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Depuis 1971 décembre 2014 / 320 N°178 www.amisdelaterre.org Les pièges verts de la biomasse

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Les pièges verts de la biomasse

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Page 1: La baleine 178

Depuis 1971 décembre 2014 / 3€20 N°178

www.amisdelaterre.org

Les pièges verts de la biomasse

Page 2: La baleine 178

2 MOBILISATION

Ce projet est en effet emblématique dela puissance néfaste des profiteurs del’agriculture productiviste et de leurssoutiens politiques. C'est un exemple dela mainmise des mafias qui verrouillentles lieux de pouvoir. C'est un exempletypique des projetsinutiles et imposés. Sajustification s'inscritdans la fuite en avantqui détruit ce quireste de l'agriculturefrançaise et refuse lesalternatives qui per-mettraient de mettreen place une agricul-ture non-producti-viste.L’étude pour trouver une solution audéficit hydrique dans le bassin du Tescoua été confiée par le Conseil général duTarn à la Compagnie d’aménagementdes côteaux de Gascogne (CACG). Cettedernière compte dans les rangs de sesadministrateurs le vice-président duConseil général du Tarn, de plus encharge de l’eau. Quand on pose les questionset qu'on fait les réponses, cela facilite leschoses ! Ce chantier était une véritableaubaine pour la CACG car le site demandaitd’importants travaux, d'où le surdimen-sionnement du chantier.

L’enquête publique a été menée en cati-mini, la majorité socialiste au Conseilgénéral a voté le projet avec une majoritéécrasante, les plus réticents ayant suivipar discipline de parti ou par peur d'êtreoubliés à la prochaine distribution de

subventions pour lescantons.Dans un premiertemps, les associa-tions citoyennes etécologistes localesont choisi la voie desrecours judiciaires,recours dont les poli-ticiens locaux ne jugè-rent même pas néces-saire d’attendre les

résultats pour commencer les travaux. Al'arrivée des zadistes venus s’installersur le site pour empêcher la poursuitedes travaux, les autorités ont déployé lesgrands moyens avec l’envoi sur place deplusieurs escadrons de gendarmesmobiles sur-équipés. La machine de larépression s’est mise en marche, géné-rant son lot de blessés et d’interpella-tions, la multiplication des violencescontre les zadistes. Dans le mêmetemps, les pro-barrages ont organisé desexpéditions punitives, avec la passivitécomplice des autorités.

Etant donné ce contexte, comment s’étonnerde ce qui s’est passé dans la nuit du 25 au26 octobre ? Ce n'était que l’aboutisse-ment d’un pourrissement du conflit voulupar les pouvoirs locaux. Le pouvoir central,mis au courant dès les premières heuresde la gravité de la situation, n'a cessédepuis de couvrir ses barons locaux. Ce sont donc bien les pouvoirs publics locauxet nationaux qui ont engagé sciemment unenchaînement de provocations et de pas-sages en force. Le 25 octobre, ils ont claire-ment créé les conditions d'un affrontementet doivent en porter l'entière responsabilité.La mort de Rémi Fraisse ne fut pas unhasard mais le résultat d'un processusrévoltant. Elle est le symbole de ce sys-tème anti écologique et anti démocra-tique, qui a vocation à se perpétuer mêmesi le prix à payer devient de plus en pluslourd pour les populations. A celles-ci d'yrésister et d'élaborer l'indispensablealternative globale basée sur de réellesmobilisations locales, sans rien attendred'une classe politique de plus en plusfarouchement agrippée à la défense deses intérêts, au prix d'une violence institu-tionnelle clairement assumée.

> ALAIN DORDÉ > SÉBASTIEN SAJAS

Président des Amis de la Terre Midi-Pyrénées

Barrage de SivensL’impasse meurtrière du système

« Ce sont donc bien lespouvoirs publics locaux

qui ont engagé sciemmentun enchaînement de

provocations etde passage en force. »

L'obstination de ses promoteurs à construire coûte que coûte le barrage de Sivens et l'assassinat de Rémi Fraisse,qui en fut l'atroce conséquence, montrent, au-delà de la nécessité de l'arrêt définitif des travaux et de la miseen cause de tous les responsables, l'impasse dans laquelle se trouve le système.

© Collectif pour la sauvegarde de la zone hum

ide du TESTET

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SOMMAIRE

EDITOLes dérives d'un système inutile et imposé

Depuis 1971

Le Courrier de La Baleine n°178« Se ranger du côté des baleines n’est pas une position aussi légère qu’il peut le sembler de prime abord. »Septembre 2014 • n° CPPAP : 0317 G86222 - ISSN 1969 - 9212Dans ce numéro, les adhérents des Amis de la Terre trouveront un courrier de soutien, une plaquette de présentation des projets 2015 et le guide Climat : comment choisir ma banque ? .

03

Comme on pouvait s'y attendre au vu del'intensification des répressions policières àl'encontre des mobilisations contre les pro-jets inutiles et imposés, un drame est venufrapper les mouvements citoyens. La mortde Rémi Fraisse a marqué les esprits et tou-ché en plein cœur l'ensemble de tous ceuxqui se mobilisent et qui défendent les droitsde l'environnement. Ce qui transparait, c'estavant tout le sentiment d'injustice et derévolte face à un système qui multiplie lesdérives et qui méprise la société civile. Onnous parle de consultation, de participationou encore d'écoute, mais dans les faits, lesdéfenseurs de l'intérêt général, des droitsde la nature et de l'humain se sentent, aumieux, méprisés. À toutes les échelles, cesprojets inutiles et imposés sont le symboled'une société à la dérive qui elle peut toutse permettre au nom de la sacro-saintecroissance. Cette croissance voudrait main-tenant être verte et l'écologie une soi-disant opportunité. On le sait, c'est l'es-sence même de ce constat qui nous faitremettre en cause le système. C'est ce

même système qui est inutile et imposé etdont l'objet même est de ne servir que lesintérêts d'une « élite » ultra-minoritaire.Nous y opposons les sociétés soutenables,ces sociétés du bien-être dans lesquelleschacun aurait sa place au sein d'un environ-nement sain où les notions de bonheur etde respect seraient centrales.

Ce numéro de la Baleine est le dernier decette année 2014 et clôture sur cet épi-sode funeste. Encore une fois, les Amis dela Terre vont chercher à montrer la voie ety dénoncer les fausses solutions. Notredossier central est consacré à la bio-masse et montre aussi notre volontéd'ouverture. Il a été réalisé en partenariatavec Reporterre, le quotidien de l’écologiefondé par Hervé Kempf. Dans ce systèmegangréné, l'information réellement indé-pendante est bien rare et nous ne pou-vons que saluer le travail réalisé au quo-tidien par l'équipe de ce journal quidéfend nos valeurs communes. D'autrespartenariats de ce type sont en réflexion

pour l'année 2015 qui devra être uneannée charnière et incarner pour notrefédération un renouveau. La COP21, som-met de l'ONU sur le climat qui se tiendraà la fin de l'année à Paris va être l'évène-ment phare de cette année. Ce sera ungrand moment pour notre fédérationavec l'accueil de milliers d'Amis de laTerre de tous les pays qui viendront nousrejoindre pour peser sur les conclusionsde l'accord qui devrait être signé. Il seraaussi question pour nous de dénoncer lesresponsables du changement climatiqueet de montrer que les solutions existent.Ces solutions partent de la base, c'est àdire du-de la citoyen-ne qui lui-elle n'at-tend pas que tout vienne de nos déci-deurs pour mettre en place dès mainte-nant les véritables alternatives, locales etconcrètes au changement climatique età l'épuisement des ressources.

FLORENT COMPAINPrésident des Amis de la Terre France

2 > MOBILISATIONBarrage de Sivens : l’impasse meurtrièredu système

4 > VIE ASSOCIATIVETextes libres des militants du réseau –Quelques nouvelles du pic pétrolierRetour sur l’Assemblée généraledes Amis de la Terre International

5-7 > FRANCEAvec Alternatiba Gironde, la mobilisations’amplifieBure Stop : nos colères ne sont pas réversiblesDijon : cité de la publicité !Et si nous devenions tous des foyers témoins ?

8 > INTERNATIONALYukon, Canada : le gaz de schiste, ni ici, ni ailleurs !Shell, GDF Suez et Samsung remportentles Prix Pinocchio 2014 !Climat : nous reviendrons et nous seronsdes millionsLes associations mobilisées pour dénoncerle salon qui tue

9-14 > DOSSIER > Les pièges vertsde la biomasse

Bon est le bois, mais à juste échelleAspiré par des centrales géantes, les boisn'est plus écologiqueLocal, mesuré et citoyen, « small bois is beautiful »

La forêt n'est pas inépuisableLa méthanisation, une bonne solution menacéepar le gigantismeJardiner la forêt plutôt que l'exploiter,pour arriver au bois bioQuand méthanisation rime avec agroécologie

15 > PUBLICATIONSNanotechnologies : une invasion silencieuseDécouvrez le projet photographique « Keepers »

16 > PRATIQUES, HUMEURSMarre que votre argent pollue ? Changezde banque !Avec le TAFTA, la langue de boisest transatlantique !

Directeur de la publication Florent Compain Rédactrice en chef Caroline Prak Le dossier a été confié à Reporterre - merci à Marie Astier, Barnabé Binctin, Hervé Kempf,Lorène Lavocat et à Tommy Dessine pour ses illustrations Rédacteurs Les Amis de la Terre Côte d’Or, Les Amis de la Terre Gironde, Les Amis de la Terre Paris, Christian Berdot,Christophe Cérès, Martine Degrave, Alain Dordé, Eric Faïsse, Vincent Jannin, Jean-Yves Le Thérizien, Malika Peyraut, Lucie Pinson, Juliette Renaud, Sébastien Sajas, Cynthia Sou.Communication, relations presse Caroline Prak • [email protected] • 09 72 43 92 65 Maquette Nismo Carl Pezin • www.nismo.fr Impression sur papierrecyclé Offset cyclus 115g/m2 avec encres végétales • Stipa • 01 48 18 20 50

Les Amis de la Terre France 2B rue Jules Ferry 93100 Montreuil • [email protected] • 01 48 51 32 22 • www.amisdelaterre.org

>>En 2015, faites la différence !>> Soutenez l’un des 4 projets phares des Amis de la Terre.La construction d’un monde plus équitable et solidaire passe par l’implication de tous. L’écologie répond de façon transversale àdes problématiques qui touchent la collectivité dans son ensemble. C’est ainsi par l’action collective que nous souhaitons voirémerger les transformations.Vous partagez nos valeurs et notre engagement pour la transition écologique ? Accompagnez-nous dans nos projets et répondezà notre appel. Merci d'avance pour votre générosité.

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04 VIE ASSOCIATIVE

L’expression communément utilisée du « pic pétrolier » (ou peak oil enanglais) désigne le pic pétrolier mondial soit le moment où la productionmondiale de pétrole plafonne avant de commencer à décliner du fait del'épuisement des réserves de pétrole exploitables. L’exemple ci dessousmontre pour la Norvège l’allure de cette courbe avec un maximum qui peutêtre plus ou moins plat suivant les gisements. Au début de l’exploitation, laproduction augmente puis décline après le pic, quand le gisementnécessite plus de forages et plus d’injection d’énergie pour extraire lepétrole. Au moment où le bilan énergétique est nul le gisement estépuisé.

Les perspectives au niveau mondialSelon les sources, les dates du pic au niveau mondial sont variables : ledossier étant sensible pour les acteurs économiques qui ne peuvent pasêtre objectifs en raison de leurs intérêts économiques. Les travaux indé-pendants de l’ASPO France (association pour le peak oil) par menés parJean Laherrère, ingénieur géologue qui a étudié plus de 20 000 gisementset dont les prévisions passées se sont révélées justes, semblent les plussérieux.La courbe en plein résume une prévision faite en mai 2013 et tientcompte des réserves futures. La production de pétrole brut et de condensats(pétrole de schistes, offshore, polaire, etc. ) ainsi que les liquides issus degaz ou de charbon liquéfiés devrait décliner à partir de 2020 à moins de90 millions de barils/par jour, laissant environ 5 ans d’insouciance pournos gouvernements occidentaux qui n’ont pas pris la mesure du pro-blème (la dernière loi énergie agit à la marge sur les énergies fossiles) etpour les citoyens qui risquent d’être brutalement confrontés à deshausses de prix imprévisibles. Rappelons que la France consomme 80 millions de T/an (ou 580millionsde barils) soit 1,2 tonne par an et par habitant. L’agence internationale del’énergie (AIE) dépendante du lobby pétrolier prévoit un plateau de pro-duction jusqu’en 2040 (courbe en tiret) extrêmement optimiste. A noterque la production en augmentation de gaz de schistes aux Etats-Unis(pic en 2020) va entraîner une disponibilité accrue de ressources fossilespendant les 5 prochaines années sauf problème international. Cette conjonction de facteurs décroissants montre un point critique vers 2020 où les questions énergétiques vont devenir crucialespour le fonctionnement des économies notamment européennes. L’Europe, qui couvre 25 % de ses besoins avec le pétrole de la merdu Nord et dont le pic de production est passé depuis l’année 2000 dépendra des réserves d’Afrique, du Moyen Orient et de la Russieet sera en concurrence pour son approvisionnement avec l’Asie, les pays émergents et les Etats-Unis.Il nous reste donc très peu de temps pour une véritable transition visant l’indépendance énergétique nationale .Raison de plus pour faire pression sur nos décideurs !

> JEAN-YVES LE THÉRIZIENLes Amis de la Terre Loire-Atlantique

1960 1970 1980 1990 2000 2010 2020 2030 2040 2050

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60

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100

Mb/d

Année

AIEJ LAHERRERE 05/2013

1950

1

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Textes libres des militants du réseau Quelques nouvelles du pic pétrolier

Tous les deux ans, la fédération des Amisde la Terre Internationale se retrouver,pour échanger, débattre et surtout déciderdes orientations.Cette année, l’Assemblée générale a eulieu en septembre-octobre au Sri Lankaet a réuni plus d'une soixantaine depays sur les 72 pays membres et associésque compte le réseau. Un réseau qui serenforce avec l’arrivée de la Bosnie, de laRussie et de la Bulgarie.Parmi les points de débats prioritairespour les Amis de la Terre l'organisationde la 21e Conférence climat de l’ONU en2015 à Paris. La réflexion stratégique aporté sur la mobilisation durant, mais

aussi en amont et en aval de l'événe-ment, dans l'objectif d'aboutir à unaccord ambitieux et contraignant.D'autres débats ont permis de renforcerles positions et de débattre des actionssur la souveraineté alimentaire, le méca-nisme REDD, la financiarisation de lanature, l'accaparement des terres, la jus-tice économique. Enfin, la fédération aexprimé un message de solidarité pourl'Ukraine et la Palestine.

> ERIC FAÏSSE Secrétaire Général

> CYNTHIA SOU Directrice Générale

Production de pétrole norvégien

1970

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0.5

1980 1990 2000 2010 2020 2030

0

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1.5

2

2.5

3

3.5

Mb/J

Année calendaire

Production mondiale de pétrole et prévision

Source : (ASPO France)

AG des Amis de la Terre International Une fédération déjà mobilisée pour la COP21

Photo de famille pour la fédération internationale avec l’un des messages

forts pour la justice climatique « Stop aux projets fossiles ! ».

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FRANCE 05

Après pas loin d'un an de travail menépar un collectif de plus de 110 organisa-tions, et suite à l’appel à mobilisation desAmis de la Terre Gironde en octobre 2013,le village des alternatives qui s’est tenudurant trois jours a été couronné de suc-cès. La mobilisation de tous et la pré-sence d'un large public, dont de nom-breux jeunes ont permis la réussited’Alternatiba Gironde.L'Université de Bordeaux Montaigneet plus particulièrement la filière « car-rière sociale » de l'IUT ont été particu-lièrement actifs dans la réussite de lapremière journée, dédiée aux étu-diants : rencontre avec de nombreuxacteurs associatifs, simulation d'uneConférence sur le climat (COP) où lesétudiants jouaient le rôle des Étatspour trouver un accord mondial sur leclimat, jeux participatifs, etc.La seconde journée a réuni septgrandes conférences dans des sallesbondées sur différents thèmes : climatet négociations internationales, transition,grands projets inutiles, consommation,agriculture, métropolisation et TAFTA.La Vélorution a ensuite pris possession de laville en déambulant jusqu'à la placeRenaudel où se tenait le concert d'ouvertureavec la scène engagée bordelaise.

Un dimanche dédié aux alternativesEn flânant dans le village, on pouvaitdécouvrir le jardin urbain éphémère ouencore la maison en bardage bois etpaille construite pour l'occasion. On pouvaitapprendre à fabriquer des meubles encarton, réparer son vélo, réaliser une mar-mite norvégienne, etc. Alternatiba, c'étaitprès de 150 stands qui proposaient desanimations ou des ateliers concrets et

participatifs, afin de construire unmonde plus juste et plus solidaire.Des concerts, du spectacle vivant, desconférences gesticulées ont rythmé cesjournées. C’est aussi des centaines debénévoles mobilisés pour accueillir lesparticipants, monter le village, préparerles repas, crêpes… et même faire la vaisselle !Au-delà du bilan quantitatif, c’est l’énergiecollective et positive qui se dégageait decette foule rassemblant largement au-delà des convaincus qui a fait le succèsde ces journées.C’est avec une grande joie que nous passonsle flambeau à Alternatiba Tahiti qui a eu lieule 29 novembre, car si la dynamique s’estpour l’instant concentrée sur le territoirefrançais métropolitain, le mouvement

franchira prochainement les océans et lesfrontières. Aujourd'hui ce sont plus de 50Alternatiba qui sont déjà en route enEurope et qui se préparent jusqu’à laCOP21, le sommet international sur le climat,qui se tiendra à Paris fin 2015.A Bordeaux, la dynamique continue, lacoordination européenne viendra y faireétape en avril 2015 ainsi que le TourTandem en Septembre 2015.Le collectif girondin compte bien profiterde l'engouement, de l'énergie et du réseauainsi créé, pour imaginer de nouvellesmobilisations citoyennes sur l'urgence etla justice climatique, et poursuivre ledéveloppement et la mise en œuvre detous ces projets locaux et alternatifs.

> LES AMIS DE LA TERRE GIRONDE

Climat Avec Alternatiba Gironde, la mobilisation s'amplifie sur le territoire

Le Collectif meusien contre l'enfouissement des déchets radioactifs, BURESTOP 55, édite à l’occasion de ses 20 ans, Notre colèren'est pas réversible - Enfouir les déchets atomiques : 30 ans de refus qui sortira mi-décembre. Ce livre rassemble toutes lespériodes de l'opposition, des années 1987 à nos jours, sur plus de 50 sites en France. Des milliers de gens, d'élus, d'experts refusent le stockage sous terre des déchets nucléaires à vie longue, qu'ils soient à faible,moyenne ou haute activité. De façon chronologique, ce livre retrace entre autres le refus sans concession des années 1987/1990,l'opposition aux "labos" qui a suivi, les échecs retentissants de la mission granite en 2000 et, en 2008/2009, le rejet des déchetsFAVL. Ou encore le fiasco du débat public Cigéo de 2013... Photographies, contexte médiatique, extraits d'archives officielles etparoles d'experts apportent leur éclairage.240 pages pour se souvenir, ou découvrir un mouvement collectif peu commun, mais aussi pour nourrir la lutte et préparer l'avenir.Car le projet de stockage souterrain Cigéo – s'il cherche à s'imposer dans la région de Bure (Meuse/Haute-Marne) – n'est toujourspas construit. Passeurs solidaires depuis presque 30 ans d’une extraordinaire et longue lutte (dont nous sommes pour bon nombreacteurs), l’histoire continue...Une idée de cadeau pour les fêtes ? Le livre Notre colère n'est pas réversible - Enfouir les déchets atomiques : 30 ans de refus sera disponible mi-décembre, au prix de 8 euros.Pour le commander, envoyez un mail à : [email protected] en indiquant le nombre d'exemplaires souhaités et la manièrevous souhaitez qu'on vous les fasse parvenir.

Récit - Enfouir les déchets atomiques : 30 ans de refus

© Isabelle Miquelestorena © DR

En mobilisant près de 15 000 personnes le week-end du 10,11 et 12 octobre à Bordeaux sur l’urgence climatique etla transition sociale et écologique, Alternatiba Gironde a tenu toutes ses promesses.

Plus d’infos sur :www.alternatiba.eu/gironde

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06 FRANCE

La publicité déclinée à l’aide des grandsmédias de masse (TV, affichage, magazines,radios…) est à l’origine de bien des maux dessociétés dites « modernes » : surconsomma-tion de biens, gaspillage de nourriture, notionde « marques », incitation à l'achat compul-sif. La publicité, c’est le carburant de laconsommation : lutter contre la publicité,c’est attaquer le mal de la surconsommationà la source. Tandis qu'il est possible de "zap-per" lorsque de la publicité apparait à la télé,il est impossible d'échapper aux panneauxpublicitaires dans les rues des grandes villes.Des centaines, voire des milliers d'affichespublicitaires inondent l’espace public.A l’instar de la ville de Grenoble qui a inter-dit la publicité dans ses rues, il est possiblede régir la place de la pub via le règlementlocal de publicité (RLP), un document légal.

Fin 2014/début 2015, un RLP général pourl’agglomération dijonnaise doit êtrerédigé, puis adopté dans chaque ville.Alors que plusieurs maires (et adjoints…)de l’agglomération traînent des piedspour rédiger un RLP contraignant qui per-mette la suppression des panneaux publi-citaires dans les rues, les Amis de la TerreCôte-d’Or ont décidé d’informer les habi-tants de l’agglomération dijonnaise de laproblématique de la publicité, et plus spé-cifiquement celle présente dans les rues.

Agir là où se trouve la pubDepuis leur création, les militants deCôte-d’Or organisent régulièrement desactions en effectuant du sur-affichagedes posters avec des slogans scotchéssur des panneaux publicitaires.

Le groupe local a aussi créé surOpenStreetMap un audit participatif del’implantation des panneaux publicitaires,en partenariat avec l'association COAGUL.Plus de 1 300 panneaux (principalementdes 4X3, des panneaux "sucette" et abri-bus) ont déjà été référencés ! Cette carto-graphie que les associations souhaitentexhaustive sera la première du genre enFrance. Elle est visible par tous à l'adressehttp://dijonpub.coagul.org et sera compa-rée au résultat de l'audit demandé par leGrand Dijon.Enfin, les Amis de la Terre Côte-d’Or ontréalisé le blog www.citedelagastro-dijon.com qui met en évidence le grandécart entre l’image de « Dijon, cité de lagastronomie » et celle vue quotidienne-ment dans la rue : Dijon, cité de la publi-cité pour de la « malbouffe » et autresboissons alcoolisées ou sucrées. Pouletfaçon Gaston Gérard, moutarde de Dijonet vins de Bourgogne ont tristement laisséplace aux hamburgers, pizzas et autresboissons industrielles produites par desmultinationales. Il n'y a plus que ça dansles rues ! Si vous aussi vous en avez assezde ces panneaux publicitaires, rejoignez-nous ! Envoyez vos photos (à [email protected]) en mentionnant le nomde la rue, la ville (ne seront retenues queles photos prises dans une des 24 villes del’agglomération dijonnaise), la date, ainsiqu’un pseudonyme si vous le souhaitez. Cesite prendra fin tout naturellement avec lafin des panneaux publicitaires dans la rue.D'autres d'actions sont prévues afin defaire ouvrir les yeux des élus. A suivre...

> LES AMIS DE LA TERRE CÔTE-D’OR

Rappelez-vous, en avril 2014, les Amis de la Terre France nous invitaient à participer à l’opération « Foyers témoins »1. Une quinzainede foyers à travers la France se sont portés volontaires pour prolonger la vie de leurs objets et, impatients de faire des émules,nous avons invité quatre d’entre eux à témoigner lors du Festival des utopies concrètes, les 27 et 28 septembre derniers.Ce Festival avait pour thème « le changement climatique » et pour le groupe déchets des Amis de la Terre Paris, il semblait évidentque lutter contre la destruction prématurée des objets était bien dans la thématique : moins d’objets au rebut, c’est moins depoubelles à sortir bien sûr mais c’est surtout moins de gaz à effet de serre pour les faire partir en fumées toxiques dans desincinérateurs et pour produire leurs remplaçants.Monica, Cécile, Cyrielle et Philippe se sont donc prêtés au jeu. Unanimement satisfaits de leur engagement, ils ont regretté que l’opérationprenne fin en octobre. Philippe a appris à réparer son vélo : « Il ne me reste plus qu’à trouver une solution pour le faire repeindre, mais lesateliers sont en banlieue et je n’ai pas de véhicule pour emmener le vélo ! ». Cécile a constaté qu’il y a des freins à l’achat de biens d’occasion :« La norme veut qu’un cadeau soit neuf ! Participer à cette opération m’a permis de comprendre ce conditionnement et de m’en affranchir ».Grâce à un des bénévoles du Repair Café du 19ème arrondissement de Paris, Monica a fait réparer son ordinateur portable, un outil de travailindispensable pour elle. Elle compte à présent trouver une solution pour son imprimante en panne depuis deux ans.Et si, comme eux, nous faisions tous un geste pour la planète en privilégiant dès que possible la réparation, l’achat d’occasionet l’entretien de nos objets ?

> MARTINE DEGRAVELes Amis de la Terre Paris

ResistanceDijon, cité de la publicité !

Alternatives - Et si nous devenions tous des foyers témoins ?

1/Semaine du développement durable : des foyers témoins pour promouvoir la réparation et les biens durables :http://www.amisdelaterre.org/Semaine-du-developpement-durable.htmlwww.produitspourlavie.org

Les Amis de la Terre Côte-d'Or ont mené des actions d'information critique sur la problématique de la publicitédans les rues. Et invitent à l'action !

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INTERNATIONAL 07

Yukon, CanadaGaz de schiste, ni ici, ni ailleurs !

Peu de personnes connaissent le Yukon,ce territoire au nord-ouest du Canada,plus grand que l’Allemagne, la Suisse etl’Autriche réunies mais peuplé d’à peine36 000 habitants. Cette région arctiqueet subarctique est l’une des dernièresterres vierges de la planète.Sorti de Whitehorse, la capitale, quelquesvillages peuplés essentiellementd’Amérindiens se partagent ces immensi-tés avec les descendants des trappeurs,mineurs et autres chercheurs d’or, ceux-làmême dont les aïeuls ont inspirés les per-sonnages de Jack London. Nous sommesici dans le Klondike, la région de la granderuée vers l’or de 1896-1899. A cetteépoque, des hommes affluèrent par mil-liers portés par un espoir fou de richesse.La ruée fut brève, la majorité des orpail-leurs repartit après quelques mois laissantà la nature le soin de refermer les raresplaies ouvertes ici et là à coup de pioches.Aujourd’hui il est question de faire duYukon un nouvel Eldorado : celui des gazde schiste. Il n’est plus question de l’es-poir de quelques miséreux mais de raflesopérées par des multinationales. Il nes’agit plus de coups de pioche mais dedizaine de milliers de derricks fracturantla roche-mère sur des centaines de kmcarrés, au milieu de forêts et de toundraszébrées de pistes.

Les Yukonnais résistent au schisteLa population yukonnaise est très fortementopposée à ces projets d’extraction qui nonseulement mettent en péril la qualité de viedes habitants, la ressource en eau, les pay-sages, la préservation de la faune et de laflore, mais également le climat. En effet, laseule méthode techniquement envisageableest celle de la fracturation hydraulique. Sous

ces latitudes, les forages transpercent le per-gélisol libérant ainsi le méthane pris au piègepar le sous-sol gelé – rappelons que leméthane est un puissant gaz à effet de serrebien plus néfaste pour le climat que ne l’est leCO2. Ces dégazages s’ajoutent aux fuitesconsidérables de méthane inhérentes à latechnique de la fracturation hydraulique.Face à ces menaces, les Yukonnais se sontorganisés, interpellant leurs représentantspolitiques. Une pétition dénonçant les projetsd’exploitation des gaz de schiste a rassembléplus de 4 500 personnes (sur une populationglobale de 36 000 habitants). A titre de com-paraison, la plus importante pétition enFrance sur ce sujet a été soutenue par à peine0,19 % des Français… Des nations amérin-diennes ont signé des résolutions bannissantla fracturation hydraulique sur leur territoire.Pour désamorcer cette forte opposition, legouvernement yukonnais, qui travaille dansla plus grande opacité, a multiplié les réu-nions publiques chargées d’amadouer lescitoyens. Ce gouvernement acquis aux inté-

rêts des multinationales veut encadrer légale-ment la fracturation hydraulique au lieu del’interdire. Dernièrement il a organisé uneconsultation publique, peut-être dans l’espoirde recueillir quelques suffrages. Ce fut en faitune avalanche de commentaires dénonçantles projets d’exploitation de gaz de schiste.Malgré tout, ajoutant le déni de démocratieaux périls environnementaux et sociaux, leGouvernement yukonnais s’entête à vouloirimposer à sa population un projet qui nousconcerne tous, citoyens du monde. Un projetqui menace l’environnement arctique et sub-arctique, le climat, la démocratie, les droits despeuples autochtones et qui enfin, si nous nefaisons rien, notre part d’humanité qui seraitalors orpheline d’une de ses dernières terresvierges.

> CHRISTOPHE CÉRÈS [email protected]

Dans le Yukon, la ruée vers l’or laisse place à la ruée vers les gaz de schiste. La mobilisation s’organise pour sauverl’une des dernières terres vierges de la planète.

Shell, GDF Suez et Samsung, Pinocchio 2014 !Le 18 novembre 2014, les Amis de la Terre, en partenariat avec Peuples Solidaires - Action Aid France et le CRID, ont remis les PrixPinocchio 2014. Shell remporte le Prix Pinocchio dans la catégorie « Une pour tous, tout pour moi » avec 43 % des votes, pour la multiplicationde ses projets de gaz de schiste dans le monde entier. Dans la catégorie « Plus vert que vert », GDF Suez reçoit le Prix Pinocchioavec 42 % des votes, pour ses « obligations vertes », auxquelles aucun critère social et environnemental clair n'est associé. Enfin,avec 40 % des votes, le Prix Pinocchio de la catégorie « Mains sales, poches pleines » a été décerné à Samsung, pour les conditionsde travail indignes dans les usines qui fabriquent ses produits en Chine.Cette année, un nouveau record de participation a été atteint : plus de 61 000 votes au total, témoignant de l'indignation crois-sante des citoyens face aux graves impacts sociaux et environnementaux des activités de multinationales. Fait inédit notable, leCrédit Agricole, l’une des entreprises nominées a fait le déplacement.Les Prix Pinocchio ont pour but de faire pression sur les entreprises pour qu'elles changent leurs pratiques, leur ampleur croissante aobligé cette année toutes les entreprises à réagir à leur nomination. Le débat public est lancé, merci à tous pour votre participation.

> JULIETTE RENAUDChargée de campagne sur la Responsabilité sociale et environnementale des entreprises

© Jacqueline Vigneux

Plus d'information :www.prix-pinocchio.org

Plus d'information :Contacter [email protected] et Twitter : Frackfree Yukon

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08 INTERNATIONAL

Du 1er au 12 décembre à Lima, au Pérou, se tiendra la 20e Conférence des Parties des Nations unies sur le changementclimatique. Les Etats sont sensés poser les jalons pour un accord qui sera finalisé en 2015 à Paris, et qui devracontenir les engagements nationaux de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour l'après-2020.

Cela fait donc vingt ans que le monde acommencé à prendre conscience deseffets des changements climatiques et àtenter d'y trouver des solutions. Depuisvingt ans, cependant, l'em-ballement climatique n'aguère cessé. Le dernier rap-port du Groupe intergou-vernemental d'experts surle climat (GIEC) paru en2014 est alarmant. Pertede la biodiversité, recru-descence de la fonte desglaces, augmentation de lafréquence des événements extrêmes : lespreuves des changements climatiques,que le GIEC attribue pour la première foisavec certitude à l'activité humaine, semultiplient. Si nous continuons sur latrajectoire de production et de consom-

mation actuelle, alors il ne nous resteque 17 ans avant que l'augmentation dela température du globe n'atteigne les 2 °C,seuil déjà critique au-dessus duquel les

effets des changementsclimatiques seront proba-blement irréversibles etincontrôlés.

Les boulets du climatMais les émissions desgaz à effet de serre nesont pas les seules enaugmentation. Depuis

vingt ans, la pression des lobbies énergé-tiques et industriels s’est renforcée dansces négociations sur le climat, lobbiesdéfendant ardemment un modèle pro-ductiviste sur le déclin et ne jurant quepar la croissance… verte, à l'encontre de

la réalité scientifique et du bon sens. En2014, on apprenait que 50 entreprisesseraient responsables de l’émission deplus de 2,5 milliards de tonnes de CO2. Etpourtant, celles-ci sont autorisées dansl'enceinte des négociations onusiennes.Tolérerait-on de voir les lobbies du tabacnégocier des accords sur la santé au seinde l'Organisation mondiale de la santé ?Non ! Alors, pourquoi accepter que les pol-lueurs puissent intervenir dans unaccord sur le climat ?Les conclusions de Lima seront probable-ment décevantes. Il est fort possible queles décideurs ne fassent que promouvoirdes subterfuges, comme le nucléaire,l'expansion des marchés carbone ou lesmécanismes REDD, ne s'avançant que surdes réductions volontaires et timoréesd'émissions, et non un accord contrai-gnant et ambitieux.Pourtant, les solutions existent ! Il s'agi-rait de mettre fin aux énergies fossiles,de construire des systèmes énergétiquedécentralisés, reposant sur les énergiesrenouvelables et sur une gestioncitoyenne, de transformer radicalementles modes de production et de consom-mation, de stopper la déforestation.Partout dans le monde, au Sud commeau Nord, les populations portent dessolutions. A Paris l'année prochaine, l’enjeu sera defaire entendre nos voix, de dénoncer lesresponsables des changements clima-tiques et de rappeler que les véritablesalternatives existent et se répandent.Comme disait Che Guevara, Volveremos yseremos milliones (Nous reviendrons etnous serons des millions).

> MALIKA PEYRAUTChargée de campagne Energie et Institutions

financières internationales

Climat : nous reviendrons et nous serons des millions

Du 14 au 16 octobre au Bourget se tenaitla première édition du Salon mondial duNucléaire. Un an avant la COP21 lors delaquelle les Etats sont appelés à se met-tre d'accord pour prendre des mesuresenrayant les dérèglements climatiques,exactement au même endroit : voudrait-on nous faire croire que le nucléaire estune solution au changement climatique ?Heureusement, les citoyens veillent. Sanssurprise, on a pu assister à la promotionéhontée de la filière nucléaire française,pourtant mal en point, pour séduire les

acheteurs internationaux. Le résultat estlucratif : un accord de coopération sur lenucléaire civil entre la France et l'Afriquedu Sud signé au Quai d'Orsay à cetteoccasion, un accord de coopération entrela Société française d'énergie nucléaire(SFEN) et son homologue mongol...Sanssurprise non plus, on a pu voir défilermain dans la main industriels et poli-tiques, notamment Valéry Giscardd'Estaing et Manuel Valls, révélant unefois de plus la proximité du lobbynucléaire et de la classe politique.

Mais ce salon du déclin ne trompe per-sonne, et le samedi 11 octobre des milliersde citoyens se sont retrouvés place de laRépublique à Paris pour dénoncer lesmultinationales et leur monde, aprèsune manifestation contre le Salon dunucléaire conduite par Les Amis de laTerre, le Réseau Sortir du Nucléaire etAttac. Ni nucléaire, ni effet de serre, c'estle système qui changera, pas le climat !

> M.P.

NucléaireLes associations mobilisées pour dénoncer le salon qui tue

© Luka Tomac

« Partout dans lemonde, au Sud

comme au Nord, lespopulations portent

des solutions. »

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DOSSIER - Les pièges verts de la biomasse Bon est le bois, mais à la juste échelleAh, qu’il est difficile d’être écologiste ! A peine avancez-vous une solution pour répondre à la crise écologiqueque le capitalisme s’en empare, et la détourne au service de son système, aggravant encore le problème. Labiomasse, qui désigne l’ensemble des matières organiques d’origine végétale, animale ou fongique pouvantdevenir source d’énergie par combustion, après méthanisation ou transformation chimique en est un bonexemple. Aujourd’hui l’une des principales énergies renouvelables, pourra-t-elle le rester longtemps si la pressionqu’elle fait peser sur le bois-énergie se maintient ? Depuis longtemps, face à l’impasse énergétique, et parce quele vent et le soleil ne peuvent suffire à répondre à celle-ci, les écologistes rappellent l’importance du bois : il aété la source d’énergie essentielle de l’histoire de l’humanité, il pourrait le redevenir après la longue parenthèsedes fossiles. Mais à peine le message commençait-il à être entendu qu’il était transformé en un savant dispositif qui, àcoup d’aides publiques, conduit à l’industrialisation des forêts, et à la mise en place d’immenses centrales deproduction d’électricité. Bilan en gaz à effet de serre : nul. Bilan en dividendes pour les grandes entreprises :excellent.Quant à prendre en compte la forêt comme écosystème, jouant un rôle dans l’équilibre de la biosphère, quantà sentir la magie qu’exprime en silence cette compagne de toujours de l’humanité, il ne faut pas y penser. Elleest mise en coupe réglée, transformée en mètres cubes, en tonnes de CO2, en kilowatt, en euros. Le même constat peut être fait pour la méthanisation, bonne idée transformée en monstre destructeur del’agriculture paysanne, et pourrait être poursuivi pour toutes les énergies renouvelables.Peut-on résister à cette folie ? Oui, bien sûr. Le point de départ est de se rappeler que la question écologiquene peut pas avoir une réponse seulement technique : elle appelle une analyse systémique, prenant en comptel’humain, la biosphère, l’ensemble des relations entre vivants dont l’économie n’est qu’un filtre réducteur. Etce qui ressort du dossier réalisé en commun par les Amis de la Terre et Reporterre, c’est que nous pouvons nouschauffer de bon bois et de bonne biomasse, à condition d’être dans une logique de petite échelle et de relocalisation.

> HERVÉ KEMPFReporterre

09DOSSIER © Alain Bachelier

Ce dossier a été coordonné par Reporterre,le quotidien de l'écolologie.www.reporterre.net

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De 14 % aujourd’hui à 32 % en 2030 : la loide Transition énergétique veut donneraux énergies renouvelables une partimportante dans le mix énergétiquefrançais. La première d’entre elles est lebois, qui a fourni en 2012 dix millions detonnes équivalent pétrole sur les 22,4 deproduction primaire d’énergie renouvelableen France – soit le double de l’hydraulique,qui devance elle-même de loin le vent etle soleil.L’enjeu du bois-énergie est donc majeur.Et depuis 2005, la Commission de régulationde l’énergie a mené quatre appels d’offrede projets de centrale de cogénération,valorisant simultanément le bois en chaleuret en électricité.En 2011, le dernier appel d’offre, dit « CRE 4 »,a retenu quinze projets pour un total de420 mégawatts (MW), marquant unchangement d’échelle de la filière bois-énergie, désormais orientée vers de plusgrandes unités de production. Surtout, ilouvre la porte à des centrales uniquementélectriques.Prévue pour entrer en opération en 2015,la centrale de Gardanne, dans lesBouches-du-Rhône, symbolise cettecroissance industrielle. Ancienne centralethermique à charbon, elle est reconvertieen plus grosse centrale biomasse deFrance, avec une puissance de 150 MWd’électricité, sans cogénération. Ce développement massif de la filièrebois-énergie remet pourtant en cause lesfondements-mêmes qui la justifiaient :le bois peut-il encore être considérécomme une énergie écologique ?

« Une forêt n’est pasun puits de pétrole »Le postulat de départ est que, non seu-lement la ressource est renouvelable,mais qu’elle est abondante. Le dernierinventaire forestier réalisé par l’Institutgéographique national estime ainsique 30 % du territoire métropolitainest recouvert de forêt. Et la ressourcecroît : « La production biologique desforêts a augmenté depuis qu’on l’évalue »,reconnaît Richard Fay, du collectif SOSForêt.Pour la compagnie E.ON, qui aurabesoin de 850 000 tonnes de bois paran dans l’exploitation de la centrale deGardanne qu’elle reconvertit, l’argu-ment justifie le projet : « Dans la régionPACA, la forêt représente la moitié duterritoire régional, sachant que la sur-face a doublé en peu de temps, pour uneproduction annuelle de 2,5 millions detonnes de bois », a expliqué sur France 3

Pierre-Jean Moundy, responsable desrelations institutionnelles biomasse dugroupe allemand. Mais il s’agit d’un volume théorique : « Onne peut pas raisonner seulement en pro-duction de bois, il faut prendre en compteaussi l’âge, la qualité et l’accessibilité dubois », observe Jérôme Freydier, ingénieurà l’Office National des Forêts (ONF). D’autant plus que d’autres industries ontbesoin de bois : le mobilier ou la papeterie,notamment. La papeterie de Tarasconvient concurrencer l’approvisionnementde Gardanne. Cette pression accrue sur laressource pourrait remettre en cause sapérennité. « On n’exploite pas une forêtcomme on exploite un puits de pétrole. Laquestion du pas de temps est fondamentale :le bois nécessite une gestion raisonnée »,insiste Serge Defaye, vice-président duComité interprofessionnel du Bois-énergie.

Opposée au projet Syndièse, à Saudron(Haute-Marne), dans lequel le CEA veututiliser la biomasse forestière pour pro-duire des agrocarburants de deuxièmegénération, l’association Mirabelconstate la même difficulté d’ « adéqua-tion avec les potentialités réelles de la res-source » : « Si on prélève trop, on décapita-lise la forêt et la ressource ne peut plusêtre considérée comme renouvelable ».Cette nouvelle « guerre du bois » posedonc la question de la pertinence de sonutilisation à des fins énergétiques. Sil’énergie est majoritairement valoriséesous forme de chaleur, le rendement est« excellent » selon la Fedene (Fédérationdes services énergie environnement).Mais la tendance actuelle est surtout deproduire de l’électricité.Fin 2013, la France comptait déjà 28sites de production d’électricité à partir

Aspiré par des centrales géantes, le bois n’est plus écologiqueLe développement de la filière bois-énergie sonnera-t-il la fin du bois comme énergie écologique ? Méga-unitésde production, valorisation en électricité seule, agrocarburants, concentration industrielle et accaparement deterres, Reporterre présente les risques qui pèsent sur la filière.

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de cette « biomasse solide », pour unepuissance totale de 304 MW. Maisquand on n’utilise la combustion dubois que pour produire de l’électricité, lerendement énergétique est médiocre,de l’ordre de 30 %. « Pour dix arbres cou-pés, trois seulement serviront vraiment àfaire de l’électricité. Le reste part sousforme de chaleur », détaille JeanGanzhorn, ingénieur en énergie. Le ren-dement net, prenant en compte l’éner-gie « grise » nécessaire à la productionelle-même, ne serait même que de 18 % :« Sur les trois arbres, la moitié est utiliséepour l’ensemble du processus ».Sans cogénération, produire de l’électri-cité à partir du bois serait donc une« aberration ». « Brûler du bois sert à fairede la chaleur, et si on peut récupérer del’électricité, tant mieux. Mais l’inverse n’apas de sens », dit Jean Ganzhorn.

Une énergie « propre » :quel impact carbone ?Il faudrait également chercher la cohé-rence dans le dimensionnement desusines, afin de réduire au maximum lesémissions de CO2. « Il faut rester dans desinfrastructures de taille moyenne, prochesde la ressource, et ne pas tomber dans unelogique de concentration industrielle »explique Serge Defaye. Car le bilan carbone ne se calcule passeulement lors de la combustion du bois :« Il y a aussi toutes les étapes de récolte, detransformation et de transport » énu-mère Frédéric Amiel, chargé de mission àGreenpeace. Le rapport de l’ONG sur la« biomascarade » dénonce ainsi « lesfausses allégations de carboneutralité[qui] cachent des impacts climatiquesmajeurs ».A ce compte, la centrale de Gardannedevrait ainsi se révéler bien moins neutreque sa présentation officielle ne l’affirme :il faudra chaque jour que 250 camionsacheminent un bois prélevé dans unrayon de 400 km, et importer du bois duCanada pour compléter l’approvisionnementque la ressource locale ne suffira pas àgarantir.Cette absurdité n’est pas spécifique à laFrance. « Prises ensemble, les centrales àbiomasse de Grande-Bretagne nécessitent60 millions de tonnes de bois par an. C’estenviron sept ou huit fois la productionannuelle des forêts du Royaume-Uni »,assure Nicholas Bell, du réseau SOSForêt. Ces importations massives de boissoulèvent d’autres problèmes commel’accaparement des terres, comme l’ex-plique un rapport récent de l’associationBiofuel Watch.« La biomasse-énergie est valable danscertaines conditions » conclut JeanGanzhorn. Soucieux de la « juste mesure »,Serge Defaye défend pour cela un raison-nement multicritère et progressif : « Est-ce que j’ai du bois, en circuit court, sansconflit d’usage ? Si oui, quels sont mesbesoins en chaleur ? A partir de cesréponses, on peut réfléchir à faire de l’élec-tricité, qui n’est qu’un sous-produit de ladémarche ». Le problème, c’est qu’indus-triels et décideurs suivent la démarcheinverse…

> BARNABÉ BINCTINReporterre

DOSSIER - Les pièges verts de la biomasse

© Tommy Dessine

Local, mesuré etcitoyen, « small boisis beautiful »Le bois-énergie est acceptable, voiresouhaitable, mais à condition de resterdans sa première finalité – faire de lachaleur – et à une échelle adaptée.« Des projets de production comprisentre 1 et 10 MW, fourchette maximum »,dit Serge Defaye « sont des dimension-nements qui assurent le maintien d’unesylviculture raisonnée ».Exemple : le projet « Modul’R » àYssingeaux (Haute-Loire), qui vise àcréer un réseau de chauffage en circuitcourt : des micro-chaudières d’unepuissance totale de 1,2 MW s’alimententà partir de la ressource locale pourfournir en chaleur les bâtiments col-lectifs du village, écoles, gymnases oumaison de retraite.L’entretien et la valorisation de laforêt alentour – sous forme de boisdéchiqueté ou de bois d’éclaircie pourles chaudières – doit permettre lacréation d’emplois non-délocalisablestandis que l’empreinte carbone estaméliorée : 250 000 litres de fioul paran remplacés représentent 750 tonnesde CO2 évitées. Par ailleurs, ce projet porté par la coo-pérative ERE 43 bénéficie du finance-ment citoyen apporté par le fondsEnergie Partagée. La participationcitoyenne dans la propriété collectivede l’infrastructure permet une réap-propriation locale de l’énergie : cesont les besoins qui déterminent l’of-fre de production, et non l’inverse.En Allemagne, 72 % des capacités debiomasse installées relèvent de pro-jets collectifs avec investissementcitoyen, selon une étude récente del’IDDRI (Institut de développementdurable et des relations internatio-nales). L’énergie citoyenne, « pierrephilosophale de la transition énergé-tique » selon LaRevueDurable (avril2014), est ainsi la garante d’unebonne utilisation de la ressourceforestière dans la production d’énergie.

> B.B.

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La forêt n’est pas inépuisable

A en croire les chiffres quicirculent, la forêt françaiseserait en danger… de sous-exploitation. Le Grenellede l'Environnement a ainsifixé à 21 millions de mètrescubes (Mm3) la quantité debois supplémentaire àmobiliser à l'horizon 2020,un chiffre confirmé depuispar les Assises de la Forêten 2014. Même le scenarioAfterres 2050 – qui consti-tue le volet territorial duscénario de transitionénergétique Negawatt –suggère la possibilitéd'augmenter les prélève-ments en forêt d'environ60 Mm3 aujourd'hui à prèsde 110 Mm3 en 2050. Ladisponibilité biologiquedes forêts françaises étantaujourd'hui de l'ordre de130 Mm3 aujourd'hui, il n'yaurait aucun risque desurexploitation.Mais pour les Amis de laTerre, ces chiffres mas-quent une réalité pluscomplexe. De nombreuxrapports alertent déjà sur ledéficit de bois en Europe : il irait de 230Mm3(1) à 400 Mm3 de bois à l'horizon2020(2). Sur le banc des accusés : le déve-loppement des usages énergétiques dubois pour le chauffage, la productiond'électricité et peut-être demain d’agro-carburants. En mai 2014, les Amis de laTerre Europe ont publié un rapport alar-mant(3) : il estimait qu'à l'horizon 2030,presque 40 % de l'espace productif forestiereuropéen pourrait être mobilisé pour cetype d'usage.Pour répondre à cette demande, lesentreprises mobilisent une quantitécroissante de bois d'éclaircie, de petitsbois, de rémanents liés à l’abattage ouencore des sous-produits du bois issus dusciage. Même les souches et les brin-dilles, si importantes pour la fertilité dessols, intéressent les exploitants forestiers !Jusqu'à présent ces gisements étaient lemonopole des industriels de la trituration(industrie du papier et des panneaux) quivoient d'un très mauvais œil la concur-

rence nouvelle des énergéticiens. Nonseulement, il faut partager mais en plusle gisement diminue avec la crise queconnaissent les industriels du sciage. Caren forêt, tout est lié : pour produire 1 m3

de sciage, il faut transformer environ 2 m3

de grumes de qualité, elles-mêmesissues de la découpe d'environ 4 m3 debois en forêt ; autrement dit, à 1 m3 desciage correspondent 3 m3 de « déchets »valorisables pour des usages énergé-tiques ou industriels(4).

Les forêts soumises à la rentabilité ?Or les scieries françaises vont mal, enparticulier les petites scieries de boisfeuillus qui jouent un rôle si importanten milieu rural : en vingt-cinq ans, la pro-duction de sciages a diminué d'environ25 %. Une crise si profonde aujourd'huique des bois de qualité (bois d’œuvre) quipourraient être valorisés en sciage par-tent en fumée dans les cheminéescomme le note une étude du ministère

de l'Economie(5) : « Près de28 % de la récolte de boisd’œuvre n'est pas destinée àla première transformation.C'est un fait : de plus en plusde billes, notamment enhêtre, prennent la directiondes industries de la triturationou sont transformées enbois de chauffage. ».Le risque est alors d'orienterla gestion des forêts fran-çaises uniquement vers cequi est économiquementrentable aujourd'hui – lebois d'industrie et d'énergie- et d'abandonner la traditionsylvicole de production debois de qualité. Les impactsenvironnementaux et sociauxseraient catastrophiques.Car, avec une sylvicultureproche de la nature, gérerune forêt pour produire desgros bois de qualitéentraîne une augmentationdu volume de gros boismort, indispensable à denombreuses espèces ani-males et végétales. A l'in-verse, une monoculture debois, avec des coupes très

rapprochées, est compatible avec unevalorisation énergétique ou industrielle,mais ne procure pas les mêmes bénéficesécologiques. En terme d'aménagementdu territoire et d'emplois, les consé-quences peuvent aussi être lourdes :mieux vaut un maillage de nombreusespetites scieries en milieu rural qu'unegrosse usine de transformation. Pour les Amis de la Terre, l'enjeu est doncde « re-politiser » la forêt c'est-à-dired'ouvrir le débat aux citoyens et d'intégrercette réflexion dans le cadre d'une transitionvers des sociétés soutenables. La forêt, çan'est pas que du bois, mais avant tout unécosystème dont le bois est une res-source, certes renouvelable, mais limitée.Des arbitrages sont donc indispensablesentre les usages mais aussi les orienta-tions de gestion. Aux arbres, citoyens !

> SYLVAIN ANGERAND Les Amis de la Terre

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L’apparente disponibilité de la forêt est un leurre. Décryptage des Amis de la Terre qui alertent sur la diminution dugisement et les arbitrages à faire dans le cadre d’une transition écologique.

1/Curbing global energy demand growth: the energy productivity opportunity, McKinsey Global Institute, mai 2007.2/UNECE Timber Committee Statement on Forest Products Markets in 2011 and 2012, UNECE Timber Committee, octobre 2011.3/Brûler la Terre : combien de terres faudra t il pour fournir la biomasse destinée à l'énergie ?, Les Amis de la Terre Europe, 2014.4/Perspectives de valorisation de la ressources de bois d’œuvre feuillus en France, FCBA, 2011.5/Marché actuel des nouveaux produits issus du bois et évolutions à échéance 2020. Étude réalisée pour le PIPAME (Pôle Interministériel de Prospective

et d’Anticipation Économique), Alcimed, 2012.

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Trois coupoles gonflées de gaz. Sur unécran, défilent des chiffres rouges. L’unitéde méthanisation de la ferme Oudet,dans les Ardennes, a des airs d’observa-toire astronomique. Chaque matin, Antoine Oudet se renddans l’étable, où soixante-dix vaches lai-tières mâchent du foin. Puis il va nourrirune autre panse, énorme celle-ci. Leméthaniseur. Lisier, fumier, herbe,patates. « La méthanisation est une suitelogique de l’élevage, dit-il. C’est un vrai travailde paysan. »Depuis douze ans, ce pionnier produit del’électricité et de la chaleur à partir desdéjections de son troupeau. Car unméthaniseur fonctionne comme un sys-tème digestif. A partir de matières orga-niques, il fabrique des gaz, dont duméthane, et un produit humide riche enazote, appelé digestat. Le méthane estensuite utilisé pour produire de l’électricitéet de la chaleur.

Diversifier et consolider l'activité A l’autre bout de la France, dans leMorbihan, Jean-Marc Onno élève desporcs. Il consacre en moyenne quaranteheures par semaine à son méthaniseurd’une puissance de 350 kilowatts (kW).Mais il ne se plaint pas : « Nous avons puembaucher, et moi, je gagne mieux ma vie,je suis plus cool dans ma gestion finan-cière. ». Grâce à la production de chaleur,il cultive des champignons biologiques,avec une quinzaine de salariés. « Ça nouspermet de nous diversifier et de consolidernotre activité ».Pour les agriculteurs, l’intérêt de laméthanisation est triple, résume JulienThual, de l’Ademe : « Elle valorise lesdéchets agricoles et les effluents d’élevage,produit un engrais de qualité, et assure unrevenu complémentaire via la vente d’élec-tricité ». Cependant, on ne comptaitdébut 2014 en France qu’à peine 150 uni-tés en fonctionnement. « Environ un tiers des unités n’est pas ren-table », explique Jacques Pasquier, de laConfédération paysanne. Car installerun méthaniseur coûte cher. Cuves her-métiques, moteur de cogénération…Entre 6 000 et 9 000 € par kW élec-trique. Soit plus d’un million d’eurospour un modèle de 200 kW. « Quel paysanpeut se payer ça ? », interroge M.Pasquier. Il redoute une financiarisationde l’agriculture, à travers l’arrivée d’en-treprises et de capitaux industriels.Antoine Oudet, qui vend chaque année220 000 ¤ d’électricité, ne voit pas leschoses sous le même angle :« Le chèque d’EDF est un revenu non

négligeable et garanti, contrairement aulait ou aux céréales. »Autre intérêt : brûler le méthane, qui estun puissant gaz à effet de serre, réduiraitl’impact sur le climat de l’activité agri-cole. Sauf s’il y a des fuites : « 7 à 10 % duméthane s’échapperait des installations,déplore Geroges Baroni, de la Confédérationpaysanne. Or l’impact de ce gaz sur l’effetde serre est vingt-cinq fois plus fort quepour le carbone. » Pourtant, d’après leministère de l’Agriculture, « une unitémoyenne de méthanisation agricole per-met une réduction des émissions de prèsd’un millier de tonnes équivalent CO2 ».Fort de ce constat, la loi sur la Transitionénergétique a fixé l’objectif de 1 500méthaniseurs en 2020.

Le tabou des cultures énergétiquesAvec près de 8 000 unités en marcheaujourd’hui, les Allemands se sont lancésbien avant nous dans l’aventure. « Dès2004, le gouvernement a mis en place desbonus en faveur des cultures énergétiques »,dit Aurélie Chevalier, qui travaille pourl’entreprise allemande MT-Energie. C’estque les céréales produisent en moyennehuit fois plus de méthane que les déjectionsanimales. Résultat : en quelques années,les champs se sont couverts de maïs.« 820 000 ha, soit un tiers de la surfaceagricole, ont été dédiés à la méthanisa-tion, au lieu de produire de la nourriture »,dénonce George Baroni. Le prix des terress’est envolé, et le pays doit même impor-

ter des aliments pour ses troupeaux.Aujourd’hui, les Allemands mettent uncoup de frein. Et la loi sur la Transitionénergétique a interdit en France l’utilisa-tion de cultures céréalières pour fournirles méthaniseurs.

Le spectredes 1000 vaches Un millier de bovins, huit millions de litrede lait, et une puissance électrique de 1500 kW. Les proportions pharaoniques duprojet des Mille vaches, dans la Somme,donnent le tournis. « M. Ramery, le pro-priétaire de l’exploitation, peut casser lesprix du lait parce qu’il touchera un groschèque d’EDF, déplore Jacques Pasquier. Laméthanisation conforte l’élevage indus-triel. » Va-t-on voir se multiplier d’im-menses cheptels, élevés hors sol pourproduire de l’électricité, et, accessoire-ment, du lait ? Car la loi de transitionénergétique ne fixe pas de seuil de capa-cité pour les méthaniseurs. « La méthanisation doit s’adapter auxmoyens et à la taille de la ferme, et pas lecontraire », dit Bruno Mahé, de l’Agencelocale de l’énergie des Ardennes. Un avispartagé par la Confédération paysanne,qui encourage le développement despetites unités, inférieures à 70kW. « Oui àl’autonomie énergétique des fermes, non àl’industrialisation », résume JacquesPasquier.

> LORÈNE LAVOCAT Reporterre

DOSSIER - Les pièges verts de la biomasse

La méthanisation a le vent en poupe, soutenue dans la loi pour la Transition écologique par des objectifs ambitieux.Mais sans seuils de capacité pour les méthaniseurs, elle risque de conforter l'élevage industriel.

La méthanisation,une bonne solution menacée par le gigantisme

© Lorène lavocat

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A perte de vue, les arbres longent leslarges allées. « C’est une forêt de feuillustypique du Nord de l’Europe : on trouvedu chêne, du hêtre, du frêne, des merisiers,des charmes, etc. », détaille Yvain.Originaire de Saint-Gobain, bourg de2 300 habitants dans l’Aisne, il a une for-mation de technicien forestier et faitpartie du collectif Forêt Vivra, constituépour réfléchir à l’avenir des treize millehectares de la forêt de Saint-Gobain. Là où le promeneur ne voit qu’une étendued’arbres, Yvain reconnaît un mode d’ex-ploitation de la forêt. Il s’arrête devantune parcelle : les arbres font tous lamême taille, les troncs sont bien droitset de même diamètre. La vue est dégagée,sans broussailles, taillis ou branchesbasses. « C’est une exploitation en futaierégulière, explique-t-il. Tous les dix ans, oncoupe quelques arbres pour faire uneéclaircie et laisser les plus beaux grossir.Puis on coupe tout et on replante. »Ce système d’exploitation de la forêt estaberrant, juge Fabien, autre membre ducollectif. « C’est économiquement rentableà court terme. Mais on coupe les arbres deplus en plus jeunes, on détruit notre capital. »Une fois coupé, un jeune arbre finira enpanneaux de bois bas de gamme ou engranulés de chauffage. Alors qu’un vieilarbre peut servir à faire des meubles etsera vendu beaucoup plus cher. Cette gestion de la forêt pose aussi pro-blème d’un point de vue écologique.« Plus un arbre est vieux, plus il a un rôleécologique fort. Sans vieux arbres, denombreuses espèces n’ont plus d’habitatdans la forêt ».C’est parce qu’ils étaient exaspérés parcette gestion de la forêt qu’ils ont décidéde s’organiser en collectif. Il s’agit deproposer un « aménagement » alternatifde la forêt de Saint-Gobain. Toute forêtgérée par l’ONF doit avoir un tel plan. Le

collectif compte donc proposer une « syl-viculture irrégulière et continue proche dela nature », où se mélangeront essences,âges, tailles d’arbres. « On coupe lesarbres un par un, on les sélectionne pourlaisser pousser les autres », expliqueFabien. Les arbres vieillissent plus vieux.Le bois mort et les petites branches sontlaissés au sol, pour permettre à l’humusde se renouveler. « L’exploitation en futaie régulière part duprincipe que l’homme domine la forêt. »Le collectif propose une autre vision. « Ils’agit de jardiner la forêt plutôt que l’exploiter.De respecter l’écosystème en laissant letemps et l’espace à la nature pour qu’elles’équilibre et donne ce qu’elle a à donner. »Ce n’est pas un doux rêve. « Cela existedéjà, précise Yvain, et répond à unelogique économique, mais de long terme ».

Il faut cependant relancer une filièrelocale de transformation. C’est ce qu’ontcommencé à faire Yvain et Fabien, avecGink’oop, qui fabrique des cabines detoilettes sèches. L’affaire marche bien etemploie déjà trois personnes. Elle com-mence à se diversifier et a aussi amé-nagé l’épicerie bio. Elle envisage de réaliserdes habitats en bois écologiques. Mais ces débouchés sont infimes, com-parés aux milliers de tonnes de bois pro-duites chaque année par la forêt deSaint-Gobain. Le projet du collectif est decréer un « Pôle Bois ». Pour garantir laqualité de cette filière locale, ils proposentde créer un label « Sylviculture Durable »,« comme le bio en agriculture ! » s’en-thousiasme Yvain.

> MARIE ASTIER Reporterre

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Saint-Gobain (Aisne)Jardiner la forêt plutôt que l’exploiter, pour arriver au bois bio

« Sans la méthanisation, on ne serait paspassé au bio si vite. » Les frères Mineur, ins-tallés à Etrepigny, dans les Ardennes, sesont convertis à l’agriculture biologiqueen même temps qu’à la méthanisation.Deux choix complémentaires : « On vitcela comme un tout. »Le digestat permet de fertiliser les prairiesoù paissent la soixantaine de vaches lai-tières. Plus besoin de produits phytosa-nitaires. En brûlant le méthane, lamachine d’une puissance de 70 kW produitélectricité et chaleur. Celle-ci chauffe la

salle de traite et quatre maisons. Et lesrecettes procurées par la revente del’électricité ont alimenté les investissementsnécessaires au passage au bio. Pour Christian Couturier, de Solagro,association d’étude des questions agricoles,« la méthanisation peut être un moteurde l’agroécologie. » Il promeut un modèlemêlant polyculture et élevage, recourantau fumier végétal plutôt qu’aux engraischimiques, et s’appuyant sur la méthani-sation. Et comme celle-ci élimine denombreuses bactéries présentes dans les

déjections animales, « elle aide à la sup-pression des antibiotiques dans l’élevage ».M. Couturier, qui est aussi le nouveauprésident de negaWatt, espère que laméthanisation à petite échelle aidera àredynamiser les campagnes. Une priorité,alors que deux cents fermes disparaissentchaque semaine en France. « Avec la chaleur,on pourrait développer de nouvelles acti-vités : sécher du bois, chauffer des gîtesruraux, fabriquer de la charcuterie… »

> L.L.

Etrepagny (Eure)Quand méthanisation rime avec agroécologie

© Marie Astier

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Les Amis de la Terre Europe et le photographe Luka Tomac, par ailleurs militantactif des Amis de la Terre Croatie – Zelena Akcija, ont lancé le 6 novembredernier,le projet « Keepers » (gardiens en français) avec une exposition à Bruxelles,un livre et un site web : http://natures-keepers.orgMais qui sont donc ces « gardiens » ? Ils sont 22, à travers l’Europe, dontLuka Tomac dresse le portrait et l’histoire à travers un point commun : leurengagement total dans la préservation et la restauration de milieux naturels,de Chypre à la Norvège en passant par la Bulgarie ou le Royaume-Uni.« Keepers » met en avant les efforts incessants de ces militants qui luttentcontre les impacts des activités humaines et contre les modes de développementinsoutenables (dont l’expansion des industries minières et énergétiques…).Bien qu’éloignées géographiquement les unes des autres, ces histoires montrentla similitude des menaces que font peser certains projets sur les espèces, surles milieux et sur les populations.Parmi les histoires relatées, celles de populations de tortues quasiment en voied’extinction à Chypre, la ré-introduction de loups, lynx et chats sauvages dans denombreux pays européens, les communautés locales qui s’élèvent contre le dévelop-

pement de projets extractivistes en Bosnie-Herzégovine et en Norvège, les efforts dans l’éducation à l’environnement de jeunes enfants, etc.D’après Luka Tomac : « Il y a tant d’histoires à raconter, des histoires qui mettent la lumière sur ceux qui sont à l’origine des problèmes,des histoires qui témoignent des difficultés vécues par les communautés qui sont affectées par ces problèmes… mais aussi les histoiresqui célèbrent les personnes qui sont en première ligne et dédient leur vie à promouvoir des solutions pour transformer nos sociétés. »Toutes ces histoires sont à retrouver sur le site : http://natures-keepers.orgUn lien que nous vous invitons à consulter et à partager !

> CAROLINE PRAK

1/ Rapport de la Direction générale de la prévention des risques : « Éléments issu des déclarations des substances à l’état nano-moléculaire » :http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/rapport-nano-2014.pdf

2/ PRÉVOIR UN LIEN POUR LE RAPPORT SUR LE SITE 3/ http://sciencescitoyennes.org/tag/biologie-synthetique/

En 2008, le rapport « Du laboratoire, versnos assiettes : nanotechnologies dansl’alimentation et l’agriculture » de noscollègues des Amis de la Terre Etats-Unis,Australie et Allemagne (BUND) fit grandbruit.Six ans après, les Amis de la Terre Etats-Unis refont le point sur la situation dansun rapport intitulé « Petits ingrédients,gros risques »2 . Il s’avère que le nombrede «nano-aliments » sur le marché a étémultiplié par plus de dix en six ans, tan-dis que se sont accumulées les donnéesscientifiques sur les risques que lesnanomatériaux, notamment ceux utili-sés dans l’alimentaire, représentent pourla santé humaine et l’environnement. Près de 200 multinationales de l’agro-ali-mentaire ont investi des milliards de dol-lars dans les nano-aliments et les nano-emballages ; les prévisions parlent d’unmarché des nano-aliments qui pourraitatteindre 20,4 milliards de dollars en 2020.Aux Etats-Unis, de nombreux produitsalimentaires consommés quotidienne-ment contiennent des nanomatériauxcomme ingrédients : fromages fondus ouà la crème, cookies, beignets, sirop et

autres produits à base de chocolat, flans,lait, soja, boissons à base d’amende ou deriz, yaourts, céréales, , crackers, pâtes etboisons pour sportifs. Des nanomaté-riaux sont de plus en plus utilisés encontact avec les aliments : emballages etconservation des fruits et légumes,planches à découper, biberons, coutelle-rie, bacs à glace, etc. Ces produits sontfabriqués et vendus par les plus grandescompagnies alimentaires.

Une grande toxicitéLes nanomatériaux ont des propriétésuniques qui offrent de nombreuses pos-sibilités d’emploi pour l’industrie alimen-taire, en tant qu’additifs alimentaires,agents de saveurs ou colorants très puis-sants ou comme agents antibactériensdans les emballages. Cependant, cesmêmes propriétés présentes à l’échellenanométrique peuvent aussi provoquerune plus grande toxicité pour leshumains ou l’environnement :• réactivité chimique, biodisponibilité etbio-activité plus importantes que chezdes particules de plus grandes taillesdu même composant chimique ;

• pénétration plus facile dans nos corps,nos cellules, nos tissus et organes ;• perturbations des réponses de notresystème immunitaire ;• effets pathologiques à long termeFace à ces dangers pour le consomma-teur, pour les ouvriers qui manipulent cesproduits, pour l’environnement, com-ment réagissent les pouvoirs publicsfrançais ? Dans un rapport commandépar cinq ministères et publié en mars20143 on peut lire: « Ces risques, inhérentsà toute innovation scientifique, ne doiventen aucun cas empêcher toute avancéescientifique dans ce domaine, ne serait-ceque pour la sécurité nationale » et il faut« préserver l’acceptation par la société deproduits utiles à nos industries de Défenseet nos industries duales, issus des nano-technologies et de la biologie de synthèse ».Tout est bon pour la croissance… desrisques ! Environnement, santé, foutaisesque tout cela, à moins que les citoyens nese mêlent enfin de leurs affaires !

> CHRISTIAN BERDOTCo-référent sur les OGM et l’agriculture

PUBLICATION

RapportNanotechnologies : une invasion silencieuse

On aime !Découvrez le projet photographique « Keepers »

En 2012, 500 000 tonnes de nanomatériaux ont été utilisées en France dans 3 400 produits à base de nanomatériaux.Les secteurs de l’alimentation et de l’agriculture sont largement en tête des utilisateurs.1

© Luka Tomac

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Loin d'être neutre en carbone,notre compte en banque pollue.Car les banques utilisent l'argentque nous leur confions pour finan-cer et investir dans des projets for-tement émetteurs de CO2, aggra-vant ainsi la crise climatique.Ainsi, comme le dernier rapportdes Amis de la Terre sur lesbanques Charbon : l'argent saledes banques françaises l'expose,elles ont par exemple soutenu àhauteur de plus de 30 milliardsd'euros le secteur du charbon –centrales et mines – entre 2005 etavril 2014, faisant de la France le4ème financeur mondial du com-bustible le plus carboné. BNPParibas, Société Générale etCrédit Agricole comptent parmiles banques les plus climaticideset représentent 94 % des sou-tiens totaux des banques fran-çaises au secteur du charbonentre 2005 et 2013.

Des investissementsà contre-courant !Les banques continueront-elle encorelongtemps à ignorer les recommandationsdes plus grands scientifiques sur le climat: laisser la majorité des fossiles dans le solet réorienter leurs investissements dansle secteur énergétique ? Pourront-ellespoursuivre, au nom d’objectifs de profit àcourt terme, le développement de projetscharbon tels qu’Alpha Coal en Australieou Medupi et Kusile en Afrique du Sud,qui enferment l’humanité dans des tra-

jectoires hautement carbonées et inéga-litaires ? Tout dépend de nous… En tantque clients, citoyens, consommateurs,nous avons le pouvoir de demander auxbanques de changer leurs pratiques. Et lamarge de progression en France esténorme. Nous pouvons aussi changer de banque,comme l’explique le guide des Amis de laTerre Climat : comment choisir mabanque ? qui dresse un classement desbanques françaises selon les impacts desactivités qu’elles soutiennent.

Vous avez dit greenwashing ?« Risques maximum », « Impactsminimes », dans quelle catégoriese trouve votre banque ? Pouvez-vous la croire lorsqu’elle se ditengagée pour la protection de l’en-vironnement ? Selon notre guide,seules la Nef et le Crédit coopératifreprésentent aujourd’hui desréponses crédibles aux banquesclimaticides, en privilégiant lefinancement de projets à fortevaleur sociale, environnementale,culturelle. Si elles constituent des alternativesindéniables, faire pression pourque les grandes banques changentleurs pratiques reste indispensable.La lutte contre les changementsclimatiques ne pourra pas êtregagnée si les banques ne jouentpas leur rôle, à savoir augmenterleurs soutiens à l'efficacité énergé-tique et aux énergies renouvelablesmais aussi stopper ceux dédiés auxénergies fossiles.

Chacun peut agir, en interpellant sabanque sur ces financements et enl'avertissant que si elle ne se retire pasdes fossiles, elle risque de perdre un-e deses clients ! Retrouvez tous les conseils etinformations pour changer de banquedans le guide éco-citoyen Climat : com-ment choisir ma banque ? publié par lesAmis de la Terre et sur le site www.finan-ceresponsable.org

> LUCIE PINSONChargée de campagne Finance privée/Coface

PratiquesMarre que votre argent pollue ? Changez de banque !

Allons plus loin que ce que pouvait laisser penser la couverture du dernier numéro de « La Baleine »… Le traité TAFTA reflète-t-il unelutte des “Américains” contre les “Européens”, comme il est souvent présenté ? Même s’il traduit une conception plutôt anglo-saxonne du droit, nous rejetons cette rapide lecture, comme le dossier l’expliquait justement. Non, le TAFTA est bien une lutte de pouvoirdes firmes privées et de leurs dirigeants contre tous les citoyens du monde pour réduire leur protection sociale, environnementale etdémocratique !On le voit bien dans l’article 8 du mandat sur les questions environnementales et sociales qui énonce que « Le traité devrait reconnaîtreque le développement durable est un objectif fondamental des parties prenantes et qu’elles viseront à assurer et faciliter le respect desaccords et des normes environnementales et sociales internationales tout en favorisant des niveaux élevés de protection de l’environ-nement, des travailleurs et des consommateurs, compatibles avec l’acquis européen et la législation des Etats membres. »Quel concert de pipo ! Observez bien comment la « langue de bois juridique » est utilisée pour vider l’article de sa portée. Pourquoid’abord le conditionnel « devrait reconnaître » ? Admirez ensuite le tricotage de «viser, assurer, faciliter, favoriser, respecter, compatible... »Il aurait pourtant été facile d’écrire simplement « 8. Le traité reconnait que le développement durable est un objectif fondamental desparties prenantes et qu’il respectera les accords et les normes environnementales et sociales internationaux. »Mais on a bien compris que les négociateurs n’ont aucune intention de les respecter !

> VINCENT JANNINLes Amis de la Terre Paris

HumeursAvec le TAFTA, la langue de bois est transatlantique !

Se mettre au vélo, passer chez Enercoop, adhérer à une AMAP, réparer, échanger, recycler, oui ! Et changer de banque, alors ?

© David Cochard