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Keith Haring (1958 1990), un artiste engagé 1- L’enfance de l’art Origines Parcours, formations initiales, influences déterminantes Keith Haring est né en 1958 et a grandi dans de petites villes de Pennsylvanie, à l’est des Etats-Unis. Dès l’âge de quatre ans, il dessine beaucoup, encouragé par son père. « Mon père dessinait pour moi des figurines de bande dessinées et elles ont fortement influencé mes premiers débuts il fallait cerner quelque chose avec une ligne ininterrompue, les contours simples que l’on voit dans les bandes-dessinées » a-t-il confié. Les personnages de Walt Disney et d’autres héros de dessins animés vus à la télévision éveillent l’enthousiasme de l’artiste en herbe et l’influenceront de manière durable. Issu d’une famille « modèle » de la classe moyenne, il reste d’abord, dans sa ville de province, relativement isolé de la révolution culturelle américaine ; seules les visites rendues à sa grand-mère chez qui il lit Look et Life lui permettent de s’ouvrir sur le monde et l’informeront plus tard de la situation politique de son époque. Mais la télévision reste le médium essentiel : elle va devenir le relais incontournable d’évènements qui vont résonner en lui, que ce soit la guerre du Viêt-Nam ou l’arrivée du premier homme sur la lune. Keith Haring confiera plus tard qu’une exposition au Hirschhorn Museum de Washington DC s’est avérée déterminante pour sa carrière artistique : il y découvre des travaux d’Andy Warhol pour la première fois, une série de Marylin. Cette expérience le conforte dans sa vocation et après avoir passé ses examens de fin d’étude en 1976, il s’inscrit à la Ivy School of Professional art de Pittsburg. Il y suit des cours de dessin publicitaire sur le conseil de ses parents mais remarque vite qu’il ne veut pas travailler dans ce domaine et interrompt ses études au bout d’un an. Bien qu’il ne soit plus inscrit à l’université, il continue de profiter de son infrastructure en participant à des séminaires, en exploitant la bibliothèque. Il s’intéresse notamment à Jean Dubuffet, Paul Klee, Stuart Davis, Jackson Pollock… Il sortira émerveillée d’une rétrospective consacrée à Pierre Alechinsky en 1977 au Museum of Art de Pittsburgh. Celle-ci influencera son cheminement de manière durable. Untitled, 1978. Encre de Chine sur papier, 291 x 271 cm. New York, The Keith Haring Foundation

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Page 1: Keith Haring - ac-rouen.frlecanuet-col.spip.ac-rouen.fr/IMG/pdf/keith_haring.pdfKeith Haring (1958 – 1990), un artiste engagé 1- L’enfance de l’art Origines Parcours, formations

Keith Haring (1958 – 1990), un artiste engagé

1- L’enfance de l’art Origines

Parcours, formations initiales, influences déterminantes

Keith Haring est né en 1958 et a grandi dans de petites villes de Pennsylvanie, à l’est

des Etats-Unis. Dès l’âge de quatre ans, il dessine beaucoup, encouragé par son père.

« Mon père dessinait pour moi des figurines de bande dessinées et elles ont fortement

influencé mes premiers débuts – il fallait cerner quelque chose avec une ligne

ininterrompue, les contours simples que l’on voit dans les bandes-dessinées » a-t-il

confié. Les personnages de Walt Disney et d’autres héros de dessins animés vus à la

télévision éveillent l’enthousiasme de l’artiste en herbe et l’influenceront de manière

durable. Issu d’une famille « modèle » de la classe moyenne, il reste d’abord, dans sa

ville de province, relativement isolé de la révolution culturelle américaine ; seules

les visites rendues à sa grand-mère chez qui il lit Look et Life lui permettent de s’ouvrir

sur le monde et l’informeront plus tard de la situation politique de son époque. Mais la

télévision reste le médium essentiel : elle va devenir le relais incontournable

d’évènements qui vont résonner en lui, que ce soit la guerre du Viêt-Nam ou l’arrivée du

premier homme sur la lune.

Keith Haring confiera plus tard qu’une exposition au Hirschhorn Museum de

Washington DC s’est avérée déterminante pour sa carrière artistique : il y

découvre des travaux d’Andy Warhol pour la première fois, une série de

Marylin. Cette expérience le conforte dans sa vocation et après avoir passé ses

examens de fin d’étude en 1976, il s’inscrit à la Ivy School of Professional art de

Pittsburg. Il y suit des cours de dessin publicitaire sur le conseil de ses parents

mais remarque vite qu’il ne veut pas travailler dans ce domaine et interrompt

ses études au bout d’un an. Bien qu’il ne soit plus inscrit à l’université, il

continue de profiter de son infrastructure en participant à des séminaires, en

exploitant la bibliothèque. Il s’intéresse notamment à Jean Dubuffet, Paul

Klee, Stuart Davis, Jackson Pollock… Il sortira émerveillée d’une

rétrospective consacrée à Pierre Alechinsky en 1977 au Museum of Art de

Pittsburgh. Celle-ci influencera son cheminement de manière durable.

Untitled, 1978. Encre de Chine sur papier, 291 x 271 cm. New York, The Keith Haring Foundation

Page 2: Keith Haring - ac-rouen.frlecanuet-col.spip.ac-rouen.fr/IMG/pdf/keith_haring.pdfKeith Haring (1958 – 1990), un artiste engagé 1- L’enfance de l’art Origines Parcours, formations

2- Pop art, street art, bad painting, etc. Une esthétique “pop” ?

Graphisme

Le graphisme de Keith Haring repose sur une évidente recherche de simplicité : les formes sont réduites à l’essentiel, les

détails des figures ne sont pas représentés, les personnages sont à l’inverse stylisés et sans relief. En effet, Keith Haring

ne cherche pas à donner du réalisme à ses personnages en créant des jeux ombres, ou tout autre effet de modelé qui

donnerait l’illusion d’un volume : ils sont totalement plats ! Le style de Keith Haring renvoie aux codes de la bande-dessinée

ainsi qu’à l’univers du dessin animé si cher à l’artiste. En observant ces bonshommes schématiques, sans visage, dénués de

toute singularité et sans identité définie, on pense en outre aux pictogrammes qui envahissent l’espace urbain, dans lequel

évolue Keith Haring.

Untitled, 1978. Encre Sumi sur papier, 51 x 66 cm. New York, Keith Haring

Foundation.

Keith Haring quitte ensuite Pittsburgh pour New York, et

s’inscrit à School of Visual Art (SVA), où il suit des cours de

dessin, peinture, sculpture, sémiologie et histoire de l’art. C’est

à ce moment là qu’il fait des rencontres décisives et prend

conscience que son énergie débordante et son enthousiasme

pour la création artistique sont partagés par d’autres étudiants

dont Kenny Scharf, avec qui il se lie d’amitié. Il fait également

la connaissance de Jean-Michel Basquiat, dont il a remarqué

la « griffe » dans les lieux publics.

Keith Haring, en collaboration avec LA II, Untitled, 1982. Acrylique et encre sur carton, 29,8 x 59,4 cm.

On voit ci-dessus l’une des premières œuvres de Keith Haring, résolument abstraite, dont les influences sont multiples : on peut y

déceler une référence à la calligraphie extrême-orientale, mais aussi à la peinture moderne et plus particulièrement à Jackson Pollock.

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Le vocabulaire formel de Keith est volontairement réduit : les même figures ou personnages réapparaissent sur différents

supports, dans des proportions et des couleurs variées. Reviennent ainsi de façon récurrente le bébé rayonnant (radiant

baby), le chien géométrisé, et bien évidemment les innombrables bonshommes dont les postures se déclinent au gré des

œuvres dans des situations plus ou moins absurdes. Le personnage de Mickey Mouse apparaît en outre tel un leitmotiv,

symbole incontournable de l’hégémonie américaine, dont la puissance se manifeste notamment à travers la diffusion d’une

culture de masse, standardisée, à l’heure de la mondialisation.

Espace, composition

Concernant le traitement de l’espace, on n’a là encore aucunement le souci d’une retranscription réaliste. La perspective

ou tout autre effet de profondeur sont absents de l’ensemble de l’œuvre de Keith Haring : l’échelle des plans traditionnelle

est donc mise de côté au profit d’un « univers plat » – on a alors parlé de Flatland – où se juxtaposent les figures en deux

dimensions. C’est ainsi l’affirmation d’une bidimensionnalité inhérente à l’art pictural : une feuille de dessin, une toile ou une

bâche sont des supports plats, alors pourquoi, finalement, chercher à donner l’illusion d’une profondeur artificielle? On a ainsi

certaines compositions traitées en « all over », qui n’ont ni sens de lecture, ni début, ni fin, qui se prolongent indéfiniment

au-delà des limites du support à la manière d’une toile de Jackson Pollock.

Couleur

Dans le choix et l’association des couleurs, Keith Haring va faire preuve d’une grande spontanéité, optant, la plupart du temps,

pour une palette vive et contrastée, juxtaposant parfois de nombreuses couleurs opposées sur un seul et même support

(on observe par exemple cela dans la grande toile-hommage Michael Stewart – USA for Africa de 1985). A l’inverse, on

observe chez lui une autre tendance qui consiste à réduire au maximum l’usage de la couleur, voire à la supprimer : on trouve

en effet de nombreuses compositions fondées sur la simple opposition noir/blanc.

Un art commercial ?

Réagissant à une demande de plus en plus importante, et fort de son succès, Keith Haring déclare que son œuvre est un

produit destiné aux masses (et non à l’élite), et que sa commercialisation va dans le sens d’un rapprochement avec un

public élargi. Son iconographie fait rapidement son entrée dans la vie quotidienne des new-yorkais, et progressivement elle

devient connue dans le monde entier. Début 1983, on voit apparaître les premières copies sous forme de t-shirt et de posters.

Keith Haring va au bout de cette logique commerciale en ouvrant en 1986, à Soho, (Manhattan), son premier Pop Shop où se

vendent ses produits et ceux de quelques-uns de ses amis artistes. Le nom de Keith Haring © devient dès lors un label

autonome. Cet aspect mercantile vaudra certaines critiques à Keith Haring, qui se sentira incompris. Car son but n’est pas de

s’enrichir avec son art, mais plutôt de faire disparaître les barrières entre le monde de l’art et le quotidien des gens, quelque

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soit leur origine ou leur statut. Les produits sont en effet commercialisés à bas prix, et l’expression consacrée de « pop art »

(art populaire) prend ici tout son sens !

«The public needs art, and it is the responsibility of a “self-proclaimed artist” to realize the public needs art, and not to make

bourgeois art for a few and ignore the masses…» notel’artiste dans son journal dès le 4 octobre 1978.

Le Pop Shop situé au 292 rue Lafayette à New York a fermé

ses portes en 2005. Les nombreux produits dérivés restent

cependant commercialisés sur Internet, dans les boutiques

des musées, etc. Il existe aussi de nombreuses

contrefaçons !...

Keith Haring revendique la filiation avec Andy Warhol pour

qui la commercialisation et la célébrité est le corollaire

assumé de toute démarche artistique. Les liens avec

l’esthétique publicitaire et plus largement la société

de consommation constitue le fondement incontournable

du Pop art.

Kenny Scharf, Andy Warhol et Keith Haring à New York

le 16 juin 1986.

L’amitié entre Keith Haring et Andy Warhol est réelle,

marquée par une estime mutuelle et des échanges

artistiques allant de visites d’ateliers réciproques à des

projets réalisés en commun. Keith Haring, encore jeune,

bénéficie des expériences et des relations de Warhol.

En retour, Haring le met au contact de jeunes artistes

issus de la scène alternative. Keith Haring rend

hommage à Andy Warhol dans plusieurs de ses œuvres

en créant le personnage d’Andy Mouse : en l’associant

ainsi au personnage de Walt Disney, il en fait une icône

auréolée du même succès.

Andy Mouse – New Coke, 1985, acrylique sur toile, 303,5 x 296,5cm.

Untitled, 1985, acrylique et huile sur toile, 304,8 x 365,8 cm.

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La rue et le subway comme terrain d’expérimentation

Les débuts dans le métro

Si les études ont pu apporter des connaissances déterminantes à Keith Haring, le plus important fut pour lui l’école de la rue !

Keith Haring a une prédilection pour les supports dits « pauvres » et choisit d’abord le papier pour laisser s’exprimer sa

créativité et son irrépressible besoin de dessiner. Jeune étudiant new-yorkais, il affectionne particulièrement les espaces

publicitaires du métro et plus largement les murs de la ville, qu’il arpente avec sa bande de copains tagueurs, en toute

illégalité. Le bad painting, style d’apparence volontairement bâclée, est apparu dès la fin des années 1970 et souvent associé

aux noms de Keith Haring et Jean-Michel Basquiat. Tous deux issus de la même génération, ils font partie de cette avant-

garde qui a œuvré pour la reconnaissance du street art. Les subway drawings, éphémères, fragiles, sont effectués à la

craie blanche sur fond noir, ils ponctuent le parcours des voyageurs au début des années 1980, rompant avec l’esthétique

saturée des affiches publicitaires.

Peintures murales

Keith Haring dessinant dans le métro de New-York au début des années 1980.

Peinture murale, New York, Houston Street, 1982.

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De 1961 à 1989, un mur long de 155 kilomètres scinde la ville de Berlin. En 1986 Keith Haring est invité par le musée du

Checkpoint Charlie (situé juste au pied du mur) à réaliser une peinture murale, censée égayer le triste obstacle. L’artiste

commence par recouvrir le mur d’une couche de peinture jaune, puis il figure, sans dessin préalable, une frise de personnages

géants , rouges et noirs, qui se déploient horizontalement, s’adaptant aux dimensions du support. (Le choix des couleurs

renvoie au drapeau allemand). Ici chaque homme est le prolongement d’un autre comme pour évoquer le lien qui les unit…

malgré ce mur qui veut les séparer. Cette chaine humaine, monumentale, devient alors un symbole d’union, de fraternité

et d’espoir. Aujourd’hui, ces hommes peints ont disparu, détruits avec le mur, mais les photographies qui en gardent la trace

sont le témoignage de la force de l’engagement de Keith Haring, de son caractère universel.

Investir l’espace public, c’est être au contact des gens : lorsqu’il peint en plein air, une interaction se crée avec

l’environnement et ceux qui le peuplent. Cette dimension est essentielle pour comprendre l’art de Keith Haring, qui se veut

accessible au plus grand nombre.

« Crack is wack », (« Le crack, c’est nul »), peinture murale, New York, 128e rue et 2

e

Avenue, 1986.

Hôpital Necker, escalier de secours de la

clinique de chirurgie infantile, Paris, 1987.

En 1986, Keith Haring réalise une peinture murale de plus de 300 mètres de long sur le mur de Berlin-Ouest

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3- Art engagé, art enragé Attention au nucléaire !

« The medium is the message »

Affiche pour le désarmement nucléaire, 1982. Lithographie

offset, 61,3 x 45,8 cm. Tirage 20 000 exemplaires.

New York, collection Keith Haring Foudation.

Fervent écologiste, Keith Haring proteste contre les dangers

qui menacent la planète. En juin 1982, il participe à un

rassemblement antinucléaire. Il imprime 20 000 affiches

à ses propres frais et les offre à tous les participants. Le poster

est divisé en deux parties : En bas, deux personnages, armés

d’un grand bâton : leur affrontement va provoquer une

explosion nucléaire. Difficile de ne pas penser aux tensions

entre Etats-Unis et URSS pendant la guerre froide : de 1945

à 1991, crises diplomatiques et course aux armements se sont

succédé entre les deux superpuissances, faisant craindre une

guerre nucléaire au monde entier. En haut, justement, le

radiant baby est propulsé au paradis, prisonnier dans un

champignon atomique. ..

Untitled, 1982. Feutre marqueur et peinture acrylique

sur toile trouvée, 244 X 210 cm. Bryn Mawr,

Pennsylvanie, collection Suzi et Scott Lustgarten.

Si la télévision trônait dans le salon de la famille

Haring, comme dans la plupart des foyers américains,

elle finit par inquiéter Keith ! Rapidement, il comprend

que cet écran est l’outil idéal pour manipuler les gens.

Ils la regardent religieusement, facile de leur faire

croire n’importe quoi… L’artiste se méfie également

des ordinateurs, car il craint que la machine ne finisse

par nous contrôler, voire pire, nous remplacer.

Instrumentalisation via l’image ou propagande

télévisuelle, le médium façonne notre pensée, et ce

« formatage » peut s’avérer dangereux. C’est bien la

question qu’a voulu soulever le théoricien canadien

Marshall Mac Luhan dont on retient cette phrase

aujourd’hui devenue célèbre « The medium is the

message», (Pour comprendre les médias, 1964).

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Dire NON aux drogues, militer contre le sida

Dénoncer le racisme et protester contre l’apartheid

Crack Down! Affiche de 1986, 56 x 44 cm. New York, The Keith Haring

Foundation.

Dans les années 1980, une nouvelle drogue arrive à New York, le crack. Keith

Haring voit l’un de ses assistants devenir dépendant à cette substance, et

décide d’alerter la population de ce fléau. Il veut montrer que cette drogue

tue et qu’il faut refuser d’en consommer ! Keith Haring s’implique en outre

pour sensibiliser aux dangers du SIDA : avant que d’en être lui-même victime

– l’artiste décédera des suites de cette maladie en 1990, à l’âge de 31 ans –

il constate que nombre de ses amis et connaissances ont contracté le virus et

prend alors conscience du danger et de la nécessité de s’en protéger.

Pour sauver des vies, il faut interpeller un maximum de personnes, c’est

pourquoi l’affiche est un support privilégié : pouvant être tirée à de très

nombreux exemplaires, elle permet en effet une plus large diffusion

qu’une simple toile.

Michael Stewart – USA for Africa, 1985;

Collection Lindemann, Miami Beach. 305 x 458

cm.

Autre combat de l’artiste, la lutte contre le

racisme. Cette toile relate un événement qui s’est

déroulé à New York en 1983 : l’artiste graffitiste

afro-américain Michael Stewart meurt, roué de

coup par la police. EN 1985, Keith Haring qui

s’insurge dans son journal contre les policiers qui

sortent acquittés du tribunal, lui rend hommage

avec ce tableau et dénonce la violence raciale

qui existe autant à New York qu’à Johannesburg

(les deux croix rouges sur la Terre) avec

l’apartheid. L’homme noir au visage terrifié se fait

étrangler et piétiner par des hommes blancs,

menacé par une main verte, celle de la

corruption. Les gens l’entourant préfèrent

fermer les yeux ; la Mort, elle, vient le chercher (il

lui est désormais lié, menotté). C’est une des rares

œuvres où le personnage n’est pas anonyme mais

représenté avec un visage défini et expressif.

Keith Haring a également été un activiste anti-apartheid : en 1985, à

Central Park, lors d’un rassemblement dédié à cette cause, il distribue

gratuitement cette affiche afin de sensibiliser la population au sort des

noirs sud-africains. Un visuel fort qui parle de lui-même, un slogan simple

mais percutant, Keith use des codes de l’affiche publicitaire à des fins

politiques ; il veut interpeller un maximum de gens, c’est pourquoi il investit

l’espace public.

Free South Africa, 1985.

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4- Du support plat à l’œuvre en volume Peindre sur un support en trois dimensions Dans la lignée des artistes du Pop art, qui tels Andy Warhol ou Roy Lichtenstein détournent des objets du quotidien

pour les ériger au rang d’œuvre d’art, Keith Haring s’approprie ce symbole de la modernité qu’est la voiture en recouvrant

l’intégralité de la carrosserie de ses dessins, de la même manière qu’il l’aurait fait sur une bâche ou sur une toile. Le spectateur

est invité à tourner autour de l’objet devenu sculpture, et porte sur celui-ci un regard nouveau.

Réenchanter l’espace urbain Artiste populaire aimé de tous, Keith Haring a réalisé plusieurs de ces sculptures monumentales en acier peint, qui

contrastent avec la monotonie de la ville de par leur couleur et leur dynamisme.

Untitled (car), 1986, peinture à l’émail sur une Buik Special 1963, 137 x 180 x 480 cm. Untitled, (BMW peinte), 1990. Paris,

galerie Enrico Navarra.

Untitled (Dancing Dog), 1989.

Peinture polyuréthane sur acier

A-36. 411,5 x 322,6 x 31,8 cm.

Red dog for Landois, 1987. Münster, Acier peint. Untitled, 1987. Acier peint. 462,3 x

350,5 x 340,5 cm.

© Keith Haring Foundation.