8/11/2019 John Keeble, Courtier en Jets

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John Keeble est aussi af-fable quil est habile, quali-ts essentielles pour un hommedont le mtier est daffrter desjets privs pour les riches, lespuissants, les influents, les c-lbres et les titrs. Cest aussi unhomme fascin par les vertus deceux qui se sont propulss ausommet grce, en partie, leursouci du dtail. Les hommes daf-faires, les membres de la royaut,les diplomates, les clbrits et leschefs dEtat, ses clients en fait, illes tudie depuis toujours. Il ad-met volontiers apprcier lespasses darmes avec ces individusfortuns qui, il lavoue, sont desngociateurs redoutables.

John Keeble, directeur gnralde Twinjet Aircraft Sales Limi-ted, achte et vend ce quil appelledans un bel euphmisme desavions ayant dj appartenu quelquun. Il a cr cette entre-prise en 1982 aprs avoir travaillnotamment chez DeHavilland.Depuis lors, il a ajout deuxautres compagnies son empire.La premire, Charter Company,une filiale qui lui appartient en-tirement, propose le courtageau tiers pour des privs ou des en-treprises vingt-quatre heurespar jour, sept jours par semaine,365 jours par an. La deuxi-me, Air Operators Certificate(AOC), possde des licencespour faire voler deux jets daffai-res, les A319. Vingt minutes

aprs le lancement dAOC en1999, sa premire cliente, lachanteuse Mariah Carey, tait bord. Elle senvolait pour sa tour-ne europenne. Lindustrie dudivertissement reprsente 30%des vols dAOC. Des pop starscomme Jennifer Lopez, la favo-rite de la compagnie, BruceSpringsteen ou Phil Collins sontaussi des clients rguliers. Demme que le secrtaire gnraldes Nations unies, Kofi Annan.

John Keeble reste plus discretquant lidentit de ceux qui luiachtent des jets.

Il a suivi une formation ding-nieur aronautique, mais lide dentre quun rouage dans cetteimmense machinerie ne conve-nait pas un dynamique jeunehomme dbordant dnergie etptri dambition. Il sest donc

tourn vers la vente technique,achetant et vendant des avions,avant de dcouvrir quil dsiraittre riche. Cela semblait beau-coup plus agrable, reconnat-il.Cest la pure vrit, et il rit deson propre aveu. Son costumebien coup et sa chemise sobretrahissent son statut.

Twinjet vend environ troisappareils par anne. Durant lesquatorzederniers mois, la com-pagnie a fourni un Challenger604 une socit russe de foodand beverage base Moscou,un autre une entreprise de

construction australienne deMelbourne, ainsi quun Hawker700 King Airlines, une compa-gnie de charters nigrienne. Es-sentiellement des socits. Dansce cas, John Keeble rencontre ra-rement les boss, juste leurs avo-

cats ou leurs banquiers. Et lors-que cela lui est arriv, notammentpendant le boom de la Net-co-nomie, il a trouv cela conster-nant. Il garde un souvenir trs d-moralisant de cette prsentationdans la valle de San Jose, en Cali-fornie, devant ces jeunes multi-millionnaires en tongs et bermu-da, peine gs de 26 ans, quivoulaient soffrir un jet.

Dans la liste des jets que vendla compagnie, on trouve le Gulf-stream III et IV, le BombardierChallenger 604 (18-19 millionsde dollars) et la srie des Falcon

de Dassault y compris le Falcon20, 2000, 900, 900EX (environ27 millions de dollars). JohnKeeble vend rarement de pluspetits avions comme le Citation,quil compare une Nissan Micra(3,5 millions de dollars tout de

mme) ou le Falcon 10 et Lear-jets, qui sadressent plutt ceuxqui veulent piloter leur propreappareil.

Le comble du chic, actuelle-ment, cest le Gulfstream 550,entr en service il y a dix-huitmois et qui vaut, neuf, 45millionsde dollars (54millions de francs).Mais lavion dont rve le direc-teur gnral, cest le GulfstreamIV SP, qui nest plus produit et sengocie autour des 22-24 mil-lions de dollars.

Les clients de Twinjet saventce quils veulent: ils ont dj fait

de longues recherches sur lappa-reil avant de lacheter. Et gnra-lement, ils lui ont dj attribuune mission spcifique. Certainsrecherchent simplement unmoyen de locomotion pour lesconduire dune de leurs maisons

vers une autre. Il lui est arriv devendre des avions des chefsdEtat africains de lEst, delOuest et du Sud-Ouest qui dsi-raient avoir porte de main unmoyen de svader en cas de revi-rement soudain de rgime. Lar-gument scuritaire pse aussibeaucoup dans la dcisiondachat.

Ses clients mnent des viesimprvisibles. Parfois, ils d-barquent dans mon bureau et medisent: Ok, o partons-nous?

John Keeble aime lide que ceshigh net worth individuals (ces

particuliers valeur nette le-ve), ainsi quil nomme les supermga riches, veulent sacheter unavion afin de voyager discrte-ment, alors quil ny a rien demoins discret que darriver en jetpriv. Cela fait partie de leursmultiples paradoxes.

Il apprcie le glamour attach ce mtier, la proximit du pou-voir et de largent. Il aime aussi leschallenges intellectuels qui y sontlis: dmler des cas difficiles,trouver une issue des situations

lgales complexes. Comme ce futle cas lors de la vente de lavion la socit russe: un problmedinsolvabilit rsoudre avec denombreux crditeurs dans troispays diffrents. Dans ce milieu,les ngociations sont rudes. JohnKeeble a sign des contrats sur lapasserelle dun avion, ordonn sa secrtaire particulire de secoucher sous les roues dun appa-reil pour lempcher de dcollerlors dune ngociation particuli-rement ardue, marchand pourrcuprer les passeports de sonquipage dans une ex-rpubliquesovitique en cdant ltrangedemande des fonctionnaires lo-caux de limmigration qui vou-laient des sandwiches anglais aujambon. Il a galement d faireface certaines requtes drai-sonnables. Le vice-prsidentdune compagnie ptrolire a exi-g que lon change la mto et fas-se se lever le brouillard afin queson patron puisse atterrir.

Lhomme travaille dans ses bu-reaux de Luton, prs de laro-port du mme nom. Lorsquil re-joint son exploitation de citrons Majorque, il voyage avec EasyJet,la compagnie bas prix gale-ment base Luton. John Keeblena toujours pas investi dans unyacht ou un avion. Sans frais g-nraux et sans stock, cest un bu-siness trs lucratif et efficace, et ilna aucune intention dy renoncerpour linstant. En tout cas pastant quil naura pas effectu ledeal ultime: se vendre lui-mmeun Gulfstream IV SP

Trajectoire6 LE TEMPS VOYAGES MERCREDI 18 MAI 2005

Le Temps P Date N CMJ 5e06 18.05

Contrairement dautres compagniesqui vendentdes heures de volssur leurs appareils,Twinjet Aircraft SalesLimited achte et venddes Gulfstream, desFalcon, des Challengeraux particuliers valeur nette leve.Une affairetrs rentable.Mais lon ne ctoie

pas impunmentles puissantsdepuis 23ans.Le directeur gnral,qui a le cuir dur, a vcuquelques situationsabracadabrantes.Rencontre.

par Heidi Kingstone

Traduction: Pilar Salgado

John Keeble,

courtier en jets

Le comble du chic,actuellement, cestle Gulfstream 550

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John Keeble,directeur gnral de Twinjet, vend trois appareils par an.GUYHILLS

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