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http://lib.uliege.be https://matheo.uliege.be La construction de la carrière professionnelle de managers au sein d'une multinationale Auteur : Sulbout, Jérôme Promoteur(s) : Pichault, Francois Faculté : Faculté des Sciences Sociales Diplôme : Master en gestion des ressources humaines, à finalité spécialisée "mise en oeuvre de la gestion stratégique des ressources humaines" Année académique : 2017-2018 URI/URL : http://hdl.handle.net/2268.2/5771 Avertissement à l'attention des usagers : Tous les documents placés en accès ouvert sur le site le site MatheO sont protégés par le droit d'auteur. Conformément aux principes énoncés par la "Budapest Open Access Initiative"(BOAI, 2002), l'utilisateur du site peut lire, télécharger, copier, transmettre, imprimer, chercher ou faire un lien vers le texte intégral de ces documents, les disséquer pour les indexer, s'en servir de données pour un logiciel, ou s'en servir à toute autre fin légale (ou prévue par la réglementation relative au droit d'auteur). Toute utilisation du document à des fins commerciales est strictement interdite. Par ailleurs, l'utilisateur s'engage à respecter les droits moraux de l'auteur, principalement le droit à l'intégrité de l'oeuvre et le droit de paternité et ce dans toute utilisation que l'utilisateur entreprend. Ainsi, à titre d'exemple, lorsqu'il reproduira un document par extrait ou dans son intégralité, l'utilisateur citera de manière complète les sources telles que mentionnées ci-dessus. Toute utilisation non explicitement autorisée ci-avant (telle que par exemple, la modification du document ou son résumé) nécessite l'autorisation préalable et expresse des auteurs ou de leurs ayants droit.

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http://lib.uliege.be https://matheo.uliege.be

La construction de la carrière professionnelle de managers au sein d'une multinationale

Auteur : Sulbout, Jérôme

Promoteur(s) : Pichault, Francois

Faculté : Faculté des Sciences Sociales

Diplôme : Master en gestion des ressources humaines, à finalité spécialisée "mise en oeuvre de la

gestion stratégique des ressources humaines"

Année académique : 2017-2018

URI/URL : http://hdl.handle.net/2268.2/5771

Avertissement à l'attention des usagers :

Tous les documents placés en accès ouvert sur le site le site MatheO sont protégés par le droit d'auteur. Conformément

aux principes énoncés par la "Budapest Open Access Initiative"(BOAI, 2002), l'utilisateur du site peut lire, télécharger,

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mentionnées ci-dessus. Toute utilisation non explicitement autorisée ci-avant (telle que par exemple, la modification du

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p. 1

Remerciements

La réalisation de ce mémoire a été possible grâce au soutien de

plusieurs personnes, à qui nous voudrions témoigner toute notre

reconnaissance.

Nous souhaitons tout d’abord remercier Monsieur François

Pichault, promoteur de ce mémoire, qui par ses conseils, sa

disponibilité, sa bienveillance et son suivi, nous a fourni un

cadre permettant de mener à bien ce travail.

Nous souhaitons également remercier grandement les lecteurs

de ce mémoire, Monsieur Jean-Marie Dujardin et Monsieur

Thierry Bollier.

Nous souhaitons remercier les 15 managers de département de

l’entreprise α de nous avoir consacré un peu de leur temps lors

des entretiens.

Enfin, nous souhaitons remercier tout particulièrement nos

proches qui, tout au long ce travail, nous ont apporté leur

soutien moral. Nous souhaitons remercier en particulier

Virginie Heine, Anne-Catherine Marichal et Pierre Sulbout

pour leurs conseils précieux et pertinents.

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Table des matières

INTRODUCTION _____________________________________________________________ 1

1. DE LA THÉORIE … ________________________________________________________ 3

1.1 REVUE DE LITTÉRATURE _________________________________________________________________ 3

1.1.1 Les carrières _____________________________________________________________________ 3

1.1.2 Construction de la carrière ________________________________________________________ 10

1.1.3 Cadre analytique ________________________________________________________________ 20

2. … À LA PRATIQUE ______________________________________________________ 21

2.1 CONTEXTUALISATION __________________________________________________________________ 21

2.1.1 Objectif de la recherche___________________________________________________________ 21

2.1.2 Présentation de l’entreprise _______________________________________________________ 21

2.1.3 Analyse organisationnelle _________________________________________________________ 22

2.2 MÉTHODOLOGIE _____________________________________________________________________ 24

2.2.1 Evolution de la problématique _____________________________________________________ 24

2.2.2 Méthode adoptée _______________________________________________________________ 24

2.2.3 Récolte des données _____________________________________________________________ 25

2.2.4 Difficultés et limites ______________________________________________________________ 27

2.3 MISE À PLAT DES DONNÉES RÉCOLTÉES ______________________________________________________ 29

2.3.1 La carrière selon des managers de département _______________________________________ 29

2.3.2 La trajectoire d’un manager de département chez α ____________________________________ 32

2.3.3 Les outils de gestion de carrière ____________________________________________________ 42

2.3.4 L’entrée en fonction d’un manager de département ____________________________________ 44

2.3.5 Conclusion _____________________________________________________________________ 47

2.4 ANALYSE DES DONNÉES RÉCOLTÉES ________________________________________________________ 48

2.4.1 Types de carrières des managers de département _____________________________________ 48

2.4.2 Les tactiques de socialisation au sein de α ____________________________________________ 49

2.4.3 Les scripts de carrière au sein de α __________________________________________________ 51

2.5 DISCUSSION, RECOMMANDATIONS ET RECHERCHES FUTURES _______________________________________ 63

2.5.1 Construction de la carrière des managers de département _______________________________ 63

2.5.2 La carrière au sein de α ___________________________________________________________ 64

2.5.3 La gestion des talents : élément perturbateur _________________________________________ 65

2.5.4 La mobilité et l’évolution au sein de α _______________________________________________ 66

2.5.5 Prolongements _________________________________________________________________ 66

CONCLUSION ______________________________________________________________ 68

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BIBLIOGRAPHIE ____________________________________________________________ 70

LISTES DES FIGURES ET DES TABLEAUX _________________________________________ 75

LISTE DES FIGURES __________________________________________________________________________ 75

LISTE DES TABLEAUX _________________________________________________________________________ 75

ANNEXES _________________________________________________________________ 76

ANNEXE I : GUIDE D’ENTRETIEN POUR LES MANAGERS DE DÉPARTEMENT ______________________________________ 76

ANNEXE II : PARCOURS DE CHAQUE MANAGER DE DÉPARTEMENT ___________________________________________ 77

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Introduction

Les trajectoires professionnelles représentent un sujet important dans le monde du travail. Les

nouvelles formes d’emploi, l’équilibre entre la vie privée et la vie professionnelle, la question du succès,

la loi sur le travail faisable et maniable1 (appelée loi Peeters) ou encore la question de la carrière durable

sont des thèmes récurrents en lien avec les carrières.

La carrière endosse différentes définitions selon les champs d’étude. Nous définissons de

manière générique la carrière comme « the evolving sequence of a person’s work experiences over

time » (Arthur & al., 1989 : 8). La carrière traditionnelle a été longuement étudiée à travers une vision

organisationnelle selon laquelle l’entreprise gère les trajectoires de ses employés (Arthur & Rousseau,

1996). Aujourd’hui, la carrière est abordée d’un point de vue individuel. Dans ce cas, la personne gère

sa carrière en fonction de ses besoins et de ses attentes, tout en développant son employabilité. La

carrière nomade (Cadin, 2003), ou boundaryless (Arthur & Rousseau, 1994, 1996), succède à la carrière

traditionnelle. Ce changement de paradigme est lié à l’instabilité de l’économie et du marché du travail.

L’économie actuelle n’est plus aussi prévisible qu’elle l’était il y a des dizaines d’années. Cette situation

amène les travailleurs à faire face à diverses difficultés concernant la construction de leur carrière,

puisqu’ils doivent à la fois se construire et construire leur carrière (Di Fabio & Bernaud, 2010). Le

contexte dans lequel un individu crée sa carrière s’est élargi et complexifié (Baruch, 2015).

Dans le cadre de notre mémoire, nous étudions la construction des carrières des managers de

département au sein de l’entreprise α. Nous partirons des carrières d’un point de vue global, nous

parlerons des processus de socialisation présentés par Van Maanen et Schein (1979) pour ensuite

développer notre théorie centrale, les scripts de carrière (Barley et Tolbert, 1997). Provenant du concept

général de script ou schéma cognitif, lui-même issu de la psychologie cognitive, un script de carrière

représente une forme de guide basé sur les politiques de l’entreprise et l’appropriation de ces politiques

par les individus. Mobiliser cette dernière théorie nous permet de dépasser la vision unique que

proposent les théories classiques sur les carrières. Dans ce contexte, l’individu, l’organisation et leur

interaction sont pris en compte dans notre recherche.

Durant notre stage réalisé au sein de α, nous avons observé une mobilité importante au sein des

« managers de département ». Cette rotation nous a fortement interpellé et, suite à ce stage, nous nous

sommes interrogé sur cette mobilité, mais aussi sur la manière dont les carrières sont construites dans

ce milieu instable. Dès lors, nous tenterons de répondre à la question suivante : « Comment se

construisent les carrières des managers de département présents au sein de α et quelles trajectoires

suivent-ils ? ». Pour pouvoir y répondre, nous avons réalisé une recherche qualitative construite sur

1 http://www.emploi.belgique.be/defaultTab.aspx?id=45804, consulté le 10 aout à 11h30.

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l’analyse d’entretiens semi-directifs de 15 managers de département. Ce nombre représente une des

limites du travail. D’autres limites sont la disponibilité et l’accessibilité des différents managers de

département.

Notre travail se divise en deux parties comprenant chacune un ou plusieurs chapitres. La partie

théorique reprend les théories concernant les carrières (Arthur & Rousseau, 1996 ; Cadin, 2003), les

processus de socialisation (Van Maanen & Schein, 1979) et les scripts de carrière (Barley et Tolbert,

1997). Ces concepts nous permettent de mettre en place notre cadre analytique.

La seconde partie comprend cinq chapitres. Dans le premier chapitre, nous expliquons l’objectif

de la recherche et nous présentons l’entreprise et ses rouages afin de comprendre et d’appréhender le

contexte dans lequel évoluent les managers de département. Pour ce faire, nous réalisons une analyse

organisationnelle (Pichault & Nizet, 2013). Dans le second chapitre, nous expliquons notre

méthodologie et l’approche que nous avons adoptée pour réaliser cette recherche, mais aussi les limites

qui lui sont inhérentes. Le troisième chapitre reprend la mise à plat des données récoltées lors des

entretiens menés au préalable. Cette base nous amène au quatrième chapitre, dans lequel nous mettons

en avant les types de carrières que les managers adoptent au sein de l’entreprise, mais aussi les processus

de socialisation et les différents types de scripts de carrière existant au sein de α. Le dernier chapitre

permet de répondre à la question de recherche pour proposer ensuite une analyse plus poussée de notre

cas et émettre des recommandations. Des pistes pour une éventuelle recherche future sur notre cas sont

également mises en avant.

Enfin, après cette seconde partie, nous établissons la conclusion de notre mémoire qui reprend

la réponse à la question de recherche et qui nous permet d’avoir une vue d’ensemble sur ce travail.

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1. De la théorie …

1.1 Revue de littérature

Dans cette partie, nous allons aborder différentes théories qui nous permettront de construire un

cadre analytique que nous utiliserons dans la seconde partie de ce travail. Nous développerons les

concepts de carrière, de processus de socialisation (Van Maanen & Schein, 1979) et de scripts de carrière

(Barley et Tolbert, 1997).

1.1.1 Les carrières

1.1.1.1 Deux courants divergents

Le concept de carrière est étudié et utilisé depuis plus de 40 ans. Il a connu un changement de

paradigme il y a plus de 20 ans, dans les années 1990 (Falcoz, 2011). La carrière peut endosser

différentes définitions et peut être étudiée sous différents angles en fonction de la discipline mobilisée :

la sociologie, la psychologie, l’histoire ou encore l’économie (Arthur & al., 1989 ; Moore & al., 2007 ;

Cerdin, 2015). Avant de définir les carrières, notons que les salariés sont reliés à une entreprise par le

biais de leur emploi, au sein de cette même entreprise (Inkson & al., 2012).

Selon les périodes, le concept peut comprendre différentes définitions dans la littérature. Emery

et Gonin (2006 : 161) définissent la carrière comme « l’ensemble du cheminement professionnel et

extraprofessionnel de l’individu, qui va s’étendre durant la totalité de sa vie dite « active » ». Arthur,

Hall et Lawrence parlent de la carrière comme « the evolving sequence of a person’s work experiences

over time » (1989 : 8). À travers ces deux définitions, nous pouvons observer que les auteurs ne mettent

pas en avant la carrière au sein d’une entreprise particulière, mais discutent plutôt de la durée et des

étapes de la vie professionnelle de l’individu.

Selon Dahan et Dufour (2012), la tendance n’est plus aux carrières dites traditionnelles ou

organisationnelles, mais bien aux carrières dites nomades, aussi appelées « sans frontière » (Cadin &

al., 2003) provenant du mot boundaryless (Arthur & Rousseau, 1994, 1996). Plus récemment, la carrière

dite intelligente a été mise en avant par Parker, Khapova et Arthur (2009). Cette carrière mêle différentes

disciplines (la psychologie, la psychologie sociale, mais aussi la sociologie) afin de comprendre la

carrière sous différents aspects. La carrière nomade a été le modèle le plus en vue ces dernières années

dans le champ des carrières, mais elle a aussi été récemment critiquée puisque peu démontrée et validée

empiriquement (Valette et Culié, 2015).

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De plus, la carrière peut être perçue à travers l’objectivité ou la subjectivité, reprenant en

fonction de l’angle observé, des éléments de succès différents (Lyons & al, 2005) appartenant

respectivement aux carrières traditionnelles et nomades (Dahan et Dufour, 2012). Pour faciliter la

comparaison et avant d’expliquer les différences notoires des types de carrières, reprenons un tableau

scindant les carrières en deux types (Sullivan, 1999 : 458) :

Tableau 1: La carrière traditionnelle et sans frontière (Sullivan, 1999 : 458)

1.1.1.2 La carrière traditionnelle

La définition suivante se rapporte aux carrières traditionnelles : « a course of professional

advancement; usage restricted to occupations with formal hierarchical progression, such as managers

and professionals » (Arthur & Rousseau, 1996 : 29). La carrière traditionnelle, aussi appelée

organisationnelle, est verticale et ressemble à un « escalier » (Dahan & Dufour, 2012 : 8) ou à une

pyramide qu’il faut gravir (Dalton & al., 1977). Cette vision est définie comme une « logic of

advancement » par Kanter (1989 : 305, cité par Clarke, 2013). Les défis pour les travailleurs sont

représentés par les postes qui leurs sont hiérarchiquement supérieurs. L’individu gravit les fonctions

petit à petit (Hall, 1996) en s’impliquant dans une ou deux entreprises (Levinson, 1978 ; Dahan &

Dufour, 2012). La trajectoire est linéaire et relativement prévisible (Hall & Mirvis, 1995).

Dans ce contexte, les salariés ont passé un contrat psychologique avec l’entreprise (Hall, 1996).

Ils bénéficient d’une sécurité d’emploi (Guerrero, 2001) et se voient offrir des formations en rapport

avec leur fonction à plusieurs moments de leur carrière (Lochab & Mor, 2013) car ils sont fidèles et

travaillent correctement pour l’entreprise (Hall, 1996). Les emplois restent stables, les fonctions ont peu

de perspectives de changement et les réalisations personnelles sont mineures (Cadin & al., 2003).

L’organisation voit le travailleur comme un individu fidèle, présent jusqu’à sa retraite. La flexibilité de

l’espace de carrière, sa marge de manœuvre, est restreinte pour le travailleur (Hall & Mirvis, 1995). À

travers cette vision, la frontière est représentée par l’entreprise. Le travailleur doit convenir à cette

entreprise. Le succès dans ce cas est plus mesurable et plus objectif : récompenses, salaire, promotions,

statut, autorité (Dalton & al., 1977 ; Dahan & Dufour, 2012 ; Cadin & al., 2003). Cette vision de la

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carrière est restée dominante jusqu’aux années 1980. Par la suite, selon la littérature, les carrières

boundaryless (Arthur & Rousseau, 1996) ou nomades (Cadin & al., 2003) sont apparues et sont

devenues la norme.

1.1.1.3 La nouvelle forme de carrière

La vision de la carrière selon plusieurs théoriciens des années 1990 (Hall, Capelli, Arthur,

Rousseau, Schein) est rapidement passée d’une carrière organisationnelle maitrisée par l’entreprise dans

un contexte économique stable, à une carrière gérée par l’individu présent dans un milieu beaucoup plus

instable (Inkson & al., 2012 ; Clarke, 2013).

Pour expliquer ce type de carrière, reprenons cette définition qui reprend cette nouvelle forme

de carrière : « the unfolding sequence of any person’s work experiences over time » (Arthur & Rousseau

1996 : 30). Les carrières boundaryless (Arthur et Rousseau, 1996) et protean (Hall, 1976), qui sont

appelées en français les carrières nomades (Cadin, 2003), représentent la tendance actuelle. Ce type de

carrière est apparu durant la fin du 20ème siècle (Lochab & Mor, 2013).

Nous retrouvons la carrière nomade dans un contexte d’employabilité de l’individu. La frontière

n’est plus une seule entreprise mais s’est élargie en devenant plusieurs entreprises, voire plusieurs pays.

Les travailleurs sont maitres de leur carrière et définissent leur avenir en fonction des occasions qui se

présentent à eux (Dahan & Dufour, 2012). La carrière nomade apparait dans une logique de changement

au niveau sociétal et est en lien avec le marché du travail, devenant de plus en plus instable et demandant

une employabilité plus importante du côté des individus (Cadin & al., 2003). L’instabilité peut

également être perçue à travers l’absence de connaissance d’un métier inconnu, appartenant au marché

du travail instable et difficilement prédictible (Rousseau, 1993).

Selon la vision des carrières nomades, les individus sont indépendants dans leurs choix (Cadin

& al., 2003). Les envies, les besoins et les défis sont à la base des orientations individuelles. Les

compétences sont continuellement développées pas l’individu et sont transférables d’une entreprise à

une autre (Lochab & Mor, 2013). L’entreprise n’est que très peu influente et ne façonne pas les carrières

des salariés nomades (Pralong & Peretti-Ndiaye, 2016). L’idée n’est plus de disposer de compétences

spécifiques dans une situation spécifique, mais plutôt de pouvoir s’adapter à différentes situations

(Bender & al., 2009).

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Ces carrières sont basées principalement sur la théorie de Schein : les ancres de carrière (1996)2.

Le succès au niveau des carrières nomades est subjectif et individuel. La subjectivité est de mise puisque

les individus jugent leur parcours professionnel au niveau de sa signification, de leurs attentes

personnelles, mais aussi au niveau des valeurs qui leur sont intrinsèques et qu’ils recherchent au sein de

l’entreprise (Dahan & Dufour, 2012 ; Weick, 1979, cité par Cadin & al., 2013). Le fait de décider soi-

même de son avenir ne sous-entend néanmoins pas que l’individu est seul puisqu’il s’est façonné un

réseau et l’utilise pour évoluer au niveau de ses compétences (Falcoz, 2011).

Si nous désirons aller plus loin, soulignons que Sullivan et Arthur (2006) parlent de mobilité

même de mobilité psychologique, moins discutée par les théoriciens à cette époque et difficile à étudier.

La mobilité psychologique est : « the capacity to move as seen through the mind of the career actor »

(Sullivan & Arthur, 2006 : 21).

1.1.1.4 Critique : la carrière traditionnelle est-elle morte ?

Il y a presque vingt ans, Hall (1996) écrivait un article intitulé : « The career is dead: Long live

the career » (Hall, 1996), pouvant être compris comme : « The (organizational) career is dead: Long live

the (protean) career » (Clarke, 2013 : 684), et que nous pouvons traduire comme suit : « la carrière

(traditionnelle) est morte, longue vie à la carrière (nomade) ». Bender et ses collègues (2009 : 21)

soulignent que la carrière correspond aujourd’hui de plus en plus à une « accumulation de compétences

dans un processus continu d’apprentissage » dans plusieurs entreprises et non à changer de postes au

sein d’une même entreprise.

Pourtant, les théories sur les nouvelles carrières ont été décriées, voire contredites, ce qui n’a

pas pour autant empêché différents auteurs d’écrire abondamment sur le sujet (Falcoz, 2011). Au-delà

de la question de l’attrait concernant les recherches scientifiques centrées sur un nouveau concept

(Inkson & al., 2012) et le manque de preuves empiriques, certains soulignent la multitude de définitions

existantes, mais aussi le caractère flou de la définition d’Arthur et Rousseau et des frontières d’une

carrière (1996 : 6). Les définitions des carrières nomades ou boundaryless semblent être trop centrées

sur un modèle occidental et sont donc inapplicables à toutes les cultures et toutes les classes sociales

(Watson & Stead, 2006 cités par Patton & McMahon, 2014). Les carrières sans frontière ne sont donc

pas mobilisables dans toute situation, pour toute société ou pour n’importe quel pays (Inkson & al.,

2012 : 330).

2 Les ancres de carrière d’une personne reposent sur : « his or her self-concept, consisting of 1) self-perceived

talents and abilities, 2) basic values, and, most important, 3) the evolved sense of motives and needs as they pertain

to the career » (Schein, 1996 : 80).

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Même si les carrières nomades sont susceptibles d’exister grâce à la suppression d’une multitude

d’échelons hiérarchiques, ceci rendant la structure moins pyramidale (Cadin, 2003), les trajectoires

varient selon différentes variables qui sont nationales, institutionnelles, socioculturelles et qui dépendent

de l’environnement politique et, selon Clarke (2013), les carrières traditionnelles restent d’actualité. La

carrière représenterait en réalité un modèle hybride entre les anciennes et nouvelles carrières. Les

carrières traditionnelles peuvent alors apparaitre dans un environnement instable. Tout comme pour les

individus, les carrières sont importantes à prendre en compte pour les organisations. Les nouvelles

carrières organisationnelles définies par Clarke (2013) peuvent permettre à un individu de suivre une

trajectoire dans une ou quelques entreprises et dans diverses fonctions.

Par ailleurs, Cerdin (2015 : 16) souligne qu’un franchissement de frontière existe, autant pour

la carrière nomade que traditionnelle. Ces mobilités, élément central du concept de carrière, peuvent être

« aussi bien organisationnelles que fonctionnelles ». D’ailleurs, la notion même de boundaryless career

définie par Arthur et Rousseau (1996) a besoin de frontières dites horizontales pour se définir (Inkson

& al., 2012). Ils parlent de plusieurs sortes de frontières : « geographical, industry, occupational,

professional and role boundaries », certaines pouvant être objectives ou subjectives (Gunz, Evans &

Jalland, 2000 cités par Inkson & al., 2012). Tout ceci crée une ambiguïté autour du concept. Selon

Inkson, Gunz, Ganesh et Roper (2012), les frontières dans le cadre des carrières boundaryless ne sont

pas à éliminer mais bien à délimiter, à redéfinir comme des frontières à franchir.

Pour les cadres dans une entreprise, les carrières nomades semblent être à l’opposé du contexte

dans lequel ils évoluent puisque leur évolution dépend des règles imposées par l’entreprise (Pralong &

Peretti-Ndiaye, 2016). Dans une première conception de la carrière, l’organisation oriente les carrières,

là où dans une deuxième conception, l’individu est maitre de sa carrière. Mais, dans la théorie de Arthur

et Rousseau (1996), l’organisation est peu prise en compte dans la gestion de la carrière (Inkson & al.,

2012). En outre, Lochab et Mor (2013) soulignent que la prise en compte des objectifs et de la motivation

intrinsèque des collaborateurs ne peut être que bénéfique pour l’entreprise afin de ne pas voir les

travailleurs importants quitter l’entreprise.

Enfin, le peu d’études empiriques, allant même à l’encontre d’un nomadisme prôné par la

littérature (Pralong & Peretti-Ndiaye, 2016), semble ressortir des diverses critiques présentes dans la

littérature à l’encontre des carrières nomades (Inkson & al., 2012). Certains auteurs soulignent la forte

présence des carrières traditionnelles en entreprise et l’exagération des nouvelles formes de carrières

(Falcoz, 2001 ; Inkson & al., 2012 ; Clarke, 2013 ; Lyons & al., 2015). Comme le souligne Falcoz

(2011 : 17), il serait intéressant d’analyser la carrière des individus d’un point de vue objectif et d’un

point de vue subjectif dans leur contexte sans généraliser les résultats obtenus, tout en gardant au centre

des études « les politiques, les acteurs, les outils et les pratiques de GRH et la façon dont s’articulent

des configurations organisationnelles avec les vécus subjectifs des individus ».

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1.1.1.5 Cinq types de carrières

Cadin, Bender et De Saint-Giniez (2003) se sont inspirés des travaux de Miles et Snow (1996),

qui font partie du courant des carrières boundaryless, pour montrer qu’il ne suffit plus de diviser les

carrières en deux pans (carrières traditionnelles et nomades), mais qu’il faut aussi prendre en compte la

diversité des structures organisationnelles pour comprendre les carrières (Cadin & al., 2003). Les deux

auteurs mettent en avant deux nouveaux types de structure, au-delà de trois structures classiques

(organisationnelle, fonctionnelle, divisionnelle) : la structure en « réseau » et la structure cellulaire

(Miles & Snow, 1996, cités par Cadin & al., 2003).

Structure

organisationnelle Parcours de carrière

Compétences

clefs

Responsabilité de la

carrière

Fonctionnelle • dans une firme

• dans la fonction

• technique

• département

fonctionnel

Divisionnelle • dans une firme

• transdivisions

• technique

commerciale

• division,

firme

Matricielle • dans une firme

par projet

• technique

commerciale

• département,

projet, firme

Réseau

• à l’intérieur

et à travers

les firmes

• technique

commerciale

coopérative

• firme

et individu

Cellulaire • professionnel

indépendant

• technique

commerciale

coopérative,

gestion de soi

• individu

Tableau 2 : « A chaque forme organisationnelle son système de carrière » (Miles & Snow, 1996, cités par Cadin & al., 2003 : 33)

Comme le soulignent Cadin, Bender et De Saint-Giniez (2003), nous pouvons observer que les

carrières dans les deux derniers cas (structure en réseau et cellulaire) peuvent définir la structure, là ou

traditionnellement, la structure définit la carrière.

Pour ouvrir les possibilités, Cadin, Bender, De Saint-Giniez et Pringle (2000 : 9) proposent une

autre typologie de carrières, pour une nouvelle fois, dépasser un dualisme présent autour du concept de

carrière. La première catégorie reprend « les sédentaires ou les carrières organisationnelles classiques »,

comme définies plus haut. La seconde catégorie reprend « les migrants ou la navigation dans un

périmètre organisationnel ». Ces individus ont travaillé dans une même entreprise, mais n’ont pas eu un

parcours classique, linéaire et logique comme supposé dans la première catégorie. La catégorie suivante

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reprend « les itinérants ou la logique de métier » qui concerne les individus changeant d’entreprises tout

en restant dans un même secteur d’activité ou dans une même catégorie de métier. La quatrième

catégorie reprend « les frontaliers ou l’aller-retour organisation-marché » et concerne les individus

oscillant entre le statut d’indépendant et le statut de salarié, toujours dans un même secteur d’activité ou

d’un même métier. Néanmoins, ces derniers construisent leur carrière en utilisant des ressources

organisationnelles. La dernière catégorie reprend « les nomades ou une carrière sans filet ».

Figure 1 : 5 types de carrière selon Cadin, Bender, De Saint-Giniez et Pringle (2000)

Carrières traditionnelles Carrières nomades

Sédentaire Migrant Itinérant Frontalier Nomade

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1.1.2 Construction de la carrière

Nous l’avons vu à travers les deux grands paradigmes qui concernent les trajectoires

professionnelles, les carrières ont dans un premier temps été mises en avant comme étant la propriété de

l’entreprise. Dans un second temps et à travers les différents types de carrières, comme les carrières

nomades (Cadin, 2003) ou boundaryless (Arthur & Rousseau, 1996), nous avons évoqué la carrière

comme propriété exclusive de l’individu. Ce dernier est alors maitre de sa carrière, de ses choix et de sa

trajectoire.

Dans les parties théoriques qui suivront, nous nous attarderons sur les tactiques de socialisation

et les scripts de carrière. Nous aborderons les tactiques de socialisation (Van Maanen & Schein, 1979)

à travers un point de vue organisationnel. Cette théorie nous permettra de comprendre dans quelles

conditions une personne entre dans sa nouvelle fonction, qui représente parfois une nouvelle étape dans

sa carrière, avant de comprendre comment la carrière en elle-même est construite. Nous présenterons

alors le rôle des deux parties, l’entreprise et le travailleur, dans le cas de la construction d’une carrière

pour un individu et ce, à travers les scripts de carrière. Ces scripts représentent, selon Barley et Tolbert

(1997), une forme de guide pour l’individu et sont construits sur base de deux éléments : les politiques

de l’entreprise et l’appropriation de ces politiques par l’individu.

1.1.2.1 Les tactiques de socialisation

Dans leur article « Toward a Theory of Organizational Socialization », Van Maanen et Schein

(1979) tentent de comprendre les phénomènes de socialisation, principalement en entreprise, qui sont

peu étudiés et peu pris en compte à leur époque. Les auteurs traduisent leur étude à travers un schéma

conceptuel descriptif, non normatif et qui permet de situer le processus de socialisation dans l’entreprise,

de décrire les formes de socialisation qui apparaissent mais aussi d’expliquer les résultats et les effets

de ces formes. Chaque entreprise possède et met en place une culture et des sous-cultures reprenant la

bonne façon de fonctionner, de se comporter et reprenant les règles internes que chaque employé doit

suivre. Les nouveaux salariés d’une société peuvent arriver dans une entreprise avec des interrogations

concernant des pratiques, ou des questionnements sur les savoir-être et les savoir-faire. Ils adhèrent ou

non à la culture. Par conséquent, ces individus amènent avec eux une possibilité de changement de cette

culture tandis que les anciens salariés, de leur côté, tentent de réduire les changements afin de ne pas

perturber l’environnement et les pratiques (Van Maanen & Schein, 1979).

Le processus d’apprentissage de la culture d’entreprise par d’anciens salariés aux nouveaux

recrutés s’appelle organizational socialization process qui est défini comme « the process by which one

is taught and learns « the ropes » of a particular organizational role. In its most general sense,

organizational socialization is then the process by which an individual acquires the social knowledge

and skills necessary to assume an organizational role » (Van Maanen & Schein, 1979 : 211). Le

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processus peut être un programme d’induction ou de formation dans une entreprise, ou encore un

processus d’apprentissage par essais-erreurs lors de l’entrée en fonction. Mais, comme les auteurs le

soulignent et d’un point de vue organisationnel, le caractère continu et perpétuel de l’apprentissage au

niveau d’une carrière peut être perçu comme un processus de socialisation et est infini (Van Maanen &

Schein, 1979).

Dès lors, l’auteur met en avant différentes hypothèses concernant le phénomène de socialisation.

Premièrement, la situation nouvelle est anxiogène pour les nouveaux salariés. L’apprentissage des

normes et règles permet de réduire cette anxiété. Ensuite, la socialisation se fait de manière formelle et

informelle, grâce aux règles ou informations reçues mais également grâce aux autres salariés.

Troisièmement, la transmission des rôles et informations permet (ou non) la pérennité de la production

et, in fine, de l’entreprise. Quatrièmement, en période de transition, même si les nouveaux recrutés

possèdent de l’information sur un nouveau rôle à adopter, leur compréhension du rôle changera. De plus,

les croyances sur ce qui fonctionne pour un individu dans un contexte organisationnel, ou ce qui est un

dysfonctionnement pour son collègue, résulte de la perception des individus. Enfin, bien que certaines

formes de socialisation soient adaptables pour beaucoup de situations et facilement reconnaissables, les

auteurs ne souhaitent pas que la théorie soit générale et formative mais bien qu’elle permette d’identifier

les effets probables sur les individus étudiés à travers le « people processing » (Van Maanen & Schein,

1979 : 216).

Différents processus de socialisation

À travers le « people processing » se trouvent les « tactics of organizational socialization », ou

tactiques de socialisation organisationnelles qui consistent en « the ways in which the experiences of an

individual in transition from one role to another are structured for him by others in the organization ».

(Van Maanen, 1978, cité par Van Maanen & Schein, 1979 : 230). Ces tactiques peuvent être conscientes

ou inconscientes, peuvent exister en fonction du niveau faible ou élevé de la formalisation du processus

de socialisation, peuvent dépendre des habitudes, de l’histoire, des traditions organisationnelles (Van

Maanen & Schein, 1979). Elles peuvent être utilisées dans une multitude de situations, comme dans des

changements de carrières, d’entreprises ou des changements de fonctions. Les tactiques peuvent être

combinées entre elles et chaque tactique possède son contraire. Les auteurs décrivent 6 tactiques qu’ils

analysent et utilisent dans leur texte (1979 : 232) :

1. les processus de socialisation collectifs et individuels ;

2. les processus de socialisation formels et informels ;

3. les étapes séquentielles ou aléatoires dans le processus de socialisation ;

4. les processus de socialisation fixes ou variables ;

5. les processus de socialisation en série ou disjonctifs;

6. les processus de socialisation d’investiture ou de non-investiture.

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Processus de socialisation collectifs versus individuels

Le processus de socialisation collectif comprend toutes les personnes franchissant une frontière,

qui entrent dans une nouvelle fonction. Ces personnes vont, dans un certain cadre, partager une

expérience comme une formation. Dans ce contexte, des sous-cultures apparaissent. Nous retrouvons le

processus de socialisation collectif dans le cas de production de masse, dans une grande entreprise avec

des fonctions similaires. À l’inverse, le processus de socialisation individuel fournit des apprentissages

ou formations de manière individuelle, comme une formation pratique dans un cadre précis pour un rôle

précis. Dans ce cas, la nouvelle recrue prendra comme référence son « agent de socialisation », pouvant

être perçu comme une personne physique. Cette tactique s’opère lorsque le rôle à apprendre est

complexe et est plus coûteux (Van Maanen & Schein, 1979). Le processus de socialisation individuel

se retrouve notamment dans un contexte où la fonction n’est pas répétitive (Wheeler, 1977, cité par Van

Maanen & Schein, 1979).

Processus de socialisation formels et informels

Le processus de socialisation formel distingue les nouveaux arrivants des anciens salariés, là où

le processus de socialisation informel ne le fait pas. Les nouveaux salariés sont dans ce cas libres, peu

suivis et avancent via un processus d’essais-erreurs (Van Maanen & Schein, 1979). Les processus

formels de socialisation mettent l’accent sur les attitudes et permettent aux nouveaux de s’approprier

rapidement les attitudes, les valeurs attendues. À l’inverse, le côté informel d’un processus de

socialisation oblige les nouveaux entrants à choisir leur référence, leur agent de socialisation, agent qui

leur transfèrera ses savoirs (Van Maanen & Schein, 1979).

Étapes séquentielles ou aléatoires dans les processus de socialisation

Ces processus se réfèrent au niveau de formalisation des différentes étapes amenant à une

fonction. Si une fonction nécessite un nombre d’étapes formalisées, précises, connues, spécifiques,

stables pour atteindre la nouvelle fonction, nous parlerons d’étapes séquentielles. Le processus

séquentiel peut amener les agents de socialisation à ne pas montrer la réalité concernant les étapes

futures à franchir. Ceci permettrait de motiver et d’instaurer une meilleure coopération avec les

nouveaux venus. Les processus aléatoires peuvent permettre aux nouveaux entrants d’apprendre ce

qu’ils souhaitent, puisque rien n’est réellement défini et ordonné (Van Maanen & Schein, 1979).

Processus de socialisation fixes ou variables

Les processus de socialisation fixes reprennent des trajectoires diverses pour lesquelles des

chemins et programmes définis existent et sont à respecter. À l’inverse, les processus variables ne

procurent pas aux recrutés un chemin à suivre Ces processus sont liés aux personnes, aux salariés, mais

aussi à différents facteurs contingents à l’entreprise et aux différentes fonctions hiérarchiquement

supérieures (Van Maanen & Schein, 1979).

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Processus de socialisation en série ou disjonctifs

Les processus de socialisation disjonctifs amènent les nouveaux arrivants à devoir se démener

sans pouvoir suivre des modèles (des travailleurs expérimentés) appartenant à un même type de métier

ou une même fonction dans l’entreprise. Les modèles sont, en revanche, présents dans les processus de

socialisation en série. L’image de la fonction accordée par le modèle est importante (Van Maanen &

Schein, 1979).

Processus de socialisation d’investiture ou de non-investiture

Ces processus sont liés à la construction identitaire du salarié à son arrivée, dans une nouvelle

fonction. La première des deux tactiques permet au travailleur de rester tel qu’il est, lui et ses

compétences. L’entreprise l’accepte, là où le second processus tente de changer, reconstruire l’identité

du nouvel arrivé. Ce dernier processus peut être perçu comme une épreuve (Van Maanen & Schein,

1979).

1.1.2.2 Les scripts de carrière

Le concept de script

Les trajectoires des individus se construisent dans un environnement complexe (Pralong, 2010).

Ces individus « doivent interpréter leurs parcours et leurs compétences. Cette interprétation produit des

tactiques de carrière et des projets professionnels » (Pralong, 2008, cité par Pralong 2010 : 57). Cela se

fait à travers un cadre de référence qui est un schéma et qui va permettre de comprendre des « situations

et les événements » apparus durant un parcours professionnel. D’une manière globale, ces schémas

permettent de comprendre les carrières des individus, les choix et les raisons de ces choix concernant

différentes trajectoires (Pralong, 2010 ; Pralong, 2016). Des schémas peuvent être des cadres de

référence au niveau d’une carrière qui permettent d’« interpréter les situations et les événements vécus

en rapport avec la carrière » (Pralong, 2010 : 58). Avant de parler de scripts de carrière, revenons sur le

concept même de script.

Un élément d’un schéma est le script (Schank & Abelson, 1977 ; Abelson, 1981). Aussi appelé

scénario, il reprend les connaissances d’évènements ou de comportements communs (Abelson, 1981 ;

Gioia & Poole, 1984). Le script est défini par Schank et Abelson (1977 : 41) comme « a structure that

describes appropriate sequences of events in a particular context ». Ces scripts ne permettent pas

d’appréhender une situation nouvelle, mais bien une situation connue. Un script, d’après Barley et

Tolbert (1997), est écrit par une institution et restreint la rationalité d’un individu, ce qui permet

d’augmenter un ensemble de comportements souhaités dans un contexte spécifique. Abelson parle de

scripts comme cela : « one simple form of schema is the script, embodying knowledge of stereotyped

event sequences » (Abelson, 1981 : 715). Le script permet à l’individu de comprendre le milieu dans

lequel il se trouve, mais lui permet aussi de savoir comment se comporter (Gioia & Poole, 1984). Le

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concept de script reprend donc une dimension cognitive et comportementale, comprend la représentation

mentale et l’action (Garbe & Cadin, 2015).

Un script est composé de plusieurs scènes ou séquences (Tomkins, 1978, cité par Gioia & Poole,

1984) qui ont un ordre, qui s’inscrivent dans le temps et qui engendrent des interactions spécifiques

(Schank & Abelson, 1977 cités par Dany & al., 2011). Ces séquences sont elles-mêmes composées de

vignettes qui sont liées entre elles (Wyer & Carlston, 1979, cité par Gioia & Poole, 1984). Abelson

(1981) reprend cet exemple pour expliquer le concept de script :

« John was feeling very hungry as he entered the restaurant. He settled himself

at a table and noticed that the waiter was nearby. Suddenly, however, he realized that

he’d forgotten his reading glasses. »

Dans ce cas, comme le souligne Abelson (1981), le client « John » n’a pas encore découvert ou

reçu le menu, mais s’attend pourtant à le lire. Le script a donc été déclenché lors de son arrivée au

restaurant, lorsqu’il fait face à la situation qu’il a intégrée et qui fait alors sens (Abelson, 1981). Cela

permet au script d’être utilisé (Gioia & Poole, 1984). Le script est composé d’une suite de séquences ou

scènes typiques pour tout client. Dans ce cas, les vignettes au sein du script sont : la nourriture préparée

et servie, les menus, les serveurs, les pourboires et le paiement. L’individu comprend la situation et

utilise donc le script qu’il a intériorisé pour agir de la bonne façon. Le déroulement des évènements est

logique (Abelson, 1981).

Figure 2 : The ordering scene of the restaurant (Abelson, 1981 : 716)

Pour aller plus loin, un protoscript (contraction entre prototype et script) est « a generic script

appropriate to a class of situations (e.g., strategy meetings) » (Gioia & Poole, 1984 : 450), donc un script

qui peut être repris pour comprendre et agir dans de multiples situations mais dans un certain

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domaine. Abelson (1981) utilise le terme track pour parler d’un script se basant sur un script

emmagasiné auparavant par l’individu et qui l’adapte à une situation précise.

Un script n’est pas forcément utilisé dans toute situation. Une personne face à une situation

nouvelle devra notamment réfléchir à ses comportements et ses actions. Ce script est appelé « controlled

cognitive processing » (Gioia & Poole, 1984 : 453). A l’inverse, cette même personne peut faire face à

des situations habituelles et utiliser un automatisme appelé « automatic processing » (Gioia & Poole,

1984 : 453). Dans ce cas, le script sera utilisé de manière automatique. D’après Gioia & Poole (1984),

il y a donc deux extrêmes, avec au milieu, des situations requérant ou non des automatismes face à des

situations connues ou inconnues, comme le montre la figure ci-dessous.

Figure 3 : A continuum of script development (Gioia & Poole, 1984 : 454)

Le script au sein d’une organisation

Les scripts peuvent être étudiés au sein d’une entreprise ou d’une organisation. Notamment dans

le cas de tâches répétitives, des entretiens de sélection, des carrières, des évaluations de performance,

mais aussi au niveau de la prise de décision. Une personne face à une situation demandant une prise de

décision pourra utiliser un protoscript. Celui-ci permet de réduire la complexité liée à la prise de décision

afin de pouvoir réponde à la situation et d’imaginer la suite des événements. L’individu peut donc

appréhender cet évènement, mais cela ne veut pas dire que la décision est une bonne décision (Gioia &

Poole, 1984). Rappelons aussi qu’un script n’est pas utile face à une situation entièrement nouvelle

puisqu’il trouve son utilité dans différentes expériences qui sont intériorisées par l’individu (Schank et

Abelson, 1977 ; Gioia & Poole, 1984). Par ailleurs, la vision individuelle et personnelle des scripts d’un

individu peut être influencée et changée par une vision collective des scripts (Valette & Culié, 2015).

Dans leur article datant de 1984, Gioia et Poole présentent le concept de script qu’ils souhaitent

rendre applicable au niveau organisationnel. Ces auteurs souhaitent aller au-delà du concept de schéma,

concept fortement étudié à leur époque dans le champ de la psychologie cognitive. Ces scripts sont

individuels et agissent à deux niveaux : la compréhension et le comportement. Le but du script au niveau

de l’organisation est de comprendre comment le travailleur comprend ce qui est émis par cette

organisation. Il est défini comme « a schematic knowledge structure held in memory that specifies

behaviors or event sequences that are appropriate for specific situations » (Gioia & Poole, 1984 : 449).

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Les scripts peuvent être acquis de manière directe à travers des discussions, des événements ou

diverses situations mais aussi de manière indirecte via une communication, des médias ou même de

l’observation (Gioia & Poole, 1984). La transmission directe d’un script à travers un exemple, qui peut

être vu comme une personne, s’appelle la « script transference » que nous traduirons librement par la

transmission de script (Gioia & Poole, 1984 : 451).

Gioia & Poole, (1984 : 450) définissent les scripts, qui permettent d’avoir un comportement

correct à un moment ou situation, comme « a knowledge structure that fits predictable, conventional, or

frequently encountered situations. In short, scripts are schemas for behavior, or for understanding events

and behaviors ». Ils parlent également de « cognitive structures for understanding appropriate behavior

in many repetitive or stereotypical situations » (Gioia & Poole, 1984 : 452).

Barley et Tolbert (1997), eux, ont créé une définition de ce qu’ils appellent « process of

institutionalization » (Barley et Tolbert, 1997 : 96), qui est applicable à différents niveaux dans

l’organisation c’est-à-dire les individus, des groupes d’individus ou même une plusieurs organisations.

Cette définition est la suivante : « shared rules and typifications that identify categories of social actors

and their appropriate activities or relationships » (Barley et Tolbert, 1997 : 96). Elle peut être utilisée

dans le cadre de scripts appliqués à une entreprise à ses différents niveaux.

De manière plus précise, les scripts peuvent être identifiables en pratique et être utiles pour

analyser les niveaux inférieurs d’une organisation (Barley et Tolbert, 1997). Ces derniers auteurs ont

mis en place un cadre analytique avec comme élément central les scripts. Selon Garbe et Cadin (2015),

ce cadre analytique se base sur les travaux de Giddens et de la théorie de la structuration (1984), mais

aussi les travaux de Goffman et de l’ordre de l’interaction (1959), selon Gioia et Poole (1984). D’ailleurs

les scripts, reprenant la théorie de l’interaction, sont généraux et adaptés aux niveaux inférieurs dans

l’organisation. Autrement dit, ils sont adaptés au niveau « local » (Barley et Tolbert, 1997 : 98). Nous y

reviendrons plus tard.

Le concept de script de carrière

Selon Pralong et Peretti-Ndiaye, un script de carrière est « un ensemble de normes

institutionnalisées à partir desquelles les individus comprennent et agissent au sujet de leurs carrières »

(2016 : 92). Barley (1989, cité par Garbe & Cadin, 2015 : 60) définit le script de carrière comme

« l’ensemble des schémas cognitifs, des ressources et des normes diffusés par la structure et mis en

œuvre par l’action individuelle ». Une caractéristique qui différencie le script classique du script de

carrière est sa temporalité. En effet, un script de carrière est présent sur l’ensemble de la vie

professionnelle d’un individu, là où les scripts classiques agissent durant une situation relativement

courte (Barley, 1989 ; Garbe & Cadin, 2015). Le script de carrière permet d’aller au-delà des concepts

de carrières nomades ou traditionnelles, en mettant l’accent sur l’interaction et l’interdépendance entre

les individus et les organisations. Il permet de rendre compte des interactions au sein de l’organisation

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entre les différentes personnes ou différents groupes de personnes (Garbe & Cadin, 2015 ; Pralong &

Peretti-Ndiaye, 2016).

Les théories sur les scripts de carrière ne sont pas abondantes et ces scripts sont ambigus (Valette

& Culié, 2015), fort théoriques et difficilement applicables en pratique. Selon Gunz (2012, cité par

Garbe & Cadin, 2015), la théorie souffre des critiques qui proviennent en partie de la base sur laquelle

elle repose, la théorie de la structuration de Giddens (1984) et ses définitions imprécises. Pour ce même

auteur, le concept est utilisé à tout va, par différents théoriciens. Il devrait être abandonné.

Garbe et Cadin (2015) soutiennent, eux, que le concept ne peut pas être laissé de côté. Au

contraire, le script de carrière apporte de nouvelles possibilités d’études intéressantes puisqu’il replace

la carrière au centre de l’attention, entre l’individu et l’organisation, « entre agence et structure » (Garbe

& Cadin, 2015 : 60). Ils ne mettent plus le focus sur une des deux parties, mais bien sur l’interaction.

Pour Garbe et Cadin (2015), les scripts de carrière qui sont au sein d’une organisation sont comme des

guides que les individus utilisent afin de construire leurs trajectoires professionnelles. Selon leur vision,

le script de carrière est le résultat de l’interaction entreprise-individu. Les scripts sont intéressants, selon

eux, puisqu’ils lient la psychologie et la sociologie, ils sous-tendent une approche individuelle et

collective (ou organisationnelle). C’est la base de la théorie de Barley (1989) et de son schéma (figure

4). Les scripts de carrière peuvent être vus comme des « représentations sociales » (Valette & Culié,

2015 : 1760). Néanmoins, Barley et Tolbert (1997) définissent les scripts de carrière comme des

comportements habituels qui peuvent être « observable, recurrent activities and patterns of interaction

characteristic of a particular setting ». Les institutions limitent les perceptions des individus et régulent

en partie leurs comportements.

Ces définitions mettent en avant deux dimensions : la dimension cognitive et la dimension

comportementale. Ces dimensions permettent de rendre compte de l’objectivité et la subjectivité des

trajectoires professionnelles. C’est donc l’ambiguïté autour du concept qui le rend complexe mais

intéressant puisque les scripts sont des schémas cognitifs qui guident plus ou moins, in fine, les actions

des individus en fonction de leur interprétation (Garbe & Cadin, 2015).

Barley (1989 : 54) lie scripts et processus de structuration en se basant sur la théorie de Giddens

(1984), comme la figure ci-dessous le schématise :

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Figure 4 : Scripts de carrière et processus de structuration (Barley, 1989 : 54)

Selon le modèle de Barley (1989, cité par Cappellen & Janssens, 2010), les entreprises créent des

scripts concernant les carrières, ce qui permet aux individus de se laisser guider et interpréter les

politiques préconstruits par ces organisations (Arthur, Inkson, & Pringle, 1999, cités par Cappellen &

Janssens, 2010). Les entreprises mettent en place des règles, des normes, des ressources, des schémas

cognitifs concernant les trajectoires que ces individus énactent. Ils s’approprient les scripts (Cappellen

& Janssens, 2010 ; Dany & al., 2011).

Pour Barley (1989) et pour Duberley et ses collègues (2006), le script de carrière peut être un

médiateur situé entre l’organisation et ses idées, et l’individu, ses envies, et sa compréhension des idées

de l’organisation. Donc, les scripts de carrière proviennent de l’interaction entre ce que l’entreprise

attend comme comportement et ce que l’individu aspire et fait en matière de carrière, sur base de ce que

l’entreprise a émis (Valette & Culié, 2015). Dany et ses collègues (2011) soulignent tout de même que

les individus peuvent sélectionner un script qui leur convient et ne sont pas de simples « automates

institutionnels » (Dany & al., 2011 : 975). D’autres peuvent être mobilisés inconsciemment. Les

individus ne sont pas cantonnés à suivre un seul et même modèle soumis par l’organisation, ils s’en

approprient un et l’interprètent, voire redéfinissent le script en cours de route pour devenir alors nomades

(Garbe, 2014 ; Pralong, Peretti-Ndiaye, 2016).

En outre, les scripts peuvent être faibles ou forts (Gioia & Poole, 1984). Comme le soulignent

Garbe et Cadin, (2015), les scripts forts apparaissent dans des environnements fortement

institutionnalisés et les scripts faibles apparaissent dans des environnements faiblement

institutionnalisés, chacun amenant à différents types de scripts. Un script fortement institutionnalisé

reprend « des représentations intelligibles, faiblement ambiguës qui guident la compréhension et l’action

individuelle » (Bell & Staw, 1989, cité par Cadin & al., 2015 : 66). Les scripts sont alors prescripteurs

d’action individuelle et ne demandent pas beaucoup de réflexion de la part du travailleur. Dans le cas

contraire, l’environnement faible amène à une représentation floue du script et celui-ci n’est alors pas

prescripteur de l’action individuelle et demande une réflexion quant aux scripts émis. Ils peuvent donc

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formellement ou informellement émettre ce que l’organisation souhaite au niveau de la carrière, à travers

des schémas cognitifs appuyés ou non, insufflant ou non des façons d’agir (Cappellen & Janssens, 2010 ;

Dany & al., 2011 ; Garbe & Cadin, 2015). Ils peuvent alors avoir une capacité de guidance. La capacité

de guidance permet de « guider les individus tout au long de leur parcours professionnel » (Garbe, 2014 :

12) et comprend deux aspects : le travail cognitif et la lisibilité du script. La lisibilité reprend le nombre

de chemins que propose un script. En effet, un script qui a une capacité de guidance forte a une lisibilité

forte et nécessite un travail cognitif moindre et inversement, la capacité de guidance dépend de la

lisibilité d’un script et du travail cognitif associé au script (Garbe, 2014).

Figure 5 : La capacité de guidance d’un script de carrière (Garbe, 2014)

En fonction du type de script repris par l’individu, la liberté d’action varie. Lorsque le script guide

fortement l’individu, sa capacité d’action est mineure et inversement. En plus de cela, notons qu’un

environnement faible peut mettre en avant des scripts forts (Garbe & Cadin, 2015 : 81). Mais un script

dit faible peut être très flou, demandant à l’individu un travail cognitif important pour une bonne

compréhension. Dans ce contexte, un individu pourrait choisir un script de carrière plus fort, plus facile

à interpréter et à appréhender (Weick, 1996, cité par Garbe & Cadin, 2015). Le travail cognitif d’un

script nous amène à sa capacité de guidance.

La notion de script de carrière agit au niveau des actions des individus, mais aussi dans la

représentation qu’ils se font de leur carrière professionnelle. Les scripts permettent à une organisation

de mettre en place et réduire le nombre de trajectoires professionnelles (Pralong & Peretti-Ndiaye,

2016). De plus, les scripts ne sont pas figés et répétitifs (Duberley & al., 2006). Ces derniers auteurs

soutiennent que ce n’est pas parce que l’institution se trouve au-dessus du schéma de Barley (1989) que

les individus n’influencent pas l’institution. Il y a une co-construction, une négociation des scripts de

carrière (Louvel & Valette, 2008).

Enfin, Valette et Culié (2015) suggèrent que les scripts de carrière ne sont pas infinis ni uniques

puisqu’ils dépendent de la position sociale et du contexte des travailleurs, et qu’ils influencent les

comportements de ces travailleurs au niveau de leur carrière. Ces comportements sont influencés par

« des facteurs individuels, contextuels et situationnels » (Valette & Culié, 2015 : 1758). Les scripts ne

peuvent pas être étudiés sans être liés aux ressources et contraintes individuelles, en fonction de la

compréhension, de la position sociale dans l’entreprise et la situation de chacun (Valette & Culié, 2015).

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Pour rendre clair le concept que nous étudions, nous pouvons utiliser la question suivante qui est

posée par Valette et Culié (2015 : 1748) : « In a given context, what are my possible and desirable career

paths ? ». La réponse à cette question renvoie à un certain script de carrière.

Pour résumer, les scripts de carrière sont des médiateurs, ils sont situés entre ce que

l’organisation propose aux individus et la façon dont ces derniers emmagasinent l’information et

agissent par après (Barley, 1989). Les agissements formeront des régularités, des logiques dans le temps.

Les scripts de carrière comprennent plusieurs caractéristiques :

1. les scripts de carrière nécessitent un travail cognitif plus ou moins important de la part des

salariés d’une entreprise et sont lisibles ou non, ce qui permet au script d’avoir une capacité de

guidance (Garbe, 2014) ;

2. les scripts de carrière peuvent être émis de manière directe ou indirecte, ceci amenant à une

transmission (Gioia & Poole, 1984) ;

3. les scripts de carrière peuvent se trouver dans un environnement fortement institutionnalisé dans

lequel les informations sont émises formellement, et être forts. A l’inverse, ils peuvent se trouver

dans un environnement faiblement institutionnalisé dans lequel les informations sont émises

informellement, et être faibles. Les scripts sont alors prescripteurs d’action individuelle ou non

(Gioia & Poole, 1984 ; Cappellen & Janssens, 2010 ; Dany & al., 2011 ; Garbe & Cadin, 2015).

1.1.3 Cadre analytique

La problématique de ce travail sera traitée grâce aux scripts de carrière (Barley & Tolbert, 1997),

couplés aux tactiques de socialisation (Van Maanen & Schein, 1979). En effet, les caractéristiques des

scripts de carrière (cités à la fin de la partie précédente) nous permettront d’analyser et de comprendre

la construction de la carrière des différents managers de département interrogés. Ces scripts comportent

deux pans : individuel et organisationnel. Nous pouvons également retrouver les tactiques de

socialisation au niveau organisationnel. Selon les tactiques de socialisation utilisées (ou non) dès l’entrée

en fonction des travailleurs dans une entreprise et des scripts fournis (ou non) par cette entreprise, les

travailleurs seront guidés (ou non) dans leur trajectoire professionnelle.

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2. … À la pratique

2.1 Contextualisation

2.1.1 Objectif de la recherche

Notre recherche a pour but d’analyser la carrière des managers, salariés de l’entreprise α, présents

sur 3 sites (A, B, C) en Belgique, travaillant parmi un des 6 départements (logistique, production,

conditionnement, qualité, technique, gestion des ressources humaines) présentés dans notre travail. Dès

lors, notre question de recherche est la suivante : « Comment se construisent les carrières des managers

de département présents au sein de α et quelles trajectoires suivent-ils ? ».

2.1.2 Présentation de l’entreprise

L’entreprise α fait partie d’un groupe international qui est leader mondial dans son secteur,

l’agroalimentaire. Le groupe comprend différents sites de production et sièges sur tous les continents.

En Belgique, l’entreprise α emploie environ 2500 travailleurs3. La vision de l’entreprise est exprimée

sur base de dix principes qui sont structurés autour de trois grands axes4.

Notre étude s’effectuera au sein des 3 sites de production belges les plus importants. Deux sites, que

nous définirons comme A et B, se situent en Flandre. Un seul site, que nous définirons comme C, se

situe en Wallonie. Ces sites sont dirigés par un manager qui chapeaute la structure locale. Les managers

de sites ont sous leurs ordres des managers de département, responsables d’un département spécifique.

Il y a 6 grands départements au niveau de chaque structure locale, que nous définirons comme suit :

département logistique, département production, département conditionnement, département qualité,

département technique, département ressources humaines. Les managers de département supervisent

des cadres intermédiaires et des ingénieurs présents sur le terrain. Les services de gestion des ressources

humaines présents sur chaque site correspondent à des services supports qui dépendent du service de

gestion des ressources humaines situé au siège social du pays.

Soulignons que α met en place un programme d’induction et de développement du potentiel de

jeunes diplômés universitaires5. Nous nommerons ce programme : « programme M ». Ces futurs

managers suivent un an de formation dans plusieurs fonctions clés de l’entreprise, ce qui permet aux

jeunes managers sur lesquels l’entreprise mise, de comprendre le fonctionnement de celle-ci et d’être

suivi par un mentor.

3 Site internet, consulté le 25 juillet 2018 à 10h.

4 Idem.

5 Ibidem.

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Suite à cette formation, les diplômés entrent dans un rôle de manager, comme un cadre intermédiaire

par exemple. Le cadre intermédiaire peut rapidement devenir un cadre supérieur, un an et demi après

l’entrée en fonction, si les résultats sont positifs.

Figure 6 : Exemple de structure locale (A ou B ou C)

2.1.3 Analyse organisationnelle

Avant de débuter notre revue de littérature, qui nous permet d’aboutir à un cadre analytique,

reprenons brièvement Pichault et Nizet (2013) afin de comprendre les caractéristiques et les différents

mécanismes présents au sein de l’entreprise α. Comme nous le rappellent les auteurs, les différentes

configurations organisationnelles dévoilées par Mintzberg ne correspondent pas, in extenso, à une

entreprise. Le plus souvent, une entreprise représente un modèle hybride, reprenant différentes

caractéristiques de deux modèles (Pichault et Nizet, 2013)

2.1.3.1 Conception de la structure

Les opérateurs travaillant sur les lignes de production ne conçoivent pas leur travail et sont amenés

à prendre peu de décisions sur le nombre limité de tâches qu’ils effectuent. Nous pouvons dire que la

division du travail, autant horizontale que verticale est forte. Par contre, les managers et employés sont

amenés à prendre des initiatives et ont un nombre conséquent de tâches modulables. Ainsi, la division

du travail horizontale et verticale, pour cette catégorie de travailleurs, est faible.

Pour la plupart des ouvriers, la coordination du travail se fait par standardisation des procédés. Pour

les cadres, la coordination se fait par ajustement mutuel, mais aussi par standardisation des procédés

puisque, une fois les tâches pensées, celles-ci doivent entrer dans le cadre donné par les supérieurs. Un

autre exemple de standardisation des procédés est la certification interne qui a pour but d’uniformiser

les documents et procédés. Cependant, la standardisation des résultats reste prégnante au sein de α

puisque chaque département, et donc chaque manager de départements, reçoit des résultats à atteindre

Manager de site

Manager de département

Cadres intermédiaires

+ Ingénieurs

Manager de département

Cadres intermédiaires

+ Ingénieurs

Manager de département

Cadres intermédiaires

+ Ingénieurs

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par des managers des zones (la zone Europe, par exemple). Les mécanismes de liaison inter-unités se

font principalement par formalisation et plus précisément par le contrôle de performances.

Lorsque nous nous affairons à la différentiation et la départementalisation, à la fois l’input au niveau

régional et l’output au niveau international sont repris chez α. Chaque site correspond, en général, aux

marques de la région dans laquelle ces marques sont implantées. Par ailleurs, chaque site de production

possède un département correspondant à un type d’activité (logistique, conditionnement, etc.).

2.1.3.2 Pouvoir

Le pouvoir semble se situer principalement au niveau du sommet stratégique et des propriétaires qui

peuvent à tout moment actionner leur pouvoir de décision. Les analystes, pouvant être ici perçus comme

les cadres intermédiaires, disposent, eux aussi, d’une marge de manœuvre, car ils gèrent les équipes et

les process sur le terrain. Mais, sur les sites B et C, les syndicats sont plus que présents, ayant eux aussi

leur mot à dire. Il y a donc une décentralisation du pouvoir et une confrontation entre volonté de la

hiérarchie et réalité de terrain. L’intensité du pouvoir semble être forte au sein de l’entreprise α en raison

des jeux de pouvoirs exercés, notamment entre syndicats et sommets stratégiques.

2.1.3.3 But

La mission, les piliers et valeurs sont présents et observables sur site de production. Nous pouvons lire

notamment un slogan qui a pour but de favoriser l’autonomie et l’appropriation de la carrière par les

travailleurs. Pourtant, même si ces buts officiels sont présents, les buts opérants sont différents puisque

les décisions visent souvent l’efficacité et l’efficience de l’entreprise (demandé par les hauts

responsables). Les buts de mission sont, dans ce cas, cachés par des buts de système et sont

opérationnels, vérifiables, car ils sont basés sur des objectifs à atteindre.

2.1.3.4 Facteur de contexte

Si nous reprenons son historique, l’entreprise α est ancienne, importante et grande. Elle réalise ses

produits essentiellement en masse. L’entreprise se trouve dans une situation de quasi-monopole sur le

marché belge et dans le monde. Le marché est relativement prévisible et peu hostile, car l’entreprise est

fortement implantée dans les différentes régions. Le marché est également complexe étant donné la

nature du produit fabriqué.

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2.2 Méthodologie

2.2.1 Evolution de la problématique

Nous avons réalisé notre stage de quatre mois au sein de la structure locale de l’entreprise α.

Durant cette période, la fréquence de rotation des managers de département nous a interpellé. Nous

avons pu observer l’arrivée de deux nouveaux managers de département sur une courte période. Après

avoir discuté à plusieurs reprises et de manière informelle avec certains d’entre eux, nous avons compris

que cette rotation était considérée comme normale et fréquente au sein de ce public cible.

Le champ des trajectoires professionnelles dans le monde de l’économie est vaste. Avant de

trouver la problématique qui définit la ligne directrice de notre mémoire, nous nous étions dirigé vers

les concepts de carrière et de mobilité interne suite à nos observations et discussions sur le terrain. Dans

notre rapport de stage, nous nous sommes focalisé sur ces thématiques. Une question de départ est

ressortie : « Comment est gérée la mobilité des cadres au sein de α et quels sont ses impacts sur

l’organisation ? ». Quatre interviews avec des managers de département s’en sont suivies. Ces entretiens

étaient relativement libres (Van Campenhoudt & al., 2017) et comprenaient des questions générales sur

le thème des carrières et des mobilités. Ils peuvent être perçus comme des entretiens exploratoires

puisqu’ils nous ont permis de construire la problématique actuelle. Ils nous ont permis « d’ouvrir des

pistes de réflexion » (Van Campenhoudt & al., 2017 : 95). À la suite de ces entretiens, l’idée de script

de carrière au vu de la rotation fréquente des managers est devenue l’élément central de notre réflexion.

La question de la création et l’appropriation de la carrière de chacun des managers de

département s’est imposée comme une évidence. C’est dans ce contexte que nous avons décidé de traiter

ce sujet au sein de cette entreprise, à travers les discours des managers de département et sur base de

deux théories : les scripts de carrière (Barley & Tolbert, 1997) et les processus de socialisation (Van

Maanen & Schein, 1979). Ces points théoriques nous semblaient importants pour comprendre la manière

dont les carrières des managers de département sont créées, sur base de l’appropriation de cette carrière

par les individus en relation avec la politique de l’entreprise.

2.2.2 Méthode adoptée

Notre travail se fonde sur une logique d’analyse qualitative qui peut reprendre différentes

caractéristiques : « On considère que la méthode qualitative traite des données difficilement

quantifiables, qu’elle recourt à une méthode d’analyse souple et davantage inductive et qu’elle s’inspire

de l’expérience de la vie quotidienne et du sens commun qu’elle essaie de systématiser » (Douglas,

1976, cité par Nguyên-Duy & Luckerhoff, 2007 : 8). Nous avons adopté une démarche inductive.

Comme nous l’avons dit plus haut, nous avons rédigé une question de départ et lu plusieurs articles en

diversifiant nos sources (Van Campenhoudt & al., 2017). Ensuite, nous avons réalisé des entretiens

exploratoires. Nous avons analysé ces entretiens et, suite à cette phase exploratoire, nous avons décidé

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de choisir deux lecteurs ayant des affinités ou des connaissances dans le champ des carrières ainsi qu’un

représentant de l’entreprise α.

Ensuite, nous nous sommes renseigné sur les scripts de carrière et une question de recherche a

été formulée. La question suivante guide notre travail : « Comment se construisent les carrières des

managers de département présents au sein de α et quelles trajectoires suivent-ils ? ». Nous nous sommes

rendu sur le terrain afin de réaliser une batterie d’entretiens semi-directifs. Nos interlocuteurs étaient des

managers de département au sein de trois établissements de la société α. Ce type d’entretien accorde une

certaine liberté aux interlocuteurs grâce à un canevas modulable et permet de « retirer des éléments de

réflexion très riches et nuancés » (Van Campenhoudt & al., 2017 : 241). Sur cette base, nous avons mis

à plat les données récoltées et nous avons interprété les propos des différents interlocuteurs sur base

d’un cadre analytique, pour en arriver à une conclusion et quelques recommandations.

Figure 7 : Processus de création et d’écriture de mémoire

2.2.3 Récolte des données

Les entretiens réalisés dans la phase exploratoire ont été relativement ouverts, ceci permettant

de ne pas nous limiter. Les quelques lectures préalables à ces entretiens nous ont apporté un cadre (Van

Campenhoudt & al., 2017). Les entretiens (voir tableau ci-dessous) ont été réalisés auprès de quatre

managers de département présents sur le site wallon, durant environ trente minutes. Ils représentent une

seule et même catégorie de travailleurs, « le public directement concerné par l’étude » (Van

Campenhoudt & al., 2017 : 84). Il a été relativement facile de retirer des informations puisque, à ce

moment, notre posture de stagiaire les a aidés à se livrer. De la même manière, le cadre spatio-temporel

a permis de rassurer les interlocuteurs puisque les entretiens ont été réalisés au calme et en aparté, dans

des salles de réunion. Ils ont été enregistrés et retranscrits par la suite.

StageQuestion de

départRecherches préalables

Entretiens exploratoires

Rapport de stageInformations

supplémentairesQuestion de recherche

Entretiens

Cadre analytique Mise à plat AnalyseConclusion et

recommandations

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Département Site Programme M

Manager 1 Département

technique C Non

Manager 2 Département

technique C Oui

Manager 3 Département

logistique C Non

Manager 4 Département

production C Oui

Tableau 3 : Codage des entretiens exploratoires

Dans un second temps, les quinze entretiens semi-directifs pour notre recherche ont été réalisés

auprès du même type d’interlocuteurs : le public cible (Van Campenhoudt & al., 2017). Ces personnes

interrogées dans le cadre de notre recherche ont été contactées par e-mail et par téléphone. Les managers

de département provenaient de différents sites, sur lesquels nous nous sommes déplacé. Ces entretiens

se sont déroulés en français ou en anglais pour les managers provenant de Flandre, afin de faciliter les

échanges. Utiliser l’entretien semi-directif nous a permis de cadrer de manière précise les sujets abordés,

tout en laissant une certaine liberté aux managers. Grâce à une liste de questions adaptables, nous avons

tenté, tant bien que mal, de « laisser venir » (Van Campenhoudt & al., 2017 : 242) nos interlocuteurs,

les laisser parler sans tabou, durant environ quarante-cinq minutes. Ce type d’entretien amène les

interlocuteurs à se dévoiler, il permet d’analyser « leurs représentations sociales, […] leurs lectures de

leurs propres expériences, […] l’analyse d’un problème précis, […] les trajectoires de vie dans leur

dimensions sociales et individuelles » (Van Campenhoudt & al., 2017 : 244).

Le guide d’entretien (annexe I) rédigé au préalable nous a permis d’analyser en profondeur les

libertés et les contraintes que l’entreprise impose concernant les carrières des managers de département,

mais aussi d’analyser l’appropriation de la carrière par ces managers. Commencer par faire une fiche

signalétique de chaque manager nous a permis de les mettre en confiance et d’ouvrir la discussion. Ces

entretiens ont été enregistrés et retranscrits entièrement par la suite afin d’analyser en profondeur les

discours de chacun des managers, ceci nous permettant de relever certains propos, avis ou positions

importantes. Le tableau ci-dessous reprend notre échantillon, non représentatif. Pour les analyser les

discours des managers, nous avons classé les paroles de chacun sous différents thèmes et sous-thèmes

dans un tableau. Ceci nous a permis de réaliser, par la suite, notre classification.

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Nom Département Site Programme M

Manager de département 1 (M1) Technique C Oui

Manager de département 2 (M2) Technique C Non

Manager de département 3 (M3) Conditionnement C Non

Manager de département 4 (M4) Conditionnement C Oui

Manager de département 5 (M5) Qualité C Non

Manager de département 6 (M6) Production C Oui

Manager de département 7 (M7) Ressources humaines C Non

Manager de département 8 (M8) Production B Non

Manager de département 9 (M9) Qualité B Non

Manager de département 10 (M10) Technique B Non

Manager de département 11 (M11) Ressources humaines B Non

Manager de département 12 (M12) Technique A Non

Manager de département 13 (M13) Qualité A Non

Manager de département 14 (M14) Production A Non

Manager de département 15 (M15) Conditionnement A Non

Tableau 4 : Codage des entretiens semi-directifs

2.2.4 Difficultés et limites

Les entretiens semi-directifs nous ont permis d’établir un climat de confiance avec nos

interlocuteurs, même si une certaine méfiance était de mise de leur côté. Certains sujets comme la

rotation du personnel, le programme d’induction pour les jeunes managers, leurs avis et prise de position

sur certains sujets, apparemment plus sensibles, rendaient les réponses parfois incomplètes. Ces

situations ont pu créer un biais de désirabilité sociale. D’autant plus que nous n’adoptions plus une

posture d’étudiant stagiaire, mais simplement d’étudiant, n’appartenant plus à l’entreprise α.

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En outre, nous avons dû nous déplacer à plusieurs reprises sur trois sites différents (A, B et C)

dans toute la Belgique. Les disponibilités des managers restaient limitées, surtout celles des managers

appartenant à la population ayant suivi le programme d’induction des jeunes managers. Etant focalisés

sur leur fonction et leurs impératifs, ces derniers étaient parfois fermés à l’idée de participer à un

entretien. Il nous a fallu trouver les mots et tenter de les convaincre, parfois en vain. L’échantillon ne

représente donc pas la population des managers de département présents au sein de l’entreprise en

Belgique.

Un service dédié au développement de la population entière des cadres n’existant pas et ces

derniers étant livrés à eux-mêmes pour leur développement, il n’a pas été possible d’interviewer un

gestionnaire de formation interne à l’entreprise. Il aurait été intéressant de proposer au public concerné

par les entretiens un feedback reprenant les propos importants qui ressortent des entretiens afin de

récolter des informations complémentaires.

Enfin, il a été relativement compliqué de nous détacher de notre vécu lié à notre stage de quatre

mois. Nous avons malgré tout tenté de garder une certaine distance, de prendre du recul. De plus, nous

aurions désiré consulter des documents internes (explication approfondie de la vision de l’entreprise

concernant les carrières, possibilités de trajectoires, etc.) reprenant des informations sur les carrières

afin de réaliser une analyse documentaire au sein de α, documents que nous n’avons pas trouvés.

Après avoir discuté de notre méthode et des limites inhérentes à cette méthode, nous allons

mettre à plat les données récoltées lors des entretiens réalisés auprès des managers de département.

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2.3 Mise à plat des données récoltées

Nous abordons à présent la partie empirique du travail. Ce troisième chapitre de la partie

pratique comprend, en premier lieu, la mise à plat des données récoltées lors des 15 entretiens menés

avec les managers de département. Nous mettrons en avant la vision des travailleurs face à leur carrière,

les multiples chemins que peuvent emprunter les managers concernés. Également, nous nous attarderons

sur la manière dont ces travailleurs entrent en fonction, leur accompagnement possible et les outils qui

sont à leur disposition. Avant toute chose, nous essayerons de comprendre la vision de ce qu’est une

carrière par les managers de département.

2.3.1 La carrière selon des managers de département

Les managers de département ont tous une vision globale et semblable de ce que pourrait être

une carrière. Si peu d’entre eux avaient une idée précise lorsque nous posions la question en lien, les

managers, une carrière est une évolution composée de peu ou beaucoup de postes, d’étapes durant leur

vie professionnelle.

M1, département technique, site C : « Evoluer quoi et garder une constante

évolution. […] La fixité de l’entreprise, c’est mort. Pour nous, tu le sais très bien,

comme tu sais très bien quand tu sors de l’école que maintenant tu auras des

expériences de 4, 5 ans. […] De manière égoïste, de manière opportuniste, chaque

changement te rapporte. »

M3, département conditionnement, site C : « Ben oui, une carrière c’est ce que

tu as construit entre la date de début et la date de fin. Après, chacun construit ou subit

sa carrière comme il le peut. Je pense que c’est un peu fini les personnes, enfin, quand

j’étais gamin on disait, oui, tu rentres chez X ou Y, t’es parti et on y va jusqu’à la

pension… on a bien vu que c’était pas vrai. […] Il fut un temps où c’était inconcevable

pour moi [de partir], mais c’est plus inconcevable. »

M10, département technique, site B : « A partir du moment où tu regardes les

gens autour de toi et vois qu’en 5 ans ils ont fait 3 entreprises différentes, c’est peut-

être maintenant le trajet classique. […] Il faut évoluer quand le travail devient

rébarbatif et que tu en as marre de ce que tu fais. […] Il faut apprendre et avoir des

challenges. On marche au challenge ici. »

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Comme le souligne ce dernier manager, l’évolution peut résonner comme étant l’acquisition de

nouvelles connaissances et l’apprentissage de nouvelles compétences :

M2, département technique, site C, programme M : « Oui, je veux de l’évolution

dans mon boulot. […] C’est quelque chose de très important pour moi aussi, je n’aime

pas trop la vision des personnes aujourd’hui qui font du job hopping d’une société à

l’autre, justement pour évoluer. […] Je veux évoluer. A certains moments, être dans la

même routine chaque journée, ce n’est pas vraiment quelque chose pour moi. […] Au

niveau des compétences, mais pas seulement des compétences techniques, mais aussi

au niveau des compétences de gestion. »

M5, département qualité, site C : « C’était plus évoluer au sein d’un

laboratoire. [...] Mon objectif c’était pas de faire une routine, voilà. J’avais pas envie

de faire de la routine, donc je voulais apprendre, donc toutes les portes qui s’ouvraient,

je fonçais dedans. »

M6, département production, site C, programme M : « Pour moi une carrière,

c’est occuper plusieurs postes, mais je n’avais pas quelque chose dans la tête. […]

J’aime changer de fonction parce que si je fais quelque chose pour un plus long terme,

ça commence à m’énerver, à m’ennuyer et je n’ai plus de challenge et je me sens trop

à l’aise et je ne me développe plus et je deviens un peu paresseux. […] Oui, évoluer. »

M7, département ressources humaines, site C : « Pour moi, dès le départ,

c’était de prendre des connaissances dans différents postes. Donc évoluer dans la boite,

dans différents postes […] avec des mouvements horizontaux et puis verticaux. »

D’autres managers de département ont une conception différente de la carrière et de l’évolution

dans une carrière. Certains mettent l’accent sur une évolution verticale, hiérarchique :

M4, département conditionnement, site C, programme M : « Je ne savais pas

où aller travailler, mais je savais que je voulais évoluer dans la société où j’allais

travailler. […] Evoluer, toujours évoluer. […] Un poste le plus vite possible où je

pouvais prendre des décisions stratégiques pour la société dans laquelle je travaillais. »

M10, département technique, site B : « Je me suis toujours fixé des objectifs

dans ma carrière, je fonctionne comme ça. Mon objectif que j’avais c’était d’être

manager. »

M14, département production, site A : « General management dans une

entreprise, peu importe où. De préférence dans le secteur de l’alimentaire. »

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M15, département conditionnement, site A : « In the beginning, when I finished

my studies, I had a certain position in my mind which I wanted to achieve within a

certain period. It was not linked with a company name. […] I wanted to be site

manager. »

Plusieurs aspects ressortent de ces extraits. Les managers de département changent de fonction

pour différentes raisons, mais ont tous une motivation : le challenge. Certains managers aiment

apprendre et accumuler des connaissances. La routine ou un travail rébarbatif les poussent à évoluer

latéralement ou verticalement. Pour d’autres, l’envie d’évoluer verticalement et non latéralement, de

changer de statut dans l’entreprise est essentiel. Lors des entretiens, notre public cible n’a pas évoqué

ouvertement un changement d’entreprise, mais seulement un changement de fonction. D’ailleurs, tous

soulignent une envie d’évoluer sur du long terme au sein de α lorsque nous leur parlons d’avenir, voire

de rêve (comme le souligne un des principes de l’entreprise), car ils se sentent en phase avec la culture.

Voici quelques exemples de propos récoltés :

M2, département technique, site C, programme M : « Au niveau de mon

sentiment vis-à-vis de la vision de la société je suis complètement aligné. Si à ce

moment, ça se passe mal, c’est parce que cela va se passer avec mon chef. Dans ce cas,

il y a des autres solutions que de quitter, mais aussi changer de nouveau de fonction. »

M4, département conditionnement, site C, programme M : « J’avais pas en tête

que j’allais choisir une entreprise pour laquelle j’allais travailler toute ma vie, mais je

suis me retrouvé dans une société où je me sens bien, dans la culture qu’on a jusqu’à

maintenant donc ... […] A court terme je veux devenir responsable d’un site. […] Oui

j’ai un rêve : responsable d’Europe, mais je ne regarde pas si loin. »

M6, département production, site C, programme M : « J’ai déjà pensé et je ne

vois pas ce que je veux encore être. Est-ce qu’il y a encore une autre société où je veux

travailler à côté de α … Je n’ai pas encore trouvé une société qui me plait plus. […]

Ici, j’ai la combinaison avec beaucoup d’opportunités de carrière, le secteur, la vie

industrielle. C’est un peu tout ce que je cherche dans mon travail qui est ici chez α et

qui … Je ne pense pas, que d’autres sociétés [qui] existent peuvent m’offrir les mêmes

choses. »

M9, département qualité, site B : « The goal is to stay here, I am α, it is in my

blood. I don’t want to move. But there is a big competition, we are developing people

that are better than us and they also need to grow. […] I never stop learning and

training. I still grow with α. »

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M11, département ressources humaines, site B : « I want to stay here. I like the

company a lot. […] It has been 8 months. »

M14, département production, site A : « Je voudrais finir ici et devenir manager

de site, mais je suis conscient du reste. J’ai encore 20 ans de carrière. […] Mais j’aime

bien le travail, c’est une belle entreprise. »

2.3.2 La trajectoire d’un manager de département chez α

Durant les différents entretiens, les managers ont été amenés à nous décrire la vision de la

carrière selon α et le parcours type qu’un salarié devrait suivre pour devenir manager de département,

selon les codes de l’entreprise. Comme en témoignent les entretiens, l’entreprise comprend deux types

de salariés : ceux ayant une rotation importante comme les managers de département, et d’autres dits

« spécialistes » dans leur fonction :

M3, département conditionnement, site C : « Avant c’était plutôt des gens de

terrain qui montaient et ça se fait encore un petit peu, mais maintenant ils introduisent

beaucoup de personnes du programme M. »

M4, département conditionnement, site C, programme M : « Chaque société a

besoin de personnes qui veulent être le moteur derrière le changement. […] Il faut aussi

des gens […] qui deviennent un peu spécialistes, qui aiment leur rôle, qui sont bien, les

meilleurs dans leur rôle, qui ont leur mentalité de changement. […] Il faut les deux

profils. […] C’est toujours moi à exprimer mon ambition et après il faut regarder

ensemble avec l’entreprise qu’il y a un poste qui se libère. »

M7, département ressources humaines, site C : « Tu peux faire carrière chez α

en étant comptable et en restant 30 ans dans la même place. On ne demandera pas à

tous les niveaux de bouger beaucoup. Si la personne est engagée, on devrait faire en

sorte qu’il y a un fit avec α, d’en vouloir et de bouger. »

Nous l’avons souligné précédemment, notre public cible fait face à une mobilité accrue. Tous

les deux ou trois ans, voire cinq ans, les managers de département sont amenés à changer de fonction6 :

M2, département technique, site C, programme M : « Je suis seulement depuis

6 mois dans ma fonction, j’ai encore bien besoin de deux ans pour bien finir la mission

6 Vous trouverez en annexe II une schématisation des parcours de chaque manager.

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que j’ai donnée à moi-même. Ici, la moyenne c’est à peu près trois ans. […] Ça dépend

de l’expérience que tu as dans le boulot. »

M3, département conditionnement, site C : « Leur vision de la carrière (chez α)

évolue fortement, […] ils sont plus à l’air du temps où les gens tournent et où il faut

booster les gens et il faut que les gens soient boostés perpétuellement et le mieux c’est

quand ils sont autoboostés. »

M11, département ressources humaines, site B : « I was here for 3 months and

my boss asked me what’s my next move. I said wow, I just started, I’m not going to move

now. We need stability here, it would not be a good sign to move after a year. »

M12, département technique, site A : « Ici, un manager de département est resté

18 mois dernièrement, ça c’est peu. Il n’a jamais terminé ses fondations et on a dû

construire sa maison. En général, les managers restent 2 ou 3 ans. Ça dépend un peu. »

M15, département conditionnenemt, site A : « One year here is long because

it’s turning fast. Every 2 or 3 years and even quicker. […] There are a lot of internal

moves. »

Ensuite, certains managers ont détaillé un parcours particulier à suivre pour devenir manager de

département : commencer en tant qu’ingénieur et monter les échelons au fur et à mesure en passant par

différentes fonctions pour avoir une vue globale sur les différents départements. Aussi, les managers

proviennent principalement de postes internes à l’entreprise, à la suite de mouvements horizontaux ou

verticaux. Tous n’ont pas spécifié le programme M comme étant la première étape afin de devenir

manager de département :

M2, département technique, site C, programme M : « J’ai fait le programme M,

ça m’a permis de regarder dans plusieurs départements [...] Le trajet idéal est de dire

ok, département production, un an département conditionnement, un an département

technique, un an département logistique et après 5 ans que tu sais tout. […] Tu es

multidisciplinaire. »

M11, département ressources humaines, site B : « If you come from the

program, after a certain amount of years you are expected to be director. In a very

relatively short amount of years, 5 years. Some of them are 30 years. »

M13, département qualité, site A : « You start as a middle manager, become an

engineer, then a manager. »

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M14, département production, site A : « On commence idéalement par le

programme M, un cadre intermédiaire, une autre étape (accounting en finance ou

ingénieur), puis manager de département, manager de site. Tous les 2 ou 3 ans, tu

changes de fonction. »

Néanmoins, trois managers récemment arrivés dans l’entreprise ne proviennent pas du terrain,

mais bien d’une entreprise externe. Ils semblent être un cas relativement rare au sein des « management

teams » locales :

M15, département conditionnenemt, site A : « I’m quite a strange thing in the α

world. [...] It was quite abnormal that somebody from an external position become a

department manager. I am aware that the human resources department has got KPI. I

am sitting at a certain level and the population should come from the internal

promotion. »

Lorsque nous posions la question d’une possible différence entre les salariés classiques et les

salariés ayant suivi le programme M, les réponses variaient. Le programme ne semble pas être compris

de la même façon par tous les salariés ne l’ayant pas suivi :

M3, département conditionnement, site C : « Les jeunes qui suivent le

programme M c’est ce qu’ils recherchent aussi, ils veulent quand même un esprit α.

[…] C’est des gens qu’on fait bouger, qui n’ont pas de limite. […] Par contre, je ne vois

pas ce qu’ils font avec les jeunes qui ne sortent pas de leur filière. On a des très, très

bons jeunes qui ne sortent pas de leur filière et ils sont mis de côté. […] Ils ont les

mêmes capacités, imaginons même que ce soient des clones, des jumeaux… Et le mec

qui a suivi le programme M, on va s’occuper de lui, le chouchouter, le former, le

formater à mort, c’est le bijou, le diamant brut… Et l’autre, on va le laisser un peu se

débrouiller tout seul. […] Chaque fois qu’il va vouloir monter, il sera bloqué par

quelqu’un qui va venir et qui aura le même âge, mais qui aura suivi toute la

formation. […] Toutes les places un peu intéressantes se font prendre par le programme

M. […] Pour mettre en valeur leur programme, il faut qu’on montre que ceux qui sortent

de là, ce sont les bons. »

M8, département production, site B : « The program is very good. I have a

different profile from them. We really attract people that have a lot of skills and I think

we attract very good people. The way we treat the young is not always good in a way

that we push them to grow in a sometime unrealistic way, too fast. […] You don’t hear

me say I want to be the next CEO of the company. […] With the ones that follow the

program, they put a focus on their future, they have plans. And in a way that is not bad

but experiences and knowledge in supply is really important. […] We attract the best. »

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M9, département qualité, site B : « When I started 13 years ago, the

management trainee program started. I had the feeling that the young have got the

priority, they were the priority. You are experienced, but you are not in the picture. You

are fighting against and they have more opportunities, it was the feeling at that moment.

So you have to outperform. […] I realized that it may not be possible to stay until the

retirement with the program. »

M10, département technique, site B : « Pour moi, je pense qu’ils l’ont [la

priorité]. On ne te le dira pas. Ils connaissent aussi plus de monde et on a investi en

eux. Ils ont eu des réunions avec des grands chefs qui entendent des noms. Et s’ils sont

bons, on les choisira plus facilement. Et à terme, on risque de manquer d’expérience

d’ici 10 ou 15 ans, car il y aura beaucoup de très jeunes managers. […] Et si j’étais

rentré 2 ans plus tard comme je suis rentré, je ne serais peut-être jamais [devenu]

manager. Et on m’aurait même peut-être pas proposé un poste après mon stage ou on

m’aurait proposé le programme. Ça a ses pours et ses contres. […] Il y a beaucoup de

politique donc ils font attention à ce qu’ils disent et font. On n’est pas sur la même

planète, mais ils n’avancent pas plus rapidement. Ils avancent d’une manière différente.

Ils font du show, bluffent et le font bien. Ils ont beaucoup de confiance en eux. Les jeunes

qui ont suivi le programme sont sûrs d’eux, depuis qu’ils sont nés. Et on leur dit durant

le programme, on leur répète qu’ils sont les meilleurs et qu’ils représentent l’avenir. »

M12, département technique, site A : « (rires) On se dit quelqu’un ayant suivi

le programme va plus vite [pour évoluer]. Pourquoi eux reçoivent plus de visibilité ?

Ils doivent être bons. Ils ont plus d’accès et c’est la façon dont leur programme est

conçu, je pense. Ils sont connus à plus haut niveau. A compétences égales, ils ont plus

de chance, je pense. […] Ils ont l’avantage du networking grâce à leur formation. Ça,

les autres ne l’ont pas et c’est pas correct. Tout le monde est très occupé, si tu n’es pas

un d’entre eux, c’est pas évident le networking. »

M15, département conditionnement, site A : « The program is very strong,

good. There are very young people who are already one position higher. They have

director in the title. […] Due to the program and the drilling they have during the first

months, the full population is walking around even if they just came in, tomorrow they

will be the new CEO. Everybody wants to be at that position. It’s not possible. […] But

everybody thinks that way. It’s in the culture. You have to dream. »

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Nos trois interlocuteurs ayant suivi le programme M adoptent, eux, le même discours. A la fin

de leur parcours, les bénéficiaires du programme M doivent proposer trois fonctions qui leur plaisent et

dans lesquelles ils souhaitent évoluer. Par la suite, ils semblent être suivis et doivent évoluer dans la

structure, latéralement et hiérarchiquement :

M2, département technique, site C, programme M : « Il y a aussi des return

investment sur ta personne. […] Pour moi comme j’ai suivi la formation, oui [je suis

obligé d’avancer]. Il y a un tracking derrière. »

M4, département conditionnement, site C, programme M : « [Après le

programme M] tu notes trois postes qui t’intéressent et on va choisir pour toi le poste. »

M6, département production, site C, programme M : « Dès le départ en ayant

fini ta formation, tu t’es dit j’ai envie d’évoluer. […] J’ai commencé comme en suivant

le programme M avec des gens qui sont déjà directeurs depuis 2 ans […] c’est toujours

dans l’arrière de la tête que tu dois penser que tu dois bouger, monter dans

l’organisation donc à ce moment-là je ne voulais plus être ingénieur. […] Il n’y avait

pas d’autre choix. C’est ça ou dehors. […] Up or out […] J’avais déjà un accord avec

un manager là et j’avais fait un projet dans la production au site A et apparemment

[cela] s’était bien passé et il a demandé est-ce que tu peux commencer chez nous. J’étais

demandeur aussi et c’était mon premier choix parce que, tu dois quand tu suis le

programme, donner 3 choix et je crois que cadre intermédiaire à la production était

mon premier choix et j’ai été choisi après. »

Comme les extraits précédents le démontrent, les salariés ayant suivi le programme M semblent

être avantagés par l’entreprise, car ils se sont bâti un réseau et proviennent du programme M. De plus,

l’entreprise α met en avant ces travailleurs afin d’avoir des retours sur investissements, qui sont

conséquents. Par ailleurs, la visibilité et la capacité à se mettre en avant, soi et ses projets, tout comme

les discussions informelles entre un salarié voulant évoluer et son supérieur hiérarchique semblent être

des éléments importants pour construire sa carrière au sein de l’entreprise :

M1, département technique, site C : « Ceux qui veulent faire le programme

technique vont être refusés. Si on sait que on les fera pas monter demain, ils vont être

refusés. Si on croit en toi [silence]. Pour certaines formations, ils doivent te faire monter

à la fin de la formation. Ça oui, mais ça c’est des gens qui, avant, ont déjà préparé leur

sélection. Il faut dire que c’est des gens, […] ils sont sur des plateformes politiques et

des plateformes de discussions, il faut aller au site A. […] Moi, je pense que sur le long

terme, je serai bloqué. Parce que je n’ai pas la visibilité nécessaire pour évoluer, tu es

dans un entonnoir, enfin une pyramide ... Chaque étape c’est plus difficile de passer à

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l’étape suivante, à chaque fois t’es face à une politique qui prend de plus en plus de

place. Tu le vois bien ici, le manager de site, on lui dit ce sera lui ton nouveau manager

au conditionnement. Il m’a proposé, c’est pas lui qui m’a choisi. […] C’est de la

politique, ils sont depuis 5 ans sur toutes les bonnes plateformes. Y’a des gars qui sont

directeur Europe à 33 ans »

M4, département conditionnement, site C, programme M : « [Après le

programme M] tu notes trois postes qui t’intéressent et on va choisir pour toi le

poste. C’est d’un côté, la procédure. De l’autre côté, la réalité derrière c’est que si tu

as déjà une vue sur un certain poste, rien ne t’empêche d’aller déjà parler avec le

manager pour voir si oui ou non, il y a un match pour voir si ça ira et à ce moment-là. »

M5, département qualité, site C : « Ça devient plus politique quand on devient

cadre de management avec les hautes sphères de α. […] On te guide gentiment parfois

ou on t’impose plus. […] Personnellement, c’est une partie qui m’intéresse pas, le côté

politique, stratégique, placer les bons pions. On dit toujours les bonnes personnes au

bon endroit. […] Mais moi, je ne me sens pas propriétaire de ma carrière. »

M8, département production, site B : « I was interested [in his job] so I spoke

with him and asked him to be on his succession list. You must speak, show you want

something. You don’t get anything for free. You need to be clear on what you want. So

that you have a lot of possibilities. You have to talk with people […] You have to do

your job well, do something extra […] I don’t think [you can decide about your career]

but you can influence it. You need to be clear on what you want and don’t want. »

M10, département technique, site B : « Il faut connaitre certaines personnes

aussi et il faut que les gens sachent ce que tu veux et ce que tu vaux. Il faut de la visibilité.

[…] Il est aussi important d’avoir le bon chef au bon moment. […] C’est lui qui va te

vendre à son chef, qui va te vendre auprès des autres pour que tu puisses bouger comme

tu le veux. Il a une importance sous-estimée, je pense. Si tu n’es pas bien jugé, il peut

aussi essayer de te mettre sur le côté où il ne parlera pas en bien de toi à d’autres

niveaux et ça ne t’aidera pas pour ta carrière. »

M12, département technique, site A : « On trouvait que j’étais pas assez

vendeur, etc. […] Je l’ai utilisé 2 ou 3 fois [LinkedIn]. […] Ce qui n’est pas dans ta

nature. Et c’est pour ça que parfois j’ai un peu de mal. Et parfois tu n’as pas le temps

ou c’est pas dans ta tête. Pendant 4 ans, quand j’étais ingénieur, je n’avais pas le temps.

Et à ce moment-là, mon éclat c’était de faire tourner le site dans ces conditions, c’était

ma plus-value qui était pas visible […] J’ai jamais été bon vendeur et c’est pour ça

aussi que j’ai mis autant de temps pour être manager. J’ai les compétences techniques,

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la gestion d’hommes, mais je n’ai pas la visibilité. […] Parfois on a pas le choix,

certaines offres ne passent pas aux valves. Il y a parfois une contradiction. Si t’as pas

l’entretien de position, t’es pas promu. Le fait que ma fonction [actuelle pour le devenir]

soit passée aux valves, c’est exceptionnel. Ça ne passe plus assez aux valves. »

M13, département qualité, site A : « The more visibility you have, the more you

are in front of the higher management and your chances are better. […] It’s up to you,

they advise you. It’s a discussion with your line manager. If he’s good and the relation

is good, he will develop you. »

M14, département production, site A : « Il y a toujours le grand chef de

production. Ce qu’il faut faire c’est le convaincre, dans sa tête, que tu es la personne

idéale. […] Il faut parler avec les gens qui font le job. Tu dis à ton manager ce que tu

veux et lui parlera pour toi. A un certain moment aussi, c’est le grand chef qui décide.

Le manager propose le numéro de l’entretien de position, puis le manager de site le

soumet au management commitee qui en discute. C’est pour ça qu’il faut se montrer. »

M15, département conditionnement, site A : « If you don’t make it yours, they

will not come to you. They should know you and it’s also your own personal branding.

You have to sell yourself in the company. That’s not always easy because showing a

sustainable progress for 3 years is not always enough to sell yourself. You can do it by

inventing something. You have to make sure that it’s fit and sticks. Your box can be

empty, that happens. […] When I came in, I saw things in my department that are being

set up by them but just within a presentation or taking some pictures and sending it to

the other side of the street : “look what I’ve done”. It’s part of their program. They are

obliged to post a number of reports, pictures on LinkedIn. Just to give α more

appearance and attractiveness in the market. »

Enfin, il a été question de la marge de manœuvre de chacun des managers de département.

Certains d’entre eux mettent en avant le slogan de l’entreprise qui promeut l’appropriation et la gestion

individuelle de la carrière :

M2, département technique, site C, programme M : « Le slogan est [slogan qui

met en avant l’appropriation de la carrière], c’est à toi de le faire. […] Si tu penses que

tu as de la valeur ajoutée, que tu veux faire une autre chose, tu as le droit pour le dire

et ils vont trouver une valeur ajoutée pour eux. […] A certains moments, si je ne veux

pas que ça se passe comme ça, je dois le dire et jusqu’à maintenant, j’ai toujours dit

oui. Il y a encore des défis. […] C’est faire ce que tu as envie de faire. Tu peux dire la

direction que tu veux avoir, mais la place exacte où tu vas arriver c’est ensemble avec

α. […] Ils proposent. A toi d’accepter ou refuser. »

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M4, département conditionnement, site C, programme M : « C’est toi qui

choisis ta carrière. Ici chez α, tu choisis ta carrière. Après, c’est à toi de décider si tu

prends aussi les opportunités. […] C’est l’entreprise qui décide, c’est moi qui exprime

après c’est moi qui décide je peux décider de dire non, après il faut décider d’être

opportuniste. On n’a pas toujours les opportunités à chaque moment donc on peut dire

non, moi je veux faire que ça, il y a une place vacante. Il faut aussi savoir un peu être

ouvert, accepter ce qu’on t’offre, si ça cadre toujours ton plan. […] Ben, si tu dis 2-3

fois non, tu peux oublier. »

M7, département ressources humaines, site C : « Du haut de mes 3 mois

d’expérience et de façon générale, on ne peut pas forcer quelqu’un. […] Tu es maitre

de ta carrière. Il n’y a pas d’outils, mais des opportunités ouvertes. »

M10, département technique, site A : « C’est toi qui gères ta carrière. C’est toi

qui dois dire, montrer ce dont tu as envie. S’ils savent ce dont tu as envie, que tu as les

résultats et que tu as la culture d’entreprise, on te proposera la place. Tu dois vraiment

dire ce que tu veux. »

M11, département ressources humaines, site B : « What’s amazing here is that

if I want to work in customer care, I would have that opportunity. You don’t have that

in a lot of companies. […] Here, they look at what we want and they give us a trial. You

need the basics of course but for people who want to move and taste different things,

it’s great. Or people who look for stability and calm, it’s not the right company. The

career is evolving, and the company changes so fast so you have to be able to cope with

the changes. »

M14, département production, site A : « Je gère ma carrière, la personne gère

la carrière, mais c’est aussi le slogan. »

M9, département qualité, site B : You have a one to one every six weeks with

your line manager. You can discuss with your KPI’s, frustrations, I need that as a

training, and so on. You can develop your development and needs They are really open.

They advise you. The [position de positionnement] is your annual scoring based on your

results and behaviour. Then you have a personal plan and you discuss what you needs.

[slogan qui met en avant l’appropriation de la carrière]. »

Cependant, pour cette population, un discours sous-jacent apparait. En effet, même s’ils

s’approprient leur carrière, l’entreprise choisit les fonctions dans lesquelles ils évoluent ou évolueront :

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M2, département technique, site C, programme M : « [A] chaque fois, […] ils

sonnent et demandent si je veux bien prendre le boulot. […] Je connais la production,

le conditionnement, je connais la maintenance. Ce sont les départements que j’aime

bien. Mais à certains moments, s’ils me disent que tu veux faire vertical move et qu’ils

me disent logistique je vais dire oui. […] J’ai laissé passer à certains moments [certains

postes], c’est ma propre responsabilité. »

M4, département conditionnement, site C, programme M : « C’est toi qui

choisis ta carrière. Ici chez α, tu choisis ta carrière. Après, c’est à toi de décider si tu

prends aussi les opportunités. […] Finalement c’est α qui décide. C’est normal, c’est

l’entreprise qui décide comme elle s’organise. Ça me semble normal. […] Si tu dis 2-3

fois non, tu peux oublier. »

D’autres ne se sentent pas en pleine possession de leur carrière, celle-ci ne leur appartient pas et

ils ont une marge de manœuvre faible. L’entreprise décide pour eux les différentes fonctions dans

lesquelles ils entreront, tout en mettant en avant l’appropriation de la carrière :

M1, département technique, site C : « C’est à toi de prendre la place. Tu es

dans un monde où tu n’as pas de place, si tu attends qu’on te donne tu n’auras rien.

[…] T’as pas beaucoup de marge de manœuvre, disons que tu as une énorme... En fait,

c’est toujours la même chose. Tu es dans un monde où c’est toi-même qui te crées ta

liberté tout en se rendant compte qu’il y a un moment où tu vas aller sur des limites.

[…] C’est à dire que moi, je suis libre de changer, je peux postuler. Il y a une espèce

de dynamique qui est là, mais c’est bullshit puisque tu te rends bien compte il y a des

niveaux comme ça on ne va pas mettre le premier qui veut venir. »

M3, département conditionnement, site C : « On est limite une secte, hein,

maintenant. On n’a plus aucune liberté. Tu n’as… Ma marge de manœuvre, maintenant,

c’est pas ma carrière parce que ma carrière c’est peut-être qu’un jour on va venir me

trouver et me dire tu vas là… Alors ma marge de manœuvre ce sera de dire non, mais

tu peux pas dire 4 fois non. »

M5, département qualité, site C : « Si α, surtout maintenant décide, c’est fini

ton rôle maintenant, tu vas dans cette fonction-là… Je crois que je n’ai pas mon mot à

dire… Soit j’y vais, soit on me dira au revoir… C’est pour ça que je ne suis pas sûr

qu’on est propriétaire de notre carrière. […] Je suis certain qu’il y en a qui sont guidés,

certains qu’on ne guide même pas et t’as pas le choix, tu vas là, là. […] Je crois que je

n’ai pas mon mot à dire [silence] Soit j’y vais, soit on me dira au revoir. C’est pour ça

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que je ne suis pas sûr qu’on est propriétaire de notre carrière. […] Mais moi, je ne me

sens pas propriétaire de ma carrière. »

M12, département technique, site A : « Ma marge de manœuvre au niveau de

ma gestion de carrière est faible. L’entreprise a les cartes en mains, en fait. »

M13, département qualité, site A : « I can say I will move in a couple of months.

And know I will move because I said I have seen everything and I want to do something

else. […] I just explain my interest. I am open to a lot of things in terms of technical

challenge, new experiences. »

M15, département conditionnement, site A : « I am sure they are willing to listen

the direction you want to go and α is also a company that is saying, let’s take you out

of your comfort zone. In the next months it will be difficult but at the end you will learn

a lot and deliver to the company. They will not always listen to our direction only. You

have choices sometimes and at the end you need to follow. »

Comme nous venons de le voir, la marge de liberté laissée par l’entreprise aux managers semble

être perçue de différentes manières selon les managers de département. D’ailleurs, plusieurs d’entre eux

ont indiqué qu’il était difficile de refuser une offre, un nouveau poste lorsque celui-ci leur est proposé :

M2, département technique, site C, programme M : « Tu peux dire non, pas trop

souvent, mais à certains moments, si tu sais bien où tu veux aller, tu peux dire non. […]

Ça reste une hiérarchie. »

M8, département production, site B : « The thing is or you fit in the culture or

you don’t. there are certain views. It is easier to follow rather than fight them.

inherently, I challenge things and I don’t always follow the common path but you make

it so hard on yourself if you do it. »

M10, département technique, site B : « c’est [slogan qui met en avant

l’appropriation de la carrière]. Je décide ce que je veux, je peux dire non pour un poste.

[…] Ça peut être perçu comme un manque de motivation. C’est pour ça que je dis aussi

que je dis que je ne vais pas encore faire 20 ans chez α. […] Si tu refuses plusieurs

postes d’affilée, ils vont se demander ce que tu veux faire. Est-ce que tu veux rester toute

ta carrière dans la même fonction ? Ce qui ne leur convient pas parce qu’ils veulent du

mouvement, tu vas devenir un bloqueur. Et si tu as des moins bons résultats, ils

essayeront peut-être de te pousser vers la sortie. »

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2.3.3 Les outils de gestion de carrière

Durant les entretiens, nous avons demandé si les travailleurs pouvaient s’appuyer sur certains

outils de gestion de carrière existant au sein de l’entreprise. Même si tous les managers ne sont pas

d’accord sur l’utilité et l’objectivité de certains outils de gestion de carrière, la majorité nous en a donné

cinq : a) ce que nous appellerons l’entretien de positionnement qui permet de situer le travailleur7, b) un

plan de succession, c) des entretiens individuels, d) une université interne à α qui est une plateforme de

formation en ligne, e) quelques formations dans plusieurs domaines précis. Tous les managers ne

comprennent ou n’utilisent pas les outils de la même manière :

M1, département technique, site C : « Il y a des formations […] [L’entretien de

positionnement] c’est un outil qui est nécessaire, mais tu vois que c’est pas le seul outil

à regarder. Il y a un choix derrière. Déjà, il y un coté qui n’est pas forcément objectif.

Si le mec est bien perçu au-dessus, il y a un moment, ils peuvent remonter. Selon la

perception du gars déjà, c’est pas un outil du responsable vis-à-vis de son équipe et

c’est ça le problème, c’est que tu n’as jamais la responsabilité, tu proposes. Tu passes

ton temps à proposer. […] C’est piloté. C’est un pilotage […] Mais finalement quand

tu regardes, ce n’est que transmettre l’image que la direction a sur la personne. Ça ne

veut pas dire... Ca n’engage à rien [l’entretien de positionnement]. Il y a des gars qui

sont 4 depuis des années et ils n’ont jamais évolué. […] Quand tu pars d’ici et que tu

es 3 et que tu reviens, que tu es un, le groupe a une perception de toi qui est pas bonne,

là c’est clairement dur de bouger, mais j’ai vu des 1 bouger. […] Outil d’image, de

gestion de carrière, mais à côté de ça tu as α université […]. Tout ça, mais c’est triste

à dire c’est des plateformes où ils sont [les travailleurs ayant suivi le programme M]

tout le temps marketing, des événementiels, sur du networking. »

M3, département conditionnement, site C, programme M : « il y a les entretiens

de positionnement […] Tu viens ici, première année, super bon, tu es 3. Alors, on fait

un plan de développement. Dans le plan de développement, tu vas commencer à dire ça

m’intéresse, ça m’intéresse, je me vois plutôt dans le commercial. »

M4, département conditionnement, site C, programme M : « l’entretien de

positionnement c’est, oui, c’est un outil de carrière, un outil qui nous permet justement

d’avoir un outil de routine pour gérer la carrière. […] L’entretien de positionnement

7 De cet entretien ressortent des cotations allant de 1 à 4. Le plus petit nombre signifie que le travailleur doit partir

de l’entreprise et le plus grand nombre signifie que le travailleur doit effectuer une mobilité. Durant cet entretien,

le N+1 donne cette cote à son travailleur, sans que le travailleur la connaisse. Cette dernière cote remonte au niveau

du « management team Europe ». La cote finale est donnée par ces derniers managers.

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pour le futur et le competency review avant l’entretien. […] Après, il sort un plan de

développement pour l’employé. […] Ce dernier est un outil qui définit la carrière. […]

α université, en fait, c’est une plateforme de formations qu’on a mise en place. Il y a le

competency review qu’on fait après le plan de développement [qui] sort de ça. Dans ce

plan de développement, il y a une partie qui est on the job où tu vas te développer en

autre job et une partie qui va être des formations euh … Formelles. »

M5, département qualité, site C : « Oui [l’entretien de positionnement] c’est un

outil, mais personnellement, un autre outil mis en place, c’est α université. Tu as

beaucoup d’opportunités d’avoir des supports pour te former de toi-même sans

forcément aller dans des réunions qui durent, des trainings qui durent une à deux

semaines d’affilée. Il y a plein de petits trucs que tu peux faire, il y a plein de trucs que

tu peux développer toi-même. […] Ceux qui n’en parlent pas, c’est ceux qui vont pas

voir. […] Maintenant, il faut avoir du temps. Je reviens un peu à ce que je disais tantôt…

Je veux un équilibre entre la famille et le travail, ben un moment donné, ben je dis oui,

ça existe, mais je vais pas le faire parce que j’ai pas le temps. »

M7, département ressources humaines, site C :« Tu es maitre de ta carrière. Il

n’y a pas d’outils, mais des opportunités ouvertes. C’est à toi de te le créer. […]

L’entretien de positionnement n’est pas un outil de plan de carrière, c’est un signal

qu’une personne est considérée par son responsable pour faire un saut vertical. Il n’y

a pas de documents là-dessus. […] α université n’est pas un outil. Tu peux y aller si tu

veux. Je ne suis pas sûr qu’il y ait un suivi. »

M8, département production, site B : « You have the […] competency review,

the [entretien de positionnement] and the personal development plan. What is important

is this, and it’s well organised. When you say tools, I think about α university and so on.

The thing is I did a lot of trainings. I cannot complain about this, I had a lot of

opportunities here. In the first year, I did a lot of them but they are not organised

anymore. »

M10, département technique, site B : « α université dont je parlais. Avec les

entretiens de positionnement, ça peut être un outil, car tu dis ce en quoi tu veux être

formé. Mais ce n’est pas pour ça que tu vas pas recevoir [des formations]. »

M12, département technique, site A : « Oui, il y a l’entretien de positionnement.

Je ne l’ai jamais utilisée. On sait que ça va arriver maintenant et c’est le moyen

approprié, mais je n’ai jamais pensé comme ça en me disant que c’est maintenant qu’il

faut faire du frotte-manche. J’ai jamais été bon vendeur et c’est pour ça aussi que j’ai

mis autant de temps pour être manager. »

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M13, département qualité, site A : « The problem is that if you stay so long in a

4 position, they say you are good but you don’t move you think about what’s wrong.

And they didn’t tell me what position is next. So I asked my manager, and he didn’t

know. He is a kind of intermediary with the director. They actually don’t know what

position will be open. So if they find a position that suits me, they will make me move.

[…] You have also the coaching with your manager during the year and α university

and some trainings. »

2.3.4 L’entrée en fonction d’un manager de département

Avant toute chose, rappelons-nous que l’entreprise a mis en place le programme M. Ce

programme comprend plusieurs futurs jeunes managers qui seront dispersés au sein de plusieurs équipes,

plusieurs départements et plusieurs sites. Ceci leur permet de comprendre les mécanismes de

fonctionnement de l’entreprise. Ces travailleurs sont alors socialisés aux pratiques courantes de

l’entreprise et suivis par un mentor. Deux managers en ont parlé :

M6, département production, site C, programme M : « J’avais postulé et après,

j’avais une interview, mais avant l’interview, j’avais une réunion avec mon mentor qui

était le manager Europe et qui avait dit, ce n’est pas bon pour ton évolution, ton

développement, j’ai envoyé un email pour retirer ma candidature. »

M12, département technique, site A : « Je me souviens d’un jeune qui a suivi le

programme M qui doit choisir son mentor. Il voulait choisir un brésilien IT director. Je

lui ai demandé ce qu’il voulait faire dans sa carrière. Il voulait être au niveau supply,

donc je lui ai demandé pourquoi il allait chercher cette personne. Je lui ai proposé de

prendre une personne importante au niveau supply. Il a réfléchi, a pris cette personne-

là et en 3 ans il a fait des bonds gigantesques. Et c’est normal, il y a une relation de

confiance qui se crée. »

Lors de nos échanges concernant les différentes fonctions que les managers de département ont

endossées, nous avons eu l’occasion de discuter de l’encadrement présent au sein de l’entreprise lors

d’un changement de poste. Le nombre important de rotations, comme nous l’avons vu précédemment,

semble impacter le suivi d’un manager de département lors de son entrée en fonction. Ensuite, les

managers débutant dans la fonction ne semblent pas être suivis par une structure quelconque :

M1, département technique, site C : « J’ai fait le programme manager

département technique pour entrer dans ma fonction. »

M4, département conditionnement, site C, programme M : « L’induction

consistait surtout d’un tour de l’usine et d’entretiens très fréquents avec mon manager.

Mon parrain était M3, collègue de conditionnement. »

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M7, département ressources humaines, site C : « J’ai eu quelques jours pour

comprendre ce qui se passait et prendre le relais. »

M10, département technique, site B : « Quand je suis venu au site B, on a été

30 à bouger. Il y avait 30 handovers à faire en 15 jours. J’avais de la chance moi, je

connaissais déjà la fonction, vu que je faisais la même chose. On te laisse aussi seul

rapidement. Ça a été traumatisant pour beaucoup. »

M12, département technique, site A : « Il y a des formations obligatoires une

fois que tu rentres dans la fonction. Leading at α, j’ai surtout apprécié le contact, les

discussions informelles avec des managers seniors qui sont au niveau Europe. C’est

important, on voit comment ces gens pensent différemment. Ce contact-là permet de

voir ce que α demande, comme ils pensent, pourquoi, sans devoir passer par des

intermédiaires. »

M14, département production, site A : « Ils mettent en place des formations en

interne. Mais la plupart du temps, on sait comment ça se passe. Il y a un ou deux jours

où on va suivre le précédent [travailleur] dans la fonction, puis tu voles de tes propres

ailes, tu dois chercher toi-même. C’est assez α. »

L’entreprise α comprend une culture forte, reconnue par tous les travailleurs. Nous l’avons vu

auparavant, beaucoup de managers de département se sentent en phase avec la culture. Selon la plupart

d’entre eux, le salarié qui ne correspond pas à cette culture ne reste pas longtemps dans l’entreprise.

Comme le soulignent M7 et d’autres managers ci-dessous, la complémentarité entre le profil et la culture

est le premier point que les salariés du département de gestion des ressources humaines regardent lors

d’un entretien d’embauche :

M1, département technique, site C : « Il y a une chose que j’aime bien ici c’est

que tu as des moyens même si tout ce qui est mindset et brainwashing est

discutable. […] Il y a un peu trop de culture. »

M3, département conditionnement, site C : « Les jeunes qui suivent le

programme M, c’est ce qu’ils recherchent aussi, ils veulent quand même un esprit α.

Nous, on ne s’en rend plus très bien compte parce qu’on est super conditionné. »

M7, département ressources humaines, site C : « A l’embauche, le mindset est

plus regardé que les compétences. Il faut coller à l’entreprise et à la culture. Si tu veux

évoluer, il faut se montrer, tu dois te montrer. […] Tu devrais pas rentrer si tu n’aimes

pas la culture. En tout cas dans les nouveaux entrants. Pour ceux qui ont travaillé depuis

longtemps, ça a changé. Je vois bien que dans les entretiens qu’on a maintenant c’est

primordial. »

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M8, département production, site B : « I like α a lot. I don’t think I would go

somewhere else. It’s hard to work [here]. But I like it, you fit in the culture or it’s better

to do something else. »

M10, département technique, site B : « S’ils savent ce dont tu as envie, que tu

as les résultats et que tu as la culture d’entreprise, on te proposera la place. […] Pour

passer manager on doit par contre passer une interview avec le manager Europe. Et

lui, je le connaissais un peu et il me connaissait un peu. Ça s’est bien passé, c’était une

formalité pour vérifier la culture d’entreprise. Vérifier si tu es culture fit. Ça joue un

rôle très important dans la carrière. […] Ils essaient aussi de trouver une solution si tu

es culture fit. […] Il faut être en accord avec l’entreprise et les principes. Ma chef me

le dit souvent, je suis parfaitement dans la culture. Mais c’est peut-être dû au fait que

je n’ai rien connu avant ! »

M11, département ressources humaines, site B : « I came here and I had 3

interviews and then I’m here. I said ‘yes’ because of the culture. It is very big, I like big

companies. »

M14, département production, site A : « La culture c’est dream big,

development, et vivre la culture. Si les 3 sont ensemble, ça marche. On doit le démontrer

dans l’organisation. »

M12, département technique, site A : « Pour cette dernière position, j’avais

envie de montrer que je pouvais être manager. Mais c’est un move compliqué, c’est un

gros travail. C’est pas une petite interview, j’ai rencontré 2 managers Europe. »

M15, département contionnement, site A : « In the interview I had, in front of

the Europe management. They asked me how flexible I am and how fast I am willing to

change. […] And they told me that I have to be 3 or 5 years max within a position before

moving. They didn’t ask me what are my plans, but which direction I want to go after

the position. »

Enfin, même si l’entreprise a sa propre culture qu’elle tente d’appliquer sur tous les sites, chaque

site semble posséder sa propre sous-culture, comme le soulignent certains managers :

M10, département technique, site B : « Donc après 3 ans et demi, j’ai bougé

donc en tant qu’ingénieur au site A. C’était un énorme challenge avec la langue et aussi

c’était un tout nouvel environnement de travail avec de nouvelles personnes. Comment

aller là où là, quel est le chemin le plus court par exemple. Les deux premiers mois ont

été super difficiles. Je ne maitrisais pas bien la langue, je comprenais 20% à 30% de ce

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p. 47

qui se disait et on ne parlait que le néerlandais même pour les termes techniques. Mais

on s’y fait. »

M12, département technique, site A : « Je suis toujours resté ici, chez le même

employeur. Mais ce n’est pas l’impression que j’ai, j’ai pas l’impression d’être resté

chez le même employeur parce que j’ai changé énormément de fonction et de site, donc

on travaille toujours chez α, mais c’est pas la même famille, la même expérience, le

même département, pas le même poste, pas la même sous-culture qui est différente.

Donc, oui, on connait la structure, les outils et c’est plus simple, mais on n’a pas

l’impression d’être dans la même entreprise. »

M15, département contionnement, site A : « [I wouldn’t go to the] site C,

because of the language and the local culture. You have the boundaries between north

and south. And also, for the young population [qui a suivi le programme M]. If you say

to a Flemish you go to Wallonia, it will be hard. »

2.3.5 Conclusion

Ce premier chapitre de la partie pratique nous permet de mettre en avant différents discours

récoltés lors des entretiens semi-directifs. Nous pouvons déjà observer différentes tendances concernant

les scripts de carrière et processus de socialisation au sein du public observé. En effet, une première

distinction s’opère entre les salariés ayant bénéficié du programme M et les managers entrés en fonction

sans avoir suivi ce programme. Parmi ce dernier type de manager, cinq catégories se

démarquent fortement.

Ensuite, même si les parcours semblent similaires pour les managers sortis du programme M,

ces derniers sont suivis et sont obligés d’évoluer dans un temps donné. Dans le chapitre suivant, nous

construirons notre analyse sur base du traitement brut des données, présentées précédemment sous forme

de constats empiriques, et sur base des théories présentées dans la première partie du travail.

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p. 48

2.4 Analyse des données récoltées

Dans ce quatrième chapitre, nous analyserons les données que nous venons de traiter grâce aux

théories présentées au début de ce travail. Comme le rappellent Van Campenoudt, Quivy et Marquet,

(2017 : 266), revoir les éléments récoltés au préalable permet la « vérification empirique », mais aussi

de « suggérer des améliorations de son modèle d’analyse ou de proposer des pistes de réflexion et de

recherche pour l’avenir ».

En premier lieu, nous mettrons en avant le type de carrière adopté par les managers de département.

Ensuite, nous analyserons les processus de socialisation présents au sein de l’entreprise et mis en place

pour ces managers. Enfin, nous analyserons les différents scripts de carrière possibles que nous avons

observés à travers les entretiens. Nous terminerons par une réflexion concernant les éléments analysés.

Dans cette partie, nous appellerons les managers de département ayant suivi le programme M : les

« managers PM ».

2.4.1 Types de carrières des managers de département

Deux grands courants ressortent lorsque nous analysons le champ des carrières, comme nous

l’avons relevé dans la partie théorique : les carrières nomades et les carrières traditionnelles. Pour

dépasser cette vision binaire, amener des « variantes structurelles » (Miles et Snow, 1996, cités par

Cadin & al., 2003 : 3), nous avons présenté une classification plus diversifiée des types de

carrières (Miles & Snow, 1996, cités par Cadin & al., 2003).

Les différentes réponses des managers de département récoltées lors des entretiens sont

semblables : ils aiment l’entreprise pour différentes raisons, ils se sentent bien chez α et ils veulent

évoluer (voire finir leur carrière) au sein de cette même structure (M2, M4, M6, M9, M11, M13, M14).

Cependant, même s’il ressort une logique au travers de plusieurs discours de managers concernant une

trajectoire type à suivre, les postes qui mènent à la fonction de manager de département varient. Un

manager peut passer par trois étapes ou plus et peut avoir suivi le programme M ou non. Si nous suivons

cette idée, nous pouvons dire que les managers de département peuvent être vus comme des

« migrants ». Ils vont de poste en poste sans suivre un trajet défini pour tous, précis, comme cela pourrait

être le cas pour les « sédentaires » (Cadin, Bender, De Saint-Giniez et Pringle, 2000 : 9).

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2.4.2 Les tactiques de socialisation au sein de α

A travers les entretiens, nous avons découvert que notre public cible est amené à changer de

fonction tous les deux à cinq ans, selon le projet à réaliser et selon l’expérience de chacun dans le rôle

endossé. Avant d’analyser les scripts de carrière existants chez α grâce aux discours de chacun, il semble

intéressant de comprendre et d’analyser les tactiques de socialisation mises en place pour les managers

de département, lorsqu’ils entrent dans une nouvelle fonction (Van Maanen & Schein, 1979).

En premier lieu, relevons le fait que la plupart des managers de département, sauf exception rare

(M7, M11, M15), proviennent d’échelons inférieurs. Ces travailleurs peuvent avoir participé ou non au

programme M. Ils ont donc déjà fait face à la culture et, pour la majorité d’entre eux, cette culture fait

partie intégrante de leur identité (M1, M3, M8, M11 le soulignent). La culture est un élément clé pour

pouvoir rester dans l’entreprise, autant pour les managers PM que pour les autres managers de

département. D’ailleurs, c’est un élément auquel l’entreprise prête attention durant les entretiens

d’embauche, comme le soulignent M7, M12 et M15. Dès lors, puisque l’accent qui concerne cette

culture est favorisé dès l’embauche, la personne recrutée garde son identité dès son entrée en fonction.

Et ce, même si certaines formations sont accessibles et obligatoires comme le signale M12. En revanche,

les travailleurs – en tous les cas, pour ce qui est des managers ou futurs managers de département – sont

triés sur le volet. Il existe alors une forme d’un processus de socialisation d’investiture, puisque

l’entreprise ne tente pas de reconstruire l’identité du nouvel arrivé dans la fonction.

Nous remarquons une différence au sein de notre public, à l’inverse du paragraphe précédent,

lorsque nous analysons les tactiques de socialisation en série ou disjonctifs. Les deux processus, cité ci-

contre, existent au sein de α. Les managers ayant suivi le programme M ont pu, comme il est inscrit

dans le programme M et comme deux managers le soulignent (M6 et M12), être accompagnés et aidés

par un mentor durant leur carrière. Là où les autres managers ne l’ont pas été. Les managers ayant suivi

la formation jouissent donc d’un processus de socialisation en série, alors que les managers

« classiques » font partie du processus de socialisation disjonctif. La différence entre ces managers se

marque également au niveau des processus de socialisation formels et informels. Dans le premier cas,

les managers suivent un exemple, un agent de socialisation et s’approprient les attitudes à avoir et les

valeurs de l’entreprise. Le processus de socialisation est alors formel. En revanche, les autres managers

sont libres de choisir leur modèle, leur agent de socialisation. Dans ce cas, le processus de socialisation

est informel.

Soulignons à nouveau que les managers sont triés sur le volet, ce qui permet à l’entreprise de

disposer d’individus en accord avec l’entreprise et ses principes, ses valeurs et les bonnes attitudes à

adopter.

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En ce qui concerne les étapes séquentielles ou aléatoires dans les processus de socialisation,

l’entreprise semble avoir une seule et même politique. Mise à part quelques exceptions, la fonction de

manager de département ne peut être atteinte sans qu’un travailleur ne doive réaliser diverses fonctions

antérieures. Mais ces fonctions antérieures ne sont pas strictement décrites et formalisées et elles ne sont

pas toutes les mêmes. Prenons en exemple les discours de M2, M13, M14, mais aussi les parcours de

chacun (annexe II). Ils démontrent que les trajectoires amenant jusqu’à cette fonction peuvent varier et

ne sont pas figées. Même si les entretiens de positionnement les guident, si les travailleurs semblent

savoir par quel groupe de fonctions transiter pour devenir manager et que les managers PM semblent

avantagés à certains moment (M3, M8, M9, M10, M12), cela reste de l’ordre du processus de

socialisation variable puisque ce n’est pas clairement et formellement établi. De la même manière, tous

les managers n’ont pas parlé de formations standards adaptées pour devenir un type de manager de

département, même si M14 a mis en avant l’existence de formation en management et M1 une formation

au niveau technique. D’ailleurs, nous pouvons reprendre les propos de managers (M1, M4, M5, M7,

M8, M10, M13) qui évoquent l’université α et quelques formations annexes comme moyen

d’apprentissage non-obligatoire. L’entreprise voulant laisser place à la création individuelle de la

carrière, comme le souligne leur slogan. Dans ce cas, l’entreprise met en avant des étapes aléatoires dans

le processus de socialisation.

Enfin, si nous reprenons le processus de socialisation collectif face au processus individuel, le

processus est sensiblement le même pour tous les managers de département. Trois managers (M10, M12,

M15) nous ont parlé de sous-cultures liées à l’existence de différents sites (A, B, C). Lorsqu’ils intègrent

une fonction sur un nouveau site, une nouvelle culture apparait. En étant présents sur un même site, les

managers de département partagent des expériences communes, mais aucun cadre précis n’est

mentionné (comme un team building, par exemple). Néanmoins, il semble plus logique de parler de

processus de socialisation collectif dans ce contexte puisque le processus de socialisation individuel

reprend des apprentissages individuels dans un cadre précis, avec un rôle précis (Van Maanen & Schein,

1979), chapeauté par un agent de socialisation. Ce qui n’est pas le cas puisque le mentor reste en retrait

chez α. Il ne suit pas l’individu, mais le supervise.

Le tableau récapitulatif ci-dessous reprend les différentes tactiques présentes dans l’entreprise

α. Nous avons scindé le tableau en deux afin de mettre en avant les différences existant au sein de notre

public cible, les managers de département PM ou non.

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p. 51

Tableau 5 : Les processus de socialisation au sein de α

Même si une scission existe au sein du public concerné chez α, les moyens mis en place pour

entrer dans ce type de poste restent égaux pour tous. La différence se situe à un autre niveau. L’ascension

rapide des managers PM est due, selon les managers M6 et M12 notamment, à l’accompagnement et la

présence d’un mentor auprès de chaque jeune suivant le programme M. Ces mentors leur permettent de

jouir d’une meilleure visibilité, mais aussi d’atteindre plus rapidement certaines fonctions. Aussi, ces

travailleurs, comme le soulignent les trois managers ayant suivi le programme, se voient obligés

d’évoluer verticalement rapidement durant leur carrière étant donné leur formation qui les oblige à gravir

les échelons.

Après avoir analysé l’entrée en fonction des managers de département, nous allons maintenant

approfondir la manière dont les carrières sont construites pour ce même public au sein de l’entreprise α.

2.4.3 Les scripts de carrière au sein de α

Comme nous l’avons mis en avant auparavant, l’analyse des lignes directrices transmises par

l’entreprise aux travailleurs, mais aussi de l’interprétation de ces lignes directrices par les managers de

département nous permet de comprendre la construction de la carrière de ce type de manager. Ce

processus nous permet d’aboutir à plusieurs scripts de carrière et différents types de managers. Ces

scripts peuvent être perçus comme un guide. Pour cette analyse, nous utiliserons les caractéristiques des

scripts de carrière, définies dans la partie théorique, afin d’en faire apparaitre différentes formes. Dans

notre cas, deux types de managers suivant deux types de scripts ressortent en premier lieu.

Premièrement, il est à noter que l’entreprise α ne transmet pas de consignes de manière formelle

et stricte (M7) en ce qui concerne les carrières des managers de département. Les managers interrogés,

et qui n’ont pas suivi le programme M, émettent seulement le fait que des directives en lien avec la

carrière proviennent de leurs managers supérieurs. Le manager M8 rappelle que l’entreprise ne viendra

pas vers le travailleur, c’est à lui de prendre sa carrière en main. Par ailleurs, les discussions qui

concernent les carrières se déroulent durant les entretiens de positionnement et les plans de

Processus de

socialisation

Co

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PM

/

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p. 52

succession. Mais, comme M1, M7, M10, M12 et M13 le soulignent, atteindre une certaine cote à la suite

des entretiens de positionnement ne signifie pas effectuer une mobilité latérale ou verticale. Pour que ce

soit le cas, le « management team Europe » doit rendre un avis équivalent et une fonction doit être

ouverte (M13).

Comme M1, M8, M9, M10 et M12 le mettent en avant, il existe un côté informel et des jeux

politiques prégnants au sein de l’entreprise. Cela étant dit, les managers savent tous qu’ils doivent

évoluer au bout de trois à cinq ans au sein d’une même fonction. Les managers PM sont, à l’inverse des

autres managers, drillés (M10). En effet, ils sont conscients qu’ils doivent évoluer, progresser

verticalement dans la structure sinon, leur parcours au sein de α s’arrête (M2, M6). Nous pouvons dès

lors soutenir l’idée selon laquelle les scripts de carrière sont émis de manière directe pour les deux types

de managers, puisque les directives de l’entreprise sont discutées via des échanges et des formations (le

programme M). Une différence est tout de même présente puisque, pour les managers PM, nous pouvons

parler de transmission. En effet, ils reçoivent directement et rapidement l’information grâce à un mentor

ou un formateur. De la même manière, ces managers doivent réaliser beaucoup moins d’effort

intellectuel, un travail cognitif beaucoup moins important pour comprendre et concevoir leur carrière à

travers les directives de l’entreprise puisque tout leur est transmis dans leur programme M. Les autres

managers eux, ont un travail cognitif plus conséquent à réaliser afin de concevoir leur carrière, puisque

l’entreprise émet informellement les informations concernant leurs carrières.

Nous avons parlé du travail cognitif nécessaire pour comprendre un script. Pour pouvoir utiliser

la capacité de guidance, nous devons aussi parler de la lisibilité du script. La lisibilité pour les managers

PM semble forte. En effet, même s’ils n’ont pas d’étapes précises à franchir sur un certain temps (M15),

ils doivent atteindre un niveau hiérarchique élevé (M11). Pour y arriver, ils ont même la priorité (M3,

M10, M12) via un groupe de fonctions pour chaque étape. A l’inverse, pour les autres managers, la

lisibilité est faible puisqu’ils n’ont pas de contrainte pour atteindre la fonction de manager et que

beaucoup de trajectoires sont possibles, dans un temps variable, comme en témoignent les parcours de

chacun (annexe II). Les scripts des managers PM semblent posséder une capacité de guidance

importante puisque, le travail cognitif à réaliser est faible et le script est lisible. A l’inverse, les autres

managers font face à un script ayant une capacité de guidance plus faible puisque le travail cognitif est

plus important et que la lisibilité est plus faible.

A la suite de l’analyse de deux des caractéristiques, nous pouvons également observer

l’institutionnalisation au sein de α. En effet, les scripts sont présents dans un environnement faiblement

institutionnalisé pour les managers de département n’ayant pas suivi le programme M. Ces derniers

savent qu’ils doivent évoluer, mais ce n’est pas noté, ouvertement mentionné. C’est instable et non

prescripteur d’action individuelle, certains ne sachant d’ailleurs pas quelle est leur prochaine étape

(M13), alors qu’ils sont dans une phase de changement de fonction suite à un entretien de

positionnement. A l’inverse, les managers PM évoluent dans un environnement plus institutionnalisé

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puisque des consignes sont définies dans leur programme (M2, M4, M6, M11, M12). Comme le souligne

M11, les managers PM doivent évoluer hiérarchiquement et ce, dans une période relativement courte.

Les scripts sont donc forts pour les managers PM et faibles pour les autres managers.

Enfin, il semblait intéressant d’analyser la marge de manœuvre des managers de département.

Certains managers (M2, M3, M4, M8, M10) ont mis en avant le fait qu’il est difficile de refuser lorsque

l’entreprise leur propose une nouvelle fonction alors que d’autres (M2, M10, M14) parlent du slogan de

l’entreprise qui vise à l’appropriation de la carrière par l’individu. Par ailleurs, plusieurs managers

mettent en avant l’importance de la visibilité, et surtout celle des managers PM acquise grâce à leur

programme, comme outil de gestion de carrière permettant l’évolution au sein de α.

Comme nous venons de le voir, les scripts de carrière au sein de α ne sont pas les mêmes pour

tous les managers de département. D’un point de vue global, une distinction est visible entre les

managers PM et les autres managers, comme en témoigne le tableau ci-dessous.

Caractéristiques / Public Managers PM Autres Managers

1. Travail cognitif

nécessaire Faible Fort

2. Lisibilité Forte Faible

3. Capacité de guidance

= 1 + 2 Forte Faible

4. Émission Directe, transmission Directe

5. Institutionnalisation

de l’environnement Forte Faible

6. Script Fort Faible

7. Marge de manœuvre Faible Très faible

Tableau 6 : Les scripts de carrière présents au sein de α

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L’analyse ci-dessus nous a permis de dégager deux visions différentes, deux types de managers

au sein de α sui se réfèrent à différents scripts. Néanmoins, nous pouvons approfondir notre recherche

en y ajoutant des sous-catégories, des nouveaux scripts. Sur base des entretiens et de notre première

classification, nous pouvons distinguer deux sous-catégories chez les managers PM et cinq sous-

catégories au sein des autres managers. Afin de rendre la lecture plus simple et imagée, nous utiliserons

des qualificatifs différents selon chaque sous-catégorie de manager :

Figure 8 : Les différents scripts selon les managers de département

Les managers ayant suivi le programme M peuvent être scindés comme suit : les « partisans »

et les « déterminés ». Les « partisans » représentent les managers PM convaincus par le projet. Ils ont

compris les lignes directrices et la politique de l’entreprise. Ils l’utilisent comme α le souhaite. Ces

managers se sentent en symbiose avec l’entreprise et ils sont confiants quant à leur avenir. Ils veulent

évoluer dans la structure sur le long terme et savent que celle-ci les guide fortement. Pour autant, ils

mettent en avant le slogan de l’entreprise qui permet l’appropriation de la carrière par les

travailleurs. Pour ces managers, ce slogan existe et ils l’utilisent à travers la possibilité d’accepter ou

refuser une proposition de fonction par l’entreprise, mais aussi en proposant eux-mêmes une fonction

qu’ils souhaitent atteindre. Ils ont donc une certaine marge de manœuvre, comprennent et mettent en

place la politique qui leur a été insufflée durant leur formation. Les passages précédents, présentés dans

la mise à plat mettent en valeur ce type de vision :

Managers de département

Managers PM

Partisans

Déterminés

Autres Managers

Inconditionnels

Fidèles

Nouveaux

Critiques

Fatalistes

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M2, département technique, site C, programme M : « Je suis complètement

aligné. Si à ce moment, ça se passe mal, c’est parce que cela va se passer avec mon

chef. Dans ce cas, il y a des autres solutions que de quitter, mais aussi changer de

nouveau de fonction. »

M4, département conditionnement, site C, programme M : « Je suis me

retrouvé dans une société où je me sens bien, dans la culture qu’on a jusqu’à maintenant

donc ... […] A court terme je veux devenir responsable d’un site. […] Oui j’ai un rêve

: responsable d’Europe, mais je ne regarde pas si loin. »

M2, département technique, site C, programme M : « Le slogan est [slogan qui

met en avant l’appropriation de la carrière], c’est à toi de le faire. […] C’est faire ce

que tu as envie de faire. Tu peux dire la direction que tu veux avoir, mais la place exacte

où tu vas arriver c’est ensemble avec α. […] Ils proposent. A toi d’accepter ou refuser. »

M4, département conditionnement, site C, programme M : « [Après le

programme M] tu notes trois postes qui t’intéressent et on va choisir pour toi le

poste. C’est d’un côté, la procédure. De l’autre côté, la réalité derrière c’est que si tu

as déjà une vue sur un certain poste, rien ne t’empêche d’aller déjà parler avec le

manager pour voir si oui ou non, il y a un match pour voir si ça ira et à ce moment-là. »

M2, département technique, site C, programme M : « Il y a aussi des return

investment sur ta personne. […] Pour moi comme j’ai suivi la formation, oui [je suis

obligé d’avancer]. Il y a un tracking derrière. »

M4, département conditionnement, site C, programme M : « C’est toi qui

choisis ta carrière. […] Après, c’est à toi de décider si tu prends aussi les

opportunités. […] C’est l’entreprise qui décide, c’est moi qui exprime après c’est moi

qui décide je peux décider de dire non, après il faut décider d’être opportuniste. […]

Finalement c’est α qui décide. C’est normal, c’est l’entreprise qui décide comme elle

s’organise. Ça me semble normal. […] Si tu dis 2-3 fois non, tu peux oublier. »

En revanche, les managers PM « déterminés » comprennent le système mis en place par

l’entreprise, la politique, ils veulent aussi évoluer dans la structure sur le long terme, mais ressentent

une certaine pression supplémentaire. Ils voient leurs collègues évoluer plus rapidement, mais ont

toujours foi en ce système et ne se voient pas évoluer dans une autre structure. Cependant, ils sont

conscients de la vision « up or out » de α et se laissent plus facilement guider que les managers PM

« partisans ». Donc, pour ce type de manager, la capacité de guidance est plus forte. Les discours du

manager 6 le démontrent :

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M6, département production, site C, programme M : « Je n’ai pas encore trouvé

une société qui me plait plus. […] Ici, j’ai la combinaison avec beaucoup d’opportunités

de carrière, le secteur, la vie industrielle. C’est un peu tout ce que je cherche dans mon

travail qui est ici chez α.. »

M6, département production, site C, programme M : « Dès le départ en ayant

fini ta formation, tu t’es dit j’ai envie d’évoluer. […] J’ai commencé comme en suivant

le programme M avec des gens qui sont déjà directeurs depuis 2 ans […] c’est toujours

dans l’arrière de la tête que tu dois penser que tu dois bouger, monter dans

l’organisation donc à ce moment-là je ne voulais plus être ingénieur. […] Il n’y avait

pas d’autre choix. C’est ça ou dehors. […] Up or out. »

M6, département production, site C, programme M : « J’avais postulé et après,

j’avais une interview, mais avant l’interview, j’avais une réunion avec mon mentor qui

était le manager Europe et qui avait dit, ce n’est pas bon pour ton évolution, ton

développement, j’ai envoyé un email pour retirer ma candidature. »

Nous pouvons aussi distinguer au sein de la population « autres managers » cinq catégories

d’acteurs. La première catégorie reprend les « inconditionnels ». Dans cette catégorie, les travailleurs

sont en phase avec l’entreprise et ses principes, au point de se laisser guider entièrement par celle-ci. Ils

sont ouverts à beaucoup d’opportunités. La capacité de guidance est la plus forte pour ce type de

travailleur n’ayant pas suivi le programme M. Ils n’ont pas reçu formellement d’informations, mais les

ont intégrées et les suivent, au point de se laisser diriger au niveau de leur carrière par α. Leur marge de

manœuvre est faible, ils sont attentistes. Un représentant de cette sous-catégorie est le manager 13 :

M13, département qualité, site A : « The more visibility you have, the more you

are in front of the higher management and your chances are better. […] It’s up to you,

they advise you. It’s a discussion with your line manager. If he’s good and the relation

is good, he will develop you. »

M13, département qualité, site A : « I can say I will move in a couple of months.

And know I will move because I said I have seen everything and I want to do something

else. […] I just explain my interest. I am open to a lot of things in terms of technical

challenge, new experiences. »

M13, département qualité, site A : « I asked my manager, and he didn’t know.

He is a kind of intermediary with the director. They actually don’t know what position

will be open. So if they find a position that suits me, they will make me move. »

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La seconde catégorie, qui se rapproche des managers PM, reprend les « fidèles ». Même si ces

derniers n’ont pas suivi le programme M et qu’ils n’ont pas reçu officiellement des informations

concernant leur carrière, ils se sentent en harmonie avec l’entreprise, ses principes et sa politique. Leur

marge de manœuvre se situe dans leur liberté de proposer une fonction et d’accepter ou non des

propositions de la part α. Ces acteurs savent que l’entreprise a le dernier mot, mais ils peuvent, selon

eux, influencer les décisions. Par ailleurs, ils veulent évoluer au sein de cette entreprise et ne voient pas

les managers PM d’un mauvais œil. Si nous suivons leur vision, leur marge de manœuvre est moyenne

et ils ont intégré la politique de l’entreprise. La capacité de guidance en lien avec ce type de travailleur

est légèrement plus faible que celle des « inconditionnels » puisqu’ils se laissent moins gérer par

l’entreprise au niveau de leur carrière. Ils savent refuser une proposition. Les propos ci-dessous

confirment cette vision :

M8, département production, site B : « I like α a lot. I don’t think I would go

somewhere else. It’s hard to work [here]. But I like it, you fit in the culture or it’s better

to do something else. »

M15, département conditionnement, site A : « The program is very strong,

good. There are very young people who are already one position higher. They have

director in the title. »

M14, département production, site A : « Il y a toujours le grand chef de

production. Ce qu’il faut faire c’est le convaincre, dans sa tête, que tu es la personne

idéale. […] Il faut parler avec les gens qui font le job. Tu dis à ton manager ce que tu

veux et lui parlera pour toi. A un certain moment aussi, c’est le grand chef qui décide. »

M8, département production, site B : « I was interested [in his job] so I spoke

with him and asked him to be on his succession list. You must speak, show you want

something. You don’t get anything for free. You need to be clear on what you want. So

that you have a lot of possibilities. You have to talk with people […] I don’t think [you

can decide about your career] but you can influence it. You need to be clear on what

you want and don’t want. »

M14, département production, site A : « Je gère ma carrière, la personne gère

la carrière, mais c’est aussi le slogan. […] La culture c’est dream big, development, et

vivre la culture. Si les 3 sont ensemble, ça marche. On doit le démontrer dans

l’organisation. »

M15, département conditionnement, site A : « If you don’t make it yours, they

will not come to you. They should know you and it’s also your own personal branding.

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You have to sell yourself in the company. […] I am sure they are willing to listen the

direction you want to go and α is also a company that is saying, let’s take you out of

your comfort zone. In the next months it will be difficult but at the end you will learn a

lot and deliver to the company. They will not always listen to our direction only. You

have choices sometimes and at the end you need to follow. »

Une troisième catégorie reprend les « nouveaux » managers. Ces derniers aiment la culture de

l’entreprise, mais n’ont pas encore fait face au système et n’ont pas intériorisé la politique de α. Ils sont

conscients de la mobilité des managers, mais voient le slogan de l’entreprise comme seule politique

émise. Selon eux, la culture est un élément essentiel. Pour ce type de manager, la carrière leur appartient,

toutes les possibilités de mobilités existent et sont réalisables. De ce fait, pour eux, la capacité de

guidance qui est relativement faible, mais leur marge de manœuvre semble être plus élevée que la norme,

comme en témoignent ces passages d’entretiens :

M11, département ressources humaines, site B : « I want to stay here. I like the

company a lot. […] It has been 8 months. »

M7, département ressources humaines, site C : « Tu es maitre de ta carrière. Il

n’y a pas d’outils, mais des opportunités ouvertes. C’est à toi de te le créer. […] Du

haut de mes 3 mois d’expérience et de façon générale, on ne peut pas forcer

quelqu’un. […] Tu es maitre de ta carrière. Il n’y a pas d’outils, mais des opportunités

ouvertes. »

M11, département ressources humaines, site B : « What’s amazing here is that

if I want to work in customer care, I would have that opportunity. You don’t have that

in a lot of companies. […] Here, they look at what we want and they give us a trial. »

M7, département ressources humaines, site C : « A l’embauche, le mindset est

plus regardé que les compétences. Il faut coller à l’entreprise et à la culture. Si tu veux

évoluer, il faut se montrer, tu dois te montrer. »

M7, département ressources humaines, site C : « Du haut de mes 3 mois

d’expérience et de façon générale, on ne peut pas forcer quelqu’un. […] Tu es maitre

de ta carrière. Il n’y a pas d’outils, mais des opportunités ouvertes. »

Les « critiques » représentent la quatrième catégorie des autres managers. Ces managers

comprennent le système et la politique de l’entreprise, mais ont pris du recul. En effet, ils disent avoir

une marge de manœuvre faible, mais soulignent aussi qu’ils sont maitres de leur carrière jusqu’à un

certain point. Ils peuvent proposer et influencer les choix, comme les managers « inconditionnels ».

Cependant, ils se voient limités par l’ascension rapide des managers PM, par les jeux politiques en place

ou encore par leur visibilité au sein de l’entreprise. Ils voudraient évoluer au sein de la structure

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longtemps, mais semblent être bloqués pour une des raisons citées précédemment. Leur avenir est donc

flou. Ces managers ont intériorisé la politique de l’entreprise, mais l’ont également analysée et se

rendent compte des limites qui lui sont inhérentes. Les managers 1, 9 et 10 en parlent :

M10, département technique, site B : « c’est [slogan qui met en avant

l’appropriation de la carrière]. Je décide ce que je veux, je peux dire non pour un poste.

[…] Ça peut être perçu comme un manque de motivation. C’est pour ça que je dis aussi

que je dis que je ne vais pas encore faire 20 ans chez α. […] C’est toi qui gères ta

carrière. C’est toi qui dois dire, montrer ce dont tu as envie. S’ils savent ce dont tu as

envie, que tu as les résultats et que tu as la culture d’entreprise, on te proposera la

place. Tu dois vraiment dire ce que tu veux. »

M1, département technique, site C : « C’est à toi de prendre la place. Tu es

dans un monde où tu n’as pas de place, si tu attends qu’on te donne tu n’auras rien.

[…] T’as pas beaucoup de marge de manœuvre, disons que tu as une énorme... En fait,

c’est toujours la même chose. Tu es dans un monde où c’est toi-même qui te crées ta

liberté tout en se rendant compte qu’il y a un moment où tu vas aller sur des limites. »

M9, département qualité, site B : « The goal is to stay here, I am α, it is in my

blood. I don’t want to move. But there is a big competition, we are developing people

that are better than us and they also need to grow. […] When I started 13 years ago,

the management trainee program started. I had the feeling that the young have got the

priority, they were the priority. You are experienced, but you are not in the picture. You

are fighting against and they have more opportunities, it was the feeling at that moment.

So you have to outperform. »

M10, département technique, site B : « Pour moi, je pense qu’ils l’ont [la

priorité]. On ne te le dira pas. Ils connaissent aussi plus de monde et on a investi en

eux. Ils ont eu des réunions avec des grands chefs qui entendent des noms. Et s’ils sont

bons, on les choisira plus facilement. Et à terme ; on risque de manquer d’expérience

d’ici 10 ou 15 ans, car il y aura beaucoup de très jeunes managers. […] Et si j’étais

rentré 2 ans plus tard comme je suis rentré, je ne serais peut-être jamais [devenu]

manager. Et on m’aurait même peut-être pas proposé un poste après mon stage ou on

m’aurait proposé le programme. Ça a ses pours et ses contres. »

M1, département technique, site C : « Ceux qui veulent faire le programme

technique vont être refusés. Si on sait que on les fera pas monter demain, ils vont être

refusés. Si on croit en toi. […] Ils sont sur des plateformes politiques et des plateformes

de discussions, il faut aller au site A. […] Moi je pense que sur le long terme je serai

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bloqué. Parce que je n’ai pas la visibilité nécessaire pour évoluer tu es dans un

entonnoir, enfin une pyramide ... Chaque étape c’est plus difficile de passer. »

M10, département technique, site B : « Il faut connaitre certaines personnes

aussi et il faut que les gens sachent ce que tu veux et ce que tu vaux. Il faut de la visibilité.

[…] Il est aussi important d’avoir le bon chef au bon moment. […] C’est lui qui va te

vendre à son chef, qui va te vendre auprès des autres pour que tu puisses bouger comme

tu le veux. »

M1, département technique, site C : « Il y a des formations […] [L’entretien de

positionnement] c’est un outil qui est nécessaire, mais tu vois que c’est pas le seul outil

à regarder. Il y a un choix derrière. […] C’est piloté. C’est un pilotage […] Mais

finalement quand tu regardes, ce n’est que transmettre l’image que la direction a sur la

personne. Ça ne veut pas dire... Ca n’engage à rien. »

M1, département technique, site C : « Il y a une chose que j’aime bien ici c’est

que tu as des moyens même si tout ce qui est mindset et brainwashing est

discutable. […] Il y a un peu trop de culture. »

Enfin, les « fatalistes » sont les managers qui représentent la dernière catégorie. Ils sont présents

dans l’entreprise depuis un certain temps. Ces managers ne sont plus totalement en accord avec celle-

ci, même s’ils veulent continuer à évoluer en son sein. Ils critiquent vivement la politique mise en place

et ne se sentent pas maitres de leur carrière. Ils sont guidés par l’entreprise et ne peuvent refuser une

offre que rarement, ce qui pourrait leur porter préjudice. Leur marge de manœuvre est alors faible et la

capacité de guidance est forte pour ces managers. Les extraits ci-dessous le démontrent :

M3, département conditionnement, site C : « Les jeunes qui suivent le

programme M c’est ce qu’ils recherchent aussi, ils veulent quand même un esprit α.

[…] C’est des gens qu’on fait bouger, qui n’ont pas de limite. […] On a des très, très

bons jeunes qui ne sortent pas de leur filière et ils sont mis de côté. […] Ils ont les

mêmes capacités, imaginons même que ce soient des clones, des jumeaux… Et le mec

qui a suivi le programme M, on va s’occuper de lui, le chouchouter […] Et l’autre, on

va le laisser un peu se débrouiller tout seul. […] Chaque fois qu’il va vouloir monter,

il sera bloqué par quelqu’un qui va venir et qui aura le même âge, mais qui aura suivi

toute la formation. […] Toutes les places un peu intéressantes se font prendre par le

programme M. […] Pour mettre en valeur leur programme, il faut qu’on montre que

ceux qui sortent de là, ce sont les bons. »

M12, département technique, site A : « (rires) On se dit quelqu’un ayant suivi

le programme va plus vite [pour évoluer]. Pourquoi eux reçoivent plus de visibilité ?

Ils doivent être bons. Ils ont plus d’accès et c’est la façon dont leur programme est

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conçu, je pense. Ils sont connus à plus haut niveau. A compétences égales, ils ont plus

de chance, je pense. […] Ils ont l’avantage du networking grâce à leur formation. Ça,

les autres ne l’ont pas et c’est pas correct. Tout le monde est très occupé, si tu n’es pas

un d’entre eux, c’est pas évident le networking. »

M3, département conditionnement, site C : « On est limite une secte hein

maintenant. On n’a plus aucune liberté. Tu n’as… Ma marge de manœuvre, maintenant,

c’est pas ma carrière parce que ma carrière c’est peut-être qu’un jour on va venir me

trouver et me dire tu vas là… Alors, ma marge de manœuvre ce sera de dire non, mais

tu peux pas dire 4 fois non. »

M12, département technique, site A : « Ma marge de manœuvre au niveau de

ma gestion de carrière est faible. L’entreprise a les cartes en mains, en fait. »

M5, département qualité, site C : « Si α, surtout maintenant décide, c’est fini

ton rôle maintenant, tu vas dans cette fonction-là… Je crois que je n’ai pas mon mot à

dire… Soit j’y vais, soit on me dira au revoir… C’est pour ça que je ne suis pas sûr

qu’on est propriétaire de notre carrière. […] Je suis certain qu’il y en a qui sont guidés,

certains qu’on ne guide même pas et t’as pas le choix, tu vas là, là. […] Je crois que je

n’ai pas mon mot à dire [silence] Soit j’y vais, soit on me dira au revoir. C’est pour ça

que je ne suis pas sûr qu’on est propriétaire de notre carrière. […] Moi, je ne me sens

pas propriétaire de ma carrière. »

Ci-dessous se trouve un tableau reprenant les données que nous venons d’analyser. Nous avons

repris les points du tableau précédent et nous avons décidé de définir le niveau de chaque critère par des

signes et non des mots. Ces signes sont à lire par catégorie, le but de ce tableau est d’analyser les résultats

par sous-catégorie. Dans ce cas, si un manager PM a les mêmes signes qu’un autre manager, cela ne

signifie pas que les données analysées sont semblables.

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Managers PM Autres Managers

Catégories Partisans Déterminés Inconditionnels Fidèles Nouveaux Critiques Fatalistes

Représentants M2, M4 M6 M13 M8, M14, M15 M7, M11 M1, M9, M10 M3, M5, M12

1. Travail cognitif

nécessaire - - - - - - / + + - / + -

2. Lisibilité + + + + - - / + +

3. Capacité de

guidance

= 1 + 2

+ + + + + + - - / + + +

4. Émission Directe,

transmission

Directe,

transmission Directe Directe Directe Directe Directe

5. Institutionnalisation

de l’environnement + + - - - - -

6. Script + + - - - - -

7. Marge de manœuvre - - - - - - + + - / + - -

Tableau 7: Les différents scripts selon les managers de département et leurs caractéristiques

Page 69: La construction de la carrière professionnelle de ...©moire... · puisqu‘ils doivent à la fois se construire et construire leur carrière (Di Fabio & Bernaud, 2010). Le contexte

p. 63

2.5 Discussion, recommandations et recherches futures

Dans ce chapitre, nous commencerons par répondre à notre question de départ. Ensuite, nous

discuterons des éléments observés en émettant des pistes de recommandations. Enfin, nous tenterons

d’élaborer des propositions concernant des recherches futures réalisables en lien avec notre question de

recherche.

2.5.1 Construction de la carrière des managers de département

La question de recherche qui nous a guidé tout au long de ce travail est la suivante : « Comment

se construisent les carrières des managers de département présents au sein de α et quelles trajectoires

suivent-ils ? ». Nous pouvons désormais y répondre grâce aux scripts et aux processus de socialisation

évoqués dans le chapitre précédent.

Comme nous l’avons mis en avant dans l’analyse des données, l’entreprise porte peu d’attention

aux processus de socialisation lors de l’entrée en fonction des managers de département. Les managers

sont alors livrés à eux-mêmes. Néanmoins, les managers PM ont l’avantage d’avoir suivi le programme

M et donc d’avoir pu comprendre le fonctionnement de l’entreprise et du terrain. Les autres managers

n’ont pas cette possibilité, même si la majorité d’entre eux viennent des échelons inférieurs de α. Ils

doivent alors trouver des solutions à leur problème et l’ajustement mutuel cité précédemment dans la

contextualisation prend sens. Peu de données leur sont transmises à leurs débuts.

Concernant les carrières des managers de département et pour l’entièreté de notre public cible,

les scripts sont transmis directement mais dans des conditions différentes. De plus, les managers de

département qui ont suivi le programme M sont à différencier des autres managers puisque leur

formation leur permet d’avoir une idée relativement précise de ce qu’une carrière doit être chez α. Ceci

leur permet donc de construire leur carrière sur cette base. Leur formation leur offre également la

possibilité de comprendre les actions à réaliser, sans pour autant avoir une marge de manœuvre

réellement grande. Au sein de ces managers, deux sous-catégories distinctes se démarquent. Les

travailleurs « partisans » et « déterminés ». La différence entre ces deux sous-groupes se situe au niveau

de leur capacité de guidance. Les « déterminés » sont plus volontiers guidés par l’entreprise que les

« partisans » qui osent s’imposer.

Pour ce qui est des autres managers, ces derniers doivent réaliser un travail conséquent pour

comprendre comment se construit leur carrière. En effet, peu d’informations leur sont transmises à ce

sujet. Ils sont faiblement guidés par l’entreprise et leur marge de manœuvre est faible. Un manager doit

donc comprendre au fur et à mesure comment se construit sa carrière, sur base des entretiens de

positionnement et sur base de discussions avec son manager et ses collègues. Cinq catégories ressortent

au sein de cette population : les « inconditionnels », les « fidèles », les « nouveaux », les « critiques » et

les « fatalistes ». La différence au sein de ces managers se situe dans la vision que chacun se fait de la

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politique de l’entreprise sur les carrières, mais aussi au niveau de la manière dont ils se l’approprient. Par

exemple, le manager « inconditionnel » se laissera totalement guider comme le manager « fataliste »,

mais pour des raisons différentes, là où le manager « fidèle » aura son mot à dire tout comme le

« critique ». Mais, le « fidèle » se sent totalement impliqué alors que le « critique » prend du recul sur

la politique mise en place. Un point important également à souligner est la vision que chacun a des

managers PM. Selon les autres managers, les privilégiés peuvent être (ou non) un élément favorisant

l’évolution de la carrière des autres managers, au sein de α.

2.5.2 La carrière au sein de α

Premièrement, nous pouvons approfondir l’analyse concernant le type de carrière adopté par les

managers de département. Nous pouvons rejoindre le discours et fournir davantage d’arguments aux

critiques visant les carrières nomades, concept exagéré par les théoriciens et possédant peu de preuves

empiriques (Inkson & al., 2012 ; Pralong & Peretti-Ndiaye, 2016). Nous soutenons l’idée selon laquelle

les carrières organisationnelles restent présentes en entreprise. Les managers de département avec

lesquels nous nous sommes entretenus veulent rester le plus longtemps possible au sein de α puisqu’ils

adhèrent à la culture et aux pratiques de l’entreprise. Ils ont pour certains un objectif, une fonction qu’ils

souhaitent atteindre à un moment de leur carrière. D’autres souhaitent engranger de l’expérience, des

connaissances, des compétences, mais dans cette entreprise. Nous pouvons nous rapprocher de la

proposition de Clarke (2013) citée dans la partie théorique, en appelant ce type de carrière les nouvelles

carrières organisationnelles, comme l’auteure l’énonce dans son article « The organizational career: not

dead but in need of redefinition ».

Pour confirmer cette idée, nous pouvons mettre en avant les visions de chaque manager interrogé

concernant leur propre conception de ce qu’est une carrière. En effet, la majorité des managers

interviewés disent vouloir évoluer latéralement ou hiérarchiquement dans l’entreprise. Ceci peut

représenter des frontières, mais internes à l’entreprise (Cerdin, 2015). Certains avouent même ne pas

apprécier et ne pas vouloir changer d’entreprise. Leur vision se rapproche de la définition d’Arthur et

Rousseau (1996). Enfin, les managers de département évoluent dans un environnement relativement

instable (Clarke, 2013) puisque l’entreprise a mis en avant une mobilité importante, mobilité inhérente

au poste, mais dans un contexte organisationnel.

Il nous semble également intéressant de mettre en avant la gestion des carrières à travers la co-

construction d’une carrière entre l’individu et l’organisation. La co-construction de la carrière mêle la

gestion des emplois avec la place de l’individu dans l’entreprise (Cerdin, 2015). Le script de carrière

nous permet de dégager des guides que les individus suivent sur base de ce que l’entreprise émet et la

façon dont il l’interprète. Néanmoins, suite à notre analyse, les carrières ne semblent pas être construites

sur une base partagée et formalisée au sein de α. L’entreprise émet informellement des directives et ne

prend pas souvent en compte les aspirations de chacun. Elle déplace les managers lorsqu’un poste est

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vacant sans pour autant ouvrir ouvertement des positions en interne (M12, M13). La place de l’individu

est donc restreinte, mettant simplement en avant une gestion des emplois liée à la stratégie de l’entreprise

(Cerdin, 2015).

2.5.3 La gestion des talents : élément perturbateur

En outre, un point important à relever est la gestion des talents pratiquée. En effet, l’entreprise se

trouve dans une stratégie de gestion exclusive des talents (Dujardin, 2017). Ce point rejoint la gestion

des carrières au sein de l’entreprise. Nous avons mis en avant une scission entre les managers PM et les

autres managers de département. Les managers PM font partie de la gestion exclusive des talents. Ils

sont d’abord perçus comme des hauts potentiels pour lesquels une formation est donnée par l’entreprise

et dans laquelle ils sont suivis par des mentors. Lorsqu’ils ont acquis une certaine expérience et qu’ils

sont sur le terrain, ces managers deviennent des « stars », comme le montre la figure ci-dessous (Sharma

& Bhatnagar, 2009 : 125). Les discours des autres managers soulignent cet aspect, ils ont la priorité.

Cette gestion des talents amène certains à les percevoir comme un danger et ceci crée une animosité

(M8) entre les managers PM et les autres managers. Ces stars qui ont la priorité et qui sont avantagées

grâce à leur réseau (inhérent à leur formation) perturbent la vision et la construction de la carrière des

autres managers et instaurent une incertitude. Les managers n’ayant pas suivi le programme M semblent

d’ailleurs être, pour certains, en concurrence et se posent des questions sur leur avenir.

Figure 9 : Talent matrix, performance versus Potential (Sharma & Bhatnagar, 2009 : 125)

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2.5.4 La mobilité et l’évolution au sein de α

Nous l’avons répété à plusieurs reprises durant ce travail, l’entreprise α prône l’appropriation

de la carrière par les travailleurs via un slogan connu de tous. D’ailleurs, deux managers (M14, M15)

mettent en avant un autre principe de l’entreprise, le rêve.

Les scripts de carrière nous ont permis de comprendre l’idée selon laquelle les managers n’ont

en réalité que très peu de marge de manœuvre et que la conception de la carrière de chacun varie. Les

managers PM suivent un script de carrière qui est fort, ils ont donc une idée précise de ce à quoi la

carrière peut ressembler et quelle trajectoire adopter. Pourtant, tout comme les autres managers qui sont

dans le flou, leur marge de manœuvre est faible. Nous le voyons au travers des réponses données par

M2, M3, M4, M8, M10. Il y a donc un problème de congruence entre le discours de l’entreprise et les

pratiques adoptées. Cependant, étant donnée la faible marge de manœuvre pour tous les managers et la

faible capacité de guidance pour les managers n’ayant pas suivi le programme, les rêves peuvent être

impossibles à atteindre.

Ceci, couplé à la politique de gestion exclusive de talent et à la faible marge de manœuvre

pourrait faire fuir les managers talentueux se sentant bloqués dans leur fonction. Comme nous pouvons

le comprendre à travers les parcours des managers M7, M11 et M15, l’entreprise doit parfois recruter

sur le marché du travail les managers de département. Par ailleurs, deux des quinze managers interrogés

ont quitté l’entreprise depuis notre rencontre (M7 et M11). Leur politique mise en place semble avoir

des limties.

A la suite de ces observations, il nous semble intéressant de proposer la mise en place d’un pôle

« gestion des compétences et de la mobilité ». Ce pôle serait bénéfique pour cette entreprise et

permettrait une gestion prévisionnelle des emplois couplée à l’outil « revue de compétences » afin que

chaque manager, même les plus fermés ou timides qui ne sont pas à l’aise avec la question de la visibilité,

puisse se projeter facilement et imaginer la carrière sur un socle solide.

2.5.5 Prolongements

Ce travail pourrait être approfondi grâce à plusieurs théories et notamment les ancres de carrière

de Schein (1996). En effet, ces ancres nous permettraient de comprendre d’un point de vue individuel

quels sont les éléments importants pour les managers de département n’ayant pas suivi le programme

M, et nous permettraient de comprendre les motivations et les choix de chacun face à la construction de

carrière. L’analyse présentée, couplée aux ancres de carrière, pourrait être réalisée auprès de tous les

managers de département, dans plusieurs pays d’Europe. Ceci nous permettrait d’étendre notre

recherche et de rendre l’échantillon d’individus interrogés représentatif. La notion de carrière durable

pourrait aussi être ajoutée aux ancres de carrière afin de comprendre comment l’individu s’adapte à son

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p. 67

environnement qui est dans notre cas relativement instable tout comme le marché du travail, et comment

l’organisation facilite cette adaptation (Baruch, 2015).

De plus, pour étudier les acteurs et le système, il serait également intéressant d’analyser les

relations de pouvoir et les jeux politiques sous-jacents à travers les théories de Crozier et Friedberg

(1977). Plusieurs managers nous ont mentionné ces éléments comme faisant partie intégrante d’une

carrière et des possibilités d’évolution au sein de α. Dès lors, analyser la façon dont les stratégies des

acteurs sont utilisées pour leur construction de leur carrière parait intéressant. Ce serait également le

moment d’étudier l’influence des discussions et des échanges entre les managers de département sur les

carrières de chacun.

Une analyse concernant le capital social, les réseaux professionnels et le capital humain semble

également intéressante à développer. En effet, la plupart des managers nous ont confié l’importance du

networking au sein de l’entreprise et de la visibilité. Il serait utile d’étudier la construction de la carrière

des managers de département à travers ces éléments théoriques (Ventolini, 2010).

Enfin, nous avons pu observer les interactions entre des individus et une entreprise au travers

des scripts de carrière. Pour de futures recherches axées sur les scripts de carrière, il serait pertinent

d’étudier les carrières dans un contexte plus large. Au lieu d’adopter une vision simpliste dans laquelle

l’individu interagit avec l’entreprise, l’individu et l’organisation pourraient être étudiés en tant

qu’éléments d’un contexte composé de différentes parties prenantes agissant et influençant les choix

concernant les carrières des individus concernés (Baruch, 2015).

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p. 68

Conclusion

L’objectif de notre recherche était de comprendre comment se construisent les carrières des

managers de département présents au sein de α et d’observer les trajectoires qu’ils poursuivent. Nous

avons pour cela réalisé des entretiens avec le public cible que nous venons de citer. Le but de ce travail

est de comprendre à travers ces entretiens, les politiques dictées par l’entreprise et la façon dont les

travailleurs se les approprient.

Notre recherche a débuté lors de notre stage au sein de l’entreprise. Grâce à nos observations et

aux entretiens exploratoires réalisés avec quelques managers de département, nous avons pu rédiger une

première question de départ : « Comment est gérée la mobilité des cadres au sein de α et quels sont ses

impacts sur l’organisation ? ». Après avoir réalisé quelques recherches complémentaires, nous nous

sommes focalisé sur la construction de la carrière des managers de département de cette entreprise et

nous avons rédigé notre question de recherche : « Comment se construisent les carrières des managers

de département présents au sein de α et quelles trajectoires suivent-ils ? ».

Suite à cela, nous avons développé la partie théorique de ce travail qui reprend un chapitre. En

premier lieu, nous avons mis en avant la carrière d’un point de vue générique. Nous avons ensuite parlé

des processus de socialisation (Van Maanen & Schein, 1979) et des scripts de carrière (Barley et Tolbert,

1997). Cette base nous a permis de rédiger notre guide d’entretien que nous avons utilisé lors de nos

entretiens semi-directifs avec les quinze managers de département répartis sur trois sites. Nous avons

ensuite exploité ces données en mettant à plat le discours de chacun des managers et en analysant ces

discours grâce aux théories présentées en début de travail. Enfin, nous avons approfondi notre recherche

et proposé des pistes de recommandations.

Les résultats de notre recherche sont les suivants. Les managers de département suivent une

carrière que nous appelons « migrants » puisqu’ils évoluent au sein de l’organisation, dans différents

types de fonctions. Par ailleurs, il existe sept scripts totalement différents selon le type de manager

concerné par notre recherche.

Pour tous les managers, la politique de l’entreprise relative aux carrières n’est pas explicitement

formalisée sur une même base. Ils n’ont qu’une faible, voire très faible marge de manœuvre en ce qui

concerne leurs trajectoires professionnelles. Par contre, les managers de département ayant suivi le

programme M, le premier groupe d’individus, sont suivis dès leur entrée en fonction par l’entreprise et

même durant leurs mobilités. Durant ce programme, la politique de l’entreprise et la vision de

l’entreprise sont développées. Les carrières pour ces managers peuvent être aisément conçues et

comprises, sans faire d’effort. Ils sont guidés par l’entreprise et construisent leur carrière sur un socle

solide. A l’inverse, les autres managers ont du mal à concevoir et imaginer leur carrière. En effet, ils

sont très peu guidés par l’entreprise et sont livrés à eux-mêmes dans l’entreprise, dès leur entrée en

fonction. Après avoir réalisé cette différenciation entre deux types de managers, nous avons approfondi

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p. 69

notre recherche sur base des mêmes critères. Nous avons alors mis en avant sept sous-catégories de

managers, qui suivent des scripts différents au sein de la même entreprise : les « partisans », les

« déterminés », les « inconditionnels », les « fidèles », les « nouveaux », les « critiques » et les

« fatalistes ».

Il nous apparait intéressant de pointer un important au sein de α, qui est la congruence entre

l’entreprise avec sa culture et la gestion de carrière implémentée. En effet, la culture renvoie la gestion

de la carrière à chaque individu via un slogan. Néanmoins, comme nous l’avons souligné, la marge de

manœuvre des managers de département est faible. Aussi, la création d’un pôle « gestion des

compétences et de la mobilité » pourrait être un outil intéressant afin d’aider les travailleurs à imaginer

et prendre en main leurs trajectoires professionnelles.

Pour aller plus loin, une dernière piste pourrait être d’élargir le périmètre géographique de

recherche à la « zone Europe » de l’entreprise. L’échantillon pourrait ainsi être plus conséquent car nous

pourrions nous entretenir avec davantage de managers ayant suivi le programme M. Le nombre restreint

d’interlocuteurs représente d’ailleurs une limite de notre travail. Enfin, les autres théories évoquées dans

la discussion nous permettraient d’analyser la construction des carrières de ces managers de département

d’une autre manière, en diversifiant les approches.

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p. 70

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Listes des figures et des tableaux

Liste des figures

Figure 1 : 5 types de carrière selon Cadin, Bender, De Saint-Giniez et Pringle (2000) ____________ 9

Figure 2 : The ordering scene of the restaurant (Abelson, 1981 : 716) ________________________ 14

Figure 3 : A continuum of script development (Gioia & Poole, 1984 : 454) ___________________ 15

Figure 4 : Scripts de carrière et processus de structuration (Barley, 1989 : 54) _________________ 18

Figure 5 : La capacité de guidance d’un script de carrière (Garbe, 2014) ______________________ 19

Figure 6 : Exemple de structure locale (A ou B ou C) ____________________________________ 22

Figure 7 : Processus de création et d’écriture de mémoire _________________________________ 25

Figure 8 : Les différents scripts selon les managers de département _________________________ 54

Figure 9 : Talent matrix, performance versus Potential (Sharma & Bhatnagar, 2009 : 125) _______ 65

Liste des tableaux

Tableau 1: La carrière traditionnelle et sans frontière (Sullivan, 1999 : 458) ____________________ 4

Tableau 2 : « A chaque forme organisationnelle son système de carrière » (Miles & Snow, 1996, cités

par Cadin & al., 2003 : 33) __________________________________________________________ 8

Tableau 3 : Codage des entretiens exploratoires _________________________________________ 26

Tableau 4 : Codage des entretiens semi-directifs ________________________________________ 27

Tableau 5 : Les processus de socialisation au sein de α ___________________________________ 51

Tableau 6 : Les scripts de carrière présents au sein de α ___________________________________ 53

Tableau 7: Les différents scripts selon les managers de département et leurs caractéristiques ______ 62

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Annexes

Annexe I : Guide d’entretien pour les managers de département

A. Présentation et explication de l’entretien (contexte, durée, confidentialité et enregistrement).

B. Age - Nom – Prénom – Fonction – Ancienneté dans la fonction et l’entreprise

1. Quelle était votre conception de la carrière lors de vos débuts professionnels ?

2. Pouvez-vous me citer votre parcours scolaire puis les étapes de votre parcours professionnel,

vos expériences professionnelles allant des plus anciennes aux plus récentes ?

3. Les différents changements ont-ils été choisis par vous ou décidés par l’entreprise ? Qui était à

la base de l’initiative ?

a. Quels sont les facteurs qui vous ont poussé ou qui vous poussent à changer de fonction ?

4. Vos désirs, souhaits ou envies ont-ils été pris en compte ?

5. Pourquoi être venu chez α ?

a. Ambitionnez-vous de rester dans cette entreprise ? Allez-vous continuer votre carrière

dans l’agroalimentaire ? Dans une grande entreprise/multinationale ?

6. Comptez-vous à nouveau changer de fonction au sein de α ?

a. Si oui, quand ou à quel rythme ? Avez-vous des objectifs ou visez-vous une fonction en

particulier ?

b. Si non, pourquoi ?

7. Comment concevez-vous la carrière maintenant ? Qu’est-ce qu’une carrière et quels sont les

éléments importants dans une carrière, d’après vous ?

8. Quelle est votre responsabilité au niveau de votre carrière ?

9. Quelle est votre marge de manœuvre chez α, au niveau de votre carrière ?

10. Une carrière parfaite pour un manager de département chez α, quelle est-elle ?

11. Comment est conçue et définie la carrière d’après α ?

12. Quelle est la responsabilité de α dans la gestion des carrières ? Quelle est la marge de manœuvre

de l’entreprise ?

13. Quels sont les outils ou stratégies, internes ou externes, mis en place pour vous aider ou bien

vous orienter dans votre carrière ?

14. Si le travailleur a un passé professionnel important en dehors de α

Face à vos anciennes expériences, quelles sont les différences entre les carrières chez α et les

autres entreprises ? Entre les outils disponibles dans les autres entreprises et chez α?

15. La culture d’entreprise est-elle un élément important chez α pour dans votre carrière ?

16. Que pouvez-vous me dire sur le programme M ?

C. Remerciements et explication de la suite.

D. Autres contacts

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Annexe II : Parcours de chaque manager de département

Nom Département Site Programme M

Manager de département 1 (M1) Technique C Oui

Parcours

Entreprise externe → Cadre intermédiaire du département technique / Site C → (proposé par α) →

Manager du département sécurité / Site C → (proposé par α) → Manager du département technique /

Site C

Manager de département 2 (M2) Technique C Non

Parcours

Programme M → (propose 3 fonctions) → (imposé par α) → Cadre intermédiaire du département

conditionnement / Autre site → (arrangement avec α) → Cadre intermédiaire du département

production / Site A → (proposé par α) → Cadre intermédiaire du département technique / Site A →

(proposé par α) → Cadre intermédiaire du département technique / Site C → (proposé par α) → Cadre

intermédiaire du département technique - conditionnement / Site C → (proposé par α) → Manager 2

du département technique / Site C

Manager de département 3 (M3) Conditionnement C Non

Parcours

Stage → Brigadier du département conditionnement / Site C → (proposé par α) → Responsable d’une

cellule d’amélioration au département conditionnement → (proposé par α) → Brigadier du

département conditionnement / Site C → (demandé par M3) → Ingénieur du département logistique

/ Site C → (demandé par M3) → Cadre intermédiaire du département conditionnement / Site C →

(proposé par α) → Cadre intermédiaire du département production / Site A → (rappelé par α) → Cadre

intermédiaire du département conditionnement / Site C → (proposé par α) → Manager du département

conditionnement / Site C → (imposé par α) → Manager du département conditionnement / Autre site

→ (rappelé par α) → Manager du département conditionnement / Site C → (proposé par α) → Manager

1 du département conditionnement / Site C

Manager de département 4 (M4) Conditionnement C Oui

Parcours

Programme M → (propose 3 fonctions) → (accord avec α) → Cadre intermédiaire du département

technique / Site A → (arrangement avec α) → Ingénieur du département conditionnement / Site A →

(proposé par α) → chef de projet du département conditionnement / Site C → (proposé par α) →

Manager 2 du département conditionnement / Site C

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Manager de département 5 (M5) Qualité C Non

Parcours

Université → Analyste du département qualité / Site C → (arrangement avec α) → chef de laboratoire

du département qualité / Site C → (proposé par α) → Multi-analyste du département qualité / Site C

→ (proposé par α) → Collaborateur Projet du département qualité / Site A et C → (proposé par α) →

Ingénieur du département production / Site C → (proposé par α) → Cadre intermédiaire du

département production / Site C → (proposé par α) → Cadre intermédiaire du département qualité /

Site C → (proposé par α) → Ingénieur du département production / Site C → (proposé par α) →

Ingénieur du département production / Site C → (proposé par α) → Manager du département qualité

/ Site C

Manager de département 6 (M6) Production C Oui

Parcours

Programme M → (propose 3 fonctions) → (accord avec α) → Cadre intermédiaire du département

production / Site A → (proposé par α) → Chef de projet du département production / Site A →

(proposé par α) → Manager du département production / Site C

Manager de département 7 (M7) Ressources

humaines C

Non

Parcours Entreprise externe → Manager du département ressources humaines

Manager de département 8 (M8) Production B Non

Parcours

Entreprise externe → Spécialiste recherche et développement / Site A → (proposé par α) → Spécialiste

senior recherche et développement / Site A → (proposé par α) → Manager du département production

/ Site B

Manager de département 9 (M9) Qualité B Non

Parcours

Entreprise externe → Analyste du département qualité / Site A → Spécialiste du département qualité

/ Site A → (accord avec α) → Cadre intermédiaire du département production / Site A → (proposé par

α) → Ingénieur du département production / Site A → (proposé par α) → Manager du département

qualité / Site B

Manager de département 10 (M10) Technique B Non

Parcours

Stage et mémoire chez α → (proposé par α) → Cadre intermédiaire du département conditionnement

/ Site C → (proposé par α) → Cadre intermédiaire du département technique / Site C → (proposé par

α) → Ingénieur du département technique / Site A → (proposé par α) → Manager du département

qualité / Site B

Page 85: La construction de la carrière professionnelle de ...©moire... · puisqu‘ils doivent à la fois se construire et construire leur carrière (Di Fabio & Bernaud, 2010). Le contexte

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Manager de département 11 (M11) Ressources

humaines B

Non

Parcours Entreprise externe → Manager du département ressources humaines / Site B

Manager de département 12 (M12) Technique A Non

Parcours

Stage et mémoire chez α → Programme antérieur d’induction – Gestion de projet / Autre site →

(proposé par α) → Collaborateur volant, gestion de projet / Site A et C → (proposé par α) → Cadre

intermédiaire du département conditionnement / Site A → (proposé par α) → Ingénieur du

département conditionnement / Site A → (demandé par α) → Gestion de projet au département

ressources humaines / Bénélux → (proposé par α) → Ingénieur du département technique / Site B →

(proposé par α) → Manager du département technique / Site A

Manager de département 13 (M13) Qualité A Non

Parcours Entreprise externe → spécialiste recherche et développement / Site A → (M13 a postulé) → Manager

du département qualité / Site B → (proposé par α) → Manager du département qualité / Site A

Manager de département 14 (M14) Production A Non

Parcours

Entreprise externe → Manager du département qualité / Site A → (proposé par α) → Spécialiste

recherche et développement / Site A → (proposé par α) → Manager de la zone Europe du département

qualité → (proposé par α) → Manager du département qualité et production / Autre site → (proposé

par α) → Manager du département production / Site A

Manager de département 15 (M15) Conditionnement A Non

Parcours Entreprise externe → Manager du département conditionnement / Site A