permis à la sucrerie de porter une aideefficace à l’O.R.M.V.A.D, pour stimuler la culture dela betterave.C’est ainsi que le rendement est passé en l’espace de 4ans de 29 t à plus de 40 t/ha ce qui a pu apporter auxagriculteurs plus de 4000 dh/ha. Facteur humain: lesystème de gestion des hommes est dépassé, l’avenirdans ce domaine et à l’innovation. L’homme endehors du travail: l’homme dans le travail doitproduire, évoluer et s’épanouir. Mais ce n’est pas tout,il y a l’homme en dehors du travail, un homme qui abesoin de se distraire et de se cultiver. La sucrerie n’apas omis cet aspect de la gestion des hommes. Lapreuve en est qu’elle a procédé à la construction d’unensemble social plusieurs mois avant l’arrivée dupersonnel aux chantiers, ensembles modernescomposés de plusieurs logements et d’un club dotéed’une piscine, d’un restaurant, court de tennis et devolley-ball, discothèques, salle de cinéma et deconférences, d’une garderie d’enfant, d’une écoleprivée.Ainsi la création de ces deux sucreries Sidi Bennour etZémamra devaient contribuer à la production agricoledes Doukkala et au développement de l’élevage. Al’amélioration de la balance commerciale du pays, àune valorisation plus grande de l’équipementhydraulique du périmètre, au développement de

l’industrie nationale, condition indispensable del’évolution économique du pays.Formation du personnel : en dehors du systèmeclassique de formation du personnel, la sucrerie aadopté au début de sa création la formation dupersonnel technique pendant une année dans diversessucreries (gestion et informatique, technologiesucrière, les techniques d’entretien). La sucrerie avaitrecruté 50 jeunes Bennouris d’un niveau intellectuelsans aucune base technique c’était en 1974.Ces jeunes devenus techniciens opérationnels, ont étéaffectés dans les différents secteurs de l’entreprisepour occuper des postes tenus jadis par destechniciens qualifiés. Cette tentative courageuse a étémotivée d’une part par le désir de la sucreried’intégrer progressivement la jeunesse bennourie dansce secteur industriel par la même occasion, s’intégrerelle même dans le milieu où elle vit.

Extension de sucrerie : Cosumar investit 800 MDH àl’usine de Sidi Bennour Pour répondre aux besoinsd’une demande de sucre en croissance, Cosumarenvisage d’investir 800 millions de dirhams pouraugmenter sa capacité de traitement de betteravesdans la sucrerie de Sidi Bennour.

Pour Mohamed Lazaar, directeur général deCosumar : «Ces nouvelles superficies de betteravesvont offrir aux sucreries la possibilité d’exploiter unequantité additionnelle, le projet d’extension à SidiBennour va permettre à Cosumar d’augmenter sacapacité de traitement de 12.000 tb/j facilementextensible à 17.000 tb/j». En effet, le projet consiste àconcentrer le traitement de la betterave sur le site deSidi Bennour et maintenir l’activité deconditionnement sur les deux sites à savoir SidiBennour et Zmamra

.Analyse économique de la filière sucrière Au MarocL. REDANI1, M.R. DOUKKALI2, P. LEBAILLY3 Rev. Mar. Sci. Agron. Vét. (2015) 3(1):37-44 (Reçu le 28/11/2014; Accepté le 09/01/2015)

INTRODUCTIONLa filière sucre a constitué une composante essentielle de lapolitique de développement du secteur agricole national eta bénéficié d’importants investissements publics. En effet,dès 1963, et dans le cadre de la politique d’autosuffisancealimentaire en produits agricoles de consommation debase et de développement des productions de substitutionaux importations, le Maroc a arrêté un vaste programmede développement de la filière sucre, appelé plan sucrier.En plus de la mobilisation d’investissements substantielsen infrastructures d’irrigation et dans l’industrie sucrière,ce plan a mis en place le long de la filière tout un arsenald’instruments d’intervention pour assurer l’atteinte desobjectifs fixés par les pouvoirs publics.

Au niveau de l’ensemble du processus de productionagricole, le plan sucrier ne laissait pratiquement rienau hasard puisqu’il fixait des assolements obligatoireset les prix payés aux producteurs. De même, il assuraitl’encadrement technique, l’approvisionnement en intrantset le financement de la campagne. En vue de garantirun prix aux agriculteurs dit rémunérateur, tout en nepénalisant pas le consommateur, le plan a mobilisé unsystème complexe de subventions et de compensationstout le long de la filière. Il fixait les quotas à l’importation,les protections tarifaires à la frontière, les marges del’industrie de transformation et de la distribution, les prixà la consommation et même les prix de rétrocession dessous-produits aux éleveurs.Ce plan a permis d’atteindre, dès le milieu des annéesquatre-vingt, un taux d’autosuffisance alimentaire en sucre de près de 50%, en passant par des pics de plus de 60%certaines années. Actuellement, les cultures sucrières occupent une superficie globale de près de 60.400 hectares,dont 47.000 ha pour la betterave sucrière et 13.400 ha pour

Résumé : Le présent article traite de l’analyse économique de la filière sucrière au Maroc et ce à travers le calcul de la matricedes analyses des politiques, des Coefficients de Protection Nominale (CPN) et Effective (CPE) et du Coût des RessourcesIntérieures (CRI).L’évolution des deux premiers coefficients montre que les différents segments de la filière ne bénéficient pasdu même niveau de protection. Si le segment de production de la betterave sucrière ne bénéficie plus d’aucune protection, lesucre brut reste globalement protégé. Ce qui signifie que l’essentiel de la protection du sucre au Maroc se situe au niveau dusegment de la transformation. Cependant, le niveau de celle-ci a globalement baissé pendant la période post ajustementstructurel. Sur le plan compétitivité, alors que la culture de la betterave sucrière s’avère devenue compétitive, la compétitivitéeffective du segment industriel, et compte tenu des distorsions importantes sur le marché mondial, est difficile à évaluer. Motsclés: Filière sucre, analyse économique, protection, compétitivité. 1 Ministère de l’Agriculture et de la Pêche Maritime - Rabat, Maroc2 Institut Agronomique et Vétérinaire Hassan II - Rabat, Maroc3 Faculté Universitaire des Sciences Agronomiques de Gembloux, BelgiqueLes idées exprimées dans cet article n’engagent que les auteurs et n’expriment nullement les idées ou les positions desorganismes auxquels ils sont affiliés.

Abstract :This article discusses the economics of the sugar industry in Morocco through the policy matrix analysis, NominalProtectionCoefficient (NPC) and Effective (CPE) and Internal Resource Cost (CRI). The evolution of the first twocoefficients shows that thevarious segments of the sector do not have the same level of protection. If the production of sugar beet segment nolonger enjoy anyprotection, raw sugar remains protected. This means that the bulk of Morocco sugar protection is at the segmentlevel of processing.However, the level of the latter fell overall during the post structural adjustment. On the competitive level, whilethe cultivation ofsugar beet has become competitive, the effective competitiveness of the industrial segment, and given thesignificant distortions inthe world market, is difficult to assess.Keywords: Sugar value chain, economic analysis, protection, competitiveness.38 Redani et al.: Analyse économique de la filière sucrière Au Maroc

la canne à sucre (campagne 2010-11). Le nombre globaldes exploitations agricoles concernées est estimé à 80.000,soit une superficie moyenne de moins d’un hectare parexploitation. En outre, les cultures sucrières fournissentannuellement l’équivalent de 9 millions de journées detravail saisonnier dans l’agriculture et 3.000 emploispermanents dans l’agro-industrie.

Avec l’adoption du programme d’ajustement structurel dusecteur agricole (PASA) en 1985, le système de protectionde la filière sucre a été assujetti à plusieurs remises enquestions. Cependant, les pressions pour une libéralisationtotale de la filière se sont toujours heurtées à une réticencedes pouvoirs publics. Vingt-quatre ans après l’adoptionde la politique de libéralisation de l’économie, la filièresucre n’est que partiellement libéralisée puisque les prixà la production comme à la consommation restent encoreadministrés. Cette réticence, bien que souvent décriéedes institutions financières internationales, se trouveaujourd’hui réconfortée et justifiée par l’évolution desnégociations internationales sur les produits agricoles ausein de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC),comme par les évolutions récentes des prix internationauxdes denrées alimentaires de bases.Le présent article traite de l’analyse économique de lafilière sucrière. Après une présentation de la méthodologieadoptée et de la décomposition des prix des produitset des facteurs, les résultats d’une analyse basée sur laMatrice des Analyses des Politiques (MAP) et le calculdes coefficients de protection et d’avantage comparatifseront présentés.

APPROCHE MÉTHODOLOGIQUE ET CONCEPTS DE L’ANALYSE ÉCONOMIQUELe système d’incitations de l’État recouvre toutes lesinterventions introduites par la politique publique. Cesystème a pour résultat de favoriser (ou défavoriser) desproduits et/ou des facteurs, soit au détriment (ou au profit)de l’étranger, soit au détriment (ou au profit) des produitset/ou des facteurs nationaux. Ces incitations induisent desdistorsions dans les systèmes de prix, ce qui rend les prixobservés sur le marché (prix financiers) insuffisants à touteanalyse économique. Pour pallier à cette insuffisance, leséconomistes ont introduit la notion de prix économiquesou sociaux. Ces derniers sont censés refléter la vraie valeuréconomique des biens et des services, leur rareté, leur coûtd’opportunité en l’absence de taxes, de subventions, detarifs douaniers, de quotas, de contrôle des prix ou toutautres politique d’intervention de l’Etat dans les marchés(Lebailly et al. 2000).La méthodologie retenue dans cette analyse est basée surcette notion de prix économique et consiste en une analyseaux prix de référence par l’utilisation de la Matrice d’analysedes politiques (MAP)b. Celle-ci permet de dégager unensemble d’indicateurs (Tableau 1) de protection etd’avantage comparatif: Coefficient de Protection Nominale(CPN), Coefficient de Protection Effective (CPE) etCoefficients d’Avantage Comparatif, exprimées par leRatio de Coût en Ressources Intérieures (CRI).Matrice d’analyse des politiques et coefficients de protectionet d’avantage comparatifL’évaluation des politiques à l’aide de la MAP est uneméthode qui permet de mesurer la divergence entre lesprix financiers et les prix économiques. L’interprétationdes résultats ainsi obtenus permet de révéler le niveaude protection et de compétitivité des différents segments

d’une filière de production. Dans ce travail, l’analyse aprivilégié la comparaison des indicateurs au niveau sortieferme, ce qui suppose que les prix à la frontière sontramenés au niveau de la ferme.Le prix sortie-ferme est basé sur les éléments du budget del’exploitation agricole, à partir des données sur les revenuset les coûts par hectare. Une fois les prix financiers obtenuspar enquête auprès des agriculteurs, les prix économiquesdes charges et des recettes sont alors calculés.La confrontation entre ces deux prix permet d’évaluerle niveau de protection économique et de compétitivitéde la filière en question. Deux coefficients de protectionsont généralement calculés. Le premier, appelé coefficientde protection nominale (CPN), ne considère que les prixdes produits. Le second, appelé coefficient de protectioneffective (CPE), permet d’évaluer les taxes et subventionsimplicites que représentent les distorsions dans les prix àla fois des produits et des intrants échangeables (Figure 1).Le calcul du coût des ressources intérieures (CRI) permetd’évaluer la compétitivité de la filière de production. Ce calculnécessite, en plus des prix économiques et financiers desproduits et facteurs échangeables, l’évaluation économique(c’est-à-dire au coût d’opportunité) des ressources intérieuresnon échangeables (travail, terre et eau d’irrigation).

Tableau 1: Synthèse des indicateurs de protection et d’avantage comparatifIndicateur Formule InterprétationCoefficientde protectionnominal (CPN)CPN = Pi / Pf =Prix intérieur /Prix frontièreCPN > 1 filièrenominalementprotégéeCPN < 1 filièrenominalementdéprotégée (filièreimplicitement taxée)Coefficientde protectioneffective (CPE)CPE = VA (Pi)/VA (Pf) = valeurajoutée aux prixintérieurs/valeurajoutée aux prixinternationauxCPE > 1 protectioneffective positiveCPE < 1 protectioneffective négative(filière implicitementtaxée).Coefficient desRessources

Intérieures(CRI)CRI = Coûtd’opportunitédes ressourceslocales / Valeurajoutée évaluéeen équivalent dedevises étrangèresCRI < 1 avantagecomparatif positif(filière compétitive)CRI > 1 avantagecomparatif négatif(filière noncompétitive).b Pour plus de détail, se référer au manuel de la FAO., La politique des prix agricoles: Le gouvernement et lemarché. Rome, 1995.Rev. Mar. Sci. Agron. Vét. (2015) 3(1):37-44 39Mise en application de la méthodeCorrections du taux de changeEtant donné que la méthode est basée essentiellementsur la comparaison entre les prix intérieurs aux prixpratiqués au niveau du marché international, une premièrecorrection porte sur le taux de change. Pour éviter unesurestimation ou une sous-estimation de la monnaienationale, le taux de change officiel (TCO) a été corrigépar un taux de change de référence (TCR) qui est supposéindiquer le coût d’opportunité de la devise étrangère. Cecia été possible par l’application du Facteur de ConversionStandard (FCS = TCO/TCR) qui permet de convertir leTCO en TCR pour tenir compte des distorsions induitespar la politique de change (Tableau 2).

Calcul du coût économique des facteurs échangeablesLa mise en application de la méthode retenue nécessiteque les prix intérieurs des produits soient comparésà leurs équivalents sur le marché mondial. Une tellecomparaison n’est possible que si les produits sontéchangeables ou qu’on peut les convertir en équivalentsproduits échangeables. Pour les produits échangeables,les prix observés doivent être corrigés pour tenircompte des distorsions qu’induisent les instruments depolitique (taxes, subventions, ...). Pour les produits nonéchangeables, la démarche la mieux adaptée consisteen leurs décompositions successives en facteurs etl’évaluation de la partie échangeable de ces facteursaux prix du marché mondial et celle non échangeable,constituée essentiellement de facteurs primaires nonéchangeables, à son coût d’opportunité (Tableau 3).

Figure 1: Présentation schématique des coefficients de protection et d’avantage comparatif (Tsakok, 1990)Tableau 2: Taux de change nominal et réel au Maroc entre 1996 et 2007Année 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007TCO 8,72 9,53 9,60 9,80 10,63 11,30 11,02 9,57 8,87 8,87 8,91 8,20TCR 8,46 9,34 9,32 9,71 10,63 11,12 10,95 9,41 8,64 8,53 8,66 7,95FCS 1,03 1,02 1,03 1,01 1,00 1,02 1,01 1,02 1,03 1,04 1,03 1,03

Source: Ministère de l’Économie et des Finances, 2009 + nos calculsTableau 3: Tableau synthétique des coefficients de décomposition des coûts des intrants et du matériel agricoleCoûtfinancierIntrantséchangeablesIntrants nonéchangeables Transfert CoûtéconomiqueIntrantséchangeablesIntrants nonéchangeablesGasoil en Dh/HL 800 0,66 0,34 236,3 563,8 0,91 0,09Fertilisants (cas del’ammonitrate) 310 0,71 0,29 70 241 0,88 0,12Produit phytosanitaire 324 0,82 0,18 57 267 0,97 0,03Semence de betterave 110 0,94 0,06 7 103 0,97 0,03Tracteur 65 CV 108.000 1,32 -0,32 -37,3 145.311 0,95 0,05Cover crop 30.682 0,76 0,24 6.566 24.116 0,94 0,06Charrue à disque 47.442 1,07 -0,07 -12.628 60.070 0,84 0,16Source: nos calculs40 Redani et al.: Analyse économique de la filière sucrière Au MarocLes prix économiques des biens et services ainsi obtenus,sont censés refléter leur vraie valeur économique, leurrareté ou leur coût d’opportunité en l’absence d’interventions(taxes, subventions, tarifs douaniers, quotas,contrôle des prix ou autre politique d’intervention).Calcul du coût économique des facteurs primaires nonéchangeablesLes facteurs primaires, ne faisant pas objet de transactionsinternationales, sont évalués selon leur coût d’opportunité.

La Terre: Le prix de la location de la terre dans leszones étudiées est utilisé comme approximation de sonprix économique. En effet, dans le cas d’un marché libreet concurrentiel, comme c’est le cas au Maroc, le coûtd’opportunité de l’intrant est égal à son prix financier.Le travail: En termes financiers, la valorisation du coût dela main-d’oeuvre travaillant au niveau du secteur agricoleest supposée égale au Salaire Minimum Agricole Garanti(SMAG). De même, celle de la main d’oeuvre travaillantau niveau des sucreries est supposée égale au SalaireMinimum Interprofessionnel Garanti (SMIG). En raisonde l’abondance de la main-d’oeuvre, le coût d’opportunitéde cette dernière est évalué à son prix financier multipliépar un prix de référence de 0,84c.L’eau d’irrigation: D’après les travaux de l’Administrationdu Génie rural (MAPM, 1999) du Ministère del’Agriculture au Maroc, le montant calculé de la redevanceque l’agriculteur devrait payer pour couvrir toutesles charges inhérentes à l’amenée du m3 d’eau jusqu’à laparcelle (coût économique) est bien supérieur au montantactuel payé dans les périmètres de grande hydraulique(coût financier). La différence entre les deux est la subventionsupportée par l’Etat. En effet, le prix économiquede l’eau à court terme est défini comme étant le coût de

mobilisation de l’eau auquel on ajoute les charges récurrentes(entretien, etc.). Cependant, au niveau des périmètresirrigués, le tarif de l’eau payé par les exploitantsest bien inférieur à son prix économique.La méthode adoptée pour estimer le coût économique del’eau est basée sur la différence entre le prix de location d’unhectare irrigué et celui non irrigué, dans une même localitéet ayant les mêmes caractéristiques, auquel on ajoute les redevancesd’irrigation d’un hectare cultivé en betterave (tariffinancier de l’eau multiplié par la consommation en eau parhectare cultivé). Pour rapporter ce coût économique au m3d’eau consommé, l’ensemble de ces charges a été divisé par laconsommation totale en eau d’un hectare cultivé en betterave.

Calcul du prix économique des produitsLe calcul du prix économique des produits a tenu compte àla fois du produit principal et des sous-produits. La méthodede calcul est basée sur le prix moyen à la frontière, duquelon a extrait toutes les charges intermédiaires pour le ramenerjusqu’au point de comparaison (ferme, usine ou autres). Dansle cas de la betterave à sucre, produit primaire qui ne fait pasobjet d’échange international, on s’est basé, sur le prix CAFd’une tonne de sucre brut comme prix de référence, dont ona déduit le prix à la frontière (Tableau 4).

Tableau 4: Estimation du prix économique de labetterave sortie ferme (en Dh/T)Estimation du prix économique de la betterave en2008/2009

I- Estimation du prix frontière de la betterave à sucre1- Prix coût et fret + polarisation du sucre brut 315,72- Taux de change officiel Dh/$ 8,23- Prix frontière non ajusté en Dh/T sucre brut (3=1x2) 2.589,04- Frais d’approche 2,5% du coût et fret (4=2,5%x3) 64,75- Taxe parafiscale 0,10 % du CAF (5=0,10% x 3) 2,66- Prix équivalent à la sortie du port Dh/T du sucrebrut (6=3+4+5) 2.656,37- Coût de transport port-usine Dh/T 47,38- Prix frontière rendu usine en Dh/T du sucre brut(8=6+7) 2.703,69- Marge de transformation en Dh/T de sucre brut -1.176,010- Prix frontière de la betterave à sucre Dh/T sucrebrut (10=8-9) 3.879,611- Prix frontière de la betterave à sucre Dh/T(11=10/6,06d) 640,2

II- Estimation du prix économique de la betterave à sucre11- Prix frontière de la betterave à sucre Dh/T 640,212- Coût de transport port-ferme 101,213- Prix économique de la betterave à sucre Dh/T(13=11-12) 539,0Source: d’après nos calculsc La Banque Mondiale recommande de prendre le coefficient de 0.5 pour les pays en développement (Gittinger,1985). Dans notre cas, on a jugé plus judicieux de corriger le salaire journalier par un taux de 16% pour tenircompte du taux de chômage moyen et, surtout, du sousemploi qui prédomine dans le milieu rural.d 6,06 est le taux de polarisation du sucre brut en betteraves à sucre. Autrement dit, il faut 6,06 tonnes de betteraves

à sucre pour produire une tonne de sucre brut.

PRÉSENTATION ET INTERPRÉTATION DES RÉSULTATSProtection et compétitivité du segment de la productionagricole de la betterave sucrièreRentabilité financière et économiqueLes tableaux 5 et 6 présentent les résultats de la MAP auniveau national, en dirhams par tonne et en dirhams parhectare, pour la campagne 2008-2009.Le prix financier de la betterave en 2008-09 a été enmoyenne de 528 Dh/T alors que son prix économique aété de l’ordre de 539 Dh/T (Tableau 6). Le prix financierest inférieur de 11 Dh/T à celui qui aurait prévalu sansintervention de l’Etat. Ceci montre que les distorsions dansle système se traduisent par un manque à gagner pour leproducteur de betterave à sucre de 11 Dh/T.Ce résultat, qui montre que la production nationale debetterave est relativement compétitive, s’explique parl’augmentation qu’a connue le prix du sucre sur le marchéinternational. La différence entre le coût des intrantséchangeables en prix financier et en prix économiqueest pratiquement nulle, ce qui s’explique par la politiqued’incitation en faveur de l’intensification agricolepoursuivie par l’Etat. En effet, la majorité des intrantsagricoles sont pratiquement détaxés, voire même qu’ilsbénéficient d’une subvention importante, comme c’est lecas du matériel agricole et du matériel d’irrigation.Pour les facteurs non échangeables, on constate unedifférence de près de 10% entre le coût financier et le coûtéconomique. Cette différence s’explique essentiellementpar le prix économique de l’eau, qui est implicitementsubventionné.Que ça soit en prix financier ou en prix économique, laproduction de la betterave reste globalement rentablepuisqu’elle dégage un bénéfice net de 40% dans le premiercas et 37 % dans le second. Ce qui démontre d’une subventionglobale implicite de la filière négligeable (8 Dh/T).Protection impliciteLe calcul des protections implicites mesurées par lescoefficients de protection nominales (CPN) montrent quecette protection est pratiquement nulle dans le segment dela production de la betterave sucrière. De la même façon,et mesurée par le coefficient de la protection effective(CPE), cette protection s’est avérée insignifiante, puisquele CPE est proche de 1 (Tableau 7). La combinaison desinterventions de l’Etat sur les prix de la betterave et sur lesintrants échangeables utilisés dans sa production aurait uneffet insignifiant sur la valeur ajoutée (Globalement moinsde 3% de taxation implicite).Compétitivité et avantage comparatifLe calcul des Coefficients des Ressources intérieures pourla betterave montre que ceux-ci varient, selon les régionsde 0,51 à 0,60, ce qui démontre que cette culture estdevenue compétitive et économiquement rentable. Le gainen valeur ajoutée générée pour la collectivité couvriraitlargement le coût des ressources intérieures utilisées.

Tableau 5: Matrice des Analyses des Politiques pour la betterave à sucre en Dh/ha (moyenne nationale, campagne2008-2009)Recettes Coûts échangeables Coûts non échangeables BénéficePrix financier 26.875 5.035 11.210 10.630Prix économique 27.489 4.906 12.269 10.313Transfert -614 129 -1.059 316Source: Calculé à partir des données d’enquêtesTableau 6: Matrice des Analyses des Politiques pour la betterave en Dh/Tonne (moyenne nationale, campagne2008-2009)Recettes Coûts échangeables Coûts non échangeables BénéficePrix financier 528 97 221 210Prix économique 539 95 243 202Transfert -11 2 -21 8Source: Calculé à partir des données d’enquêtesTableau 7: Protections et compétitivités de la betterave à sucreDoukkala Tadla Gharb Loukkos Moyenne NationaleCoefficient de protection nominale (CPN)0,98 0,95 1,02 0,96 0,98Coefficient de protection effective (CPE)0,97 0,93 1,02 0,95 0,97Coefficient des ressources intérieures (CRI)0,51 0,55 0,60 0,53 0,54Source: Calculé à partir des données des enquêtes 2008/200942 Redani et al.: Analyse économique de la filière sucrière Au MarocComparaison de nos résultats avec d’autres travauxCes calculs des protections nominales et effectives,confirment les résultats trouvés par d’autres travaux,notamment par Boulif (2008), et montrent que la betteravesucrière ne bénéficie plus de protection (CPN et CPEproches de l’unité). Ceci traduit une baisse de protectionpar rapport aux années 70, 80 et 90 où ces coefficientsétaient largement supérieurs à l’unité (Doukkali et al. 2001et Banque Mondiale 1986 - Tableaux 9 et 10).

Tableau 8: Coefficients de protections et d’avantagecomparatif de la betterave sucrière (2007/2008)Indicateurs ValeursCPN 0,98CPE 0,97CRI 0,65Source: Boulif, 2008Quant à nos calculs des coefficients des ressourcesintérieures, ils viennent confirmer les résultats obtenus pardes études antérieures, notamment l’étude de Doukkali etal. 2001. Cette dernière, et contrairement aux évaluationsconduites par la Banque Mondiale pour les années 1970,1980 et 1985 (Tableau 9), avait démontré que pour lapériode 1993-99, la production sucrière était compétitivedans toutes les régions du Maroc aussi bien en irriguéqu’en pluvial (tableau 10). Un résultat semblable a ététrouvé par Boulif (2008) pour la campagne 2007-08.

Protection et compétitivité du segment industriel du sucre marocainSi le segment de la production de la betterave sucrière s’est avéré compétitif et ne bénéficiant d’aucune protectionentre 2007 et 2009, les calculs montrent que le segment industriel du sucre est resté très protégé. Cependant, onnote une tendance à la baisse de cette protection qui est passée de 2,3 en 2004 à 1,6 en 2008 (Tableau 11). Ces

résultats, d’une protection relativement élevée du segment industriel de la production, confirment lesconclusions del’étude de la Banque Mondiale (2006) qui

Tableau 10: Protections et compétitivités des cultures sucrièresCultures/Région/Technique 1993/94 1994/95 1995/96 1996/97 1997/98 1998/99Coefficients de Protections Nominales (CPN)Betterave sucrière 1,78 1,80 1,52 1,36 1,77 1,83Canne à sucre 1,25 1,30 1,62 1,62 1,50 1,81Coefficients de Protection Effective (CPE)Betterave à sucreIrrigué 2,13 2,21 1,61 1,38 2,13 2,23PluvialLoukkos 2,28 2,10 1,93 1,53 2,40 2,53Gharb 2,25 2,46 1,76 1,25 2,10 2,11Canne à sucre 1,31 1,37 1,41 1,88 1,73 2,27Coûts des Ressources Intérieures (CRI)Betterave à sucreIrrigué 0,98 0,93 0,69 0,77 0,73 0,76PluvialLoukkos 0,82 0,42 0,60 1,03 0,31 0,31Gharb 1,12 1,56 1,31 0,79 0,98 0,79Canne à sucre 1,40 1,10 1,08 1,54 1,47 1,60Source: Doukkali et al, 2001

Tableau 9 Coefficients de protection effective (CPE) et des ressources intérieures (CRI) de la production decanne à sucre, de betterave sucrière, de blé tendre et d’orange NavelCultures 1970 1980 1985Coefficients de Protection Effective (CPE)Canne à sucre - 2,03 1,78Betterave 1,83 2,72 1,70Blé tendre intensif 1,08 1,42 0,93Oranges Navel 1,04 1,19 0,85Coefficients des Ressources Intérieures (CRI)Canne à sucre - 2,54 1,23Betterave 2,54 3,32 2,00Blé tendre intensif 0,53 0,96 0,45Oranges Navel 0,59 0,50 0,48Source: Evaluation de la Banque MondialeRev. Mar. Sci. Agron. Vét. (2015) 3(1):37-44 43

avait évalué la protection nominale du sucre à 40%. Cette même étude avait évaluée la protection effective du sucreau Maroc à 85%, ce qui est dû à la protection du segment industriel, étant donné que la protection du segment deproduction est nulle (voir ci-dessus). En tout cas, ces protections de la filière sucrière, ne sont pas spécifiquesuniquement au Maroc et semblent généralisées dans la majorité des pays producteurs de sucre, comme le démontrel’étude menée au niveau international dirigée par Anderson (2009). Ceci repose une question méthodologiqueimportante, c’est-à-dire dans quelle mesure peut-on utiliser le prix international comme prix de référence dans lecalcul de la compétitivité de la filière sucre. En effet, si les prix sur le marché international restent une référenceadéquatepour l’évaluation de la compétitivité de la plupart desproductions agricoles, dans le cas du sucre ceci ne semblepas évident. Tout calcul de la compétitivité de la filièresucre doit tenir compte des importantes distorsions queconnaît son marché international et la grande volatilité deses prix. Dans pratiquement tous les pays producteurs, lesucre est soumis à des contrôles de prix, de l’offre et/ou dela demande.

CONCLUSIONLes principales conclusions relatives à l’analyse économique de la filière sucrière peuvent se résumer comme suit:La protection du segment de la production de la betterave sucrière au Maroc a baissé de façon significative durantles dernières années. Ainsi, si la culture était protégée durant la période d’avant l’ajustement structurel (1970 à1980) et même de post ajustement, elle est devenue en 2008/09 non protégée. Les études réalisées durant la périoded’avant l’ajustement structurel (1970 à 1980) montrent que le segment de la production de la betterave sucrièren’était pas compétitif durant cette période. A l’opposé, les calculs effectués durant la période de post ajustementstructurel confirment que la filière est devenue compétitive. Cette évolution de la compétitivité a été renforcée parla tendance à la hausse des prix du sucre sur le marché international.

Tableau 11: Coefficients de protection nominale pour le sucre brut au Maroc (port d’entrée Casablanca)2003 2004 2005 2006 2008

A- Estimation du prix intérieur du sucre brut1- Prix de cession du sucre brut Dh/T 4388 4388 4388 4388 43882- Coût de transport usine Doukkala- raffinerie 50 50 50 50 503- Prix intérieur rendu raffinerie (Dh/T raffiné-régie) 4437 4437 4437 4437 4437

B- Estimation du prix frontière du sucre brut1- Prix coût & fret + polarisation 208 203 242 270 3162- Taux de change officiel Dh/$ 10 9 9 9 83- Prix frontière non ajusté en Dh/T sucre brut 1988 1802 2144 2406 25894- Frais d’approche 2,5% du coût et fret 50 45 54 60 655- Taxe parafiscale 0,10 % du CAF 2 2 2 2 36- Prix équivalent à la sortie du port Dh/T du sucre brut 2040 1848 2200 2468 26567- Coût de transport port-usine Dh/T 47 47 47 47 478- Prix frontière rendu usine en Dh/T du sucre brut 2087 1896 2247 2516 27049- Prix frontière rendu usine Dh/T raffiné-régie 2174 1975 2340 2620 2816Calcul du CPN brut 2,0 2,2 1,9 1,7 1,6

C- Ajustement pour les distorsions induites par l’intervention de l’Etat1- Sur-évaluation de la monnaie nationale (TCR>TCO)a- TCR 9 9 9 9 8b- FCS (facteur de conversion standard) 0,983 0,974 0,962 0,972 0,970c- Prix frontière non ajusté 1954 1755 2063 2338 2510d- Prix frontière ajusté rendu usine Dh/T raffiné-régie 2138 1926 2256 2550 2734Calcul du CPN net 1 2,1 2,3 2,0 1,7 1,62- Ajustement pour les taxes et subventionsa- Taxe d’importation 8 7 9 10 10b- Subvention de transport 0 0 0 0 0c- Prix frontière ajusté rendu usine Dh/T raffiné-régie 2165 1967 2332 2610 2805Calcul du CPN net 2 2,0 2,3 1,9 1,7 1,63- Ajustement pour les deux distorsions- Prix frontière ajusté rendu usine Dh/T raffiné-régie 2130 1919 2247 2540 2723CPN net 2,1 2,3 2,0 1,7 1,6Source: d’après nos calculs44 Redani et al.: Analyse économique de la filière sucrière Au MarocLes différents segments de la filière sucrière nebénéficiaient pas du même niveau de protection. Si lesegment de production de la betterave sucrière ne bénéficiepratiquement d’aucune protection, comme le démontreles calculs pour la campagne 2008-09, pour le sucre brut,par contre, il a globalement était protégé durant la période2003-2008. Ce qui signifie que l’essentiel de la protectionse situe au niveau du segment de la transformation.Bien qu’étant resté protégé au niveau du segmentindustriel, le sucre a globalement vu ces protections

baisser ces dernières années.Les prix au niveau du marché international du sucre nepeuvent que difficilement servir de base de calcul de lacompétitivité compte tenu des distorsions importantes quicaractérisent ce marché.

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SUIVI DU PILOTAGE DE L’IRRIGATION LOCALISEE CHEZ LES BETTERAVIERSObjectifs Diagnostic sur la maitrise de l’irrigation localisée par les différents betteraviers. Calcul du débit réel & apport en eau d’irrigation en m3/Ha ; Calcul du coefficient d’uniformité

Méthodologie adoptée Identifier et caractériser le secteur d’irrigation

à étudier; Calcul du débit réel

des goutteurs ; Définir le plan d’irrigation de chaque

exploitation; Calcul du coefficient d’uniformité; Suivi et calcul des apports en eau à l’hectare (secteur étudié).

Débità l’hectareExploitationCDAZONEMATRICULESUP. (Ha)Débit réel (m3/H/Ha)Débit Théorique (m3/H/Ha)1505061 3331,0038,46502505071 3391,0065,7784,843501040261,0069,4671,15450203029A1,0019,5234,72Différence significative entre les débits réels des exploitations étudiées et ceux théoriques.Coefficientd’uniformitéExploitationCDAZONEMATRICULESUP. (Ha)Coefficient d’uniformité (%)

1505061 3331,0086%2505071 3391,0085%3501040261,0094,5%450203029A1,0093%Une bonne uniformité entre les goutteurs de chaque exploitation.Apporteneaud’irrigationExploitationSUP. (Ha)Débit réel (m3/H/Ha)Nombre d’irrigationDose en heuresApport en eau (m3/Ha)Date-Cumul11,0038,46221405384,40AU 18/04/1321,0065,77251127366,24

Fin cycle (DL)31,0069,4621805556,80AU 18/04/1341,0019,52333276383,04Fin cycle (DL)Les betteraviers ayant réalisés la dernière livraison (DL) betterave ont dépassé un cumul moyen d’eau de 6000m3/Ha malgré les fortes précipitations marquée cette année 2012/2013 : 362,45 mm. RésultatsExploitationDATESEMISDLDATE-DLCycleBASROTP.BRUTIMPPOLApport en eau (m3/Ha)RDT (T/Ha)116/10/20120-711 282,926,1216,575384,40215/10/2012119/05/2013216

27553,067,3116,417366,2492,18328/09/2012108/05/201322212177,205,7120,976383,0439,38421/09/20120-05556,80•DL:Dernièrelivraison;•RDT:Rendement;•POL:Polarisation;•IMP:Impuretés;•P.BRUT:PoidsBrut;•P.NET:

PoidsNet.Constats Absence de débouchages

des rampes et portes rampes; Déficience

de la gestionquotidiennede l’irrigationet manquedes outilspourlepilotagedel’irrigation; Mauvaise exploitation

du matériel installé ;Mauvaisepréparationdelasolutionmèrelorsdelafertigation; Absence de filtration des fertilisants

ce qui peut provoquerunproblèmede colmatageprécisément lorsde l’utilisation dusulfate de potasse (K3SO4) moyennement soluble (sulfate).

RecommandationEncourager la formation etl’encadrement desagriculteurs etfils d’agriculteursdans certainsaspects d’irrigation,tels que: La maintenance de

la station defiltration et réseau d’irrigationlocalisée La conduite de

l’irrigation ; Le mode de contrôle

et vérification d’uneinstallation d’irrigation localisée .

Orientations futures Chercher

letraintechniqueleplusoptimalepourunemeilleureutilisationdel’irrigation G-à-G; Développement du système

d’irrigationaspersifà couverturetotaleadaptéà la culturede la betteraveà sucre; Défense des subventions

auprès del’Etat pourpromouvoirle systèmed’irrigationaspersifà couverture totale; Accompagnement des agriculteurs

dans le cadre du projet d’agrégationpourle développementdes systèmesd’irrigationéconomesen eau et adaptésaux culturessucrières.

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