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Collection «Aliments dans les villes» La consommation alimentaire Cotonou Claire Thuillier-Cerdan et Nicolas Bricas EC/07-96F Programme «Approvisionnement et distribution alimentaires des villes» CIRAD-AMIS, Programme Agro-Alimentaire Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement Food and Agriculture Organisation 1998

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Page 1: La consommation alimentaire ‹ Cotonou2 R”f”rence˚: Thuillier-Cerdan C., Bricas N., 1998. La consommation et la distribution alimentaire ‹ Cotonou (B”nin). Montpellier, France,

Collection «Aliments dans les villes»

La consommation alimentaire � Cotonou

Claire Thuillier-Cerdan et Nicolas BricasEC/07-96F

Programme

«Approvisionnement et distribution alimentaires des villes»

CIRAD-AMIS, Programme Agro-AlimentaireCentre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement

Food and Agriculture Organisation1998

C-EC0796F.qxd 19-06-1999 17:39 Page 1 (1,1)

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R�f�renceÊ:Thuillier-Cerdan C., Bricas N., 1998. La consommation et la distribution alimentaire �Cotonou (B�nin). Montpellier, France,

FAO, s�rie ÇAliments dans les villesÈ - EC0796F

Cirad, s�rie Urbanisation, alimentation et fili�res vivri�res, n¡ 2, 44 p. (ISBN 2-87614-332-1)

RemerciementsÊ:Ce document a �t� �dit� gr�ce au concours de Jean-Luc NDIAYE et Dominique LASSERRE quien ont effectu� sa relecture et sa mise en forme.La maquette a �t� r�alis�e par Cl�mence JOLY et Patricia DOUCET

Les auteursÊ:Claire THUILLIER-CERDAN est chercheur en g�ographie au Programme Agriculture Familialedu Cirad-Tera - B.P. 5035 - 34032 Montpellier cedex - FranceTel: 33 (0)467 61 56 23 Fax: 33 (0)467 61 12 23 E mail: [email protected]

Nicolas BRICAS est chercheur en socio-�conomie alimentaire au Programme Agro-Alimentaire du Cirad-Amis - B.P. 5035 - 34032 Montpellier cedex - FranceTel: 33 (0)467 61 57 12 Fax: 33 (0)467 61 44 49 E mail: [email protected]

© CIRAD, FAO, 1998ISBN 2-87614-332-1

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RESUME EXECUTIF

Cette �tude de cas vise � d�crire et analysercomment s'organise la distribution alimentaire �Cotonou en fonction de la dynamique des stylesalimentaires. L'hypoth�se centrale de cette �tudeest que l'organisation de la distributionalimentaire urbaine ne peut �tre r�duite � la seulefonction de rendre les aliments accessibles dansun espace �tendu et dense de population. Lastructuration des circuits de distribution est eneffet li�e au statut des diff�rents produits dans laconsommation et aux pratiques alimentaires desconsommateurs.

Cette �tude, structur�e en trois parties, pr�sented'abord les principales caract�ristiques des stylesalimentaires des Cotonois, pr�sente ensuite lescaract�ristiques et modes de fonctionnement desdiff�rentes structures de distribution et analyseenfin les relations entre les styles alimentaires etl'organisation des structures de distribution parl'identification de leur perception par lesconsommateurs.

L'analyse des styles alimentaires fait appara�trequelques caract�ristiques importantes de laconsommation:- l'importance des produits vivriers locaux dansla consommation et la faible part des produitsimport�s;- l'importance de la consommation de produitstransform�s locaux, adapt�s aux modes de vieurbains;- l'importance de la consommation hors dudomicile qui concerne aussi bien certains repaspris dans les petits restaurants que le grignotageentre repas dans la rue;- le r�le croissant de la femme dans lacontribution au budget alimentaire;- la r�partition � part �gale dans lesapprovisionnements entre les achats en demi-gros destin�s au stockage � domicile et lesachats au d�tail ou micro-d�tail;- la part non n�gligeable desapprovisionnements non marchands, par le biaisdes relations intra-familiales entre ville etcampagne et par les pratiques de redistribution �l'int�rieur de la ville;- l'importance des achats r�alis�s hors desmarch�s, notamment dans la rue ou aupr�s devendeuses ambulantes ou � domicile;- la faible importance des achats en boutiques oumagasins.

L'analyse de la structuration des circuits dedistribution fait appara�tre quelquescaract�ristiques int�ressantes:

¥ L'extension du syst�me de distribution au furet � mesure de l'extension de la ville s'est faite, �Cotonou, par la cr�ation de march�s dequartiers, relais d'un march� de gros situ� aucentre de la ville: le march� Dantokpa.Parall�lement se sont multipli�es, dans lesdiff�rents quartiers, les activit�s de vente de rueet de vente ambulante.¥ Le march� de Dantokpa est � la fois un march�de gros, de demi-gros et de d�tail pour latotalit� des produits alimentaires et une grandepartie des biens de consommation nonalimentaires. Son r�le n'est cependant pasuniquement commercial mais aussi social.¥ Les march�s de quartier sont essentiellementdes march�s de revente au d�tail mais quelquesuns tendent � se sp�cialiser dans certainsproduits et assurent alors une fonction de march�de gros compl�mentaire de celle du march�Dantokpa.¥ La distribution hors des march�s regroupequatre types d'activit�s: la vente de rue fixe, lavente ambulante, la vente permanente � domicileet la vente occasionnelle � domicile. Ce micro-commerce est souvent associ� � une activit� detransformation des produits ou de petiterestauration.

Le fonctionnement des circuits commerciauxpr�sente plusieurs caract�ristiques importantes:¥ Les relations entre agents d'une fili�re ne sontpas d'ordre purement commercial. Dans uncontexte d'incertitudes et de risques, la confiancepour r�aliser les transactions s'�tablit notammentpar le biais de r�seaux sociaux, parl'appartenance des acteurs � de m�mes groupeslignagers, ethniques, g�ographiques oureligieux.¥ Ce mode de relations n'est cependant pas pourautant exclusif. Les acteurs ne sont pasuniquement reli�s par des relationsinterpersonnelles. Ils partagent des r�gles demesure des poids et volumes communes � denombreux r�seaux. Ils sont, dans certains cas, env�ritable situation de concurrence.¥ Nombre de commer�ants ne sont pasexclusivement sp�cialis�s sur un type deproduit. Les grossistes comme les d�taillantesdiversifient leurs activit�s pour faire face auxrisques et tirer partie des d�calages de calendrierde la production agricole.

L'analyse des relations entre les stylesalimentaires et la structuration des diff�rentscircuits de distribution permet de tirer, pourchacun d'eux, certaines conclusions:

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¥ Le march� Dantokpa est fr�quent�r�guli�rement mais plus ou moins fr�quemmentpar tous les Cotonois. Il est d'abord per�ucomme un march� offrant une diversit�, unequalit� et des prix permettant des achats endemi-gros de produits destin�s � �tre stock�s �domicile. Son rythme de fr�quentation d�pendde la disponibilit� mon�taire des familles quidoit �tre suffisante pour justifier le co�t dutransport entre le domicile et le march�, de lacapacit� de stockage des familles et du tempsdisponible.¥ Les march�s de quartier sont surtout fr�quent�spour des achats d'appoint et pour des achats deproduits p�rissables. Ils constituent aussi un desprincipaux lieux d'achat des populationsd�favoris�es dont les revenus sont trop faibles outrop fractionn�s et qui r�sident souvent trop loindu centre de la ville pour acc�der r�guli�rementau march� Dantokpa.

¥ Les vendeuses de quartier assurent � la fois unefonction de vente au d�tail pour les produitsd'appoint et de vente des produits transform�spour lesquels les exigences de qualit� desconsommateurs sont fortes. La confiance dans laqualit� est alors assur�e par des relations deproximit� non seulement g�ographique maisaussi sociale.

En conclusion de cette �tude de cas sontpropos�es des recommandations pour laconception de programmes d'actions visant �am�liorer les syst�mes de distributionalimentaire des villes. Ces programmes doivent�tre replac�s dans le cadre des strat�gies visant �am�liorer la s�curit� alimentaire despopulations, notamment d�favoris�es, �accompagner le r�le d'entra�nement que jouentles villes sur le d�veloppement agricole local et� favoriser la cr�ation et la durabilit� desemplois et des revenus.

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SOMMAIRE

Avant-propos.................................................................................................................... 6

Introduction..................................................................................................................... 8

1. Les principales caract�ristiques des styles alimentaires des Cotonois ............. 10

1.1. Les produits consomm�s.............................................................................................. 10

1.2. Les plats pr�par�s....................................................................................................... 11

1.3. L'organisation des repas ............................................................................................. 13

1.4. Les pratiques d'approvisionnement ............................................................................... 15a) La r�partition des responsabilit�s au sein de la famille........................................................ 15b) Les modes et lieux d'approvisionnement ......................................................................... 16

2. La distribution alimentaire � Cotonou.................................................................. 20

2.1. Historique de l'�volution spatiale de la distribution alimentaire...................................... 20

2.2. Typologie des structures de distribution......................................................................... 20a) Le march� de grosÊ: Dantokpa........................................................................................ 21b) Les march�s secondaires et les march�s de quartier ............................................................ 23c) La distribution alimentaire hors des march�s .................................................................... 25

2.3. Le fonctionnement des structures de distribution et les pratiques des commer�ants............. 29a) Le fonctionnement du commerce de gros.......................................................................... 30b) Le fonctionnement du commerce de d�tail........................................................................ 32c) Les strat�gies de relations entre les agents commerciaux ..................................................... 33

3. La perception des structures de distribution par les consommateurs............... 36

3.1. La perception du march� Dantokpa .............................................................................. 36

3.2. La perception des march�s de quartier........................................................................... 37

3.3. La perception des vendeuses de quartier......................................................................... 38

3.4. La perception des boutiques de quartier......................................................................... 39

Conclusions................................................................................................................... 40

Bibliographie................................................................................................................. 42

Annexe : Liste des tableaux et des cartes .................................................................. 44

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AVANT-PROPOS

Le pr�sent document a �t� �labor� dans le cadre du Programme sous-r�gionalÇÊApprovisionnement et distribution alimentaire des villes de lÕAfrique francophoneÊÈ de laFAO (projet GCP/RAF/309/FRA), dont il constitue une �tude de cas.

Une partie importante des travaux expos�s dans ce rapport est issue dÕune recherchedoctorale r�alis�e par Claire THUILLIER-CERDAN au Cirad en collaboration avec la Facult� dessciences agronomiques de lÕUniversit� Nationale du B�nin1.

Une partie des r�sultats de ce travail a �t� �galement publi� dans lÕarticle :

Cerdan C., Bricas N. et Muchnik J., 1995. Organisation alimentaire urbaine ;l'approvisionnement de Cotonou en produits vivriers. Les Cahiers de la RechercheD�veloppement, (40) : 76-97.

1 Thuillier-Cerdan C., 1997. Organisation alimentaire urbaine au B�nin : lÕapprovisionnement deCotonou en produits vivriers. Th�se de Doctorat en G�ographie et Pratiques du D�veloppement,Universit� Paris X-Nanterre, France, 269 p.

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INTRODUCTION

Ce document vise � d�crire et analysercomment s'organise la distributionalimentaire � Cotonou en fonction de ladynamique des styles alimentaires.L'hypoth�se centrale de cette �tude estque l'organisation de la distributionalimentaire urbaine ne peut �tre r�duite �la seule fonction de rendre accessibles lesaliments dans un espace �tendu et densede population que constitue la ville. Lastructuration des circuits de distributionest en effet li�e au statut des diff�rentsproduits dans la consommation et auxpratiques alimentaires desconsommateurs. La compr�hension desr�les compl�mentaires que jouent cesdiff�rents circuits ne peut se faire sanscomprendre l'importance relative desproduits dans la consommation etl'organisation des pratiquesd'approvisionnement, de transformationdes produits, de pr�paration des plats et deprise des repas des consommateurs.

Cette �tude de cas ne vise donc pas �pr�senter comment s'organisent lescircuits d'approvisionnement de la ville enproduits alimentaires en provenance deszones locales de production agricole oudu march� international. Elle se centredavantage sur ce qui se passe � l'int�rieurde la ville. Elle ne vise pas non plus �analyser la performance �conomique desdiff�rents circuits de distribution. Cettequestion a d�j� fait l'objet de diverses�tudes et il s'agit plus d'apporter un�clairage compl�mentaire surl'organisation alimentaire urbaine.

Du point de vue m�thodologique, cette�tude s'appuie sur une analyse desdonn�es d'enqu�tes r�alis�es au B�nin pardiff�rentes institutionsÊ: l'Institut nationalde la statistique et de l'analyse�conomique (INSAE) pour l'enqu�tebudget consommation de 1986-1987 et leD�partement de g�ographie etd'am�nagement du territoire de la Facult�des lettres, arts et sciences humaines del'Universit� Nationale du B�nin et la

Facult� des Sciences Agronomiques de lam�me universit�.

En collaboration avec cette derni�reFacult�, le D�partement des syst�mesagro-alimentaires et ruraux du Centre decoop�ration internationale en rechercheagronomique pour le d�veloppement(CIRAD-SAR) a r�alis� un travail derecherche sur l'organisation alimentaire deCotonou entre 1991 et 1994. Ce travail aconduit � r�aliser diverses enqu�tes parquestionnaires et entretiens approfondisaupr�s de consommateurs, de diff�rentstypes de commer�ants (grossistes,d�taillantes, etc.) et d'artisanestransformatrices de produits alimentaires.Une partie des r�sultats de ce travail estpr�sent�e dans cette �tude. Les aspectsm�thodologiques relatifs � chacun destypes d'investigation sont pr�sent�s en t�tedes trois chapitres concern�s.

1. L'analyse des principalescaract�ristiques des styles alimentaires desCotonois. Cette partie pr�sente la structurede l'alimentation en terme de produitsconsomm�s puis d�crit les pratiques depr�paration, d'organisation des repas etd'approvisionnement.

2. La distribution alimentaire � Cotonou.Apr�s un bref rappel de l'historique del'�volution spatiale de la distributionalimentaire, cette partie pr�sente lescaract�ristiques des diff�rents types destructures de distribution puis leurfonctionnement et les pratiques descommer�ants.

3. La perception des structures dedistribution par les consommateurspermet d'analyser les relations entre lesstyles alimentaires des Cotonois etl'organisation de la distribution.

En conclusion sont propos�es desrecommandations dans la perspective dela conception de programmes d'actionsvisant � am�liorer les syst�mes dedistribution alimentaire des villes.

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1. LES PRINCIPALES CARACTERISTIQUES DES STYLESALIMENTAIRES DES COTONOIS

Pour comprendre les caract�ristiques et le fonctionnement de l'organisation alimentaire deCotonou, de son syst�me d'approvisionnement et de distribution, il est n�cessaire toutd'abord de caract�riser les styles de consommation de sa population. Par style alimentaire,on entend ici, aussi bien les produits consomm�s que les pratiques d'approvisionnement, depr�paration des plats et de prise de repas. Dans cette approche, l'analyse de ce que les gensmangent importe autant que celle de la fa�on dont ils s'organisent pour le faire.

1.1. Les produits consomm�sAu B�nin, on distingue classiquementtrois r�gimes agro-nutritionnels rurauxÊ:

· Au nord du pays, dans les parties nordde l'Atacora et du Borgou, la baseamylac�e est domin�e par le sorgho et lemil et compl�t�e par l'igname. Lesprot�ines sont apport�es par lesl�gumineuses et la viande.

· Au sud, dans les r�gions du Mono, del'Atlantique, de l'Ou�m� et du sud du Zou,domin� par le ma�s et le manioc, laconsommation de graines ol�agineuses estsignificative. Les prot�ines sont apport�espar les l�gumineuses et le poisson.

· Au centre, dans la partie nord du Zouet les parties sud de l'Atacora et duBorgou, consid�r� commeÇÊinterm�diaireÊÈ, l'igname, le ma�s et lemanioc occupent une place importantemais on trouve encore du sorgho. Laconsommation d'ol�agineux est �galementsignificative. Les prot�ines sont apport�espar les l�gumineuses, le poisson et laviande.

Le r�gime agro-nutritionnel urbain deCotonou est marqu� par l'influence dumod�le rural du sud du fait del'importance de la population originairede cette zone qui r�side dans la capitaleb�ninoise. Mais ce mod�le urbain subit�galement d'autres influences par le biaisdes populations originaires des zonesnord et centre et par la pr�sence du port

ouvert sur le march� international quifacilite la p�n�tration de produitsimport�s. Le r�gime agro-nutritionnel deCotonou appara�t donc plus diversifi�qu'en milieu rural : les bases amylac�esconsomm�es sont le ma�s et le riz pour lesc�r�ales et le manioc et l'igname pour lesracines et tubercules. La consommationd'ol�agineux est significative. Lesprot�ines sont apport�es par lesl�gumineuses, le poisson et la viande.Divers produits alimentaires apparaissentplus sp�cifiquement consomm�s en milieuurbain comme le bl�, les conserves, lesproduits laitiers stabilis�s.

Il n'existe pratiquement pas de donn�espour quantifier la part relative de cesproduits dans la ration moyenne desCotonois et les estimations, lorsqu'elles ont�t� tent�es, diff�rent sensiblement d'unesource � l'autre. Les estimations dequantit�s consomm�es �tablies � partir desdonn�es sur les d�penses de l'enqu�tebudget consommation de 1986-1987 sontdifficilement utilisables car elles neprennent en compte que les quantit�sdestin�es � la pr�paration � domicile et netiennent donc pas compte de laconsommation de produits ou plats d�j�pr�par�s (restauration, alimentation derue).

Pour appr�hender l'importance relativedes diff�rents types de produits dansl'alimentation des Cotonois, on peutanalyser la structure de leurs d�pensesalimentaires. Le tableau 1 pr�sente lesr�sultats agr�g�s de l'enqu�te budget-consommation de 1986-1987.

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Ces donn�es font appara�tre l'importancede la consommation de produits locaux �Cotonou malgr� l'ouverture de cette villesur le march� international du fait de lapr�sence du port et de l'histoire de la ville.Plus des deux tiers des achats alimentairesconcernent en effet des produits del'agriculture de la p�che ou de l'�levagelocaux. Le march� de Cotonou repr�senteun d�bouch� important pour laproduction vivri�re du pays et induit de cefait de multiples circuitsd'approvisionnement de la campagne versla ville.

Il est d'autre part int�ressant de noter queplus de la moiti� (52 %) des d�pensesalimentaires sont consacr�es � l'achat deproduits fraisÊ: c�r�ales sous forme dep�tes ferment�es, racines et tubercules,l�gumes, produits animaux, fruits. Ceci ades cons�quences importantes pourl'organisation des circuitsd'approvisionnement et de distributionalimentaires de la ville.

Une autre classification des d�penses deproduits alimentaires pour la m�me

enqu�te fait appara�tre qu'� Cotonou pr�sde la moiti� (41,2Ê%) des d�pensesalimentaires totales sont consacr�es �l'achat d'aliments transform�s. Sous cetterubrique sont regroup�es les d�penses enplats de riz, bouillies de c�r�ales, p�tesferment�es de ma�s (akassa notamment),semoule de manioc (gari), divers autresproduits transform�s � base de racines,tubercules et l�gumineuses, les huiles,conserves, boissons, etc.

1.2. Les plats pr�par�sLe premier passage de l'enqu�te budget-consommation de 1986-1987 a permis depr�ciser la nature des aliments utilis�s parles Cotonois. Les r�sultats sont pr�sent�sau tableau 2.

Il appara�t ainsi que sur les sept jours surlesquels a port� l'enqu�te, les m�nages ontpr�par� � domicile en moyenne 1,85 platpar jour compl�t� par des plats pr�par�sou des produits suppl�mentaires, achet�spour les trois quarts d'entre eux, � raisonde 3,65 produits par jour. Autrement dit,sur les 5,49 produits utilis�s par jour et

Tableau 1. Structure des d�penses alimentaires � Cotonou(en pourcentage des d�penses alimentaires totales)

C�r�ales 28,4

riz 7,7

ma�s et produits d�riv�s 7,2

bl� et produits d�riv�s 6,6

autres produits c�r�aliers 6,9

Racines et tubercules 4,6

L�gumineuses 2,0

L�gumes 7,7

Produits animaux 30,8

poissons et crustac�s 16,5

viandes 4,7

produits laitiers et oeufs 7,6

graisses animales 2,0

Noix, amandes et huiles v�g�tales 9,8

Condiments et �pices 3,8

Fruits 2,1

Sucre et produits sucr�s 1,1

Boissons, stimulants et tabacs 7,9

Mouture des c�r�ales et condiments 1,8

TOTAL 100,0

D�penses alimentaires/d�penses totales 46 %

SourceÊ: INSAE (1994)

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par m�nage seuls un tiers d'entre eux sontcuisin�s � domicile mais ils repr�sententcependant plus des trois quarts desquantit�s d'aliments consomm�s.

Ces r�sultats mettent en �videncel'importance des pr�parations alimentairesmarchandes dans la consommation desCotonois. Soulignons que n'est pas priseen compte dans ces donn�es, laconsommation hors du domicile, dans lesrestaurants populaires ou dans la rue. Ladistribution des produits alimentaires �Cotonou ne concerne donc pas que desproduits bruts mais �galement une grandediversit� de produits pr�par�s pr�ts �

consommer ou combin�s sous forme deplats cuisin�s.

La majorit� des pr�parations, qu'ellessoient faites � domicile ou achet�es,rel�vent d'une structure de plat ous'associent une base amylac�e (c�r�ale,racine ou tubercule) et une sauce �multiples ingr�dients (l�gumineuses,produits animaux, corps gras, l�gumes,condiments). Cette structure que l'onretrouve dans la plupart des pays africainsa des cons�quences importantes sur lagestion des budgets alimentaires et lesmodalit�s d'acquisition des produits.

Tableau 2. Nature des aliments utilis�s par les m�nages de Cotonou(en nombre de produits ou plats/m�nage/jour)

Pr�parationsdomestiques

Suppl�ments achet�s ou re�us Total

Plats pr�par�s Produits brutsMatin 0,24 1,79 0,34 2,37

dont p�te, pur�e 25 % 55 %dont bouillies 19 % 20 %dont pain 0 % 14 %dont sauces 12 % 3 %dont boissons 36 % 0 %dont autres 8 % 8 %

Midi 0,68 0,57 0,2 1,45dont p�te, pur�e 54 % 62 %dont sauces 36 % 14 %dont autres 10 % 24 %

Soir 0,77 0,58 0,17 1,52dont p�te, pur�e 56 % 61 %dont sauces 32 % 12 %dont autres 12 % 27 %

non pr�cis� 0,15 0,15

Total en nombre 1,85 2,94 0,71 5,49Total en % 33,6 % 53,5 % 12,9 % 100 %

Total en kg/j 5,78 1,47 0,24 7,49Total en % 77,2 % 19,6 % 3,2 % 100 %

SourceÊ: Nos calculs � partir des donn�es INSAE (1992)

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1.3. L'organisation des repasLa journ�e alimentaire s'organise autourde trois principaux moments deconsommationÊ: au lever du jour, � midi,et le soir. Le tableau 3 indique lar�partition des rationnaires selon leurparticipation aux diff�rents repas.

Ces donn�es, issues de l'enqu�te budget-consommation de 1986-1987, concernentl'ensemble du B�nin, les informations surce point pour Cotonou n'�tant pasdisponibles. On sait seulement que, enmoyenne sur les trois repas, la part desrationnaires cotonois qui prennent leursrepas � domicile est moins �lev�e quepour l'ensemble du B�ninÊ: 65,3Ê% �Cotonou contre 70,5Ê% pour l'ensembledu pays. La consommation hors dudomicile, en particulier dans la rue oudans les petits restaurants est plus �lev�e �Cotonou. Ainsi, pour une d�pensealimentaire hebdomadaire moyenne parm�nage de Cotonou de 4145ÊFCFA, onsait que 1091ÊFCFA, soit plus du quart(26,3Ê%), sont consacr�s aux d�penses derestauration et d'alimentation de rue.

Ces donn�es mettent en �vidence desdiff�rences d'organisation des repas selonles moments de la journ�e.

Le repas du matin est celui qui enregistrele moins de rationnaires � domicileÊ: pr�sde la moiti� d'entre eux ne prennent pasce repas � la maison et pr�s du quartd�clarent ne pas prendre de petitd�jeuner. Pour ces derniers, ceci nesignifie pas l'absence de prise alimentairele matin. A Cotonou, nombre detravailleurs partent de chez eux sansmanger puis se restaurent dans la rue oudans de petits restaurants en milieu dematin�e. Ces consommateurs sont �rapprocher de ceux qui d�clarent prendre

un repas du matin � l'ext�rieur.

A noter que ceux qui prennent leur petitd�jeuner � domicile ach�tentfr�quemment des p�tes, des bouillies oud'autres pr�parations � des vendeusesambulantes qui passent de maisons enmaisons d�s 7 heures du matin.L'importance de cette pratique est r�v�l�epar les donn�es du tableau 2 o� l'onobserve que sur 2,37 produits consomm�sle matin, 1,79 est constitu� de platspr�par�s hors du domicile dont les troisquarts sont des p�tes ou des bouillies �base de c�r�ales surtout mais aussi del�gumineuses et de racines et tubercules.

Les horaires du repas de midi sont assezvariables. Autrefois consomm� vers 15heures � la sortie des bureaux, ce repas estaujourd'hui plut�t pris entre 12 et 14heures depuis le retour aux horaires noncontinus dans les administrations. Laconsommation hors du domicile restesignificative puisqu'elle concerne environune personne sur huit.

Le repas du soir est consomm� une fois lanuit tomb�e. Il rassemble plus qu'auxautres moments de la journ�e les membresde l'unit� de consommation puisque seulsenviron 14Ê% des personnes d�clarent nepas avoir pris ce repas � domicile.

L'organisation des repas rythme doncl'activit� commerciale. Les achats deproduits pour les pr�parationsdomestiques s'effectuent essentiellement lematin en vue de la pr�paration des repasdu midi et du soir. La vente de produitsou plats pr�ts � consommer dans la rue oudans les restaurants commence d�s lematin et se poursuit jusque dans l'apr�s-midi. Elle est moindre le soir, occasionprincipale des repas familiaux.

Tableau 3. R�partition des rationnaires selon leur participation aux repas au B�nin(en pourcentage)

N'a pas A mang� A mang� Autre Totalmang� � domicile � l'ext�rieur

Matin 24,2 55,2 15,9 4,7 100

Midi 11,9 70,6 12,1 5,4 100

Soir 6,9 85,9 3,0 4,2 100

moy. 3 repas 14,3 70,5 10,3 4,9 100

SourceÊ: INSAE (1992)

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Entre ces repas, il faut mentionnerl'importance de la consommation deproduits ou pr�parations sp�cifiques,ph�nom�ne particuli�rement d�velopp�en milieu urbain et notamment �Cotonou. Les r�sultats du premier passagede l'enqu�te budget consommation de1986-1987 permettent de pr�ciser lescaract�ristiques de cette consommation.Ces r�sultats sont pr�sent�s au tableau 4.

Cette pratique de consommation entre lesrepas touche l'ensemble de la populationurbaine et notamment les enfants commeune r�cente enqu�te sur ce groupe depopulation a pu le montrer. Chauliac etal. (� para�tre) indiquent ainsi que sur 240enfants scolaris�s en quatri�me ann�ed'�cole primaire � Cotonou, 218 soit 90,8% d'entre eux d�clarent disposerr�guli�rement d'un p�cule pour acheterdes aliments � des vendeuses accr�dit�esde leur �cole ou dans la rue. La moyennedu montant hebdomadaire de ce p�culeest de 250 FCFA par enfant (avril, mai1994).

D'une fa�on g�n�rale, la consommationde pr�parations marchandes, que ce soit �domicile apr�s achat, dans la rue, sur lelieu de travail, � l'�cole ou dans les petitsrestaurants appara�t une caract�ristiqueimportante des styles alimentaires desCotonois. Par ce biais, la populationacc�de � des aliments que les contraintesde la vie urbaine ne lui permettent pas de

pr�parer ou de consommer � domicile.Pour les populations d�favoris�es, cemode d'alimentation constitue souvent unmoyen de se nourrir � faible co�t.

Tableau 4. Caract�ristiques de la consommation entre les repas � Cotonou

Nombre de produits/m�nage/j. 1,87dont plats pr�par�s 1,0 (53,5 %)dont produits bruts 0,87 (46,5 %)

D�pense moyenne en produits d'entre-repas par personne et par jourPlats pr�par�s 6,8 FCFAProduits 3,4 FCFATotal 10,2 FCFA

Mode d'obtention des produits d'entre-repasAchats75,5 %

Achats dans la rue 42,2 %Achats � vendeurs ambulants 8,4 %Autres achats 24,9 %

Re�us en cadeau 13,3 %Pr�lev�s sur stocks 7,8 %

Lieux de consommationA domicile 68,8 %Sur lieu de travail ou � lÕ�cole 13,1 %

SourceÊ: Nos calculs � partir des donn�es INSAE (1992)

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1.4. Les pratiquesd'approvisionnementDeux points importants m�ritent d'�tresoulign�s � propos des pratiquesd'approvisionnement. Le premierconcerne la r�partition des responsabilit�sau sein de la famille pour l'acquisition desalimentsÊ; le second concerne les modes etlieux d'acquisition de ces aliments. Lesentretiens approfondis que nous avonsr�alis�s en f�vrier 1993 aupr�s de 25familles de Cotonou soit 183 personnes, etles r�sultats de l'enqu�te budgetconsommation de 1986-1987 apportentdes informations sur ces deux points.

a) La r�partition desresponsabilit�s au sein de lafamilleL'organisation de la gestion desapprovisionnements alimentaires dans lesfamilles de Cotonou r�v�le � la fois unecontinuit� et des changements par rapportaux pratiques du milieu rural.

ÇDans le pass�, la femme avait un r�lepr�pond�rant dans la sph�re domestiquecar elle devait accomplir les t�chesm�nag�res qui exigeaient alors beaucoupde temps (la corv�e d'eau, la mouture dugrain, elle avait aussi le devoir d'aider sonmari au champ...). Un changement r�cent(une vingtaine d'ann�e) a impliqu� uneparticipation accrue de la femme dans lavie �conomique du m�nageÈ (ALBERT,1993). En effet, en plus de ses activit�sdomestiques, la femme est devenueexploitante agricole au m�me titre quel'homme. De plus, de nouveauxph�nom�nes ont contribu� aud�veloppement d'activit�s f�minines decommerce ou de transformation desproduits agricoles pour la venteÊ:l'accroissement des march�s locaux li� enparticulier � l'urbanisation etl'am�lioration des conditions d'acc�s �ceux-ciÊ; la diffusion d'�quipementsm�canis�s permettant d'all�ger le travailmanuel des femmes (moulins, presses �huile, r�pes � manioc ou � coco). Cesactivit�s fournissent aux femmes desrevenus mon�taires nouveaux.

Ces changements ont un impact surl'organisation de l'approvisionnement descuisines. Autrefois, le mari donnait latotalit� du produit de base pour laconsommation du m�nage et la femmedevait se procurer les condiments pour lasauce. La viande �tait cependant apport�epar le mari puisque c'est l'homme quitraditionnellement chasse. Aujourd'hui la

viande est progressivement remplac�e parle poisson qui s'ach�te sur les march�slocaux. La participation de la femme dansl'approvisionnement des cuisines s'estprogressivement accrue et mon�taris�e.Les l�gumes autrefois cultiv�s dans lesjardins des maisons suffisaient � pr�parerla sauce. Aujourd'hui, de nouveauxl�gumes et ingr�dients (bouillon cube,concentr� de tomates) sont ajout�s � lasauce et n�cessitent des ressourcesfinanci�res pour les acqu�rir.

En zone urbaine la situation est�videmment diff�rente puisque �l'exception des flux non marchands enprovenance de la campagne,l'approvisionnement des cuisines estassur� essentiellement par des achats. Celadit, le principe d'une double gestion desbudgets alimentaires reste dominant.

Dans la majorit� des familles interrog�es,le chef de m�nage, en g�n�ral l'homme,remet � son �pouse Çla popoteÈ, allocationfinanci�re journali�re ou hebdomadaire.Dans les familles � revenus irr�guliers (parexemple pour les commer�ants), cettesomme est variable. Dans les familles �revenus r�guliers, cette somme est souventfixe sur le moyen terme mais peut fairel'objet de n�gociations � l'occasiond'�v�nements (accueil de nouveauxmembres dans la famille, fortes �volutionsde prix, etc.). L'�pouse est alorsresponsable de la gestion de cetteÇpopoteÈ avec laquelle elle doit assurerl'acquisition des aliments pour la famille.

Sur les 25 familles interrog�es, 5 chefs dem�nage fournissaient, en plus del'allocation mon�taire, une contributionsous forme d'achat mensuel de c�r�ales engros ou demi-gros. Lorsque le chef dem�nage ne dispose pas de revenusmon�taires r�guliers, sa contribution peutprendre la forme d'apport de produitsalimentaires cultiv�s par lui en zonep�riurbaine voire au village. Dans certainscas, ce stock de produits peut �tre remis �l'�pouse au moment de leur achat. C'estelle qui en assure alors la gestion pourtenter de ÇtenirÈ jusqu'� l'achat suivant.Dans d'autres cas, ce stock reste g�r� parle chef de famille qui fournit alorsr�guli�rement � son ou ses �pouses laquantit� n�cessaire � la pr�paration desrepas.

La femme dispose �galement de revenusautonomes issus de son activit� ext�rieure(transformation, petit commerce) etcompl�te souvent le montant del'allocation si celle-ci est insuffisante. Ellepeut �galement mobiliser ses propres

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r�seaux familiaux ou sociaux pourcompl�ter les approvisionnements par desdons. Lorsque le chef de m�nage est unhomme, la femme n'assure pratiquementjamais seule l'alimentation du m�nage.Enfin, d'autres membres de la famillepeuvent contribuer �galement �l'approvisionnement des cuisinesÊ: parentsdes �poux, enfants.

Quels que soient les modes de gestion desbudgets alimentaires, la femme resteprincipalement responsable despr�parations alimentaires domestiquesm�me si elle est souvent aid�e pour celapar une jeune fille de la famille ou unebonne. Le chef de m�nage peut demander� son �pouse de pr�parer un plat donn�mais c'est elle qui reste responsable duchoix et de la qualit� des ingr�dients quile composent et de sa pr�parationculinaire.

b) Les modes et lieuxd'approvisionnementLes r�sultats du premier passage del'enqu�te budget consommation de 1986-1987 permettent de conna�tre lar�partition des modesd'approvisionnement des Cotonois pargrands groupes de produits. Ces r�sultatssont pr�sent�s au tableau 5. Ils neconcernent que les aliments destin�s auxpr�parations domestiques. La modalit�ÇautoconsommationÈ signifie uneproduction ou un �levage assur� par lafamille elle m�meÊ; la modalit� ÇdonsÈregroupe les transferts non marchands enprovenance de parents ruraux ou de

parents, amis ou voisins urbainsÊ; lamodalit� ÇachatÈ signifie que les produitsont �t� achet�s durant les sept jours del'enqu�te et utilis�s le jour m�meÊ; lamodalit� Çpr�l�vement sur stockÈregroupe des achats, des dons ou desauto-productions qui ont �t� acquis avantla p�riode de l'enqu�te et utilis�s durantcelle-ci. La r�partition de l'origine de cesstocks n'est pas disponible.

Ces donn�es mettent en �videnceglobalement une r�partition environ � part�gale entre l'acquisition de produits endemi-gros destin�s au stockage � domicileet l'acquisition au d�tail. Cette r�partitionest cependant variable selon les produits.Les aliments p�rissables sont plut�t acquisau d�tail alors que ceux de plus longuedur�e de conservation peuvent �trestock�s.

On doit �galement noter que la part desapprovisionnements non marchandsappara�t non n�gligeable puisqu'ellerepr�sente au minimum, sans compterl'auto-production et les dons stock�s,environ 7Ê% des quantit�s d'aliments. Autravers de nos enqu�tes aupr�s desconsommateurs, les dons de produitsalimentaires en provenance du villaged'origine apparaissent r�guliers etfr�quents pour les Cotonois issus desr�gions rurales p�riph�riques de la ville.Ils existent �galement pour les originairesde r�gions plus �loign�es mais les donssont alors moins fr�quents.

Un traitement compl�mentaire desr�sultats de l'enqu�te budget

Tableau 5. Les modes d'approvisionnement par groupes de produits � Cotonou(en pourcentage des quantit�s utilis�es)

auto- dons achats pr�l�vement non totalconsommation sur stock d�clar�

C�r�ales 10 1 23 60 6 100Racines et tubercules 6 5 32 51 6 100Viande 2 6 58 34 - 100Poisson, crustac�s 2 2 79 16 1 100Huiles, ol�agineux 2 2 56 35 5 100Lait, oeufs 2 5 33 60 - 100Fruits, l�gumes,et l�gumineuses 2 1 57 35 5 100

Total (% des quantit�s) 5 2 41 48 4 100Total (% du nombrede produits) 3 1 44 50 2 100

SourceÊ: Nos calculs � partir des donn�es INSAE (1992)

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consommation de 1986-1987 portant surles seules zones urbaines du B�nin,apporte des pr�cisions sur les lieux d'achatpar groupe de produits. Ces donn�es sontpr�sent�es au tableau 6.

Dans ce tableau, la modalit� Çautres lieuxÈregroupe les achats faits directement auchamp (0,4Ê% de l'ensemble des d�pensesalimentaires), dans les boutiques dequartier et les magasins (2,8Ê%), dans lesÇbaraquesÈ (0,9Ê%), au domicile desvendeurs (4,2Ê%), au domicile desacheteurs (0,6Ê%) et dans divers autreslieux non pr�cis�s dans les tableaux dedonn�es (17,0Ê%). Ces derniersrepr�sentent notamment les march�sruraux sur lesquels un grand nombre deCotonois vont s'approvisionnerdirectement � l'occasion de d�placementsprofessionnels ou priv�s.

Ces donn�es r�v�lent plusieurs faitsimportants qui ont des cons�quences surl'organisation des circuits de distribution.Le premier est l'importance des achatsalimentaires r�alis�s hors des march�s. Ilsrepr�sentent 60Ê% de l'ensemble desd�penses alimentaires. Les achats dans larue ou aupr�s de vendeurs ambulantsrepr�sentent environ le tiers de l'ensembledes d�penses alimentaires. Cetter�partition est cependant variable d'ungroupe de produit � l'autre. Les march�s

restent des lieux privil�gi�s pour les achatsde l�gumes, poissons, crustac�s et viandes,autrement dit de produits de saucep�rissables. A noter que la gestion desstocks de ce type de produits par lescommer�ants rend en principe n�cessairele recours aux cha�nes de froid. La ventedans la rue fixe ou ambulante appara�t, aucontraire, dominante pour les pr�parationsalimentaires, les produits laitiers et lesfruits, autrement dit pour des alimentsdirectement consommables. On retrouveen effet probablement dans ces d�penses,celles effectu�es pour la consommationsur le lieu de travail ou � l'�cole,notamment le matin et entre les repas etles achats de suppl�ments auxpr�parations domestiques rapport�s �domicile au cours des d�placements enville.

A noter enfin, la faible importance desachats faits dans les baraques ouboutiques de quartier ou dans lesmagasins d'alimentation tels les grandesou moyennes surfaces du ÇsecteurformelÈ. Ces achats ne repr�sentent que3,7Ê% de l'ensemble des d�pensesalimentaires et restent tr�s faibles quel quesoit le groupe de produits. Autrement dit,ce type de structure de distributionappara�t globalement fr�quent� par unefaible part de la population urbaine ou

Tableau 6. R�partition des d�penses alimentairesselon les lieux d'achat dans les zones urbaines du B�nin

(en pourcentage des d�penses par groupe de produits)

March� Dans Vendeur Autres Total Partlocal la rue ambulant lieux DAT*

C�r�ales 25,1 30,1 11,8 33,0 100 11,0Racines, tubercules 37,0 25,6 12,7 24,7 100 2,4L�gumineuses 28,4 32,2 15,1 24,3 100 1,9L�gumes 72,9 7,7 8,6 10,8 100 8,1Fruits 22,4 28,5 20,6 28,5 100 1,7Poissons, crustac�s 69,7 8,8 9,5 12,0 100 16,0Viandes 67,6 9,1 6,1 17,2 100 5,6Produits laitiers, oeufs 15,1 37,4 14,2 33,3 100 6,3Huiles, ol�agineux 34,8 25,6 11,6 28,0 100 8,8Condiments, �pices 42,0 25,5 9,9 22,6 100 5,0Pr�parations alimentaires 19,6 31,1 18,9 30,4 100 19,7Autres aliments,boissons, tabacs 13,5

Ensemble des d�pensesalimentaires 40,0 22,0 11,7 26,3 100 100

* Part des d�penses pour le groupe de produits dans les d�penses alimentaires totales (DAT)

SourceÊ: INSAE (1994)

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pour des achats occasionnels.

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2. LA DISTRIBUTION ALIMENTAIRE A COTONOU

Cotonou est une ville situ�e le long de la lagune et ouverte sur l'oc�an Atlantique. Les voiesd'acc�s de cette ville sontÊ: la mer par le port, la lagune navigable en pirogueÊ; les axesroutiers qui traversent le pays d'Ouest en Est (Accra - Lom� - Cotonou - Lagos) et du Nordau Sud (Niamey - Malanville - Parakou - Cotonou)Ê; le chemin de fer qui relie Parakou �Cotonou et Porto-NovoÊ; et enfin les airs par l'a�roport international. Le centre de Cotonouse trouve non loin du bord de la lagune. Sous l'effet de son accroissement d�mographique(tableau 7), la ville, coinc�e entre le fleuve et la mer, s'est �tendue vers l'est et l'ouest peu �peu sur les bords d'une rive, puis plus r�cemment de l'autre cot� de la lagune, et vers le nordenglobant plusieurs villages. Cette extension de l'habitat s'est accompagn� d'und�veloppement d'am�nagements commerciaux pour assurer la distribution des biens etservices � la population. Ce chapitre se propose de retracer bri�vement l'histoire del'�volution spatiale de la distribution alimentaire puis de pr�senter les principalescaract�ristiques de fonctionnement des diff�rentes structures de distribution.

Tableau 7. L'�volution d�mographique de Cotonou

1960 1970 1980 1990Population de Cotonouen milliers d'habitants 70 160 351 810

Population de Cotonouen % de la population du B�nin 3,4 6,0 10,2 18,2

Source Ê: Mukanda-Bantu (1994)

2.1. Historiquede l'�volution spatialede la distribution alimentaireVille du B�nin de la troisi�me g�n�ration,Cotonou est rest�e longtemps une basearri�re des commer�ants europ�ens quientreposaient leurs marchandises. En1892, cette ÒvilleÓ ne compte quequelques maisons europ�ennes et nedispose que d'un centre dÕ�change cr��en 1840 appel� ÒXavier B�raudÓ par leseurop�ens et ÒTokpaÓ par les B�ninois.Il sert alors � lÕ�change des produitsvivriers tels que les produits mara�chers etde l'eau douce.

Apr�s la construction du wharf (pontonpour le d�barquement des bateaux enmer) en 1899, Cotonou conna�t lÕarriv�emassive de main-dÕoeuvre. En 1912, laville se voit attribuer des fonctionsurbaines aux caract�res administratifs.Elle sÕ�tend alors du chenal � l'est vers laligne coupant le chemin de fer � lÕouest etest limit�e au nord par la lagune et au sudpar lÕoc�an Atlantique.

En 1950, Cotonou compte 20 000habitants. Deux march�s coexistent � cette�poqueÊ: le premier, municipal, se situe enpleine ville europ�enne et attire surtout la

client�le des colonsÊ; le second, ÒXavierB�raudÓ ou ÇTokpaÈ, est devenu lemarch� de ravitaillement en produitsvivriers et attire davantage la client�leb�ninoise, non seulement strictementurbaine mais aussi r�gionale. Il s'�tend surdeux hectares et on y compte d�j� 3Ê000commer�ants dont le tiers ambulants etdont plus des trois quarts sont desfemmes. Ces deux march�s sont les seulsofficiels mais on note d�j� led�veloppement d'�talages dans les rues etsur les chantiers, et de petits march�s denuit o� des commer�antes vendent desmets pr�par�s aux manoeuvres et ouvriersc�libataires.

AujourdÕhui, ces deux march�s existenttoujours bien qu'ils aient �t� d�plac�s �plusieurs reprises. Le principal march�vivrier, ÇTokpaÈ a �t� transf�r� en 1963 �son emplacement actuel et a pris alors lenom de ÇDantokpaÈ. D'autres march�s sesont cr��s dans de nouveaux quartiers.Une s�rie de cartes sch�matiques permetde visualiser cette �volution (Carte 1).

2.2. Typologie des structuresde distribution

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LÕ�volution de la distribution alimentairene se r�sume pas simplement en lamultiplication des points de vente dans lesquartiers. Elle se fonde �galement sur unehi�rarchisation de ces march�s et sur led�veloppement de nouvelles formes dedistribution urbaine. Plusieurs types destructures de distribution peuvent �treainsi distingu�s dont les principalescaract�ristiques sont ici pr�sent�es.

a) Le march� de grosÊ: DantokpaDu point de vue de la fonctiond'approvisionnement et de distributionalimentaire, le march� de gros peut �tred�fini comme un lieu qui accueille, stockeet constitue le point de d�part des flux deredistribution dans la ville de diff�rentsproduits alimentaires en provenance deszones de production ou des lieux ded�barquement des produits import�s.

Cotonou ne poss�de quÕun march� de cetypeÊ: le march� Dantokpa. La plupart desbiens de consommation y sont centralis�sen grande quantit� et les semi-grossistesdes march�s secondaires viennent s'yravitailler. Mais ce march� de gros sedouble d'une fonction d'immense march�de d�tail. Tous les produits pr�sents sur lemarch� peuvent �tre achet�s aussi bien engrande qu'en micro quantit�s.

Cette d�finition du march� de gros ner�v�le cependant pas toutes les fonctionsde ÇDantokpaÈ. Ce march� est une villedans la villeÊ: il accueille tous les jours desmilliers de personnes qui viennent vendre,acheter, consommer, mais aussi s'informer,discuter et se rencontrer. En ce sens, c'estun espace social tr�s important deCotonou.

Aujourd'hui situ� pr�s du nouveau pont,le march� s'�tale sur plus de vingthectares. Entre la lagune, le pont, le

boulevard Saint Michel et le boulevard dela R�publique, une haute b�tisse permetde le rep�rer de loin. Sa position dans laville le situe au carrefour de voies d'acc�sterrestres, les grands boulevards, et d'acc�slagunaireÊ: un parc a pirogues estam�nag� sur la rive, au pied du march� etpermet le d�barquement etl'embarquement de marchandises enprovenance ou vers les villages du bord dela lagune.

Le march� de Dantokpa s'�tale autourd'un b�timent central en b�ton de quatre�tages. Les ÇapatamsÈ, magasins en dur,boutiques en bois, abris en bois et en t�leondul�e ou simplement recouverts deb�ches de plastiques sont dispos�s ets'agglutinent autour du b�timent central.L�g�rement excentr�s, de v�ritableshangars en b�ton abritent les magasins destockage des sacs de farine, de rizimport�s et de c�r�ales locales. Ils sontdesservis par les derniers parkings �camion qui n'ont pas �t� occup�s par denouvelles boutiques. Dans le secteurÇKpodjiÈ, Kinsonhoun (1992) a recens�200 entrep�ts dont 180 sont destin�s austockage du ma�s local, les autres servant �l'entreposage d'autres c�r�ales et du gari.

Officiellement ouvert tous les quatre jours,l'activit� du march� est en faitquotidienne. La SOGEMA (Soci�t� degestion des march�s autonomes) s'occupede l'entretien des b�timents et des acc�s,de la construction des nouveauxÇapatamsÈ, du gardiennage et dunettoyage. Elle se charge �galement decollecter les taxes journali�res de venteauxquels sont soumis les commer�ants.Les grossistes qui poss�dent des magasinset les vendeuses qui louent des boutiquespaient une taxe mensuelle, les vendeusesambulantes et celles qui ne poss�dent pasde local paient une taxe journali�re.

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Carte 1. L'�volution spatiale de Cotonou et de ses march�s

Les quartiers cr��s durant chaque p�riodesont repr�sent�s par des zones gris�esdiff�rentes

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Cent dix-huit agents sont employ�s par laSOGEMA pour circuler dans lesdiff�rentes parties du march�, collecter lestaxes et rappeler � l'ordre les mauvaispayeurs. On les rencontre le matin vers 11heures, � l'heure de la plus grosseaffluence. Le gardiennage des magasinsassur� par la SOGEMA �tant insuffisant,les femmes d'une m�me zone s'associentpour payer un gardien de nuit.

Dans son ensemble, le march� deDantokpa n'est pas sp�cialis� dans un typede produitÊ: les produits vivriers locauxcomme les produits import�s, les produitsde transformation artisanale commeindustrielle, les produits manufactur�simport�s ou non, la pharmacop�etraditionnelle, les ustensiles divers demagie ou de Vaudou, etc. peuvent �tretrouv�s sur ce march�. Les vendeurs sontcependant regroup�s par cat�gories de

produits dans une m�me zone (Carte 2).Ainsi, le b�timent central est r�serv� � lavente des produits manufactur�s, deschaussures, des bijoux, des tissus, del'alcoolÊ; ÇKpodjiÈ, du nom des troncsd'arbres pos�s au sol sur lesquels les sacssont entass�s pour le stockage, est unezone de vente du ma�s et du gari en grosÊ;ÇBossodjiÈ, qui signifie le mouton en Fon,rassemble de nombreux vendeurs de cetanimal et plus g�n�ralement de viandes.

b) Les march�s secondaires et lesmarch�s de quartierCotonou compte plus de 35 march�ssecondaires qui repr�sentent des relaispour la redistribution des vivres dans lesquartiers. La plupart sont n�sspontan�ment au fur et � mesure delÕ�volution spatiale de la ville (

Carte 3, page 26). Leur origine estsouvent un regroupement de quelquesvoisines qui installent des tables � ladevanture dÕune maison ou � lÕangledÕun carrefour. S'il appara�t que cesvendeuses pionni�res ont une client�ler�guli�re, d'autres viennent s'installer.Quand le march� atteint une taille

relativement importante, les autorit�smunicipales peuvent ordonner sontransfert sur un lieu plus adapt�,notamment si lÕactivit� g�ne lacirculation. Selon leur anciennet�, leurtaille et l'attention que leur a port�e lamunicipalit�, ces espaces sont plus oumoins am�nag�s.

Tableau 8. Recensement des commer�ants vivriers des march�s secondaires par type de produits

Ma�s Mil Riz Igname Gari Haricot Arachide Totalsorgho

Gb�gamey 16 12 7 7 9 18 18 87Midombo 2 0 2 0 2 1 1 8St Michel 5 8 6 2 5 8 7 41Ste C�cile 6 3 3 1 5 4 4 26Ste Rita 1 1 0 0 2 1 1 6Wologu�d� 3 2 3 0 6 4 4 22Akpaka 12 5 2 0 13 3 3 38PK 6 2 5 5 0 5 5 4 26Degakon 3 3 2 0 5 4 4 21Cadjehoun 1 1 2 0 1 1 0 6Fifadji 3 6 6 1 6 6 6 34Zogbo 2 1 2 0 1 1 0 7V�doko 3 4 7 0 5 5 3 27M�nontin 3 3 2 0 3 3 3 17

Total 62 54 49 11 68 64 58 366

Source Ê: Adda (1991)

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Carte 2. La r�partition des types de commerce au sein du march� Dantokpa en 1987

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Adda (1991) a recens� plus de 350commer�ants sur 14 march�s secondairesqui se distribuent comme l'indique letableau 8. Ces donn�es ne prennent pas encompte toutes les vendeuses au d�tailinstall�es sommairement ou les vendeusesambulantes qui se regroupent sur cesmarch�s.

Tous ces march�s assurent d'abord unefonction de vente au d�tail. Les petitsmarch�s situ�s dans les quartiers �loign�sdu centre ville et du march� Dantokpaassurent essentiellement la redistributiondes produits de consommation les plusutilis�s par la population. On y trouve laplupart des produits alimentaires tant sousforme brute que transform�e. Lesmarch�s plus importants, souvent situ�splus pr�s du centre ville, assurent�galement, tout comme � Dantokpa, lavente au d�tail des principaux produits.

Mais certains sont sp�cialis�s ou r�put�spour certains types de produits. Ils jouentalors le r�le de march�s de grossp�cifiques parfois diff�rent du r�leassur� par Dantokpa. Ainsi, ÇGhaniÈ dansl'ancien quartier europ�en est r�put� pourles fruits et l�gumes de qualit�, ÇSaintMichelÈ pour les produits animaux(viandes et poissons)Ê; ÇGaston N�greÈ �proximit� de la gare situ�e � l'est de lalagune commercialise le ma�s venant del'Ou�m�, ÇGb�gameyÈ, au terminus de laligne de chemin de fer Parakou -Cotonou, les produits vivriers enprovenance des d�partements del'Atlantique (zone nord) et du ZouÊ;ÇZongoÈ, dans le quartier o� se concentrela population musulmane originaire dunord du pays est sp�cialis� dans la vented'animaux sur pied et de viande.

La plupart des commer�ants semi-grossistes et des vendeurss'approvisionnent au march� Dantokpa.Adda (1991) indique ainsi que 70Ê% desvendeurs des 14 march�s secondaires qu'ila interrog�s s'approvisionnent sur cemarch� de gros. Pour six d'entre eux, latotalit� des commer�ants s'yapprovisionnent exclusivement, pour cinqautres, cette proportion d�passe les troisquarts. Pour les produits concern�s, lesmarch�s sp�cialis�s sont ravitaill�sdirectement par des commer�ants venantde zones de production souventsp�cifiques. Quatre march�s secondaires(Gb�gamey, Saint Michel, Fifadji et SainteC�cile) ont cependant des r�seauxd'approvisionnement pour des produitsnon sp�cifiques qui leur sont propres,certains li�s � des bassins de collecteparticuliers. Enfin, sur dix march�s

enqu�t�s, on a pu constater que septd'entre eux ont des commer�ants quis'approvisionnent en gari hors deCotonou par des circuits directs. Ce modede fonctionnement r�v�le unesegmentation de la distribution de ceproduit qui correspond, comme on leverra ult�rieurement, � la diversit� descaract�ristiques de qualit� de ce produitassoci�es � des zones de productionsp�cifiques.

Ainsi, si le march� Dantokpa joue un r�leessentiel de march� de gros pour laplupart des produits, il n'en a pas pourautant l'exclusivit�, d'autres march�ssecondaires assurant aussi ce r�le de fa�oncompl�mentaire.

c) La distribution alimentaire horsdes march�sComme on l'a vu pr�c�demment (¤ 1.4.b),le second type important de lieuxd'approvisionnement alimentaire apr�s lemarch� est la rue. Les boutiques ou lesbaraques de quartier et les magasinsrestent tr�s peu fr�quent�s m�me si l'onconstate leur cr�ation dans les diff�rentsquartiers au fur et � mesure de l'extensionde la ville. Ces structures proposentessentiellement des produits industriels,locaux et import�s, rarement de grandeconsommation.

Nous nous int�resserons donc icidavantage au petit commerce de rue et �domicile du fait de sa grande importancedans les pratiques d'approvisionnementdes consommateurs de Cotonou.

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Carte 3. Les principaux march�s de Cotonou

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Au sein de cet ensemble d'activit�s dedistribution alimentaire on peut distinguerquatre principaux types de vendeuses. Cesactivit�s sont en effet essentiellementmen�es par les femmes.

· Les vendeuses � emplacement fixe.Elles sÕinstallent au carrefour de deux ruesou � la devanture de leur domicile. Leurmarchandise est pos�e � m�me le sol ousur une petite table.

· Les vendeuses ambulantes. Ellespeuvent soit sillonner les rues d'un quartieren se pr�sentant ou non au domicile deshabitants, soit s'installer provisoirementet successivement dans des lieuxfr�quent�s � certains moments de lajourn�e. Certaines femmes assurent latransformation ou le conditionnement deproduits � leur domicile et envoientensuite leurs enfants les vendre dans larue.

· Les vendeuses permanentes �domicile. Elles sont reconnues dans lequartier par une client�le souvent r�guli�requi vient acheter � leur domicile lesproduits.

· Les vendeuses occasionnelles �domicile. Elles proposent leurs produits defa�on irr�guli�re, travaillant lorsqu'ellesont besoin d'argent ou lorsqu'elles en ontl'opportunit�, notamment � l'occasion de

commandes par une client�le connue.Elles annoncent alors leur vente par unsimple �criteau sur leur porte ou envoientleurs enfants Òfaire de la publicit�Ó dans lequartier.

Le recensement de ce type de vendeurs estdifficile � r�aliser de fa�on exhaustive. En1988, Nago (1989) a pu cependant menerune enqu�te permettant de d�nombrer lestransformatrices-vendeuses et vendeusessimples de produits vivriers transform�sdans 25 localit�s rurales et urbaines, dontCotonou, dans quatre des six provinces duB�ninÊ: l'Atlantique, le Mono, l'Ou�m�, etle Zou. A titre indicatif, la population deCotonou �tait estim�e � environ 700Ê000habitants en 1988. Toutes les activit�srecens�es ne rel�vent pas de la vente dansla rue puisque certaines vendeusesproposent leurs produits sur les march�s.Le commerce de d�tail des produits brutset des produits industriels a �t� exclus dece recensement. De plus, nombre depr�paratrices vendeuses ambulantes ou neposs�dant pas un �tal visible de la ruen'ont pu �tre d�nombr�es. Cela dit, cetteenqu�te apporte des pr�cisions sur lesproduits propos�s et sur l'importanceg�n�rale de cet artisanat alimentaire. Lesr�sultats de cette enqu�te sont pr�sent�s autableau 9.

Par ailleurs, Hounhouigan et Nago (1990)on pu recenser, en 1989, 659 ateliers demouture artisanaux � Cotonou qui traitent

Tableau 9. Recensement des artisanes transformatrices et vendeusesde produits vivriers � Cotonou en 1988

Produit de base Nombre d'artisanes Part relative Nombre deprincipal et vendeuses en % produits

Ma�s 4985 47,5 34Arachide 1770 16,9 9Manioc 1515 14,5 16Palmier � huile 552 5,3 3Haricots 419 4,0 6Igname 371 3,5 6Poisson 198 1,9 3Bl� 132 1,3 2Noix de coco 112 1,1 2Banane 76 0,7 2Riz 55 0,5 3Mil sorgho 36 0,3 8Autres* 263 2,5 4

Total 10484 100,0 98

* Il s'agit de n�r� (Parkia Biglobosa, dont la transformation des graines donne un condiment de sauce), de karit�,de lait et de sucre.

Source Ê: Nago (1989)

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au total 150 tonnes de produits par jourdont 92Ê% de ma�s. Ces ateliersfonctionnent en prestation de service pourles m�nag�res ou les artisanestransformatrices.

Toutes ces donn�es r�v�lent l'importancedes activit�s de transformation desproduits locaux. Pour l'ensemble des 25localit�s enqu�t�es, les artisanestransformatrices-vendeuses repr�sentent55Ê% des 19Ê500 activit�s d�nombr�es. Deplus, pour 16 produits de base, on comptepr�s de cent produits transform�sdiff�rents. Ces activit�s de transformationcontribuent � la cr�ation de valeur ajout�edans les fili�res vivri�res et assurent, pourun grand nombre de femmes, des revenusnon n�gligeables. Sur un sous-�chantillonde son enqu�te, Nago (1989) indiqueainsi que le revenu moyen par jour et parfemme s'�tablit entre 350 et 1Ê000 FCFAselon les activit�s ce qui correspondait, �cette �poque, au prix de d�tail � Cotonoude quatre � onze kilogrammes de ma�s ouencore de deux � six plats de petitsrestaurants. Nago (1989) note de plus,que les artisanes exercent souvent uneactivit� r�mun�ratrice compl�mentairecomme la vente de produits bruts ouindustriels au micro-d�tail.

La r�partition entre transformatrices-vendeuses et vendeuses simples estcependant variable d'une fili�re de produit� l'autre. Pour de nombreux produits, laproportion des vendeuses simples est plus�lev�e en ville que dans les zones rurales.C'est le cas du gari et du tapioca demanioc, de l'huile de palme et de coco, duklui-klui (beignets de tourteau d'arachide),du sodabi (alcool de vin de palme),essentiellement produits au village et livr�sen gros en ville où ils sont redistribu�s pardes vendeuses au d�tail.

Les activit�s de transformation et de ventede produits � base de ma�s, principalec�r�ale consomm�e par la population deCotonou, apparaissent dominantes. Ellesrepr�sentent pr�s de la moiti� (47Ê%) desactivit�s recens�es et concernent 34produits diff�rents dont la plupart sontpr�par�s par des artisanes transformatricesurbaines. Cet artisanat contribue �diversifier les formes de consommation decette c�r�ale et � assurer ainsi sonmaintien dans l'alimentation des citadins.

Les diff�rents aliments vendus hors desmarch�s peuvent �tre regroup�s en quatrecat�goriesÊ:

· Les aliments qui exigent unetransformation sp�cifique avant dÕ�treincorpor�s dans le plat ou qui n�cessitentun triage soigneux que les m�nag�resnÕont pas toujours le temps de faireÊ: huilede palme non raffin�e r�chauff�e etassaisonn�e, p�tes ferment�es de ma�scomme l'akassa ou le maw�, poisson fum�ou s�ch�, ma�s, riz ou haricots bruts tri�s.

· Les ingr�dients compl�mentaires desplats qui peuvent �tre ajout�s ouconsomm�s par certains membres de lafamille qui disposent d'un peu d'argent ouqui sont achet�s rapidement si un invit� sepr�sente � l'improvisteÊ: gari destin� �pr�parer une boisson souvent consomm�e� la maison par les enfants, fruits, etc.Dans cette cat�gorie peuvent �tre�galement compt�es les boissonstraditionnelles, alcoolis�es ou non.

· Les plats pr�par�s, le plus souventservis chauds, vendus � proximit� des lieuxde travail ou dans les �coles durant lesr�cr�ations.

· Les produits r�frig�r�s. Les personnes,ayant un niveau de vie suffisamment �lev�pour avoir un r�frig�rateur ou uncong�lateur, valorisent souvent ces�quipements en vendant des boissonsfra�ches et des glaces � leur domicile oupar le biais de leurs enfants qui, �quip�s deglaci�res, en assurent alors la venteambulante.

A noter enfin, que certaines activit�s detransformation et de vente sont domin�espar certains groupes socioculturels oug�ographiques. Ceci s'explique parl'origine des savoir-faire pour latransformation des produits et par lalocalisation de certaines productionsagricoles. Le tableau 10 pr�sente cettecaract�ristique de sp�cialisation ethniquedes activit�s.

Certains de ces aliments ont conserv� leurcaract�re localÊ; ils restent produits dansleur r�gion d'origine. D'autres, aucontraire, connaissent une diffusion�largie jusqu'� devenir, pour certains, dev�ritables produits nationaux. C'est le casdu maw�, du gari, du tapioca, du sodabi,du wagachi, de l'akassa, de l'ablo,d�sormais consomm�s par une populationbien plus �largie que celle de leur r�giond'origine et qui commencent � faire l'objetd'une production en dehors de leurterritoire traditionnel.

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2.3. Le fonctionnementdes structures de distributionet les pratiques descommer�antsLes informations pr�sent�es dans cechapitre sont issues d'une part d'un rapidesondage sur 549 commer�ants du march�Dantokpa permettant d'identifier quelquescaract�ristiques de leur profil et de leursactivit�s et, d'autre part, d'enqu�tes parquestionnaire et d'entretiens approfondisr�alis�s aupr�s d'un �chantillon d'agentsde commercialisation des produits vivriersde Cotonou. Ces derni�res investigationsont �t� men�es de mars � juin 1994aupr�s de 30 grossistes et semi-grossistes,56 d�taillantes, 10 vendeuses ambulantes,10 courtiers, 6 transporteurs et 6boutiquiers.

La r�alisation d'entretiens approfondis enplusieurs s�ances avec une partie de cesop�rateurs a permis d'instaurer unecertaine relation de confiance entrel'enqu�teur et la personne enqu�t�e.Certaines informations ont pu ainsi �treobtenues qui n'auraient pu l'�tre par lebiais de questionnaires, trop rapides etimpersonnels. Cela dit, il faut souligner,en toute rigueur, les limites de fiabilit� des

informations recueillies. Elles tiennent �plusieurs facteurs.

· LÕh�ritage du pass�Ê: pendant plusieursann�es, le gouvernement a fait la chasseaux commer�ants soup�onn�s desp�culation en prohibant lacommercialisation de plus de trois sacs deproduits vivriers. LÕactivit� est donclongtemps rest�e clandestine, etaujourdÕhui de nombreux commer�ants nesont pas d�clar�s au registre du commerce.M�me si la position du gouvernement achang� ces derni�res ann�es, cettesituation cr�e parfois une m�fiance descommer�ants vis-�-vis des enqu�teurssuspect�s d'�tre des agents de lÕEtatvoulant exercer un contr�le.

· Une activit� domin�e par des rapportsde confiance au sein de r�seauxrestreintsÊ: le commerce est une activit�ferm�e poss�dant de nombreuses barri�resdÕentr�e afin de limiter la concurrencesauvage. Ce ph�nom�ne explique lar�ticence des commer�ants � fournir desinformations trop d�taill�es ou met endoute la fiabilit� de leurs r�ponses.

· Une discr�tion li�e � la faiblerentabilit� des activit�sÊ: certainscommer�ants ont des marges correctes etr�ussissent � investir des sommes

Tableau 10. La sp�cialisation ethnique de l'artisanat alimentaire du sud du B�nin

Groupe ethnique ou zone

g�ographique

Produits associ�s et pourcentage de vendeuses de l'ethnie consid�r�e

Goun (r�gion de Porto Novo) Akassa (p�te ferment�e � base de ma�s): 46Ê% des productrices de Cotonou

Mina (Mono) Ablo (p�te ferment�e � base de ma�s): 35Ê% des productrices de Cotonou

Y�k�-y�k� (couscous de ma�s)

Huile de palme, 50Ê% des vendeuses de Cotonou

Fon Huile d'arachide: 100Ê% des vendeuses de Cotonou

Klui-klui (beignets de tourteau d'arachide): 80Ê% des vendeuses de Cotonou

Tapioca: 75Ê% des vendeuses de Cotonou

Adja (Mono) Sodabi (alcool de vin de palme)

Peulh Wagachi (fromage)

Zone littorale Huile de coco

Nord-B�nin Beurre de karit�

P�cheurs du Sud-B�nin Kueta, gb�li, klaklu, galikponnon (beignets et g�teaux de manioc)

SourceÊ: nos enqu�tes et Nago (1989)

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importantes. D'autres, plus souvent lesfemmes d�taillantes, ne r�alisent que defaibles b�n�fices voire vendent parfois �perte mais pr�f�rent maintenir lÕactivit�au nom dÕune image sociale ou pouracqu�rir d'autres denr�es par le biais duÇtroc alimentaireÈ entre vendeuses. Dansun cas comme dans l'autre, lesinformations financi�res ne sont pastoujours donn�es avec franchise par peurde para�tre trop riche et donc susceptibled'�tre sollicit�, ou trop pauvre.

· LÕabsence de mesure �talon et lesvariations des mesures du fait de la venteau volume et non au poids dans lecommerce de d�tail rendent difficile lecalcul des prix d'achat et de vente et, parcons�quent, de la rentabilit� financi�re delÕactivit�.

Apr�s avoir rappel� rapidement le modede fonctionnement des commer�antsgrossistes et des agents qui sont associ�s �leurs activit�s (courtiers, transporteurs),sont pr�sent�s les modes defonctionnement et pratiques desd�taillantes, commer�antes directement encontact avec les consommateurs.

a) Le fonctionnement du commercede grosLes commer�ants grossistes urbainsconstituent le dernier maillon des circuitscentralis�s d'approvisionnement deCotonou. Rappelons cependant que tousles flux de produits vivriers qui arriventdans la ville ne transitent pas forc�mentpar les grossistes. D'importantes quantit�sde produits parviennent � Cotonou pardes circuits courtsÊ: des producteursp�riurbains se rendent en ville pourvendre directement leur production ouleurs produits de la p�che, de l'�levage oude la cueillette.

Les grossistes urbains sont donc le derniermaillon d'une cha�ne d'op�rateurs auxfonctions compl�mentairesÊ: producteurs,�leveurs, p�cheurs, collecteurs, parfoisgrossistes ruraux, transporteurs. Au seinde cette cha�ne peuvent �tre int�gr�es, �diff�rents niveaux selon les produits, destransformatrices. Celles-ci peuvent �treinstall�es en milieu rural et sont alors enm�me temps productrices ou femmes deproducteurs agricoles, travaillentindividuellement ou en groupements.Elles peuvent �tre install�es en milieuurbain ou p�riurbain et fournir alorsdirectement leur production, notammentlorsqu'elle est collective, � des

transporteurs associ�s � des grossistesurbains.

Autour de l'activit� de grossiste urbain,gravitent des op�rateurs compl�mentairestels que les courtiers (propri�taires oug�rants des entrep�ts de stockage quiassurent le gardiennage des stocks etparfois la revente des sacs aux semi-grossistes ou aux d�taillants pour lecompte d'un grossiste), les manoeuvres(qui assurent le d�barquement, letransport local et la mise en magasin desmarchandises), les fournisseurs de sacs, leslogeurs (qui h�bergent les commer�antslors de leurs d�placements sur les march�sruraux).

Entre ces diff�rents agents, les relationsn'ont pas qu'une fonction de circulationdes produits. Si cette fonction peutappara�tre primordiale, elle est �troitementli�e � d'autres fonctions dont l'objectif nepeut �tre r�duit � l'accompagnement de lacirculation des produits. Entre les agentscirculent en effet non seulement desproduits mais �galement de l'argent, del'information et des personnes.

Les flux d'argent ne se limitent passtrictement � ceux correspondant auxtransactions commerciales ou au paiementdes op�rateurs de service (manoeuvres,courtiers, logeurs, etc.). Les grossistesassurent dans bien des cas le r�le debanquiers informels au sein de r�seaux derelations. De m�me, les flux d'informationne se limitent pas aux donn�es sur lesquantit�s, les prix ou l'�tat des routes. Ilsint�grent �galement tout ce qui concernela vie sociale des r�seaux dans lesquelss'ins�rent les op�rateurs. Au travers de cesr�seaux, les flux de personnes d�passentles simples rencontres pour l'�tablissementde transactions. Les op�rateurs re�oiventet parfois h�bergent des personnes li�es �d'autres op�rateurs sans que ces relationssoient directement associ�es � destransactions.

La r�elle imbrication de ces relations tant�conomiques que sociales est fortementli�e au fait que les diff�rents op�rateursd'une m�me fili�re appartiennent souventau m�me groupe lignager, ethnique,g�ographique ou religieux ou sont dem�me sexe. Ainsi, d'apr�s nos enqu�tes,pr�s de huit grossistes sur dix d�clarentavoir �t� initi�s ou introduits dans leuractivit� par leurs parents. Par ailleurs, lesr�sultats du sondage rapide concernant144 commer�ants du sud du pays fontappara�tre la forte relation qui existe entrel'origine g�ographique du commer�ant et

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son lieu d'approvisionnement. Cesr�sultats sont pr�sent�s au tableau 11.

Cette appartenance commune � un m�mer�seau socioculturel peut �tre vue commeun moyen d'�tablir la confiance n�cessairedans toute transaction commerciale.L'univers des �changes, en particulier dansles fili�res vivri�res se caract�rise par uneforte incertitudeÊ: les al�as climatiquesrendent difficile de pr�voir l'offreagricoleÊ; l'absence de normesinstitutionnalis�es de qualit� et de moyensde contr�le de celle-ci � toutes les �tapesde la cha�ne de commercialisation conduit� des suspecter la loyaut� destransactionsÊ; les retards de paiement dessalari�s du secteur public qui ont �t�fr�quents pendant plusieurs ann�esrendent difficile de compter sur uner�gularit� de la demande solvable. Dansce contexte, le fait d'appartenir � un m�mer�seau social et culturel et, de ce fait, departager la m�me langue, les m�mesr�gles, et d'�tre soumis au contr�le de lacommunaut�, permet d'�tablir desrelations de confiance.

Mais il serait abusif de ne voir dans cetteappartenance sociale qu'une fonctiond'assurance au service des transactionscommerciales. Les commer�ants ne sontpas que des op�rateurs �conomiques, ilssont aussi des individus sociaux et nepeuvent facilement dissocier ces deuxappartenances. La strat�gie de ces acteurspeut �tre d'asseoir ou de renforcer uneposition au sein d'un r�seau social,l'activit� �conomique servant alors cettefinalit�. Ainsi, le fait de faire appel � desmembres de sa famille ou de son lignagepour assurer certaines t�ches li�es �l'activit� commerciale, peut �tre expliqu�

par la volont� d'accro�tre son prestige enfournissant emplois et revenus � ceuxauxquels on est li� par l'appartenance �une m�me communaut�. Il n'emp�cheque cette pratique permet �galement de segarantir une certaine s�curit� face auxrisques li�es aux transactions.

Si l'imbrication des relationscommerciales et des relations socialesconstitue une caract�ristique dufonctionnement des fili�res vivri�res auB�nin et, au-del�, en Afrique sub-saharienne comme l'ont montr�e denombreux auteurs, elle n'est pas pourautant exclusive. Les commer�antsgrossistes assurent leurs transactions sur labase de r�gles de mesure communeslargement partag�es. Dans notre�chantillon de commer�ants enqu�t�s, letiers d'entre eux indiquent qu'ils n'ont pastoujours de fournisseurs r�guliers. Lalibre concurrence n'est donc pas absentedu fonctionnement des march�s vivriers etelle se traduit parfois par des discussionsvoire des disputes entre les op�rateurs.Cette situation est en particulier visible enp�riode de faible offre en produitsagricoles. Les grossistes exprimentsouvent les difficult�s qu'ils rencontrent �trouver, en p�riode de soudure, descollecteurs s�rieux pour s'approvisionneren produits, notamment lorsque leurr�seau classique de collecte ne suffit pas.

Une autre caract�ristique dufonctionnement du commerce de gros estla multiplicit� des activit�s de certainscommer�ants. Dans de nombreux cas,ceux-ci ne se limitent pas � lacommercialisation d'un seul produit etn'assurent pas seulement une fonctiond'achat de vivres en milieu rural pour la

Tableau 11. R�partition des commer�ants de Dantokpaselon leur r�gion d'origine et leur r�gion d'approvisionnement

(en pourcentage des commer�ants d'une m�me r�gion d'origine)

R�gion d'approvisionnement R�gion d'origine

Mono Ou�m� Atlantique Zou

Mono 91,4 15,8 15,0 10,5

Ou�m� 2,9 68,4 15,0 10,5

Atlantique 0 5,3 50,0 21,0

Zou 0 5,3 20,0 63,2

Autre 5,7 5,2 0 5,3

Total 100 100 100 100

SourcesÊ: nos enqu�tes

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revente en milieu urbain. Certainsexploitent en effet leurs r�seauxcommerciaux pour collecter diff�rentsproduits d'une m�me r�gion agricole. Ilstirent alors partie de la saisonnalit� propreaux diff�rentes productions, intensifiantles flux de certains produits lorsqued'autres se font rares. Ils redistribuent�galement des marchandises, parfoism�me non alimentaires, vers leurs zonesd'approvisionnement.

b) Le fonctionnement du commercede d�tailSur les 56 vendeuses d�taillantesinterrog�es, 26 sont install�es au march�Dantokpa et les 30 autres se r�partissentsur 12 march�s secondaires ou dequartier. Ces d�taillantes sontexclusivement des femmes. Leurmoyenne d'�ge est de 37 ans, les deuxtiers d'entre elles ont plus de 30 ans etplus de 80Ê% sont mari�es. Leur niveaud'instruction est tr�s bas, notamment pourcelles de plus de 30 ans, la moiti� des plusjeunes ayant eu une formation dans leprimaire. L'activit� du mari est surtoutrepr�sent�e par les petits m�tiers (artisanaturbain, couturier, tailleur, cordonnier,r�parateur de montres), le commerce etl'agriculture. Les d�taillantes sont donc enmajorit� issues des classes modestes oupauvres.

Comme il a �t� indiqu� pr�c�demmentpour les transformatrices (¤ 2.2.c) et lesgrossistes (¤ 2.3.a), on retrouve unecertaine sp�cialisation ethnique par typede produit vendu. Dans les trois quarts descas, les femmes sont initi�es au commerced'un ou de quelques produits par unmembre de leur famille (m�re ou tante) etcontinuent ce commerce pendantplusieurs ann�es. Cet apprentissage portesur la connaissance du produit et de saqualit�, sur les proc�d�s de transformationpour les aliments pr�par�s, surl'organisation des approvisionnements etl'acc�s � un r�seau, et sur les pratiques devente. Il se r�alise d�s le plus jeune �ge,par l'accompagnement et l'aide de la m�reou de la tante au cours de leurs activit�s.Comme l'explique Nago (1989), Çlatransmission du savoir-faire proc�de del'imitation accompagn�e d'unecommunication orale et gestuelleÈ.

M�me si elles sont reconnues ou sereconnaissent elles-m�mes commesp�cialis�es dans la vente d'un alimentdonn�, les d�taillantes vendent en g�n�ralplus de deux produits, certaines proposantm�me tout un assortiment.

Cette pratique correspond � plusieursobjectifsÊ:

· Toucher le plus grand nombre dem�nag�res sur le march�Ê;

· Eviter l'arr�t de l'activit� lors dud�sistement d'un des fournisseurs oulorsqu'un produit devient trop difficile �trouver � un prix ou � une qualit�acceptablesÊ;

· Pouvoir valoriser les diff�rentsinvendus en pr�parant des plats pour sapropre famille voire pour la vente.

Ainsi, par exemple, certaines vendeusesd'huile de palme proposent toute lagamme de produits de ce type mais dontles caract�ristiques de qualit� sontdiff�rentes et correspondent � desutilisations culinaires sp�cifiquesÊ: huilecoll�, huile zomi, noix de palme,tourteaux, sodabi. Les vendeuses peuventainsi toucher une client�le plus large quesi elles se consacraient � un seul aliment.D'autres vendeuses pr�f�rent �tendre leurgamme vers d'autres types d'huile encommercialisant �galement des huilesd'arachide raffin�e et artisanale. Cesd�taillantes cherchent alors � atteindrel'ensemble des consommatrices d'huile.

Une autre strat�gie consiste � associerdivers ingr�dients compl�mentaires desauce (tomates, piments, oignons, cubearomatique, sel, poivre, etc.). Cettepratique demande cependant auxd�taillantes un capital et un r�seau defournisseurs plus important. Ce jeu decompl�mentarit� peut �galement s'�tablirsur le march� entre deux vendeuses.L'une, sp�cialis�e en produits animaux seplacera � c�t� d'une coll�gue qui vend desproduits de sauceÊ; une vendeuse de garis'installera � proximit� d'une vendeuse delait et de sucre, permettant au client depouvoir facilement m�langer ces troisingr�dients pour les consommer sur place.

Pour 80% des d�taillantes interrog�es,l'approvisionnement se r�alise aupr�s d'ungrossiste, le plus souvent au march�Dantokpa. Quelques-uness'approvisionnent directement aupr�s decollecteurs de village ou aupr�s desproducteurs notamment en p�rioded'apr�s r�colte durant laquelle l'offre estabondante et facilement accessible enzone rurale. Dans le commerce depoissons, il n'existe pas de grossistes. Laposition g�ographique de Cotonoupermet un approvisionnement par descircuits courts. Les d�taillantess'approvisionnent elles-m�mes aupr�s des

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p�cheurs et des femmes de p�cheurs pourle poisson local et aupr�s despoissonneries pour le poisson import�congel�.

Selon les produits et leur caract�re plus oumoins p�rissable, l'approvisionnements'effectue de une � deux fois par jour, parexemple pour le poisson, � une fois parmois, notamment pour les produits deplus longue dur�e de conservation. Dansla majorit� des cas, le vendeur grossister�alise l'avance d'un ou deux sacs deproduits et se fait payer apr�s la vente parla d�taillante. Cet accord entre lesop�rateurs exige l'�tablissement derelations de confiance. On comprendais�ment pourquoi pr�s de deux tiers desd�taillantes sont fid�les � quelquesfournisseurs.

Toutes les d�taillantes interrog�escherchent � exercer leur activit� de fa�onr�guli�re. L'acquisition d'une place sur unmarch�, qu'il soit formel ou informel, oudans la rue n'est pas facile. Aussi,lorsqu'une vendeuse ne peut venirtravailler, elle envoie une parente ou uneamie la remplacer, � la fois pour garder laplace et pour ne pas d�cevoir la client�le.Pr�s de 80Ê% des d�taillantes d�clarent eneffet avoir une client�le fixe. Cette fid�lit�est entretenue notamment par le cr�dit � laclient�le accord� par 60Ê% des d�taillantesinterrog�es. Sa dur�e d�passe rarement lesdeux ou trois jours et peut se traduire ounon par un co�t suppl�mentaire pourl'acheteur. L'objectif de la vendeuse estd'abord d'�changer implicitement unreport de paiement ou une vente � cr�ditpour le client contre sa fid�lit� d'achat.

Au niveau des d�taillantes, le stockage desproduits est limit�. La faible surfacefinanci�re des vendeuses et leur grandedifficult� � acc�der au cr�dit mon�taire neleur permettent pas facilement d'acheteren plus grande quantit� que le volume dequelques jours de vente. Cette situationconstitue une contrainte reconnue par lesvendeuses qui souhaiteraient pouvoiracqu�rir de plus grandes quantit�s demarchandises lorsque les prix sont bas enayant notamment acc�s au cr�dit. Pour lesproduits p�rissables, les possibilit�s deconservation restent limit�es par l'acc�s austockage r�frig�r�. Les march�s ne sontpas �quip�s de chambres froides et lesvendeuses sont souvent contraintes debrader voire jeter leurs produits ou de lesutiliser pour leur propre cuisine s'il restedes invendus en fin de journ�e.

c) Les strat�gies de relations entreles agents commerciauxD'une fa�on g�n�rale, l'analyse desrelations entre les agents des circuits decommercialisation, tant au niveau del'approvisionnement que de ladistribution, r�v�le deux types destrat�giesÊ:

· La premi�re vise � renforcer lesrelations amont-aval afin de favoriser unemeilleure int�gration des diff�rentesfonctions commerciales. Ces relations,comme on l'a vu pr�c�demment, ne sontpas uniquement d'ordre professionnel oucommercial. Elles sont �troitement li�es,pour un grand nombre d'acteurs, au tissagede relations sociales. La coordinationentre les agents se fait par le biais dumarch�, gr�ce au jeu des prix, mais passeulement. Face � l'incertitude destransactions, les acteurs s'organisentsocialement, partageant alors les m�mesr�gles (¤ 2.3.a)

· En apparence, le commerce vivrier sepr�sente donc d'abord comme un secteurdiffus compos� d'une multituded'op�rateurs individuels li�s entre eux parles seules fonctions de circulation desproduits. En fait, les acteurs d�ploient�galement des strat�gies horizontales quivisent � renforcer leur coh�sion mutuelle� un m�me niveau dans un circuit decommercialisation donn�. Ces strat�giesm�ritent une attention particuli�re dans laperspective d'actions visant � am�liorerles conditions de d'approvisionnement etde distribution alimentaires des villes.

Ces strat�gies horizontales sont rep�rables� diff�rents niveaux des circuits decommercialisation.

· Au niveau des collecteurs et grossistesruraux, l'accroissement de la demande enproduits vivriers, principalement du faitde l'urbanisation, a conduit � uneorganisation de ces agents dans diff�rentesr�gions rurales. On a ainsi assist� � laformation de plusieurs associationsdÕacheteurs forains dont lefonctionnement r�glemente la collectedes produits vivriers. Ces associationsfonctionnent surtout dans les r�gions o�les produits repr�sentent un enjeu�conomique (par exemple, K�tou, Pob�,Nikki pour le ma�s). Elles sontind�pendantes et emp�chent les grossistesurbains dÕavoir acc�s � la collecte primaire

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et de pratiquer un certain dumping pourconstituer leurs stocks. Ces associationsont rompu les liens de service quiexistaient entre acheteurs forains etgrossistes urbains. Il existe de pareillesassociations pour les tubercules dÕigname �Bohicon. Son fonctionnement a m�me�limin� le r�le des grossistes sur lestubercules dans la mesure o� les membresde lÕassociation sont � la fois collecteurset vendeurs.

· Au niveau des d�taillantes, lesstrat�gies de relations horizontales sontmoins visibles de prime abord dans lefonctionnement quotidien. Sur le march�Dantokpa, les d�taillantes n'ont pasl'habitude d'entretenir d'autres relationsque celles d'un bon voisinage. Mais onconstate que lorsqu'un grossiste arrive surle march� pour �couler ses produits, lesd�taillantes ne forment alors plus qu'unseul groupe solidaire et ont alors unpouvoir de n�gociation des prix tr�simportants. Il arrive m�me parfois que,sous cette pression, les semi-grossistes quin'ont pas une capacit� de n�gociationsuffisante vendent � perte. Solidaires

devant le grossiste, les d�taillantes nemanquent cependant pas de se chamaillerpour avoir le plus beau panier. L'entraideentre les d�taillantes est, de plus, unepratique courante. Quand l'une d'entreelles doit s'absenter sur le march�, lesautres assurent la vente de ses produits. Encas de d�c�s dans la famille d'unevendeuse, ses coll�gues apportent leursoutien financier pour faire face auxd�penses des c�r�monies de fun�railles.Cette entraide financi�re prend souvent laforme de tontines, associationspermettant la mise en commun d'�pargneet l'affectation � tour de r�le, des sommescollect�es. Comme il a �t� expliqu�pr�c�demment, ces relations d�passentbien souvent une fonctiond'accompagnement des activit�s�conomiques. L'argent mobilis� par lestontines, m�me si celles-ci rassemblentdes d�taillantes d'une m�me fili�re ou d'unm�me lieu de vente, n'est pas forc�mentaffect� � l'activit� commerciale. Il peutservir � assurer les obligations familialesou sociales de chacune des vendeuses. Ler�seau constitu� par le biais de l'activit��conomique a alors une fonction sociale.

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3. LA PERCEPTION DES STRUCTURES DE DISTRIBUTIONPAR LES CONSOMMATEURS

Ce chapitre vise � analyser les relations entre les styles alimentaires des Cotonois etl'organisation du syst�me de distribution alimentaire de la ville. Ces deux �l�mentsapparaissent en effet interagir mutuellement au sein de ce que l'on peut appelerl'organisation alimentaire de la ville.

Les donn�es pr�sent�es ici sont issues de deux s�ries d'enqu�tesÊ: d'une part des entretiensapprofondis r�alis�s aupr�s de 25 consommateurs dont 21 femmes en f�vrier 1993 sur leurspratiques g�n�rales d'approvisionnement et leurs repr�sentations des diff�rents lieuxd'acquisition des produits alimentairesÊ; d'autre part, des entretiens approfondis sur 39m�nag�res r�alis�s en janvier et f�vrier 1994 plus sp�cifiquement sur les pratiquesd'approvisionnement et d'utilisation de quatre produits importants dans la consommationÊ: lema�s, le manioc, l'huile de palme et le poisson. Ces donn�es sont pr�sent�es ici selon lesprincipaux types de structures de distribution.

3.1. La perceptiondu march� DantokpaTous les consommateurs interrog�ss'approvisionnent r�guli�rement aumarch� Dantokpa. Les principaux int�r�tsde ce march�, aux dires desconsommateurs sont nombreux.

· LÕ�ventail de choix de produits dequalit� est important.

· Les vendeuses d�taillantes sontnombreuses.

· La plupart des produits sont moinschers que dans les autres march�s. Letableau 12 montre pour le cas du ma�s quele prix moyen du kg de ma�s vendu aud�tail sur 31 march�s secondaires deCotonou est en moyenne sur l'ann�e 1990

de 7Ê% sup�rieur � celui du march�Dantokpa et que, sur les march�s aux prixles plus �lev�s, ce surco�t est d'environ10Ê%. Cette diff�rence entre march� degros et march�s secondaires peut �tre plusimportante notamment pour les produitsp�rissables. Il est possible d'acheter enrelativement grandes quantit�s, ce quin'est pas toujours le cas dans les autreslieux de vente compte tenu del'insuffisance de leur disponibilit�.Dantokpa combine de ce fait le doubleint�r�t d'un march� de gros et d'un vastemarch� de d�tail. En fait, pour �tre pr�cis,ce march� est davantage utilis� par lesconsommateurs comme un march� ded�tail et de demi-gros.

Quelques t�moignages illustrent cetteperception du march� Dantokpa par les

Tableau 12. Les prix moyens mensuels du ma�s au d�tail � Dantokpaet dans 31 march�s secondaires de Cotonou en 1990

(en FCFA/kg)

janv. f�vr. mars avril mai juin juill. ao�t sept. oct. nov. d�c. moy.

Dantokpa 75 80 90 95 100 110 95 65 60 70 80 75 82,9

March�ssecondaires* 75 88 94 99 112 117 99 74 71 76 81 76 88,5

Minimum 75 80 90 95 100 110 95 65 60 75 80 75 83,3Maximum 75 90 95 100 115 125 100 75 75 80 90 80 91,6

* Moyennes de 31 march�s secondaires de Cotonou

SourceÊ: Kinsonhoun (1992)

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consommateurs.

- ÇA Tokpa, vous verrez plusieurs qualit�s dema�s et vous pourrez choisir un produit debonne qualit� � un prix int�ressantÈ.- ÇJÕach�te le gari en grosse quantit� donc jevais � Tokpa, mais pour le manioc frais onne peut pas aller � Tokpa pour acheter pour100 ou 150 F seulementÈ.- ÇJe vais � Tokpa quand jÕai lÕargent etjÕach�te en quantit�. Quand je nÕai paslÕargent, jÕach�te aux vendeuses ambulantesÈ.- ÇJe vais � Dantokpa pour acheter lesproduits moins chers. Dantokpa est le lieu devente de tous les produits quÕon rencontredans les autres march�s de quartier. MaisjÕach�te �galement dans le march� de quartierpour �viter dÕaller loinÈ.- ÇJe vais au march� de Dantokpa quand jeveux faire le ravitaillement. Je vais au march�de quartier quand j'ai des ruptures de stockou que je n'ai pas le temps dÕaller � Tokpa.Je n'y vais qu'une fois par mois pour leravitaillementÈ.

Sur les consommateurs interrog�s, sept serendent au march� Dantokpa une � deuxfois par moisÊ; neuf y vont entre deux ettrois fois par semaine et neuf y vont plusde trois fois par semaine. Cesfr�quentations d�pendent naturellementde la distance du domicile duconsommateur au lieu du march�. Leshabitants du quartier ouest de Cotonou,sur l'autre rive que celle du march�, sontles plus nombreux � ne sÕy rendre quÕunefois par mois.

Plusieurs facteurs d�terminent la d�cisionde se rendre sur ce march� et le rythme desa fr�quentation.

· La disponibilit� mon�taire de lam�nag�re doit �tre suffisante pourpermettre des achats en plus grandequantit� destin�s � �tre stock�s. Celle-cipeut �tre �valu�e en tenant compte duco�t de transport qui ne doit pas �tresup�rieur � l'�conomie r�alis�e par rapportaux m�mes achats effectu�s sur lesmarch�s de quartier. On ne dispose pas dedonn�es suffisamment fines sur les prixdes diff�rents produits du panier de lam�nag�re et sur leur coefficient depond�ration budg�taire pour d�terminer lediff�rentiel de prix moyen entre lemarch� Dantokpa et les march�ssecondaires. Une �valuation grossi�repermet de l'estimer � 25Ê%. Sur cette base,et en tenant compte d'un co�t moyen detransport aller et retour en taxi-

cyclomoteur de 300 FCFA, la m�nag�redoit disposer d'un budget total minimumdeÊ: 300/0,25Ê= 1200ÊFCFA.

· Le rythme de fr�quentation du march�d�pend �galement de la capacit� destockage de la famille. Si elle dispose d'unr�frig�rateur ou d'un cong�lateur, sesachats de demi-gros pourront s'�tendreaux produits p�rissables. Sinon, ils serontlimit�s, pour la constitution des stocks,aux produits stabilis�s, les achats d'autresproduits �tant alors effectu�s pour lesquelques jours � venir.

· Le temps disponible pour r�aliser lesachats conditionne �galement le choix dese rendre sur ce march�. La dur�e dutransport, l'�tendue du march�, la diversit�des marchandises expos�es, rendn�cessaire de disposer de plusieurs heures.Il est cependant int�ressant de noter que sila distance physique entre le domicile et lemarch� d�termine le temps de transport,cette distance ne suffit pas � rendrecompte de l'�loignement du march� telqu'il est per�u par les consommateurs. Lanature des routes, le cheminement suivi etdonc l'environnement travers� par lam�nag�re au cours du transport laconduisent � moduler sa perception de ladistance en fonction de la p�nibilit� ou del'int�r�t du trajet, des opportunit�s qu'ilouvre, etc.

Enfin, il faut � nouveau souligner que lemarch� Dantokpa d�passe le cadre dusimple lieu d'approvisionnement enproduits de consommation. ÒCÕest aussiun lieu privil�gi� de communication o�toute lÕexistence de lÕhomme africain yest trait�e, de la vie mat�rielle � la viespirituelle. Aux dires des sages, le march�cÕest la vie, on sÕy nourrit, on sÕy v�tit, ony gu�ritÓ (GBAGUIDI, 1993). Les activit�squi peuvent �tre coupl�es auravitaillement sont nombreusesÊ: rencontrede parents et d'amis, �changes denouvelles sur le village d'origine et la ville,restauration, regard des derniers pagnes �la mode, achat d'objets magico-religieux,etc.

3.2. La perceptiondes march�s de quartierLe principal avantage reconnu � ce typede march� est de pouvoir y faire desachats d'appoint, compl�mentaires desachats faits au march� Dantokpa,notamment des produits frais ou

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p�rissables, ou lors de rupture de stock.Les achats sur le march� voisin dudomicile se font alors dans l'attente d'unr�approvisionnement sur le march�Dantokpa.

En g�n�ral, ces march�s sont per�uscomme moins bien approvisionn�s etpratiquant des prix plus �lev�s sauf pourles march�s sp�cialis�s dans certainsproduits. Ceux-ci, lorsqu'ils sont prochesdu domicile du consommateur, peuvent�tre alors des lieux d'approvisionnementen produits destin�s au stockage. Cela dit,ne jouant le r�le de march� de gros quepour certains aliments, ces march�s ne sesubstituent pas totalement � Dantokpa.

Quelques t�moignages illustrent cesperceptionsÊ:

- ÇQuand le stock dÕhuile est vide et que vousdevez pr�parer la sauce, vous allez au march�du quartier ou chez la vendeuse � domicile.È- ÇJÕach�te le poisson fum� au march� dequartier car il y a la qualit� que jesouhaite.È- ÇOn ne vend pas tous les produits sur lemarch� de quartier.È- ÇNous allons sur le march� de quartierquand une chose manque ou que nous avonspeu � acheter.È- ÇLe march� du quartier est proche de mamaison. Mon mari est souvent en tourn�e etach�te le ma�s hors de Cotonou.È

Il faut �galement souligner que lesmarch�s de quartier accueillent uneclient�le dont le niveau ou lefractionnement des disponibilit�smon�taires sont tels qu'ils rendentdifficiles l'achat en grande quantit�, lapratique du stockage et donc lafr�quentation r�guli�re du march�Dantokpa. R�sidant souvent dans deszones p�riph�riques de la ville, cespopulations d�favoris�es se trouvent doncp�nalis�es puisque les produits vendus surleurs march�s de quartier sont plus chersqu'� Dantokpa.

3.3. La perceptiondes vendeuses de quartierEn restant chez elles ou en circulant dansles rues, toutes les m�nag�res peuvent detemps � autre faire du commerce. Sur les21 femmes interrog�es en 1993, 11pratiquent occasionnellement our�guli�rement une pr�paration alimentaireavec vente � domicile. Ainsi, mis � partdans quelques zones r�sidentielles de

villas plus ou moins luxueuses, tous lesquartiers de Cotonou sont bien desservispar ce commerce de forte proximit�. Cetteproximit� n'est pas purementg�ographique, elle est aussi sociale. Lesachats aupr�s de pr�paratrices d'alimentsou de plats � leur domicile, ou aupr�s devoisines, vendeuses de rue install�esdevant leur maison, la vente ambulante enÇporte � porteÈ aupr�s d'une client�lefid�lis�e, entretiennent et se basent sur desr�seaux de bon voisinage et de confiance.

La fonction de ce type de structure dedistribution est, pour une part, similaire �celle des march�s de quartierÊ:l'approvisionnement d'appoint. Une partiede ce micro-commerce sÕadresse auxm�nag�res qui d�couvrent une rupture destock au moment de la pr�paration durepas ou qui doivent faire face rapidement� un impr�vuÊ: invit�, cadeau � un enfant,etc.

Mais le micro-commerce de quartierpermet aussi d'acqu�rir des produits etnotamment des aliments transform�s pourlesquels les m�nag�res ont de fortesexigences de qualit�. Deux t�moignagesillustrent ce ph�nom�neÊ:

- ÇJÕach�te le poisson fum� � une vendeuse dequartier car elle le pr�pare bien.È- ÇJÕach�te le manioc frais et les feuilles demanioc aupr�s des vendeuses � domicile. Lemanioc frais est d�j� g�t� � Dantokpa et onne trouve pas de feuilles. Pour lÕhuile cÕestpareil, jÕach�te � une vendeuse � domicile quia la qualit� que je cherche.È

Sur les 25 consommateurs interrog�s en1993, 15 indiquent qu'ils ach�tent desboules d'akassa � des vendeuses �domicile de leur quartier, 13 ach�tent dumaw� (p�te ferment�e de ma�s tr�s utilis�eau sud-B�nin permettant de pr�parer unegrande diversit� de produits) � ce m�metype de vendeuses, sept ach�tent du gari.Ces produits de base, dont certains sontdes produits frais, exigent un savoir-faireparticulier pour leur transformation.Celle-ci fait appel, bien souvent, � unephase de fermentation qui conf�re � lafois un go�t sp�cifique et une certainestabilit� au produit. Sa ma�trise techniqueest loin d'�tre �vidente et l'achat de ce typede produit comporte donc un risque pourle consommateur. L'apparence, la couleurou l'odeur du produit ne suffisent en effetpas toujours � v�rifier sa qualit�. Face �cette incertitude et en l'absence de normesou de contr�les institutionnalis�s dequalit�, notamment sanitaires, la cliente

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�tablit sa confiance dans le produit par lebiais de sa confiance dans la vendeuse. Lefait que celle-ci soit une voisine voire uneamie, que son professionnalisme et sons�rieux � respecter les r�gles du proc�d�traditionnel puissent �tre facilementv�rifi�s, concourent � �tablir cette relationde confiance. Ceci est en effet moinsfacile � faire dans les relations plusimpersonnelles avec les vendeuses demarch�.

3.4. La perceptiondes boutiques de quartierCe type de structure de distribution nerepr�sente pas, comme il a �t� vupr�c�demment (¤Ê1.4.b), une partimportante des d�penses alimentaires.

Dans les quartiers mal desservis par unmarch� secondaire, ces boutiques fontoffice de lieu de vente de produitsd'appoint. Mais pour la majorit� desconsommateurs interrog�s, les prix desproduits y sont jug�s �lev�s. Beaucoupreconnaissent cependant la meilleurequalit� de certains produits notammentindustriels ou import�s vendus dans cespetits magasins. Ceux-ci disposent depr�sentoirs � lÕabri du soleil et de lapoussi�re et bien souvent de r�frig�rateursou de cong�lateurs permettant de mieuxconserver les produits laitiers ou de

proposer des boissons fra�ches. Cesavantages ne sont cependant pas reconnussuffisamment int�ressants pour justifier lesniveaux de prix pratiqu�s.

Quelques t�moignages de consommateursr�v�lent ces perceptionsÊ:

- ÇJe nÕach�te jamais dans les boutiquesÊ: lesproduits sont trop chers.È- ÇJe vais rarement � ÒLa PointeÓ (magasinproposant surtout des produits import�s).Quand j'y vais, jÕach�te de lÕeau de Javel, dusaucisson ou dÕautres produits dÕEurope.CÕest aussi une distraction.È- ÇLes produits sont chers mais jÕach�ter�guli�rement les yaourts pour les enfants.È- ÇJÕach�te les biscuits, la moutarde, lamayonnaise, les produits qui sont rares surle march�. De plus, ÒRoyal StoreÓ est pluspr�s de chez moi que le march� Dantokpa.È- ÇJÕappr�cie les boutiques car les prix nevarient pas.È

A noter que ce dernier t�moignage estcelui dÕun homme. Traditionnellement leshommes b�ninois marchandent peu,seules les femmes �tant jug�es capables dele faire. CÕest pourquoi quelques hommespr�f�rent acheter dans les boutiques o� leprix, bien que plus �lev�, est fixe voireaffich�.

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CONCLUSIONS

L'am�lioration des syst�mes dedistribution alimentaire des villesafricaines n'est pas un objectif en soi. Ils'int�gre dans une strat�gie plus globaled'am�lioration de la s�curit� alimentairedes populations. Dans le contexted'urbanisation rapide et de crise�conomique que connaissent les paysafricains, plusieurs objectifs de cesstrat�gies peuvent �tre cit�sÊ:

· Am�liorer l'acc�s � l'alimentation despopulations d�favoris�es, tant en milieurural que urbain.

· Accompagner le r�le d'entra�nementque joue la croissance urbaine sur led�veloppement agricole local, enparticulier par le biais des fili�resvivri�res. L'urbanisation constitue en effet� la fois un risque et une opportunit� pourl'�conomie agricole de ces paysÊ: risqued'une d�pendance croissante par unrecours privil�gi� aux importationsalimentaires pour nourrir les villesÊ;opportunit� par le fait que les villesconstituent un d�bouch� croissant pour laproduction vivri�re. Celle-ci passe ainsid'un statut de production pourl'autoconsommation � celui de productionde rente.

· Favoriser la cr�ation et la durabilit�des emplois et donc des revenus, tant enville qu'en milieu rural. Ceci permet ainsid'accro�tre le pouvoir d'achat et contribuealors � la s�curit� alimentaire de lapopulation.

Le cas de Cotonou et du B�nin, parrapport aux autres pays africains constitue� la fois un cas particulier et un exempleint�ressant d'analyse. L'alimentation decette capitale, d'aujourd'hui pr�s d'unmillion d'habitants, se caract�rise en effetpar une forte dynamique des fili�reslocales d'approvisionnement vivrier. Laconsommation en ville de produitsimport�s reste limit�e compar�e � d'autrespays. Le cas de Cotonou prouve de fa�onexemplaire qu'une ville africaine peut senourrir � partir de sa production agricolelocale et que les fili�res vivri�respermettent � la fois d'assurer un r�led'interm�diation entre ville et campagne etde largement contribuer � la cr�ationd'emplois et de revenus.

Dans la perspective de concevoir desprogrammes d'action visant � am�liorerles syst�mes de distribution alimentairedes villes, les conclusions de cette �tude decas conduisent � formuler quelquesrecommandations.

· En premier lieu, il appara�t primordialde reconna�tre la diversit� et lacompl�mentarit� des structures dedistribution. Ces structures ne peuvent�tre con�ues simplement comme descha�nes d'op�rateurs commerciaux ayantpour seule fonction d'assurer la circulationdes produits de leurs zones de productionjusqu'aux consommateurs. La prise encompte du mode de fonctionnementsp�cifique des acteurs est une conditionindispensable pour la r�ussite de toutprogramme d'actions qui les concernerait.Cette prise en compte n�cessite de porterautant d'attention aux fonctionscommerciales que ces acteurs assurent,qu'aux relations non strictementcommerciales qu'ils entretiennent et quipermettent le fonctionnement dusyst�me. Une strat�gie visant � am�liorerle syst�me de distribution ne peut doncs'appuyer seulement sur un mod�le con�ucomme optimal du point de vue�conomiqueÊ; mod�le qui conduirait �imaginer une structuration des acteurs etdes lieux selon le seul point de vue de leurutilit� et performance commerciale.Divers exemples dans les pays du mondeont montr� les limites de telles approchessouvent trop r�ductricesÊ: cr�ation demarch�s de gros d�sert�s par lescommer�ants, d�calage entre lefonctionnement esp�r� ou pr�vu descircuits et le fonctionnement r�el desacteurs.

· Une meilleure connaissance desmodes de fonctionnement des acteurs estn�cessaire pour leur prise en compte dansdes programmes d'actions. Mais cetteprise en compte passe aussi et surtout parune participation de ces acteurs � laconception et � la mise en oeuvre desprogrammes, par une concertation voireune n�gociation sur leurs orientations etleurs modalit�s d'ex�cution. L'expertise,aussi fine soit-elle, ne peut se substituer �ce n�cessaire dialogue. Mais pour que

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celui-ci s'instaure, il ne faut pas sous-estimer la difficult� inh�rente au caract�rediffus des structures de distribution. Lamultitude d'agents individuels et leur faibleniveau de repr�sentation organis�e vis-�-vis des autorit�s ne rendent pas cedialogue facile � organiser. Les r�flexionssur l'�tablissement d'espaces deconcertation avec le secteur descommer�ants et des artisanes del'alimentation semblent aujourd'huiinsuffisantes. Elles pourraient pourtantutilement b�n�ficier des exp�riencesacquises dans de nombreux pays africainssur le dialogue avec les producteursagricoles �tablit par le biais desorganisations paysannes.

· Dans la plupart des pays africains, laconnaissance des styles alimentaires despopulations urbaines d�favoris�es et deleurs conditions d'acc�s � l'alimentationreste insuffisante. Une telle connaissanceest pourtant n�cessaire pour orienter et�valuer l'effet de programmes d'actionspar rapport � l'objectif d'am�lioration dela s�curit� alimentaire de ces populations.On conna�t ainsi encore mal comment setraduisent des actions telles que lar�organisation de march�s de gros, lar�glementation du commerce ou de laqualit�, l'am�nagement de lieux de vente,

sur l'acc�s � l'alimentation de cespopulations.

L'exemple de Cotonou r�v�le enfinl'importance � accorder aux activit�s detransformation des produits. Leurd�velop-pement peut contribuer �atteindre l'objectif de mieux connecter lademande alimentaire urbaine � l'offreagricole locale. Si ces activit�s ne peuvent�tre consid�r�es, � strictement parler,comme des activit�s de distribution, leurr�le est primordial dans l'acc�s descitadins � des produits locaux adapt�s �leur mode de vie. Les op�rateurs de cesecteur agro-alimentaire et en particulierla multitude d'artisanes sont rarement prisen compte dans les strat�gies alimentaires.Le r�le pr�pond�rant de ce secteur dans lavalorisation des produits agricoles locauxet son importante contribution � lacr�ation de valeur ajout�e, d'emplois et derevenus tant en ville qu'� la campagnedans les fili�res vivri�res m�ritent pourtantque son d�veloppement soit appuy�. C'estdans la perspective de favoriser le r�led'entra�nement que l'urbanisation peutjouer sur le d�veloppement agricole quece secteur agro-alimentaire doit �tred�velopp�. Les demandes de cesop�ratrices sont nombreuses et netrouvent actuellement que peu der�ponses appropri�esÊ: besoins de cr�dit,de conseils techniques, organisationnels etcommerciaux, etc.

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ANNEXE : LISTE DES TABLEAUX ET DES CARTES

Liste des tableaux

Tableau 1. Structure des d�penses alimentaires � Cotonou.............................................................11Tableau 2. Nature des aliments utilis�s par les m�nages de Cotonou...............................................12Tableau 3. R�partition des rationnaires selon leur participation aux repas au B�nin............................13Tableau 4. Caract�ristiques de la consommation entre les repas � Cotonou.......................................14Tableau 5. Les modes d'approvisionnement par groupes de produits � Cotonou ................................16Tableau 6. R�partition des d�penses alimentaires.........................................................................17Tableau 7. L'�volution d�mographique de Cotonou .....................................................................20Tableau 8. Recensement des commer�ants vivriers des march�s secondaires par type de produits ..........23Tableau 9. Recensement des artisanes transformatrices et vendeuses ................................................27Tableau 10. La sp�cialisation ethnique de l'artisanat alimentaire du sud du B�nin..............................29Tableau 11. R�partition des commer�ants de Dantokpa selon leur r�gion d'origine et leur r�gion

d'approvisionnement ..............................................................................................31Tableau 12. Les prix moyens mensuels du ma�s au d�tail � Dantokpa et dans 31 march�s secondaires de

Cotonou en 1990...................................................................................................36

Liste des cartes

Carte 1. L'�volution spatiale de Cotonou et de ses march�s ...........................................................22Carte 2. La r�partition des types de commerce au sein du march� Dantokpa en 1987 ..........................24Carte 3. Les principaux march�s de Cotonou ..............................................................................26

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LES DOCUMENTS DE LA SERIE ÇÊALIMENTATION, URBANISATION ET

FILIERES VIVRIERESÊÈ

Documents en cours dÕ�ditionÊ:

n¡ 1 :ÊBRICAS N. Cadre conceptuel et m�thodologique pour lÕanalyse de la consommationalimentaire urbaine en Afrique

n¡ 2 :ÊTHUILLIER-CERDAN C. et BRICAS N. La consommation et la distributionalimentaires � Cotonou (B�nin)

n¡ 3 :ÊCHEYNS E. Les pratiques dÕapprovisionnement alimentaire des consommateurs deOuagadougou (Burkina)

n¡ 4 :ÊMOUSTIER P. et LEPLAIDEUR A.. Cadre conceptuel et m�thodologique surlÕanalyse des acteurs commer�iaux en Afrique

n¡ 5 :ÊMOUSTIER P. et DAVID O. La dynamique du mara�chage p�ri-urbain en Afriquesub-saharienne

Autres documents pr�vusÊ:

BRICAS N. et VERNIER P. (Eds). Diagnostic de la fili�re cossettes dÕigname pourlÕaprovisionnement des villes au B�nin, Nig�ria et Togo

CHEYNS E. et BRICAS N. La consommation alimentaire en Afrique de lÕOuest ; synth�sebibliographique. Tome 1 : Le Burkina.

DELGADO L., MAZZEGA A. et BRICAS N. La consommation alimentaire en Afrique delÕOuest ; synth�se bibliographique. Tome 2 : Le S�n�gal.

DELGADO L. et BRICAS N. La consommation alimentaire en Afrique de lÕOuest ;synth�se bibliographique. Tome 3 : Le Mali.

DELGADO L. et BRICAS N. La consommation alimentaire en Afrique de lÕOuest ;synth�se bibliographique. Tome 4 : Le Niger.

DELGADO L. et BRICAS N. La consommation alimentaire en Afrique de lÕOuest ;synth�se bibliographique. Tome 5 : La Guin�e Bissau.

DELGADO L. et BRICAS N. La consommation alimentaire en Afrique de lÕOuest ;synth�se bibliographique. Tome 6 : La Mauritanie.

CHEYNS E., DELGADO L. et BRICAS N. La consommation alimentaire en Afrique delÕOuestÊ; synth�se bibliographique. Tome 7 : Le Tchad.

SERRES C. et BRICAS N. La consommation alimentaire en Afrique de lÕOuest ; synth�sebiliographique. Tome 8 : La Guin�e.

BROUTIN C., BRICAS N., FRAN�OIS M., SOKONA K. et DIOP A.S. La promotion desc�r�ales locales pour les march�s urbains au S�n�gal.