ElenaGuimard

LaBastideauxloups

V–Vengeance

Droitsd’auteurElenaGuimard

Mars2015Tousdroitsréservés

V–VengeancePourceuxquisouhaitentserafraîchirlamémoireavantdecommenceràlire,unrésumédesquatrepremiersépisodessetrouventàlafindulivre…

Bonnelecture

TabledesmatieresChapitre1:RetourverslabastideChapitre2:ExplicationsChapitre3:VisiteauxcachotsChapitre4:AlphaChapitre5:PrisedeconscienceChapitre6:RévélationsChapitre7:LeprocèsChapitre8–AttributionChapitre9:Surprise!Chapitre10:GrossefrayeurChapitre11:MiseàmortChapitre12:MétamorphoseChapitre13:Miracle?Chapitre14:Humain?Résumédesépisodes1à4

Chapitre1:Retourverslabastide

Manon:jeudimatin,17décembreàSalon-de-Provence.

Nous avions convenu avec Julia qu'elle passerait nous chercher ce jeudi. Après avoirrécupéré,àlafacd'Aix-en-Provence,ledossierd'inscriptiondeGabriel–lepetitfrèredemonchéri – pour sa nouvelle école.Mon ex-mari étant parti en opération auGabon avant que lameuteneluimettelamaindessus,ellen'avaitenvoyé,decefait,personnepournousprotéger.Un des membres lycanthropes a quand même piraté – sur ordre de Joseph, l’Alpha de labastide,leterminaldel'aéroportdeLibreville.L'alarmesedéclencheradèsqueJulienvaliderason billet retour. – J’ai toujours autant de mal à prononcer son nom sans qu’une envie devengeancemesubmerge. Il trouveraunsacrécomitépour l'attendreàsadescented'avionàMarignane,j'enjubiled'avance.

Nous remontons tous les trois à la bastide cet après-midi. Je présume qu’elle est plutôtinquiète à l’idée de me confier Morgan lors du trajet, vu dans quel état elle m'a laisséedimanche. Il fautavouerqu’ellen’apas toutà fait tort, pensé-jeavecunepointededérision.Avec la somme de catastrophes qui se sont abattues sur moi ces derniers temps et mapropensionàm’évanouir,ellepeutcraindrepourlaviedesonfils.Non,jesuisméchante!MaisilestvraiqueMorganauraitdumalàconduiresoussaformedeloups'ilm'arrivaitquoiquecesoit,cequijustifielesdispositionsprisesavantsondépart.

Tenir jusqu'à demain… Si tout se déroule comme on l’espère, Morgan se retrouvera ànouveauhumainpourtroisnuits...Hum!J'enrêveéveillée.

Nous sommes à la cuisine – sous la supervision de Morg, qui m’initie aux techniquesculinaires –, lorsque Julia tape à la porte.Mon chéri possède une patience d'ange,mais s’ilveutmangerun jourquelquechosedecorrect, jepensequ’il faudraqu’ilenvisage lecontrôletotaldemoncorps.Quand j'avoueque jesuisunecatastrophepouraccommoderunesimplerecette,c’estpeudire !Tropdesel…pasassez.Jeneparvienspasàdoser les ingrédientsnécessaires.

–Quenousprépares-tudebon,Manon?À lagrimaceque j’affiche,ellesourit.Goûteetdécrètequ'ilseraitpeut-êtrepréférablede

déjeuner sur le trajet, prétextant des amis restaurateurs à me présenter. Puis, après monaccord, Julia flanque ma tambouille à la poubelle. Ni Morg ni moi ne sommes dupes. Lesoulagementànepasavoirbesoinde«déguster»mespremièresœuvresmefaitpousserungrossoupirquin'échappepasàMorg,sonriretinteàlalimitedemaconscience.

Nous avons gagné au change, sans problème. Les petits plats servis à l'auberge serévèlent délicieux et les patrons charmants. Ils ne font pas partie de la communautélycanthrope.MaisJulias’avèreunehabituéedepuisquelquesannéeset ilsavaient finiparselierd’amitié.

Lorsdurepas, lechef,Serge,vient taillerunebavetteavecnousetcomplimenteJuliasursasilhouetteetsonéclatantebeauté,lasuppliantdeluivendresonsecret.Jesenslereplidecelle-cietsonregards’estvoilé imperceptiblement.Jen’avaispasencoreréaliséquenepasvieillir pouvait constituer un handicap par rapport aux humains. C'est sans doute une desdernières fois qu'elle les voit, le fait qu'ils se soient rendu compte que sa jeunesse perduraitincarneun danger pour lameute.Puis,mespenséesdérivent vers Janice, un pic d’angoissem’échappeetaffoleMorg.

–Noustrouveronsuneissue,jetelepromets!Tunelaverraspasvieilliretmourir.–Comment?– Nous chercherons une solution, même si cela est très rare, des cas se sont déjà

présentés.DisaurevoiràSergeetValérie,ilsattendent,nousendiscuteronsdehors.Nousnenousattardonspas.LorsquenousmontonsenvoitureJuliaprendlaparole.–Tucomprendsàprésentpourquoi leDonestproscritentrenouset leshumainsquisont

mariésouontdesenfants.C’estpourcette raisonqueMorgaagidecettemanièreet s'estretrouvé bloqué. Par son renoncement, il t’a protégée ainsi que ta fille des lois parfoisobsolètes de notre communauté. Heureusement pour vous, tu n’en as qu’une ! Il existe dessolutionsafinqu’elle intègreaussi lameute.Néanmoins,pour cela, il fautqu’elleatteignesesquinzeansetquel’undesnôtresselieavecelletoutesavie.

–MonDieu!Tuinsinuesqu’elleseraobligéedes’accoupleravecl’undesvôtres.—Puis,j’airéalisél’affrontquepouvaitreprésenterlaphraseénoncéecommecela.Pasquejeveuillesous-entendre que celame dérange, plutôt sur le fait que cela s'avère assez intime... vu laconnexionentreMorganetmoi...

J'aidumalàrattrapermabévue,j'enbégaiepresque.–Non, si ellene trouvepasuncompagnonparmi les loups, undesnôtrespartagera son

aura. Mais nous en discuterons quand le temps sera venu. De toute manière, l’accord duConseilet lesienserévélerontnécessairesavantd'agir.Elleabientôtdouzeans,nousavonsencoretroisanspourmettreenplaceundénouementquiconviendraàtoutlemonde.

Le reste du trajet,mes pensées sont dirigées vers la bastide. Les pourris, complices de

mon ex-mari, passeront en procès ce soir. Simulacre de justice, juste parce que je l’aidemandé.Néanmoins, jeveuxvoir la frayeurenvahir leursyeux ;entendre leurcœurs’affolerdans lapoitrine ; leur souffleaccélérerdepeurquand l’unde lameutesechangeraen loup-

garoudevanteux.JosephaséparélesdeuxcomplicesdeJulien,GussetLudo,selonlesrecommandationsde

Julia. Ilsn’onteudecontactdepuis lorsqu'avec leursgeôliers lorsqu’ilsamènent le repasdujour.Ilsignorentquilesacapturés.Sic’estlamafiaafinderécupérercequeleurdevaitJulienoud’autrespersonnesàqui ilsontcausédutort.Depuistoutcetemps,ceuxqui leshaïssentdoiventêtrelégion.J'enaieuunaperçu–enrelayantl'échangementalentreMorgetManon—dans lespenséesdeGusspendant l’interrogatoire.LesacolytesdeJulien représentent la liede lasociétéetvontpayerpour leurscrimes.Pasderemisedepeine,pasdeprison…justeeuxet lanature. J’ai une idéeprécisede lamanièredont ilsmourront.Unsourire carnassierjoue sur mes lèvres, je cache cette partie de mon plan à Morgan, j’ai peur qu’il me juge…Pourtant,malouveensoupired’aise.

Oui,ainsiceseraitparfait!

Chapitre2:Explications

Morg/Morgan:le17décembreàlabastideendébutd’après-midi.

Demain, la lune sera pleine. J’espère tant me transformer à nouveau que cela me rendfébrile.Encoreune longue journéeetune longuenuitàpatienteravantdeserrerManondansmesbras.Heureusementquel’onnesequittepas.Jenepourraispluslesupporter.

Cesoir,leconseilseréuniraetnousjugeronslesdeuxcomplicesdeJulien,GussetLudo.Hugo,souslesindicationsdeJulia,lesaséparésavantleurarrivéeàlabastide.Ilslesont

transportéschacundansunvéhiculepourqu’ilsn’aientplusaucuncontactentreeux. Joseph,notreAlphaquilesaréceptionnéssaitagirpouraffaiblirunepersonne.

Manon range lesaffairesqu'elleasortiesdesavalise, lorsqu'ellesurprenddesbribesderéflexions s'échappant malgré moi. Elle me pose des questions. Son côté reporter prend ledessus, elle est tellement avide d'apprendre et de s'intégrer à notre façon de vivre. Sonouvertured'espritmeravit.

–DepuisquandJosepha-t-illachargedelameute?–Cela fait presque trois cents ans qu’il se trouve à la tête de notremeute. Il a pris le

contrôledecelle-ciaprèsledécèsdel’ancienAlphaabattudansleVercors,ilétaitalorstrèsjeune.Àl’époque,lachassecontreleslupusbattaitsonplein.ElleaatteintsonapogéesuiteauxévénementsimpliquantleloupduGévaudan.Cesmeurtresensériede1764à1767ontdéclenchéunevéritableaversionenvers les loupsetparconséquent lapeurdu loup-garou,cescrimesodieuxontchangénotreexistence.Cen’étaitpasl’undesnôtresniunlouprestésauvage par ailleurs, le responsable. Nos petits cousins sont bien trop craintifs pours’attaqueràl’homme.

Ilnousafallunouscacherd’autantplus.EtlamoindresuspiciondeCanisLupusdanslesparagesengendraitl'effroidansleschaumières.

–Maisvousétiezinnocents!s'exclame-t-elleàvoixhaute.– De ces crimes-là, oui ! N'oublie pas les croyances de l'époque. Les gens étaient

crédulesetillettrés.Lareligionmenaitlemonde.Quoidemieuxquestigmatiserdesbêtes?Les transformant en monstres pour tenir la population par la peur. Nous avons trouvé lescoupables après les avoir pistés pendant des mois. Deux humains, des frères, battus ettorturésparleursparents.Depauvresdiables,simplesd'esprit,quireproduisaientlessévicesqu’ils avaient subis, s’enprenant àplus faiblesqu'eux.C’est leur premiermeurtre, prèsdeLangogne, surune fillettedequatorzeansqu'ilsavaient rouéedecoups,mordueetgriffée

pendantqu’ellesedébattaitquiadéclenchécettephobie.Cemeurtreaorientélessoupçonssur nous et a déclenché la grande chasse au loup. Quand un des enquêteurs chargés del'affaire a demandé si personne n’avait vu des loups dans les parages. Dans leur espritmaladeagermél’idéedemettrecepremiercrimesurlecomptedesnôtres…Ensuite,pourcouvrir leursméfaits, ilsattrapaientdeschienset laissaientdesempreintesdepattesausoletdespoilssur lecorpsdespersonnesviolentéespourcamoufler leursforfaits.À l'époque,celaavait suffi pourégarer ceuxquiavaient la chargede l’affaire. LameutedemononcleAlastairlesacueillissurlefait,maisenarrivanttroptardpourleurdernièrepetitevictime.

–Etaprès,ças'estcalmé?– La chasse au loup a perduré une bonne centaine d'années. Mais à partir de cette

époque, notre communauté a commencé à se protéger, se regroupant dans des valléesisoléessousladominationd'Alphas.Nousavonsprofitédelarévolutionde1789pourentrerenpossessiondeterres.Lesplusfortsdesnôtresontobligé,parpersuasionpsychique, lesseigneursàsignerlesactesdesventesfictivesetlesmeutesontfinipars’organiser.

–Connais-tul'originedesloups-garous?–Personne ne sait pourquoi nos ancêtres ontmuté au départ. Était-ce à la suite d'une

morsurede loup?Unaccouplement interdit?Toutcequenousconnaissons,c’est l’originedenotreclan.UnepartieprovientdesHighlandsetl’autredeHongrie.Toutdumoinsest-celàques’estétablielahordequivenaitdeSibérieàl’originedesCanisLupusAlbus.Cequifaitla diversité de nos clans. Tu le constateras lorsque nous serons tous sous notre formeprimaire.Néanmoins,celas'estpassédansdestempsimmémoriaux.

– J'adore ce que tu me racontes et j'aimerais me plonger dans vos archives un de cesjours,maisj'aipromisàJuliadel'aideràlacuisine;ellenesaitpasàquoielles'engage,finit-elleavecungrandsourireenpassantlaporte.

Jerestelà,songeur.Nousignoronsencorebeaucoupdechosesconcernantnosorigines,etce que nous vivons Manon et moi en fait partie. Puis mes idées dévient et je repense aumonologuedeJulien,cejour-là,alorsqu’ilaccomplissaitsonignobletravailpourtuermadouce.Finalement,Manonn’étaitpasenreportagecefameuxaprès-midioùelles’estretrouvéesurlaroutequibordenotrepropriété,c’étaitbienuntraquenard!PasétonnantqueJulienait insistépourqu’ellearriveàl’heureàcesoi-disantrendez-vouspourrécupérersafille.Ilavaitplacélesexplosifsàl'avance;defaçonàcequel’arbretombe,entraînantunepartiedelachaussée–fragiliséeparlespluiesdiluviennesdeladernièretempête–,ainsiquelavoituredansleravin.Guss, soncomplice,attendait lepassagedeManonetamis le feuà lamècheenvoyant levéhiculeapprocher.Lechocafaillilatuer.L’angoissecumulée,combinéeàlaséparationd’avecJanice, a favorisé son amnésie traumatique. Elle aurait sans doute recouvré ses souvenirslorsqu’elle aurait serré son enfant dans ses bras. Je pense qu’il s'en doutait, c’est pour cela

qu’ilrefusaitleursretrouvailles.Ilavaitprogrammél'assassinatdeManon.Sansremords,toutcelapourdel’argent.J’avais

reconstitué le scénarioengrandepartie. La ragemonteenmoi.S’il se trouvait là, à l’instantprésent,jel’égorgeraisavecjoie.Cependant,ilfautquejeprenneencompteManonetJanice.Celarisquedemodifier l’attachementdemadouceenversmoi.Elleabeaudire, ilest lepèredesafille.Ellel’aquandmêmeassezaimépourl’épouseretresteravecluipendantonzeans.Jenesuispasjalouxdelui,j’aisuffisammentaccèsàlapsychédeManonpoursaisirquejeneredoute rien de son passé. Par contre, elle dissimule une partie de sa mémoire, j’en aientraperçu quelques bribes et la haine flamboie à nouveau dans mes veines. Les brutalitésqu’elleasupportéesl’ontmarquée,quoiqu’elleprétende.Elleveutoublier…Jeluiferaiperdrejusqu'au souvenir des étreintes de Julien, pour les remplacer par les miennes ; comme s'iln'avaitjamaisexistéetavecletempsjesaisquej'yarriverais...Jel’aimetantquej’enaimal.

Ledésespoirm’envahit à l'idéeque je ne retrouverais jamaismonhumanité pour vivre augrand jouravecelle.Qu’ellepuissemeprésenteràsesamis,àsa fille…Jecroyaisassumercettetorture,maispeuàpeuledécouragementgranditenmoi.Celasecalmerasijereprendscorpsdemain,puislesuppliceamplifieraentrelesdeuxphaseslunaires.Douzejoursàtenir,jem’yhabituerai;c'estjusteuneaffairedemental…J’yparviendrai...pourelle.

Elle s’approche. Je masque mes pensées. À présent, je ne laisse filtrer que ce quim’arrange. Le plus gros du transfert est passé et j'ai réussi à bloquer le plus important.Heureusement qu’elle n’a pas réussi à analyser complètement mes émotions, tropd’informations ont atteint son cerveau pour qu’elle en prenne connaissance en totalité. Lespremiers jours sont vraiment déstabilisants : se retrouver liés engrangede tels changementsdansnospsychésquecelam’étonnequ’ellen’aitpasdisjoncté.DepuisqueManonarecouvrésa mémoire, elle ne s’est plus évanouie. Son mental s’est renforcé, c’est une battante, madouce,etsalouveintérieuresembledélicieusementsauvage.Monpoilsehérissedeplaisirrienqued’ysonger.

Nous effectuons la tournée des bergeries. Gabriel et Manon m'accompagnent, celle-ci

relaiemesquestionsetréponses.Cen’estpasl’idéal,maisaumoinsj’ail’impressiondeservirencoreàquelquechose.Il fautquejemedécideàformer l’undesnôtrespourmeremplacerquand Gabriel sera à l’école. Ou tout du moins demander aux autres meutes s’ils peuventdétacherl’undesleurs,spécialisésdanslessoinsvétérinaires.Gabrielpartirad'iciquatrejourspour visiter nos cousins versNontron. Il balanceentre l’envie de se retrouver un peu libre etl’angoissedenousquitter.Deplus, il s’estbeaucoupattachéàManon,etdemesavoirainsidiminuécontribueàledéstabiliser.

–Net’inquiètepas,toutirabienpournous,lerassuremadouce.Noussommesensemble.

Morganpeutcommuniqueravecmoietlesvôtres.Queveux-tuqu’ilnousarrive?Cesoir,nousrégleronslaquestionpourdeuxdessalopards.Ensuite, ilneresteraplusqu'àcueillirmonex-mari lorsqu'il remettra lepiedenFrance.Età trouverunesolutionpourMorg.Tuvois !Riend'extraordinaire!

Gabrielestpartiàrire,soulagéparl'humourdeManon.Moiseulconnaisl'étenduedesespeurs.

Unrictusseformeaucoindesalèvrequandelleenparle.Hum!J’adoreça.Voirsapartiesauvage prendre le dessus et la rendre plus impétueuse me réjouit. Elle ne présente plusaucune communemesure avec ce qu’elle était avant que nous soyons liés, elle est devenuefemme.Julienavaitépouséuneenfantetl’avaitmaintenuedanscestatut.SapeurpourJaniceet le lienquis’estnouéentrenousen fontune louveet j’aime lasavoirsi forteet indomptée.J’aiaperçu lorsdenoséchangesmentauxcequ’elleaconçucommechâtimentpour les troisordures. Jen'auraispas trouvémieux. J'aiespoirqu’elleaccepteraceque jem'apprêteà luidévoileravantlasessiondecesoir.Jefrémis.Etsi…Nepaspenser!

Si tout va bien, elle l'annoncera lors du conseil et je présume qu’ils apprécieront sonscénario.Ellepossèdevraimentune imaginationdébordanteetunemanièrededémolirJulientout en préservant sa fille qui en remontreraient aux plus grands écrivains. D'y songerm’occasionne un frisson d’anticipation. Je jappe de plaisir à cette idée. Et Manonme souritavecindulgence,commesij’étaisungaminauquelonoffreunjouet.Cequiestunpeulecas.

–Qu’est-cequilerendaussijoyeux?interrogeGabriel.–C’estprivé,moncherami,rétorque-t-elle.Ils’esclaffeetreprendsatournéeversunebrebisquiadumalàmarcher.«Bon!Pastrèsgrave!Unesolutiondebleudeméthylèneaprèsl’avoirdésinfecté;ellea

dûseprendredanslesbarbelésd’uneclôture.Pasd’autresblessés?»–Gabriel!Morgandemandesituasterminéaveclesvisites.–Oui,c’est ladernièrebêteque jevoulais luimontrer.Àprésent, ilvapouvoircourirpour

noussuivre.Tumontesàchevaldemieuxenmieux,tudevraiscommenceràpratiquerunpeudesautd'obstacle.Car cheznous, lescheminssontassezaccidentéset il vautmieuxsavoirgérertoncheval.

–Tuytiensvraiment?questionne-t-elle,unpeuinquiète.– Tout à fait ! Ainsi tu essaieras demaîtriser ta jument avec tonmental,Morgan pourra

t‘aiderparvotrelien.Jenelasenspastrèschaudeàcetteidée.«Dis-luiquetuattendsdepasserlesneuflunespourt’yessayer;celatedonneraunpeu

derépit.»Cequ’elles’empressedeluirépondre.

– Ouais, c’est peut-être encore un peu tôt, j’oublie toujours que la mutation n’est pasachevée. Te rends-tu compte que tu as à peine passé ta cinquième lune ?C’est incroyable,jamaislaconnexionnes’estnouéeaussiviteentreâmessœursdontl'undesdeuxesthumain.

–D’aprèsMorg,nouspartageonsplusquelelien,sonénergieestpasséeenmoipardeuxfois,peut-être trois.Lapremière lorsqu’ila régresséen formeprimalepourmesauver lavie,rapport aux lois de votre communauté, et la deuxième lorsque je suismorte ; puis quand j'airepris son aura à nouveau. Tous les Anciens étudient notre cas qui les passionne. Mais lesrésultatssefontattendre.

«Chut!Monamour.Noussommesensemble,vivants,etavonsletempsdevantnous.Jesuispratiquementrevenuàmonhumanitéunefoisendehorsdelaphaselunaire,etdemainnousdevrionsêtreensemblepourtroisnuits.Net’impatientepas…laissefaireletemps.»

Jebloquemespenséespourqu’ellenelisepasmesangoisseslesplusprofondes…etsi…Non!Nepasysonger.Jamais!

Ils sont repartis à cheval. Manon monte une jument très douce que j'avais moi-mêmedébourrée et formée. Je trottine à leurs côtés, ils avancent calmement malgré l’envie deGabrieldegaloperàbrideabattuecommeillepratiqueentempsnormal.AvecManon,ilmèneun trainde jeune fille,comme ildit,profitantde labalade.Le fondde l’airse rafraîchitet lesnuagesquiarriventdubasdelavalléeannoncentlatempête.Pourvuquecelaneserévèlepasprémonitoire.

Chapitre3:Visiteauxcachots

Morg/Morgan:dansl’après-midi

Ladescenteauxcachots.Enréalité,descavesprofondémentcreuséesdanslarochesousdifférentespartiesdelabastideconviennentparfaitementàlamiseausecretdesdeuxlascars.Manon se trouve avecmamère et aideMarie à la cuisine, cela lui permettra par la mêmeoccasiondeprendredescours.Je jappeàcette idée.J’ai rarementconnuquelqu’undeplusnuldanslaconfectiond’unrepas.Avecsalouvequigranditenelle,ellecommenceàapprécierun peu plus la nourriture. Son éducation, et le fait qu’elle se soit mariée si jeune n’ont pascontribuéàluifairesavourerdebonspetitsplats.

Jemedirigevers lapartiesituéederrière lechai.Jeveuxvoir latêtedeLudo.Celui-là, jene le connais pas ! Il a toujours œuvré dans l’ombre ! Il faut que je le sonde, non pourl’absoudre,maispourmesurerjusqu’àquelpointlagangrènel’habite.C’estluiquiavoléle4x4quiapercuté lesparentsdeManon, lesobligeantàsortirde la routeoù ilssebaladaientcejour-là. Manon m’a emmené dans les Alpilles, sur les lieux de l’accident. Il n’y avait aucunechancequ’ilsenréchappent.Àcetendroit,ledénivelésetrouvetrèsimportant.Lacommuneoularégionont installédesbarrièresdeprotectionilyapeudetemps,maistroptardpoureux.C’était une de leurs promenades favorites. Ils allaient souvent chercher du rosé chez unproducteurducoin.Juliensetrouvaitparfaitementaucourantdeleursalléesetvenues,surtoutqu’ils luidemandaient toujourss’ilavaitbesoinqu’ils lui ramènentquelquechosede leursortiebimensuelle.

L’escalier glisse un peu sousmes pattes. Lesmurs suintent d’humidité à ce passage, laveine qui alimente la source fuit à ce niveau. Puis elle se perd dans les profondeurs pourressortirplusbas,prèsdubassin.Jamie,l’undesBêtasdelameute,estdegarde.Iln’apasbesoin de beaucoup de concentration pour effectuer sa tâche. Il joue à un jeu vidéo sur satablettepourpasserletemps.

–SalutMorgan!Enfin,Morg.Bonsang!Jenesaispascomment jedoist’appeler!Bon.Tunevaspasm’engueulerpourça,hein!continue-t-ilàbavasserdevantmonsilence.

Ilestgentil,maistrèsjeuneencore,àpeinelatrentaine,et iln’obtiendrajamaisassezdepuissancepourdevenirunAlpha.

– Ils sont tranquilles, je leurenlève lebâillonquepour les fairebouffer, etRossvientmedonneruncoupdemainpourlestenirenrespectpendantlerepas.

Ross,Roseline,mafilleule,vraigarçonmanqué.Elleserégaleàeffectuerletravailunpeu

spécial qu’il nous faut exécuter de temps à autre. Elle laisse sa louve libre. Sauvage etmortellementefficace.Ellevaadorercequemadouceaprévu.J’attendaisquecelledeManoncoexiste parfaitement avec sa nature humaine avant de lui révéler le côté sombre de notrenature.Nousnesommespasvraimentdegentils loups-garous.Cependant, jecroisqu’ellenesera pas trophorrifiée à la découverte de cette autre facette, celle qui concernenotre loup,notrefacesauvage.Avecleprocèscesoir,l’aveunepeutplusattendre.

Je précède Jamie à la porte de la cave. Il y a cinq ou six cellules. À l’époque, nousstockionsdequoitenirl’hiver,etchaquecavecontenaitdesalimentsspécifiques:celaallaitdela charcuterie et des viandes en salaisons, aux légumes, sans oublier le vin ou certainescéréales.Labastideestconçuepourtenirunsiège.

Il tire le verrou extérieur etm’ouvre la porte, il ne parle pas et je n’ai pas besoin de luiindiquercequejeveux:lesimplefaitquejemesoisarrêtédevantcetteporteenparticulierl’aaverti demes intentions. Jamie déclenche l’interrupteur. Ludo est recroquevillé dans un coin,enroulédansunecouverture,àmême lesol. Il ne faitpas très froid,mais la températurenedépassecertainementpaslesseizedegrés.Ilest inquiet,carcen’estpasl’heuredemanger.Ses yeux clignent, légèrement larmoyants sous la lumière crue de l’ampoule qui pend auplafond.Monmuseausefroncesousl’odeurquim’agresse.Depuisquatrejours,ilnes’estpaslavé.Deplus,ils’estpratiquementfaitdessus,vuqu’ilsluiontenlevélepantalonetsonslip,luilaissantlesbijouxdefamilleàl’air,avecjusteunpotdansuncoin,maispaslesmainspoursetenir ni pour s’essuyer.Et ce n’est pas la simple veilleuseà l’autre bout de la piècequi lui apermisdefaireautrechosequeprier.D’aucunspencheraientpourdelatorture.Effectivement,çaenest.Nouspouvonsêtreextrêmementférocesetretors,bienplusquenospetitscousinssauvages,carnoussommesaussihumains,etnotreplusgrandecruautéprovientdececôtédenotrenature.

Mesbabinesremontentsurmesgencives.Ludoseratatineencoreplussurlui-même,maisiln’aaucunendroitoùsecacher.Seretrouverfaceàunloupplutôtgigantesquefigesonsangdanssesveines.Sesyeuxmontrentplusdeblancqu’ilsnedevraient,lestremblementsquil’ontsaisi en voyant notre tandem s’amplifient. Je reste là, stoïque, à fixer son visage.Sa vessielâched’uncoupetilsesouilleànouveau.Jedétournelatête,j’aipiochécequejevoulaisdanssapsyché.Coupable,sansl’ombred’undoute.

Guss, je leverraicesoir.Nousressortonsde lapièce.Jamiecoupeànouveau la lumièrecentrale et la pièce retourne à sa semi-obscurité. J’entends Ludo gémir d’angoisse… J’aimeça!

Jetourneledosauxportes,signifiantparlàquejenevisiteraipasl’autrepourriture.Jamiese rassoit dans le fauteuil qu’il s’est installé pour être à l’aise et, sans un regardsupplémentaire,reprendsapartieoùill’avaitlaissée,enpause.

Celafaitpasmaldetempsquejen’étaispasdescendujusque-là.Cettepartienesertplusguère,sinondecaveàvin,etc’estJoseph,monpère,lespécialisteenœnologie.Jeremontevers la cuisine au petit trop.Rester vingtminutes loin deManon, etmon cœurme joue destours.Le lienentrenousdépasseceluid’âmessœursdu faitqu’elleconservemonaura.Moncœurs’affole,elles’estcoupéementalementdemoietcelameprocureunedrôled’impression,unvideimmensesemblenaîtredansmapoitrine.

.

Chapitre4:Alpha

Manon:aumêmemoment

J’essaiedemeconcentrersurlesexplicationsquemedonnentMarieetJuliaconcernantleslasagnes,undesplats favorisdeMorgan,d’aprèselles.Maismonesprit l’accompagnedanslesprofondeursdelabastide.J’aiuntempsd’arrêtlorsquej’aperçoisparl’entremisedesyeuxdeMorgdansquel état est l’autreordure. Jene l’ai jamais vuauparavant, puis je perçois lavaguedehainequeformentsespensées,etreculed’unpassouslechoc.

–Net’occupepasdeMorgan:s’ilne t’apasproposédedescendreavec lui,c’estqu’ilases raisons. Tu dois commencer àmettre des barrières en place dans ta psyché. Bien quedansvotrecas,celase révèleunpeudifférent. Il toqueraà laportes’ilveut tecommuniquerquelquechose.Jesaisquelespremièresétapessontexaltantes,l’amourentrevousestsifortque l’onpeut tous le ressentirà travers le liendemeute.Néanmoins, il fautque tu fassesuneffort.Chacunadroitàson jardinsecret,cequi forge tapersonnalitéet tedifférencie.Et là,vousrestezbranchésenpermanence,cen’estpasbonnipour toinipour lui.Siun jour,nousarrivonsà résoudre votreproblème, vous risquezde l’éprouver commeunedéchirureet celapeutinterféreraveccequelesanciensauronttrouvé.Tiens,enparlantd’anciens!J’aioubliédesignaleràMorganqueSorayaet Ingridsesontportéesvolontairespour rechercherdans lesarchivesenÉcosse. Ingridenpunitiondecequ’ellea tentécontre toi,etSorayaenaprofitépours’éloigner,cequiserévèleunetrèsbonnedécisionpourtoutlemonde.

JeressensunimmensesoulagementdesavoirSorayaloindeMorgan.Malgrécequejelisdanssespensées, j’ai toujourscesentimentd’inférioritéquis’estancréenmoicetaprès-midioùjel’aientenduchanter.

«Veux-tucesser,petite folle?Tuverrasdemainsoir si tuasquelquechoseàenvieràSoraya.C’est toiet toiseuleque jeveux :dansmavie,dansmoncœur,dansmonâmeetdansmonlit.»

Un grand élan d’amourm’enveloppe et déclenche une fournaise dansmon bas-ventre, etdesfrissonsremontentlelongdemacolonnevertébrale.Plusquevingt-quatreheures,etavecla nuit qui tombe tôt et la luneà sonmaximum.Hum ! La nuit sera très, très longue. J’ai dûpousserungémissementauregardquemelanceJulia.Jeluirétorqueparunsourirecontrit.

– Je te comprends, ma chérie : Je conçois que nous ne sommes pas de la mêmegénération,maistusais,aprèsdeuxcentvingt-troisansquenoussommesunis,Josephetmoi,notreententephysiqueest toujoursaussi intense.Dufaitquenousnevieillissonspas, lecôté

sexuelresteunélémentfondamentaldenotrecouple,etce,malgrémestroissauvages.–Pourquoiavez-vousautantattendupouravoirdesenfants?Hugoa…quelâgeaufait?

J’aioubliédeluidemandé.–Monaînéàcent-septans.Avant,lasurviedenotrecommunautéprimait,nousétionsles

Alphasetdevionsconsoliderleclanpourlasécuritédetous.AlastairetThéo–lesdeuxfrèresdeJoseph–désiraientégalementprendre la têtede lameute.Cequiadéclenché laguérillapendant pas mal d’années, et je refusais de mettre un de mes petits en danger, donc j’airepoussélemomentidéal.Deplus,ilfautquej’avouequenousnoussuffisionsànous-mêmes.À l’époque, jesouhaitaisquepersonnenes’immisceentreJosephetmoi.Pasmême lachairdemachair.JesuisuneAlphaavecuntrèsfortpouvoirdedomination.Noussommesparvenustousdeuxàunconsensusquinousautoriseàlaisserlibrecoursànotrenature.DoncHugoestné,etvingt-septansplustard,Morgans’estrévéléunesurprise.Jevoulaispatienterencoreunpeu,maisilapointésonmuseauetjen’aipaspu…Enfin,tucomprends.Touslesjours,jemeréjouisdeluiavoirpermisdeveniraumonde.Puis,presquesoixante-dixansaprès,monboutdechouestarrivé,monfeu-follet.J’adoremesgarçons,autantquej’aimeleurpère.Etj’espèrede tout mon cœur que nous trouverons une solution à votre problème. En attendant, nousseronstoujourslàpourvouslessoirsdelune,quelquesoitletempsquecelaprendra.

LeslarmescoulentlelongdemesjouesetjenelescachepasàJulia.Mariesefaittoutepetitedanssoncoin,nouslaissantréglerlasituationenfamille,mêmesielleenfaitpartieelleaussi.Morgsortde lacavecommeunbouletdecanon. Ilasentique jesuis touchéeparmaconversationavecJulia.

–Quesepasse-t-il?Tum’asfermétonesprit!

–Mum!JenesuispascertainequecenesoitpasJuliaquiaitinterféré.

–Non,Manon,c’estbientoiquiasmasquéladiscussionàtonhomme.Puis,seretournantversMorg:–Arrêtedevouloirtoutrégenter!TusaistrèsbienqueManondoitprendrelecontrôle.Elle

nepeutpasparleràtaplacepourtoutcequetuveuxexprimer.TunedésirespasunesoumiseetdetoutemanièreManonn’enestpasune.(Ellesetourneversmoi.)TuesuneAlpha,jel’aicompris le jour où tu as intimé l’ordre à Gabriel de se transformer. Sans cela, il se seraitdéshabilléd’abord,dit-elleenriant.Ah!Gabrieletsesfringues,unehistoired’amour!

Chapitre5:Prisedeconscience

Morg/Morgan:aprèsladiscussiondanslacuisine.

Mèrea raison, jedois fairepreuvedebonsenset laisserManonvivresavie.Le lienquinousunitestsuffisant, jenepeuxpas interférerdanssonexistenceau-delàdu rationnel. J’aichoisi cet état en connaissance de cause ; le fait que le processus ne se soit pas déroulécommeprévuestunaccidentdeparcours.Deuxfois, troisnuitsparmois–sicelacontinueàse passer correctement – est déjà quelque chose de merveilleux. Je dois m’effacer et luirendreplus facile lamaîtrisedesonesprit.ElleestuneAlpha,deson fait ouparmonaura,qu’importe, mais bon sang ! Que c’est dur d’être coupé d’elle ! Même, si ce n’est queprovisoire.Jeveux laprotégerdequoiquecesoitquipourrait l’atteindre.Demain, j’essaieraidememettreenretrait,maispascesoir.Leprocèscommencerabientôt.Cinqdesneufjuréssontarrivés: troisdenotremeute,deuxdecelledeThéoetdeuxdecelled’Alastair,plus lesmembres d’un clan qui nous est affilié. Joseph sera partie civile représentant Manon, et ladéfenseseraassuréeparunedemescousinesquiestavocate.Simulacredeprocès,ouietnon. Ilsauraientunechancedes’ensortirs’ilyavaitundoute.C’esteffectivementdavantageunesentence.Le juryn’esten réalitésurplacequepourdétermineràquiseraattribuée leurénergie vitale. C’est le point que je n’ai pas encore avoué à ma douce. Notre presqueimmortalitéaunprix : lavied’unhumain tous lescinquanteansenviron.Cesoir,Manonnousoffrira la survie de deux des nôtres. Le troisième, Julien, ne profitera pas d’un décèslibératoire;Manonauntoutautredestinpour lui.Jen’aimeraispasmetrouverdanssa lignedemire.Elleestdélicieusementdémoniaque.

Chapitre6:Révélations

Manon:dansl’après-midiavantleprocès.

Cette course avec Morgan sur les chemins de la bastide se révèle un vrai bonheur. JecomprendsmieuxpourquoiilaimesillonnerlacollineàLamanon:c’estunpeulemêmetypedeparcoursenmoinssauvagechezmoi.Bienquelespistesnesoientguèreempruntéespar lesrandonneurs.Toutemonenfance,j’aigambadésurlesrochersetgrimpéjusqu’autrouduventou à la pointe nord ;me griffant les jambes etmenantma petite troupe d’amis à jouer à laguerre entre factions rivales. Je chéris ces évocations des jours d’insouciance. Il faut que jecontacte quelques copains d’école que l’autre ordure a éloignés de mon quotidien. Plus lessouvenirs reviennent et plus je me retrouve dans le brouillard. Comment ai-je pu me laissermanœuvreraupointquemaviem’aitéchappé?J’aicommencémontravailderepriseenmainaumoment où j’ai redémarrémon activité comme reporter. Et j’ai enchaîné avec le divorce,mais à présent l’étendue de ma soumission me saute aux yeux. Je n’ai aucune excuse dem’êtrelaisséeétoufferainsi.

–Nesoispassidureavectoi,tuétaissijeunelorsqu’ilt’aépousée.–Oui,sansdoute!Néanmoins,j’auraisdûmelibérerdeluidepuislongtemps.–Dis-toiquesi tu l’avais fait,nousnenousserions jamais rencontrés. Jedevraispeut-

êtrememontrerreconnaissantenversluidet’avoiramenéeàmoi,monamour.–Vucommeça,jeveuxbienaccepterdescirconstancesatténuantesàmonhérésie.Lerirequilesecouem’enchante.Ilesttellementsérieux.Ilfautavouerpoursadéfenseque

la situation semble plutôt difficile et la tension nerveuse qui découle de notre envie de seretrouvernusdansunlitatteintdessommets.Demain,àlamêmeheure,nousseronsseulsaumonde. Bon ! Avec la meute autour de l’édifice, faut pas l’oublier ! Je n’ose laisser mespensées dévier vers autre chose, cela nous occasionne trop de stress. Je bridemon esprit,Juliam’aemmenéedanslesienpourmemontrer lamanièredemettreenplaceunebarrière.Elle prétend que cela s’avère primordial au niveau de notre couple. J’aime tellement sentirl’essencedeMorgansemêleràlamienne,se…Etvoilà!Jereparsdansmesfantasmes.Plusquequelquesheures,cen’estpaslameràboiretoutdemême.J’aivérifiésurlecalendrier,lalune se lèvera vers deuxheuresdumatin. Le tempsqu’elle soit visible et nousbaignede sapuissance, disons vers quatre heures, ensuite elle se couchera vers quinze heures ; nouspourronsmêmesortirà l’extérieurprendre l’airunmoment,sansnous lâcher.Hum !S’ilnousrestedutemps.

–Arrêtederéfléchir,madouce.Toutirabien.–Oui, je sais ! Ils sont tous là pour nous soutenir.Avec une telle puissance,s’il ne se

passaitrien,celas’avéreraitdramatique.–Chut!Vienslà,serre-moidanstesbras,regarde-moi,monamour.Plusriend’autren’existequenous,lorsquejeplongedansleregarddeMorg.Lapassionse

déchaîne,nousmêlonsnosâmesauplusprofonddenotreintimité.Nosenveloppescorporellessemblentdisparaîtrepournelaisserqu’uneimpressiondeflottersurunnuage.

–Manon !Morg ! appelleGabriel qui s’approche de nous. Le conseil débutera dans uneheure.Vousvoussentezprêts?

Puis,baissantlesyeuxversMorg.–Tuluiasdit?Morgsecouelatêtededroiteàgauche,lesoreillesbasses.C’estmauvaissigne.–Medirequoi?demandé-je,inquiète.–DisàGabrield’allerlesavertirqu’onarrive,nousavonsàparler.– C’est bon Gab », on va venir. Apparemment, ton frère m’a caché quelques petites

choses.– Bon sang Morg ! Pourquoi t’attends le dernier moment ? Manon me paraît capable

d’encaisser.ElleestuneAlpha,jenerisquepasdel’oublier,affirme-t-ild’unriremalicieux.Jecomprendsàprésentpourquoi–etsourisàlapenséedesvêtementsqu’ilabousilléssur

monordredemuterquejeluiaiimposéinvolontairement.Maisiln’insistepas,ilsesouvientdenepassemettreentraversdulienunissantdesâmessœurs;mêmesil’onveutbienagir,celase retourne toujours contre soi. Il repart en sifflotant, se doutant que je vais me déchaînercontreMorgetestimantàjustetitrequecelaluiferalespieds.

Comment le sais-je ? Mystère. C’est l’impression qui s’est dégagée des pensées deGabriel. Peut-être développais-je, moi aussi, le même pouvoir que Morgan pour lire dansl’esprit des gens. À moins que ce soit le fait que Julia m’ait autorisée à plonger dans soncerveau?C’estquelquechosedetrèsrarequ’elleaeffectué,faut-ilqu’elleaimesonfilspourl’avoirpermis.

Jechercheunsiègeduregard,laconversationrisqued’êtrelongue.Unrochersedresseàquelques pas, je me dirige vers lui. Je sens la crispation des muscles de Morg. Il ne meregardepas.Sesoreillestoujoursbaisséesvers l’arrière, jesensson inquiétudedéferlerversmoi.Lajournées’esttoutàcoupobscurcie.Lesilencequiémanedeluimesembleeffrayant.Qu’a-t-ilomisdem’apprendre?Jetrembled’angoisse.Jenetiensplus.

–Vas-y !Lâche lemorceau,quem’as-tucachéquipèseautantpourquetu tecoupesdemoi?

–Rienquitetoucheradirectement.N’aiepaspeur,monamour.Pardonne-moi!J’auraidû

tel’avouer,outoutdumoinstelaisservoircecôtésombrequiestnécessaireànotresurvie.Lesmotsontdumalàsefrayeruncheminjusqu’àmaconscience,celametétanise.Jele

senstellementeffrayéàl’idéequejelerepousse.–Arrête,crié-je.Riendeceque tupourrasm’annoncerneme fera renoncerà toi.Tune

comprendspas.Avanttoi,jenevivaispas,jesurvivais.Non!Jen’étaispasassezforte.Maisàprésent,avec toiàmescôtés,quellequesoit la formeque tu revêts, jesuis ta femmeetunAlpha.Commel’asibienrelevéGabrieltoutàl’heure.Alors,vas-y,envoie!Tonsilencemefaitpluspeurquetoutcequetupourrasm’annoncer.

Àcesmots,ilm’ouvresonesprit,illibèrecequ’ilbloquaitdepuisqu’ilacomprisquel’onsetrouvait liés. La sarabande des souvenirs se déroule, de son enfance à sa premièretransformation, il ne m’épargne rien. Pas même la douleur physique que cela occasionne,surtoutlespremièresfois.Àcelledesasecondeforme,mi-hommemi-loup,plusdifficile;maistellementplusjouissive,delapuissancecontenue.Puislesrencontres,toutescesfillesquisontpasséesdanssavie,danssonlit.Malgrécela,lajalousienem’effleurepas.Ellessontcommedes imagessurpapierglacéetc’estcequ’elles représententpour lui.Uncataloguedepetitssouvenirsqui restentprésentsdanssamémoire.Du fait quecelle-ciestataviqueetqu’ilsnepeuventrienoublier.Ensuitearrivelesang;lachasse;lapoursuite;lesbagarres,lesluttesdedomination ; les souvenirs de guerre où quelquefois celui d’en face perd la vie. Il ne pouvaitfaireautrement,c’étaiteuxouluietilnelaisseaucundoutesurl’issuedechaquecombat.

Vientenfincequ’ilm’acaché.Cettemiseàmortoùleloup-garouabsorbel’énergiedeceluiqu’ilachève,deceluiquimeurtpourqueluipuissevivreetresterjeuneetfort.LamanièredontMorganprocèdeen l’égorgeantdesesdents,buvant lesanget laviequis’échappe.Jevibreaveclui.J’ailegoûtetl’odeurdusangdanslabouchequiremonteàmesnarines,lachaleurquirevigore mon corps. Contrecarrant le battement du cœur qui s’épuise et envoie encore lesdernierséclatsd’énergie; lamortet lepartagedesrestesaveclameute,sousleurformedeloups-garous.Lebruitdesmâchoiresquidéchiquettentetquibroientlesos,nelaissantqu’unetâchesombreausollorsquelefestinestfini.

Leconseilet la façondontestattribuée lavictime.Enfin,si l’onpeutappelervictimesdespersonnescommecellesquiserontjugéesetattribuéescesoir.Ceuxqueleschasseurs,dontRossfaitpartie,traquentetramènentàlameute.Desvioleurs,desassassins,despourrituresen tout genre qui n’ont que le nomd’êtres humains. La jouissance incroyable depuiser leursénergies toutensachantqu’ilsne ferontplus jamaisdemalàpersonne.Entrecessouvenirs,ceuxdelameute,delafamille,del’amourquilesunit.QuelquesscènesoùMorgansetrouveavec Soraya, la tendresse qu’il éprouve pour elle. Et d’un coup, me laissant haletante, laflamboyancedesonamourpourmoiquibalaietoutsursonpassage.Latêtemetourne.Sijenepuisaispasde l’énergiedansnotre lienàcemoment, jeneseraispascertainedenepas

m’évanouir. La quantité d’information, d’images et de sentiments qu’il a partagés est un peutrop importanteetsaturemoncerveaud’humaine.Jeme laisseglisserausol.Morg resteaucontactavecmoi.Gémissant.L’airmemanque, jeprendsdegrandesbouffées,essayantdereprendrepied.

Morgestcomplètementaffolé.Jerécupèredoucementmesesprits,neserait-cequepourlerassurer.

Jesenssonangoisse,maisn’arrivepasàparler.Jemetrouveenpositionfœtalesurlesol.Peinantencorepourrécupérermarespiration.Jeressenslapousséed’énergiefabuleusequ’ilmecommunique.

Moncœursecalmeetmespenséess’éclaircissent.Despasserapprochentetjereconnais,parlelien,l’odeurd’HugoetdeGabriel.J’enconnaisunquivasefairechaufferlesoreilles,cequimedéclencheunrireetdesserre

l’étauquicomprimaitmespoumons.–Attendscinqminutes!S’ilteplaît,Morgan!arrivé-jeàémettre.Letempsdeclassifieret

derangertoutescesdonnéesdansmapetitecervelle.Marespirationsefaitplusampleetmesneuronesrecommencentleursclassements.Seule

laquantitéd’informationsetrouvedureàgérer.–Bordel !Qu’est-ceque t’asencore foutuMorgan? crieHugo, en fondant sur son frère

commeunaiglesurunlapin.Gabriel derrière lui n’est pas très content non plus. Ils ont pris les émotions qui nous

animentdepleinfouetparleliendelafratrie.Morgestcouchésurleflanc,haletant.–C’estbon!C’estpassé,dis-jed’unevoixcassée.J’aidûhurleràunmomentdonné,carj’ailagorgedouloureuse.–Qu’a-t-ilfait?répèteHugo.–Ilatoutbalancéd’uncoup,murmuré-je.–Quoi?–Net’énervepas,ilm’aouvertàtoussessouvenirs.–Tous?–Oui,iln’apasmisdebarrières.Enfinbref!Àprésent,jesaistout.–Tout…Tout?Jemeredresseetrespireàfond,mespenséess’ordonnent.–Oui, laconnexionaétéglobale.C’estpourquoi j’aieu tantdepeineà reprendrepiedet

vousenavezsubilecontrecoup.–Putainsicen’estque lecontrecoupdecequetuasencaissé,pasétonnantquetusois

danscetétat,envoieGabriel.

Ce qu’il m’a appris et dévoilé ne change rien à ce que j’éprouve pour lui, ce que jem’empressedeluicommuniqueravantqu’ilnefasseunebêtise.

Morgneditrien,d’ailleurscelam’inquiète.Jemesensdésemparée.–Morgan?Chéri?Morg!crié-je.Àgenoux,jem’avanceverslui,prendssatêtedansmesmains,plongedanssesyeux…et

m’effondreausol,tétanisée.Unvideimmensesereflètedanssesyeux.Sonespritadisparu.–Manon,quesepasse-t-il?Morgan,parle-lui,jet’ensupplie.Cependant,ilacomprisquequelquechosecloche.Jemeremetssurmesgenoux,m’approcheànouveaudeMorg,reprendssatêteentremes

mainsetenvoie toutemonénergieà travers la fenêtredeson regard.Cherchantunespoir...Puis comme un frémissement, une pensée, qui se fraie un chemin, balbutiante, fragile. Messouvenirsetlessiens,jelespousseenlui.Letempssembles’étirer…J’envoietoutmonamourverscetteétincelledeconscience,quis’épanouitdoucement.Riennecomptequecettepetitelumière. Le temps est aboli. Une respiration, puis deux. Rester calme. Attraper et lier cefantôme ; tresser les filsd’énergiequi s’éloignent ; les ramener versmoi ; lesaccrocherauxmiens ; les envelopper ; les englober, encore, encore un peu…Le tintement d’un rire, d’unepensée,d’une image…Lesondesavoix,de lamienne…L’odeurdesoncorps,mélangedepin et de miel avec cette fragrance qu’il m’associe, un parfum d’agrumes avec une pointed’amande amère… Le goût de sa peau et celui de ma jouissance dans sa bouche… Et lecontactdesa fourrureavecceluidemes lèvres.Feud’artificedesensations ;saconsciencequirevientdanssespupilles,sonespritquim’entoureetreprendvie.Lecriquejepousseestuncridevictoire.Ilretentitdanstoutelavallée.Leslarmescoulentseules,maismoncœurestembraséparlajoie.

–Morg!Morgan,monamour.Jen’aipasconscienced’êtrerentréeàlamaison,ilsnousontramenés,portésjusqu’ànotre

chambre ; allongés sur le lit. Hugo est dans le couloir, prêt à intervenir au moindregémissement...CherHugo,onvafinirparluidonnerdescheveuxblancs.

– Il serait charmant avec ; très classe,murmureMorgan dansmon esprit, si doucementquejel’entendsàpeine.

Luiabiensaisilapenséedesonfrère.–Tuvasvoir,dèsquevousserezremis, lavoléedecoupsquetuvasteprendre,grogne

sonaîné.Ilestconnectéànospsychés.C’estpréférable,aumoinsletempsdeserassurer.Unrire

tinteenéchoàsonbougonnement:«Morganestderetour».D’aprèslesinformationsqu’estvenunousapporterGabriel,ilsretardentleprocèspourque

l’on se remette quelque peu de nos émotions. Celui-ci se passera après souper. Quelquesheuresdesursispourlesprévenus.(Cespourrituresdoivents’imaginerarrivéesauboutdeleurpeine,s’ilssavaient.)

–Tunem’enveuxpasd’êtreaussisauvage?demandeMorgan.–Non,jet’enveuxd’avoirfuidevanttapeur.Commentas-tupumefaireça?J’enserais

morte…tucomprends?–Pardon!Pardon,monamour.Lorsquejet’aisentietebloquer,j’aipaniquéetenvoyéle

restedemonénergie pour te soutenir,mais rienne va jamais comme je le souhaite et j’aiencoremerdé!

–Ah,ça!Tul’asdit!Bordel!Àquoitesertd’êtreliésitupaniquesàl’idéequejepuisseterejeter.Bonsang!Tuneterendspascomptedunombred’informationsquetuasbalancé.Jemesuisretrouvéesubmergée.Çan’arienàvoiravecunrejet.Celareprésentaitjustetropd’uncoup.Tunepouvaispasenvoyertesréminiscencesparpetitesdoses?

Les mots se bousculent pour sortir de ma bouche, j’en oublie de parler par la pensée,évacuant la peur qui m’a saisie lorsque j’ai compris que son aura avait déserté le corps deMorg.

–Si,cependantjemesuislaisséembarquer,etunefoisquelesvannesontétéouvertes,jenepouvaisplusintervenirpourlesbrider.Nousnepartageonsnossouvenirsqu’avecnotreâmesœur.Le faitque jedemeuresouscette formeadû interféreravec leprocessusquiaterminé le transfert comme ildevait s’effectuerà l’origine. Jepensequesi tuavaisattenduquelquesinstantsdeplus,jeneseraispasrevenu.

Àcesmots,unfrissond’effroimesecoue.J’auraipuleperdre.ToutdumoinslapartiequireprésenteMorgan. Il neserait restéque le loup.Et lepire, c’estque j’auraissurvécu, car ilauraitcontinuéàm’alimenterenénergiependantuntempsinimaginable.

Chapitre7:Leprocès

Manon:ensoiréedu17décembre.

Julianousafaitmonterdequoisesustenterunpeu,avantdefinircettejournée.Aprèsunedouche, jemesuischangéeenprévisionde lasoiréeàvenir.Noussommes redescendusdenotrechambreunmomentplustard.Autantaffronterlaréalitédesuite.Jefaisàprésentpartiedesleursetmalgrélesimagesquicontinuentàflotterdevantmesyeux–surtoutconcernantladisparitiondes corps–, il faut que jeme rende à l’évidence, cela nem’horrifie pas plus quecela. J’éprouve même une certaine impatience à l’idée de ressentir à nouveau le plaisir depréleverl’énergied’unedecespourritures.Maisilsnesontpaspournous.Plusieursmembresdesmeutessetrouventsurleslistespourrecevoirleursoffrandes.Morganaeulasienneilyaune trentaine d’années et ne l’aura pas avant une autre bonne vingtaine.N’empêche quemalouveseréjouitdufestinprévuetorchestrépour lanuitsuivante.ElleespèrequeMorg irasejoindreàeuxpourl’hallali.

Mes pensées ont dû filtrer, car Morg se colle contre moi et m’envoie un sentiment desatisfactionquim’amèneunsourire.Luinonplusn’estpashorrifiéducontenudemonesprit.J’ail’impressiondenaîtreàunenouvellevie.

Tout le clan est réuni dans les pièces du bas, entre le salon et la cuisine, l’atmosphèrebourdonnepresquede lapuissancequienveloppechacund’entreeux.J’éprouve lasensationde me régénérer à leur contact et le bien-être qui en découle me fait pratiquement planer.Morgans’enrendcompteainsiqu’Hugo,vuquejepouffesansquepersonnenemeparle,justede l’intensité qui sature mon cerveau. Cela n’avait pas été aussi fort la dernière fois. Laperceptionestfabuleuse.

–Hum!T’essaouled’énergie,s’écrieHugoenriantalorsquejetitube.Effectivement,jevaissortirunpeuprendrel’air,j’aivraimentdumalàappréhendertoutce

quim’entoure.Noémie,lafemmedeCamille,vientàmonsecours.–Restezàl’intérieur!Toiaussi,Morg.Manons’habitueraainsiprogressivement.Ah!Ces

hommes,lejouroùilspenserontunminimumavecleurtête,nousseronssauvés.Un fou riremesecoueetc’estàmoitiépousséeetmoitiésoutenueparNoémiequenous

nousretrouvonsdanslacour.J’adoreCamille,etNoémieluiressembleparbiendespoints.Lamêmegentillesseetdel’humourdécapant.Elleestgrande,plantureuse,« ilyadumondeaubalcon », comme formulerait son mari. Elle porte un top qui fait ressortir encore plus sesatouts, je pouffe. Les yeux rieurs dema nouvelle amie se penchent versmoi, ils sont bleus

commelecieldenotreProvenceunjourdemistral.Seslongscheveuxbrunscachentenpartiesesépaules. Je prendsdegrandesbouffées d’air frais. Le brouhaha filtre à travers la ported’entréedelabastide.Lesnuagesquibloquaientlalunetoutàl’heureontdisparu,commelesidéesmorosesdemonamour.

–Tuvasmieux?serassureNoémie.– Oui, merci, Wow, quel shoot ! On croirait que j’ai fumé un super pétard. Y’a un bon

momentqueçanem’étaitpasarrivéd’êtredansunétatpareil.J’entends les pensées de Morgan, inquiet de ne pas être à mes côtés. Je lui envoie :

«C’estbon,chéri!Çavamieux,laisse-moiunmoment,jet’aime.»Gabrielsortnousrejoindreetm’amèneunsuperbechâlequ’ildrapeautourdemesépaules.–Mamanaditquetu legardes, tantque lesneuf lunesneserontpaspasséesturisques

deprendrefroid.L’émotionmesubmerge.Celafaittellementlongtempsquepersonnenes’estautantsoucié

demoi.J’aitrouvémonâmesœuretpasseulement:unefamille,soudée,aimante.Auriresesubstituentleslarmes,maiscelles-cisontdouces.Cesontdeslarmesdejoie.

–Ceque tu ressensest le liendemeutequi senoue,celavas’atténueravec le temps.Maisoùque tusoisdans lemonde, tun’esplusseule.Noussommesdésormais ta familleetdesamis,situveuxbien,demandeNoémie.

Lesourireque je lui décerne lui donne la réponse,mavue restebrouillée,etMorgarriveavecun tas demouchoirs enpapier légèrement baveuxdans sagueule. Je lève les yeuxauciel,direqueceseramonquotidienpourquelquessièclesàvenir…

Le procès aura lieu dans une grange spécialement aménageable pour ces occasions, enréalité c’est le garage ou ils stationnent leurs précieux véhicules. Ceux-ci sont dehors pourquelquesheures,etserontremisésavantlafindelanuit.

Les deux pourris ont été escortés l’un après l’autre dans la laverie, où se situent lesdouchescommunes.Cesontsurtoutdesbainsoùceuxdelameutepeuventsenettoyerquandils se retrouvent sous leur forme primaire après la chasse. Ross et Jamie sont toujoursassignés à leur garde. Ils les ont conduits séparément dans des chambres d’où ilsn’émergerontquepourêtrejugés.Leurshabitsleurontétérendus.Ceuxquiétaientchargésdeles amener à la bastide avaient récupéré un sac appartenant à chacun d’eux avant de lesfourrerdanslavoiture.

La porte s’ouvre et tout le monde sort en discutant joyeusement. Noémie et Camille

prennentchacunundemesbrasetnousmarchonstranquillementverslagrangesuiviedurestedelatroupe.Dela lune, ilnemanquequ’un infimecroissantpourqu’ellesoitpleineet jesensdéjà la caresse de sa puissance qui nous effleure. Demain… Morg ne peut s’empêcher

d’aboyeràcetteidée…Cequifaitéclaterderirelaplupartdeceuxquinoussontproches.Lesdoublesbattantsde l’entréesontdéployésetnousnousengouffronsà l’intérieur.Des

bancsontétédescendusetdisposésendemi-cercleenfaced’unegrandetableenchênequiauparavantsetrouvaitpousséecontrelemurdufond.Aucentre,unecageattendleprévenu.Ainsi,pasbesoindepersonnelpourlemaintenirenplace.Ilspasserontindividuellement.

L’excitation commence à monter dans l’assemblée. Les sensations ressenties sontdifférentesdecellesquej’éprouveavecMorganlorsqu’ilestsoussaformedeloup,maisc’esttrès agréable tout demême. Je perçois sa satisfaction au fait que je ne sois pas partie encourantetquemalouveaitautantinvestimonêtre.Celle-cisembles’affirmerd’heureenheure,parmoment jemedemandemêmesi je ne vais pas finir parmuter entièrement tant elle estomniprésente enmoi. Mais non, je n’ai pas le gène nécessaire et resterai humaine, tout dumoins physiquement. Ce qui me rassure quelque peu. J’ai supporté la métamorphose deMorganquand ilm’a transmissamémoire. Jepensequ’il aquandmêmeamoindri ladouleurparlephiltredesessouvenirs,carlatorturedecequis’estpasséaumomentoùjesuismorteetquel’énergieatraversédemoiàluietviceversaserévélaitabominable.Heureusementqu’ilnes’estpasattardéplusdequelquessecondes.

Ce jour-là, pour lui cela a duré beaucoup plus de temps. Apparemment, j’ai succombéenviron troisminutesetmonagonies’estéterniséepratiquementd’autant.Cinqminutes,dansunevie,cen’estrien,maisquandlasouffrances’élèveàdespaliersàlalimitedelafolie,celasembletrèslong.

Joseph, Alpha de la meute en tant que procureur, et Magali, l’avocat de la défense,s’installent tousdeuxauxextrémitésde la table.Les jurésseplacentenfacede l’assemblée.Lesmurmuressefontplusdiscretsetfinissentpars’éteindrecomplètementàl’arrivéedeRosset Jamie, qui traînent Guss hurlant des imprécations et maudissant ses deux tortionnaires.Néanmoins,àlavuedelacageetsurtoutdelafoulequiattendensilence,sescriss’étranglentdanssagorge.Ilrouledesyeuxdéments,puissonregardseposesurmoietsafrayeuratteintuntelpicdepuissancequejelaressensdansmatête.Hum!Jecomprendsetreconnaiscettesaveursiparticulièrequiaccompagnenormalementlamiseàmort.D’aprèscequej’ailudansles souvenirs deMorgan, s’il y a réunion afin d’attribuer les énergies des individus ayant étéjugés comme nuisibles, ces derniers n’apparaissent pas à leur procès. Ce soirexceptionnellement,parcequejesuisunmembreàpartentièredelameute,qu’ilsontattentéàmavieetonttuémesparents,cesimulacredejusticeaétémisenplace.Car je l’airéclamé.Nonpasexplicitement,mais j’aiexigéd’êtreprésente lorsduverdictquis’abattrasureux.Jeveuxvoir l’espoirdisparaîtredans leursyeuxetmedélecterde leurpeurde lamort.Guss lecomprendenuninstantetilbaisselatête,vaincu.Ilselaisseenfermerdanslacagesansplusaucungestederévolte.Ilestdéjàmortetillesait.

Joseph se lève et commence à énumérer les faits retenus contre lui. À chaque nouvelénoncé,leprocureurdemandesil’accuséaquelquechoseàrépondrepoursedisculper.Puisilse tourneversMagaliqui lui faitsignedecontinuer.La listeest longue, très longue,carJuliaestalléepécherdanslamémoiredeGusslesagissementsrépréhensiblesquisesontdérouléssurlesdixdernièresannées.Àprésent,ilsetientàgenouxetrécitesonPater,toutdoucementenseserrantdanssespropresbras,commepourseprotéger.C’estlaseulechosesenséequiluiresteàfaire.

Josephterminel’inculpationparsatentatived’assassinatsurmoilorsqu’ilaallumélamèchequidevaitdéclencherlesexplosifs.

–Qu’avez-vousàdirepourvotredéfense?tonnelavoixdeJoseph.Gussdemeureprostré,marmonnanttoujourssaprière.–Maître,avez-vousdescirconstancesatténuantespourvotreclient?Gusslèvelatête,unelueurd’espoirbrilletelleuneétincelledanssesyeux.–Non,MonsieurleProcureur,sicen’estqu’ilasuivilesinstructionsdesonami,l’ex-maride

MarionBerthoniciprésente,affiliéeànotremeute,âmesœurdeMorgan,Alphaetmembredelabastideauxloups.

–Jenevoulaispas!Jenesavaispas!J’auraispasdûfairetoutescesbêtises.–Parcequepourvous,assassinerlesparentsdeManonetessayerdelatuer,cenesont

quedesbêtises?–NOOonnn!Cen’estpasceque jevoulaisdire, jeveuxdireque je regrette,pardonnez-

moi,pitié!Pardonnez-moi.Machairsehérissededégoûtetd’horreuràleregardersetraînersursesgenoux,tendant

lesmainsàtraverslesbarreaux.J’ailecœurauborddeslèvres,àdeuxdoigtsdevomir.Puismalouveselèveenmoietdominemonhumanité.

–Débarrassez-nousdecefumier!Mavoixestforteetclaire.Monhaut-le-cœurs’apaise, je reprendsmon identitéetmerendcomptequema louven’a

faitqu’énoncercequejeressensautréfondsdemonâme.Non,pasdepitié,ena-t-ileupourmespauvresparents?Morgmecaresselahanchedesatêteetundemi-sourirevengeurvientéclairermesyeux.JefixeGussunedernièrefoisetrépète.

–Débarrassez-nousdecedéchet,ilempeste.–Quelqu’undésire-t-ilparlerenfaveurduprévenu?Sioui,qu’ils’avance!annonceJoseph.SeullesilencerépondàJoseph.Ilsetourneverslesjurésetdemande:–Votresentence?Celui qui préside se lève, regarde Guss et tape sa main sur la table, annonçant la

sentence:

–Coupable.–Non!hurleGuss,vousn’avezpasdélibéré!C’estpasunvraiprocès,jeveuxêtrelivréà

lapolice.–Vousêtessurnosterres.Vousvousêtesattaquéàunepersonnedenotrecommunauté.

Vousexpierezselonnosloisenvigueur.Emmenezleprisonnieretfaitesvenirlesecond.Gusss’effondrecomplètementet ilsdoivent semettreàdeuxpour l’extirperde la cage.

Lesdiscussionsreprennenttranquillement,chacuncommenteetinterpelleenriantl’unoul’autredesmembresprésents.

Hugos’approchedemoi,accompagnédeJulia.–Lasentenceserévèleàtongoût?–Oui!Toutàfait!annoncé-je,avecunfrancsourire.UnepartiedemonstressestpartieavecGuss.Celanelesramènerapas,maissavoirqu’il

paierapourlemeurtredemesparentsposeunbaumesurmonchagrin.

Chapitre8:Attribution

Manon:pendantleprocès

L’inculpationdeLudos’effectueenexpress,identiqueàcequis’estpassépourGuss.Saufqu’ilaeudroitenprimeàlatransformationd’Hugoenloup-garou.Ilsavaitquej’yaccordaisdel’importance.Fini lepetitdur:àl’énoncédesesméfaits, ilseratatinedeplusenplusdanslacage;s’ilpouvaitrentrerenterre,jeprésumequ’illeferait.Lescinqjourspendantlesquelsilamariné dans son cachot l’ont brisé. C’est vraiment un sous-fifre. Et d’entendre la sentence«coupable»nem’occasionnequ’uneminusculejouissance.Non!Cequej’attendspar-dessustout avec une insatisfaction grandissante est l’arrivée de Julien. Dès qu’il reviendra de sadernièremission,ceserasontour.

Noémiepressemamaindans lasienne,Hugose tientderrièremoi lebrasposésurmonépaule.LesdoigtsdemamaingauchesontplantésdanslafourruredeMorgdontlespenséesessaientdemedétendre.Puisjesenslapuissancequienfle,jecommuniquemahaineaurestede lameute, et des grognements s’échappent doucement des gorges d’une cinquantaine depersonnes.Julias’approche,meregardeetm’ordonne.

–Reprends-toi,sinon,tunepourraspasmettreenœuvrecequetuasimaginé,etcelui-là,dit-elleenpointantlatêteversLudo,nesortirapasvivantd’ici.

Letonsurlequelelleaprononcécesparolesestceluidel’Alphaetjenepeuxqu’obéir.Jefermelesyeux;meconcentrantsurmalouveetmonhumanité.Celamedemandeune

énergiequejenepensaispasdétenir.–Oui,madouce!Tuesforte,trèsforte,ettumeleprouveschaquejourunpeuplus.Je

suisfierdetoi, jet’aime…C’estdemafaute, j’ai tellementdehaineenverseuxque je te lacommunique.

–Tuasvuceque j’essayaisde tecacher, jenevoulaispasque tumedécouvresaussifaible.

–Faible?Toi !Sûrementpas.C’est très difficile d’échapper à un sociopatheet tu y esparvenue.

Lavaguequ’ilm’envoiesembledumielenrobantmesnerfsàfleurdepeau,jemecalmeetl’assembléeparaîtmoinssurvoltéed’uncoup.Juliaaraison,c’estmoiquidiffusemonanxiété.Malgrétout,jesuisconscientequemeretrouverdevantl’autrepourrim’angoisse.Vivementquecette page soit tournée. J’inspire un grand bol d’air, le libère et relaxema tête par lamêmeoccasion.JosephmesouritainsiqueJuliaprèsdelui.Cesdeux-làsontcommeMorganetmoi,

heureuxdèsqu’ilssetouchent.IlsextirpentLudodelacageetleramènentàsacellule.Hugos’approcheetentouremesépaulesdesonbras.–Turestespoursuivrel’attributionoutupréfèresmontertereposer?–Jereste,j’attendsMorg.Celui-ciestsortiunmoment, ilescorteLudojusqu’àsoncachot, ilprendplaisirà lui foutre

unepeurbleue.Mariecirculeavecunedesserterempliedetassesàcaféetdetisanesetquelquespetits

gâteaux.Touslesmembresdesmeutesréunissontdétendusetdiscutentens’interpellantd’unboutà l’autrede lagrange.Trois individus,deuxmâlesetune femelle,patiententpoursavoirlequeld’entreeuxseverrarefuser l’offrandedemainsoir. Il lui faudraattendrequelque tempsquel’ondécouvrequelqu’und’assezinfâmepourmériterlamort.

Heureusement, le processusqui déclenche le besoinde senourrir d’unenouvelle vie estassezlent.Ilpeuts’écoulerunedizained’annéesavantqu’ildevienneurgentetquel’ontrouvesuffisammentdesacrifiéspoursustenterceuxquienontbesoin.S’ilnes’accomplitpas,leloup-garouvieillitet s’éteint.L’énergienedisparaîtpasd’uncoup,maisengénéral, ilsn’ontpasàespérer longtemps.Leschasseurs repèrent lesdéviantssur Internetoudans les journaux. Ilsinvestiguent enparallèlede lapolice.Si lesprévenusparviennent à se soustraireà la justicehumaine,ilsn’échapperontpasauxnôtres.Ilslestraquentetlesamènentàl’undesAlphas,quidétermineen lisantdans leurspenséess’ilssontcoupablesoupas.D’après lessouvenirsdeMorgan, ilestadvenuàdeuxreprisesdepuisqu’ilestnéquelesindividusappréhendéssoientinnocentsoutoutdumoinspassuffisammentcondamnablespourperdrelavie.Ceux-làontétérelâchés, néanmoins gardés sous surveillance au cas où ils basculeraient vraiment dansl’abomination. Les deux fois, c’était sur une fausse accusation de pédophilie.Commequoi lavictimen’estpastoujourscellequel’oncroit.

L’attente pour celui qui arrive à un tournant de son existence se ressent surtoutphysiquement ;c’estdanscesmoments-là, lorsque l’énergieestauplusbas,qu’ilsvieillissentdoucement.

Je sensMorgan qui revient. Son auram’entoure. Le petit quart d’heure pendant lequel ils’estabsenté,jeluiaimanqué.Jesouris.

Ilsecolleànouveaucontremoi,mecommuniquantsachaleur.Lanuitestvraimentfraîche,noussommesmi-décembre toutdemême.Dansmoinsd’unesemaineceseraNoëlet j’auraimoncadeau,laviedeJulienentremesmains.

–Hum!Jenete ledirai jamaisassez, je t’aimemonamour !Jen’aurais jamaisespérétrouverunecompagnequiépouseaussiparfaitementmespensées. Jeme languisd’êtreàdemain, ça devient vraiment une torture. Je sais que je ne devrais pas t’en faire part.

Cependant,jeveuxquetusachesàquelpointjeregrettedenepaspouvoirteprendredansmesbrasett’embrasserjusqu’àcequetudemandesgrâce.

Lasensationdesonamourpourmoim’envahit.C’estsi fortque je ferme lesyeuxetmelaissebercerparsonaura.

Camilleintervientenriant:– Allez donc dans votre chambre, vous allez transformer cette auguste assemblée en

bacchanales. Je deviens rouge de la tête aux pieds, nous avons complètement oublié où nous nous

trouvons.Morgbaisselesoreillesd’unaircontrit.Ilss’esclaffenttous.–Vousêtesvraimenttropfacilesàmettreenboîte,reprend-il.–Excusez-nous,murmuré-je.– Ce n’est pas grave, tout lemonde comprend,mais si c’est difficile pour vous, ça l’est

aussipournous.Tudiffusestellementvotrebesoinl’undel’autre,c’estpresquecommeunfilmporno.Gratuitetenclair.Allez,teminepas!Iln’yariendemal,achève-t-ilenentourantmesépaules et en cachant mon visage sur sa poitrine. Nous sommes tous passés par là, à unmomentdenotrevie,affirme-t-il.Jelaisseéchapperunpetitrireconfus.

–Chérie,tuestropfacilementtroublée.Mèrearaison,dèsdemain,nouscommenceronsl’entraînementpourrenforcertesdéfenses.Maintenant,avertiscetolibriusqu’ilaintérêtàtelâcheroùjeluimordslesfesses.

Àcesmots,j’éclatederire,tellementquej’enai leslarmesauxyeuxenm’imaginantMorgaccrochéauxfessesdesoncousin. Ilssesont jointsàmoi jusqu’àcequeJosephréclamelesilence. L’attribution n’était pas encore établie et la soirée s’avançait. Quelques heures dereposavantlestroisprochainesnuitssetrouverontbienvenues.

Nousnoussommesassissagement,lebrouhahas’estéteint.– Jordan, Régis et Anaëlle, approchez-vous ! tonne la voix de Joseph. Les nôtres vous

connaissent, seule Manon est nouvelle parmi nous et à ce titre, je vous présenterai etannonceraivosâges,filiationetgradesauseindelameutedontvousêtesissus.Sicelavousdérange,faites-lesavoirdèsàprésent.

Toustroisontsecouélatêtenégativement.–AinsiManoncomprendramieuxnotremanièredesurvivre. Ilyade lamagiedansnotre

race,dit-ilense tournantversmoi,maiselleabesoindecarburant.Etcecarburant,nous leprélevonsauxhumains.Cetaprès-midi,Morgant’adévoilélatotalitédesessouvenirs,ilafailliseperdreen le faisant.J’estimequesi tun’avaispasétéuneAlphasuffisamment forte,nousneserionspaslààrirecesoir.Donctuasdecefaitdroitàunevoixpourparticiperauvotequiva suivre. Deux, puisque tu relaies les paroles et pensées de Morgan. Théo et Julia m’ontaffirméqu’ildemeuraitunAlphaavecsespleinspouvoirs,bienqu’ilsoitcoupédenous.

–Jeconfirme,Morganatoutesatêteetsapuissanceetjeretransmetssimplementcequ’ilmecommunique.

–Bien!Josephmesourit.J’airéponducequ’ilattendaitdemoi.Pastropdifficilepuisquejen’aiqu’àrépéterceque

medicteMorgan.–Jordan,Alphaenseconddelameutedesvignesblanchessouslecommandementetfils

deThéo.Deuxcenttroisans.Exact?–Oui,Alpha!répondcedernier.Jordanestgrand,commetousceuxdesarace.Brun, lescheveuxmi-longsonduléssur la

nuque, il ressembleunpeuàMorganetHugo,maisquelquechosequiémanede luimemetmalàl’aise.Peut-êtreest-cesesyeuxbleusglacialsqu’ilposesurmoi,nouvellevenueauseindelameute.

–Régis,Oméga de la bastide aux loups, fils deMarie et deRomuald du domaine de laSerre,sousmoncommandant.Cinquante-cinqans.Exact?

–Oui,Alpha!répliqueRégisavecungrandsourire.Jeleconnaisbien,lepetitdernierdeMarie.Iltraînesouventàlacuisine,chapardanttout

ce qui lui tombe sous la main… Il est un peu enveloppé pour un loup-garou. Il se dépensemoinsquecequ’ilengloutit.

–Manon, je vois ton étonnement.Cependant, chez nous, c’est le parent qui a le plus depuissance qui domine dans le couple. Marie est une Alpha malgré son besoin de faire latambouillepourtoutlemonde,finit-ilensemoquantgentimentdenotrecuisinièrepréférée.

Marie se retourne et lui tire la langue. Pas intimidée pour deux sous. Personne n’élèvejamaislavoixdanssonantreoùellerègneenmaître,pardonenAlpha.Régisestsontroisièmeenfant,elleaunautrefilsetunefille,sonaînée.

–Anaëlle!Ilsepencheverslatableetprendunpapieroùsontinscriteslescoordonnéesdelajeune

femme.–Excuse-moi,maisjenet’aipassouventrencontrée.TuesdelameuteduVal-perdu.Ton

AlphaetchefdemeuteestSebastian,tuesuneBêtaetrestecélibataire,tuascenttrente-sixans.Commentse fait-il que tudemandesunpasse-droit alorsque lescinquanteansnesontpasécoulés?

–Jesuisuntraqueuretj’aiétéblesséeàdeuxreprisesassezgrièvement,j’aidépenséplusd’énergie ces dernières années pour me soigner. Je suis consciente du fait que j’aurais puattendre,mais celaoccasionnerait une reconversion le tempsd’unenouvelleattribution.Nousne sommespas assez nombreux en tant que traqueurs pour permettre que l’un d’entre nousmanqueafindepourchasserlesdéviantshumains.

Je fixeAnaëlle, elle a bien lamorphologied’unchasseur, tout enmuscle ; fine ; de taillemoyenne.Se fondantdans lamassesionnecroisepassesyeux toujoursenmouvement,àl’affût.Lorsqu’on l’observemieux, laprédatriceenelle ressortencoreplusquecelledeRoss,salouverestesauvageenpermanence.Jen’aimeraispasêtresaproie.

Sescheveuxblondssimplementattachésenqueuedecheval,elleestnaturelle.Quandsonregards’attardesurmoi,c’estunsourirechaleureuxqu’ellem’accordeetquejeluirends.

–Bien!PreneznoteettenezcomptedesélémentsfournisparAnaëlle.Vousavezchacununstyloetdupapieràportéedemain.Jerappellequedanscecasprécis,seullenomdeceluiquiattendralaprochaineattributionseraàinscriresurlebulletindevote.

–C’estdifférentd’unvotenormal,meglisseMorgan.Cheznous,lapuissanceetlebesoindelacommunautéenverssesmembressontprisencompte.Anaëlleestprimordiale,carellealimente lesmeutes, n’hésitant pas à partir chasser à l’étranger si le besoin se fait sentir.C’estd’ailleursainsiqu’elleareçusesblessures.Régis,luiestunOméga.Ilacinquante-cinqans,sonbesoinénergétiqueesttrèsélevésil’onneveutpaslevoirdépérir.JordanquantàluiestunAlpha,sonénergieeststable.Enraisondesonâge, ilpeutencoreattendresansquecela luisoitpréjudiciable ;néanmoins, ilestdanssondroitderéclameruneattribution.Doncvoilà, tuas lescartesenmain, ilne te resteplusqu’àvoter.Écrisd’abord lenomdeceluipourlequelilfaudrauneprochaineattributionetvaleposerdansl’urne.Auretour,jetedicteraimonchoixetturecommenceras.»

Jehochelatêtesansluirépondre.J’aibiencomprislestenantsetaboutissantsdesrèglesétablies.Jeneréfléchispas longtemps.Morgm’adonné,peut-êtresans levouloir, lechoixàeffectuer.J’écrisdoncJordansurlepapierreliéàlatablettesurmesgenoux.Jeleplieendeuxetmedirigeversl’urne.Jefais laqueuetrentesecondes, leglissedanslafenteprévueàceteffet. Je memoque dansma tête, car c’est la même urne qui nous sert pour les électionshumaines. Décidément, la différence entre loups-garous et humains n’est pas si grande. Jereviensversmonchéri,merassoisetattendslevotedeMorg.

–Jordan,tul’asdéjàcompris.Ilaassezdepuissancepourpatienterencoredeuxoutroisanssansgranddommage,sicen’estdeprendreunpeudematuritéphysique.Hum! Il faitunpeutropgaminpoursonâge.

J’écris,refermelepapierendeuxetmelèvepourledéposerdansl’urne.Josephmesouritau passage. Je clôture le scrutin. En rejoignantma place, je jette un coup d’œil sur Jordan.Effectivement, ilparaîttrèsjeunepoursonâge.Jeluidonneraientrevingt-quatreetvingt-cinqans maximum. Il me retourne mon regard avec un rictus de dérision. Je sens Morg qui sehérissederrièremoi. Jordannousest lié parThéo,mais apparemment ils ne seportent pasdanslecœur.D’ailleurs,danslalistedesmembresquisontintervenuslesoirdelatentativedemeurtresurmapetitepersonneparmonex-mari,Jordann’yétaitpas.A-t-ilrefusédevenir?

Ouétait-ilengardedurestedelameuteàcemoment-là?– Je le suspecte de s’attribuer l’énergie dequelqueshumains, et je ne suis pas le seul

que lesoupçoneffleure.Néanmoins,par respectenverssonpèreetAlpha,personnen’osel’accuserpubliquement.Grrr!Jen’aimepaslafaçondontiltefixe.

–Calme-toi!Monamour,qu’importesesregards,lesseulsquejedésiresontlestiensJe me baisse vers lui et frôle sa truffe de mes lèvres, levant les yeux sur Jordan.

Heureusement,jesuislaseuleàvoirpasserlaflèchedelahainedanssespupilles.Jebloquecetteimpression,jeneveuxpasjeterdel’huilesurlefeu.Aprèstout,celapouvaitn’êtrequ’unrefletdelumière.JemelaissecertainementinfluencerparlesréflexionsdeMorgan.

Je reporte mon attention sur les personnes qui vident l’urne sur la table et déplient lespapiers.Troistassontprévus,maisunseulseremplit.Malgrémoi,monintérêtsereportesurJordan. Il est resté au fond de la salle et ne s’est pas rendu compte de mon regard. Sesmâchoiressontcrispées,ilsaitpertinemmentqu’ilestleperdantcesoir.Puissansattendreleverdict, il quitte la grange en haussant les épaules. Ses penséesme traversent comme uneflamme.

«Jen’aipasbesoindecettebandedeminables–un riresilencieux lesecoue–, j’aimapropresourced’énergieetcesarriérésnes’endoutentmêmepas.»

Jen’aipasréussiàcacherlehaut-le-corpsquem’aoccasionnécettedécouverte.Autantlefaitquej’aipuentendresespenséesquelecontenudecelles-ci.

–Bonsang!Jelesavais.Cetidiotnousmettousendanger!Puisilréalisecequej’aiaccompli.Samâchoires’entrouvre,ilestcomplètementahuri.–Comment…Commentas-tufaitça?

Chapitre9:Surprise!

Morg/Morgan:àlafinduprocès.

Décidément,Manonn’apas finidem’étonner.Ellea réussiàme transmettre lespenséesde Jordan. Est-ce parce qu’elle arrive à lire dans ma psyché, qui se trouve complètementdifférentedecellesdelameute,qu’elleestparvenueàl’entendre?Ouest-ceuneparticularitéintrinsèqueàmadouce?Cependant,nousnepouvonspasdévoilercequ’elleasurprissansque les nôtres seméfient d’elle. Nos pensées les plus secrètes doivent rester hermétiques,même au plus puissant des Alphas. Si l’un d’entre eux possédait ce pouvoir, il domineraitl’ensemble des meutes et cela n’est pas souhaitable. Il nous faut tout de même surveillerJordandeprès.Afinde voir et saisir comment il s’y prendpourengrangerplusd’énergie, etsurtouts’illefaitsanstuerceuxquilenourrissent.

NomdeDieu!Jesuisfurieux.IlyasouventeudesconflitsentreJordan,Hugoetmoi.Théoest ledeuxièmedans la fratriedeJoseph,etJordana toujoursregrettéquesonpèrenesoitpas l’Alpha de la bastide aux loups. Le domaine des vignes blanches est plus petit et bienmoins important en effectifs. Tous les grands événements se déroulent chez nous sous lasupervision de Joseph. Théo et Alastair, dont la horde a migré en Lozère, restent sous ladomination de leur frère aîné. Je n’arrive pas à expliquer ce besoin de puissance. Je vivaisjusqu’àprésentsatisfaitdemonmétieretdurangque j’occupaisdansnotre famille.Si j’avaisaspiréàcréermapropremeute,monAlpham’auraitattribuéunterritoire,et lesmembresquil’auraientvouluseraientpassésdanscenouveauclan.Jordanacettemêmepossibilité,c’estce que je ne comprends pas. Pourquoi, s’il désire plus de pouvoir, n’opte-t-il pas pour cettesolution?

Nous verrons tout ça en temps utile. Pour l’instant, ma douce est épuisée après cettejournéetrèschargée.J’attrapesamaindélicatementdansmagueuleetlatireverslasortiedelagrange.Nousremontonscalmementverslabastideensouhaitantbonnenuitàceuxquel’ondépasse.Lalunenousbaignedesondouxhalo.Uneenviedehurlerverssafaces’élèvedansmagorge.

–Vas-y,monamour!Lâche-toi!murmure-t-elledansmonesprit.Jelaissejaillircebesoin.Elles’accroupitàmescôtésetposesatêtesurmontorsequilui

communique les vibrations qui s’échappent de moi en même temps que mon cri. Notrecommunionesttotale.

Au passage, Hugo s’arrête près de nous, à deux doigts de se transformer pour

accompagnermonchant.Puisréalisequ’ilseraitunintrusets’éloigneavecleregretdenepasencoreavoirtrouvéluiaussisonâmesœur.

Nousnousremettonsenchemin.Parceshurlements,unpeudelapressionquinoushabites’estévanouie.Enpassantdanslecouloirquiaccèdeauxchambres,nouscroisonsnosAlphasquisedirigentversleurpartieprivée.MonpèreinterpelleManon:

–Pastrophorrifiéeparcetaspectdenotrenature?–S’il s’étaitagidequelqu’und’autre,éventuellement,mais là j’ai tropdecontentieuxavec

ces deux ordures pour éprouver autre chose que du soulagement. Je déchanterai le caséchéantdemainlorsdelacurée.Nevousinquiétezpaspourmoi,Morgveillesurmonsommeiletjenepensepasleperdrepourcespourritures.

JosephetJulialuirépondentparunemineréjouieetnoussouhaitentunebonnenuit.Nousmontonslesescaliersencourantpouréviterderencontrerencorequiquecesoit.Une

fois la porte de notre chambre refermée derrière nous, je m’élance vers notre lit. Manonréfléchitunbrefinstant.

– Tant pis pour ce soir ! Pas de douche. Je suis épuisée. J’ai à peine la force de medéshabiller.

Jel’aideenrejetantsesvêtementssurlesol.Manonsouritàmevoirfaire.–Couche-toietdors,monamour.Ellesepelotonnesouslacouette.Jemecollecontresoncorps,monmuseaudanssoncou.

J’entendssonsoufflequiserégule,puisnousplongeonsdanslesbrasdeMorphéeenunclind’œil.

Chapitre10:Grossefrayeur

Manon:auréveil,le18décembre.

Le soleil inonde la chambre. Le chant des oiseaux et le brouhaha quimonte des partiescommunes nous réveillent. Depuis que j’ai récupéré mes souvenirs, plus de cauchemars,pourtant j’auraiseudequoien faireaprèscette journée forteenémotion.Jedorscommeunloir.Ilfautdirequelesnuitssontassezcourtesetjesuistoujoursenmanquedesommeil.Tropdechoseà faireetàapprendre.Morgétiresespattesprèsdemoi,son regardd’ambremecaresse.Jel’embrassesursatruffe.Aujourd’hui,jemesuiséveilléeavantluietiln’apaspulaglisserdansmondoscommeilal’habitudedelefaire.Ilm’occasionneengénéraldesfrissonsdanstoutlecorps,cequil’enchante.Ilmeditqu’ainsijevibrepourluienattendantlalune.Moncœur effectue un bond dans ma poitrine à la pensée que quelques heures nous séparentencoredecettenuit.

–Bonjour,monamour!–Bonjour,madouce!Tuesreposée?merenvoie-t-ilcommeuncâlin.–Oui,celavamieuxqu’hiersoir,jen’enpouvaisplus,réponds-jeenm’étirantaussi.–Idem,la journéeaétélongueetdouloureuse.Jesuisravidesentirquetun’engardes

pasdeséquelles.–Nitoinonplus!Heureusementqueletransfertestachevé.Iln’yariend’autrecomme

secrets,oueffetscontraires?Rassure-moi!–Nonàpartlefaitquejeconservemaformeprimale,plusriend’inavouableentrenous.Monestomacqui grondenous incite à nous lever. Je commenceà être une vraie goinfre

depuisquenoussommesliés.–Normal,tudépensesdeuxfoisplusd’énergie,tantphysiquequepsychique.–T’essûrquejenevaispasdevenirunebarrique?Sonrirementalm’enveloppe.–Certain!Maisnouscontinueronsàcourirplusieursfoisparsemainepourconserverle

tonus musculaire et évacuer le surplus d’énergie accumulé par nos différences dephysionomieentrechaquelune.

Une envie pressante m’oblige à me lever et je file dans la salle de bains. J’adore cettepièce, elle est immense. À l’origine, ce devait être une chambre. Elle ressemble à Morgan,avecseslignesépurées,alliantlepratiqueàl’essentiel.Lescouleursdelapiècesontdanslesrougeset gris, avec les servietteset peignoirsassortis. Je soupçonneJuliad’avoir ajoutéun

peignoir à ma taille, il n’y en avait qu’un la dernière fois que j’ai couché là. La douche àl’italienneestassezgrandepourselaveràdeuxainsiquelabaignoireàbulles.Hum!Nousnel’avons pas encore essayée, ce qui ne saurait tarder.Morg est assis devant la porte et suittousmesmouvements.Jesuistentéedemecaresserdevantlui,maisréaliseoùmespenséesm’entraînentetjerougis.

–Pardon,mon amour, je ne peuxm’empêcher de laissermes pensées divaguer sur dessentiersinterdits.

–Pasinterditssituvasauboutdetesidées,m’envoie-t-ilenmereprésentantentraindejouir.

–OK!OK!Onstoppeoulajournéevaserévélerinterminable. Je souffle à deux doigts de succomber à ses désirs.Maismon estomac, ce traître, se

rappelle à mon souvenir, grognant de plus belle. J’enfile en vitesse mes sous-vêtements desport,puisunlegging,ungrandsweat-shirtnoirtoutdoux,taguéaunomd’ungroupequejeneconnais pas, et mes baskets. Parée pour une bonne promenade en forêt après le petitdéjeuner.

L’avantage, c’est qu’il y a toujours quelqu’un de disposé à marcher, courir ou faire ducheval,quelquesoitlemomentdelajournée.Ladépensephysiqueestnécessaireàl’équilibredeleurnature,çafaitpartieintégrantedeleurmodedevie.

Morgmesuitdans l’escalierque jedévalequatreàquatre,m’enchantantdemanouvelleformephysique. Ilsontbeaudire,mêmesi lechangementn’estpas total, je le ressensdansmes muscles et mon endurance. Je ne m’essouffle plus lorsque je cours. Je n’ai plus dedouleurs au réveil et j’éprouve l’impression que mon cerveau travaille plus rapidement etengrangelesinformationsàunevitessehallucinante.Depuisquej’airéalisécequ’ilsétaientetce que je suis devenue, j’aurais dû être horrifiée. Tout dumoins, un tant soit peu perturbée,maisnon!Toutsembles’enchaîneretdécoulercommesij’avaistoujoursvécuainsi,commesitout cela se révélait naturel. Je demanderai à Hugo si leur sang ne contient pas quelquespsychotropes.

–C’estlefaitquetusoismonâmesœuretpeut-êtrequetusoisrestéetroisjoursdanslecomaaudépart.Monsangapus’implantersansrejetconscientdetapart,dumoinsest-celaseuleréponsequej’enai.Tuétaisfaitepourmoi,c’esttout!

Lacertitudequiémanedeluimecoupelesouffle,oui je luiappartiensdetouteslesfibresde mon corps. De toute mon âme. Nous nous arrêtons et nous regardons dans les yeux,l’amourentrenousflamboie,nousenveloppantetnousisolantdumonde.

J’aidumalàredescendresurterre,ilsemoquedemoitendrement.–J’aimequandj’arriveàtefaireplanerainsi.Ilpeutparler,jevoisbienquesespattesnesontplusaussifermes.Lesourirequijouesur

meslèvresluidémontrequejenesuispasdupe.–Allonsmanger,jemeursdefaim.–Oui,c’estça,faislemacho!pensé-je,riant.Ànotreentréedans lasalleàmanger, l’énergieestmoins fortequ’hiersoir.Camillenous

interpelleetfaitsignequ’ilagardédelaplaceprèsdeluipournous.Lorsquejem’approcheilmeglisseenprivé:

–Je t’attendais,Noémiem’aexpressémentplanté làenme laissantunecommissionà tedélivrer.

Jefroncelessourcils,cequiprovoquesonrire.–Juste tedireque les fillespartentàquatorzeheures faire lesboutiquesàManosqueet

qu’ellesveulentquetulesaccompagnes.–Quivientavecnous?Jeneconnaispasbientoutesleslouvesetj’angoissequelquepeuàmeretrouveravecdes

inconnues.–Vas-y,machérie!Tuprendrasmacartebleuedansmonportefeuillesurlacommode.–Hey!Jen’aipasbesoindetessous!Puisjeprendsconsciencequec’estunemanièrepourluid’êtreprésent,deréaliserquelque

chosepourmoi,cequesaconditionactuelleluirefuse.–Merci,monamour!Jeprésumequeturesteslà?–Oui,tuasbesoind’unpeudelibertéetj’aiconfianceenverslesnôtrespourteprotéger.Un boule se forme dans ma gorge, ce sera la première fois que l’on se sépare depuis

presque une semaine que nos psychés sont ouvertes l’une à l’autre. Arriverai-je à gérer lemanquedelui,mêmequelquesheures?

– Oui, ne t’en fais pas, cela te fera passer le temps. Je soupçonne Noémie d’avoirorganisétoutçapourt’occuperafindenepassefocalisersurlalune.

–Oui,c’estbiend’elle,elleestvraimentextraordinaire.Merci,Camille,merciàvousdeux.Jevousadore.

–Attention,Morgmeplanteralescrocsdanslefondementsitut’approches.Jemepenchesurluietluiclaqueunebisesurlajoue,cequilefaitrougir.Jen’ycroispas!

Unlouptimide,onauratoutvu.Letempsdefinirdedéjeuneretdedébarrasserlatable,toutungroupeseformepouraller

courir.Morgmedemandesijeveuxmejoindreàeux.–Pourquoipas?Celamepermettrademieuxlierconnaissance.Bon,ilfautquejem’entraîneunpeuplus,ilsm’ontépuisée.C’estdelapetitebièrequandje

coursavecMorg.Semesureràdes lycanthropeschange ladonne,mais jesuiscontente.Jeles ai fait rire àme traîner commeune limace, et celam’a effectivement permis de discuter

avecplusieursd’entreeux.J’aiunenouvelleamie,Lucille.Elleestcélibataireetcomptebien le rester tantqu’ellene

trouvera pas son âme sœur. Elle en rêve et se réserve pour lui, enfin disons plutôt qu’ellerefuse de vivre avec un mec, ce qui ne l’empêche pas d’avoir des copains. Une vraiecontradiction.Assezpetitepourunelouve,unmètresoixante-douze,cequinousarapprochéesnaturellement,étant lesdeuxseulesminusculesaumilieudegéants.Elleestmagnifiqueavecsa tignasse bouclée châtain clair éclairée de reflets roux, son visage en cœur où de grandsyeux verts et noisette amènent une touche de malice. Sa bouche est agrémentée d’unesuperbe fossette, et un nez en trompette complète l’ensemble, on dirait un lutin. Elle nousaccompagnecetaprès-mididansnotreviréeenville.Quatrenanas,celanevapasêtretriste.

L’après-midiabiendébuté,ànouslesboutiques!Letempsdetrouveruneplacedeparkinget les sacs de fringues et de chaussures ont commencé à s’entasser. J’aimême acheté unensemblede lingeriequidevraitémoustillerMorgan,enfinsi j’ai le tempsde l’enfilerceweek-end.

AprèsdeuxheuresloindeMorg,lemanquecommenceàsefairesentir.Uneimpressiondefroid s’étend dans ma poitrine au point que les filles s’inquiètent de me voir perdre mescouleurs. Du coup, on retourne à la Bastide sur les chapeaux de roues. C’est Noémie quiconduit pendant que Lucille et Cynthia me serrent toutes deux pour me communiquer del’énergie.Jenecomprendspascommentc’estpossibled’êtreliéàcepoint.

–Dans un quart d’heure, nous serons à lamaison, ça va ? Tu tiens le coup ?DemandeNoémieenjetantunœildanslerétroviseur.

–Jemesensfaibleetj’aifroid,dis-jeenclaquantdesdents.J’éprouve unmanque dévastateur demon amour.De plus, l’idée qu’il doit être dans tous

ses états lui aussi me rend d’autant plus malade. Lucille rappelle Julia pour donner desnouvelles, cela fait déjà quatre fois depuis qu’on est parties du centre-ville. Plus d’une heureentreManosque et la Bastide, mais je crois que Noémie battra tous les records de vitesseaujourd’hui.Elleesthyperconcentréesursaconduite.

– Julia, c’est Lucille, on est presque arrivées.Morg est près de toi ? Comment va-t-il ?Manons’inquiètepourlui.

…JenesaisispascequerépondJulia.–Toujoursrien!C’estàsensunique,impossibledejoindresonesprit.Passe-luileportable,

Manonabesoindel’entendre.Elle me colle le téléphone sur l’oreille. J’écoute Morg aboyer de l’autre côté, mais ne

parviens pas à comprendre ce qu’il veut me dire. Notre lien ne franchit pas les ondesapparemment.

–Morg,calme-toi!jesuislà,murmuré-jed’unevoixéteinte.

Jemesensglisser,froid…lourd…sifroid.Ladernièrechosequejeperçoisc’estLucillequihurle:

–Putain,onlaperd…Puis,commeunedéchirure,unedécharged’électricité.Jeprendsunegrandeinspiration,et

recommence à respirer. Je ressens un fourmillement sous mon crâne. Au passage, jereconnais le pont à l’intersection où se trouve la distillerie de lavande.Nous sommes sur lesterres de la bastide. L’énergie se rue enmoi,m’enveloppe. Je sensMorg qui s’avance versmoi.Ilcoupeàtraversleschampspourserapprocherplusvite.

J’aiàpeineletempsdedire:–Ralentis,ilarrive…NoémiefreinepouréviterMorgquis’estpresquejetésouslesrouesdu4x4.CynthiaouvrelaporteetMorgbonditsurmoi.Soncontactmefaithurler,c’estcommesion

déversait de l’acidedansmesveines. Jeconvulsesur labanquettearrière.LucilleetCynthiamemaintiennentpourm’empêcherdemeblesser.

–Manon,monamour,madouce…pardon. Les pensées de Morgan sont complètement affolées. Il s’en veut de me faire encore

souffrir. Ladouleur commenceà refluer, je sens l’énergieet la chaleur réintégrermoncorps.Mes idées s’éclaircissent. Le reste de lameute débarque à la suite de Julia et Joseph. Cedernierpestecommeuncharretier.Comparantcequinousarriveauxenfers.

Quem’importelesautres,mesyeuxrivésàceuxdeMorgan,j’expérimentenotreconnexionquiseremetenplaceavecunbruitdeverrouillage.Jeluisourisetlapaniquequittesonregard.

–Bon!Plusd’absencessupérieuresàdeuxheures,luimurmuré-je.–Bordel!Ques’est-ilpassépourquetureviennesdanscetétat?questionneJoseph.Ilpousseunsoupirdesoulagementlorsquejemeredresseenpositionassise.–J’aimeraisbienlesavoir,croassé-je,lavoixcassée.Lasouffrances’estompeetdisparaît,melaissantcommesurunnuage…–Madouce,monamour,continuedeserinerMorg,dépassépar lesévénements.Horrifié

deladouleurqu’ilm’aoccasionnée.–Chut!Cen’estpastoi!–Si,c’estmoi,au furetàmesureque tu t’éloignais, jemesentaisdevenirplus fort.Au

départ, j’aicruquec’était l’énergiedelalune,maisilmanqueplusieursheuresavantqu’elleapparaisse.Tunecomprendspas, je tevidaisdetonénergie,detonfluidevital.Commelafoisoùtuasfaillimourir.

–Etmerde!–OhBordel!disentJosephetJuliaencœur.Cequim’atiréunsourire.Ilssuiventlaconversationparnotrelienmental.

Chapitre11:Miseàmort

Morg/Morgan:le18décembreensoirée.

Manonserepose.Lafrayeurressentiecetaprès-midimecolleàlapeau,elles’infiltredansles moindres fibres de mon corps. De plus, je culpabilise. J’aurais dû anticiper ce qui s’estpassé.Nousavionsconvenudeneplusnousquitteretjel’aiencouragéeàsortiraveclesfilles.MonDieu!J’auraispulatuer!

J’aiconstatélapuissancequiréintégraitmoncorpsetellenevenaitpasdelalune.Àquoisert-ildegardermon intellectsi jenepeux l’utiliser?Madouce,elle,nes’enestpas renduecomptetoutdesuite.D’aprèscequ’ellem’araconté,elleacommencéàfatiguer,àavoirdesvertiges,puisdelatachycardie.Quandelleasaisicequiclochait,elleademandéàrentreràlabastide.Uneputaind’heureàangoisser.Sonauraavaitpresquedisparulorsqu’ellearejointlapropriété.Heureusementque l’énergiedesnôtres l’a soutenuedèsqu’elle s’est suffisammentapprochée du domaine.Nous avons appris encore une chose nous concernant : la durée deséparationnedoitpasdépasserlesdeuxheuressijeneveuxpasqu’ellesouffre.Hugom’acrumalade, je gémissais, désespéré de ne pouvoir communiquer, ce quim'affolait.Donnant descoups demuseau vers son téléphone, je ne comprenais pas pourquoimon franginmettait silongtempsavantdepercuter.Detoutefaçon,ilsaittrèsbienqu'elleseulemeplongedansdesétatspareils.

Ellevaraterlamiseàmortquiseprépare.Enunsens,jepréfère!Laviolenceetlahargnequinoushabitentquandondoitsepartagerlaviande–oui,àcemoment-là,cen’estplusquede la nourriture pour nous – et cela risque de l’horrifier ; même si elle ne semblait pasperturbéependantqu’ellelisaitdansmessouvenirs.

Le soleil se couche, les ombres s’allongent dans la vallée. Un froid piquant s’élève de laterre.Encontrebas,labrumeseformelelongdelarivière.Ilmanqueencorequelquesheuresavantl’apparitiondelalune,maiscesoirc’estcelledel’équinoxed’hiver.Lapluslonguenuitdel’année.

RossetJamiesontpartisilyaunmomentpourremonterlesprisonniers.Nouspatientonsàl’entréedelavalléedesMayors,notredomainesacré,celuiqu’aucunhumainn’apufoulerets’en sortir vivant pour en parler. J’entends lemoteur duToyota. Ils arrivent. Ils leur ont justelaissé un slip et les chaussures pour qu’ils puissent courir. Rien n’est plus chiant que dedéchiqueterlesfringuesavantd’attaquerlabarbaque.Moncôtésauvagedominemespenséeshumainesàprésent.Jebasculeenmodeloupcommelerestedelameute,ouvrantnotreaura

à notre face cachée. Guss et Ludo sont tétanisés, ils tiennent à peine sur leurs jambes.J’espèrequel’instinctdesurvieprendraledessusetqu’ilsnousdonneront l’opportunitédeleschasser quelque peu. La traque à proprement parler est réservée àRegis et Anaëlle. Nousn’interviendronsquepourl’hallaliafind’effacertoutestracesdelatuerie.

Cequisubsisteraseraéliminépar la faunedecettevalléeprotégée.J’essaiedecontenirmon impatience. C’est une fête et une communion pour nous quand un des nôtres reçoit la«survivance» et cesoir ils sontdeux.Jesens l’ardeurenfleret lesgrognementssortirdespoitrails. Nous attendrons le signal de l’Alpha avant de muter. Joseph ne participe pas à labattue, il demeure avecmamère pour garderManon. Ils iront courir à l’heure où la lune selèvera.Échangeant leursplacesavecceuxd’entrenousquipartageront leurénergiepourquejepuisseredevenirhumain.

Notre Alpha s’approche et énonce les règles. Il faut qu’ils croient avoir une chance des’échapper. Je sais, c’est cruel, mais nous sommes des loups-garous et cela fait partieintégrantedenotrenature.Lecôtésadique, lui,esthumain.Lavengeanceestunplatquisesavoureetcesoirnousdégusteronsleshors-d’œuvre...Lespremiershurlementsretentissent,lesBêtan’ontpaspuattendrepourmuter,lapressionmonte.

– Vous disposez de dix minutes à partir du premier coup de sifflet. Le deuxième vousavertiraqueletempsestécoulé.Sivousatteignezleslimitesdudomaine,symboliséespardesmarques blanches sur les arbres, vous gagnerez votre survie et nous vous remettrons à lajusticepourqu’ellevouspunissedevoscrimes.Sinousvousrattraponsavantcette frontière,vousperdrezlavie!

Tout n'est qu'illusionsetmensongespoureux, ce soir.Un individu sedétachede l’ombre,unecarabinedelongueportéeàvisiondenuitenbandoulière,laissantcroireauxpourrisqu’ilsnefinirontpassousnoscrocsetqu’ilsobtiendrontunemortpropreetrapide.L’expériencenousainstruitdelameilleurefaçondeprocéder.Ainsi, ilsneresterontpasfigéscommedeslapinsdans les phares d’une voiture et, même s’ils n’ont aucune chance de nous échapper, leursderniersmomentsserontdeliberté.

Leurs yeux sont agrandis par la peur, ils tremblent de tous leurs membres. On entendmêmeclaquerleursdents.

Puismonpèredonneledépart:–Courez!hurle-t-ilavantdemettrelesiffletàlabouche.Ausonstrident,GussetLudoseprécipitentdans ladirectionqu’on leura imposéepar la

haied’honneurétabliedechaquecôtédesprisonniers.Ceuxquin’étaientpasencoresousleurformedeloup-garoufinissentdesedéshabilleretmutentsurplace.TouslesregardssontfixéssurRégisetAnaëllequi,eux,nequittentpasl’Alphadesyeux,attendantledeuxièmecoupdesiffletpourbondir.Chacund’entrenousprendsesmarques,nousallonslesencercler. Ilssont

sifacilesàpister.L’odeurâcredelapeurdansleursillageestcommeunebalisededétresse.Lesgenévriers les lacèrentaupassage,diffusant l’arômede leur sang tel un fil d’Arianequ’ilnousestaisédesuivre.Lefumetqu’ilsdégagentestfabuleux,mélanged’aciditédelapaniqueetladouceurdel’adrénalinequipulseaurythmedeleurcœuretleursveines.

Hum!Queldélice!Le deuxième coup de sifflet me transperce comme une flèche et la meute s'élance à la

poursuite des sacrifiés. Nous ratissons large pour les encercler. Quelques hurlementss’échappentdelagorgedesBêtas,bloquantlarespirationdesfugitifs.Ceux-cifontuntelraffutquel'onpourraitpresquelessuivreaubruitdespierressousleurspas.Lesombresdesnôtressefaufilentdanslessous-bois.Enpeudetemps,Anaëllerejointsonobjectif,elleachoisiceluiqui possède le plusdepuissance.Grâceà sa formationde chasseur, elle ne rate jamais saproieets’infiltreaisémentdanslaPsychédecelle-ci.D’unbond,ellesautesurlesépaulesdesa cible, le plaquant à terre, grognant, les babines retroussées. Il essaie de se redresser,malgré la louveaccrochéeàsonbras ; ilparvientàsemettreàquatrepattes.Ladouleur letranscende.Ilbeugled’effroi.Ladécharged’adrénalinequedéclenchececriattisenotrefaim.Lasalivesedéversecommeunefontainedansmagueule.Mesmâchoiresclaquentauvent.Lecœurdel’humainbatàtoutrompreetl’urinequis’écoulelelongdesacuissedéposeunetraceodoranteausol.Anaëllelerelâchepourmieuxlesaisirànouveauenretombantsursondos.Ilalatêtelevéeverslaligned’arbresmarquésdeblancquisedétachentcommedesfantômessur lenoirde lanuit.Plusquequelquespas,pense-t-il.Trop tard…Son regard reste rivé àcette limite quand la louve plante ses crocs autour de sa carotide, s’abreuvant du sang quipulseàflotscontinus.

Le partage sera total. Comme elle est au service de la communauté, elle a décidé de

rendre son aura ouverte pour la communion. Chacun d’entre nous pourra savourer l’énergierécoltée,mêmesicelle-ciestengrangéeauxtroisquartsparceluiquitue.

Obnubilépar lapuissancedusangquipénètre lecorpsd’Anaëlle, j’ai failli rater lamiseàmortdeLudo.Régisl’abloquéprèsdesrochers,parunetraversequidescendverslarivière.Ils’estéloignévers lagaucheetabifurquévers lesud,malin !Celaauraitpufonctionnersi leschasseurs n’étaient pas des loups. Régis s’y reprend à plusieurs reprises pour l’arrêter.L’attrapantaudépartparunecheville,cequil’aprojetéencontrebas.Illerécupèreensuiteparlebrasdroitdans lequel ilplantesescrocsprofondément.Lapoursuiteet l’odeurdusang luifontperdre la tête. Ilmord leblessésur tout lecorps,déchaîné.Leshurlementsdesaproies’achèventRégis,l’ayantplaquésurledos,luidéchiquettelecouavecrage.C’estsapremièreattribution,sonpremierhumain. Ilest fébrile,néanmoins ilarriveàengrangercorrectement lavitalitéquiémanedesontrophée.Lesbattementsducœurdecedernierfinissentparralentir

etdisparaître.Jenecroispasquelesautresaientgoûtéàl’auraquis’enestéchappée,ilmesemblequenon.C’estdoncspécifiqueàcequejesuisdevenu.Quoi?Qui?J’apprécieraisdelesavoir.Unmurmureenvahitmoncrâne,jebloquemesinterrogations.

JesensManonquis’éveilleets’inquiètedenepasmetrouveràsonchevet.Linda,lasœurdeCynthia, latroisièmelouvequi lesaaccompagnéesàManosquepénètredanslachambre.Elleestenceinte,doncneparticipepasàlapoursuite.Sonmâlepartageral’énergieavecellelorsdelacurée,commejeleferaiavecmadouce.

«Net’inquiètepas!Tun’espasseule,jesuisrestéeavectoi»,luidit-elle.Manon ne répond pas, elle cherche l'union avec mes pensées et son angoisse décroît

lorsqu’elleserendcomptequejesuislà.Uneboufféed’amourm’enveloppeetjem’élancesurlestracesdelameute.

Manonestconnectéeetreçoitcequej’airécupérédeRégis.Lebien-êtrequ’elleexhalealedondetitillerl’hommeenmoi.C’estpresquesexuel.

« Tu ne perds rien pour attendre ; un peu de patience et tu crieras bientôt de plaisir !menacé-je

Hum!Viensmonamour,jet’attends»,répond-elle.Oh ! La coquine, elle sent que la lune approche et lâche la bride à ses fantasmes.

J’aimeraispouvoirfairelamêmechose,maiscecorpsnelesupporteraitpastrèsbien.L’odeurdusangetdelaviandefraîchemerappelleàl’ordreetaiguisemonappétit.Jene

voulaispasqueManonassisteàlacurée,maisc’estplusfortquemoi,jedoismenourrir.Je me dirige vers la dépouille de celui tué par Anaëlle ; j’ai vu par l’esprit qu’il est déjà

démembré.Monestomacgrondedefaim, jesaliveàsentir leseffluvesquisedégagentdelacarcasse. Il ya très longtempsque jen’avaispas laissésortir le loupdemoiet jeme rendscomptequej’aiaussigardécettefacettedemanature.Laseuledifférence,c’estquejenemetransformeplusendehorsdesnuitsdeluneetquej’aiperdumaformemi-loupmi-homme.

DeuxBêtassedisputentunmêmemorceau;pourtant,cesoir,ilyenapourtoutlemonde.Des coups de dents partent, un des jeunes couine et lâche la part qu’il convoitait. Mesperceptionssontdiffuses,lescouleursabsentes,cequicontribueàjeterunvoilesurcequisedéroule. Dans un coin de mon esprit, Manon demeure comme un phare, sa lumière et sessensationsprimentsurtoutcequej’accomplis.Pourl’instant,elletientlechoc.

Jen’osem’ouvrirengrand,justecequ’ilfautpourluifaireparvenirmasatisfactionàl’idéequ’ilsnepuissentplusjamaiss’attaqueràelle.Etaussipourluienvoyerl’énergieengrangéeparcettenourritureetlepartagedulienaveclameute.

Lefestinestterminé.Quelquesos,tropgros,disparaîtrontenpeudetemps,lessangliersetautresnécrophagessechargerontdenettoyerlecoinattirésparl’odeurdusang.Lameuterepuesedirigecalmementverslabastide.Nouspasseronstousauxdouchesavantderentrer

danslamaison.

Chapitre12:Métamorphose

Manon:aprèslasentence,le18décembre.

Morgnedevrait pas tarderàmonterme rejoindre. Je restedans la chambre, jen’ai pasenviedelesvoir.Jesuispartagée…

Je me sens si mal… Pas en rapport avec ce qu’ils ont fait, non ! Plutôt à cause del’absencede regrets,de remords ; toutcequidevraitm’horrifieren tantqu’humainetquimesemblenormalàprésent.

Etsibiend’autrepart…J’éprouveunesatisfactionsansnomàl’idéequejusticesoit faite.Lessensationsfabuleusesquimesontparvenuesonteffacélecôtésordidedecesexécutions.Hum!JeprésumequeMorganaencoremissongraindeseletaatténuécequ’illaissaitfiltrer.Qu’importe!Laseulechosequejeretiensestquecespourrisnepourrontplusfairedetortàquiquecesoit.Mêléeàtoutcela,lavibrationténuedelalunequis’avanceetnetarderapasàsedévoiler.

Jem’étiredansnotregrand lit,permettantàmespenséesdevagabonder.Depuisdouzejoursque je lesbrime,ellespartentdans tous lessens.Laprincipaleest l’imagedeMorgan,nu, qui me hante. Mes nerfs sont à bout. Le moindre bruit me fait sursauter et mon cœuraccélèredansmapoitrine.Jehalète faiblement,préparantmoncorpsà recevoirmonamour.Je le sens qui s’approche et le cliquetis de ses griffes dans les escaliers tinte comme unedoucemélodie.Iln’apaseulapatienced’attendrequ'uneplaceselibèrepourselaverdanslesdouchescommunesquisontausous-sol,etsedirigeencorecouvertdesrestesdufestinverslachambre.Jemerelèveetm’orienteversladouche,j’anticipesonarrivée.

Il pousse laportedesonmuseau, chacundenousdans l’encadrementd’uneporte.Puis,d’un tour de rein, la ferme derrière lui. Son regard d’ambre pur est fixé dansmes yeux. Lachaleursediffuseàpartirdemonentrejambe.Jereprendsmarespirationendeuxgoulées.Jen’avaispasconsciencedel’avoirbloquée.L’odeurdusangetdelamortflotteautourdeluietma louvesalived’envie.Je labrime,cen’estplus l’heure.J’ai toutautrechoseen tête,etcedontj’aibesoinpourmenourrirneconcernepasl’estomac.Morgs’avanceenmodeprédateur,faisant roulersesmusclessoussa fourrure.Mêmesouscette forme, ilestsexyendiableetdégageunechargede testostérone incroyable.S’il se trouvaitunependuledans lachambre,elle égrènerait les secondes qui passent et nous rapprochent de l’instant ou, enfin, il sera ànouveau à moi… en moi. J’envoie la main pour ouvrir l’eau de la douche. Nos regards etpenséessontenroulésl’unàl’autre.Mesjambesfléchissentlégèrementsouslasensationqu’il

éveilleenmoi.Jen’aibuquelamoitiédelatisanedeJulia.Jepréfèreresterconsciente,mêmesi cela implique de souffrir. Je ne veux rien perdre du temps qui nous est imparti, il est troprare. Trois nuits, ensuite il reprendra son enveloppe canine pour douze jours. Mais pourl'instant,jerefused'ysonger.

J'avanceverslui,ilalepoilpoisseuxdesang…Nepasréfléchir.–Viens!dis-jed’unevoixrenduerauquedubesoinque j’aide lui.Lorsquenosépidermes

entrentencontact,l’alchimiesepropage,parcouranttoutesmesterminaisonsnerveusesteluncourant à basse tension. Celame surprend au premier abord, puis jeme laisse envahir parcette sensation. La peau deMorg est agitée de frissons, ondoyante sousma paume. Nousnousdéplaçonssouslapluiesortantdestroisjetscroisés.L’eauestchaude,ellemartèlemondos comme une nuée de moustiques. La mutation s’accélère. Je me colle contre lui, c’estl’échangedenosaurasqui permet cettemagie. Ladouleurest légèreen rapport auxautresfois.JesenslesosdeMorgsedéformer,s’allonger,sedécaler.Unpicd’angoissemesaisit,etsi…Puislasouffranceaugmente.Morglanceunhurlementreprisencœurparlameute,c’estlesignal.Lapuissancedéferleversnous,précipitantlamétamorphose.Jeperdsconnaissanceun bref instant et me retrouve dans les bras de Morgan qui me serrent tellement qu'ilsm’empêchentderespirer.

Il semetà rire,provoquantundélicieux frissonqui se termine là, justeaucentredemoi,entremescuisses.

–Manon,monamour,murmure-t-ild’unairémerveillé.Jesurprendssespensées,ilavaittellementpeurdenepasrevenir.Jepressemamainsur

sondos,puis jesuis la lignedesonépauledescendantvers lachutedesesreins,englobantunedeses fesses,si ferme,sidouce ; je remonteensuiteverssespectorauxpourarriveràsonvisage.Jesoulignedemondoigtsalèvreinférieure.Illehappeetl’aspire,déclenchantunvolcandansmonbas-ventre.

–Laver,fautselaverd’abord,bégaie-t-il,savoixpasencorebienassuréeetperturbéeparsatransition.

Meslarmescoulenttoutesseules,jesuissiheureusequemoncœurvaexploser.Après lui avoir fait deux shampoingset l’avoir étrillé de la têteauxpieds, sous toutes les

coutures, je me fais la remarque que sa vigueur commence à se manifester d’une façonflagrante. Nous serions bien restés sous la douche pour en profiter, mais le manque d’eauchaudeenadécidéautrement.Nousnous traînons jusqu’au litetnoussommesaffaléssur lacouette. Sa bouche rivée sur la mienne. Nos mains tremblantes s’explorent, s’étreignent,émerveilléesdeseretrouver.

Jetentedeparler,maisilmefaittaired’unbaiserravageur,mesignifiantainsiquecen’estplusl’heuredespalabres.

Plustard…

Chapitre13:Miracle?

Morgan:samedi19décembreaupetitmatin.

Lecorpsenpaix,j’éprouvel’impressiondeflottersurunpetitnuage.Notrecommunionaététotale.Rienquedepenseràcequ’onafaittoutàl’heure,monsexeseredresse.Madouceestépuisée.Jelalaissedormirencoreunpeu.Cesderniersjoursontététrèsdifficilespourelle.

Pourtant, il fautque jeme lève ;unbesoinurgentm’a réveilléet jenepeuxattendrepluslongtempsavantdemesoulager.Merde!

Je tenteraisbiend’yallersanselle.Si jecommenceàme transformerenchemin, je feraidemi-touretl’éveillerai.Unpasaprèsl’autre,j’arrivejusqu’àlaportedelasalledebain.Jesuisétonné.Lapremièrefoisque jemesuisretrouvéànouveauentantqu'humain, jen’aipufaireque quelques enjambées loin d’elle avant d’être rattrapé par lamétamorphose. Encore deuxmètres.C’est bon ! Et si…Non, ne pas crier victoire trop vite. Lamagie est si aléatoire et,cette nuit, la meute a engrangé tellement d’énergie que cela doit jouer. J’en profite pourreprendre une douche. La sueur de l’amour colle à ma peau, j’aimerais la garder, mais jepréfèremeprésenter toutproprepourunenouvelleséance.Monrirefuseet j’entendsManongrognerdanslapièceàcôté.

–MORGAN!crie-t-ellecomplètementaffoléedenepasmevoirdanslelit.–Chut!Chérie,turisquesderéveillertoutlemonde.Jepassematêtedel’autrecôtédumurdelasalledebains.Lesoleilpointesonmuseauà

l’horizonetlescouleurspasteldel’aubedévoilentlepanoramaquis’étendsouslesfenêtresdelachambre.C’estbonderetrouverunevisionnormale.

–Comment?…Jecroyais…–Jenecomprendspasnonplus,jeprendscommeçavient.Ilvafalloirtesterjusqu’àquelle

distancejepeuxmedéplacerendehorsdetasphèred’influence.Quantàsavoirsicephysiquesemaintiendra.Etcombiendetemps?Jen’ensaispasplusquetoi.Pourl’instant,quedirais-tudedescendreboireuncaféetmangerunbout?Pourrecouvrerdesforces,enchaîné-jed’unsouriregourmand.

–Café!OK!Café…Etonremonte…Son regard se fait câlin. Elle passe sa langue sur sa lèvre inférieure déclenchant une

érectionmonumentaledontellevaprofiterdansl’instant.Lesoleil inondele lit,sescheveuxéparsbrillentcommedel’orsoussesrayons.Elles’est

rendormie après notre dernière séance. Rien qu’à la voir, ainsi, abandonnée, mon envie

ressurgit. Ce n’est pas raisonnable, il est primordial qu’on se nourrisse pour préserver lapuissancenécessairepourconservercetteapparence.

Jereparsdanslasalledebains,faiscoulerunenouvelledouche.C’estbon!L’eauaeuletemps de se remettre à la bonne température. Manon, encore ensommeillée, vient m’yrejoindre.Jeluiretournecequ’ellem’afaithierausoir,lasavonnantetlacaressantjusqu’àcequ’elle crie grâce etme prenne dans sa bouche.À cemoment-là, c’estmoi qui ai rendu lesarmes.

Nousavonsquandmêmeréussiànoushabillerpourdescendredéjeuner.Manonestrestéeenhautdel’escalier.Dix,quinze,vingtpasnousséparentet l’énergienerefluepas.Unespoirinsensé prend racine dansmon esprit. Jeme dirige vers la cuisine qui se situe dans l’autrepartie de la maison. Ce qui représente environ cinquante mètres. Toujours rien. Manons'empressetoutdemêmedemerejoindre,inquiètequelechangementsedéclenchesanscriergare.Ellepréfèrenepastenterlediable.

Marie laisse tomber lacasserolequ’elleadans lesmainsàmavue.Lecriqu’ellepousseameutelesmembresquisetrouvaientdanslasalleàmanger.Chacunsepressepourmevoir;metoucher;meparler.Celaformeunecacophoniesansnom.Monpèresemontreetélèvelavoix pour savoir ce qui se passe. Quand la marée humaine se sépare et me dévoile à sonregard,jemesurel’amourqu’ilmeporte.Sonbeauvisagesecontractepouréviterdepartirensanglots, ce quimarqueraitmal par rapport à son statut d’Alpha, surtout devant le clan.Mamèrearrive,alertéeparl’appelmentaldesonâmesœur.Elleseprécipiteversmoi.

Manonestdescendue,ellesetientunpeuàl’écart,mecouvantcommesij'allaism'envoler.Ellemelaisseappréciercettecommunionaveclesmiens.Unebourradedansledosm’avertitque mon frangin est derrière moi. Hugo m’enveloppe de ses grands bras, sans un mot. Jeressens l’émotion qui le submerge, puis la flamme vive de Gabriel – mon petit frère – faitirruption.NotreZebulonopèredesbondsdejoieautourdelacuisine,puiss’arrêteprèsdemadouceetlaserretrèsfortcontrelui.Ellesourit,radieuse.Dieuquejel’aime!

L’effervescence se calme enfin, et nous nous dirigeons vers la pièce à l’arrière oùMariesertlesdéjeunersquandonsetrouveencomitérestreint.Lecaféetlesviennoiseriesfontleurapparition,puissuccèdentlepaingrillé, lesconfituresainsiquelemielproduitsur ledomaine.Je crois qu’ils ont l’intention de me gaver comme un canard. Manon me jette un regardmalicieuxensuivantmespensées. Julia s’assiedàcôtédemoietappliquesamainsurmonavant-bras comme pourm’empêcher de disparaître. Mon père et mes frères semettent enface. Ils retiennent les questions qu’ils voudraient me poser, me laissant profiter de cetintermède.

JeprendsletempsdeboireunegrandetassedecaféetdemangerunmorceaudufameuxcakedeMarieavantquel’interrogationrecommence.

–Çava,fils?sesoucieJoseph.–Oui,net’inquiètepas!réponds-jelabouchepleine.– La lune est encore haute dans le ciel, crois-tu que cela agit dans le fait que tu peux

t'éloignerdeManon?–Certainement,maisquelquechoseachangé.Ladernièrefoisquej’aimuté,jenepouvais

pasm’écarterdeplusdetroispas,etlà,j’aicomptéaumoinsunecinquantaine.Jepensequel’intensitédecetteluned’équinoxeyjoueunrôleimportant.Enplusdelaquantitéd’énergiequelameute a engrangée hier au soir. Mais ce n’est pas que cela. Le fait que nous avons ànouveautransmuémonAuraaveccelledeManon,celaadûmodifierladonne.L’amalgamedenosaurasycontribuelargement.Après,savoirsiceladureraetsinouspourronsprofiteràlongtermedecetteopportunité,seul letempsnousledira.Pour l’instant,nousallonstousjouirdecetteaccalmie.Jerefusedenourrirtropd’espoir,lachuteseraitterrible.

Parcesmots,jeleurindiquedelaissercourir.Jeneveuxpasperdrelepeud’heuresdontjebénéficieàpalabrerdanslevide.Onferalebilanaprèscestroisjours.

–Tuasraison,surenchéritJulia.Nousendiscuteronsmardi,etsiàcemoment-làlanaturereprendsesdroits,nousparleronspar l'intermédiairedeManon,commenous l’avons faitcesdernierstemps.Aprèstout,ledialogueesttoujourspossibleetl’étudedevotrecassepoursuiten Écosse. Il nous faudra simplement établir un mémoire pour leur communiquer lesévénementsaufuretàmesure,defaçonqu’ilspuissentlesrentrerdanslabasederecherche.Apparemment,Sorayabousculel’immobilismedessages.Ellescannetouslesécritsdansunebasededonnéesetademandé l’aided’informaticiensdepointepouryparvenir.Deuxd’entreeuxserendrontsurplacedèslafindelalunaison.Lesrésultatsdevraienttomberd’iciquelquesmois.

Puis,setournantversmachérie.– Désolée, Manon ! Tu seras obligée de t’armer de patience avant d’espérer quelques

solutions.–Noustiendronslecoup,surtoutsicequinousarriveceweek-endsereproduit.– Bon ! On en rediscutera aumoment des repas. Lamutation est assez douloureuse et

fatiganteetnousdevonsprendreunpeuderepos,conclus-je.Ilsnevonttoutdemêmepasm’empêcherdemeretrouverseulavecmadouce!Jeconçois

qu’ilssoientheureuxdemevoir,maisj’aidespriorités.Manonpiqueunfardàl’écoutedemespenséesetmafamilleéclatederire,nousdonnant

lefeuvertpournousfaufilerjusqu’àmonantre.Nousfuyonsversnotrechambre.Encorequelquesheuresavantquelalunedéclineetque

jeredevienneloup.Huitàneufheuresetlemiraclesereproduiraunefoisdeplus;dumoins,jepriedetoutemonâmepourcela.

À peine la porte refermée derrière nous, Manon essaie de relancer la discussion. Je laserre contre moi et la fais taire d’un baiser. Elle passe les bras autour de mon torse,entrouvrant ses lèvres pour accueillir ma langue quand je la glisse dans sa bouche commej’aimeraispénétrersoncorps.Insensiblement,jel’amèneverslelitoùnousbasculonsenriant.Nosfringuesvolentlittéralementsouslaforcedudésirquiprendpossessiondenotreâme.

Je retire le jean deManon et viens rapidement à bout de sa culotte que je déchire sousl’impatiencedelavoirnue,offerteàmonregard.Bienlapeinedemettredessous-vêtements,pense-t-elle. Le grognement qui lui répond vibre dans nos bouches. Puis jem’attaque à sonsoutien-gorge, libérantsesseinsrecouvertsdedentelle,observantd’unœilaffamésestétonssedresseràmoncontact.Jefaisdescendremesdoigtsvers la lignedufintriangleplusbas,dessinant lentement un rond au passage de son nombril s’égarant vers ses hanches pourrevenirversl’objetconvoité.

Mabouchesuitletracédemesdoigts.Monpouces’aventureverslesreplissoyeuxdesonintimité.Lachaleurquej’ytrouvemefaitgrognerdeplusbelle.

Je ladévoredebaisers,nepouvantmerassasierdugoûtetde l’odeurquiémanedesoncorps.

Mon sexe pulse du désir de se nicher en elle. Elle écarte les jambes se positionnant demanière à me laisser glisser en elle. Je me tiens à l’entrée de sa grotte sacrée. Puisdoucement,lapénètre.Jemugisdesatisfactiondelasentirsichaude,sihumide.Monamour,mafemme,mavie.

Puisjemeredresse,soulèvesonbassinetmemetsàalleretvenir.Lefeudansmonventremetourmenteetmecoupe la respiration.Nosyeux fixés l’unà l’autrepartagent leplaisirquenous éprouvons… Les frissons le long demon dos remontent jusqu’àma nuque. Le sourirequ’elleafficheetsamanièredebougerdéclenchentdessursautsdeseshanchesdeplusenplusrapprochésquimefontrugir.Jeperçoissajouissancequis'amplifie,prêteàlasubmerger,et me noie dans l’extase que je lui procure et qu'elle me communique par la pensée. Lacommunionentrenoscorpsetnosâmesestabsolue.Etnousressentonsensemblel’orgasmequinousfoudroie.Anéantisdevolupté,nousnouslaissonsglisserdanslesommeil.

Chapitre14:Humain?

Manon:aucoucherdelalune,versquinzeheures,le19décembre.

LestremblementsquiagitentMorganmeréveillent,jemejettesursapoitrine,cequiparaîtlecalmer.Illèvesesprunellesd’ambreversmoietarticuledifficilement.

–Àtoutàl’heuremonamour!Je retiens mes larmes. Je ne veux pas qu’il me voie pleurer. Quelques heures sous sa

formedeloup,cen’estpaslameràboire,lanuitprochaineilmeprendraànouveaudanssesbras.Jefermelesyeux,passantenmodemental.J’envoietoutemavolontéetmavitalitéverslui;pénétrantsespenséesetsoncorpscommejel’aifaithier,lorsquejesuisalléelechercherdans les limbesoùsonesprit s’était égaré. Ilmesembleque les frissonsqui le secouent secalment. J’ouvreunœil, lamétamorphosenes’estpaspoursuivie.Cependant, il a l’airassezfaibleetparaîtcommevidédesonénergie.Lamiennebourdonnedansmesveines.J’aiencorerécupéréunegrandepartiedelasienne.C’estàceniveau-làqu’ilfautinterrompreletransfert.Ildoitbienyavoirquelquechoseàtenter.

–Noustrouverons,murmure-t-il.Regardel’heure!Laluneestpasséedel’autrecôtédelaterreet jesuis toujours là.Parcontre,s’il teplaît !Monamour,ne t’éloignepasdemoi. J’ail’impressionqu’autrementjetomberaienmorceaux,finit-ilavecsonsourireencoin.

Bon !Cela ne va pas simal, s’il arrive à faire de l’humour. La difficulté est qu’au réveil,certaines fonctionssontobligatoireset ilvadevoirm’accompagnerà l’endroitoù jevaisseulehabituellement.

–Pasquepourtoi,dit-ilenéclatantderire.Oh,quec’estbondel’entendre!Nousenprofitonspournousdoucher,noscorpsrestentcollésl’unàl’autre,tournant,virant

dans une farandole incroyable pour rester au contact. Le plus dur est pour s’habiller. Quemettre pour que nos peaux ne soient pas séparées ? Pour lui, pas de problème. Un simplepantalon de jogging et pour moi j’ai déniché la tenue idéale, un leggins trois quarts et mabrassièredesport.Onressembleàdes«athlètesdehautniveau»ainsi.L’essentieldemeureque, malgré la disparition de la lune, Morgan conserve sa physionomie humaine. Je l’aimeautant quand il est Morg, mais j’ai quand même une préférence pour cet aspect. Devinezpourquoi. Ladescentedans lesescaliersestépique, les frottementsdenotrechair réveillentnotreenviede faire l’amour.Je le regardedans lesyeuxetnousnousposons laquestionderemonterdesuiteoupas.

Soyons raisonnables, il nous faut nous nourrir, la maîtrise de cette apparence demandebeaucoupplusd’énergie.Cettenuit,Morganauradenouveautoutesapuissanceetjecomptebienenprofiter.

–Comptelà-dessus!Jevaistefairel’amourjusqu’àcequetudemandesgrâce,plaisante-t-ild’unevoixtoutdemêmehachée.

Gardercetteenveloppemobilisetoutessesforces.–J’espèrebienquecen’estpasqu’unefanfaronnade.C’estmoiquivaist’épuiser.–Jen’attendsqueça.Sonrirefuseànouveau,ilestheureuxmalgrél’inconfortdenotresituationetjeréalise,moi

aussi, que je ne reviendrais pour rien au monde à ma vie d’avant. Nous sommes liés etqu’importeleprocédé,jesuisàluietilestàMOI!

Nous faisons encore une fois sensation quandnousdébarquons dans la salle àmanger.Ceuxquiétaientabsentscematinsepressentautourdenous.Lapuissancequ’ilsdégagentsecommuniqueàMorgan.Soncorpss’enressent.Sesépaulesserelèvent, ilsetientbeaucoupplusdroitet ladouleurqui letiraillaitdepuis lamétamorphoseavortéediminueinsensiblement.Hugo prend des notes et pose unemyriade de questions nous obligeant à dévoiler jusqu’aumoindredétailcequisepasseentrenous.

Nousgagnerons, il le faut !Nous trouverons lamanièrede le rameneretde leconforterdanssanatureoriginelle.Celademanderaletempsqu’ilfaudra;aprèstout,cen’estpascelaquinousmanquera.

Nouspassons le restede l’après-midiavecceuxde lameutequisont restéssurplaceetrestonsenbas jusqu’aprèssouper.Julia insistepourque jeboivedeuxgorgéesde la tisane,passuffisammentpournoyermesperceptions,mais toutdemêmeunpeupouréviterd'avoirmal.Morganenconsommelamêmedose.Auboutd’unmoment, jemerendscomptequ’ilserelâche.Jeforcelaportedesonespritetvoiscequ’ilm’acachétoutl’après-midi:cettetorturesous-jacente qui ne l’a pas quitté. C’est décidé ! Demain, je n’interromprai pas lamétamorphose.Aumoins,soussaformedelouppeut-ilrecouvrerdesforcesetsurtoutnepassouffrir.

Leretourdansnotrechambresedéroulemieuxquel’aller,nousavonsprisnosmarquesetc’estnaturellementmaindanslamainquenousgrimponslesescaliers.Cesimpleliennousunitetarriveàmaintenirlaconnexion.

Unefoisaulit,pasquestiondefairedesgalipettes.C’estfinalementcollél’unàl’autrequenousplongeonsdanslesbrasdeMorphée.

Le réveil aux hurlements de lameute est fabuleux.Nous n’avons pas beaucoup dormi, jejetteuncoupœilsurmontéléphone.Deuxheuresquinze,lehalodelaluneapparaîtaulointain.Morganaconservésonapparence,pasdemutationnidedouleur.L'élémentaire faitd’êtreà

sescôtéssuffitpourquelamagieopère.Ils ferontetdirontcequ’ilsveulent,nousnedescendronspasavant lepetitmatin. Ilnous

fautengrangerassezd’amouretdesouvenirsdenuitsbrûlantespourtenir lesdouzejoursquinousséparerontdelaprochainelune…

Lasonneriedemonportablemetiredusommeil,quidoncsepermetdenoustéléphonersi

tôt?D’un bond, je me lève, arrachant un grognement à Morgan qui essaie de me retenir au

passage. Je m’échappe un sourire aux lèvres. Un coup d’œil sur l'écran. C’est Janice. Jedéverrouillelestouchesetréponds:

–Bonjourmapuce!Commentvas-tu?–Maman!Qu’est-cequetuasfaitàpapa?Ilavaitl’airfurieuxquandilm’aappeléetoutà

l’heureetquejeluiaiditquejepasseraismesvacancesavectoi.

Àsuivre…

Résumédesépisodesprécédents

1erépisode:Elle

«Elle»asubiunaccidentsurunepetiteroutedesAlpes.Elleestsauvéepardeuxhommes

qui laramènentà labastideaux loups, leurmaisonfamiliale.L’und’eux,celuiquiaentendu lecri lorsqu’elleapercuté l’arbre, lanommeManonenattendantqu’elle retrouvesessouvenirs.L’attiranceentreeuxapparaîtpresquepalpable,maisluirefusedeselaisseraller.Unsecretetdes interdits l’obligentàcachercequ’iléprouve.Manonn’osepasnonplusdévoilercequ’elleressentàsoncontact.MorganetHugo,sonfrère,fontenréalitépartied’unecommunautéde

loups-garous.Cesoir-là,Morganluiaoffertdesonsangpourqu’ellesurviveàseslésions.Ilapu laguérirgrâceàsanaturede lycanthrope.LuiestvétérinaireetHugoexerce lemétierdechirurgien.HeureusementpourManon,ellesetrouveentredebonnesmains.L’allianceestainsiscellée.Seulement, il n’avait pasprévuqu’elle se révélerait sonâmesœuret que, lorsqu’il aléchésesplaies,leDonleslierait.

Les jours passent, elle se remet doucement de ses blessures. Morgan part dans lesalpages quelques jours ; la séparation leur apparaît difficile, il lui manque. Morgan ramèneManon chez elle : les gendarmes ayant terminé leurs investigations, elle peut réintégrer sondomicile sur Salon-de-Provence. Puis, juste avant d’entrer dans la demeure, ils craquent ets’embrassentpourlapremièrefois.

Elledécouvrelamaisonoùelleestcenséehabiter,maislessouvenirsdesavieantérieureà l’accident ne reviennent toujours pas. En regardant les photos contenues dans un tiroir,Morgan réalise qu’elle n’est pas libre. Ladouleur ressentie faceà cette constatation percuteManon à travers leur lien et elle s’évanouit. La décision qui s’impose à Morgan semblecornélienne… Il restera près d’elle et deviendra son compagnon sous sa forme animale.ConsentantàManonlachanced’échapperà lasentencequenemanquerapasdeprendre leconseil,carilsn’ontpaslechoix.Lefaitqu’ellesoitunieàunhumainetqu’elleaituneenfantlacondamneauxyeuxdelameute.Laloirestesimple:outuappartiensàlameute,outumeurs.

2eépisode:Morgan

Manonseréveillechezelle;apparemmentelleestencoretombéedanslespommes.Àla

suitedesonaccident,elledemeurefragileetsyncopeencasdestress.MorganestrepartietHugoestdescenduleremplacer.

Morganluifaitparveniruncadeau.Unsuperbechienloup.Morg,commelenommeManonen pensant àMorgan. Elle prend conscience qu’elle estmariée et qu’elle a une gosse. Sonépouxrevientlelendemaind’unemissionenAfrique.

Enretrouvantsonmari,lessouvenirsdeManonnerefontpassurface.D’autressentimentsseglissententreeux,maiscen’estpasdel’amour,plutôtdelaméfiance.Manonnecomprendpascommentetpourquoielle réagitainsi faceàJulien.Cederniersemblenedévoilerqu’unepartiedesélémentsquiluiferaientretrouverlamémoireetsurtoutilrefusequ’ellerencontresa

fille.Chassé-croisé de l’histoire entre Morgan, qui en réalité est Morg, et Manon. Elle ne se

doutederien,quoiquelanuit,descauchemarscontinuentdelahanter,mêlantMorgan,Morgetlabêtedontellenesesouvientquedesyeuxetqu’illuisembleavoiraperçuelorsdel’accident,àmoinsquecenesoitqu’uneillusiondesonesprit.

Parcontre, l’amourentreMorganetManongranditsansqu’ellesachequ’ilse trouveprèsd’elledanssonétatanimal.Unseulbaiseraétééchangéentreeux.

Quelques jours sont passés etManon retourne à la bastide sous la pression de Julia, lamèredeMorganetHugo.Laconjonctionde lapleine luneetde l’énergiede lameutepermetparmiracleàMorgande reprendresa formehumaine le tempsdequelquesheures.Maisaumatin,ilestredevenuloupetManonnesesouvientdelanuitpasséequecommeunrêve.

Décidément, rien ne va comme il faut.Pour venger sa sœur (Soraya l’ex. petite amie deMorgan), Ingrid, luidévoilequeMorganetelledoiventsemarierauprintempsetquecelle-ciestenceinte.Manonperddenouveauconnaissance…

3eépisode:Cauchemars

Manon n’accepte pas la révélation concernant Morgan et Soraya, elle part sans que

personne de la bastide ne puisse l’empêcher. Morgan, quant à lui, s’élance sur les tracesd’Ingrid afin de comprendre pourquoi son âme sœur s’est enfuie. Il est anéanti par le récitd’Ingrid:commentpourra-t-ilconvaincreManondesabonnefoialorsqu’ellenel’arevuqu’enrêve?Toutdumoinsest-ceainsiquedoit luiapparaîtrelamerveilleusenuitqu’ilsontréussiàpassercontretouteattente.Effectivement,ilestrevenuàsonaspecthumainpendantlaphaseascendantedelanouvellelune.Maisilfautpourcelaqu’ilresteencontactavecelle,lemoindreéloignement leramèneàsaformeprimale.Deplus, ilaacquis lacertitudequel’accidentn’enétait pas un, que c’était en réalité une tentative de meurtre sur la personne de Manon. Ildescend,avecHugoetGabriel,larejoindreàSalon-de-Provence,rassuré,carJuliaetCamille– son cousin – veillent sur elle en attendant son arrivée. Manon réfléchit et approche de lavérité,parlesbribesdesouvenirsquiremontentenrapportaveclesyeuxdeMorg,àMorganet la créature, qui hantent ses rêves. En revanche, son amnésie face à sa vie antérieureperdure.

La deuxième nuit se révèle catastrophique,Morgan ayant fluctué sans jamais pouvoir sestabiliser sur une apparence. C’est décidé, ils repartent tous à la bastide pour la troisièmetraverséedecettephaselunaire.Etlà,avecl’appuidel’énergiedeslycanthropesdelameute,MorganetManonpeuventendéfinitiveunircomplètementleurliend’âmessœurs.Etpartagerànouveauunenuittorride.

Auréveil,Manonestcomblée.Ilnerestequ’unpetitdétailàrégler.Enfindeux,plutôt!Sondivorceetrécupérersafille.Hugoapromisdel’aiderpourcela.

IlsredescendentdoncàSalon-de-ProvenceaccompagnésparJuliaetJoseph–l’AlphadelameuteetpèredeMorgan.Enchemin,ilsfonthaltechezlefrèredeJoseph,Théo.

JuliaetManonontunegrandeconversation.Etcettedernièrerentreàsondomicilelecœurunpeuplusjoyeux.

LaconnexionentreManonetMorgans’intensifie.Àprésent, ilpeut liredanssespensées,et bientôt, enprincipeà laneuvième lune,Manon lepourraelleaussi. Leurs sentiments sontexacerbéspar lasituationà laquelle ilssontconfrontés,etsurtout lahantisedenepassavoirs’ilsprofiterontànouveaudequelquesnuitsparmoislesangoisse.

AprèsunegrossediscussionentreManonetJulien,larelationentreeuxsedétériore.Julienexigedel’argentetManonneluiendonneraqu’aprèslasignaturedespapierspourledivorce.Mais Julien semble inquiet et lorsqu’il revient ce soir-là, il enfermeMorg dans la chambre etfrappeManonquiperdconnaissanceunefoisdeplus.

4eépisode:Traquenard

Manon se réveille ligotée dans la chambre d’amis alors que Morg est bloqué dans leur

chambre:Julienàcoincélaporteavecunechaise,l’empêchantdevenirenaideàManon.Petità petit,Manon prend conscience de ce que veut lui faire subir Julien…Rien demoins qu’unmeurtredéguiséensuicide.Julienluirévèlecequ’elleaoubliédufaitdesonamnésie.Elleestlibre,ilsontdivorcédepuisplusdesixmois.LessouvenirsdeManonaffluentetellesesouvientdetoutesavie.

Morgsuislesévénementsparlaliaisonmentalequ’ilpossèdeavecsachérie.Ilsedémènepour creuser un trou dans la porte demanière à faire sauter l’obstacle qui le retient loin deManon.

Ilparvientàs’échapperet…sauveManoninextremisaveclaparticipationdelameutedeson oncle Théo qui a été avertie par le lien demeute qu’ils avaient lié lors de leur passageavantderedescendresurSalon-deProvence.

Morgan se réveille dans le lit avecManon. Ils sont tous deux vivants et n’auront pas deséquellesgrâceàl’apportdusangdeloup-garou.

Deux jours plus tard,Guss, un des complices de julien, se pointe pour vérifier qu’elle estbienmorte.Maisriennesepassecommeill’entendaitetilseretrouveprisonnierdelameute.À travers son esprit, Julia etMorgan découvrent où se cachent Julien et le cousin deGuss,Ludo. Ils envoient lameute les récupérer.Seulement, quand ils encerclent la baraque, JulienestdéjàrepartipourunemissionauGabon.

Ilaquandmêmeletempsd’envoyerJaniceleurfillechezManon,censémentpourlavoir;en réalité, il espère que leur fille découvrira Manon morte. La rage enfle chez nos deuxamoureuxetledestindeJulienseraréglédèsqu’ilspourrontluiremettrelamaindessus.

Manonretrouvesafilleetrenoueavecelle,sixlongsmoisdeséparationentrelamèreetlafillesontenfincomblés.

La petite à bien grandi et a pris enmaturité ; Manon est désolée d’avoir raté une partimportantedelaviedesonenfant.

Retour à la bastide pour le procès des deux ordures qu’ils ont enfermées. Manon etMorganattendent fébrilement lanouvellepleine luneetMorganest inquietdesaréactionà lapenséedecequ’illuiaencorecachéenrapportavecsarace…

Dumêmeauteur:

LaBastideauxloupsépisode1–Elle

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LaBastideauxloupsépisode2–Morgan

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LaBastideauxloupsépisode3–Cauchemars

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LaBastideauxloupsépisode4–Traquenard

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LaBastideauxloupsVOLUME1

Regroupantlesépisodes1à3

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LeSangdelalignéeTome1Flashback:

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LeSangdelalignéeTome4Traquenard:

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LeSangdelalignée:L’intégrale

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