jean-marie besset plus sexuel que moi tu meurs

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JEAN-MARIE BESSETPLUS SEXUEL QUE MOI TU MEURS

BRÛLÉ EN PLACE DE GRÈVEBOUFFÉ PAR LE SIDA

CASTRÉ POUR LA BONNE CAUSEDr JACQUES COULARDEAU

Mais pourquoi, pourquoi donc, Jean-Marie Besset se laisse-t-il toujours prendre par lescirconstances circonstancielles, au plus événementielles, mais jamais, au grand jamais existentielles,raison de plus spirituelles irrationnelles, mystiques ou extatiques. Ajoutez à cela la cerise sur le gâteau,pardon deux cerises sur le gâteau, et une orientation toujours gay mais toujours de second rang, devaleur mineure, pas vraiment réprouvée certes mais toujours dépravée, et vous aurez la broussaille quicache la forêt, la ronce qui envahit le vignoble, le lichen qui ronge les pommiers. Plus d’Eve possiblecar tous les pommiers sont morts dévorés par les lichens parfaitement sataniques mais qui neserpentent plus depuis longtemps.

Dans l’Oncle Paul, le sacrifice du neveu au SIDA pour pouvoir se donner non-couvert, non-protégé, le dos à nu à son oncle mourant de ce même SIDA. Absurde, ce n’est pas une marqued’amour, c’est une marque de sottise. Si on aime cet oncle on le lui dit franchement et directement aulieu de le violenter pendant trois actes avec des mots cruels et des attitudes à faire pisser de honte lespires prédateurs lupins. Cette pièce vient de New York. Il me manque tout à coup Tennessee Williamset Eugene O’Neill. Cette vision suicidaire de l’homosexualité est digne des pires épisodes del’Inquisition. Il y a d’un côté l’horreur de l’abstinence et de l’autre l’autosacrifice au dieu Sida qui est undiable plus pertinent et impertinent que toutes les propositions 8 de Californie, et ce le plus vite possibleavant que la police de la pensée, et pire encore la SS de la sexualité n’arrivent pour l’extermination.

Rue de Babylone, se faire tuer par un Sans Domicile Fixe à deux heures du matin dans son hallde résidence de luxe où on l’a laissé entrer et ensuite entretenu, nourri, abreuvé pour simplement avoirbonne conscience devant l’horreur de la vie dure de ces clochards observés du balcon du troisième, ducinquième ou même peut-être du vingt-sixième étage avec des yeux de classe moyenne supérieure,voire un peu plus, c’est plus que navrant, mais aussi méprisant. Pour qui d’ailleurs ? Le SDF ou ledirecteur de quotidien de l’après midi ? Le christianisme laïcisé et sa charité devenue l’entraidesolidaire c’est ce qui rend l’âme des intellectuels qui font dans le social blanche, rutilante, exempte detout égoïsme puisque « je donne toujours aux SDF de ma rue ! » Et qu’alors ce glauque clochard socialse transforme en amant abandonné, frustré, jaloux, espionneur et qui veut reprendre sa femelle entuant le mâle avec lequel elle a une liaison qui plus est adultère, c’est d’un charivari mélodramatiquepresqu’héroïcomique. C’est que chez ces gens-là Monsieur. . . Lesquels ?

Après, dans Les Grecs, nous avoir assommés pendant des dizaines de minutes avecl’Odyssée, l’Iliade et je ne sais encore quels Grecs célèbres, du moins en littérature antique, tous un

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peu. . . dirons-nous, enfin vous voyez ma chère ce que je veux dire mais ne dirai pas. . . , et après nousavoir ensuite noyés dans je ne sais quel délire sur les inconcevables intrigues d’amour qui ne sont quedes fuites, des enlèvements et autres fugues non pas de ces personnages antiques dans leur proprehistoire, mais de ces personnages de théâtre dans leur propre délire socio-sexo-culturel, l’un d’euxaurait dit à son épouse qu’il a volée à son meilleur ami légèrement gay « Et dire que tu t’es fait mettrepar ce petit PD ! » Remarquez la délicatesse amicale. Et puis, un troisième homme venu, l’amant dupetit PD justement, on apprend que ce petit PD n’est venu à ce dîner de bourges du samedi soirqu’avec l’espoir qu’ « avec un peu de chance je me ferai le mari ! » Encore une fois remarquez ladélicatesse. Et la femme se fera l’amant du petit PD avec le charme discret d’un Algérien naturellementbisexuel puisqu’Arabe – est-ce aussi vrai pour les Kabyles ? – et Musulman. Ils le sont tous, vousn’avez qu’à les voir aux bains douches. Et le mari se fera le petit PD, enfin, en fait se refera le petit PDcar il se l’était fait il y a déjà pas mal d’années à l’université où tout est possible. Vous voyez laprofondeur. Ciel que la terre est basse ! Mais tant que vous y êtes, baissé, montrez-nous vos fesses.

Avec Ce qui arrive et Ce qu’on attend, on atteint les sommets de l’état dans un projet aussihurluberlu qu’hirsute, farfelu, branquignol et funambulesque d’un monument sur la lune, une espèce desuper-étron doré de je ne sais plus quel artiste à l’esprit biseauté répondant aux esprits avachis de lamasse du public. Voilà cinq adjectifs – hurluberlu, hirsute, farfelu, branquignol et funambulesque – quivous font un pentacle diabolique qui a à la fois du satanique et du luciférien dans la cuisse, le mollet etla fesse. Une très haute bureaucrate administrative, la plus haute dans son domaine, permanente à ladifférence des ministres et présidents qu’elle voit passer comme des torches dans le vent, se paie undes candidats de la compétition qu’elle matronne (car elle ne saurait patronner puisqu’elle est femme etque les hommes lui enlèvent les souliers et puis les lui remettent) et ce candidat envoie son assistantese glisser dans le projet du principal concurrent pour que des similitudes se glissent aussi dans le projetde ce petit jeune concurrent dangereux parce qu’encore créatif. Et comme un imbécile le pauvre jeunotse laissera mener par le bout du nez, et rien d’autre parce qu’il est marié, mais abstinent parcequ’enfermé dans le placard à balais gays. Et ne voilà-t-il pas que l’affaire d’état étant entendue le textedévie sur une affaire de sexe cette fois d’une pauvreté attristante. Et tout finit dans les fumées d’unemort du SIDA, d’un très ancien amant de lycée qui se révèle amoureux fou pour ce mourant bientôtmort et il claque toutes les portes, brûle tous les bateaux et plombe toutes les bouées de sauvetage ettous les gilets anti-noyade. Il n’y a vraiment pas plus nase qu’un nase qui avance uniquement auxodeurs que ses naseaux reluquent, ou est-ce reniflent, c'est-à-dire à vue et à tâtons.

Il ne reste plus que le Banquet d’Auteuil où Molière donne un peu de profondeur mais l’auteurn’arrive pas à prendre de la hauteur pour regarder les affres du gouffre dans lequel Molière aurait pusombrer s’il n’avait (re-)trouvé sur sa route un petit jeune acteur qu’il avait connu quand il était encoretout juste pubescent. Molière trouve dans cette (re-)rencontre de fin de vie (dans trois ans il meurtspectaculairement) l’énergie et la créativité qu’il avait peur de voir partir. Voilà une situation poignanteet puissante : un jeune homme qu’un vieil homme aime. Le vieil homme reprend sa force créatrice enmain et le jeune homme sait qu’il doit rester loin et ne venir qu’épisodiquement pour que cette forcecréatrice qu’il aime – surtout que cela lui donnera de beaux rôles – puisse perdurer et même semultiplier et faire beaucoup de petits enfants, ici des pièces de théâtre, là des opéras, plus loin desballets, qu’importe, ou simplement des livres de poésie, des romans ou des thèses de recherche puresou métissées. Aux Amériques on situe la mort de l’intellectuel et du chercheur aux alentours de 40 ans.La raison permet de voir qu’au-delà de 40 ans c’est dans les jeunes assistants, aides ou autresinterprètes que la nouvelle carrière se construit. Mais hélas l’auteur ne voit pas que la sexualité est

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interdite sinon ce feu ne sera qu’un feu de paille : Molière ne peut pas être jaloux, il est impatient. Levieil homme peut être titillé, mais c’est dans son insatisfaction qu’il va trouver la force de se dépasser. Ily a lurette qu’il a perdu la fertilité des lapins. Il peut bien sûr aller se nicher aux pieds de celui ou cellequ’il aime, caresser un chat car il ne peut guère plus faire mieux, ou conter minette. De temps en tempsil sortira de son refuge pour dire bonjour aux passants. L’auteur a manqué cette grandeur pour enrester à une comédie lubrique et libertine où la pièce montée est trois jeunes acteurs nus par devant etpar derrière. On peut faire mieux que de se laisser tenter par le Styx et la mort et justement jouer lacomédie de façon géniale jusqu’à en mourir sur scène d’une maladie imaginaire qu’on traine depuislongtemps.

Il y a beaucoup plus à dire, et les critiques qui suivent en disent un peu plus, mais je regretteque cet auteur se laisse aller au grivois et à l’érudit de potache de classe de rhétorique qui a appris lelatin, vous savez cette lanque que chante Jacques Brel, Rosa, Rosa, Rosam, Rosae, Rosae, Rosa,Rosae, Rosae, Rosas, Rosarum, Rosis, Rosis, car chacune de ces pièces aborde un problèmesouvent fondamental et puissant mais on noie le poisson, dans un court bouillon de sexualité gay où legay est cependant inférieur, un truc de second choix qu’on tolère, mais qu’on n’accepte pas, non pasque l’hétéro soit meilleur, mais c’est simplement plus simple, plus banal, plus conforme. Dommage.L’auteur manque l’humain pour n’avoir que le quotidien titillant. Serait-ce parce que cela se vendraitbien, même à une ministre de la culture à qui ont donne à voir ce que c’est qu’un auteur ou un acteur àpoils, Monsieur, à poils, parce qu’on les tond comme des moutons et qu’on les étrille comme desguenilles. Qu’est-ce qu’on aurait pu faire de ces cinq fables avec le dédain des grands visionnairespour ce que la mode et l’évanescent de immédiat impose. Un acteur nu est un acteur en costumecomme tous les autres. Ce qui nous intéresse c’est ce qu’il y a derrière ce costume. Faut-il être petitpour ne voir que les fesses alors qu’il y a une âme, un cœur et une immense souffrance de tendresseet de désespoir au plus profond de son esprit, et pas de son . . .

Dr Jacques COULARDEAU

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AUSTIN PENDLETON – JEAN-MARIE BESSET – ONCLE PAUL – THÉÂTRE DU ROND POINT– 2005

Une pièce simple, peut-être trop simple, certains dirons simpliste.

Un neveu débarque à l’improviste chez son oncle atteint du sida. Il fut un acteur qui eut dusuccès en son temps mais n’a laissé derrière lui qu’un vague souvenir. Il est marié mais séparé. Ila eu une vie à double orientation et en est devenu HIV positif puis atteint du sida. Il a sontraitement dans quatre petites boîtes à pilules ou gélules. Son appartement de New York est unvrai capharnaüm.

Le neveu est une tornade peut être blanche mais certainement perturbante pour cet oncleen fin de vie qui se laisse aller progressivement sans presser le pas mais sans rien faire pourchanger le cours des choses. On apprend que cet oncle a désiré le neveu depuis l’âge de huit ansmais qu’il a systématiquement rejeté un tel désir. Le désir pédophile d’un oncle pour un neveu estun lieu commun : les enfants violés en bas âge le sont principalement pas des membres ou desproches de la famille.

Il semble que l’agressivité du neveu vient d’un désir profondément refoulé et vocalement etbruyamment rejeté. On ne rejette que ce que l’on a un jour désiré, sinon on est indifférent. Lessentiments hostiles à l’égard de quoi que ce soit sont fondés sur une peur d’être contaminé,envahi, dominé, pris, etc., et comme qui se ressemble s’assemble, cette peur pose la possibilitéque cela arrive et donc que l’on soit comme celui dont on a peur, ou que l’on devienne commecelui-là. C’est encore là un lieu commun ce qui fait que la visite à l’improviste et l’hostilitévociférante du neveu laisse entendre que la situation va se retourner tôt ou tard. Il s’agitsimplement d’attendre le bon moment. C’est là un handicap pour la pièce car alors on perd un peul’intérêt pour la situation puisqu’elle entre dans un schéma courant, mais on reste éveillécependant car après tout l’auteur pourrait être un bon auteur et donc trouver une autre sortie.

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Et c’est là que la surprise nous prend à la gorge. L’oncle rentre d’une audition manquée enbanlieue de Paris pour le rôle d’Hamlet pour lequel il n’a même pas auditionné car il s’est lancédans une diatribe sur Hamlet qui haït les femmes plus que toute autre chose, une interprétation deHamlet gay qui s’ignore : rien de neuf sous le soleil car en ce qui me concerne j’ai enseigné cetHamlet-là, entre autres, à l’Université de Californie à Davis en 1973-4. Le résultat pour l’acteur futun remerciement poli. Surtout qu’un Hamlet de 55 ans est un peu difficile. Mais le théâtre permettout. C’est donc la dépression. Le neveu est allé passer la nuit dehors, revient et s’exhibe pourprendre un bain. Il se sèche et se rhabille rapidement pour la dernière confrontation avec sononcle.

Et là la fin attendue arrive et la sauce de cette fin attendue est un peu surprenante autemps qui est le nôtre, même à New York. Le théâtre, sauf à mettre une pancarte donnant la date,ne sait pas distinguer les années 90 des années 80 ou des années 2000. Il ne le peut que par desartifices que sont la mode ou la musique. Rien de cela n’est utilisé ici et la seule musique quientraine une danse du neveu en solitaire est une musique électro-acoustique violente digne du21ème siècle, au moins. . . Donc la pièce joue dans le temps présent de la représentation. On nemeurt plus du Sida comme autrefois car on a un traitement adéquat pour le contrôler si on prend levirus le plus tôt possible. On vit et meurt AVEC lui par contre et non par lui. On meurtéventuellement d’une complication.

C’est là que la fin est surprenante d’une certaine façon. Le neveu est allé se fairecontaminer par une rencontre sélectionnée pour son état de santé sidéen avancé et il revient chezson oncle pour se donner en non protégé à cet oncle et partager avec lui jusqu’à la fin la maladiequi est maintenant leur maladie commune. Il y a là une morbidité à faire pleurer. L’amour permet-ilcela. L’amour oui, mais s’agit-il d’amour ou plus simplement de désir ? Le neveu et l’oncle n’ontrien en commun sinon la maladie par accident pour l’oncle et par choix pour le neveu. L’oncle estun acteur qui a fini sa carrière et le neveu est un raté intégral.

Que reste-t-il après le festin quand les plats servis à cent personnes n’étaient que pourdix ? Que reste-t-il après l’acte charnel quand le désir étant satisfait l’amour doit prendre le relais,et il n’y a pas d’amour dans ce cas, car il n’y a rien de commun sinon la morbidité de la maladie.« Je t’aime parce que tu as le sida et tu m’aimes parce que j’ai le sida » semble un peu pervers etlimité.

Le jeu des deux acteurs est cependant un peu trop déclamatoire jusqu’à la conversiondésirante du neveu si bien que la conversion venant, le ton changeant radicalement on sedemande d’où vient cet amour et une certaine tendresse entre les deux hommes, tendresse quel’on évoque dans les deux dernières minutes. Le miracle de la mort dans la vie.

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JEAN-MARIE BESSET – RUE DE BABYLONE – THÉÂTRE DU PETIT MONTPARNASSE –2006

Un autre « two-men-show » avec une scène de dénuement presque complet d’un des deuxacteurs dans la dernière partie, un dénuement qui n’a aucun sens, et ne rime à rien car après avoirquitté les épaisseurs protectrices il va ressortir en plein décembre peu avant Noël dans la rue avecun simple pantalon et un veston, et pratiquement rien d’autre, en tout cas aucun autre vêtement decorps, sauf un caleçon de coton léger.

Ceci étant dit, et qui relève de la mise en scène, la confrontation entre ces deux hommesest simplement incongrue et absurde. Elle n’aurait pas du avoir lieu. Le directeur de journal quilaisse entrer un SDF dans le hall de sa résidence dans le 5ème arrondissement, je n’y crois pas lemoins du monde. Même s’il est le directeur d’un journal dit social.

Le directeur du journal pour lequel la femme écrit des chroniques non spécifiées et qui aune liaison avec une autre femme à la fabrication du journal, la composition si j’ai bien compris (undomaine qui a aujourd’hui pratiquement disparu puisque les journalistes et rédacteurs fournissenttout en numérique normalisé), est une histoire à dormir debout, non pas qu’elle estinvraisemblable, mais parce que la femme saurait sur la liaison en moins de temps qu’il n’enfaudrait pour la cacher. En plus le soir très tard et en prétextant le journal. Cela ne tient pasdebout. La femme rédactrice à ce journal, même de chez elle, ne peut pas ne pas savoir lesrythmes de fabrication et de gestion du dit journal. Des réunions de rédaction le soir tard nepeuvent concerner qu’un journal de l’après-midi, suivez mon regard. Mais dans ce cas la femmesaurait et dans ce cas à ce moment-là il ne saurait y avoir de temps vide pour les gens à lafabrication. Pour un journal du matin une personne travaillant à la fabrication n’est plus au journalcar le journal est en train de sortir des rotatives.

Mais suspendons notre réticence.

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La confrontation d’un nanti avec un SDF à deux heures du matin est aussi improbablequ’impossible, même dans le 5ème. N’importe qui, sauf un malade mental accepterait desimplement répondre à la moindre avance d’un SDF dans ces conditions. Un SDF en chasse àdeux heures du matin, j’en doute extrêmement. Dans un beau quartier ? Encore plus. L’hommeaurait du fuir ventre à terre. Et il s’attarde, et il répond à une question absurde, « Auriez-voussoixante-dix centimes ? » et répond même après vérification, « Non mais j’ai trente-cinqcentimes. »

Passons outre ces incongruités. La discussion qui s’ensuit est gentille mais sans queue nitête. Et l’homme finit par monter dans son ascenseur, et il revient avec du jambon, du fromage, dupain, et s’il vous plait, une bouteille de Château Margaux. Une bouteille de vin je veux bien, maisnouvelle vinification ou un simple Beaujolais, mais pas un Haut-Médoc qui n’a pas de nouvellevinification sous son propre nom. Et ne croyez pas que la nouvelle vinification à des prix entre 2 et5 euros, y compris du Médoc, y compris du Saint-Émilion, mais pas du Château Margaux, ni duMouton Rothschild qui se respecte trop pour mettre du vin sous leur nom de marque à 4 euros 50la bouteille dans les supermarchés, ce ne soit que pour les pauvres : les connaisseurs en saventplus que cela. Je défie qui que ce soit qui n’est pas un goûteur professionnel spécialiste de cesvins de voir ou goûter la différence de ces vins de nouvelle vinification inventée dans les années70-80 par les départements d’œnologie des universités de Bordeaux et de Californie (Davis). Enfait descendre un tel vin de Château pour un SDF ce n’est même pas de la charité, c’est del’insulte.

Descendre en plus du jambon blanc est une assumation que le SDF n’est ni juif, nimusulman, ni bouddhiste, ni bien d’autres choses. Servir du fromage est OK, un fruit eût été bienet un vin en bouteille mais ordinaire comme un simple Beaujolais, nouveau ou non.

La discussion révèle peu à peu que le dit SDF espionne l’homme depuis pas mal de tempset l’homme assumera – encor une fois – que l’homme est un maître chanteur quand il lui révèlequ’il a observé sa liaison et son manège dans la voiture de la dame. Et pour couper court ledirecteur de journal lui refile mille euros. Absurde. Tout le monde sait que la meilleure façond’entretenir un chantage est de payer le maître chanteur. Mais il y a encore plus trouble.

Il se révèle que l’amante de l’homme a été la compagne du SDF pendant sept ans à NewYork où ils étaient artistes de music-hall. Et le SDF veut récupérer la dite dame et donc revient à la

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charge pour coincer l’homme, lui prendre son téléphone où il y a le numéro de la dame, liquider leconcurrent et partir avec l’argent, le téléphone et l’espoir de récupérer sa compagne d’antan aprèsque le bruit de la mort du directeur de journal sera apaisé.

Bien sûr c’est de la plus pure folie car il a laissé ses empreintes et bien d’autres choses ycompris son ADN sur le lieu du crime et comme la compagne ne semble pas vouloir revoir le SDF,autrefois compagnon, elle parlera plus que certain.

C’est amusant de vouloir faire se confronter face à face et sans témoin un SDF et undirecteur de journal de l’après-midi, mais c’est simplement impossible au milieu de la nuit. Maispourquoi donc l’auteur veut-il ainsi démontrer par des constructions « savantes » que les SDF sonttoujours des ruines sociales qui ont des motivations qui sont loin d’être brillantes, qui sontcriminelles, et que l’on doit avoir « pitié » d’eux ? Mais là où Samuel Beckett attendait Godot avecses deux SDF qui ne feraient pas de mal à une mouche, on a aujourd’hui une vision criminaliséedes SDF. Le romantisme social a bien régressé. Et même les adultes savent qu’ils ne doivent pasparler à des inconnus, ou du moins ne doivent pas répondre, de jour comme de nuit, et surtout denuit, à leurs questions ou demandes.

Les acteurs font du mieux qu’ils peuvent et produisent un spectacle assez avenant. Mais lamatière est simplement incroyable, j’entends qu’on ne peut pas y croire.

JEAN-MARIE BESSET – LES GRECS – THÉÂTRE DU PETIT MONTPARNASSE – 2006

Quatre personnages. Trois hommes et une femme. Un couple hétéro marié et un couplegay non marié, celui-ci se composant d’un vieil ami de la femme mariée et de son ami algériensans papiers. Les circonstances font que l’homme marié, père de deux fils, se trouve pris dans unengrenage qui l’amène à se laisser aller avec le vieil ami de sa femme pendant que sa femme selaisse aller avec l’ami algérien de son vieil ami avant que les deux couples officiels ne se

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retrouvent après cette double aventure, interrompue pour l’Algérien par le plus jeune des deux filsqui vient se blottir entre les deux amants, la mère et l’Algérien, choquant celui-ci comme ce n’estpas possible.

Il ya chez les trois Européens un complexe de supériorité qui se niche dans leur cultureantique grecque sans qu’ils voient que c’est d’une part un prétexte, un paravent pour ne pas parlerde choses personnelles, et en même temps une façon de ne parler que de ces affairespersonnelles par intermédiaire de guerriers et de leurs femmes. Ceux qui ne sont pas gay parlentdes personnages gay de l’Iliade ou de l’Odyssée, ce qui les titillent intimement mais de la seulefaçon qui puisse être : de façon clandestine. Et ce n’est pas mieux avec les pauvres Hélène etAndromaque, sans parler d’Astyanax dans les coulisses, pour ceux ou celles qui sont hétéros etne peuvent parler en public de leurs désirs que par transfert et intermédiaires.

Cela rend la première moitié de la pièce particulièrement lassante d’érudition inutilepuisque ce ne sont que des détails qui sont cités, des bribes de textes et jamais la moindreréflexion un peu plus construite. Ce sont des balivernes et même des impostures de gens éduquésqui n’ont rien à dire de sérieux car ils n’ont que des détails et la culture est ce qui reste quand cesdétails ont été oubliés. Ce sont ces gens-là qui votent pour les présidents, qu’ils soient en place ouqu’ils soient alternatifs. C’est du vernis ou de la peinture qui n’a aucun sens réel pour eux, etencore moins pour nous. C’est comme une messe en latin, enfin ici en grec.

Quand ils commencent enfin à parler de choses réelles pour eux, cela les mèneimmanquablement au charnel et infailliblement à l’orientation qui n’est pas majoritaire, qu’elle soitcelle de celui qui parle ou non. D’une façon ou d’une autre chacun désire celui qui est de l’autrecôté de la ligne de partage. Pour la femme en plus elle en traverse deux : elle en pince pourl’Algérien gay. Vous savez ce que l’on dit : « Certains de mes meilleurs amis sont des Algériens. »Ce sont aussi des Noirs, des Russes, des Chinois, et même bientôt des Martiens.

Mais tout cela n’est qu’aventure et occasion spontanée et temporaire. Les deux couples seretrouvent avec un peu de bruit et pas mal de fureur et la touche finale est l’appel des deux fils quiont été pris par leurs grands-parents très tôt ce dimanche matin, concernant leur désir d’aller aucinéma que leurs parents bloquent en prétextant le film de Charlie Chaplin dont le père a acheté leDVD. Pensez un peu, « Les feux de la rampe ». Cette touche finale comme produit unchangement dans ce couple, et pour le public elle impose une vision négative pour le couple gaydéjà parti. Jamais un couple gay ne pourra avoir deux enfants qui soient leurs enfants, et lajouissance qui va avec.

On voit le vrai débat derrière qui n’est même pas effleuré. Un couple gay n’est en rienéquivalent, voire égal à un couple hétéro parce qu’ils n’auront jamais d’enfants à eux.

Jean-Marie Besset est un étrange auteur. Il touche des sujets qui pourraient être scabreuxmais qui restent dans la normalité de l’exception acceptable pour la majorité qui de toute façonsera toujours supérieure. Et si les gays n’aiment pas cela, eh bien qu’ils se fassent hétéros ouqu’ils deviennent comme dans « Rue de Babylone » criminels car ils seront alors, s’ils ne sont pasdéjà, des amants frustrés, des amoureux aliénés, des humains insatisfaits. On donne à voir des

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gays aux bourgeois des théâtres en sachant que pour eux ce n’est que de la taquinerie d’un soir etde l’autojustification qu’ils sont bien mieux que ça.

Ils sortent tous et tout heureux car on les a titillés et parce qu’ils retrouvent la normalitédans la rue.

Dommage car il y a avait bien mieux à faire sur ce sujet.

JEAN-MARIE BESSET – CE QUI ARRIVE ET CE QU’ON ATTEND – PETIT MONTPARNASSE –2010

Sept acteurs et actrices. C’est la Semaine Sainte, c’est l’Épiphanie, c’est un miracle, c’estla résurrection du Christ, c’est enfin quelque chose qui arrive et qu’on n’attendait plus, quelquechose qui part et qu’on attendait depuis longtemps. Ne plus attendre est comme la nouvelle devisedes braves d’aujourd’hui dans un monde en changement, qui perd ses bases et retrouve sesdynamiques éternelles que vingt siècles d’intégrisme avaient comme ensevelies. C’est lavengeance de tous les Adonis et de toutes les Sapho sur le fondamentalisme juif des rouleaux dela Mer Morte, chrétien de Paul et de la norme du sacrement du mariage hétérosexuel commeseule norme de vie, islamique sinon islamiste de la négation des sentiments, de l’amour et de lavictoire du seul contrat familial et économique de la seule relation hétérosexuelle sans partage etpolygame si possible.

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Une situation administrative compliquée d’un concours d’architectes pour construire lepremier monument sur la lune, une niaiserie si risible qu’on en pleurerait, fait que se rencontrentdeux hommes qui s’étaient aimés d’un amour tendre et adolescent au lycée, se retrouvent cesdeux hommes dans la jungle dictatoriale et terroriste d’une grande cheffe, probablement Sioux, del’architecture, de l’art et du patrimoine, ou quelque chose d’aussi pompeux comme si on appelaitles bennes à ordures des palanquins de recyclage.

Ils ne s’attendaient plus, les deux hommes qui avaient décidé de se quitter à l’âge adultepour mener des vies normales. L’un finit mal avec le SIDA du fait d’une promiscuité sans frein.L’autre part en Afrique avec une femme pour mener une vie de couple hétérosexuel où la femmeattend que l’homme soit prêt et disponible. Cela rappelle gentiment Rimbaud, mais lui il est parti enEthiopie pour ouvrir un commerce d’esclaves et en reviendra avec une maladie incurable etinnommable pour mourir sur les quais du port de Marseille, mais en France quand même.

On fait donc dans le moins tragique, le moins radical, mais cinq ans plus tard ce couplehétéro qui se consume à petit feu sans jamais se consommer revient à Paris et patatras les deuxanciens ados amoureux tombent l’un sur l’autre et c’est le grand charivari. L’épouse du revenantd’Afrique en tombe pour l’ami du moment de celui qui est resté en France et est devenu quelquechose comme un bureaucrate européen, et l’Africain de retour tombe presque pour le mêmepartenaire de circonstance mais est sauvé juste à temps par son ancien amant qui le récupèreavant qu’il ne sombre dans ces bras voraces et promiscus (promiscue : adjectif féminin. Lemasculin, si on l'employait, serait promiscu. Eh bien employons le au pluriel).

Et les retrouvailles qui passent par l’hôpital dont il faut bien espérer que le pauvrebureaucrate européen aux rapports charnels promiscus et apparemment non-couverts en sortiraautrement que six pieds sous terre. Mais la pauvre épouse qui attendait la venue du Messie nepeut plus compter dessus. Il vient d’être crucifié. Il a ensuite ressuscité mais c’est pour monter auciel dans quelques jours. Il y a comme cela des destins qui ne se décrivent plus. Ils se vivent ets’enterrent quand la mort les emporte.

Mais cette pièce a-t-elle une autre profondeur que la complaisance aux liaisonsdangereuses, ou sont-ce des amitiés particulières ? Il y a le thème effrayant des bureaucrates quisont l’éternité de l’immédiat qui ne saurait avoir changé, changer ou devoir changer, l’éternité de labureaucratie népotiste et dictatoriale qui se trouve aujourd’hui être le lieu d’affrontements entre des

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femmes geôlières qui se disent plus puissantes que des hommes omnipotents qui ne savent pasque c’est une illusion. De toute façon ce n’est que magouille, gymnastique corporelle autantmembrée que démembrée, croix de bois croix de fer, de plaisir ou de besoin, celui qui mourra iraen enfer de toute façon. Et le premier qui rira aura une tapette. Et on s’étonne ensuite que pluspersonne ne fasse confiance à ces énarques sans cervelle qui nous gouvernent.

Dans une situation d’attente, que vaut-il mieux faire ? Attendre avec patience et en fermantles yeux. Ou bien attendre les yeux grands ouverts pour voir ceux qui passent et repérer ceux quipourraient être une ouverture, une aventure, une amertume et qui sait peut-être une fois n’est pascoutume, mais on ne sait jamais si on ne voyeurise pas les corps qui passent.

Jean-Marie Besset est divertissant, amusant même, cruel toujours et vous n’aurez votrebonbon que si vous souffrez un peu, beaucoup passionnément, à la folie, pas du tout, tant pis pourvous. Il sait comment ça parle et ça s’aparle dans le beau monde de la classe moyenne supérieureétablie et plus qu’assise, rassise pour ne pas rance. Et dire que c’est ça qui domine le monde danslequel nous croupissons. On se prend parfois à vouloir mettre une bombe dans tout ce machinchose bidule là. Mais où trouver la bombe suffisamment puissante pour éliminer la racailleadministrative ? Je crois que je vais écrire un poème engagé d’agitprop à la Vladimir Maïakovski,pas Ilitch du tout.

JEAN-MARIE BESSET – LE BANQUET D’AUTEUIL – VINGTIÈME THÉÂTRE – 2015

Enfin Jean Marie Besset aborde un discours et un problème qui dépasse l’événementiel etatteint l’existentiel, voire l’existentialisme lui-même. Il lui aura fallu mettre en scène Molière etquelques uns de ses amis dans un épisode de la fin de sa vie, peu de temps avant qu’il ne meureen scène avec le Malade Imaginaire en 1673. On est ici en 1670 après que son épouse l’ait quitté,après que le jeune acteur Michel Baron l’ait rejoint à Paris, ou plutôt à Auteuil, où il imagine unbanquet avec ses amis, tous ceux qui tournent artistiquement autour de Louis XIV encore jeuneplus un visiteur de la nuit pourtant mort, Cyrano de Bergerac. Dans le creuset de ce banquetimaginaire les Fourberies de Scapin se composent à partir d’une idée de Cyrano de Bergerac etpour Michel Baron bien sûr.

Les détails du retour après quatre ans d’absence, des retrouvailles émues mais difficiles, etdu re-départ pour Paris avec annonce d’un retour dans quelques jours vous devrez les découvrirvous-mêmes. Je ne suis pas sûr cependant que l’auteur ait vraiment dépassé l’anecdotique d’unlibertinage entre hommes qui ne veut guère dire plus, même s’ils en disent beaucoup de cesamitiés particulières, pour pouvoir saisir entièrement le poignant de ces amours entre descréateurs avancés en âge pour de jeunes interprètes prêts à beaucoup pour conquérir le monde.Mais Michel Baron se doit d’être différent. L’est-il vraiment ?

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Tout homme qui avance en âge, s’il a passé sa vie à tenter de créer du nouveau et àchercher à découvrir de l’inconnu, atteindra un point, un moment où il aura besoin d’un soutienplus jeune dans lequel il se projettera de façon narcissique et nostalgique, trouvant ainsi unenouvelle énergie dans celle dont ces jeunes collaborateurs font naturellement preuve puisqu’ils endébordent. C’est probablement un besoin général pour les hommes quand ils atteignent l’âge oùils sentent ou ont peur de sentir faiblir leurs capacités, leurs possibilités de rester créatifs. Certainsappellent cela une crise de mi-vie bien qu’aujourd’hui cela devienne plutôt une crise de trois-quart-vie. D’autre l’appellent l’andropause. Peu importe ces hommes avancés en âge et qui ont étéconquérants toute leur vie recherchent des jeunes gens, hommes ou femmes, qui puissent ainsibooster leur vitalité dionysienne et créatrice.

C’est ce qui arrive à Molière à 47 ans où il retrouve ce jeune homme de 17 ans qu’il a déjàrencontré trois ans plus tôt. Cela est normal. Cela est naturel. Que l’on voie, trouve ou cherche unedimension charnelle est secondaire car l’important c’est l’impulsion que cette rencontre donne à lavie de cet homme plus âgé et la propulsion que cette rencontre peut donner au jeune homme. Enfait je pense même que la dimension charnelle risque fort souvent de neutraliser ou détruirel’impulsion/propulsion créatrice qui se perd alors dans le plaisir immédiat.

Molière est ainsi montré comme étant possessif et distant à la fois, exigeant des marquesd’attachement sans oser les prendre, rêvant d’une dépendance au licou court alors que lajeunesse demande à n’avoir pas de licou du tout mais la confiance de l’homme plus âgé que lejeune homme aime et vers lequel il se sent attiré et surtout l’investissement complet autant del’homme plus âgé que de lui-même dans le surcroit d’énergie ainsi généré. Tout cela est bienmontré et pourtant il y a une autre dimension importante qui n’est peut-être pas montréesuffisamment et se perd dans des bons mots pas nécessairement utiles. Le jeune gomme danscette situation est grand s’il est capable de maintenir la distance, le vouvoiement ici, de ne pas selaisser aller à des gestes et marques d’amitiés qui encourageraient la perte de l’homme plus âgédans une forêt de pulsions hormonales inutiles et même nuisibles. Michel Baron fait celamerveilleusement mais avec peut-être un ton, une dimension qui semble vouloir refuser toutecondescendance mais aussi être sûr que Molière lui ré-ouvrira sa porte et ses bras quand ilreviendra, mais que tout cela devra être selon sa liberté et ses désirs. Il semble se moquer un peude ce que Molière est en train d’investir en lui sous ses propres yeux. Le voit-il d’ailleurs ? Etpourtant Molière ne pourra le faire que si le jeune homme garde une distance sans rompre lecontact et la communication.

C’est dans cette dernière scène que l’auteur aurait pu atteindre le poignant et l’illuminationquasi mystique et jubilatoire. Molière ne saurait se résigner à ce départ mais devrait l’encouragertout en souffrant de cette distance dans le temps et l’espace. Michel Baron devrait vouloir partir

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non pas pour ne pas être un singe en laisse en haut du pont des arts dansant au son d’une orguede barbarie, mais pour justement dynamiser en Molière sa verve et sa veine créatrices et et tout ensachant qu’il retrouvera Molière quand il reviendra avec la pièce promise, avec le rôle promis, avecune marche de plus de montée à l’escalier vers la mort car la gloire n’est vraiment que le triomphede la mort car c’est dans la mort que la gloire se démultiplie en se transmettant par le souvenir.

Michel Baron a trop été construit en garçon jouissif insouciant alors que s’il est digne del’amitié de Molière c’est que Molière doit sentir en lui ce dramatique dilemme : ne pas devenir unsimple jouet intime, même en public, raison de plus un jouet jeté au public pour que ce public joueavec, le désacralise, le souille, l’utilise comme un simple accessoire à leur orgie, mais être,devenir, rester l’inspirateur, le moteur, le nerf et même la muse de Molière, et ne pouvoir l’êtrequ’en cultivant la distance dans la proximité, l’éloignement dans le rapprochement. C’est dansl’intimité mentale entre eux que leur amour peut être créatif sinon ce ne sera qu’une jouissanced’un instant, de deux instants peut-être, mais la flamme s’en tarira et mourra. La force de cetamour ne peut être que dans le souvenir permanent et la communion mentale partagéeépisodique.

On a donc ici un sujet en or, en bois de palissandre, fort et droit comme un tronc d’arbredans une forêt ancestrale de pins casadéens (demandez à Colbert qui en a fait le bois de la flotteroyale), mais loin d’atteindre le ciel de la beauté créatrice, on l’effleure pour n’en rester qu’à unesotte jalousie et une peur littéralement bleue de la mort qui arrive avec la toux persistante deMolière. Molière ne peut alors atteindre son ami Michel Baron dans l’âme que s’il lui fait une pièceadmirable avec pour lui un rôle superbe mais qu’il pose une exigence sans faille au niveau de laqualité de son travail d’acteur pour le faire rayonner à des hauteurs inconnues. Tout jeune qu’il estce Michel Baron, et tout vieux qu’il soit ce Molière, au lieu de jouer leurs âges respectifs inversezdonc les rôles et Molière devient le jeune étourdi Scapin (La valeur n’attend pas le nombre desannées) et Michel Baron le père revêche et un peu indigne (Ô rage, ô désespoir, ô vieillesseennemie), certainement pas celui du fils prodige qui se doit bien de revenir un jour. Et bannissezl’ingratitude de tous dans ces retrouvailles répétées (Que vouliez-vous qu’il fît contre trois ? Qu’ilmourût !). Il y a dans l’amour entre un homme âgé et un jeune homme mieux à faire qu’un combatde trois gladiateurs nus dans quelque cirque romain à Auteuil.

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Jean-Marie Besset assigne Aurélie Filippetti

devant le Conseil d'Etat

Par Culturebox (avec AFP) @Culturebox

Publié le 09/04/2013 à 18H57

Jean-Marie Besset devant le Théâtre des 13 Vents à Montpellier © PHOTOPQR/LE MIDI LIBRE / SYLVIE CAMBON