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La politique éducative et culturelle de l’académie d’Aix-Marseille Domaine musique Opéra de Marseille Document pédagogique associé 2011-2012 La Chartreuse de Parme Henri SAUGUET (1901-1989) Opéra en quatre actes et dix tableaux sur un livret d’Armand Lunel (1882- 1977) d’après le roman de Stendhal. Création à Paris, Palais Garnier, le 20 Mars 1939.

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La politique éducative et culturelle de l’académie d’Aix-Marseille

Domaine musique – Opéra de Marseille Document pédagogique associé 2011-2012

La Chartreuse de Parme

Henri SAUGUET (1901-1989)

Opéra en quatre actes et dix tableaux sur un livret d’Armand Lunel (1882-1977) d’après le roman de Stendhal.

Création à Paris, Palais Garnier, le 20 Mars 1939.

Académie d’Aix-Marseille La politique éducative et culturelle Décembre 2011 de l’académie d’Aix-Marseille Réalisé par Armelle Babin Domaine Musique- Dispositifs partenariaux Professeur d’éducation musicale Document pédagogique Chargée de service éducatif pour l’Opéra de Marseille

La Chartreuse de Parme - Sommaire

Présentation

1. Une création reliée à la biographie

1.1. Le compositeur

1.2. Circonstances de composition

2. Vers la création et la scène

2.1. Le contexte artistique. Origines du livret : le roman de Stendhal

2.2. Synopsis

2.3. Forme

2.4. Caractéristiques musicales et illustrations

3. Ressources

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Présentation

1. Une création reliée à la biographie

1.1. Le compositeur Henri Sauguet, de son nom patronymique Henri-Pierre Poupard, est un compositeur français

né à Bordeaux le 18 mai 1901 et mort à Paris le 22 juin 1989. Il est inhumé au Cimetière de Montmartre à Paris.

Dès l'âge de cinq ans, il reçoit de sa mère, Elisabeth Sauguet, dont il adoptera le nom de jeune fille comme pseudonyme, et de Marie Bordier ses premières leçons de piano. Puis, il suit les cours de Mlle Loureau de la Pagesse, organiste de chœur de l'église Sainte-Eulalie de Bordeaux, sa paroisse. La musique d'église et plus spécialement l'orgue ont sans aucun doute marqué profondément sa jeunesse. En effet, il a été élève d'orgue de Paul Combes et a occupé le poste d'organiste de l'église Saint-Vincent de Floirac de 1916 à 1922.

La mobilisation de son père en 1915 l'oblige à s'occuper de la mercerie familiale, il est l'aîné, son frère est trop jeune et sa mère trop inquiète délaisse la responsabilité de leur commerce. Une fois son père revenu en 1918, après avoir été blessé, Henri devient employé à la Préfecture de Montauban en 1919-1920. Il se lie d'amitié avec Joseph Canteloube qui lui enseigne la composition et qui a recueilli et harmonisé ses chants traditionnels auvergnats sous le titre Chants d'Auvergne.

Revenu à Bordeaux, il fonde le Groupe des Trois avec Louis Émié et Jean-Marcel Lizotte dans le but de faire entendre la musique la plus récente et libre de toute influence. Leur premier concert a lieu le 12 décembre 1920 avec des pages du Groupe des Six (Georges Auric, Louis Durey, Arthur Honegger, Germaine Tailleferre, Darius Milhaud et Francis Poulenc), d'Erik Satie et du Groupe des Trois avec comme œuvre d'Henri Sauguet : sa Danse nègre et sa Pastorale pour piano.

Dès octobre 1921, il se fixe à Paris pour compléter sa formation musicale avec Charles Koechlin et travaille comme secrétaire du Musée Guimet tout en représentant une maison d'huiles de graissage.

En 1923, quatre jeunes musiciens : Henri Cliquet-Pleyel, Roger Désormière, Maxime Jacob et Henri Sauguet fondent l'École d'Arcueil par amitié pour Erik Satie qui demeurait dans cette commune et, le 25 octobre 1923, présentent au Théâtre des Champs-Élysées leur premier concert.

Sa carrière parisienne commence en 1924 par le ballet les Roses écrit à la demande du comte Étienne de Beaumont et continue avec un opéra-bouffe en un acte intitulé le Plumet du Colonel. Il intègre les cercles de la musique nouvelle et collabore, notamment, avec des hommes de théâtre comme Charles Dullin (Irma, 1926) et Louis Jouvet (Ondine, 1939; La Folle de Chaillot, 1945). Il s'impose avec des opéras-bouffes (la Contrebasse, 1930), des opéras et opéras comiques (la Chartreuse de Parme, 1936-39, les Caprices de Marianne, 1954, la Gageure imprévue, 1942), quatre symphonies dont la symphonie expiatoire (1947) à la mémoire des victimes de la Seconde Guerre

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mondiale, deux concertos pour piano, deux concertos pour violon, une Mélodie concertante pour violoncelle et orchestre en 1948, de la musique de chambre (Quatuor à cordes pour deux violons, alto et violoncelle, 1948), la suite symphonique Tableaux de Paris. Il travaille activement et de manière constante entre 1933 et 1965 pour le cinéma et la télévision. Citons les musiques de films : l'Épervier (Marcel L'Herbier, 1933), l'Honorable Catherine (Marcel L'Herbier, 1942), Premier de cordée (Daquin, 1943), les Amoureux sont seuls au monde (Decoin, 1947), Clochemerle (Chenal, 1947), Don Juan (Berry, 1955), Lorsque l'enfant paraît (1956), l'Heure de vérité (1965) etc.

Enfin, il ne compose pas moins de vingt-sept ballets entre 1924 et 1965, dont la Chatte (1927), la Nuit (1929), Mirages (1943), les Forains de Boris Kochno, créé par Roland Petit, le 2 mars 1945, qui représente une date importante pour le ballet contemporain et dont la réussite a été immédiate, la Dame aux camélias (1957), Pâris (1964).

Henri Sauguet a écrit un livre : La Musique, ma vie. Il se livrait à son art en parfaite simplicité avec clarté et il disait : « Être simple en usant d'un langage complexe n'est pas facile. Il faut écouter le conseil de Rameau qui prescrivait de cacher l'art par l'art même et croire avec Stendhal que seules les âmes vaniteuses et froides confondent le compliqué, le difficile avec le beau ».

Il a été élu à l'Académie des beaux-arts en 1976, reçu officier de la Légion d'honneur en 1956, officier de l'Ordre national du Mérite et commandeur de l'Ordre des Arts et des Lettres et Président durant de nombreuses années à la Société des auteurs et compositeurs dramatiques et de l'Association Una Voce.

Henri Sauguet a été le compagnon du peintre et scénographe Jacques Dupont jusqu'à la mort de celui-ci. (Article de Wikipédia)

1.2. Circonstances de composition La Chartreuse de Parme représente le « projet fou » de toute la carrière d’Henri Sauguet, tenu

secret et ne répondant à aucune commande. Projet qui mit dix ans à voir le jour, ébauché sitôt la fin des représentations du ballet La Chatte en 1928. Imaginant que son œuvre ne serait jamais montée, Sauguet laisse libre cours à son imagination et écrit quotidiennement durant toutes ces années des pages de musique considérables. Seuls ses proches sont tenus au courant de l’avancée de ce projet, en particulier Milhaud qui a toujours encouragé son cadet. C’est en outre un compagnon d’études de Milhaud, Armand Lunel, originaire lui-aussi d’Aix-en-Provence, qui a accepté d’écrire le livret. Sauguet le rencontre à Monaco où il enseigne la philosophie. Lunel adapte le roman de Stendhal en supprimant toutes les scènes épiques initiales de Fabrice militaire.

La partition chant-piano est achevée en 1936 mais au même moment Eugène Cools, directeur des éditions Eschig, qui avait aidé le compositeur, décède brutalement. D’autre part, le comité de lecture des ouvrages proposés à la scène se compose de membres défavorables à la musique de Sauguet. Ce dernier n’ose donc pas montrer sa partition.

Un miracle se produit pourtant en 1939 grâce à Julien Cain, administrateur de la Bibliothèque Nationale, et qui connaît Sauguet. Informé au sujet de La Chartreuse, Cain intervient auprès de Jacques Rouché (1862-1957), alors directeur de l’Opéra de Paris, qui, étonnamment, connait le projet et se met en relation directe avec le jeune compositeur. L’entrevue au cours de laquelle Sauguet présente son opéra en chantant tous les rôles à Rouché est couronnée de succès. L’opéra en quatre actes et dix tableaux est monté par les plus grands artistes du moment : le ténor Raoul Jobin pour Fabrice, La soprano Germaine Lubin pour Gina, la Senseverina. Arthur Endreze chante le Comte Mosca et Jacqueline Coutin Clélia. Ce plateau et l’orchestre de l’Opéra sont placés sous la direction de Philippe Gaubert, compositeur et flûtiste et les décors réalisés par Jacques Dupont, compagnon de Sauguet.

La période des répétitions et la Générale se montre moins facile, en raison des nombreuses attaques que Sauguet reçoit de la part de confrères jaloux de son fulgurante ascension et de la part

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de la critique. Il faut savoir que Sauguet, critique lui-même, avait souvent eu la plume acerbe à l’égard de certains. Malgré tout, Rouché soutient le musicien jusqu’au bout : la première et les neuf représentations assure un véritable triomphe à La Charteuse de Parme. Malheureusement l’euphorie sera de courte durée, l’élan artistique se brisant devant l’Histoire : le début de la seconde guerre mondiale à l’automne 1939 et surtout la mobilisation générale met un terme aux représentations.

Les circonstances dramatiques qui accompagnent l’accomplissement d’un rêve de jeunesse permettent cependant à Sauguet de parvenir à une maturité qui va désormais marquer toutes ses compositions. Pendant la guerre et après sa démobilisation, le compositeur s’impose un silence pour réfléchir à son rôle de créateur et finalement décider de charger sa musique de gravité. Le premier exemple de cette maturation se trouve dans la Symphonie expiatoire, au titre évocateur, écrite au sortir de la guerre en 1947, et qui reprend le matériau musical de l’Ouverture de La Chartreuse, inutilisée en raison de la longueur de l’opéra. Il est très frappant, d’autre part, d’observer une parfaite similitude entre l’évolution psychologique du personnage de Fabrice et celle du compositeur : l’un et l’autre abandonnent la fougue de la jeunesse pour trouver la maturité dans une sorte de renoncement aux futilités terrestres. Ainsi s’achève La Chartreuse, avec le transcendant Sermon aux Lumières qui annonce la scène finale des Caprices de Marianne, opéra suivant de Sauguet, écrit en 1954. « Fabrice comme Octave, chez Stendhal comme chez Musset, renoncent à la fois à leur jeunesse, par amitié et par amour, et c’est dans ce renoncement même qu’ils puisent une grandeur, une épaisseur nouvelle. »1

1 Lionel PONS, La Chartreuse de Parme de Sauguet, Opéra de Marseille, Autre Temps.

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2. Vers la création et la scène

2.1. Le contexte artistique. Origines du livret : le roman de Stendhal

Henri Beyle (1783-1842)

Stendhal en 1835 par Louis Ducis. Fonds Bucci, Bibliothèque Sormani, Milan.

La Chartreuse de Parme est une des œuvres majeures de Stendhal, celle qui lui donna la célébrité. Elle fut publiée en deux volumes en mars 1839. Le héros de ce roman est Fabrice Del Dongo, aristocrate italien, admirateur de Napoléon 1er. Il est le seul héros stendhalien à atteindre cette plénitude qu'ils recherchent tous, et à en jouir pendant une période assez longue. Dernier grand héros stendhalien, il possède cependant toutes les qualités qui les caractérisent : désir de gloire, quête d'absolu, soif de reconnaissance sociale.

Résumé Le roman s’ouvre avec un Avertissement au statut trouble : le narrateur du roman y explique

que l’histoire qu’il conte lui a été relatée par le neveu d’un chanoine, le chanoine Borda Aichour, qui est un personnage du roman (il apparaît au chapitre V du livre I). Cet Avertissement n’est pas du ressort de l’auteur : il suit le titre du roman, il y est donc intégré. La Chartreuse débute ainsi sous les auspices les plus ironiques, l’auteur feignant d’écrire un avertissement qui lui éviterait des ennuis politiques ou judiciaires pour le contenu de l’œuvre, mais, en attribuant cet avertissement à son narrateur, il brouille toutes les pistes, à commencer par le statut du narrateur, mais aussi les pistes spatio-temporelles, qu’il affecte de brouiller. Cette ironie pure, ce « rire absolu » selon Michel Crouzet, marque l’œuvre, qui ne peut jamais se lire d’une façon dualiste si on veut l’analyser sérieusement (voir à ce sujet la préface de Michel Crouzet dans l’édition du Livre de Poche de la Chartreuse).

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L’action du roman commence à Milan en 1796, par les confidences d’un lieutenant français dénommé Robert, qui conte l’arrivée dans Milan des armées de la Révolution, menée par le jeune Bonaparte. Ces armées réveillent, dans un peuple lombard anesthésié par la tutelle autrichienne, un vieux fond héroïque, et sont accueillies avec une gaieté folle par les Milanais dans leur majorité.

Le Marquis Del Dongo, farouche et grotesque réactionnaire, partisan de l’Autriche, se voit contraint d’accueillir les soldats français vainqueurs, dont le lieutenant Robert fait partie. À mots couverts, le romancier suggère une idylle entre Robert et la jeune marquise Del Dongo, dont le fruit sera Fabrice. Celui-ci passe sa jeunesse dans la tourmente napoléonienne. Installé à Grianta, sur le lac de Côme, avec toute sa famille, le jeune homme resserre les liens entre sa mère et sa tante, Gina Del Dongo, laquelle épouse un général italien partisan des Français, qui trouve la mort en 1814. Pendant ce temps, son père (officiel) et son frère (demi-frère) sont espions pour le compte de l’absolutisme autrichien, et triomphent quand, en 1813-1814, les armées napoléoniennes sont vaincues, et que Milan retombe sous la coupe de l’empereur d’Autriche. Fabrice trouve en un abbé nommé Blanès une sorte de père de substitution : Blanès lui apprend à lire les signes qui permettent de comprendre l’avenir, mais toutefois il omet de lui apprendre à les analyser, ce qui fait que Fabrice s’en tiendra à un rapport très naïf au monde. Stendhal dit lui-même de Blanès qu’il « jette Fabrice sur la route de Waterloo ». Apprenant le débarquement de Napoléon, enfui de l’île d'Elbe, Fabrice, poussé justement par des signes favorables, décide de se mettre à son service et part pour la France. Il espère pouvoir ainsi devenir un héros chevaleresque, ce qu’il rêve d’être.

Après des premières péripéties qui le font apparaître comme un jeune aristocrate naïf, et montrent en comparaison un peuple français (républicains compris, voire républicains avant tout) roublard et bien peu héroïque, Fabrice, alors âgé de 17 ans, parvient à Waterloo, le jour de la bataille. Celle-ci constitue pour lui une sorte d’apprentissage, pour le moins raté, comme le reconnait le narrateur : « il faut avouer que notre héros était fort peu héros en ce moment ». La guerre moderne n’est pas faite pour le héros chevaleresque, ce que Fabrice apprendra à ses dépens. Il passe son temps à ne rien comprendre à la bataille qui, loin des grandes fresques épiques, est narrée du seul point de vue de Fabrice : Stendhal, qui a été soldat de Napoléon, montre ainsi mieux que quiconque l’absurdité de la guerre moderne. Il s’agira pour Fabrice d’être héros autrement que par les armes.

Entre-temps la belle Gina, devenue veuve depuis l’assassinat du général Pietranera, faisait la rencontre du comte Mosca, Premier ministre du prince de Parme, s’installait avec lui en cette dernière villégiature, et, par commodité et faisant fi des convenances, épousait le duc de Sanseverina sans le voir plus de deux fois. De la sorte, Fabrice, chassé de la maison paternelle du fait de son engagement, rejoint sa tante à la cour de Parme. La carrière militaire lui étant fermée, il se tourne du côté des affaires ecclésiastiques et devient coadjuteur [auxilliaire] de l’archevêque Landriani. Pour autant son naturel fougueux reprend le dessus, et le jeune coadjuteur s’implique dans quelques intrigues amoureuses. L’une d’entre elle le pousse à tuer le piètre acteur comique Giletti, qui l’attaque en premier, près de la frontière autrichienne. Cet acte bénin dans un Etat monarchique (un aristocrate se défend et pourfend un « coquin »), comme cela sera souvent rappelé dans le roman, revêt une importance capitale car il confirme la prédiction de l’abbé Blanès, et voue Fabrice à la prison (la tour de Parme), son sort étant fixé par les intrigues politiques de la cour.

La cabale montée par les adversaires du comte Mosca et de la belle Gina se saisit de l’occasion. De vagues promesses d’immunité judiciaire sont faites à Fabrice, qui s’est enfui. Promesses qu’il commet l’erreur de prendre au sérieux : il se retrouve alors emprisonné dans une forteresse, au sommet de la tour Farnèse. Bien que menacé de mort, il tire de son emprisonnement une douceur particulière en tombant amoureux de Clélia Conti, fille du gouverneur de la prison (les deux jeunes gens communiquant par des moyens aussi ingénieux que variés). Avec l’aide de Clélia et celle de la Sanseverina, Fabrice parvient à s’évader. Mais la dose de laudanum administrée au gouverneur de la prison pour permettre l’évasion se révèle trop forte, et

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celui-ci semble en danger de mort. Rongée par le remords, Clélia fait un vœu à la Madone, celui de ne plus jamais revoir Fabrice, et d’épouser le riche marquis de Crescenzi, union désirée par son père. Celui-ci se remet, et Clélia suit son vœu. Entre-temps le prince de Parme décède officiellement d’une maladie. Un décès quelque peu « aidé » par le poison que lui a administré le poète révolutionnaire républicain Ferrante Palla, envoyé par Gina.

Le successeur du prince défunt, Ernest-Ranuce V, est sous le contrôle du comte Mosca, qui se sent désormais assez fort pour ramener Gina et Fabrice à Parme, mais aussi de Gina elle-même, dont il est follement amoureux. Fabrice ayant appris le mariage de Clélia, se livre volontairement à la prison de la tour Farnèse, au lieu de la prison de la ville, afin de pouvoir retrouver Clélia. Il est à nouveau menacé d’empoisonnement, et Gina doit promettre de se donner au jeune prince s’il intervient pour sauver Fabrice. Ce dernier est sauvé, la tentative d’empoisonnement confirmée, ce qui aboutit à l’exil du général Conti, gouverneur de la citadelle.

Gina et Mosca se marient, tandis que Fabrice devient un célèbre prédicateur. Son amour pour Clélia est cependant toujours vivant. Tous deux finissent par se retrouver, toujours dans l’obscurité, pour respecter le vœu de Clélia de ne plus voir Fabrice, et un fils, Sandrino, naît de leur union. Fabrice, pour le voir plus souvent, le fait enlever et passer pour mort, mais l’enfant tombe vraiment malade et meurt quelques mois plus tard, bientôt suivi par sa mère. Fabrice se retire alors en une chartreuse, où il meurt bientôt lui aussi. Minée par sa mort, Gina meurt à son tour. Parmi les personnages principaux du roman, seul Mosca survit, dans une fin en forme d’hécatombe et d’ironie relativement désabusée sur les perspectives d’avenir dans l’Europe du Congrès de Vienne (la richesse et la politique dominent). (Article de Wikipédia)

Édition de 1846 avec l’étude de Balzac

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2.2. Synopsis Le livret supprime tous les chapitres du livre 1 du roman, consacrés à l’arrivée de Napoléon et

de ses hommes en Lombardie, puis au séjour militaire de Fabrice qui a rejoint l’armée de l’Empereur le jour de la bataille de Waterloo.

L’histoire, ici, commence lorsque Fabrice, qui a renoncé à devenir un héros militaire, a rejoint dans la clandestinité sa mère et sa tante Gina à la frontière suisse-italienne. C’est alors qu’il entr’aperçoit Clélia pour la première fois…

Acte I Tableau 1 –sur la route de Côme à Milan Fabrice a fui le château de Grianta (et le marquis Del Dongo) en calèche avec sa mère et sa

tante qui pensent le mettre en sécurité à Milan. Malheureusement, la calèche est interceptée par des gendarmes à la recherche d’un certain Conti, soi-disant en fuite : celui-ci et sa fille Clélia apparaissent en effet mais il s’agit d’un Général qui n’a pas jugé nécessaire de voyager avec son passeport. Le général se fait escorter à Milan tandis que Fabrice offre une place dans la calèche à la jeune et belle Clélia… En la voyant il pense « ce serait une charmante compagne de prison ».

Tableau 2 -dans un loge de la Scala Gina, devenue veuve de Pietranera a épousé le duc de Senseverina tout en étant la maîtresse

du comte Mosca. Accompagnée de Fabrice, elle a donné rendez-vous dans sa loge à des conspirateurs. Fabrice aperçoit Clélia et son père dans une autre loge.

Acte II Tableau 3 -une fête au palais de Senseverina… …au cours de laquelle Fabrice revoit Clélia. La jeune fille soupçonne la duchesse d’avoir des

penchants amoureux pour son neveu. D’autre part, son père fait part de son désir de la marier à un bon parti.

Tableau 4 –La trattoria de Theodolinde Fabrice vit une intrigue amoureuse qui tourne mal : découvrant Fabrice dans les bras de sa

femme, le comédien Giletti provoque notre fougueux héros en duel. Fabrice sort vainqueur mais doit prendre la fuite. Il écrit une lettre d’adieu à Gina.

Acte III Tableau 5 –Arrestation Fabrice, tout d’abord protégé, est finalement arrêté et conduit à la terrible prison de Parme

que dirige le général Conti. Il croise Clélia… Tableau 6 –Clélia La seule consolation du prisonnier est d’apercevoir Clélia dans le jardin de la prison, avec ses

oiseaux. Il ne sait comment lui parler… Pendant ce temps, le Général presse sa fille de s’engager auprès d’un de ses prétendants. Elle refuse tout d’abord.

Tableau 7 –l’évasion Le Duc de Parme veut faire empoisonner Fabrice à cause de ses idées bonapartistes. Contre la

promesse faite à son père d’épouser un marquis, Clélia réussit à voir le prisonnier et à l’empêcher de prendre son repas. Les jeunes gens s’avouent leur amour. Grâce à la complicité de Clélia et de Gina, le général prend des soporifiques et Fabrice peut être libéré. Il fuit avec la Senseverina.

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Acte IV Tableau 8 –la retraite de Locarno Isolés du monde, Gina veille sur Fabrice qui s’est mis à peindre. Mais la nostalgie inexplicable

du jeune homme fait se questionner la Senseverina. Mosca les rejoint, annonçant la mort du Prince de Parme, et donc la fin de la disgrâce de Fabrice. Ce dernier souhaite partir immédiatement pour Parme. Gina se rend à l’évidence : Fabrice ne peut lui appartenir. Mosca la presse de l’épouser.

Tableau 9 – Un chœur qui demeure témoin de la fin de l’Opéra, raconte la vie de Fabrice depuis son

engagement auprès de Napoléon jusqu’à sa retraite dans les Ordres. Tableau 10 –la prédication Fabrice prononce une homélie sur le renoncement du malheureux pêcheur qui n’est autre que

lui-même. Il demande pardon et s’en remet à Dieu

2.3. Personnages et forme

- Clélia Conti

– Gina, duchesse de Sanseverina

– Fabrice del Dongo

– Général Fabio Conti

– Comte Mosca

– La fille de l'Aubergiste (Théodolinde)

– Ludovic

– Le Greffier

– Le Maréchal des logis

– Premier gendarme

– Second gendarme

– Un geôlier

– Une voix

– Le Chanteur de sérénade

– Chœur

L’ouvrage se découpe en quatre actes et dix tableaux. L’ouverture a été supprimée en raison de la longueur de l’ensemble, ainsi qu’un ballet présent à la fin du 2ème tableau.

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2.4. Caractéristiques musicales et illustrations Comme ses collègues avec lesquels il forme le Groupe d’Arcueil, Henri Sauguet se réclame à la

fois d’un langage post-romantique et des préceptes néo-classiques enseignés par Erik Satie et Jean Cocteau : primauté de la mélodie et de la simplicité.

La Chartreuse de Parme est écrite sans récitatif, dans un style assez proche de celui de Gounod, fortement lytique mais sans outrance romantique. Pour le compositeur, cette œuvre marque fortement son entrée dans la maturité, musicale et personnelle. Il est assez remarquable de rapprocher cette évolution avec celle du personnage de Fabrice, comme nous l’avons déjà souligné.

L’ouvrage est marqué par une diversité stylistique qui va de l’opéra -comique à la tradition du drame lyrique. La musique évolue du comique (la premier tableau aux allures de quiproquo) à la gravité progressive, des élans de la jeunesse vers l’amour sacrifié. Chaque protagoniste de La Chartreuse se trouve grandi par les épreuves qu’il rencontre.

2.4.1. Les racines de l’opéra-comique

Stendhal savait parfaitement manier les situations dramatiques comme les passages de comédie. A ce dernier genre appartiennent les personnages de Conti, du Prince et de l’acteur Giletti.

Lorsque le librettiste Armand Lunel manifeste le désir de rencontrer Sauguet pour travailler à une création commune, une réflexion leur vient qui fait imposer immédiatement le roman de Stendhal :

« Un jour de 1927 que nous nous promenions près du Tir aux Pigeons, à Monte Carlo, un paysage mélancolique, nous eûmes l’idée s’un opéra qui débuterait dans un registre comique et se terminerait dans un teinte à la fois tragique et mystique. »2

Le premier tableau (CDI 1 à 4) débute ainsi par un chœur de gendarmes digne d’une opérette, qui n’est pas sans rappeler les ouvrages précédents de Sauguet, comme Le Plumet du Colonel ou La Chatte. Sous son aspect comique, cette scène est capitale pour la suite de l’action puisqu’elle nous livre les réflexions prémonitoires des trois protagonistes de l’histoire, liés désormais par l’amour et par la mort. La musique évolue ainsi de la bravoure liée au ton de Ré majeur à la tendresse de Mi b qui entoure les pensées des personnages. Ceux-ci s’expriment d’abord tour à tour puis en trio.

Ex. musical 1 : CDI-1-3 (environ 5’)

2.4.2. La grandeur d’être simple

Bien qu’admirateur de Debussy, Sauguet ne suivra pas ce maître dans les recherches du timbre. Son orchestration demeure limpide, au service de la mélodie, qui se trouve imprégnée parfois de néo-classicisme, comme dans la scène de l’auberge (quatrième tableau). Pour traduire une ambiance populaire, Sauguet prête à la complainte de Théodolinde des accents moyenâgeux. La voix est doublée par les bois, sur une harmonie qui alterne tonalité et modalité. L’air suit la forme répétitive et simple d’une chanson, qui se fixe sur une seule note, comme une déclamation de plain chant, à l’évocation de Sainte Catherine.

Ex. musical 2 : CDI-6-7

2 Armand Lunel, De Jérusalem à Carpentras, entretiens radiophoniques avec Robert Itier, France Culture,

1977.

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2.4.3. Conduite vocale

Sauguet s’est donné la ligne de conduite suivante : rien ne doit jamais entraver le lyrisme et il faut savoir passer habilement de la déclamation récitative à l’air grâce à l’arioso. Chaque tableau présente des changements de vocalités avec une grande souplesse.

2.4.4. La tentation lyrique

Contrairement à certains de ses contemporains, Sauguet ne tourne pas le dos à l’épanchement lyrique du XIXème : il admirait profondément Verdi et lui rend hommage dans la scène à la Scala. Toutefois, cette tentation ne sacrifie en rien la simplicité et le rôle de l’orchestre, partenaire d’une mélodie continue.

Le deuxième tableau (CDI-5) se termine par un quintette, clin d’œil aux ensembles du grand opéra, où la musique prend le relais de la dramaturgie. Une phrase, chantée en commun par les protagonistes (Clélia, Gina, Fabrice, Mosca et le Général) :

Cette musique nous arrache des larmes, c’est toute l’âme de l’Italie…, laisse la place à l’exposition de ses sentiments par chacun à tour de rôle, depuis l’enthousiasme du jeune Fabrice à la mélancolie lucide du Comte Mosca.

Ex. musical 3 : CDI-5 (environ 3’)

Rappelons ici qu’à l’exception de Milhaud et de Sauguet, les compositeurs de la génération 1890-1900 tournent le dos au grand opéra, lui préférant le genre bouffe, comme en témoignent Le Roi d’Yvetot de J. Ibert ou les célèbres Mamelles de Tirésias de Poulenc. C’est avec le groupe Jeune France (Baudrier, Jolivet, Daniel-Lesur et Messiaen), que se produira le retour à un certain lyrisme pleinement assumé.

2.4.5. L’esthétique de la maturité C’est incontestablement ici que Sauguet signe une évolution notable de sa création. Des traits

stylistiques apparaissent dans La Chartreuse, qui ne quitteront désormais plus le compositeur.

Une propension au balancement dans la construction mélodique Le compositeur affirme peu à peu un principe de composition qui fait alterner, des cellules de deux ou quatre mesures ou des boucles d’accords qui se répètent. Ce processus s’accompagne d’un mouvement pendulaire du tempo (retenu –accéléré –retenu). Le tout crée un balancement à la fois berceur et lancinant, comme dans le prélude introductif du dixième tableau.

Ex. musical 4 : CDII-6 (début avant le chœur) Cet étrange procédé paraît contredire la dramaturgie de cette ultime scène : Fabrice n’en est plus aux tergiversations, ce que semble traduire ce balancement. Pour Sauguet, il s’agit au contraire de traduire la sérénité conquise dans le renoncement. Une berceuse analogue conclue la Symphonie expiatoire, écrite juste après La Chartreuse, comme pour traduire le même apaisement.

La figuration des battements du cœur L’exploitation d’un simple rythme iambique (brève-longue) prend l’allure d’une idée fixe dans

l’opéra de Sauguet. Elle revêt l’expression d’une conscience accrue de la vie, aux moments où la mort semble se rapprocher. Deux exemples en témoignent, le premier dans le quatrième tableau, lorsque Fabrice écrit une lettre d’adieu à Gina ; le second dans les ultimes mesures de la partition quand l’orchestre figure les derniers instants du héros.

Ex. musical 5 : CDI-8 à 1’20 et fin CDII

Académie d’Aix-Marseille La politique éducative et culturelle Décembre 2011 de l’académie d’Aix-Marseille Réalisé par Armelle Babin Domaine Musique- Dispositifs partenariaux Professeur d’éducation musicale Document pédagogique Chargée de service éducatif pour l’Opéra de Marseille

2.4.6. Le néo-romantisme

Bien que proche du Groupe des Six et de Cocteau, qui, sous l’étiquette de néo-classiques, répudient le pathos romantique, Henri Sauguet se démarque assez tôt de cette esthétique. Vers les années 1930, sa musique renoue avec l’inspiration du siècle précédent, particulièrement dans l’illustration de la poésie de Schiller (Quatre poèmes-1928), puis de Hölderlin (Cinq poèmes -1933). Ce renouveau romantique sera partagé par le manifeste du groupe Jeune France, précédemment évoqué, ainsi que, outre Atlantique, par Barber, Menotti et les compositeurs d’Hollywood, dans les années 1950.

Sans rien céder à une forme d’étalage de sentiments, l’art de Sauguet se rapproche de la spontanéité et de la sensibilité poétique de Schubert. Il s’illustre dans quelques pages dignes du Bel canto, durant lesquelles les héros sont en proie à leurs tourments intérieurs.

Ex. musical 6 : air de Clélia- Sixième tableau- CDI-14 Ex. musical 7 : duo d’amour Fabrice et Clélia-septième tableau- CDII-1

Ex. musical 8 : air de la Sanseverina- Huitième tableau –CDII-5 Sauguet n’emprunte pas aux Romantiques la technique chère du leitmotiv. Pourtant chacun

des trois héros est pourvu d’une ligne vocale caractéristique, allant vers plus de profondeur au fur et à mesure que s’avance leur destinée.

Fabrice, héros par excellence, est un ténor, doté non pas de vocalises brillantes mais d’une déclamation quasi-syllabique, fougueuse au début de l’opéra puis de plus en plus contrôlée et qui atteint des sommets de gravité dans le tableau final.

Le rôle de Clélia demande une voix de soprano à la fois puissante et souple. Son air à vocalises aux oiseaux précède de peu le grand duo d’amour dans lequel elle affirme son choix de vouloir sauver celui qu’elle aime tout en se sacrifiant à la volonté de son père. Son personnage évolue lui-aussi vers plus de grandeur.

Le personnage de Gina, enfin, révèle un dilemme entre l’affection quasi maternelle portée à son neveu et l’irrésistible amour qu’elle ressent pour ce même homme. Cependant tout-à-fait lucide de cette dualité, elle sacrifie sa passion à l’amour des jeunes gens.

Conclusion

A l’exception d’une reprise unique en 1968 à Grenoble, La Chartreuse de Parme n’a jamais retrouvé la scène depuis sa création en 1939.

Le renouveau que connaît le genre lyrique en France après les débats esthétiques des années 1950 doit beaucoup à cet ouvrage dont il faut espérer qu’il puisse occuper sur les scènes sa place légitime.

Ressources Discographie

Un seul enregistrement effectué à la RTF en 1958 avec Joseph Peyron, Geneviève Moizan, Denise Scharley et Xavier Depraz. Orchestre et chœur sous la direction de Manuel Rosenthal.

Bibliographie Ce document s’inspire de l’article sur La Chartreuse de Parme réalisé par Lionel Pons, qui paraîtra en Janvier 2012, aux éditions Autre Temps de l’Opéra de Marseille.

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