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La coopération La coopération transfrontalière à transfrontalière à l’échelle de la frontière l’échelle de la frontière franco- basque franco- basque Olivia Tambou, Maître de Conférences en droit public à l’Université d’Angers avec le concours de Felipe Saragueta, responsable du consorcio Bidassoa Txingudi La coopération transfrontalière franco-espagnole est à l’image de la frontière franco-espagnole pleine de paradoxes. Fixée par des Traités au XVIIème siècle, la frontière pyrénéenne est l’une des plus vieilles et plus stables des frontières d’Europe occidentale 1 . Elle a pour cette raison souvent été hâtivement considérée comme une frontière « fossilisée » 2 . Pourtant, il y a toujours eu d’importantes relations trans-pyrénéennes 3 . On en veut pour preuve les traditionnelles faceries 4 remontant au Moyen-âge ou encore la persistance de la contrebande y compris durant la période franquiste. Aujourd’hui la frontière franco-espagnole connaît de multiples expériences de coopération transfrontalière dont certaines n’ont rien à envier à celles menées plus au Nord. Ce premier constat paraît plus particulièrement applicable à la façade atlantique de l’isthme pyrénéen 5 . L’objet de cette contribution sera de rendre compte du dynamisme de cette coopération transfrontalière franco-basque. Une fois rappelé le contexte général de cette coopération (I) on étudiera plus en détail son institutionnalisation à travers l’unique structure transfrontalière de droit public existante actuellement: le consorcio Bidassoa Txingudi. (II) 1 Sur cette frontière cf. FERNANDEZ DE CASADEVANTES CARLOS, La frontière franco-espagnole et les relations de voisinage, Editions Harriet ROMANI, Bayonne 1989; M a CORDERO TORRES, Fronteras hispanicas geographica e historia diplomacia y administracion, Instituto de estudios politicos, Madrid 1960; Roger DION, Les frontières de la France, Gérard Monfort, Brionne, 1979. 2 Peter Sahlins: fronteres i identitats: la formació d'Espanya i França a la Cerdanya s. XVII- XIX, p. 23. 3 En ce sens cf. Fermí RUBIRALTA CASAS, El espacio Pirenaico y la construción Europea: fundamento historico y revitalización de un area transfronteriza, in la construción del espacio vasco-aquitano, un estudio multidisciplinar, Editores Antón BORJA, F. LETAMENDIA, K. SODUPE, p. 25, sp. p. 29. 4 "Les faceries sont des accords permanents entre vallées, communes ou autres pouvoirs territoriaux des deux Etats qui réglementaient les relations réciproques, fonctionnant souvent à l'origine comme des accords de paix ou de défense. Leur contenu se réfère à l'utilisation des pâturages, de l'eau, du bois, des droits de passage, des refuges et autres matières ." Cf. F. LOPEZ RAMON, Instrumentos de urbanismo transfronterizo pirenaico, Revista Aragonesa de administración pública, 1996, n°9, p. 399, sp. p. 402. 5 Pour une appréciation de la coopération à l’échelle de la frontière franco-catalane cf. notre Etude, La coopération transfrontière européenne à l’échelle de la Catalogne, Document de débats de l’Institut Universitari d’Estudis Europeus, Barcelone 1999.

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La coopération transfrontalièreLa coopération transfrontalière à l’échelle de la frontièreà l’échelle de la frontière franco- basque franco- basque Olivia Tambou, Maître de Conférences en droit public à l’Université d’Angers avec le concours de Felipe Saragueta, responsable du consorcio Bidassoa Txingudi

La coopération transfrontalière franco-espagnole est à l’image de la frontière franco-espagnole pleine de paradoxes. Fixée par des Traités au XVIIème siècle, la frontière pyrénéenne est l’une des plus vieilles et plus stables des frontières d’Europe occidentale1. Elle a pour cette raison souvent été hâtivement considérée comme une frontière « fossilisée »2. Pourtant, il y a toujours eu d’importantes relations trans-pyrénéennes3. On en veut pour preuve les traditionnelles faceries4 remontant au Moyen-âge ou encore la persistance de la contrebande y compris durant la période franquiste. Aujourd’hui la frontière franco-espagnole connaît de multiples expériences de coopération transfrontalière dont certaines n’ont rien à envier à celles menées plus au Nord. Ce premier constat paraît plus particulièrement applicable à la façade atlantique de l’isthme pyrénéen5. L’objet de cette contribution sera de rendre compte du dynamisme de cette coopération transfrontalière franco-basque. Une fois rappelé le contexte général de cette coopération (I) on étudiera plus en détail son institutionnalisation à travers l’unique structure transfrontalière de droit public existante actuellement: le consorcio Bidassoa Txingudi. (II)

1 Sur cette frontière cf. FERNANDEZ DE CASADEVANTES CARLOS, La frontière franco-espagnole et les relations de voisinage, Editions Harriet ROMANI, Bayonne 1989; Ma CORDERO TORRES, Fronteras hispanicas geographica e historia diplomacia y administracion, Instituto de estudios politicos, Madrid 1960; Roger DION, Les frontières de la France, Gérard Monfort, Brionne, 1979.2 Peter Sahlins: fronteres i identitats: la formació d'Espanya i França a la Cerdanya s. XVII-XIX, p. 23.3 En ce sens cf. Fermí RUBIRALTA CASAS, El espacio Pirenaico y la construción Europea: fundamento historico y revitalización de un area transfronteriza, in la construción del espacio vasco-aquitano, un estudio multidisciplinar, Editores Antón BORJA, F. LETAMENDIA, K. SODUPE, p. 25, sp. p. 29.4 "Les faceries sont des accords permanents entre vallées, communes ou autres pouvoirs territoriaux des deux Etats qui réglementaient les relations réciproques, fonctionnant souvent à l'origine comme des accords de paix ou de défense. Leur contenu se réfère à l'utilisation des pâturages, de l'eau, du bois, des droits de passage, des refuges et autres matières." Cf. F. LOPEZ RAMON, Instrumentos de urbanismo transfronterizo pirenaico, Revista Aragonesa de administración pública, 1996, n°9, p. 399, sp. p. 402.5 Pour une appréciation de la coopération à l’échelle de la frontière franco-catalane cf. notre Etude, La coopération transfrontière européenne à l’échelle de la Catalogne, Document de débats de l’Institut Universitari d’Estudis Europeus, Barcelone 1999.

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I- Le contexte général de la coopération entre collectivités infraétatiques franco-basqueA- Le cadre juridique général de la coopération transfrontalière franco-A- Le cadre juridique général de la coopération transfrontalière franco-basque basque

a) La Convention cadre de Madrid et son protocole additionnela) La Convention cadre de Madrid et son protocole additionnel66

Fruit de longues années de réflexion, la Convention cadre européenne sur la coopération transfrontalière des collectivités ou autorités locales du 21 mai 19807 constitue le point de départ de l'émergence d'un droit européen de la coopération transfrontalière.

A travers ce document "Chaque Partie contractante s'engage à faciliter et à promouvoir la coopération transfrontalière entre les collectivités ou autorités territoriales relevant de sa juridiction et les collectivités ou autorités territoriales relevant de la compétence d'autres Parties contractantes. Elle s'efforcera de promouvoir la conclusion des accords et des arrangements qui s'avéreront nécessaires à cette fin dans le respect des dispositions constitutionnelles propres à chaque Partie."8

A cet effet, la convention propose dans ses annexes un certain nombre de modèles d'accords interétatiques de schémas d'accords, de statuts et de contrats à conclure entre les autorités locales dont les parties contractantes peuvent s'inspirer. Postérieurement à l'entrée en vigueur d'autres modèles ayant le statut d'annexe à la Convention-cadre ont été élaborés mais ces modèles n'ont qu'une valeur indicative comme le précise l'article 3 de la Convention.

De là découle l'une des critiques principales faite à la Convention. Les obligations qu'elle pose sont vagues. Les Etats contractants sont simplement invités à "faciliter", "promouvoir " ou "favoriser" la coopération transfrontalière. La Convention a un caractère peu contraignant pour les Etats. La récurrence de ce reproche ainsi que la constatation du maintien de certaines obstacles juridiques au développement de la coopération entre entités infraétatiques frontalières a incité le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe à élaborer un protocole additionnel à la Convention cadre9. Ce nouveau protocole affirme plus clairement la capacité juridique des collectivités territoriales à mener des opérations de coopération transfrontalière.10 Il renforce également la portée juridique des conventions de coopération11 et prévoit la possibilité de créer des organismes de coopération transfrontalière12. S’il est entré en vigueur le 1er décembre 199813, ce protocole est encore inapplicable à la frontière franco-espagnole car seule la France l’a ratifié. De son côté l’Espagne ne l’a même pas encore signé. A notre avis, ce Protocole additionnel présente un intérêt très limité dans le cadre de la coopération transfrontalière franco-catalane étant donné que l'existence du Traité de Bayonne. Comme on le verra ce Traité a consacré un droit à la coopération transfrontalière des entités territoriales 6 On n’évoquera pas ici le cas du protocole n°2 relatif à la coopération interterritoriale car il dépasse largement le cadre de la coopération transfrontalière pour s’appliquer à la coopération entre entités infraétatiques non contiguës. En outre, ce protocole n’a été ratifié par aucun des deux Etats concernés. 7 La Convention a été ouverte à signature le 21 mai 1980. Elle est entrée en vigueur le 22 décembre 1981 après le dépôt du quatrième instrument de ratification. La France a ratifié cette convention le 23 décembre 1993 par la loi du 83-1131 alors que la convention est entrée en vigueur en Espagne le 25 novembre 1990. 8 Cf. Article premier de la Convention 9 Cf. B. DOLEZ Le protocole additionnel à la convention-cadre européenne sur la coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales, RGDIP 1996, p. 100510 cf. article 1 et 9 11 cf. article 212 cf. article 3 et s. 13 Le protocole est entré en vigueur après la ratification des quatre premiers membres (Luxembourg, Pays-Bas, Suède et Suisse. Actuellement le protocole a également été ratifié par l’Albanie, la France, l’Allemagne, La Lettonie, la Moldavie, la Slovaquie.

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frontalières franco-espagnoles et leur permet déjà de participer à des organismes nationaux de coopération transfrontalière. Lors de la ratification du Protocole la France a refusé la possibilité de créer des organismes plurinationaux14. Ainsi quelle que soit l'option choisie par l'Espagne lorsqu'elle procédera à son tour à la ratification du Protocole la création d'organisme à personnalité juridique reconnue dans plusieurs Etats ne pourra pas s'appliquer à la frontière franco-espagnole.

Toutefois il ne faut pas négliger que l’importance en son temps du travail mené au sein du Conseil de l’Europe. La Convention de Madrid a constitué l'un des facteurs qui a conduit la France à modifier son droit interne dans le but de faciliter la coopération transfrontalière entre ses entités infraétatiques15. Aussi libérale quelle soit la loi du 6 février 1992, complétée par la loi sur l'aménagement du territoire de février 199516 n'a pas suffit à débloquer la situation sur certaine frontière comme par exemple celle entre la France et l'Espagne17.

En effet l'Espagne avait émis une réserve lors de la ratification de la Convention cadre de Madrid selon laquelle l'application de cette convention en Espagne devait être subordonnée à l'adoption d'un traité de couverture interétatique18. En ce qui concerne la frontière franco-espagnole, ce traité pris en application de la Convention cadre a été conclu le 10 mars 1995 à Bayonne. C'est dans ce Traité dit de Bayonne qu'il faut rechercher le cadre juridique de la coopération transfrontalière entre la France et l'Espagne.

b) Le Traité de Bayonne b) Le Traité de Bayonne

Issu de longues négociations entre le gouvernement français et espagnol19, le Traité de Bayonne vient compléter utilement le régime de la frontière pyrénéenne en apportant trois innovations fondamentales.

Le Traité consacre la compétence des collectivités frontalières pour conclure entre elles des conventions de coopération transfrontalière. Cette capacité est accordée pour la Partie française aux régions Aquitaine, Midi-Pyrénées, Languedoc-Roussillon ainsi qu'aux départements et aux communes et à leurs groupements compris dans le territoire desdites régions. Du côté espagnol sont concernés: les Communautés Autonomes du Pays Basque, de la Navarre, de l'Aragon, et de la Catalogne ainsi que les Territoires Historiques, les Provinces et les Communes appartenant aux quatre Communautés 14 Cf. Loi n°99-384 du 19 mai 1999 publiée au JORF du 21 mai 1999. Le projet de loi de ratification du protocole additionnel a été annexé au projet de loi de l'Assemblée nationale n°321. Les déclarations annexées attestent que non seulement la France, mais également l'Allemagne et la Suède ont opté pour l'application des seules dispositions de l'article 4 du Protocole (organisme mononational).15 Sur la position de la France antérieurement à la loi de 1992 cf. Bertrand MATHIEU, les relations extérieures des régions, des actions en plein développement dans un cadre juridique mal adapté, LPA 15 juin 1990, n°72 p. 7 ; M. PRIEUR, les bases juridiques de la coopération frontalière locale et régionale, RFDA 1985, p. 322; Y. LUCHAIRE, les fondements juridiques des relations extérieures des régions françaises, Cahiers du CRAPS 1988, vol. 5 p. 17; 16 cf. chapitre sur la coopération décentralisée intégré aux articles L- 1112-1 à L-1112-7 du code général des collectivités territoriales. Pour une analyse de ces articles cf. C.AUTEXIER La loi du 6 février 1992 relative à l'administration territoriale: de la coopération décentralisée RFDA 1993 p. 413; B.DOLEZ, le régime juridique de la coopération décentralisée après l'adoption de la loi d'orientation pour l’aménagement et le développement du territoire, RFDA 1995, p. 936; 17 cf. également le Traité franco-italien signé à Rome le 26 novembre 1993 et entré en vigueur le 6 octobre 1995 Décret n°96-8 du 2 janvier 1996 JORF 6 janvier 1996 p. 227 et s. 18 "El Reino de Espaa con referencia al parrafo segundo del artículo 3° del Convenio, declara que subordina su efectiva aplicación (del convenio Marco europeo) a la celebración de Acuerdos con la otra Parte contractante afectada. En defecto de estos últimos la eficiacia de los convenios de colaboración que suscriban entidades territoriales fonterizas requerirá la conformidad expresa de los Gobiernos de las Partes implicadas."cf. BOE du 16 octobre 1990. La France avait émis une réserve identique à celle de l'Espagne à la convention de Madrid. Mais cette réserve a été retirée en 1995, cf. décret n°95-913 du 5 août 1995, JORF du 15 août. 19 Les premières négociations entre les deux gouvernements eurent lieu à Madrid le 20 novembre 1989. Le traité a été finalement ratifié par la France le 30 décembre 1996 et le 10 mars 1997 par l'Espagne. Il a donc fallu près de sept ans pour que les deux Etats se mettent d'accord sur le texte définitivement adopté. Cette longue période de négociation s'explique sans doute par les différents changements politiques intervenus dans chacun des Etats pendant les négociations. L'existence de réticences originelles de la part des deux pays a également pu jouer un rôle non négligeable dans les retards qui ont été enregistrés. Finalement le Traité est entré en vigueur le 24 février 1997.

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Autonomes précitées. Enfin le Traité s'applique aux "Comarcas"20 ou autres Entités, groupant plusieurs communes instituées par les Communautés Autonomes précitées, ainsi que les Aires Métropolitaines et les syndicats de communes (Mancomunidades de Municipios), crées conformément à la législation sur le Régime Local21.

Le champ géographique du Traité de Bayonne a donc été défini de manière extensive. Il couvre une zone de plus ou moins 250 km au sein de chaque Etat et à l'intérieur de laquelle toutes les entités infraétatiques peuvent conclure entre elles des conventions de coopération transfrontalière. 22 Toutefois le Traité n’aborde pas la frontière pyrénéenne dans son entier puisque l’Andorre n’est pas concerné.23

Le Traité institue trois types de conventions. Les conventions permettant la réalisation d'actions de coopération transfrontalière. Les conventions prévoyant la mise en place d'un organisme de coopération transfrontalière sans personnalité juridique entre les entités infraétatiques24. Enfin le Traité prévoit la possibilité de conventions portant création d'un organisme de coopération transfrontalière disposant d'une personnalité juridique entre les collectivités territoriales frontalières. A notre connaissance,

25

Le second apport du Traité de Bayonne réside dans la clarification du régime de la coopération transfrontalière à l'échelle de la frontière franco-espagnole. Le Traité précise le droit applicable aux conventions, leur régime de nullité, et enfin il édicte certaines règles relatives au régime de la responsabilité.

En ce qui concerne le premier point, le Traité reprend le principe de renvoi aux droits nationaux, principe désormais classique dans le droit de la coopération transfrontalière. Ainsi l'article 4 précise que "Les conventions conclues entre les collectivités territoriales définissent le droit applicable aux obligations qu'elles contiennent. Le droit applicable est celui de l'une des Parties contractantes. En cas de litige sur le respect de ces obligations, la juridiction compétente est celle de la Partie contractante dont le droit a été choisi." Alors que l'article 3§3 rappelle que les conventions de coopération "sont conclues par les collectivités territoriales, conformément à la procédure établie pour chacune d'entre elles par le droit interne de la Partie contractante dont elle relève."

Les autres particularités du régime de la coopération transfrontalière ne seront pas développées ici mais directement évoquées dans le cadre de l'analyse des statuts du Consorcio Bidassoa Txingudi.

Le dernier apport du Traité de Bayonne est de créer des outils institutionnels permettant le développement de la coopération transfrontalière. Une Commission franco-espagnole de coopération transfrontalière26 a été instituée. Composée de 6 représentants par Etat27, 20 L'institution de la comarca n'a pas d'équivalent en France mais qui peut être définie comme une entité locale supracommunale réunissant plusieurs communes limitrophes. Il s'agit d'une figure étroitement liée à l'histoire récente de la Catalogne. Par la suite cette figure a été adoptée par la plupart des autres Communautés autonomes et consacré dans la loi cadre sur le régime local (LRBRL du 2 avril 1985).21 cf. Article 2 du Traité.22 Aucune exigence de continuité entre les collectivités territoriales concernées n'est requise.23 Sur les questions soulevées par l’absence de l’Etat andorran cf. notre article, Le Traité de Bayonne  : un succès relatif pour le développement de la coopération transfrontalière franco-espagnole, Revue Belge de Droit international, 1998/2, pp.538-598, sp. p. 564 et s. 24 Cela a permis de légaliser un certain nombre d'accords et de protocoles passés avant l'entrée en vigueur du Traité de Bayonne sans autorisation expresse des Etats comme par exemple la convention précitée de 1993 signée entre le District BAB et la diputation forale de Guipuzcoa. L'article 12 du Traité prévoyait même une période transitoire d'une année pendant laquelle les entités locales étaient priées de régulariser leur situation en transmettant leurs accords de coopération transfrontalière au gouvernement espagnol en vue d'une publication au BOE. En conséquence tous les accords signés par le Pays Basque ont publié dans le BOE 17 février 1998 p. 570425 A titre d'exemple on peut citer la convention de coopération transfrontalière passée entre la Communauté forale de Navarre et le Conseil général des Pyrénées Atlantiques pour la réalisation d'une étude sur l'intérêt de l'implantation d'un axe de transport Navarro-français de grande vitesse cf. BOE 31 mars 1998 p. 10986 26 Cf. Article 11 du Traité27 La composition de cette commission fait l'objet de critiques du côté des collectivités territoriales espagnoles dans la mesure où elle ne leur fait officiellement aucune place. Sur ce point cf. notre commentaire précité à la

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cette commission assure une première fonction générale de suivi de l'application du Traité de Bayonne. Elle a deux missions principales:- "échanger des informations entre les Parties contractantes sur les initiatives des collectivités

territoriales en application de ce Traité;(…)- rendre compte annuellement aux Parties de l'application de ce Traité";

Le Traité met également trois types de structures nationales à la disposition des collectivités désireuses de créer un organisme de coopération transfrontalière entre elles. Aux deux structures françaises introduites par la loi de 1992 (Groupement d’intérêt public et société d’économie mixte transfrontaliers) s’ajoute le consorcio espagnol28. La lourdeur souvent décriée des GIP transfrontaliers explique que cette formule n’est jamais été choisie dans le cadre franco-espagnol. A notre connaissance, une seule SEML transfrontalière comportant une participation symbolique de 1% d’une commune espagnole a été instituée29. Autrement dit, actuellement, l’unique structure transfrontalière d’envergure créée en application du Traité de Bayonne est le consorcio Bidassoa Txingudi.

Dès la signature du Traité de Bayonne, des propositions ont été faites pour l’améliorer. Ces suggestions consistent principalement à transposer à la frontière franco-espagnole des potentialités introduites dans le Traité de Karlsruhe. Il s’agirait de permettre aux collectivités infraétatiques concernées de créer un groupement local de coopération transfrontalière. (GLCT) Pour arriver à ce résultat une révision formelle du Traité de Bayonne n’est pas indispensable. En effet, l'article 5 al. 3 du Traité de Bayonne précise que:"Le présent Traité est applicable aux organismes de coopération non visés au paragraphe 1 ci-dessus, ouverts aux collectivités territoriales étrangères, par le droit français ou par le droit espagnol, postérieurement à l'entrée en vigueur du Traité. Cette disposition prend effet dès la notification par la Partie contractante concernée, par voie diplomatique, de la modification de son droit interne".

Ainsi une modification de la partie du code général français des collectivités territoriales relative au syndicat mixte pourrait permettre d'intégrer d'emblée le groupement local de coopération transfrontalière dans les dispositions du Traité de Bayonne. 30 Cette solution est également celle préconisée par la MOT qui souhaite « transposer dans le code général des collectivités territoriales les principes contenues dans l’accord de Karlsruhe régissant le groupement local de coopération transfrontalière (glct) pour créer une structure de coopération transfrontalière de droit public »31.

B- Les différents niveaux de coopération existants B- Les différents niveaux de coopération existants

Plusieurs niveaux de coopération s’articulent autour de la frontière franco-basque. Certaines coopérations dépassent largement l’échelle transfrontalière. Elles doivent

revue Belge de droit international. 28 Sur cette structure cf. 1°) Travaux antérieurs à la LBRL de 1985: MARTIN MATEO, Los consorcios locales, IEAL Madrid 1970; MARTINEZ LOPEZ-MUNIZ, J.L., Los consorcios en el derecho espaol (análisis de su naturaleza júridica) IEAL Madrid 1974; TORIBIO LESMES, M., El consorcio local espaol, REVL 194, 1977; LOPEZ PELLICER, JOSE A., El consorcio urbanístico, Abella Madrid 1984. 2°) Travaux postérieurs à la LBRL: AAVV Jornadas de Estudios sobre consorcios locales, CEMCI Granada 1995; CASTILLO BLANCO, F.A, Los consorcios de entidades locales : análisis y valorización a la luz de la nueva legislación de régimen local, RAP n°124, janv-avril 1991, p. 397; MARTIN MATEO, Los consorcios Locales : una institución en auge, RAP n°129 Sept-décem. 1992, p. 7; MARTIN MATEO, Entes locales complejos Tivium Madrid, 1987; P. MENENDEZ reflexiones institucionales sobre los consorcios, VVAA La protección jurídica del Ciudadano (Procedimiento administrativo y garantía jurisdiccional) Estudios en Homenaje al Profesor Jesús González Pérez, coordinada por L. MARTIN RETORTILLO, Civitas, Madrid 1993, Tome III p. 1993; E. NIETO GARRIDO, El consorcio administrativo, Barcelona, 1997; E. NIETO GARRIDO, El consorcio como instrumento de cooperación administrativa, REALA n°70, avril-juin 1996, p. 327; E.PEREZ PEREZ, el consorcio real en el Derecho positivo espaol , MOPU, Madrid 1986; R. SOSA WAGNER, la gestión de los servicios locales, Civitas Madrid 1997, p. 214-22729 SEML d’ARAGNOUET qui gère aux termes d’une convention d’affermage les remontées mécaniques de la station de ski de Piau-Engaly. 30 En ce sens cf. réponse du ministre délégué aux affaires européenne à une question écrite posée par le sénateur G. GRUILLOT JO Sénat, Questions du 21 septembre 199631 MOT, SCET, Réflexion sur le droit de la coopération transfrontalière et propositions d’évolutions, rapport final, mai 2001, sp. p. 61 proposition 3.

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néanmoins être citées car elles constituent le cadre matériel naturel des coopérations de proximité. La Communauté de travail des Pyrénées (CTP) constitue la plus ancienne coopération multilatérale menée entre collectivités régionales frontalières françaises, andorranes et espagnoles. Cette association créée en 1983 a longtemps été l’unique forum où pouvait se rencontrer les différents acteurs régionaux. Aujourd’hui la CTP est confrontée à de nombreuses difficultés. Au delà des divergences politiques entre ses membres, elle souffre de l’absence de reconnaissance communautaire de l’isthme pyrénéen comme un espace pertinent de coopération. Tel n’est pas le cas de l’autre coopération interrégionale importante dans le contexte franco-basque à savoir celle de l’Arc Atlantique32. Sur le plan institutionnel, l’Arc atlantique est l’une des 5 commissions géographiques33  de la Conférence des régions périphériques et maritimes (CRPM). Rappelons que la CRPM est une association française créé en 1973 à Saint Malo afin de représenter les intérêts des régions périphériques à l’échelle européenne. La Commission de l’Arc atlantique comporte 29 régions de l’Ecosse à l’Andalousie comprenant 5 Etats membres: RU, Irlande, France, Espagne, Portugal. Ce lobbying régional a contribué à la reconnaissance de l’espace atlantique comme espace de coopération interrégional susceptible de bénéficier de cofinancement communautaire dans le cadre de l’initiative communautaire INTERREG IIC devenue aujourd’hui INTERREG IIIB. Du point de vue communautaire, l’espace atlantique est un espace transnational continu légèrement plus grand que lui formé par les membres de la Commission Arc atlantique. Les niveaux de coopération de proximité seront abordés plus en détails.

1. La coopération entre régions frontalières1. La coopération entre régions frontalières

La coopération entre les régions frontalières a été marquée par plusieurs étapes que l’on peut reprendre ici à grands traits.

Le 3 octobre 1989, la Communauté Autonome Basque (CAB) et la Région d'Aquitaine signent un protocole de collaboration qui marque le début des relations institutionnelles permanentes entre les deux régions transfrontalières. L'objectif est d'échanger toutes informations utiles sur leurs politiques respectives en matière économique et social, afin de promouvoir le développement de la formation et de la recherche, ainsi que la revalorisation de leur patrimoine culturel. A cette fin une Commission permanente institutionnelle est créée. Elle est composée des Présidents des deux Régions, de quatre délégués de chaque Région et d'un représentant des collectivités infra-régionales frontalières (Territoire Historique de Gipuzkoa et le Département des Pyrénées Atlantiques)34. Une année après, les régions décideront de se doter d’un fonds pour financer leurs projets. Ce “Fonds pour la Coopération Euskadi-Aquitaine” sera doté pour la première période de 300.000 ECUs, financés par moitié par chacune des régions35. Ces deux Protocoles ont été remplacés le 13 février 1992 par un protocole unique de coopération tripartite entre la Région d'Aquitaine, la Communauté Autonome d'Euskadi et la Communauté Foral de Navarre. L’élargissement de la coopération a conduit à l’introduction de nouveaux points mettant en avant l’importance de la communauté culturelle et linguistique des trois parties36. Le Protocole énonce une série d'objectifs dès son article 1. Il s’agit d'encourager les relations de collaboration entre les instances, publiques, professionnelles et privées qui exercent leur activité dans chacune des Régions. Les domaines économique, social, le développement des infrastructures de communication, la formation, la recherche ainsi que la revalorisation de leur patrimoine culturel et linguistique sont explicitement cités. Pour atteindre ces objectifs, des Fonds de 32 Sur cette coopération cf. Anne Poussard, L’Arc Atlantique : chronique d’une coopération interrégionale, PUR Rennes 1997, 241 pages33 Les autres commissions sont : la Commission des îles, la Commission interméditerranéenne, la Commission de la Mer du Nord, la Commission de la Mer Baltique34 FRANCISCO LETAMENDIA, JOSE LUIS DE CASTRO, ANTON BORJA. Cooperación transfronteriza Euskadi-Aquitania. Bilbao, 1994, 262 pages. Page 82.35 GURUTZ JAUREGUI, JOSE MANUEL CASTELLS, XABIER IRIONDO. La Institucionalización Jurídica y Política de Vasconia. Donostia: Eusko Ikaskuntza, 1997, 189 pages. Page 128.36 FRANCISCO LETAMENDIA, JOSE LUIS DE CASTRO, ANTON BORJA. Op Cit. Page 83.

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Coopération sont crées. Ils sont coordonnés par une Commission Permanente Institutionnelle (art. 2). La Commission est formée par les Présidents des Régions et par quatre membres, comprenant un représentant des collectivités sous-régionales frontalières. Un Bureau Permanent assurera le Secrétariat de la Commission (art. 6). Des Commissions Techniques Mixtes correspondant aux trois secteurs du Fonds de Coopération sont également créées. Elles sont chargées d'examiner les projets de coopération proposés et de présenter devant la Commission permanente une répartition des aides. En outre, les parties s'engagent à promouvoir une série de politiques de coopération, comme le prouvent la création d'un comité de liaison avec les Universités d'Aquitaine, de Navarre et d'Euskadi pour le développement de la collaboration inter-universitaire, l'édition de la Revue “Atlántica”, ou le développement de la formation commune des Cadres Territoriaux afin de faciliter la relation entre le personnel des trois Administrations publiques et la gestion de projets communs (art. 3). La dotation du Fonds, ainsi que les projets transfrontaliers ont augmenté en qualité et en quantité. En 1990 il était doté de 40 millions de pesetas, en 1991 de 120 millions, en 1992 de 200 millions, en 1993 de 250 et en 1994 de 270 millions 37.

Ce Protocole de Coopération tripartite avait été, jusqu'à la création du Consorcio Transfrontalier Bidassoa-Txingudi, la forme la plus achevée de la coopération transfrontalière franco-basque. Il a servi de noyau agglutinant et dynamisant de la coopération interrégionale tout au long de l'Arc Atlantique38. Depuis 1999, la situation a ostensiblement varié. Le Gouvernement de Navarre a décidé de ne pas continuer à alimenter le Fonds Commun, en raison de ses différends politiques avec le gouvernement Basque. C'est ainsi que le Protocole de Coopération tripartite est resté en suspens, bien qu'il n'y ait eu aucune publication officielle à ce sujet. La configuration actuelle est la suivante:- Euskadi et Aquitaine ont repris le Protocole bipartite- Navarre et Aquitaine ont signé une Convention de Coopération Transfrontalière

le 9 juillet 200039, créant à leur tour une commission institutionnelle et un fonds commun bipartite.

Cette dernière convention, signée par les présidents des deux régions à Pamplona-Iruñea, le 9 juillet 2000 a été prévue pour une durée initiale de 10 ans renouvelable expressément. Elle a pour but de :

a) Réaliser des actions concertées, dans les domaines de l'économie, de la recherche, de l'agriculture, du tourisme, de l'aménagement du territoire, des infrastructures et des communications, de l'enseignement, de la formation professionnelle, de la culture et des énergies renouvelables.

b) Prêter une attention spéciale au développement d'échanges entre centres de formation ainsi que promouvoir la mobilité des élèves et des professionnels.

c) Obtenir l'appui financier de l'Union Européenne pour les projets de coopération40.

La Convention laisse la porte ouverte à l’adhésion d’autres organismes régionaux. Il s’agit de toute évidence de permettre le rétablissement de la relation institutionnelle créée avec la Convention de coopération Aquitaine-Euskadi-Navarra.

Un premier appel à projets a été publié en mars 200141 dans le cadre du nouveau fonds de Coopération établi par la Convention. Chacune des parties a prévu d’allouer un montant de 60.000.000 de pesetas42. Ces subventions sont destinées à des projets encourageant la coopération transfrontalière entre les personnes physiques et morales 37 GURUTZ JAUREGUI, JOSE MANUEL CASTELLS, XABIER IRIONDO. Op Cit. Page 129.38 FRANCISCO LETAMENDIA, JOSE LUIS DE CASTRO, ANTON BORJA. Op Cit. Page 83.39 BOE (Journal Officiel de l'État Espagnol) Nº 217, du 9 septembre 2000.40 Article 1 de la Convention de Cooperation Transfrontalière souscrite entre la Communauté Foral de Navarra et la Région d'Aquitaine.41 Ordre Foral 65/2001, du 15 mars, du Conseiller d'Économie et Finances, selon lequel sont convoquées les aides à charge du Fonds de Coopération établi sur la Convention de Coopération Transfrontalière entre le Gouvernement de Navarra et le Conseil Régional d'Aquitaine. Boletín Oficial de Navarra (Journal Officiel de Navarra) nº 40, du 30/3/200142 Article 8 de l'Ordre Foral 65/2001, du 15 mars, du Conseiller d'Économie et Finances. Op Cit.

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de droit public ou privé des deux régions. Les secteurs visés sont l'enseignement supérieur et les centres technologiques, l'action économique-innovation technologique et de la formation et de la culture43.

Les contenus des programmes ou des projets que l'on prétend promouvoir au moyen des deux Fonds constitués et en vigueur à ce jour, ne varient pas outre mesure. Il serait donc souhaitable de réactiver le Protocole Tripartite, afin que des projets entre organismes des trois régions puissent devenir une réalité. Cela permettrait d’établir un espace global de coopération plus pertinent.

3. L'Eurocité basque Bayonne-Saint Sébastien3. L'Eurocité basque Bayonne-Saint Sébastien

Le 18 janvier 1993, la diputacion foral de Guipuzcoa et le district de Bayonne Anglet Biarritz (BAB) signaient un protocole d’accord de coopération transfrontalière. Il s’agissait dans le contexte européen « d’initier, rationaliser et de coordonner toutes les actions et projets nécessaires pour doter l’axe Bayonne Saint Sébastien des infrastructures, équipements et services nécessaire au développement de toute agglomération européenne de taille moyenne. »44 L’Eurocité se présente d’emblée comme un « projet de projets »  s’inscrivant dans la logique de la création du Marché Unique sans frontières intérieures et de l’aménagement européen de l’espace. L’Eurocité vise l’émergence d’une véritable agglomération européenne transfrontalière au cœur de l’Arc atlantique. Il s'agit d'un couloir urbain, le long de 50 km qui sépare Bayonne de San Sebastián et qui regroupe 600.000 habitants en 21 communes.

En 1997, la diputacion forale de Guipuzcoa et le district décidèrent d’instrumentaliser leur coopération en créant un GEIE initialement dénommé « Observatoire transfrontalier Bayonne Saint Sebastien » puis par la suite « Agence transfrontalière pour le développement de l’Eurocité Basque Bayonne Saint Sébastien ». Ce changement sémantique marque la volonté d’opérer un saut qualitatif, de passer de la réflexion à une phase de véritable programmation d’actions.

Organisation avec adhésion du consorcio Activités principales Méthode de concertation où les prémisses d’une gouvernance transfrontalière

4. La coopération entre communes frontalières 4. La coopération entre communes frontalières

A) LA COOPÉRATION À L’ÉCHELLE DU BASSIN DE TXINGUDI

Le Bassin de Txingudi doit son nom à la rivière Bidassoa, qui prend sa source dans les montagnes navarraises avoisinantes et à la baie de Txingudi où cette rivière vient se jeter. La Bidassoa a été la frontière naturelle entre la France et l'Espagne durant des siècles. Ce Bassin, comprend les communes de Fontarrabie et d’Irun, dans la Communauté Autonome Basque et Hendaye dans le Département des Pyrénées Atlantiques. Il occupe de par sa situation géographique une position privilégié. Situé entre les deux États, il est le point d'union d'une culture, la culture basque. Exposé à la mer d'où sa vocation maritime, il est protégé par le mont Jaizkibel, le plus haut du littoral Cantabrique.

La commune la plus peuplée du bassin est Irun (53.000 habitants), son caractère commercial et industriel lui confèrent le rôle de noyau du Bassin de Bidassoa-Txingudi. Hendaye de son côté, compte 12.000 habitants, sa population est multipliée pendant la saison estivale à cause de l'affluence de nombreux visiteurs. Fontarrabie compte 14.000 habitants. Ses principales activités sont la pêche et le secteur services, sa population augmente également de manière considérable pendant la saison d'été45.43 Article 3 de l'Ordre Foral 65/2001, du 15 mars, du Conseiller d'Économie et Finances. Op Cit44 Cf. article 3 de ce protocole.45 BIDASSOA TURISMO. Comarca del Bidassoa.

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La nécessité de surmonter la suppression des frontières fut sans aucun doute le point de départ de la coopération entre ces trois villes basques. Dans la pratique cela s'est traduit par une déclaration institutionnelle sur la Comarca de la Basse Bidassoa relative au Marché Unique datant de 1990.

La création de l'Eurodistrict Bidassoa Txingudi constitue le second acte institutionnel traduisant une nouvelle phase importante de l'approfondissement de la coopération entre les trois villes. Cette structure sans personnalité juridique propre trouvait son fondement dans une convention signée par les villes d'Hendaye, d'Irun et de Fontarrabie le 15 janvier 199346. Selon les contractants l'Eurodistrict avait pour objectif d'encourager la coopération dans les domaines suivants :- la coordination des politiques d’aménagement et de planification territoriale de

chaque ville- l’établissement d’une stratégie de développement économique- la participation et coordination des services communs à niveau éducatif, social,

culturel, de formation professionnel- la création de liens dans le cadre de l’Eurodistrict entre les organisations publiques et

privées- le développement des échanges d’informations

Afin de mener à bien ces missions l'Eurodistrict s'était doté d'un comité permanent chargé du suivi des projets. Ce comité de neuf membres comprenait le maire et les deux adjoints aux maires de chacune des municipalités. Quant au secrétariat du district il était assuré par l'agence de développement de la ville d'Irun (Adebisa). Ce premier instrument a donné lieu à de nombreuses réalisations dont la publication de la revue trilingue (français, espagnol, basque)Bidassoa Txingudi. Il s'agit d'une publication gratuite éditée depuis avril 1995 à 10 000 exemplaires. Elle est mise à la disposition des habitants de la baie afin de leur permettre de mieux connaître les actions qui sont engagées soit par chacune des mairies, soit par l'Eurodistrict. L'Eurodistrict a également réalisé une série d'actions qui pour la plupart font partie du Plan stratégique Bidassoa 1993 comme par exemple la régulation du trajet maritime reliant Fontarrabie et Hendaye, la réalisation conjointe d’études sur la gare multimodale pour les marchandises, la réalisation d’un fonds commun de bibliothèques et médiathèques entre les trois villes.

On le voit toutes ces actions tendent à la création d'un véritable espace intégré entre les trois villes, espace tourné vers la satisfaction des besoins des habitants de la baie et le développement économique de celle-ci. C'est dans ce contexte que l'Eurodistrict créa un groupe de travail afin de réfléchir à la mise en place d'une structure transfrontalière, réflexion qui découlera sur la création consorcio Bidassoa Txingudi.

B) LA COOPÉRATION À L’ÉCHELLE DU TERRITOIRE XARETA.

Xareta est un territoire à cheval sur la frontière, qui regroupe quatre communes du Pays Basque, sur le versant nord de l'extrême occidental des Pyrénées à proximité de la Baie de Bizkaia47 : Sare et Ainhoa, deux communes situées en Lapurdi à l'intérieur du département

français des Pyrénées Atlantiques et de la Région d'Aquitaine Urdazubi-Urdax et Zugarramurdi, deux communes situées à l’intérieur de la

Communauté foral espagnole de Navarre48.

Ce territoire s'étend sur 80,7 km² et englobe 3.500 habitants49. Il se situe à 10 kilomètres de la Mer du Cantabrique, et à proximité des capitales régionales : à 70 kilomètres d’Iruñea (capitale de la Navarre), à 45 kilomètres de Saint Sébastien (capitale de

46 cf. BOE du 17 février 1998 p. 570647 Étude Territoire Xareta. 3G Architectes-TAR Consultants en Tourisme. Iruñea, décembre 1999. 130 pages, page 4.48 Brochure Touristique Xareta.49 Diario de Navarra. Dossier Xareta de la Mairie d'Urdazubi-Urdax.

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Gipuzkoa), à 180 kilomètres de Bilbao (capitale de Bizkaia) et à 200 kilomètres Bordeaux (capitale de la Région d'Aquitaine).

Au cours de l’histoire les relations économiques, sociales, culturelles, commerciales ont toujours été très fluides entre les quatre communes. Ce territoire a pendant longtemps appartenu à la Couronne de Navarre. 4 faceries50 c’est à dire d’accords de voisinage visant l’utilisation et l’exploitation des terrains d’une commune par une autre pour le pâturage du bétail ont existé jusqu’en 1970. La contrebande a également été un facteur important pour l’unité de ce territoire notamment pendant la période franquiste…

Aujourd’hui ces quatre communes continuent de partager une même langue, une même culture et des traditions communes, outre une économie particulière d'échange entre les deux zones des deux côtés de la frontière. La présence de curiosités similaires (grottes, moulins, dolmens, monastères, chapelles...) a facilité la mise en place d’une coopération en matière touristique51.52.Au sein du territoire Xareta des solutions concrètes ont été trouvées pour permettre la prestation de services publics dans le domaine du ramassage d'ordures53, des services de secours et de pompiers, différents services médicaux ou l'alimentation en électricité54. Cela donne une illustration de la manière dont on peut collaborer de manière plus ou moins informelle en comptant sur le consentement implicite des régions et des états. Il s'agit réellement d'une expérience originale et étonnante bien qu'il ne s'agisse pas de la meilleure solution. Une structuration appropriée serait nécessaire pour permettre une évolution.

II- Le consorcio transfrontalier Bidassoa Txingudi Le consorcio Bidassoa Txingudi est le premier et pour l’instant unique consorcio transfrontalier institué en application du Traité de Bayonne. Cette caractéristique en fait un modèle qui ne manquera pas d’être une source d’inspiration pour d’autres collectivités. Il faut rappeler que le régime juridique du consorcio transfrontalier s’inspire essentiellement de celui du consorcio en droit interne espagnol. Le consorcio est selon la doctrine doté d'une personnalité juridique du droit public. Il se définit comme une structure de coopération interadministrative à géométrie variable. Il peut s’agir d’une association entre des entités locales et/ou entre d’autres administrations publiques (Communauté autonome, administrations autonomiques, administrations nationales) et éventuellement avec des organismes privés à but non lucratif. Le consorcio se distingue ainsi de la figure de la "Mancomunidad" 55 (sorte de syndicat) qui ne peut comprendre que des entités locales. En outre, la "Mancomunidad" est constituée pour l'accomplissement d'une finalité plurielle, sans pouvoir prendre en charge la totalité des compétences attribuées aux communes respectives. De son côté, le consorcio est constitué pour réaliser une oeuvre ou un service défini dans lequel diverses administrations publiques sont intéressées. Il ne s’agit pas d’assurer la gestion commune

50 Urdazubi – Ainhoa ; Urdazubi – Senpere (Saint Pée) ; Sara – Baztan ; Ainhoa – Baztan51 Projet Pilote de Coopération Transfrontalière pour le Développement du Produit Touristique Local. “Cuevas de Urdax, Zugarramurdi y Sare”.52 Cette coopération a débuté il y a 20 . Elle a pour origine la fin de la contrebande et la nécessité de trouver des revenus de substitution. Dans ce but tourisme autour de grottes et de restaurants a été développé. Une véritable intercommunalité informelle existe également entre les quatre communes. Cela comprend le ramassage des ordures ménagères et des déchets. La prise en charge de ce service par les communes étant assurée au prorata de leur la population et la fourniture transfrontalière d'électricité et d'eau.53 Contrat de ramassage de résidus entre le Syndicat de la Haute Vallée de la Nivelle et la Mairie d'Urdazubi-Urdax. Urdazubi-Urdax, le 30 avril 1990.54 Contrat d'Alimentation en Électricité entre la Mairie d'Urdazubi-Urdax et l'entreprise EDF-GDF, daté du 16 novembre 2000.55 Étude Juridique sur Le Consorcio Transfrontalier Bidassoa-Txingudi; page 51.

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de services publics afin d’obtenir des économies d’échelle et de surmonter des difficultés techniques56.

Au delà de ces principaux traits, le régime du consorcio est très flou si bien qu’il dépend essentiellement de ses statuts librement adoptés par ses membres. Mais avant d’analyser les caractéristiques propres du consorcio transfrontalier Bidassoa Txingudi à travers l’étude de ses statuts (2), il conviendra de rappeler les différentes étapes de la constitution de ce premier consorcio transfrontalier (1). Enfin l’activité de cette structure qui a aujourd’hui trois ans sera brièvement évoquée (3).

A- La constitution du consorcio Bidassoa Txingudi A- La constitution du consorcio Bidassoa Txingudi

Conformément aux prescriptions du Traité de Bayonne, la constitution du consorcio Bidassoa Txingudi s’est faite autour de trois étapes fondamentales : l’élaboration des statuts du consorcio, l’adoption d’une convention de coopération transfrontalière portant ces statuts en annexe et le suivi d’une procédure de validation officielle du consorcio.

1°) L’élaboration des statuts du consorcio Bidassoa Txingudi 1°) L’élaboration des statuts du consorcio Bidassoa Txingudi

Le projet de statut du consorcio Bidassoa Txingudi a fait l'objet de huit aller-retour entre les représentants de l'Etat français et ceux de la mairie d'Hendaye. Les attributions déléguées au consorcio ainsi que les règles de vote sont les deux points principaux qui ont retenu l'attention du gouvernement français et suscité des modifications. Le gouvernement français a préconisé une définition claire des objectifs et des compétences du consorcio. Il s'agissait de s'assurer que les compétences déléguées rentraient bien dans le champ d'application des compétences de la commune d'Hendaye et ne portaient pas atteinte aux compétences déléguées par la commune à ses syndicats notamment à son syndicat en matière de déchets. En ce qui concerne les règles de vote au sein du consorcio, les modifications imposées par l'Etat français visaient à s'assurer du respect de la souveraineté locale de la commune d'Hendaye. Comme nous le verrons plus tard l'intervention du gouvernement français a permis de garantir qu'aucune décision importante soit prise sans l'accord de la commune d'Hendaye.

Les autres changements enregistrés entre les différents projets de statut du consorcio tendent principalement à corriger quelques imperfections dues à la traduction française. Finalement la ténacité des représentants des trois villes a rendu possible l’adoption des statuts définitifs qui comprennent sept chapitres.57 Ces statuts ont été annexés à la convention de coopération transfrontalière du 23 novembre 1998.

2°) L’adoption de la convention de coopération transfrontalière du 23 novembre 19982°) L’adoption de la convention de coopération transfrontalière du 23 novembre 1998

La convention coopération transfrontalière signée entre les trois maires le 23 décembre 1997 a une double raison d'être. Tout d'abord, elle répond aux exigences de l'article 3 du Traité de Bayonne. Selon cette disposition toute opération de coopération doit s'établir par le biais d'une convention entre les entités locales concernées. Cela vaut a fortiori pour les conventions ayant pour objet de permettre la création d'un organisme de coopération transfrontalière comme c'est le cas ici. Cette convention doit également s'analyser comme l'une des conditions posée par le droit interne à la création d'un consorcio. En effet le consorcio est considéré comme le fruit d'une convention entre administrations58.

56 EVA NIETO. Le Consorcio Administrativo. Op Cit. Page 7357 Les intitulés de ces sept chapitres sont : Caractère juridique du consorcio; les activités du consorcio; les organes de gouvernement et d’administration;le fonctionnement des organes de gouvernement; le régime juridique du consorcio; le régime financier; modification et dissolution. 58 En ce sens cf. Manuel REBOLLO PUIG Creación y régimen juridico de los consorcios, in ouvrage précité Jornadas de Estudios sobre los consorcios locales sp. p. 172. Cette condition est expressément rappelé par la décret 179/1995 catalan sur les ouvrages et activités des entités locales cf. Art. 313 Diari Oficial de la Generalitat de Catalunya, du 23 juin 1995, p. 4772.

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La convention du 23 décembre 1998 se décompose en deux parties: un exposé des motifs et sept clauses. L'exposé des motifs représente un court texte dans lequel les maires relient leur coopération à l'œuvre du Conseil de l'Europe et de l'Union européenne et plus particulièrement à la Convention cadre de Madrid et au Traité de Bayonne. Ils soulignent l'intérêt de la coopération transfrontalière pour l'accomplissement de leurs missions. Ils précisent que le but de cette coopération doit être "(d')assurer par une action commune le progrès économique et social de leurs municipalités respectives." La création du consorcio est alors conçue comme un moyen pour mieux parvenir à cet objectif et améliorer l'efficacité de la coopération entre les trois villes.

Le contenu des clauses de cette convention est pour large part guidé par les exigences du Traité de Bayonne notamment son article 4 al. 1er qui impose un contenu minimum pour les conventions de coopération transfrontalière. Aussi est-il précisé que le droit espagnol s'appliquera aux obligations de la convention et que les litiges devront être portés devant la juridiction contentieuse administrative espagnole. Le renvoi à cet ordre juridique national est explicitement relié au fait que le consorcio a son siège Espagne à Irun. En outre, il est prévu que la Convention aura une durée de dix ans à partir de la date de la signature renouvelable par décision expresse. Il s’agit de la durée maximum imposée par l’article 9 du Traité de Bayonne.

Les autres clauses de la Convention forme un ensemble relativement hétéroclite et surabondant. Il s'agit de dispositions qui reprennent pratiquement mot à mot des articles du Traité de Bayonne ou des clauses même du statut annexé sans apporter d'éléments nouveaux. Ainsi l'affirmation selon laquelle la Convention engage uniquement les mairies d'Irun, de Fontarrabie et d'Hendaye trouve son pendant à l'article 4 al. 2 du Traité59. La clause de la Convention qui renvoie au droit interne de chacune des parties en ce qui concerne les conditions d'approbations de la convention reprend une règle édictée à l'article 3 al. 3 du Traité. La répartition de la charge financière entre les différentes mairies précisée dès le stade de la convention60 fait l'objet d'une disposition à l'intérieur des statuts du consorcio61. Quant aux conditions d'adhésion de nouveaux membres à la convention et au consorcio cette clause est reprise à l'article 47 des statuts.

Dans l'ensemble ces redites nuisent t-elles à la qualité rédactionnelle de cette convention de coopération transfrontalière? Nous ne le pensons pas. Les doublons avec le traité de Bayonne illustrent une volonté de trop bien faire visant à marquer l'adéquation de la convention au le Traité62. Quant aux clauses dont le contenu est repris par les statuts, elles ont sans doute une importance particulière aux yeux des rédacteurs.

3°) La procédure de validation officielle de la constitution du consorcio Bidassoa3°) La procédure de validation officielle de la constitution du consorcio Bidassoa Txingudi Txingudi

L'approbation de la Convention par chacune des mairies, procédure qui doit se faire selon les règles de droit interne, implique l'approbation simultanée de la convention et des statuts du consorcio. C'est à partir de cette approbation que le consorcio peut être considéré comme constitué et disposera d'une personnalité juridique propre63.

Du côté espagnol, l'approbation de la Convention requière une décision du Conseil municipal prise à la majorité absolue de ses membres64 et une communication préalable

59 "Les conventions n'engagent que les collectivités territoriales signataires. Les Parties contractantes ne sont d'aucune manière engagées par les conséquences des obligations contenues dans les conventions conclues entre les collectivités territoriales ou par la mise en œuvre de ces conventions."60 Cf. article 461 Cf. article 36 des statuts. 62 On regrettera cependant une maladresse de traduction. L'article 1 de la convention française définissant le consorcio Bidassoa Txingudi comme "une entité territoriale" et non comme "une entité associative d'entités locales" comme le texte en espagnol. Cette maladresse est d'autant plus étonnante qu'elle disparaît dans les statuts. Cette erreur est d'autant plus malheureuse que la nature d'entité territoriale du consorcio partage encore la doctrine actuelle. 63 Sur ce point cf. la littérature précitée sur les consorcios. En pratique les assemblées plénières des trois villes ont procédé à cette approbation la veille de la signature organisée par les maires.

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à l'administration centrale65 et une publication officielle. La communication se fait au moyen de la transmission du projet de convention au Secrétariat d'État pour les Administrations Territoriales (SEAT) du Ministère des Administrations Publiques (MAP). Le SEAT doit accuser réception et faire immédiatement savoir à la Communauté Autonome ou à l'entité locale expéditeur s'il existe ou non des objections de la part de l'Administration Générale de l'Etat au projet de convention transmis. L’absence de prise de position dans un délai d’un mois équivaut à une absence d'objection. Ensuite pour que les conventions puissent développer des effets vis-à-vis des tiers, elles doivent être publiées au Journal officiel (Boletín Oficial del Estado). Cette dernière obligation se fonde sur le régime juridique des Administrations Publiques (art. 149.1.18º de la Constitution Espagnole)66.

En ce qui concerne le consorcio Bidassoa Txingudi, les communes de Fontarrabie et d’Irun et d’Hendaye ont transmis au SEAT par courrier du 16 novembre 1998 la Convention de Coopération Transfrontalière avec en annexes les statuts du consorcio. Ordonnée par une résolution du SEAT du 5 mars 1999, la convention a été publiée au BOE du 26 mars 1999.

Du côté français, l'article L-1112-4 du Code des Collectivités Territoriales pose deux conditions formelles à la participation d’entités territoriales françaises à une structure de droit étranger tel qu’un consorcio. Cette adhésion doit être autorisée par un décret en Conseil d’Etat et publié au JORF. Ces exigences ont été remplies par la publication du décret nº 99-684, du 30 juillet 1999 du Conseil d'État, selon lequel était autorisée l'adhésion de la commune d'Hendaye au groupement dénommé Consorcio Transfrontalier Bidassoa-Txingudi, vu les rapports des Ministres de l'Intérieur (Jean-Pierre Chevènement) et du Ministre d'Affaires Étrangères (Hubert Védrine)67.

B- Les caractéristiques du consorcio Bidassoa Txingudi B- Les caractéristiques du consorcio Bidassoa Txingudi

Le consorcio Bidassoa Txingudi est une entité associative regroupant les communes d'Irun, de Fontarrabie et d'Hendaye. Créé pour une durée de 10 ans68, il dispose d'une personnalité et d'une pleine capacité juridique pour la réalisation des objectifs qui lui ont été assignés. Deux caractéristiques principales émerge de cette première définition du consorcio Bidassoa Txingudi s'inspirant de l'article 2 des statuts. Tout d'abord le consorcio Bidassoa Txingudi est un consorcio basque exclusivement communal. Ensuite l'attribution d'une personnalité juridique propre au consorcio permet à cette nouvelle structure d'être dotée de larges prérogatives. C'est à travers ces deux traits essentiels que l'analyse du consorcio Bidassoa Txingudi sera menée.

1°) Un consorcio basque exclusivement communal1°) Un consorcio basque exclusivement communal

Le consorcio Bidassoa Txingudi est composé de municipalités espagnoles de la seule Communauté basque et plus particulièrement du territoire Historique de Guipuzcoa. Cette particularité implique un certain nombre de conséquences notamment du point de vue juridique.

A) CONSÉQUENCES AU REGARD DU DROIT APPLICABLE

64 En l'absence de réglementation explicite de la structure de consorcio dans le droit autonomique basque ces règles sont issues de la réglementation des organisations associatives telle quelle découle de la LBRL notamment l'article 47.3 65 cf. Cf. Décret royal 1317/1997 BOE 29 août 1997 et l’accord de la conférence pour les affaires relatives aux Communautés européennes et celui de la Commission nationale d’administration local relatif à la procédure établi dans le décret royal précité BOE 12 décembre 1997. Sur l’ensemble de cette procédure cf. MAP : El regimen jurídico de la cooperación transfronteriza entre entitades territoriales : Del Convenio Marco del Consejo de Europa al Tratado de Bayona y el Real decreto 1317/1997, sp. P. 56 et s.66 Disposition Additionnelle Unique. Caractère Basique. RD 1317/1997.67 JORF 6/8/1999.68 cf. article 6 des statuts. La durée du consorcio est en réalité liée à celle de la Convention du 23 décembre 1997 précitée. Il est également précisé que le consorcio pourra subsister en cas de renouvellement de la convention.

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La nature basque du consorcio invite tout naturellement à se prononcer sur le droit qui lui est applicable. Sur ce point les statuts précisent simplement que le consorcio est régi par "le droit espagnol plus particulièrement par la législation espagnole en matière de régime local et par les présents statuts"69. La simplicité de cette affirmation masque la complexité de la réalité juridique du régime autonomique espagnol.

Du point de vue étatique la réglementation relative aux consorcios découle d'un ensemble de textes qui ne font bien souvent qu'évoquer furtivement cette figure. On pensera en particulier aux articles 57-170 et 8771 de la loi 7/1985 du 2 avril sur le régime local à laquelle se réfère expressément les statuts mais également à l'article 110 du décret royal 781/8672 et au règlement sur les services des corporations locales découlant du décret du 17 juin 1955 (article 37 à 40)73. La législation étatique renvoi le soin d'approuver une réglementation sur les consorcios locaux aux communautés autonomes. Dans le cas particulier du Pays basque, il a été prévu que cette compétence appartenait aux territoires historiques d'Alava, de Guipuzcoa et de Vizcaya74. Mais à l'heure actuelle seules les autorités du territoire de Vizcaya ont adopté une réglementation sur leurs entités supramunicipales qui inclut des dispositions sur les consorcios75. Cela signifie qu'il n'existe aucune réglementation à l'intérieur du territoire historique de Guipuzcoa sur les consorcios. Face à ce vide juridique, la doctrine espagnole préconise le plus souvent de calquer le régime juridique du consorcio sur celui des syndicats (Mancomunidad) ou de se fonder sur la pratique.

Quoiqu'il en soit, le simple renvoi à la législation étatique espagnole ne décrit pas de manière suffisante le droit applicable au consorcio Bidassoa Txingudi . Dans chaque cas, il conviendra de vérifier si la matière en cause est également régi par le droit autonomique basque ou par le droit foral du territoire historique de Guipuzcoa.

B) CONSÉQUENCES AU REGARD DES ORGANES DU CONSORCIO BIDASSOA TXINGUDI Le consorcio Bidassoa Txingudi disposent de quatre organes principaux dont les membres sont pour la plupart issus des trois municipalités. Il s’agit du - conseil général. Il est composé de neuf représentants, trois de chaque commune, élus

par les Conseils Municipaux respectifs et parmi lesquels doivent impérativement se trouver les Maires de chacune des municipalités. Le conseil général assure les

69 cf. article 770 Cette disposition précise que "la coopération économique, technique et administrative entre l'administration locale et les administrations de l'Etat et des Communautés autonomes, tant en ce qui concerne les services d'intérêts locaux que les affaires d'intérêts communs, se développeront de façon volontaire sous la forme et selon les termes prévus par les lois, et pourra dans tous les cas se faire par l'intermédiaire des consorcios et des conventions qu'elles souscrivent." Traduction de l'auteur. 71 "Les entités locales peuvent constituer des consorcios avec d'autres administrations publiques pour réaliser des intérêts communs ou avec des entités privés sans but lucratif qui poursuivent des buts d'intérêts publics, concurrents à ceux des administrations publiques."72 Article 110. 1 Les entités peuvent constituer des consorcios avec des administrations publiques pour des buts d'intérêts communs ou avec des entités privées sans but lucratif qui poursuivent des buts d'intérêts publics concurrents à ceux des administrations publiques. 2. Les consorcios jouiront de la personnalité juridique3. Les statuts des consorcios établiront leurs objectifs ainsi que les particularités de leur régime structurel, fonctionnel et financier.4. Les organes de décision seront composés de représentants de toutes les entités membres du consorcio dans la proportion fixée par les statuts.5. Pour la gestion des services relevant de leur compétence, les consorcios pourront utiliser n'importe quelle forme prévue par la législation de régime local."73 Article 37 .1 Les corporations locales pourront constituer des consorcios avec des entités publiques de différent ordre pour installer et gérer des services d'intérêt locaux.2. Sans préjudice de ce qui prévu à l'article 127 §5 de la loi, les consorcios auront un caractère volontaire et seront dotés de la personnalité juridique pour réaliser leurs missions.Article 39 Les statuts du consorcio détermineront les particularités du régime structurel, fonctionnel et financierArticle 40: Les consorcios pourront utiliser n'importe qu'elle formes de gestion de services en substitution de leurs membres.74 cf. Dispositions additionnelles 2 de la loi précitée LBRL. La compétence des organes floraux a été de nouveau affirmé dans la loi 27/83 du 25 novembre qui régi les relations entre la CAPB et les organes floraux de ses territoires historiques. Cf. art. 7 a 375 cf. Norme forale 3/1995 du 30 mars citée par E. NIETO GARRIDO, el consorcio administrativo, ouvrage précité cf. par exemple p.112

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fonctions de gouvernement et de gestion du consorcio76. C'est à lui qu'il revient d'approuver toutes les décisions importantes comme le vote du budget, la passation de marché de travaux, les propositions d'adhésion, l'embauche de personnel, etc. Lors du premier Conseil général du 22 octobre 1999, il a été établi que les réunions ordinaires seront trimestrielles77.

- Président et deux vice-présidents chargés de remplacer le Président en cas de vacance, de maladie ou d'absence78. La fonction de Président est occupée par rotation pour une période d'un an, par chacun des maires trois communes79.

- directeur dont les attributions sont définies par des délégations formelles du Président ou du Conseil Général80.

- secrétaire général, fonction assumée par le secrétaire de la Mairie d'Irun81

D’autres organes ont été créés par la suite. Ainsi lors de sa réunion du 22 octobre 1999, le Conseil général a mis en place un Comité de direction. Cet organe est composé d’un représentant par commune, du secrétaire de la Mairie d’Hendaye, du directeur du consorcio et d’un représentant d’ADEBIS SA se réunit deux fois par mois en principe. Il est chargé d’assurer la coordination entre les mairies et le consorcio. Il a pour tâche de faire des propositions et d’élaborer des projets qu’il pourra soumettre au Président et/ou au Conseil général. Le comité de direction est également chargé de coordonner les différents groupes de travail qui ont été institués dans les domaines de la Culture, du Sport, du tourisme, de la Communication et de l’urbanisme.

C) RÉFLEXIONS AUTOUR DE LA COMPOSITION DU CONSORCIO TRANSFRONTALIER Le consorcio Bidassoa Txingudi regroupe exclusivement les communes d'Hendaye de Fontarrabie et d'Irun, ville où se trouve son siège. Il exerce ses activités sur le territoire de ces trois municipalités. Les villes fondatrices ont donc décidé de ne pas élargir leur coopération à d'autres entités ce qui n’est pas sans laisser en suspens certaines interrogations au regard de la composition des consorcios transfrontaliers.

La première concerne la possible participation de personnes privées à des consorcios transfrontaliers. L’article 87 de la loi de 1985 sur le régime local permet la participation d'entités privées à but non lucratif dans la mesure où celles-ci poursuivent des buts d'intérêts publics concurrents à ceux des administrations publiques82. Pourtant l’article 5 du Traité de Bayonne se contente de préciser que « les collectivités territoriales françaises peuvent participer à des consorcios déjà constitués par des collectivités territoriales espagnoles… et les entités territoriales espagnoles et françaises peuvent créer conjointement en Espagne des consorcios…» Cette disposition doit-elle s'interpréter comme excluant la participation d'entités privées françaises voire même espagnoles à un consorcio transfrontalier? Une interprétation stricte de la lettre du Traité incite à répondre par l'affirmative car il est simplement fait référence aux « collectivités territoriales ». Mais comment ne pas trouver choquant de laisser les entités privées de côté alors même qu'elles sont souvent au cœur même de certains projets de coopération transfrontalière? Cette ambiguïté juridique de taille pourrait être contournée en considérant que justement cette question n'est pas directement abordée par la Convention franco-espagnole. L'objet du Traité de Bayonne n'est-il pas seulement d'aménager les conditions de la coopération entre entités territoriales ce qui explique qu'il laisse de côté le problème de la coopération avec des entités privées 83? Dans ces conditions, il appartiendrait au droit 76 cf. article 14 et 1677 Les réunions du Conseil général ont lieu en principe en janvier, en avril, en juillet et en octobre. 78 cf. article 2079 Le maire d’Irun pendant la première année, le maire d’Hendaye pendant la seconde année et actuellement le maire de Fontarrabie. Les Vice – présidences sont assurées par les deux autres maires restant. 80 cf. article 1981 cf. article 21 et 2982 Il s'agit justement de la principale nouveauté de la loi de 1985 en ce qui concerne les consorcios. Sur ce point cf. article précité de R. MARTIN MATEO, Los consorcios locales una institución en auge, Revista de Administración Pública, 1992 n°129, sp. p. 1283 La circulaire précité du 26 mai 1994 relative à la coopération décentralisée dans le cadre de la loi du 2 février 1992 précise que "les conventions que pourraient conclure les collectivités territoriales françaises et leurs groupements avec des organismes privés (associations ou entreprises) de pays étrangers ne relevant pas de la coopération décentralisée ne sont pas prévues par la loi ..." cf. II. point 3 de cette circulaire publiée en annexes du rapport du Délégué pour l'Action extérieure des collectivités locales, mars 1996

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espagnol d'ouvrir la possibilité aux entités privées françaises à but non lucratif de participer à des consorcios espagnols. Les textes relatifs aux consorcios pourraient autoriser la participation d'entités privées à but non lucratif non seulement espagnoles mais également étrangères. En attendant que cette ambiguïté soit levée, les consorcios transfrontaliers peuvent toujours associer des personnes privées à leurs opérations de coopération par le biais de contrats.

La seconde interrogation est relative à la délimitation des entités territoriales espagnoles pouvant participer à un consorcio transfrontalier. En effet, il semblerait que selon le droit positif espagnol un consorcio ne pourrait comporter que entités locales appartenant à la même Communauté autonome. Cette affirmation est fondée sur la transposition d’une règle dégagée à propos des « Mancommunidades », figure du droit espagnol dont le régime s’applique de manière subsidiaire aux consorcios84. Or dans sa décision du 2 novembre 1995 (ref. Ar. 8445.) le Tribunal suprême s’est prononcé contre la constitution de « Mancommunidad » entre communes de différentes Communautés autonomes. Cette interdiction s’entend à l’entrée de communes dans une Mancommunidad préexistante qui serait composée d’entités locales d’une autre Communauté autonome85. Pour arriver à ce résultat le Tribunal se fonde sur le fait que l’article 35.1 TR n’autorise pas expressément la constitution de Mancommunidad de communes appartenant à des Communautés autonomes distinctes. Ensuite le tribunal déduit que les communes doivent faire partie de la même Communauté autonome parce que c’est la législation de chaque Communauté autonome qui prévoit la procédure d’approbation des statuts.

Cette jurisprudence est-elle applicable dans le cadre du consorcio transfrontalier ? La question est délicate car le régime du consorcio transfrontalier est en principe calqué sur celui de droit interne espagnol. Pourtant une telle restriction géographique constituerait une sérieuse limite au développement de la coopération transfrontalière franco-espagnole. Cela interdirait par exemple toute possibilité d’intégrer l’ensemble des quatre communes faisant partie du territoire de Xareta dans le consorcio Bidassoa Txingudi car les villages de Zugarramundi et d'Urdax appartiennent à la Communauté autonome de Navarre. Autrement dit, le poids des frontières intérieures entre Communauté autonome serait renforcé au moment même le Traité de Bayonne tente d’assouplir les frontières étatiques. Aussi n’est-il pas interdit de penser que la jurisprudence du tribunal Suprême est actuellement dépassée et ne saurait valablement s’appliquer dans un contexte transfrontalier ? Il semble possible de tirer de la lettre même du Traité de Bayonne, une autorisation pour l’ensemble des collectivités relevant de son champ d’application de participer et de créer des consorcios transfrontaliers. Or du point de vue juridique le Traité de Bayonne en tant qu’acte international a une valeur juridique supérieure au droit interne. Enfin, l’argumentation relative au caractère autonomique de la procédure relative à l’approbation des statuts pourraient s’effacer partiellement dans le cadre transfrontalier puisqu’une procédure spécifique a été prévu au niveau national. Dans tous les cas, ces interrogations soulignent l’incomplétude de la réglementation espagnole. Il pourrait être souhaitable d’apporter quelques utiles précisions sur le régime du consorcio transfrontalier.

2°) Une structure dotée de larges prérogatives2°) Une structure dotée de larges prérogatives

Entité de droit public dotée d'une personnalité juridique propre le consorcio Bidassoa Txingudi dispose de larges prérogatives. L'exercice de ces facultés est néanmoins soumis à des contrepoids. Ces derniers permettent de garantir la souveraineté de chacune des mairies et le respect du principe de la légalité par le consorcio.

A) DES PRÉROGATIVES IMPORTANTES INHÉRENTES À SA PERSONNALITÉ JURIDIQUE

Deux paramètres permettent de juger de l'importance des prérogatives du consorcio Bidassoa Txingudi. Tout d'abord les statuts accordent un large domaine d'intervention au consorcio. Il faut ajouter à cela que le consorcio dispose de moyens conséquents pour 84 En ce sens cf. Eva NIETO ouvrage précité sp. p. 10985 Sur cette décision cf. Eva NIETO, ouvrage précité p. 81

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mener à bien les missions qui lui ont été confiées. Il s'agit là d'une caractéristique inhérente à l'existence de la personnalité juridique propre du consorcio.

1- Un large domaine d'intervention1- Un large domaine d'interventionL'article 3 organise les secteurs d'intervention du consorcio en quatre grandes catégories: le tourisme, la culture, le social, le développement économique

Chacun de ces volets comportent une liste détaillée des actions devant être menées par le consorcio afin de renforcer la coopération entre les trois mairies. Le concret et la précision de ces actions contrastent parfois avec le caractère générique des quatre catégories précitées. La promotion du tourisme par le consorcio comprend par exemple la création d'une liaison piétonne et cyclable entre les villes. En matière culturelle, il s’agira notamment de créer et de gérer des structures pédagogiques permettant l’apprentissage, le perfectionnement le développement des trois langues. L'action sociale du consorcio devrait en particulier conduire à la mise en place d'un service commun d'accueil des populations migrantes en difficultés86. La promotion du développement économique vise par exemple l’organisation de transports réguliers transfrontaliers et l’encouragement des relations entre les entreprises du bassin etc.

Une telle présentation aurait été encouragée par l'Etat français. Cette approche pragmatique a l'avantage d'offrir plus de transparence. Elle illustre également l'objectif des mairies d'offrir des services intégrés à la population de la baie, objectif clé de la coopération entre les trois villes frontalières. On doit cependant avouer qu'il s'agit ni plus ni moins de la poursuite de leurs actions envisagées par le passé. La grande nouveauté ne figure donc pas dans le contenu du domaine d'intervention du consorcio mais dans les moyens que les maires ont pu attribué à cette figure pour pouvoir agir conjointement.

2- Un large éventail de moyens 2- Un large éventail de moyens L'article 4 énumère les différentes attributions du consorcio. La plupart sont inhérentes à la personnalité juridique propre du consorcio. Celui-ci peut administrer son patrimoine87, conclure des obligations, passer des marchés publics88, contracter des prêts et des emprunts, acquérir, posséder des biens meubles et immeubles89 etc. L'article 9 précise également que le consorcio "pourra exercer son activité par toutes les formes de gestion de services prévus par la législation espagnole en matière de régime Local." 90 De son côté, l’article 10 des statuts prévoit que le consorcio « pourra collaborer avec d’autres organismes publics ou privés tant françaises qu’espagnoles par des conventions ou contrats selon les cas. »

L’activité du consorcio pendant ces trois premières années permet de donner quelques illustrations importantes de la mise en œuvre de ces moyens. La première convention a été passée le 22 octobre 1999 avec l’Agence de développement de la Bidassoa,

86 Pour plus de détails sur ces listes d'actions cf. statuts publiés en annexe87 Selon l'article 43 ce patrimoine sera constitué des biens que les communes adhérentes apporteront au consorcio et des biens que le consorcio pourra acquérir88 cf. article 32. La passation de ces contrats relèvera de la législation espagnole notamment de la loi sur les contrats des administrations publiques du 18 mai 1995. Cette loi a eu principalement pour conséquence de transposer les principes des directives communautaires en matière de marché public dans le droit espagnol. Sur cette question cf. E. NIETO GARRIGA ouvrage précité p. 217 et s.89 cf. article 4490 Cette disposition renvoi à l'article 85 al. 2 et suivants de la loi de 1985 qui précise que "2. les services publics locaux peuvent être gérer de forme directe ou indirecte…3. La gestion directe comportera certaine des formes suivantes:a) gestion par la propre entité localeb) organisme autonome localc) société commerciale dont le capital social appartient intégralement à la collectivité locale4. La gestion indirecte comportera certaine des formes suivantes:a) la concessionb) la gestion intéresséec) la concertation ("concierto")d) l'affermagee) société commerciale et coopératives légalement constituées dont le capital social appartient seulement en partie à l'entité locale"

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(ADEBISA) qui est une société publique dans laquelle participent en commun les communes d’Irun et de Fontarrabie. L’objet principal d’ADEBISA est d’assurer la promotion du Bassin Txingudi en particulier la promotion de la coopération transfrontalière, de l’emploi, de la recherche et du développement ainsi que favoriser la formation et l’orientation professionnelle. La convention précitée tend à attribuer à ADEBISA la gestion de l’ensemble de l’activité du consorcio. ADEBISA aura en particulier la responsabilité de gérer et d’exécuter les accords et les résolutions adoptées par les organes de décisions du consorcio et servira de soutien logistique pour toute les tâches administratives au secrétariat du consorcio. Le consorcio bien évidemment subventionne les frais occasionnés par ADEBISA pour l’accomplissement de cette mission. La convention a une validité annuelle amis peut être prorogée tacitement pendant une durée maximum de cinq ans. Par la suite le consorcio a passé d’autres conventions par exemple celle qui a été conclue le 23 juin 2000 avec les Servicios de Txingudi SL pour la réalisation d'une étude sur la gestion de résidus solides urbains. Il s'agit d'un Plan de gestion intégrale de résidus urbains lequel une fois achevé en 2001 , envisage une réflexion sur le mode de gestion conjointe des résidus et offre différentes possibilité techniques 91.Lors de la réunion du Conseil général du 27 octobre 2000, le consorcio a acquis pour 10.000.000 pesetas d’actions à long terme de la SA Recinto Ferial de la Côte basque qui est en construction. Le consorcio dispose désormais à travers son président d’un représentant au Conseil d’administration de cette société ayant la charge de la construction d’une sorte de palais des Congrès. Il s’agit de la première représentation du consorcio dans un organe externe. Lors de sa réunion du 27 septembre 2001, le consorcio décida de participer à hauteur de 5.000.000 pesetas au patrimoine de la fondation FICOBA, constituée comme organisme gestionnaire des foires organisées au Recinto Ferial de la Bidassoa. Lors de sa réunion du 12 novembre 2001, le consorcio a décidé d’approuver son adhésion au GEIE de l’Eurocité basque. Désormais le consorcio sera représenté au sein de l’assemblée générale du GEIE par son président et ses Vices présidents ainsi que le coordinateur du Secrétariat Technique. L’adhésion est devenue effective le 16 novembre 2001 lors de la première nouvelle assemblée générale du GEIE précitée.

Le cadre juridique général des rapports du consorcio avec son personnel découle d'un ensemble de textes relatifs à la fonction publique: la loi 30/1984 du 2 août 1984, le titre VII de la loi de régime locale de 1985, le décret royal 1174/1987 portant règlement juridique des fonctionnaires de l'administration locale dotés d'habilitation de caractère nationale. A l'échelle autonomique les relations du personnel du consorcio dépend de la loi sur la fonction publique basque. Selon la doctrine92 le personnel du consorcio peut être scinder en deux types de catégories: les fonctionnaires publics et les agents contractuels93. Il appartient à chaque consorcio de déterminer à quel type de personnel il entend recourir afin de réaliser au mieux ses missions. Seuls certains postes tels que celui de secrétaire ou de contrôleur financier ne peuvent être attribués qu'à des fonctionnaires en principe locaux habilités au plan national. Au sein du consorcio Bidassoa Txingudi ces postes sont occupés par des fonctionnaires de la mairie d'Irun94. Les autres fonctionnaires faisant partie du consorcio relèvent en général des administrations membres ou d’ADEBISA.95 Certes l'article 33 des statuts précise que le consorcio peut disposer de son propre personnel. Mais cette possibilité semble n’a été que très peu utilisée. Ainsi lors de sa réunion du 14 février 2000, un directeur/responsable a été engagé. Ensuite, la mise en place d’un atelier Emploi Villa Ducourau, programme de formation de demandeurs d’emploi du Bassin a conduit au recrutement d’élèves et d’une équipe technique qui constituent les premiers membres appartenant au personnel propre du consorcio.

91 Point 2 du Compte-rendu numéro 3 du Conseil Général du Consorcio. Op Cit92 Cf. ouvrage précité de E. NIETO, sp. p. 175 et s. 93 Cette traduction de l'auteur tend à rechercher dans le contexte français un équivalent du concept espagnol de "personal laboral". 94 Cf. article 2995 Cf. En ce sens l'avis du Conseil d'Etat n°45 988 et 45 872 du 23 février 1984

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Du point de vue financier, l’article 35 précise que le consorcio peut être alimentés par différentes sources. Tout d'abord, il s'agit d'un certain nombre de recettes pouvant provenir de son patrimoine, de prestations de services96 et d'opérations de crédits. Le consorcio peut également recevoir des subventions. Cette hypothèse couvre en particulier la possibilité de recevoir des aides économiques de la part des gouvernements français et espagnol et surtout de la part de l'Union européenne. La création du consorcio répond en partie à la volonté de la Commission de pouvoir distribuer les fonds de l'initiative INTERREG à des structures véritablement intégrées. La Commission a toujours été favorable à la création une structure unique pour la gestion de projets communs à des entités de part et d'autre de la frontière97. Enfin, le consorcio bénéficie d'apports provenant des municipalités membres, apports dont la distribution est précisée à l'article 36 des statuts. La ville d'Irun s'est engagée à prendre en charge 50% de dépenses de fonctionnement alors que les deux autres mairies y participent à hauteur de 25%. Cette répartition prend en compte l'importance de chacune de communes. Ces pourcentages correspondent également à ceux de l'engagement de la responsabilité financière de chacune des communes98.

Depuis sa première année de fonctionnement le budget du consorcio a significativement augmenté. Il est passé de 36.483.164 pesetas en 1999, à 62.506.000 en 2000 et 220.863.115 en 2001.

Si le consorcio Bidassoa Txingudi disposent de moyens financiers importants, une limite de taille demeure. Selon l'article 6 du Traité de Bayonne, le consorcio ne peut pas effectuer de prélèvement de nature fiscale. Ainsi, si l’un des apports le plus intéressant du Traité est la possibilité de gérer de manière conjointe des services publics, l'impossibilité de percevoir des recettes de source fiscale, comme ce serait le cas de taxes ou de redevances pour la prestation d’un service de ramassage d'ordures par exemple, décourage totalement ce type d'actions de coopération. Cette restriction limite sensiblement l'objet de la coopération à développer des actions dans des domaines mineurs.

B) DES CONTREPOIDS À L'AMPLEUR DE CES PRÉROGATIVES

La lecture des statuts permet d'entrevoir que l'importance des prérogatives accordées au consorcio est contrebalancée par un certain nombre d'éléments. Les mairies ont choisi de doté le consorcio d'une structure très équilibrée permettant de respecter le caractère volontaire de leur coopération. L'activité du consorcio est également soumis à un certain nombre de contrôle qui permettent de s'assurer de l'absence de débordements pouvant nuire à la coopération entre les villes. Enfin le consorcio est une structure responsable de ses propres actes.

1- Une structure équilibrée 1- Une structure équilibrée Plusieurs règles de fonctionnement du Conseil général, la Présidence et de la vice-présidence garantissent la mise en place d'une structure équilibrée dans laquelle le droit à la parole de chacune des communes sera respecté.

A cet égard les règles relatives à la composition du Conseil général doivent être évoquées. La législation espagnole99 pose une unique condition matière de règles de fonctionnement des consorcios. Toutes les entités membres du consorcio doivent être représentées dans les organes de gouvernement, à charge pour les statuts de préciser les critères de cette représentation. Le Conseil Général du consorcio Bidassoa Txingudi dispose d'une composition paritaire de 9 représentants (les trois maires et deux autres représentants par commune élus par chacun des Conseils municipaux). Une présence proportionnelle à l'implication économique de chaque entité dans le consorcio ou 96 Cela signifie que le consorcio dispose de la compétence de fixer des prix publics pour services rendus sur ce point cf. E. NIETO GARRIGA , ouvrage précité p. 18697 Cette approche ressort expressément des nouvelles exigences formée par la Commission dans le cadre de la réforme actuelle des fonds structurels. 98 cf. Article 4599 Cf. les articles 39 RS, 110.3 TR et 7.2 LAP

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proportionnelle au nombre d'habitants par commune aurait également pu être envisagée. Mais les maires ont préféré engager leur coopération en terme d'égalité afin de respecter les susceptibilités de chacun.

Les conditions de répartition des postes de Présidence et de Vice présidence sont également placé sous le signe de l'équilibre parfait entre les trois villes. Il s'agit de charges tournantes devant être partagées entre les différents représentants de chacune des communes de manière à ce qu'aucune commune ne puisse cumuler les postes de Président et Vice Président100. La charge de la présidence présente un intérêt particulier puisqu'en cas d'égalité au Conseil général, le Président dispose d'une voix prépondérante.101

D'autres dispositions relatives illustrent la volonté constante de maintenir un juste équilibre entre les trois villes. Les règles relatives au mode de décision en sont un bon exemple. L'article 26 prévoit un mécanisme particulier pour l'adoption de décisions importantes telles que la modification des statuts, les opérations de crédits à long terme, l'élargissement, la dissolution et le retrait d'une commune. Dans chacun de ces cas la décision devra compter avec le vote favorable d'au moins 2 des représentants sur 3 de chaque municipalité et l'accord favorable de toutes les municipalités adhérentes. Ces règles de votes garantissent à chacune des communes la possibilité de s'opposer à des choix importants.

Selon l'article 23 l'ordre du jour est établi par le Président en tenant compte de tous les sujets qui lui seront communiqués par écrits par les membres du Conseil. Cette règle permet à chaque représentant de commune de débattre au Conseil Général sur les thèmes et les activités qu'il désire voir développés par le consorcio. Le quorum pour les séances rappelle que la présence d'au moins deux des trois représentants de chaque commune est nécessaire en première convocation et un élu de chaque municipalité en seconde convocation. Il s'agit de s'assurer de la légitimité des décisions prises par le Conseil général.

Pour le reste le fonctionnement des organes du Conseil Général du consorcio s'appuiera sur les dispositions de la législation espagnole régissant le fonctionnement de l'assemblée plénière des collectivités locales

2- Une structure sous surveillance2- Une structure sous surveillanceL'attribution d'importants moyens financiers au consorcio comporte différentes contreparties au plan budgétaire et comptable. En premier lieur le consorcio doit éditer son propre budget. Ce budget coïncidant avec l'année civile comprend toutes les ressources annuelles du consorcio soit une liste chiffrée et systématique des engagements que peut prendre le consorcio et des droits qu'il prévoit de prélever durant l'exercice. 102 Le consorcio doit également présenter un bilan des compte de résultats annuels103. Le budget et ces comptes annuels feront l'objet d'un audit externe indépendant104. Les actes engageant économiquement le consorcio feront parallèlement l'objet d'un contrôle par un comptable. Dans tous ces cas le droit budgétaire et comptable applicable au consorcio Bidassoa Txingudi relèvera des normes forales de la province de Guipuzcoa.

En outre, les comptes du consorcio pourront faire l'objet d'un contrôle a posteriori de la Cour des comptes basque, de la Chambre régionale des comptes dont dépend la ville d'Hendaye et des mairies membres. 105 Il faut encore ajouter que le consorcio doit transmettre un certain nombre de documents et d'information aux mairies adhérentes. Il 100 Pour cette première année d'exercice le poste de Président a été attribué au maire de la ville d'Irun, les deux autres maires ayant chacun la charge d'une Vice Présidence. Notons que le projet originaire de statuts du consorcio ne présentait pas la même structure équilibrée. Seul un poste de Président et de vice-président avait été prévu ce qui ne permettait pas de les répartir entre les trois villes.101 Cf. article 26102 cf. article 37103 cf. article 39104 cf. article 41105 cf. article 42

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s'agit des comptes rendus du Conseil Général du Consorcio, des rapports annuels d'activités et du budget et de l'arrêté de comptes. 106 Enfin en cas de contentieux, les contrats et les actes des organes du consorcio pourront être soumis au contrôle des Tribunaux administratifs espagnols.107

3- Une structure responsable3- Une structure responsableL'article 12 précise que le consorcio est responsable des dommages qu'il peut causer à des tiers dans l'exercice de ses activités. Cela signifie qu'il devra indemniser les victimes des dommages dont il est responsable avec son propre patrimoine et ce sans que cela entraîne la responsabilité des villes membres. Ce principe devrait être nuancé en cas d'insolvabilité du consorcio. Dans cette hypothèse la responsabilité des administrations membres du consorcio pourrait être engagée à hauteur de leurs apports au sein du consorcio108. Cette question devra être tranchée au cas par cas par les tribunaux administratifs109 en vertu des règles du droit public espagnol sur la responsabilité des administrations.

106 cf. article 34107 cf. article 30108 En ce sens cf. E. NIETO GARRIGA, ouvrage précité p. 211109 cf. article 30 des statuts