la biographie d'empédocle - bidez (1894)

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  • 8/13/2019 La biographie d'Empdocle - Bidez (1894)

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    UNIVERSITE DE GANDRECUEIL DE TRAVAUX

    PUBI.li:S l'AU

    [,A FACULT DR PHILOSOPHIE ET LETTRES15= FASCICULE

    LA BIOGRAPHIE D'EMPDOCL

    J. BIDEZDOCTEUR fc'N PHILOSOPHIE ET LETTRES,

    DOCTEUR EN DROIT

    GANDLIBRAIRIE CLEMM (h. ENGEl.CKE SUCCESSEUR)

    21, RUE DES FOULONS, 21

    1894

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    BRUXELLESLAIPKLMERIE POLLEUNIS & CEUTERICK

    37, RUE DES URSULINES, 57

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    LA BIOGRAPHIE D'EMPDOCLE

    J. BIDEZDOCTEUR EN PHILOSOPHIE ET LETTRES,

    DOCTEUR EN DROIT

    GANDCHEZ GLEMM (ENGELCKE)

    A. MDGGCXCIV

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    RECUEIL DE TRAVAUXPUBLIS PAR

    LA FACULT DE PHILOSOPHIE ET LETTRESDE L'UNIVERSIT DE GAND

    EXTRAIT DU REGLEMENTLes travaux des professeurs, anciens professeurs, chargs de cours

    et anciens chargs de cours seront publis sous la responsabilitpersonnelle de leurs auteurs.

    Ceux des lves et anciens lves seront publis en vertu d'unedcision de la Facult,

  • 8/13/2019 La biographie d'Empdocle - Bidez (1894)

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    A MONSIEUR HERMANN DIELSPROFESSEUR A L UNIVERSITE DE BERLIN

    HOMMAGE RESPECTUEUX

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    Ce travail comprendra deux parties : d'abord une srie derecherches o les documents seront classs par poques etpar catgories d'auteurs; ensuite une reconstruction de lavie d'Empdocle, fonde sur les tmoignages que l'examendes sources nous aura permis de conserver.On tudiera donc sparment la tradition et la biographie.Nous n'insisterons pas sur la ncessit de la premire

    partie du travail. videmment, des crivains d'ducation etde tendances diffrentes comme Hraclide, Time, Favo-rinus, n'ont pas eu du rle d'Empdocle une conceptionidentique. Leurs contradictions sont riches en renseigne-ments : elles nous aident connatre le caractre complexedu personnage et les poques qui l'ont vu sous des jourstrs divers.

    L'tude des traditions relatives la vie du philosophenous obligera souvent discuter des questions de source etd'authenticit. Ce travail paratra aride beaucoup delecteurs. Mais il nous a permis d'allger la seconde partiede l'ouvrage et d'crire la vie d'Empdocle de faon larendre lisible pour un plus grand nombre de personnes.

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    TABLE DES MATIRES

    ETUDE PRELIMINAIRE.La vie d'Empdocle par Diogne Larce (Hippobotos).

    PAGES.1

    PREMIERE PARTIE. HISTOIRE DE LA TRADITION.Avant Hraclide Pontique . 21Hraclide Pontique : 1. La femme ressuscite 24

    . La mort surnatm'elle d'Empdocle 35Time (l'histoire des vents tsiens) .... 40Diodore d'phse 50Le Pseudo-Tlaugs 53Xanthus (Timon) 56Les biographes ' 60Nanthe 61Hermippe (l'histoire des pantoufles d'airain) 67Satyrus 72Apollodore 73Hradide Lembos .... 76Diodore de Sicile 77Horace et Ovide . 77Hippobotos . 78Pline . 80Plutarque . 81Favorinus 81Aulu-Gelle . 82Philostrate . 82Lucien . 88Galion . 89

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    XII

    Diogne LarcePorphyre et Jamblique (l'histoire de la conversionLa littrature chrtienneGlaudien .Hsychius et Suidas

    PAGES

    .

    8992959797

    DEUXIEME PARTIE. BIOGRAPHIE D EMPEDOCLE,L famille et la ville natale d'EmpdocleL'ducation d'EmpdocleLe rle pohtique d'EmpdocleEmpdocle aptre et thaumaturgeL'art magique et mdical d'EmpdocleEmpdocle et la rhtorique .Les derniers voyages et l'exil d'EmpdocleLa rdaction de la Physique .La mort d'Empdocle ....

    105113126133144147154159174

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    ETUDE PRELIMINAIRE

    LA VIE D'EMPDOCLEDIOGKNE I.AERCE

    Lorsqu' des uvres de compilation pure comme les viesde Diogne Larce ^ on applique l'pithte d'impersonnelles,on sait ce que l'on veut dire : on n'entend pas supprimer lapersonne de l'auteur, mais seulement rduire son rle; exclurede sa part d'invention la fois les penses et la phrase, et luiattribuer seulement la manire d'ajuster en mosaque lesextraits qu'il collectionne. Cependant certains philologues,tudiant Diogne, ont pris le mot la lettre : une uvreimpersonnelle, terrain admirablement prpar pour la recon-stitution historique des sources; et, dans leur enthousiasme,ils ont perdu le sentiment de la mesure ; ils ont pass encourant par-dessus la personne de l'crivain, et, voulant

    1) D'aprs une opinion gnralement admise, AapTio serait le vri-table nom et AoYvri un surnom ; il faudrait donc crire LaertiusDogenes et l'expression Diogne de Larte renfermerait un contre-sens.Mais le franais a des susceptibilits qui sont inconnues dans une languefactice comme le latin des savants; le plus simple est de dire toujoursDiogne Larce et de conserver d'une manire gnrale les dnomina-tions conventionnelles.

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    arriver trop vile au nom de l'auteur qu'il suivait, ils ont faitfausse route ^.Aprs eux, M. Usener a repris les recherches, mais avecune mthode bien diffrente de la leur ^. Il s'est attach dterminer, en premier lieu, la part de Diogne dans l'uvre.II a recueilli une srie d'arguments trs documents, et voicila conclusion qu'il a tablie : au manuscrit d'une compilationplus ancienne, Diogne avait ajout, en marge ou sur desfiches intercales, des notes de toute espce; puis, il avaitcharg des copistes ignorants de transcrire le tout ; ceux-ci,alors, farcirent le texte primitif de foules ces remarques mar-ginales auxquelles ils ne comprenaieiUrien, et que, souvent,ils insraient en dpit des indications reues. Ce premierpoint peut tre considr comme tabli.Dans une tude trs rcente ^ M. Usener a pouss plus

    avant ses investigations. Fidle l'ide trs prcise qu'ils'tait faite du rle de Diogne, il dclare que le nom duvritable compilateur ne doit pas se trouver mentionn dansles vies. C'est une allusion qui, seule, pourra le faire dcou-vrir. Il serait trop long de reproduire la srie d'inductionsque M. Usener a trs habilement dveloppe. Il nous suffirade conclure avec lui. Si l'on suppose que le nom du vritablecompilateur, c'est--dire de l'crivain dont Diogne a faittranscrire un rsum, figure dans nos traits de littrature,c'est celui de Nicias de Nice qu'il faut choisir.Comme on le verra bientt, le rsultat de mes recherches

    1) Il est inutile d'noncer et de rfuter la thse que M. Nietzsche amise (Rhein. Mus., t. XXIII, XXIV et XXV et Beitrage zur Quellen-kunde und kritik des L. Diogenes, Ble, 1870, Programme). Cf. la rfu-tation donne par MM. Freudenlhal (Hellenistische Studien, fasc. 3, DerFlatoniker Albinos und der falsche Alkinoos, Berlin, 1879, p. 317 et ss.)et Diels (Doxographi Graeci, p. 162). Quant au systme de M. Maass(Philologische Untersuchungen, t. III, De hiographis graecis quaestionesselectae, Berlin, 1880), M. de Wilamowitz (ibd., p. 143 ss.) en a montr lafaiblesse.

    2) Usener, Epicurea, Leipzig, 1887, p. xxii-xxxvii.3) Die Unterlage des Laertius Diogenes dans les Sitzungsberichte derAkademie der Wiss. 7U Berlin, 1892, p. 1023 ss.

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    personnelles sur la biographie d'Empdocle s'accommoderaitaisment avec ces conclusions. Par contre, rien ne m'auto-riserait reprendre l'hypothse de M. Nietzsche, qui estdfinitivement abandonne.Quant au systme de M. Maass, M. de Wilamowitz l'a

    combattu, en se fondant sur un examen rapide de l'ensembledes biographies. La rfutation est convaincante. Je mecontenterai de souligner, dans la vie d'Empdocle, un argu-ment qui la confirme.

    Voici comment Diogne introduit le premier extrait deFavorinus ^ : Mais c'est moi qui ai trouv dans les Mmoiresde Favorinus qu'Empdocle offrit aux thores un buf faitde miel et de farine.

    D'aprs M. Maass, Diogne, ayant copi jusqu'alors la7TavTo6aTTri icriopia de Favorinus, annonce ici qu'il fait unemprunt aux Mmoires ^ du mme auteur. Mais cette inter-prtation est au fond trs bizarre; elle compliquerait singu-lirement la psychologie du bon Diogne; il faudrait voir enlui un plagiaire m.achinal, doubl d'un mystificateur froid,s'criant tout d'un coup avec l'accent mu du chercheur : Mais c'est moi qui ai trouv ceci dans les Mmoires deFavorinus ^ , alors que tout, ds les premires lignes, seraitemprunt au mme crivain. Par la formule : yj 5' eupov, ils'opposerait Favorinus, et cependant, des deux cts, ceserait Favorinus qui aurait cherch.En ralit, les mots jj 6' eupov indiquent que Diognene compulse pas lui-mme la littrature dont il donne desextraits ^ La particule 6, en effet, indique une opposition;or Diogne ne dit pas : Oapujpivou h' v to uTrojuvriiLiacnveupov, mais : yj 6' eupov v to uTro|Livrijuaai Oapuupvou.

    1) VIII, 53 : YJ b' eupov v to Tro^vrmaai Oapuupivou ti Kai poOvGuae to Geuupo 'E.uTreboKXfi K |u\iTo Kai aXqpTuuv...2) TTOiuvri.uaTa ou Tro|uvrmov6|uaTa.3) Si la thse de Maass tait vraie, Diogne se serait exprim autre-ment; il aurait dit par exemple v to uo|uvri|uaai 5' eupov...4) M. Bahnsch (Quaestionum de Diogenis Laertii fontihus initia, Gum-binnae, Diss. 1868) a tir de ce passage la mme conclusion (p. 16

    et 17).

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    L'opposition s'tablit donc entre deux chercheurs : l'un, quiserait Diogne; l'autre, dont on pourra peut-tre deviner lenom ; en d'autres termes, le dbut de la biographie tait fournipar une compilation que Diogne suivait; ici, il la complteau moyen d'un extrait qu'il a dcouvert lui-mme. Il a soin desouligner ce rsultat de ses recherches personnelles en nousdisant : Mais c'est moi qui ai trouv ceci. Par le fait mme,il se trahit : auparavant ce n'tait pas lui qui trouvait.En veut-on une autre preuve? L'extrait d'ApoUodore va lafournir.

    Il faut se rappeler d'abord que l'iii cation de Diogne(Vin, 74) : \\Kpiale 6 Kai rnv leiapTriv kc Y^oiiKOOTriv\uju7Ti5a provient d'Apollodoro. M. Diels, en effet, a faitvoir que ce chiffre concorde exactement avec les donnes etle genre de calcul dont Apollodore s'est servi \

    D'autre part, voici comment se termine, vers le dbut dela mme biographie d'Empdocle, le premier extrait d'Apol-lodore : Quant celui qui, lors de la soixante et onzime olympiade, avait gagn le prix aux courses de ch uvaux,j, c'tait le grand-pre homonyme du philosophe. Ici finitle texte des XpoviKoc; mais ce que Diogne ou son auteurajoute en manire de conclusion est trs significatif: Si bien que, dit-il, en mme temps qu'Apollodore rappelle la date de l'aeul, par l mme, il indique l'ge du petit-fils 2. Une remarque s'impose: si, dans les vers d'Apollodore,Diogne avait trouv l'indication exacte de l'Kfari du philo-

    sophe, il l'aurait reproduite, et n'aurait pas essay de calculerl'ge du petit-fils d'aprs une date de la vie de l'aeul; ilaurait dit par exemple : djua 5 Km xp'^o utt toATToWobojpou (Tri|LiaivT0.

    D'un autre ct, comme nous venons de le rappeler, Apol-lodore plaait l'aKjun d'Empdocle dans la quatre-vingt-qua-trime olympiade (444-4i0). Comment arranger tout cela?C'est que, soit Diogne, soit mme l'auteur qu'il copiait,

    1) Rhein. Mus., t. 31, p. 38.2j oigB' d,ua Ktti Tv xpvov tt toO 'ATroWobdbpou ari.uaveaOai (l)i.

    La. VIII. 52).

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    n'avait pas lu Apollodore dans l'original ; il n'avait sous lesyeux qu'un extrait insr dans une compilation. Cet extraits'arrtait avant la mention de l'dKjuri. Puis, Diogne ou sonauteur, cherchant la date d'Empdocle, se disait qu'Apollo-dore l'avait indique en rappelant la victoire du grand-pre.Mais, de toute faon, il est impossible d'admettre que Diogneait recouru au texte des XpoviK. La vrit, c'est qu'il suivaitune compilation; la formule 6yuj 5' eupov nous l'avait djfait supposer; le passage ujoG' d|ua Km tv xpovov tt toATToXXobuupou aii|uaiveo9ai ne laisse plus de doute cetgard; si mme un doute pouvait subsister, la suite de cettedmonstration le ferait disparatre.Peut-on retrouver le vritable auteur de cette compila-

    tion que Diogne suivait, soit dans l'original, soit, commeM. Usener est port le croire, dans un recueil de viesform par Nicias de Nice ^ ? Telle est la question laquelleon va essayer de rpondre.

    Hippobotos est trs peu connu ^. M. de Wilamowitz aappel l'attention sur lui, prcisment propos de la sectionde Diogne dans laquelle figure la vie d'Empdocle ^. Maisj'tais arriv la dmonstration qui va suivre, avant desavoir que M. de Wilamowitz l'avait pressentie.Le nom d'Hippobotos est mentionn deux reprises dans

    la biographie d'Empdocle ; d'abord avec les premiers mots

    1) Notons, une fois pour toutes, que lorsque nous dirons : Diogne sans plus, le correctif; ou l'auteur qu'il a copi , sera toujours sous-entendu. Toujours aussi, il sera admis que l'un des intermdiairesentre Hippobotos et Diogne a pu tre Nicias, comme le pense Usener.

    2) Voici la liste des passages o son nom figure : Porphyre, Vie dePythagore, 61 Jamblique, id., 189 Clment d'Alexandrie., Stromat.,I, 761 d. Aligne Suidas, aux mots aipCfi et 'IttttPoto Di. La.Pr. 19; I, 42; II, 88; V, 90; VI, 85 et 102; VII, 25 et 38; VIII ; 43, 51, 69et 72; IX, 5, 40 et 115.

    3) Antigonos von Kanjstos, p. 327. Voici comment s'exprime M. de Wila-mowitz : Es ist leicht auf Hippobotos zu raten, der vorkommt, undmanches mal redit bezeichnend, ivie an der Spitze des Empedokles und IX,5, 40. Aber so lange das ein raten bleibt, mag ich es nicht tun.

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    de l'article : 'EiuireboKXii, oi (p^aiv 'IttttPoto, Miuuvof\v u To 'E)Li7TeboK\ou, AKpaYavTvo ; une seconde fois,dans un passage qui mrite la plus srieuse attention.

    L'auteur de la compilation rapporte la mort d'Empdocle(VIII, 67-75), en suivant les diffrentes versions dont il avaitconnaissance. Il ouvre la srie par un extrait d'HraclidePontique : Hraclide raconte qu'Empdocle, ayant acquisle renom d'avoir ressuscit une femme, offrit un sacrifice. Lesoir, aprs lo festin, il demeura couch sa place, tandis queles convives se retiraient quelque distance. Le matin,Empdocle avait disparu; on le cherche; on interroge lesesclaves; ils ne savent rien; un seul dclare qu'au milieu dela nuit, il a entendu une grande voix appelant Empdocle;puis s'tant lev, il a vu une lumire cleste, des flambeauxallums, rien de plus. On est frapp de stupeur; alors Pausa-nias descend, il envoie la recherche de son matre; plus tard,il dit que c'tait peine perdue, qu'Empdocle avait obtenutout ce que l'on pouvait souhaiter, qu'il fallait lui offrirun sacrifice comme un dieu. Viennent alors quelquesdtails correctifs ou complmentairesemprunts Hermippe:la prtendue ressuscite serait une femme d'Agrigente,nomme Pantheia, abandonne par les mdecins ; les convivesauraient t au nombre de quatre-vingts ^ Aprs cet extraitd'Hermippe (69), on dirait qu'un nouveau rcit commence : Hippobotos, continue Diogne, dit qu'Empdocle, s'tant lev, alla se jeter dans l'Etna pour confirmer l'opinion qu'il tait un dieu, mais une de ses sandales fut rejete avec la lave; en effet, il avait l'habitude de les porter d'airain. A tout cela, Pausanias opposa un dmenti. Qui ne le voit? Ce rcit forme le prolongement naturel del'histoire d'Hraclide : Empdocle se lve, videmment del'endroit o il tait rest couch. Pausanias nie la superche-rie; en effet, d'aprs le rcit d'Hraclide, il tait le complicede son matre.

    1) Nous reviendrons plus loin sur le sens de cette parenthse.

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    Sturz^ Karsten 2, Steinhart ^, Zeller^ et les autres, n'ontpas dout que cette suite ne ft rellement d'Hippobotos.Cependant, il me parat certain qu'elle est en grande partied'Hraclid lui-mme :

    1. Le compilateur cite un peu plus loin ^ des textes deTime : or celui-ci dclare absurde le rcit d'aprs lequelEmpdocle se serait jet dans l'Etna ; ce rcit existait doncavant lui; dans quel auteur le lisait-il? Dans Hippobotos ?Non, car Hippobotos est postrieur Mndme le Cynique(cf. Di. La. VI, 102), lve de Colots de Lampsaque, lequelColots tait le disciple d'picure ; or picure tait peuprs le contemporain de Time; ce qui est premptoire,Hippobotos cite (IX, 115) la liste des lves de Timon, quiest plus rcent que Time; enfin, d'aprs ce mme passage,il semble postrieur Sotion; il est donc absolumentimpossible que Time ait connu Hippobotos.

    Lui-mme, du reste, il donne le nom de l'auteur qu'ilcontredit : Voici, en effet, le passage de Diogne ^ : C'est Hraclide, eten le nommant, que (Time) s'oppose, dans la quatrime section (de ses Histoires)... Gomment donc, dit (Time), Empdocle se serait-il jet dans le volcan ?... puis Time ajoute : Mais partout Hraclide raconte des invrai- semblances du mme genre. C'tait donc chez Hraclideque Time avait trouv l'histoire de la mort d'Empdocledans l'Etna. Par consquent, le rcit d'Hrachde ne se ter-minait pas avec la disparition d'Empdocle, mais il men-tionnait certainement la chute du philosophe dans l'Etna.

    1) Empedocles Agrgentinus. Lips. 1805, p. 128 et 129.^} Empedoclis Agrigentini carminum reliquiae. Amstelodami, 1838,

    p. 34 et 35.3) Ersch et Gruber, Allg. Encycl.; au mot Empdocle, sect. 1, vol. 34,p. 87, n. 81 et 82.4) Zeller, Die philosophie der Griechen, 1^, p. 752.5)Di. La.VIII, 71 et 72.6) VIII, 71. TTp b Tv 'HpotKXebnv Kai H vuaro -rroieiTai xrjv

    vT{ppriaiv v Tf| Tf.xpTri ' ... TTu ouv, cpr\a[\, e toc, KpaxPjpa fiXaro... (72) ... Toiard Tiva e-rrubv Tfnio iriqpper 'A\X h\ -iTavTaTiv 'HpaK\e(bri toioOto TrapaboEXoYo ...

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    82. Plus d'un dtail, du reste, deviendrait inintelligible dans

    la narration d'Hraclide, si elle s'arrtait l o Diogne la faitfinir : Empdocle rest seul, loin des regards indiscrets, letmoignage insuffisant d'un seul esclave, tout cela seraitd'un effet bien faible, si on voulait faire croire uneapothose; par contre, les mmes dtails deviennent trsclairs, si on les suppose admis en vue de faire ressortir unesupercherie.

    Mais alors, comment se fait-il que, dans la biographie deDiogne, la fin de la narration d'Hraclide soit mise sous lenom d'Hippobotos ? C'est que Diogne, dans ce passage, suitune compilation faite par Hippobotos. Celui-ci rapported'abord la version d'Hraclide; puis il l'interrompt par unextrait d'Hermippe, pour la reprendre ensuite sans jugerncessaire de rappeler ce qu'il a dj dit : savoir, que lercit est d'Hraclide. Diogne le copie ou le rsume; mais,aprs le passage emprunt Hermippe, il oublie ou ne voitpas que la suite est la continuation d'une histoire commence,et il attribue au compilateur Hippobotos ce qu'il lit dans sonouvrage.Aprs cet extrait d'Hraclide Pontique ^ vient la version

    de Diodore d'Ephse sur la mort d* Empdocle, version dontle dnouement est le mme : Empdocle se jetant dansl'Etna.

    Arrive alors la longue citation de Time que nous avonsreproduite en note la page prcdente. Or, il semble quecette citation, elle aussi, soit parvenue jusqu' Diogne parl'intermdiaire d'Hippobotos.

    Si une telle explication s'tait rpandue, Pausanias, ditTime -, aurait, en souvenir de son ami, lev une statue ou

    1) A propos des sandales d'airain, nous aurons plus tard recherchersi un des compilateurs n'a pas confondu Hermippe et Hippobotos, de lamme manire qu'on avait confondu ce dernier avec Hraclide.

    2) Di. I.a. Vni, 71 : TTauaaviav xe )avi-||Li6ov TreiroiriKtvai toO qpXou,ToioTou biaboevTo \Y0u, f\ YaXfidxiv ti, fj oy]k6v, oa GeoO* Kai ^puXoaiov eTvai ... 72 : 'IttttPoto h c-\oiv on vbpi YKeKa\u,u,uvo'EfaireboKXou Keiro irpTepov |av v 'AKpdYctvxi, uaTepov b Trp to'Puj,ua(ajv PouXeuTipiou, aKdXuqpo, [briXovTi jaeTaGvTOJv axv KePuijuajuvj. rpaiTTai juv yoip eKve (axoO) xi Kai vvirepiqppovTai.

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    une chapelle comme on le fait en l'honneur d'un dieu; car iltait riche. xMais Hippobotos (rpondant l'objection deTime) dit qu'il existait une statue voile ^ d'Empdocle ;elle tait d'abord Agrigente; plus tard, elle se trouvait sansvoile, devant la sal'.e du Snat Rome : [videmment, lesRomains l'avaient enleve et transporte en cet endroit]; onvoit, en effet, aujourd'hui encore, circuler des portraitsd'Empdocle. Pour rpondre avec tant de prcision auxobjections de Time, Hippobotos avait d les citer d'abord.De Ic croire que notre texte de Time provient de la com-pilation d'Hippobotos, il n'y a qu'un pas. Et si c'est Hippo-botos que Diogne,ou son auteur, dans ce passage, emprunteles extraits de Time, ailleurs les aurait-il dcoups dansl'original, ou dans d'autres compilations? Il y a un indice ducontraire.

    Notons d'abord que la biographie d'Empdocle rvle unesprit trs mthodique, un plan trs net et scrupuleusementsuivi (voirie tableau, la fin de cette tude prliminaire); or,voici comment dbute la premire section (Di. La. VIII, 51) :'E|U7T66okXii, uj qpriaiv 'IttttPoto, Mroivo rjv u to'EjUTreboKXou, ^xpayaviivo.

    Vient alors le dveloppement des deux premires indica-tions : fils de Mton, petit-fils d'Empdocle. Avec les mots(Di La. VIH, 53) Zaupo h, commence l'numration desvariantes. Suit la justification de la donne 'AKpaYavTvo :Ti 6' nv AKpaYavTvo eK ZiKeXa, ai vapxjuevo tujvKaGapjuujv cpiioiv.

    Enfin, l'auteur indique que la premire section est finie :Ktti l |uv TTpi TO Yvou aio xbe.

    Or, nous l'avons vu, la table des matires de cette section

    1) De celte faon, sans doute, Hippobotos s'explique comment Timea pu ignorer le nom du personnage que la statue reprsentait. Onsavait que Time avait visit Agrigente (v. Diodore, XIII, 82, 6 : Mller,fr. 11-2). Sur le sens du voile comme symbole mystique, v. Anrich,Das antike MijSteriemvesen in seineni Einfluss auf das Christentum,Gltingue, 1894, p. 28. Cf. Tite-l.ive, 1, ch. 36 : Statua Atti {dQ WugnveAttus Navi'js) cuplte relato, qno in loco res acta est, in Comitio, in gradi-bus ipsis, ad laevam Curi fuit. cf. Pline. H. N. XXXIV, 11.

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    10'E)U7T66oKXfi Mxoivo fjv u To 'EjuTteboKXou ARpayav-Tvo, se trouve place en tte de la section, et, bonheur rare,sous un nom : celui d'Hippobotos. Le doute est-il possible?Le plan et le dveloppement de cette section, le plan et ledveloppement des autres, tout cela est d'Hippobotos. Voilpourquoi c'est dans Hippobotos que Diogne a lu Hraclideet Time.

    Malgr toutes ces preuves, on pourrait peut tre encoreparler de jugement prcipit ^; aussi, avant de prsenterdfinitivement Hippobotos comme l'auteur de la compila-tion, faut-il tudier d'un peu plus prs cet crivain.Quand vivait Hippobotos? Dans un passage que nousavons cit plus haut ^, il fait allusion la prise d'Agrigentepar les Romains en 265 ou 210. Il rejette mme cet vne-ment assez loin dans le pass : YpaiTTai ,uv yp eiKveen Km vOv Trepiqpepoviai ^. D'un autre ct, nous avons vu( la page 7) qu'Hippobotos est postrieur Mndme leCynique, aux lves de Timon (mort vers 230-225), sansdoute aussi Sotion, qui vivait dans le premier tiers dudeuxime sicle. D'aprs tout cela, il serait difficile de le sup-poser antrieur au deuxime sicle : ce dtail est important,parce qu'il permet de considrer Hippobotos comme assezrcent pour tre l'auteur de la compilation. En effet, si l'onrserve Diodore d'phse, qui est absolument inconnu, sil'on excepte Favorinus, que Diogne consultait lui-mme, lesauteurs les moins anciens, dans la vie d'Empdocle, sontApollodore, Hraclide Lembos et Dmtrius de Trzne

    1) Je n'ai, en effet, aucune autorit invoquer. M. de Wilamowitzlui-mme semble attribuer Diogne la compilation des rcits relatifs la mort des anciens philosophes : cf. Antigonos von Karystos, p. 47 :dem Diogeiies selbst werden wir ivol mit herwiegender ivahrschein-lichkeit die todesni'ten zuiveisen, welche, geschmilckt mit einem Epigramm,hier tvie bei den ltern pJu'losophen auftreten.

    2) Cf. p. 8, note 2.3) Les deux meilleurs manuscrits de Diogne sontP, Farisinus Graecus

    1759, XIV* sicle, et E, Bufbomcus Graecus 253, xif sicle (voir Wachs-muth, Sillographorum Graecorum reliquiae, Lipsiae, 1885, p. 51 ss.) ;or, P et B donnent : YpaTtTal luv ydp eai Tive, Kai vOv irepiqppovTai.La correction de Gobet est vraisemblable.

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    11(voir le tableau plac la fin de ce chapitre). Or, la premiredition des XpoviKd d'ApoUodore est de 144 et HraclideLembos est peine postrieur cette date: il n'y a doncaucune difficult de ce ct; quant Dmtrius de Trzne,l'auteur d'un pamphlet contre les sophistes (Di. La. VIII, 73),on ne sait pas quelle poque il faut lui assigner. Prten-drait-on l'identifier avec le grammairien Dmtrius de Tr-zne, qui (Athne, IV, 139 G) applique l'pithte de pipXio-XctGa Didyme d'Alexandrie, le contemporain de Gicron?Il n'y aurait pas l pour nous de difficult srieuse. La vied'Empdocle, compose par Ilippobotos, a d, avant de par-venir jusqu' Diogne, passer par une srie d'intermdiaires,et l'un des compilateurs qui l'ont transmise aurait pu l'enri-chir lui-mme de l'extrait de Dmtrius. Mais la suppositionqu'Hippobotos est plus rcent que ce grammairien ne pour-rait se faire sans danger. On le voit par un passage deDiogne souvent invoqu, mais rarement cit propos.Le compilateur, Nicias peut-tre, donne, des sectes dephilosophie morale, une liste qu'il semble faire sienne (Di.La. Pr. 18) : xo 5 rjOiKO yeYvaaiv apaei bKa.... Puis ilreproduit un groupement assez diffrent (19) : 'ItttPoto5' v TLJj rrepi aipaeiuv vva cpriolv apaei Kai Yoyevai... Le passage se termine par ces mots : oute 5 KuviKrjv,cure 'H\iaKr|v, oue AiaXeKiiKrjv. Voici la conclusion queM. Bahnsch dgage de cette remarque (p. 46) : ^' Atque inprooemio postquam all duce inter decem sectas philosophasetiam dialecticam^ quam Clitomachus condldit, recensuit,Laertius addit, Hippohotum neque Cynicae neque Eliacaeneqiie Dlalecticae nomen sectae tribuisse. Unde apparet, Hip-pobotum post ClUomachl aetatem^ id est, aut primo a. chr.saeculo aut etiam posteriori tempore scripsisse. M. Bahnschinterprte donc le passage de la manire suivante : Hippo-botos, connaissant les sectes dialectiques..., ne leur a pasdonn un nom particulier. Cette faon de comprendrele texte me parat trs risque.

    D'abord, M. Nietzsche (Rh. Mus. XXV, p. 223) a soutenuavec assez de vraisemblance (cf. Box. Gr. 604, 16) quele fondateur de l'cole dialectique n'est pas Glitomaque,

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    12mais bien Glinomaque, un contemporain d'Eubulide, qui futle matre de Dmosthne; de plu-, les mots oue b Kuviki'iv,oue 'HXiaxriv, oue AiaXeKiiKiiv donnent les noms des troissectes qui figurent dans la premire nomenclature sans seretrouver dans la liste d'Hippobolos; ils ne sont que lersultat d'une soustraction opre par le compilateur; dslors, je ne vois pas ce que l'on peut tirer du passage en vuede dterminer la date ou vcut l'auteur du irepi aipcreoiv.Rien ne nous assure que l'crivain, dans cette remarque, aitvoulu faire entendre qu'Hippobotos connaissait les sectesdont il ne rapporte pas les noms. Je ne prtends pas qu'Hip-pobotos soit antrieur Glitomaque, mais j'affinne queBahnsch, en s'appuyant sur ce passage pour dterminer lesdates, a construit dans le vide.Aprs les mots que nous venons de citer, Diogne (20)

    continue : ti]v juv yp TTuppujveiGv ob' o TrXeou ttpoctttgi-ouvrai biiiv oqpeiav vioi 5 xai xi juv apeoiv evai cpaovairiv, Kax ti 5 ou* boKe 5 apecTi eivar apeoiv juv ^p\YO|Liev Tiiv XYLU iivl xai t6 cpaivjuevov KoXouOooav r\boKOcrav dKoXouGev Ka0' eXYuu dv apeoiv if-jv I1k6itti-Kr|v KaXojuev ' e be apeoiv voo|U6v TTpOKXiaiv 6Y|uaoiv kg-XouGav xouoiv, GKx' v TrpGOaYOpeoiTG apeoi- o Y^pexei bfiuaTa. Ici, l'auteur des vies (Nicias ou un autre)explique pourquoi le nom de l'cole sceptique ou pyrrho-nienne ne figure ni dans l'un ni dans l'autre des catalogues :c'est que la plupart ne tiennent pas compte de cette cole5i xrjv oqpeiav. Quant lui, il penche vers l'opinion d'aprslaquelle le scepticisme mrite le nomd'aipecri:5GKe bdipecrieivar apeoiv |uv Y^p XYOjuev... ei be dpecriv voojuev...

    D'aprs ce passage, il semble qu'Hippobotos ait t, vis--vis du scepticisme, d'une intransigeance remarquable.C'est ainsi qu'il fait abstraction d'Arcsilas et de ses succes-seurs : il ne mentionne que l'ancienne Acadmie; cependantil avait connu les partisans de rTTOxn, puisqu'il est postrieur la premire moiti du deuxime sicle \

    1) C/est dans son vajpa(pr] sans doute qu'il s'occupait des disciplesde Timon (cf. Di. La. IX, 115). Sur les rapports d'Arcsilas avec le

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    vsL'iitlitude qu'Hippobotos avait prise vis--vis des autres

    sectes pliilosophiques, n'est pas aise dfinir. Il accordaitassez d'importance l'cole de Cyrne ; il distinguait desGyrnaques proprement dits^ les lves d'Annicris et ceuxde Thodore. Il poliuisait contre ceux-l ^, vraisembla-blement aussi contre les autres. Strabon connat dj legroupe des Annicriens ^. Le mot avait-il t cr par Hippo-botos *? Ou bien l'avait-il emprunt un auteur plus anciendont nous ne pourrions retrouver le nom? Question insolublemalheureusement.La suite du passage deDiogne sera-t-elle plus instructive?Les mots ai6e juv pxc Kai biaboxai Kai ToaauTa lupi] xaiTcai qpiXoaoqpa apaei ne sont pas un emprunt fait Hippobotos. C'est l'auteur des Vies qui rsume ainsi tout cequ'il a avanc depuis les mots (13) : cpiXoaoqpa b 5oYtYvaO'iv pxai... (18) jupri 6 cpiXcaocpia ipia... toO bel'iBiKoO yeTvacTiv aipcTei 5Ka... Or, si ce passage n'est plusd'Hippobotos, de quel droit affirmerait-on que la suite estde lui : en 5 irp Xiyou...^? Certainement le compilateurne donne du trait d'Hippobotos qu'un rsum trs succinct.

    scepticisme, cf. Sextus Empiricus, Pyn'honiae hypotyposeis, I, 232. Lesremarques que M. Nietzsche a formules sur les tendances doctrinalesd'Hippobotos {Rh. Mus. XXV, p. 223) sont, en gnral, trs Judicieuses.Je crains toutefois qu'il ne se soit aventur trop loin en disant que Di.La. Pr. 1-3 et 6-12 sont des extraits d'Hippobotos; de plus, j'hsiterais m'appuyer sur Di. La. II, 88, pour dterminer l'poque o vcut cetcrivam. Cette rserve faite, j'admets, mais en la justifiant autrement,la conclusion de M. Nietzsche : Hippohotumigitur apparetprimo a. Chr.fiaecido floruisse (id est, post Panaetii aetatem, sed ante Dioclem priorumimperatorum aequalem).

    1) Di. I a. Pr. 19.2) Di. La. II, 88.3) 837 : Kai 'AvvKGpi boKOv Travop0jaai tt^v KupiivaiKi^v ai'peaiv

    Kttl rapaYaYe'v vx' axf ty\v 'AvviKepeiav.4) Il semble avoir fait preuve d'originalit dans sa faon de classer les

    philosophes {Dox. Gr.'^itb}.5) M. de Wilamowitz, tude cite plus haut. M.Useuer (Sitz. ber d. Berl.

    Akad., 1892, p. 1033, n. 1) est port voir dans le passage une noteintercale par Nicias.

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    14Pourquoi dlaierait-il l'extrait de la sorte? Gomment aurait-ilt amen dire d'abord qu'Hippobotos ne cite que neufsectes, pour devoir ajouter ensuite qu'il en citait unedixime? Si la remarque relative Potamon provenait duTrepi aipcrecuv, le passage serait plein d'un dsordre inexpli-cable.De tout cela que peut-on conclure? Que l'auteur des Viesattribues Diogne connaissait les uvres d'Hippobotos;or cet auteur est, ou bien Nicias de Nice lui-mme, ou bienun de ses contemporains; Hippobotos ne peut donc treplus rcent que le dbut du premier sicle ^

    Mais c'est dans la biographie d'Empdocle que, pour fixerl'poque o vivait Hippobotos,nous trouverons les renseigne-ments les plus utiles. Hippobotos (Di. La. VIII, 72) connais-sait une statue d'Empdocle que les Romains avaient placedevant la salle du Snat ; il parle de portraits d'Empdocle,circulant encore de son temps. Si Ton veut clairer cesallusions, on rencontre deux hypothses :On pourrait d'abord supposer qu'Hippobotos tait Sici-lien : ainsi s'expliquerait le dtail qu'il voyait dans son paysdes portraits d'une gloire locale, copis, d'aprs les mar-chands ou les artistes, sur une statue de Rome. 11 importeraitpeu, ds lors, que celle-ci ait exist ou iion : les colporteurssont gens inventifs; de plus, en admettant cette faon devoir, on rendrait raison du mot TrepicppovTai (Di. La. VIII,72). Toutefois, cette premire interprtation entranerait mettre, sur les antiquits prives, une srie d'hypothsesqu'il serait difficile de justifier. Aussi trouvera-t-on peut-tre que l'autre explication serait moins aventure.

    Il faut se rappeler d'abord qu'Hippobotos est un compi-lateur; ici comme d'habitude, sans doute, il ne dcouvre pasl'ide, il l'emprunte. D'autre part, il appartenait, semble-t-il,

    1) 11 semble mme, d'aprs ces mots du compilateur (Pr. i^l) : en biTp XTOU Ktti K\eKTiKr| ti ai'peai eorjxQri ir TToxdiLiiuvo toO'AXeHavbpuj, kt\., qu'Hippobotos est antrieur Potamon, le contem-porain d'Auguste (cf. Suidas, au mot l^otamon, et Dox Gr. p. 81, n. 4),et qu'il ne connaissait pas la secte clectique.

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    15 cette gnration de Grecs que la curiosit ou l'intrtpoussrent vers l'tude de la langue latine ^.Or Varron avait compos, vers l'an 39, un trait intitul Imagines ou Hebdomades contenant sept cents portraits^ de, clbrits grecques et romaines (rois et gnraux, hommes d'tat, potes, prosateurs, techniciens, artistes, divers), avec autant dCElogia en vers. Ces portraits devaient tredes images colories ^ et taient accompagns sans douted'une lgende explicative. Or Hippobotos n'a pas vu lastatue; il ne la connat que par les portraits *. D'autre part,Pline nous apprend, d'aprs Varron sans doute ^ qu'unestatue de Pythagore avait exist dans le Comitium et qu'elley demeura jusqu'au moment o Sylla fit construire unecurie ^. Tout s'expliquerait, si l'on voulait admettre que lastatue d'Empdocle eut la mme histoire que celle de Pytha-gore ^ Disparue sous la dictature de Sylla, elle n'tait connue,au temps d'Hippobotos, que par le livre rcent de Varron.D plus, c'est dans une polmique contre Time que lecompilateur Hippobotos mentionne le dtail; or Varron

    1) Voir les exemples recueillis par A. Hillscher : Hominum littera-torum Gvaecorum ante Tiherii niortem in urhe Borna commoratorumhistoria critica (Flegkeissn's. N. Jahrb. fur Philologie, supplem. XVIII,\mi, p. 355 ?s).% Teuffel. Gesch. der rom.Lit. P, p. 293; Schanz, id., Munich, 1890,I, p. 280

    3) V. Rich, Dictionnaire des antiquits romaines et grecques ; au motArcula (3 dit. de la trad. fr.) : ...La figure est tire d'un bas-reliefromain qui reprsente la Peinture engageant M. Varro illustrer sonlivre de portraits. Je ne sais pas si cette interprtation du bas-reliefest certaine.

    4) Cf. Di. La. VllT, 72 : ypaTiTal |uv yp eKve xi Kai vOv irepicppovTai.5) Cf. Pline, H.N. XXXV, 2.6) Ibid. XXXIV, 12 : Invenio et Pythagorae et Alcihiadi in cornibus

    comitii positas quiim hello Samniti Apollo Pythius fortissimo graecaegentis jussisset et alteri sapientissimo simulacra celehri loco dicari : eastetere donec Sylla dictator ibi curiam faceret.

    7) A moins que Ton ne prfre la placer auprs de la statue d'AttusNavius. V. Pline, XXXIV, 11 : Namque et Atti Navii statua fuit anteCuriam, cujusbasis conflagravit curia incetisa Publii Clodii funere.

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    16ivait utilis les histoires de Time ^ Enfin, dans la biogra-phie de Mndme, Hippobotos donne de l'accoutrement duCynique une description faite sans doute d'aprs une image ^.Htons-nous de conclure : si l'on aime rduire le doute

    et les incertitudes, et si, des lacunes, on prfre des hypo-thses et des reconstructions mme laborieuses, on arri-vera placer Hippobotos la fin du dernier sicle avantl're chrtienne. Ne veut-on, au contraire, que des donnessres ou peu prs, il restera tabU qu'Hippobotos ne peuttre antrieur la seconde moiti du deuxime sicle^;d'un autre ct, il ne peut tre plac beaucoup plus loin quela fin de la priode alexandrine. Ces conclusions sont larges;mais elles peuvent me suffire : elles montrent que rien, dansles dates, n'empche de considrer Hippobotos commel'auteur de la biographie d'Empdocle.

    Dans quel ouvrage Hippobotos aurait-il rdig cettebiographie ?Hippobotos est l'auteur de deux traits, l'un, Tiepi ap-ceuuv *, dont le contenu tait une tude des doctrines^;l'autre, intitul vaxpacpn tujv qpiXocrqpaiv, renfermait desdonnes plutt biographiques ^. C'est de TdvaYpaqpn queproviennent sans doute la plupart des extraits conservsdans Uiogne. Ils contiennent : a) des successions et des

    1) Voir les autorits cites par Susemihl, Gesch. d. griech. Litter. inder Alexandrinerzeit, I, p. 581, note 303.% Di. La. VI, 102 : ouxo, KaGd qprjcnv 'lirTrpoTo, ei xoaoTov repa-Tcia fjXaaev ujaxe 'Epivo vaXa^iJuv ox'iua uepiriei ... r\v h aOxL r]aQr], auxri * XiTuuv cpai Trobnpii, Trepi axC Zwv)-] qpoiviKfi, ttXg'ApKabiK Ti xfi KeqpaXf-j xu^v vucpaauva x buubeKa axoixea,|Lipdxai xpajiKoi, TrjYOJv uTrep,ueY0n, pdpbo v xf] xeipi |Li6i\vr|. S'iltait tabli qu'Hippobotos a connu Potamon d'Alexandrie, on trouveraitl encore un point de contact; mais j'ai montr (p. 14, n. 1) qu'Hippo-botos est sans doute antrieur au fondateur de l'eKXeKxiKr] a'peai.

    3) Usener (Sitz.her. d. Berl. Akad. 189^, p. 1U23 et 10-24, note 1) leconsidre avec assez de vraisemblance comme plus rcent que Sotion.Cf. Di. La. IX, 115 : uj b' 'Itt-itPox qp^iai Kai Iluxluv.

    . 4) Pr. 19 et H, 88.5) Cf. Di. La. II, 88.6j Cf. id. I, 42.

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    17listes d'lves; cf. Di. La. VI, 85; VU, 25; VIII, 43 et IX,115. h) des portraits, cf. VI, 102. c) des anecdotescomme V, 89 et 90; Vltl, G9 et 72; IX, 5 et 40; Jambl.,Vie de Pythagore, 189.Cet ouvrage ne devait donc pas manquer d'ampleur; il

    embrassait tout ce que comprend une vie dans Diogne, saufpeut-tre la doxographie. Enfin, le chapitre d'Empdocledevait tre trait avec assez d'tendue, puisque ce mmeHippobotos reproduit un vers, adress, dit-il, par le philo-sophe Tlaugs (cf. VIII, 43), vers inconnu d'ailleurs.

    Il reste une question rsoudre. S'il tait prouv qu'Hip-pobotos ne peut tre prsent comme l'auteur de la plupartdes biographies, serait-il vraisemblable qu'il le ft de celle-ci? Ne faudrait-il pas, avant de conclure, chercher sa partdans les autres sections de l'ouvrage?Comme je l'ai indiqu ds les premires lignes de cettetude, rien ne nous autorise enlever au compilateur touteespce de personnalit. Il a pu choisir ses auteurs et pr-frer, comme source principale, tantt l'un, tantt l'autre. Ilsemble mme certain qu'il l'ait fait, car, dans la biographied'Empdocle, le plan est plus nettement marqu qu'ailleurs.Parmi les auteurs cits, il en est trois ou quatre qui figurentseulement ici : c'est Dmtrius de Trzne, Xanthus, le pseudo-Tlaugs dans la lettre Philolas, peut-tre mme Diodored'phse. De plus, comme Bahnsch le remarquait dj ^ sanstrouver d'explication, nulle part Time n'est cit aussi fr-quemment ^.Diodore d'Ephse est donn ^ comme ayant critun livre sur Anaximandre : or, dans la vie d'Anaximandre,Diogne ne cite pas cet auteur. Enfin Hippobotos indique sessources avec une grande proccupation d'exactitude : c'estainsi que, par exemple, il dsigne toujours l'abrviateurHraclide de telle sorte qu'on ne puisse le confondre avec

    1) Etude cite, p. 12.2) Les extraits de Time n'ont gure la mme importance dans les vies

    des autres philosophes de la Sicile et de la Grande-Grce. Cf. Polybe,XII, 23, 7 : uirp 'IxaXa |u6vov KaiZiK\{a upaYluaTeuiuGvo.

    3) Di. La., Vie d'Empdocle (VIII, 70) : Aibuupo b' 'Ecpaio irepiAvaSijudvbpou YpdcpuDV...

    2

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    18Hraclide Pontique. On ne retrouve pas la mme prcisiondans les premiers livres de Diogne ^ Tous ces indices nesont-ils pas significatifs ? N'indiquent-t-ils pas que la vied'Empdocle a pour fondement une compilation trangre la source habituelle?Dans le paragraphe qui sert de transition entre la vie de

    Pythagore et celle d'Empdocle, l'auteur du recueil indiquequ'il drange son plan ^. L'ordre annonc dans l'introduc-tion ^ appellerait Xnophane, mais il doit l'interrompre pourinsrer: lo)les Pythagoriciens illustres, 2) Heraclite ^. S'il adrang son plan, pourquoi n'aurait-il pas drang sessources? Dtail caractristique : d'aprs un passage de la viede Pythagore, c'tait Hippobotos lui-mme qui plaaitEmpdocle aprs Tlaugs, le successeur de Pythagore ^.C'est donc dans Hippobotos que l'on a d trouver la transi-tion ncessaire pour passer de Tlaugs Empdocle. Onavait lu et copi dans le mme auteur non seulement latransition, mais aussi la biographie qu'elle introduisait, nouspouvons l'affirmer hardiment aprs tout ce qui prcde.Gomme le fera voir le plan qui termine cette tude,Hippobotos avait divis la biographie pour ainsi dire en six

    1) V. Bahnsch, qui, p. 19, constate cette diffrence de procd, maissans l'expliquer.

    2) Di. La. VIII, 50.3) Pr. 15 : OepeKbou TTuGaYpa, ou TriXaYn ^ ^, ou Eevoqpdvri...4) Ici, il y a une difficult : Diogne range au nombre des Pythagori-

    ciens illustres Empdocle, Epicharme, Archytas, Alcmon, Hippasus,Philolas, Eudoxus. Aprs avoir donn leur biographie, Diognes'exprime comme suit (VIII, 91) : -rreibr] b irepi tujv WoY.uuuvTTuOaYopiKiDv bie\riA.O0a|uev, vv \\hr\ Tiepi tujv OTropdbriv, lij qpaai, bia-XexOOiuev XeKTov b rpuxov -rrepi 'HpaKXeirou . Il semble doncannoncer plusieurs de ces philosophes non classs; en ralit, il n'endonne qu'un seul, Heraclite (sur Heraclite, cf. Krische, ForschungenyGttingue, 1840, p. 58). Aprs celui-ci, vient Xnophane, qui fait partie dela biaboxn annonce dans l'introduction.

    5) Cf. Di. La. VIII, 43 : riv Kai Tr^XaTri ui aToO, Kai biebEaxoTviraTpa KalKaToTiva 'E,uTreboK\ou KaBriYnoaTo.'lTriT-poT y TOI cprjai Xyeiv 'E,uTreboK\a *

    Tr|\auYe, kXut KoOpe OeavoO TTu9aYpedj Te.Ce dernier vers me parat fabriqu d'aprs le vers qui sert de ddicace

    la Physique.

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    19casiers, et il avait rempli chacun des casiers au moyend'extraits d'auteurs qu'il consultait le plus souvent dansl'original. Il a une tendance citer d'abord Aristote etTime, ensuite Nanthe et les auteurs plus rcents; mais ilne poussait pas l'amour de la rgularit jusqu' la manie ;de l, certaines interversions amenes par la suite des ides.Un mot sur la doxographie qui termine la vie d'Empdocle(VIH, 76 et 77). Voici l'opinion de M. Diels ^ : Invenimus inLaertli de physicis philosophis capitibus hinos scriptores compi-latos perinde atque in Hippolyti Phlosophumenis. Uterque exTheophrasti thesauro hausit^sed hic prlmoribus lahris res insi-gnes etiam aliunde arcessivit, ille physica tantum sed composi-tins etprolixius ex unis Opinionibus excerpsit. Priorem fontemLaertius conjunctmn cum vitis invenisse et transtulisse videtur,alterum laudabili consilio tamquam supplementum addidisse.

    Or, dans la vie d'Empdocle, le premier lment faitdfaut. Doit-on conclure de l qu'Hippobotos ne touchait pasaux doctrines dans son vaYpaqpr) tujv qpiXoffcpuuv? Ce seraitassez hasardeux.Quant au rsum du systme d'Empdocle que Diogne

    nous a transmis, il faudra l'tudier avec les doctrines. Pourle moment, nous avons au moins une indication qui nousclaire sur sa provenance. Le catalogue qui termine lersum doxographique fait double emploi, partiellement dumoins, avec la section III de la biographie ^. Il y a quelqueraison d'en conclure que ni le rsum, ni le cataloguen'manent d'Hippobotos; mais, l'argument tant faible,mieuxvaut imiter la rserve de M. Diels et s'abstenir.Le travail de dmarcation entre la part de Diogne et celle

    d'Hippobotos est termin, et nous arrivons un rsultat prcis.A Diogne appartiennent les deux pigrammes insresentre la biographie et la doxographie ; de lui proviennentgalement les extraits de Favorinus. Quant Hippobotos, ilest l'auteur de la compilation que Diogne a lue, peut-tredans Nicias, et qu'il a enjolive de ses fantaisies.

    1) Dox Gr., p. 168.2} Voir le tableau ci-contre.

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    PREMIERE PARTIE

    HISTOIRE DE LA TRADITIONAVANT HRACLIDE PONTIQUE

    Les contemporains ont laiss peu de renseignements surla vie d'Empdocle.Gomme nous le verrons en analysant les extraits deTime, on peut supposer que les historiens Antiochus etPhilistus de Syracuse avaient mentionn le rle politiqued'Empdocle Agrigente. La vraisemblance de cette hypo-thse nous empchera de rejeter certains des rcits qu'Hippo-botos a conservs : mais il serait impossible de dmler, dansles donnes qu'il nous transmet, la part exacte de Time, etcelle de ses auteurs.

    Suidas attribue Zenon d'le une ?ir\fir\ai 'EjuTiebo-k\ou. m. Zeller ^ trouve la donne plus que suspecte

    ;M. Diels ^ dmontre que par elle-mme elle ne renferme riend'invraisemblable. Admettons avec lui que, dans l'ouvragede Zenon, compos sans doute un peu avant 450, se trouvaitune polmique contre les doctrines d'Empdocle.

    Gorgias ne cachait pas sans doute les sympathies quil'avaient attir vers Empdocle : ces deux gnies taientapparents, et M. Diels a fait ressortir la vraisemblance dela donne d'aprs laquelle ils se seraient connus de prs. Ildevient donc fort douteux que Gorgias ait pu employer enparlant de son matre l'expression malsonnante que Satyrus

    1) Die Philos, d. Griechen, P, 5S7.2) Gorgias und Empedokles dans les Siz. ber. d. Berl. Akad. d. Wiss.

    1884, p. 359, note 2.

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    lui prte (Di. La. VIII, 59) : toOtv (Gorgias) (pr](Jiv rdrupoXYeiv, oj aT Tiapeiri ^^ 'EjUTreboKXe YorjTeovTi ^M. Hiller ^ est port croire que Glaucus de Rhegium avaitconsacr Empdocle une tude spciale, mais il ne sait pasau juste dans quel ouvrage elle figurait. De tout ce queGlaucus avait pu dire d'Empdocle, nous ne connaissonsqu'un dtail : il rapportait que le philosophe visita Thuriitrs peu de temps aprs la fondation de cette ville ^. Cettedonne est trs prcieuse.

    Aristote parlait d'Empdocle dans deux ouvrages perdus :le 0 09iO'Tr| et le Tiepi Troir|Tujv. Ces traits renfermaientplusieurs renseignements biographiques : l'un sur l'aeuld'Empdocle *; un autre sur son uvre littraire ^ ; un autresur son caractre et sur son rle politique ^; un autre sur ladate de sa naissance ^ ; un autre enfin sur l'ge qu'il auraitatteint ^. La plupart de ces renseignements figuraient sansdoute dans le -rrepi iToiriTuDv, qui servit de modle aux bio-graphes pripatticiens. Cependant le dtail relatif l'inven-tion de la rhtorique est emprunt au Sophiste, et la mentiondu caractre mancoHque d'Empdocle se trouve dans lesProblmes.

    1) Diels, tude cite (p. 344, note 1) : Il est difficile de croire que^ Gorgias ait racont, comme Satyrus le rapporte, la Yo^feia de son matre : du moins, il n'a pu se servir de ce mot qui tait toujours pris en mauvaise part (v. Platon, Mnon 80 B, Lois I, 649 A ; Gorgias lui-mme, Hl. 14, p. 157, 4 BL). Peut-tre la donne tout entire est- elle emprunte au qpuoiK d'Alcidamas, o Gorgias, le principal inter- locuteur, semble avoir racont au sujet de son matre Empdocle des vrits et des fictions, avec la libert permise dans un dialogue. V. p. 358.

    ,

    2) Rh. Mus., t. XLI, Die fragmente des Glaukos von Rhegium, p. 427et 428. Glaucus aurait crit vers Tan 400.3) Apollodore (Di. La. VIII, 52) :

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    23Aristote contribua surtout rpandre la connaissance des

    crits d'Empdocle et de ses doctrines.Fidle aux tendances de son matre, Thophraste ne voitdans Empdocle que l'auteur du systme philosophique ^ :il ne parat pas s'tre occup de la vie proprement dite. Di.La. VIII, 55 : 6 GecppaOTO TTapiuevibou rioi ZiriXuuTrivaTv yevaGai xai juijLiriTi]v v to TToirijuaci * Km yctp Kevovv lireai Tv irepi cpoeai Xyov EeveTKev ; cf. Dox. Gr.^ p. 477,17 (Thoph. phys. op. fr. 3 = Simpl. in phys. f*. 6 ^ 4-18) :'EjUTreboKXri AKpaYavTvo o ttoX KaiTTiv to AvaHaYpouYeYOvuj, TTapiuevibou 5 ZirjXuuTn Kai TiXiioiaorri ki en judX-Xov Tujv TTu9aY0peiuuv. Les mots : irXriO'iaaTri ^ Kai enjuXXov TUJV TTuGaYopeojv sont-ils de Thophraste? C'est trsdouteux. L'extrait, tel qu'il est rapport dans Diogne, feraitcroire que Thophraste n'avait pas transform en rapportspersonnels ce qu'il prsente comme une ressemblance dansla forme de l'expos. Empdocle imite Parmnide : tousdeux, en effet, ils formulent leur physique en vers, et, dansl'introduction des cpuoiKa, Empdocle a fait son devancierdes emprunts trs considrables. La rserve de Thophraste,quand il parle des matres d'Empdocle, montre que, de sontemps, on possdait un seul moyen d'information : l'tudecompare des crits et des doctrines. Quant au rapport chro-nologique tabli par Thophraste entre Empdocle et Anaxa-gore,il concorde avec un passage d'AristotefJie^. 1,3,984=^ 11).C'est une des donnes les plus sres.Thophraste est l'auteur de la doxographie d'Empdocle ;mais il a laiss aux biographes le soin d'tudier le hros des

    lgendes. Ainsi se forment dans la tradition deux courantsparallles. La sparation se continue travers les recueilsdoxographiques et les polmiques des coles : celui qu'Her-

    1) On lit dans Di. La. V, 43, que Thophraste laissa un livre -rrepi'EfiTT6boK\eou. Sturz, Enqjed. Agrig., XXVI, met une hypothse arbi-traire en supposant que ce tt. 'E.utt. formait une section du irepi piujv(Di. La. V, 42).

    2) Ce mot se rencontre encore Schol. Esch. Perses, 49 et Eustathe,Opusc. 260. 27. Cf. Krische, Forsch., Gttingue, 1840, 1, p. 117.

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    24marque et que Golols attaquent \ que les Stociens pr-sentent comme un de leurs prdcesseurs 2, celui dontLucrce se rclame ^ et que Cicron vante ou critique, selonles tcndanc(\s des auteurs qu'il suit, c'est le savant et lepenseur. Ils ignorent ou ngligent tout le reste. De nos joursencore, on retrouve cette abstraction commode qui consiste isoler l'homme et l'uvre. Toutefois cette sparation endeux courants, l'un doxographique et l'autre biographique,n'est pas sans infiltrations rciproques. Dans le dveloppe-ment des lgendes, nous retrouverons plus d'une ibis la tracedes pomes et des doctrines du philosophe.

    HRAGLIDE PONTIQUE.1. LA FEMME RESSUSCrfEE.

    Dans son Tiepl voujv ^, Hraclide racontait l'histoire d'unefemme qui ne respirait plus depuis trente jours ^, et qu'Em-l) On ne pourrait dire si le trait qu'Hermarque, disciple d'picure,

    crivit contre Empdocle (Gic, De nat. deor. I, 33, 93; cf. Dox. Gr.127, n. 1) renfermait des donnes biographiques, et si Golots, qui taitde la mme cole, avait fait autre chose qu'interprter certains des versd'Empdocle dans le sens indiqu par le titre de son livre : Trepi toO tiKax x Tijv aXXuuv qpiXoacpuuv byiLiaTa ob Zr\v axiv. Voir Plu-tarque, Adversus Coloten 1107 E; ihid., 1111 F.

    2j Dox Gr. 93; cf. Sext. Empir., Adv. Math. VII, 122 ss.3) I, 727 ss.4) Di. La. VIII, 60, 61. Le titre exact tait : artai irepi vaujv (Di.

    La. V, 87). Le livre est parfois intitul irepl ty\

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    25pdocle avait gurie ^ Quel rle Flraclide prtait-il au lliau-maturge dans cet vnement? Il serait difficile de le dter-miner d'une manire tout fait prcise. On sait seulementque, d'aprs lui, Empdocle passa aux yeux du vulgaire pouravoir ressuscit les morts, mais que, en ralit, il avait oprune sorte de cure dont Pausanias eut le secret 2.En Vertu d'une fiction permise dans un roman ou dans undialogue philosophique, Hraclide tait cens reproduire lesexplications donnes par le matre son disciple. Malheu-reusement Hippobotos, sans doute peu curieux de mdecine,a nglig de nous les transmettre.Deux passages, l'un de Pline, l'autre de Galien, nous per-mettent de suppler au silence du compilateur.

    D'aprs l'auteur de l'Histoire naturelle^ les femmes surtoutsont exposes ce mal (la mort apparente) : conversionevulvae, la respiration peut cesser compltement ; elle revientlorsque l'organe est redress.C'est le sujet, ajoule-t-il, d'un livre d'Hraclide trs connuchez les Grecs et relatif l'histoire d'une femme qui, aprs avoirt prive de souffle pendant sept jours, fut rappele la vie.

    Galien est encore plus explicite ^ : il dit que la premire

    TpioKOvxa rmdpa auvTiqpev irvouv Kai ariirrov (Cobet : acpuKTovd'aprs Galien, De loc. aff. 6, 5) t auj|ua. Cf. Di. La. VIII, 67 ; Suidas,au mol aTTVOu. Pline, H. N., VU, 52 : Hue pertinet nohile apud Graecosvolitmen Heraclidis septem dkhus femlnae exanimis ad vitam revocatae.

    1) Di. La. VIII, 67: ihboMoQY] 'EiuTreboKXfi aTroaxeiXa x^v vexpvvGpuuTTov Zwaav...

    2) Di. La. VIII, Ot'HpaKXeibii b' v xl irepi vauuv cpriaKaiTTauaaviqcOqpriYiaaaOai axv x irepi xr]v Trvouv.

    3j H. N., VII, 52 : feminarum sexus huic malo videtur maxime oppor-tunus, conversione vulvae : quae si corrigatur, spiritus restituitur. Huepertinet nohile apud Graecos volumen Heraclidis ... D'aprs E. Rohde,Zu den mirahilia des Phlegon (Rh. Mus., t. 3'2, p. 334), l'auteur de Plineserait ici Varron.

    4) De locis aff. 6, 5 : f] |uv ouv Trpubxrj Xe^ey^ivri biaqpop Kax x xoOTTovxiKo 'HpaK\e(bou jeTpajuiuvov pipXiov Tropi'av xei -rroWriv ttujfTvexar Xyexai Yp irvou xe Kai acpuKXo xeivri f\ vGpajiro y^TO-vvai, xuv veKpuv vl favuj biaWdxxouaa, xj ppaxevav xeiv Bepiu-xrjxa Kttx x ,uaa lupr] xo ajfiaxo' TriYYpaTrxai yov x pip\iovTTVou 'HpaKXeibou Kai ZY\rr\o\v qpri Y^Yo^vai xo irapoOaiv axpo,ei \xr\K\u x0vriKv. Cf. Galien, De respir. diffic, I, c.8.

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    26espce de suffocation hystrique, telle qu'elle est dcrite dansle livre d'Hraclide Pontique, prsente de grandes difficults.En effet, cette femme, qu'Empdocle gurit, aurait t sanssouffle, sans pulsation, ne diffrant d'un cadavre que par unreste de chaleur conserv vers le milieu du corps.

    D'aprs Pline comme d'aprs Galien, la femme qui taittombe en lthargie et qu'Empdocle avait rveille, souffraitd'une maladie de l'appareil gnital; la suffocation taitdtermine par un drangement de l'organe. Sur quoi s'ap-puierait-on pour nier que cette explication remonte jusqu'Hraclide? Gomme nous le savons d'ailleurs \ il s'taitoccup de mdecine, et Platon connaissait dj des observa-tions analogues (Tinte, 91 B) : ai 6' v la -f^vaiHiv aujLifiTpa Te Kai oipai XeYjuevai bi x aT Tara, IvjovTTi0u|ur|TiK6v vv ifi TTaiboTTOia, iav 'KapTTOv Tiap iiivaipav xpovov ttoXv yi^viiTai, xot^cfT^ aYavaKTOv cppei, xaiTTXavuj|U6vov irdvTri Kai t crdj|ua, x xoO TivejuaxobieHbou Troqppdxxov, vaTTve'v ok eujv, ei aTTopia xoxdxa jupWei Kai voou TravxobaTr dXka Trapxei.

    Il est permis, peut-tre, d'aller plus loin dans la reconsti-tution de la thorie d'Hraclide. D'aprs Angelo Mai^ Hra-clide figurait, dans le commentaire de Proclus sur la Rpu-blique de Platon, parmi les auteurs dont on pouvait invoquerle tmoignage propos du mythe d'Er : Quhi adeo Hera-clicles apud eundem Proclum narrt quendam vivum venan-temque rgna inferna vidsse. M. Rohde met un doute ausujet de l'authenticit du mot venantem. Nous savons cepen-dant qu'Hraclide avait consacr un trait la lgended'Abaris^; il racontait comment ce hros fabuleux parcourutle monde, portant la flche d'or d'Apollon. Ce symbole malcompris a pu donner lieu une mprise : on aura prisl'attribut du prophte pour l'arme d'un chasseur.

    1) V. Pline, //. iV., XX, 17 (d'aprs Diocls).2) Maius, Ad Cic. de rep., VI, 4 (Class. auct., I, p. 343) dans les Anecdota

    varia de Sclioell et Studemund, II, Berlin, 1S86, p, 64.3) Plutarque, De aud. poetis, 14 E. ; Bekker, Anecd. Gr., I, p. 145, 1. 22

    et p. 178, 1. 27. Cf. Diels, Avchiv, f. Gesch. d. Philos., III, p. 468, n. 39.

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    27Or, si l'histoire d'Abaris figurait cet endroit du commen-

    taire, c'est qu'elle montrait une me subsistant spare ducorps. Les spculations de ce genre passionnaient les espritsdepuis l'poque de Dmocrite ^ Nous savons d'ailleursqu'Hraclide admettait ^ pour chaque me une srie devoyages, la faisant descendre de la voie lacte dans le corpsdes tres terrestres; il enjoliva cette doctrine, en imaginant lepersonnage d'Empdotime de Syracuse ^ un extatique dontl'me avait explor les rgions du ciel, et il serait assez invrai-semblable qu'il n'et pas, de quelque manire, rattachl'histoire de la femme tombe en lthargie ses thories lesplus chres sur les rapports de l'me avec le corps.

    Il faudrait se garder d'objecter que, d'aprs Galien, toutefonction vitale n'avait pas cess dans le corps de rd-nvou, etqu'une suffocation hystrique n'est ni une mort vritable, nimme la preuve d'un dpart de l'me et d'une suspension dela vie. M. Rohde a montr que l'me, au sens orphique etpythagoricien, n'est pas le principe vital. Celui-ci peut semanifester encore quand l'autre moi est absent. D'ail-leurs l'Amnien Er avait, lui aussi, perdu son me, partiepour la rgion des morts: or les explications du commentateursur l'tat de son corps, pendant la priode de mort apparente,sont fort voisines de la description du cas de rd-nvou, tellequ'Hraclide l'avait donne *.

    1) Proclus, Comment, in remp. Platoms, p. 61, Schoell : rrjv |uv ireplTijv iroBavev boHctvTuuy, reiTa vapiovxuuv laTopav Woi t ttoWoITuv iTa\anJDv.7T0poiaav Kai ArmKpixo qpuaiK v to TTepi toOAibou Ypd|unaaiv. Cf. Mullach, Dem. fr., p. 117, et Di. La. IX, 46,Cf. les histoires cites dans Schoell, p. 63 et ss. Bernays, Grundzugeder verlorenen Ahli. des Arist. ber Wirkiing der Tragodie, Breslau, 1857,p. 190 ss.

    2)Stol)e,^c?.P//s., 904.3) Cf. E. Rohde, Fsi/che, II, 385, note. Ce nom semble forg d'aprs

    celui d'Empdocle.4) Galien, 2>- cit : tuv veKpujv vi ^6vuj biaWdxTouoa, tuj ppaxeav

    ^Xeiv eep^iTr^Ta Kax x juaa luprj xoO cfuj^axo. Cf. Proclus, Schoell,p. 61 ss. : il faudrait tout citer. A noter surtout, p. 62 : irp b au xoxoiKKEvo ^rixov; xi hr\ irctvxuj uireXeTrex xi ljizvpov Trepixriv Kapbiav,ToO aWou adj,uaxo bi xr]v irXriYriv veKpuuGvxo* kx\. Cf. Dmo-

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    28Une autre question touche de prs au sujet de cette tude :

    quelle est, dans l'histoire de l'aTTYOu, la part du conteur,quelles sont la part et la nature des traditions prexistantes ?Le rcit tout entier serait-il vrai? Il s'agirait, dans ce cas,

    d'expliquer comment Hraclide fut inform et comment lessources auxquelles il avait recouru ne furent connues que delui seul; comment Pline, Galien et Origne ^ ont pu voir, dansl'observation et dans la thorie, des ides personnelles Hraclide, et comment, propos de cette histoire, ilsauraient t amens ngliger le nom d'Empdocle et celuide Pausanias^; comment enfin Hraclide aurait ici refrnson imagination et se serait transform en un historienscrupuleux, ce qu'il n'est nulle part ailleurs^.

    Il ne faudrait pas cependant tomber dans un excs con-traire, et supposer que toute la donne est de l'inventiond'Hraclide. Les biographes de l're chrtienne ont pu voirEmpdocle dans le mme plan qu'Epimnide et Pythagore,parce que les traditions relatives son histoire taient oubien oublies, ou bien transformes et devenues contra-dictoires, ou bien noyes dans le lointain et dans le surna-turel. Mais Hraclide vivait un demi-sicle environ aprsla mort du thaumaturge ; il n'aurait pu, sans maladresse,lui attribuer des actions que rien n'et rattaches aux

    crite {Dox. 390) : '0 b AimKpiTo Trdvra [iieTxeiv cpY\oi mjuxi Tioi,Kai Ta veKp tjv aojudTOJv, bixi ei biaqpavuj tivo Gep.uo Kaiaa0r|TiKoO ,u6Txei toO TiXeiovo biairveo.uvou.

    1) Pline, et Galien, passages cits. Origne, C. Cels. II, 16, Migne, 1. 1,p. 828 : uj Trp TTiaxou b Kai r irepl Tr| rrap tj 'HpaK\e(briairvou o ttovti] arai ei tv tttov dxpriara.

    2) Aussi rhypothse d'aprs laquelle Pausanias aurait crit un livresur l'airvou est-elle bon droit abandonne.

    3) Time (Di. l.a. VIII, 72) : W bm uavr ariv 'HpaKXeibri xoio-To Trapabo^XoTo, Kai K Tf| aeXi'ivri Tre-nTUiKvai dvepuuirov XYUJv.Gic, De nat. deor., I, 13 : ex eadem Platonis schola Fonticus HeraclidespueriUbus fahulis refersit libros. Sur la provenance de ce jugement,cf. Krische, Forsch., p. 325 n. Plut., Camille, c. ^2: ok v ouveau|adaai|Lii |uuedjbi-| Kai TrXaa|uaT(av vxa xv 'HpaKXebrjv, kxX. Cf. lesfragments recueillis par Deswert, et les fables d'Epimnide et d'Abarisqu'Hraclide a inventes ou singulirement enrichies.

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    29croyances rpandues. Certaines uvres d'Hraclide consti-tuent les premiers essais d'une sorte de roman philosophi-que ; mais un roman n'intresse que s'il peut faire illusion,et l'illusion n'et pas t possible, si l'histoire de rdTTVoun'avait prsent aucun point de contact avec les lgendesadmises ^.Cet argument se fortifie, si on le rapproche d'un passage

    des qpuoiKa. Au dbut de ce pome, en effet, Empdoclesemble faire allusion une lgende naissante, la mmequi, plus tard, devait inspirer le roman d'Hrachde(v. 470 M. = 32 St.) :

    'AHei h' H Atbao KaTacp6i|uvou |uvo dvbp.Comment Empdocle avait-il conu l'ide d'une promesse

    aussi extraordinaire? C'est que, de son vivant dj, lacroyance populaire l'avait transform en thaumaturge : iltait gnreux, vnr; son extrieur imposait^; il dcou-vrait la foule tout un monde d'existences surnaturelles; illui rvlait l'histoire des dmons, de leurs fautes, de leurchute, de leur exil et de leur retour au ciel ^ ; il se servait,pour lui parler, d'une posie pleine d'lans pathtiques et detraits fortement colors. L'tonnant serait que le peuple ne

    1) Slrabon (98) rapporte, d'aprs Hraclide Pontique, l'histoire d'unmage qui vint trouver Glon et se vanta d'avoir fait le tour de l'Afrique.Nous sommes trop mal informs pour soutenir que tout, dans ce rcit,est invent par Hraclide, On connat la curiosit qui le portait recueillir les lgendes locales (v. Schmidt, diss. cite, p. 18 et Deswert,p. 38). Il faut noter la mention qu'il fit dans son -nepi ipuXrj (Deswert,p. 73) d'une rumeur d'aprs laquelle des peuples venus du nord auraientpris une ville grecque appele Rome et situe sur la grande mer (Plut.ihid.), Hraclide ici se fait l'cho d'une tradition orale qu'il a recueillieet qu'il dnature par ignorance. D'aprs tout cela, on peut le supposerinform des lgendes populaires. Quand il parle d'un Empdolime deSyracuse, peut-tre cre-t-il le personnage de toutes pices; mais quandil introduit dans une de ses fictions Empdocle, c'est- dire presqu'uncontemporain, il ne peut procder avec une libert aussi grande. Destraditions existent, il les connat ; il doit, pour russir, en tenir grande-ment compte.

    2) Di. La. Vni, 73.3) C'tait le sujet des KaGapjuoi.

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    30lui et pas attribu de miracles. Sans cela, comment l'et-iladmir? Et puisque Empdocle faisait profession de gurirles maux des hommes, parmi ces miracles devait figurerune rsurrection ^.

    Mais bientt, dans la pense d'un imitateur de Platon,tout cela va se transformer, et le sens du vers, et la lgendequi l'avait inspir, et la tradition laquelle il avait lui-mmedonn naissance.

    D'aprs ce que nous avons vu, Hraclide dut rencontrerdes cas de femmes hystriques tombes en lthargie. Or, deson temps dj, les phnomnes du sommeil hypnotique, dumagntisme, et de l'extase produite par la musique, avaientmis l'attention en veil et provoqu des recherches intres-santes^. Les observations d'Hraclide, son rudition et sa ten-dance au romanesque lui fournirent la matire du trait irepivaujv ^. Mais sous quelle forme allait-il exposer ses ides?11 pouvait choisir entre deux cadres : le cadre plutt aristot-licien ^ o le drame est form par la vie logique des penses,et le cadre platonicien, o il apparat dans la vie extrieuredes personnages. La prose n'tait })as encore assez vieille pourque le premier part de rigueur, mme dans un trait scienti-fique; les esprits n'taient pas encore assez dshabitus desexposs mythiques pour que le second ne semblt point leplus naturel. Hraclide va donc imaginer une sorte de roman,lui permettant de prsenter ses thories d'une faon atta-chante. Peut-tre mme le rcit s'interrompait-il parfois,pour faire place de vritables dialogues ^. Il semble en effet,

    1) Voir Hraclide dans Di. La. VIII, 67.2) Voir les donnes recueillies par Bernays, Aristot. liber Wirl-ung

    der Tragdie, p. 189-191.3) Cf. Platon (T/mee, 91 B) : ... Kai vaou TravrobaTr aWa rapexei

    (v. page 26).4) Cette distinction, cela s'entend, ne doit pas tre prise en un sens

    plus strict que les autres divisions littraires du mme genre. Aristote aparfois employ la forme du dialogue, dans l'Eudme par exemple, peut-tre aussi dans le Tiepi iroiriTUJv : v. Bernays, ihid., p. 187.

    5) D'aprs Di. La. VIII, 67 : 'HpaK\eibri jLiv yp x uepi Tf| rvoubiTiYi1

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    31d'aprs un passage de Cicron, qu'Hraclide avait adoptdans ses dialogues une nouvelle manire ^Hraclide eut des tendances communes avec les Pythago-riciens 2; or, de trs bonne heure, Empdocle fut considrcomme appartenant Tcole ^. Hraclide, du reste, devaittrouver dans les doctrines et mme dans la personned'Empdocle certaines raisons de sympathiser avec lui ^ Hrcit ail pu figurer dans un dialogue ininterrompu.D'autre part, on saitqu'Hraclide affectionnait la forme du dialogue : Cf. Di. La. V, 86 :Reprai b' axoO av^jpdix}iaTa KdXXiard re Kal piaxa ' AidXoYoi, iLvrjGiK iLiv... (87) cpuoiK h... rcepi vaujv a'. ibid. 89 : 'ari b' aTUjKai |LieaT) | xi juiXrjTiKri cpiXooqpoJv xe Kai oxpaxriYiKiJv KaiTToXixiKuv vbpjv irp \\r|Xou biaXe^oiuviuv. Sur le sens de cepassage, v. Unger, Rhein. Mus., t. XXXVIII, p. 490 ss.

    1) Gic. ad. Attic, XLII, 19 : Si Cottani et Varronem fecissem inter sedisputantes, ut a te proximis litteris admoneor, meum Koiqpv TrpcFUJTTOVesset : hoc in antiquis personis suaviter fit, ut et HeracUdes in multiset nos sex de Kepublica Ubris fecimus. Strabon, 98 ; 'HpaKXebriv bxov TTOvxiKv riaiv v biaXYUJ Tuoieiv qpiY|uvov Trap PXujvi jucyovxiv ... V. Procl.. In Parmenid., T. IV, p. 54 d. Cousin.

    2) Di. La. V, 86 : XX Kai xuv TTuOaYopeujv biriKOUOe Kai x TTXot-xuuvo CriXujKer

    3) Voir l'extrait de Thophraste, p. 23 et Di. La. VIII, 56 : 'AXKibd|Liab' v xt cpuaiKUj qpriai ... xv b' 'AvaSaypou biaKoaai Kai TTuSaYopou 'Kai xoO |uv xrjv a|uv6xr]xa t\K

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    32ne faut donc point s'tonner qu'il ait fait de ce philosophe lepatron d'une de ses thories les plus originales.

    D'aprs les rares renseignements que nous possdons, voicil'ide que l'on peut se faire du curieux trait d'Hraclide.

    Il se servait, pour introduire Empdocle, du nom de Pytha-gore, son matre \ Il rappelait aussi la noblesse de son ori-gine et la victoire de son aeul Olympie. Il l'appelaitmdecin et devin et, l'appui de cette assertion risque, ilcitait le dbut des Ka0ap|uo ^.

    Or, parmi les fragments les plus connus ^ d'Empdocle,figuraient ces vers o il s'adresse Pausanias (v. 462-463 M.= 24-25 St.)qpdpjuaKa 5 crca YeTotO KaKUJV Kai Yiipao aXxapTTeuar], Tei )uoijvlu croi Y) Kpavuu xbe Tiavia.

    On ne pourrait donc s'tonner du rle important que Pau-sanias jouait dans cette histoire.

    Puis, voici ce qu'Hraclide imagine : une femme ne respi-rait plus depuis trente jours ; les mdecins se dclaraientimpuissants, lorsqu'Empdocle se prsente, suivi de sonfidle Pausanias. Une discussion s'engage ^; Empdocle rap-

    1) Du moins, cette section du irepl vauuv renfermait, propos dePythagore. une histoire cite dans Di. La. Pr. 12 et, avec plus dedtails encore, dans Cicron, Tusc, V, 3. Voir aussi Di. La. VIII, 8.Cf. Schmidt, p. 22.

    2) V. Di. La. VIII, 61 : Gev xai eT-rrev aTv Kai arpv kqI ^ctvxiv,Xaupdvuuv d)Lia Kai ir totujv tuv cttxojv (62) '*Q qpiXoi, kt\. ...(63) Myav b tv 'AKpdyavTa eiireiv qprjai [iroTauWa] irei juupidbeaTv KaTUJKOuv YboriKovTa' Gev tv 'EfnreboKXa eiireiv, TpuqpdjvTiwvaTUJv, AKpaYavTvoi Tpuqpuai juv uj aupiov iroGavoLi.uevoi, oKab KaTaOKeudlovTai dj irdvxa tv xpvov piuua,uevoi. Le mot uoTa-|u{\\a provient d'une glose : iroTauv dWoi. La dernire partie del'extrait rappelle certains fragments du uepi iqbovfi du mmeHraclide :cf. Schmidt, p. 6.

    3) Cf. Gahen, De locis aff. 6, 5 : Kai Z^t^Triaiv eqpr] jejovvax to irapoO-0iv aTpo, e juiTTUJ T^GvriKev et Di. La. VIII, 60 : 'HpaKXeibri b' vTi Ttepi vauuv qprial Kai TTauaava cpriYJ^aaoGai aTv Ta Trepi Trjvotuvouv. En essayant de concilier ces deux passages, on en arrive sedire qu'Hraclide reproduisait peut-tre une discussion entre Empdocleet les autres mdecins.

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    33pelle que la mort est un refroidissement complet des partieschaudes du sang, et le sommeil, un refroidissement partiel,plus ou moins considrable ^; or, vers le milieu du corps der'TTVou, on sentait un reste de chaleur^; la vie n'avait doncpoint cess; on se trouvait seulement en prsence d'unsommeil trs voisin de la mort. Jusqu' quel point, d'aprsHraclide, Empdocle rattachait-il le phnomne descauses physiologiques, c'est--dire l'tat anormal desappareils gnitaux ? Il serait difficile de le dire, car Pline etGalien ne paraissent point s'tre servis du livre d'Hraclide,et leurs auteurs vraisemblablement avaient cart certainslments de l'explication, afin de ne pas heurter les concep-tions plus abstraites qui taient admises leur poque. Jeserais tent de suppler aux lacunes produites par ces la-gages ; d'aprs ce que nous avons vu des tendances d'Hra-clide, on pourrait imaginer qu'il prtait Empdocle un rleanalogue celui du magntiseur de Glarque. Celui-ci seservait d'une baguette (ppbo i|;uxio^^'

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    34l'me absente; par le fait mme, il rendit aux organes leurfonctionnement normal, au corps sa chaleur et la femmela vie qui semblait perdue. Sur le champ, le bruit se rpandau dehors qu'Empdocle vient d'oprer une rsurrection %et pendant que l'on prpare un sacrifice d'actions de grces,le philosophe achve de rvler Pausanias la nature de lamaladie et le caractre du remde employ. De la sorte,sous prtexte de reproduire ou de rsumer l'entretiendu matre avec le disciple, peut-tre aussi ses discussionsavec les autres mdecins, Hraclide prsentait une thorienouvelle, tout entire de lui ; il ne faisait de l'histoire qu'unefiction commode.

    Hraclide ne prtendait pas crire pour fournir desmatriaux aux biographes. Les savants anciens ont comprisqu'Empdocle tait un prte-nom. Ni Galien, ni Plinene font allusion Empdocle ou Pausanias. C'est unhistorien, Time (Di. La. VIII, 71 ss.), qui, le premier, s'estexagr la porte du rcit d'HracHde ; sans doute, il yretrouvait, habilement confondues avec les fictions, certainescroyances populaires de la Sicile.Des auteurs modernes ont vu dans les extraits du TTepi

    voujv la trace d'un livre Tiepi ifi dTrvou, crit par Emp-docle ou par Pausanias, et dont Hraclide se serait servi. Ilsn'ont rien trouv, naturellement. Hraclide ne parle nid'un livre crit par Empdocle, ni d'un livre crit parPausanias. Il ne songe pas plus indiquer la source deses renseignements que Platon ne le fait dans des mythesanalogues.

    Je conclurai donc qu'avant HracHde, il existait une lgendede morts ressuscites par Empdocle : lgende vague, commetoutes les lgendes populaires, revtant autant de formesqu'il y avait de narrateurs. Hraclide la rdige, lui donne uneallure scientifique, non pas pour en imposer un publiccrdule, mais pour se procurer un cadre concret et atta-chant, destin relever l'expos d'une thorie scientifique.

    1) Di La. VIII, 67.

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    35Aprs lui, Hermippe exagre le scepticisme; Pline et Galienne s'intressent qu' la donne mdicale; Origne, la possi-bilit du miracle; Suidas, sa bizarrerie K

    2. LA MORT SURNATURELLE d'eMPDOCLE.Hraclide Pontique a, le premier, introduit dans la littra-

    ture les croyances populaires sur la mort d'Empdocle. Lercit qu'il nous a laiss ^ servait sans doute de dnomentau trait irepi ty\ dnvov ; il se divise en deux tableaux :

    D'abord, le festin avec la disparition ; sauf quelques dtails,o s'annonce la supercherie, et qui furent insrs plus tard,l'ensemble est d'une imagination qui se complat dans desscnes thtrales, conues du reste avec got : un sacrificeet un festin ^ d'actions de grces, aprs une victoire rem-porte sur la maladie ou la mort; puis la nuit; des confi-dences; des voix et des lueurs clestes*; une disparition; desrecherches, enfm un geste d'adoration. Dans cette faonde concevoir une apothose, l'intervention de la divinit n'arien des fracas du Sina; elle n'voque aucune image tropmatrielle ou trop sensible; sereine et discrte, elle est djtout entire dans l'impression et dans le sentiment : c'est

    1) Hermippe, dans Di. La. VIII, 69 ; Pline, Galien et, Origne, passagescits, p. 25 ss. ; Suidas, au mot irvou.2)Di.La. VIII,67, ss. V. p. 6.3) Le festin, qui revient souvent dans la lgende d'Empdocle (Di. La.,

    VIII, 64, 70; Jambl., Vie de Pijth., 113), est un des motifs les plusconnus. Il fournit le sujet d'un genre de fiction trs la mode depuisPlaton et Xnophon surtout.

    4) On serait tent de voir dans ces dtails la marque des doctrinesd'Hraclide sur la nature des mes qu'il disait de lumire pure, et surleur sjour qu'il plaQait dans la voie lacte. Mais il ne faut pas oublierqu'Empdocle, d'aprs ce rcit, ne quittait pas son corps : il aurait tenlev au ciel corps et me, Sur le rle du feu cleste dans les apo-thoses, v. Gic. De nat. deorum, 3, 57 : Aesculapius fulmine percussusdicitur humatus esse Cynosuris. V. aussi Rohde, Psych II, 510, note 2.Le cpO opdviov dont il est question dans le rsum du rcit d'Hraclide(Di. La. VIII, 68) dsignerait-il la lueur des clairs ? Lactance {Divin.Instit., III, 18 ; t, I, p. 406 Migne) dit que la disparition d'Empdocle eutlieu intempesta nocte.

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    36l'me, pour ainsi dire, que se rvle la prsence et l'actionde Dieu.La seconde pariie du rcit d'Hraclide (mort d'Empdocledans l'Etna, dcouverte de la supercherie) est d'une couleurdiffrente : on est tent d'y deviner une pointe de raillerieet de scepticisme.

    Cette division du rcit d'Hraclide est si naturelle, que lecompilateur, voulant ajouter quelques dtails fournis parHermippe, attend la fm du premier tableau pour s'inter-rompre et les intercaler (v. p. 6).Tout le rcit a-t-il t invent par Hraclide Pontique? Je

    ne le crois pas. Son but tait de faire connatre une thoriescientifique. Empdocle et Pausanias lui fournissent seule-ment un cadre concret dont il a besoin. Hraclide aurait-iloubli les rgles de la composition au point d'attirer toutel'attention sur les fantaisies du cadre, et de laisser l'arrireplan l'ide matresse de l'uvre ? Non. Or, cela se seraitproduit, s'il avait fait autre chose qu'arranger des lgendesdj connues et cr lui-mme le fond d'un aussi joli romandDe plus, si le tout venait de lui, l'ensemble serait mieux

    1) Un passage de Proclus semblerait premire vue s'accorder malavec cet argument (In Parmenid., t. IV, p. 51', d. Cousin) : t bTravxeXO dWTpia tjv Tro|uvajv eivai, KaGd-rrep Ta to 'HpaKXeibouToO TTovTiKO Ktti OeoqppdaTou biaXYUJv, uaav via Kpiaeuu .uex-Xouaav KO)]v. Mais, d'aprs l'interprtation que Schmidt (p. 30) a donnede ce texte, il parat se rapporter des introductions servant de pr-face (voir Gic, Ad Attic, XVI, 6 ; IV, 16), tandis que le rcit de la mortd'Empdocle venait vers la fm du TTepi Tf| dirvou : v. Di. La., VIII, 67 :'HpaK\e{br| |uv ycip t irepi Tr\c, dirvou biriYncFd|U6vo, ib boEdaOji'E|LnreboK\f roaTeiXa xrjv vexpv dvGpuu-rrov Z^Oaav, qprjaiv ti BuaavauveT\ei Tip tl TTeiaidvaKTO Ypuj ktX. D'autre part, le juge-ment des anciens sur la forme des crits d'Hraclide est trs logieux.V. Di La., V, 86 et 89. La considration dcisive est la suivante : onvoit dans les mythes crs par Hraclide un rapport troit avec les doc-trines philosophiques qu'il s'agit de prsenter; or, ici, il serait difficile derattacher l'histoire de 1 airvou le rcit de la mort d'Empdocle dansl'Etna. En quoi la fin singulire du thaumaturge pouvait-elle contribuer relever la thorie des suffocations hystriques? Tout devient clair, sil'on suppose que ce dnouement tait impos par les traditions.

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    37fondu en une histoire continue; on ne sentirait pas un heurt,unejointure mal faite entre deux morceaux de caractre diff-rent. Enfin, le sicilien Time, qui avait visit son pays envoyageur intelligent, attache une grande importance cercit ; il le traite comme une synthse de la lgende. 11 yvoyait donc autre chose que de la fiction et de la fantaisie.Conoit-on d'ailleurs qu'un historien, cherchant la vrit surla mort d'un personnage, aille discuter un pur roman? Timeattaque Hraclide, et n'attaque que lui. Pourquoi ? Parce queHraclide avait tir parti d'un ensemble d'ides trsrpandues sur la mort d'Empdocle.Pour toutes ces raisons, bien qu'au del d'Hraclide

    Pontique il n'y ait plus de traces de la lgende, je suisabsolument convaincu qu'elle existait, vague et flottantedans ses contours, prcise seulement par sa couleur.

    Quelle serait, dans le rcit d'Hraclide Pontique, la partdes donnes antrieures lui?Cette question ne peut recevoir qu'une solution approxi-

    mative.Il devait y avoir, d'abord, une lgende sur la disparition

    miraculeuse d'Empdocle, enlev au ciel corps et me.L'imagination du peuple ne conoit pas une apothose o lecorps soit absent ^ : ce qu'il divinise, c'est ce qu'il a vu,entendu, touch; c'est l'expression du regard, les traits,l'attitude, le vtement lui-mme. Qu'a-t-il retenu d'Emp-docle, sinon tout cela?Quand nous disons le peuple, il ne faut pas entendre parce mot une entit spciale, quelque chose de Vens univer-sale des ralistes du moyen ge ; c'est, au fond, une sried'individus, qui, dous d'une vision plus nette, donnent uneforme prcise l'impression conserve. L'imagination de cespremiers narrateurs ne fut pas sans caprice : aussi la lgendedut-elle revtir l'origine des formes varies. Entre autres

    1) Cette remarque se dgage des donnes runies par M. Rohde^Psych, t. I, p. 63 ss. Je ne sais d'ailleurs si M. Rohde souscrirait auxexplications que je donne ici, et je le cite uniquement pour m'pargnerde noter les exemples de divinisations analogues.

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    38versions, on conut d'assez bonne heure sans doute l'histoired'Empdocle se jetant dans l'Etna, histoire laquelle unegrande complexit de facteurs pouvaient donner naissance :

    1. Tout d'abord, un rapprochement, trs naturel en Sicile,de deux choses extraordinaires : la mort merveilleuse d'unthaumaturge, et le phnomne par o se rvle le plusclairement dans le pays la puissance de la nature. Pour ledieu Empdocle, l'le ne pouvait fournir qu'un seul bcherconvenable : le cratre de l'Etna.

    2. Certains vers o Empdocle dcrit le sort du dmon exildu ciel. 11 le reprsente ^ poursuivi par la colre de l'ther qui le prcipite dans la mer; puis, la mer le crache - sur ley, sol de la terre ; la terre, dans les rayons du soleil infati- gable; celui-ci le rejette dans les tourbillons de l'ther. Cesvers ont pu contribuer, comme beaucoup d'autres, la for-mation de la lgende. D'autre part, une ide rpandue attri-buait au feu la vertu de purifier ^ ne laissant subsister ducorps qu'une poussire, un souffle, plus capable de s'leverjusqu'au sjour des dieux. Pourquoi n'aurait-on pas imaginqu'Empdocle, voulant hter son retour au ciel, tait all sejeter dans le cratre, afm que de l son me s'envolt versles rayons du soleil infatigable ?

    3. Une certaine analogie entre la lgende d'Hracls etles grands travaux attribus Empdocle par les habitantsd'Agrigente, de Slinonte, peut-tre aussi de Gela, condui-sait un rapprochement des deux apothoses *.

    4. Cette tendance, qui poussait Empdocle scruter lessecrets de la nature, dut le faire entrer, aux yeux du peuple,

    1) Mull. 32 ss. = 377 ss. St. : 'Aiepiov |uv yctp aqpe |uvo uvrov&ebiduKei, TTvTo b' xov ouba irTrTuae, yaa b' a\)^c, iieXiouKdjaavTo, b' aiepo ,upaXe bivai.

    2) C'est propos d'expressions de ce genre, sans doute, que Timon(D. L. VIII, 67) appelle Empdocle yopajuv \i-ik)-|t^v -nujv.

    3) Voir les pigrammes de Diogne Larce, VIII, 75.4) La lgende d'Hracls est extrmement populaire en Sicile. Stsi*choreTa clbre dans ses pomes lyriques; elle est galement un des

    thmes favoris de la comdie mythologique sicilienne chez Epicharme :Hpa Y|uo Boaipi 'HpaK\fi irap OXiu, etc.

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    39dans la catgorie des martyrs de la science. On retrouve,dans l'histoire des littratures, certains lieux communs delgendes : tout grand capitaine doit avoir un cheval, un glaivemerveilleux; il doit, la veille d'une bataille, dormir d'unprofond sommeil ; de mme, il convient que le savant semartyrise et donne sa vie pour la science. Aujourd'hui, ilsera us par les veilles ; autrefois, on le faisait prir d'unefaon plus violente, mieux accommode au got d'un tra-gique extrieur : on connat l'histoire d'Archimde, et celled'Aristote se noyant dans l'Euripe. C'est sous une forme dece genre que le souvenir d'Empdocle s'est conserv enSicile. On montre encore prs de Gatane la torre del filosofod'o Empdocle observait les ruptions.Entre la premire apothose et la supercherie rapporte par

    Hippobotos (Di. La. VIII, 69), se placerait donc une formeintermdiaire, de la lgende, admettant la mort dans l'Etna.Puis serait venue l'histoire des sandales d'airain et de l'checfinal.Dans cette superposition de rcits, quelle place faut-il

    donner la narration d'Hraclide ?Il avait rapport la chute d'Empdocle dans le volcan (cf.

    Time, Di. La., VIII, 71 et 72), mais il est plus que douteuxqu'il ait parl des pantoufles rejetes avec la lave ^ Lesthories du TTepi t^ duvou taient places sous le patronagedu philosophe : on ne comprendrait pas qu'Hraclide luiet, plaisir, prt une mort ridicule. Objecterait-on que lachute dans l'Etna a dj, par elle-mme, ce caractre? Jerpondrais qu'Hraclide ne l'a certainement pas invente;il l'admet parce que la tradition l'impose, et sans doute, ilne cherche pas la montrer sous un jour dfavorable.

    Veut-on maintenant se reprsenter comment les deux ver-sions si diffrentes de la mort d'Empdocle ont bien pu seconcilier dans le rcit du disciple de Platon ? Aprs avoirracont le festin, la disparition et l'apothose, HracUde

    1) Diodore d'phse (Di. La. VIII, 70) qui est certainement postrieur Hraclide, parat ignorer cette histoire. Pour plus de dtails, voir l'tudeconsacre Hermippe.

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    40baissait le ton; usant de l'ironie lgre qu'il avait apprise l'cole de son matre, il indiquait, discrtement sans doute,la version de l'Etna, capable de contenter les rationalistessans cependant trop dsillusionner les amateurs de merveil-leux.

    Les autres versions de la mort d'Empdocle vont segreffer sur celle-l : Diodore d'phse la rattache l'histoirede Slinonte que nous allons rapporter; Time la rfute et seborne dire qu'Empdocle est mort dans le Ploponse; cette assertion pleine de rserve, le Pseudo-Tlaugs etNanthe veulent substituer des narrations trop prcises.Vient alors le pamplet Tiepi Gavicjuv avec la farce des pan-toufles ; elle fait fortune. Strabon cependant refuse d'y croire:il se fonde avec raison sur la topographie de l'Etna. Quant Dmtrius de Trzne, il aurait imagin qu'Empdocle s'taitpendu. Puis viennent les allusions plaisantes ; tant d'auteurssont heureux de trouver dans la fable de l'Etna matire calembours et lazzis faciles : Horace, Lucien et DiogneLarce, Hermias et Grgoire de Nazianze.

    TLMEEDe tous les historiens, Time est celui qui fournit les ren-seignements les plus srieux sur la vie d'Empdocle. L'au-

    teur de la biographie avait recouru au texte mme de sesHistoires, car il indique, sauf une fois (Di. La. VIII, 64), lechiffre exact de la section laquelle appartiennent lesextraits : 1, 2, 4, 9, 15, 18; et, dans un passage (VIIL 71 et72), il reproduit les expressions dont Time s'tait servi.D'autre part, Hippobotos tait un chercheur mthodique;si Time lui fournit le quart de la biographie, c'est que, ses yeux, Time tait l'auteur le plus net, ou le plus complet,ou le plus sr, ou le tout la fois. Certainement, il devaitl'emporter par l sur Philistus et sur Antiochus ; depuisceux-ci, en effet, l'attention s'tait porte de plus en plusvers l'individu. Aussi Time dtache-t-il, mieux qu'ils nel'avaient fait sans doute, le rle personnel d'Empdocle dans

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    41l'histoire d'Agrigente. Il est pouss par une sorte de curiositque ses devanciers, historiens purement politiques, n'avaientpoint connue. Enfin, il a pu profiter des donnes quitaient en relief dans les comdies de parodie.La comdie moyenne Athnes prenait comme sujet de

    satire les potes et les philosophes. Gratinus le jeune mettaiten scne les doctrines de Pythagore dans deux comdies aumoins; Mnsimaque, dans son Alcmon, traitait un sujetanalogue^; une autre comdie portait le titre de Oap^aKO-TTUjXn, rxA.pothicaire. Aristophon, contemporain d'Alexandrele Grand, avait compos^ une comdie intitule nuGayo-piOTii. Or, nous sommes en Sicile, dans la patrie d'picharme,de Phormis, de Deinolochos, et sans doute de bien d'autrescomiques ignors. De plus, Empdocle offrait prise lamoquerie, soit comme philosophe, soit comme homme poli-tique ou orateur, soit comme thaumaturge ou mdecin. Etpas un comique ne l'aurait exploit ? C'est invraisemblable;aussi serais-je fort tent de voir, dans certaines donnes, latrace des comdies dont nous devons bien supposer l'exis-tence. Aulu-Gelle, par exemple, rapporte au sujet d'un desprceptes les plus connus d'Empdocle une interprtationqui ne pouvait tre naturelle que dans une scne aristo-phanesque ^, et Philodme range Empdocle au nombre des

    1) Di. La. VIII, 37.2) Com. Gr. fragm., d. Meineke, p. 505.3) IV, 11 : Ac de animalihus Alexis etiam poeta, in comoedia quae

    TTu6aYop{Z;ouaa inscribitur, docet. Videtur aiitem de Kud|ULu non esitatocausant erroris fuisse, quia in Empedocli carmin, qui disciplinasFijthagorae sequutus est, versus hic invenitur :

    AeiXoi, TrdvbeiXoi, Kudf^uuv iro Xepa execrGai.Opinati enim sunt plerique Ka^ov legumentum vulgo dici. Sed quidiligentius scitiusque carmina Empedocli arhitrati sunt, Kud^ou hoc in

    loco testiculos signiftcare dicunt ; eosque more Pgthagorae operte atquesymholice Kudfiou appellatos, quod sint e t Kuev beivoi xai aTioi roOKuev, et geniturae humanae vim praebeant; idcircoque Empedoclemversu isfo non a fahulo edendo, sed a rei venereae proluvio voluisse homi-nes deducere. Le mot p^ivGo a donn lieu des plaisanteries ana-logues : voir Aristophane, Acharniens, 801 ; Grenouilles, bib; voir aussil'emploi du mot KpiGr) chez Aristophane, Paix, 965; etc.

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    42philosophes et des potes que les comiques anciens avaientridiculiss ^.La parodie proprement dite n'avait pas pargn les uvresd'Empdocle ^; de ce ct encore, la lgende d se grossird'lments que l'on ne pourrait dterminer.Time parat bien n'avoir nglig, relativement Emp-docle, aucun des renseignements qu'il pouvait recueiUir : ils'occupe de sa famille et de ses matres (Di. La. VIII, 51) :T 6' aT Ktti Tijuaio v t} TTevreKaibeKairi tOv axopiujv,7TiO r|)uov dvbpa yeYOvvai tov 'E|UTTeboK\a, tov TraTTTrov toTTOiriToO. Di. La. VllI, 54 : AKOoai 6' arv TTuGaYpouTjuaio bi xfi viri lOTOpei, Xyuuv ti KaiaYVuuaGei TiXoYOKXoTTa Tie, Ka0 Kai TTXdTuuv, tOuv Xyujv KuiXuGri)UTxiv. MejuvrioGai 5 xai aiv TTuGaYpou XYOvia.

    Hv h Ti v KeivoiCiv vrip Trepiuboia eibuu,o 5ri |uriKiO TOV TipaTTiboiv eKiricraTO ttXotov.

    01 b TOUTO ei TTap)aev5t iv aiv XYeiv dvacppovTa.Time connaissait la victoire remporte par l'aeul d'Em-

    pdocle aux jeux de la soixante-et-onzime olympiade (Di,La. VIII, 51); il serait donc assez singulier qu'il et, endonnant Empdocle pour l'auditeur de