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une question syndicale La crise écologique FSU SOLIDAIRES le 2 décembre 2009 à PARIS RENCONTRE

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une question

syndicale

La criseécologique

FSUSOLIDAIRES

le

2 décembre

2009

à PARIS

RENCONTRE

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104 rue Romain-Rolland93260 Les Lilas

email : [email protected]

144 Boulevard de la Villette75019 Paris

email : [email protected]

Le mouvement syndical manque dedébats de fond. Trop souvent chaqueorganisation reste enfermée dans sesdébats internes et ses proprescertitudes, les positionnementstactiques l’emportant sur la nécessité deconstruire des convergences basées surun travail de réflexion poussé. Cetterecherche de convergences est d’autantplus nécessaire que le mouvementsyndical reste divisé et soumis à desinterrogations quant à son efficacitépour transformer la société. La FSU etl’Union syndicale Solidaires ont décidéd’y réfléchir ensemble.Ce travail en commun concerne uncertain nombre de « grands » sujetsinterprofessionnels qui sont, oudevraient être, au cœur de l’actionsyndicale. Il est évidemment ouvert àtoutes les organisations syndicales quivoudraient s’y joindre.

DÉBATTRE ENSEMBLEPOUR AGIR ENSEMBLE

TEL EST L’ENJEUDE CES RENCONTRES

Cette brochure a été réalisée par

Pierre Khalfa, Claudie Martens, Christiane Marty, Pierre Masnière,

Patrice Perret, Sophie Zafari

Création et réalisation : C.A.G., Paris, 01 42 85 37 17Impression SIPÉ, Grigny, 01 69 46 59 58

Crédits photographiques : © de leur propriétaire respectif

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ACTES DE LA RENCONTRE FSU-SOLIDAIRES DU 2 DÉCEMBRE 2009 – La crise écologique, une question syndicale 3

Quelques jours avant la 15e

conférence des parties dela Convention cadre des

Nations unies sur les change-ments climatiques, à Copen-hague, la FSU et l’Union syndi-cale Solidaires ont choisid’organiser ensemble uncolloque centré sur la criseécologique. Nous sommesréunis ensemble aujourd’hui,pour cette journée dontl’avenir dira si elle est histo-rique, mais qui s’annonceimportante pour deux raisons principales.

Importante pour les réflexions syndicales relativementnouvelles, pour les questions majeures posées par la criseécologique.Les ressources de la nature ne sont pas infinies et l’orga-nisation économique et sociale ne peut disposer de l’éco-système comme elle l’entend. La crise écologique est leproduit direct d’un mode de développement productivistequi épuise les ressources de la nature et y décharge sesrésidus.Ce mode de développement a été induit par la logique demaximisation du profit portée par le capitalisme et consi-dérablement aggravé par les politiques néolibérales menéesdepuis plus d’un quart de siècle qui ont accentué lesprocessus de privatisation des biens et des services et demarchandisation du vivant. Le mouvement syndical s’est historiquement coulé dans lalogique productiviste du capital. La recherche d’un bien-être pour les salarié-e-s s’est focalisée, à juste titre, sur lepartage de la richesse produite, « le partage des fruits de lacroissance », en ne s’interrogeant pas sur le contenu decelle-ci et en sous-estimant souvent les conséquences pourla planète. Aujourd’hui le syndicalisme doit articuler reven-dications sociales et préoccupations écologiques dans uneremise en cause profonde du mode de développementproductiviste. Le défi à relever est de combiner la satisfaction des besoinssociaux, tant à l’échelle nationale, européenne et mondiale,et les solutions à mettre en oeuvre pour répondre à lacrise écologique. Il y a urgence et aucune organisationsyndicale ne peut aujourd’hui prétendre pouvoir le fairetoute seule. Cette première journée de débat appelle àpoursuivre la réflexion ensemble et en élargissant àd’autres organisations syndicales.

Importante pour le syndicalisme qui cherche l’unité d’action,la construction de convergences et réfléchit à ce que pour-

rait être une autre société pluségalitaire, solidaire et préservantsa planète.

Ce n’est pas un hasard si FSU etSolidaires se retrouventensemble dans ces réflexions.Nos deux organisations se sontcréées pour qu’existe un outilsyndical qui se bat pour unsyndicalisme de transformationsociale progressiste. Elles ontsu accueillir toutes celles et tousceux issus d’une autre confédé-ration ou d’autres organisations

qui avaient le même projet syndical, comme l’attestentquelques présences ici, les uns à la FSU, les autres à Soli-daires.Nous nous retrouvons souvent dans de nombreux combatsinterprofessionnels, sur les mêmes bases afin de construiredans l’unité des outils efficaces pour les salarié-e-s. Nousétions ensemble, avec d’autres, en 1995 et 2003 pour lesretraites, en 2009 dans l’intersyndicale. Nous sommes tousdeux membres fondateurs d’Attac, et dans le collectif« Urgence Climatique, Justice Sociale » qui prépare la mobi-lisation autour de Copenhague…

Ensemble, avec ceux qui le souhaitent, nous devons élaborer.Nous savons que le sort des salarié-e-s dépend à la fois desrevendications immédiates et de la perspective d’une sociétéfonctionnant autrement que pilotée par la recherche duprofit maximum. Nous avons une responsabilité pourconforter un syndicalisme qui concilie revendications immé-diates et transformation sociale dans le respect de l’envi-ronnement, pour faire face aux contre-réformes en cours qui,« détricotent » les acquis et le « compromis historique »passé entre les classes à la sortie de la guerre. La réponseau coup par coup doit se compléter de convergences autourd’orientations alternatives au néolibéralisme.

Personne ne détient seul la réponse. Nous devons regroupernos forces, confronter les expériences et débats de fond desdifférentes OS qui le souhaitent. Après l’échec du sommetde Copenhague, une vraie note d’espoir réside aujourd’huidans la forte mobilisation citoyenne qui s’est exprimée à l’oc-casion de ce sommet. Elle doit plus que jamais se poursuivreet s’amplifier. Le mouvement syndical doit y prendre toutesa place s’engager au plan national et international, encontribuant avec d’autres à construire de nouvelles initiativesd’action mais aussi de propositions alternatives. FSU etSolidaires commencent aujourd’hui sur l’écologie et pour-suivront demain avec tous ceux qui le veulent, notammentsur le partage des richesses et les retraites. ■

Articuler réellementrevendications sociales et écologiques

Présentation de la journée, par Bernadette Groison (FSU)et Patrice Perret (Solidaires)

❘❙❚ OUVERTURE DU COLLOQUE ❚❙❘

Patrice Perret Bernadette Groison

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ACTES DE LA RENCONTRE FSU-SOLIDAIRES DU 2 DÉCEMBRE 2009 – La crise écologique, une question syndicale

Sommaire

❙❚ R❘ésumé de l’intervention de Robert Kandel Laboratoire

de Météorologie Dynamique PAGE 5

❙❚ Les enjeux de la conférence de Copenhague,

Sophie Zafari PAGE 9

Bilan de la conférence de Copenhague,

communiqué de presse de la FSU PAGE 12

❙❚ La finance carbone, Christiane Marty PAGE 13

❙❚ L’Union Européenne face à l’urgence climatique,

Pierre Duharcourt PAGE 17

❙❚ États énergétiques de l’UE PAGE 20

❙❚ Stratégie énergétique communautaire et marché

de l’énergie Pierre Masniere PAGE 21

Table ronde n° 2 : Syndicalisme et enjeux environnementaux

❙❚ Une autre façon de produire et de consommer,

Claudie Martens PAGE 25

Bilan de la conférence de Copenhague,

communiqué de presse de l’Union syndicale Solidaires PAGE 28

❙❚ Le syndicalisme au défi de l’écologie, Pierre Khalfa PAGE 29

❙❚ Syndicalisme et environnement : pas simple au quotidien,

Daniel Gascard PAGE 33

❙❚ Lier défense de l’environnement et des salariés,

François Teyssier PAGE 35

Conclusions de la journée Interventions d’Annick Coupé et Gérard Aschieri PAGES 38-39

Expérience de terrain

Syndicalisme et enjeux environnementaux

Zoom sur la politique européenne

De Kyoto à Copenhague,quelles alternatives face à l’écologie de marché ?

Réchauffement climatique : quels scénarios pour demain ?

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ACTES DE LA RENCONTRE FSU-SOLIDAIRES DU 2 DÉCEMBRE 2009 – La crise écologique, une question syndicale 5

❘❙❚ RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE : QUELS SCÉNARIOS POUR DEMAIN ? ❚❙❘

Réchauffement climatique :quels scénarios pour demain ?

Monsieur Kandel a débuté sonexposé en rappelant que leschangements climatiques

ont marqué l’histoire de la Terredepuis sa formation. Mais le chan-gement climatique actuel présentedeux différences essentielles parrapport aux changements passés.L’origine du réchauffement d’unepart, liée à l’activité humaine etnon à des variations des para-mètres de l’orbite et de la rota-tion de la Terre ou des catas-trophes naturelles. L’échelle detemps pour ce changementd’autre part, de l’ordre de la cen-

taine d’années aujourd’hui alors que les change-ments passés se déroulaient sur des échelles dedizaines ou de centaines de milliers d’années.

La physique de l’atmosphère et du climat Le climat est le résultat du bilan radiatif de la Terre.

Si la Terre était privée d’atmosphère sa températuremoyenne avoisinerait – 20 °C du fait de sa distanceau soleil, de la quantité d’énergie réfléchie par sasurface, de l’évacuation d’énergie vers l’espace parrayonnement infrarouge La présence de l’atmo-sphère permet de renvoyer vers le sol une partie durayonnement infrarouge qui réchauffe alors la surface

du globe et les basses couches de l’atmosphère.C’est l’effet de serre assuré par l’eau, le CO2, l’ozone... de l’atmosphère. L’azote, l’oxygène, l’argon (99 %de l’atmosphère) n’y jouent aucun rôle. Ajouter desmolécules de CO2 à l’atmosphère intensifie l’effetde serre.

L’altération anthropique de l’atmosphèreDepuis 1958, la concentration atmosphérique de CO2

sort totalement de la variabilité naturelle des derniers420 000 ans voire 740 000 ans, probablement desderniers 2 millions d’années. L’augmentation depuis1900 est le résultat des activités humaines.

Nous perturbons ainsi le climat et le cycle de l’eau enrenforçant l’effet de serre. C’est ce que l’on appelle leforçage anthropique.

Robert KandelInstitut

Pierre Simon Laplace

Vous trouverez ci dessous un résumé de l’intervention de Robert Kandel, qui a dressé l’état des connaissances sur l’évolution du climat et les scénarios possibles

pour l’avenir sur la base des modèles utilisés aujourd’hui. Il a illustré son propos d’une sériede documents dont certains sont reproduits ici. L’intégrale des éléments projetés

est disponible sur les sites de la FSU et de Solidaires, Robert Kandel ayant acceptéde les mettre à disposition des deux organisations. Qu’il en soit vivement remercié.

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❘❙❚ RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE : QUELS SCÉNARIOS POUR DEMAIN ? ❚❙❘

La convergence des preuvesLa planète se réchauffe dans toutes les régions. Lesvariations de l’activité solaire et de l’activité volca-nique ne jouent qu’un rôle secondaire dans ce phéno-mène. Les modèles donnent le réchauffement observéseulement si on inclut les forçages anthropiques.

On observe aujourd’hui les changements prédits parles modèles : réchauffement de la surface et de labasse atmosphère, refroidissement de la stratosphère(15-50 km), réchauffement des océans en profondeur,amincissement des glaces flottantes de l’océanArctique et diminution de leur étendue, désagrégationdes banquises, recul des glaciers.

Depuis la publication du premier Rapport du GIEC(1)

en1990, les projections estimées ont suggéré une haussedes températures mondiales moyennes d’environ0,15 °C à 0,3 °C par décennie pour les années1990–2005. On peut désormais comparer ces projec-tions aux valeurs observées, qui sont de l’ordre de0,2 °C par décennie : la fiabilité des projections àcourt terme en est donc renforcée.

Les risques d’un changement majeur Après plus de dix siècles de stabilité, le réchauffementet ses conséquences portent le risque des change-ments majeurs. La montée du niveau de la mer estcertaine, mais à quelle vitesse ? Et de combien ?+ 20 cm ? + 60 cm ? ou plus encore d'ici 2100 ? Cephénomène va entraîner des risques accrus en cas detempête, des inondations des plaines côtières, l'infil-tration de la nappe phréatique.

L'intensification du cycle de l'eau modifiera la carte derisque de sécheresses, de canicules, de pluies fortesavec inondations, de tempêtes et cyclones avec desconséquences pour l'agriculture, l'approvisionnementen eau, la biosphère naturelle...

Le risque de l'invasion de la mer du Nord par des eauxdouces venant de précipitations accrues et de la fontedes glaces du Groenland n'est pas exclu. La consé-quence en serait un refroidissement hivernal sévère enEurope et une sécheresse prolongée aux moyenneslatitudes.

L’ampleur du changement affectant les ressources eneau et les risques de désastres météorologiquesdépendra de la réaction du cycle hydrologique.

Pour mieux préparer l’adaptation aux changementsinéluctables, il faut réduire les incertitudes. Larecherche reste essentielle.

Ralentir le changement climatique, une nécessité impérieuse Dépasser un réchauffement planétaire de 2 °C nousplacerait en zone de danger par rapport aux besoinshumains. Pour éviter cette zone de danger, il fautréduire de 50 % les émissions mondiales de gaz àeffet de serre ce qui implique de réduire d'environ80 % les émissions des pays riches .

(1) Groupe international d’experts sur le climat.

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ACTES DE LA RENCONTRE FSU-SOLIDAIRES DU 2 DÉCEMBRE 2009 – La crise écologique, une question syndicale

❘❙❚ RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE : QUELS SCÉNARIOS POUR DEMAIN ? ❚❙❘

On en est malheureusement très loin aujourd'hui.

Si le protocole de Kyoto constitue un premier petitpas, les engagements ont été insuffisants et maltenus. Les incertitudes sur l’ampleur du change-ment climatique ne justifient nullement la gabegie quiaccélère l’altération anthropique de l’atmosphèreet le changement climatique, et risque d’entraînerune véritable catastrophe.

Il faut apprendre – chez nous comme dans les paysémergents - à faire mieux avec moins.

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N°2.

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Les questions d'habitat et d'urbanisme plus généra-lement sont particulièrement problématiques car leschangements nécessitent du temps (le renouvelle-ment de l'habitat se fait sur un siècle).

Au plan énergétique, diverses solutions existent oupeuvent se développer dans le futur. Dans l'immédiatet pour atteindre les objectifs de réduction, la prioritédoit aller vers l'efficacité énergétique.

En conclusion, les décennies à venir apporteront dessurprises – bonnes et mauvaises. Le climat changera,mieux vaut se préparer. La rapidité et l’ampleur deschangements dépendront en partie de nos actions. ■

Exemples d’incidences associées à la variation de la température moyenne à la surface du globeLa disposition du texte permet de voir approximativement à quel niveau de réchauffement s’amorce l’effet mentionné.

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ACTES DE LA RENCONTRE FSU-SOLIDAIRES DU 2 DÉCEMBRE 2009 – La crise écologique, une question syndicale8

❘❙❚ RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE : QUELS SCÉNARIOS POUR DEMAIN ? ❚❙❘

Notre livre est un essai surle rôle des catastrophes,surtout climatiques, dans

l’histoire de la planète et dansla vie des hommes.

Nous évoquons les catas-trophes « ordinaires » dues àla violence intrinsèque de lanature – catastrophes qui arri-vent sinon tous les jours, aumoins plusieurs fois pardécennie sur notre planète.Mais nous rappelons qu’il y aeu dans l’histoire de la Terredes catastrophes – surtout cli-matiques – à l’échelle duglobe, et que celles-ci ont pro-fondément modifié le cours del’évolution. Après avoir passéen revue l’histoire récente desclimats – les alternances entre périodes gla-ciaires et périodes interglaciaires depuis deuxmillions d’années, nous abordons le changementqui est en cours.

Nous rappelons que depuis un siècle – bien peuà côté des échelles de temps géologiques ! – lacroissance de la population humaine et de sesactivités agricoles et industrielles modifie de plusen plus la composition de l’atmosphère de toutela planète. En donnant les éléments de base de laphysique du climat, nous rappelons que cettealtération de l’atmosphère, résultat, sans aucundoute, des activités humaines, est la principaleresponsable du réchauffement observé depuisquelques décennies. En outre, ce réchauffementplanétaire vient avec des modifications dans lecycle de l’eau. On peut être sûr que la répartitiondes ressources en eau douce, ainsi que la fré-quence et l’intensité des événements violentsvont changer. Mais aujourd’hui, pour beaucoup derégions, on ne peut prédire avec précision lanature exacte de ces changements, ce qui nesimplifie pas les préparatifs indispensables pourque nos sociétés s’adaptent aux changementsclimatiques à venir. Certes, avec lessatellites d’observation, les télécommunicationsrapides, les navires moins fragiles, entre autres,les sociétés modernes disposent de moyens pourmieux faire face aux tempêtes et cyclones. Maisapparaissent aussi de nouvelles vulnérabilités,que nous examinons également dans notre livre.

Nous concluons avec un aver-tissement sur les implicationsde la poursuite des émissionsde gaz à effet de serre. L’ac-célération de l’altération del’atmosphère pousse les cli-mats vers des changementsde plus en plus importants etde plus en plus rapides. Si lesclimats changent en suivantles calculs des modèles, avecen moins d’un siècle unréchauffement comparable àcelui des millénaires de ladéglaciation, cela sera déjàcatastrophique pour certainesforêts comme pour de nom-breux animaux, humainscomme ours polaires, quiauront trop de mal à s’adapter

si vite. Est-ce là le seul scénario à envisager ?Nous en examinons d’autres. Comme nous l’ex-pliquons, la modélisation climatique comporteaussi ses limites, compte tenu des phénomènesde chaos, ainsi que des schématisations inévi-tables pour représenter la complexité du sys-tème Terre.

Mais croire qu’à ces limitations de la modélisationcorrespond nécessairement une limitation duchangement climatique, c’est croire à un PèreNoël climatique. En réalité, nous sommes plutôtconfrontés au risque croissant de dépasser unseuil à partir duquel le système changera demanière radicale et abrupte – comme il l’a déjàfait dans le passé – et là, ce serait une véritablecatastrophe climatique, catastrophe à laquellebien des pans de la biosphère naturelle commedes sociétés humaines ne parviendront pas às’adapter.

« La Terre, en tant que planète, a des milliardsd’années devant elle, et quoi qu’il arrive, elles’adaptera… Ce qui est en jeu, c’est notre survie,ou au moins, l’état de la planète en tant que lieude bien-vivre pour l’espèce humaine. La ques-tion n’est pas tant de sauver la planète que denous sauver nous-mêmes. Plus encore, il s’agit denous sauver de nous-mêmes… Pour nos enfantset petits-enfants, pour les enfants et petits-enfants de tous nos contemporains, si nousn’agissons pas rapidement, la catastrophe estimminente. » ■

La catastrophe climatiqueDe Robert et Maya Kandel

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❘❙❚ DE KYOTO À COPENHAGUE, QUELLES ALTERNATIVES FACE À L’ÉCOLOGIE DE MARCHÉ ❚❙❘

ACTES DE LA RENCONTRE FSU-SOLIDAIRES DU 2 DÉCEMBRE 2009 – La crise écologique, une question syndicale 9

Un sommet hypermédiatiséÀ quelques jours de la conférencede Copenhague, les formules, lestitres chocs des médias nemanquent pas : « L’avenir de l’hu-manité dépend des 12 jours de la15e conférence des Nations-Uniessur le changement climatique » ;

Sommet de Copenhague, le plus important après celuide Yalta ; « Réunion de la dernière chance ».

En effet le suspense devrait être insoutenable :Obama va-t-il rompre avec les aberrations anti-écolo-giques de son prédécesseur ? Sarkozy, après leGrenelle de l’environnement, et sa tournée média-tique au Brésil notamment, va-t-il jouer la carte dumeilleur écologiste des pays occidentaux ? La Chine,le Brésil ou l’Inde vont-ils reproduire le modèle dedéveloppement des vieilles puissances industrielles ?Les États insulaires sont-ils irrémédiablementcondamnés à disparaître ? La crise économique va-t-elle provoquer un sursaut de conscience écologiste ?

Bref est-il encore possible de freiner la catastrophe,est-il possible d’arriver à un accord international effi-cace et solidaire ?

Les négociations du COP15Le sommet de Copenhague est la 15

econférence des

parties (COP-15) de la Convention cadre des Nationsunies sur les changements climatiques (CCNUCC).C’est une étape majeure des négociations interna-tionales sur le climat entamées depuis la Conférencede Rio en 1992 puis la signature du protocole de Kyotoen 1997. Cette réunion s’avère particulièrement impor-tante puisqu’elle doit se prononcer sur les mesures àprendre pour lutter contre le dérèglement climatiquealors que le protocole de Kyoto arrive à sa fin en 2012.

Les décisions à prendre relèvent d’une véritableurgence, pour que les objectifs de stabilisation donnéspar le GIEC (Groupe intergouvernemental d’experts surle climat), partenaire essentiel de la Convention, puis-sent être atteints .

La Conférence devra se prononcer sur les mesures àprendre pour la période 2013-2020 pour ne pasdépasser une augmentation de deux degrés de latempérature moyenne de l’atmosphère en 2100,objectif aujourd’hui partagé par tous les États.

Au-delà, les conséquences, comme cela a été rappelépar R. Kandell, seraient telles sur les provisions en eauet produits alimentaires qu’il serait impossible desubvenir aux besoins de l’humanité.

Les négociations actuelles portent essentiellement surles objectifs chiffrés en matière de réduction desémissions de gaz à effet de serre, sur les mécanismesà mettre en œuvre pour les atteindre, sur les institu-tions à même de porter les négociations et la réali-sation des engagements et sur le financement desmesures à prendre.

Ces questions, techniques en apparence, contiennentdes enjeux sociaux et démocratiques essentiels.

Retour sur KyotoLe protocole de Kyoto, négocié entre 1995 et 1997 estentré en vigueur en 2005, après de nombreuses péri-péties et en particulier le refus des États-Unis de sesoumettre à des objectifs chiffrés. En revanche 39 paysdits de l’annexe B (pays industrialisés et pays en voiede transition vers l’économie de marché) ont ratifiél’engagement. Le protocole de Kyoto a constitué lapremière étape d’un engagement international pour laréduction des émissions de gaz à effet de serre (GES)sous l’égide des Nations Unies. Cependant les objec-tifs tracés étaient largement insuffisants : 5,2 % debaisse des émissions de GES en 2012 par rapport auniveau atteint en 1990. Et surtout un certain nombred’échappatoires (les mécanismes de flexibilité), a étéautorisé pour obtenir le consentement d’un maximumde pays à s’engager sur ce traité. Le protocole deKyoto a introduit la possibilité des mécanismesd’échanges marchands de droits à polluer et d’inves-tissement dans des projets non polluants dans lespays en développement, afin d’exonérer les indus-tries du Nord de leurs responsabilités. C’est la miseen place du marché carbone, comme instrument pourréguler les émissions de GES : marché d’échange decrédits d’émissions....

Le protocole de Kyoto a donc autorisé la mise enplace d’un marché des permis des émissions conver-ties en tonnes équivalent carbone (permis de polluer)sans aucune réflexion sur la nécessité de transformerprofondément le modèle de développement dominantpour atteindre les objectifs de réduction. C’est aucontraire pour concilier (tenter de concilier) la perpé-tuation du modèle économique dominant et la réduc-tion des émissions que des « mécanismes de flexibi-lité » ont été introduits dans le protocole.

C’est la logique économique libérale de poursuited’une croissance matérielle infinie, assortie du dogmedu libre-échange et de la capacité du marché à régulerles sociétés et le climat, qui a eu gain de cause.

Pour l’instant, les marchés du carbone, bien qu’encore

Les enjeux de la conférencede Copenhague

Sophie ZafariFSU, secteur international

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❘❙❚ DE KYOTO À COPENHAGUE, QUELLES ALTERNATIVES FACE À L’ÉCOLOGIE DE MARCHÉ ❚❙❘

ACTES DE LA RENCONTRE FSU-SOLIDAIRES DU 2 DÉCEMBRE 2009 – La crise écologique, une question syndicale10

restreints sont en forte augmentation, mais la priorité

donnée à la finance carbone pour réguler le change-

ment climatique les appelle à grandir très rapide-

ment. Enrayer l’expansion du marché carbone et toute

possibilité de spéculation financière est donc l’un des

enjeux de la conférence de Copenhague 2009.

Les objectifs de Kyoto, déjà insuffisants, ne seront pour

autant pas tous atteints en 2012 et il faut noter qu’à ce

jour les émissions globales ont augmenté de 11 %

À quelques jours de CopenhagueLors des sommets préparatoires à celui de Copen-

hague on a vu un accord tacite entre les États-Unis et

l’Union Européenne pour que ne soient pas définis

des objectifs contraignants, pour qu’une place centrale

soit accordée aux mécanismes marchands, et que

les fonds d’adaptation censés aider les pays pauvres

à faire face aux changements climatiques soient gérés

en grande partie par la Banque Mondiale et le Fonds

Monétaire International

Les objectifs chiffrés en matière de réductiondes émissions de gaz à effet de serreSur ce premier enjeu, les recommandations du GIEC

sont claires : il faut prendre des mesures rapides et

drastiques de réduction des émissions de gaz à effet

de serre (GES) . Ne pas dépasser le seuil fatidique de

deux degrés implique la diminution d’au moins de

moitié des émissions de GES à l’échelle mondiale

d’ici à 2050, 80 % devant être réalisés dans les pays

industrialisés.

Tout le monde s’accorde sur cet objectif, pourtant les

engagements proposés, par les pays industrialisés

ne sont pas à la hauteur des enjeux.

Alors qu’il faudrait une diminution de 40 % des émis-

sions de GES pour les pays riches d’ici 2020, l’UE s’est

fixé comme objectif 20 %. Quant aux États-Unis, le

président américain s’est engagé à annoncer une

réduction des émissions de gaz à effet de serre des

États-Unis de 17 % en 2020, mais surtout en se basant

sur 2005, soit en réalité à peine 5 % par rapport à 1990,

date de référence utilisée par les experts du GIEC.

Rapport Nord/Sud, dette écologiqueLes négociations préparant la conférence de Copen-

hague achoppent notamment en raison des désac-

cords qui subsistent entre les pays riches et les pays

émergents. Les États-Unis estiment que les grands

pays émergents, à commencer par la Chine, doivent

être astreints aux mêmes règles que les pays riches.

Les Chinois (et les pays émergents en général) consi-

dèrent, à l’inverse, que les pays riches, et notamment

les États-Unis, doivent prendre des engagements

supérieurs du fait de leur responsabilité « historique »

dans le réchauffement climatique et soutenir finan-

cièrement les pays en développement dans ce

domaine.

La Chine est devenue, c’est vrai, le premier émetteurde dioxyde de carbone (CO2) de la planète, surpassantles États-Unis qui restent toutefois le numéro un desémissions par habitant (la Chine n’est que le 17e émet-teur par habitant

(1).

Toujours plus de marchéLes mécanismes marchands, introduits par Kyotomais de façon relativement marginale, deviennent laprincipale solution aux changements climatiques,ouvrant la voie à un marché mondial du carbone dontles États-Unis et l’UE se partagent le leadership.

Lors des ultimes rencontres préparatoires, à Bali et àPoznan, les négociations ont visé à introduire denouveaux secteurs dans le commerce du carbone :les forêts

(2)et les terres agricoles. Cela conduirait à une

accélération de la privatisation des terres agricoleset forestières par des multinationales souhaitantacquérir des crédits carbone (au risque d’y produire desagrocarburants comme on l’observe déjà au Brésil ouen Indonésie).

On connaissait déjà les plans d’ajustement structurel.C’est désormais un nouveau type de dominationéconomique qui voit le jour. Alors que nombre de payspauvres ont besoin de fonds importants pour l’atté-nuation et l’adaptation face aux changements clima-tiques, l’orientation actuelle est de financer ces fondsen partie sur les budgets des pays pauvres eux-mêmes, en partie sur des profits issus des méca-nismes marchands, et en faible partie sur des trans-ferts de fonds des pays industriels.

(1) États-Unis : 23,5 t/hab., UE : 10,3 t/hab., Chine : 5,5 t/hab.

(2) Via le mécanisme intitulé REDD : Réduction des émissions dues

à la déforestation et à la dégradation des forêts.

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❘❙❚ DE KYOTO À COPENHAGUE, QUELLES ALTERNATIVES FACE À L’ÉCOLOGIE DE MARCHÉ ❚❙❘

ACTES DE LA RENCONTRE FSU-SOLIDAIRES DU 2 DÉCEMBRE 2009 – La crise écologique, une question syndicale

Trop peu d’engagement financierSur les montants des transferts financiers, il y a degrandes divergences entre les montants exigés par lespays en développement et ceux proposés par les paysindustrialisés qui invoquent la crise financière etéconomique mondiale.

En outre, depuis la ratification de la Convention de Rioen 1992, très peu des financements promis (notam-ment pour l’adaptation au changement climatique)ont été transférés vers les pays en développement.

Les pays du G77 (pays en développement) exigent quecette fois-ci, les promesses soient tenues et ils ont ététrès clairs sur ce point : « no money, no deal ».

Les ONG et pays en développement estiment lesbesoins pour l’adaptation (transfert de technolo-gies...) à 100 milliards de dollars US par an alorsque les pays industrialisés évaluent à 100 milliards dedollars US maximum (et en comptant lourdement surle marché carbone) les financements disponiblespour le climat.

Et quand les États-Unis se disentprêts à augmenter les transfertsfinanciers vers les pays en déve-loppement c’est à condition d’im-pliquer très étroitement le marchécarbone et le secteur privé. Ilssoutiennent les transferts de tech-nologie à condition que le régimedes droits de propriété intellectuelle ne soit pasremis en cause.

Qui gère ?Les états, et de surcroît les peuples (les plus vulné-rables) sont dessaisis de la gestion de ces fonds,puisque le Fonds Monétaire International (FMI) et laBanque Mondiale (BM) se portent volontaires pourcette noble tâche. Le but de la BM est de favoriser etde participer à un marché mondial du carbone. Selonson rapport 2008, elle gère plus de 2 milliards dedollars US par l’intermédiaire de 10 fonds. Moins de10 % des prêts servent des petits projets d’énergiesrenouvelables, alors que près de 80 % sont destinésaux industries charbonnières ou chimiques souscouvert de financer leur adaptation à des technologiesmoins polluantes. La Banque Mondiale n’est doncpas crédible en matière de lutte contre le changementclimatique.

Perspectives inquiétantesCe qui risque d’être entériné c’est de fait la fin desrares aspects positifs du protocole de Kyoto.

Il n’y aura pas d’accord international associant tousles pays, puisque les États-Unis refusent de rentrer dansun cadre comme celui de Kyoto, afin de garder lesmains libres. Et l’UE entérine cet état de fait sans bron-cher.

Il est plus probable qu’une simple déclaration politiquemontrant un apparent consensus, mais renvoie lesproblèmes les plus urgents à de futures négociations.

La responsabilité commune mais différenciée s’ame-nuise jusqu’à disparaître. De fait, il s’agit là de revenirsur un des principes positifs du protocole de Kyoto,celui de la « responsabilité commune mais différen-ciée » qui enjoignait aux pays industriels de baisserleurs émissions de gaz à effet de serre en priorité,avant ceux du Sud.

Dans ce contexte et face à des négociations aussidécourageantes qu’inquiétantes certains mouvementsjugent qu’une absence d’accord serait préférable à unmauvais et dangereux accord .

Pourtant les exigences de justice climatique doiventêtre portées collectivement pour qu’un accord desNations Unies puisse voir le jour et définir un cadreglobal et des points d’appui pour des politiques et desinitiatives à la base, combinant l’urgence écologique,

justice sociale et débat démocra-tique. C’est tout l’intérêt dedéfendre un accord, un véritableaccord, juridiquement contrai-gnant. Un accord à la fois juste,solidaire et efficace.

L’enjeu pour nous, mouvementsyndical, mouvement social, est deconstruire une véritable mobilisa-

tion sociale et politique : car si les peuples, si lescitoyens, si les salariés ne s’en mêlent pas l’issue dela conférence de Copenhague ne fait guère de doute :pas d’accord ou un mauvais accord.

C’est le sens de notre participation à la manifesta-tion du 12 décembre à Copenhague et à notre travailau sein du collectif Urgence climatique - Justicesociale. ■

“Les ONG estiment

les besoins pour l’adaptation

à 100 milliardsde dollars par an.

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La FSU constate avec consternation et colèreque le sommet de Copenhague sur le climat aabouti à un échec dramatique pour l’avenir de

l’humanité.

Après deux ans de travail et alors que plus decent chefs d’État ou de gouvernement étaientréunis, aucun accord mondial n’a pu être conclu.

Les États-Unis par leur refus de prendre desengagements significatifs portent une responsa-bilité majeure et l’Europe s’est révélée incapablede proposer fortement une voie ambi-tieuse. Cela, combiné au jeu de laChine d’une part mais aussi du Brésil,de l’Inde et de l’Afrique du Sud qui ontdivisé et affaibli le G77, a conduit à unscénario catastrophe et les ultimespéripéties de Copenhague ne pour-ront occulter cet échec.

La séance finale de la conférence asimplement « pris note » du texte travaillé endehors de toute procédure onusienne, par le MEF(Major Économies Forum), équivalent du G20, etinvité les pays à le signer.

Ce texte ne prévoit aucune décision pour allervers un nouveau traité contraignant confirmantet prolongeant Kyoto. S’il reconnaît la nécessité delimiter la hausse des températures mondiales à2 °C et la nécessité de fortes réductions des émis-sions mondiales, il ne mentionne aucun objectifchiffré de réduction à long terme (2050) et à moyenterme (2020) pour chacun des pays, qui ferontsimplement connaître leurs engagements pour2020 d’ici au 31 janvier 2010 sans même préciserl’année de référence (1990 ou 2005 ?). Ce refusd’engagements contraignants concerne en pre-mier lieu l’ensemble des pays développés, dont la

responsabilité historique dans le changement cli-matique est particulièrement lourde.

Le texte prévoit la création d’un «Fonds clima-tique vert de Copenhague » avec l’objectif de lever100 milliards de dollars par an d’ici à 2020 pouraider les pays en développement dans les mesuresd’adaptation et d’atténuation mais les pays déve-loppés ne contribueraient qu’à hauteur de 30 mil-liards de dollars annuels sur la période 2010-2012. Et il est vraisemblable que ces fonds ne

correspondront qu’à une reconver-sion de l’aide au développement déjàpromise. Ajoutons à cela qu’aucunaccord sur les contributions indivi-duelles des pays riches, sur la répar-tition vers les pays pauvres, et sur lefinancement de la préservation desforêts n’a été trouvé.

Ce texte consacre également la placedu marché, notamment concernant

le problème de la déforestation (mécanismeREDD), donnant son imprimatur à un développe-ment de la finance carbone aussi inefficace qu’in-juste et source de profit spéculatif et d’instabilitééconomique et financière.

La seule note d’espoir réside aujourd’hui dans laforte mobilisation citoyenne qui s’est exprimée àl’occasion de ce sommet. Elle doit plus que jamaisse poursuivre et s’amplifier pour imposer d’autreschoix et promouvoir des transitions vers des socié-tés soutenables et pour la justice climatique. LaFSU dans la perspective de la conférence deMexico fin 2010 s’engagera au plan national etinternational à construire de nouvelles initiativesavec ses partenaires dans les cadres intersyndi-caux et dans les collectifs où elle est impliquée. ■

Copenhague : un échecdramatique pour l’avenir

de l’humanité

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❘❙❚ DE KYOTO À COPENHAGUE, QUELLES ALTERNATIVES FACE À L’ÉCOLOGIE DE MARCHÉ ❚❙❘

ACTES DE LA RENCONTRE FSU-SOLIDAIRES DU 2 DÉCEMBRE 2009 – La crise écologique, une question syndicale

Mon intervention porte sur lesmécanismes mis en placepar le protocole de Kyoto

pour atteindre les objectifs de limi-tation des émissions de gaz à effetde serre (GES) qui ont donné lieu àla création du marché carbone, oufinance carbone. Ensuite je feraiun point sur le débat qui opposerégulièrement marché des permiset taxes, pour finir en présentant

quelques alternatives.

Les mécanismes de flexibilité de KyotoLe protocole de Kyoto fixe aux pays industrialisés (38pays dits de l’annexe B) des objectifs de réduction oulimitation des émissions de GES d’ici à 2012 par rap-port au niveau de 1990. Ces objectifs de réduction setraduisent pour chaque pays en objectif de quantitétotale d’émissions à ne pas dépasser. Cela concernesix gaz à effet de serre (les plus connus sont le gaz car-bonique CO2 et le méthane CH4), mais les quantitéssont comptabilisées en une même unité : la tonned’équivalent CO2 (CO2eq).

L’Union européenne a été la première à mettre enplace un marché carbone (Emission trade system,ETS) en 2005. Chaque pays reçoit une allocation depermis, ou quotas, en tonnes de CO2eq, et distribue àson tour des permis d’émissions aux différents sec-teurs de l’industrie et aux différentes entreprises dupays (secteur de l’énergie et industries fortes émet-trices de GES comme ciment, raffinage, production demétal, chimie, etc.). Ces allocations sont attribuéespour une période donnée, trois ans dans la premièrephase du marché européen (2005-2007). Elles fonc-tionnent comme un stock : à la fin de la période, lesentreprises doivent rendre autant de permis que laquantité de GES qu’elles ont émis.

Comme ces objectifs de réduction représentent unecontrainte, ce qui est malvenu selon le credo libéral,pour compenser ces «objectifs contraignants » le pro-tocole offre une flexibilité aux pays sur la manièred’atteindre leurs objectifs, à travers trois dispositifs,appelés mécanismes de flexibilité. Le premier est lemarché des permis d’émission, où il est possibled’acheter ou de vendre ces permis.

Le marché des permis d’émission (de GES)Si une entreprise pollue moins que la quantité qu’onlui a attribuée, c’est-à-dire moins que ce à quoi ellea droit, elle peut vendre son surplus de permis à

une entreprise qui va émettre plus de CO2 que cequi lui a été attribué. C’est ce qui fait qu’on parle de« droit à polluer ». On crée ainsi un marché, quipasse par la finance.

Dans ces conditions, l’entreprise ne sera pas forcé-ment incitée à investir dans les technologies proprespour émettre moins. Il sera peut-être plus rentablepour elle d’acheter les permis dont elle a besoin surle marché. Le marché n’incite pas au comportement« vertueux », mais se traduit par une stratégie d’opti-misation de la rentabilité des investissements de l’en-treprise.

Remarque : sur le marché européen, dans la pre-mière phase 2005-2007, il y a eu une allocation trèsgénéreuse de quotas, qui correspondait à une faiblecontrainte pour les entreprises, donc peu de besoind’acheter des quotas, et le prix de la tonne carbones’est effondré sur le marché en descendant même jus-qu’à 1 euro à une certaine période.

Ensuite, avec la récession économique, les émissionsdécroissent mécaniquement. Aujourd’hui le prix de latonne de CO2 tourne autour de 15 euros, ce qui est del’avis général bien trop faible pour inciter à réduire sesémissions. En plus, l’énorme majorité des quotas apour l’instant été distribuée gratuitement.

Le deuxième mécanisme de flexibilité mis en placepour objectifs de Kyoto est la Mise en Œuvre Conjointe.

La mise en œuvre conjointe - MOC(ou Joint Implementation)La MOC permet à un pays industrialisé X soumis à unobjectif de Kyoto d’investir dans des projets destinésà réaliser des réductions d’émissions dans un autrepays industrialisé Y de l’annexe B, et en échange ilrécupère les crédits d’émissions correspondants (d’oùle terme de mise en œuvre conjointe).

La finance carbone

Christiane MartySolidaires, membre de la

commission Écologie

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ACTES DE LA RENCONTRE FSU-SOLIDAIRES DU 2 DÉCEMBRE 2009 – La crise écologique, une question syndicale14

Ce mécanisme utilise le fait qu’il est moins coûteuxde réaliser des réductions d’émissions dans le paysrécepteur du projet Y que dans le pays X. Il concernesurtout les investissements dans les pays d’Europecentrale et orientale (ex-pays de l’Est). Du fait de larécession survenue lors de la transition économique,ces pays ont déjà enregistré une réduction sensiblede leurs émissions après 1990.

Ils disposent donc d’un surplus de quotas sans devoirfournir d’efforts pour moins polluer. De plus, leurparc industriel étant vétuste, il représente un grospotentiel pour réduire les émissions de CO2 au moyend’investissements à faible coût, donc très rentables.Cette rentabilité est d’autant plus forte que le coût dutravail y est nettement moins élevé qu’à l’Ouest. Ona donc un effet d’aubaine important.

Le mécanisme de développement propre - MDP(ou Clean Development Mechanism - CDM)Le troisième mécanisme, le MDP est assez semblableau MOC, la différence est que les investissementspour des projets qui aboutissent à des réductionsd’émissions se font dans des pays en développement,donc hors annexe B, qui n’ont pas d’objectif selonKyoto.

Les projets doivent permettre localement des émis-sions plus faibles que celles qui auraient eu lieu sansle projet. C’est ce qu’on appelle les émissions évi-tées par rapport à un scénario de référence « poursuitede la situation existante ». Pour obtenir le label MDP,il faut certifier que les projets n’auraient pas vu lejour sans le mécanisme du Protocole de Kyoto : c’estla règle d’additionnalité. Cette règle est largementcontestée car assez impossible à établir. Exemples deprojets labellisés MDP : barrages, centrales de pro-duction d’électricité à base de biomasse.

Il y a de nombreuses critiques ou effetspervers de ces mécanismes, etparticulièrement des MDP.– Les pays développés, leurs entreprises peuvent sedéfausser de leurs obligations de réduire leurs propresémissions de GES puisqu’elles peuvent « compen-ser » en faisant appel aux crédits d’émissions achetésvia les mécanismes MDP ou MOC : le marché donnede plus de nombreuses opportunités d’investisse-ments rentables. L’Union européenne offre ainsi lapossibilité de réaliser jusqu’à 50 % des objectifs deréductions d’émissions d’ici à 2020 en dehors du ter-ritoire européen.

– Le critère d’additionnalité est plus que sujet à cau-tion. Les investisseurs font pression sur les paysrécepteurs du projet et les organes du MDP pourqu’ils adoptent des critères d’additionnalité peucontraignants, afin que les coûts liés à leur mise enœuvre restent faibles.

– Les MDP sont des mécanismes complexes sur leplan administratif, difficilement vérifiables. Selon lesbilans actuels, entre un tiers et deux tiers des projetsn’aboutiraient pas dans les faits à de véritables réduc-tions d’émissions.

– Le principe des MDP incite en réalité les pays émer-gents concernés à ne pas adopter de législation envi-ronnementale ou à maintenir des normes très basses,à refuser de signer des accords internationaux contrai-gnants, pour favoriser la labellisation MDP des projetsinitiés par les pays du Nord.

– De plus, de nombreux projets MDP ont des consé-quences sociales très négatives, telles que des dépla-cements de population, expulsions de paysans, etc.

On pourrait avancer que malgré ces défauts, les MDPsont tout de même utiles au développement des paysdu Sud. En réalité la répartition géographique desMDP est très inégalitaire : en 2008, sur 1243 projets,66 % se situent en Asie, 30 % en Amérique du sud, etseulement 3 % en Afrique. De plus, l’énorme majoritédes projets concernent la Chine (qui détient 60 % desparts de marché des crédits mondiaux du MDP), l’Inde,le Brésil. Ce qui creuse un peu plus l’écart entre lespays émergents et les pays en développement.

Le bilan de l’instauration de ces mécanismesde marchés n’est pas bon. Le protocole de Kyoto ne concernait que 40 % desémissions mondiales lors de sa signature, chiffre quiest passé aujourd’hui à environ 30 % avec la croissancedes émissions des pays émergents. Il ne vise qu’unebaisse globale de 5,2 % de ces émissions en 2012. Cequi est peu ambitieux au regard des préconisations duGIEC qui recommandent une baisse de 30 à 40 % desémissions pour les pays industrialisés d’ici 2020. En1997, au moment de la signature du protocole, lesÉtats avaient déjà réduit leurs émissions de 4,8 % par

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ACTES DE LA RENCONTRE FSU-SOLIDAIRES DU 2 DÉCEMBRE 2009 – La crise écologique, une question syndicale 15

rapport à 1990. Ce qui diminuait d’autant les effortsréels à fournir ensuite.

Pourtant, malgré son objectif modeste, le résultatn’est pas satisfaisant car il n’a pas réussi à réduire lesGES. Au niveau mondial, le rythme des émissions deCO2 s’est accéléré, avec une croissance annuelle de3,6 % entre 2000 et 2007, contre 1 % dans la décen-nie 1990. En 2008, si l’UE à 15 a réduit en moyenne de6,2 % pour un objectif de moins 8 % en 2012, certainspays ont d’ores et déjà complètement raté leur objec-tif. Ainsi l’Espagne qui en est à une augmentation de53 % pour un objectif de ne pas dépasser 15 %. Endehors de l’UE, le bilan n’est pas plus concluant, avecpar exemple le Canada qui a augmenté de 21 % sesémissions pour un objectif de moins 6 %.

Le protocole de Kyoto a généré une importantebureaucratie, destinée au calcul des allocations et aucontrôle des quotas. Et il a surtout permis un trèsfort développement de la finance carbone.

Finance carbone Rapidement après Kyoto, certains financiers et indus-triels ont compris tout le bénéfice qu’ils pouvaienttirer des dispositifs mis en place. Ils ont investi dansles technologies propres, et manœuvré pour uncontrôle des technologies propres, pris des brevets.On assiste à la multiplication des fonds pour finan-cer la lutte et l’adaptation au changement clima-tique. Le marché carbone, déréglementé, aboutit àdes phénomènes de spéculation qui commencent àdevenir importants. Des marchés dérivés du car-bone ont vu le jour, et même un hedge fund (fondsspéculatif), a été créé à Londres début 2009. Certainsanalystes attirent l’attention sur l’existence d’unrisque de « subprime carbone ».

Selon le rapport de la Banque mondiale « State andtrends on the Carbon market 2009 », en 2008, lesmarchés du carbone ont totalisé près de 126 milliardsde dollars US de transactions, contre 63 milliards au

titre de l’année 2007. Même si ce chiffre reste faibleen comparaison des transactions sur les autres mar-chés, la progression en un an est importante. Lestransactions sur le marché second (pour les réduc-tions d’émission certifiées) ont, elles, été plus quemultipliées par cinq par rapport à 2007.

L’enjeu concerne à la fois la répartition du financementnécessaire pour lutter contre le changement clima-tique, qui implique la reconnaissance de la dette éco-logique des pays à vis du Sud, et le choix de l’orga-nisme qui gérera le financement. Banque Mondiale ouONU ? La Banque mondiale tend à se revendiquercomme le centre du système de financement. Il n’estévidemment pas acceptable de confier à ceux-là mêmequi, avec le FMI, ont développé les politiques néolibé-rales responsables de l’aggravation du changementclimatique, la responsabilité de gérer la réparation desdégâts qu’ils ont eux-mêmes contribué à générer.

L’état d’esprit des promoteurs de la finance carboneest actuellement d’étendre son champ d’action et d’yfaire entrer les forêts, l’agriculture, ce qui aboutiraità leur marchandisation, ou encore la technologie dite« captage stockage de CO2 », qui pourtant n’en est qu’àl’état d’expérimentation et n’a donc pas encore fait sespreuves.

Marché des permis d’émission ou taxe ?Le débat existe pour savoir quel est le meilleur ins-trument utilisable pour politique environnementaleentre un système basé sur la taxe, ou sur le marchéde quotas. On pense souvent que seule la taxe seraitpar essence politique, donc préférable dans unelogique anti-libérale. Or, les deux systèmes sont denature très proche. Les deux visent à appliquer leprincipe dit du pollueur-payeur, même si au final, onsait que l’augmentation de prix est répercutée sur leconsommateur.

Les deux visent à « internaliser les effets externes » :les activités économiques de production génèrentparfois « des externalités négatives », comme la pol-lution ou les conséquences sociales, qui ne sont pascomptabilisées dans le prix des produits. La répara-tion de ces effets repose ensuite sur la collectivité. Ils’agit donc d’internaliser ces coûts. Il y a deuxmanières de faire : la taxe, imaginée par l’économisteArthur Pigou en 1920, et l’instauration de « droitsd’accès à l’environnement », qui fondent le concept desmarchés de permis d’émissions (Coase, 1960). Existeaussi par ailleurs la panoplie les normes, réglemen-tations et standards techniques. Dans le cas de lataxe, le prix est fixé et c’est le marché qui ajusteensuite les quantités. Dans le cas du marché de per-mis, on fixe une quantité maximale d’émission de CO2,c’est-à-dire qu’on régule sur la quantité, et c’est lemarché qui ajuste ensuite les prix.

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ACTES DE LA RENCONTRE FSU-SOLIDAIRES DU 2 DÉCEMBRE 2009 – La crise écologique, une question syndicale16

Mais on peut remarquer que le marché de permis,

comme la taxe, nécessite au préalable une régle-

mentation politique, une norme capable de détermi-

ner soit la quantité (pour le premier), soit le prix (pour

la seconde). Ce n’est pas le marché qui peut déter-

miner ces normes, le marché est incapable de déter-

miner une autre norme que celle de la rentabilité (réf.

1 et 2). Il faut aussi remarquer que si les quotas sont

vendus par l’État, et non distribués gratuitement, le prix

du quota peut s’assimiler à une taxe. Pour finir, si le

prix du quota est encadré entre deux valeurs, pour évi-

ter les fortes fluctuations qui rendent le marché inef-

ficace, alors cela ressemble fort à une taxe. Le produit

de la taxe comme des permis pourrait être utilisé

pour des politiques publiques de lutte contre le

réchauffement et de redistribution pour contrer les

inégalités sociales engendrées.

Le problème n’est pas tant dans la nature de la taxe

ou du marché de quotas que dans la manière de les

mettre en œuvre. Actuellement, cette mise en œuvre

se fait toujours pour rester compatible avec la loi de

la concurrence, pour ne pas menacer la compétitivité

des entreprises ni la fonction de production du capi-

talisme.

Notre critique porte justement sur les exonérations

multiples qu’obtiennent les entreprises, sous prétexte

qu’elles vont être victimes de la concurrence de la part

d’entreprises d’autres pays, non contraintes de payer

pour leurs émissions. Ces exonérations aboutissent à

prolonger l’attribution gratuite de ces quotas, ou autre

dispositif à l’étude, l’instauration d’une taxe carbone

aux frontières. Notre critique porte sur toutes les

possibilités existantes pour se défausser de ces obli-

gations de réduction de CO2 à domicile, en faisant

appel aux mécanismes MDP ou MOC, tout en réalisant

de bonnes affaires sur le marché. De plus, le marché

carbone, déréglementé, amplifie encore la finance de

marché dont on peut mesurer les méfaits.

Quelles alternatives ? Peut-on envisager d’encadrer ces systèmes de taxes

ou de marché ? Je vais simplement poser rapidement

quelques principes et conditions.

Il faut déjà supprimer les mécanismes MDP et MOC,

qui alimentent les pays riches en crédits bon marché

venus d’ailleurs et interdire tout marché dérivé du

carbone, et toute spéculation.

Faut-il supprimer ou non le marché de quotas CO2 ?

C’est à débattre. Mais à court terme, partant du constat

qu’ils existent, on peut au moins imaginer les encadrer

fermement, en instaurant un prix minimum de la

tonne carbone, voire aussi un maximum, pour éviter la

volatilité actuelle. Ensuite, le niveau du prix de la

tonne carbone doit être suffisamment élevé pour inci-

ter à changer de comportement, pour les entreprises

comme pour les particuliers.

Sur cette question du niveau du prix : en ce quiconcerne les particuliers, pour que l’augmentation duprix de l’énergie incite à économiser et à changer decomportement, il faut qu’existe une possibilité d’al-ternative. Par exemple, l’augmentation du prix del’essence ne peut être efficace pour en diminuer laconsommation que s’il existe une alternative au faitde prendre sa voiture, c’est-à-dire s’il existe destransports publics efficaces et abordables.

Ceci étant, quel que soit le choix « taxe ou marché dequotas », il ne peut être vu que comme un outil pouraccompagner des politiques gouvernementales visantun changement radical de mode de production, deconsommation et la lutte contre le réchauffement cli-matique. Ce qui inclut notamment :

– des normes strictes pour les appareils, les biens, lesbâtiments, etc. et des réglementations à respecter,sous peine de sanctions dissuasives,

– le transfert des meilleures technologies disponiblesaux pays du Sud, selon le principe de coopération ; pourl’instant, elles sont souvent protégées par des brevetsappartenant surtout aux multinationales, ce qui sup-pose de contester la propriété intellectuelle de ces bre-vets.

Plus généralement, on peut penser à une fiscalitéécologique s’appliquant au niveau global, conçue dansle cadre d’une réforme générale de la fiscalité fondéesur la progressivité.

Avec la finance carbone, c’est le même mode de pro-duction basée sur la recherche de profit et la mêmeirresponsabilité financière qui a abouti à la crise glo-bale d’aujourd’hui, qu’on voudrait nous présentercomme la solution pour lutter contre la crise clima-tique. La solution passe au contraire par une dépos-session de la finance au profit d’une redistributiondes richesses produites. ■

R É F É R E N C E S

1- Jean-Marie Harribey, « Fiscalité écologique,mécanismes de marché et régulation climatique,Leçons pour après le capitalisme ? », 2008

http://harribey.u-bordeaux4.fr/travaux/soutenabi-lite/economie-climat.pdf

2- Michel Husson, « Climat : les limites du calculmarchand », Viento Sur n° 100, 2008,

http://hussonet.free.fr/vsur100f.pdf

3- ATTAC, Libérons le climat des marchés finan-ciers, 2009

http://www.france.attac.org/spip.php?article10456

4- Ecotaxes et quotas d’émissions échangeables deCO2, Conseil économique pour le développementdurable, n° 6, 2009

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❘❙❚ ZOOM SUR LA POLITIQUE EUROPÉENNE ❚❙❘

ACTES DE LA RENCONTRE FSU-SOLIDAIRES DU 2 DÉCEMBRE 2009 – La crise écologique, une question syndicale 17

Il se peut que mon interventionapparaisse quelque peu en dis-sonance par rapport à d’autres.

C’est pourquoi je me permetsquelques remarques liminaires.

– Les mandats de la FSU pour faireface à la crise écologique sontrelativement imprécis. Noussommes plus clairs sur ce que

nous dénonçons que sur ce que nous proposons. Desdéveloppements plus fournis sont en discussion pournotre prochain congrès à Lille, que le débat d’aujour-d’hui peut contribuer à enrichir. Mais sur de nombreuxpoints qui doivent faire l’objet d’approfondissements,la discussion sera d’autant plus riche que chacundonnera son propre point de vue. C’est pourquoi je voussoumets aujourd’hui certaines idées qui traduisentmon opinion personnelle, en tant qu’économiste etsyndicaliste, ayant pu avoir de nombreux échanges àce sujet au sein du Conseil, économique, social etenvironnemental qui vient d’adopter un avis sur cesquestions.– L’urgence climatique ne doit pas être isolée d’unensemble d’urgences écologiques et sociales qui luisont d’ailleurs liées : la lutte contre la faim, la luttecontre la pénurie d’eau, la préservation des espèces,mais aussi un nouvel ordre économique plus égali-taire...– Je pense que l’urgence environnementale est telleque tout ce qui peut détourner significativement de lapente qui nous conduit actuellement à une catas-trophe planétaire doit être pris en considération, avantmême que se dessine l’alternative sociétale globaleque nous voulons construire. Cela peut nous amenerà entrer dans le débat concernant des mécanismesdont nous contestons sur le fond le principe.

Complémentarité des dispositifs ?La FSU a, dès le départ, contesté avec d’autres leprincipe retenu par Kyoto de la mise en œuvre demarchés de « droits à polluer », qui permet à desacteurs d’échapper à des obligations qui leur sontfaites en vendant à d’autres par exemple des quotasd’émission de GES non utilisés. Et aujourd’hui lechapeau de notre table ronde nous invite à réfléchir àquelle alternative face à l’ « écologie de marché ». Enmême temps, nous reprenons dans certaines de nosprises de position le « principe pollueur-payeur », quis’inscrit dans le cadre d’une économie marchande. Etnous dénonçons le fait que la mise en œuvre conjointe(MOC) ou le mécanisme de développement propre(MDP) accentuent la « flexibilité » du marché despermis d’émission de GES.

De même, dans la période récente, nous avons eu undébat à propos de la taxe carbone. Si nous sommesd’accord pour dénoncer l’impôt carbone tel queproposé par le gouvernement Sarkozy, des points devue se sont exprimés sur l’opportunité d’une contri-bution climat-énergie, sur sa capacité à donner un« signal prix » efficace et sur l’obligation complé-mentaire de compensations – dans le cadre d’unerefonte d’ensemble de la fiscalité – pour répondre àl’exigence de justice sociale.

Dans un avis récent adopté par le CESE et proposé parune syndicaliste de la CGT, est avancée l’idée d’unecomplémentarité des dispositifs pour conduire à unmode de développement durable et aller vers uneéconomie bas carbone : élaboration avec mécanismesde sanction au niveau mondial de normes contrai-gnantes déclinées ensuite par région et par pays,organisation mondiale d’un système d’enchères dontune partie du produit serait affecté au financement del’adaptation des PED, mise en œuvre de taxes pourinciter à des comportements plus éco-responsableset de subventions pour soutenir d’autres modes deproduction et de consommation.

Articuler et garantir des objectifs écologiques et sociauxLa réflexion doit articuler la fixation d’objectifs ambi-tieux qui concernent à la fois l’urgence écologique etla lutte contre les inégalités (entre pays et au sein despays) et une combinaison de moyens pour lesatteindre. L’exemple de Kyoto puis celui du paqueteuropéen montrent bien qu’il ne suffit pas d’afficherde nobles intentions pour qu’elles se traduisent dansles faits.

Ces objectifs doivent nécessairement se définir au

L’Union européenneface à l’urgence climatique

Pierre DuharcourtFSU, membre du Conseil

économique et social

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ACTES DE LA RENCONTRE FSU-SOLIDAIRES DU 2 DÉCEMBRE 2009 – La crise écologique, une question syndicale

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niveau mondial, du fait notamment que de meilleuresperformances écologiques des pays développéspeuvent simplement être obtenues par des délocali-sations d’activités dans d’autres parties du monde :ainsi, près du tier des émissions de GES chinoisescorrespond à des productions exportées.

Concrètement, il convient donc que tous les pays s’en-gagent dans la lutte contre le réchauffement clima-tique, mais que les pays développés agissent lespremiers, que les pays en développement et notam-ment les pays émergents contribuent également enfonction de leurs capacités respectives et que la spéci-ficité des pays les moins avancés soit réaffirmée. À cetégard, il est important d’associer et non pas d’op-poser transferts technologiques et aide financièrepour permettre à ces pays à la fois de sortir de lapauvreté et de faire face à la crise écologique. Il fautrappeler que l’impact écologique du développement deces pays est relativement très faible, en même tempsqu’ils sont victimes des pollutions commises par lesautres, y compris d’ailleurs chez eux du fait d’uneexploitation néocoloniale de leurs ressourceshumaines ou naturelles. D’où l’importance des luttesmenées en particulier en Europe pour que notam-ment l’UE se montre moins pingre dans l’aide audéveloppement et à l’adaptation de ces pays.

Doit monter également l’exigence de dispositifs quin’aient pas comme principal effet de créer de nouvellesopportunités de rentabilité financière, et qui réorienteles activités humaines et les modes de vie sans faireporter le poids de la recherche de la sobriété auxcatégories les plus démunies.

Le marché européen des permisd’émissionL’Union européenne a été la première à mettre enplace un marché international des permis d’émissionavec le système communautaire d’échange de quotas

d’émission de GES (en anglais : EU ETS), qui reposesur deux piliers : un système d’autorisations àémettre données aux installations couvertes ; desallocations de quotas – échangeables sur l’ensembledu territoire de l’Union – alloués par les États. Cesystème ne concerne au départ que l’Union à 15 : unepremière étape d’apprentissage a couvert les années2005 à 2007 ; la deuxième étape, non achevée, couvrela période 2008-2012 : son commencement a étérapidement marqué par l’explosion de la crise qui aprovoqué une chute du cours de la tonne de CO2,tombé à 15 euros après avoir atteint les 30 euros.Outre les critiques de fond qu’on peut faire ausystème, on doit souligner qu’il ne concerne quedeux secteurs (énergie et industrie), excluant notam-ment les transports et l’habitat, et donc moins de lamoitié des émissions de GES. La volatilité du prix dela tonne biaise l’efficacité du « signal » qu’il estcensé fournir. De toute manière, compte tenu de lagénérosité des allocations de quotas, qui réduit lesdemandes d’achat de droits et amplifie au contrairel’offre des vendeurs, le prix tendanciel du marché estlargement inférieur au « juste prix » qui serait néces-saire. Insistons enfin à nouveau sur le fait que cesystème de marché comporte de nombreux trous(secteurs non couverts) et autorise de nombreusesfuites (MOD et MCD).

Comparativement aux autres pays et régions duMonde, l’UE réalise plutôt des performances correctespar rapport aux engagements de Kyoto, qu’ellerespecte en moyenne (ayant réalisé une baisse de6,8 % en 2008) : la France figure parmi ceux qui seprésentent comme bons élèves, tout comme leRoyaume-Uni ou l’Allemagne, au contraire parexemple de l’Espagne et de l’Italie.

Dorénavant, le marché européen des enchères vaconcerner les 27 pays de l’Europe élargie, et pourraitporter rapidement sur plus d’un milliard de tonnes deCO2. Se pose la question de l’organisation de ce

marché par une autorité de régula-tion commune, disposant depouvoirs de sanction. La commis-sion Charpin mise en place enFrance préconise la constitutiond’une plate-forme d’enchèresunique. Le Parlement européen vientde proposer d’allouer une partie duproduit des ventes à l’adaptation desPED (30 milliards d’ici 2020).

Le « paquet énergie-climat »L’objectif affiché pour le paqueténergie-climat adopté en décembre208 est que l’Union européenneréduise, d’ici à 2020, de 20 % sesémissions de gaz à effet de serre(GES) par rapport à leur niveau de

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1990. Dans ce cadre, il s’agit de porter à 20 % la

part des énergies renouvelables dans la consom-

mation énergétique et d’améliorer de 20 % l’effica-

cité énergétique (l’énergie consommée rapportée

au PIB). Après le Grenelle de l’environnement, la

France s’est engagée pour sa part sur l’objectif d’une

réduction des émissions de GES de 23 %. Le Parle-

ment européen vient de demander que l’engage-

ment des pays développés soit une réduction d’ici la

même date de 25 % à 40 %. À titre indicatif, B. Obama

vient d’annoncer comme objectif une réduction d’ici

2020 de 17 %, mais par rapport à 2005, soit en fait une

réduction seulement de 6 % par rapport à 1990,

année de référence du Giec. La Chine annonce qu’elle

baisserait de 40 à 50 % son intensité carbone entre

2005 et 2020, mais à son rythme de croissance, cela

se traduirait par une poursuite – bien que ralentie –

de ses émissions de GES. L’Inde annonce une baisse

de 20 à 30 de son intensité carbone.

Mais l’accord entre les 27 pays de l’UE a été acquis

au prix de compromis qui en affaiblissent considé-

rablement l’effet attendu. Tous les secteurs devront

certes contribuer à l’effort commun, y compris les

transports, l’agriculture ou le bâtiment ; de plus,

chaque État membre se verra assigner des objectifs

nationaux. Mais les contraintes imposées aux indus-

triels et aux producteurs d’énergie ont été adoucies

par rapport aux intentions initiales : entrée en vigueur

progressive des limitations d’enchères ; exemptions

partielles, ou dérogations ; assouplissements pour

investir à l’international.

Le respect des engagements pris suppose en fait de

revenir sur ces assouplissements et de conditionner

l’allocation quotas gratuits à des investissements et

des efforts de RD dans des produits propres.

Il convient également de souligner, au-delà desdiscours sur l’accroissement de la part des énergiesrenouvelables, la carence des programmes commu-nautaires de recherche en matière d’énergie, et l’ab-sence de coordination dans le domaine de la politiqueénergétique. La politique du chacun pour soi en pourl’approvisionnement auprès de la Russie a accru ladépendance de l’UE vis-à-vis du gaz naturel russe.

L’exigence d’autres mesuresComme nous l’avons vu, même le système de mise auxenchères suppose l’existence de normes pour la déter-mination des quotas. Ce constat renforce l‘exigence denormes plus restrictives concernant les émissionsautorisées, qui doivent être associées à des normessociales. Ce respect de normes mondiales environ-nementales comme sociales implique d’autres règlespour le commerce international et pour la gestiondes biens publics que celles qui résultent des accordsde l’OMC et de leurs projets d’extension du type AGCS.

La fiscalité semble préférable au marché des permiscomme moyen d’incitation pour faire respecter lesnormes, d’autant qu’elle peut combiner – comme lemontre l’exemple du bonus-malus pour les achatsde véhicules – à des taxes payées pour la productionou l’usage de produits polluants des subventionsaccordées pour des utilisations plus sobres. J’aiévoqué pour la France le débat sur la taxe carbone. Ilfaut savoir que des « taxes carbones » – mais dont lesdispositifs sont différents- existent déjà dans des paysde l’UE tels que la Finlande, la Suède ou le Dane-mark. La question peut être posée de la mise enœuvre d’une taxe carbone au niveau européen, avecévidemment les mêmes exigences que celles qui sontavancées pour la taxe envisagée pour la France.

Le produit des taxes peut constituer des recettesassez considérables. Ces fonds doivent être utiliséspour financer des compensations en faveur des popu-lations modestes ou à choix contraints, des transitionsenvironnementales en Europe relatives à la production,les transports et l’habitat, et l’aide aux pays en déve-loppement.

Une autre proposition serait une taxation des tran-sactions financières pour un plan de développementdurable des pays pauvres : J.-L. Borloo a été conduità l’inclure dans son plan « justice climat », en évoquantun taux de 0,01 %, qui correspondrait à un financementde 20 milliards d’euros par an.

Pour conclure, dans les marchandages qui précè-dent Copenhague, l’Union européenne cherche à seprésenter comme un élément moteur, mais elle meten avant l’insuffisance des propositions des pays etnotamment des États-Unis pour éviter de traduire enactes les objectifs qu’elle affiche et prendre des enga-gements concrets notamment en matière d’aide auxpays en développement. ■

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L a consommation totale d’énergie à partir decombustibles fossiles a légèrement diminuéen Europe entre 1990 et 2005.

Dans un contexte d’amélioration de l’efficacitéénergétique du secteur industriel, mais aussid’affaissement de cette production dans l’est del’UE, on est passé de 83 % à 79 %. Cette embelliepeut se prolonger… du fait de la crise économiqueactuelle, que les plans de relance productivistestentent d’enrayer !

Parallèlement, la dépendance du système éner-gétique européen à l’égard des combustiblesfossiles importés continue de s’accroître fin2009.La production européenne de pétrole, de gaz et decharbon décline (amenuisement des réservespour le pétrole et le gaz, raisons de coûts deproduction pour le charbon). Les importations degaz, charbon et pétrole constituent en 2005respectivement 59 %, 42 % et 87 % de l’énergieprimaire liée à la consommation de chacun de cescombustibles fossiles. En 2000, les importationsde pétrole ne représentaient « que » 84 % de laconsommation pétrolière de l’UE : cette augmen-tation de 3 points en 5 ans illustre la hausserapide de la consommation du secteur des trans-ports… L’uranium utilisé par les centrales élec-triques européennes est de son côté quasimentintégralement importé.

Le premier exportateur d’énergie vers l’UE est laRussie.

Elle a fourni 18 % du total de l’énergie primaire del’UE27 en 2005 contre 13 % en 2000. La Russie està l’origine de 24 % et 28 % respectivement desimportations de gaz et de pétrole, mais aussi de10 % de celles de charbon. De récentes révéla-tions ont également illustré son rôle quant à l’en-

richissement d’une partie de l’uranium appauvriissu de l’usine de retraitement de La Hague. Cerôle important de la Russie fait beaucoup tousserles institutions de l’UE !

La consommation d’électricité (environ 20 % dela consommation d’énergie finale de l’UE) aaugmenté en moyenne de 1,7 % par an entre1990 et 2005(1) contre 0,6 % pour la consomma-tion finale globale d’énergie.La production d’électricité et de chaleur estresponsable de 28 % des émissions de gaz à effetde serre (GES) de l’UE en 2007 (1,4 GtéqCO2 sur 5GtéqCO2). La croissance de la consommationd’électricité efface partiellement la contributioncroissante des sources d’énergie renouvelable(EnR), contribution égale à 14 % en 2005 (environ11 % à partir de la filière hydraulique). Pourrappel, dans l’UE, les filières de productionnucléaire, charbon et gaz contribuent respecti-vement pour 30 %, 31 % et 21 % à la productionglobale d’électricité en 2006.

L’énergie renouvelable dans l’UEDans la consommation d’énergie primaire, sontaux de croissance annuel depuis 1990 est de3,4 %, devant celui du gaz, à 2,8 %, boosté par ledéveloppement des centrales électriques à gaz.Ceci étant la place des EnR dans la consomma-tion d’énergie primaire demeure faible : 6,7 % en2005 en comptant l’énergie hydraulique pourproduire l’électricité. Dans la consommation finaled’énergie de l’UE, la part des EnR est passée de6,3 % en 1991 à 8,6 % en 2005. Cette contributionvarie beaucoup d’un État à l’autre, de 25 % enSuède (forte contribution hydraulique) à 2 % enGrande-Bretagne. ■ P. M.

(1) Taux variable selon les pays.

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États énergétiques de l’UE

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En 2006, un livre vert communau-taire assignait un triple objectif à lapolitique énergétique de l’UE : lacompétitivité, la durabilité et lasécurité de l’approvisionnement.

Le tout baignant dans le cadre du marché intérieur del’énergie en construction, avec sa concurrence libre etnon faussée. Les règles générales du marché doiventcependant cohabiter avec des subsidiarités nationales(objets de litiges fréquents, car entravant la concur-rence…) qui mettent de l’huile dans les rouages grippésdes services d’intérêt économique général (SIEG) del’énergie.

En 2007 et 2008, les discussions vont bon train entre laCommission, le Conseil et le Parlement pour ficelerun projet cohérent liant objectif « climat » et perspec-tive énergétique communautaires. Les compromisdébouchent en 2009 sur une série de directives et déci-sions consécutives à l’adoption, fin 2008, du « paqueténergie climat ».Ce « paquet » compte trois volets :

• Des objectifs chiffrés à l’horizon 2020 pour l’énergie etle climat, résumé dans la formule des 3 x 20 : 20 % deréduction des gaz à effet de serre émis par l’UE parrapport à l’année 1990, 20 % d’énergie renouvelabledans la consommation d’énergie primaire consomméedans l’UE, 20 % d’économies d’énergie.• Des mesures pour améliorer le fonctionnement dumarché intérieur du gaz et de l’électricité, dit « 3

epaquet

énergie ».• Des recommandations en faveur d’une politique exté-rieure commune de l’énergie, avec soutien financiercommunautaire éventuel (particulièrement dans ledomaine gazier).

L’efficacité énergétique…Diminuer de 20 % la consommation d’énergie primaired’ici 2020, disent-ils… alors que les plans de relancenationaux cherchent à perpétuer le modèle productivistede croissance économique d’avant la crise.

Les premières mesures phares adoptées par l’UE :• la disparition des rayons des magasins, d’ici 2012,des lampes à incandescence (la Commission estime que40 TWh seront économisés annuellement… 1/100 de laconsommation globale d’électricité). Il n’est pas sûrque les constructeurs d’appareils ménagers soientaussi rapidement obligés de proposer des appareilsmoins énergivores…

• l’exigence que les États remettent d’ici 2011 des plansnationaux pour l’efficacité énergétique, dont l’élabora-tion est imposée par une directive de… 2006, qui a unobjectif d’efficacité de 9 % sur 9 ans. La commission doitfournir un modèle pour la rédaction des plans, laissantune large latitude pour les mesures nationales,

• une directive qui fixe une contrainte de compromispour les émissions carbonées des véhicules. L’exigenced’un taux minimum d’agrocarburants dans l’essence estrediscutée, suite aux études concernant le gain éner-gétique global de l’opération et les espoirs suscités parles agrocarburants de 2

egénération. Mais on ne quitte

pas le paradigme automobile. Rien ne concerne unealternative programmée au fret routier en Europe : unetelle initiative remettrait en cause le libre choix dumoyen de circulation des marchandises au sein dumarché européen,

• la politique de rénovation thermique des bâtiments,l’imposition de nouvelles normes et les soutiens publicsrentrent dans le cadre des prérogatives nationales.

Il apparaît actuellement que l’UE est incapable de mettreen place une décroissance communautaire de consom-mation d’énergie primaire, avec un agenda program-mant des paliers de décroissance.

Les marchés intérieurs de l’électricitéet du gazDeux directives (1996 et 2003) ont régi la mise en placedu marché européen de l’électricité et du gaz, débou-chant notamment sur l’éligibilité effective de l’ensembledes consommateurs depuis juillet 2007, la séparationcomptable des activités des compagnies intégrées(production, transport, distribution, commercialisation),la nomination de gestionnaires de réseaux de transportet de distribution (GRT et GRD) indépendants (en France :RTE, ErDF, GRTGaz, GrDF) et d’organismes de régula-tion des systèmes électriques et gaziers (CRE enFrance).

La mise en place de grands réseauxLa vision de grands réseaux électriques haute tensionest cohérente avec celle du productivisme industrielprévalant dans les institutions de l’UE. Il est prévu derenforcer leur interconnexion à travers l’Europe àl’image des réseaux routiers et ferroviaires ! C’est uneconception basée sur un maillage massif de l’Europe pardes centrales de production d’électricité importantes,

La stratégie énergétiquecommunautaire

et le marché de l’énergie

Pierre MasnièreFédération SUD Énergie

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fussent-elles des parcs éoliens ou solaires. Le déve-loppement des connexions gazières vise plutôt à déve-lopper l’utilisation nationale du gaz, dans un cadreconcurrentiel nourri par une ressource plus disponible.

L’autonomie des réseaux de transport est censée faci-liter la concurrence et les investissements nécessairesqui l’accompagnent. Pour certains États et la majoritédu Parlement européen, il faut détruire les cartels quicontrôlent toujours le marché aux dépens des consom-mateurs. Mais de fait, ils peuvent continuer à le faire carles entreprises intégrées ne jouent pas le jeu de l’indé-pendance des GRT et empêchent notamment leursfiliales d’investir, afin de maintenir les congestions etfreiner le libre jeu de l’offre. Ce credo fait fi de l’existence,dans divers États de l’UE, de GRT complètement indé-pendant, voire cotés en bourse, ce qui n’a pas pourautant conduit à l’effet escompté.

Qu’à cela ne tienne, le 3epaquet « marchés intérieurs

de l’électricité et du gaz » a été adopté par codécisionen 2009 : 2 directives et 2 règlements concernentchacune des énergies, un troisième règlementconcerne l’Agence européenne des régulateurs. L’en-semble remplace directives et règlements existantssur les mêmes sujets. Au-delà de propositions defonctionnement tarabiscotées, dans les faits, ce 3

e

paquet énergie ne remet pas en cause les relationsactuelles des réseaux de transport avec la maisonmère, qu’il s’agisse d’E.ON, RWE ou EDF…

Bouquet énergétique et réduction desémissions de gaz à effet de serrePorter la part des EnR dans la consommationfinale d’énergie de l’UE à 20 % d’ici 2020Trois secteurs sont concernés : électricité, chauffageet transports. Ce dernier secteur a été envisagé plushaut. Rappelons que la part d’EnR dans la consom-mation finale d’énergie est actuellement d’environ 9 %.La France devra passer d’un taux de 10,3 % à 23 %. Ladifférence représente un gros paquet de MW en chaleuret électricité à installer dans les 10 ans qui viennent. À

titre indicatif, pour quelques pays réputés pour leurproduction EnR : le Danemark devra passer de 17 %actuellement à 30 %, l’Allemagne de 5,8 % à 18 %, l’Es-pagne de 8,7 % à 20 %. Cet objectif européen de 20 % nepourra être obtenu que par des politiques nationalesvolontaristes, qui sont très hypothétiques aujourd’hui.

La contribution des EnR dans la productionde chaleur et d’électricitéPour arriver à cet objectif global de 20 %, le choix desmodes de production d’électricité et de chaleur à partird’EnR demeure une prérogative nationale soutenue pardes politiques de soutien (tarifs de rachats, certificatsverts, subventions directes…) relevant des États. Unedirective de 2001 fixe à l’horizon 2010 un objectif de22,1 % pour la part d’électricité produite à partir desources EnR dans la production globale d’électricitédans l’UE15. L’objectif a été ramené ultérieurement à21 % pour l’UE25…

Le chemin est encore long : cette part est passée entre2000 et 2007 de 13,8 % à 15,6 % dans l’UE27 selon uneétude de Pricewaterhouse. D’ici 2020, la filière éoliennejouera un rôle important pour grignoter les pourcentagesmanquants, étant donné la difficulté d’un développementnotable de la filière hydraulique (il faudra installer desdizaines de milliers de MW). L’augmentation de la puis-sance installée en éolien offshore sera subventionnéepar l’UE en sus des aides nationales. Ce sont desdizaines de parcs maritimes, ayant des puissancescumulées équivalentes à celles de grosses centralesthermiques, qui devraient être installés, notammentpar les majors de l’électricité ; parcs reliés aux réseauxnationaux haute tension centralisés. Des réseaux dontle développement et l’interconnexion sont fortementencouragés par la Commission : on est loin d’une visionde développement d’une production d’électricité décen-tralisée, à vocation locale ou régionale…

• Les chaudières alimentées en biomasse sont appeléesà jouer un rôle important pour la production de chaleur…dans le cadre d’aides nationales (fonds chaleur enFrance). Ce qui posera la question de l’approvisionne-ment et du bilan en termes d’économies énergétiques !

• La contribution du solaire pour la production d’élec-tricité (photovoltaïque individuel ou parc industriel, ther-modynamique) est peu prévisible dans les années quiviennent : elle est actuellement très impactée par leseffets de la crise économique sur les coûts d’investis-sements qui demeurent relativement importants et parun certain frein du soutien public dans les États lesplus en pointe.

D’ores et déjà, des États commencent à dire qu’ils n’ar-riveront pas à atteindre leur objectif, renvoyant à d’autresmoyens de réduire les émissions de GES. Des certificatsverts délivrés par les États pourront attester de l’origineEnR pour l’électricité, la chaleur et le froid ; ces certi-ficats «de garantie d’origine » pourraient faire l’objet,dans certaines conditions, d’un commerce auquel parti-

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ciperaient les entreprises et les États afin d’atteindre

l’objectif européen. Ce commerce devra se combiner

sans conflit d’intérêt avec les systèmes d’aide nationaux

existant dans de nombreux pays actuellement.

La tentation de l’électricité nucléaire commemoyen de diminuer les émissions de CO2La Commission s’est introduite depuis quelques années

dans le débat européen sur l’avenir de la filière, sujet qui

ne relève pas du Paquet énergie climat. La tentation

nucléaire était très forte mais, jusqu’à récemment, trois

pays nucléarisés projetaient de cesser la production

nucléaire à terme et l’Autriche se montre résolument

opposée aux centrales nucléaires. La Commission était

contrainte de biaiser : ainsi, constatant dans une

communication de janvier 2007 que l’électricité nucléaire

représente actuellement 14 % de la consommation

énergétique de l’UE et 30 % de son électricité, Barroso

et Piebalgs (commissaire à l’énergie) poursuivaient :

« les propositions de la Commission soulignent que

c’est à chaque État membre qu’appartient la décision de

recourir ou non à l’électricité nucléaire. Pour les pays qui

réduisent la part de leur énergie nucléaire, la Commis-

sion recommande de compenser en introduisant

d’autres sources d’énergie produisant peu de carbone,

sous peine de rendre encore plus difficile la réalisation

de l’objectif de réduction des émissions de GES ».

En février 2009, le Parlement a adopté majoritairement

un rapport où il partage l’analyse de la Commission

selon laquelle « il est important de maintenir la contri-

bution de l’énergie nucléaire dans le bouquet énergé-

tique ». Ces derniers mois, Belgique, Espagne et Alle-

magne ont modifié leur décision et ouvert la perspective

de la prolongation de fonctionnement des centrales… et

celle d’une certaine banalisation de la filière.

Les filières de production d’électricité à partirdu charbon et du gaz naturelL’évolution de leurs contributions dans le bouquet élec-

trique européen sera impactée par la politique de mise

aux enchères de quotas d’émissions de CO2. Cet effet

peu prévisible du marché de CO2 combiné à une évolu-

tion tout aussi peu prévisible des prix sur le marché du

gaz (sous forme gazeuse via les gazoducs ou liquéfiée

via les terminaux de gazéification), voire du charbon,

fragilisent quelque peu l’idée de planification d’inves-

tissements dans ces filières. Rappelons que les contri-

butions respectives des filières charbon et gaz à la

production d’électricité en Europe, sont actuellement

de 31 % et 20 %... Cela vient opportunément rappeler que

l’économie de marché pourrait affaiblir dans les

prochaines années la sécurité d’approvisionnement

électrique par défaut d’investissements, alors que la

diminution de consommation d’électricité n’est pas

franchement à l’ordre du jour de la Commission.

La sécurité d’approvisionnement de l’UE en gaz…Dans les prises de positions visant notamment la Russieet Gazprom, la Commission s’aventure en terrain maré-cageux. Elle patauge dans des échanges mondiauxobéissant aux lois de marché et parallèlement dansune libéralisation du marché gazier européen qu’ellepousse à rompre avec les contrats d’approvisionne-ment gazier à long terme.

Elle veut installer un rapport de force avec un Gazpromsoutenu par le gouvernement russe ; elle pousse forte-ment les États à soutenir la construction d’un gazoducde grande capacité (Nabucco), relié aux gisements de lamer caspienne, censé permettre le contournement del’approvisionnement en gaz par Gazprom. Des Étatsqui ont manifesté leur accord alors que leurs majorsélectrogaziers investissent, eux, dans des projets alter-natifs de gazoducs avec Gazprom ! Ainsi de l’italien Eniet maintenant d’EDF dans le projet concurrent deNabucco sous la mer Noire, South Stream, et E.ON etautre GDF Suez dans le projet North Stream sous laBaltique.

Côté importations de gaz naturel liquéfié (GNL), il s’agitde multiplier les sources d’approvisionnement et deprofiter d’une évolution de prix du GNL qui se découpleactuellement de celui du pétrole. Mais là encore, c’estchacun pour soi, avec surcapacités éventuelles en termi-naux gaziers pour certains États… qui veulent que l’UEdéveloppe des gazoducs transfrontières pour évacuer lesurplus d’importations.

À travers cette question de sécurité européenne d’ap-provisionnement énergétique, on met le doigt sur leslimites du libéralisme dans la construction d’une poli-tique européenne de l’énergie.

Qui veut financer mes projets bas carbone ?C’est en substance la question posée par la Commissionqui, en octobre 2009, a chiffré à une cinquantaine demilliards d’euros les investissements nécessaires pourdévelopper les technologies « bas carbone » dans les10 ans qui viennent. Avec à la clé des centaines demilliers de créations d’emplois.

Ce chiffrage concerne le financement de son Plan stra-tégique sur les technologies énergétiques (SET) publiéen… 2007. Un plan visant à soutenir des dizaines deprojets relevant plutôt du développement que de larecherche. Revue de détails, qui indique les penchantsnaturels de la Commission :

• Projets éoliens et solaires : respectivement 6 milliardset 16 milliards d’euros.

• Projets d’une douzaine d’installations pilotes decaptage stockage de CO2 (CSC) sur des sites decentrales : 13 milliards d’euros.

• Construction des premiers prototypes de réacteurs de4

egénération utilisant la fission nucléaire : 7 milliards

d’euros.

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• Programme « réseaux électriques intelligents », appel-lation recouvrant pour une large part le remplacementen cours et généralisé des compteurs en Europe :2 milliards d’euros, visant la maîtrise de leur consom-mation d’électricité par les consommateurs.• Projets de production d’agrocarburants de 2

egéné-

ration et d’unités biomasse à cogénération : 9 milliardsd’euros.

Qui va payer ? Pas la Commission, qui ne dispose pasdes moyens financiers dédiés que l’on serait en droitd’attendre de la part d’une Communauté faisant face àun défi majeur ! La Commission renvoie la balle desrisques technico-économiques aux États, industriels,banques, partenariats public-privé… Curieuse façonde réaliser une stratégie européenne.

Le PEER est lancé... pas très loin Le « programme énergétique européen pour la relance »(PEER) a reçu le feu vert des institutions européennesen avril 2009. Il représente un montant total de 5milliards d’euros dont environ 4 milliards iront à desprojets énergétiques pour 2009 et 2010. La clé de répar-tition de la maigre enveloppe financière de 4 milliards (àl’échelle d’une UE de 500 millions d’habitants) est signi-ficative des orientations de la stratégie énergétiqueeuropéenne :

• 2,365 milliards devraient être consacrés à des projetsd’infrastructures gazières et électriques. Alors que lefinancement n’est pas le problème, car plutôt celui desautorisations administratives.

• 0,565 milliard pour des projets d’énergie éolienne enmer. Qui iront plutôt vers le financement du raccorde-ment des énormes parcs offshore aux lignes terrestreshaute tension.• 1,05 milliard pour tester des projets CSC. Cettetechnologie conduit pourtant à un surcoût financier etune surconsommation énergétique interne copieuxpour les centrales à charbon ; l’équipement d’unecentrale pourrait revenir à 1 milliard ! L’améliorationdes rendements des centrales (passer de 40 % à prèsde 50 %) semble une meilleure voie transitoire pourdiminuer les émissions de CO2… nettement moinscomplexe à mettre en œuvre… mais moins capitalis-tique.

La Commission procédera à une évaluation du PEERd’ici le 31/12/2011 « afin d’apprécier sa contribution àl’utilisation effective des crédits ». Comme l’a dit unéconomiste (propos rapporté par Enerpresse 4/5/09) :« les projets ne seront peut-être pas tous financés,mais ce qui compte le plus, c’est l’impact psycholo-gique, qui influence réellement les marchés ». Tout unprogramme… ■

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ACTES DE LA RENCONTRE FSU-SOLIDAIRES DU 2 DÉCEMBRE 2009 – La crise écologique, une question syndicale 25

L’exposé de ce matin a montréà quel point il y a nécessité demettre en place un nouveau

système productif plus sobre encarbone, qui n’épuise pas les res-sources naturelles, et qui permettede répondre aux besoins de toutel’humanité.

Deux types de réponse sont appor-tés à cet impératif écologique aujourd’hui.

La première réside dans le développement de tech-nologies vertes dans un système marchand de libre-échange, de concurrence, de croissance quantitativequi ne remet pas en cause les modes de vie ou l’or-ganisation économique et sociale du monde. Jeregroupe dans cette vision de l’avenir tous les défen-seurs du tout marché comme outil de régulation,tous les défenseurs d’une « croissance verte » fina-lement très rassurante pour beaucoup.

Elle est illusoire, de mon point de vue, en particulierparce qu’elle ignore la question des inégalités sociales.Or si on ne traite pas la question sociale, on se trouveconfronté à des résistances fortes au plan national etinternational.

La seconde réponse, réside dans la mise en placed’un nouveau système productif, de consommation,d’échange dans le cadre plus large d’un projet fort detransformation sociale fondé sur des idéaux d’égalité,de solidarité et de démocratie. Formulé comme tel,cela semble renvoyer à des problématiques plus fami-lières pour les syndicalistes que nous sommes Maisce qu’il faut bien comprendre, c’est que ce projet,doit impérativement être confronté aux réalitéscontemporaines c'est-à-dire celles de la crise écolo-

gique. Et de ce point de vue, si les discours syndicauxintègrent généralement cet aspect, la conviction n’estpas encore complètement gagnée dans les esprits.

Autrement dit, je suis convaincue que la question éco-logique ne se résoudra pas sans traiter la question desinégalités sociales mais l’inverse est également vrai.La résolution de la question sociale est indissociablede la résolution de la question écologique

Pourquoi l’impératif écologique est-il incontournable ?Le monde change. La population du globe a considé-rablement augmenté. Elle était, il y a 50 ans, à peinesupérieure à 2 milliards d’habitants. Elle est actuel-lement de 6,5 milliards et devrait atteindre 9,1 milliardsen 2050. Cette augmentation s’accompagne d’unelégitime aspiration au développement des pays envoie de développement et des pays émergents. Cha-cun sait que ce développement pour la Chine, l’Inde,le Brésil est en route. Mais le mode de vie des paysdéveloppés aboutit à la consommation de l’essentieldes ressources mondiales. 85 % des ressources sontconsommées par 20 % de la population. On com-prend facilement que ce modèle n’est pas générali-sable.

Si l’on prend la seule question de l’énergie, entre ledébut et la fin du XX

esiècle, la consommation mondiale

a été multipliée par dix. D’ici à 2030, la demande aug-mentera de plus de 50 % par rapport à aujourd’hui.Cette énergie est essentiellement produite par lescombustibles fossiles Or indépendamment des pro-blèmes d’émission qu’ils génèrent, les ressourcess’épuisent. À consommation égale à celle d’aujour-d’hui, nous disposons de ressources pour 40 ans pourle pétrole, 200 ans pour le charbon.

L’exploitation de nouveaux gisements de combus-tibles fossiles crée de nouvelles pollutions drama-tiques pour les écosystèmes comme c’est le cas parexemple avec l’exploitation des sables bitumineux auCanada. Le recours au nucléaire pose la question enparticulier des déchets. Il faut donc trouver des alter-natives aux combustibles fossiles, limiter le recours aunucléaire et produire plus d’énergie.

Les solutions se trouvent-elles dansles nouvelles technologies ?En partie oui. En faisant appel à l’innovation et larecherche, de nouvelles solutions émergent dans tousles domaines : énergie avec le solaire par exemple,

Une autre façonde produire et consommer

Quelques pistes de réflexion

Claudie Martens FSU, membre du groupe

« alternatives économiques

et sociales »

❘❙❚ SYNDICALISME ET ENJEUX ENVIRONNEMENTAUX ❚❙❘

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ACTES DE LA RENCONTRE FSU-SOLIDAIRES DU 2 DÉCEMBRE 2009 – La crise écologique, une question syndicale26

transport avec des voitures plus propres, bâtimentsavec des constructions à énergie positive. Cela signi-fie investir massivement dans la recherche et l’inno-vation, dans la formation à travers les politiquespubliques ambitieuses. On en est loin aujourd’hui enFrance.

Mais c’est aussi en partie illusoire au regard desobjectifs à atteindre à savoir la division par quatredes émissions de gaz à effet de serre des pays indus-trialisés en moins de cinquante ans.

Ainsi les énergies renouvelables pourraient au mieuxcouvrir 20 % des besoins à l’horizon 2050 à un coûtimportant.

Il faudra donc aussi des efforts considérablesde réduction de consommationLa question de l’automobile est particulièrement sen-sible. Quantitativement le facteur 4 n’est pas attei-gnable même avec un parc auto-mobile rénové à coup de voitureshybrides ou électriques dont lecoût est par ailleurs élevé. C’estl’usage même de la voiture et lesbesoins en mobilité qui doiventêtre travaillés.

Autrement dit, nos modes de pro-duction et de consommation nesont pas généralisables et l’aspi-ration à de meilleures conditions de vie, pour tous etsur la durée ne peut ignorer la question des res-sources, et des modes de vie consommateurs de cesressources.

Les changements que cela implique nécessitent desremises en cause, y compris au niveau individuel,douloureuses. Elles ont du sens parce qu’elles s’ins-crivent dans une logique de solidarité verticale vis-à-vis de nos enfants et des générations suivantes. Cettelogique ne peut être mise en œuvre que si elle est lar-gement partagée. Elle ne le sera pas dans un mondeou les solidarités horizontales ne tiendraient aucuneplace. Cela nous ramène à la question sociale

J’ai parlé au début de la nécessité « d’un nouveausystème productif, de consommation, d’échange dansle cadre plus large d’un projet fort de transformationsociale ». Quel contenu on met à cette formule ?

Le contenu d’un projet alternatif ne peut être qu’audacieux et rassembleur Un horizon nouveau, ce n’est pas un modèle de déve-loppement identique au précédent en plus propre. Cen’est pas non plus le renoncement au bien être, ni lerenoncement au progrès.

C’est un développement ou l’on repense en particulierla place de l’individu et du collectif et la question desterritoires. Cela implique de rompre avec les logiques

de profit maximum et immédiat en œuvre dans lesystème capitaliste aujourd’hui. Mais cela impliqueaussi des changements qui percutent les habitudes etles désirs de chacun.

Pour tenter de donner un contenu plus perceptible, jeprendrai 2 exemples, celui de l’habitat et des trans-ports d’une part, et celui des systèmes de productiond’autre part.

L’exemple de l’habitat et des transports

Redensifier l’habitat est devenu un leit motiv dansnos pays industrialisés : l’habitat collectif est moinsconsommateur d’énergie, permet des équipementscollectifs en transport, en loisir qui induit des modesde vie plus sobres en produits de consommation. Leproblème est que si près de 80 % des Français viventdans un espace « sous dominante » urbaine, plus dela moitié habite en périphérie avec comme consé-

quences un fort étalement urbain,le développement important d’ha-bitats individuels, et d’équipe-ments individuels.

C’est pour beaucoup parcontrainte, les centres villes étantinaccessibles, mais pas seule-ment. La maison individuelle et sonjardin reste le rêve de plus de 80 %

des Français. On ne peut ignorer cette réalité.

Pour redensifier l’habitat, il faut en donner le désir etles moyens d’accès à grande échelle.

Or les modèles d’éco quartiers restent des îlots diffi-cilement généralisables dans des délais raisonnables,et les grands projets architecturaux ne font pas rêverle grand public.

Il y a des pistes à travailler, qui répondent davantageaux aspirations des individus, par exemple au traversle développement d’un habitat individuel dense,« ville village » avec un mode de vie avant touturbain. C’est une question qui avait été travailléedans le projet Paris métropole avec la consulta-tion des 10 architectes qui a ensuite été largementignorée par N. Sarkozy. Le développement de cetype de projet permettrait de favoriser la productionde biens collectifs, (équipements de transports encommun, sportifs, de loisir, culturels facilementaccessibles) ou de biens partagés. Pour exemple laquestion de l’usage de l’automobile se poserait endes termes bien différents. J’ai dit tout à l’heure qu’ilfaut admettre qu'on devra, sans éliminer la voiture,rechercher les voies d'une voiture autrement. Dansun tel cadre où les transports en commun seraientconsidérablement développés cela devient possible(covoiturage, auto-partage, transport à la demande,taxi collectif et d’autres sans doute). On observed’ailleurs aujourd’hui que plus les gens sontmobiles, plus ils utilisent l'automobile parmi

“La question écologique

ne se résoudra passans traiter

la question sociale.

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ACTES DE LA RENCONTRE FSU-SOLIDAIRES DU 2 DÉCEMBRE 2009 – La crise écologique, une question syndicale 27

d’autres modes de transports et en ne la possédant

plus (ils la louent, la partagent…)

Celui des systèmes de productionQuel contenu donner à la formule « une autre façon

de produire et de consommer » ? Sans doute d’abord

produire d’autres choses, des kW « propres », des ali-

ments bio, des mètres carrés à zéro émission, des

produits à longue durée de vie et recyclables... Cela

exige en général plus de travail donc plus de valeur

ajoutée par unité produite, plus de qualification, plus

de formation, une autre place du travail et donc du

travailleur dans la société, au Nord comme au Sud).

On retrouve là, des sujets que nous avons, FSU et

Solidaires eu l’occasion de travailler ensemble.

Ensuite, produire plus sobrement en étant plus atten-

tif à l'origine et au type des matières premières uti-

lisées, aux conditions dans lesquelles se fait la pro-

duction — quels travailleurs, payés comment et

combien —, aux conditions de la distribution et aux

déchets générés par leur utilisation. Il y a le débat

autour du « produire local » et du développement des

circuits courts. C’est une question complexe qui

appelle discussion. Le type d’entreprise dans laquelle

on produit est également à questionner : quels

modes de fonctionnement et quels objectifs ? Ne

faudrait-il pas renouer avec la tradition coopérative

et mutualiste pour parvenir à une véritable économie

plurielle ? Enfin, une nouvelle conception des

échanges entre les pays en développement, les pays

émergents et les pays industriels est indispensable,

élargissant la notion de commerce équitable au

commerce en général et au commerce international

en particulier.

Des services publics incontournables Au final quand on essaie de mettre un contenu à ce que

pourrait être ce projet de développement, on s’aper-

çoit que la place des services publics est essentielle.

Le contenu d’un nouveau mode de développement

implique plus d’éducation, de formation qualifiante, de

recherche et d’innovation, davantage de biens d’équi-

pement collectifs, des investissements et des réali-

sations sur le long terme que seuls les pouvoirspublics peuvent mettre en œuvre. Il implique aussi desortir des logiques du marché et de la propriété pri-vée, l’exploitation de biens collectifs comme l’eau, lesressources énergétiques, mais aussi par exemple lestélécommunications.

Les Services Publics sont indispensables à la promo-tion de cet autre type de développement, des servicespublics renforcés et avec un fonctionnement plusdémocratiques où la prise en compte de l’expressiondes usagers et des personnels soit une réalité.

Cela pose la question de leur financement et pluslargement donc celle d’une fiscalité plus importantesans doute mais surtout plus juste.

En conclusion J’ai commencé mon propos en rappelant les désé-quilibres entre régions du globe. Toutes les études surle réchauffement climatique montrent que sans chan-gement les inégalités entre régions du monde vonts’aggraver. Les pollueurs ne sont pas les pluspayeurs : l’Afrique va subir bien plus durement lesconséquences du réchauffement que l’Europe parexemple.

Les inégalités au sein d’une région vont égalements’aggraver : les populations les plus pauvres vontsubir plus fortement les conséquences des mesuresd’atténuation que les populations les plus favorisées.

On ne pourra pas régler le problème du changementclimatique si on ne répond pas à l’augmentation de lapauvreté. Trois milliards d’hommes vivent avec moinsde deux euros par jour. Si on prend le chiffre del’OCDE, 1 800 millions de travailleurs travaillent sanscontrat de travail, sans protection sociale sur troismilliards de salariés. Il est évident que ces questionsdeviennent essentielles.

Aucun nouveau système productif ne peut se mettreen place demain sans respecter les droits fonda-mentaux de l’homme au travail, sans être en capacitéde créer de nouveaux emplois prenant en compte lesproblèmes de santé au travail, de sécurité au travail,de risques industriels. On ferme les mines de charbonen Pologne, très bien pour la planète mais que devien-nent les mineurs, quel emploi alternatif leur propose-t-on ? Aucun. Nous avons besoin d’une transition justepour reprendre une expression chère à la CES c'est-à-dire de l’aide, de la solidarité, de la cohésion. Celas’appuie sur une démocratie plus forte, plus de justicesociale et c’est difficilement compatible avec le capi-tal financiarisé.

Pour mettre tout cela en œuvre il faut convaincre lessyndicalistes qu’ils doivent se préoccuper des ques-tions écologiques, approfondir la réflexion ensembleet c’est ce que l’on fait aujourd’hui. Il faut aussi pour-suivre le travail entamé avec les associations écolo-gistes, afin qu’elles intègrent pleinement la dimensionsociale dans leur démarche. ■

❘❙❚ SYNDICALISME ET ENJEUX ENVIRONNEMENTAUX ❚❙❘

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La conférence de Copenhague, présentéedepuis des mois comme historique, s’estachevée dans le chaos et a accouché d’un

texte insipide, pour le moment adopté simple-ment par une trentaine de chefs d’États et degouvernements de pays développés et émergents,tandis que la conférence des Nations unies en asimplement pris note. Le refus des États-Unisde s’engager réellement dans la lutte contre lechangement climatique, l’inconsistance de l’Unioneuropéenne qui aurait pu être le moteur de cesnégociations, le jeu de la Chine, de l’Inde et del’Afrique du Sud qui a divisé le G77, le poids desgrands lobbies industriels et des multinationalesont abouti à un échec quele pire scénario nepouvait laisser imaginer.

S’il mentionne la néces-sité de limiter le réchauf-fement climatique de laplanète de 2 °C par rap-port à l’ère préindustrielle, ce texte ne fixe aucunobjectif contraignant pour les pays signataires.Chaque pays fera donc ce qu’il voudra. Il est àcraindre que les 30 milliards de dollars d’aideaux pays les plus pauvres face au changement cli-matique pour les trois prochaines années pro-viennent d’une reconversion de l’aide au déve-loppement déjà promise, comme cela a étéannoncé par certains pays développés. Pire, letexte indique qu’il faut utiliser les opportunités dumarché, donnant ainsi son imprimatur au déve-loppement de la finance carbone qui a pourtantfait la preuve de son inefficacité en matière deréduction des émissions. La spéculation financièretrouvera donc un nouveau champ d’action.

L’inclusion, à travers le mécanisme « REDD-plus » des forêts dans la finance carbone, nonseulement l’amplifiera encore, mais sera lourdede conséquence pour les populations vivant dansles forêts. Suite à cet échec, le cadre des Nationsunies est ouvertement remis en cause par cer-tains gouvernements, comme le montrent lesdéclarations scandaleuses de Nicolas Sarkozyqui s’en prend aux « petits États » qui osent par-ler d’égal à égal avec les grandes puissances.Alors même que le texte final a été concocté parun petit groupe de pays hors de tout processusonusien, cette remise en cause vise à transformerprofondément les relations internationales et à

renforcer le condomi-nium des grandes puis-sances sur le monde.

La suppression desaccréditations des ONGet la répression tous azi-muts qui a eu lieu pen-

dant la conférence, preuves de la panique desgouvernements face à la mobilisation citoyenne,n’ont pas empêché la convergence, dans laquelles’inscrit l’Union syndicale Solidaires, des ONG, desmouvements sociaux et du mouvement alter-mondialiste. Cette convergence est porteuse d’es-poir. Il est impossible pour l’avenir de l’humanitéd’accepter le sort auquel la vouent des gouver-nements soumis aux intérêts des puissants. L’his-toire ne s’arrête pas à Copenhague. Aujourd’huidoit se poursuivre et s’amplifier un processus demobilisation mondiale pour que l’urgence clima-tique et la justice sociale soient enfin prises encompte.

19 décembre 2009

Copenhagueou l’oubli de l’humanité

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ACTES DE LA RENCONTRE FSU-SOLIDAIRES DU 2 DÉCEMBRE 2009 – La crise écologique, une question syndicale 29

Historiquement, syndicalismeet écologie n’ont pas fait bonménage. Longtemps les pré-

occupations écologiques ont étéconsidérées comme relevant dequestions secondaires face auxurgences sociales telles que l’em-ploi ou le pouvoir d’achat. Cettepériode est aujourd’hui révolue.

Cependant beaucoup reste à faire pour articuler réel-lement revendications sociales et préoccupations éco-logiques et surtout pour les intégrer dans la pers-pective d’un nouveau paradigme remettant en causele mode de développement induit par le capitalismeproductiviste.

Les raisons d’un retard historiqueLe mouvement syndical, et plus globalement le mouve-ment ouvrier, a été historiquement très divisé, quece soit sur le plan idéologique (le rapport au capita-lisme et la conception de la société future), que sur leplan stratégique (les moyens pour y arriver). Mais cesdivisions n’ont nullement empêché l’existence d’unsubstrat idéologique commun fortement marqué parle productivisme.

Marx, dont on connaît l’influence, considérait le déve-loppement des forces productives comme la conditionnécessaire du socialisme. Une des critiques fonda-mentales que faisait Marx au capitalisme, critiquereprise à sa suite par tous les courants marxistes, étaitson incapacité à développer les forces productives, lacontradiction fondamentale du capitalisme se situantentre le développement des forces productives et lesrapports de production capitalistes qui entraveraientce développement. Dans ce cadre, le mouvementouvrier a totalement repris à son compte l’idée carté-sienne de « l’homme maître et possesseur de lanature » ainsi qu’une grande partie de l’imaginairesocial du capitalisme basé sur l’illusion de l’extensioninfinie de la richesse produite. Une foi aveugle en lascience et aux développements technologiques qu’elleinduit venait compléter ce dispositif idéologique.

Bien sûr, Marx ne peut se résumer à cette conceptionet on trouve chez lui d’autres analyses qui mettent enavant le fait que le capital détruit dans un mêmemouvement l’homme et la nature et que cette dernièreproduit des valeurs d’usage irremplaçables. Maisforce est de constater que c’est la vision précédentequi l’a emporté et qui a été hégémonique dans lemouvement ouvrier, même si certains penseurs ont puen développer des points de vue critiques.

Cette conception a été d’autant plus prégnante qu’elleservait à justifier un but légitime, qui reste d’actualité,obtenir un bien-être pour les salariés, objectif d’autantplus fondé au vu des conditions de vie de l’époque.Dans ce cadre, l’accroissement de la richesse produiteétait censé favoriser son partage et c’est ce qui s’esteffectivement produit, tout au moins en partie. Plus legâteau est gros, plus il est facile de le partager entreles convives.

Ce cadre idéologique a été particulièrement adéquatau capitalisme fordiste qui s’est développé après laseconde guerre mondiale et dont il faut souligner leseffets pervers. Pour garantir un taux de profit élevé auxentreprises, le fordisme se base sur la conjonctiond’une production de masse et d’une consommation demasse. C’est la demande solvable d’origine salarialequi assure la réalisation de la production, les entre-prises étant encouragées à investir puisque leursdébouchés sont, de fait, garantis. Se met ainsi enplace un cercle vertueux où l’accroissement continude la consommation des ménages permet celui de l’in-vestissement et un taux de profit élevé pour les entre-prises, les politiques keynésiennes permettant delisser les perturbations liées aux cycles économiques.

Si cette configuration, due en partie à des rapports deforces favorables aux salariés, a permis que cesderniers acquièrent ainsi un minimum de bien-être, sescontreparties implicites étaient très problématiques. Lacroissance devient l’objectif partagé essentiel, sansque jamais le mouvement syndical ne s’interroge surson contenu. L’organisation du travail pour obtenircette croissance maximale, avec le développement dutaylorisme, n’est plus contestée et est laissée auxmains des employeurs. La consommation des salariésdevient directement déterminée par les besoins del’accumulation du capital et l’on voit la publicité jouerun rôle majeur dans l’obsolescence programmée desproduits. Enfin les conséquences sur l’environnementd’un tel mode de développement sont purement etsimplement ignorées

(1). Le mouvement syndical se

moule dans le cadre productiviste du capital.

Le capitalisme néolibéral a encore aggravé cettelogique productiviste par sa globalisation. Le libre-échange généralisé et la mise en place d’une nouvelledivision internationale du travail ont entraîné une « bullecommerciale » qui s’est traduite par une explosiondes transports polluants, notamment routiers et mari-times. Les politiques de déréglementation et de priva-tisation, en accroissant encore le champ d’action ducapital, et en refusant toute limite à son déploiement,ont considérablement aggravé la crise écologique.

Le syndicalismeau défi de l’écologie

Pierre Khalfa Porte-parole

de l’Union syndicale

Solidaires

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ACTES DE LA RENCONTRE FSU-SOLIDAIRES DU 2 DÉCEMBRE 2009 – La crise écologique, une question syndicale30

Nécessité d’un nouveau paradigmeLa nécessité d’une rupture avec ce cadre s’impose,évidemment d’abord pour des raisons écologiques. Lemodèle productiviste n’est ni soutenable pour lesgénérations futures ni extensible à toute la planète. Ilmène l’humanité à une impasse, le réchauffementclimatique n’étant qu’une des facettes d’une criseécologique globale dont les manifestations les plusvisibles sont l’accroissement considérable des déchetstoxiques, la pollution des nappes phréatiques et dessols, la réduction de la diversité biologique, l’épuise-ment de certaines ressources naturelles.

Mais cette rupture est aussi nécessaire pour desraisons sociales. Le capitalisme fordiste, basé surune forte croissance, et le compromis social qui vaavec, sont morts et enterrés. Le capitalisme néolibéralqui lui a succédé est incapable, de toute façon, deproduire une croissance soutenue et stable. On assistedepuis une trentaine d’années à une baisse régulièredu taux de croissance qui renvoie à des modificationsstructurelles du capitalisme : domination de la finance,montée du secteur des services, transformations desbranches industrielles avec une explosion des activitésnon directement liées à la production, comme parexemple le poids de plus en plus important desdépenses publicitaires. Ces mutations entraînent unebaisse des gains de productivité qui a des consé-quences sur la croissance.

De plus, la croissance de ces trente dernières annéesn’a pas, contrairement à la période précédente, signifié

plus de bien-être. L’augmentation du PIB, et du PIB parhabitant, s’est accompagnée d’un accroissementconsidérable des inégalités sociales et a profité essen-tiellement aux classes dirigeantes et aux couchestrès supérieures du salariat. En témoigne, dans lespays développés, la baisse de la part des salairesdans la valeur ajoutée des entreprises.

Non seulement la croissance est nettement moinsforte que dans la période antérieure, mais elle est, deplus, soumise à de forts aléas comme en témoigne lacrise actuelle. Le modèle néolibéral était basé sur unendettement croissant des ménages comme substitutau salaire pour accroître la demande solvable et entre-tenir la croissance. C’est ce modèle qui s’est effondréavec la crise actuelle et qui ne sera probablementpas reproductible dans l’avenir. Il faut donc raisonnerautrement qu’en terme de croissance. Si la bataillepour le partage de la richesse produite est plus quejamais d’actualité au vu des évolutions de ces dernièresannées, raisonner autrement suppose d’abord deredéfinir la notion de richesse. Il s’agit de s’interrogersur le contenu de la production et de remettre encause ce qui est au cœur du capitalisme moderne etde nos modes consommation, l’accumulation, et doncla production, d’objets nouveaux qui se démodentaussitôt achetés.

Dire cela ne veut pas dire être pour la décroissancegénéralisée. Le problème est en effet de déterminerce qui doit croître et ce qui doit décroître : croissancede quelle production, dans quelles conditions, pourquelle utilité sociale ; décroissance de quelle produc-

La globalisation du capital, qui a accompagné la mis en place du capitalisme néolibéral, s’est traduite parune nouvelle division internationale du travail basée sur la recherche de contraintes les moins fortes pos-sibles pour les investisseurs, que ce soit en matière de coût du travail, de protection sociale, de droits syn-dicaux ou de normes environnementales. La liberté de circulation des capitaux, couplée avec le développementdu libre-échange, a abouti à la mise en concurrence des salariés et au dumping social et environnementalfavorisant ainsi les délocalisations. Si ce dernier phénomène ne doit pas être exagéré - les délocalisationsdirectes représentent 5 % des suppressions d’emplois en France -, son existence permet un chantage permanentde la part du patronat pesant sur les capacités de résistance des salariés.

Les intérêts des multinationales et ceux des classes dirigeantes des pays émergents se sont ainsi rejoints pourfavoriser dans ces pays un mode de développement basé sur les exportations et le libre-échange. Ce modede développement est fondamentalement néfaste aux peuples des pays émergents. S’il a permis une sortiede l’extrême pauvreté pour les personnes engagées dans le processus de mondialisation (et la constitutiond’une classe de nouveaux riches aussi cupides que cyniques), il a surtout entraîné l’appauvrissement de popu-lations entières, notamment des femmes. Les accords de libre-échange imposés par les pays du Nord, quece soit dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) ou par le biais d’accords bilatéraux,ont ainsi ruiné l’agriculture vivrière ou la petite production locale.

Les délocalisations contribuent à la dégradation des rapports de force entre le capital et le travail dans lespays développés et sont responsables d’une part non négligeable de la crise écologique par la quasi-absence

Relocalisation, oui mais…

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ACTES DE LA RENCONTRE FSU-SOLIDAIRES DU 2 DÉCEMBRE 2009 – La crise écologique, une question syndicale 31

tion socialement inutile, dans quelle perspective ?

Des besoins sociaux considérables sont aujourd’hui

non comblés non seulement dans les pays en déve-

loppement, mais aussi dans les pays dits « riches »,

que ce soit en matière de santé, logement, éducation,

crèches, transports publics… Le comblement de ces

besoins est absolument indispensable et accroîtrait le

bien-être individuel et collectif.

Mais si combler ces besoins sociaux est indispen-

sable, la rupture avec la logique consumériste ne l’est

pas moins. Cette logique est consubstantielle au capi-

talisme productiviste et c’est la grande masse des

salariés qui en fait les frais. Ils n’ont pas tous accès à

une éducation de haut niveau, sont mal soignés, ont

une alimentation médiocre, galèrent dans les trans-

ports, voient leurs conditions de travail se dégrader,

mais le capitalisme moderne les enserre dans un

imaginaire social consumériste, promu par la publicité,qui leur donne comme modèle le mode de vie desplus riches, horizon évidemment inatteignable.

Rompre avec la logique consumériste ne signifie passimplement un changement des comportements indi-viduels, mais suppose une transformation radicaledes structures productives avec comme objectif deproduire de façon écologiquement durable, avecnotamment une production pauvre en carbone, etsocialement utile. Il s’agit donc non seulement detransformer la production dans son contenu, maisaussi de changer la façon de produire ce contenu.

Cette perspective suppose que des choix conscientssoient opérés en matière économique.

Ces choix ne peuvent être laissés à la logique de « lacréation de valeur pour l’actionnaire » portée par lecapitalisme néolibéral, ni de façon plus générale êtresoumis à la logique du profit. Ils supposent un débatdémocratique sur les besoins sociaux et leur articu-lation avec les désirs des individus. Seul le débatdémocratique peut permettre de dépasser les éven-tuels conflits entre ces deux aspects. Il s’agit doncd’identifier, secteur par secteur, les objectifs àatteindre et les mesures à prendre, avec pour objectifune organisation démocratique de l’économie et d’in-venter les institutions à mettre en place pour qu’unedémocratie citoyenne puisse réellement exister.

Ces transformations supposent que de nouveauxinstruments de mesure viennent compléter le PIB.Ces indicateurs existent déjà, que ce soit, par exemple,

de normes environnementales dans les pays concernés et le développement des transports, secteur qui émetplus du quart des émissions de gaz à effet de serre (GES). Notamment, la moitié de la croissance des GESde la Chine entre 2000 et 2007 est due aux exportations vers les pays développés.

La rupture avec ce mode de développement est donc impérative. Privilégier les circuits économiquescourts et relocaliser autant que possible la production font partie des objectifs d’un projet de transforma-tion sociale progressiste, le débat restant ouvert sur le degré de division internationale du travail nécessaireou utile. L’objectif de relocalisation maximale devrait être l’occasion de poser, dans les pays développés commedans les pays en développement, l’exigence d’une production tournée prioritairement vers la satisfactionlocale des besoins sociaux.

Il ne peut être la couverture d’un nationalisme économique des pays développés. Ainsi, par exemple, s’il estabsurde de produire en Chine des biens consommés en Europe, la réciproque est évidemment vraie, et ilne peut y avoir en Europe de modèle centré sur les exportations, qui aboutirait à une aggravation de la concur-rence entre les salariés européens sans résoudre les problèmes écologiques. Cette relocalisation ne peutavoir pour conséquence un nouvel appauvrissement des pays pauvres ou émergents. L’annulation de la dettede ces pays et un transfert technologique doivent permettre d’aider à la transition de secteurs tournés versl’exportation à des secteurs tournés vers la consommation locale, comme le demandent de nombreuxmouvements sociaux et mouvements de femmes de ces pays.

P. K.

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❘❙❚ SYNDICALISME ET ENJEUX ENVIRONNEMENTAUX ❚❙❘

ACTES DE LA RENCONTRE FSU-SOLIDAIRES DU 2 DÉCEMBRE 2009 – La crise écologique, une question syndicale32

l’empreinte écologique, l’indicateur de développe-ment humain (IDH), l’indicateur de participation desfemmes, le baromètre des inégalités et de la pauvreté(BIP 40). Il faut probablement les affiner, mais il fautsurtout qu’ils soient utilisés pour piloter les politiquespubliques.

Quelques pistes revendicativesL’enjeu pour le mouvement syndical est de parvenir àlier la résolution de la question sociale et celle de laquestion écologique. Cet enjeu est d’autant plus décisifque les classes dirigeantes ne restent pas inactives etqu’elles ont leur vision de la résolution de la criseécologique qui passe par une écologie financiarisée,avec le développement de la finance carbone et d’uncapitalisme vert tiré par de nouvelles technologies, lapérennisation d’un chômage de masse permettantde maintenir des profits élevés en disciplinant lessalariés. Le risque est la reproduction d’une situationsimilaire aux années 1980 où les reconversions indus-trielles se sont faites sur le dos des salariés.

Tout cela plaide pour que le mouvement syndical sedote d’une perspective de transformation socialenouvelle liant indissociablement les questions socialeset les questions écologiques, basée sur un change-ment des modes de consommation, une transforma-tion des processus productifs, une répartition nouvellede la richesse produite. L’objectif doit être d’imposerune organisation démocratique de l’économie enrupture avec la logique du profit, l’obsession de lacroissance et le consumérisme. Il s’agit donc d’opérerune mutation du syndicalisme pour une mutationsociale et écologique.

Sur le terrain strictement social trois exigencesmajeures peuvent être mises en avant. Tout d’abord,l’instauration d’un statut du salarié afin de protéger lessalariés et d’éviter que les restructurations de l’ap-pareil productif ne se fassent à leurs dépens. Ce statutpermettrait que soit garantie la continuité de la rému-nération et des droits sociaux, notamment ceux liés àla qualification, pendant la période de reconversion dusalarié. Ce statut serait financé par les fonds de l’as-surance-chômage et par une nouvelle cotisationsociale payée par les employeurs. Il ne s’agit donc pasde protéger l’emploi tel qu’il est à un moment donné,mais de protéger le salarié pendant la période detransition. Si on veut éviter que ce statut soit utilisécomme un effet d’aubaine par les entreprises, il fautdans le même temps interdire les « licenciementsboursiers » dans les entreprises qui font des profits.

La seconde exigence concerne la réduction du tempsde travail (RTT). Celle-ci est évidemment nécessairepour combattre le chômage de masse qui s’est installé,même si l’on peut penser que la satisfaction de besoinssociaux actuellement non comblés permettra de créermassivement des emplois. Cependant la RTT a aussiun double objectif politique. Elle est une des conditionssociales de la participation des salariés au débatdémocratique qui reste difficilement envisageable defaçon continue dans une situation où les salariéstravaillent près de huit heures par jour, sans compterle temps passé dans les transports. Et elle reste unecondition indispensable pour l’égalité entre hommeset femmes, en libérant du temps pour une prise encharge égalitaire des tâches domestiques et paren-tales, permettant ainsi une meilleure association desfemmes au débat démocratique.

La troisième exigence concerne l’obtention de droitsnouveaux pour les salariés dans les entreprises. L’en-treprise ne peut rester un espace hors démocratie etles salariés, notamment à travers les comités d’en-treprise, doivent pouvoir peser sur les choix techno-logiques et les stratégies des entreprises.

ConclusionSe doter d’un projet liant exigences sociales et impé-ratifs écologiques nécessite un élargissement desalliances. Un tel projet, politique au sens le plus nobledu terme, suppose de pouvoir travailler avec lesacteurs de la transformation sociale qui partagentles mêmes préoccupations. C’est ce que Solidaires etla FSU ont fait, par exemple, en participant au collectifUrgence climatique, justice sociale qui a mené unecampagne unitaire à l’occasion du sommet de Copen-hague. ■

1. Une exception à ce constat, le livre de la CFDT, Les dégâts duprogrès, paru en 1977.

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❘❙❚ EXPÉRIENCES DE TERRAIN ❚❙❘

ACTES DE LA RENCONTRE FSU-SOLIDAIRES DU 2 DÉCEMBRE 2009 – La crise écologique, une question syndicale

Après l’intervention de PierreKhalfa, j’ai pour mission devous remettre les pieds sur

terre et de vous parler de l’appro-priation par les syndicats au plusprès du terrain de ces probléma-tiques environnementales.

Pour le SNE, c’est une évidence et c’est un peu notrefond de commerce. Depuis la création du Ministèrede l’environnement, les résolutions de notre syndicatsont partagées à part égale entre les probléma-tiques environnementales, la définition du servicepublic de l’environnement qui lui correspondent et lesrevendications statutaires.

La légitimité syndicale sur les questionsenvironnementals : une conquête.Mais en pratique cela veut dire quoi ? Cela veut direqu’au Ministère de l’Environnement comme ailleurspour parler d’environnement quand on est profes-sionnel du secteur, il n’y a pas desouci mais quand on est syndica-liste c’est excessivementcompliqué et les portes ne sontpas ouvertes a priori. Et il a bienfallu une vingtaine d’années deluttes, au moins jusqu’en 1997 –1998, pour que de fait les Ministresacceptent que chaque projet deloi « environnement » passe devant le CTPM et soitdébattu avec les organisations syndicales. Excel-lente habitude qui malheureusement a été perdueavec la fusion des ministères de l’environnement, del’équipement et de l’industrie dans un grand minis-tère de l’aménagement et du développementdurable. Pourtant, durant cette période nous avonspu revendiquer un certain nombre de succès parnotre investissement et par notre expertise. Maisdisons le clairement, les succès nous ne les avonsconnus que quand nous étions en phase avec lemonde associatif. Le SNE a toujours entretenu desrelations plus ou moins importantes avec FranceNature Environnement, et à chaque fois que nousavons travaillé en commun et que nos conclusionsétaient les mêmes, nous avons réussi à faire passerun certain nombre d’idées ou à préserver un certainnombre d’acquis. Je pense en particulier à ladernière loi sur les parcs nationaux. Nous avonsévité toutes les dérogations qui étaient prévues dans

le projet de loi initial, On peut penser égalementaux attaques régulières que peut subir le conserva-toire du littoral sur ses missions. Tout le monde saitque les aménageurs aiment beaucoup aménager,surtout les zones protégées !

Trois exemples de luttes localesPlus pratiquement, j’ai pris trois exemples locaux, desluttes locales en lien direct avec nos métiers.

La construction du siège de l’ADEME à Angersun serpent de mer qui a duré une dizaine d’années.L’ADEME est entre autre chargé de promouvoir lespolitiques de maîtrise de l’énergie. Un projet« vitrine » des politiques portés par cet établissementpublic du ministère de l’environnement devaitregrouper 250 personnes et les 5 implantations ange-vines ainsi que l’implantation parisienne de l’ADEME.Un projet répondant aux normes de constructionHQE(Haute Qualité Environnementale) avait finale-ment fini par voir le jour non sans quelques inter-

ventions du syndicat auprès duministre pour défendre le projet etdébloquer les financements.

En 2002 il y a eu un changementde gouvernement et du jour aulendemain, le projet a été aban-donné.

Certes, il faut savoir que le projetétait un peu plus cher, mais il avait

été calculé que le temps de retour des investisse-ments supplémentaires sur le plan HQE était de 11ans. Ca veut dire que le surcout de construction étaitcompensé en 11 ans par les économies réalisées surle chauffage et la climatisation ! Soit pas grand-chose pour un bâtiment dont la durée de vie prévisibleest de l’ordre du siècle...

Et finalement le projet a donc été abandonné et vu ledegré d’avancement du projet, 300 000 euros avaitdéjà été dépensé pour les études préliminaires et ila fallu payer 1 million d’euros de dedit aux architectesdu projet initialement retenu.

Tout ça pour rénover des locaux qui existaient déjà etdont nous avons appris par la suite qu’il s’agissait deracheter les anciens locaux d’un groupe d’assu-rance, le groupe Médéric je crois.

La leçon que j’en tirerai c’est que la lutte a étélongue, et ponctuée par 2 journées de grève suiviespar des gens motivés par le sujet. Mais dès qu’une

Syndicalismeet environnement,

pas simple au quotidien

Daniel GascardFSU,

Syndicat de

l’environnement

“...parler

d’environnementquand on est

professionnel il n’y apas de souci...

33

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❘❙❚ EXPÉRIENCES DE TERRAIN ❚❙❘

ACTES DE LA RENCONTRE FSU-SOLIDAIRES DU 2 DÉCEMBRE 2009 – La crise écologique, une question syndicale34

organisation syndicale a montré dessignes de faiblesse, le personnel aarrêté de se battre.

Le plan de déplacement duCentre d’étude technique à LyonIl y a 8 ans, un PDE, un plan de dépla-cement d’entreprise, a été initié.Exemple intéressant qui a abouti, avecl’accord de tout le monde, à la réduc-tion du nombre de places de parkingloué par le CERTU, il s’agit d’un centred’étude technique du MEEDAT.Réduire la location du nombre deplaces de parking a permis definancer bien avant que ce ne soit obligatoire leremboursement de la moitié des frais de déplace-ments des personnes utilisant les transports encommun. Cela a abouti, tout le monde a joué le jeu etcela a été exemplaire. Mais le plus marquant danscette réussite, c’est qu’au départ ce projet n’étaitpas porté par les organisations syndicales repré-sentatives et qu’il a fallu une pétition signée par 70 %des personnels pour que les organisations syndi-cales représentatives au CTPL acceptent de porter ledossier.

Création de la DREAL et transfertdes personnelsLe troisième exemple est un exemple d’actualité :vous êtes tous au courant de la réforme de l’État etde la réforme territoriale de l’État. En Lorraine, laDREAL est créée, la Direction Régionale de l’Envi-ronnement de l’Aménagement et du Logement quisont les services régionaux du toujours même grandMinistère en charge de l’aménagement et du déve-loppement durable, le MEEDDM.

Et comme la RGPP ne tolère aucun délai, décisionimmédiate a été prise de regrouper les sites exis-tants sur le technopole de Metz. C’est un projet quiconcerne deux services soit environ 300 personnes.Transférer 300 personnes sur un site non desservipar les transports en commun ce n’est déjà pas trèsintelligent, mais quand de plus il s’agit de personnesdont le métier est d’œuvrer pour l’environnement et quipour bon nombre avaient déjà adopté des modes detransports doux, c’est stupide .L’Etat exemplaire nousy croyons, y compris sur ces problématiques !!!

On est donc en lutte. Il y a mardi prochain ce que lescollègues appellent une marche verte de l’ensembledes services départementaux et régionaux dont lemot d’ordre est un projet immobilier de l’État concertéet exemplaire pour la qualité de l’environnement et laprise en compte des déplacements des personnels,pour que cette réforme n’aboutisse pas à multiplierles temps de transports individuels des agentschargés de mettre en place les politiques de l’envi-ronnement. Aujourd’hui on est dans ces absurdités.

Gagner de nouvelles compétences etchanger les mentalitésPour conclure, il faudrait comprendre la grande diffi-culté des organisations syndicales à se saisir de cesproblématiques environnementales.

Il y a urgence à donner aux organisations syndicalesdes prérogatives sur ces questions. D’ailleursplusieurs propositions intéressantes ont été faitesdans ce sens lors du Grenelle de l’Environnement.Aucune n’a été reprise. Il avait été évoqué de donnerdes compétences environnementales au CHSCT parexemple, qu’il y ait un bilan annuel fait aux action-naires sur la qualité environnementale. C’est toutun ensemble de choses nécessaires. Si l’on prend leCHSCT qui reçoit tous les ans un rapport sur lesaccidents du travail pourquoi n’y aurait-il pas tous lesans un rapport portant sur les dépassements denormes de rejet, sur les efforts faits en matière derecyclage ? Cela aurait un double effet, impliquerles organisations syndicales et donc les personnelset les pousser à s’intéresser aux problématiquesenvironnementales ; mais aussi leur donner un rôlede contre-pouvoir face à un patronat qui souventconsidère les questions d’environnement que commeun frein à la productivité. La faiblesse des disposi-tions réglementaires et la quasi-absence descontrôles ne sont certainement pas à eux seuls suffi-sants pour obtenir de changements de comportementde leur part.

On peut enfin parler de l’état d’esprit et des menta-lités. Je vous ai parlé d’endroits où la majorité dessalariés sont des salariés de l’environnement et quisont donc censés être motivés. Malgré cela ce n’estpas toujours facile. Lorsqu’une organisation syndicaleréclame une augmentation de salaire ou une RTT, jepense que l’on peut faire 100 % de satisfaits. Mais sidans le cadre d’un PDE on doit dire à 20 % des agentsqui se déplacent en voiture eh bien il n’y a plus deplace pour garer les véhicules, est ce que les orga-nisations syndicales sont prêtes à prendre le risquede mécontenter une partie des personnels qu’ellesreprésentent ? ■

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❘❙❚ EXPÉRIENCES DE TERRAIN ❚❙❘

ACTES DE LA RENCONTRE FSU-SOLIDAIRES DU 2 DÉCEMBRE 2009 – La crise écologique, une question syndicale

On ne peut que se réjouir que40 ans – deux générations –après les premières prises de

conscience et mobilisations endéfense de l’environnement, la question environne-mentale soit devenue une préoccupation majeure,permanente et largement partagée par et dans l’en-semble de la société.

Pour Sud Chimie Pharma, la prise en considération dela question environnementale ne résulte pas d’uneprise de conscience récente. Elle a toujours présentéun intérêt majeur pour 2 raisons. Les pressions exer-cées sur les pouvoirs publics ont conduit au planeuropéen à la construction d’un cadre législatif etréglementaire, certainement améliorable, qui acontraint, au long des décennies, les industries àlimiter les rejets polluants et à améliorer la sécuritédes installations. D’une façon un peu paradoxale, lessalariés des entreprises de la chimie, qui ont long-temps été à la fois les cobayes de la chimie et les prin-cipales victimes des accidents majeurs, ont été lespremiers à bénéficier de ces nouvelles contraintes. Cesdifférentes réglementations, dont l’esprit initial estextérieur aux entreprises, ont joué un rôle au moinsaussi important que l’action syndicale en matièred’amélioration des conditions de travail.

Parce que la conception du syndicalisme que nousvoulons incarner est celle d’un syndicalisme de trans-formation sociale qui, dans l’analyse et l’action, conçoitque l’amélioration globale et durable du sort destravailleurs ne peut pas se limiter à la lutte écono-mique quotidienne : l’objectif de ce syndicalisme doitêtre de modifier en profondeur les rapports sociaux.Au niveau environnemental, cela se traduit par unecritique : – des conditions de production (risques industriels

majeurs, rejets polluants, toxicité des produits),– de la finalité de la production et de l’utilité sociale des

produits.

Il s’agit, dans notre secteur et sur le sujet de l’envi-ronnement, d’une traduction des principes de la Charted’Amiens.

Le contexte économique et socialLa question environnementale est devenue une préoc-cupation largement partagée et de façon sans doutedurable. C’est tant mieux. Mais, et c’est là où on peut

craindre le pire, le capitalisme lui-même s’en estemparé. Il suffit pour s’en convaincre d’apprécier lafloraison de l’affichage et de la publicité « verte » desentreprises. Quel que soit le secteur d’activité,l’énergie, les banques... c’est « plus vert que moi, tumeurs ». Des palmes pourraient être décernées àTotal, EDF ou encore Renault pour ne citer quequelques exemples. D’autre part, il semblerait quel’environnement soit de plus en plus pris en considé-ration comme nouveau moteur de croissance. Lesyndicalisme a, dans ce cadre, un rôle essentiel àjouer pour développer une analyse critique de cenouveau visage que tente de se donner le capitalisme,et aura à éviter tout suivisme ou accompagnement.C’est au contraire l’hypocrisie qu’il convient dedénoncer. Prenons l’exemple de BASF, leader mondialde la chimie. BASF a pris la tête du lobbying contre laréglementation visant à limiter l’émission de gaz àeffets de serre, au prétexte que cela renforcerait lapression concurrentielle des pays émergents et branditla menace de délocalisation des entreprises. Celapour le côté obscur. L’affichage, côté lumière, c’est lapublicité pour de nouveaux matériaux isolants, permet-tant de réduire la facture énergétique.

Parallèlement à cet affichage, nous assistons dans nosentreprises à une pression continuelle et accrue à larentabilisation à outrance, sous prétexte de concur-rence. Cela se traduit par une nouvelle de phase dedégradation des conditions de travail, une perte demaîtrise des procédés, des risques majeurs accrus,

Lier défensede l’environnement

et des salariésL’expérience du secteur de la chimie

François TeyssierFédération SUD chimie

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des pollutions accidentelles de l’environnement, encontradiction avec les objectifs des différentes régle-mentations. L’utilisation d’indicateurs de concurrence,la menace brandie de la délocalisation sont utiliséesde façon courante par les entreprises pour faireaccepter des diminutions d’effectifs, de nouvellesorganisations du travail. Ces menaces de délocalisa-tion deviennent bien souvent des réalités, tant pour laproduction des matières premières que des produitsfinis. Le principal objectif visé n’est pas l’économie surles salaires, car la plupart des productions de notreindustrie sont à forte valeur ajoutée et les salaires nereprésentent souvent qu’une très faible partie de cequ’ils appellent les coûts de production. Ce sont lescontraintes environnementales qui constituent lefacteur essentiel de ces décisions. D’une part, celapermet de limiter les investissements et les dépensesde fonctionnement en matière de protection de l’en-vironnement. D’autre part cela limite l’impact d’unaccident ou d’une pollution sur l’image de marque.

Ces délocalisations sont en fait des délocalisations desrisques et des pollutions, notamment vers la Chine etl’Inde, dont les travailleurs et les populations font lesfrais en retour du travail qui leur est ainsi fourni.

Quant aux produits qui reviennent, leur qualité estbien souvent nettement plus faible, ce qui peut êtresource d’incidents. Ainsi, un réacteur d’une usine de lapharmacie a subi une explosion. Le produit chinoislui-même, autrefois fabriqué en Allemagne, avait lesmêmes qualités, ce qui n’était pas le cas du stabilisantempêchant sa décomposition spon-tanée au contact de l’air.

C’est la raison pour laquelle SUDChimie demande qu’une régle-mentation européenne impose queles produits importés aient lesmêmes qualités que celles desproduits fabriqués en Europe etqu’ils aient été produits dans desconditions comparables de protec-tion de l’environnement et destravailleurs. Il s’agit de protégerglobalement l’environnement, car les pollutions sontglobales, mais aussi de défendre l’amélioration desconditions de travail de nos collègues chinois, coréensou indiens, et ainsi d’empêcher les capitalistes d’uti-liser une concurrence entre le travail des uns et la viedes autres.

Le mouvement syndical face aux problèmes environnementauxFace à la contradiction emploi/environnement, lemouvement syndical s’est souvent partagé entre deuxattitudes :– La négation par un syndicalisme replié sur la défensedes intérêts matériels immédiats des salariés voire decertaines catégories de salariés. Ces syndicats consi-

dèrent que le syndicalisme n’a pas à se préoccuper desproblèmes sociaux qu’ils considèrent extérieurs àl’entreprise et à leur champ d’activité. Cela se traduitbien souvent par une attitude extrêmement opportu-nisme. Cela a conduit, par exemple, l’IG BCE en Alle-magne, FO en France à soutenir le patronat euro-péen de la Chimie dans son combat de lobbying pourminimiser l’impact (et l’intérêt) de la Directive euro-péenne Reach sur la toxicité des produits chimiques.– La schizophrénie. Prenons un exemple. Enfévrier 2004, le ministère de l’agriculture décide d’in-terdire en France deux molécules accusées par les

apiculteurs de détruire les abeilles.L’Indecosa, organisme CGT dedéfense des consommateurs seréjouit de l’interdiction. Pendant cetemps, les intersyndicales BASF etBAYER (y compris les syndicatsCGT) ont émis des protestationsface à l’arrêté ministériel et défendusans réserves les produits incri-minés.

À BASF Elbeuf particulièrementconcerné, puisque produisant l’un des deux produits,le Comité d’Établissement, sous l’impulsion de Sud, ademandé au Ministère de l’Agriculture qu’une étudeobjective et indépendante soit menée pour déterminersi oui ou non les produits incriminés étaient respon-sables de la surmortalité des abeilles. La positionclairement exprimée était que si l’étude révélait lerôle néfaste des produits, nous ne les défendrionspas mais que, en revanche, les pouvoirs publicsdevraient proposer aux salariés dont l’emploi auraitsubi les conséquences de ces décisions des solutionssocialement acceptables. Nous avons donc tenté delier, et non d’opposer, défense de l’environnement etdéfense de l’intérêt des salariés.

Dans d’autres domaines, telle que la production demédicaments, nous tentons, lorsque les occasions

“Dans notre secteurces délocalisations

sont en faitdes délocalisations

des risques etdes pollutions

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ACTES DE LA RENCONTRE FSU-SOLIDAIRES DU 2 DÉCEMBRE 2009 – La crise écologique, une question syndicale 37

se présentent, de défendre des productions utiles,soignant les maladies, plutôt que les médicamentsrentables destinés le plus souvent à compenser lesexcès d’un certain mode de vie.

Il s’agit donc de saisir les occasions qui permettent deposer la question de l’utilité sociale des produits.

De la même façon, les débats engagés après la catas-trophe de Toulouse nous ont permis d’intervenir surles conditions même de la production. Mais là encore,nous sommes confrontés à la menace permanente surl’emploi et la fermeture des entreprises dans uncontexte concurrentiel mis à profit par les patrons. ÀToulouse, tous les ingrédients habituels d’une catas-trophe majeure étaient réunis, manque d’investisse-ments, vieillissement des installations, procéduresnon suivies pour gagner du temps et de l’argent,recours au travail précaire. Toutes dérives par ailleursmontrées du doigt par le CHSCT, sans toutefois allerjusqu’au bout car la réponse habituelle du patrondans ce genre de situation, c’est de dire aux syndicatsque s’ils continuent comme cela, ce sera la fermeturede l’entreprise et qu’ils devront eux-mêmes s’en expli-quer devant les salariés. Alors bien souvent devant cesmenaces, les syndicats réduisent leurs interventions.Et à Toulouse, ce n’est pas leur emploi que lestravailleurs ont perdu, mais leur vie.

On pourrait citer d’autres interventions, telles cellesde Sud à la raffinerie Total de Normandie prenantposition ouvertement contre le non-respect desnormes de rejet. Position immédiatement utilisée parla Direction pour justifier l’annulation d’un importantinvestissement. Ainsi pour que les syndicats jouentréellement le rôle qui devrait être le leur en matièrede protection de l’environnement, il faudrait un véri-table droit à l’intervention environnementale protégéepar une clause de « donneur d’alerte » et la protectionjuridique des emplois concernés.

Il est donc possible au-delà des contradictions etmalgré toutes les difficultés, de lier protection del’environnement et action syndicale, et de développerdes pratiques en rupture avec la dualité négation/schi-zophrénie. Mais force est de constater que le rapportde force social, qui s’est dégradé de façon défavo-rable aux salariés, ne facilite pas l’entreprise. Unevéritable intervention syndicale systématique enmatière d’environnement serait beaucoup plus facilesi elle pouvait s’appuyer sur un mouvement socialpuissant qui apporterait son soutien aux travailleursdont l’emploi fait l’objet régulier de chantage et demenace de la part des patrons.

Pour avancerLa prise en considération de la dimension environ-nementale ne peut se réduire à l’instruction artifi-cielle d’une idéologie écologique dans le syndicat. Ils’agit là de l’autre dimension fondamentale de laCharte d’Amiens, celle de l’indépendance de l’ac-tion syndicale. Il serait très dommage de se priver del’apport essentiel que peut proposer le mouvementsyndical en matière d’environnement :– connaissance concrète et approfondie de certainesréalités ;– liaison entre la question environnementale et laréponse sociale (ce qui est d’autant plus importantque certains secteurs du capitalisme se sont emparésdu sujet, mais aussi parce que sans critique sociale,l’écologie peut conduire à des positions nauséa-bondes).

Dans ce contexte, il faut ainsi laisser aux anima-teurs des syndicats soucieux de dépasser cescontractions, de choisir les moments opportuns pourle faire et donc de laisser du temps au temps, letemps de l’opportunité (dans le sens noble du terme).

Nous pouvons ainsi sur ce terrain (comme sur tantd’autres) contribuer de façon originale à une issuepositive et sociale à la crise environnementale :construire une société qui remette l’économie à laplace qui devrait être la sienne, non pas une sourcede profits basés sur le pillage des ressources et l’ex-ploitation du travail et accaparés par une minorité,mais un moyen permettant d’assurer le bien-êtrematériel et moral de toutes et tous, dans le respectde l’environnement. ■

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ACTES DE LA RENCONTRE FSU-SOLIDAIRES DU 2 DÉCEMBRE 2009 – La crise écologique, une question syndicale

Cette journée de rencontre militante FSU/Soli-daires a été très riche par la diversité des inter-venant-es, des sujets abordés et le croisement

d’analyses globales avec les pratiques syndicales deterrain. C’est une première initiative dans le cadred’un débat entre nos deux organisations, même si

nous avons déjà une premièreexpérience dans ce sens : rap-pelons que depuis un peu plusde 10 ans nous organisons dansun cadre unitaire (FSU, CGT etSolidaires) les journées inter-syndicales femmes. Nous y déve-loppons la même conception quecelle qui a présidé à cette journéeFSU/Solidaires sur la crise éco-logique : il y a des débats et desquestions de fond qui concernenttout le mouvement syndical etsur lesquels chaque organisa-tion n’a pas forcément laréponse. Cer-

tains sujets ne font pas partie desquestions traditionnellement tra-vaillées par le syndicalisme et surlesquelles il n’y a pas de positionstoutes faites, de réponses faciles àélaborer. Les enjeux écologiquessont de cette nature.

Dans cette journée, FSU et Solidairesont fait le constat commun de la difficulté à penser,dans notre pratique quotidienne, l’articulation entrequestions sociales et écologiques. Le mouvementsyndical à un retard à combler et nos deux organisa-tions n’y échappent pas. À l’issue de cette journée,nous sommes collectivement un peu plus « intelli-gents ». Les apports des tables rondes permettent demieux comprendre des dossiers souvent complexes.

Cette appropriation collective est utile pour être mieuxarmé dans les mois et les années qui viennent pourassumer notre responsabilité d’organisation syndi-cale. Nous devons passer à l’offensive sur cette ques-tion, car nos « ennemis » eux le sont. Ils ont unelongueur d’avance et commencent à développer leursréponses dans cette période de crise systémique :leurs réponses ne sont pas les nôtres.

Plusieurs idées fortes ressortent de cette journéepour mieux porter ces enjeux dans nos organisationssyndicales et en direction des salarié-es : l’articulationdes questions sociales et des questions écologiquesdoit s’inscrire dans la transformation sociale, la néces-sité de porter des alternatives, la question de la démo-cratie, la dimension internationaliste du syndicalisme…Le syndicalisme ne pourra avancer tout seul, etconstruire les rapports de forces nécessaires pourimposer d’autres choix, sans construire des conver-gences avec les autres mouvements sociaux engagéssur ce terrain. C’est le cas de la coalition qui s’est

construite en France (Urgenceclimatique, justice sociale) pourpréparer le sommet de Copen-hague, dans laquelle nos deuxorganisations sont engagées.

La FSU comme Solidaires ontl’ambition de faire en sorte que lesyndicalisme soit capable derattraper son retard à intégrer laquestion écologique dans ses

combats. Cette journée est un premier pas dans cettedirection. En l’organisant, il s’agissait d’aller au-delàdu constat qu’il y a des différences, parfois des diver-gences entre les organisations syndicales. En accep-tant de mener les débats dans des cadres unitaires, endébattant de façon ouverte et approfondie, on cerneramieux ces divergences, voire même on pourra lesdépasser. Dans ce sens, sur la base d’un bilan très

positif de cette rencontre militante du2 décembre, nous proposons de faire large-ment connaître cette initiative, son contenu,dans nos rangs, auprès des salarié-es etauprès des mouvements sociaux mobiliséssur ce terrain.

Nous proposons aussi de réitérer ce type derencontre, en l’élargissant aux autres orga-nisations syndicales qui seraient intéres-sées, pour aborder des sujets différents,tout aussi importants pour le syndicalisme,comme, par exemple, celui des retraitesqui va être un sujet d’actualité crucial en2010. Il nous faudra là aussi lier lesanalyses, les propositions alternatives etles stratégies d’action. ■

En conclusion

Annick CoupéPorte-parole de l’Union

syndicale Solidaires

“Le mouvement

syndical a un retard à combler et nos organisationsn’y échappent pas.

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ACTES DE LA RENCONTRE FSU-SOLIDAIRES DU 2 DÉCEMBRE 2009 – La crise écologique, une question syndicale

de la journée

Je ne vais pas reprendre ce qu’a dit Annick Coupé :je suis d’accord avec son propos. Je veux simple-ment rappeler que nous avions comme projet de

débattre publiquement ensemble de questions com-plexes. Nous avons en fait à peine amorcé cette dis-

cussion collective mais nous avonsfait un pas important. La journée futintense – peut-être trop parfois !et il faudra sans doute à l’avenirse donner un peu plus de temps –mais elle fut pour moi réellementintéressante. Nous avons tous pupercevoir la complexité des pro-blèmes et je pense que nous avonspu prendre la mesure desréflexions à conduire. On ne sortpas de cette rencontre avec dessolutions clés en main mais avecau moins des idées sur la façond’avancer vers des solutions. C’estainsi qu’un des points forts de cette

journée me semble être qu’il ne peut y avoir de lutteefficace contre le réchauffement climatique si elle nes’articule pas avec des luttes sociales. Il n’y a pas desolution de fond pour le développement durable sansplus de justice et moins d’inégalités, en France, enEurope et dans le monde.

À partir de là, je souhaiterais formuler deux idées.

La première concerne la notion de Service Public ;elle est progressivement apparue dans le débat maisil me semble que cette notion doit mieux être mise enavant avec une double dimension.

D’une part il existe des services publics qui produisent,

transportent, vendent de l’énergie ; il s’agit bien sûr deles défendre contre la logique de marché, particuliè-rement dangereuse en ce domaine, mais il s’agit ausside les démocratiser en s’opposant à une gestion tech-nocratique dont on connaît les effets ; et tout cela doitégalement se faire au niveau européen.

D’autre part nous devons agir pour défendre l’en-semble des services publics, parce qu’ils doivent êtredes instruments de cette indispensable lutte contre lesinégalités dont je viens de parler, mais nous devonsaussi nous battre pour que leur conception, leurgestion ou leur implantation prennent également encompte les besoins de la lutte contre le réchauffement.Je propose donc que nous soyons porteurs de cesidées dans le cadre de la campagne des États Géné-raux pour les Services Publics que nous avons initiéeavec un large panel d’organisations.

La seconde idée et proposition que je veux formulerporte sur la question : que faire de notre journée ?Nous n’avons pas débattu seulement pour discuterensemble mais pour être utiles à tous. Une premièreréponse réside dans une publication de nos débats etnous allons voir ensemble comment procéder. Mais nepeut-on pas envisager des stages syndicaux communsvoire élargis à d’autres organisations syndicales(comme cela se fait au niveau des secteurs« femmes ») qui le souhaiteraient ?

En effet je suis convaincu que sur ces questions il y abien une responsabilité du mouvement syndical dansson ensemble et on a tous intérêt à se donner lesmoyens de débattre de la façon la plus large et laplus ouverte. ■

Gérard AschieriSecrétaire général

de la FSU

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La FSU et l’Union syndicale Solidaires se sontretrouvées ensemble ce mercredi 2 décembre2009 pour une première rencontre. À

quelques jours du début du sommet de Copen-hague, elles ont souhaité mettre les enjeux poséspar la crise écologique au cœur de leur réflexionet de leur activité syndicale.

Cette rencontre a permis d’aborder les enjeuxfondamentaux posés par la conférence de Copen-hague : l’absolue nécessité d’un engagement desÉtats de baisser les émissions de gaz à effet deserre pour ne pas dépasser une augmentationde la température moyenne de l’atmosphère dedeux degrés, la reconnaissance de la dette éco-logique des pays du Nord vis-à-vis des pays duSud, le refus de la financiarisation de la luttecontre le changement climatique. Cette rencontrea permis de débattre des moyens qu’ensemble,organisations syndicales, associations, partis poli-tiques, peuvent mettre en œuvre au plan national,européen et mondial pour peser sur les déci-sions.

La crise écologique, dont le réchauffement cli-matique est le symptôme le plus grave, est leproduit direct d’un mode de développement pro-ductiviste qui considère la nature comme unsimple réservoir où l’on peut puiser des res-sources et comme une décharge publique où l’onpeut déposer les déchets de l’activité économique.Les conséquences néfastes de ce mode de déve-loppement, induit par la logique de maximisationdu profit portée par le capitalisme, se sont consi-dérablement aggravées depuis plus d’un quartde siècle avec l’accentuation des processus de pri-vatisation des biens et des services et de la mar-chandisation du vivant. Ces mêmes politiques ont

conduit à l’explosion des inégalités sociales et àl’augmentation de la pauvreté.

Cette crise pose des questions nouvelles pourles organisations syndicales qui, recherchantl’amélioration du bien-être pour les salariés sesont à juste titre focalisé sur le partage de larichesse produite, les « fruits de la croissance »,en ne s’interrogeant pas sur le contenu de celle-ci et en sous-estimant souvent les conséquencessur la planète.

Cette première rencontre a croisé les expériencesissues de secteurs professionnels divers(recherche, santé, énergie, éducation, environ-nement, chimie, automobile, finances…). Elle apermis d’avancer sur l’élaboration de ce quepourrait être un autre modèle de développement- avec un système productif plus sobre en carbone-, conçu dans le cadre plus large d’un projet detransformation sociale fondé sur des valeursd’égalité, de justice sociale et de gestion démo-cratique et raisonnée des ressources.

Débattre ensemble pour agir ensemble, tel est lesens de ce travail commun que la FSU et l’Unionsyndicale Solidaires ont entamé et vont pour-suivre, sur le terrain de la crise écologique, maisaussi sur d’autres sujets avec notamment uneprochaine rencontre sur « le partage de larichesse ». D’autres sujets « interprofession-nels » d’actualité, comme les retraites, nécessi-tent aussi débat et recherche de convergencespour agir. Une démarche évidemment ouverte àd’autres organisations syndicales, car la situationactuelle impose la nécessité de construire deslarges convergences basées sur un travail deréflexion poussé. La FSU et l’Union syndicaleSolidaires ont montré que c’était possible. ■

Déclaration de la FSUet de l’Union syndicale Solidaires