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23 ÉCONOMIE ET FINANCES MAGAZINE PAYSAN BRETON SEMAINE DU 18 AU 24 DÉCEMEBRE 2015 LA COGÉNÉRATION « SPONTANÉE » Energie Longtemps réservée aux exploitations maraîchères les plus importantes, la cogénération se développe aujourd’hui en Bretagne. A l’horizon 2016, le Pays de Brest devrait, à lui seul, compter une trentaine d’installations pour une production globale avoisinant les 80 Mégawatts. Rencontre avec David Potereau, propriétaire de 2,8 hectares de serres de tomates, qui vient de s’équiper d’une unité de cogénération. Cet impressionnant moteur fonctionnant au gaz entraîne une génératrice produisant de l’électricité, la chaleur est, elle, récupérée (échappement, huile, turbo…) pour chauffer les serres. Depuis quelques jours, les 2,8 hectares de serres de David Potereau sont chauffés par une centrale de cogénération. Une décision mûrement réfléchie. Les données de l’équation sont simples. Dans le coût de re- vient d’une tomate, le chauf- fage de la serre représente le deuxième poste de charges (25 %), juste derrière la main-d’œuvre (30 %). Face à l’augmentation conti- nue du prix de l’énergie depuis plu- sieurs années, les serristes sont donc particulièrement attentifs à toutes les avancées technologiques leur permettant de limiter la facture. Après avoir exercé durant trois ans comme chef de culture au sein de la coopérative Savéol et effectué un séjour aux Pays-Bas, David Potereau s’est installé à Guilers (29), en 2003, sur une exploitation de 1,5 hectare de serres. Trois années plus tard, il s’est agrandi pour atteindre une sur- face totale de 2,8 hectares. Et dès ses premiers pas professionnels, il a été confronté à la problématique du coût de l’énergie. « Avec l’envolée du prix du gaz, la première solution a consisté à équiper les serres d’écrans thermiques afin de limiter les pertes au niveau de la toiture. Cela a permis de diminuer la consommation de 40 % en hiver et, en moyenne, de 20 % sur l’année ». Le renchérissement de l’énergie se poursuivant, un gros travail a été réalisé sur les conduites culturales. « Avec d’autres producteurs et l’ap- pui des techniciens de Savéol, nous avons beaucoup échangé afin de dé- terminer jusqu’où l’on pouvait ré- duire les apports de chaleur sans di- minuer les rendements ». Reste que les gains enregistrés ont alors sim- plement permis d’absorber la hausse du prix de l’énergie. Nouvelle vague Vers la fin des années 2000, une nouvelle voie apparaît : quelques pionniers s’équipent des premiers systèmes de cogénération. Mais, à l’époque, ce procédé technique per- mettant de produire à la fois de la constructeurs… Et nous sommes partis des besoins thermiques réels de chaque exploitation, sans sur- dimensionner les installations ». Une approche rationnelle qui va porter ses fruits. Sur les douze pro- ducteurs participant au groupe de travail, huit ont d’ores et déjà franchi le pas, parmi lesquels David Pote- reau. Réduire la facture Financée par Arkéa Crédit Bail, filiale spécialisée du Crédit Mutuel Arkéa, son unité de cogénération repré- sente un investissement de l’ordre de 1,750 million d’euros. Entré en fonction début décembre, ce nouvel équipement (2 Mégawatts de puis- sance électrique, 2,1 Mégawatts de puissance thermique), qui fonction- nera 5 mois par an, devrait permet- tre à l’agriculteur finistérien de ré- duire sa facture de chauffage d’au moins 30 %. « Je pense que sur une surface de serres plus importante, on peut même aller jusqu’à une di- minution du coût de l’ordre de 50 % ». Le choix de la cogénération sécurise l’approvisionnement énergétique de son exploitation sur douze ans, durée du contrat qui le lie à EDF pour le rachat de l’électricité pro- duite. Convaincu de l’intérêt de la formule, David Potereau se garde cependant d’en faire la panacée pour les serristes. « C’est du cas par cas, insiste celui qui est aussi trésorier de la coopérative Savéol. Il faut, à chaque fois, partir des besoins ther- miques de l’exploitation, être vigilant sur les différents coûts comme celui du raccordement au réseau élec- trique… Au regard des investisse- ments à réaliser, je ne pense pas que cela soit adapté pour des serres de moins de 2 hectares ». Dès l’année prochaine, avec une trentaine d’installations de cogéné- ration en fonction sur le pays de chaleur pour chauffer les serres et de l’électricité - revendue à EDF - demeure l’apanage des grosses ex- ploitations. « Pour que ce soit inté- ressant, on estimait qu’il fallait avoir au minimum cinq hectares de serres », se souvient David Potereau. Soit près du double de la surface moyenne des serres bretonnes… Quelques autres serristes qui, jusque-là, utilisaient du fioul lourd, se tournent, eux, vers le bois- énergie. Puis, au début des années 2010, à la faveur du regroupement des ex- ploitations et de l’amélioration des performances des moteurs, une nouvelle vague d’unités de cogéné- ration voit le jour dans le Finistère. Dès 2012, la production électrique des serristes de Savéol atteint 40 Mégawatts. Via Carbogreen, structure collective d’approvisionnement en énergie re- groupant la plupart des producteurs de la coopérative, un appel d’offres pour des unités de cogénération est lancé en 2013. Objectif : tirer les prix au maximum afin d’ouvrir cette technologie à des structures de taille moindre. « Nous avons pris en compte l’ensemble de l’environne- ment : motoristes, banques, Brest, la production électrique de- vrait avoisiner les 80 Mégawatts ». Ce qui équivaut aux besoins annuels de quelque 16 000 logements. Dans une Bretagne très largement défici- taire sur le plan électrique - notre région produit moins de 10 % de sa consommation -, cette fabrication locale issue de la cogénération est évidemment des plus intéressantes. « Aujourd’hui, souligne David Po- tereau, la Bretagne doit exploiter toutes les pistes de production d’énergie : cogénération, méthani- sation, éolien, hydrolien… Et les agri- culteurs détiennent un morceau de la solution de ce « mix » énergétique du futur ! » Le courant éclectique a de l’avenir. Une formule simple et sur-mesure Dernièrement, Arkéa Crédit Bail a financé plus d’une dou- zaine d’installations de cogénération en Bretagne. Notre force est de pro- poser à la fois une solution simple et sur-mesure. Simple car l’agriculteur dispose d’un interlocuteur unique tout au long de son dossier. Nous re- groupons en un seul contrat tous les investissements immobiliers, les ma- tériels, l’incorporel… Et nous nous chargeons de la gestion des acomptes lors de la phase de préfi- nancement de la construction. L’as- pect sur-mesure est également im- portant. La formule du crédit-bail autorise une grande souplesse pour les durées de financement et les loyers de remboursement. Cela per- met de s’adapter au mieux à chaque projet. Et comme nous finançons la totalité du montant TTC, l’exploita- tion préserve aussi ses ressources. LAURENT GARNIER Responsable régional, Arkéa Crédit Bail Opinion La Bretagne produit moins de 10 % de l'électricité qu'elle consomme

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Page 1: LA COGÉNÉRATION « SPONTANÉE€¦ · importantes, la cogénération se développe aujourd’hui en Bretagne. A l’horizon 2016, le Pays de Brest devrait, à lui seul, compter

23ÉCONOMIE ET FINANCES MAGAZINEPAYSAN BRETON SEMAINE DU 18 AU 24 DÉCEMEBRE 2015

LA COGÉNÉRATION « SPONTANÉE »Energie Longtempsréservée auxexploitationsmaraîchères les plusimportantes, lacogénération sedéveloppe aujourd’huien Bretagne. A l’horizon2016, le Pays de Brestdevrait, à lui seul,compter une trentained’installations pour uneproduction globaleavoisinant les 80Mégawatts. Rencontreavec David Potereau,propriétaire de 2,8hectares de serres detomates, qui vient des’équiper d’une unité decogénération.

Cet impressionnant moteurfonctionnant au gaz entraîne unegénératrice produisant del’électricité, la chaleur est, elle,récupérée (échappement, huile,turbo…) pour chauffer les serres.

Depuis quelques jours, les 2,8 hectares de serres de David Potereau sontchauffés par une centrale de cogénération. Une décision mûrement réfléchie.

Les données de l’équation sontsimples. Dans le coût de re-vient d’une tomate, le chauf-

fage de la serre représente ledeuxième poste de charges (25 %),juste derrière la main-d’œuvre(30 %). Face à l’augmentation conti-nue du prix de l’énergie depuis plu-sieurs années, les serristes sont doncparticulièrement attentifs à toutesles avancées technologiques leurpermettant de limiter la facture. Après avoir exercé durant trois anscomme chef de culture au sein dela coopérative Savéol et effectué unséjour aux Pays-Bas, David Potereaus’est installé à Guilers (29), en 2003,sur une exploitation de 1,5 hectarede serres. Trois années plus tard, ils’est agrandi pour atteindre une sur-face totale de 2,8 hectares. Et dèsses premiers pas professionnels, ila été confronté à la problématiquedu coût de l’énergie. « Avec l’envoléedu prix du gaz, la première solutiona consisté à équiper les serresd’écrans thermiques afin de limiterles pertes au niveau de la toiture.Cela a permis de diminuer laconsommation de 40 % en hiver et,en moyenne, de 20 % sur l’année ».Le renchérissement de l’énergie sepoursuivant, un gros travail a étéréalisé sur les conduites culturales.« Avec d’autres producteurs et l’ap-pui des techniciens de Savéol, nousavons beaucoup échangé afin de dé-terminer jusqu’où l’on pouvait ré-duire les apports de chaleur sans di-minuer les rendements ». Reste queles gains enregistrés ont alors sim-plement permis d’absorber la haussedu prix de l’énergie.

Nouvelle vague

Vers la fin des années 2000, unenouvelle voie apparaît : quelquespionniers s’équipent des premierssystèmes de cogénération. Mais, àl’époque, ce procédé technique per-mettant de produire à la fois de la

constructeurs… Et nous sommespartis des besoins thermiques réelsde chaque exploitation, sans sur-dimensionner les installations ».Une approche rationnelle qui vaporter ses fruits. Sur les douze pro-ducteurs participant au groupe detravail, huit ont d’ores et déjà franchile pas, parmi lesquels David Pote-reau.

Réduire la facture

Financée par Arkéa Crédit Bail, filialespécialisée du Crédit Mutuel Arkéa,son unité de cogénération repré-sente un investissement de l’ordrede 1,750 million d’euros. Entré enfonction début décembre, ce nouveléquipement (2 Mégawatts de puis-sance électrique, 2,1 Mégawatts depuissance thermique), qui fonction-nera 5 mois par an, devrait permet-tre à l’agriculteur finistérien de ré-duire sa facture de chauffage d’aumoins 30 %. « Je pense que sur unesurface de serres plus importante,on peut même aller jusqu’à une di-minution du coût de l’ordre de50 % ». Le choix de la cogénération sécurisel’approvisionnement énergétiquede son exploitation sur douze ans,durée du contrat qui le lie à EDFpour le rachat de l’électricité pro-duite. Convaincu de l’intérêt de laformule, David Potereau se gardecependant d’en faire la panacée pourles serristes. « C’est du cas par cas,insiste celui qui est aussi trésorierde la coopérative Savéol. Il faut, àchaque fois, partir des besoins ther-miques de l’exploitation, être vigilantsur les différents coûts comme celuidu raccordement au réseau élec-trique… Au regard des investisse-ments à réaliser, je ne pense pas quecela soit adapté pour des serres demoins de 2 hectares ». Dès l’année prochaine, avec unetrentaine d’installations de cogéné-ration en fonction sur le pays de

chaleur pour chauffer les serres etde l’électricité - revendue à EDF -demeure l’apanage des grosses ex-ploitations. « Pour que ce soit inté-ressant, on estimait qu’il fallait avoirau minimum cinq hectares deserres », se souvient David Potereau.Soit près du double de la surfacemoyenne des serres bretonnes…Quelques autres serristes qui,jusque-là, utilisaient du fioullourd, se tournent, eux, vers le bois-énergie. Puis, au début des années 2010, àla faveur du regroupement des ex-ploitations et de l’amélioration desperformances des moteurs, unenouvelle vague d’unités de cogéné-ration voit le jour dans le Finistère.Dès 2012, la production électriquedes serristes de Savéol atteint 40Mégawatts.Via Carbogreen, structure collectived’approvisionnement en énergie re-groupant la plupart des producteursde la coopérative, un appel d’offrespour des unités de cogénérationest lancé en 2013. Objectif : tirer lesprix au maximum afin d’ouvrir cettetechnologie à des structures detaille moindre. « Nous avons pris encompte l’ensemble de l’environne-ment : motoristes, banques,

Brest, la production électrique de-vrait avoisiner les 80 Mégawatts ».Ce qui équivaut aux besoins annuelsde quelque 16 000 logements. Dansune Bretagne très largement défici-taire sur le plan électrique - notrerégion produit moins de 10 % de saconsommation -, cette fabricationlocale issue de la cogénération estévidemment des plus intéressantes.« Aujourd’hui, souligne David Po-tereau, la Bretagne doit exploitertoutes les pistes de productiond’énergie : cogénération, méthani-sation, éolien, hydrolien… Et les agri-culteurs détiennent un morceau dela solution de ce « mix » énergétiquedu futur ! » Le courant éclectique ade l’avenir.

Une formule simpleet sur-mesure

Dernièrement, Arkéa CréditBail a financé plus d’une dou-

zaine d’installations de cogénérationen Bretagne. Notre force est de pro-poser à la fois une solution simple etsur-mesure. Simple car l’agriculteurdispose d’un interlocuteur uniquetout au long de son dossier. Nous re-groupons en un seul contrat tous lesinvestissements immobiliers, les ma-tériels, l’incorporel… Et nous nouschargeons de la gestion desacomptes lors de la phase de préfi-nancement de la construction. L’as-pect sur-mesure est également im-portant. La formule du crédit-bailautorise une grande souplesse pourles durées de financement et lesloyers de remboursement. Cela per-met de s’adapter au mieux à chaqueprojet. Et comme nous finançons latotalité du montant TTC, l’exploita-tion préserve aussi ses ressources.

LAURENT GARNIERResponsable régional,Arkéa Crédit Bail

Opinion

La Bretagneproduitmoins de 10 %de l'électricitéqu'elleconsomme