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Rencontres à South Village JILL SHALVIS TRILOGIE INTEGRALE

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  • Rencontresà South VillageJ I L L S H A LV I S

    TRILOGIE

    INTEGRALE

  • À PROPOS DE L’AUTEUR

    Jill Shalvis vit avec sa famille sur les bords du lac Tahoe, où elle a l’habitude de croiser des animaux sauvages et des ouvriers qui travaillent torse nu. Elle a remporté le National Readers’ Choice Award à trois reprises, et ses romans sont régulièrement classés parmi les meilleures ventes du New York Times.

  • Un serment risqué

    JILL SHALVIS

    IntégraleRencontres à South Village

    Traduction française deFLORENCE MOREAU

  • HARPERCOLLINS FRANCE83-85, boulevard Vincent-Auriol, 75646 PARIS CEDEX 13Service Lectrices — Tél. : 01 45 82 47 47www.harlequin.fr

    ISBN 978-2-2803-8995-2 — ISSN 2426-993X

    Titre original :ROUGHING IT WITH RYAN

    Si vous achetez ce livre privé de tout ou partie de sa couverture, nous vous signalons qu’il est en vente irrégulière. Il est considéré comme « invendu » et l’éditeur comme l’auteur n’ont reçu aucun paiement pour ce livre « détérioré ».

    Collection : SAGAS

    © 2003, Jill Shalvis.© 2010, 2017, HarperCollins France pour la traduction française.

    Ce livre est publié avec l’autorisation de HARLEQUIN BOOKS S.A.Tous droits réservés, y compris le droit de reproduction de tout ou partie de l’ouvrage, sous quelque forme que ce soit.Toute représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code pénal.

    Cette œuvre est une œuvre de fiction. Les noms propres, les personnages, les lieux, les intrigues, sont soit le fruit de l’imagination de l’auteur, soit utilisés dans le cadre d’une œuvre de fiction. Toute ressemblance avec des personnes réelles, vivantes ou décédées, des entreprises, des événements ou des lieux, serait une pure coïncidence.

    Le visuel de couverture est reproduit avec l’autorisation de :

    Image : © GETTY IMAGES/YURI_ARCURS/ROYALTY FREE

    Réalisation graphique : L. SLAWIG (HARPERCOLLINS France)

    Tous droits réservés.

    Ce roman a déjà été publié en 2010.

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    Suzanne Carter regarda tour à tour le solde de son compte en banque et les offres de meublés du journal local. Quelle que soit la façon dont elle additionnait et soustrayait les chiffres, elle arrivait toujours aux mêmes conclusions : si elle parvenait à trouver un toit d’ici à ce soir, elle pourrait s’estimer chan-ceuse. Oh, elle ne serait pas exigeante ! Elle accepterait même un studio sans eau chaude ni baignoire !

    Car elle avait besoin de trouver un appartement de toute urgence !

    Ce matin même, alors qu’elle rentrait d’un stage qui l’avait retenue hors de Los Angeles pendant une semaine, elle avait trouvé toutes ses affaires personnelles empilées devant la porte de l’appartement qu’elle partageait jusqu’alors avec son fiancé — ou plus exactement son ex-fiancé, se rappela-t-elle non sans un pincement au cœur.

    Au départ, elle avait naturellement cru à une mauvaise plaisanterie de la part de Tim, avant de s’apercevoir que la situation était des plus sérieuses ! Lorsqu’elle avait glissé la clé dans la serrure, elle avait eu en effet la désagréable surprise de découvrir que celle-ci avait été changée.

    Pourtant, au lieu de laisser libre cours à une légitime colère — quelle que soit la rancœur que Tim pouvait éprouver envers elle, cela ne lui donnait nullement le droit de recourir à de tels procédés —, elle avait préféré pester contre le sort et la fatalité.

  • Un serment risqué8

    Force était de reconnaître qu’elle n’avait pas de chance en amour, avait-elle songé, dépitée. La preuve, elle en était à sa troisième rupture ! Elle devait admettre une bonne fois pour toutes qu’en matière de cœur, elle avait tout faux, et qu’il était grand temps qu’elle renonce à l’amour puisqu’elle n’avait aucune aptitude dans ce domaine.

    Avec Tim, la situation s’était dégradée au point qu’un jour il l’avait suppliée à genoux de lui dire ce qu’elle ressentait pour lui. Elle avait alors éprouvé un horrible sentiment de culpabilité. Comment avait-elle pu induire chez lui un compor-tement quasi hystérique ? Comme elle demeurait de marbre, il l’avait traitée d’insensible et s’était presque mis à pleurer. Quel affreux souvenir !

    Il fallait dire que lui aussi avait largement contribué à saccager leur relation. Un jour, rentrant du travail plus tôt que d’ordinaire, elle l’avait surpris en train de tester ses performances sexuelles avec la femme de ménage ! Et comme Tim ne manquait pas d’air, il avait affirmé sans complexe que ce regrettable incident n’aurait pas eu lieu si elle, Suzanne, avait été plus souvent présente et si elle s’était davantage investie dans leur relation. Sa prétendue distance lui brisait le cœur.

    Ben voyons !Quoi qu’il en soit, ce nouvel échec amoureux lui confirmait

    que l’amour, ce n’était décidément pas son truc. Voilà au moins une chose dont elle était désormais convaincue. Pour sauver sa peau, elle allait donc prendre à l’instant même une décision : à savoir que plus jamais elle ne se laisserait guider par les élans du cœur. Fini l’amour et son cortège de désagréments. Et vive le célibat ! Dommage qu’elle n’ait personne avec qui porter un toast, pensa-t-elle alors tristement, seule devant sa porte close.

    Bon, toujours est-il qu’elle devait se reloger, et vite !Peut-être aurait-elle dû se battre pour récupérer leur appartement

    commun, mais franchement, c’était au-dessus de ses forces.Elle avait donc entassé ses affaires dans sa voiture et, après

    avoir acheté le journal, elle était allée étudier les offres de location à la terrasse d’un café.

  • Un serment risqué 9

    * * *En soupirant, elle entoura une annonce avec son stylo rouge,

    l’offre la moins chère qu’elle ait trouvée. « Parfait ! aurait dit sa mère. Tu te décides enfin à devenir économe et raisonnable. »

    O.K., elle reconnaissait que sa vie manquait un tantinet de discipline. Puisque tout le monde — et pas uniquement sa mère — s’accordait à le lui répéter, il devait bien y avoir une part de vérité dans cette affirmation. Enfin… tout le monde sauf son père ! C’était de lui qu’elle avait hérité son côté bohème et insouciant. Pouvait-on réellement lutter contre ses gènes ?

    L’annonce qu’elle avait repérée insistait sur le loyer très modéré du meublé. En d’autres termes, cela signifiait que l’appartement était dans un état désastreux. Bah, peu importait ! Elle s’en accommoderait et trouverait toujours le moyen de lui prêter un air cosy. Quelques voilages de couleur aux fenêtres, des coussins multicolores jetés négligemment sur le canapé, des tapis assortis, et le tour serait joué. Tout était une question de couleur et de matière !

    De toute façon, cet appartement, il le lui fallait impérative-ment, sinon elle irait dormir sur un banc public ce soir… Bien sûr, il y avait une autre solution : frapper chez des amis. Mais, anticipant leur regard lourd de reproches et leurs observations subséquentes, elle sentait le courage lui manquer.

    Aux approches de South Village, le trafic devint plus dense. Cette banlieue de Los Angeles avait connu récemment une transformation extraordinaire. Du temps où Suzanne était enfant, les immeubles y étaient délabrés et les commerçants rares. De nombreuses familles démunies occupaient les terrains vagues avec leurs caravanes.

    Or, depuis que la politique urbaine de la ville avait inscrit la restauration de South Village à l’ordre du jour, c’était devenu l’un des endroits les plus branchés de la région. On venait du monde entier le visiter. Il fourmillait de cafés, de restaurants et

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    de galeries. Sans compter que les couturiers en vogue y avaient ouvert boutique.

    L’appartement serait certainement une ruine, mais au moins, elle habiterait au cœur d’un quartier extrêmement vivant, pensa Suzanne. Si tant est qu’on accepte de le lui louer !

    Elle parvint à trouver une place de parking juste devant l’immeuble indiqué dans l’annonce et chaussa ses lunettes de soleil pour le contempler…

    Comme elle s’y attendait, il avait bien triste mine ! Certes, son architecture début xxe siècle ne manquait pas de charme, mais il aurait mérité des rénovations majeures. A moins qu’il ne fût tout bonnement voué à la démolition ! pensa-t-elle, subitement alarmée.

    Allons, c’était South Village, ici ! Alentour, tous les immeubles avaient été restaurés et avaient ainsi retrouvé leur panache d’antan. Celui-ci serait certainement le prochain sur la liste. Et alors, serait-elle en mesure de payer le loyer ?

    Bon, chaque chose en son temps ! décida-t-elle en aspirant une large bouffée d’air.

    Pour l’heure, elle avait décidé de prendre son destin en mains et de se trouver un logement avant ce soir afin de ne pas subir la compagnie condescendante des amis qui pourraient éven-tuellement l’héberger ! Elle devait apprendre à ne compter que sur elle-même. A vingt-sept ans, cela devenait urgent.

    Le rez-de-chaussée de l’immeuble était dévolu à des acti-vités commerciales qui, à première vue, ne semblaient guère florissantes. Les deux premiers étages paraissaient abriter des appartements assez spacieux, à en juger par la largeur des balcons. Néanmoins, la mauvaise herbe qui les envahissait indiquait un désintérêt certain de la part de leur propriétaire ou locataire.

    Elle leva les yeux un peu plus haut. L’annonce indiquait que le meublé était situé au dernier étage…

    Brusquement, elle sursauta. L’immense chêne qui rivalisait de hauteur avec l’immeuble était-il subitement atteint de la danse de Saint-Guy ? Pourquoi ses branchages s’agitaient-ils

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    sans raison apparente et son feuillage bruissait-il si tumultueu-sement, soudain ?

    Le mystère s’éclaircit de façon étonnante : des baskets apparurent brusquement à la racine d’une branche et, en un rien de temps, leur propriétaire sauta prestement sur le sol ! Elle en demeura bouche bée…

    Un véritable apollon à la silhouette imposante et au regard de conquérant venait d’émerger de la frondaison.

    Secouant la tête pour se débarrasser des brindilles accro-chées à ses cheveux, il se posta devant le chêne, mains sur les hanches, pour le jauger.

    De son côté, elle eut alors tout le loisir d’admirer son épaisse chevelure cendrée. Soudain, elle le vit s’approcher de l’arbre… et exercer une pression sur son tronc, comme s’il cherchait à en vérifier la résistance !

    Etait-ce une scène pour la caméra cachée ? s’interrogea-t-elle en regardant furtivement alentour, avant de laisser de nouveau glisser ses yeux le long du corps de la divine apparition qui l’aimantait littéralement.

    Il portait un Levi’s délavé et un T-shirt blanc qui épousait son torse comme une seconde peau. Ses jambes étaient aussi musclées que ses bras. Nul doute que ce demi-dieu descendu des faîtes incarnait l’essence de la virilité. Et avivait en elle des désirs très féminins…

    La voix de la raison la rappela subitement à l’ordre.Hé ! N’avait-elle pas récemment décidé de renoncer aux

    hommes ?Avait-elle déjà oublié à quel point elle leur était néfaste, et

    vice versa ?Non, elle ne ferait pas le malheur de ce bel adonis…Sans prévenir, l’adonis en question se retourna et surprit son

    regard insistant. Un sourire ravageur creusa alors ses joues. Mon Dieu, il avait même des fossettes ! constata-t-elle, affolée.

    — Désolé de vous avoir effrayée, dit-il d’un ton amusé. J’aurais dû prévenir avant de sauter à terre.

    Ses yeux étaient d’un noir profond. Des cernes en renforçaient

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    encore l’intensité — le genre de cernes catastrophiques chez une femme, mais qui rendent un regard masculin irrésistiblement mystérieux et attirant.

    D’un air nonchalant, il retira un carnet de la poche de son jean, inscrivit quelque chose dedans et entra dans l’immeuble… en sifflotant !

    Il avait raison, il l’avait effrayée. Non pour être descendu tel Tarzan de son arbre, mais parce que le seul fait de le voir avait réveillé au fond de son être des désirs qu’elle voulait absolument réprimer !

    Elle devait prendre sa vie en mains, se discipliner, compris ? Et non tomber sous le charme du premier Tarzan venu ! Relevant fièrement le menton, elle le chassa de ses pensées et entra à son tour dans l’immeuble.

    Alors qu’elle arrivait sur le palier du troisième étage, elle entendit des éclats de voix au quatrième. Ouf, elle était sur la bonne voie, pensa-t-elle. Elle gravit alors l’ultime volée de marches.

    La porte étant entrouverte, elle la poussa doucement et entra dans une pièce poussiéreuse et meublée d’un unique sofa. Heureusement qu’elle était située plein sud et inondée de soleil ! En outre, le parquet, une fois ciré, retrouverait toute sa splen-deur, calcula-t-elle rapidement. Nul doute que l’appartement avait du cachet, il suffisait de se donner la peine de le rénover.

    Un simple comptoir séparait le reste de la pièce de la cuisine. Comptoir derrière lequel elle avisa deux personnes en grande discussion. L’une étant dissimulée par une poutre, Suzanne voyait uniquement ses mains s’agiter. Une femme faisait face à la personne invisible. Elle semblait méditer ses propos. Sur le comptoir, des plans déployés se chevauchaient.

    Pour attirer leur attention, Suzanne toussota…La femme se tourna vivement vers elle. Si elle avait à peu

    près le même âge qu’elle, là s’arrêtaient les ressemblances, pensa-t-elle furtivement. Car contrairement à Suzanne qui

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    avait opté depuis l’adolescence pour un look décontracté, cette femme était des plus glamours. De sa chevelure blond platine à ses ongles vernis en passant par son tailleur, tout, chez elle, était impeccable. Simultanément, une douceur exquise émanait d’elle. Elle détonnait terriblement dans le décor poussiéreux. On l’aurait plus volontiers imaginée dans les salons rouges et feutrés d’un hôtel de luxe et…

    Ça alors ! Que faisait-elle en compagnie du beau Tarzan ?Curieuse matinée ! conclut Suzanne.Non seulement elle venait de se faire flanquer à la porte

    de chez elle, mais elle avait la curieuse impression d’avoir pénétré dans la quatrième dimension en arrivant aux abords de cet immeuble.

    Adonis en personne la fixait de ses beaux yeux couleur de jais et leur intensité avait l’éclat de la passion. Elle aurait pu se laisser capturer… si elle n’avait pas renoncé aux hommes, bien sûr. Dommage, car ce garçon incarnait tout ce dont une femme pouvait rêver chez un partenaire, à la fois ange et démon. Vaste programme…

    — Bonjour, dit enfin Suzanne, je viens pour l’annonce.Brandissant son journal, elle ajouta :— L’appartement bon marché, c’est bien ici, n’est-ce pas ?La femme aux allures de fée éclata de rire — un rire chaleu-

    reux et bien humain — et répondit :— J’espère que cela ne vous rebute pas.— Non, pas du tout, il est parfait. A combien le louez-vous ?— Nous allons en discuter, mais tout d’abord…Se tournant vers son interlocuteur, elle précisa :— Revenez demain, je ne peux pas prendre une décision

    si rapidement.— Demain ? Cela risque d’être trop tard, Taylor, déclara

    l’homme d’une belle voix de baryton.Puis, d’un air ennuyé, il replia ses plans.— Je dois d’abord trouver des locataires, plaida Taylor de

    son timbre doux et grave.— Selon moi, la priorité numéro un est de faire abattre ce

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    chêne, répondit-il. Au prochain orage, il risque de tomber sur l’immeuble. Et permettez-moi de vous signaler que la météo prévoit justement un orage pour cette nuit et que…

    — Ryan…, commença Taylor en posant une main aux doigts effilés sur son bras.

    Suzanne en fut bluffée.Jamais elle n’avait été capable de maîtriser un homme de

    cette façon. Or, d’un simple geste, la belle Taylor était venue à bout des protestations de son interlocuteur.

    D’où venait l’aura qui émanait de sa personne ? s’interrogea Suzanne. De ses vêtements coûteux ou de la façon dont elle les portait ? Instinctivement, elle lissa sa robe indienne.

    — Vous savez comme moi qu’ils se trompent toujours, sur les chaînes météo, ajouta Taylor en souriant. Nous déciderons demain du sort à réserver à ce vieux chêne.

    Il secoua la tête, visiblement peu convaincu. Un curieux feu brillait dans ses yeux expressifs… Son attitude surprit Suzanne.

    Dans sa famille, on n’affichait jamais ses sentiments. Exprimer une émotion déclenchait toujours des rires moqueurs. Le clan Carter se devait de faire front à l’adversité dans la bonne humeur.

    Peut-être était-ce à cause de son éducation qu’elle n’avait pas compris Tim, pensa-t-elle. Encore que chez lui, l’exacerbation des sentiments avait de quoi porter sur les nerfs.

    Et voilà que Ryan, puisque tel était son nom, lui prouvait qu’un homme pouvait être autre chose qu’un parangon de self-control ou qu’un sac de larmes.

    Lorsqu’il passa près d’elle, il la frôla involontairement et lui adressa en guise d’excuse un sourire à tomber à la renverse. Son cœur se mit à tambouriner violemment dans sa poitrine, et elle le suivit du regard… Difficile de lutter contre sa nature ! constata-t-elle affligée.

    — Bel homme, n’est-ce pas ? fit Taylor en se rapprochant d’elle.

    Elle se contenta de hocher la tête.— Et bien qu’il soit trop bien élevé pour me morigéner, il est

    très en colère contre moi, précisa-t-elle. Bah, il s’en remettra.

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    Bien… Je me présente, Taylor Wellington. C’est moi qui ai fait passer l’annonce. L’appartement vous intéresse ?

    Son intérêt à cet instant précis se focalisait sur bien autre chose que l’appartement. En l’occurrence, un colosse beau comme un dieu, descendu comme par enchantement d’un chêne centenaire…

    — Puis-je le visiter ? demanda-t-elle tout de même en se ressaisissant.

    — Naturellement, fit Taylor. Mais je vous préviens : si le loyer est modéré, c’est qu’il y a une raison…

    Poussant une porte qui ouvrait sur une pièce grande comme un mouchoir de poche, elle annonça :

    — Voici la chambre. Minuscule, je vous l’accorde. Cela dit, admirez un peu la vue.

    Suzanne s’avança à l’intérieur.Soit, la pièce était exiguë, mais on ne vivait pas dans une

    chambre, on y dormait, se dit-elle. La literie paraissait en bon état, et l’armoire assez grande pour contenir sa modeste garde-robe.

    Quant à la vue… elle était effectivement remarquable. Suzanne avisa soudain un marchand de glaces, sur le trottoir d’en face. Son regard gourmand n’échappa pas à Taylor.

    — Il est ouvert jusqu’à minuit, précisa cette dernière. Et maintenant, allons voir la salle de bains.

    Celle-ci avait les dimensions d’un placard, mais elle possé-dait le minimum vital : une douche, un lavabo et des toilettes.

    — Tout fonctionne, indiqua Taylor. Et une fois nettoyée, vous verrez, elle sera presque pimpante.

    Elle la croyait volontiers car un carrelage aux couleurs vives dallait le sol.

    — Eh bien, qu’en pensez-vous ? demanda Taylor comme elles revenaient dans la pièce principale.

    — Le prix me convient tout à fait. L’appartement m’ira. Je le prends.

    — Parfait. Suivez-moi, nous allons remplir les formulaires d’usage. Quand souhaitez-vous emménager ?

    — Tout de suite !

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    — Eh bien, si vous avez de quoi payer deux loyers d’avance, plus le dépôt de garantie, nous pouvons signer le bail dès à présent.

    — Euh… Un dépôt de garantie ?Le mois dernier, elle avait vidé son compte d’épargne pour

    faire réparer sa voiture…— Vous savez, enchaîna-t-elle, j’ai un job, je pourrai payer

    chaque mois…— Très bien, fit Taylor, fort conciliante. Si vous travaillez,

    je me passerai de caution.Quelle femme étonnante ! pensa Suzanne. Et quelle chance

    folle elle avait eue de tomber sur cette bienveillance, dans ce drôle de décor.

    — Merci, sincèrement.— Quel métier exercez-vous ? demanda Taylor.— Je suis chef cuisinier au Meridian.Ce disant, elle éprouva subitement une drôle d’appréhen-

    sion. C’était grâce à Tim qu’elle avait obtenu cet emploi, car sa belle-sœur possédait la brasserie. Elle espérait qu’il n’allait pas intriguer pour qu’on la renvoie ! Non, Martina ne lui jouerait pas un si mauvais tour.

    Il ne fallait pas voir la vie en noir ! Et puis, quoi qu’il arrive, elle saurait rebondir. N’était-ce pas ce que son père avait passé sa vie à lui enseigner ? Son père qui, à l’approche de la soixan-taine, était encore intermittent du spectacle ! S’il n’avait jamais percé, il avait en revanche toujours conservé son optimisme, sa bonne humeur, et son amour de la liberté. Tout le contraire d’un matérialiste, selon sa mère, et Suzanne tenait de lui.

    Comme elles atteignaient le deuxième étage, Taylor ouvrit une porte et invita Suzanne à entrer.

    — J’habite ici, lui dit-elle.— Mais… c’est presque vide ! s’exclama Suzanne.— Je viens juste d’emménager. Seule la chambre est

    meublée, pour l’instant.— Vous possédez l’immeuble ?— Oui, depuis peu.

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    — Pardonnez ma franchise, dit soudain Suzanne. Vous êtes habillée avec élégance et sophistication, et pourtant j’ai l’impression que vous n’avez pas beaucoup plus d’argent que moi. Comment faites-vous ?

    — Qu’est-ce qui m’a trahie ? demanda Taylor en souriant d’un air mélancolique. Le fait que je ne veuille pas faire abattre le chêne, peut-être ?

    — Tout comme Dieu, je sais reconnaître les miens, annonça Suzanne, malicieuse.

    — Vous savez quoi ? fit Taylor en éclatant de rire. Vous me plaisez beaucoup. Oui, vous avez vu clair dans mon jeu. Alors, d’accord, j’avoue ! Je suis née riche, une cuillère d’argent dans la bouche, comme on dit ; et une fois le bac en poche, je suis partie découvrir l’Europe, sans me soucier d’apprendre un métier. Mon grand-père avait de l’argent, alors pourquoi m’inquiéter de gagner ma vie ?

    — Et vos parents ?— Ils sont morts quand j’avais deux ans, et grand-père a

    toujours veillé sur moi. Il m’a terriblement gâtée. Hélas, lui aussi a connu des revers de fortune ; et à sa mort, j’ai dû vendre presque tous ses biens pour rembourser ses créanciers — à l’exception de cet immeuble.

    — Pourquoi ne le vendez-vous pas ? Il vous rapporterait de l’argent. C’est un investissement intéressant pour les promoteurs.

    — Non, déclara Taylor, c’est la première fois que j’ai un challenge à relever, je ne vais pas renoncer d’entrée.

    Un sourire illumina le visage de Suzanne.— Vous savez, dit-elle alors, vous aussi vous me plaisez

    beaucoup.— J’en suis ravie. Voici les papiers. Au fait, vous êtes

    célibataire ?— Oui, et définitivement !— Oh, oh, voici un deuxième point que nous avons en

    commun.— La vie à deux, ce n’est pas pour moi. Je suis une maudite

    de l’amour.

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    — Vous plaisantez ? Vous êtes jolie comme un cœur.— Ce n’est pas la question. J’ai décidé de résister aux

    tentations.— Alors, résistons ! Même aux séducteurs qui descendent

    de leur cime pour nous mettre à l’épreuve, ajouta-t-elle, non sans un sourire ironique.

    — Oui, même à eux, fit Suzanne d’un air moins convaincu.— Buvons à notre liberté ! s’écria Taylor en faisant mine

    de porter un toast. A notre avenir de femmes indépendantes et heureuses ! Sans homme ! Et, dès que j’en ai les moyens, j’achète vraiment du champagne !

    — A nous ! fit Suzanne en l’imitant.— Bonne chance à vous, Suzanne.Et en levant sa coupe imaginaire, Suzanne pensa que, de la

    chance, elle en aurait bien besoin.

  • Trois amies, une promesse : rester célibataires…

    JILL SHALVISRENCONTRES À SOUTH VILLAGE

    Un serment risqué - Suzanne ne prend ni l’amour ni ses fiancés au sérieux. Alors, plutôt que de continuer à rendre les hommes malheureux, elle promet de s’en tenir aux escapades coquines et de ne plus jamais songer à se marier. Jamais ? Quel serment risqué ! Quelqu’un à aimer - Nicole travaille soixante-dix heures par semaine à l’hôpital. Comment concilierait-elle son métier de médecin avec une vie sentimentale digne de ce nom ? Impossible ! Alors, elle se l’est juré : le célibat restera son mode de vie… Décision osée ! Il suffirait d’y croire - Taylor a fait du célibat un art de vivre… agrémenté par des aventures torrides. De son côté, Mac fuit les jeunes femmes nanties et superficielles comme Taylor. Mais comme l’attraction réciproque est violente, l’un et l’autre décident de succomber. En maîtrisant la situation, bien sûr…

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