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L'INTROUVABLE DÉLIBÉRATION Ethnographie d'une conférence citoyenne sur les nouveaux indicateurs de richesse Rémi Lefebvre De Boeck Supérieur | Participations 2013/2 - N° 6 pages 191 à 214 ISSN 2034-7650 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-participations-2013-2-page-191.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Lefebvre Rémi, « L'introuvable délibération » Ethnographie d'une conférence citoyenne sur les nouveaux indicateurs de richesse, Participations, 2013/2 N° 6, p. 191-214. DOI : 10.3917/parti.006.0191 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour De Boeck Supérieur. © De Boeck Supérieur. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. 1 / 1 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - Annunziata Rocío - 181.29.17.240 - 01/04/2014 01h13. © De Boeck Supérieur Document téléchargé depuis www.cairn.info - - Annunziata Rocío - 181.29.17.240 - 01/04/2014 01h13. © De Boeck Supérieur

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  • L'INTROUVABLE DLIBRATIONEthnographie d'une confrence citoyenne sur les nouveaux indicateurs de richesseRmi Lefebvre

    De Boeck Suprieur | Participations

    2013/2 - N 6pages 191 214

    ISSN 2034-7650

    Article disponible en ligne l'adresse:--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

    http://www.cairn.info/revue-participations-2013-2-page-191.htm--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

    Pour citer cet article :--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

    Lefebvre Rmi, L'introuvable dlibration Ethnographie d'une confrence citoyenne sur les nouveaux indicateurs derichesse, Participations, 2013/2 N 6, p. 191-214. DOI : 10.3917/parti.006.0191--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

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  • 191Lintrouvable dlibration...

    Lintrouvable dlibration. Ethnographie dune confrence citoyenne sur les nouveaux indicateurs de richesse

    RmiLefebvre

    Rsum

    Larticle propose une approche ethnographique dune confrence de citoyens tenue en novembre 2009 sur les nouveaux indicateurs de richesse, commande par le Conseil rgional du Nord-Pas-de-Calais. Il montre que ce qui se joue dans ce type de dispositifs ne peut sapprhender au prisme exclusif de la dlibration qui fonde pourtant leur lgitimit. Ce qui est en jeu dans le jury considr, cest moins la dlibration que les stratgies de prservation de la face des parti-cipants, la constitution du groupe et les logiques de sociabilit, les ingalits de participation et les effets de cadrage de lquipe danimation.

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    La lgitimit des confrences ou jurys de citoyens est dsormais bien tablie. Mme si ces dispositifs dits mini-publics prennent des formes diverses, leur format tend se standardiser autour des principes suivants : des citoyens profanes , tirs au sort ou choisis selon des mthodes dchantillonnage, sont amens, dans un cadre procdural rgl, dvelopper une rflexion collective sur une politique publique ou une question plus ou moins controverse (Sinto-mer, 20071). En France, depuis la premire confrence sur les OGM en 1998, les confrences ou jurys ont t principalement mis en place par les collectivits territoriales, en particulier les Conseils rgionaux (Gourgues, 2010 ; Mazeaud, 2010). Aucun texte juridique nencadre en France ce jour ce type de procdure dont le design organisationnel est laiss la discrtion de ses commanditaires. La philosophie politique qui sous-tend ce dispositif est clairement dlibrative2. Selon lidologie du dispositif, cest la qualit de la procdure (tirage au sort, formation, dlibration) qui conditionne celle de lavis produit par le groupe. Une des croyances qui rgule son usage est quune dlibration bien conduite est suppose sorienter vers le bien commun (Sintomer, 2011).

    On ne peut sen tenir lidal dmocratique que porte la procdure et la tho-rie, plus ou moins formalise, qui la sous-tend. Il convient de ltudier in situ laune de sa mise en uvre pratique. Que produit le dispositif ? quelles limites se heurte-il ? quels usages concrets donne-t-il lieu ? Quelle densit dlibra-tive sy dploie ? Dans la littrature foisonnante sur la dmocratie participative et alors que le nombre de jurys organiss est dsormais consquent, force est de constater que les travaux empiriques manquent. Linstitutionnalisation de la pro-cdure a t largement documente mais la bote noire des jurys a t peu ouverte. Rares sont les monographies ou cas dtudes qui sattachent dcrire ce qui se passe prcisment dans les arnes dargumentation en situation de dcision collective (Barbier, Bedu, 2013). Le travail de Clmence Bedu est un des rares stre attach minutieusement suivre un jury en train de se faire (Bedu, 2010)3. Les jurys exercent une certaine fascination chez les praticiens de la dmo-cratie participative comme chez les chercheurs parce quils donnent un pouvoir aux invisibles ou inous (Boullier, 2009) et allient a priori les conditions optimales de la dmocratie (inclusion et dlibration). Mais ils sont peu passs jusque-l sous leurs fourches caudines empiriques ; pourtant, ils constituent un laboratoire de recherche a priori privilgi, in vivo : temps fix du jury et unit de lieu, force des formes et des procdures, processus dapprentissage et formation de la comptence politique luvre, inclusion politique des citoyens ordi-naires , ingnierie participative ou controverses sociotechniques en situation

    [1] Sur la question de leur standardisation ltranger et lmergence dune communaut pro-fessionnelle autour de ce type de dispositif, voir Amelung (2012).[2] On peut considrer que tout dispositif est une thorie en actes, au moins dans la manire dont il est lgitim a priori.[3] Daniel Cefa (2012) note que si ltude des dispositifs de participation est avant tout qualita-tive et relve le plus souvent des case studies , elle est rarement ethnographique.

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    Lorsquils font lobjet de travaux, les jurys sont avant tout analyss comme une exprience dlibrative, cest--dire laune des objectifs politiques assigns ce type doutil et de ses attendus normatifs (Fung, 2008). Le tropisme proc-dural (Mazeaud, 2012) dominant dans ce type dapproches conduit ainsi le plus souvent surtout mesurer la capacit du groupe produire une rationalit col-lective dans un cadre procdural rgl et contraint. Dans cette perspective, ce qui est essentiellement valu est la valeur ajoute ducatrice du dispositif (entendue comme la capacit des participants se former et opiner), la dyna-mique des changes, la capacit prte la procdure de modifier les points de vue des participants et construire un monde commun. On voudrait montrer ici que ce qui se joue dans ces dispositifs ne peut tre analys la seule aune de lapproche dlibrative qui fonde leur lgitimit et que, dans le cas observ, la dlibration attendue nest pas in fine au rendez-vous (ce qui tient, pour partie, des caractristiques propres du cas observ que lon cherchera identifier). Ce qui est en jeu dans le jury observ, dont il est question dans cet article, cest moins la dlibration que les stratgies de prservation de la face des parti-cipants, la constitution du groupe et les logiques de sociabilit, les ingalits de participation et les effets de cadrage de lquipe danimation. Lapproche ethno-graphique mobilise a pour vertu de refroidir le dispositif jury, au risque de le trivialiser, en cherchant ne pas analyser ce qui sy dploie au prisme unique de sa philosophie dlibrative.

    La procdure et les garanties dmocratiques quelle offre nassurent pas mcaniquement la qualit dmocratique du processus et des dlibrations. La qualit dlibrative dun jury tient des conditions qui excdent les garanties procdurales (ce qui ne veut pas dire quelles soient sans importance). Tout jury tient des circonstances fragiles et doit faire lobjet dune analyse contextualise et situe. Dispositif ponctuel et artificiel, le jury obit une logique de situation qui appelle une analyse interactionniste et cologique fine (Carrel, 2009). Il y a bien un moment irrductible du jury qui nest pas interchangeable. Lapproche ethnographique constitue le seul protocole mthodologique permettant de prendre au srieux limportance du contexte dinteraction sur lexpression des opinions politiques (Talpin, 2010, p. 100). Un jury doit par ailleurs tre appr-hend comme un ensemble dinteractions sociales qui ne sont pas uniquement structures par ses rgles dlibratives, fussent-elles prgnantes. Tout en tant fortement cadr, il constitue un dispositif imprvisible, fragile, exprimen-tal, ouvert de multiples formes dincertitudes. Le jury instaure en effet une situation artificielle et extra-ordinaire (vcue comme telle dailleurs par les participants) : des individus qui ne se connaissent pas et qui nont jamais parti-cip (le plus souvent) ce type dexprience sont sollicits par une institution pour passer du temps ensemble dans un contexte inhabituel et traiter dune question quils ne se seraient pas forcment pose si on ne les avait pas invits le faire, dans une situation dapesanteur sociale ( huis clos). On montrera quun des objets des interactions entre participants est de domestiquer et rduire ces incertitudes. La dynamique du groupe constitue par ailleurs une variable quil faut prendre en compte et qui nest souvent pas prise au srieux mme si

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    elle relve plus de la sociopsychologie des groupes restreints (Gastil, 1993) que de la thorie dlibrative. Un collectif est produit par le dispositif, le travail en commun et les relations sociales quil gnre. La dynamique dchanges argu-ments est indexe au groupe qui la porte. La sociabilit est une des conditions de flicit de la dlibration, son point dappui, mais cette sociabilit peut faire tenir le groupe tout seul de sorte que la dlibration, entendue comme change raisonn darguments, devient accessoire. Or la question du groupe que forment les citoyens est assez peu traite dans les analyses portant sur les jurys, centre sur la dlibration, lchange et lvolution des points de vue individuels.

    Aprs avoir prsent la confrence et notre mthode denqute, on montrera que les interactions qui structurent le jury sont marques par de fortes incertitudes et un ordre de laccommodement ; puis on analysera la dynamique de groupe et les stratgies de prsentation de soi des participants avant dvaluer la dimen-sion dlibrative des changes4.

    La confrence citoyenne : objet et mthode danalyseLe Conseil rgional du Nord-Pas-de-Calais a organis en octobre-novembre 2009 une confrence citoyenne sur le thme des Indicateurs de Dveloppe-ment Humain (IDH) et de la mesure de la richesse. Dans ce cadre, nous avons t sollicits pour produire un rapport dobservation sur le droulement de la confrence, ce qui nous a permis danalyser lensemble des dbats et comits de pilotage du dispositif.

    Questionendbatetconstitutiondupanel

    La Rgion Nord-Pas-de-Calais a mis en uvre linitiative Indicateurs 21 visant calculer et promouvoir de nouveaux indicateurs de dveloppement, complmentaires au PIB pour mesurer la richesse rgionale dans toutes ses dimensions, en prenant en compte le progrs social mais galement la pression exerce par lhomme sur les ressources naturelles. La confrence citoyenne avait pour triple objectif de contribuer la construction dindicateurs pertinents rgionaliss, dalimenter un dbat public sur le sens mme du dveloppe-ment et de permettre une critique des indicateurs traditionnels de richesse. Trois questions ont ainsi t poses par la Rgion au panel : Les nouveaux indicateurs synthtiques rgionaux : font-ils sens pour vous, vous parlent-ils ? Permettent-ils de mieux mesurer le dveloppement rgional dans ses com-posantes essentielles ? Quels usages en promouvoir ? . Quinze citoyens du Nord-Pas-de-Calais, slectionns par un organisme indpendant, ont t amens

    [4] Je remercie Clmence Bedu, Marion Carrel, Alice Mazeaud, Benjamin Plouviez et Julien Talpin pour leurs relectures critiques. Cette tude sinscrit dans lANR Parthage.

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    rendre un avis public au terme de quatre jours de formation et dchanges (le samedi) au cours desquels ils ont entendu et interpell experts (cono-mistes et statisticiens), acteurs associatifs et institutionnels. Si les travaux se sont produits huis clos, deux temps du processus ont nanmoins t publics : laudience publique (le samedi matin du dernier week-end) o le panel a audi-tionn des intervenants extrieurs et la sance publique (dimanche matin) au cours de laquelle lavis a t lu et prsent au sige du Conseil rgional devant quelques lus.

    Le tirage au sort, au principe de la constitution du panel, est cens permettre dobtenir un accs garanti et scuris des citoyens profanes. La figure du profane est centrale dans ce type de dispositif qui sollicite chez les citoyens mobiliss un bon sens non spcialis, susceptible de renouveler lapprhension des questions en dbat. Les prfrences et opinions sur le sujet des citoyens ordinaires des jurys ne sont pas censes tre dj constitues. Le recours la slection alatoire permet de toucher un public qui va au-del des habi-tus de la participation, mme si le profane nest lgitime dans cet espace public artificiel que parce quil va tre transform par la dlibration (Blondiaux, 2008b, p. 45). Le profane est cependant largement une fiction, politiquement ncessaire en ce quelle lgitime le jury. Les participants ne sont pas l compl-tement par hasard, ils sont reprsentatifs de ceux qui ont accept de participer (ce qui constitue un filtre important). Dans le cas du jury ici tudi, le carac-tre profane dune partie des participants fait particulirement question. Le groupe est certes marqu par une forte diversit sociale. Les caractristiques socioculturelles et dmographiques de la population rgionale ont t globale-ment respectes. Les populations les plus susceptibles dtre exclues sont bien reprsentes dans le panel : jeunes, femmes, groupes les plus dmunis sociale-ment (dont trois salaris en recherche demploi). La moiti du groupe appartient aux catgories populaires (ouvriers ou employs). Cependant, lorganisme a ren-contr beaucoup de difficults constituer le panel5. Une partie des membres du jury (quatre dentre eux) ont t recruts dans des rseaux associatifs, proches des cologistes et de la sphre environnementaliste, pour faciliter la constitution du panel. Le jury a t ainsi marqu par la coexistence dun groupe de citoyens peu intresss par la politique et non diplms et dun groupe de citoyens politi-ss, marqus nettement gauche , plutt diplms et, pour trois dentre eux, dj clairs sur le sujet (ne disposant donc pas de linnocence requise) 6.

    Le groupe constitu est encadr par deux animatrices qui jouent un rle central dans le droulement de la confrence. Elles sont charges de crer les conditions

    [5] Il a fallu prs de 600 appels la socit charge de cette mission pour recruter 20 personnes (le panel et une liste dattente).[6] Parmi les participants on compte un responsable dune association environnementale lil-loise par ailleurs conseiller de quartier, un ex-militant dATTAC qui a t syndiqu la CNT, un responsable dun caf citoyen, un responsable dun Repaire de Daniel Mermet, un salari asso-ciatif vivant son activit sur un mode militant.

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    dune situation optimale de dlibration. Le recours ces professionnels de la participation (Nonjon, Bonaccorsi, 2012) simpose pour animer les dbats, veiller la bonne intgration de tous, organiser un processus squenc qui doit dboucher sur la rdaction et la lecture dun avis.

    Uneenquteethnographique

    Le Conseil rgional nous a permis danalyser lensemble des dbats, en adoptant une position de retrait (nous avons veill ne pas prendre part aux changes mme si les participants nous y ont, plusieurs reprises, fortement incits). Nous avons par ailleurs multipli les types et les occasions dinteractions avec les membres du jury pour recueillir leurs impressions et leur perception du jury en train de se drouler (discussions informelles pendant les pauses, changes tlphoniques ou par courriels entre les week-ends de formation). Nous avons complt ce matriau par des entretiens approfondis avec dix des quinze participants aprs la conf-rence, en cherchant prendre en compte dans lanalyse les proprits sociales des participants, veillant par l mme coupler ordre social et ordre de linterac-tion7. Nous avons particip au comit de pilotage de la confrence, ce qui nous a permis de mieux apprhender lanimation et laccompagnement du dispositif.

    Notre statut dans la configuration des acteurs du dbat nest pas sans ambiguts et nous a amen rengocier en permanence notre place dans le dispositif. Nous avons veill ne pas tre identifi au conseil rgional et avons t peru comme une forme de tiers garant par une partie des participants, voire un alli dans leurs relations souvent conflictuelles avec lquipe danimation. Notre position lgard des animatrices sest rvle relativement inconfortable. Protges par le huis clos et confrontes un exercice particulirement difficile, elles ont pu se sentir inspectes ou tout le moins values. La prsence de lobservateur ext-rieur a suscit chez les membres du jury un certain tonnement et une certaine incomprhension (la raison de notre prsence a sembl mystrieuse une moi-ti dentre eux). Pour susciter la confidence, nous avons d gagner la confiance des membres du panel et mis en avant pour ce faire notre indpendance duniversitaire et une certaine distance critique avec le dispositif lui-mme, les commanditaires ou les consultants.

    Une situation sociale insolite et incertaineLe groupe constitu lors des confrences citoyennes est, avant quil ne prenne forme voire devienne un public (Cefa, Pasquier, 2003), une construction artificielle ne

    [7] La structure des situations ne peut tre dchiffre sans faire rfrence au systme des positions durables dans lequel sont insrs les agents dont elles oprent la runion temporaire (Boltanski, 1973, p. 132).

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  • Lintrouvable dlibration... 197

    dun dispositif institutionnel et dune mthode dchantillonnage. Si les citoyens ont dcid de participer de manire volontaire lexprience, ce qui soude au dpart le groupe observ est une forme dincrdulit et un tonnement teint de mfiance lgard du dispositif. Les participants sont sceptiques lgard dune procdure quils ne connaissent pas et dont les effets sur le processus dcision-nel rgional sont peu lisibles. Or la confiance est un pralable la discussion. Avant dtre un dispositif participatif, un jury constitue une scne structure par un ensemble dinteractions sociales o un certain nombre dacteurs tiennent un rle ou tentent dendosser celui quils peroivent comme requis par la situa-tion. Le temps du jury est comme suspendu de la vie sociale ordinaire, ce qui lui donne une part dirralit. Les participants ont le sentiment de faire partie dune exprience 8 et de vivre un moment singulier ou insolite, dautant plus que la problmatique en question leur est impose et nentretient avec eux quun degr de ralit limite. Cette incongruit constitutive du moment jury doit tre intgre dans lanalyse dans la mesure o elle a de nombreuses implications sur les changes (y compris sur la dlibration elle-mme, qui nobit pas la seule logique du meilleur argument).

    Unordredelaccommodement

    Quand ils acceptent de participer, les citoyens ont une trs faible connaissance du dispositif qui leur a t prsent sommairement ( lvidence pour les inciter accepter). Les normes grammaticales du contexte dlibratif tel quil est dfini par les animatrices ds le dpart ne sont pas demble intriorises. Le groupe nest pas spontanment un collectif citoyen et une communaut dlibrante par la seule force des rgles du jeu de la procdure. Il le devient ingalement par la suite.

    Forme de participation artificialise, le jury instaure une situation sociale mar-que par une forte incertitude o lintelligibilit mutuelle des participants est problmatique9. Il runit dabord un ensemble dinteractants qui cherchent sapprivoiser mutuellement, construire une image cohrente deux-mmes, typifier leurs partenaires. Les acteurs en prsence sattribuent ou endossent des identits interactionnelles (Cefa et al., 2012, p. 19). La gestion et la matrise des impressions (Goffman, 1973) constituent dans ce cadre dinteraction un enjeu essentiel. Elles mobilisent beaucoup lnergie des participants qui sob-servent, se jaugent, se jugent, tentent de sajuster les uns aux autres, essaient de

    [8] Lexpression est rcurrente dans les propos des participants.[9] On sappuie ici sur les concepts dErving Goffman dont les ressources thoriques ont t sous-utilises dans la littrature sur les dispositifs participatifs. Ces derniers gagneraient tre analyss comme des scnes, des rituels ou des contextes dinteraction plus ou moins codifis. Les travaux de R. Futrell (2002) ou, plus rcemment, de M. Berger (2009) sur les Commissions locales de dveloppement intgr Bruxelles et de Marion Carrel (2013, chapitre 2) montrent la perti-nence de cette approche. On cherche analyser ici la participation des acteurs au sens de leur engagement situationnel pour reprendre lexpression dE. Goffman.

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    tenir ce quils croient tre leur rle (ce qui suppose de le dcoder alors quil est peu formalis et indit pour eux) et de trouver une justesse de participation (Berger, 2012). Les participants doivent entrer en reprsentation et sen-gager dans des performances expressives plus ou moins labores (Berger, 2012, p. 396).

    Ainsi, une des lignes daction des panlistes est de ne pas perdre la face. La situation est en effet prilleuse plusieurs titres. Elle nest fonde sur aucune routine. Une forme de charge morale (Barbier, Bedu, Buclet, 2009) et mo-tionnelle (solennit de la procdure, ractivation et exacerbation de lidentit citoyenne) pse sur le participant. Ces propos de Paul10 sont loquents : je me dis que cest un honneur et que je dois tre la hauteur mais je suis pas sr de ltre . La peur de ne pas tre la hauteur est corrle aux ressources sociales (scolaires en particulier) des participants ( cest humiliant quand on narrive pas dire ce quon pense nous confie Josiane, non diplme). Le tirage au sort nanni-hile pas le sentiment dillgitimit dune partie des membres du jury, voire le renforce. On attend du participant quil produise des opinions personnelles , les justifie publiquement et quil marque ventuellement des divergences. La situation expose donc au dsaccord, voire laffrontement. La tche est dautant plus ardue que les participants nont gure le temps dasseoir leur rle, de le camper , cest--dire de gagner en autonomie par rapport aux alas des interactions situes et se prmunir de faux pas ventuels (Berger, 2012, p. 395).

    Les participants nacceptent de se prter au jeu du dbat et de la confrontation que sils peuvent tre en mesure de revendiquer un moi acceptable (Goffman, 1973). Il sagit de maintenir une dfinition satisfaisante de soi-mme, de ne pas faire pitre figure , dviter les gaffes , de conjurer les menaces de rup-ture de reprsentation et de se livrer des activits rparatrices quand le conflit surgit (Goffman, 1974). Face lincertitude de la situation, la plupart des participants adoptent ainsi une stratgie de la dissuasion cooprative marque par une forte rserve. Les situations et interactions observes relvent dun ordre de laccommodement 11. La rduction des incertitudes lies au contexte dinteraction constitue une des lignes de conduite et des stratgies principales des participants qui passent, pour prs de la moiti des membres du jury, par le silence ou une participation oblique et peu active (tout particulirement lors des deux premires journes). de trs nombreuses reprises, des membres du jury (y compris lors du dernier jour de formation) viennent minformer la pause quils comprennent mais nosent pas prendre la parole parce quils craignent la raction des participants ou de lquipe.

    [10] Les prnoms ont t modifis.[11] Laccommodement est un principe de lordre spatial de circulation o la fluidit est assu-re par une sorte de dissuasion cooprative mais il est galement au cur de lordre ngoci et merge des rencontres qui demandent chaque participant des mthodes et des procdures de justification par lesquelles chacun rend compte de ses activits devant autrui, protge sa face et celle de lautre (Joseph, 1998, p. 36).

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    Pour comprendre les types dinvestissement dans le dbat, il faut revenir sur les conditions du recrutement du panel. Certes, lintrt pour la politique a conduit une moiti des membres du jury accepter de participer mais ce nest pas la seule raison de leur engagement. La rtribution financire perue (trois cents euros en plus des dfraiements lis aux transports) a t dterminante pour un tiers du groupe12. lindemnit sajoute la gratification que constituent les repas au restaurant (un tiers des participants me dclarent quils y vont peu ou jamais). Trois membres du panel nont pas hsit publiquement revendiquer que leur participation obissait principalement des logiques financires13. Ces gratifi-cations matrielles ont t mises en balance par certains participants avec les craintes que le dispositif a pu susciter. Si les dfections au cours du processus ont t peu nombreuses14, ce qui semble assez rare pour ce type de disposi-tifs (Flamand, 2010, p. 82), ce faible taux dexit est trompeur : cest la crainte de perdre lindemnit qui a fortement incit trois ou quatre membres du panel y rester tout en sy impliquant a minima.

    Il faut aussi noter que les citoyens acceptent sous une forme de voile digno-rance (ils ne savent pas grand-chose du dispositif auquel ils vont participer). Les finalits et conditions de la confrence ont t parfois trs sommairement prsentes aux citoyens contacts, manifestement pour dsamorcer certaines craintes. Pauline (non diplme, spare, sans emploi) le regrette : On ma dit que ctait une confrence citoyenne, tes assise et tcoutes, cest pay, cest trois ou quatre journes je sais plus, je savais pas sur quoi cela portait avant de venir ben jai pas t due, cest pas du tout ce quon mavait vendu .

    Uneparticipationdansladfiance

    Lincertitude de la situation du jury est dautant plus forte que les participants entretiennent une certaine mfiance lgard du dispositif et une dfiance lgard de la politique en gnral. Un certain scepticisme apparat demble lgard dune procdure dont la finalit apparat peu lisible et le rapport la dcision finale mal dfini (les organisateurs rappellent plusieurs fois que les lus restent in fine matres du choix politique). Il doit y avoir une entourloupe , dclare Robert ds la premire pause. Le dispositif suscite une forme dincr-dulit. Une forme de soupon merge rapidement. La routine du dbat et le

    [12] La confrence comporte de nombreuses contraintes et cots qui justifient lindemnisation : temps libre obr, ncessit de faire garder les enfants le samedi, dplacements souvent impor-tants (quatre participants seulement sont rsidents de la mtropole lilloise)[13] Danielle lavoue : 50 % largument financier a jou, je vis seule, cela tombait bien, il y avait la taxe dhabitation payer . Gilbert dclare dans le mme sens : Largent oui cela a beaucoup compt, jai pas de travail, je partais en vacances juste avant que lon me propose, je me suis dit, quand je reviendrai jaurai plus rien .[14] Une seule dfection a t enregistre et trois des quinze participants ont t absents une journe pour des raisons personnelles ou mdicales.

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    jeu des changes ne parviendront la dissiper que partiellement. Le risque de simulacre, dinstrumentalisation, dutilisation du dispositif des fins de commu-nication est trs vite point par les participants.

    Plusieurs lments renforcent cette dfiance. La prsence dun cameraman rompt partiellement le cadre du huis clos et accrdite lide que la conf-rence a surtout un objectif de visibilit externe. Le contexte de proximit avec une chance lectorale (rgionale de surcrot) a pes tout au long du dbat. La faible connaissance de linstitution rgionale a renforc le scepticisme des participants. Plus de la moiti des membres du jury nen connaissent pas les comptences ou le mode dlection. Le fait que les dbats ne se tiennent pas dans linstitution rgionale renforce le sentiment dirralit15. La faible confiance du groupe en lui-mme et en sa comptence collective nourrit enfin une forme de trouble de lgitimit (Barbier, Bedu, Buclet, 2009). La dfiance est lenvers de la faible confiance qua le groupe en sa propre capacit produire un avis pertinent ou significatif sur un sujet quil dcouvre et donc ne matrise pas. Le sentiment dincomptence collective qui se manifeste par une gne rgulire-ment exprime au dpart donne penser quil doit donc y avoir autre chose derrire tout cela (Marc). Les animatrices doivent convaincre les participants quils ont quelque chose penser et dire (ce qui est un des principes fondateurs de la confrence). Or cet tat desprit ne va pas de soi, surtout chez ceux qui ont une faible comptence politique et un fort sentiment dindignit sociale.

    La dynamique du groupe : entre autonomisation, fragmentation et stratgies de distinction de soi

    La dynamique du groupe et sa constitution en un public (fragile) ont permis partiellement de lever cette dfiance. Le groupe que forme le jury ne peut tre seulement dfini et observ comme une communaut dbattante. Il est aussi plus trivialement, mais non moins significativement, un ensemble dindividus engags dans une dynamique collective, amens passer ensemble de longs moments, plusieurs reprises lors dune priode dun mois. La scne officielle du dbat (celle des formations, des changes, des interactions dlibratives) ne doit pas occulter les espaces plus informels o il se prolonge mais aussi se sus-pend et se dissipe. Ces ct du dbat, forme de coulisses o on a toute latitude de contredire sciemment limpression produite par la reprsentation (Goffman, 1973, p. 110), font partie de lconomie des changes interpersonnels et constituent des moments importants que lapproche ethnographique permet de pleinement prendre en compte dans lanalyse. La journe est rythme par des sessions de travail et scande par des pauses (laccueil, la pause du matin et de

    [15] Cest un choix dlibr cens protger lindpendance du groupe. Les sances ont lieu dans des lieux culturels ou associatifs lillois.

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  • Lintrouvable dlibration... 201

    laprs-midi, souvent trs attendue par les participants, le repas du midi conu comme une des rtributions matrielles et symboliques de la participation, ventuellement le verre pris en fin de journe). Cest moins la thorie dlibra-tive que la psychologie des groupes restreints qui permet de comprendre ce qui se joue dans la confrence et les formes de sociabilit quelle gnre. On observe ainsi des mcanismes de microrgulation interne au groupe, des phnomnes de leadership, de mimtisme, de distinction

    Stratgiesdedistinctiondesoi

    Ce type de dispositif qui cre une forme dapesanteur sociale nest pas dsin-carn. Il fait lobjet dusages pluriels et situs, est investi et retravaill de manire trs diffrente selon les individus. Sil abstrait les participants de leurs appartenances sociales, le jury conduit aussi ractiver et exacerber les iden-tits sociales et stimule des stratgies de distinction sociale, alors mme quil cherche les suspendre. De plus, les opinions des participants restent encas-tres dans leurs milieux sociaux dappartenance malgr la force de la procdure et les artefacts quelle produit. Il est donc de bonne salubrit sociologique de revenir aux dispositions sociales que le dispositif ne parvient pas annuler ou suspendre, voire ractive.

    Rapidement, lors de la premire journe de formation, le travail en petit groupe, cens diminuer les cots de la prise de parole, amne les participants se regrouper selon des logiques daffinits sociales. Un groupe se constitue alors rapidement, qui rassemble les participants non diplms et peu politi-ss. Ils prouvent des difficults suivre la formation et se caractrisent par leur absence de prise de parole volontaire, ne sexprimant que lorsque les ani-matrices les sollicitent pour le faire. Isabelle, qui fait partie de ce groupe, le dfinira plus tard en ces termes : Cest le groupe des largus . Mre au foyer et employe, elle avoue ds le premier jour une apptence limite pour les dbats politiques :

    Je connais rien la politique, je vote mais je demande conseil autour de moi. Avant je demandais mon conjoint, maintenant je sais plus qui demander La politique, cest compliqu, je comprends rien ou pas grand-chose, je cherche plus minformer, dj les mots souvent je comprends rien.

    Carole prsente un profil proche :

    La politique cela mintresse pas du tout, je suis au courant de rien, qui est la gauche, la droite ? Je ne sais pas, cest trop dur, je sais que je devrais my mettre mais je comprends vraiment rien, jai pas les bases

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    Le dsquilibre entre les deux groupes est trs vite apparu patent la plupart des participants. Le tmoignage de Philippe est loquent :

    Je me souviens, a ma marqu, la premire pause clopes, il y a une participante qui a dit quelle sattendait pas du tout cela, que ctait trs politique et quelle comprenait pas ce que disait les gens.

    Lquipe danimation, trs sensible au phnomne, tente de recomposer les groupes lors de la sance suivante sans stigmatiser quiconque ( il faut profiter de la richesse de chacun, faire du brassage ). Mais les groupes initiaux auront tendance invita-blement se reconstituer, comme lors de la soire de la rdaction finale de lavis.

    Le jury est travaill par des stratgies de distinction de soi dont les prises de parole constituent les supports. Les diplms qui vivent le dbat comme le pro-longement de leur exprience scolaire cherchent faire valoir leurs comptences, leurs titres parler et visibiliser plus ou moins explicitement ou directement leur capital culturel. Certains dentre eux nhsitent pas multiplier les rfrences aux textes lus entre deux sances de formation. Ces stratgies sont dautant plus prgnantes que le dispositif produit des injonctions laffirmation des singulari-ts individuelles (tre diplm enjoint plus nettement de produire des opinions sur le mode du je). Lhtrognit du groupe produit des logiques de distinction sociale chez les participants qui cherchent tre conformes la position sociale qui justifie leur prsence. Si les participants sont dsencastrs de leurs liens sociaux pralables (Sintomer, 2011, p. 265), ils mesurent bien que les comman-ditaires de la confrence ont cherch produire par lartifice de la procdure un public divers sur le plan sociologique. Chacun est dun certain point de vue assi-gn une identit, un statut, un type social (le jeune, la chmeuse, lagriculteur, le retrait, lhomme de couleur, la mre au foyer) et implicitement un rang social ou un stigmate. Certains participants retournent cette assignation et prennent au mot le jeu de la fiction de lgalit mais chez dautres cette assignation ren-force et ractive un sentiment dindignit qui ne prdispose gure la prise de parole. Lattention privilgie accorde par les animatrices certains participants conduit les stigmatiser, en objectivant leurs handicaps. Le tmoignage dOlivier, en coulisse, est loquent : Je suis le prolo de service [nous soulignons] jai bien compris, cest comme a que je suis peru, les animatrices ben on voit bien comment elles me considrent . In fine le jury est une microsocit qui reproduit la logique des diffrences sociales voire mme les accentuent en les visibilisant.

    Quandlegroupetienttoutseul,quandlasociabilitprendlepassurladlibration

    La dynamique du groupe a contribu avec le temps (mais partiellement) att-nuer ces logiques de distinction et de fragmentation. Les nombreux moments informels ont jou un rle essentiel dans la solidification du groupe. Ils par-ticipent directement la productivit citoyenne du panel (lexpression est

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    dune des animatrices) en ce quils prolongent la rflexion, la dplacent, per-mettent de retrouver un quant soi et constituent une respiration indispensable qui fait avancer le dbat, mme sils le dcentrent. Ces temps ne sont sans doute pas assez pris en compte par les thories dlibratives qui se polarisent sur les temps procduraux16.

    Le temps du dbat est aussi celui de moments privilgis et de dcouverte mutuelle entre participants. Les organisateurs ont veill la convivialit du cadre et choisi de beaux espaces culturels ou associatifs, des restaurants agrables. Les membres du jury ont nou des liens entre eux, se sont parfois attachs les uns aux autres et ont dvelopp des contacts en dehors de la confrence. Les participants se sont progressivement autonomiss de la scne du dbat en crant un groupe de discussion sur internet, o les discussions navaient dail-leurs souvent gure de lien avec les nouveaux indicateurs de richesse. La veille de la lecture publique de lavis, au terme de lprouvante rdaction collective de lavis, le groupe sest retrouv lhtel et a partag un moment festif qui sest prolong tard dans la nuit. Dans lensemble des entretiens raliss, les partici-pants saccordent reconnatre que le groupe a pris , que ses membres ont pris plaisir passer du temps ensemble dans la convivialit, que des relations parfois fortes se sont noues. Il a dailleurs t trs difficile pour les participants de se sparer le dernier dimanche, de faire en quelque sorte le deuil du groupe (de nombreux participants sont rests en contact, sur internet notamment). On ne prenait pas la parole mais ctait convivial, nous dit Pauline, on a fait monter lindice de sant sociale ! (rires) .

    Cette magie du groupe a t une des conditions de russite de la confrence dans la mesure o elle a port et stimul lnergie collective et a constitu un ressort de la rflexion. La dynamique de groupe a permis dattnuer le malaise de certains participants et les ingalits devant le processus de formation et linjonction la prise de parole. Elle a galement permis de conjurer les vellits de dfection, comme en tmoigne Daniel :

    Ctait trs difficile comprendre, la premire sance jtais lar-gu, je me suis dit quest-ce que cest que ce truc, ctait retour lcole, cours dconomie, les chiffres tout a, ctait violent se bourrer le crne le week-end ! Jai hsit revenir la seconde semaine, mais bon les gens taient sympas, alors je suis revenu

    Les questions de lutilit de la confrence ( quoi on sert ? , est-ce bien utile tout cela ? , etc.) sont revenues de manire rcurrente dans les dbats. Mais la dynamique du groupe les a en quelque sorte amorties et refoules. La volont de prserver cette harmonie a aussi conduit privilgier des changes consen-suels, viter des conflits qui pourraient le fragiliser. Charles est lucide sur

    [16] Sur limportance des moments informels voir Lee (2007).

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  • participations204

    cet aspect : Losmose a un peu fauss les choses : on a exclu du dbat un certain nombre de sujets pour conserver le consensus, parce quon tait bien ensemble.

    Ainsi, le groupe devient lui-mme sa propre rcompense, son propre ressort. Le simple fait dtre ensemble (et de prendre du plaisir ltre) est en lui-mme une justification de lexprience et de la participation de chacun. Le groupe tient de sorte que le dbat donne parfois limpression dtre secondaire dans ce qui se joue. Le modus vivendi du groupe autorise par ailleurs, on la vu, des participations obliques et mme relativement passives17.

    Lecadragedugroupeparlanimation

    Si lautonomie conquise par le groupe est la fois une condition de sa confiance et donc du dbat, elle conduit aussi le faire passer au second plan, dautant plus que son organisation est largement prise en charge par les animatrices. Assist par les animatrices, tenu par des formes, par des horaires, un emploi du temps minut, le groupe est fortement cadr. Le dbat ne tient pas par la seule force dlibrative du groupe mais parce quil fait lobjet dune ingnierie qui le structure fortement. Le rapport du groupe lquipe danimation est ambivalent et fluctuant. Dun ct, les participants sen remettent aux organisateurs et se laissent porter par le cadrage et le squenage des journes. Dun autre ct, le processus dautonomisation partielle du collectif est pass aussi par une prise de distance critique par rapport lanimation (le groupe se pose en sopposant aux animatrices)18.

    Lasymtrie est trs forte entre participants et organisateurs. Les panlistes ne peuvent vritablement ngocier des rgles qui ont t codifies lavance et ne mnagent que quelques zones dincertitudes. Les rgles du jeu imposent en dautres termes une certaine docilit participative. La posture non directive que revendique initialement lquipe est trs difficile tenir pour plusieurs raisons qui tiennent tant aux conditions matrielles quaux contraintes temporelles de la confrence et lhtrognit du groupe19. Lencadrement dun tel dispositif place les organisateurs dans une position complexe et souvent inconfortable : ils doivent cultiver leur indpendance lgard de linstitution politique qui les

    [17] On rejoint ici Loc Blondiaux qui note propos dautres jurys : Les techniques danimation mobilises, la forte scnarisation du dispositif sur lequel les participants nont quune faible prise peuvent contribuer placer ces derniers dans une position passive (Blondiaux, 2008a, p. 284).[18] Sur ce processus de dsaffiliation critique , voir Bedu (2010).[19] Le dispositif est fond sur le prsuppos (assez irraliste) de neutralit des animateurs, ces derniers cultivant la dngation de leur rle de pilotage actif. Les animatrices conoivent leur rle comme celui de facilitateur . Relvent de leur comptence la structuration du temps (pon-dration entre squences de formation, de questions, dchange, de synthses intermdiaires), le dcoupage des thmatiques juges centrales, lagenda, le choix des intervenants, la prparation et la rdaction finale Lquipe danimation est cense crer des prises (Bedu, 2010) pour provoquer et dvelopper le dbat et faire monter le groupe en comptence critique sur les outils statistiques tudis.

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    a mandats pour se lgitimer auprs des participants, mais ils sont aussi tenus une obligation de rsultat mme si elle nest pas formalise comme telle. Leur mission est bien daccompagner la production dun avis qui est loutput attendu du processus. La tentation est ainsi permanente de cadrer le dbat. Simpose tout le moins la ncessit de le faire avancer vers lobjectif final. Le temps est une contrainte (la course contre la montre qui doit conduire lavis) mais aussi une ressource pour les animateurs et un alli pour acclrer le cours des choses.

    Les attentes des participants lgard de lquipe et leur perception de leur degr dimplication sont par ailleurs diffrencies. Les panlistes politiss et les plus impliqus ont jug le cadrage des dbats trop marqu, plaidant plusieurs reprises pour plus de libert et de dbordements tandis que la remise de soi des participants les plus en retrait est nette et dcomplexe. Ces injonctions et attentes contradictoires rendent mal ais le pilotage des dbats. Les contraintes matrielles conduisent par ailleurs dpossder les citoyens dune partie de leurs prrogatives. Les participants sont censs par exemple coproduire la formation (contenus et choix des intervenants). Dans les faits, la lourdeur de la logistique, les contraintes dagenda, le choix limit des intervenants potentiels conduisent lquipe garder la main sur le choix des intervenants extrieurs, tout en prenant en compte au mieux les demandes de formation des participants.

    Une dlibration ingalitaire et interstitielleLe rapport critique aux animatrices a contribu responsabiliser le groupe. Comme dans dautres confrences, les panlistes ont forg en situation une thique col-lective de lexprience citoyenne qui sest traduite par une forme de rflexivit, une certaine autonomisation, un engagement rel et srieux dans la tche qui leur tait confie et enfin par le souci dexercer leur vigilance lencontre des risques de manipulation (Barbier, Bedu, Buclet, 2009, p. 191). En dautres termes, la dfiance nempche pas les panlistes de prendre le jeu de la confrence trs au srieux, voire elle montre lattachement quils ont travailler consciencieusement. La charge morale qui pse sur eux les pousse tenir aussi scrupuleusement que possible leur rle, cette bonne volont citoyenne constituant un point dappui essentiel pour lquipe danimation. La dynamique des interactions a pourtant t nettement plus formative que dlibrative. Les changes ont t davantage fonds sur lapprentissage que sur lchange raisonn et contradictoire darguments, la dlibration se rvlant rsiduelle. Si un effet de formation et de concernement des enjeux complexes sest produit, de manire trs diffrencie selon les partici-pants, la densit dlibrative des changes sest rvle faible.

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    Le volet formation du dispositif poursuit trois objectifs : recevoir une informa-tion quilibre et pluraliste sur le sujet, soumettre des questions et proccupations

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    aux experts, valuer et dbattre des rponses apportes afin de construire pro-gressivement un avis collectif. Le sujet renvoie des enjeux philosophiques, politiques, conomiques, sociaux mais aussi techniques, comme la montr la question des indicateurs statistiques, la valeur ajoute des politiques publiques prenant en compte ces donnes chiffres. Des questions politiques au sens large (la dfinition de la richesse) comme des enjeux relatifs au pilotage de laction publique sont mis en dbat. La confrence porte sur des questions complexes, fort cot dentre, qui conduisent dconstruire la reprsentation chiffre tradi-tionnelle de la ralit. Les membres du jury doivent se familiariser et matriser une srie doutils statistiques et tre en mesure de monter en criticit sur ce quils mesurent et la manire dont ils le font. La question aborde est par ailleurs encore peu controverse ou confine quelques espaces intellectuels et poli-tiques. Il sagit dun cas exemplaire de dbat dlevage (Mermet, 2007).

    Le problme essentiel de ce type de dispositif participatif est bien connu : le risque de marginalisation des individus les moins disposs et familiariss ce type dexprience. Nos observations confirment ce qui est devenu une banalit mais qui doit tre rappel : les participants ne sont pas gaux devant la capacit se former (au mme rythme) et plus encore devant la capacit produire une opinion personnelle et argumente sur un sujet complexe. Certes, comme on la vu, la manire dont les animatrices ont structur les changes et leur constante sensibilit la question des ingalits a permis de conjurer partiellement cette tendance et de lever certaines inhibitions et autocensures. Les lieux choisis (sympathiques et conviviaux), la configuration spatiale des changes qui encou-rage la circulation de la parole, le travail en petits groupes crent les conditions dun dbat plus galitaire Mais ces trucs danimation ou artifices dga-lit (Carrel, 2009) ne permettent que dattnuer les ingalits. De ce point de vue, la confrence citoyenne apparat comme un exercice dmocratique impos-sible, fond sur la fiction de faire participer et opiner lensemble des participants. La situation dlibrative quinstaure le jury, dans un temps il est vrai court et discontinu20, conduit loccultation des ingalits ou leur dngation bien plus quelle nassure lgalisation relle des dispositions opiner.

    Lhtrognit du groupe la emport et a provoqu une concentration de la prise de parole sur un nombre restreint de participants. Les citoyens ont tous gagn en comprhension des enjeux du dbat, se sont arrachs partiellement leur condition initiale de profane, ont pris part au travail collectif mais avec une intensit et un rythme trs variables21. On observe des niveaux distincts dimpli-cation dans la confrence et des rapports plus ou moins investis dans les rles

    [20] Un tiers des participants ne capitalisaient pas les connaissances dune sance de formation sur lautre.[21] Quatre participants connaissaient les nouveaux indicateurs de richesse avant dtre contac-ts (soit un quart du panel) et ont dailleurs amlior leurs connaissances sur le sujet pour pr-parer la confrence. La mconnaissance pralable de lobjet en question par les participants et labsence de prjugs sont donc ingalement partages lorsque la confrence sengage.

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    assigns par le jury. Tout se passe comme si la confrence ntait viable que si elle autorisait une forme de participation a minima visant mnager les partici-pants les plus vulnrables. Au fil des sances, la passivit devient autorise parce quelle est la seule issue pour que le dbat continue. Participations clipses, pas-sives ou obliques cohabitent ainsi avec des investissements actifs sur le mode du je et de laffirmation personnelle. Une bonne moiti des participants se sont essentiellement forms et se sont appropris (ingalement) les enjeux tandis quune autre a t aussi capable de se constituer des opinions personnelles et de les exprimer. Comme nous le dit Robert, moi, mon but essentiel tait de com-prendre. Aprs, dire ce que je pense vraiment, cest autre chose .

    Les participants les plus actifs ds le dbut amplifient au fur et mesure de la confrence leur avance. Ce sont les citoyens les plus comptents qui ont tendance poser le plus de questions et avouer leur ignorance. Ce sont les mmes qui dplorent le temps trop restreint donn la formation ou qui lisent le plus entre deux samedis les documents distribus par les animatrices, avant tout destins aux participants les moins affts ou aguerris. La quasi-totalit des intervenants et des experts extrieurs sont universitaires. Mme sils ont t sensibiliss la nature profane de leur public par les animatrices, ils nont pas toujours russi se dpartir de leur jargon professionnel et dun lan-gage technique qui est apparu hermtique de nombreux participants. Tout cela, cest rserv des initis , nous dit Paul. La confrence citoyenne ractive une interaction de type scolaire qui renvoie pour beaucoup des checs ou des expriences traumatiques. Le dispositif exerce de ce point de vue une violence symbolique indniable sur un certain nombre de participants. En tmoigne cet extrait dentretien : a me rappelle le lyce, le PIB, les cours dconomies, jy comprenais dj rien. Je pensais quon allait parler de moi, de ma situation, on ma prsent cela comme un sondage, jai t trs tonn. Quand on na pas lhabitude de parler de cela, on nage totalement (Daniel).

    Plus de 80 % des prises de parole ou questions ont t mises par un tiers des participants. La parole construite principalement partir de lexprience indivi-duelle ou professionnelle (on parle de ce que lon connat) est majoritairement le fait des non-diplms tandis que celle, plus dcentre, fonde sur une monte en gnralit mobilisant des principes de justice plus gnraux22 est le fait exclusif des participants les plus politiss et diplms. Ces ingalits tiennent pour partie lobjet du dbat : la complexit technique donne peu de prises. Les citoyens sont censs mesurer que la construction statistique de la ralit a plus quun impact symbolique mais bien des effets concrets et tangibles sur la conduite des politiques publiques. On est sans doute ici face un cas limite compte tenu du degr dabstraction de la question. Le dbat a fait mouche et sens lorsquil a rencontr des questions de vie quotidienne, la consommation

    [22] Sur les types ou rgimes dengagement dans les dispositifs participatifs, voir Richard-Ferroudji (2012).

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    de tous les jours, le savoir dusage des membres du jury. L empreinte co-logique du gigot de Nouvelle-Zlande, du litre de jus dorange de Floride, des cerises Nol a marqu les esprits et est revenue ensuite beaucoup dans les interventions et les dbats.

    Laportioncongruedeladlibration

    Les participants partagent ingalement lillusio dlibrative au fondement du dis-positif. La dlibration ncessite un apprentissage collectif et individuel (Talpin, 2010, p. 107 et suiv.). Poser des questions pertinentes, demander des clarifica-tions, couter, avouer ne pas comprendre, demander des prcisions, exprimer un point de vue, apprendre monter en gnralit, prendre en compte des posi-tions diffrentes, les accepter, les contester en respectant une forme de civilit sont autant de savoir-faire indispensables qui apparaissent difficilement assi-milables et matrisables dans le temps court dun jury. La densit dlibrative des changes apparat dans le cas observ faible, le rgime de discussion clai-re et contradictoire ne constituant quun lment marginal de la rgulation des interactions23. Les deux tiers des interventions concernent des demandes de prcision par rapport aux formateurs. Les changes ont t davantage fonds sur lapprentissage et lcoute critique que sur lchange raisonn et contradic-toire darguments. Lavis final reprend pour une large part les critiques que les intervenants avaient faites des indicateurs prsents.

    Les dbats ont t relativement consensuels et les opinions dveloppes peu polarises (ce qui a peu donn prise la confrontation). On peut parler ici dun dbat sans adversaire. Un consensus post-matrialiste autour dune volont de dpassement des indicateurs traditionnels (le PIB) et du modle producti-viste sest trs vite dgag et a cadr le dbat et le champ de ses possibles . La composition du panel (absence de chef dentreprise ou mme de cadre du priv, aucun membre du panel ouvertement favorable au modle productiviste libral) mais aussi le choix des intervenants (profil le plus souvent militant des intervenants, quoique universitaires pour les trois quarts dentre eux) nont pas t indiffrents ce phnomne24. Un effet contexte a galement jou. La conjoncture de crise conomique (la crise des subprimes de 2008) et une certaine actualit des thmatiques cologistes dans lagenda mdiatique au moment de la confrence (imminence du Sommet de Copenhague voqu par de nombreux participants) ont pes sur les dbats et ont fortement imprgn les changes. Ce contexte a rendu certains propos illgitimes ou difficilement nonables (la dfense rsolue de la croissance et du productivisme), alors que lon aurait pu penser quils auraient merg dans un autre contexte. Les confrontations (au

    [23] On rejoint ici les travaux de Clmence Bedu (2010).[24] Ladministrateur de lINSEE cens dfendre le PIB na pas vraiment jou le rle quon atten-dait de lui, relevant les nombreuses limites de cet indicateur.

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    sens doppositions) ont t au final assez peu nombreuses au sein du groupe, contribuant latonie relative des dbats. Un consensus sest ainsi rapidement dgag pour reconnatre la validit et la pertinence des nouveaux indicateurs de richesse. Ds lors, lamlioration des indicateurs est apparue comme une question relativement technique qui a suscit des opinions diffrentes mais non vraiment conflictuelles25.

    Alors que les confrences de citoyens visent une forme duniversalit, elles sont bien encastres dans un contexte ( la fois interactionnel, situationnel mais aussi plus global li lagenda mdiatique par exemple). Toute dlibration sopre dans un contexte particulier qui en dfinit les cadres. Lattention porte la pro-cdure du jury par des chercheurs qui croient souvent eux-mmes la grce du dispositif tend sous-estimer lencastrement de tout dbat dans un contexte et un environnement et donc son caractre contingent. Implicitement, lidolo-gie constitutive du jury citoyen et son procduralisme prsupposent quun autre panel serait parvenu au mme rsultat (Bedu, 2010). Le cas du jury tudi ici montre bien pourtant le caractre contingent des opinions produites.

    Lerlecroissantdelquipedanimation

    La dlibration a t dautant plus faible que le rle de lquipe a t central notamment dans les deux dernires phases du processus (audience publique et rdaction de lavis final). Le dispositif prvoit une participation active des citoyens dans la conception de la sance publique, temps fort du dispositif qui prcde la rdaction de lavis. Lors de ce dernier week-end, fortement prpar en amont, deux matriaux ont servi de base : les synthses effectues rgulirement par les consultants lissue des changes antrieurs et un canevas de rdaction que les animatrices ont appel les possibles . Cette pure de lavis final a t prsente avec beaucoup de prcaution aux panlistes pour ne pas donner limpression de dpossder le groupe de son pouvoir final. De fait, elle a servi trs largement de guide de rdaction pour de multiples raisons. Les ingalits sociales devant la matrise de lcrit sont dabord videntes (plus fortes encore que les ingalits devant la formation ou la prise de parole). Cet exercice final exclut donc demble une partie des membres du panel. La rdaction a par ail-leurs commenc tardivement le samedi aprs-midi aprs une sance publique qui a t vcue comme trs stressante par une partie du groupe (prise de parole publique) et un repas qui a fonctionn comme un sas de dcompression et sest prolong tard dans laprs-midi. La phase de rdaction na commenc que vers 15 h 30. La fatigue ou la lassitude des participants se sont trs vite fait ressentir. La

    [25] Notons que, de manire plus gnrale, le consensus est lhorizon rgulateur implicite des jurys. Les avis minoritaires peuvent certes tre mentionns dans lavis final rendu par le panel mais le consensus du groupe est recherch (la force des meilleurs arguments devant lempor-ter au regard de la thorie dlibrative). Un processus dlibratif abouti doit permettre lmer-gence dun consensus entre les participants.

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    productivit du groupe apparat vite dcroissante alors que le compte rebours a commenc (lavis doit tre boucl dans la soire avant la lecture publique le lendemain matin au Conseil rgional). Les participants les plus motivs et inves-tis sont ds lors tiraills par deux injonctions contradictoires : dun ct, ne pas lcher prise, veiller se retrouver dans lavis, ne pas cautionner des rflexions ou des mots auxquels ils nadhrent pas, ne pas perdre la face et dun autre ct en finir , arriver au terme pour envisager la dernire tape (la lecture publique de lavis). De fortes tensions sont apparues dans la phase de rdaction entre les animatrices et une partie du groupe (lusage de certains termes a fait lobjet de discussions longues et conflictuelles).

    La tche des animatrices est ds lors impossible : il sagit de faire avancer la rdaction sans faire trop violence aux participants les plus actifs tout en res-pectant le pluralisme et en ne donnant pas trop de place au groupe et aux participants les plus activistes. Une des animatrices voque le risque dun poids trop important de la minorit agissante (le groupe le plus politis). Au final, une partie du groupe estime que lavis leur a partiellement chapp. Le travail de rdaction sest finalement achev trois heures du matin, laissant une bonne partie des participants dans un tat dpuisement total. Une participante voque dans un clat de rire un vritable Koh-Lanta participatif , faisant rfrence une mission de tlvision de tlralit sur TF1.

    ConclusionLobservation ethnographique mene ici cherchait tre dsidologise , cest--dire ne pas adopter le prisme exclusif de la dlibration. Micro-espace public la fois artificiel et formalis, un jury citoyen est un ensemble dinteractions sociales dautant plus imprvisibles que labsence dinterconnaissance pralable entre les participants, limposition dune problmatique et labsence de culture dlibrative prexistante crent une situation sociale qui impose de multiples ajustements et accommodements. Dans le cas observ, une majorit de participants cherchent avant tout sauver la face, cest--dire saccommoder dans une configuration marque par de nombreuses incertitudes et une situation ouverte aux accidents. La passivit dune partie des participants est lie tant aux cots de la prise de la parole que le dispositif ne parvient pas vraiment diminuer voire renforce quau caractre directif de lanimation. Lartificialit de la situation sociale produite par le jury exacerbe les ingalits et produit des effets contre-productifs, la procdure se retournant en quelque sorte contre elle-mme. Si le dispositif produit des effets de formation, la circulation de la parole reste fondamentalement ingale. La violence symbolique sexerce dautant plus que le jury sinscrit dans un temps court qui ne permet pas de neutraliser rellement inhibitions et sentiments dincomptence.

    Le citoyen profane, ds lors quil est plong dans un contexte dlibratif, ne joue pas forcment la rgle du jeu assign, mme sil a accept de participer. Des formes de participation oblique sont possibles et mme rendues ncessaires par le process

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    de production de lavis, fortement assiste par lquipe danimation. Dans le cas tudi, la dlibration apparat quasi introuvable. Au mieux, il sagit de discussion et dcoute critique. Il est vrai que le jury observ est un cas limite dans la mesure o il porte sur une question complexe, abstraite, multidimensionnelle et non controverse. Le dispositif entretient lillusion de recueillir la vraie opinion des participants, qui est en fait le produit contingent de la situation et dun contexte26. La question du groupe que forment les citoyens apparat essentielle alors quelle est peu traite dans les analyses portant sur les jurys, centre sur la dlibration, lchange, lvolution des points de vue individuels. Or le groupe constitue pourtant une variable en lui-mme prendre fortement en compte dans lanalyse.

    Notre parti pris tait ici, dans le prolongement dautres travaux, de considrer la confrence comme un cadre dinteraction spcifique, la fois norm et bricol, inscrit dans un contexte27. Le tropisme procdural qui domine les travaux sur les dispositifs dlibratifs amne concentrer lattention sur la seule dimen-sion dlibrative des interactions et recle un puissant biais idaliste. Ce qui se joue dans le jury ne se rduit pas la dlibration et lexcde trs largement. Lapproche ethnographique permet au final de banaliser ce type de dispositif et de mettre distance des injonctions thoriques qui surdterminent souvent leur observation, focalise sur ses attendus normatifs (et cela dautant plus que les chercheurs impliqus sont des avocats de la participation (Ryfe, 2007).

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    [26] Sur ces questions, voir Mariot (2010).[27] Alice Mazeaud (2010) a dvelopp dans sa thse une approche non normative des dispositifs participatifs, apprhends avant tout comme des cadres dinteraction entre des acteurs enga-gs titres divers dans laction publique .

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    Abstract The untraceable deliberation. Ethnography of a citizens jury about new indicators of wealth

    The article deals with an ethnographic approach of a citizens jury held in November 2009 about the new indicators of wealth and ordered by regional council of Nord Pas de Calais. It shows that what is at stake in that kind of procedure cannot be analyzed through the exclusive focus of the deliberative theory. What matters in the case we considered is less deliberation than the constitution of the group, the sociability, the inequalities and the effects of the organizers framing.

    Keywords citizens jury, deliberation, interactions, sociability, proceduralist frame

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    ocument tlcharg depuis www.cairn.info - - Annunziata Roco - 181.29.17.240 - 01/04/2014 01h13. De Boeck Suprieur

  • participations214

    Rmi Lefebvre est professeur de sciences politiques luniversit Lille 2 et chercheur au CERAPS. Il a rcemment publi Les primaires socialistes. La fin du parti militant (Paris, Liber, coll. Raisons dagir , 2011) et avec Guillaume Marrel Logiques partisanes, territorialisation et capital politique europen. La consti-tution en France des listes socialistes aux lections europennes de 2009 (Cultures & Conflits, n 85/86, printemps/t 2012). Ses travaux portent sur les partis politiques, le mtier dlu, les campagnes lectorales et la dmocratie participative.

    Mots clsjury de citoyens, dlibration, interactions, sociabilit, tropisme procdural

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