la constitution de 1958 et les traités internationaux

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La Constitution de 1958 et les traités internationaux.

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  • i d'une affai-19, d'assurer leivention et nonte se dchargerde produire lesmettre d'accordla Cour l'affairei ce que prvoitstice le dsiste-pourra de plein'e l'homme.

    internationaletietibn, prochest Philip Jessupirichit de jour j

    H. ROLIN.

    et

    pp

    LA CONSTITUf ION DE 1958ET LES TRAITS INTEBNATIONWX

    . - - . . . ' ' - : . . par-, : ' . . . : .

    Chartes ROUSSEAUProfesseur o la Facult de Droit de ^Wembre de l'Institut de dr.it internafonal

    En vingt annes la France aura connu trois rgimes cons-titutionnels diffrents quatre si l'on tient compte de l'-pisode vichyssois. Ces vicissitudes n'ont pas t sans cons-quences sur la technique de conclusion des traits interna-tionaux. A cet gard la Constitution du 4 octobre 1958, sielle n'apporte pas de modifications fondamentales au systmede 1875-1946, n'en mrite pas moins de retenir l'attentiondu juriste dans la mesur o elle amorce certaines innova*lions et laisse prsager certaines orientations.

    **

    L'intrt des nouvelles dispositions constitutionnelles esttout d'abord jd^ordre formel. Pour la premire fois une ru-brique spciale, le titre VI, (art. 52 55), est exclusivementconsacre aux traits et accords internationaux,. encoreque d'autres articles ressortissant des rubriques diffren-tes tels les articles 11 16 touchent la conclusionou l'excution des engagements internationaux.

    L'intitul trs comprhensif du titre VI est dj rvla-teur. Pour la premire fois dans notre .histoire constitution-nelle les accords en forme simplifie font leur apparitiondans le droit positif franais ; et c'est l un progrs consi-drable si l'on songe, la place importante qu'occupent les

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    engagements conclus sous cette forme dans la pratique fran-aise actuelle (1) . Sans doute la rfrence faite ces accordsest-elle discrte : ceux-ci sont tout juste mentionns^ Mais,du fait mme qu'ils ont reu la conscration constitutionnelle,ils font dsormais authentiquemettt partie de l'ordre juridi-que franais, JEtJls_y_sont_ijatgrs aye

  • LA. CONSTITUTION DE 1958 ET LES TRAITS INTERNATIONAUX 465

    Dans cette conception donc, seuls le rglement de la paixet le rglement des rapports de commerce exigeraient la con^clusion d'un trait au sens formel. Au contraire toutes lesautres matires vises par la Constitution pourraient indiff-remment donner lieu soit des traits en rgle, soit desaccords en forme simplifie, sous la rserve d'une autorisa-tion lgislative dans le premier cas et d'une approbation^lgislative dans le second. La nouvelle formule ne laisse pasde~ surprendre. D'une part il est difficile de penser que l'a-mnagement des rapports commerciaux s'effectuera toujoursuniformment sous la forme de traits, l'exclusion d'ac-cords provisoires; arrangements, avenants, modus viuendi,etc. D'autre part on peut trouver discutable qu'un engage-ment international comportant modification du territoire na-,tional dans quelque sens que ce soit intervienne dansune forme autre que celle d'un trait authentique; du moinsla ncessit de l'approbation parlementaire j sauvegardera-t-elle en ce cas certaines exigences fondamentales.

    Il resterait.toutefois dterminer si l'absence de cettedernire formalit affecterait la validit internationale d'unaccord dont le mrite propre est prcisment d'tre parfaitds la signature. On est en droit d'en douter, car l'appro-bation, intervenant a posteriori, ne saurait ! avoir la mmeporte qu'une autorisation de ratification qui, elle, apparatcomme le pralable ncessaire d'une opration dont elle con-ditionne la rgularit. Mais le dfaut d'approbation parle-mentaire interdirait certainement aux tribunaux, pour re-prendre la formule de l'article 53 2, de donner effet un accord en forme simplifie conclu dans ces conditions.

    ***

    l/numration donne par l'article 53 ds traits inter-natu>naux_dont la ratification est suBrgoniejar autorisation jlgislative reproduit, deux diffrences prsj, celle qui figu-rait l'article 27 de la Constitution de 1946.] ~ *

    a) En premier lieu la mention des traits relatifs aux.'droits de proprit des Franais l'tranger >, traditionnelle/

    'depuis 1875, ne figure plus dans la nouvelle frumration. Ls/; .'.-"" 30'

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    conditions particulires dans lesquelles a t labore la Cons-titution et l'absence de toute indication cet gard dans lestravaux prparatoires ne permettent pas de discerner les vri-tables raisons de cette exclusion. On peut se demander toute-fois si le dveloppement de la politique de nationalisation pra-tique depuis 1945 par de nombreux Etats et notamment,mais non exclusivement, par les dmocraties populaires ne s'accommode pas mieux d'un rgime d'indemnisation plusdiscret et moins spectaculaire que celui qui rsulte invita-blement de traits authentiques soumis approbation lgis-lative et par suite dbat parlementaire. Il est penser quela pratique franaise s'orientera dsormais dans ce domainevers la conclusion d'accords en forme simplifie (2).

    L'atteinte n'en est pas moins certaine un principe fon-damental du droit- public franais traditionnel d'aprs lequelles sacrifices imposs la proprit prive ne pouvaient r-sulter que du lgislateur, principe encore consacr par laConstitution de 1958, dont l'article 34 stipule que la loi fixles rgles concernant... les nationalisations d'entreprises etles transferts de proprit d'entreprises du secteur publicau secteur priv > et dtermine les principes fondamentaux...du rgime de la proprit . Il y a au moins, entre les deuxordres de dispositions, une contradiction apparente.

    &) Les auteurs de la Constitution de 1958 n'ont d'autrepart pas cru devoir reprendre la rdaction de 1946 d'aprslaquelle les traits_ mdifiant,les_lo.i5Jnternes taient sou-,mis autorisation parlementaire. L'article 53 ne prvoit eneffet l'intervention des Chambres que pour les traits quimodifient les dispositions de nature lgislative .

    Le changement est d'importance et il n'a- pas chapp l'attention de la doctrine (3). Il signifie en effet que le Par-lement n'intervient plus dsormais dans la procdure de ra-

    (2) Cf. dj en ce sens la conclusion entre la France et la Rpubli-que populaire roumaine de l'accord du 9 fvrier 1959 concernant lerglement des problmes financiers entre les deux pays (texte dansle Journal Officiel du 10 mars 1959, pp. 3287-3288), qui est en ralitun accord d'indemnisation des personnes physiques ou morales de na-tionalit franaise atteintes par les mesures roumaines de nationalisa-tion, d'expropriation ou de rquisition.

    (3) Voir P. Durand, La dcadence de la loi dans" la Constitutionde la V Rpublique , J.C.P., 1959.1.1470.

  • LA CONSTITUTION DE 1958 ET LES TRAITS INTERNATIONAUX 46

    tification des traites ds lors que l'objet d'un trait relvedu domaine rglementaire. En d'autres termes, le chef del'Etat pourra ratifier seul un trait modifiant une loi au sensformel du moment que le contenu de celle-ci '- promulgupar hypothse avant le 4 octobre 1958 ne sera pas en soilgislatif mais rglementaire. Ici encore le recul est mani-fest par rapport aux donnes traditionnelles de notre: droitpublic, dans lequel le concept de loi se dfinit exclusivementpar sa forme et non pas son objet (4). Mais comment s'entonnerait-on ds lors; que, suivant la remarque de notre re-^grett collgue Paul Durand, la V* Rpublique tend faire dugouvernement le lgislateur de droit commun?

    n D'aprs l'article 11 de la Constitution le prsident de la/ Rpublique peut soumettre au rfrendum tout projet de/ loi .;. tendant autoriser la ratification d'un trait qui, sansV tre contraire la Constitution, aurait des incidences sur le

    .fonctionnement des institutions .Le moins qu'on puisse dire d'une telle formule est qu'elle

    manque de prcision. L'emploi du conditionnel est dj r-vlateur, ainsi que le recours au terme d' incidences. quijen dehors de la lgislation fiscale, n'veille d'habitude aucuncho dans la langue juridiquer On peut estimer qu' cet gardla place faite au rfrendum dans la conclusion de^ traits

    Vnternationaux est soit excessive, soit insuffisante : excessivedans la mesure o elle ne vise qu'une, catgorie de traitsarbitrairement choisis et improprement dfinis ; insuffisantedans la mesure o elle ne s'applique pas des traits plusimportants et o l'initiative du rfrendum^ d'ordre exclusi-vement gouvernemental ou parlementaire, est refuse auxgouverns en tant que tels, contrairement ce qui se passepar exemple eii Suisse.

    (4) Voir notamment Carr de Malberg, Thorie gnrale d l'Etat,1920,1, pp. 326-377. '

  • 468 CHARLES ROUSSEAU

    S'il n'est plus question, comme sous l'empire de la Cons-titution de 1946, de soumettre certains traits l'avis du Con-seil conomique, l'article 54 de la Constitution de 1958 prvoitdans les termes suivants l'intervention du Conseil constitu-tionnel :

    Si le Conseil constitutionnel saisi par le prsident de laRpublique, par le Premier Ministre ou par le prsident de l'uneou l'autre Assemble, a jdclar_gulun__erigagement-. international

    I comporte une clause contraire la Constitution, l'autorisation de1 le ratifier ou de l'approuver ne peut intervenir qu'aprs la rvisioni\e la Constitution.

    Le champ d'application de la disposition prcite a tlgrement, restreint par rapport l'avant-projet et au textelabor par le Comit consultatif constitutionnel qui, tous lesdeux, prvoyaient l'extension de cette procdure aux traitscomportant une clause contraire aux lois organ.lq.ijes.

    L'objet de l'article 54 est clair, surtout si l'on songe laposition adopte en 1954 par l'actuel Premier Ministre dont on sait le rle capital dans l'laboration de la Constitu-tion au regard du trait du 27 mai 1952 instituant la Com-munaut europenne de dfense (5). Mais la solution donnepar la Constitution de 1958 ne manquera pas de surprendreplus d'un juriste par la confusion qu'elle tablit ou queses auteurs ont entendu maintenir entre deux problmesfondamentalement diffrents : celui de rinconstitutionnalitdies traits-et celui de la ryJllQnjJeJa_&n^titon. La notionde trait inconstitutionnel est dj un non sens~ elle-mmedans un systme jurjdique "fond sur la primaut, ,du_droit j

    jnternational, car elle tend apprcier la validit du droit!conventionnel par rapport l'a rgle hirarchiquement inf-rieure qui, ft-elle constitutionnelle, reste d'ordre interne,

    (5) En 1954 la subordination de la ratification ,du trait instituantla C.E.D. une rvision constitutionnelle pralable leta.it prconise parles adversaires du trait comme un moyen de. rendre plus difficile,voire d'empcher l'entre eii vigueur de celui-ci en France, la diff-rence de ce qui se passait chez les autres Etats signataires notammenten Belgique et aux Pays-Bas , o le recours la rvision constitu-tionnelle n'avait d'autre objet que de sanctionner ; par une procdureparticulirement solennelle l'introduction dans le! droit interne desdiverses obligations assumes par voie conventionnelle.

  • LA CONSTITUTION DE 1958 ET LES TRAITS INTERNATIONAUX 469

    donc subordonne. En l'espce c'est la Constitution s'adap-ter au trait, non au trait se conformer elle.

    Surtout l'esprit gnral dont procde l'insertion de l'ar-ticle 54 s'inspire implicitement de l'ide d'aprs laquelle laloi qui autorise la ratification d'un trait conclu par la Francepourrait oprer dans certains cas et dans des conditionsqui seraient alors en effet parfaitement irrgulires unervision de la Constitution en dehors des formes prescritespar celle-ci. C'est oublier que l'acte vot, par le Parlementet qui habilite le prsident de la Rpublique ratifier untrait n'a d'une loi que le nom. On sait que l'approbationdonne par un organe tatique un acte accompli par unautre organe ne change pas la nature juridique de cet acte :il en est ainsi des approbations lgislatives donnes desactes administratifs. L'acte improprement appel loi de rati- -fication est une simple autorisation en forme lgislative etrien d plus, que bien des particularits diffrencient radi-calement d'une loi ordinaire (6). L'intervention des deuxChambres aux fins d'autorisation de la ratification d'un traitne peut ds lors en aucune manire tre considre commequivalant une loi abrogatoire de'telle ou telle dispositionconstitutionnelle.

    Faut-il ajouter que l'innovation consacre par l'article 54ne rencontr aucun. appui dans la pratique constitutionnelfefranaise ? Celle-ci offre des exemples varis de traits inter-nationaux a^lvr~crTalrI"s dispositionT^^r^s^iraT^u~cm-'

    Jtgl_artjcejde la Constitution de 1875~ou.JOjaTimoins^la ratiflcato^^r^F^irto^

    rise par une loi ordinaire. Faut-il rappeler le cas des con-ventiOTI5~mrnationales du travail approuves par la Franceen dehors de toute ratification formelle du chef de l'Etat, alorsque celle-ci est constitutionnellement exige ? Faut-il invo-quer la pratique des accords en forme simplifie conclus jus-

    (6) II suffira de rappeler ici qu'en matire d'autorisation lgislativede ratification l'initiative est rserve an gouvernement (contrairement ce qui est prvu l'art. 39 de la Constitution) et le droit d'amende-ment de l'art. 44 supprim. Enfin la promulgation de la loi autorisantla ratification a un caractre discrtionnaire la diffrence de la pro-mulgation des lois ordinaires, laquelle doit en principe intervenir dansles quinze jours qui suivent la transmission au gouvernement de laloi dfinitivement adopte (art. 10).

  • 470 'CHARLES ROUSSEAU

    qu'en 1958 dans une forme insolite r tout le nloins extra-constitutionnelle et dont la jurisiprudence n'a jamais con-test pourtant la force obligatoire ? I

  • LA CONSTITUTION DE 1958 ET LES TBAITS INTEBNATIONAUX 471

    ***

    La dernire disposition de la Constitution, l'article 55, con-; cerne les rapports des lois et des traits. Elle est ainsi rdige : ,

    Les traits ou accords rgulirement ratifis ou approuvsont, ds leur publication, une autorit suprieure celle des lois,

    ! sous rserve, pour chaque accord o trait, de son applicationpar l'autre partie.

    Le texte de l'avant-projet (article 50) tait ainsi conu : Les traits ou accords rgulirement ratifis ou approuvs

    ont, ds leur publication, une autorit suprieure celle des lois,!' ' sous rserve, dans chaque cas, de rciprocit.

    L'article 50 des propositions tablies par le Comit consul-tatif constitutionnel 'tait encore d'une rdaction diffrente (ladisposition qui prcde ne peut tre oppose par les Etatstrangers qui ne respectent pas ce principe ). ^

    Intressante dans la mesure o elle consacre la primautdes accords en forme simplifie ct des traits *Sjicfosensu ^ sur les lois internes et o elle fait de l publica-'tion un lment de la validit des uns et des autres, la

    \,*f disposition de l'article 55_.appelle toutefois, dans__Ia forme

    f fo' o elle a t nonce, d'assez srieuses rserves. La sup-riorit9 engagemenfsT~nTrnationaux"~sur les lois fran-' ! aises n'est en effet reconnue par la Constitution que sous

    rserve, pour chaque accord ou trait, de son applicationpar l'autre partie.

    Qu'elle procde d'une soumission abusive au prjug de|; la souverainet ou d'une adhsion dlibre une concep-

    ftion exagrment contractuelle du trait international, cetteformule n'en est pas moins regrettable. Elle obligera d'a-bordj.e_juge une recherche_Iaborieuse des solutions^ ajmpli-qgjgs en fait par l'administration et les tribunaux des Etatsappels contracter avecJ[a_jFrrance : recherch" dont~a mTseen uvre sera souvent malaise et dont~Ies rsultats ris-queront parfois d'tre contestables ou peu concluants. Ondiscerne mal d'autre part comment, dans ces, conditions-l^Gmtversement franais sera toujourssr .qu'un trait (mul-^ffiatraljhiquel il est partie possde, dans l'ordre juridiquedeow ses signataires, uire force obligatoire suprieure

  • 472 CHARLES HOUSSEA0

    celle des lois internes. Qnid ds lors si la jurisprudencede ces Etats est divergente, donnant ici l prfrence auxlois et l aux traits ? Que devient dans ces conditionsl'unit de la rglementation conventionnelle ? Peut-tre ob-jectera-t-on que, dans la mesure o il fait, allusion l'ap-plication._gar l'autre partie, l'article ^ 55^)ne vise explici-tement/que les traits^bilatraux. Avec cette interprtationon aurait alors aeux^rgimes juridiques diffrents . Funpour les traits bilatraux, l'autre pour les traits multi-latraux du point de vue de leur intgration la lgalitinterne. On peut se demander si c'est bien l un rsultatsouhaitable. On discerne mal en tout cas le progrs qui enrsulterait.

    ***

    De tels problmes d'interprtation se posent toujourspour les dispositions constitutionnelles concernant la con-clusion ou les effets des traits internationaux, que celles-ci soient rdiges par des parlementaires ou par des juris-tes. Si la Constitution de 1958 contient ce point de vuedes dispositions qui mritent pleine approbation, on doitcependant regretter que, bien qu'elle ait ! t labore pardes techniciens du droit public, elle ait accueilli certainesinnovations discutables dont -la mise en uvre entranerasans doute des mcomptes et appellera tt ou tard d'indis-pensables retouches.

    Ch. ROUSSEAU.