journal d'exposition

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Salle d’Exposition Accès depuis Paris : Par la route N86 ou A13 puis A12 Par le train RER C ou La Défense ou Montparnasse sortie St-Quentin-en-Yvelines arrêt gare de St-Quentin-en-Yvelines puis Guyancourt puis bus 468 ou 465 - arrêt Haussmann Réalisation : Ville de Guyancourt

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Livret de l'exposition Guyancourt a 100 ans

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Page 1: Journal d'exposition

Salle d’Exposition

Accès depuis Paris :Par la route N86 ou A13 puis A12 Par le train RER C ou La Défense ou Montparnasse

sortie St-Quentin-en-Yvelines arrêt gare de St-Quentin-en-Yvelinespuis Guyancourt puis bus 468 ou 465 - arrêt Haussmann

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Les Guyancourtois de la Belle ÉpoquePour essayer de connaître les Guyancourtois de la Belle Époque, l’analyse du recense-ment de 1911(1) est un préalable indispensable. Bien que proche de Paris, Guyancourtest une commune rurale, située dans la région de l’Hurepoix. La densité est très faiblecar 636 habitants vivent des 1320 hectares de cette terre riche et généreuse, bien drai-née, bordée par la vallée de la Bièvre au nord et la vallée de la Mérantaise au sud.Guyancourt, ancienne paroisse intégrée au Grand Parc de Louis XIV, a peu changédepuis cette époque comme en attestent les plans du territoire. L’organisation spa-tiale des hameaux est à peu près la même : le village depuis s’est doté, près de sonéglise, d’une mairie-école bâtie en 1859 d’après les plans de l’architecte Blondel, parl’entrepreneur Folain. Le bourg avec ses deux fermes est le quartier le plus attractifavec ses 65 maisons pour 286 individus. Les autres hameaux c’est-à-dire Bouviers(148 habitants), La Minière (127), Troux (43), Villaroy (15) sont tous établis autourd’une ou deux fermes. L’habitat est traditionnel, composé essentiellement de mai-sons ouvrières, même si à Bouviers, par exemple, on voit de belles propriétés s’édi-fier, certaines pour un usage exclusif de villégiature, phénomène qui va s’accentuerau long du XXe siècle. Chaque petit quartier du territoire peut vivre en autarcie grâ-ce à ses quelques commerces, ses lavoirs, ses mares et ses fermes.La moitié de la population vient d’ailleurs et même de loin puisqu’en 1911, 318 in-dividus sur 636 sont nés dans un autre département dont 122 en Bretagne. C’est àl’image de ce qui se passe sur l’ensemble du pays puisque l’exode rural se poursuiten ce début de siècle en dispersant les familles. À la recherche de meilleures condi-tions de vie, ouvriers journaliers et domestiques composent un prolétariat agricolesouvent non sédentaire et encore très mal rémunéré. Au début du siècle, des luttesde classe ont d’ailleurs éclaté dans les campagnes malgré les prémices d’une protectionsociale qui se met en place. Georges Clémenceau, Président du Conseil et ministrede l’Intérieur de 1906 à 1909, propulse un ministère inédit du Travail et de l’Hygiè-ne tout en menant une politique répressive à l’égard de toute agitation sociale.La Belle Époque est donc une période contrastée car pour la première fois, les pro-grès de la médecine et des sciences, le développement économique et l’alphabé-tisation semblent apporter à la société française un certain âge d’or et ce, à la veillede la terrible fracture de la Grande Guerre. Pourtant, ce relatif bonheur semble pro-fiter encore à une certaine classe sociale pour laquelle la vie bourgeoise devient lemodèle à suivre. Ainsi, l’ascension sociale se révèle possible par l’initiative indivi-duelle et le mérite comme en témoigne la trajectoire de Georges Folain, maire deGuyancourt.

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Guyancourt il y a 100 ansIl y a 100 ans, Guyancourt n’était qu’un village de 636 âmes, vivant de ses grandeset riches fermes, mais déjà terre d’accueil et d’emploi, drainant grâce au dévelop-pement des infrastructures et moyens de transport de nombreux ouvriers agricolesoriginaires de Bretagne. Guyancourt à la veille de la Grande Guerre paraît connaître,pour quelques temps encore, des jours tranquilles. Pourtant, l’activité agricole et éco-nomique y est intense et la vie municipale animée.Les recherches de l’Atelier de gé-néalogie et d’histoire locale del’association Guyancourt Accueilnourrissent l’exposition qui se dé-cline en cinq grandes parties : lesGuyancourtois à la Belle Époque,un village agricole, l’économie etles commerces, la vie commu-nale et la politique.Ce travail historique donne vie àces Guyancourtois du passé,d’origines diverses, personnalitésemblématiques qui vont du garde champêtre au maire en passant par les patronscultivateurs engagés dans une démarche de progrès, l’instituteur, le curé, le sonneur-fossoyeur, le commerçant, bref une histoire avant tout humaine pour une ville dontl’ambition est de le rester.Au début du XXe siècle, les progrès industriels et l’alphabétisation permettent l’es-sor formidable de la carte postale et la presse est florissante. Ces sources, d’une va-leur inestimable, associées à l’étude des archives produites par l’administration per-mettent de faire revivre cette Belle Époque guyancourtoise. En complément, la col-

lecte de souvenirs, témoignages, do-cuments et photographies réaliséeauprès des collectionneurs privéscontribue également à éclairer d’unfaisceau intime et personnalisé notrepassé pour finalement nous brosser untableau attachant de Guyancourt il ya un siècle.

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(1) Recensement de la population de 1911 : liste nominative, (Archives communales, cote 28W35)

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L’ambiance de ce commerce qui marque l’histoire du hameau au XXe siècle, sera tou-jours animée. À la sortie des champs, en 1911, on aime se retrouver autour d’un ver-re pour se détendre, taper une belote et refaire le monde. En face, de l’autre côtédu carrefour, la maison Goguelin, également café-épicerie, était tenue par la « mèreGoguelin ». Très amie avec Jeanne Ferchal, quand elle en avait un qui commençaità l’ennuyer, elle lui disait : « Va donc faire un tour chez la Bretonne ! »En hommage à cet arrière-grand-père qu’elle n’a pas connu, Joëlle Leroy raconte quesa grand-mère Marguerite lui a toujours confié « qu’elle n’aurait pas pu avoir un beau-père plus gentil […]. Toujours d’égale humeur, calme, décontracté (un peu trop peut-être)et “taquin” avec un regard pétillant, malicieux et plein de tendresse (2) ».

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À Bouviers, le meilleur des Bretons,Yves-Marie Ferchal (1869-1942)Les Guyancourtois connaissent bien la devanture de l’ancienne épicerie restaurantnichée au cœur du hameau de Bouviers. Conservée jusqu’à nos jours, son histoireest intimement liée à celle de ce Breton, Yves-Marie Ferchal arrivé à Bouviers un jourde 1896.

Issu d’une famille de laboureurs attestée de-puis 1606 dans les Côtes du Nord, Yves-Ma-rie est lui-même né à Cohiniac en 1869. Avecla crise du monde agricole, la Bretagne est unerégion sinistrée en cette fin de siècle, obligeantsa population à venir tenter sa chance en ré-gion parisienne. Cet exode s’est particulière-ment accéléré depuis l’installation des lignesde chemin de fer vers l’ouest désenclavant larégion. Dans la famille Ferchal, ils sont nom-breux et Yves-Marie part à l’âge de 27 ans re-joindre quelques membres de la famille déjàinstallés dans les environs.Il est embauché comme journalier à la gran-de ferme de Monsieur Hue à Bouviers. En1901, il repart en Bretagne épouser Jeanne LeBellego retenue à la ferme familiale de Cohi-niac par sa mère alors que les deux fiancés seconnaissent depuis longtemps ! De retour àBouviers, le couple s’installe dans la petite mai-son en face de l’épicerie Buot. Jeanne garde

des enfants dont Marguerite Broutin, issue d’une ancienne famille guyancourtoise,et qui deviendra sa belle-fille en 1929.En 1910, grâce au soutien de Monsieur Hue, ils font l’acquisition du café. Yves-Ma-rie Ferchal est recensé en 1911 en tant que patron, marchand de vin. En réalité, ilcontinue à travailler à la ferme, laissant la gestion du café à Jeanne qui fait tournerl’affaire de « mains de maître » ! C’est d’ailleurs une histoire de femmes car c’est aus-si Marguerite Broutin, épouse de leur fils Henri, futur maire-adjoint à la Libération,qui reprendra la tenue du café après 1938. Les anciens de chez Hispano-Suiza se sou-viennent encore de l’accueil si chaleureux de Marguerite et des délicieux légumesdu jardin servis aux différents services du restaurant, cultivés avec patience par Yves-Marie une fois à la retraite.

(2) Joëlle Leroy, Yves-Marie Ferchal, témoignage recueilli le 4 novembre 2010.

La famille Ferchal en 1936

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les travaux des champs, nour-ris avec les restes de pulpe debetteraves destinées à la fa-brication de sucre et d’al-cool, ainsi que 96 chevaux deplus de trois ans sont comp-tabilisés. On ne relève que 20vaches, la spécialisation laitièrene se développa que plustardivement à Guyancourt.La superficie des terres la-bourables est très importan-te : 892 hectares sur 1320 desuperficie totale de la com-

mune ! Les rendements, en comparaison des communes voisines, sont très élevés(5).À l’image de la situation française où le monde paysan représente encore 41 % dela population active en 1913, l’essentiel des emplois est assuré par 7 fermes instal-lées sur le territoire, héritières pour certaines des fermes royales de Louis XIV. Centvingt-quatre personnes, pour la plupart des ouvriers agricoles et journaliers, travaillentau service de ces nouveaux fermiers qui se trouvent à la tête de véritables petites en-treprises.Pour ceux qui vivent à la ferme même temporairement, pour les saisonniers au mo-ment des moissons et récoltes de betteraves, le personnel est nourri midi et soir. Lesrepas sont préparés sous la houlette de la fermière qui utilise les produits de son ex-ploitation pour faire des économies. La journée de travail est longue : de 11 heuresl’été et de 9 heures l’hiver et la vie paraît souvent bien dure et ennuyeuse commeen témoigne cet extrait de carte postale adressée par un employé de la distillerie Bes-nard à sa famille : « Je suis ici dans cette distillerie où je travaille à raison de 10 francspar jour, je m’y ennuie à 5 francs de l’heure. Si vous saviez comme c’est triste. À 8 heuresdu soir, il faut se coucher et on ne voit personne, on est à 7 kilomètres de Versailles, au-cune communication. Je vous souhaite bonne santé, mais je m’ennuie. » (20 septembre1913)(6).

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Un village agricoleLe 2 août 1911, le sous-préfet note dans ses rapports très succincts que la moissonse poursuit dans de bonnes conditions par un temps beau et chaud, mais toutes lesautres récoltes, les fourrages et les légumes en particulier, souffrent beaucoup de l’ex-cès de chaleur et de sécheresse.(3)

Après avoir connu les chutes de neige les plus tardives de l’histoire (jusqu’au 7 avril),une vague de chaleur exceptionnelle s’abat sur la France. L’été 1911 est le plus chauddepuis 1851 à tel point que certains quartiers de Paris n’ont plus d’eau. La séche-resse qui a persisté jusqu’à la fin de septembre a eu des conséquences désastreusespour les cultures fourragères et légumières.À Guyancourt, on consigne dans les statistiques agricoles annuelles(4) « une bonnerécolte de blé et de bonne qualité alors que la récolte en avoine est moyenne. Celles depommes de terre, betteraves et fourrages sont très mauvaises tandis que la productionà cidre est bonne ».Entre 1880 et 1900, le monde agricole a subi une forte crise obligeant les fermiersà se spécialiser et se moderniser. Ainsi, à Guyancourt, au début du XXe siècle, les fer-miers ont principalement misé sur la culture du blé et de l’avoine, les productionsvégétales telles que la luzerne, le trèfle et le sainfoin. Pommes de terre, pommes àcidre et betteraves complètent l’activité économique agricole de Guyancourt qui comp-te alors deux distilleries à Troux et au Village. Brebis, agneaux, bœufs, essentiels dans

(3) Archives départementales des Yvelines, cote 13M13(4) Statistique agricole annuelle des récoltes pour l’année 1911 (Archives communales, cote 28W36)(5) Voir les statistiques cantonales de Versailles en 1908 (Archives départementales des Yvelines, cote 13M59).(6) Collection de cartes postales du Musée de la ville, fonds C et E Stéphan

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C’est un talent qu’il tient de son père puisqu’Henry Besnard (1833-1907) sera reconnucomme un des meilleurs agriculteurs de son temps. Il sera le premier, dans le Vexinnormand, à introduire la culture de betteraves à grande échelle et à employer desbœufs à la place des chevaux pour le travail de trait. Ces innovations « scientifiques »sont reconnues par tous et Henry Besnard, également maire de Guitry, député à l’as-semblée nationale où il se prononce en faveur d’une République conservatrice contrel’Empire, est décoré de la légion d’honneur. Tout au long de sa vie, il cumule de nom-breux postes importants au sein des sociétés d’agriculture. Après 1880, installé à Ver-sailles, il fait l’acquisition pour ses fils de deux propriétés à Guyancourt : Bel Ébat pourEugène, Châteauneuf pour Paul.Celui-ci, qui a peut-être hérité des convictions chrétiennes de son père, et que l’on dé-crit par ailleurs comme un « homme affable, bon et généreux », fait bâtir à la sortie dubourg (actuelle rue des Graviers) la première cité ouvrière de France en milieu rural(9).Il lui donnera le nom de « cité Henry Besnard ». Châteauneuf, avec ses 180 hectareset sa distillerie pour la fabrication de l’eau-de-vie, compte au recensement de 1911 vingt-sept employés guyancourtois (sans les épouses) dont 1/3 sont originaires de Bretagne.Les ouvriers agricoles, mais aussi le régisseur, le chef de culture , le comptable, le me-nuisier, les maçons, le livreur de vins, sont abrités par les soins de Paul Besnard au cœurde sa ferme modèle qui lui valut également de nombreuses distinctions et médailles.

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À Châteauneuf, un homme de conquêtes, Paul Besnard (1865-1940)« C’est un conquérant, un vrai colon à l’imitation de cet admirable type de paysan fran-çais dont c’est la vocation qu’il fasse des champs, qu’il gagne sur le sol en friches, inuti-le et sans rapport. »(7)

La presse cite la réussite de Paul Besnard en exemple, « serviteur aussi loyal et aussidévoué à la cause algérienne. »(8) C’est à la suite d’un voyage effectué en 1901 quePaul Besnard, séduit par ce pays, décide de fonder une exploitation à Ouad Amizour.Le gouvernement de la nouvelle République, fondée après le désastre de 1870, s’ef-force de conduire une politique d’expansion coloniale afin de redonner à la Francele prestige et le statut d’une grande puissance. Croyant en l’impérialisme et ses ver-tus civilisatrices, Jules Ferry pousse cette politique jusqu’à faire accéder la France audeuxième niveau mondial à la veille de la Grande Guerre.

Paul Besnard, célibataire, s’installe définitivement en 1918 en Algérie, terre où il re-pose, confiant la gestion de sa ferme de Guyancourt à son régisseur. Après avoir réa-lisé des travaux colossaux, notamment en matière hydraulique, son domaine es-sentiellement viticole est immense: 800 hectares de vignes (le vin est écoulé à Guyan-court), 150 de fourrages, 250 d’arbres tels que figuiers, caroubiers et oliviers. Tou-jours à la pointe du progrès, cet ingénieur agronome relève sans cesse de nouveauxdéfis aussi bien à Châteauneuf, ferme qu’il reconstruit en partie, qu’ensuite en Algérie.

(7) In L’Afrique du Nord illustrée, 25 octobre 1930 (Collection Robert et Solange Guilbot)(8) In L’Afrique du Nord illustrée, 24 octobre 1931 (Bibliothèque Nationale de France)(9) Matrice cadastrale des propriétés bâties, 1911-1932 (Archives communales cote 96W4)

Paul et Lucie Besnard en Algérie

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À Villaroy, l’homme des combats,Augustin Heurtebise (1865-1944)Les deux bœufs avancent lentement, tête baissée, et tirent la charrue de toutes leursforces. Le coutre et le soc tranchent la terre, le versoir la soulève et la retourne enmottes luisantes. Le laboureur encourage les bœufs de la voix et de l’aiguillon.Cette scène champêtre se déroule sur les terres de la ferme de Villaroy qui dénombrealors 160 hectares. C’est une exploitation considérable, très animée, véritable villa-ge, dirigée depuis 1890 par Augustin Heurtebise. Celui-ci va racheter peu à peu àMonsieur Récamier, médecin à Paris, toutes les terres, puis la maison en 1912.(10)

Ayant perdu très jeune son père, également agriculteur installé à Jouars-Pontchar-train, Augustin Heurtebise reçut tout de même une solide éducation au lycée Chap-tal à Paris. Renonçant à son désir de devenir chimiste, il gardera toute sa vie le goûtdu dessin et un intérêt pour les techniques modernes. Ainsi, il n’hésitera pas à ins-taller des mâts paragrêles sur ses terres.D’autres drames vont traverser sa vie : la perte d’une petite fille morte à 2 ans (sonseul fils Émile reprendra l’exploitation) et un accident agricole l’amputera d’une jam-be vers la fin de sa vie active. Son caractère est donc fort et combatif ! Après avoirlutté contre la crise agricole tout en surmontant la difficulté d’être implanté loin de

(10) Matrice cadastrale des propriétés bâties, 1911-1932 (Archives communales cote 96W4)(11) Voir l’article de R. GUILBOT, F. PIZZORNI, V. GUILBOT, Un paysan de Guyancourt défie les pionniers de l’aviation in

MIROIR, revue de l’Écomusée de Saint-Quentin en Yvelines, 1989 n°4.(12) Dalloz Jurisprudence générale, recueil périodique et critique, Journal des audiences de la Cour de cassation, année

1914, Bibliothèque Nationale de France.

toute gare de chemin de fer, il n’hésite pas à s’investir, durant des années, dans desprocès contre les écoles d’aviation situées sur le plateau de Villaroy. Rappelons queLouis Blériot, héros national depuis sa traversée de la Manche en 1909, est installéà Buc, Esnault-Pelterie au Trou Salé, les frères Farman à Toussus-le-Noble et Borel àChâteaufort. Les préjudices sont importants : récoltes saccagées suite aux nombreuxaccidents, ouvriers et animaux de labour effrayés par les survols incessants, gibier enfuite, insomnies et « maladie des nerfs » de Lucie Heurtebise… (11)

Augustin Heurtebise, dont l’action est reprise dans la presse nationale, obtient plu-sieurs réparations civiles devant les tribunaux pour préjudices causés à ses récoltes.Grâce à lui, la justice se prononce sur la question qui est posée en ce début de siècle :l’air est-il libre ? Le tribunal civil de la Seine tranche le 10 juin 1914 en déclarant que« si l’atmosphère doit être considérée comme libre, ouverte sans entrave à la circulationaérienne, ce n’est qu’à partir d’une certaine hauteur ».(12)

Si vous passez aujourd’hui par le hameau de Vil-laroy, vous pourrez constater la présence des

peupliers, souvenirs emblématiques dece combat opposant deux univers, celui

de l’agriculture et de l’aviation.AA / LG / IG

Augustin Heurtebise devant sa ferme

Lucie Heurtebise

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Guyancourt, ses commerces et ses artisansAu village, après que les cloches aient sonné la fin de la messe, les Guyancourtois sepressent dans les cafés autour de l’église pour discuter autour d’un verre de cidre oufont quelques emplettes dans les boutiques. Beaucoup de ces commerces proposentdifférents services. Chez François David, patron marchand de vin (également adjointau maire), établi en face de l’église, on peut aussi acheter du tabac, du vin et des pro-duits d’épicerie. De l’autre côté du presbytère, au coin, la « mère Simon » tient lacabine téléphonique en plus d’être aussi marchande de vin. À côté de la boulange-rie, à l’angle de la rue du cimetière et de la place de l’Église, un autre commerce, tenupar Jean Adrien Ginestet, propose de la bière, du vin et tout un tas d’articles pourdépanner car c’est surtout au marché de Versailles que l’on fait les courses impor-tantes comme l’achat de vêtements.En tout, Guyancourt compte un nombre impressionnant de cafés : 11 marchands devin dont cinq figurent dans l’annuaire en tant qu’épiceries aussi. Comment expliquerce record?

La présence de Paul Besnard, producteur de vin importé d’Algérie n’est pas à excluredans les éléments de réponse. L’existence des octrois de Versailles (1748-1943) estpeut-être une explication, les commerçants préférant s’installer hors les murs pourne pas payer de taxes. La présence militaire importante, avec le camp de Satory toutproche et la Batterie de Bouviers, permet également de répondre à cette question.L’instituteur Monsieur Bringer évoquait pour sa part un lien entre cafés et popula-tion composée de nombreux Bretons !Il faut également rappeler que les moyens de transport sont réduits. La gare la plusproche de Guyancourt, est celle de Saint-Cyr-l’École. Les villageois pratiquent natu-rellement la marche pour aller aussi bien de Bouviers, de la Minière, de Villaroy oude Troux au village que pour aller à la gare. Ils ont peu de distractions excepté la fêtede la Saint-Victor qui a lieu une fois par an ! Le lieu où ils peuvent se détendre aprèsune dure journée de travail pour discuter ou jouer aux cartes, ce sont chez les marchands de vins qui font buvette. L’alcoolisme est un fléau non seulement à Guyan-court, mais en France en général. Le maire de l’époque, Georges Folain, est confron-té à ce problème de l’ivresse. Des incidents ont lieu avec des altercations qui tournent parfois au drame comme en témoigne la presse régionale de l’époque.Sur 201 personnes actives, 22 Guyancourtois vivent du commerce : outre les mar-chands de vin, un charcutier (Cabaret), un marchand « d’articles de Paris » (Bodi-nière à Bouviers), une marchande de poisson (Célina Bonnaire au village) et un bou-langer (Eugène Gangnebien qui sera remplacé en 1912 par Paul Toutain tué pendantla Grande Guerre de 14/18). Il n’y a donc pas de boucher mais un charcutier qui pos-sède une tuerie particulière… Lui aussi d’ailleurs propose à la vente du vin et desliqueurs ! Quarante-deux personnes vivent d’une autre activité : jardinier, cordonnier,charron, maréchal-ferrant et, enfin, le menuisier, Léon Lapelle, également fossoyeurdu village en toute logique !Enfin, l’entreprise en maçonnerie du maire Georges Folain, installée en face de la marede la Noël fait travailler 31 Guyancourtois comme ouvriers terrassiers et carriers prin-cipalement. Cependant, une main d’œuvre importante provient de communes voi-sines et, en été, l’entreprise peut embaucher une centaine d’ouvriers. Le trafic an-nuel est notable en plâtre et chaux, pierre meulière et briques mais cette productionest, cependant, freinée par l’absence de gare sur le territoire, gare qui aurait dura-blement marqué notre environnement si elle avait vu le jour…

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Vie communaleDes jours paisibles s’écoulent encore à la veille de la première Guerre Mondiale : unbonheur relatif puisque la vie quotidienne reste difficile comme en témoigne la longueliste des personnes inscrites au service médical des indigents.(13) Pour beaucoup, leconfort moderne est encore loin : pour les femmes, la corvée de linge reste de misepar exemple et l’alimentation en eau potable pose encore des problèmes…Cependant, la Belle Époque, avec son flot de progrès, est aussi perceptible dans la viede tous les jours : les élus de la commune améliorent les services publics afin de sou-lager les maux des plus défavorisés et d’œuvrer pour l’intérêt de tous.L’apparition du téléphone après 1907 permet de sortir le village de son isolement.De même, l’entretien de la voirie améliore les transports aussi bien pour les propriétairesde charrettes que pour ceux de voitures de luxe dernière tendance.En plus des instituteurs, cantonniers, garde champêtre, facteur et « fossoyeur-son-neur civil » œuvrent pour l’ensemble de la communauté villageoise.

Le garde champêtreStanislas Lecurier, né en 1860 aux Essarts-le-Roi, est le garde champêtre de Guyan-court. Il est marié à Virginie Anatolie Beaucher née à Jouars-Ponchartrain. Le couplea 2 enfants, Marie Louise née en 1889 et Ernest Eugène né en 1893, tous deux à Jouars-Ponchartrain. Avant d’être garde champêtre, Stanislas Lecurier était charretier.Le garde champêtre, officier de police judiciaire, personnage incontournable de lavie du village, est l’agent de la police rurale. Nommé par le maire, rétribué par la com-mune, il doit être agréé par le procureur de la République. Le garde champêtre neporte pas d’uniforme, mais une petite plaque de métal portant son nom, celui de lacommune et les mots « La Loi » l’identifie. Il peut être coiffé d’un képi. En dehors des

délits ruraux, le garde-champêtre peutégalement verbaliser les contrevenantsaux règlements de la police de la chas-se, de la pêche fluviale et de la circula-tion des voitures publiques. Il peut éga-lement dresser un procès verbal dans lecas d’ivresse publique et de colportagefrauduleux des tabacs et cartes à jouer.Il surveille les vagabonds et aide les gen-darmes à rechercher et arrêter les mal-faiteurs.

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(13) Liste des personnes inscrites au service médical des indigents en cas de maladie pour des secours médicaux gratuitspour l’année 1911, (Archives communales, cote 28W15)

À Guyancourt, comme dans de nombreuses petites communes, le maire et le conseilmunicipal attribuent au garde champêtre (souvent homme à tout faire de la commune)des missions autres que de police. En 1911, le garde champêtre de Guyancourt, Sta-nislas Lecurier, se voit confier le remontage de l’horloge publique pour une indem-nité annuelle de 30 francs. Le recensement de 1911 est effectué par l’instituteur, secrétaire de mairie, et le garde champêtre qui, pour ce travail supplémentaire perçoit 30 francs (175 francs pour l’instituteur). Le garde champêtre fait aussi officede « crieur » pour faire part à la population des annonces officielles. En effet, Stanis-las Lecurier fait ses annonces « à son de trompe »(14).

En voiture !

Le besoin de voies de communication supportant, au rythme de la révolution industrielle,l’augmentation du trafic du transport de personnes, de matières premières, de pro-duits manufacturés et agricoles, a entraîné, au cours du XIXe siècle, l’organisation d’unservice d’entretien des routes et chemins qui sillonnent les départements. La réfec-tion des chemins représente un poste budgétaire très important pour les petites com-munes rurales qui doivent avoir régulièrement recours au vote de budgets supplé-mentaires et même à des demandes de secours auprès du Conseil Général.La Loi du 28 juillet 1824, porte la création et l’entretien de la voirie vicinale tandisque la loi du 21 mai 1836, réforme la vicinalité. La mise en place d’un budget dé-partemental pour la voirie va permettre non seulement d’indemniser les propriétaires

(14) Certificat de publication et affichage du 4 juillet 1911 (Archives départementales des Yvelines, cote 3O111)

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riverains expropriés pour la réalisation ou modification des chemins, mais aussi la créa-tion d’un service vicinal. Placé directement sous l’autorité du Préfet, un agent voyeren chef commande les agents voyers d’arrondissement et les agents voyers de can-ton dont dépendent les cantonniers vicinaux.En étudiant les divers documents concernant la voirie de la Commune, il est possiblede recenser huit chemins vicinaux ordinaires. Sur ces 8 chemins sillonnant la com-mune, 6 font l’objet d’un bail d’entretien d’une durée de 5 ans avec le service vici-nal départemental.(15)

Il faut noter que le chemin N° 6, de Bouviers à Saint-Cyr-l’École passant par le Bois-Robert, bien que très utilisé par les Guyancourtois au début du XXe siècle n’est pasconcerné par ce bail. Il permettait notamment aux Guyancourtois de se rendre à lagare de Saint-Cyr, gare de la ligne de l’Ouest qui relie Paris (gare de Paris-Montpar-nasse) à Brest.En mars 1908, le conseil municipal souhaite que Monsieur le Maire demande « à l’Agentvoyer cantonal l’élaboration d’un règlement concernant l’entretien des chemins vicinaux »,règlement qui « devra se rapprocher autant que possible de celui qui est en usage surles chemins de Grande Communication ».

Le cantonnier municipalLes communes pouvaient décider d’employer et rémunérer un cantonnier commu-nal, dont la nomination devait être approuvée par le Préfet, pour l’entretien des che-mins communaux et certaines portions de chemins vicinaux. Celui-ci doit assurer l’en-tretien des chemins, « de manière que la chaussée soit sèche, unie, sans danger en tempsde glace, ferme, et d’un aspect satisfaisant en toute saison ».Dans le recensement de 1911, on relève trois cantonniers demeurant à Guyancourt :deux cantonniers vicinaux, employés du département, Monsieur Le Coq et MonsieurBoulay, et un cantonnier communal, Monsieur Jean Marie Fol.Ce dernier est nommé cantonnier communal par le conseil municipal en novembre 1909. Originaire des Côtes du Nord, il est alors âgé de 43 ans. Marié àLéonie Le Breton, également originaire des Côtes du Nord, il a 2 fils, Léon né en 1891et Albert né en 1894. La famille demeure au Village. Auparavant, il a été cultivateurchez Monsieur Besnard, puis chez Monsieur Lethias, fermiers à Guyancourt.En novembre 1909, sur décision du conseil municipal, il perçoit de la commune unsalaire mensuel « de 90 francs avec un mois de congé non payé », pour onze heuresde travail par jour de mars à septembre inclus et neuf heures les autres mois (du le-ver au coucher du soleil). Le cantonnier a également pour charge le nettoyage deslavoirs de la commune.

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La sablière municipaleL’empierrement des chemins nécessite du sable et des pierres. Le 7 mars 1868 la com-mune de Guyancourt acquiert un terrain au hameau de Bouviers, le long du cheminde Grande Communication N° 127, sur le domaine de la ferme de Châteauneuf, poury exploiter sa nouvelle sablière.(16)

Dans le registre des salaires des ouvriers de la sablière(17) dressé pour la compagnied’assurance du personnel employé par la Commune, on constate que quelques ou-vriers y sont employés très ponctuellement et très rarement : 9 ouvriers y ont travailléuniquement en janvier et février 1911. Ce n’est ensuite qu’en février 1913 qu’un grou-pe de 5 ouvriers est employé pour le cassage des cailloux.La meulière extraite de la sablière peut être mise en vente par le conseil municipal.En 1908, 61 mètres de meulières sont vendus 5 francs le mètre.(18) En 1911, les ha-bitants de Guyancourt achètent à la commune pour leur usage personnel (remblaiementde chemins d’accès non communaux) ou professionnel (entrepreneur de maçonnerie)du sable au tarif de 0,75 francs le collier. Les personnes étrangères à la commune payent2 francs le collier.(19) Le sable est acheminé à destination par des bœufs ou chevauxattelés à un tombereau. Selon la quantité de sable tracté, il faut un ou deux animauxpar tombereau.Pour l’entretien des chemins vicinaux, une carrière de meulières appartenant à l’É-tat est exploitée dans le bois domanial du Moulin Renard, sur les parcelles 180 et 181de la section D du cadastre napoléonien toujours en usage au début du XXe siècle.

(16) Acte de vente amiable, 1868, Archives communales 28W79.(17) Archives communales 28W79(18) Délibération du conseil municipal du 08/1908 (Archives communales, cote 177W5)(19) Carnet des ventes de la Sablière, Archives communales, cote 28W79(15) Bail d’entretien 1911-1915 (Archives départementales des Yvelines, cote 3O111)

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L’eauPour limiter les déplacements, la municipalité avait encouragé la création de mareset de lavoirs qui nécessitaient des entretiens et des aménagements constants. Cer-taines mares, comme celle du grand noyer comportait un système de poulie pourpuiser l’eau dans sa partie profonde. Celle du village, située en face des douves dela ferme de Châteauneuf servait d’abreuvoir. Celle de la Noël avait la particularité dese situer sur la rigole de Guyancourt et on venait parfois s’y promener ou poser letemps de la prise d’une photographie.Autre lieu social d’importance mais réservé aux femmes : les lavoirs où s’échangeaientles dernières nouvelles. Agenouillées dans une caisse en bois remplie de paille ou dechiffons, les femmes s’aidaient d’un battoir. À Bouviers, le lavage se faisait sur la Bièvredans deux bassins différents, le premier, couvert sur un côté étant réservé au rinça-ge, l’opération la plus longue. L’eau de la Bièvre servait dès sa source à l’hygiène deshabitants mais elle était également utilisée pour les besoins courants en eau potable.Ce trésor faisait l’objet de toutes les attentions possibles de la part de la municipa-lité. La Bièvre étant le seul apport en eau potable, la commune était « obligée de s’enprocurer à prix d’argent ». Un abonnement fut souscrit auprès de la Compagnie Gé-nérale des Eaux de 1884 à 1934 pour alimenter des bornes fontaines.

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Le téléphoneUne délibération du conseil municipal de 1906 porte création d’un service télé-phonique : dorénavant la cabine téléphonique publique est tenue par la gérante Ma-dame Simon qui tient le commerce situé à l’angle de la place de l’Église et de l’ac-tuelle rue Ambroise-Croizat. La commune doit contribuer aux frais d’installation d’uneligne téléphonique à Guyancourt et Voisins et répondent à la souscription BesnardEugène, Besnard Paul, Folain Georges, Leclère Alfred, Dorlon Apolinaire, Hue Léon,Heurtebise Augustin et Sénéchal Ernest et Gast Edmond. La gérante de la cabine té-léphonique devra la tenir ouverte même le dimanche sans interruption de 7 h à 21 hen été et de 8 h à 21 h en hiver. Grâce au téléphone et au télégraphe, Guyancourtabolit les distances mais il faudra attendre 1925 pour que le téléphone soit instal-lé à la mairie.

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aux jeunes enfants ». Elle est « sympathique aux enfants par sa douceur et sa patience ».Les plus âgés des garçons et des filles ont pour instituteur Monsieur Deschamps, lesplus jeunes sont dans la classe de sa femme. Depuis février 1904, les deux classes sontmixtes. C’est à cette date que l’inspecteur et Monsieur Deschamps ont obtenu duconseil municipal l’autorisation d’un essai officieux de modification de l’organisationpédagogique. La fiche d’inspection de Mme Deschamps du 10 mai 1911, nous in-dique que 41 filles sont inscrites à l’école de Guyancourt réparties dans 3 divisions.Parmi les élèves présentes le jour de l’inspection, 5 sont en cours moyen, 17 en coursélémentaire et 17 en cours préparatoire. Le niveau des enfants est bon. À la rentréed’octobre 1911, 23 des élèves inscrits à l’école sont dans la classe de Monsieur Des-champs : 14 filles et 9 garçons, de cours élémentaire et cours moyen, fréquententsa classe. Le niveau des grands est moyen : des 5 garçons entrant dans leur 13e an-née, un seul est susceptible de pouvoir être présenté au certificat d’études.Les enfants ont 30 heures de cours par semaine à raison de 6 heures par jour (3 heuresle matin, 3 heures l’après-midi). L’enseignement est basé sur l’observation, la réflexionet le raisonnement. Les instituteurs doivent faire « appel à la curiosité, à l’effort ». Pouréviter la passivité des élèves il est important de favoriser l’expression orale.Au niveau des locaux, en 1889, l’école a été transférée et les élèves ont quitté le bâ-timent de la « Maison d’école » qui ne permettait plus d’accueillir les 90 enfants ins-crits à l’époque, le bâtiment abritant également le logement du couple d’instituteurs(2 pièces), et la salle de la mairie. Deux nouvelles classes ont été construites, à la sui-te de cet ancien bâtiment, sur le jardin de l’instituteur.(21) Elles disposent de deux ves-tiaires pour les filles et les garçons. La cour de récréation est divisée en deux : la courdes filles et celle des garçons. L’école a un préau couvert et les classes sont claires.Les toilettes des garçons sont situées près de la porte d’entrée de l’école, emplace-ment singulier à l’époque et qui semble ne pas convenir à l’inspecteur qui trouve aus-si la cour de récréation exiguë. En 1904, les enfants des familles indigentes reçoiventde la commune leurs fournitures scolaires. À partir de 1905, les livres scolaires sontfournis gratuitement à tous les élèves. L’école dispose dans la classe des garçons d’unebibliothèque régulièrement utilisée par les plus grands des élèves et par desadultes, surtout l’hiver. Il faut noter que Monsieur Deschamps parvient à réunir 5 adultesau cours en 1912 (rentrée octobre 1911). L’instituteur perçoit un émolument sup-plémentaire de 100 francs par an pour les cours d’adultes. Jean Macé, fondateur en1866 de la Ligue de l’enseignement, est l’un des précurseurs d’une école gratuite,obligatoire et laïque, poursuivant ainsi la réflexion et le combat de Condorcet. La Liguede l’enseignement va agir pour la fondation d’une école publique gratuite et laïqueet pour une éducation complémentaire dans le cadre de cours du soir comme celava se pratiquer à Guyancourt.

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Les instituteurs de l’école publique de Guyancourt, Monsieur et Madame DeschampsEn 1911, l’école publique du village de Guyancourt témoigne de la mutation de lasociété française après les lois Jules ferry. Celui-ci, admirateur de Condorcet, fait pas-ser l’égalité sociale par l’égalité de l’éducation. Aussi, président du Conseil, fait-il adop-ter la gratuité, l’obligation et la laïcité de l’école primaire qui mèneront, d’autre part,en 1905 au vote de la loi sur la séparation des Églises et de l’État.Dès lors, l’instituteur doit veiller à éduquer, apprendre les règles de l’hygiène, inculquerles principes de la vie en commun, développer une instruction civique, se muant ain-si en officier du culte de la République et de la Patrie. Considéré comme un notable,il arrondit ses fins de mois en servant souvent de secrétaire de mairie. Il contribue àformer des citoyens dans toutes les communes de la France de la IIIe République.À Guyancourt, l’école est dirigée par un couple d’instituteurs publics, Monsieur etMadame Deschamps. Ils arrivent à Guyancourt le 1er janvier 1904 et prennent la sui-te du couple d’instituteurs Bringer parti à la retraite. Gustave Deschamps a 36 anset enseigne depuis 17 ans. Marie, sa femme, a 31 ans et a à son compte 7 ans de

service. Les deux sont passéspar l’École Normale d’Institu-teurs de Versailles et ont obtenuun brevet supérieur puis un cer-tificat d’aptitude pédagogique. Ilsont déjà occupé divers postes enSeine-et-Oise. En 1917, Gustavesera heurté par une voiture qui vagravement le blesser au brasgauche. Opéré à Versailles, il dé-cède un an après à Chevreuse oùdemeurent ses parents. Marie

Deschamps ne prendra sa retraite qu’en 1934 après 62 ans de services exercés dansdifférents postes : La Celle Saint-Cloud, Monthléry, Andrésy.La lecture des bulletins d’inspection du couple nous fournissent de nombreux ren-seignements(20) sur l’école à Guyancourt. L’instituteur, Gustave Deschamps est actif,intelligent et apprécié dans la commune. Il prépare consciencieusement ses cours et« enseigne avec patience, sang froid et clarté ». Il fait appel au raisonnement des élèves.La discipline est bonne et « très douce dans un climat de confiance et affection ré-ciproques ». Sa femme, Marie Deschamps est sérieuse et intelligente. Elle sait « pro-voquer l’effort ». Son enseignement est « précis, portant toujours » et « bien approprié

(20) Archives départementales des Yvelines - série T DI(21) Plan des classes tiré de la monographie de Monsieur Bringer, instituteur de Guyancourt, 1899, document conservé

aux Archives départementales des Yvelines, (Cote 1Tmono 5/16).

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térêt de l’ordre public que pour la sauvegarde des droits que la commune peut avoir surles biens inventoriés ». Le préfet avise le maire qu’il lui appartient, sous sa « propre res-ponsabilité, de veiller à la sécurité du fonctionnaire chargé de l’inventaire pour empêcherqu’il soit injurié ou molesté et le cas échéant, de le faire protéger par la gendarmerie ».(22)

Le 13 décembre 1906, par arrêté préfectoral, les biens de la fabrique et de la men-se succursale sont placés sous séquestre.En juin 1904, une décision du conseil municipal maintenait pour l’abbé Beudon unsupplément de traitement à la condition qu’il se rende « dans les hameaux, au lieumortuaire, pour les obsèques des personnes décédées et inhumées en cette commune ».(23)

En 1907, le conseil municipal demande que le maire soit autorisé à louer le presby-tère pour une somme annuelle de 125 francs. Le bâtiment situé face à l’entrée del’église est placé entre deux « débits de vin ». Il est en mauvais état et « nécessite-rait des réparations importantes ».La même année paraît le premier bulletin paroissial rédigé par le curé. Celui-ci sou-haite que ce bulletin soit « le grand moyen de communication entre le curé et ses pa-roissiens, entre le centre du pays et les hameaux disséminés ». Il adresse à la mairie unedemande de tirage à 150 exemplaires pour le 1er numéro de son bulletin. Il prévoitune publication mensuelle. La sortie du premier numéro, un an et demi après la pu-blication de la loi sur la séparation des Églises et de l’État, provoque une réaction trèscritique dans la presse où le climat délétère entre opposants républicains et cléricauxapparaît avec éclat !(24) En 1913, l’abbé démissionne et quitte le presbytère de Guyan-court pour entrer à la maison de retraite Notre Dame, au Pecq. Malade, il y décèdele 9 décembre 1915 à l’âge de 56 ans.

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PolitiqueAu tournant du siècle, les radicaux socialistes prennent le pouvoir en France. Ils sontpour une république démocratique où le but principal de l’État est de remédier auxinégalités originelles.Sur un plan local, dans une commune comme Guyancourt, on retrouve cette attentionportée aux plus pauvres avec l’idée d’une solidarité partagée par la communauté vil-lageoise. Les débats du conseil municipal sont dominés par le caractère très agrico-le de la commune, les fermiers et agriculteurs sont majoritaires parmi les élus, quelquesartisans et commerçants complètent l’équipe municipale. Les 12 élus sont tous vo-lontaires pour assumer des responsabilités politiques, défendre leurs intérêts mais aus-si contribuer à l’amélioration du quotidien de tous, protéger les plus faibles par lamise en place de l’aide sociale aux indigents. Ces notables détiennent les pouvoirséconomiques et politiques mais ils n’oublient jamais leur mission d’élus de la répu-blique devant veiller sur les autres.La vie politique guyancourtoise est stable, les mêmes élus sont renouvelés au fil desélections, qui ont lieu tous les 4 ans. Le scrutin se déroule sur la base des candida-tures individuelles volontaires, les élus sont désignés dans l’ordre décroissant du nombrede voix obtenues. Entre 1900 et 1912 sur 4 scrutins, 17 personnes pour 12 places,ont accédé aux responsabilités communales. Le renouvellement se faisant principa-lement du fait de l’âge d’élus sortants.Les délibérations du conseil municipal qui se réunit plusieurs fois dans l’année por-tent sur l’exploitation des terres, et l’impact social associé, l’entretien et le dévelop-pement du patrimoine communal et la modernisation des infrastructures au momentdes balbutiements des télécommunications, des transports routiers et ferrés et desdébuts de la distribution de l’eau aux particuliers (l’électricité n’arrivera que pendantl’entre-deux guerres). Concernant les relations avec l’extérieur, des sujets récurrentsreviennent comme les problèmes de cohabitation avec les militaires du camp de Sa-tory et avec les aviateurs des écoles d’aviation installées autour de Guyancourt. L’édu-cation des enfants est aussi au cœur des préoccupations, nous sommes encore prochesde la période de la séparation des Églises et de l’État.L’abbé Beudon officie à Guyancourt lorsque la loi présentée par le député AristideBriand est votée le 9 décembre 1905. Son but était de garantir la liberté de conscien-ce et d’assurer le libre exercice des cultes aux membres de toutes les confessions re-ligieuses.Albert Beudon a été ordonné prêtre à Versailles le 23 décembre 1882. Professeur auPetit Séminaire, il est nommé aumônier de la congrégation à Étampes (S&O, Essonne)le 1er octobre 1888. Il arrive à Guyancourt le 1er avril 1904. En exécution de la loi du9 décembre 1906, l’inventaire des biens pour Guyancourt est fixé au 13 mars 1906à 10 heures du matin par le préfet de Seine-et-Oise. Dans son courrier, le préfet pré-cise qu’il appartient au maire d’y assister ou de s’y faire représenter « tant dans l’in-

(22) Lettre du Préfet au Maire, Séparation des Églises et de l'État, inventaires, mars 1906 (Archives communales, cote 28W2)(23) Registre des délibérations du Conseil municipal, délibération N° 170, juin 1904 1906 (Archives communales)(24) Voir « La dépêche de Versailles et de Seine et Oise » du 25 juin 1907 (Archives départementales des Yvelines.

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En 1898, sa notoriété s’accroît : déjà membre du tribunal de commerce, affiché com-me « républicain de gauche », il est présenté par l’ensemble des courants républi-cains pour le mandat de conseiller d’arrondissement de Versailles. Largement élu, ildevient également en 1900 le nouvel adjoint du maire Édouard Pasquier.En 1902, le décès du conseiller général Fourmestraux provoque une élection partielledans le Canton de Versailles-Ouest. L’impact du succès de 1898 conduira à nouveaules républicains du canton, unanimes, à proposer la candidature de Georges Folain,jugé aimable, compétent et progressiste.Le 22 juin 1902, il est élu contre son adversaire l’abbé Louis Georges par 1343 voixcontre 844 pour le canton, 116 voix contre 37 à Guyancourt. Georges Folain devientmembre puis l’un des rapporteurs de la 2e commission du conseil général, celle des« routes, chemins, rivières navigables, tramway et chemin de fer ». En pleine pério-de du développement des transports automobiles, ferroviaires et aéronautiques, lenombre de délibérations à présenter et défendre en conseil est considérable !Aux élections municipales du 15 mai 1904, il est élu maire de Guyancourt, Jean Bap-tiste Bringer, ancien instituteur en sera l’adjoint. En février 1906, il est promu offi-cier d’académie. En 1905, il devient juge au tribunal de commerce de Versailles, etle 3 décembre 1911, il en est élu président.Pour son engagement intense dans la vie politique et sociale de sa ville, de son can-ton et de son département, Georges Folain sera promu chevalier de la légion d’hon-neur en 1920. Son dossier fait état de 36 années de service civil et 28 années de ser-vice militaire.(25)

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Un homme d’actions et d’engagements, Georges Folain (1852-1922)Georges Jules Folain est né à Guyancourt le 25 avril 1852. Sa mère, Adélaïde Julie Dou-ville est une Guyancourtoise de souche et son père Louis Victor est aussi né à Guyan-court en 1827.L’implantation familiale à Guyancourt remonte à son grand-père, Pierre Folain, néau Mesnil-Saint-Denis, qui arrive à Guyancourt au début du XIXe siècle pour y exer-cer le métier de maçon. Il y épouse une Guyancourtoise, Élisabeth Chauffroy et s’ins-talle au Village. Avec leur fils, Louis Victor, père de Georges, l’activité de maçonne-rie prend de l’ampleur et donne naissance à une petite entreprise. C’est le début del’ascension sociale de cette famille.Georges est une forte personnalité. Son physique est imposant, il mesure 1m80. Aprèsavoir suivi des études secondaires, il doit reprendre à 23 ans l’entreprise familiale sui-te à la disparition de ses parents morts assez jeunes l’un et l’autre (44 ans pour sa

mère et 48 ans pour son père). Héri-tant de la ferme Douville, famille de samère, (lieu dit « le vieux Château » àl’angle de la rue de la Rigole et de l’ac-tuelle rue Ambroise-Croizat), il instal-le là son entreprise de travaux publicsqui devient florissante. Sa réussite estéclatante. On peut signaler parexemple l’existence de nombreusesmaisons à Versailles, Chaville et Saint-Cloud bâties par la maison Folain.Dans l’exercice de sa profession,Georges est confronté à l’ensemble desacteurs locaux et œuvre, tout au longde sa vie, à la modernisation de sacommune. Suivant l’exemple de songrand-oncle, Pierre François Douville,maire de Guyancourt de 1824 à 1831,il se présente aux élections municipalesde 1884 et est élu conseiller munici-pal à l’âge de 32 ans au côté d’AugusteFleureau, nouveau maire de Guyan-court.

(25) Archives du Service Historique du Ministère de la Défense

Georges Folain Joséphine Thiret

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Georges a épousé à Labbeville (S&O) Joséphine Élise Thiret le 19 août 1876. Ils auront3 enfants, Alfred, né en février 1878 (qui reprendra l’entreprise ensuite localisée à Saint-Cloud), Julia née en juillet 1879, et Pierre en 1888. C’est un mariage d’amour. Duranttoute sa vie, Joséphine assistera son mari au niveau professionnel : c’est elle qui fait lapaye des ouvriers. Elle fait tourner l’entreprise lorsque Georges s’absente en cure à la Bour-boule pour des raisons de santé. Ensemble, ils vont traverser de terribles drames de lavie : la perte de Julia en 1901, jolie jeune femme partie bien trop tôt à l’âge de 22 anspuis de Pierre, le fils destiné à la gestion de l’entreprise. Ingénieur de l’école centrale,mobilisé dès le début du mois d’août 1914 comme sous-lieutenant au 102e régimentd’infanterie, il rejoint très vite la région de Verdun. Après seulement quelques jours decombat, il est tué alors qu’il menait courageusement ses hommes pour la défense deGouraincourt. Nous sommes le 24 août 1914, 22e jour de guerre. Pierre a 26 ans, céli-bataire, il est la première victime guyancourtoise de cette guerre qui en fera 38 autres.Elle décimera particulièrement les forces vives de l’entreprise Folain puisque 7 morts pourla France y sont recensés.Georges profondément touché intériorisera son mal pour exercer dans l’intérêt gé-néral ses responsabilités d’élu. On retrouve de nombreuses interventions auprès dupréfet, sur des sujets très différents, œuvrant sans relâche pour l’intérêt de tous. GeorgesFolain choisit de se retirer aux élections de 1919, marqué par des problèmes de san-té, mais aussi probablement profondément atteint par le décès de son fils Pierre.

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BibliographieBOGE, Laëtitia. La commune de guyancourt de 1900 à 1970. Mémoire universitairede Maîtrise d’histoire (Université de Saint-Quentin-en-Yvelines), 2000.GEX Liliane et Jean, Mon nom est Guyancourt, Yvelinédition, 2006.GLADIEU Jean-Dominique, Guyancourt l’aventure urbaine, Art+, 2009.R. GUILBOT, F. PIZZORNI, V. GUILBOT, Un paysan de Guyancourt défie les pionniersde l’aviation in Miroir, revue de l’Écomusée de Saint-Quentin en Yvelines, 1989 n°4.NADAUS Roland, Quelques regards sur l’histoire de Guyancourt. Éditions de Liesse,1985.STÉPHAN Édouard, Saint-Quentin-en-Yvelines, cartes postales et histoire locale, tome 2,Les Éditions de Liesse, 1984.

Exposition présentée du 6 avril au 29 mai 2011.Commissaire de l’exposition : Isabelle Gourmelin, responsable du service des Archivesmunicipales et du Patrimoine.Recherches : Atelier de généalogie et d’histoire locale de Guyancourt Accueil en par-ticulier Annick Adam, Liliane Gex, Alain Sense et Viviane Boussier.Rédaction des textes : Isabelle Gourmelin, Annick Adam, Liliane Gex et Alain Sense.Scénographie : Blandine Vieillot.Nous remercions les institutions partenaires qui ont bien voulu contribuer à la réa-lisation de cette exposition : le Musée de la Ville de Saint-Quentin-en-Yvelines, lesArchives Départementales des Yvelines, le Musée de l’éducation d’Élancourt, la Bibliothèque municipale de Versailles, les Archives de l’Évêché de Versailles.Merci aussi aux services de la ville qui ont collaboré à la réalisation de cette exposi-tion : Yann Lapoire et son équipe du service Action culturelle, Orlando Serrano et sonéquipe de la régie des manifestations et Swann Berneau du service de l’Urbanisme.Nous adressons également nos plus chaleureux remerciements à tous les collectionneursprivés qui ont bien voulu nous ouvrir leurs archives : Joëlle Leroy, Christian Lesueur,Solange Guilbot, Odile Bailly et Florence Collard, Madame et Monsieur Pétré, Madame et Monsieur Soubigou.Cette exposition a pu bénéficier du soutien de la Direction Régionale des Affaires Culturelles d’Ile-de-France.

Pierre, Alfred et Julia Folain