journal des amateurs d’orchidées - european orchids · appliquée contre le stigmate, ce dernier...

35
JUIN 2019 • DOSSIER POLLINISATION • LES ORCHIDÉES ET LE SEXE • VANILLE : FÉCONDATION ASSISTÉE • TOUR D’HORIZON EUROPÉEN • DES THRIPS POLLINISATEURS ? • PHOTOGRAPHIER LES INSECTES ANACAMPTIS PYRAMIDALIS journal des amateurs d’orchidées N° 221 (VOL. 50) L’ORCHIDOPHILE N° 221 (VOL. 50) • DOSSIER POLLINISATION - SEXE – VANILLE - ORCHIDÉES EUROPÉENNES – PHOTOGRAPHIE - A. PYRAMIDALIS DENDROCHILUM - PORTRAIT D’ORCHIDOPHILE •

Upload: others

Post on 24-Jun-2020

0 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: journal des amateurs d’orchidées - European orchids · appliquée contre le stigmate, ce dernier la re-tient en totalité ou, au moins, des fragments. Le reste des pollinies, toujours

JUIN2019

• DOSSIER POLLINISATION• LES ORCHIDÉES ET LE SEXE

• VANILLE : FÉCONDATION ASSISTÉE

• TOUR D’HORIZON EUROPÉEN

• DES THRIPS POLLINISATEURS ?

• PHOTOGRAPHIER LES INSECTES

• ANACAMPTIS PYRAMIDALIS

j o u r n a l d e s a m a t e u r s d ’ o r c h i d é e s N° 221 (VOL. 50)

L’ORCHIDOPHILEN° 221 (VOL. 50)• DOSSIER POLLINISATION - SEXE – VANILLE - ORCHIDÉES EUROPÉENNES – PHOTOGRAPHIE - A. PYRAM

IDALIS– DENDROCHILUM

- PORTRAIT D’ORCHIDOPHILE •

Couv221juin_Mise en page 1 23/04/19 15:28 Page1

Page 2: journal des amateurs d’orchidées - European orchids · appliquée contre le stigmate, ce dernier la re-tient en totalité ou, au moins, des fragments. Le reste des pollinies, toujours

INTRODUCTIONLes orchidées sauvages inspirent de nom-

breuses personnes et les incitent à entrepren-dre de longs voyages pour observer et photo-graphier ces merveilles de la nature. Bienmoins de gens voyagent pour découvrir et étu-dier les pollinisateurs, ce qui est assez com-préhensible car cela prend davantage de temps,avec une probabilité d’échec assez élevée.Malheureusement, il n’existe pas de donnéesgéoréférencées disponibles pour les sites sur les-quels on peut être certain de trouver un insectepollinisateur spécifique. Cependant, l’étude dela pollinisation est un sujet très intéressant etpassionnant. Il projette l’observateur dansune nouvelle dimension qui peut aider àcomprendre l’apparence de certaines orchidéeset les exigences particulières pour leur milieu.Dans cet article nous voulons renseigner les

éléments qui composent une fleur d’orchidée,préciser leur fonction et comprendre com-

ment les différentes parties de la fleur contri-buent à une pollinisation efficace. Après uneexplication de la structure de la fleur, noustraiterons des modes de pollinisation et desstratégies mises en place par les orchidéespour attirer les insectes. Si ces derniers neviennent pas, comment les orchidées par-viennent-elles à une pollinisation autogame?Nous développerons l’organisation et la fonc-tion de la fleur de l’orchidée de manière com-préhensible afin que les amoureux de cesplantes puissent les regarder avec plus deconnaissances. Nous ne couvrirons pas tousles genres d’orchidées, mais effectuerons unesélection afin que tous les aspects de la polli-nisation en général soient traités.Cet article reprend une série publiée dans

le Journal of Hardy Orchid Society de 2013 à2018, adaptée et élargie pour la publicationdans L’Orchidophile ; il se propose de clarifierles relations entre orchidées et pollinisateurs.Tous les exemples cités ont été puisés chez lesorchidées européennes.

TERMINOLOGIEIl semble important d’expliquer et d’illustrer

le plan général et les termes qui seront utilisésdans cet article. La figure 1 présente la mor-phologie florale d’une orchidée ; mais nous ver-rons qu’il y a beaucoup de modifications à par-tir de ce motif de base. Dans tous les cas, lesfleurs d’orchidées présentent deux verticilles desegments floraux. Les verticilles sont l’en-semble des organes d’une fleur (étamines,pétales, sépales) insérés circulairement au-tour de sa partie centrale. Le périanthe est l’en-semble de sépales et pétales. Le verticille externeest composé de trois sépales (figure 1.1 à 1.3),

Juin 2019 - L’Orchidophile 125

CONNAISSANCE

Résumé.– Cet article balaie laplupart des genres européensd’orchidées et donne, pourchacun, les grandes caracté-ristiques de ses modes de pol-linisation. De ces études pous-sées, les auteurs dégagent degrandes catégories. Une abon-dante iconographie vient illus-trer le propos.

Mots-clés.– Pollinisation ; in-sectes ; morphologie florale ;orchidées d’Europe.

Abstract.– This article reviewsmost of the European orchidgenera and gives, for each ofthem, the main characteristicsof pollination mechanisms. Theauthors discuss various polli-nation categories. A richiconography illustrates theirwords.

Keywords.– Pollination; in-sects; flower morphology; European orchids.

La pollinisation des orchidées européennes

Jean CLAESSENS* & Jacques KLEYNEN**

CLAESSENS J. & KLEYNEN J., 2019.– Pollination of European orchids.L’Orchidophile 221: 125-158

Fig. 1.– Fleur d’Ophrysgarganica. Les numéros 1, 2et 3 indiquent les sépales,

4 et 5 montrent les pétales etle numéro 6 indique le

labelle (Photo J. CLAESSENS).

4

1

5

2

6

3

Orchido221juin_SFO 23/04/19 15:24 Page125

Page 3: journal des amateurs d’orchidées - European orchids · appliquée contre le stigmate, ce dernier la re-tient en totalité ou, au moins, des fragments. Le reste des pollinies, toujours

qui sont la plupart du temps semblables en formeet en couleur. Les sépales situés à droite et àgauche sont appelés sépales latéraux, alors quecelui du milieu est le sépale médian ou sépaledorsal. Le verticille intérieur consiste en trois seg-ments floraux : deux sont identiques et sont engénéral des pétales courts (figure 1.4 & 1.5) etun troisième pétale qui a été transformé en lapartie la plus remarquable de la fleur d’orchidée,le labelle (Fig. 1.6). Dans la plupart des genres,le labelle est orienté vers le bas (Fig. 2). Dans lebouton floral, le labelle est orienté vers le hautmais, en raison de la rotation du pédicelle ou dubasculement de la fleur (résupination), il se re-trouve en position inférieure. Dans cette posi-tion, il peut jouer le rôle de piste d’atterrissagepour les insectes visiteurs.À l’intérieur de la fleur, on trouve le gynos-

tème (Figures 3 & 4), un organe spécifique néde la fusion des étamines et du stigmate. En gé-néral, les orchidées européennes n’ont conservéqu’une seule étamine à partir des trois que l’onpeut trouver chez les orchidées les plus primi-tives. L’étamine est bipartite, logée dans uneanthère également divisée en deux parties. Lesgrains de pollen peuvent être solitaires (mo-nade), regroupés par quatre (tétrade) ou ag-glutinés en masse bien plus grandes (massule).Ils sont agglomérés entre eux par l’élastovis-cine, un fluide très collant, formant ainsi despaquets de pollen, appelés pollinies. La polli-nie peut présenter une élongation jaune fili-forme ou ronde, le caudicule. Le caudiculelui-même est connecté à un disque visqueux,le viscidium. L’ensemble formé par les polli-nies, le caudicule et le viscidium est nommé le

pollinaire (Fig. 5). Le viscidium peut prendredes apparences variées. Sa fonction est de fixerles pollinies à un insecte visiteur. Chez certainesespèces, le viscidium est protégé par une mem-brane mince, le bursicule.La partie inférieure du gynostème est le stig-

mate, généralement situé sous l’anthère et leviscidium. Le stigmate repose le plus souventdans la cavité stigmatique et il est recouvertd’un fluide luisant capable de retenir les frag-ments de pollen. L’éperon est une extension dulabelle en forme de tube de longueur variable,qui peut contenir du nectar. L’entrée de l’épe-ron se situe généralement sous le stigmate. Legynostème est connecté à l’ovaire qui contientun grand nombre d’ovules.

126 L’Orchidophile - Juin 2019

CONNAISSANCE

En général, les orchidées européennes n’ont conservéqu’une seule étamine à partir des trois que l’on peuttrouver chez les orchidées les plus primitives.

Fig. 2.– Fleur d’Orchismilitaris.

Fig. 3.– Fleur d’Orchisspitzelii. S = sépale,

P = pétale, C = colonne, St = stigmate.

Fig. 4.– Colonne d’Orchispurpurea. A = anthère, B = bursicule de l’anthèrecontenant les viscidia,

S = stigmate.Fig. 5.– Pollinaire d’Orchis

militaris collé à uneaiguille ; P = pollinie,

C = caudicule, V = viscidium

(Photos J. CLAESSENS).

2 3

5

4

Orchido221juin_SFO 23/04/19 15:24 Page126

Page 4: journal des amateurs d’orchidées - European orchids · appliquée contre le stigmate, ce dernier la re-tient en totalité ou, au moins, des fragments. Le reste des pollinies, toujours

COMMENT SE FAIT LA POLLINISATION?UNE EXPLICATION ILLUSTRÉE PAR LESGENRES ORCHIS ET DACTYLORHIZAPour évoquer le principe de la pollinisation,

on se réfère souvent au livre essentiel deCharles DARWIN (1877) qui a utilisé des dessinsd’Orchis mascula (Orchis mâle) pour illustrerle procédé de pollinisation.La structure des fleurs et du gynostème est as-

sez similaire chez les espèces des genres Orchiset Dactylorhiza. Ces deux genres présentent desfleurs facilement accessibles aux insectes. Les sé-pales et les pétales forment un casque lâche etle labelle est penché vers le bas, offrant unebonne zone d’atterrissage pour les insectes.L’insecte est appâté par le parfum des fleurs. Lelabelle présente souvent des motifs spécifiques

de points et de lignes, appelés « guides à miel »,qui attirent les insectes à proximité et lesconduisent vers l’entrée de l’éperon au centre dela fleur. La surface du labelle est couverte defines papilles qui permettent à l’insecte des’agripper fermement. L’éperon peut êtreorienté vers le haut ou vers le bas et ne contient

pas de nectar. Les genres Orchis et Dactylorhizafont partie des orchidées « trompeuses », n’of-frant pas la récompense du nectar à leurs visi-teurs (voir plus loin dans le texte).En approchant de l’entrée de l’éperon, l’in-

secte rencontre le gynostème. L’anthère estdroite et s’étend dans le bursicule qui contientdeux disques visqueux. En dessous, s’étend lacavité stigmatique, créée par l’ouverture del’éperon. Le stigmate, grand et plus ou moinsrectangulaire ou triangulaire, est situé sur le« plafond » de l’éperon, juste au-dessus de l’en-trée, dans la cavité stigmatique. Pour atteindrel’hypothétique nectar, l’insecte doit se penchervers l’avant, avec de grandes chances de tou-cher le bursicule. Ce dernier, repoussé vers l’ar-rière, expose les viscidia qui se collent à la têtede l’insecte. La glu qui recouvre les viscidiadurcit instantanément, empêchant l’insecte dese débarrasser du pollinaire. Cela agace visible-ment les insectes que nous avons fréquemmentobservés en train de tenter de s’en défaire en setoilettant intensivement. Les caudicules sonttrès élastiques et peuvent s’étirer jusqu’à dixfois leur longueur sans se briser (Fig. 7). En gé-néral, il est impossible pour l’insecte de retirerle pollinaire, une fois qu’il est fixé sur son corps.Après leur toilette, ils s’envolent vers une autrefleur de la même plante, ou vont visiter uneautre orchidée.Lorsque les pollinaires sont prélevés, ils se tien-

nent à la verticale sur la tête de l’insecte, dans lamême position qu’ils occupaient dans l’an-thère. Cependant, pour atteindre le stigmate, ilsdoivent s’incliner vers l’avant d’environ 90°. Celas’accomplit grâce à la déshydratation de la basedu caudicule, ce qui entraîne sa contraction, puisle mouvement vers l’avant (Fig. 6). Pour com-prendre ce mécanisme de mouvement du cau-dicule, DARWIN (1877) avait placé un caudiculedans l’eau ainsi penché vers l’avant, lui per-mettant de retrouver sa position verticale initiale.C’est une expérience intéressante que vouspouvez facilement reproduire. Prélevez sim-plement les pollinaires avec un cure-dents, ob-servez comment ils se courbent vers l’avant en20 à 50 secondes (CLAESSENS & KLEYNEN, 2011)puis placez-les dans l’eau pour constater lemouvement inverse.Lorsque l’insecte visite une autre fleur, la pol-

linie est dans la bonne position pour toucherle stigmate (figures 8 à 11). Le fluide stigma-tique est encore plus collant que le viscidiumou que les fils d’élastine. Lorsque la pollinie est

Juin 2019 - L’Orchidophile 127

CONNAISSANCE

Fig. 6.– Colonne d’Orchismascula, vue latérale. Lepollinaire est attaché à uncrayon et a été plié versl’avant. Il peut maintenantatteindre la surfacestigmatique derrière lebursicule (Photo J. CLAESSENS).

Fig. 7.– Dactylorhizapraetermissa, Bunde (Pays-Bas) 16 juin 2008; lebourdon (Bombus terrestris)essaie vainement de sedébarrasser des polliniestrès flexibles (Photo J. KLEYNEN).

6

7

Orchido221juin_SFO 23/04/19 15:24 Page127

Page 5: journal des amateurs d’orchidées - European orchids · appliquée contre le stigmate, ce dernier la re-tient en totalité ou, au moins, des fragments. Le reste des pollinies, toujours

appliquée contre le stigmate, ce dernier la re-tient en totalité ou, au moins, des fragments.Le reste des pollinies, toujours attaché à la têtede l’insecte, prêt à féconder de nouvelles fleurs.

LES ORCHIDÉES PRIMITIVES: CYPRIPEDIUM ET CEPHALANTHERAComme mentionnée ci-dessus, l’organisa-

tion générale et le fonctionnement d’une fleurd’orchidée présentent des variations. Chez lesorchidées, on distingue les genres les plus an-ciens (nommés genres primitifs) et les genresles plus récents, qu’on nomme les orchidéesavancées. Le genre le plus primitif est Cypripe-dium, suivi par le genre Cephalanthera. Nousallons voir comment le gynostème se déve-loppe dans ces genres, comment, à la longue, cesont développés des organes pour assurer letransport effectif des pollinies ou pollinaires,ainsi que des stratégies pour attirer les insectes.

Le genre Cypripedium est représenté en Eu-rope par une seule espèce, C. calceolus (sabot deVénus), certainement l’orchidée favorite desamateurs, avec son périanthe brun et son labellejaune qui contraste magnifiquement. C. cal-ceolus pousse généralement en groupes, parceque l’espèce se reproduit principalement parvoie végétative (Fig. 12). La plante est haute de20-60 cm et a trois à cinq feuilles ovales, forte-ment plissées avec une nervation parallèle bienmarquée. Elle produit généralement une à deuxgrandes fleurs (Fig. 13). Elle semble de n’avoirque deux sépales, mais le sépale inférieur est enfait une soudure des deux sépales latéraux, onl’appelle un synsepalum. La pointe du synse-palum est bifide, ce qui indique son origine. Lelabelle est grand, jaune et en forme de sabot,ouvert en dessus (Fig. 14). À l’intérieur du la-belle se trouvent des poils rouges. Le gynos-tème est caché dans le labelle et couvert par une

128 L’Orchidophile - Juin 2019

CONNAISSANCE

Lorsque l’insecte visite une autrefleur, la pollinie est dans la bonneposition pour toucher le stigmate.Le fluide stigmatique est encoreplus collant que le viscidium ou queles fils d’élastine.

Fig. 9.– Une abeille (Apismellifera) fécondant Orchis

mascula. Il a deuxpollinaires attachés à sa

tête. Hammerhütte(Allemagne), 11 mai 2017

(Photo J. CLAESSENS).Fig. 10.– Une abeille (Apismellifera) avec plusieurspollinaires attachés à satête pollinise Dactylorhizasphagnicola. Schinveld(Pays-Bas) 8 juin 2010(Photo J. KLEYNEN).

Fig. 11.– Bombus pratorumfécondant Dactylorhizapraetermissa. Plusieurs

pollinaires sont attachés àsa tête. Sur le stigmate dela fleur en bas à gauchedes fragments de polliniessont déjà déposés. Bunde(Pays-Bas), 13 juin 2014

(Photo J. KLEYNEN).

Fig. 8.– Abeille (Apis mellifera) avec plusieurs pollinaires attachées, en approchant

Orchis purpurea. Wijlre (Pays-Bas), 15 mai 2017(Photo J. KLEYNEN).

8

9 10 11

Orchido221juin_SFO 23/04/19 15:24 Page128

Page 6: journal des amateurs d’orchidées - European orchids · appliquée contre le stigmate, ce dernier la re-tient en totalité ou, au moins, des fragments. Le reste des pollinies, toujours

étamine stérile en forme de bouclier, le stami-node. C. calceolus est une orchidée primitive, laseule espèce européenne avec deux anthères.Le pollen n’est pas farineux, les grains de pol-len qui ne sont pas cohésifs sont contenus dansun fluide gluant. Le stigmate est assez grand, secet couvert de minuscules papilles pointues(Fig. 15). Le sabot jaune sert de signal à longuedistance. Bien que la fleur émette un parfum, lacouleur reste bien l’élément attractif principal.Les points cramoisis sur le staminode blanc etsur les nervures au bas du sabot (figures 14 &

16) agissent comme de faux guides à nectar(NILSSON, 1981). Cette espèce est avant tout vi-sitée par des abeilles du genre Andrena. Les vi-siteurs atterrissent généralement sur le labelle,dont les marges sont couvertes d’une substancehuileuse. À ce stade, soit les insectes tombentalors dans le sabot en perdant l’équilibre, soit ilsvolent dans la fleur pour trouver du nectar.Une fois à l’intérieur, les abeilles comprennentqu’il n’y a pas de nectar et affichent un com-portement désordonné, tentant de s’échapper.Elles essaient d’escalader la face interne du sa-

Juin 2019 - L’Orchidophile 129

CONNAISSANCE

Fig. 12.– Cypripedium calceolus, La Bâtie (France), 9 juin 2015.

Fig. 13.– Cypripedium calceolus, vue de côté, La Bâtie (France), 9 juin 2015.

Fig. 14.– Labelle de Cypripedium calceolus. L’insecte visiteur s’échappe par l’unedes deux ouvertures à l’arrière du staminode.

Fig. 15.– Cypripedium calceolus, colonne montrant le grand stigmate en forme debouclier. À l’arrière, on voit le staminode: en dessous du stigmate, on distingueles deux anthères renfermant la bouillie de pollen (Photos J. CLAESSENS).12

14 15 16

13

Fig. 16.– Sectionlongitudinale du sabotmontrant les sections

translucides, le stigmatearqué et le staminode. Prèsde la base du stigmate, on

voit l’une des deuxanthères

(Photo J. CLAESSENS).

Orchido221juin_SFO 23/04/19 15:24 Page129

Page 7: journal des amateurs d’orchidées - European orchids · appliquée contre le stigmate, ce dernier la re-tient en totalité ou, au moins, des fragments. Le reste des pollinies, toujours

bot, mais elle est recouverte par un film huileuxet glissant, empêchant la sortie de l’insecte. Lesabeilles tentent aussi de grimper sur le stami-node, également glissant, mais elles retombentà chaque fois dans le sabot. En fait, la fleur n’acomme sorties que deux petits orifices de partet d’autre du gynostème (Fig. 17). Plusieurszones translucides, à proximité de chaque côtéde la base du labelle, permettent de guider lesabeilles vers les sorties.Après avoir découvert la sortie, il reste un

lourd labeur à l’insecte. Pour s’échapper, il doitd’abord passer par le stigmate. Si l’insecte adéjà visité une autre fleur, il portera la masse depollen sur son dos, maintenant au contact despapilles pointues du stigmate. L’abeille rencon-tre alors l’une des anthères qui bloque partiel-lement la sortie. L’insecte doit avoir assezd’énergie pour déformer les tissus de la fleur,luttant pour sortir contre l’anthère collante.Inévitablement, le pollinisateur touche la sur-face de l’anthère et des grains de pollen se col-leront à son dos (Fig. 18). Il a souvent étéconstaté que des abeilles empoignent les poils àla base des pétales pour s’extirper du piège.Lorsqu’elles sont arrivées à mi-chemin, toutdevient plus rapide. Elles se sortent du sabot etse reposent quelques instants ou disparaissentimmédiatement. Mais aucun insecte n’a jamaisété observé visitant immédiatement une nou-velle fleur. L’ensemble du processus se révèle as-

sez stressant pour l’abeille et les visites ulté-rieures menant à la fécondation sont assez rares.Trois espèces de Cephalanthera sont connues

de la flore de France : Cephalanthera longifolia(Céphalanthère à longues feuilles), Cephalan-thera rubra (Céphalanthère rouge) (figures 19& 20) et Cephalanthera damasonium (Cépha-lanthère à grandes fleurs). Les deux premièresespèces sont allogames, comptant sur les in-sectes pour les féconder, alors que la troisièmeespèce est autogame, elle se pollinise elle-même. Nous discutons ici la structure et lefonctionnement de la fleur de C. longifolia, quis’applique aussi à C. rubra.La plante est élancée, haute de 20 à 60 cm avec

des feuilles étroites et longues. Les fleurs sont as-sez grandes et ne s’ouvrent jamais largement. Gé-néralement, les sépales latéraux sont un peu plusécartés. Toutes les espèces du genre Cephalan-thera ont une longue colonne avec un grand stig-mate et une anthère articulée qui présentedeux pollinies bipartites (Fig. 21). Le labelle estconstitué de deux zones : l’une antérieure ou épi-chile et l’autre postérieure ou hypochile. La jonc-tion entre l’épichile et l’hypochile est articulée.La pointe de l’épichile est ornée de crêtes lon-gitudinales jaune orangé, imitant le pollen. Legynostème est long et fin, plus ou moins hori-zontal. Les pollinies, en forme de banane, n’ontpas de caudicule ou de viscidium; elles reposentlibrement dans l’anthère (Fig. 20). Le stigmate,

130 L’Orchidophile - Juin 2019

CONNAISSANCE

Les visiteurs atterrissent souvent sur le labelle dont lesmarges sont couvertes d’une substance huileuse. À ce stade,soit les insectes tombent dans le sabot en perdantl’équilibre, soit ils volent dans la fleur pour trouver du nectar.

Fig. 17.– Cypripediumcalceolus, vue de côté, onvoit bien l’ouverture qui faitla sortie du labelle. Scuol(Suisse), 3 juin 2015(Photo J. KLEYNEN).

Fig. 18.– Une femelleAndrena carantonica

quittant le sabot avec destrainées stigmatiques sur ledos. Scuol (Suisse), 15 juin2012 (Photo J. CLAESSENS).

17 18

Orchido221juin_SFO 23/04/19 15:24 Page130

Page 8: journal des amateurs d’orchidées - European orchids · appliquée contre le stigmate, ce dernier la re-tient en totalité ou, au moins, des fragments. Le reste des pollinies, toujours

grand et arrondi, est placé près de l’anthère, à laface inférieure du gynostème. Un insecte visiteur,attiré par le pseudo-pollen à la pointe du labelle,doit se pencher vers l’avant pour atteindre la par-tie arrière de l’hypochile, à la recherche de nec-tar. Quand l’insecte découvre qu’il n’y a pas denectar, il se retire et soulève son corps, touchantde ce fait la surface stigmatique. Il racle aussi unepartie du fluide de la cavité stigmatique. Lorsqu’ilcontinue sa retraite, il touche les pollinies qui res-tent collées à l’anthère par le fluide stigmatiqueprésent sur son dos (Fig. 22). Les deux petitespollinies en forme de banane ne peuvent pas êtreretirées par l’insecte. Lorsqu’il visite une autrefleur, les pollinies fixées vers l’avant sont pous-sées contre le stigmate et la fécondation est ac-

complie. Les pollinisateurs réguliers sont de pe-tites abeilles des genres Halictus et Lasioglossum.La pollinisation de C. rubra se fait de la mêmefaçon, les insectes impliqués étant différentes pe-tites abeilles des genres Chelostoma, Dufourea,Heriades ou Osmia.À l’inverse, les fleurs de C. damasonium s’ou-

vrent à peine. L’épichile et l’hypochile ont lamême couleur et les mêmes ornements queC. longifolia (Fig. 23). Le gynostème ressemblede très près à celui de la Céphalanthère àlongues feuilles, mais il y a ici une différence es-sentielle. Le rebord supérieur du stigmate de C. longifolia est couvert d’une fine couche detissu, prévenant tout contact entre les pollinieset le fluide stigmatique (Fig. 24, colonne de

Juin 2019 - L’Orchidophile 131

CONNAISSANCE

Fig. 19.– Cephalantherarubra ; Mittenwald(Allemagne), 30 juin

2014 (Photo J. CLAESSENS).

Fig. 20.– Cephalantherarubra, vue d’en face.

Mittenwald (Allemagne), 7 juillet 2015

(Photo J. KLEYNEN).

Fig. 21.– Cephalantherarubra en section

longitudinale. Les partiesorange imitent le pollen. A = anthère, L = labelle, S = stigmate, O = ovaire(Photo J. CLAESSENS).

Fig. 22.– FemelleLasioglossum laeve quittant

tout juste la fleur deCephalanthera rubra. Lespollinies en forme de

banane sont collées à sondos (Photo J. CLAESSENS).

19 20

21 22

Orchido221juin_SFO 23/04/19 15:24 Page131

Page 9: journal des amateurs d’orchidées - European orchids · appliquée contre le stigmate, ce dernier la re-tient en totalité ou, au moins, des fragments. Le reste des pollinies, toujours

25 26 27

Fig. 25.– Cephalantheradamasonium. Eys

(Pays-Bas), 14 mai 2017 (Photo J. CLAESSENS).

Fig. 26.– Cephalantheradamasonium.

Occasionnellement ontrouve une fleur ouverte quimontre les pollinies collées

au stigmate (Photo J. CLAESSENS).

Fig. 27.– Cephalantheradamasonium, colonne.

Les pollinies sont tombéeshors de l’anthère et collent au stigmate (Photo J. CLAESSENS).

Fig. 23.– Cephalantheralongifolia. Aritzo (Italie)

6 mai 2013 (Photo J. KLEYNEN).

Fig. 24.– Colonnes deCephalanthera longifolia (àgauche) et C. damasonium

(à droite). Chez C. longifolia, le contactentre les pollinies et le

stigmate est empêché parune fine membrane qui

couvre la bordure supérieuredu stigmate. Les pollinies

de C. damasonium sont déjàmouillées de liquide

stigmatique (Photo J. CLAESSENS).23 24

132 L’Orchidophile - Juin 2019

gauche). Ce n’est pas le cas pour C. damasonium(Fig. 25) chez qui les pollinies peuvent, parconséquent, entrer directement en contact avecle fluide stigmatique dès que l’anthère est ou-verte (Fig. 24, colonne de droite). Ce phénomèneintervient avant même l’ouverture complète dela fleur, rendant cette espèce complètement au-togame. Même si un insecte pénètre la fleur, ilne pourra pas collecter le pollen qui est déjà di-lué dans le fluide stigmatique et qui ne peut plusêtre transporté (figures 26 & 27). Si on connaîtdes hybrides avec l’une des autres espèces,c’est que le pollen a vraisemblablement été im-porté depuis l’une de ces espèces allogames. L’au-togamie confère à C. damasonium un avantage,celui de vivre dans un environnement moins fa-vorable comme les stations avec peu de lumièreoù peu de pollinisateurs sont présents.

COMMENT ATTACHER LES POLLINIESAU POLLINISATEUR : LIMODORUM ETEPIPACTISCypripedium et Cephalanthera n’ont pas de

moyens particuliers pour attacher les polliniesaux insectes. Cependant, pendant l’évolutionde la fleur d’orchidée, il s’est développé un telmécanisme chez deux autres genres d’orchi-dées primitives, Limodorum et Epipactis.Les représentants du genre Limodorum sont

de grandes plantes élancées, ressemblant à desasperges quand ils ne portent pas de fleurs. Li-modorum abortivum (Limodore à feuillesavortées) sert comme exemple pour le genre.La plante est haute de 20 à 80 cm et dépourvuede chlorophylle, ce qui lui donne un aspectbrun violacé (Fig. 28). Les feuilles sont pré-sentes sous une forme rudimentaire, bractéi-

CONNAISSANCE

Orchido221juin_SFO 23/04/19 15:24 Page132

Page 10: journal des amateurs d’orchidées - European orchids · appliquée contre le stigmate, ce dernier la re-tient en totalité ou, au moins, des fragments. Le reste des pollinies, toujours

forme sur toute sa hauteur. L’inflorescence estlâche et porte des fleurs grandes, violet gris àviolet pourpre (Fig. 29). Les fleurs s’ouvrentlargement ou restent fermées, dépendant desconditions climatiques et du mode de fécon-dation, allogame ou autogame. Les fleurs ou-vertes sont attractives : les sépales latéraux sontétalés et le labelle en deux parties, épichile ethypochile, est horizontal, fournissant une ex-cellente plateforme d’atterrissage aux insectes(figures 29 & 31). L’éperon long et incurvé versle bas est copieusement chargé de nectar. Lalongue colonne est inclinée au-dessus du la-belle et, sur sa face ventrale, présente un largestigmate triangulaire à arrondi, luisant de li-quide stigmatique. À l’extrémité aplatie du gy-nostème, on trouve les pollinies, recouvertespar une anthère articulée. Dans le genre Ce-phalanthera, nous avons vu que les polliniessont transportées au moyen du fluide stigma-tique, qui les englue au dos des insectes. Dansle genre Limodorum, les pollinies sont en re-vanche attachées au moyen d’une structurespécifique.Le stigmate de la plupart des genres euro-

péens d’orchidées est constitué de trois parties,facilement repérable sur les jeunes fleurs,lorsque le stigmate n’est pas encore recouvertde fluide stigmatique (Fig. 30). Chez Limodo-rum, une partie du stigmate est transformée enrostellum, un tissu qui peut former une struc-ture collante, le viscidium, qui permet d’atta-cher les pollinies au pollinisateur. ChezEpipactis, le viscidium est une structure arron-

die, blanchâtre et convexe sur la bordure supé-rieure du stigmate. Il est composé d’un fluidecollant recouvert par une fine membrane.Quand un insecte visite L. abortivum et se posesur le labelle, l’épichile articulé se plie vers lebas, contraignant le visiteur à ramper plus loinpour tenter d’atteindre le nectar dans l’éperon(Fig. 32). Ainsi, la pression sur le labelle est ré-duite et il se redresse dans sa position d’origine.Les chances sont grandes de voir à nouveau le

28 29 31

Fig. 28.– Limodorumabortivum. Bourdeaux(France), 2 mai 2011.

Fig. 29.– Limodorumabortivum. La Bouverie(France), 28 avril 2007.

Fig. 30.– Limodorumabortivum, colonne.

A = anthère, P = pollinies,V = viscidium, S = stigmate.

Fig. 31.– Limodorumabortivum avec une abeilleAnthophora sur le labelle,à la recherche de nectar.La Bouverie (France),

4 mai 2009 (Photos J. CLAESSENS).

30

Fig. 32.– La fleur de Limodorum abortivum est bienadaptée à son pollinisateur (Habropoda tarsata),qui a des pollinies accrochées sur le dos. Les

pollinies sont dans la position idéale pour toucher le stigmate. La Bouverie (France), 7 mai 2008

(Photo J. CLAESSENS).

Juin 2019 - L’Orchidophile 133

CONNAISSANCE

Orchido221juin_SFO 23/04/19 15:24 Page133

Page 11: journal des amateurs d’orchidées - European orchids · appliquée contre le stigmate, ce dernier la re-tient en totalité ou, au moins, des fragments. Le reste des pollinies, toujours

Fig. 33.– Un bourdon(Bombus terrestris) à larecherche de nectar. Lelabelle articulé s’incline

vers le bas sous le poids del’insecte. Bois de Rouquan(France), 8 mai 2009.

Fig. 34.– Anthidiumseptemdentatum atterrissantsur le labelle de Limodorum

abortivum. La Bouverie(France), 4 mai 2006 (Photos J. CLAESSENS).

Fig. 35.– Limodorumtrabutianum, les fleurs ontun éperon très petit et nes’ouvrent guère. Callian

(France), 5 mai2007 (Photo J. CLAESSENS).

Fig. 36.– Fleur deLimodorum trabutianumavec un labelle sépaloïde

et une excroissanceventrale couvrant lestigmate. Calahonda

(Espagne), 5 avril 1997(Photo J. CLAESSENS).

visiteur toucher le viscidium. La fine mem-brane se brise et les pollinies s’accrochent audos de l’insecte (Fig. 32). Avec le mouvementde retrait de l’insecte, l’anthère articulée se dé-place, libérant les pollinies qui peuvent ainsiêtre transportées vers une autre fleur. Les prin-cipaux pollinisateurs sont des abeilles mâles dugenre Anthophora (Fig. 31), qui visitent L. abor-tivum lors de leurs rondes habituelles. Pendantqu’ils volent à la recherche de femelles dispo-nibles, ils s’arrêtent sur les fleurs en quête denectar. De nombreux mâles avec des polliniescollées sur leur dos ont souvent été observés.La fréquence des visites semble être spécifiqueà chaque localité, dans la mesure où pour cer-taines stations aucun pollinisateur en patrouilleou visitant les fleurs n’a été remarqué. Les au-tres pollinisateurs connus sont Bombus terres-tris (Fig. 33), Anthidium septemdentatum(Fig. 34) et Lasioglossum sp. (CLAESSENS & KLEY-NEN, 2011, 2016). Lors des épisodes froids, plu-vieux, ou très chauds, les fleurs s’ouvrent àpeine ou restent closes. Dans ces situations, les

fleurs de L. abortivum peuvent s’autopolliniser.Les pollinies, plutôt friables, peuvent perdreleur consistance, permettant ainsi aux grainsde pollen, agrégés en tétrades, de passer la bar-rière du viscidium et d’entrer en contact avec lasurface stigmatique.Chez l’espèce sœur L. trabutianum (Limo-

dore de Trabut) (Fig. 35), l’autogamie est larègle. Le stigmate est situé juste en dessous del’anthère, il est perpendiculaire à l’axe de le gy-nostème. Quand l’anthère est mature et se des-sèche, elle libère les pollinies qui tombentdirectement sur le stigmate. Il y a bien un vis-cidium, mais il est recouvert par une excrois-sance du gynostème, en forme de langue, quibloque l’accès au viscidium (Fig. 36) rendantdifficile, voire impossible, le transport des pol-linies par les insectes.

134 L’Orchidophile - Juin 2019

CONNAISSANCE

La fréquence des visites semble être spécifique à chaquelocalité, dans la mesure où pour certaines stations aucunpollinisateur en patrouille ou visitant les fleurs n’a été noté

35

33 34

36

Orchido221juin_SFO 23/04/19 15:24 Page134

Page 12: journal des amateurs d’orchidées - European orchids · appliquée contre le stigmate, ce dernier la re-tient en totalité ou, au moins, des fragments. Le reste des pollinies, toujours

Fig. 37.– Inflorescenced’Epipactis helleborine.

Geulle (Pays-Bas), 26 juillet2011 (Photo J. KLEYNEN).

Fig. 38.– Epipactishelleborine en gros plan.A= anthère, V = viscidiumglobulaire, S = stigmate.Geulle (Pays-Bas) 27 juillet2013 (Photo J. KLEYNEN).

Fig. 39.– Epipactishelleborine, fleur. Geulle(Pays-Bas), 26 juillet 2017

(Photo J. KLEYNEN).

Fig. 40.– Vespulagermanica polliniseEpipactis helleborine.

Mittenwald (Allemagne),26 juillet 2015

(Photo J. KLEYNEN).

EpipactisLe genre Epipactis comprend des espèces al-

logames, autogames et des plantes intermé-diaires. La structure du stigmate et duviscidium jouent un rôle essentiel dans le modede fécondation. Epipactis helleborine (Épipac-tis à larges feuilles) (Fig. 37) est l’exemple re-tenu pour illustrer l’organisation de la fleurd’Epipactis (figures 38 & 39). E. helleborine estune plante robuste de 40 à 120 cm avec desfeuilles grandes, ovales. L’inflorescence est al-longée et dense. Le périanthe de la fleur est enforme de cloche et présente un labelle en deux

parties, avec un épichile plus ou moins trian-gulaire qui sert de piste d’atterrissage aux in-sectes et une partie basale (hypochile) en formede coupe où le nectar est sécrété. Le gynostèmeest horizontal ; le stigmate, grand, concave etquadrangulaire, se situe sur la face inférieure.Le sommet du gynostème est concave, formantun lit pour le pollen dans lequel les polliniestombent lorsque l’anthère est mature. Sur lapartie avancée du gynostème se trouve unestructure arrondie, le viscidium (Fig. 38).Comme chez le genre Limodorum, il consisteen un fluide visqueux recouvert d’une finemembrane. Quand les fleurs s’ouvrent, le vis-cidium est déjà connecté aux pollinies. Ici, leviscidium non seulement colle les pollinies auxpollinisateurs, mais il les empêche égalementde glisser hors de l’anthère et d’entrer encontact avec la surface stigmatique.Les guêpes sont les visiteuses et pollinisatrices

quasi exclusives d’E. helleborine (figures 40 & 41).

Une théorie dit que les guêpes visitent réguliè-rement les fruits en train de pourrir et, aprèsavoir rampées à la surface de ces fruits, elles peu-vent transporter des levures et des bactériesjusqu’à d’autres plantes d’Epipactis. Le nectar, unefois ensemencé par les levures, commence à fer-menter, produisant de petites quantités d’alcoolqui attirent les guêpes et les rendent léthargiques,accroissant la durée passée sur chaque fleur (voirune vidéo sur Youtube : Orchid pollination 2 :« Drunk wasp » falls off Epipactis purpurata).D’autres auteurs constatent que la compositiondu nectar peut influencer son effet sur les

Juin 2019 - L’Orchidophile 135

CONNAISSANCE

37 38 39

40

Orchido221juin_SFO 23/04/19 15:24 Page135

Page 13: journal des amateurs d’orchidées - European orchids · appliquée contre le stigmate, ce dernier la re-tient en totalité ou, au moins, des fragments. Le reste des pollinies, toujours

pollinisateurs. Grâce à ce mécanisme, le taux defructification d’E. helleborine est assez élevé. Lesautres espèces qui dépendent d’insectes visiteurscomprennent E. atrorubens et E. purpurata(Fig. 42).Chez E. palustris (Épipactis des marais)

(Fig. 43), on peut observer à la fois des fécon-dations autogames et allogames. Les fleurs quiproduisent de grandes quantités de nectar dansleur hypochile sont fécondées par une vastegamme d’insectes (WILCOX, 2010) (figures 47& 48). Les fleurs possèdent un viscidium fonc-tionnel et les pollinies sont bien cohésives peuaprès l’anthèse (l’ouverture) de la fleur ; géné-ralement la fleur est bien visitée par les pollini-sateurs. Mais E. palustris est aussi capable des’autopolliniser. Pour rendre possible l’autoga-mie, les pollinies doivent être capables d’entreren contact avec le stigmate. (Fig. 44). Si unefleur prend de l’âge sans avoir été fécondée, les

pollinies perdent de leur consistance et des pa-quets de pollen peuvent atteindre le stigmateen dessous des pointes des pollinies.La cohésion des pollinies, la fonction du vis-

cidium et la forme du stigmate déterminent lemode de fécondation des différentes espèces.Dans la littérature récente, on trouve un certainnombre de nouveaux taxons d’Epipactis dontbeaucoup sont autogames. Ils présentent tous despollinies qui se détachent facilement, un visci-dium globalement inefficace, réduit ou disparu,et un stigmate de petite taille. Plutôt que de for-mer une large plateforme pour les pollinies, iln’y a qu’un espace réduit et triangulaire facili-tant le contact des pollinies avec le stigmate(Fig. 45). Parmi les exemples d’espèces autogames,on peut citer E. leptochila (Épipactis à labelle étroit)et E. microphylla (Épipactis à petites feuilles). L’au-togamie permet à ces espèces de coloniser les fo-rêts où les insectes sont rares ou absents.

136 L’Orchidophile - Juin 2019

CONNAISSANCE

41

42

Fig. 41.– Une guêpe buvantle nectar sur l’hypochile.Geulle (Pays-Bas), 5 août2013 (Photo J. CLAESSENS).

Fig. 42.– Vespulagermanica un pollinisateur

régulier d’Epipactispurpurata. Eschweiler

(Allemagne), 12 août 2007

(Photo J. KLEYNEN).

Fig. 43.– Epipactis palustris,fleurs. Ripsdorf

(Allemagne), 9 juillet 2010(Photo J. CLAESSENS).

Fig. 44.– Colonned’Epipactis palustris vue de

dessous. Les polliniesdépassent de la borduresupérieure du stigmate et

ont une structurerelativement lâche.

A = anthère, P = pollinies, V = viscidium globuleux,

S = stigmate (Photo J. CLAESSENS).

Fig. 45.– Epipactisleptochila, colonne

montrant le stigmate réduitpermettant le contact avecla surface stigmatique. Lespollinies sont pulvérulentes,se fragmentant facilement,

rendant le viscidiuminefficace. A = anthère,

V = viscidium, S = stigmate(Photo J. CLAESSENS).

Fig. 46.– Sectionlongitudinale d’un bouton

d’Epipactis muellerimontrant le gynostème. Les pollinies sont tombéesde l’anthère directement sur la surface stigmatique

sous-jacente (Photo J. CLAESSENS).

43

44 45 46

Orchido221juin_SFO 23/04/19 15:24 Page136

Page 14: journal des amateurs d’orchidées - European orchids · appliquée contre le stigmate, ce dernier la re-tient en totalité ou, au moins, des fragments. Le reste des pollinies, toujours

Chez E. muelleri (Épipactis de MÜLLER), lelit du pollen a presque complètement disparu.Quand l’anthère se dessèche, les polliniestombent directement sur le stigmate sous-ja-cent (Fig. 46). En raison de l’absence de visci-dium, le transport des pollinies estimpossible. Les hybrides peuvent apparaître siles pollinies d’une espèce allogame sont dé-posées sur le stigmate d’E. muelleri.

GOODYERA ET SPIRANTHES : DEUXEXEMPLES DE L’ADAPTATION DE LAFLEUR AU POLLINISATEURAu cours de l’évolution, le viscidium s’est dé-

veloppé comme moyen pour transporter lesmasses lourdes de paquets de pollen, les polli-nies. Goodyera et Spiranthes font un bon exem-ple pour illustrer comment la structure de lafleur s’est adaptée au pollinisateur principalpour optimaliser le transport des pollinies.En Europe, le genre Goodyera compte deux es-

pèces uniquement, G. repens (Goodyère ram-pante) et G. macrophylla, une espèce endé-mique de Madère. Ici, nous discuterons uni-quement l’espèce commune G. repens. Elle ne

présente pas de tubercule, mais un rhizome ram-pant auquel elle doit son épithète spécifique. Lesplantes mesurent 10 à 20 cm de haut et formentdes rosettes aux feuilles ovales laissant apparaî-tre un réseau de nervures (Fig. 49). Les rosettespeuvent être observées toute l’année. La tige esthirsute et les petites fleurs blanc crème formentune hélice simple. Le périanthe est couvert delongs poils blanchâtres (Fig. 50). Les fleurs nes’ouvrent pas largement, les sépales et les pétalesformant un tube étroit (Fig. 51). Le labelle estcomposé de deux parties, un épichile pointu et

triangulaire en forme de gouttière et un hypo-chile rond en forme de sac qui sécrète le nectar(Fig. 52). La fleur émet une fragrance.Le gynostème est composé de l’anthère avec

deux pollinies jaunes et d’un large stigmate ar-rondi sur la face inférieure. Une partie du stig-mate est transformée en un viscidium ovale recouvert par une fine membrane. Il repose en-tre deux fourches issues du rostellum, la partiedu stigmate qui produit le viscidium. L’anthères’ouvre vers l’avant et quand les pollinies tom-bent, elles entrent en contact avec le viscidium.

Juin 2019 - L’Orchidophile 137

CONNAISSANCE

47

48

Fig. 47.– Apis mellifera envisitant la fleur d’Epipactis

palustris. Ripsdorf(Allemagne), 11 juillet2014 (Photo J. KLEYNEN).

Fig. 48.– Les syrphes (iciEpisyrphus balteatus) fontaussi de bons pollinisateurs

d’Epipactis palustris.Brunssum (Pays-Bas),

22 juillet 2014 (Photo J. KLEYNEN).

Fig. 49.– Goodyerarepens ; Mechernich(Allemagne), 13 juillet2017 (Photo J. KLEYNEN).

Fig. 50.– Goodyera repensinflorescence ; Brunssum

(Pays-Bas), 19 juillet 2007(Photo J. KLEYNEN).

Fig. 51.– Goodyera repens,vue de face. Le viscidiumprotubérant ne laissequ’une petite ouverture

vers l’hypochile (Photo J. CLAESSENS).

49 50 51

Orchido221juin_SFO 23/04/19 15:24 Page137

Page 15: journal des amateurs d’orchidées - European orchids · appliquée contre le stigmate, ce dernier la re-tient en totalité ou, au moins, des fragments. Le reste des pollinies, toujours

Les principaux pollinisateurs de G. repens sontdes bourdons (figures 53 à 57). Lorsqu’ils visi-tent une plante, ils suivent toujours la même rou-tine : ils commencent par le bas de l’inflorescenceet s’élèvent jusqu’en haut, inspectant chaque fleurouverte. La structure de la fleur est adaptée à cecomportement. Les plus vieilles fleurs (en bas del’inflorescence) sont ouvertes et autorisent lebourdon à entrer dans la fleur. S’ils ont des pol-linies attachées à leur proboscis (ou trompe), ilsles pousseront contre la surface stigmatique enfouillant à la recherche de pollen. Les nouvellesfleurs, au sommet de l’inflorescence ne s’ouvrent

en revanche que très peu, laissant peu d’espaceentre le labelle et le viscidium. Le bourdon nepeut alors plus entrer librement dans la fleur ;mais en cherchant du nectar, il touchera sans nuldoute le viscidium qui bloque partiellement l’en-trée de la fleur (Fig. 51). Cette ouverture graduelledes fleurs assure la fécondation croisée : lespollinies sont tout d’abord déposées sur le stig-mate puis de nouvelles pollinies sont fixées à

l’insecte. Contrairement à d’autres pollinisateurs,les bourdons visitent rarement deux fois lamême plante, ce qui implique un fort taux de fé-condation croisée.Même si le taux de fructification est élevé (une

moyenne de près de 70 % a été estimée), lesplantes se multiplient principalement au moyende longs stolons et peuvent parfois former devastes tapis de rosettes. Parce qu’elles poussentdans les couches supérieures de l’humus ou dela couverture du sol, la Goodyère rampante secomporte quasiment comme une orchidée épi-phyte. Elles dépendent d’un environnement

138 L’Orchidophile - Juin 2019

CONNAISSANCE

Fig. 52.– Goodyera repens,section longitudinale

montrant l’hypochile enforme de sac et la structure

de le gynostème (Photo J. CLAESSENS).

Fig. 53.– Bombus lapidariusfécondant Goodyerarepens. Mechernich(Allemagne), 11 juillet

2009 (Photo J. CLAESSENS).Fig. 54.– Bombus lucorumcherchant le nectar dansune fleur de Goodyerarepens. Brunssum (Pays-Bas), 19 juillet 2007 (Photo J. KLEYNEN).Fig. 55.– Bombus

pascuorum, pollinisateurde Goodyera repens.

Mechernich (Allemagne),1er aout 2010

(Photo J. CLAESSENS).Fig. 56.–Bombus jonellus

pollinise Goodyera repens.Fontanazzo (Italie), 31juillet 2011 (Photo J.

CLAESSENS).Fig. 57.– Apis mellifera, unpollinisateur peu connu de

Goodyera repens.Mechernich (Allemagne),

24 juillet 2012 (Photo J. CLAESSENS).

52

53 54 55

56 57

Orchido221juin_SFO 23/04/19 15:24 Page138

Page 16: journal des amateurs d’orchidées - European orchids · appliquée contre le stigmate, ce dernier la re-tient en totalité ou, au moins, des fragments. Le reste des pollinies, toujours

constamment humide. Dans l’Eifel (Allemagne)et dans les Dolomites (Italie), nous avons vu desplantes sous les pins poussant sur des rocherscouverts d’une épaisse couche d’aiguilles. Lesplantes croissent dans des environnements om-bragés, ce qui pourrait être un inconvénient enraison du plus faible nombre de pollinisateursprésents. Il y a donc moins de compétition en-tre pollinisateurs. Une fois que les bourdons onttrouvé G. repens, avec ses grandes quantités denectar, ils deviennent des visiteurs réguliers dela généreuse orchidée.

SpiranthesEn Europe, quatre espèces de Spiranthes ont

été identifiées. Pour illustrer le mode de fécon-dation, l’exemple de S. spiralis (Spiranthe d’au-tomne) (Fig. 58) sera retenu. Contrairement augenre Goodyera, le genre Spiranthes présente desracines tubéreuses qui produisent une rosette.L’inflorescence de S. spiralismesure 10 à 25 cmde haut et elle est couverte de poils blancsglandulaires. Les fleurs sont petites, blanches etplus ou moins rangées en spirale simple (Fig. 59).Les sépales, les pétales et le labelle forment untube étroit (Fig. 60). Le labelle est oblong, enforme de gouttière avec des marges courbées versle haut et cristallines. Le gynostème est ainsi com-plètement entouré par le labelle et les autres seg-ments floraux, obligeant les insectes à entrer dansla fleur par l’avant (Fig. 61). Le gynostème allongéprésente globalement la même structure que ce-lui de G. repens : une anthère avec des polliniesqui sont attachées à un viscidium long et étroit.De chaque côté du viscidium on trouve égale-

ment deux structures en forme de fourches enprolongement du rostellum. Le stigmate a uneforme de bouclier luisant de liquide stigmatique.Il n’y a pas d’éperon, mais deux nectaires glo-buleux à l’arrière du labelle. Le nectar sécrété s’ac-cumule à la base du labelle.Les insectes visiteurs sont des Hyménop-

tères, comme pour Goodyera, mais il semble queS. spiralis attire des pollinisateurs plus variés. Lafécondation suit le même processus que celui dé-crit pour Goodyera. L’organisation des fleurs enspirale et l’ouverture graduelle des fleurs promeutla fécondation croisée. Nous avons observé dif-férents bourdons : Bombus terrestris, B. lapida-rius, B. sylvarum ou B. pascuorum (Fig. 62), des

Juin 2019 - L’Orchidophile 139

CONNAISSANCE

58 59 60

61

Fig. 58.– Spiranthesspiralis, Wijlre (Pays-Bas)

30 août 2018 (Photo J. KLEYNEN).

Fig. 59.– Spiranthesspiralis, inflorescence.

Wijlre (Pays-Bas) 30 août2018 (Photo J. KLEYNEN).

Fig. 60.– Spiranthesspiralis, vue d’en face. Onvoit bien l’entrée étroite.Wijlre (Pays-Bas) 30 août2018 (Photo J. KLEYNEN).

Fig. 61.– Spiranthesspiralis, fleur vue de

dessus, sépales et pétalesretirés. Le gynostème est enroulé dans lesmarges du labelle (Photo J. CLAESSENS).

Fig. 62.– Bombuspascuorum fécondant

S. spiralis. Wijlre (Pays-Bas), 12 septembre 2006

(Photo J. CLAESSENS). 62

Orchido221juin_SFO 23/04/19 15:24 Page139

Page 17: journal des amateurs d’orchidées - European orchids · appliquée contre le stigmate, ce dernier la re-tient en totalité ou, au moins, des fragments. Le reste des pollinies, toujours

abeilles sociales (Fig. 63) ainsi que de petitesabeilles solitaires comme Halictus simplex. Lesbourdons et les abeilles portent les pollinies surleur proboscis. En observant le comportementde visite des abeilles sociales, il a été confirmé leurpréférence pour certaines fleurs. Certainesabeilles ignorent totalement les orchidées, visi-tant seulement les lotiers corniculés (Lotus cor-niculatus) à proximité alors que d’autres abeillescherchent spécifiquement S. spiralis, même si lesplantes sont couvertes d’herbes. Les bourdonss’avèrent également d’excellents pollinisateurs.Ils peuvent voler à des températures bien infé-rieures que les abeilles et sont donc d’excellentsvecteurs de fécondation, même dans des condi-tions moins favorables.Les abeilles du genre Halictus ont un pro-

boscis articulé très ingénieux, qui leur permetd’atteindre le fond du tube floral (Fig. 64). Unevidéo montrant la pollinisation est disponiblesur Youtube en cherchant : « Orchid pollination19 : Pollination of Spiranthes spiralis by Halic-tus simplex ».Spiranthes spiralis a besoin de pelouses ou-

vertes et rases, ne tolérant pas l’ombre. Des ex-périences ont démontré que les orchidéesdisparaissent si l’ombre occasionnée par lesherbes environnantes est trop forte. Le fau-chage des sites devrait donc tenter de limiter lahauteur des pelouses, en éliminant égalementles herbes coupées, au mois de juillet pour ap-porter un maximum de lumière aux rosettes etpour réduire la compétition avec d’autres

plantes nectarifères. Si ces dernières sont peuprésentes, le taux de fructification est supérieur.Ces dernières années, différentes espèces exo-

tiques de Spiranthes ont pu être observées auxPays-Bas, telles que S. odorata (Fig. 65), S. ro-manzoffiana, S. lucida et S. cernua. Leur originen’est pas certaine, mais elles pourraient s’êtreéchappées de jardins où elles étaient cultivées.Leur apparition soulève des questions sur le be-soin de protection et le risque qu’elles repré-sentent pour la flore locale.

LE NECTAR COMME MOYEN D’ATTRAC-TION: NEOTTIA OVATA ET GYMNADE-NIA CONOPSEAL’attraction efficace de pollinisateurs est vi-

tale pour les orchidées qui, pour l’essentiel, sereposent sur les insectes pour assurer le trans-port du matériel génétique, les pollinies ou pol-linaires. Le nectar est un appât puissant quiapporte de la nourriture aux insectes visiteurs.Nous allons voir deux façons différentes deproposer du nectar aux visiteurs, illustrées parNeottia ovata et Gymnadenia conopsea. Nousdiscuterons de l’impact de ces stratégies sur lespectre des visiteurs potentiels.

Neottia ovata (Listère à feuilles ovales)Même si cette orchidée commune peut at-

teindre 60 cm de haut, elle reste assez insigni-fiante, car toutes les pièces florales sontuniformément vertes. Les deux feuilles ovoïdesbasales opposées sont caractéristiques (Fig. 66).

140 L’Orchidophile - Juin 2019

CONNAISSANCE

Fig. 63.– Abeille (Apismellifera) fécondant S. spiralis. Garmisch-

Partenkirchen (Allemagne),27 août 2010

(Photo J. CLAESSENS).

Fig. 64.– Halictus sp. a unelangue articulée qui lui

permet d’atteindre le nectarà l’arrière du labelle. Lespollinies sont collées à lapointe de la langue. Wijlre(Pays-Bas), 14 août 2008

(Photo J. CLAESSENS).

Fig. 65.– Spiranthesodorata. Enschede (Pays-Bas), 3 octobre 2015(Photo J. CLAESSENS)

Fig. 66.– Neottia ovata,plante. Berg en Terblijt

(Pays-Bas), 28 mai 2018(Photo J. CLAESSENS).

Fig. 67.– Neottia ovata,fleur. Eben-Emael

(Belgique), 16 juin 2010(Photo J. KLEYNEN).

Fig. 68.– Neottia ovata,fleur. La photo montre le

nectar à la base du labelle.Eben-Emael (Belgique),

16 juin 2010 (Photo J. KLEYNEN).

Certaines abeilles ignorent lesorchidées, visitant seulement leslotiers corniculés à proximité alorsque d’autres abeilles cherchentspécifiquement S. spiralis, même siles plantes sont couvertes d’herbes.

63

64 65

Orchido221juin_SFO 23/04/19 15:24 Page140

Page 18: journal des amateurs d’orchidées - European orchids · appliquée contre le stigmate, ce dernier la re-tient en totalité ou, au moins, des fragments. Le reste des pollinies, toujours

Les inflorescences sont longues et portent denombreuses fleurs. Les segments du périantheforment un casque lâche. Le labelle est jaune-vert, en forme de ruban et fortement inclinévers le bas et vers l’arrière à la base. Une zone li-néaire et surélevée qui courre au centre du la-belle secrète du nectar (Fig. 67). La base dulabelle est creuse ; il s’est formé ici une autrezone qui produit du nectar. Les deux sourcesde nectar sont librement accessibles à une largevariété d’insectes.Le gynostème est particulier et caractéristique

du genre. Les pollinies ne sont pas connectéesà des caudicules ou à un viscidium comme c’estle cas chez la plupart des orchidées, mais rési-

dent librement dans une structure blanche enforme de gouttière, le rostellum (Fig. 68). Celui-ci est composé de très longues cellules pleines defluide visqueux. Au sommet du rostellum, setrouve une protubérance pointue extrêmementsensible. Sous le rostellum est localisé le stigmatetrapézoïdal, luisant de fluide stigmatique. Les in-sectes qui atterrissent sur le labelle ou sur la fleurcommencent à lécher le nectar sécrété sur le la-belle. Ils peuvent entrer dans la fleur, tête en hautou tête en bas, mais ils suivent tous les traces denectar et se retournent éventuellement vers labase du labelle, où se trouve une réserve sup-plémentaire de nectar. En léchant le nectar, ilstouchent la pointe sensible du rostellum et, enune fraction de seconde, le fluide visqueux estexpulsé, entraînant les pollinies qui adhèrent im-médiatement au corps du visiteur (Fig. 69). Lavidéo de cette fascinante stratégie est disponi-ble sur Youtube (« Orchid Pollination 11 : Pol-linia removal in Neottia ovata »). En fonction dela taille de l’insecte, les pollinies se fixent sur dif-férentes parties de son corps, mais elles sont ha-bituellement placées sur sa tête. Si les insectes réa-gissent immédiatement, ils peuvent se débar-rasser de leur chargement, mais le fluide visqueuxdurcit en quelques secondes. Les pollinies ne peu-vent alors plus être retirées, même avec une toi-lette intensive.N. ovata est le plus souvent visitée par des

guêpes Ichneumonidae (Fig. 70), Symphytae etdes coléoptères (Youtube : Orchid Pollination6 : Pollination of Neottia ovata by various in-sects), mais la liste des pollinisateurs est longue

Juin 2019 - L’Orchidophile 141

CONNAISSANCE

Fig. 69.– Neottia ovata,colonne. Les pollinies ont été prélevées à l’aide d’une aiguille (Photo J. CLAESSENS).

Fig. 70.– Guêpe Ichneumontransportant plusieurs

pollinies de Neottia ovata(Photo J. CLAESSENS).

66

69 70

67 68

Orchido221juin_SFO 23/04/19 15:24 Page141

Page 19: journal des amateurs d’orchidées - European orchids · appliquée contre le stigmate, ce dernier la re-tient en totalité ou, au moins, des fragments. Le reste des pollinies, toujours

(figures 71 à 73). Cette orchidée attire une largegamme d’insectes, en raison de son nectar fa-cilement accessible et par son mode de fécon-dation non spécifique : n’importe quel insectequi touche le rostellum peut agir comme unpollinisateur. Cela est très différent de la rela-tion spécifique qui peut s’établir dans d’autresgenres, où seuls des insectes spécifiques peu-vent agir en tant que pollinisateur, comme lesadaptations observées chez C. calceolus ou lesespèces du genre Cephalanthera avec certainesabeilles (CLAESSENS & KLEYNEN, 2013).

Gymnadenia conopsea (Orchis moucheron)G. conopsea est une grande orchidée qui peut

atteindre 60 cm de haut (Fig. 74). Elle a desfeuilles longues, étroites et lancéolées, organi-sées en deux rangées opposées (Fig. 75). L’in-florescence est densément garnie jusqu’à cin-quante fleurs dont la couleur varie du rose pâle

142 L’Orchidophile - Juin 2019

CONNAISSANCE

71 72 73

Fig. 71.– Guêpe Ichneu-mon, léchant le nectar deNeottia ovata sur le la-belle. Weinsheim (Alle-magne), 16 juin 2014(Photo J. CLAESSENS).

Fig. 72.– Cantharis rustica,un pollinisateur régulier deNeottia ovata. Eben-Emael(Belgique), 16 juin 2010

(Photo J. KLEYNEN).Fig. 73.– Athous haemor-

rhoidalis avec des polliniesde Neottia ovata collés àsa tête. Eben-Emael (Bel-gique), 16 juin 2010(Photo J. KLEYNEN).

Fig. 74.– Gymnadeniaconopsea dans son bio-tope. Passo Sella (Italie),

15 juillet 2011 (Photo J. CLAESSENS).

Fig. 75.– Gymnadeniaconopsea, Ripsdorf

(Allemagne), 13 juin 2017

(Photo J. KLEYNEN).

Fig. 76.– Polyommatus ica-rus pollinise Gymnadenia

conopsea. Ripsdorf (Allemagne) 16 juillet

2013 (Photo J. KLEYNEN).74

75 76

Orchido221juin_SFO 23/04/19 15:24 Page142

Page 20: journal des amateurs d’orchidées - European orchids · appliquée contre le stigmate, ce dernier la re-tient en totalité ou, au moins, des fragments. Le reste des pollinies, toujours

au rose rougeâtre ou rose violacé (Fig. 76). Lessépales et pétales supérieurs forment une ca-puche autour du gynostème, les sépales latérauxétant étalés. Le labelle est trilobé, habituellementplus large que long et se termine par un éperonlong et étroit qui pointe vers le bas et qui est par-

tiellement rempli de nectar. Le gynostème estérigé et l’anthère comporte deux polliniesconnectées à un caudicule et à un viscidium nu,qui n’est pas couvert par un bursicule. Les deuxviscidia sont placés à l’entrée de l’éperon, sur lapartie supérieure. Le stigmate n’est pas sous l’an-thère, mais forme deux grands lobes stigmatiquesde part et d’autre de l’anthère ainsi qu’un troi-sième petit lobe à l’entrée de l’éperon.La morphologie de la fleur est bien adaptée à

ses principaux pollinisateurs : des Lépidoptèrestels que la Noctuelle gamma (Autographagamma), la Vanesse des Chardons (Vanessa car-dui) ou le Moro-sphinx (Macroglossum stella-tarum). L’éperon long et étroit est uniquementaccessible aux papillons diurnes et nocturnes quipeuvent atteindre le nectar avec une longuetrompe (figures 78 à 81), stratégie qui améliorele taux de pollinisation. Les viscidia sont dans une

telle position que la trompe d’un papillon visi-teur les touchera en vérifiant la présence de nec-tar dans l’éperon. Les viscidia sont longs et étroits,bien adaptés à l’adhésion sur la trompe. Lorsqu’ilssont retirés de l’anthère, les pollinies font unmouvement en avant et sur le côté. Ceci explique

Juin 2019 - L’Orchidophile 143

CONNAISSANCE

Fig. 77.– Gymnadeniaconopsea, gros planmontrant la colonne et

les deux lobesstigmatiques (S) de partet d’autre de l’entrée de

l’éperon (E) (Photo J. CLAESSENS).

Fig. 78.– Siona lineata,la Phalène blanche,

fécondant Gymnadeniaconopsea. Gilsdorf

(Allemagne), 12 juin 2009

(Photo J. CLAESSENS).

Fig. 79.– Ochlodessylvanus ; en cherchantdu nectar elle fécondeGymnadenia conopsea.Ripsdorf (Allemagne),

10 juillet 2015 (Photo J. KLEYNEN).

Fig. 80.– Aglais urticae,la petite tortue polliniseGymnadenia conopsea.

Wijlre (Pays-Bas), 20 juin 2013

(Photo J. CLAESSENS).

Fig. 81.– Zygaenapurpuralis avec des

pollinaires deGymnadenia conopsea.

Seyssinet-Pariset(France), 16 juin 2015(Photo J. CLAESSENS).

77

79

80 81

78

Orchido221juin_SFO 23/04/19 15:24 Page143

Page 21: journal des amateurs d’orchidées - European orchids · appliquée contre le stigmate, ce dernier la re-tient en totalité ou, au moins, des fragments. Le reste des pollinies, toujours

pourquoi les lobes stigmatiques sont placés surles côtés du gynostème (Fig. 77). Les papillonssont attirés par le parfum (les fleurs produisentde l’eugénol, très efficace pour attirer les pa-pillons) et sont récompensés par les grandesquantités de nectar. Une vidéo sur la pollini-sation de ce taxon est disponible sur Youtube(« Orchid pollination 14 : Pollination of Gym-nadenia odoratissima by Zygaena lonicera »).Dans des conditions particulières, d’autres

pollinisateurs peuvent visiter G. conopsea. Eneffet, pendant une saison, les bourdons étaientles principaux pollinisateurs d’une populationde G. conopsea aux Pays-Bas (CLAESSENS et al.,2014). En raison de la réduction du nombred’autres pollinisateurs, le niveau de nectarcontenu dans les éperons était si élevé que lesbourdons pouvaient facilement l’atteindre làoù il leur est habituellement inaccessible. Nor-malement, la structure des fleurs sélectionneun groupe spécifique de pollinisateurs, contrai-rement à ce qui se passe pour N. ovata, dont lastructure permet à une gamme large et hétéro-gène d’insectes qui peuvent atteindre le nectaret transporter le pollen. En dépit des différentesstratégies, ces deux espèces attirent un grandnombre de pollinisateurs et présentent un tauxde fructification élevé.

STRATÉGIES DE TROMPERIELe nectar des orchidées est une récompense

forte non seulement pour attirer les insectesmais aussi pour assurer leur retour. Pourtant ily a pas mal d’orchidées qui n’ont pas de ré-

compense sous la forme de nectar. On dis-tingue en Europe trois formes de tromperie : lesorchidées qui n’offrent pas de nourriture, cellesqui offrent un abri et celles qui attirent les in-sectes par leurre sexuel.Pourquoi une orchidée passe-t-elle de la pro-

position de récompense à l’absence de récom-pense, sachant que cette dernière option estbien moins attractive pour les insectes ? Cettequestion est discutée sur la base de deux genresn’offrant pas de récompense en forme de nec-tar, Himantoglossum et Anacamptis.

Tromperie alimentaire : Himantoglossum hircinumH. hircinum (Orchis bouc), est retenu pour

illustrer la biologie reproductive de ce genre re-présenté par une dizaine d’espèces en Europe.Les plantes mesurent de 30 à 80 cm de haut, lesinflorescences portant 15 à 80 fleurs (Fig. 82).Les feuilles apparaissent dès le mois de sep-tembre et, au moment où les fleurs sont com-plètement ouvertes, les rosettes sont déjà entrain de disparaître. Le nom de l’espèce en an-glais, Orchidée lézard, se réfère au labelle longet torsadé, rappelant le petit reptile. En fran-çais, le nom d’espèce se réfère au parfum puis-sant et âcre dégagé par les fleurs. Les sépales etles pétales forment un casque, le gynostème,érigé et grand, est facilement accessible aux in-sectes visiteurs. Le labelle long, brunâtre, enforme de ruban présente une partie basaleblanche avec des touffes de poils pourpre quiagissent comme des guides à nectar (Fig. 83).

144 L’Orchidophile - Juin 2019

CONNAISSANCE

82 83 84

Fig. 82.– Himantoglossumhircinum. Bagnols-en-Forêt(France), 2 mai 2008(Photo J. CLAESSENS).

Fig. 83.– Himantoglossumhircinum, labelle avec destouffes de poils pourpres.Gilsdorf (Allemagne),

13 juin 2017 (Photo J. KLEYNEN).

Fig. 84.– Himantoglossumhircinum, gynostème (Photo J. KLEYNEN).

Orchido221juin_SFO 23/04/19 15:24 Page144

Page 22: journal des amateurs d’orchidées - European orchids · appliquée contre le stigmate, ce dernier la re-tient en totalité ou, au moins, des fragments. Le reste des pollinies, toujours

On pense aussi qu’il y a, dans cette zone, desosmophores, une glande qui sécrète des subs-tances volatiles attractives. Le labelle forme unéperon court et recourbé vers le bas qui necontient pas de nectar. L’anthère renferme lespollinies qui sont connectées à un viscidiumcommun par deux longs caudicules courbés. Leviscidium est couvert par le bursicule. Le grandstigmate est oblong à ovale et concave.Les insectes rencontrent deux obstacles en vi-

sitant la fleur de H. hircinum. Le rostellum avecle bursicule, contenant les viscidia, est protu-bérant et l’insecte qui cherche le nectar dansl’éperon s’y cognera probablement la tête (fi-gures 84 à 86). L’entrée verticale et étroite del’éperon est réduite par deux rangées de longspoils blancs. Tout cela incite les pollinisateurs àse pencher fortement en avant. Ce faisant, ilstouchent le bursicule protecteur qui est re-poussé en arrière et touchent ensuite le visci-dium qui s’accroche généralement à leur tête. Siles insectes sont déjà chargés de pollinaires(Fig. 87), les pollinies se retrouvent appliquéescontre le stigmate et les massules (les paquetsde pollen qui composent la pollinie) se collentdans le fluide stigmatique.Toute une variété de pollinisateurs, tels que

des mouches de la famille des Syrphidae, plu-sieurs abeilles, des guêpes, des fourmis, des co-léoptères, des papillons et des papillons de nuitsont mentionnés dans la littérature. Cepen-dant, nos observations, complétées par d’autres

données, montrent que les abeilles, principale-ment celles du genre Andrena, sont les pollini-sateurs effectifs de H. hircinum (figures 88 &89). Toutes les autres espèces européennes dugenre Himantoglossum telles que H. robertia-num ou H. adriaticum sont aussi exclusivementfécondées par divers hyménoptères.

Juin 2019 - L’Orchidophile 145

CONNAISSANCE

Fig. 85.– Himantoglossumhircinum, section

longitudinale montrant lebursicule protubérant

(flèche blanche) (Photo J. CLAESSENS).

Fig. 86.–Himantoglossumhircinum, section

longitudinale d’un bouton,le labelle est encore

enroulé (Photo J. KLEYNEN).

Fig. 87.–Abeille (Apismellifera) pollinise

Himantoglossum hircinum.Gilsdorf (Allemagne),

1er juin 2012 (Photo J. CLAESSENS).

Fig. 88.–Andrena cf.carantonica, unpollinisateur de

Himantoglossum hircinum.Gilsdorf (Allemagne),

3 juin 2009 (Photo J. CLAESSENS).

Fig. 89.–Andrena sp.pendant sa toilette. Lespollinaires portés par

l’insecte indiquent qu’il adéjà visité plusieurs autresfleurs et qu’il a déposé desfragments de pollen. Saint-Paul-en-Forêt (France),

2 mai 2008 (Photo J. CLAESSENS).

85

86

87

88

89

Orchido221juin_SFO 23/04/19 15:24 Page145

Page 23: journal des amateurs d’orchidées - European orchids · appliquée contre le stigmate, ce dernier la re-tient en totalité ou, au moins, des fragments. Le reste des pollinies, toujours

Fig. 90.– Anacamptispyramidalis. Treffort

(France), 15 juin 2015(Photo J. CLAESSENS).

Fig. 91.– Anacamptispyramidalis. Barbières(France), 14 mai 2007(Photo J. CLAESSENS).

Fig. 92.– Anacamptispyramidalis, gros plan dulabelle montrant les guides

et l’étroite entrée del’éperon

(Photo J. CLAESSENS).

Fig. 93.– Anacamptispyramidalis, pollinaire. Le

viscidium est enrouléautour de la pointe

d’une aiguille(Photo J. CLAESSENS).

Fig. 94.– Zygaenafilipendulae, un

pollinisateur régulier d’A. pyramidalis.

Seyssinet-Pariset (France),16 juin 2015

(Photo J. CLAESSENS).

Tromperie alimentaire :Anacamptis pyrami-dalis et A. morioParmi les espèces du genre Anacamptis, on

peut distinguer deux types de fleurs, chacuneétant adaptée à un pollinisateur spécifique.Anacamptis pyramidalis (Orchis pyramidal), etA. morio (Orchis bouffon), sont les exemplesdécrits ici pour illustrer les deux types.A. pyramidalismesure 10 à 25 cm de haut et

forme des inflorescences pyramidales compo-sées de fleurs serrées, roses à pourpre (fi-gures 90 & 91). Le sépale dorsal et les pétalesforment un casque lâche ; les sépales latérauxsont étalés (Fig. 92). Le labelle trilobé présente

deux protubérances érigées qui conduisent àl’éperon long et étroit. L’anthère est érigée etcontient deux pollinies, reliées par des caudi-cules jaunes à un viscidium en forme de selle àcheval (Fig. 93) et recouvertes d’un bursiculede forme identique. Le stigmate n’est pas loca-lisé sous le gynostème mais consiste ici en deuxlobes stigmatiques situés de part et d’autre dugynostème. A. pyramidalis est fécondé par dif-férents papillons dont des espèces du genre Zy-gaena sont des pollinisateurs réguliers (Fig. 94).La morphologie de la fleur est adaptée aux pa-pillons : les protubérances du labelle guident latrompe jusqu’à l’étroite entrée de l’éperon. Cedernier, qui ne contient pas de nectar, est long,avec une entrée étroite qui pousse le pollinisa-teur à plonger profondément sa tête dans lafleur, touchant et repoussant le bursicule, libé-rant ainsi le viscidium. Le viscidium en formede selle est une magnifique adaptation à la

langue des papillons : il s’enroule autour de latrompe quand il est touché, arrimant ferme-ment les pollinaires qui penchent latéralementen raison du mouvement de torsion du visci-dium. Simultanément, elles se plient égalementvers l’avant, amenant les pollinies dans l’exacte

146 L’Orchidophile - Juin 2019

CONNAISSANCE

90 91 93

92

94

Orchido221juin_SFO 23/04/19 15:24 Page146

Page 24: journal des amateurs d’orchidées - European orchids · appliquée contre le stigmate, ce dernier la re-tient en totalité ou, au moins, des fragments. Le reste des pollinies, toujours

Fig. 95.– Petite tortue(Aglais urticae) avec despollinies attachées à satrompe. Eys (Pays-Bas),

2 juin 2014 (Photo J. CLAESSENS).

Fig. 96.– Mélitée desscabieuses (Mellicta

parthenoides) avec despollinaires d’Anacamptispyramidalis. Barbières(France), 29 mai 2008(Photo J. CLAESSENS).

Fig. 97.– Bourdon (Bombussylvestris) avec des

pollinies de A. pyramidalisattachées à sa trompe. Eys(Pays-Bas), 4 juin 2016(Photo J. CLAESSENS).

Fig. 98.– Anacamptismorio, Monte Sant’Angelo

(Italie), 6 avril 2016 (Photo J. KLEYNEN).

Fig. 99.– Anacamptismorio, fleur. Bemelen (Pays-Bas), 5 mai 2017

(Photo J. KLEYNEN).

position qui leur permet d’atteindre les lobesstigmatiques, situés de part et d’autre de la basedu gynostème. Ce processus prend environ30 secondes et, quand le papillon visite uneautre fleur, il poussera probablement les polli-nies sur les deux lobes. Les papillons utilisentfréquemment l’inflorescence comme zone d’at-terrissage à partir de laquelle ils commencentà explorer les fleurs à la recherche de nectar (figures 95 à 97). L’entrée de l’éperon est telle-ment étroite que le sens d’introduction de latrompe importe peu, les pollinies atteignenttoujours le stigmate quelle que soit la positiondu papillon.À quelques exceptions près, toutes les espèces

du genre Anacamptis pratiquent la tromperieet ne produisent pas de nectar. La fécondationd’A. morio (Fig. 98) ressemble beaucoup à celledécrite pour le genre Orchis. Le grand labelletrilobé est pourpre avec une zone centraleblanche ponctuée de pourpre violet, ces pointsservant de guide vers le nectar (Fig. 99). L’épe-ron est long et courbé vers le haut. DARWIN

(1877) a supposé que les insectes perforaient laparoi interne de l’éperon pour aspirer le liquideaccumulé entre les deux parois, mais cette hy-pothèse s’est révélée fausse. Les pollinisateurssont de jeunes abeilles inexpérimentées etnaïves qui n’ont pas encore appris à reconnaî-tre les meilleures sources de nourriture (fi-gures 100 & 101). Elles apprennent rapidementque les orchidées ne proposent aucune récom-pense et évitent ces fleurs par la suite. La flo-raison précoce d’A. morio est un avantage, car

Juin 2019 - L’Orchidophile 147

CONNAISSANCE

95

96

97 98 99

A. pyramidalis est fécondé par différents papillons dontdes espèces du genre Zygaena sont des pollinisateursréguliers. La morphologie de la fleur est adaptée auxpapillons : les protubérances du labelle guident la trompejusqu’à l’étroite entrée de l’éperon.

Orchido221juin_SFO 23/04/19 15:24 Page147

Page 25: journal des amateurs d’orchidées - European orchids · appliquée contre le stigmate, ce dernier la re-tient en totalité ou, au moins, des fragments. Le reste des pollinies, toujours

peu de plantes nectarifères fleurissent en mêmetemps et les abeilles n’ont pas encore établileurs préférences alimentaires.Les orchidées pratiquant la tromperie sont

reconnaissables à l’irrégularité de la productionde fruits : une abeille visite quelques fleursavant de comprendre qu’elles n’ont rien à of-frir et de s’en aller butiner plus loin. Souvent, letaux de fructification est supérieur dans la partie basse de l’inflorescence que dans la par-tie haute, illustrant le processus d’apprentissagedes jeunes abeilles.La supercherie est une stratégie très répan-

due chez les orchidées. La production de nectarest coûteuse en énergie, énergie qui peut êtreinvestie dans la fructification chez les plantespratiquant la tromperie. L’autre avantage estl’amélioration de la « fitness » (succès repro-ductif) de la plante. Les orchidées qui produi-sent du nectar sont visitées pendant pluslongtemps et les insectes ont tendance à rôderlonguement d’une fleur à l’autre sur la mêmeinflorescence, entraînant un haut degré de géi-tonogamie (allogamie sexuée dont les gamètessont fournis par le même plant mais de deuxfleurs différentes ou fécondation entre les fleursd’une même tige). Chez les orchidées prati-quant la tromperie, les insectes visitent peu defleurs et passent beaucoup plus vite d’uneplante à l’autre, favorisant la fécondation croi-sée et augmentant le brassage génétique, ce quiest un facteur important au maintien des po-pulations saines.

Un abri pour les insectes : Serapias cordigeraLe genre Serapias est un genre particulier,

parce que les fleurs n’ont pas de nectar ni d’au-tres récompenses. Mais ces orchidées ont déve-loppé une stratégie efficace pour attirer lesinsectes. Le caractère principal des Serapias estla construction de la fleur : le labelle constitued’une partie avancée, l’épichile, et une partiebasale, l’hypochile, pourvu d’une callosité deforme caractéristique pour l’espèce. L’épichileest généralement poilu ; l’hypochile, caché dansle casque, a des lobes latéraux inclinés en haut.Les fleurs n’ont pas d’éperon et ne produisentpas de nectar.Prenons comme exemple

pour cette stratégie S. cordi-gera (Sérapias en cœur), uneorchidée aux feuilles lancéo-lées, haute de 15-45 centi-mètres (Fig. 102). La base dela tige est veinée de rouge ouavec des tiretés pourprés(BOURNÉRIAS, PRAT et al.,2005). L’inflorescence estcourte et dense. L’espèce estfacilement reconnaissablegrâce au grand contrasteentre le périanthe gris et lelabelle large. L’hypochile estcordiforme, brun marronavec des stries noirâtres finset pourvu d’une pilositépourpre et dense, dirigé versle bas. L’épichile est cachédans le périanthe, les lobeslatéraux émergent peu ducasque. Les callosités sontdivergentes.

148 L’Orchidophile - Juin 2019

CONNAISSANCE

Fig. 100.– Bourdon(Bombus pascuorum)fécondant Anacamptis

morio. Wijlre (Pays-Bas),27 avril 2017

(Photo J. CLAESSENS).

Fig. 101.– Abeille (Apismellifera) inspectant les

fleurs d’Anacamptis moriosubsp. picta. Bois du

Rouquan (France), 5 mai2008 (Photo J. CLAESSENS).

Fig. 102.– Serapiascordigera, aspect général.Le Luc (France), 30 avril

2007 (Photo J. CLAESSENS).

100

101

102

Orchido221juin_SFO 23/04/19 15:24 Page148

Page 26: journal des amateurs d’orchidées - European orchids · appliquée contre le stigmate, ce dernier la re-tient en totalité ou, au moins, des fragments. Le reste des pollinies, toujours

Les pétales, les sépales latéraux et les lobes la-téraux de l’hypochile forment un tube étroit etsombre qui attire des abeilles solitaires à la re-cherche d’un abri pour la nuit où du mauvaistemps (Fig. 104). Les abeilles sont obligéesd’entrer par l’avant de la fleur car elle n’est pasaccessible par le côté. En cherchant la positionla plus favorable, elles s’appuient dans la cavitéformée par la callosité et le gynostème incliné.Pendant cette action, elles touchent le visci-dium et les deux pollinaires, attachés au visci-dium commun (Fig. 103), sont collés sur la têtede l’abeille. Le plus souvent, on observe desabeilles qui portent plusieurs paquets de polli-naires, une preuve qu’elles ont visité plusieursfleurs. S. cordigera est surtout visité par desabeilles des genres Hoplitis, Megachile et Osmia(figures 105 à 107). La recherche des pollinisa-teurs au crépuscule ou par temps pluvieux, esttrès favorable à l’observation des abeilles. Pourcela, il faut se pencher, parce qu’on ne voit quel’abdomen des abeilles qui émerge du tube(Fig. 103).

La tromperie sexuelle : OphrysLe genre Ophrys est connu et réputé pour sa

stratégie particulière mise en place pour attirerles pollinisateurs, une stratégie unique parmiles orchidées européennes (à une exceptiondont on parle plus bas). Généralement, les es-pèces du genre Ophrys sont assez petites et pau-ciflores (Fig. 108). Le caractère principal qui lesdistingue de toutes les autres orchidées, est lelabelle qui ressemble beaucoup à un insecte. Ilest velouté à velu, généralement foncé, la sur-face ornée par un dessin (ou macule) variablequi contraste bien avec le fond. Il peut y avoirun appendice, mais l’éperon est toujours ab-sent. Le dessin peut être très stable, commechez O. insectifera (Ophrys mouche), ou trèsvariable, comme chez O. fuciflora (Ophrysbourdon) (Fig. 109). Le périanthe, peu coloré,contraste avec le labelle. Les pétales sont pluspetits et plus colorés que les sépales (Fig. 110).Les Ophrys attirent, sauf quelques exceptions,

surtout des mâles d’Hyménoptères, qui pen-sent rencontrer une femelle. Comment faitl’orchidée pour créer une telle illusion ? Toutd’abord, elle émet une odeur (les phéromones)qui imite celle produite par la femelle d’unecertaine espèce d’abeille. Le mâle approche laplante en un vol en zigzag et, lorsqu’il est suffi-samment proche, il aperçoit une fleur qui res-semble plus ou moins à une femelle. L’exemple

Juin 2019 - L’Orchidophile 149

CONNAISSANCE

Fig. 103.– Serapiascordigera, gynostème.

A = anthère, B = bursicule,S = stigmate

(Photo J. CLAESSENS).

Fig. 104.– Les fleurs deSerapias cordigera offrent

un bon abri pour lesabeilles. Le Muy (France),

2 mai 2006 (Photo J. CLAESSENS).

Fig. 105.– Serapiascordigera, fleur ouverte

manuellement. On voit bienla position dans laquellel’abeille (Hoplitis adunca)dort, sous le gynostème,serré contre le stigmate. Le

Muy (France), 1er mai2007 (Photo J. CLAESSENS).

Fig. 106.– Quand l’abeille(Hoplitis adunca) se retire,il emporte les pollinairesqui collent sur sa tête.

Le Muy (France), 1er mai2007 (Photo J. CLAESSENS).

Fig. 107.– Une petiteabeille (Osmia

caerulescens) quitte la fleurde Serapias cordigera, unepaire de pollinaires colléssur son œil. La Bouverie(France), 30 avril 2009(Photo J. CLAESSENS).

103

104

105

106

107

Orchido221juin_SFO 23/04/19 15:24 Page149

Page 27: journal des amateurs d’orchidées - European orchids · appliquée contre le stigmate, ce dernier la re-tient en totalité ou, au moins, des fragments. Le reste des pollinies, toujours

fameux est celui d’O. speculum dont la ressem-blance avec son pollinisateur,Dasyscolia ciliata,est frappante. C’est POUYANNE (1917), qui aétudié cette orchidée durant plusieurs annéesen Algérie, pour découvrir que l’Ophrys miroirest exclusivement visité et fécondé par les mâlesde D. ciliata. Le principal caractère responsa-ble de ce mimétisme est la pilosité de la fleursurprenante de ressemblance avec la pilosité del’abdomen de la guêpe.Une fois que le mâle de l’abeille a aperçu la fe-

melle supposée, il se précipite vers elle et atter-rit sur le labelle. Dans cette phase de l’illusion,la pilosité est le troisième facteur d’adaptationimportant. Après l’atterrissage, le mâle contrôlela surface du labelle avec ses palpes et son corps.Les poils à la surface du labelle, dirigés vers legynostème ou vers l’apex de la fleur, serventd’orientation au mâle pour le guider vers l’ap-pareil reproducteur de la femelle. C’est la raisonpour laquelle les pollinisateurs d’O. lutea diri-gent leur abdomen en direction du gynostème,tandis qu’on voit plus souvent les visiteurs avecleur tête en direction du gynostème. Tout celava très vite, parce qu’il y a beaucoup de mâlesqui cherchent une femelle pour s’accoupler ; ilest donc important d’être le premier servi. Lorsdes mouvements liés à l’accouplement, le mâleheurte au viscidium, amenant ainsi un ou deuxpollinaires à se coller sur sa tête. Si tout va bien,il visitera une autre plante et, lors de la phased’accouplement, il frottera les pollinies contrele stigmate ; la fleur sera ainsi pollinisée. Onnomme cette forme de pollinisation la pseudo-

copulation (figures 111 & 112). Les Ophrys sontpollinisés principalement par des mâles inex-périmentés. Une fois la tromperie découverte,ils évitent la fleur. Mais l’attraction par l’odeurde la femelle est vraiment forte, comme nousavons pu le constater. En effet, nous avons observé un Andrène qui essayait de s’accou-pler avec une fleur d’O. araneola, même si lafleur était presque fanée et déjà pollinisée (voir

150 L’Orchidophile - Juin 2019

CONNAISSANCE

108 109 110

Fig. 108.– Ophrysbertoloniiformis. Siponto(Italie), 3 avril 2016 (Photo J. KLEYNEN).

Fig. 109.– Ophrysholoserica, Gönnersdorf

(Allemagne), 30 mai 2014(Photo J. KLEYNEN).

Fig. 110.– Ophrys neglecta.Siponto (Italie), 8 avril2016 (Photo J. KLEYNEN).

Fig. 111.– Un petit Andrenamâle (Andrena sp.)

s’intéresse fortement pour lafemelle supposée. Velosnes(France), 28 mars 2012(Photo J. CLAESSENS).

Fig. 112.– La fleur estpresque fanée, mais

l’Andrène (Andrena sp.) est quand-même attiré parla fleur d’Ophrys araneola.

Catalogne (Espagne), 20 avril 2016

(Photo J. CLAESSENS).

111

112

Orchido221juin_SFO 23/04/19 15:24 Page150

Page 28: journal des amateurs d’orchidées - European orchids · appliquée contre le stigmate, ce dernier la re-tient en totalité ou, au moins, des fragments. Le reste des pollinies, toujours

la vidéo Youtube : « Or-chid pollination 21 :Pseudocopulation ofOphrys araneola by anAndrena-male »). LesOphrys sont adaptés auxpollinisateurs spéci-fiques, ce qui peutconstituer un avantageparce que la fleur attireseulement des insectesqui peuvent vraiment fi-

gurer comme pollinisateur. Mais cette stratégiea aussi un risque : si par un évènement quel-conque les pollinisateurs disparaissent, l’orchi-dée n’est pas capable d’en attirer d’autres, parceque ses moyens d’attraction sont trop spéci-fiques. Si on veut protéger l’orchidée, il fautnécessairement aussi protéger les insectes etleur biotope. Tous les Ophrys dépendent deleur pollinisateur, sauf O. apifera qui est auto-game. Si les pollinies sont mûres, elles quittentl’anthère et pendent devant le stigmate. Elles nepeuvent pas atteindre la surface du stigmate,parce que celle-ci est placée dans la cavité stig-matique et inclinée vers l’arrière. Une petitebrise de vent est nécessaire afin que les caudi-cules flexibles se bringuebalent jusqu’à ce qu’ilscollent à la surface stigmatique. Nous avonsimité cette brise dans une vidéo Youtube : « Or-chid pollination 9 : Pollination of Ophrys api-fera, the bee orchid ».On ne trouve la pseudocopulation que chez

les Ophrys, avec une exception : la fleur de Se-

rapias lingua (Sérapias langue) (Fig. 113) émetun parfum floral qui suscite le même compor-tement des mâles de l’abeille Ceratina cucurbi-tina comme on peut l’observer chez les Ophrys(VEREECKEN & MCNEIL, 2010).

UNE PAIRE D’ORCHIDÉES SPÉCIALES : EPIPOGIUM APHYLLUM ET MALAXIS MONOPHYLLOSQuand les orchidées sont encore en bouton,

le labelle est orienté vers le haut. Ce n’estqu’avant l’anthèse (l’ouverture de la fleur), quele bouton se tourne de 180 degrés ; c’est le phé-nomène de résupination. Cette rotation par-tielle est causée par la torsion du pédoncule oude l’ovaire. Elle est nécessaire pour placer le la-belle en bonne position, afin de pouvoir figurercomme aire d’atterrissage pour les insectes vi-siteurs. Mais chaque règle connaît ses excep-tions, comme le prouvent ces deux espèces.

Epipogium aphyllumE. aphyllum (l’Épipogon sans feuilles) est

une plante rare (Fig. 114). Elle n’a pas defeuilles mais seulement quelques écailles courteset engainantes. La tige est délicate roussâtre etporte deux à huit fleurs (Fig. 115). Les fleurs odo-rantes sont assez grandes, orientées vers le bas.Les sépales et pétales sont semblables, lancéoléset jaunâtres à rosâtres. Chez. E. aphyllum il n’ya pas de résupination, donc les sépales et pétalessont dirigés vers le bas, tandis que le labelle estorienté vers le haut (Fig. 116). Le labelle cordi-forme est articulé, blanc et orné de crêtes

Juin 2019 - L’Orchidophile 151

CONNAISSANCE

114 115 116

Fig. 113.– Serapias lingua,aspect général. Lakoni(Italie), 7 mai 2013 (Photo J. KLEYNEN).

Fig. 114.– Une belle touffed’Epipogium aphyllum,

Sent (Suisse), 4 août 2014(Photo J. KLEYNEN).

Fig. 115.– Epipogiumaphyllum dans son biotopetypique et des fleurs nonrésupinées, Sent (Suisse),

6 août 2017 (Photo J. KLEYNEN).

Fig. 116.– Epipogiumaphyllum, fleur de profil.Sent (Suisse), 6 août 2017

(Photo J. KLEYNEN).

Orchido221juin_SFO 23/04/19 15:24 Page151

Page 29: journal des amateurs d’orchidées - European orchids · appliquée contre le stigmate, ce dernier la re-tient en totalité ou, au moins, des fragments. Le reste des pollinies, toujours

cristallines rougeâtres. Le gynostème est large,il y a une distance entre viscidium et stigmate(Fig. 117). L’éperon est gros, translucide, redressé,glabre à l’intérieur. Il y a des mentions d’auto-gamie chez E. aphyllum, mais en général cette or-chidée est pollinisée par des bourdons de plu-sieurs espèces. Ils sont attirés par une odeur devanille et par de petites quantités de nectar, sé-crété aux crêtes et dans l’éperon. Ces crêtes ser-vent également à donner un point d’appui auxinsectes visiteurs. Nous avons régulièrement ob-servé comment des mouches et des syrphes, desvisiteurs réguliers d’E. aphyllum, se tiennent auxcrêtes pour pouvoir inspecter l’intérieur del’éperon (Fig. 118). On peut bien observer cecomportement dans une vidéo sur Youtube :« Orchid pollination 5 : Flies visiting Epipogiumaphyllum, the ghost orchid ».Quand les bourdons visitent les fleurs, ils

sont obligés d’y entrer à l’envers. Comme lesmouches, ils utilisent les crêtes pour pouvoirlécher l’intérieur de l’éperon (Fig. 115). En seretirant, ils heurtent leur tête contre le visci-dium blanc et cordiforme qui se trouve au-des-sus de l’anthère puis ramènent les pollinaires,qui se sont collés sur leur tête. Pendant que lepollinisateur cherche une autre plante, les pol-linaires aux caudicules en forme de ruban seredressent et sont en bonne position pour pou-voir atteindre le grand stigmate, brillant de li-quide stigmatique. Les bourdons ont la bonnetaille pour pouvoir toucher le viscidium quandils se retirent. Sur la vidéo on voit que lesmouches sont trop petites pour toucher le vis-

cidium. En plus, les bourdons sont assez puis-sants pour transporter les pollinaires relative-ment lourds (figures 119 & 120).Il faut dire que la pollinisation d’E. aphyllum

est un évènement très rare, REINEKE & RIETDORF(1998) n’ont trouvé que quatre plantes d’unepopulation de plus de 2000 pièces qui étaientpollinisées. Mais le taux de fructification peutbien varier entre les populations. Nous avonsobservé en divers endroits des taux de fructifi-cation élevés, mais aussi très faibles (CLAESSENS& KLEYNEN 2011, 2016, CLAESSENS et al. 2014).

Malaxis monophyllosM.monophyllos (Malaxis à une feuille) est une

plante grêle, entièrement jaune-verdâtre, hautede 10 à 30 cm avec une feuille ovale basilaire(Fig. 121). L’inflorescence est assez lâche avec detrès petites fleurs (Fig. 122). Pétales et sépales sontétalés et recourbés vers l’arrière. Le labelle est enforme de cuvette, orienté vers le haut, suite à unetorsion de la base de l’ovaire et du pédicelle

152 L’Orchidophile - Juin 2019

CONNAISSANCE

117 118 119

Fig. 117.– Epipogiumaphyllum, colonne.

A = anthère, C = caudicules, V = viscidium, S = stigmate

(Photo J. CLAESSENS).

Fig. 118.– Episyrphusbalteatus inspecte le labelled’Epipogium aphyllum.

Sent (Suisse), 5 août 2013(Photo J. KLEYNEN).

Fig. 119.– Bombusdistinguendus, un des

pollinisateurs d’Epipogiumaphyllum, Sent (Suisse),

5 août 2013(Photo J. KLEYNEN).

Fig. 120.– Bombuslucorum/terrestris avec

deux pollinaires complètesd’Epipogium aphyllum sursa tête ; Sent (Suisse),

30 juillet 2016 (Photo J. KLEYNEN).

120

Orchido221juin_SFO 23/04/19 15:24 Page152

Page 30: journal des amateurs d’orchidées - European orchids · appliquée contre le stigmate, ce dernier la re-tient en totalité ou, au moins, des fragments. Le reste des pollinies, toujours

(Fig. 123). Il n’y a pas d’éperon. Le gynostèmeest très petit ; la surface stigmatique se trouve au-dessus du gynostème, on ne la voit guère. L’an-thère est située vers l’avant et libère partiellementles quatre pollinies foliacées, attachées à unegoutte de liquide visqueux, le viscidium.Les pollinisateurs observés sont principalement

des tipulaires fongicoles (Mycetophilidae),proches des cousins. Ces tipulaires, qui sont despollinisateurs nocturnes, sont trop grands pourles fleurs ; ils utilisent donc l’inflorescence pour

se maintenir (Fig. 124). Une fois atterri, ils res-tent immobiles pour de longues périodes et ins-pectent la fleur. Pour atteindre la base du labelle,ils doivent se pencher bien en avant et, de ce fait,touchent le viscidium (Fig. 125). Les pollinies secollent alors sous le menton du pollinisateur(Fig. 126). Quand le tipulaire visite une autrefleur, les pollinies sont poussées dans le liquidestigmatique qui est tellement collant que les pol-linies y restent coincées. Il est probable quel’odeur de champignon ou de musc attire les

Juin 2019 - L’Orchidophile 153

CONNAISSANCE

121 122 123

Fig. 121.– Malaxismonophyllos, habitus.

Passo Giau (Italie), 5 juillet2017 (Photo J. CLAESSENS).

Fig. 122.– Malaxismonophyllos, détail de lahampe florale montrant lespetites fleurs à l’envers.Cortina d’Ampezzo,

12 juillet 2007(Photo J. CLAESSENS).

Fig. 123.– Malaxismonophyllos, fleur avec lespollinies cireuses attachées

à une aiguille(Photo J. CLAESSENS).

Fig. 124.– Mycomyafimbriata (tipulaire

fongicole) ; le tipulaireutilise tout l’épi commepoint d’appui. Cortina

d’Ampezzo, 7 juillet 2016(Photo J. CLAESSENS).

Fig. 125.– Mycomyafimbriata (tipulaire

fongicole) ; les polliniessous le menton sont bien

visibles. Cortinad’Ampezzo, 7 juillet 2016

(Photo J. CLAESSENS).

Fig. 126.– Mycomyafimbriata (tipulaire

fongicole) ; les pollinies sontattachées sous le menton

du moustique (Photo J. CLAESSENS).

124

125 126

Orchido221juin_SFO 23/04/19 15:24 Page153

Page 31: journal des amateurs d’orchidées - European orchids · appliquée contre le stigmate, ce dernier la re-tient en totalité ou, au moins, des fragments. Le reste des pollinies, toujours

154 L’Orchidophile - Juin 2019

CONNAISSANCE

tipules. Il semble que M. monophyllos soit bienadapté aux pollinisateurs malgré qu’ils soientgrands pour la fleur, s’avèrent par leur compor-tement être des pollinisateurs efficaces.

DEUX EXEMPLES D’AUTOGAMIE: NEOTINEA MACULATA ET CORALLORHIZA TRIFIDAL’autogamie, ou autofécondation, est le mode

de reproduction sexuée où les deux gamètesproviennent d’un même individu. L’autogamieest supposée être un handicap, donnant des pro-génitures moins vigoureuses. Chez les orchidées,elle est évaluée entre 5 et 20 % (TREMBLAY et al.,2004). En Europe, l’autogamie est pratiquée

dans 19 genres (CLAESSENS & KLEYNEN, 2011,2016), dont le genre Epipactis, célèbre pour sesnombreuses espèces pratiquant l’autoféconda-tion, ce qui rend leur identification difficile.

Neotinea maculata (Orchis intact)C’est une orchidée discrète, densément fleurie

et possédant deux ou trois feuilles ovales atypiques,tachetées ou non (Fig. 127). L’inflorescence estcourte et porte de nombreuses petites fleursblanchâtres ou teintées de rose densément ra-massées (figures 128 & 129). Cette espèce émetune faible odeur de vanille. Les sépales et les pé-tales forment une capuche, le labelle trilobé sor-tant en saillie (Fig. 130). DAVIES & HUXLEY (1983)

127 128 129

Fig. 127.– Neotineamaculata dans son

aspect général. MonteArgentario (Italie), 13 avril 2012

(Photo J. CLAESSENS).

Fig. 128.– Neotineamaculata, inflorescencedense. Lakoni (Italie),

6 mai 2013 (Photo J. KLEYNEN).

Fig. 129.– Neotineamaculata, détail d’uneinflorescence Lakoni(Italie), 6 mai 2013(Photo J. KLEYNEN).

Fig. 130.– Une fleurunique de Neotineamaculata. MonteArgentario (Italie), 13 avril 2012

(Photo J. CLAESSENS).

Fig. 131.– Colonne deNeotinea maculata. Leslobes stigmatiques (S)sont de part et d’autre

de l’anthère. Unpollinaire est sorti del’anthère, exemple defécondation autogame (Photo J. CLAESSENS).

130 131

Orchido221juin_SFO 23/04/19 15:24 Page154

Page 32: journal des amateurs d’orchidées - European orchids · appliquée contre le stigmate, ce dernier la re-tient en totalité ou, au moins, des fragments. Le reste des pollinies, toujours

ont décrit la fleur comme ressemblant à « un pe-tit homme portant un casque surdimensionné ».À la base de la fleur, on trouve un court éperonconique qui, selon certains auteurs, contient dunectar. Cependant, nous n’avons jamais trouvéde nectar libre malgré l’inspection attentive deplus d’une centaine de fleurs. Le gynostème estlarge et l’anthère s’ouvre largement, mêmeavant l’anthèse. Les pollinies sont connectées auviscidium par d’étroits caudicules. Les deux lobesstigmatiques ne sont pas placés sous le viscidium,comme c’est la règle pour la plupart des orchi-dées, mais de part et d’autre de la base de l’an-thère. Quand l’anthère s’ouvre, les pollinairespeuvent facilement tomber sur le lobe stigma-tique le plus proche (Fig. 131). Presque inévi-tablement, les pollinaires se collent au fluide stig-matique, les massules trempant dans le fluide

stigmatique, et les tubes polliniques commen-cent à croître en direction de l’ovaire. Cette es-pèce est presque toujours autofécondée, bienqu’elle émette un parfum pour attirer les insectes.Parfois, le pollinaire est manquant, indiquant

l’activité d’insectes pollinisateurs comme rap-portés par ailleurs (BERGER, 2003; WILCOX, 2014)(Fig. 132). Neotinea maculata est le seul repré-sentant de ce genre à pratiquer l’autopollinisa-tion ; c’est avant tout la large ouverture del’anthère et les caudicules très flexibles et très finsqui permettent le succès de la fécondation auto-game. Le taux de fructification très élevé est uneindication d’autogamie (Fig. 133). Les autres es-pèces, N. ustulata, N. lactea et N. tridentata sontallogames et s’appuient sur des pollinisateurs.

Corallorhiza trifidaC. trifida (Racine de corail), seule espèce de

ce genre en Europe, est une petite orchidéeblanche à verte, sans feuille, mais avec des brac-tées le long de sa tige (Fig. 134). L’inflorescenceest lâche, portant quatre à douze fleurs pen-dantes (Fig. 135). Le sépale médian et les pé-tales forment un casque, les sépales latérauxsont étalés. Le labelle est blanc, marqué depoints rouges à sa base, prolongé par un men-ton sans nectar qui forme un bouton surl’ovaire et qui laisse penser à un éperon. Le gy-nostème est érigé et élancé. L’anthère contientquatre pollinies superposées qui sont connec-tées par de très fins caudicules (Fig. 136) à unestructure genouillée qui dépasse du viscidium,appelée hamulus. L’espèce est autogame, même

Juin 2019 - L’Orchidophile 155

CONNAISSANCE

132 133a 133b

134

Fig. 132.– Spermophagussericeus, l’un des rares

pollinisateurs de Neotinea maculata(Photo Y. WILCOX).

Fig. 133 a,b.– Les espècesautogames montrent

généralement un taux defructification élevé, comme

pour cet individu deNeotinea maculata. MonteArgentario (Italie), 13 avril2012 (Photo J. CLAESSENS).

Fig. 134.– Corallorhizatrifida, aspect général. ValMüstair (Suisse), 26 juin2012 (Photo J. CLAESSENS).

Orchido221juin_SFO 23/04/19 15:24 Page155

Page 33: journal des amateurs d’orchidées - European orchids · appliquée contre le stigmate, ce dernier la re-tient en totalité ou, au moins, des fragments. Le reste des pollinies, toujours

si le viscidium est fonctionnel. Les fleurs pro-duisent une faible odeur de musc.Les fleurs attirent de nombreux petits in-

sectes, principalement des moucherons de lafamille des Empididae, régulièrement observésalors qu’ils visitaient les fleurs à la recherche denectar (figures 137 à 139). Mais le retrait despollinaires par les moucherons n’a jamais étérapporté. En fait, le prélèvement est souventimpossible, car cette orchidée s’autopollinise

fréquemment à des stades précoces du déve-loppement des fleurs, avant même l’ouverturedu bouton. L’anthère s’ouvre dans les boutons.Dès que le bursicule de l’anthère se soulève, lespollinaires tombent. Les caudicules les empê-chent de tomber sur le sol et les guident vers lestigmate, situé juste en dessous de l’anthère.Les caudicules ont exactement la bonne lon-

gueur, si bien qu’une ou plusieurs pollinies at-terrissent invariablement sur la surface stigma-tique (CLAESSENS & KLEYNEN, 1998, 2012). Dansquelques rares cas, un ou plusieurs pollinairespeuvent manquer, sans pour autant trouver detrace de pollinisation autogame. Il est difficilede dire si les pollinaires en question avaient étédévorés ou étaient tombés sur le sol. Comme leviscidium est fonctionnel, il est donc probableque dans certains cas, les pollinaires soient pré-levés par un insecte, mais cela reste à détermi-ner. Le très haut niveau de fructification estégalement une indication d’une prédominancede l’autogamie.

156 L’Orchidophile - Juin 2019

CONNAISSANCE

Fig. 135.– Corallorhizatrifida, inflorescence. Dansles deux fleurs de droite, lespollinaires sont déjà sortisde l’anthère. Scuol (Suisse),

22 juin 2012 (Photo J. CLAESSENS).

Fig. 136.– Corallorhizatrifida, colonne.

S = stigmate, C= caudicule, V = viscidium. Les pollinies

sont superposées, le caudicule est un fin filet (Photo J. CLAESSENS).

Fig. 137.– Un petitmoucheron (Empididae) surle labelle de Corallorhiza

trifida. Sent (Suisse), 13 juin 2012

(Photo J. CLAESSENS).

Fig. 138.– De petitsmoucherons (Empididae)inspectent les fleurs de

Corallorhiza trifida. Sent(Suisse), 13 juin 2012(Photo J. CLAESSENS).

Fig. 139.– Eusphalerumrhododendri, un visiteur qui

inspecte la fleur deCorallorhiza trifida. LaBâtie (France), 31 mai

2008 (Photo J. CLAESSENS).

137 138 139

135

136

Orchido221juin_SFO 23/04/19 15:24 Page156

Page 34: journal des amateurs d’orchidées - European orchids · appliquée contre le stigmate, ce dernier la re-tient en totalité ou, au moins, des fragments. Le reste des pollinies, toujours

Pour plus d’informations, visitez notre siteInternet, www.europeanorchids.com ou consul-tez notre ouvrage « The flower of European or-chid – Form and Function » ou la traductionfrançaise : « Orchidées d’Europe : Fleur et pol-linisation ». l

REMERCIEMENTS

Nous remercions de tout notre cœur la Hardy Or-chid Society pour nous permettre de traduire et de re-travailler les articles originaux. Un grand merci aussià Michel NICOLE pour son aide à la traduction et sesremarques précieuses. Merci aussi à Yves WILCOX

pour l’autorisation d’utiliser l’une de ses photos.

BIBLIOGRAPHIE

n BERGER L., 2003.– Observations sur le comporte-ment de quelques pollinisateurs d’Orchidées (1re

partie). L’Orchidophile 158: 201-216.n BOURNERIAS M., PRAT D. et al., 2005.– Les orchidées

de France, Belgique et Luxembourg. Biotope,Mèze, 504 p.

n CAREY P. D. & FARRELL L., 2002.– Himantoglossumhircinum (L.) Sprengel. J. Ecol. 90: 206-218.

n CLAESSENS J. & KLEYNEN J., 1991.– Het geslacht Epi-pactis in de Benelux: bloembiologische beschrijvin-gen en soorttypische kenmerken. Eurorchis 3: 5-38.

n CLAESSENS J. & KLEYNEN J., 1995.– Allogamie-undAutogamie-Tendenzen bei einigen Vertretern derGattung Epipactis. Ber Arbeitskrs Heim Orchid 12:4-16.

n CLAESSENS J. & KLEYNEN J., 1998.– Column structureand pollination of Corallorhiza trifida Châtelain(Orchidaceae). J. Eur. Orchid. 30: 629-637.

n CLAESSENS J. & KLEYNEN J., 2011.– The Flower ofEuropean Orchid : Form and Function. Chez les au-teurs, Geulle, 440 p.

n CLAESSENS J. & KLEYNEN J., 2013.– The pollinationof European orchids Part 1 : Introduction and thegenera Orchis and Dactylorhiza. Journal of theHardy Orchid Society 10: 83-89.

n CLAESSENS J. & KLEYNEN J., 2013.– The Pollinationof European Orchids : Part 2 : Cypripedium and

Cephalanthera. Journal of the Hardy Orchid Soci-ety 10: 114-120.

n CLAESSENS J. & KLEYNEN J., 2012.– Bestäubung beiEuropäischen Orchideen zwischen Allogamie undAutogamie-einige Beispiele. Ber. Arbeitskrs. Heim.Orchid. 8: 14-32.

n CLAESSENS J. & KLEYNEN J., 2013.– Honigbienen(Apis mellifera) als Bestäuber von Goodyerarepens. J. Eur. Orchid. 45: 133-138.

n CLAESSENS J. & KLEYNEN J., 2014.– The pollinationof European Orchids Part 3 : Limodorum and Epi-pactis. Journal of the Hardy Orchid Society 11:64-71.

n CLAESSENS J. & KLEYNEN J., 2014.– Bijzondere bes-tuivers bij orchideeën deel 2 : Bijen als bestuiversvan de Grote keverorchis (Neottia ovata). Natuur.Hist. Maandblad.103: 140-142.

n CLAESSENS J. , KLEYNEN J. & Gravendeel B., 2014.–Bijzondere bestuivers bij orchideeën Deel 1 : Hom-mels als bestuivers van de Grote muggenorchis.Natuur. Hist. Maandblad.103: 30-32.

n CLAESSENS J. & KLEYNEN J., 2014.– La pollinisationdes orchidées européennes : une affaire de ruse etde tromperie. In : Cahiers de la Société Françaised’Orchidophilie (Ed.), Actes du 15e colloque de laSociété Française d’Orchidophilie, Blois, pp. 134-135.

n CLAESSENS J., KLEYNEN, J. et al., 2014.– Widerbart- Epipogium aphyllum - Ergänzende Beobachtun-gen. AGEO-Mitteilungen 2: 32-38.

n CLAESSENS J. & KLEYNEN J., 2016.– Orchidées d’Eu-rope, fleur et pollinisation. Biotope Éditions, Mèze,448 p.

n CLAESSENS J. & KLEYNEN J., 2016.– Pollinie et polli-naire, une question de définition. L’Orchidophile210: 197-201.

n CLAESSENS J. & KLEYNEN J., 2016.– Many Ways toGet Happy : pollination modes of European Epi-pactis species. Orchid Digest 80: 144-152.

n CLAESSENS J. & KLEYNEN J., 2016.– The Pollinationof European Orchids Part 4 : Goodyera and Spi-ranthes. Journal of the Hardy Orchid Society 13:54-61.

n CLAESSENS J. & KLEYNEN J., 2016.– The Pollinationof European Orchids Part 5 : Himantoglossum andAnacamptis, Two Examples of Deceptive Pollina-tion. Journal of the Hardy Orchid Society 13: 114-122.

n CLAESSENS J. & KLEYNEN J., 2017.– The Pollinationof European Orchids Part 6 : Nectar As Attractant :Gymnadenia conopsea and Neottia ovata. Jour-nal of the Hardy Orchid Society 14: 130-136.

n CLAESSENS J. & KLEYNEN J., 2018.– The pollinationof European orchids Part 7 : Autogamy: Neotineamaculata and Corallorhiza trifida. Journal of theHardy Orchid Society 15: 50-55.

n DAFNI A. & IVRI Y., 1981.– The flower Biology ofCephalanthera longifolia (Orchidaceae) – Pollenimitation and facultative floral mimicry. Plant Syst.Evol. 13: 229-240.

n DARWIN C., 1877.– The Various Contrivances by

Juin 2019 - L’Orchidophile 157

CONNAISSANCE

L’autogamie semble être une impasse, car il n’ya pas d’échange de matériel génétique.Cependant, cette stratégie peut être bénéfique,car elle permet aux espèces de conquérir ou desurvivre dans un environnement pratiquementdépourvu d’insectes. La plante ne dépend alorsplus des insectes pour sa fécondation.

Orchido221juin_SFO 23/04/19 15:24 Page157

Page 35: journal des amateurs d’orchidées - European orchids · appliquée contre le stigmate, ce dernier la re-tient en totalité ou, au moins, des fragments. Le reste des pollinies, toujours

which Orchids are Fertilized by Insects. John Mur-ray, London. 365 p.

n DAVIES P. , DAVIES J. & A. HUXLEY, 1983.– Wild or-chids of Britain and Europe. Chatto and Windus,London, 256 p.

n GODFERY M.J. & GODFERY H., 1933.– Monograph& iconograph of native British Orchidaceae. Cam-bridge University Press, 259 p.

n HARRAP A. & HARRAP S., 2005.– Orchids of Britainand Ireland. London: A&C Black, 480 p.

n JACQUEMYN H. & HUTCHINGS M.J., 2010.– Biologi-cal Flora of the British Isles : Spiranthes spiralis (L.)Chevall. J. Ecol. 98: 1253-1267.

n JACQUEMYN, H., R. BRYS et al., 2014.– Biologicalflora of the British Isles : Epipactis palustris. J. Ecol.102: 1341-1355.

n JAKUBSKA A., PRZADO D. et al., 2005.– Why do pol-linators become “sluggish”? Nectar chemical con-stituents from Epipactis helleborine (L.) Crantz(Orchidaceae). Appl. Ecol. Environ. Res. 3: 29-38.

n JERSÁKOVÁ J., JOHNSON, S.D. & P. KINDLMANN,2006.– Mechanisms and evolution of deceptivepollination in orchids. Biol. Rev. 81: 219-235.

n JUILLET N., DORMONT L. et al., 2010.– Facilitationde pollinisation chez les orchidées trompeuses. In :Cahiers de la Société Française d’Orchidophilie(Ed.), Actes du 15e colloque de la Société Fran-çaise d’Orchidophilie, Montpellier, pp. 213-219.

n KOTILÍNEK M., TŠITELOVÁ T. & J. JERSÁKOVÁ, 2015.–Biological Flora of the British Isles : Neottia ovata.J. Ecol.103: 1354-1366.

n KUGLER H., 1977.– Zur Bestäubung mediterranerFrühjahrsblüher. Flora 166: 43-64.

n LANG D., 1980.– Orchids of Britain, a field guide.Oxford University Press, Oxford, 213 p.

n NIESCHALK A. & NIESCHALK C., 1970.– Die GattungEpipactis (Zinn) Sw. em. L.C. Rich. In Nordhessen.Abh. Ver. Naturk. Kassel 63: 1-40.

n NILSSON L. A., 1981.– The pollination ecology ofListera ovata (Orchidaceae). Nord. J. Bot.1: 461-480.

n NILSSON L.A., 1983.– Anthecology of Orchis mas-cula (Orchidaceae). Nord. J. Bot. 3: 157-159.

n POUYANNE A., 1917.– La fécondation des Ophryspar les insectes. Bull. Soc. Hist. Nat. Afr. Nord 8:6-7.

n RAKOSY V.D., 2014.– Zur Bestäubungsbiologiedreier seltener Orchideenarten in Kärnten : Epi-pogium aphyllum, Malaxis monophyllos und Ham-marbya paludosa. Carinthia 124: 1-30.

n REINEKE, D. & RIETDORF K., 1998.– Bemerkungen zuEpipogium aphyllum Sw. Sudbaden. Ber. Arbeitskr.Heim. Orch 15: 52-62.

n RICHARDS A.J., 1982.– The influence of minor struc-tural changes in the flower on breeding systemsand speciation in Epipactis Zinn (Orchidaceae) inARMSTRONG J.A., POWELL J.M. & A.J. RICHARDS, Pol-lination & Evolution. Sydney, pp 47-53.

n SPRENGEL C. K., 1793.– Das entdeckte Geheimnisder Natur im Bau und in der Befruchtung derPflanzen. Friedrich Vieweg dem aeltern, Berlin,258 p.

n SUMMERHAYES V. S., 1968.– Wild orchids of Britain2e éd. Collins, London, 366 p.

n TREMBLAY R.L., ACKERMAN J.D., ZIMMERMAN J.K. &CALVO R.N., 2004.– Variation in sexual reproduc-tion in orchids and its evolutionary consequences :a spasmodic journey to diversification. Biol. J. Linn.Soc. 84: 1-54.

n VEREECKEN N. & MCNEIL J.N., 2010.– Cheaters andliars : chemical mimicry at its finest. Canadian J.Zool. 88: 725-752.

n WILLEMS J.H., 2007.– Herfstschroeforchis – Portretvan een laatbloeier. Stichting NatuurpublicatiesLimburg, Maastricht, 80 p.

n WILLEMS, J.H., BALOUNOVA Z. & KINDLMANN P.,2001.– The effect of experimental shading on seedproduction and plant survival of Spiranthes spiralis(Orchidaceae). Lindleyana 16: 31-37.

n WILCOX Y., 2010.– Epipactis palustris et ses polli-nisateurs en Vendée. Bull. SFO Poitou-Charentes etVendée, 8-26.

n WILCOX Y., 2014.– Spermophagus sericeus pollini-sateur de Neotinea maculata. Bull. SFO-Poitou-Cha-rentes et Vendée, 35-43.

n WILCOX Y., 2016.– Neotinea maculata (Desfon-taines) Stearn 1974. Orchidée autogamie pollini-sée par Spermophagus calystegiae. L’Orchidophile211: 61-72.

n WOOD J. & BELL S., 1994.– Himantoglossum hirci-num. Curt. Bot. Mag. 11: 22-28.

158 L’Orchidophile - Juin 2019

CONNAISSANCE

* Jean CLAESSENS* & Jacques KLEYNEN**Naturalis Biodiversity Center, Leiden, Pays-Bas

[email protected] - [email protected]

Orchido221juin_SFO 23/04/19 15:24 Page158