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Keiji NAKAZAWA (né le 14 mars 1939 à Hiroshima, au Japon) Le Cartel Étude « Raconter la grande histoire à travers la petite, à travers le manga » » Deux planches extraites de : Gen d'Hiroshima Étude des planches 254-255 - Gen d'Hiroshima, tome 1, édition Vertige Graphic, 2003.

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Keiji NAKAZAWA (né le 14 mars 1939 à Hiroshima, au Japon)

Le CartelÉtude

« Raconter la grande histoire à travers la petite, à travers le manga » »Deux planches extraites de : Gen d'Hiroshima

Étude des planches 254-255- Gen d'Hiroshima, tome 1, édition Vertige Graphic, 2003.

Brève biographie de l'auteur

Keiji Nakazawa, (1939-), mangaka japonais.

Keiji Nakazawa est un mangaka né le 14 mars 1939 à Hiroshima (Japon).

À 6 ans lors qu'il se trouvait dans sa ville natale eu lieu le bombardement atomique (Hiroshima). Il y perd son père, sa sœur et son petit frère. En 1961, il emménage à Tokyo et devient mangaka. Il publie alors dans les célèbres magazines Shōnen Gaho, Shonen King, et Bokura. En 1966, sa mère décède. En 1968, Nakazawa reviendra sur ses souvenirs de la destruction d'Hiroshima dans Kuroi Ame ni Utarete (= Sous la pluie noire) puis dans la nouvelle version de ce manga intitulé Aru hi totsuzen (= Soudain un jour). Ce ne sera qu'en 1972 qu'il livrera aux lecteurs son expérience, avant, pendant et après la Bombe, avec Ore wa mita (Je l'ai vu), une longue série quasi-autobiographique, publiée dans l’hebdomadaire Shûkan Shônen Jump. Immédiatement après Ore wa mita, il romance ce récit dans son œuvre majeure publiée dans l'hebdomadaire Weekly Shonen Jump : Hadashi no Gen (= Gen aux pieds nus), publié en France en 10 volumes sous le titre de Gen d'Hiroshima. (tiré de Wikipedia)

Contexte (historique, social, artistique...)

Gen d'Hiroshima appartient au genre du manga. Un manga est une bande dessinée japonaise, qui se lit de droite à gauche (sens de lecture japonais). Le manga voit ses origines modernes avec le mangaka (= dessinateur et scénariste) Ozuma Tezuka, qui introduira le mouvement dans la bande dessinée japonaise par des effets graphiques comme des traits ou des onomatopées soulignant toutes les actions comportant un déplacement, mais aussi et surtout par l'alternance des plans et des cadrages comme il est en usage au cinéma,

Gen d'Hiroshima traite de l'après seconde guerre mondiale. En effet, le premier tome traite de la fin de la guerre, qui s'achève après le bombardement d'Hiroshima le 06 août 1945 puis de Nagasaki trois jours plus tard. La bombe causa 70 000 morts dus à l'explosion et à l'onde de choc, et bien plus encore dus aux radiations.

Le manga Gen d'Hiroshima est un "roman autobiographique" : le personnage de Gen est fortement inspiré de Nakazawa et de sa vie, mais il ne s'agit pas d'une pure autobiographie. Le manga connut un vif succès au Japon, puisqu'il traitait de phénomènes encore tabous au Japon (militarisme japonais, pacifisme, impérialisme américain...). Il connut également un grand succès aux États-Unis et en Europe, et connut une transposition en film d'animation en 1983 et 1986.

Références

Cadre scolaire : œuvre étudiée dans le cadre de la séquence "Autobiographie en tous genres", séance sur le mémoire et les rapports entre Histoire et histoire

personnelle, sur le thème de la seconde guerre mondiale.

"Maus", de Art Spiegelman, bande dessinée américaine sur le thème de la seconde guerre mondiale.

"Persépolis" : bande dessinée française autobiographique, sur le thème de la révolution et de la guerre en Iran.

Analyse de l’œuvre

Formes : ce livre est un manga, qui appartient au genre autobiographique (car il s'inspire de ce qu'a vu et vécu l'auteur).. Ces planches appartiennent au premier tome (dans l'édition française) du manga Gen d'Hiroshima, et traite du bombardement d'Hiroshima. La première page (celle de droite), est découpée en quatre bandes, la bombe occupant toute la première bande, tandis la case montrant l'effet de la bombe sur le héros s'étend sur deux bandes de hauteur. La deuxième planche est découpée en deux bandes, la première montrant la ville dévastée et la suivante prenant de la hauteur pour montrer d'un côté l'explosion vue de hauteur et l'avion Enola Gay. Les dessins sont en noir et blanc, comme c'est souvent le cas dans le manga.

Techniques : Il s'agit de planches de manga. Le style est classique des années 1970, plutôt figuratif, avec un souci des détails (représentation de la bombe et de l'avion). Comme il est courant dans le manga, on note un grand rôle joué par les onomatopées, ainsi qu'une impression de mouvement donnée par les tracés de grandes lignes (explosion, souffle et onde de choc).

Significations : La description du bombardement d'Hiroshima dans ce manga obéit à une mise en scène très organisée, qui utilise de manière intelligente le découpage en bandes et en cases. En effet, la bombe apparaît dans la première case, tout en haut, tombe dans la deuxième bande pour atterrir au sol où se trouvent les victimes dans la dernière case, en bas de page. Le découpage de la première planche n'est pas seulement chronologique mais aussi spatial.

La deuxième planche reprend le même procédé, mais inverse le processus : cette fois-ci, on assiste au souffle de l'explosion, introduit dans la dernière case de la planche précédente. La première case occupe la moitié de la page, et reproduit le principe de la gradation, qui montre la puissance du souffle. Suit une case qui reproduit le célèbre champignon atomique, selon une vue en plongée, plutôt inhabituelle, mais qui prend sens quand les deux cases suivantes montrent à nouveau le bombardier Enola Gay touché lui-même par l'onde de choc.

À ce souci du traitement de l'image correspond un grand souci du détail historique : la bombe que l'on voit représentée dans la première case est une reproduction fidèle de la bombe A qui fut larguée, portant le nom de Little Boy. De la même manière, les paroles prononcées par l'un des membres d'équipage du

bombardier sont authentiques (l'équipage pensa d'abord avoir été touché par les batteries ennemies, et l'un des membres décrivit à ses collègues la sensation en ces termes : "very much as if you've ever sat on an ash can and had somebody hit it with a baseball bat" ( tiré de Adrian Weale, Eye-Witness Hiroshima).

Les deux planches forment une profonde unité : unité de thème d'abord, puisqu'elle montre l'explosion de la bombe nucléaire. Cette scène est encadrée par l'avion Enola Gay, au début et à la fin. On note également beaucoup d'éléments fonctionnant par paire. Ainsi, les victimes du bombardement sont deux : le héros et une femme. Le souffle qui détruit les bâtiments occupe deux cases, l'une semblant le détail de l'autre. À l'explosion de la bombe, représentée sous la forme d'un cercle, correspond l'énorme cercle lumineux qui figure le champignon nucléaire.

Cette dualité offre plusieurs interprétations : elle peut souligner d'une part la deuxième bombe, larguée sur la ville de Nagasaki. Elle peut suggérer, d'autre part, le double effet de la bombe : le premier, la destruction de la ville, qui tua environ 70 000 personnes, et le suivant, plus terrible encore, figuré par le champignon atomique : les morts dues aux radiations.

Les commentaires eux-mêmes sont doubles : l'équipage américain offre sa vision de la bombe, la vibration semblable comparée au choc d'une batte de base-ball (on notera la référence au sport américain, comparaison qui ancre l'image dans le folklore américain), alors que Gen est marqué par la lumière ("éclair blanc très chaud : comme une explosion de milliers de flashs" : on notera que le surnom de "grande perche" semble être le surnom donné par les Japonais). Ces deux effets de la bombe sont d'ailleurs traduits par deux onomatopées différentes : "zap" pour la lumière et "vroooo" pour l'onde de choc qui souffle les bâtiments.

Usages : ici, Nakazawa cherche, à travers cette scène très documentée historiquement, à raconter de manière "objective" le bombardement d'Hiroshima. Il utilise également les codes propres au manga pour transmettre son expérience de la bombe atomique, expérience vécue de la victime, qui prend également en compte le point du vue du bombardier. L'explosion de la bombe est ici événement fondateur, puisqu'elle va ouvrir le cycle des neuf autres tomes de l'histoire de Gen d'Hiroshima, qui devra se reconstruire après la perte de ses parents.