journal des mines

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JOURNAL DES MINES. N°. 211. JUILLET 1814. AVERTISSEMENT. Toutes les personnes qui ont participé jusqu'à présent, ou qui voudraient participer par la suite, au Journal des Mines, soit par leur correspondance, soit par l'envoi de Mémoires et Ouvrages relatifs a la Minéralogie et aux diverses Sciences qui se rapportent à l'Art des Mines, et qui tendent à son per- fectionnement, sont invitées à faire parvenir leurs Lettres et Mémoires, sous le couvert de M. le Comte LAUMOND Conseiller d'Etat , Directeur-général des Mines, à M. GILLET- LAumoNT ,Inspecteur-général des Mines. Cet Inspecteur est articulièrement chargé, avec M. TREMERY Ingénieur des 'VIines , du travail à présenter à M. le Directeur-général, sur le choix des Mémoires, soit scientifiques, soit administra- tifs, qui doivent entrer dans la composition du Journal des Mines ; et sur tout ce qui concerne la publieation de cet Ouvrage. NEUVIÈME MÉMOIRE SUR LA POUDRE A CANON, Par J. L. PROUST (I). Sur l'éprouvette d'ordonnance. J'AI annoncé, dans le Mémoire précédent qu'une multitude de dosages essayés successi- vement sur la poudre, n'étaient autre chose que le résultat des incertitudes sans fin où nous (i) Nous avons déjà fait connaître les huit premiers Mé- moires publiés par M. Proust. Voyez le Journal des Mines, vol. XXXII et XXXIV. -A3

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Page 1: JOURNAL DES MINES

JOURNAL DES MINES.N°. 211. JUILLET 1814.

AVERTISSEMENT.Toutes les personnes qui ont participé jusqu'à présent,ou

qui voudraient participer par la suite, au Journal des Mines,soit par leur correspondance, soit par l'envoi de Mémoireset Ouvrages relatifs a la Minéralogie et aux diverses Sciencesqui se rapportent à l'Art des Mines, et qui tendent à son per-fectionnement, sont invitées à faire parvenir leurs Lettreset Mémoires, sous le couvert de M. le Comte LAUMONDConseiller d'Etat , Directeur-général des Mines, à M. GILLET-LAumoNT ,Inspecteur-général des Mines. Cet Inspecteur est

articulièrement chargé, avec M. TREMERY Ingénieur des'VIines , du travail à présenter à M. le Directeur-général, surle choix des Mémoires, soit scientifiques, soit administra-tifs, qui doivent entrer dans la composition du Journaldes Mines ; et sur tout ce qui concerne la publieation decet Ouvrage.

NEUVIÈME MÉMOIRESUR LA POUDRE A CANON,

Par J. L. PROUST (I).

Sur l'éprouvette d'ordonnance.

J'AI annoncé, dans le Mémoire précédentqu'une multitude de dosages essayés successi-vement sur la poudre, n'étaient autre chosequele résultat des incertitudes sans fin où nous

(i) Nous avons déjà fait connaître les huit premiers Mé-moires publiés par M. Proust. Voyez le Journal des Mines,vol. XXXII et XXXIV.

-A3

Page 2: JOURNAL DES MINES

6 SUR LA POUDRE A CANON.

avaient- entraîné& les épreuves au' mortier : j'a:1jouterai même encore aujourd'hui qu'on necessera d'y retomber aussilông-temps qu'onpersistera à vouloir décider de ses- qualités parles portées de cet instrument. Dans celui-ci jeMe prépose d"examiner si-entre les portées del'éprouvette et là. fabricatien de la poudre, il y aeffectivement dès rapports assignables; si'ey en

,. rechercher quelle .en est la- va Lean; -et' de,

voip,ensititej usqu'oii en-pent y avoir confiancepour pretioncer- sur les'qualités de la poudre.

En -France-, ce sont-partienlièrementlerïeet:ld Marine gni emploient le mortier à

,ces épreuves, parce- qnenisage en a été pres-crit par une ordonnance qui: date' de l'année1686. Cee;corps , en conséquence', nepermet-tent pas- qu'on reçoive anenne pondre dans lesarsenaux, sans qu'au préalable un officier nese soit assuré qu'elles ont , ou à ,peu.de diffé-rence près, la portée--qui dans l'origine en futfixée par la même ordonnance.

A cette première époque, par exemple, on secontenta de

En 1729 on en exigea ... . .. .Et l'on continua-sur ce pied jusqu'en 1769 et

1775 , où deux-ordonnances-successives arrêtè-rent qu'elles porteraient

En 1798 une troisième ordonnance en éten-ditla portée à 100

- Mais-depuis 1808 on n'en reçut plus au-des-sous-de. , 115

Enfin on.-en' fabrique aujourd'hui qui attei-gnent facilement à. 14o

Et même on en a vu de bien plus fortes encore ;car, parmi celles qu'on trouva en 1802 sur desbâtimens anglais il y en eut qui chassèrent leglobe-à 3 ! 7 et'318 mètres', ou à environ. . 3 6 o

SUR LA POUDRE A CANON. 7Ce tableau n'offre pourtant pas une échelle

bien exacte de leurs progrès : car dès 1733, oùon ne les recevait encore qu'à soixante toises,Bardet de Villeneuve assure en avoir fabriquéavec le charbon de chanvre, qui portaient à108, ce qui en effet dut paraître extraordinairepour ce temps-là. En1744 et 1752 , M. de Saint-Auban , à l'occasion desremarques qu'il adressaau chevalier d'Arcy, , sur son éprouvette, et lemarquis de Thiboutot, qui de son côté vouluts'assurer de nouveau si les décroissemen& deportée, annoncés par Belidor, étaient un--faitconstant, trouvèrent aussi, pour leurs essais, despoudres de cent et de cent quatre toises. Lom-bard, qui rédigeait ses tables de tir en 1787, rap-porte que, quoique -l'ordonnance de 1775 n'en.exigeât que 9o, il en avait trouvé néanmoinsqui portaient à 120 et même à 125 toises. Toutceci donne à penser que, si les ordonnances nese rapprochaient pas rigoureusement des por-tées qui annonçaient plus de perfection dans lapoudre, c'est que l'Artillerie vacillait peut-êtredéjà sur l'opinion qui attribuait une grande va-leur à ces sortes d'épreuves.

Mais revenons à celles-ci. Une poudre a-t-elleaujourd'hui quinze ou vingt mètres de moinsque ne porte l'ordonnance? on la refuse, parceque ce défaut, dit-on, ne manquerait pas de sereproduire dans les grandes armes.--.Cette pré-somption pourtant n'est pas fondée, car l'infé-riorité d'une poudre , évaluée d'après l'éprou-vette , est un fait rqu'on a vu de tous/ temps dé-menti par les portées du canon. Assurément,quand on a vu des poudres de 6o toises à l'é-preuve, emporter-le boulet de vingt-quatre à deux

A4

5o toises.Go

90

Page 3: JOURNAL DES MINES

8 SUR Z1 POUDRE A CANON.'

mille cinq cents toises, comme on l'observa âl'oc-casion de la réduction des charges par Belidor,on peut compter que de pareilles poudres nesont pas faibles; et parmi celles d'à-présenten trouverait encore difficilement qui atteignis-sent cette portée-là. Mais accoutumé qu'on est,depuis plus d'un siècle, à l'opinion ci-dessus,on y tient par habitude, et par habitude encoreon y tiendra long-temps.

Lors donc qu'un commissaire envoyait sespoudres aux magasins, et qu'elles se trouvaientde quinze à vingt mètres au-dessous de la portéed'ordonnance, on les refusait, et il en était re-pris comme ayant mal fabriqué : si au contraireelles l'atteignaient, on l'en récompensait parune augmentation de traitement. Mais ce quiparoîtra sans doute extraordinaire en tout ceci,c'est qu'on ne pouvait pourtant pas lui montreren quoi, dans le premier cas, son travail avaitété défectueux, et pourquoi , dans le secondil s'était surpassé : bonne et mauvaise poudre,même encore aujourd'hui, sont donc le fruitdu hasard. Ainsi l'on exigeait du commissaireune perfection dont on n'était pas en état delui rendre compte ; on exigeait quil ne fît queque des poudres fortes, et on ne l'instruisaitpas de ce qui pouvait l'exposer, durant le tra-vail, à tirer une poudre faible d'in grédiens sansreproche; et en dernier lieu, cette remise qu'onaccorda en 1798, en faveur de celles qui passe-raient le minimum de portée, achève de confir-mer ce guenons yen on s d'avan cer. Pareil en co ura--(rem eut ne démontre-t-il pas, en effet, qu'a cetteépoque, .an moins, on ne savait encore Tien descauses qui pouvaient amener des poudres fortes

SUR LA POUDRE A CANON. 9et des poudres faibles ; car à': des problèmes-résolus l'usage, assurément, n'est pas d'accor-der des primes.

Cependant, en considérant ces différences,il semble qu'on aurait pu se faire quelquefois laquestion suivante : Comment se fait-il que, nosfabriques ayant des substances toujours égales,un même dosage et une trituration invariable,on trouve cependant, entre leurs poudres, desdifférences de force aussi étonnantes que cellede dix, de vingt, et même de quarante mètres,dans les portées d'épreuve ? Serait-il donc, dansla n attire de ces mêmes substances toujours dosées,toujours battues d'une égale manière que celafût ainsi? Si cela est, il faut convenir pourtant querien n'est moins vraisemblable aux yeux de laraison ; car rien en effet ne choque autant lesprincipes, comme de rencontrer des résultatsqui ne cadrent point avec leurs causes. Vit-onjamais dans les monnaies un même alliage don-ner, après l'empreinte, des pièces à différenstitres ? Pourquoi celui de la poudre, avec desélémens tout aussi invariables, donne- t-il néan-moins des produits à toutes sortes de titres, sil'on peut dire ainsi ? Pourquoi enfin, d'une mix-tion aussi uniformément travaillée par -tout,voyons-noussortir des poudres avec des

différencesd'explosion de force, _par conséquent aussidsurprenantes que celles ont font foi tous les

journaux d'épreuve ?A la vérité, comme la force réelle des poudres

n'est aucunement représentée par les expres-sions de nos éprouvettes, on peut rester forttranquille sur l'emploi de celles que ces instru-mens qualifient de poudre faible : aussi voit-on

Page 4: JOURNAL DES MINES

10 sun LA POUDRE A CANON.que les artilleurs les plus instruits se sont de-puis quelque temps mis fort à l'aise sur ces diS-tinctions (1). Cependant, comme les différencesde force à l'éprouvette .procèdent de causesqui se rattachent nécessairement à la théorie ,la science doit les. approfondirai-in d'en donner.l'explication, afin de parvenir s'il est possible,à s'en rendre maître dans la fabrication. Peut-être alors arrivera-t-elle à effacer,, une fois pourtoutes; ces distinctions abusives de poudresIbrtes et de poudres faiblesequi,, n'ayant de réalitéque dans un instrument dont les effets ne sontpoint comparables à ceux des grandes armes,n'en perpétuent pas moins un préjugéantique, universellement adinis!,, et par

consTuentd'autant plus difficile à déraciner.Quoique j'aie déjà rapporté des cas assez re;.,

marquables de ces variations dans la force despoudres, il ne sera pas-hors de propos d'ienaj ou-ter encore un ici, mais un,, sur-tout, qui offreà lui seul un exemple des écarts les plus déses-vénus qu'on; puisse imaginer : ils étonneront,je le présume, et d'autant mieux certainement,que ni l'altération tant répétée du dosage desingrédiers et de leur battage ,.ni la vétusté descharbons-, ni leur écorce, ni rien enfin, de tou-tes ces causes occultes où l'on allait autrefoispuiser de quoi mettre l'esprit en repos sur cessortes d'écarts, ne fourniraient aujourd'hui lesmoyens d'expliquer ceux que nous allons pré-senter au lecteur.

Dans le cours de 1802 on essaya, à la meil-

(I) Voyez la Préface du Traité de la Pondre de linttontraduit par le colonel d'artillerie, M. la Villantrois.

SUR LA POUDRE A CANON. 11

lettre éprouvette qu'ou eût vue jusqu'alors, neufpoudres de guerre, dont cinq dé France, et lesquatre autres de prises étrangères. Voici le ré-sultat, de leurs épreuves.:

On ne peut pas moins que de s'étonner icide voir trois fabriques de France donner despoudres aussi différentes ereforce, car de la-pre-mière àla seconde on trouve déjà une différencede dix-neuf mètres. C'est, à une unité près.,.celle pour laquelle un commissaire autrefoiserdoit sa prime. Vient ensuite celle de trente-huit mètres de la première àlia cinquième. Vé-ritablementy,si la Marine eût-Voulu prendre ausérieux ces résultats d'éprouvette, si elle avait.cru pouvoir les considérer comme des expo-sans bien assurés. de la force des poudres , il yavait là de quoi lui donner des inquiétudes bienautrement alarmantes que: celles qu'elle conçutdu changement de dosages et de .battages, dontelle se plaignit depuis en 1806p-et-ces poudres-là ,- pourtant , se travaillaient de lamêine ma-nière dans toutes les fabriques du royaume.Les règlemens sur la poudre confirment de leurcôté ces différences ; car ils avertissent que lapoudre devra porter le globe ài-2.25-mètres pourqu'elle soit reçue, et qu'au contraire elle serarebutée si elle ne-le porte. qu'à 200. Ainsi deuxcommissaires peuvent:fabriquer des poudres à25 metres.de distance., malgré qe'ils aient scru-

Poudre du port Saint-Chamas. 26/1 mètres.de Maronne 283d'Éssone , 1802 295d'Essone, juin 18o I . . . 296d'Essone , septembre 18-011.. . 302

Page 5: JOURNAL DES MINES

12 SUR LA POUDRE A CANON.

pulensement suivi les mêmes proportions, lamême battue , etc.

Il y a donc entre ces poudres Une différencede qualité qui dérive de tout autre cause quedu dosage ou des battages, ou même , commenous le verrons incessamment, de toutes lesaltérations qu'ils seraient tentés d'y porter ;car, en effet, demandez-leur expressément cesdeux qualités de poudre , c'est une chose cer-taine qu'ils n'y réussiraient pas. Il y a doncenfin dans la fabrication quelque cause incon-nue encore, qui tend à troubler l'uniformitédes produits : et cette cause, nous ajoute-rons qu'elle est de tous les lieux et de tous lestemps : car ce n'est pas sur la portée d'une seulepoudre que Lombard calculait la vîtesse ini-tiale des projectiles, mais bien sur des poudresde 9o, de, loo, de i lo, de 120, et de 125 toisesde portée, c'est-à-dire, sur des poudres de io ,de 25 et de 35 toises de différence, ce qui esténorme ; et assurément on ne les fabriquait pasexprès pour lui. Hutton , de son côté, rencon-tre les mêmes variations entre celles que luifournit le Gouvernement anglais pour ses expé-riences. Qu'est-ce donc que la poudre, enfin,ce mélange dont nous croyions si bien connoi,-tre les propriétés ? Quelle immensité de varia-'tions ne remarquerait-on donc pas dans le ta-bleau qui offrirait, pour dix années seulement,les épreuves de toutes les poudres de l'empireet que d'instructions aussi à tirer du parallèlede toutes 'ces discordances ?

Mais ce variations-là vont bien loin encore ,si, faisant abstraction. des lieux', on ajoute àla suite des précédentes celles que vont nous

SUR LA POUDRE A CANON. 13offrir les poudres qu'on trouva," sur des bâtimensétrangers. Voici leurs portées

Frégates anglaises, le Sniftlure.

le Succès.espagnole, l'Atalante

Il y a donc aussi, entre les poudres anglaises,des inégalités de portée qui ne le cèdent pointà ce qu'on voit en.:France : car du Sll?filitre auSuccès, voilà bien -évidemment 51 mèt. de diffé-rence; et remarquons en même temps qu'ellesfurent de même force aux éprouvettes de Ton-Ion, quoiqu'avec moins d'étendueen général, àcause de l'imperfection des ,mortiers; d'où ilSuit que ces différenceS- étaient constantes,non pas le fesultat.d'anomalies particulières,comme on aurait pu le présumer,..

Actuellement si nousv.opuitiaeufs nosi.fpou-dres à celles d'Angleterre, :nous trouvonsdansl'une de cellesei,_ dans celle de la frégate le"; 6uc-cas, par exemple,.. l'avantage frappant de. 54_mètres sur la poudre de, Saint-Chamas?cceluiensuite de 34 sus: Ja portée ineyenne. de. qip..trede nos poudreset autre-,enfin sur là.-plus

_forte qu'on :put trouver alors-à:ESsone.avait maintenant j ugei:un, cas de cettQna-turc d'après les principes qui servent de:baseaux épreuves ; ,s'il fallait s'en tenir invariable-ment à l'opinion? que la poudre qui donne la.plus grande portée à l'éprouyeep est aussiphis forte au champ de bataille, nous dirionsque de pareils résultats pouvaient avoireatisé.eez nous. d'assez justes inquiétudes oiirfe

. 267 mètres,. . 317

. . . 318. . . 250

Page 6: JOURNAL DES MINES

16 SIJB. LA POUDRE A CANON.

.cation aussi uniformes, et en vérité aussi peu

susceptibles de variations qu'ils le sont en eux-

mêmes ? Et -pourquoi nos ancêtres, avec desprocédés semblables aux nôtres en toutes cho-

ses, n'arrivaient-ils pas du premier coup à faire,

comme nous , des poudres à 115 et 14o toises

d'épreuve ?On aura beau répéter que l'art d'autrefois,

par exemple, moins avancé qu'aujourd'hui,doit suffire à nous faire comprendre d'oùpartait l'infériorité de leurs poudres ; pournous, n.ous ne cesserons de répondre à cela

que, quelle que soit la différence des temps,jamais on ne trouvera dans pareilles causesl'explication d'un fait aussi étonnant que celui.

de voir sortir d'une même composition, des

poudres dont les forces aient pu être entreelles comme les portées de 5o et de ,i6o toises,

ou, si souvent, comme les racines carrées de

ces portées. De pareilles phénomènes sont trop

éloignés des choses possibles; pour qu'on puisse

les admettre bonnement sur parole. Pour les

concevoir, en effet, il faudrait supposer:da bord

que nos poudres actuelles, ou de 16o toises de

portée, peuvent émettre par la détonation deux

fois plus de fluide et de calorique que celles

de 1686, ou de 5o toises ; ou bien encore, que

-des causes ètrangères à ces deux moyens four-

niraient à l'excès de puissance que les poudresmodernes ont sur les anciennes : or on Sent ici

combien des assertions de cette nature outrage-

raient les principes. Mais, disons-le franche-

ment , de 1686 à-nos jours, le 'temps n'a rien

changé certainement aux élétnens du salpêtre

à leurs afenités3 et alors il. est permis de soup-. conner

SUA L. POUDRE A CANON, 17

ÇO1lner que quelques illusions particulières sontvenues nous imposer sur ce point. Voilà ce quenous tâcherons d'éclaircir clans la suite.

Mais en attendant , nous tirerons de ces coin:-paraisons l'aperçu que voici; c'est qu'il y a, dansl'histoire des poudres, deux genres de varia-tions très-distinctes. Les premières Cempren-nent celles dont rions nous sotinnes occupés d'a-bord. Elles sont incontestables, puisqu'elles serépètent sous nos yeux : les causes en sont en-core inconnues, puisqu'aucune fabrique n'a puencore triompher de ces inégalités, puisqu'au-cune puissance, jusqu'à ce moment, n'a encoreréussi à tenir ses poudres à un titre aussi inva,riable que ses monnaies.

Quant à celles du second ordre, sont-ellesaussi bien démontrées ? Nous nous hasarde-

. rons à dire que non. Après tout, elles ne nousconstent que par des traditions si vagues, qu'el-les n'en autorisent en vérité.p,as l'admission, etd'ailleurs tons les.principes s'y refusent. Appro-fondir ces différentes variations dans les pou-dres , ne peut être l'objet de ce Mémoire ; il_faut auparavant nous y préparer par une étude.plus approfondie de l'éprouvette et de ses effetsdans la détonation ; il faut voir si, comme nousl'avons annoncé, il y a des rapports entre cesdétonatiOns et les dosages de la pondre. Nousallons donc appliquer de ce pas notre méthoded'investigation au travail de MM. Pelletier et,Iliffault. Nous Prévînmes en effet, dans le Mé-moire antérieur, que nous nous proposions del'examiner sous d'autres aspects.

Volume 36, n°. 211.

Page 7: JOURNAL DES MINES

SUR LA FOUDRE A CANON,

Indication de l'éprouvette dans les dosages dela pondre:

Le dosage ancien (75: 12 : 127). C'est ainsique nous les indiquerons tous dorénavant, pourabréger le discours. Par ce moyen on se rappel-lera que, dans les fabriques, l'usage est de dé-signer le salpêtre en premier lieu, le charbonen second, et le soufre en troisième.

Le dosage ancien fut, dans la commissionde 1794, le premier objet de travail de MM. Pel-letier et Riffault. Nous avons fait voir antérieu-rement l'uniformité constante qui régna entretoutes les portées qu'ils obtinrent après les deuxpremières heures de battue : mais, s'étant aper-çus que ce dosage manquait d'exactitude à caused'un et demi et même près de trois pour centd'humidité contenue .dans leur salpêtre , cescommissaires, prirent, en conséquence, le partide tout recommencer, en ajoutant à ce sel,tantôt au prorata de son humidité, tantôt enl'employant parfaitement desséché. Avec cetteprécardion ils espéraient bien que la force de

leurs poudres ne pourrait qu'y gagner. 75 de

salpêtre réel, au lieu de 72 ou 73, semblaienten effet promettre quelque avantage. Voyonsmaintenant quelle 'fut la récompense de cessoins.

Dosage ci-dessus. Salpêtre humide. Portée Toises,

de la poudre. . .100, 101, io4

augmentée au prorata de, etc 105, io3 , 107

Ainsi l'éprouvette ne tient compte de

rien.B2

SUR LA ,POUDRE A CANON. 19

Posaee moderne (76 : 14 : 0). Salpêtre Toises.humide . 104, loG

augmenté au prorata de, etc 105, 1O7 , 103Ainsi l'éprouvette ne tient compte de

rien.

Dosage de Guiton ( 76 :15 : 9). Salpêtrehumide. 107, 103

desséché 104Ainsi l'éprouvette ne tient compte derien.

Dosage de Riffault (77 15: 7D. Salpêtrehumide. . . . . ..... 107, 108

desséché. 104Ainsi l'éprouvette ne tient compte de

rien,

Dosage de Grenelle (75:12:12). Salpêtrehumide 102,

deséché..105Ainsi l'éprouvette ne tient.compte de

rien.

6.

DosagedeBarthélemy (7732'13,44 .Salpêtre humide. . . . .. . 107, 106,,9/24)

desséché. 1.03Ainsi l'éprouvette né tient compte de

rien. Les salpêtres de ces six é preuYes -tenaient un et demi d'eau pour cent.

Page 8: JOURNAL DES MINES

SUR. LA POUDRE A CANON.'

7.

Dosage (77: i5: io). Salpêtre humide,d'un peu plus de 211V. 13 onces ; resti- Toises.

tué au prorata : battue, 5 heures. . . 103Deux battues de 7. . . . 102 , 107

de 12 lo6de 21 io3

Ainsi ce dosage et 4 battues différentesn'amenèrentrien que de parfaitementsemblable aux résultats qui précè-dent.

8.

Même dosage. Salpêtre ài et demi d'eau ;augmenté au prorata. Battue, 3 heures. io6

5. . . io6Ainsi l'éprouvette ne tient compte de

rien.9*

Dosage (79 liv. 5 onces : 14 liv. 14 onces:5 liv. 12 once).s) Salpêtre sec. Battue,3 heures. io55 " io5Ainsi l'éprouvette ne distingua point

ces battues.10.

Dosage ( 8o : 15: 5). Salpêtre humide:Battue, 3 heures. 107.

5. . . io6.ne distingua pointAinsi l'éprouvette

ces battues.

Arrêtons-nous maintenant 'aux conséquen-ces. Voilà donc parLtont enfin les mêmes dis-cordances, la même inconnexion entre les por-tées de la poudre et les dosages ! Peut-on rien

SUR LA POUDRE A CANON.

voir, en effet, de plus inattendu, de plus frap-pant qu'une négation de rapports aussi soute-nue, dans une matière oà tout semblait en pro-Mettre de si nombreux ? L'éprouvette, malgrétous ces charigemens de dosage, qu'on peutcompter ici pour seize, puisque chaque addi-tion de salpêtre en amenait un nouveau; l'éprou-vette, malgré toutes ces variations, et au mi-lieu de près de quarante coups d'épreuve, n'en.donne cependant pas le plus léger indice. De100 à io8 toises il n'y a effectivement aucunedifférence, pour un instrument sur-tout qui neMet jamais plus de rigueur dans ces évaluations;car une chose incontestable aux yeux de ceuxqui le connoissent le mieux, c'est qu'une mêmepoudre essayée quarante fois de suite, et avecles plus minutieuses attentions, n'en divaguerapas moins constamment entre ces deux termes ;souvent même encore elle les franchira de beau-,.coup:, comme on peut s'en assurer par tous lesjournaux d'épreuves un peu nombreuses.

C'est donc une vérité bien établie maintenant,que, lorsque l'éprouvette garde un silence-aussiabsolu, disons plus, une indifférence complètesur des changemens de proportion aussi mar-qués, lorsqu'entre ces proportions on voit qu'ellen'assigne aucune supériorité àl'une sur l'autre,ses effets ne sont donc pas, comme on l'a voulujusqu'ici, de nature à donner des éclaircissemensbien satisfaisans sur les dosages de la poudre.Rien de plus journalier néanmoins que de la con-sulter, quand on soupçonne quelque variationdans les dosages ; mais rien de plus inutile aussi,comme on peut déjà s'en convaincre. Lors doncque l'épreuve d'une poudre émet une porté2

B3

Page 9: JOURNAL DES MINES

22 SUR_ LA POUDRE A CANON.

plus forte ou plus faible qu'à l'ordinaire , cela

indique quelque chose de nouveau, sans doute;mais ce résultat là n'a déjà plus de rapportavecles dosages, ce que bien d'autres ras , d'ail-leurs, confirmeront dans la suite. Les règle-mens sur la poudre en fournissent, de leur côté,

de nouvelles preuves, puisqu'ils reconnaissent- que les poudres de Mêmes proportions et qua-lités dans les in i.,Yrédiens, peu vent néanmôins dif-férer de 25 mètres les unes des autres

Si l'on réfléchit actuellement à l'impétuositéordinaire de la moindre détonation, si l'on sereprésente bien celle, par exemple, de troisonces de poudre, qui a déjà quelque chose

posant par la surprise qu'elle occasionne toi'-jours, on. peut expliquer, Sans beaucoup de

difficulté, pourquoi la plupart des changemensde proportion ne sont pas capables d'affecterles portées de l'éprouvette. Voici au moins l'ex-

plication qui: m'a paru la plus satisfaisantec'est que tous les dosages modernes resserréscomme ils le sont aujourd'hui entre :lestrès-rapproch ées , ne diffèrent point assez entreeux pour qu'US puissent influencer d'une farlort

marquée un débandeinent de fluides aussi im-pétueux, aussi véhément que l'est celui de l'ex-plosion., pour que la différence qu'il y a d'un

dosage àl'autre puisse ajouter, ôter ou faire va-rier en quelque chose la somme de mouvementqu'un aussi fougueux essor est dans le cas d'im-primer à Un projectile. Il y a trop de dispropor-tion , en .un mot, 'entre d'aussi grands effets et

une .cause aussi faible.Si clone la détonation de trois onces de pou-

dre ne se ressent en aucune manière des dif-

SUR LA POUDRE À CANON. 23férens chang,emens que peut éprouver le do-sage; si les dosages, bien ou mal proportion-nés sous d'autres rapports., n'affectent pas sesportées, comment alors affecteraient-ils cellesd'une pièce de vingt-quatre, dont la charge cou-rante est de huit à neuf livres , c'est-à-dire ,cent trente à cent quarante fois plus forte >quecelle de l'éprouvette ?Et par extension de prin-cipe s'il n'y a pas de mauvais dosage pour l'é-prouvette, comment y en aurait-il pour les 'gran-des armes? Pour celles-ci, je l'ai déjà dit, il n'ya jamais de mauvaise poudre. Toutes les con-sultations de l'éprouvette l'égard du dosage,sont donc inutiles, superflues maintenant; et,s'il reste encore quelque chose à désirer pourle perfectionement de la poudre, cela ne peutplus désormais regarder sa force, parce que danstous les dosages modernes elle est constam-ment à son maximum. D'autres fàits , au reste,viendront incessamment confirmer ces. consé-quences.

Mais, avant d'aller plus loin., nous pouvonsdéjà commencer, je crois à débrouiller lechaos des dosages; nous pouvons substituer quel-ques élémens raisonnés à cet abime de vacil-.lations qui en ont ballotté le choix par-tout, etoù se sont précipitées, comme à l'envi, toutesles personnes qui, ayant voulu retoucher lesproportions de la poudre, se sont obstinéesa n'en consulter le résultat qu'aux portées del'éprouvette.

D'abord tous les dosages parcourus par MM.Pelletier et Riffàult , toutes ces proportionscomprises entre 75 et 8o livres de salpêtre parquintal, toutes celles aussi qu'on pourrait insé-

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rer entre ces termes, sont parfaitement égales,quant à la force de l'explosion, ou quant à laportée qui exprime cette force. C'est là une -vé-rité qui, quoique nullement aperçue jusqu'à cemoment, n'en est pas moins incontestable; puis-qu'elle repose sur des faits qui le sont eux-mêmes.D'après cela, l'on pourrait donc s'arrêter an pre-mier venu de ces dosages, puisque, relativementà la force, l'éprouvette leur assigne à tous une-valeur égale. A la réflexion cependant, on voitque le choix tomberait toujours sur celui qui au-rait le moins de l'ingrédient qui cade le plus,parce qu'à l'avantage de faire des poudres forteson voudrait y joindre aussi celui de les obtenirau meilleur marché possible. Mais vient ensuiteune considération qui restreindrait à l'instant laliberté de ce choix : c'est que le dosage qui con-tiendrait le moins de salpêtre, par exemple au-rait en revanche le plus de la substance, quia le grave inconvénient d'affaiblir la consis-tance du grain, du charbon par conséquentou de cet ingrédient qui achemine si vite lespoudres à leur détérioration. Cette considéra-tion nous rapproche donc, comme malgré nous,d'un point fondamental; elle nous guide, com-me -par la main, vers un dosage unique, Verscelui dès-lors qui, contenant assez de charbonpour suffire aux affinités du salpétte , n'en acependant 'aucun excès capable 'de nous faireappréhender la détérioration dont nous par-lons...

Il -n'y a donc , en réalité, qu'un seul dosagequi puisse convenir a ,la. poudre.. Telle estcrois , la conséquence qui dérivé de la découverteque nous venons d'annoncer, savoir, que quara

SUR LA POUDRE A CANON. 2a

laibrce de la poztdre , tous tes dosages sontégaux.

Tous les autres, en effet, s'éloignentPlUs ou.moins du dosage fondamental, à proportionde leur excès de charbon. Actuellement, parmitous ces dosages vicieux, les auteurs qui en adop-taient un, entraînés, séduits, je ne sais com-ment, par l'illusion de quelques toises, n'en-visageaient que cet avantage, passager ; de sorteque, négligeant de comparer entre elles les por-tées de tous ces dosages, ils n'apercevaient pasque l'éprouvette, aussi complaisante à certai-nes heures du jour, qu'elle est rigoureused'autres en fait de portées, n'assignait pour-tant aucune supériorité décidée à. -quelque do-sage que ce fût. Que s'ils entrevoyaient les in-convén ien s du charbon dans celui de leur choix,au moins les croyaient-ils amplement rachetéspar l'avantage de la portée, ce qui n'était qu'uneillusion de plus.

Le dosage maintenant qui satisfait le mieuxà tout ce qu'exige la poudre, c'est l'ancien,comme je pense l'avoir assez démontré dansces Mémoires: D'après cela, il est à croire qu'ons'y tiendra désormais, non vapuement ou 'surparole, comme par le passé, Mais sur preuves,puisque la videur en est incontestablement sanc-tionnée par l'expérience : car en effet, disons-le sans détour, des in certitudes noli s donnèrentce dosage Vers la fin de l'avant-dernier siècle,des incertitudes nous l'ôtèrent vers le milieu dudernier. D'autres' ensuite nous le rapportèrent,et l'on en usa jusqu'au commencement de 1794.Mais de nouvelles incertitudes; à cette époque,-viennent le reprendre, et d'autres à leur tour,

24 SUR LA POUDRE A CANON.

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26 SUR LA POUDRE A CANON.

le ballottent et nous le renvoient, vers 18o8 ;et tout dernièrement encore l'on s'est vu, en181 A. fàuté. d'idées bien arrêtées sur les dosa-b<Tes ài'la veille de le perdre encore une fois,pour mettre- à sa place celui de Hollande, leplus défectueux assurément de tous ceux qu'onait jamais propOsés. Cela a été pourtant le fruitde notre confiance dans les décisions de l'éprou-vette. Certes, ce ne sont pas là des principes (1) !

On voulut, en 1795, revoir encore une loisnos deux dosages en concurrence, l'ancien, quel'on abandonna sur la proposition de MM. Pel-letier et Riffault , et celui de Bâle, qu'on venaitde prendre à sa place, après en avoir un peucorrigé l'excès du charbon. Mais, avant de pas-ser aux résultats, rappelons d'abord que ce

(I) Dire qu'aujourd'hui en France on connait parfaite-ment tout ce qui concerne la fabrication des poudres, ex-cepté le dosage, ce serait sans doute s'exposer à de fortssoupçons d'exagération: en cela, pourtant, on ne ferait autrechose que tenir le langage des auteurs du Traité de la Poudre1811, membres eux-mêmes de l'Administration Royale decette partie.

Prenons, par exemple, le dernier paragraphe de la p. 294-et le premier de la suivante ; dégageons ensuite le sens del'entourage qui l'offusque et nous finissons par y trouverun résultat qui, réduit à sa simple expression, comme disentles géomètres, équivaut à ce cpii suit : Nous ne connaissonspoint encore le dosage qui pourrait donner la plus fortepoudre. Nous avons commencé de le chercher; si nous ledécouvrons , nous en ferons part. Mânes de Lavoisier !quels aveux ! En 1772 , époque où la Régie commençad'administrer les poudres, on usait de l'ancien dosage; au-jourd'hui, 1813 , on s'en sert encore : si ce dosage n'est pasle meilleur, voilà donc, à l'heure qu'il est, 4o ans que MOSfabriques attendent celui qui conviendrait le mieux à nospoudres !

SUR LA POUDRE A CANON. 27

dernier, dans leur commission, s'était montrésupérieur à l'ancien, de deux à trois toises àpeu près ; ce qui, dans les idées qu'on avaitalors de poudrés fortes et de poudres faibles,'était toujours non pas un avantage, mais enfinquelque chose. Voici maintenant quelles furentleurs portées

Ainsi se réduisit à rien la supériorité de l'un.sur l'autre. Ainsil'avantageassigné par l'éprou-vette une année auparavant, n'était autre chose,en réalité, qu'une des vacillations ordinaires de

cet instrument.A la Fère , en 1796, on voulut comparer,

pour la troisième fois, ces mêmes dosages. Voicileur portée

Poudre de Saint-Chamas. Dosage ancien. .

de la Père. Dosage moderne iooIdem 116Idem lo3Idem 111

Le terme moyen de quatre épreuves du dosagemoderne étant 109 , il n'y a pas, comme onvit, lapins légère différence de l'un à l'autre;et comment, en effet, faire cas de ces mincedifférences, quand on voit ici une même pou-dre varier de 103 à 116 toises seulement entrequatre portées. L'éprouvette, à la fin, ne tiem-.

110

Dosage ancien (75: 12 12 +). 1o8 toises.( : 14 iomoderne 76 ).

moderne, ae épreuve. 111.

moderne, 3e épreuve. ...

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23 SUR LA :POUDRE A CANON.

donc compte de rien. Mais voyons encore unequatrième comparaison, un peu plus circons-tanciée que les autres.

L'Administration des poudres de Paris, vou-lant éclairer la Marine sur les réclamations quece corps lui avait adressées en 18015 , ordonnade nouvelles recherches sur ce même dosage.En conséquence elle fit fabriquer deux nouvel-les poudres qui furent battues l'une et l'autrequatorze heures de suite. Voici quelles en fu-rent les portées, prises au sortir de l'étuve :

Dosage ancien. . . . 287 mètres.moderne . . . 285

c'est-à- dire, que l'une et l'autre étaient encored.e même force.

On essaya ensuite ces deux dosages avec sixheures de battue seulement, et l'on vit cettefoisci le moderne n'égaler l'ancien qu'une fois,puis restercinq fois au-dessous de lui ; mais enfin,comme les différences n'étaient que de deux àtrois mètres au plus, on en conclura, commede toutes les autres comparaisons, que les por-tées n'indiquent absolument rien sur des do-sages différens et battus- ou six ou quatorzeheures. . .

Encore une démonstration des surprises aux-quelles on s'expose quand on accorde trop deconfiance à cet instrument.

Les antieurs du Nouveau Tra.ité de la Pou-. dre offraient de remplacer le dosage de Fran-ce, l'ancien, par celui de Hollande, qui, del'aveu des fabricans Mêmes, était (75 : 13et cela ,pourdeux à trois mètres qu'ils trouvèrent

SUR LA POUDRE A CANON. 29de phis à ce dernier. Mais, outre qu'en matièred'éprouvette, deux à trois mètres ne se comptentpas, on vient de voir que, ni les portées n'in-diquent des dosages, ni les doSages des portées.Or, en demandant un dosage étranger, surie té-moignage infidèle de ses portées, ils s'exposaientaux mconvéniens d'un choix défectueux; aucun.ne l'est plus, en effet, que celui de Hollande, puis-qu'il pèche par l'excès de plus de sept livres decharbon. Certainement, si de très-fortes différen-ces dans les proportions de la poudre étaientcapables d'influencer les portées de l'éprouvette,c'était bien là le cas de celle de Hollande. Mal-gré son extravagant dosage, cependant, cettepoudre-là égalait les nôtres en force; donc, en-core une fois, deux poudres peuvent différerbeaucoup par le dosage, énormément méme ,sans que l'éprouvette en donne la plus légèreindication : et, quand d'aussi grands excès encharbon n'ont pas cette influence sur les por-tées, comment ceux qui se réduisent à peu dechose l'auraient-ils ? Cessons donc de nous éton-ner maintenant, si dans tous les dosages essayéspar MM. Pelletier et Riffault, où les propor-tions du charbon étaient si éloignées d'un pa-reil excès, l'éprouvette se maintintobstinémentà zéro. Si quelque chose enfin pouvait manqueràla force de ces démonstrations, les. résultats quenous allons rapporter acheveraient sans doutede nous l'offrir.

Dans l'année 1785, Letort fait fabriquer trois-

poudres avec les dosages suivans (75:ï2:(75 : i5 : 10) , (75 : 17 : 7 Demander trois.compositions plus différentes, plus éloignées dese ressembler, il serait difficile , je crois, de

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33 SUR LA. roumis A CANON.

les imaginer, et quelles en sont les portées ?

Le voici : c'est que les neuf épreuves qu'on enfit ne sortirent pas du cercle étroit de 109 à 102

toises. C'est bien là pour le coup ce qu'on peutappeler, clans une éprouvette, ne pas se déran-ger! Lors donc que d'aussi grandes différen.cesdans les proportions n'affectent pas les portéesde ces trois poudres, lorsque l'essor des fluidesqui constitue la détonation n'en est ni accéléré,ni retardé, il faut donc reconnaître , une fois

pour toutes, que l'éprouvette ou ses portéesconfondent tous les dosages, ne mettent par con-séquent aucune distinction entre les bons, entreles médiocres, et entre les mauvais; car c'est là

précisément la qualification qui convient auxtrois dont nous nous occupons; d'où il suit enfin.

que cette qualification ne pourra plus doréna-vant avoir de rapport avec ce qu'on appelle ta

.fbrce dans les poudres, parce que ce n'est Main-tenant plus sous cet aspect qu'un dosage peutêtre réputé bon, médiocre ou mauvais.

A l'aide de ces bases, maintenant nous allonsessayer de porter un jugement définitif sur lavaleur de tous les dosages modernes qu'on a pro-posés jusqu'à ce jour, et le nombre en est déjàconsidérable; car nous en avons une liste devingt-deux à vingt-quatre sous les yeux (i) ; elle

irait même bien plus loin , sans doute, si l'onpouvait y joindre tous ceux qu'on a essayés par-

tout ailleurs qu'en France ; mais, comme il se-

rait aussi fastidieux qu'inutile de les copier ici,nous les laisserons dans les Auteurs, dans lesMémoires particuliers, les manuscrits, etc., ceux

(i) Au tems de Tartaglia, 16°6, ou eu comptait déjà 26.

4

SUR LA POUDRE A CANON.

qui s'occupent de cette partie pouvant toujoursse les procurer.

Jugement sur les dosages modernes.-

PreMièrement, on ne pourra jamais propo-ser, pour un quintal de poudre, moins d'un si-xième en charbon du poids du salpêtre, ou au-trement , douze livres et demie de ce combus-tible, parce qu'il en faut indispensa blement cettequantité-là pour satisfaire aux affinités de soi-xante-quinze livres de ce sel. Au-dessous de cetteproportion, en effet, le salpêtre risquerait demanquer de charbon, ce qui est aussbeelle qu'a-près plusieurs tentatives Lavoisier choisit pourson travail sur la détonation. Tel est clone lepremier point de départ dont il me paraît im-possible de s'écarter.

Secondement, à quelque dose qu'on voulûtporter le charbon dans tous les essais possibles,

-on ne pourrait jamais le porter au delà de dix-huit livres trois quarts, parce que cela feraitjustement le quart du poids du salpêtre, et l'onsent 'trop bien aujourd'hui quels seraient lesinconvémens d'un pareil excès dans la poudre,pour qu'il faille s'y arrêter davantage. Ainsidouze et demie, et dix-huit livres trois quartsde charbon, nous présentent les deux extrêmesentre lesquels il finit, de toute nécessité, choi-sir un dosage. Ces deux extrêmes excluent parconséquent toute proportion qui ne serait pascomprise entre eux, à moins que l'art des pou-dres , renonçant tout-à-fait à la lumière dujour,ne voulût se hasarder encore une fois dans l'obs-curité des etonnemens.

Tous les dosages actuellement qu'on pourrait

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SUR LA POLTDRE A cANON,

insérer entre ces deux extrêmes, comprennentles vingt-quatre que' nous avons pu rassembleret cela est aisé à connaître; il suffit pour cela d'or-donner leur salpêtre selon le n° 75, afin d'enTendre la comparaison plus facile. Mais tousces dosages, dirons-nous manifestent à l'épreu-ve une force .égale à celle de nos deux extrê-mes. Si cela est, comme il n'y pas lieu d'er.douter, il serait donc bien inutile désormais dese fatiguer plus long-temps à tâtonner autourde ces dosages, à essayer de les fractionner de

'cent nouvelles manières, puisqu'aucun de ceuxqu'on pourrait prendre maintenant dans ces in-tervalles,nepourraitj amaisamenerquelque chosede plus simple et de plus avantageux, soi t enfor-es, soit en qualités, que le premier de ces-ex-trêmes, qui est tout justement l'ancien dosage,ou celui que tant d'auteurs ont voulu proscrireen France. S'il y a enfin quelque chose de dé-montré en chimie , ce sont , je l'espère , lesconclusions que nous venons de tirer dés faitsénoncés ci-dessus.

Ces considérations fournissent donc aujour-d'hui des bases inébranlables à l'art de la poujdre ; elles ferment pour jamais, en effet, toutespoir de trouver mieux en cette partie; et leproblème du meilleur dosage possible, matièreéternelle de discussions entre les Corps mili-taires et les Régies, est enfin résolu. Les sa-vans, dit quelque part l'auteur de l'Aide-Mé-moire de l'Artilleur, n'ont encore pu s'accor-der sur le dosage qui convient le inieux 4 lapoudre. Cela est certain ; mais, grâce à leurpersévérance, ajouterons-nous aussi, cette lutteest désormais terminée. C'est

strn. LA. POUDRE .A CANON, 33.

C'est donc un fait invariablement démontrémaintenant, que les poudres différent entreelles comme leurs proportions, tout simplement,et non pas comme leurs forces, ainsi qu'onl'avait cru , parce qu'à l'exception de quel-qu'inciden t étranger aux dosages, sur lequel nousreviendrons, ces mêmes dosages, tant variésqu'on les voudra, n'ont aucunement le pouvoird'influencer la détonation de faire varier parconséquent les portées de l'éprouvette. L'Artil-lerie et la Marine pourront donc se rassurerdésormais sur ces altérations de dosage et debattage, dont il leur avait paru naturel de fairedépendre la variation des portées; ces variations-là procèdent d'une cause absolument différentede tout ce qui a trait à dosage, battage, etc.,et d'une cause qui, venant à se compliquer dudécroissement des portées, rend par conséquentla comparaison des poudres plus pénible qu'onne pense, à raison des défalcations qu'il y au--rait à appliquer aux résultats.

Quant à cette absence de rapports que nousvenons d'annoncer entre la détonation et lesdifférences du dosage, .elle a de quoi surpren-dre au premier abord, et bien des militaires yrenonceront avec peine. La Chimie cependantnous offre çà et là quelques analogies assez`pro-pres à nous faire concevoir ce manque de rap-ports; telle est la suivante

Qui se serait attendu, par exemple, au man-que de concordance que les savarts ont découvertentre le feu latent des corps et leur températureapparente ? Rien de plus démontré cependant,et l'on a cessé de s'en étonner au thermomè-tre, en effet, tous sont à même température,

Volume 36, 11,°. 21 1.

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34 SUR LA POUDRE A CANON.

quelles que soient d'ailleurs les quantités dufeu qui leur communique la liquidité, l'expan-sibllite etc. Mais, dans l'essai des poudres, ilya aussi des effets du même genre ; car, à l'éprou-vette, toutes sont de même portée, quelles quesoient d'ailleurs les proportions de leurs dosa-

ges : voilà, je pense, des analogies.

Indications de l'éprouvette sur le soufre despoudres.

Mais le mésaccord des portées avec les dosa-ges va bien plus loin encore dans les poudressans soufre. Ces dernières , par exemple, desexpriences authentiques faites en Angleterresen Espagne, eu France, nous font voir quedans les grandes armes, comme à l'eprouvette ,ellcs sont de même force que les poudres sul-fureuses. Sous d'antres rapports cependant,elles sont bien éloignées de les égaler. Si l'onpeut maintvant reprocher à l'éprouvette de

ne donner, en matière de dosage, que des faitssans liaison, ce sera, je pense, dans des castels que le suivant. Letort fait fabriquer deuxpoudres que voiciSalpêtre 75. Charbon 5 Portée. 112 toises.Salpêtre 75. Charbon 15. Soufre io 112,

Encore une fois, c'est bien là, dans l'éprou-vette, ne pas se déranger!

Quant aux autres poudres, l'expérience ap-prend aussi que les variations dans la quantitédu soufre n'affectent pas pour cela leurs por-tées; car des poudres de 3, de 5, de 7 , de ioet de 12 + de soufre au quintal, ne donnent pas,

SUR LA rounnE A CANON. 35pour cela, des portées différentes. Chaptal l'a-vait bien reconnu; dès-lors il serait instructifde décider à partir de quel excès, soit en char-bon, soit en soufre, ajouté progressivement àun dosage fixe, tel que l'ancien, par exemple,les portées commenceraient à indiquer des dif-férences clans la force des poudres. De pareilsrésultats donneraient bien des lumières sur letempérament de l'éprouvette.

Jugement sur les poudres anciennes.

Sous les règnes de Louis XII, Henri IV, etLouis XIII, la poudre la plus forte était parfai-tement connue : c'est celle que les Italiens etles Vénitiens désignaient par poudres de sixpoints, ou de six as et as (i), c'est-à-dire, sal-pêtre 6, charbon 1, soufre 1; l'Artillerie néa.n-

(s) Si l'ofl soustrait l'excès de charbon qu'a le dosagequatre as et as sur l'ancien, ou six as et as, on trouve quecet excès se monte justement à demi-gros par once de poudre.Mais, si actuellement la portée ordinaire à l'éprouvette n'estpas affectée par un gros et demi de charbon, ce qui formele plus grand excès possible , comment celles de tous les do-sages qui redescendent vers celui de six as et as, et dontl'excès, par conséquent va toujours en dirninuant ; com-ment leurs portées, dis-je, pourraient-elles s'en ressentir?Ce que Pexpérience de l'éprouvette démontre, le raisonne-ment le confirme donc ; c'est qu'en effet tous les dosagescompris entre quatre et six as et as, né peuvent donner quedes poudres de même force. Certainement, s'il s'agissait d'a-nalyser deux charges d'éprouvette , dont Pune aurait un groset demi de charbon, autant de soufre, de plus que L'autre ,on y trouverait de grandes différences ; mais qu'importe icipour le présent, si la détonation ne tient pas compte de cesdifférences ?

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36 .SLIR LA POUDRE A CANON.

moins usait assez généralement de celles de.

cinq et même de qnatre as et us. Mais ces deuxdernières sont comprises entre les deux extrê-mes que nous avons fixés, et l'expérience faitconnaître qu'elles sont aussi fortes que ces ex-trêmes, de même force que celle de six as etas par conséquent, de Même enfin que les nô-tres, puisque c'est là tout justement notre do-sage. La poudre de ces Siècles-là , plus char-bonneuse à la vérité, valait donc autant quecelles .d'aujourd'hui.. Faut-il s'étonner mainte-nant de ces effets prodigieux si renommés parl'histoire, et qui , dans les campagnes d'Italievalurent au canon .français le surnom d'artil-lerie formidable? Il n'y a donc Pas de l'art de

ces temps-là , à celui de nos jours, autant de

différence qu'on -pourrait se l'imaginer. Rus-celli, dans l'ouvrage de qui nous trouvons déjàla pulvérisation du salpêtre par l'agitation de

sa liqueur, Ruscelli donnait en 1568 !a poudresuivante, corne pizzlina è pin gagliarda (7512 : 12 ); c'est notre dosage. Ainsi le purtâtonnement avait conduit les anciens aussi loin,

en matière de poudre, qu'auraient pu le faireaujourd'hui tontes les connaissances de la Chi-mie :. et l'addition du soufre, pour remplacerles inconvéniens de l'excès du charbon et accroî-

tre la véhémence de la détonation, fut un traitde génie, quel que soit l'auteur de la poudre.

Indications de l'éprouvette dans le battage.

Mais c'est une question résolue. On a pu voir,dans le Mémoire précédent, qu'après deux heu-

res, que dis-je, après vingt à trente minutes de

SUR LA POUDRE A CANON. 37battage, les portées n'indiquent aucun accrois-sement dans la force des poudres; et mêmeles poudres dont les ingrédiens ont été mal tri-turés n'en donnent pas moins des portées aussisatisfaisantes que les mieux soignées sous cerapport. On s'en aperçut bien dans les expé-riences qu'on reprit à Essone en i86, sur lesdosages. Dans le travail de MM. Rif:fa:nit et Pel-letier, au sujet ds l'humidité du salpêtre , ilseurent beau varier aussi le temps des battages ,tout devint égal pour l'éprouvette, qui ne tintcompte rien. A la découverte que 'nous avonsfaite sur les dosages, il faut donc, encore ajou-ter celle-ci : c'est qu'entre les portées et letemps des battages, il n'y a aucun rapportassignable.

Nombre de faits viennent encore appuyer cesconséquences. Les poudres rondes, par exem-ple, sont tout aussi fortes, et souvent mêmebeaucoup plus que les poudres anguleuses,comme on le vit dans la comparaison_ que lecomte de Rostaing fit faire des poudres de So-leure, de Berne et de Lucerne, avec les nôtres;'comme on l'a vu depuis aussi, dans celle quifut faite sur les poudres rondes de M. Champy,par une commission créée exprès pour cet ob-jet; d'oit il résulte, pour le dire en passant,une conséquence fort singulière. .Puisquedifférence dans le dosage n'est pas capabled'augmenter la force des poudres , .commenous l'avons démontré il faut donc que l'ex-cès de force des poudres rondes sur les an-guleuses dépende de causes purement mé-caniques. Que de conséquences à la suite decette remarque ! Revenant à notre objet

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38 SUR LA POUDRE A CANON.

toutes les poudres rondes se fabriquent Sansbattage.

Rien, eu reste , ne découvre l'inanité de nésopinions sur ces différens points, et notam-ment les écarts auxquels on s'expose avec

* prouvette , comme les faits qui vont suivre.On vit à Essone , en 1811 , des poudres ron-

des qui, joignant à beaucoup d'imperfectionsle défaut d'avoir perdu une bonne partie deleur salpêtre , n'en fournissaient pas moins267 mètres de portée, tandis que les poudrescourantes et de quatorze heures de battue n'at-teignaient qu'à 261; de sorte que, si l'excès deforce des premières était aussi ._siàr au canonqu'à l'éprouvette, ce serait réellement un avan-tage de n'employer à la guerre que des poudresrondes dégradées dans leur dosage', ou toutau moins réduit à leurs proportions. C'est doncpar conséquent un 'fait bien établi, que le bat-tage n'est point une condition essentielle àtafbrce des poudres, et c'en est un autre en-core, qu'on peut soustraire hardiment une par-tie du salpêtre, pousser l'infidélité fort loin à cetégard, bouleverser par conséquent les rapportsles mieux calculés, sans que les portées de l'é-prouvette en donnent le plus léger indice, etsouvent même encore très-loin de cela, puis-qu. e nous venons de voir cet instrument ac-corder la palme aux poudres lés plus défec-tueuses.

Chaque jour cependant je vois qu'on l'invo-que avec beaucoup de confiance sur tous cesobjets. J'avoueraiséanmoins que, dans tout ceque j'ai été à même d'observer par moi-même,je n'ai jamais vu l'éprouvette répondre catégo-

SUR LA POUDRE A CANON. 39riquement à quoi que ce soit. Quels que soient,au reste ses services ei la confiance qu'onlui accorde, on voudra bien pourtant m'accor-der aussi un certain nombre de points, tels queles suivans , par exemple , dont les uns sontdéjà démontrés, et les autres ne tarderont pointà l'être. C'est que

1° Les poudres bien ou mal dosées, surchar,gées par conséquent d'une combustion inutile;

2° Celles dont on a supprimé le soufre à l'en-tier ou. en partie ;

3° Celles dont on a supprimé du salpêtre parerreur ou par infidélité

4° Celles dont les charbons paraissent les pluséloignés d'y convenir ;

5° Celles dont les ingrédiens sont Seçà ouhumides

6 Celles dont les ingrédiens ont été bien oumat pulvérisés ;

70 Celles enfin qui ont été battues peu, beau-coup, ou point du tout ; toutes sont parfaite-ment accueillies à -l'éprouvette ; toutes, en unmot , s'y confondent par la plus insignifianteégalité dans les portées.... La détonation, de-rechef, tient-elle compte des modfications queces différentes causes peuvent oc,casiorei à lapoudre ? Et, si l'on considère actueilefuent que-toutes les objections un peu sérieuscs qu'onpourrait former contre une poudre, sont a peuprès comprises sous ces principaux chefs, à.,quels cas l'éprouvette sera-t-elle donc appli-cable , si celles-ci ne sont plus de son ressort ?

J'ai reçu de Delft le procès-verbal de centC4

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4,3 3DR LA POUDRE A CANON.

douze coups d'épreuve résultans de l'examende cent quatorze milliers de poudre trouvésdans les 'Magasins de Hollande. Je ne cesse de .

me demander quelles lumières on a pu retirerde cesportéeS , qui n'ont maintenant de rapportni au salpêtre, ni au charbon , ni au soufreni à leurs proportions, ni à leur battue , ni à laqualité de leur grain, ni à sa conservation, nini , ni, etc. , etc.

L'éprouvette, au reste , ne peut satisfairequ'à bien peu de questions, puisqu'elle n'a jarmais que deux réponses à faire : des portéeslongues, cin dés portées courtes. Son applicationà l'examen des poudres est donc infinimentplus bornée qu'on ne pense ; et certainementc'est pour n'avoir -pas connu assez à temps cettevérité, lors de leur commission, que MM. Pelle-tier 'et Riffault s'égarèrent dans un abîme dequestions étrangères à l'éprouvette : maisdonnons -à tout ceci :.quelques développe-mens.

Ces commissaires, par exemple, font fabri-quer- treize cents livres 'de poudre; its répètentscrupuleusement neuf à. dix dosages ;.les bat-tues en sent variées depuis deuxjusqu"à vingt.-une heures ; lessubstances sont prises dans tousles états pôssibl es , afin de trouver pour chacuned'elles le mode qui .sera le plus avantageux à.

la poudre. En conséquence, restauration dedosages, rechanges, arrosages,' évaluation desdifférentes espèces de grains, des poussiers,toutes les manipulations :.qui s'y rapportent ;tout cela est varié, conduit, surveillé avec unerigueur telle, qu'en fait -de poudre ," aucunecommission , le dirai-je, n'aura jamais été ni

SUR LA POUDRE A CANON. 41

plus étendue, ni mieux suivie que celle-là. Toutà l'heure on arrive au dénouement. Deux centtrente coups d'épreuve vont décider bientôt dela qualité de tant de poudres, et les commissai-res enfin touchent au moment si impatiem-ment attendu de recueillir des conséquencesclaires, précises, propres en un mot à éclairerdéfinitivement l'objet de leur mission. Et quelest le résultat de tant de travaux ? Le croira-t-on ?... Des énigmes, des réponses impénétra-bles !... Celles de la Pythie, en vérité, ne fu-rent jamais plus obscures.

L'éprouvette, en effet, au lieu d'éclairerquelques-uns des points qu'on va lui consulter,se met à labourer tranquillement la terre surune étendue de quatre à cinq toises au plus;ce. qu'elle eût infailliblement fait, si on eûtessayé la première venue de toutes ces poudrespendant deux cent trente fois de suite : l'éprou-vette enfin ne résout aucune difficulté, ne four-nit aucune induction, aucun aperçu ; en unmot, elle n'éclaircit, elle ne tient compte derien absolument. Est-ce donc là ce qu'ils de-vaient attendre de. cet instrument qu'autrefoisM. de Sain t-Auhan exalta si haut, pour abais-ser si bas l'éprouvette de Darcy ?

Pourquoi au reste, en exiger plus de solu-tions qu'elle n'en peut donner ? Puisque cha-que essai se répète trois fois de suite, deux centtrente coups d'épreuve supposent par consé-quent soixante-seize questions à résoudre. Maisl'éprouvette n'a que deux réponses à faire. Enla consultant exclusivement sur tout, on vou-lait donc que ces deux portées-là, longue oucourte, donnassent la soin tion de soixante-seize

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2'problèmes ! L'éprouvette n'en lit rien, car elle

ne répondit à rien.A l'aide de ces notions, maintenant on peut

juger déjà que les auteurs de la Commission,entraînés par l'opinion d'alors, que les por-tées longues assuraient seules des poudres for-

tes, ne manqueraientpoint de préférer le dosagequi l'emporterait sur les autres, ne fût-ce que)d'Une toise : aussi leur choix se fixa-t-il sur ce-lui de Bêle, qui eut effectivement cet avan-tage. Ainsi fut exclu de sa patrie le dosage d6

nos pères, supérieur à celui de Bêle, qui n'est.lu-même, au fond, qu'un de nos anciens do-

gages de France. Mais, à l'exception des deux à

treis toises qui décidèrent la chance en fa-

t enr de celui de Bêle, à l'exception de ce mince

avantageque des épreuves postérieures eurentbientôt effacé, l'éprouvette se maintint., sur.toutes les questions des commissaires, dans laplus parfaite indifférence; elle confirma donc,

par là, qu'il n'est arteUnernen.t de son ressort de

nous donner des lumières sur la qualité desÂn-grédiens , sur leurs proportions sur le tempsde leur battage, ni enfin sur aucune de cesModifications par lesquelleàles auteurs essayè-

rent d'augmenter la force des poudres, de cettemixtion, après tout, qui n'en est déjà plus sus-

ceptible depuis plusieurà"-siècles, puisque, dès

avant celui de Louis XII; le dosage de six aset as en avait déjà monté la puissance à son

maximum.Ces vérités, quoique d'un genre négatif,

n'en sont pas M'Oins infiniment précieuses; elles

démontrent, jusqu'à l'évidence, que l'éprou--vette .n'est point un instrument qui suffise à

SUR LA POUDRE A CANON. SUR LA POUDRE A CANON.. 43l'examen des poudres comme la routine, tou-jours ardente à saisir moyens de perpétuerson empire , ne cesse de l'assurer; elles nousavertissent en même temps, qu'il est indispen-sable de resserrer la confiance trop étenduequ'on lui avait accordée; qu'il est temps enfind'écarter de son usage une multitude de res-tions qui lui sont étrangères, pour la rappelerexclusivement à celles que des portées courtesou des portées longues sont dans le cas de ré-soudre. Nous essayerons peut. être ailleurs dela ramener aux fonctions dont nous venons detracer l'objet.

Indications de l'éprouvette sur les charbons.

Faute d'avoir étudié suffisamment les babi-tudes de l'éprouvette, ou , pour mieux dire en-core, celles de la détonation dans èet instru-ment, on s'est Persuadé que ses pertées devaientfournir aussi des lumières sur la qualité descharbons; mais il me paraît aujourd'hui qu'onen a beaucoup trop attendu. C'est encore letravail de Letort qui va 'rectifier nos idées àce sujet. II fait fabriquer cinq poudres deguerre avec les charbons suivons. Voici leursportées

Charbon de peuplier. 113 toises.marronnier . iratilleul. . . riochâtaignier. 109bourdeine

Voilà donc encore quinze épreuves qui cir-Culent entre 3.o9 et 1.13 toises ; et, comme

Page 20: JOURNAL DES MINES

44 SUR LA POUDRE A CANON.

l'écart de quatre toises est moindre réellementque celui qu'aurait fourni une séide et mêmepoudre dans quinze épreuves consécutives, ilest bien évident que l'éprouvette pour cinqcharbons très-différens:, ne. se ,dérange cepen-dant pas du tout. Il faudrait -d'ailleurs ne pasconnaître, le tempérament de cette machine,pour ne pas.savoir , 'd'une part, que le premiercoup d'une suite d'épreuves a toujours l'avan-tage, conformément à la loi du décroissementdes portées, et de l'autre,- qu'à Inoins d'avoirrecommencé ces- épreuves:, en en renversantl'ordre le lendemain, il est impossible d'allouerune supériorité décidée à l'un quelconque deces charbons. Il faut se rappeler ensuite, q u'aus-sitôt que le soufre est en présence, il efface àl'instant presque toute la différence qu'il peuty avoir de charbon à-charbon , relativement àleur combustion, par l'oxigène du salpêtre. Riend'impropre assurément comme celui de châtai-gnier, s'il s'agissait de faire des poudres sanssoufre; car on peut voir sur mon échelle de com-bustibilité combien il est en effet éloigné de ceuxqu'on appelait autrefois doux et légers : maisle soufre entre-t-ii dans le mélange ? Ce com-bustible le:remonte, je ne sais comment , il estvrai, au pair des meilleurs charbons, ainsi quela plupart de tous ceux qui d'ailleurs y con-viendraient le moins. Lors -donc que le soufreefface totalement l'énorme différence qu'il y adu charbon de châtaignier à celui de bourdeine,par exemple, il ne faut, plus aller croire quel'éprouvette soit capable de nous faire remarquercelles qui pourraie nt distinguer des charbonsaussi doux, aussi peu différens: entre eux que

srn LA POUDRE A CANON. 45ceux de peuplier, dobourdeine , de tilleul, etc.Et quand d'ailleurs sa détonation n'est jamaisdérangée par de très fortes altérations dans ledosage , par des causes bien autre-ment puis-santes dès-lors que toutes celles qui peuventvenir de la différence des charbons, il sera, jecrois, beaucoup plus sage de remettre à zéro desdistinctions aussi équivoques , en attendant unerevue plus circonstanciée de ces objets, et confir-mée sur-tout par de mei Heures notions de chimie.

Pour se convaincre, au surplus, de la fragi-lité de ces distinctions de fabrique , que l'on acrues su ffisammen t fondées sur deux à trois toisesde différence, différence qui, en réalité, n'estrien aux yeux de quiconque entend le langagede l'éprouvette, il ne faut que considérer unmoment ces altérations de l'influence atmos-phérique, qui dans un môme jour abaissent ourelèvent les portées, selon l'heure où on lescommence ; et, comme dans toutes ces classi-fications on n'a jamais eu égard à cette juilLien ce,et dès-lors à la défalcation qu'il aurait falluappliquer aux portées, on jugera de la con-fiance qu'elles peuvent mériter aux yeux desartilleurs et des chimistes ; et par conséquentencore, la doctrine nouvellement établie surles charbons neufs, les charbons vieux, lescharbons à la retorte les charbons au cylin-dre , les charbons étouffés à l'étouffoir, lescharbons éteints à l'âtre, les charbons de bran-ches , les charbons de bûches, etc. , dont lesdifférences ne passent jamais au-delà de celleque le premier venu d'entre eux a coutumede donner, quand on le soumet à cinq ou sixépreuves de suite.

Page 21: JOURNAL DES MINES

46 SUR LA POUDRE A CANON.

Les tableaux qui suivent nous donnerontquelques exemples de plus de toutes ces futi-les évaluations.

On fait des poudres de guerre avec les sixcharbons suivans. Voici leurs portées

Charbon de saule. . .

de bourdeine. .

de peuplier . .de chanvre . .

de sanguin .de coudrier

Conclurait-on, par exemple, de ces varia-tions-là, que le charbon de bourdeine est moinspropre que celui de coudrier pour la poudre ?On aurait grand tort; et ainsi des autres. Ren-versez l'ordre des essais, et vous retomberez dansune confusion dont une troisième épreuve nevous tirera certainement pas. 11 en faut dire au-tant de la comparaison qui va suivre, où le cou-drier donne la plus faible poudre, tandis quedans le tableau ci-dessus l'avantage est pour

Coudrier. . . 316 mètres.Saule 318Bcrudeine 319Chanvre. 32o

Disons la même chose du saule, qui donneici une très-bonne poudre, lorsque dans le ta-bleau précédent quelque anomalie, quelque acci-dent qu'on n'aura point observé, en fait une pou-dre détestable.

En 1811 on commande, sur le charbon dechanvre, sur celui-là même qui entrait dans lacomposition de ces poudres, dont Pedro Na-

172 mètres.250252254'256257

Même éprouvette.

Même éprouvette.

SUR LA POUDRE A CANO*. 47varrofiten 1481 un si fâcheux essai contre nous,des expériences : et ces expériences-là le condam-nent comme un très-mauv ais charbon . Mais bien-tôt après l'on voit arriver des expériences noncommandées ,qui le relèvent de ce jugemen t (1).Voilà les lumières que non s tirons de l'éprouvette,quand on la manoeuvre empiriquemen tet sanségard aux attentions que commandent les auteursd'artillerieet les connaissances du jour.

Ainsi beaucoup plus de charbons qu'on nepense conviennent à la poudre, à cause de l'a-vantage qu'a le soufre d'aviver, si je puis direainsi , la combustibilité des plus tardifs ; et cen'est réellement que lorsqu'une dureté excessiveles empêche de, se laisser diviser, de se parfondreintimement avec les autres parties, que les char-bons commencent à n'y plus convenir. Alorsaussi la détonation commence à ,languir; elleavertit, par la diminution, des portées, qu'on luia livré des poudres moins combustibles, ou qui,en temps égaux, ne brûlent pas aussi abondam-ment que les poudres de charbons tendres.

Ainsi l'on voit, dans d'autres épreuves de Le-tort, les poudres de charbon de chêne ne four-nir que 102 toises, quand celles de bourdeinedonnaient toujours 109. Et pareillement, dansun autre tableau de comparaison qui m'a étécommuniqué le chêne ne donner encore que154 mètres, quand celui de bourdeine allait à172. La seule règle à suivre_ dans le choix .des charbons, sera clone toujours celle qui nous

CO Le lecteur, enfin , voudra bien se rappeler que lapoudre d'un même charbon peut donner dans une mêmematinée les portées suivantes , 242 rm,2tr. , 253 , et 264.

Page 22: JOURNAL DES MINES

48 sus. LA rÛUTYRE A CANON..

a été transmise par l'Espagne et l'Italie, savoirique tout 'charbon qui, a l'avantage du meilleurmarché possible, joint celui d'être si friablesi tendre, si diffusible entre tous les autres in-grécliens , qu'aucune trituration préalable n'ysoit nécessaire s'il se petit, sera toujours le meil-leur. Or on vient de voir si ce sont des qua-lités dont l'éprouvette puisse nous instruire.

C0171712iSSi011 du 31 janvier 1794.

M. Guyton reçut, à cette époque, la commis-

sion d'entreprendre des recherches sur la pou-dré , d'en varier le dosage et la trituration,afin de découvrir, s'il était possible, de nou-

veaux moyens de la perfectionner.M. Guyton proposa en conséquence six dosa-

Ges qu'on exécuta de suite à Grenelle, où se fi-t,rent aussi les épreuves. J'ai regretté que cet esti-

mable savant, qui M'a confié avec tant de fran-chise tout ce qu'il avait d'observations sur lapoudre, et dont j'ai fait un si grand usage clans

ces Mémoires , n'ait pu retrouver le journel deleurs portées ; niais je ne doute plus aujour-d'hui que celles de ces six poudres se., seronttellement rapprochées, qu'on n'y trouverait ac-tuellement qu'une confirmation de plus du si-

lence que l'éprouvette garde sur tout ce qui s'ap-pelle dosage, battage, etc.

Essai de théorie sur la poudre.

Essayons quelques idées sur cet objet. Sicomme on n'en saurait douter, les résultats quenous venons de réunir ici sont incontestables,

il

SUR LA POUDRE À cÀI-ON. 49il faut bien admettre enfin que les proportionsde la poudre peuvent varier entre les deux ex=trêmes que nous avons fixés, et' par conséquentdans une latitude assez considérable, sans que sadétonation ou ses portées en soient sensiblementaffectées.

D'où il suit que, puisque toutes ces propor-tionsfournissent des poudres d'égale force, il n'ya plus véritablement que celle qui constitLe lepremier de nos extrêmes, qui puisse donner undosage capable de satisfaire à tout ce qu'exigela théorie. Mais ce dosage , comme je l'ai ditailleurs , ne peut jamais non plus.suivre rigou-reusement le rapport que l'on a découvert entrePoxigène et le carbone, par plusieurs raisons quevo id.

D'abord , parce que la quantité absolue dé cetélément 'n'ayant encore été déterminée dansaucun des charbons que nous destinons à lapo!dre , il serait clés- lors itnpossib'e de fixerexactement le poids de ceux- qu'on voudrait .mê-ler au salpêtre. En. second lieu, parce que lapondre n'étant point une combinaison, maisun simple mélange de corps appropriés à four-nir des combinaisons, lorsqu'ils éprouverontune certaine température, il fan t bien ici, commedans tous les cas de ce genre, accorder un cer-tain exècs au facteur que l'on destine à la satu-ration des autres, ce qui, dans le fond, exigetoujours un contact de parties, large, facile,et par cela même plus nombreux qu'il ne fau-drait à la rigueur. Il faut bien encore que cetexcès puisse couvrir le déficit que fa- quantitédu carbone éprouve du mélange d'une multi-tude de choses hétérogènes, telles que cen-

Volume 36, no. 211. D

Page 23: JOURNAL DES MINES

.5o SUR LA POUDRE A CANON,

(Ires , sels , oxides , humidité , gaz étrangers ,

parties de charbons plombagines , etc.

Je ces principes nous déduirons encore que

la poudre, dans ce dosage, atteint réellement

le maxinzurn de puissance auquel visent les prin-

cipes : premièrement , parce qu'un autre dosage

connu ne peut l'emporter sur lui à Cet égard ; et

en second lieu, parce que dans l'état actuel de

nos connaissances sur les ingrédiens de la pou-

dre, nous voyons qu'il est impossible d'en tirer

par la détonation, des produits plus nombreux,

ou d'en accélérer davantage l'émission. Ce se-

rait, en effet, l'unique moyen de tendre plus

fortement les deux ressorts de sa puissance, qui

sont, comme on_ sait, le volume d gaz.et la vi-

tesse de leur debandement.'Mais une autre vérité découle de ces faits,

qui , je le crains bien, ne sera point aussi promp-

tement accueillie des artilleurs que des chimis-

tes. Çen'est pas parce qu'ils auraient à m'oppo-

ser des faits, mais c'est uniquement parce que

Bélidor, , Robins, Hutton , Lombard ; etc., les

ont élevés dans une. opinion contraire à celle

que j'oserai combattre ici; la voici : Nul /osage ne peut donner deux poudres; il n'y a parconséquent ni poudre forte, ni pondre faible.

DevelopponSceci maintenant. Comment, avec

un mélange de substances toujours semblables,toujours-dosées , toujours battues de la même-

ma*.niëre , pourrait-on ,en effet, obtenir., je ne

dirai pas 'plusieurs mais seulement deux pou,

dres différentes ? La théorie est bien éloignée

d'en autoriser la possibilité. D'abord, en con-sidérant la nature immuable du salpêtre, du

soufre et du charbon, quand on n'en cliang,e

SUR LA POUDRE A CANON. 51.

pas, il est facile de juger que jamais ces subs-tances ne peuvent produire autre chose que dela poudre d'une seule qualité. Admettons , pourun moment, que n de salpêtre puisse fourniren poids ou en mesure, comme on voudra.soixante parties de tous les élémens mesura blesque produit sa détonation. Admettons ensuiteque la poudre qu'on en tirera peut porter leglobe de l'éprouvette à soixante toises ;, ceci n'acertainement rien qui choque la raison.

Pour concevoir maintenant que ces mêmesingrédienS, ce même dosage, cette même pou-dre enfin pût , dans d'autres occasions., don-ner aussi des portéEs de 90, de 100, de 120et de- 125 toises, comme l'a fait Lombard , etmême de i4o, comme l'ont dit d'autres auteurs,en s'appuyant les uns et les autres de perfec-tionnement dans la manipulation , que rien nedémontre; il faudrait donc supposer alors aussique la quantité des élémens mesurables de cettepoudre pût s'élever progressivement à 90, à100, à 120, et même à itio. Or cela est impos-sible, absurde par. conséquent. Mais, si la Chi-mie se refuse à cette supposition , elle n'admetdonc Plus alors que les variations de tordedont nous venons de parler., puissent procéderdes ingrédiens , deleur dosage ou .de leur tri-turation , altérés ou manipulés enfin de quelquefaçon que ce soit. Et enfin, quand l'on assureque les poudres d'aujourd'hui donnent 140toises , lorsqu'en 1772 , époque où.laltégie sechargea de leur fabrication, elles ne portaientqu'a. 8o (ils. ont dû dire 90), il est de la der-nière évidence que' quelqu'ilusion particulièreaura - surpris le jugement de ces auteurs. Ainsi

D 2

1

Page 24: JOURNAL DES MINES

52, ,

SUR LA POUDRE A CANON.'

en s'en tenant fermement aux principes, onvoit qu'il n'est pas , en effet ,- dans la naturedes ingrédieng de-la poudre , qu'on ait jamais

pu, selon les temps ou les manipulations, qu'onpuisse même aujourd'hui en tirer des produits

de différentes portées, ou à differens titres de

force ; ou bien, pour en établir solidement lapossibilité, il faudrait donc présenter actuelle-

ment deux poudres tirées d'une même compo-sition, la première à 90 toises , et la seconde

à 140 : or voilà un problème dont je me tiens

pour assuré que rions ne verrons jamais la so-

lution.Mais aussi, pour concevoir l'uniformité des

poudres, il faut se prêter à une supposition ; il

faut écarter d'ici ponriun moment l'influenceaccidentelle d'une cause purement mécaniquequi allonge, ou qui accourcit par fois la portée

des épreuves. Cette cause, quelle qu'elle soit'dérange -donc quelquefois le mode ordinaire

de sa détonation ; mais, excepté cet incident,qu'on ne voit pas tous les jours, la poudrea- lors ne s'écarte point de cette loi générale de

la nature , cri assujettit toutes les combinai-

sons possibles à une mesure de quantité ou d'ac-

tion invariable. Telles sont en effet toutes les

:poudres , de quelque dosage qu'elles soient.,pourvu que leur détonation ne se trouve pasdérangée par cette influence, sur laquelle d'ail-

leurs nous nous expliquerons plus ample-

ment, en considérant la poudre sous d'autres

aspects.Tout ceci nous achemine aussi à une dernière

conséquence sur l'épronvette; la voici : C'est,

que, si la cause qui parvient A. changer quelque-

SUR LA POUDRE A CANON. 53fois l'état des poudres n'avait jam.a,is lieu, ouqu'il fût possible de l'anéantir tout-à-fait, nospoudres se trouvant toutes alors, cornmetenosmonnaies, à un titre invariable, l'éprouvettene serait enfin qu'un instrument de la plusparfaite inutilité : et cela est évident, je pense ;car n'ayant plus à nous avertir de l'influencede la cause en question dans les portées, n'ayantplus à nous rendre ce service, son emploi,par conséquent, se réduirait à rien, puisqu'ellen'a, de reste., rien à ncius apprendre, ni surl'état des ing-rédiens, ni sur leur dosage, ni surleur trituration, ni enfin sur aucune autre choseque <ce soit.

Conséquences.

I°. Il n'y a aucun rapport assignable entre lesportées de l'éprouvette et les dosages de la pou-dre, tant que ceux-ci se renferment entre leslimites que nous avons fixées, attendu que toutescelles qu'on pourrait choisir entre ces deux ter-mes, donnent, y compris ces mêmes termes,des poudres d'une force égale.

2°. Il n'y a aucun rapport entre les portéeset les temps du battage , puisqu'après vingt mi-nutes et vingt-une heures de battue, ces por-tées restent toujours les mêmes.

30. Il n'y a aucun rapport entre les portées etla qualité des charbons légers ou à peu près,qu'on a essayé de faire entrer dans la poudre.

4'. Le dosage dit ancien, donnant, avec lamoindre quantité possible de charbon, autantde puissance que quelqu'autre que ce soit, leproblème du vrai dosage est résolu.

5.. La poudre ne marquant rien .à l'éprou,D3

Page 25: JOURNAL DES MINES

54 SUR LA POUDRE A CANON.

vette après deux heures de battue jusqu'à vingt-une heures ,. l'égalité de ses portées démontreque elle acquiert pàr ce moyen quelque qua-lité utile , l'éprouvette n'en donne aucun signe.

6°. Toutes les poudres sont égales en force,hors le cas on une cause étrangère à leur com-position vient à influencer leur détonation.

7° L'éprouvette, en 1794, prononça en fa-

veur du dosage de Bâle inférieur sons tousles rapports à, l'ancien ; en 1795 elle ne pro-nonça. rien ; en 1796 elle garda le même silen-

ce en 18D8 elle ne fit qu'augmenter les in-,

certitudes sur les dosages; en 1811 elle exposa nosfabriques à recevoir le plus mauvais do sage pos-sible. L'éprouvette, d'après cela, n'est donc pro-pre qu'à nous induire en erreur sur les dosages

sur les ingrédiens , sur le battage , etc. Mais il

y à un cas on elle peut être 'utile ; ce que nouSexaminerons dans la suite.

Craôn , premier août 1813.

Eprouvette de Darcy.

An mois d'août de 1302, une troisième Com-mission 'fut chàrgée d'aviser à, de nouveauxmoyens pour donner à la poudre de guerre le

dégréde perfection .dont on la jugeait encoresusceptible. Annoncer que dans cette occasion.on appela MM. l!es généranx Daboville et Va-vassenr, , et MM. Guyton, Champ y et .Baillet,c'est assez dire que toutes les 1.1tri.ières de l'Ar-

tillerie réunies k celles de la Physique et dela Chimie , ne laisseraient rien à désirer pourque le voeu du Gouvernement fût rempli.

Ces savais arrêtèrent, en conséquence, unesuite d'opérations dont le but principal devait

SUR LA POUDRE A CANON. 35

être sur-,tout d'abréger , s'il était possible, ladurée dubattage; car, depuis 1794, c'était tou-jours là le point sur lequel on insistait. Quel-que nombreux, en effet, que puissent être lesMoulins d'un empire, y a-t-il rien. de 'plusopposé à la célérité de ses approvisionnetnenset à l'expédition qu'exigent souvent les cas for-tuits, comme cette lenteur accablante de vingt-une, de douze ou de quatorze heures de battageaujourd'hui, pour faire quoi.? - quelque chosed'aussi simple que le mélange dés ingrédiensde la poudre. Quoiqu'à cette époque on suivîtle dosage moderne dans nos fabriques, la Com-mission jugea néanmoins plus: à propos deprendre l'ancien , et d'appliquer à ses résultatsl'éprouvette à recul de Darcy, , au lieu du mor-tier d'ordonnance. Mais, avant d'entrer clans lesdétails sera bon, je pense, de donner :ici unextrait des opinions qu'on avait déjà sut cetteéprouvette, et même aussi de celles qu'on en aconservées jusqu'à Wesent.

MM. Bézout et de Montigny en firent lespremiers .un éloge particulier dans le Rapportqu'ils furent chargés de présenter à l'Académieen 1777. 'Cette machine ,Ldirent-ils alors, vasu/passer tout ce qu'on a vu dans ce genre,et ils finirent par ins;.ster sur les avantages-quele service du roi pourrait incessamment se pro-mettre de son usage.

Dans la Commission qu'on créa en 1794, pourrédiger des programmes sur tes-fonderies, sur lapoudre , etc. , on en avait aussi la même idee.L'éprouvette de Darcy, dit-on, peut être re-cordée comme la plus exacte.

Les auteurs. du Nouveau Traité de la Poudre114

Page 26: JOURNAL DES MINES

56 SUR LA POUDRE A CANON.

enchérissent de !ePr côté sur ces éloges, en di-sant , page 358 : L'Adinini.s.tralion possède laplus belle qui ait encore été .Aite ; elle est.satzs contredit la plu, parja.' ite de toutes cedesdont nous v,rions de parler,. pour essayer la

poudre de chasse, etc., etc., 1812.-

Voilà, par conséquent, une opinion bien.établie en faveur de cette éprouvette. Il y -atrente-six ans à.peu près, aujourd'hui, qu'onla conserve à. l'Arsenal de Paris; d'après cela,l'on peut j'Eiger qu'y ayant été bien étudiéel'on en connaît parfaitement la marche et leshabitudes. Darcy essayant à la 'sienne des pou-dres, de chasse et de guerre , les auteurs duTraité s'en sont également servis pour cette der-nière; aussi la Commission crut-elle, de soncôté, pouvoir l'appliquer en toute confianceà l'épreuve des poudres de guerre qu'elle ve-nait de faire fabriquer à différentes heures debattue. Je ne. rapporterai rien de l'interminablecontroverse qu'occasionna cette éprouvette,entre MM. Darcy et de Saint-Auban, parcequ'au lieu de l'expérience, ce fut, si je ne metrompe , l'esprit de corps qui fournit à tousles argu mens que l'on s'opposa de part et d'au-.tre , pour défendre éprouvette contre éprou-vette. Ici, au contraire, nous allons nous bor-ner à ne présenter que des faits, comme étantles seuls d'après lesquels ou puisse juger saine-ment de cet objet.

SUR LA POUDRE A CANON.

HEUR DE E,TTIT RECULS y NS. B ECU

Poudre liatLue pen-dant. . . 2 heur. 253. . . 258.

248.255.

. . . 242. . . 239.246.

Venue de Saint-Orner. . . . 3. . 257. . . 254.

260.

253. . . 258.249.

. . 252. . 251.253.

. . . 260. . . 258.91,3.

6. . . . 241. 27..236.

Prise au magasinpour comparaison. 6. . . 259. . . 3oo.

287.3oo.

21. . . 270. . 261.276.

Analysons maintenant ces résultats, et voyonssi , entre les reculs de l'instrument et la duréedes battages, il y a des rapports plus décidésque n'en donne le mortier en pareille circons-tance.

.10 Pour première anomalie, nousdécouvronsd'abord une poudre de deux heures, plus fortequ'une autre de six heures de battue.

2 . Une poudre battue trois heures à Saint-.

Page 27: JOURNAL DES MINES

58 SUR LA POUDRE A CANON.

Orner l'être plus que sa pareille battuelé mêmetemps à Essore.

3° . Une poudre de quatre heures, ne l'em-porter ni sur une de deux, ni stil' une de trois,mais surpasser une de Cinq et une 'autre deSix heures.

40.- Une autre de cinq heures, plus fortequ'une de six, mais plus faible que trois autresFoudres, savoir, de trois et de quatre heuresle battue. -

5°.- Une poudre de six heures, qui l'em-porte de 19. degrés Sr une autre' de six.

60. Et enfin une poudre de six, tirée du ma-gasin , surpasser considérablement deux au-tres de six, heures, et un sur-tout de vingt-uneheures.

u-e .résultats nous disent maintenantquels rapports ou quelle concordance il y a en-tre les reculs de cette éprouvette et la durée du.battage?'Pour ndus, nous avouerons franche-'Ment que nous n'y découvrons rien du tout.

Ce qu.on aperçoit de moins obscur dans cetableau, c'est qu'à cette éprouvette, commeau mortier, la poudre est faite après le pre-mier de ces battages , c'est-à-dire, après deniheures ; car en effet, entre ILS reculs partielsqui correspondent à de-dx , à six et à vingt-uneheures de battue, l'on voit te retour de nornbres qui rie difffrent pas sensiblement, tels queceux 258, 261 et 263. Nous n'étendrons pas.plus loinces.conséqüences; mais nous dironsque la Commission, ne jugeant point qu'il lui fûtpossible, pour le moment, de tirer de ces faitsdès améliorations au travail de la poudre, se

SUR LA POUDRE A CANON. 59

borna' à proposer quelques avis généraux sursa meilleure conservation dans ès magasins,dans les transports, etc. Tels résultats produi-sirent ces épreuves, faites avec la plus exacte,la plus belle et la plus parfaite éprouvettcqu'on connaisse.

Peut-être dira-t-on qu'en faisant marcher en-semble ces deux instrurnens, l'on pourrait alorséclairer l'un par l'autre, et tirer de leur accorddes conséquences plus lumineuses que de leuremploi séparé. L'expérience en soit faite. Voicile tableau d'une comparaison. semblable ; elleeut lieu en 1806, à l'occasion des plaintes quela Marine avait adressées à l'Administrationdes poudres, au sujet de leur dégradationdepuis leur arrivée dans les magasins de Brestet de Toulon.

N.. D'INDICATION PORTÉE AIT MORTIER RECUL Lu CA'''DE DARCY.des Poudres. à 92 gramm. de charge. à 5 gramaies.

.N" 5 278,33 mètres. ioo 2 degrés.

4 278,66.10,253E 281,00 . . . 13,273G 901,33 . . 11,623A 281,66 . . .

6 282,25 . . . 10,25I A2EI E 287,00 . .

285,00 . .

.

.

.

:2,,,3570

282,66. 12,25

2A 288 , 00 12,25

Page 28: JOURNAL DES MINES

6o SUR LA POUDRE A CANON.

J'ai tenu pour inutile de surcharger ce tableaude la spécification des poudres, parce qu'avecle numéro d'indication qui les accompagne,ceux que cette matière intéresserait en retrou-veraient aisément le détail à Essone. Ce qu'ilimporte plus 'particulièrement en ceci , c'estde voir s'il y a réellement quelque concor-.dnce entre ces deux échelles. Or j'avoueraiqu'en les comparant terme à terme , je n'envois aucune. C'est par-tout une contradiction,une obscurité dont il n'y a rien à tirer ; c'esten un .mot une suite de résultats sans la moin-dre correspondance, et sans utilité, par con-séquent.

Quelle comparaison se promettre,entre une détonation de cinq grammes et cellede quatre-vingt-douze quand on sait que cettedernière n'est pas même affectée par les plusfortes différences qu'on puisse porter dans lesproportions des poudres ? Darcy les éprouvaitdans la 'sienne, au poids d'une once, ce quin'est encore que le tiers de ce qu'on en éprouveau mortier. Il faudrait donc alors un canon quicomportât la détonation de trois onces, si l'onvoulait en obtenir des effets comparatifs : etlors même qu'on les obtiendrait l'usage dumortier j'révaudrait toujours sur celui du ca-non suspendu , à cause de sa solidité et de lasimplicité de son service ; d'où je crois pouvoirconclure, qu'à moins que les reculs de cet ins-trument ne vinssent à indiepfer dans la poudredes qualités qui échapperaient au mortier, l'é-prouvette de Darcy ne pourra jamais offrir uneutilité bien marquée pour l'examen de leurs,différences.

SUR LA POUDRE A CANON. 61Lé canon de Darcy partage d'ailleurs avec

le mortier l'inconvénient majeur des écarts aux-quels une même poudre est sujette dans le coursdé plusieurs épreuves consécutives. Au mortier,par exemple , ce sont des sauts de cinq, de dix,de quinze toises, du premier tir au second, autroisième ", au quatrième , etc. Or comment,d'après cela , saisir , distinguer sur une échellede divagations aussi étendue , la portée quidérive exclusivement de l'influence de 'telleou telle qualité particulière de poudre , quand.on sait que cette portée -là peut. tout aussibien s'attribuer aux écarts habituels du mor-tier Même, qu'à la poudre qu'on soumet àl'épreuve ?

A l'éprouvette de Darcy, ce sont les mêmesincertitudes. Dans le premier tableau l'on voit,par exemple, entre les reculs partiels, qu'unemême poudre peut aussi faire varier l'instru-ment de six, de douze et de quinze degrés, seule-ment dans trois épreuves consécuti've-s. Mais, silés quantités particulières dont nous parlionstout-a-l'heure peuvent influencer le recul, etque ces influences-là tombent entre six et quinzedegrés, comment les reconnaître, cornaient lesretrouver entre ces quinze degrés, quand ceux-ci sont aussi bien le résultat des divagations'propres à l'instrument, que de la poudre' qu'onveut essayer? Et, s'il s'agissait seulement de troisà quatre poudres à comparer, quelle compli-cation alors, quelles défalcations quel laby-rinthe en un mot, pour un genre d'épreuvesqui demande autant de stireté dans les résul-tats , que de rondeur et d'expédition dans lesMoyens ? Certes, si l'on ne réussit pas à rendre

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celte éprouvette plus utile qu'elle n'a été jus-qu'ici , je n'y vois alors qu'une fastueuseamusette, un joujou propre à faire perdre dutemps aux Commissions , bien plus qu'à les NOTICEinstruire.

11111111Miltarteeree.....

SUR

LES HOUILLIÈRES DE BORGLOH;

Par M. BEURARD , Bibliothécaire de la Direction généraledes Mines (i).

f /ES mines de houilles connues sous la déno- situation.mination de houillières de R orgloh , sont situéesdans l'arrondissement d'Osnabruck , dissémi-nées plus spécialement sur les territoires desvillages de Borgloh , Lohrzberg , Strzchherg etOesède , dans une contrée entrecoupée de val-lons en général peu profonds, mais dont quel-quefois aussi les côtés sont assez escarpés, etqui occupe une partie de l'intervalle, de quatreà cinq lieues, que laissent entre elles -deuxchaînes de. montagnes qui traversent ce payssur deux lignes à peu près parallèles , et surune direction aussi à peu près semblable, celleSud-Est.

Le terrain où elles se trouvent est un terrainsecondaire composé en général de ,calcaire à

(1) Cette l'otice est extraite d'un Rapport que Pauteur arédigé à Osnabruck, en

Nature duterrain.