kiblind 52

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52 PRINTEMPS 2015 CULTURE VISUELLE & VISION CULTURELLE WORLD OF CHESS CHEVALIER MONOPOLY FEUILLETON KATY PERRY FDJ PLAY CDI ATELIER TOUT VA BIEN GRATUIT kiblind.com

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Printemps 2015

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52

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52

•printemps

2015

—Culture viSuelle

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Culturelle

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—Atelier

tout vA bien

—Gratuit

kiblind.com

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KIBLIND couverture ECHEC alone.pdf 1 27/02/15 11:09

Page 3: Kiblind 52

«LES RÈGLES DU JEU ONT CHANGÉ

Règle #1

Vous pourrez utiliser votre smartphone pour capturer des thèmes de couleur, transformer des formes en vecteurs, créer des brosses

à partir de photos, démarrer une illustration pour la terminer dans Illustrator CC ou Photoshop CC.

Règle #2

Vos créations feront le tour du monde en voyageant sur les réseaux sociaux. Vous serez en contact avec des créatifs de New-York, Tokyo, Sao Paulo ou Harare. Le monde est votre aire de jeux.

Règle #3

Vous accéderez grâce au Creative Cloud à vos créations, à vos applications comme Photoshop CC et Illustrator CC, à toutes leurs mises à jour, au catalogue de polices professionelles Typekit et aux

biliothèques partagées pour travailler en équipe.

À VOUS DE JOUER !

LE MÉTIER ET L’ENVIRONNEMENT DES CRÉATIFS ONT CHANGÉ, N O U S A U S S I . E S S A Y E Z GRATUITEMENT LES NOUVEAUX SERVICES DU CREATIVE CLOUD.ADOBE.COM/CREATIVECLOUD

Adobe, le logo Adobe, sont des marques ou des marques déposées d’Adobe Systems Incorporated aux États-Unis et/ou dans d’autres pays. Toutes les autres marques sont la propriété de leurs détenteurs respectifs. © 2014 Adobe Systems Incorporated. Tous droits réservés.

manifesto-kiblind-jouer.indd 1 27/02/15 10:58

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KIBLIND MAGAZINE 52présente

CLuB D’éChECS

(Événement de Printemps)

09.04.2015Point éphémère - Paris

19h-00h

AvEC :Atelier Tout va bien (Expo originale)

Yoko homareda (Atelier)Impressions 3D (Concours)

Tourne Disques (DJ set)

Cré

dit

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LA

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CoNCourS KIBLIND 52 Réalisez votre pièce d’échecs en 3D (Roi, Reine, Fou, Cavalier, Tour, Pion) et gagnez un an de Licence Adobe Creative Cloud. Annonce des lauréats le soir de l’événement au Point Éphémère.

+ d’infos : www.kiblind.com/concours

Page 7: Kiblind 52

07

La Vapeur

06 | 03 | 2015

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FC

E N CO U V E RT U R EJeu d'échecs (création originale)

Il y avait comme un sourire coquin dans notre pro-position de revisiter le jeu d'échecs, comme un défi lancé aux graphistes de Tout Va Bien de revoir la copie d'un jeu à la réputation légendaire, à l'aspect visuel a priori intouchable. Le chemin était pentu, escarpé même. Mais voilà, pour les Dijonnais, rien n'est impossible. L'Atelier Tout Va Bien se repaît de ces challenges fait à leur amour des formes, à leur méticulosité graphique. Anna Chevance et Mathias Reynold sont tous deux issus de la fameuse ESAAB de Nevers et de la non-moins appréciable ÉESAB de Rennes. Une fois leurs émoluments universitaires acquis, ils fondent le studio Tout Va Bien et avec lui le doux espoir de concilier sens et esthétique. Délaissant la veine prétention d'imposer un style qui leur est propre, ils s'attachent au contraire à un retour aux fondamentaux de la ligne, du point, de la surface et de la couleur. Une mise en branle des outils premiers du graphiste au service seul du message. Mais n'est-ce pas là, justement, que se trouve leur spécificité ?Car, au détour de leurs différents travaux pour le Festival des Cinémas Différents et Expérimentaux de Paris, pour le Festival Résonances et le Festival MV de Dijon, pour la revue Graphisme en France ou pour les différentes éditions d'artistes auxquelles ils ont contribué, ils ne cessent de prôner une utili-sation optimale du nécessaire. Le résultat en est un jeu sans cesse renouvelé avec le regard, une gym-nastique de l'observation qui rend aux yeux leur pouvoir de s'émanciper du réel. Étapes:, Gestalten, Form Design Magazine et même L'Obs ne s'y sont d'ailleurs pas trompés. Pour ces échecs, les Tout Va Bien se sont encore concentrés sur l'essentiel : la philosophie binaire du jeu et la conceptualisation graphique qui s'en suit. Le pli fut ainsi le nœud de leur réalisation, permet-tant tout à la fois la manipulation des pièces et leur classement chez l'un ou l'autre des belligérants. Le blanc/le noir, le bien/le mal, la gauche/la droite, un manichéisme fondamental rendu également par un biffage en règle des cases du plateau. Le défi est donc relevé haut la main, en quelques fondamentaux.

ATELIERTOUT VA BIENateliertoutvabien.com

01 ACTIONS 2014 02 FCDEP 2014

03 ISDAT 2015

05 RÉSONANCES 2015

04 MV FESTIVAL 2015

Page 8: Kiblind 52

É D I TO - S O M M A I R E

Dans le monde du jeu, il y a le jeu et les échecs. Dans le monde du plaisir, il y a le plaisir et les échecs. Dans la vie, il y a la vie et les échecs. Une in-vention séculaire qui a bouleversé l'esprit humain et qui n'a pas fini de le rendre aussi fou que suprê-mement intelligent. Peut-être est-ce dû au fabuleux contraste entre son apparente simplicité et l'infinie complexité des stratégies qu'il engage.

Nous, nous y avons aussi vu un terrain de jeu graphique et visuel aux multiples possibilités. Un parc d'attractions dans lequel nous avons invité l'Atelier Tout Va Bien à en définir l'architecture et les pièces. Un Luna Park dont nos dix artistes des Pages Blanches ont construit les décors chatoyants. Une fête foraine où tout le monde est convié, grâce au plateau de notre couverture et aux pièces à dé-couper insérées dans ce numéro. Grands seigneurs, nous organisons même une tombola en forme de concours pour réaliser sa propre figurine en 3D.

Mais le club d'échec de Kiblind n'est pas du genre à être monomaniaque. On s'y frotte goulûment aux jeux d'argent, on se met bien niveau fringue, on se bat pour sa dulcinée infantile, on fait son shop-ping culturel au CDI, on discute Feuilleton, on check Mr. Monopoly et on se prend un rateau par Katy Perry. Parce que dans l'amour aussi, il y a l'amour et les échecs.

DATA

10—

WORLD OF CHESS

P O RT R A I T

17—

FEUILLETON

PAG E S B L A N C H E S

23—

THOMAS DANTHONY 24

NIMURA DAISUKE 25

PIERRE PIERRE 26

MAÏTÉ GRANDJOUAN 27

YANNICK MARTIN 28

JUN CEN 29

MICHEL NGUIE 30

ATELIER BINGO 31

YOKO HOMAREDA 32

EDITH CARRON 33

STAFF

Directeur de la publication :Jérémie MartinezRédacteurs en chef :Jean Tourette - Gabriel Viry - Jérémie Martinez Rédacteur en chef Mode :Baptiste Viry

Rédaction Kiblind : Maxime Gueugneau - Gabriel Viry - Jean Tourette - Jérémie Martinez - Olivier Trias - Simon Bournel-Bosson - Margot Chauvin. Cahier Mode : DA / Baptiste Viry - Assistante / Alizée Lagé Photographe / Thomas Chéné - Styliste / Alix Devallois.

Relecture : Frédéric Gude Merci à : Baptiste Alchourroun - Simon Chambon-Andreani - David Chauvet - Coralie Aubry - François Huguet - Basil Sedbuk - Chloé Chat - Simon Boileau - Delphine Zehnder - Justine Ravinet - Matthieu Sandjivy.Direction artistique : Klar (www.agence-klar.com)

Page 9: Kiblind 52

R E V U E D E P R E S S E

12—

CHEVALIER

R É C L A M E

14—

MR. MONOPOLY

R E P O RTAG E G R A P H I Q U E

18—

TEENAGE DREAM

D O S S I E R

34—

CASH

C D I

53—

<3 53

ABRACADA... 54

BIBLIOTHÈQUE 55

BOGOSS 56

C A H I E R M O D E

41—

PLAY

CONTEUR 57

DÉLIVRER 58

LOCOMOTIVE 59

PERCÉE 60

QUÊTE 61

RAOUT 62

SAISON GRAPHIQUE 63

VOLUPTÉ 64

INFOS

Le magazine Kiblind est imprimé sur papier Fédrigoni Couverture : Woodstock Nero 260 gPapier intérieur : Arcoprint Milk 100 gImprimeur : DEUX-PONTS Manufacture d'histoires 5, rue des Condamines - 38320 Bresson - www.deux-ponts.frIl est édité à 40 000 exemplaires par Kiblind Édition & Klar Communication. SARL au capital de 15 000 euros - 507 472 249 RCS Lyon .

Kiblind Magazine - 27 rue Bouteille - 69001 Lyon 04 78 27 69 82 - www.kiblind.com Le magazine est diffusé en France (à Paris, Lyon, Marseille, Montpellier, Bordeaux, Toulouse, Rennes, Nantes, Lille, Strasbourg, etc.) et à Bruxelles. Ce numéro comprend un cahier supplémentaire de 28 pages pour la région Rhône-Alpes.

ISSN : 1628-4146 // Les textes ainsi que l’ensemble des publications n’engagent que la responsabilité de leurs auteurs. Tous droits strictement réservés. THX CBS. ENFIN LE GRAND JOUR.Contact : [email protected]

Page 10: Kiblind 52

AJEDREZ 1 800

CHESS 1 800

WORLDOF CHESSPÉRÉGRINATIONS À TRAVERS L'UNIVERS SYMBOLIQUE DES ÉCHECS. ÉTAPE APRÈS ÉTAPE, CASE APRÈS CASE, LE JEU MYTHIQUE DÉVOILE SON CARACTÈRE BIPOLAIRE.

DEEP BLUE DE IBM VS

GARRY KASPAROV

DATE DU 12 SIÈCLE -

RETROUVÉ SUR L’ÎLE DE LEWIS

- A INSPIRÉ

LE JEU D’ÉCHECS DANS LES FILMS HARRY POTTER

(ou ministre) (ou évêque)

Symbole de la puissante armée indienne du VIIe siècle et de son éléphanterie

Issu du jeu originel indien «Chaturanga» (jeu des quatre rois) où il remplace les deux rois déchus

Introduction de l’unique

pièce féminine en Occident au

Moyen-Age

Interprétation occidentale de la forme

des défenses de l’éléphant

en chapeau de fou du roi

DATASujet : C. Aubry & J. MartinezGraphisme : Justine Ravinet

e

% DE VICTOIRE DES PIONS BLANCS

LE PLUS ANCIEN JEU COMPLET RETROUVÉ

1970 PREMIÈRE PARTIE ENTRE LA TERRE ET L’ESPACE

1997 VICTOIRE DE L’ORDINATEUR FACE À L’HOMME

LA REINE = LE VIZIR

À CHAQUE CULTURE, SES PERSONNAGES

LE FOU = L’ÉLÉPHANT

600,000,000 PERSONNES SAVENT JOUER AUX ÉCHECS

54%

1011

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CHATURANGA 600

CHATURANGA 600

CHATRANG 700

SHAKMATY 900

AJEDREZ 800

SHATRANJ 750

SUTRENJ 750

RECORDS

SHOGI 800 XIANGQI

700

CHATOR 1 000

ÉCHECS 900

1

1

2

2

3

3

4

PERSE

COMMERCE

ASIEORIENTALE

INDE

CONQUÊTESARABES

EUROPE COMMERCE

ZONES ET ÉTAPES DE DÉVELOPPEMENT

DU JEU D’ÉCHECS

NOM D’ORIGINE ET ANNÉE D’APPARITION

DU JEU D’ÉCHECS

DONNÉESCOMPLÉMENTAIRES

SUR LE JEU D’ÉCHECS

Dans la légende indienne, le sage Sissa inventa le jeu d’échecs pour le Prince Belkib, qui lui accorda en retour une récompense extraordinaire. Sissa demanda au Prince de déposer un grain de blé sur la première case, deux sur la deuxième, quatre sur la troisième, et ainsi de suite pour remplir l’échiquier en doublant la quantité de grains à chaque case. Le Roi accepta sans se douter que cela ruinerait le pays en atteignant alors plus de 18 milliards de milliards de grains au total, soit plus de 1 000 fois la production mondiale actuelle.

18 446 744 073 709 551 615 GRAINS

61 60

156 AU 18 SIÈCLE, LE TURC

NOMBRE DE GRANDS MAÎTRES INTERNATIONAUX DES ÉCHECS

Première machinede jeu d’échecsautomatique :un canular, dissimulantune personnede petite tailleà l’intérieur.

LE ROI EST MORT ≈

AL-SHAH-MAT (prononcé «al-scac-mat»)

≈ ÉCHEC ET MAT

SCHACH 1 000 CHESS

1 100

LONDRES1851

PREMIER TOURNOI INTERNATIONAL

604 PARTIES, EN 25H, 97% DE VICTOIRE — 52 PARTIES, EN SIMULTANÉ, 31 VICTOIRES, LES YEUX BANDÉS

12

3

1960 JANOS FLESCH

2011 EHSAN GHAEM-MAGHAMI

PREMIER TOURNOI

LÉGENDE

SJAAK 1 000

e

Page 12: Kiblind 52

01. CHARLIE HEBDOn°117925 Février 2015charliehebdo.fr

02. DÉCAPAGEn°52 Hiver-Printemps 2015revuedecapage.blogspot.com

03. DUMBO FEATHERn°41 Novembre 2014dumbofeather.com

« Les histoires sur la vie de Pierre sont légion. Elle fut à la fois majestueuse et tragique. »04 Et comme bien souvent dans les épopées romanesques, l'amour et l'homme y tiennent le haut du pavé. « Reste à savoir qui des deux est vrai-ment le héros. »07. Des écrits que nous a laissé le Chevalier de Fillols, le récit qui va suivre est sans doute le plus emblématique de cette existence tumul-tueuse, tiraillée entre la guerre et les sentiments. Un récit qui lui ressemble : glorieux, héroïque et déprimant. Un récit qui commence assez mystérieuse-ment par...

Une zouze. Je les ai emmenés se faire massacrer pour une zouze. J'ai honte. Il faut voir qu'ils sont pas très malins aussi. J'ai dit un truc du genre qu'on allait tous mourir de la peste - ou je sais plus quelle maladie dégueulasse - si les Espagnols restaient. C'est mon truc à moi ça, « j'aime annoncer des catastrophes. L'apocalypse me galva-nise. »02. Et surtout, ça marche sur mes hommes. Mais la débilité de masse ne fait pas tout. « L'autre élément expli-catif a trait aux idéologies ambiantes, qui imprègnent les esprits. »08 Donc j'ai dû aussi raconter qu'on se battait pour la gloire de Dieu, pour bouter les mécréants hors de la Terre Sainte. Mais franchement, ce bout de caillou entre

Prats-de-Mollo et Font-Romeu, une « Terre Sainte » ? Les pauvres, « ils se sont laissés enfermer dans le confort d'une religion qui a déjà toutes les réponses et dispense de réfléchir et de douter. »01 J'en ai profité, c'est tout. Mais aujourd'hui, alors que j'écris ces mots, « il importe de rétablir un récit plus conforme à la réalité. »08

Je les ai juste trimballés dans ce coin perdu des Pyrénées pour essayer de choper la fille du mec qui tient la place, la merveilleuse Kata Tjuna. C'est toujours difficile de se souvenir de moments comme ça, où on se croit fort. « Se plonger dans ses œuvres com-plètes, c'est réaliser à quel point on a pu être un jeune crétin. »02 Mais c'est comme ça : « chaque fois que je crève d'envie de quelque chose, je m'en fais une overdose, comme ça je suis sûr que ça fera mourir mon obsession. »09. Et je fais n'importe quoi. Parce que, pour tout dire, sur le papier, on avait vrai-ment aucune chance de passer. « On est à mille lieux du Quercy, et de ses pierres plates, de la Dordogne avec ses cailloux presque tout faits grâce à un calcaire plus tendre, ici on est dans quelque chose qui ne transige pas. » 05 Y a que les types de la région qui savent comment on arrive à trucider dans des endroits pareils. « Résultat : on a des projets d'un très bon niveau. »07.

PRENDRE LA PRESSE POUR CE QU’ELLE EST : UNE SOURCE D’INFORMATIONS ET D’INSPIRATIONS. PROFUSION DE SAVEURS DE NOS PARUTIONS NATIONALES, SOUS LA FORME D’UN COURT RÉCIT, RÉSULTAT DU FUMET DÉGAGÉ PAR NOS LECTURES.

CHEVALIER

R E V U E D E P R E S S ETexte : M. Gueugneau

1213

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Et ils en rigolent bien nos ennemis, depuis leur château à la mords-moi-le-nœud. Et, en effet, « le point de vue des opposants est bien documenté : on va droit à la cata. »01

Bon, « maintenant que je l'ai fait. Quelle est la suite ? »03 Histoire de nous donner de la force et un peu de sagesse, « j'ai versé le vin dans le calice que notre Église nous avait donné. »06. Et puis j'ai pensé à Kata. Il y a quelques semaines, « Kata Tjuta, je ne savais même pas que tu existais, mais tu m'as totalement retourné. »03. Avec sa force et le courage de l'ivresse, l'impensable s'est produit. La suite, ce fut donc la grande tuerie, le massacre général, le panard intégral. « J'ai pris du bon temps, et les gens autour de moi beau-coup moins, précisément parce que je prenais du bon temps. »06. On a vain-cu, je suis passé. Dans nos rangs, les hommes sont contents. « Il y a ceux qui rentrent ivres, ceux qui rentrent joyeux, ceux qui rentrent en disant : tuons nos femmes. »05 Je les laisse faire. J'ai mon destin à accomplir. Je dois devenir ce héros qui triomphe de l'amour. « Une icône peut être définie par sa capacité à transcender le contexte historique et parvenir à créer du sens au-delà de lui. »04 Je serai cette icône. Mais le plus dur est à venir, bébé.J'ai beau faire mon malin, sur le coup, je transpire. Quand je m'avance vers la chambre de la miss, « je marche comme à l'abattoir. Comme vers l'enfer. »05 J'ouvre la porte, et je sors ma tirade, comme à la récitation. ''Votre cœur, ma Dame, « c'est ce à quoi j'appartiens et ça pour toujours. On va grandir et évo-

luer ensemble. Si on l'avait tenté avant ça n'aurait pas marché. Le moment est venu. »"09 Le problème, dans ces moments-là, c'est que « dans votre esprit vous êtes à votre maximum de charme et d'humour. Vous êtes dange-reusement surconfiant de vos qualités pourtant déclinantes. »06 La sanction fut sans appel. Et la réponse pour le moins cinglante."« Si tu étais une onomatopée, qu'est ce que tu serais ? - Si j'étais une quoi ? »09

- Une onomatopée. Moi, je dirais que tu serais un gros beeeeuuurrrk. Beurk, beurk, beurk. T'es trop vieux, t'es trop moche, et tu pues. Tu peux t'en aller. Salut !"« À 30 ans, alors qu'on peut avoir l'illusion qu'on a fait ses preuves, cette préconisation est difficile à vivre. »08 Surtout quand elle vient d'une gamine de 11 ans. Je restais pétrifié. ''Tu sais, « quand on dit 'Salut', on veut plutôt dire 'J'espère ne jamais te revoir' »"03, enchaîna-t-elle.

Sans doute handicapé par une dignité trop forte et une tristesse abyssale, le Chevalier Pierre de Fillols arrête là son récit. À la fois héros sans peur et pur badaud, l'Histoire a tranché et décidé de ne lui laisser que ce dernier sobri-quet : le Chevalier Mufle.

RETROUVEZ LA SÉLECTIONEN DÉTAIL SUR WWW.KIBLIND.COM

04. FUETn°2

Hiver 2015fuetmagazine.com

05. GIBRALTARn°4

Hiver-Printemps 2015gibraltar-revue.com

06. HOT RUM COWn°6

Hiver-Printemps 2015hotrumcow.co.uk

07. L'ADNn°2

Janvier-Mars 2015ladn.eu

08. LA REVUE DE LA CONFIANCE

n°1Janvier 2015

editionstextuel.com

09. LOVEn°13

Printemps/Été 2015thelovemagazine.co.uk

« LE POINT DE VUE DES OPPOSANTS EST BIEN DOCUMENTÉ : ON VA DROIT À LA CATA... » CHARLIE HEBDO,

n°1179, 25 Février 2015

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R É C L A M ETexte : J. TouretteVisuels : ©Hasbro

1415

Quand il est né, il était déjà vieux. C’est le terrible drame de la mas-cotte, que d’être assujettie à la

permanence de l’apparence, inflexible au temps qui court, immortelle et inva-riable. Et pourtant tellement fragile, comme un Dorian Gray de papier, at-tendant imperturbable qu’un nouveau graphiste déchire la toile et lui refasse le portrait. Pour lui donner une deuxième jeunesse, justement. « Who wants to live forever ? », chantait un autre moustachu célèbre. C’est vrai que l’éternité, c’est long. Surtout vers la fin. Lui n’a pas eu d’enfance, ni même d’ado-lescence. Il n’a pas connu le plus bel âge, pas plus que la crise de la quarantaine. Et il a attendu 80 ans pour avoir l’air de son physique. Athéna était bien sortie toute armée de la tête de Zeus… Monsieur Monopoly, lui, est sorti tout en costume d’un gobelet à dés, arborant les luxueux accessoires et autres signes extérieurs de richesse de l’époque : smoking noir, haut de forme, canne, gants et nœud papillon, blancs comme sa moustache. La vie est bien faite.Monsieur Monopoly, Mister Monopoly, Monopoly Man ou Monopoly Guy selon le lieu et l’heure, est très certai-nement la mascotte de jeu de plateau la plus connue au monde. Depuis sa créa-tion en 1935, 250 millions de boîtes ont été vendues sur les deux hémis-phères, il est traduit en 27 langues (y compris en braille), présent dans 103 pays et recense approximativement près de 500 millions de joueurs. En 1973, la société Hasbro eut d’ailleurs l’idée de lancer régulièrement des tour-nois internationaux, dont le prochain

Championnat du Monde de Monopoly qui aura lieu à Macao durant cet été. Le vainqueur repartira avec un prix de 20 580 $, équivalent à la somme totale des billets disponibles sur une partie standard.Pourtant, ces chiffres fort éloquents cachent une entrée en scène plutôt dis-crète de son protagoniste. Absent des tout premiers plateaux, il fait sa pre-mière apparition en 1936 pour accom-pagner les cartes « Chance » et « Caisse de Communauté » de la version US : trente-deux illustrations dans le style 30s 01 sont alors dévoilées aux joueurs, qui contribueront incontestablement à enclencher le processus de postérité du vieil homme. Mais s’il vient à peine de recevoir un visage, il n’a pas encore ac-quis de lettres de noblesse ni de nom de baptême. Il faudra attendre une dizaine d’années (la guerre est passée par là) et deux autres jeux où le personnage est représenté, Dig (1940) et Rich Uncle (1946), pour que son identité soit ac-tée par l’éditeur Parker Brothers : on l’appellera officiellement Rich Uncle Pennybags 02, et plus précisément Milburn Pennybags, histoire d’avoir un état civil bien complet.Quoi de plus normal, finalement, pour accompagner le déroulé idéal d’une partie de Monopoly, que de rentrer dans les souliers vernis de « l’oncle plein-aux-as » ? Et comme il s’agit essentiellement de banque et d’immo-bilier, il fallait se trouver des modèles crédibles en ce début de XXe siècle… Aussi, bien que le nom du dessinateur authentique de Milburn Pennybags soit resté une énigme, les influences

MR. MONOPOLY

03

01

02

LE MONOPOLY FÊTE SES 80 ANS ET SA RICHISSIME MAS-COTTE SOUFFLE LES BOUGIES, SANS PERDRE UNE RIDE. RETOUR SUR LA JEUNESSE D’UN ÉTERNEL VIEILLARD.

Page 15: Kiblind 52

04

réelles qui ont participé à sa création sont quant à elle bien connues. D’après Philip Orbanes, ancien vice-président de Parker Brothers et véritable « biographe » du Monopoly, le personnage a été largement influencé par la stature, le succès et la fortune du banquier et financier John Pierpont Morgan (1837-1913), l’un des hommes les plus riches du monde.Exactement comme dans le jeu, J. P. Morgan 03 a construit son empire à partir des banques et du capital immo-bilier. Puis il s'est progressivement inté-ressé à d’autres secteurs d’activité pros-pères durant la révolution industrielle, tels que l'électricité, l'acier, le chemin de fer et la navigation. Il est notam-ment le fondateur de l’International Mercantile Marine Company regrou-pant plusieurs compagnies américaines et britanniques, dont la White Star Line. Par conséquent, le magnat était également le propriétaire du Titanic. L’histoire raconte à ce propos qu’il aurait échappé au naufrage, car il était retenu par sa maîtresse à Aix-les-Bains. Il est à ce titre amusant de constater que la succursale française des jeux Hasbro a son siège à quelques kilo-mètres du lac du Bourget… À sa mort en 1913, il aurait laissé un patrimoine de 68,3 millions $, qui équivaudraient aujourd’hui à plusieurs milliards.En somme, un modèle parfait pour notre investisseur en maisons et hôtels vertes et rouges. Le très sérieux maga-zine Forbes classe d’ailleurs Milburn Pennybags à la 6e place du top 15 des « personnalités fictives les plus riches du monde » (juste devant Bruce Wayne), avec un capital estimé à 7,1 milliards $ : « il doit son entrée dans le classement grâce à une série de Chances, incluant des erreurs de la banque en sa faveur, des assurances-vie qui rapportent et des second prix de beauté ; il a collecté 200 millions $ rien qu’en passant par la case Départ et tou-ché plusieurs fois le Parc Gratuit, sans compter évidemment les bénéfices assu-rés par son large pôle immobilier… ».En huit décennies, l’homme d’affaires n’a pas beaucoup changé, mais a pris au fil du temps une place de plus en

plus ostensible. Il commence à trôner sur la boîte de jeu en 1954 04, dans une « édition populaire » américaine, avant d’être explicitement introduit dans le logo au milieu des années 80. En en-trant dans le second O de Monopoly 05, la mascotte accède à un plan supérieur de notoriété, de visibilité, et ne quit-tera plus dès lors le haut de l’affiche. De cet entrelacement de la marque et du personnage découlera un nouveau changement d’identité : par accoutu-mance sans doute et par entraînement populaire du fait de son rayonnement sans cesse croissant, Mr. Pennybags devint finalement aux yeux du monde « Mr. Monopoly ». Et depuis, il tend à se détacher encore davantage en évo-luant seul et dans des attitudes diverses, grâce à la 3D 06.À l’occasion du grand anniversaire de la licence, Hasbro a décidé de sortir en ce début d’année une édition collector dans un style vintage, dont certaines boîtes contiendraient de vrais billets de banque pour stimuler la promotion. Le résultat est séduisant, quoiqu’un peu froid, et surtout le personnage se retrouve en retrait. On aurait préféré voir plus largement diffusée la ver-sion confidentielle du graphiste Andy Mangold, qui revisita en 2008 intégra-lement le Monopoly, érigeant en icône le visage jovial du milliardaire sur toute la surface de la boîte 07. Un bel hom-mage, sur un plateau.

05

07

06

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P O RT R A I TTexte : J. Martinez

Visuel : Feuilleton & gr20

17

COMMENCÉE OFFICIELLEMENT EN SEPTEMBRE 2011, L'HISTOIRE DE LA REVUE FEUILLETON RESSEMBLE À S'Y MÉPRENDRE À UNE SÉRIE AU LONG COURS.LE SUJET : L’ASCENSION FULGURANTE D'UN JEUNE PRODIGE DE L'ÉDITION, BRILLAMMENT PRAGMATIQUE. GÉNÉRIQUE.

Tout commence dans le Vaucluse le 20 janvier 1986, date à laquelle Adrien Bosc voit pour la première fois le soleil de Provence. Après Avignon, c'est à Paris qu'il décide de

poursuivre des études littéraires bien vite avortées. C'est que l'avorton préfère aux bancs de l'Université, la classe du stagiaire et ses rencontres-clés. Son apprentissage aux éditions Allia est le premier épisode marquant d'une longue série. Gérard Berréby, fondateur de la maison qui édite « autrement », devient au fil du temps une véritable source d'inspiration, entre respect mutuel et admiration. C'est aussi l'occasion pour les deux acolytes de par-tager leur passion commune pour l'« objet d'édition ». Adrien se nourrit du quotidien de la maison, qui vit alors un énorme succès avec Les Miscellanées de Mr Schott, et il commence à fixer dans son esprit les fondements de son projet. Il se pas-sionne depuis un certain temps déjà pour le narrative writing (forme littéraire où le reportage devient roman) et remarque sa présence famélique dans le milieu de l'édition français. Après Allia, Adrien conserve le bleu de travail mais change de maison. Chez Albin Michel tout d'abord puis chez Avant scène théâtre où il est finalement embauché au développement commercial. Mais les outils sont à présent maîtrisés et le bleu de travail se transforme en bleu de chauffe. L'idée d'un mook (fameuse contraction de book et magazine) faisant la part belle au narra-tive writing et aux auteurs étrangers se concrétise. Conforté par le succès public et auprès de libraires de la revue XXI, « qui a ouvert la voie », Adrien se lance. Gérard Berréby, toujours très présent, lui conseille de voler de ses propres ailes et d'éditer en indépendant son projet. Il lui offre cependant son sous-sol comme bureau et, preuve du lien fort qui les unit, inspire le nom de la maison d'édition fondée alors par le jeune homme : Les éditions du Sous-Sol. Pendant 3 ans, Adrien va finaliser le projet en structurant un objet éditorial fort et en s'entourant de personnalités compétentes. Fondé sur la publication de longs papiers signés de belles plumes étrangères, la revue sera diffusée en librairie et accordera une part importante au façonnage, à la typographie et surtout à l'illustration. Elle bénéficiera d'un tirage massif et d'une diffusion importante. Adrien pense le projet comme un tout dont la logique économique n'est pas exclue. Il réussit à réunir le budget souhaité (180 000 euros dont 50 000 euros d'apport personnel) en séduisant, grâce à son numéro 0, ses futurs actionnaires, choisis pour leur compétence et leur personnalité. Gérard Berréby, Victor Robert (Canal +), Olivier Diaz (avocat) et Pierre Bergé, « séduit par l'idée de voir son Courrier International en revue », deviennent ainsi ses com-

FEUILLETON

pagnons de route. Adrien reste majoritaire des éditions du Sous-Sol et lance Feuilleton en septembre 2011. Le premier numéro composé de 192 pages et diffusé par Volumen (édition du Seuil) est publié à 20 000 exemplaires. Avec 15 000 ventes, le succès est au rendez-vous, le point d'équilibre atteint et le feuilleton lancé. Conformément au projet initial, aucun texte n'apparaît sur la couverture, intégralement consacrée à l'illustration de Mike Lemanski. On y trouve des textes inédits en France de Jonathan Franzen, George Orwell, etc. Depuis, Feuilleton, trimestriel, est revenu à 12 reprises orner les vitrines des libraires. Petite nou-veauté depuis peu, chaque numéro est thématisé et conserve une unité graphique avec une carte blanche laissée à un illustrateur. Après Simon Roussin 01 (L'Amérique) et Yann Kebbi 02 (Les prisons), c'est Aleksi Cavaillez 03 qui illustre intégralement le Feuilleton spécial musique sorti courant mars. Le tout orchestré graphiquement par le studio parisien gr20. Et au fait, si la revue s'appelle Feuilleton, c'est en référence au titre de la rubrique culturelle et populaire des journaux allemands. C'est aussi parce que les éditions du Sous-Sol, qui éditent également Desport et deux collections de livre (« Feuilleton Fiction» et « Feuilleton Non-Fiction»), partagent avec Feuilleton le souhait de donner envie d'aller vers des contenus de qualité souvent ignorés. Si les éditions ont été rachetées, comme un clin d'oeil à la sémantique, par les éditions du Seuil en novembre dernier, pérennisant ainsi leur avenir, c'est qu'elle n'ont jamais eu pour vocation d'être underground. Adrien, quant à lui, reste seul décideur à bord et demeure le personnage principal d'un feuilleton éditorial hal-letant, définitivement pittoresque.

SHORT-LIST DE REVUES PAR ADRIEN BOSC : GRANTA

MCSWEENEY’SREPORTAGEN

GRANTLAND QUARTERLYGULLIVER

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R E P O RTAG E G R A P H I Q U ETexte : M. GueugneauVisuel : S. Bournel-Bosson

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PAG E S B L A N C H E S

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THOMAS DANTHONY

Sans-titre

thomasdanthony.com

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NIMURA DAISUKE

Sans-titre

nimuradaisuke.tumblr.com

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PIERRE PIERRE

Bleu profond

pierre-pierre.com

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MAÏTÉ GRANDJOUAN

Cavalier

maitegrandjouan.tumblr.com

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YANNICK MARTIN

Urban Chess

wha-t.com

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JUN CEN

Chess revised

cenjun.com

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MICHEL NGUIE

Universal mind control

flickr.com/photos/michel-nguie

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ATELIER BINGO

Sans-titre

atelier-bingo.fr

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YOKO HOMAREDA

Sans-titre - Photo : Grégory Valton

cargocollective.com/yokohomareda

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EDITH CARRON

Les cavalières

edithcarron.net

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D O S S I E RTexte : G. ViryVisuel : Baptiste Alchourroun

DERRIÈRE SA COMMUNICATION FLAMBOYANTE ET L'ENCRE SCINTILLANTE DE SES TICKETS, LA FRANÇAISE DES JEUX CACHE ÉVIDEMMENT QUELQUES PETITS SECRETS... IL SUFFIT DE GRATTER.

€ASH

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Après avoir été le premier annonceur mondial, derrière Pepsi, à utiliser un morceau de Michael Jackson, La Française des Jeux (FDJ) vient de livrer sa nouvelle

campagne en remasterisant le célèbre générique d'Easy Rider. Créée par l'agence BETC pour le Loto, le film met en scène l'épopée fantastique de deux employés de bureaux, enfour-chant leurs fauteuils, comme des motos, après avoir décou-vert qu'ils ont les bons numéros ! Ils franchissent l'open-space, une salle de réunion, puis la fenêtre, avant de se retrouver sur la route de type américaine, face au happy end promis par la FDJ : « chaque jour est une chance ». « À la différence des précédentes, cette campagne ne met pas en scène la nou-velle vie des gagnants, explique Olivier Apers, son directeur

de création, mais le sentiment procuré au moment de gagner. On est revenus à des valeurs émotionnelles, aspirationnelles, déjà parce que le Loto n'est plus le seul jeu pour devenir mil-lionnaire. » Il s'agit effectivement d'un changement de ton, après plusieurs générations de campagne sur le choix des numéros à cocher et sur les nouveaux riches, généreusement croqués, à l'image du « Beauf » philosophant dans sa piscine. « L'évolution s'est également matérialisée dans la forme, car le film ressemble davantage à un clip qu'à un spot publicitaire classique. Il a d'abord été diffusé sur les réseaux sociaux, avant de passer à la TV. » Ceci dit, la FDJ n'a pas quitté sa morale commerciale et son petit jeu de chaises lexicales, consistant à faire croire au spectateur qu'il est le prochain sur la liste, même si la probabilité lui confère toujours 19 068 839 de possibilités de passer à côté : « À qui le tour ? », « Et pourquoi pas vous ? », « 100 % des gagnants ont tenté leur chance »... Quel que soit l'impact de sa nouvelle campagne, l'entreprise publique n'en est pas à son galop d'essai en termes de publi-cité. Elle a souvent réussi à marquer les esprits, en s'appuyant naturellement sur une stratégie de gros tirages. Bien que limi-tés à 1 % de son chiffre d'affaires par la Cour des Comptes, ses investissements annuels avoisinent 130 millions d'euros, ce qui la positionne parmi les 30 plus gros annonceurs français, devant Coca-Cola, Nintendo ou Samsung. Cette cagnotte, indexée sur ses résultats, lui a toujours permis de se déployer massivement, d'utiliser la crème des publicitaires et une farandole de guests, généralement consommés avant la date d'écrémage : Michel Leeb, Kad Merad, Gérard Jugnot, Michel Hazanavicius, etc. Tous ont prêté leur jeu, ou leur caméra, à des campagnes à répétition, dont certaines ont car-rément investi la culture populaire (« Au revoir président », « C'est le jeu ma pov' Lucette ») et même, parfois, la surface à gratter. Avant les succès internationaux de Moi, moche et méchant et surtout des Minions, le réalisateur Pierre Coffin a signé une campagne pour le nouveau Jeu de l'Oie, en 2001 ; son ovin animé, Patrice, connut un tel succès, qu'il remplaça lui-même le ticket, en changeant simplement de nom : Dédé le cochon...Si le Loto représente aujourd'hui moins de 15 % du chiffre d'affaires de la FDJ, il continue d'être omniprésent dans sa communication (près de la moitié des campagnes), car il en reste l'emblème et l'ADN. En 1933, la Loterie nationale est créée, sous forme d'une tombola, pour soutenir les « gueules cassées » et les anciens combattants. C'est l'ancêtre de la FDJ, dont 15 % du capital appartient toujours à l'Union des Blessés de la Face et de la Tête et à la Fédération nationale André Maginot. La majorité est dans l'escarcelle de l'Etat (72 %), qui a préservé son monopole sur les jeux d'argent jusqu'en 2010, avant de l'ouvrir à de nouveaux opérateurs en ligne. « La FDJ est d'abord une escroquerie historique, tempête Robert Riblet, un ingénieur retraité qui remet en cause depuis plusieurs années le hasard des tickets de grat-tage. Dès son origine, la Loterie fut habillée d'une noble cause pour mieux cacher la mariée : rapporter de l'argent à l'État ». Au-delà de sa vérité, il est incontestable que les

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N'en déplaise aux lanceurs d'alerte sur la dépendance aux jeux, la

FDJ et BETC se font les hérauts d'un « souffle de liberté » pour la nouvelle campagne du Loto.

Tourné à Los Angeles, le film est diffusé depuis janvier et doté d'un

remix, en version latino, du célèbre générique d'Easy Rider.

Trois ans après son lancement, en 1998, le philosophe Bernard Stiegler

qualifie le Rapido d' « assommoir contemporain ». Il calcule notamment

qu'un joueur régulier peut y perdre, en moyenne, 9 % de son salaire mensuel.

finances publiques bénéficient, chaque jour, d'une chance : 3 milliards de recettes fiscales an-nuelles, directement induites par les résultats de la FDJ. L'opérateur vient d'ailleurs d'annoncer un record historique de ventes (13 Mds d'euros en 2014), couplé à une stratégie de séduction auprès des 18-35 ans, moins joueurs, à force de hashtags et de campagnes communautaires : #onsebougeleticket...

ÇA BANQUE ILLICO-

« Il y a quelques jours, à l'ouverture, un jeune débarque et gratte un €ash. Vous savez quoi ? il est tombé sur le 10 000 euros ! ». A la lisière de la Goutte d'Or, à Paris, le bar-tabac La Française porte très bien son nom, dans un décor aussi banal que magique. Marguerite tient la caisse, Jean-Claude, « le patron », tient le rosé, devant tous les passagers en transit, le temps d'un ballon ou d'un Parions Sport. « Ce soir, il y a Arsenal-Monaco : ça va jouer ! Les jours de matches ou de gros tirages, on a plus de 1 000 clients par jour », affirme Marguerite, en pointant du doigt la prochaine date de l'EuroMillions. « Ça fait au moins un client par minute », calcule mysté-rieusement son mari, dont les yeux ne traduisent pas forcément le jackpot, mais plutôt un air sempiternel, du type « c'était-mieux-avant ». Si chaque revendeur de la FDJ est commission-né sur les ventes, à hauteur de 5 %, les temps changent, même dans les endroits immuables : il y a quelques années, des clients passaient encore leurs journées devant le Rapido et écrasaient les mégots sous leurs pieds. Des Françaises comme celles-ci, tout le territoire en connaît et la FDJ leur doit une large partie de son succès, depuis que Louis XVI s'appuya sur un réseau de 700 buralistes pour relancer, en 1776, la Loterie Royale. Aujourd'hui, elle peut compter sur un réseau de 34 000 points de vente, dans lesquels se croisent 26 millions de joueurs réguliers. Un Français sur deux, en âge de prati-quer, dépense entre 4 et 8 euros, chaque semaine, dans les tirages, les grattages ou les paris. Et si le nombre d'adeptes a baissé, le chiffre d'affaires de la FDJ a doublé, en moins de vingt ans, en raison notamment du succès des tickets à gratter (depuis 1989). Ces dernières années, l'opérateur poursuit sa vitesse de croisière, dépassant 5 % de croissance annuelle, manifestement bien aidé par la crise. « Il y a de nombreux facteurs de jeux, commente Jean-Pierre Martignoni, sociologue du gambling (jeux d'argent), mais l'espérance

© B

ETC

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EN QUELQUES CHIFFRES

-

34 MILLIARDSLE CHIFFRE D'AFFAIRES ANNUEL, EN EUROS, DES JEUX D'ARGENT EN FRANCE, RÉPARTIS

ENTRE LA FRANÇAISE DES JEUX (38 %), LE PARI MUTUEL URBAIN – PMU (31 %), LE POKER

ET LES PARIS EN LIGNE (25 %) ET LES CASINOS (6 %, BASÉ SUR LE PRODUIT BRUT DES JEUX).

X 2,5L'ÉVOLUTION, EN VALEUR, DU SECTEUR,

EN MOINS DE 20 ANS (1995-2014).

15SI TOUS LES OPÉRATEURS FRANÇAIS

DE JEUX D'ARGENT ÉTAIENT REGROUPÉS AU SEIN D'UNE MÊME ENTREPRISE, ELLE SERAIT

LA 15E FRANÇAISE, EN CHIFFRE D'AFFAIRES.

6 MILLIARDSMONTANT DES RECETTES FISCALES ANNUELLES,

EN EUROS, INDUITES PAR LES JEUX D'ARGENT. SOIT 2 FOIS PLUS QUE LES TAXES SUR L'ALCOOL,

2 FOIS MOINS QUE LES TAXES SUR LE TABAC.

3LA FDJ EST LA TROISIÈME « LOTERIE NATIONALE »,

APRÈS L'ITALIE ET LA CHINE.

169 837 010 €LE PLUS GROS GAIN FRANÇAIS (ET 3E EUROPÉEN)

REMPORTÉ À L'EUROMILLION, CRÉÉ EN 2004, À L'INITIATIVE DE LA FDJ ET À L'ÉCHELLE DE 9 PAYS.

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« 26 JEUX DE GRATTAGE

SONT ACTUELLEMENT SUR LE MARCHÉ.

C'EST LA PREUVE D'UN MARKETING FORCENÉ,

MAIS AUSSI DE LA VOLATILITÉ DU PUBLIC,

SOUVENT RATTRAPÉ À COUP

DE NOUVEAUTÉS... »

ludique est commune à tous, renforcée probablement pendant les temps diffi-ciles ». Certains vont même plus loin, évoquant la « théorie de la pauvreté » : plusieurs études montrent en effet que la baisse des revenus est étroitement corrélée à la consommation croissante de jeux d'argent. Retour à La Française. Une jeune femme, qui jure un peu dans l'am-biance, valide enfin sa combinai-son. « Tout est dans la machine », se contente Marguerite, sans forcé-ment savoir que son geste machinal va s'inscrire dans un flux titanesque. En 2008, la FDJ ouvre un nouveau centre informatique, à Vitrolles, qui enregistre et contrôle toutes les mises. Plus de 300 ingénieurs et techniciens y travaillent, confinés dans un espace bunkerisé, ultra-protégé contre le feu, les catastrophes naturelles et, bien-sûr, les intrus. À plusieurs mètres sous terre, la FDJ y a notamment installé ses salles de surveillance et le premier réseau ADSL de France, capable de supporter 4 milliards de transactions informatiques à l'année ; chaque mi-nute, plus de 100 000 euros transitent ainsi dans le data-center. Le centre de Vitrolles n'est pas seulement un fan-tasme pour les ingénieurs réseau : il accueille également d'autres services, notamment la réplique d'un bar-tabac, grandeur nature, pour former les

buralistes, ainsi qu'un « studio » des-tiné à l'accueil et à l'information des gagnants. À Boulogne-Billancourt, au siège national de la FDJ, la maison a pignon sur rue, mais le service com-munication semble aussi difficile à franchir que la forteresse provençale. Ici aussi, les joueurs viennent retirer les gros lots, pendant qu'une petite mécanique bien huilée se renouvelle, trois fois par semaine, pour le tirage du loto : séance de répétition avec de fausses boules, contrôle des vraies, une à une, par l'huissier de service, arrivée d'Estelle Denis ou d'un autre lampiste, puisé chez le voisin TF1... Le quartier général abrite également les équipes de conception, composées no-tamment de créatifs rompus aux cou-leurs flashy et à l’illusionnisme du gain instantané. Il faut 8 mois, en moyenne, pour développer un nouveau jeu de grattage, sachant que la FDJ invente une douzaine de concepts, toutes ca-tégories confondues, chaque année. « En dehors des tirages et des paris, 26 jeux sont actuellement sur le mar-ché, rappelle Jean-Pierre Martignoni, pour tous les publics, tous les moyens et tous les gains (de 1 euro à 1 mil-lion). C'est la preuve d'un marketing forcené, mais aussi de la volatilité du public, souvent rattrapé à coup de nouveautés... »

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JEAN-PIERRE MARTIGNONISPÉCIALISTE DES JEUX D'ARGENT, CE SOCIOLOGUE LYONNAIS EST UNE FIGURE INCONTOURNABLE DES BAR-TABACS, MAIS AUSSI DES MÉDIAS...

COMMENT EXPLIQUER LE SUCCÈS DE LA FDJ ?D'abord, il est un peu à part dans l'univers du jeu, car les autres acteurs, notamment les casinos, sont en baisse. Mais il s'explique par plusieurs facteurs : le monopole de la FDJ ; la proximité géo-graphique et « situationnelle » avec le public, dans la mesure où les jeux sont toujours à portée de main ; l'acceptation sociale et l'accessibilité (à partir de 50 centimes d'euros) ; l'absence de frais collatéraux, contrairement aux casinos ; et enfin, la publicité per-manente, à tous les niveaux : je pense notamment aux affichettes, omniprésentes dans les points de vente, qui disent, en substance, que votre voisin de palier a gagné.

ET POURQUOI JOUE-T-ON ?Les théoriciens des jeux parlent de l' « illusio », ou le fait de se per-suader que le jeu en vaut la chandelle. À l'image des jeux de grattage, il recouvre plusieurs champs : l'argent et la richesse (Millionnaire, Eurofortune), l'univers du casino (Blackjack), la tradition ludique (Morpions, Mots Croisés), le sport (Goal), la chance et la superstition (Astro, Numéro Fétiche)... Chaque joueur a ainsi ses référentiels, avec un ressort commun : l'espoir de gagner. Quand on sait que la FDJ reverse plus de 8 milliards, chaque année, c'est assez logique : au-delà des millionnaires, un gain de 1 000, 5 000 ou 10 000 euros, c'est considérable pour certains.

VOUS CROYEZ À LA « THÉORIE DE PAUVRETÉ » ?C'est plutôt une thématique portée par les économistes, souvent américains, à laquelle je me suis déjà opposé. L'idée est de dire : plus on est pauvre, plus on joue. Mais, pour jouer, il faut déjà de l'argent et, en période de crise, cela ne tient pas sur le long terme... À part la FDJ, les jeux d'argent sont plutôt en recul en France, mais aussi à l'étranger (faillite du Cæsars Palace, recul de Macao). Et quand on regarde le public de la FDJ, toutes les catégories sociales sont représentées. Cependant, il y a vraisemblablement des vases com-municants. Par exemple, les personnes qui ne vont plus au casino se rabattent sur d'autres jeux.

COMMENT PERCEVEZ-VOUS LA PROBLÉMATIQUE DE L'ADDICTION ?Malgré les apparences, ce débat est très ancien, notamment à l'étranger. Si on en parle beaucoup, en France, c'est surtout lié à l'ambivalence, entre « l'État croupier » (qui fournit les jeux) et l'État réglementaire, qui doit fixer les barrières. Personnellement, je m'oppose régulièrement aux approches des addictologues qui ont institutionnalisé, en quelque sorte, la dépendance aux jeux, alors qu'ils existent depuis toujours, bien avant la FDJ. Certains en font même un business, financé par les opérateurs, d'où un problème de conflit d'intérêts... De manière générale, on cherche à patholo-giser un « dossier » en évacuant le fait social. Or, selon moi, il existe une socialisation ludique, car les jeux d'argent font partie de la société, ils véhiculent des passions, des pratiques, des mécanismes de transmission, entre générations... Le pire, c'est l'approche psy-chanalytique, qui repose sur les travaux de Freud autour du Joueur de Dostoïevski : les joueurs ne joueraient pas pour gagner, mais pour perdre, afin de se punir d'une addiction originelle à l'onanisme. Moi, j'observe les joueurs depuis vingt ans et je peux vous l'assurer : ils jouent pour gagner.

TICKETS PERDANTS-

« Les jeux de grattage sont un scandale d'État, affirme Robert Riblet ». Depuis plus de dix ans, cet ancien chef d'entreprise mène un combat tonitruant, judiciaire et médiatique, contre la FDJ, accusée de manipuler la chance. Tout a commencé justement par hasard, dans un bar-tabac de l'Aisne, où il observe, en 2001, un petit manège : un habitué des lieux achète un carnet entier de tickets, qu'il gratte un à un, jusqu'à obtenir un bon lot ; le buraliste range alors le reste du livret et le remplace par un autre... Surpris, Robert Riblet avertit la FDJ, mais n'obtient pas de réponse, ce qui le pousse à mener l'enquête. Après avoir épluché plus de 30 000 tickets, dans 1 500 points de vente, il découvre et condamne le système des livrets. « Les tickets ne sont pas répartis au hasard, mais par livrets de 50. Dans trois livrets sur quatre, il n'existe qu'un gros lot, supérieur ou égal à 20 euros ». La FDJ serait ainsi coupable de vendre sciemment une large part de tic-kets perdants. Selon le plaignant, c'est la porte ouverte à un ensemble de dérives, car la pratique serait également connue des buralistes : « il n'y a plus d'égalité des chances au grat-tage, car les clients privilégiés peuvent être dissuadés de jouer, alors que les autres sont quasiment assurés de perdre ». Pis : si le « gros lot » n'est pas tombé, les revendeurs peuvent être tentés d'acheter, eux-mêmes, le reste du livret. L'accusation est forte, le ton aussi mais, après plusieurs années de pro-cédure, sa plainte est rejetée en 2013 ; Riblet se voit même condamné, pour diffamation, à une amende de 10 000 euros, qui ne le met pas, pour autant, en sourdine : « C'est seulement le début... ». Le retraité aurait également refusé une grosse somme d'argent, proposée par la FDJ et trouvé un écho auprès de Gérard Collet, l'un de ses anciens PDG. Début 2014, ce dernier confirme, en effet, ces soupçons. Le préjudice serait immense, du moins jusqu'en 2006, lorsque l'opérateur a changé son règlement et précisé, au dos de ses tickets, que « certains lots ont peut-être déjà été remportés ».Pendant ce temps, les Français continuent de gratter. Avec un engouement massif pour €ash, lancé en 2009, dont les attributs, inspirés des jeux de grattage américains, génèrent une véritable machine à sous : plus de 400 millions d'exem-plaires sont vendus, chaque année, représentant déjà 15 % du chiffre d'affaires de la FDJ. Et pourtant, l'opérateur com-munique assez peu dessus. Ce phénomène rejoint l'épisode du Rapido, remplacé en 2010 par une formule réputée plus sympathique : l'Amigo. Au plus fort de son succès, malgré une publicité quasi-inexistante, le jeu de tirage « à très haute fréquence » (toutes les 150 secondes) alimenta le quart des recettes de la FDJ. À l'image de €ash, il rappelle que la force des jeux repose, avant tout, sur la consommation de proxi-mité ; bien avant la TV... « Rapido, ce fut surtout une catastrophe », explique Armelle Achour, fondatrice de l'association SOS Joueurs. Cette psychologue a créé cette structure d'aide en 1990, après avoir découvert qu'un de ses proches était dépen-

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dant au jeu. « Je me suis rapidement rendu compte qu'il n'était pas le seul ». Selon l'Office Français des Drogues et des Toxicomanies, 600 000 joueurs seraient actuellement concernés, dont 200 000 cas pathologiques, généralement victimes d'autres types d'addictions. « Au-delà de l'endet-tement, les conséquences sont multiples, parfois tragiques, en particulier pour l'entourage. C'est pour cela que nous nous mobilisons, à travers une permanence téléphonique, juridique et une démarche, plus générale, de sensibilisation ». L'association est financée exclusivement par les opérateurs, dont la FDJ, qui reste le premier « pourvoyeur » de joueurs dépendants. « 57 % des demandeurs d'aides en sont clients, même s'ils sont souvent addict à d'autres jeux d'argent, comme les courses hippiques ou les machines à sous. Au temps du Rapido, les chiffres étaient impressionnants, mais il y a eu une réelle prise de conscience des acteurs, en particu-lier depuis l'ouverture du marché : quitte à le faire fructifier, autant le faire de manière responsable, car le risque, à terme, est aussi de perdre les clients... ». Ainsi l'Amigo est devenu beaucoup plus amical que son grand frère : avec un tirage tous les 5 minutes, ponctué de messages de prévention, la nouvelle formule a été élaborée en associant des joueurs et des experts de l'addiction. Plus largement, la FDJ ne lésine pas sur les moyens pour promouvoir le « jeu responsable » ; il se retrouve aujourd'hui dans l'ensemble de sa communi-cation, les points de vente (avertissements, tests de dépen-dance) ou les structures thérapeutiques qu'elle finance... « Je ne suis pas convaincu qu'elles soient très efficaces, relativise Jean-Pierre Martignoni, mais surtout, le conflit d'intérêt est patent ! » Au-delà de l'aspect clinique, en effet, les opé-rateurs de jeux seraient surtout sujets, naturellement, à la schizophrénie ; sociale et commerciale. Finalement, c'est un peu comme si Marlboro prenait BETC pour montrer qu'un cowboy à cheval offre le même « souffle de liberté » que deux anciens dealers à moto...

« AU PLUS FORT DE SON SUCCÈS,

MALGRÉ UNE PUBLICITÉ QUASI-INEXISTANTE,

LE RAPIDO ALIMENTA LE QUART DES RECETTES

DE LA FDJ. À L'IMAGE DE €ASH, IL RAPPELLE QUE

LA FORCE DES JEUX REPOSE, AVANT TOUT,

SUR LA CONSOMMATION DE PROXIMITÉ ;

BIEN AVANT LA TV. »

Rassemblés en 2012 sous la marque ombrelle Illiko, les jeux de grattage ont été introduits en 1989 et représentent

aujourd'hui près de la moitié du chiffre d'affaire de la FDJ.

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Trench POMANDÈRE | Chemise portée sur le trench PAS DE CALAIS Veste ROSEANNA | Body ELEVEN PARIS

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C A H I E R M O D EPLAYDirection artistique : Baptiste Viry @ KlarPhotographie : Thomas ChénéAssistant photographe : Clément Brandely

Stylisme : Alix Devallois

Make-up & Hair : Karine Belly @ Backstage AgencyMannequin : Lingyue @ Women Management

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Veste longue FORTE_FORTE | Veste SANDRO | Body BODY ELEVEN PARIS

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Veste MONKI

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Manteau LACOSTE | Veste MONKI

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Trench TARA JARMON | Veste POMANDÈRE | Bague perso

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Chapeau BAPTISTE VIRY | Trench TARA JARMON | Veste POMANDÈRE Body ELEVEN PARIS | Jean LEVI'S | Derbies montante LA BOTTE GARDIANE

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Veste H&M STUDIO | Pantalon POMANDÈRE

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Veste ROSEANNA | Body ELEVEN PARIS

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Veste FORTE_FORTE | Veste rayée MAISON OLGA

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Chapeau BAPTISTE VIRY | Chemise PAS DE CALAIS | Body ELEVEN PARIS | Pantalon H&M

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MAR 17.03 jeu 26.03

ICI & DEMAIN présenteTOXIQUE / G. THOMAS& HOME / C. MAMOUN

jeu 02.04 MAR 07.04

LES ÉDITIONS LE TRIPODEexposent LES 400 COUPSJ. ROUBAUD & E. HILSENRATH

jeu 09.04 diM 12.04

KIBLIND 52 | CLUB D’ÉCHECSVARIATIONS AUTOUR DU JEU

jeu 23.04 MeR 29.04

FESTIVAL LA LUCARNE #3

MAR 09.06 diM 14.06

DIAMETRE présente RAVAGES

MeR 17.06 diM 12.07

SINGAPOUR MON AMOURHERITAGE BOARD URBANITYmanifestation organisée dans le cadre de «Singapouren France - le festival (26 mars - 30 juin 2015)www.singapour-lefestival.com»

* Retrouvez le travail de création de nos compagnies résidenteset des compagnies invitées le temps d’un festivalévénement payant - billetterie sur le réseau Digitick

MAR 24.03

CIE VOULEZ-VOUS présente FRIGIDEthéâtre

Ven 03.04

COLLECTIF GEORGES LAKHDARFARID AYELEM RAHMOUNIprésente SANS ABRIdanse

jeu 23.04

PIERSTEN LEIROM présenteMRODCHAJperformanced’après Bruce Bégout

sAM 09.05

FRANÇOIS STEMMER & S.C.R.I.B.Eprésente INTIMITÉperformance & poèmes

jeu 28.05 diM 31.05

FESTIVAL PETITES FORMES(D)COUSUES*danse, performances & autres formes

Ven 19.06

CIE LAMENTO / SYLVERE LAMOTTE& JEREMY KOUYOUMDJIANprésentent RUINESdanse

EXPOSITIONS & VERNISSAGESvisibles tous les jours de 14h à 19hentrée libre

DANSE & AUTRES FORMESrépétitions ouvertesentrée libre

POINT ÉPHÉMÈRECE N'EST PAS

QUE DE LA MUSIQUE

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Moins de Papier plus de contenus,restons connectés !

Toute la programmation détailléesur notre site

www.pointephemere.org

Point Éphémère | 200 quai de valmy | 75010 Paris | 01 40 34 02 48 | www.pointephemere.org

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2 7 | 2 8 | 2 9 m a r s 2 0 1 5

F E s T I V a L

I n T E r n a T I o n a L

L y o n

w w w . q u a I s d u p o L a r . c o m

L I T T é r a T u r E

c I n é m a

b a n d E d E s s I n é E

E n q u ê T E

j E u n E s s E

r E n d E z - V o u s p o L a r

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Fig. 1 : Field Mates RecoRds_

[ M U S I Q U E ] . Les plus belles histoires commencent souvent par un coup de foudre. L’histoire c’est celle de Field Mates Records, tout jeune label. Le coup de foudre c’est celui de Dali Zourabichvil, fondatrice du label, pour Jimmy Whispers jeune artiste Lo-Fi qui sort son premier album « Summer in Pain ».Lorsqu'on interroge Dali sur les raisons qui l'ont poussé à créer ce label, elle n'en donne qu'une : un homme qui arrive à la fois à vous faire rire sur des vidéos de show américain et à vous émouvoir en chansons, elle devait absolument le faire découvrir. Elle a donc décidé de se jeter dans l'aventure et de produire le premier album de Jimmy Whispers, séduite par sa musique dépouillée de tout artifice, ses chansons enregistrées en une prise, sur son Iphone, qui racontent l'amour, avec naïveté, pas toujours de manière assurée.Et même si aujourd’hui, se lancer dans la création d’un label peut sembler fou, voire inconscient, cette nouvelle épopée est un peu une suite logique pour cette activiste musicale (promo-tion d'artistes, rédactrice à la Blogothèque...). Alors, la voilà partie pour trouver des compagnons de route. Parce que, oui, elle fonctionne comme ça Dali, aux coups de cœur qui lui donnent envie de faire un bout de chemin, aux sonorités qui la touchent, aux personnalités attachantes… Toute personne qui recherche des musiques qui font vibrer la corde sensible, qui s'imposent comme s'impose une histoire d'amour, serait bien inspirée de suivre ce label, car c'est en effet ce qui semble être la ligne artistique de Field Mates Records.Delphine Zehnder • Sortie de Summer in Pain de Jimmy Whispers, le 24 mars 2015

www.fieldmatesrecords.bandcamp.com

Fig. 2 : PeRMalnk_

[ M U S I Q U E ] . « Internet ! » criait jadis le génie incompris. Alors que l'humanité ne pensait que fax et master system, lui voyait plus loin et imaginait un monde fait de partage, d'ouverture et de pandas qui toussent. Raillé et conspué, l'homme alla se retirer dans sa montagne magique pour y peindre les plus beaux dauphins surfant

sur les plus beaux doubles arcs-en-ciel, tout en épuisant sans fin le premier album de Brandy. Maxime « Aprile » Guenegou (ex-deBonton) et Camille Bodinier (de Stock71) lui rendent aujourd'hui hommage, à lui et à ses rêves devenus réalité. Ils ont créé pour cela un label, Permalnk, qui distille la musique du futur dans le passé, la bande originale d'Internet.Si délicieusement nommé Vapor-Future-Internet-Wave (aka Vaporwave pour les flemmards), le genre défendu par Permalnk relève plutôt d'un état d'esprit que d'une esthétique propre. On navigue ici dans un univers fantasmatique, illus-tré par les égarements visuel de Jimbo Barbu, où le hip-hop galoche l'IDM, ou Katy Perry mixe du footwork et où le RnB fait figure de musique classique. Cette utopie n'est pourtant pas qu'un mirage et à l'écoute de la compilation et manifeste Opaq Glitter, première sortie de chez Permalnk, et de l'EP Raise Water d'Aygetee & Kinlaws, on se prend à croire à l'incroyable. Oui, il existe bien des gens prêts à construire cette société nouvelle, cette société du glitch et des paillettes, cette société dans laquelle l'éther ne se renifle qu'après le pre-mier litre de Redbull. On veut en être les citoyens d'honneur. • À venir, les EPs de Rap/Rap/Rap, Megajoy et Cvlt45.

permalnk.com

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CENTRE DE DOCUMENTATIONET D’INFORMATION

R É D I G É P A R M A X I M E G U E U G N E A U & C O

emoticon. (inférieur à trois). Symbole mathématique signifiant « cœur ». À utiliser partout. Mais

vraiment partout. Ex : « <3 la dernière chanson des Enfoirés <3 » - Coluche. Se dit aussi pour les coups d'amour

foudroyants ou pour signifier des labels attachés à l'intertoile.

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[ P R I N T ] . Unité de lieu, multiplicité des époques. Dans ce nouveau livre, Ici, Richard McGuire ne propose qu’un seul point de vue, comme si une caméra avait été posée là et avait saisi les moments au fil des millénaires, tou-jours au même endroit. Sorte de huis clos, de scène de théâtre sur laquelle défile le temps, l’auteur y représente les différentes époques, les différentes situations qu’un lieu unique a rencon-trées. On est aujourd’hui dans un salon avec sa cheminée, avec son canapé, mais il y a quelques millions d’années les dinosaures foulaient ce terrain, un couple d’Indiens s’y est enlacé depuis, puis au loin apparait une maison où Benjamin Franklin a peut-être vécu, et plus récemment plusieurs générations

d’une famille y ont habité dont on voit les membres évoluer.Ce livre dessiné étonne par sa forme, par sa narration, par son génie. McGuire ne fait pas se succéder ces différentes époques, il les mélange, les fait s’interchoquer, trouvant d’éton-nants échos entres elles sur chaque double page. Avec Ici, McGuire éla-bore une alchimie visuelle fascinante qui interpelle le lecteur. Il propose des séquences, des bribes d’histoire et invite à imaginer l’avant et l’après. Basi l Sedbuk• Ici, de Richard McGuire,

disponible aux éditions Gallimard,

304 p., couleurs, 29€.

richard-mcguire.com

Fig. 1 : ici_

[ P L U R I D I S C I P L I N A I R E ] . On dit facilement du monde d'aujourd'hui qu'il n'offre plus de porte de sortie. Qu'il est fini, le temps des yeux qui pétillent et des sens en émoi. Qu'elle est oubliée la grâce enchanteresse de notre planète. Mais c'est faux, la magie peut et doit encore arrondir les angles d'une époque trop carrée, trop pointue. C'est le pari que font la Bibliothèque Goutte d'Or, le FGO-Barbara, l'Institut des Cultures d'Islam et la Salle Saint-Bruno, en pointant le projecteur sur le quartier le plus paranormal de Paris : Barbès. Véritable carrefour des cultures et des croyances, l'est du 18e arrondissement de Paris révèle en effet un monde où le surnatu-rel semble tout aussi vrai que la déduction mathématique. La spiritualité y est partout, dans l'art comme dans la cuisine, dans le thé aussi bien que dans le jazz. Pour en faire le tour,

Magic Barbès s'attaque à tous les champs où le mysticisme vient effleurer de son doigt la création. En musique, bien sûr, avec Thomas de Pourquery qui s'attaque au chaman Sun Ra, la céleste Colleen, les impénétrables KRX Visual Drums ou encore l'illuminé Gaâda. Le cinéma, documentaire (La Nuit de la Possession de F.Cassenti, A Spell to Ward Off the Darkness de B. Rivers & B.Russell) ou de fiction (Number One de Z.Tahiri, L'Arbre aux Esprits de C.Sawadago) passera lui aussi volontiers les portes de l'inconnu. Expositions, bals, brunchs, conférences, per-formances émailleront en outre ces 6 jours aux frontières du réel. La magie vaincra, on

en est persuadés.• Magic Barbès, du 7 au 12.04 à Paris.

www.rencontres-gouttedor.org

Fig. 2 : Magic BaRBès_

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adj. (habrakhadabra + esque). Néologisme rimbaldien exclusivement utilisé par les Présidents de la République. Pour des choses vraiment très magiques. Ex : « Qu'on ne se souvienne pas de moi est tout simplement abracadabrantesque » - Paul Deschanel, président de la IVe République. Se dit aussi de festivals et de bandes dessinées au petit goût de surnaturel.

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[ F E S T I V A L ] . On peut passer sa vie à marcher droit pour atteindre son but le plus directement et le plus rapidement possible. Mais là où l'homme pressé ne pense qu'à l'abou-tissement du voyage – ne se doutant pas un seul instant que celui-ci n'existe pas ou qu'il signifie la mort – d'autres flânent, tergiversent, déambulent, pour ne surtout jamais se coltiner le médiocre spectacle d'une ligne d'arrivée. Ceux-là se délectent des détours, de l'aventure, de la découverte. L'équipe de Nuits Sonores est ce genre d'individus.La programmation de cette 13e édition de Nuits Sonores ne cherche jamais la route principale, mais emprunte sans cesse le sentier bordé de fruits sauvages. Une chose est sûre : la récolte est prodigieuse et d'une étonnante diversité. Distribution le jour, en premier lieu, avec les 3 « Days » dont se sont char-gés Ben Klock (le jeudi avec Jeroen Search, Witxes, Livity Sound...), John Talabot (le vendredi avec Syracuse, Barnt, Awesome Tapes From Africa) et Jamie XX (le samedi avec Floating Points, James Stewart, The Pyramids...) ainsi que la carte blanche et impromptue à Varsovie. Le service de nuit est

copieux, évidemment, et nous y plongerons sans vergogne. Voici – objectivement bien sûr – quelques inratables, Marché de Gros et Circuit Électronique compris : The Orb, Batida, Insanlar, Kink, Carl Craig & Mad Mike, Nils Frahm, Voiski, The Soft Moon, Palma, My Thud Unite Area, DJ Deep, Low Jack, Seun Kuti ou encore The Pilotwings. Bilan, on risque de

finir perdus mais repus.• Nuits Sonores, du 13 au

17.05 à Lyon. Dans le même

temps, l'European Lab se

tiendra à l'Hôtel de Région.

www.nuits-sonores.com ;

www.europeanlab.com

Fig. 3 : nuits sonoRes_

Visu

el :

TWIC

E

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01- Le formidable fanzine Sourire Magazine lance son 3e numéro le 24.03 au Huit, à Paris. Formidable car on y retrouve Maïté Grandjouan, Baptiste Virot, Félix Meunier, Alice Méteigner, Eponine Cottey, etc. Sourire Magazine #3, sérigraphie 3 couleurs, 12 pages, 20€, sortie le 24.03. souriremagazine.tumblr.com

02- L'Association a eu l'excellent pif de sortir le Tonic de Mathieu Lefèvre et Jérémy Piningre, un fuis-moi-je-te-suis tout de bleu et noir et blanc vêtu. Tonic, de Mathieu Lefèvre et Jérémy Piningre, Noir et Blanc et Bleu, 38 pages, 15€. lassociation.fr

03-Les adorés Misma Éditions rebelotent avec Delphine Panique pour un En temps de guerre du plus bel acabit, du plus beau cynisme et du plus joli féminisme. En temps de guerre, de Delphine Panique, couleurs, 112 pages, 19€. misma.fr

04-L'École Estienne a réussi, malgré elle, à créer un groupe uni comme les États-Unis, qui sort aujourd'hui le mignon L'Amour Fanzine, avec Maxime Sabourin, Lola Quéré, Zéphir, Hugo Ruyant, etc. L'Amour Fanzine #2, livret 130 pages + livre de 40 pages + 4 flip-books + posters, etc., riso/sérigraphie/couleurs/N&B, 25€.

05-L'un de nos chouchous, Victor Hussenot, est également adoré chez Nobrow. Ils ont donc pris l'initiative de sortir The Spectators, chez eux, en anglais. The Spectators, de Victor Hussenot, couleurs, 96 pages, 18€. nobrow.net

06-Notre revue annuelle préférée Cercle Magazine revient pour un numéro spécial et très peu ragoûtant, dédié aux insectes. Cercle Magazine #3, couleurs, 140 pages, 18€. cerclemagazine.com

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n.f. (βιβλιοθήκη). Meuble ou endroit où sont conservés les

livres ; collection organisée de livres. Ex : « Bibliothèque, bibliothèque,

attends... C'est pas un genre de placard ou de frigo ? » - Raphaël, Prince de l'Amour.

Se dit aussi d'une liste d'ouvrages à consulter absolument.

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[ E X P O S I T I O N ] . Zeubi. On va enfin le voir en vrai. L'homme par qui tout arrive. Celui qui a créé le bonheur et le double cheese d'un même élan de géné-rosité. Celui qui a offert la possibilité d'un futur radieux et jeté aux oubliettes les filsdeputeries du passé. L'homme que l'on nomme Georges Clooney, héros du XXIe siècle et grand timonier de notre cœur.L'Attrape-Rêve déroule le tapis rouge au personnage le plus important que la Terre ait porté, depuis au moins Scottie Pippen. La galerie parisienne invite en effet le dessinateur Philippe Valette à nous présenter sa bête à sexe gros et aux humeurs singulières, pour la première fois dans une exposition personnelle. Un comble quand on connait la manne

Fig. 1 : geoRges clooney, l'exPozance_

[ M U S I Q U E ] . L'instinct, voilà une valeur qui fait mouche dans le monde de la musique électronique. Savoir que l'on va dans la bonne direction, que ce que l'on fait est juste parce que ça vient de soi. Cela pourrait d'ailleurs être l'évidence même, une notion partagée par tout un chacun. Or, il semblerait que se laisser porter par les vents du moment soit toujours un principe populaire chez les producteurs actuels. Qu'importe, Umwelt a traversé tant d'époques qu'il se moque bien de l'actualité. Depuis plus de vingt ans, il diffuse et produit exclusivement le son qui lui ressemble.Issu de la féconde scène rave lyonnaise des 90's (tout comme Nuits Sonores, Agoria, P.Moore, etc.), Umwelt ne s'est jamais laissé détourné de son chemin par les néons rutilants de la compromission. Traçant sa route sous le haut patronage de la techno de Détroit et de Drexciya, et avec ses machines ana-logues pour seuls acolytes, le Rhônalpin a pris soin de ne pas faire mourir le feu des premiers hommes. Umwelt continue en effet le travail des pionniers, à savoir produire un mode de

transport sauvage, direct, capable d'emmener l'auditeur dans les mondes souterrains aussi bien que dans l'espace infini. À l'origine de deux labels (New Flesh et Rave Or Die), trois albums et d'une vingtaine d'EPs, le producteur ne s'est jamais essoufflé et a toujours suivi sa prescription instinctive : créer encore et toujours, non par envie, mais par besoin. Umwelt est rare, sa musique est unique. • Umwelt sera le 28.03 au Monseigneur à Paris. Nouvel EP

When The Past & The Future Collapse, à paraître en mai

sur New Flesh. Écoutez le Kiblind Mix #29 par Umwelt

sur souncloud.com/kiblind

soundcloud.com/

umwelt-music ;

newfleshrecords.

bandcamp.com ;

raveordierecords.

bandcamp.com

Fig. 2 : uMwelt_

n.m. (bellus + goz). Homme à l'allure agréable. Pétard. Ex : « Franchement t'es bogoss mais je m'en fous tu vois. Qu'est-ce qui m'intéresse c'est ce qu'y a à l'intérieur, comme une espèce de beauté mais qu'est pas belle ». - Sarah, Princesse de l'Amour. Se dit aussi d'artiste intègre ou de super-héros des temps modernes.

financière et l'engouement populaire qu'ont suscité Georges Clooney, une histoire vraie et Georges Clooney 2, mi-homme michel. Le mal est réparé à temps, juste avant que Philippe Valette ne parte vivre à Miami faire des virées en hummer. - il avait déjà ses billets et avait maté sur Ebay pour se dégoter une wago. Bref, son Georges Clooney en huit feutres couleurs et en humour ravageur aura enfin le reconnaissance qu'il mérite et la monnaie va pouvoir continuer à pleuvoir à grosses gouttes. Un grand jour pour les hommes.• Georges Clooney, L'Expozance,

une exposition de Philippe Valette

à L'Attrape-Rêve, à Paris.

lattrapereve.fr ; georgesclooney.

blogspot.com

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© Y

ohan

ne L

amou

lière

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[ T H É Â T R E - C O N T E ] . « Il m'a fait entrer dans la maison du vin ; et la bannière qu'il déploie sur moi, c'est l'amour. Soutenez-moi avec des gâteaux de raisins, fortifiez-moi avec des pommes ; car je suis malade d'amour. » Cantique des Cantiques, Chapitre 2, versets 4 & 5. Hier ambassadeur des clowns à cirés jaunes en incarnant l’époustouflant Ronan Tablantec, Sébastien Barrier s’ex-

prime aujourd’hui en son nom propre. Génial anthropo-logue du quotidien depuis toujours, le voici désormais prophète du nectar des Dieux sans sul-fites. Entre carnet de voyage oral, confé-rence « gonzo » et dégustation contée et commentée, il

livre dans « Savoir enfin qui nous buvons » un vibrant et magnifique hommage à une poignée d’artisans, militants, résistants qui font du vin. Du vin naturel précisément. Fresque humaniste fleuve qui nous fait savourer sept crus du Val de Loire et nous fait découvrir, en mots, en musiques, en images et en goût, les histoires des vigneron(ne)s qui les ont mis au monde ; cette célébration du présent restitue de manière unique des parcours d’individus paysans philosophes puis des histoires d’ivresses, d’alcoolismes et de tournées générales. Comme Khayyam avant lui, Barrier nous montre la voie et nous invite à sa table pendant des heures pour nous livrer la vérité de l’écrivain persan : « Bois du vin... C'est lui la vie éternelle ». Puis comme on dit : « nul n’est censé ignorer la Loire… ». Alors vous attendez quoi ? Réservez votre table ! François Huguet• Savoir enfin qui nous buvons, de et avec S.Barrier à

Aubusson, Scène Nationale, le 20.03, à Aulnay-Sous-Bois,

Espace Jacques Prévert, les 28 & 29 au Théâtre Le Monfort,

les 21, 22 et 23.05, et au CentQuatre, les 12 & 13.06, à Paris.

104.fr

Fig. 1 : savoiR enFin qui nous Buvons

[ P R I N T ] . Les choses se passent comme ça. Quand le monde est vieux, lourd et engoncé. Quand il ne convient plus qu'à une infime par-tie de la population qui en phagocyte le débat public et la prise de décision. Quand le prin-cipe astronomique de tourner sur soi-même se transforme en principe sociétal. Alors vient le temps du changement. Les médias connaissent ainsi une vague salvatrice de créations de titres, signifiant à qui veut l'entendre que les vieux organes sont en phase de putréfaction. Parmi les nouvelles publications qui tentent tant bien que mal de décaler notre regard, de lui conférer une paire de lunettes qui lui ouvrent des perspectives autres, la revue Story Teller est un symbole réconfortant.Fondée par deux anciennes élèves du CUEJ, Esther Degbe et Fanny Bleichner, Story Teller a le bon goût de ne céder à d'autres formes de pressions que celles de leurs propres

Fig. 2 : stoRy telleR_

n.m. (conteor). Celui, celle qui écrit ou raconte des contes. Ex : « Je suis

pas mort, je te jure, je suis pas un foutu conteur » - Martin Bouygues. Se dit aussi de grands hommes de

théâtre et de revues qui ne veulent pas choisir entre réalité et fiction.

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envies. Concentrées sur la très classe ambition de raconter la société d'aujourd'hui, les deux rédactrices en chef ont ainsi décidé de ne pas s'embarrasser avec des notions aussi futiles que la réalité ou la fiction. Quoi de mieux, en effet, que d'inventer le réel pour en tirer la sève et de partir du concret pour nourrir son imaginaire ? Articles, interviews, illustrations, photographies et nouvelles s'entremêlent donc avec justesse pour conter notre temps. Après un premier essai réussi intitulé « Dur d'être mou » et narrant les atermoiements de

la fameuse génération Y, Story Teller continuera sa route pour la fin avril avec un nouveau thème et de nouvelles vérités. On attend avec impatience le prochain passage du raconteur d'histoires.• Story Teller #2 prévu pour la fin avril.

revuestoryteller.com

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[ P L U R I D I S C I P L I N A I R E ] . Le 6b est cette fabrique à rêves qui, un beau jour d'avril 2010, eut la belle idée de s'installer dans les bâtiments Alstom de Saint-Denis. S'y éman-cipent depuis artistes et publics, venus appré-cier ici un espace des possibles peu commun en région parisienne. Le lieu de résidence et de diffusion semble être en effet un havre de paix pour qui entreprend de créer et/ou d'appré-cier la création contemporaine. À l'occasion de ses 5 ans, le 6b entend une nouvelle fois prouver que la culture est une question de liberté fortement dosée. Il ne faudra pas moins d'un week-end pour en faire la démonstration. Deux jours pour que le doute ne subsiste plus et qu'hommage soit rendu à l'un des garants de l'expression artistique francilienne. Et comme toute bonne explication, l'anniversaire du 6b commence par poser les bases et présenter ses différentes facettes au cours de

conférences, tables rondes et portes ouvertes sur les ateliers d'artistes. En outre, elle laisse une large place à ses locataires en montant la collective Exposition en Mutation, com-missionnée par Émilie Schalck, en forme d'élucubrations autour du mouvement per-pétuel institué par la structure dyonisienne. Enfin, car il s'agit bien là d'un anniversaire, le soir prendra la fulgurante teinte de la fête avec une programmation musicale pleine de petits oignons. Du jazz-rock de Chromb! à la house de Manoo, en passant par l'inspira-tion abyssine d'Arat Kilo et celles, mondiales, de Débruit, le 6b signera à l'encre rouge le contrat tacite passé avec son public : celui

l'engageant à la représentation des diverses formes de la culture d'aujourd'hui. Une promesse largement remplie.• Les 5 ans du 6b, les 27 et 28.03 au 6b à Saint-Denis.

www.le6b.fr

Fig. 1 : les 5 ans du 6B_

[ A R T C O N T E M P O R A I N ] . Le genre a sans nul doute été une des notions de l'année 2014. Un terme autour duquel tout et n'importe quoi a été énoncé. À cette traditionnelle guéguerre, le n'importe quoi l'a d'ailleurs emporté haut la main. Une ignorance crasse a permis à la peur, la haine et le mépris de régner tranquillement sur une discussion parmi les plus importantes qui soient, parce qu'elle touche à l'intime, à l'identité, au je. Soit. Le soufflé étant quelque peu retombé, il était temps de le remettre à cuire. Bouillants, le festival d'art numérique citoyen s'en charge et propose à la Bretagne de revoir le concept de genre à l'aune de la liberté artistique.À la différence du sexe, le genre délaisse les différences bio-logiques pour identifier les différences sociales et culturelles entre masculin et féminin. Un terrain de jeux infini pour les artistes qui se jouent allègrement des normes imposées par la collectivité. Le festival breton présente une grosse douzaines d'œuvres contemporaines mettant sur la table les inepties

collectives et les blocages personnels. Ainsi, la frappante Machine to be another de BeAnotherLab sera-t-elle présen-tée, elle qui permet l'échange des corps et le mélange des identités. Autre création mettant en lumière l'étrange posi-tion de l'autre, Jailbreak the Patriarchy de Danielle Sucher se penche sur les textes de notre littérature et en inverse le genre pour dénoncer la coupable hiérarchisation des sexes dont elle est la trace ineffaçable. Mais les questions de genre ne datant certainement pas d'hier, les éclairages de la perfor-mance radicale de Carolee Schneeman, Interior Scroll (1975), et de sa relecture par Stefanie Wultz, seront inspirants pour le combat actuel. Ces quelques exemples ne sont que la face émergée d'un iceberg fort de sens sur lequel, on l'espère, le Titanic de la stupidité viendra se cartonner. • Bouillants #7, du 4 au 31.05 à Vern-sur-Seiche, Rennes

et dans toute l'Ille-et-Vilaine.

bouillants.fr

Fig. 2 : Bouillants #7_

v. (deliberare). Ben, c'est quand la Reine des Neiges elle a une trop belle coupe de cheveux et qu'elle construit un château de glace dans la montagne parce que plus personne ne l'aime à cause qu'elle rend tout en glace et que tout le monde croit que c'est un monstre alors que non. Ex : « Libérée, délivrée » - Elsa, Reine des Neiges. Se dit aussi de lieu ou de festival qui libèrent la créativité.

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[ S P E C T A C L E S V I V A N T S ] . Bobby Krlic a fait récemment par-ler de lui en produisant trois morceaux pour le dernier album de l’islandaise Björk : Vulnicura. Une très bonne occasion de jeter un peu de lumière sur l’univers de The Haxan Cloak : poète du sombre et peintre sonore de la noirceur.Dès ses débuts en 2010 (Observatory) et 2011 (The Haxan Cloak) sur le label Aurora Borealis (Jesu, Burial Hex, Moss...) The Haxan Cloak ouvre les portes d’un univers particuliè-rement sépulcral, qui résonne comme un écho électronique aux mouvements Noise, Doom ou Stoner. Ses compositions sonores exigeantes fascinent un large nombre de journalistes et se trouvent exposées à un public anglais habituellement peu gourmand du genre. Ce même public - aiguillé par les bons leaders d’opinion - s’appropriera contre toute attente la musique de Krlic très rapidement.Le succès que rencontre alors The Haxan Cloak est à mettre en corrélation avec celui de Burial, toutes proportions gar-dées : les deux sont anglais, issus de mouvements en déclin

artistique assez prononcé, et partagent un goût immodéré pour l’usure sonore et la dystopie.Mais l’épiphanie interviendra en 2013, sur Tri Angle (Holy Other, Balam Acab, oOoOO, Clams Casino, AlunaGeorge…). L’album « Excavation » est un parchemin maudit de bout en bout, dont aucun espoir, aucun jour ne saurait percer la lourde chape. Pensez-le comme une version musicale des Chants de Maldoror. Pourtant, l’émotion y est réelle, et ce disque semble plutôt décrire superbement dans la compassion que détruire dans la rage et l’angoisse.Le dernier haut fait discographique de Bobby Krlic - avant la sortie du dernier Björk - était un remix de « HTH020 » du duo Akkord (aka Synkro & Indigo) pour Houndstooth. Et ce morceau est sans doute l’un des plus beaux, vrais et pertinents de 2014. • HTH020 - The Haxan Cloak’s Cloud Of Witness ; on Akkord -

HTH030 (12’’) le tout sur Houndstooth.

facebook.com/pages/The-Haxan-Cloak ; tri-anglerecords.com

Pierre Seraf in i

Fig. 1 : the haxan cloak_

[ É C R A N ] . Après New York Minute et Lookin4Galt, Gasface rempile pour une nouvelle série documentaire à s’en dam-ner. Au coup de sifflet, destination les bas-fonds de NYC dans un train d’enfer.« Au milieu du chemin de notre vie, je me retrouvai par une forêt obscure, car la voie droite était perdue ». Comme le narrateur de L'Enfer de Dante, tous les passagers du Hell Train se sont égarés en route. Erreur d’aiguillage, sans doute. Braqueurs, dea-leurs ou cogneurs patentés, ils sautent de rames en drames et ne se soucient même plus de la corres-pondance qu’ils ont manquée pour en arriver là. Marmot, Bodega Bamz songeait à rentrer dans les ordres. Devenu adulte et accessoirement gangsta rappeur, la violence est la seule chose qu’il prêche. La mauvaise voie, Azie Faison la connaît par cœur pour l’avoir empruntée plus souvent qu’à

son tour : ce mec palpait 100 000 dollars semaine en fourguant de la dope jusqu’à ce que neuf projectiles lui trouent la peau et l’amènent à réajuster son plan de car-rière. Bamz et Faison comptent parmi les âmes tourmentées qui déambulent dans la ligne L du métro new-yorkais en quête du purgatoire. Avec eux, Nicolas Venancio et Mathieu Rochet arpentent les galeries véreuses qui rongent Big Apple. Vous vou-lez être du voyage ? Les deux Lyonnais se fendent d’un ticket en première classe pour

la fournaise, un aller-simple en sept épisodes brûlants et une arrivée prévue au printemps. Tout le monde en voiture ! Simon Boi leau• Hell Train, documentaire de Mathieu Rochet et Nicolas

Venancio (Gasface), disponible ce printemps sur Arte TV.

arte.tv/helltrain

Fig. 2 : hell tRain_

n.f. (locus + motivus). Machine actionnée par la vapeur, l'électricité ou l'essence, qui

sert à la traction de voitures. Ex : « Bon, toi tu te mets devant tu fais la locomotive,

Dominique tu fais le bar-restaurant et je m'occupe des wagons-lits » - Dodo La

Saumure. Se dit aussi de documentaires exemplaires et d'artistes avant-gardistes.

CDI

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[ M U S I Q U E ] . Ceux qui savent le savent, Norman n’est pas qu’un jeune adulescent, qui réalise des vidéos comico-tra-giques pour autres jeunes adulescents. Ceux qui savent, d’ail-leurs, vous passerez un savon pour l’amalgame. Ça ne les fait pas marrer ce genre de gag, oh non. Norman, pour eux, c’est ce mélange quintessencié d’ultra-fine techno, d’ambient méditative et d’un zeste d’house, sentimentale. Norman, pour eux, c’est le titre d’un des maxis qu’ils ont préférés l’année passée. Ceux qui savent sont environ trois cents et possèdent tous ce disque, qu’ils ont pris soin de bien ranger, en haut à droite de leur kallax à quatre étages. Comme ils l’écoutent et le réécoutent, chaque semaine, comme ils le jouent et le re-jouent, tous les week-end, il n’aimeraient pas perdre trop de temps à s’en ressaisir. Ceux qui savent sont déjà au courant, certes, mais ceux qui l’ignorent conservent encore le droit

d’être mis au parfum : Mathieu Matsa, l’homme qui - sous 1977 - se cachent derrière ce savoir-faire, sort son nouvel opus. Seconde référence du label que Syncrophone lui dédit jusqu’ici, Textures ne devrait pas décevoir son audience éru-dite. Ce qui se savourait déjà sur son premier essai, s’avère ici d’autant plus délicieux. Le Parisien creuse, plus profond encore, mais ne s’enterre pas. De l’enfer du bitume, il remonte à la surface un précieux trésor que bien des pirates naviguant sur d’obscurs forums russes s’empresseront de lui subtiliser. Mais, puisque savoir c’est aussi pouvoir, les initiés ne manque-ront pas de s’en donner les moyens, en courant - les yeux fermés mais les oreilles ouvertes - jusqu’au disquaire le plus proche.Simon Chambon-Andreani • 1977 – Textures, sortie prévue fin mars chez For Those Who Know.

soundcloud.com/1977monsieur

Fig. 1 : 1977_

[ B A N D E S D E S S I N É E S ] . Ce bon vieux 9e art. Une paie qu'on ne l'avait vu la mine aussi réjouie. À croire que la cure de jeunots sans peur ni reproche a porté ses fruits. Ou serait-ce le retour en fanfare des anciens qui lui donne cette sagesse retrouvée ? Toujours est-il qu'il donne l'impression de nager dans un bonheur qui ressemble fort à un bon bain au lait d'ânesse. Cette vitalité d'éphèbe, la bande dessinée s'apprête à la présenter de nouveau au monde lors des Rencontres du 9e Art d'Aix-en-Provence. La démonstration s'annonce plutôt cor-sée avec deux mois d'expositions et un week-end de rencontres et de baroud. Du côté des expositions c'est le choix et son traditionnel embarras. Comment faire, en effet, pour flâner judicieuse-ment parmi la douzaine de proposi-tions bucco-rhodaniennes ? Entre la rétrospective Gus Bofa, l'héroïsme de Simon Roussin, l'âme maritime de

Donatien Mary, l'absurdité de Joan Cornellà, la légende de Fluide Glacial, la beauté de Steve Michiels ou le quasi-graphisme d'Henning Wagenbreth, la palette est large et le bon goût, à son paroxysme. La réponse à l'hésitation se fait jour : il faut tout aller voir. Et pourquoi ne pas pousser le vice jusqu'à faire cette balade durant le Week-end BD, durant lequel les artistes (pas Gus Bofa, bien entendu, les vivants seule-ment) seront dans le coin et quelques uns de leurs collègues les auront rejoint. Nine Antico, Brecht Evens, Marion Fayolle, Herr Seele et autres Brecht Vanbenbroucke se rajoutent en effet à la liste des participants pour des rencontres, tables rondes et tout le joli tremblement. Oui, oui, c'est vrai, le 9e art pète le feu.• Les Rencontres du 9e Art, du 23.03 au

23.05 ; Week-End BD les 10, 11

& 12.04. Le tout à Aix-en-Provence.

www.bd-aix.com

Fig. 2 : RencontRes du 9e aRt_

n.f. (pertusum). Ouverture pratiquée soit pour faire un chemin, soit pour se procurer un point de vue. Ex : « Je comprends pas, on avait fait une belle percée à un moment, non ? » Silky Shaï, de Tragédie. Se dit aussi de festivals ou d'artiste qui savent creuser pour voir plus loin.

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[MUSIQUE]. À l'aube d'une ère où le chaland se retrouve démuni face à l'offre musicale orgiaque, il est bon de se trouver quelques points de repère. Bienheureusement, un phare existe vers lequel l'amateur peut se tourner en cas de désarroi. Cette lumière qui brille dans la nuit, c'est le Sonic Protest, accroché à son rocher de la connaissance depuis bientôt une douzaine d'années. Si,

comme aujourd'hui, la houle est forte et le vent violent, ses bras chauds font d'autant plus de bien au corps et à l'âme.Comme tous les ans, revoici donc le festival sans père et sans reproche. Loin de se fier aux dernières couvertures de magazines bien connus, les organisateurs Franq de Quengo et Arnaud Rivière vont chercher au fond de leurs tripes de quoi satisfaire les fanatiques de musique. Les vertus du Sonic Protest sont multiples, mais le goût de la recherche et du mélange sont sans doute celles qui font de la manifestation parisienne l'instant privilégié de bon nombre de connaisseurs. La formule magique de cette édition 2015 fait allégrement office, à ce titre, de profession de foi. Tout en haut de l'affiche, nous découvrons ce qui fera l'évènement clinquant de cette

année, à savoir le ciné-concert autour du film We Have an Anchor de Jem Cohen. Pour en détourner la bande originale, le casting est un tout petit peu impressionnant : Guy Picciotto (Fugazi), Jim White (Dirty Three), Efrim Manuel Menuck et Sophie Trudeau (Godspeed) et Jessica Moss (Thee Silver Mt. Zion) entre autres. Mais au-delà de ce feu d'artifice originel, le festival maintient le niveau dix jours durant. À cet effet, les programmateurs ont enchaîné les raretés et les coups d'un soir, en invitant par exemple Mondkopf et Charlemagne Palestine à échanger pour la deuxième fois, le tout nouveau projet Motus (Emmanuelle Parrenin et Pierre Bastien) ou encore l'alliance magique de Caspar Brötzmann et FM Einheit. FM Einheit, un vétéran qui en appelle d'autres puisque nous retrouverons également les pionniers de la techno industrielle Esplendor Geometrico, le mythique groupe de no wave Dial, ou encore No Balls, l'échappée noise de deux membres de Brainbombs. Autour de cela flâneront les iconoclastes mais précieux Richard Dawson, Islam Chipsy, C_C et Phil Minton avec sa chorale ouverte à tous. Comme à son habitude, le Sonic Protest indi-quera le chemin et le bon. • Sonic Protest, du 2 au 17.04 à Paris.

www.sonicprotest.com

Fig. 1 : sonic PRotest_

n.f. (quaesita). Action par laquelle on cherche. Ex : « Tiens c'est marrant, si on dit deux fois quête très vite, on dirait... » - Jean-Marie Bigard. Se dit aussi de festivals

et de labels qui cherchent et chercheront toujours le graal musical.

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[ M U S I Q U E ] . Bien souvent, devant un terme relevant de la torture la plus crasse, l'homme sain a tendance à reculer. Point de lâcheté ici, mais plutôt une sorte d'instinct de conser-vation qui lui évite de s'acoquiner avec un outil permettant aux membres de se détacher. Pourtant, il arrive que la tor-ture, utilisée à bon escient, puisse apporter au monde des instants d'excitation intense. Ainsi en est-il du tripalium qui aujourd'hui ne sert plus la cause des tortionnaires romains mais bien plutôt celle de ceux qui en veulent démembrer la musique de notre temps. Le crew et label qui lui emprunte son nom n'arrache que pour découvrir, ne perce que pour scruter, ne broie que pour le plaisir. Bien échaudés par les soirées Mutant Area et la sélection mensuelle du même nom (sur SeeSickSound), les petits amis de Tripalium ont commencé à se dire qu'eux aussi mettraient bien un coup de lance dans l'aine du paysage sonore. Alors, un beau jour de l'an de grâce 2014 (vers la fin plutôt) les voilà

qui sortent leur premier maxi, Tesla du beau Paulie Jan, pour la section Digital Mutant Series. Un premier EP qui pose les bases de ce que sera cette filiale, à savoir un vaisseau explora-toire embarquant l'auditeur pour des terres où danse et raison sont unes et indivisibles. IDM, Techno, Industriel, le spectre est large mais l'objectif est précis : aller là où les autres ne vont pas tellement. Le manifeste arrivera quelques semaines plus tard, sous la forme d'une compilation orgiaque (avec Karen Gwyer, Asolaar, Orphan Swords, etc.) où 24 titres se tirent la bourre au combat de l'inexprimable. On attend mainte-nant, bavant, les autres déclinaisons de Tripalium dont Acid Attack, orienté rave et 90's, qui pointera sa langue courant avril. Les pinces sont forgées, les clous bien rouillés, le pieu affuté : la musique va souffrir.• DMS004 par 14anger et DMS005 – V.A. – Some Like it Raw

(avec Habyss, C_C, Terdjman, etc.), disponibles courant mars.

www.tripaliumcorp.com

Fig. 2 : tRiPaliuM RecoRds_

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[ M U S I Q U E ] . C'est un monde, tout de même. Pourquoi faut-il que Villette Sonique vienne mettre son nez dans notre printemps fulgurant ? Alors que les tubes de l'été s'enchaînent et deviennent la locomotive de nos vies retrouvées ; alors que nous délaissons la littérature érudite et échevelée pour celle, plus convenable, des stars et des princesses d'aujourd'hui ; alors, enfin, que nous nous apprêtions à asperger nos verres exotiques de cascades de citrons verts, voilà que le festival pari-sien se rappelle comme chaque année à notre intellect. Non, il ne faut pas se lais-ser aller à nos instincts les plus crasses. Oui, la scène musicale actuelle est pas-sionnante de créativité et d'inventivité. Et, oui, la programmation de la mani-festation en parc vaut une fois de plus la peine de retarder notre plongée dans la débilité estivale. 2015 fête 10 ans d'activisme villettois et ce avec l'élégance qui caractérise le festi-

val printanier. Villette Sonique rempile donc pour une année d'expériences, de découvertes et de bon goût confirmé. Au choix des artistes pour lesquels nous aurons du mal à garder nos sous-vête-ments intacts nous opterons bien évi-demment, et avant tout, pour Cabaret Voltaire. Hormis ce passage obligé, nous serons tout aussi béats devant l'immense Andy Stott, le renaissant Clark, la sidé-rale Grouper, la céleste Ela Orleans, l'historien Traxx, le foudroyant Untold et le – placer ici l'adjectif grandiloquent de votre choix – Vessel. On regardera, attendris, les nouveaux venus Shamir, Headwar ou Chocolat et surveillera, l'œil intrigué, les machinations de Peter Gordon avec les instrumentaux du grand Arthur Russel. Et après on retourne se fondre enfin dans notre crétinisme ensoleillé.• Villette Sonique, du 21 au 27.05, à Paris.

www.villettesonique.com

Fig. 3 : villette sonique 2015_

n.m. (rout). Réunion mondaine tirant généralement vers le où-va-t-on-nous. Ex : « Non mais c'est quoi qui doit tourner en fait ? C'est pas la rouetourne ? C'est le raout, c'est ça ? » - Franck Ribéry. Se dit aussi de quelques beaux événements de ce prochain trimestre.

01-La radio est une nouvelle fois à la fête avec la trop rare initiative de Radio Campus et du Théâtre de La Loge, le festival Brouillage. 2e édition avec une nouvelle fois, de l'expérimentation de tous les côtés : théâtre, musique, atelier, etc. Du 4 au 9.05, à Paris. festival-brouillage.tumblr.com

02-Le Monseigneur présente la 2e soirée Reshape avec un guest du feu de Dieu : Marcelus Pittman, accompagné de Superlate et d'Unknown. Reshape #2, le 5.04 au Monseigneur à Paris. moneigneurparis.com

03-Cracki Records fait comme chez lui au Point Éphémère le 28.03, et invite ses potes Ménage à Trois et Babe. Le 28.03 au Point Éphémère, à Paris. pointephemere.org

04-Les grands du stoner, Floor, sont de passage à Paris, à l'Espace B. Joie, donc et place d'ores et déjà dans la poche. Floor + Minsk, le 20.04 à l'Espace B, à Paris. espaceb.net

05-Le Festival de Chaumont se tiendra comme à l'accoutumée dans la préfecture de Haute-Marne. Festival International de L'Affiche et du Graphisme de Chaumont, du 23.05 au 14.06. cig-chaumont.com

06-Le Mapping Festival de Genève, haut lieu d'expériences numériques visuelles et sonores – et le plus souvent les deux en même temps – arrive à toute berzingue. Du 7 au 17.05 à Genève. mappingfestival.com

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[ A R T S V I S U E L S ] . Comme à son habitude, au tournant du printemps et de l'été, la ville du Havre se pare de ses plus beaux atours. Bien sûr, la saison fait qu'un soleil radieux rend à l'église Saint-Joseph toute sa monumentalité et donne aux plages la douce odeur de la pierre brûlante. Toutefois, il ne s'agit pas de tourisme ou de climatologie. Nous parlons de ces magiciens qui rendent la vie plus admirable, de ceux qui redonnent du sens à la communication, de ceux qui habillent et maquillent notre quotidien : les graphistes et artistes visuels.

Car, pour la 7e fois, le festival Une Saison Graphique revient enchanter la sous-préfecture de Seine-Maritime.Évidemment, les mots pompeux précédents ne sont pas là pour la gaudriole. Car quand Une Saison Graphique se penche sur l'objet de ses attentions, c'est toujours avec goût et minutie. La pérégrination proposée par la belle haute-nor-mande en 2015 ne déroge pas à la règle et allie sans vergogne graphistes et dessinateurs, expositions et conférences, émer-gence et expérience. Au menu de ce noël en mai nous nous réjouirons donc de voir (ou revoir) les talents de Frédéric Tacer, Sarah Boris, Collectif Super Terrain, Antoine+Manuel, Gavillet & Rust, Michael Riedel et nos illustrateurs chou-chous Agathe Demois et Vincent Godeau. Tout cela entouré judicieusement par la traditionnelle Kermesse Graphique, l'installation numérique de Maotik et autre conférence de Fanette Mellier et Laure Limongi. Le charme sans fard de la ville du Havre se révèle dans toute sa puissance. • Une Saison Graphique, du 18.05 au 27.06 au Havre.

www.unesaisongraphique.fr

Fig. 1 : une saison gRaPhique 15_

dét. + n.f. + adj. (unus + sationem + γράφειν). Festival de graphisme que le monde envie

au Havre. Ex : « L'année dernière j'étais à Une Saison Graphique et j'avais raison »

- Felix Pfäffli, couverture Kiblind 48. Se dit aussi d'une réunion d'exposition

accrochant le regard et l'intellect.

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[ A R T S V I S U E L S ] . La séduction est un des plus impénétrables mystères qui soit. Certains parviennent en un rien de temps à embraser un continent quand d'autres peinent des mois durant à faire jaillir une simple étincelle. Marie-Laure Cruschi semble appartenir à la première catégorie, elle qui, à la seconde même où l'on pose les yeux sur son travail, nous charme comme la plus fascinante des personnes. La tenancière du studio Cruschiform s'en va à nouveau tester les lois de l'attraction à l'occasion de son exposition au ArtStore Sergeant Paper, à Paris, à partir du 8.04. Marie-Laure Cruschi possède donc cette incroyable qualité de pouvoir faire se pâmer les plus raisonnables esthètes, les plus incorruptibles amateurs. Ses formes géométriques,

modulables et son travail des cou-leurs a ainsi amené à elle quelques fins connaisseurs dont la légitimité n'est plus à faire : The Parisianer, Georges Magazine, Trois Couleurs, Wired, Esquire, Usbek & Rica ou encore The Good Life. Dernier exemple de sa popu-larité méritée chez les gens de goût, ses illustrations pour Cabins de Philip Jodidio aux éditions Taschen. Un der-nier travail colossal (60 illustrations) sur les cabanes des temps modernes qui lui vaut ainsi de faire un tour prolongé dans l'ArtStore le plus chic de Paris.

Un cœur d'artichaut, comme nous tous.• Exposition Cruschiform, du 8 au 25.04

chez Sergeant Paper, à Paris.

cruschiform.com ; sergeantpaper.com

Fig. 1 : cRuschiFoRM @ seRgeant PaPeR_

[ P H O T O G R A P H I E ] . L'espace B ne fait pas qu'accueillir des musiciens clas-sieux et un public racé, il déverse aussi une tonne d'amour. Et dans le mot amour, il y a exposition. Comme dans toutes ses actions, la salle parisienne met de la rigueur dans le choix des artistes qu'elle présente. Un nouvel indice de sa méticulosité avec la pho-tographe Élodie Daguin, qui viendra habiller les murs du 16 rue Barbanègre à partir du 2 avril prochain. Celle que l'on connait surtout pour ses travaux de presse sait également s'échapper des contraintes séculaires pour toucher du doigt l'éternel artis-tique. Si ses travaux personnels vont et viennent entre portraits, natures mortes et paysages désolés, ils pré-

sentent toujours la même recherche : cette obsession de la lumière parfaite et du contraste saisissant. Les photo-graphies d'Élodie Daguin, quel qu'en soit le sujet, dégagent ainsi une aimable atmosphère de bien-être, une crémeuse sensation de chaleur. À leur contact, nous plongeons sans frein dans un monde de beauté solennelle et de pureté silencieuse. Les quitter des yeux n'est pas, pour un moment au moins, une solution envisageable. Là est la magie d'Élodie Daguin. Là est le bon choix de l'Espace B.• Exposition d'Élodie Daguin,

du 2.04 au 5.05 à l'Espace B, à Paris.

Vernissage le 2.04 avec un concert

de Sprint Teens.

elodiedaguin.com ; espaceb.net

Fig. 2 : Élodie daguin_

n.f. (voluptas). Plaisir des sens. Plaisir de l'âme. Ex : « C'est tellement de volupté d'un coup, pour moi, de voir la vie que j'ai vécue. » - Mélanie Laurent. Se dit aussi du plaisir des yeux devant des expositions d'artistes au talent certain.

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