je pense trop - christel petitcollin

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  • Je pense trop

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  • Du mme auteur :

    Chez Guy Trdaniel diteur :

    Echapper aux manipulateurs

    Aux ditions Jouvence :

    Victime, bourreau, sauveur : comment sortir du pige ?Savoir couter, cela sapprendDu divorce la famille recompose, les piges viterRussir son couple, le premier jour et les suivantsLes cls de lharmonie familialeScnario de vie gagnantEmotions, mode demploiSaffirmer et oser dire nonBien communiquer avec son enfant

    Guy Trdaniel diteur, 2010

    ISBN : 9782813210142

    Tous droits de reproduction, dadaptation et de traduction rservs pour tous pays.

    [email protected]

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  • Christel PetitCollin

    Je pense tropComment canaliser

    ce mental envahissant

    Guy Trdaniel diteur

    19 rue Saint-Sverin

    75005 Paris

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  • Sommaire

    Introduction 7

    Partie 1 Une organisation mentale natUrellement sophistiqUe 19

    I. Des capteurs hypersensibles 21

    II. De lhypersensibilit lhyperlucidit 37

    III. Un cblage neurologique diffrent 59

    Partie 2 Une personnalit originale 103

    I. Le vide identitaire 105

    II. Lidalisme 129

    III. Un relationnel difficile 139

    Partie 3 Bien vivre avec sa sUrefficience 179

    I. Le choc de la rvlation 181

    II. Ranger et organiser ses penses 191

    III. Restaurer son intgrit 209

    IV. Optimiser le fonctionnement de son cerveau 221

    V. Bien vivre sa surefficience en socit 233

    conclUsion 245

    BiBliographie 251

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  • Je pense trop 7

    Introduction

    Camille est une tudiante dune vingtaine dannes. Elle

    me consulte pour un manque de confiance en elle . Ds quelle commence mexpliquer son problme, les mo-tions la submergent. Elle se mord les lvres, presse son poing sur sa bouche, retient ses larmes et sexcuse en boucle de

    son hypersensibilit, tout en essayant dsesprment de se

    reprendre et davancer dans ses explications. Peu peu,

    travers ce quelle me raconte, se dgage le portrait dune

    jeune fille brillante et crative qui na pas dchec notoire son actif. Au contraire, son grand tonnement, elle

    valide lun aprs lautre chaque semestre universitaire. Tout va objectivement bien. Malgr cela, plus le temps passe,

    plus elle doute delle-mme. Les autres tudiants semblent

    prendre de lassurance au fur et mesure quils avancent

    dans leurs tudes. Ils se confortent dans leur orientation

    et peu peu trouvent leur place dans la socit. lin-

    verse, Camille se sent de moins en moins sa place et se

    demande si elle a fait le bon choix dorientation. Chez elle,

    cest un sentiment dimposture qui grandit.

    Dans sa vie sociale, elle se sent galement diffrente des autres. Les centres dintrts et les conversations de

    ses camarades sont en dcalage permanent avec ce

    qui lui parait rellement important et intressant. Dans les soires, brusquement, il se produit un trange dcrochage

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  • 8 Introduction

    lintrieur delle-mme. Tout coup, elle se demande

    ce quelle fait l et pourquoi les autres semblent prendre

    tant de plaisir cette soire vaine et superficielle. Toute la gaiet ambiante semble factice. Alors, elle na plus quune

    envie : rentrer chez elle au plus vite.

    Cela fait longtemps que Camille essaie de comprendre

    ce qui ne va pas chez elle. Envahie de doutes, de ques-

    tions, dides saugrenues, elle tourne en rond dans sa tte

    et sent langoisse et le dcouragement crotre. La dpres-

    sion nest plus trs loin.

    Camille est loin dtre un cas isol. Comme elle, de nom-

    breuses personnes, de tous ges, viennent me consulter

    avec la mme impression de dcalage avec leur environ-

    nement, cette dvalorisation deux-mmes et la surchauffe

    mentale qui en dcoule.

    Ce livre, comme tous mes livres, est avant tout issu de

    ma pratique professionnelle. Les heures passes couter

    les gens me parler deux sont maintenant devenues des

    annes. Depuis dix-sept ans, jcoute, jobserve et jessaie de comprendre chacun. Jai appris pratiquer ce que

    Eric Berne, le pre fondateur de lAnalyse Transactionnelle, appelle lcoute martienne . Comme un magnto-phone dfectueux, les oreilles enregistrent certains mots ou

    des morceaux de phrases, plus forts que dautres. Cette

    trange faon dcouter permet disoler les mots impor-

    tants, les phrases-cls et les ides majeures au milieu du

    discours gnral.

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  • Je pense trop 9

    Cest ainsi que de petites phrases qui revenaient rgu-

    lirement dans le langage de certaines personnes, ont de plus en plus souvent retenu mon attention.

    Je pense trop.

    Mes proches me disent que je suis compliqu(e) et que

    je me pose trop de questions.

    Dans ma tte, a ne sarrte jamais. Parfois, je voudrais dbrancher mon esprit et ne plus penser rien.

    Puis dautres phrases cls sont venues complter ce

    profil :

    Jai limpression de venir dune autre plante. Je narrive pas trouver ma place.

    Je me sens incompris.

    De petites phrases en petites phrases, sest impos moi lquivalent dun portrait robot de ces gens qui pensent

    trop. Peu peu, jai pu cerner les composantes de leur

    souffrance et heureusement, commencer leur proposer

    des solutions. Depuis que jai dcid dcrire ce livre, je les ai mis contribution pour complter mon information.

    Jai toujours une question leur poser pour mieux cerner

    leur mental et son fonctionnement, pour comprendre leurs

    valeurs et leurs motivations et comme lune de leurs valeurs

    principales est le partage dinformation, ils ont toujours

    cur de me renseigner. Ce livre doit beaucoup leurs

    apports respectifs et je les en remercie infiniment.

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  • 10 Introduction

    Qui pourrait penser qutre intelligent puisse faire souf-

    frir et rendre malheureux ? Pourtant, cest ce dont ils se

    plaignent. Dabord, ils ne se reconnaissent pas comme intelligents. Ensuite, ils disent que leur mental ne leur laisse

    aucun rpit, mme la nuit. Ils en ont marre de ces doutes,

    de ces questions, de cette conscience aigu des choses,

    de leurs sens trop dvelopps auxquels nchappe aucun

    dtail. Ils voudraient dbrancher leur esprit. Mais ils souf-

    frent surtout de se sentir diffrents, incompris et blesss par

    le monde daujourdhui. Cest pourquoi ils concluent sou-

    vent : Je ne suis pas de cette plante ! Un fourmillement constant de penses les balade dans des associations

    dides sans fin, chaque nouvelle ide en faisant jaillir de nouvelles. a va trop vite dans leur tte. Ils en bgayent

    pour suivre le flot ou ils se taisent, dcourags devant la surabondance dinformations. Les mots sont rducteurs et

    ne peuvent pas restituer la finesse, la complexit de leur pense. Ce qui leur manque le plus, ce sont des certitudes

    sur lesquelles sappuyer. Un questionnement incessant rend leur systme de croyance aussi instable et angoissant que des sables mouvants. Et cest leur propos quils sont le

    plus critiques : Pourquoi les autres ne peroivent-ils pas ce

    qui est vident pour moi ? Si ctait moi qui analysais tout

    de travers ? Et si javais tout faux ?

    La sensibilit, lmotivit et laffectivit sont videmment

    proportionnelles lintelligence. Ces personnes sont de

    vritables bouteilles de nitroglycrine. Au moindre heurt,

    ils explosent de colre ou de frustration, mais surtout de chagrin. Ce monde manque tellement damour ! cartels

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  • Je pense trop 11

    entre un idalisme absolu et une lucidit extrme, ces

    surefficients intellectuels ont le choix entre lautisme et la rvolte. Cest pourquoi ils font constamment la navette

    entre des rveries voluptueuses et des constats affligeants, entre la navet et le dsespoir. Ils dsesprent de trouver de laide car ils sentent bien que les bonnes volonts

    sont ct du problme. Les conseils de leur entourage les enfoncent plus quils ne les aident. Se poser moins de

    questions ? Ils ne demanderaient que a ! Mais comment faire ? Accepter limperfection du monde ? Impossible !

    Consulter un psy est galement problmatique. Ils ont

    peur quon les prenne pour des fous et cette peur est

    malheureusement fonde. Comment les gens ayant un

    fonctionnement mental ordinaire pourraient-ils cerner ce

    foisonnement mental hors normes ? Les grilles danalyse

    psychologiques en vigueur fractionnent cette pense

    subtile et puissante, la rendent anormale, pathologique.

    Ds lcole, ce quils sont pose problme. Les surefficients mentaux sont considrs comme hyperactifs et incapables

    de se concentrer, parce que leur cerveau pluritche sen-

    nuie ne faire quune seule chose la fois. On croit quils

    papillonnent et quils nont pu que survoler les donnes,

    vu leur rapidit, alors quils ont la capacit dapprofondir

    trs vite et simultanment plusieurs sujets. Beaucoup ont subi la litanie des dys les incitant croire leur esprit tordu : dyslexique, dysorthographique, dyscalculique,

    dysgraphique1 lge adulte, ce sont les diagnostics de

    1. Pour en savoir plus, lire le livre de Marie Franoise Neveu, Enfants autistes, hyperactifs, dyslexiques, dys Et sil sagissait dautre chose ? ditons Exergues 2010

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  • 12 Introduction

    borderline, schizophrne, bipolaire ou maniacodpressif qui risquent de leur pleuvoir dessus. L o ils espraient rece-

    voir de laide et enfin trouver des solutions, les surefficients mentaux se retrouvent encore plus incompris et tiquets

    dysfonctionnants . Cest--dire exactement linverse de ce dont ils auraient besoin pour pouvoir se comprendre et

    saccepter dans ce quils sont : nullement dysfonctionnants

    mais simplement diffrents.

    Par ailleurs, comme la surefficience mentale est encore mal cerne, il nexiste pas de terme pouvant contenir

    cette ralit avec exactitude. On pourrait envisager les

    termes de surdou ou de haut potentiel intellectuel . Mais ces termes ont tellement t galvauds quils ont

    une connotation prtentieuse. Ce qui est loppos des

    valeurs des surefficients mentaux. Le ct plus que les autres induit par ces mots les drange profondment. Le terme de surefficience mentale passe mieux : il repr-sente bien leurs yeux ce foisonnement intellectuel, cette

    effervescence mentale qui les encombre. La notion de

    cerveau droit dominant leur plat aussi car sils refusent de se reconnatre une intelligence suprieure, ils veulent

    bien admettre une intelligence singulire. a, cest sr, je ne pense pas comme tout le monde ! fait partie des petites phrases cls que jentends souvent. Mais surtout,

    travers cette difficult trouver et surtout accepter le mot qui les dfinirait le mieux, transparat leur norme besoin de prcision. Dabord, un mot ne peut presque jamais tre synonyme dun autre, car chaque mot a sa

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  • Je pense trop 13

    nuance personnelle. Ensuite, ce quils sont est impossible

    cerner en un seul mot. Alors, comment faire ?

    Jeanne Siaud Facchin, auteur de Lenfant surdou (voir

    bibliographie) a renonc les appeler surdous et a choisi

    le vocable de zbre pour les dsigner. Le mot est bien choisi : un zbre est un animal atypique, indomptable et unique, qui sait aussi se fondre dans le paysage. Mais

    tant qu faire des comparaisons animalires, il manque leur aspect chien, pour leur fidlit, leur loyaut, leur atta-chement et leur dvouement. Il manque aussi leur aspect

    chat, pour leur dlicatesse, lacuit de leurs sens et leur sus-

    ceptibilit. Puis, leur aspect chameau pour leur incroyable

    endurance et surtout leur ct hamster qui tourne en rond

    toute vitesse dans sa roue !

    Le GAPPESM (Groupement Associatif de Protection

    des Personnes Encombres de Surefficience Mentale) les appelle des PESM. Cest assurment une appellation trs approchante, rsumant assez bien leur situation, mais tous

    ne se sentent quand mme pas encombrs. Bien que je

    reconnaisse la pertinence de cette abrviation, je pourrais

    difficilement user de ce mot parce que je ne trouve pas sa consonance trs mlodieuse. tre surefficient, ce nest tout de mme pas avoir la PESM !

    Moi, je serais davis de les appeler surdous parce que

    cest objectivement le terme le plus approchant, mais si je

    parle de surdouance , la plupart de mes lecteurs vont faire un blocage et sempresser de refermer ce livre. Les

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  • 14 Introduction

    autres mobjecteront que sils taient si intelligents que a,

    ils sauraient sadapter la socit. Aucun ne se recon-

    natra dans le clich vhicul encore aujourdhui par ce

    terme de surdou : un enfant brillant, prtentieux, premier

    de la classe et donneur de leons. Cest tellement linverse

    de ce quils sont !

    Au dbut de ma dcouverte de ce phnomne de surefficience mentale, aimant appeler un chat un chat, jai fonc sur le terme de surdou et je lai assen sans

    mnagement mes clients surefficients. Toute mon enthousiasme, jen oubliais leur norme sensibilit. Jen ai

    assomm plusieurs, paniqu dautres et fait fuir en courant

    quelques uns. Je profite de ce livre pour leur prsenter mes excuses. Aujourdhui, je mets plus les formes dans la

    rvlation, parlant de cblage neurologique diffrent et

    dhmisphre droit dominant. Linformation reste boulever-sante. Bien que sachant intuitivement quils sont diffrents,

    ils ont du mal faire objectivement face cette ralit.

    Jai longuement cherch le mot qui synthtiserait le

    mieux ce profil. On a fait quelques brain storming avec mes proches. Les termes dADSL et de Haut dbit nous ont plu et amuss un moment. Jaurai pu opter pour spidermind

    autant pour leur rapidit desprit que pour symboliser leur

    pense en toile daraigne. Mais, finalement, le terme de surefficient reste le plus sobre et le plus appropri. Il me parait faire un bon compris, tout en restant partiellement

    insatisfaisant et il ne gnre pas de blocage majeur. De toutes faons, ce livre na pas vocation vous tiqueter,

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  • Je pense trop 15

    mais vous aider vous comprendre, vous accepter

    dans tout ce que vous tes et surtout vivre avec cette

    pense bouillonnante en toute srnit.

    Puisque vous pensez trop, vous allez trs probablement vous reconnatre dans le profil du surefficient mental. Votre cerveau, ce cerveau qui pense trop, est un vrai bijou.

    Sa finesse, sa complexit, sa rapidit sont fascinantes. Et sa puissance est celle dun moteur de formule 1 ! Mais une formule 1 nest pas une voiture ordinaire. Confie un maladroit et utilise sur une dpartementale, elle va

    se rvler fragile et dangereuse. Pour quelle donne le

    meilleur de son potentiel, elle ncessite une grande ma-

    trise du pilotage et un circuit sa mesure. Jusqu prsent,

    cest votre cerveau qui vous a balad dun foss lautre.

    vous den prendre le contrle partir de maintenant.

    Jai organis ce livre en trois parties pour mettre en valeur

    les aspects les plus remarquables de la surefficience : - Lhypersensibilit et le foisonnement mental,

    - Lidalisme et le rel dcalage avec la majorit des gens.

    - La troisime partie regroupe toutes les solutions que jai vous proposer.

    Je connais les surefficients mentaux comme adorant picorer dans les livres en diagonal. En gnral, cela leur

    permet de limprgner de lesprit du livre et il est assez

    frquent quils naient pas besoin de le finir, tant ce grap-pillage est suffisant pour faire le tour du sujet. Cest pourquoi je souhaite faire cette mise en garde : si vous vous rendez

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  • 16 Introduction

    directement la dernire partie du livre, il vous manquera trop dlments pour que vous puissiez juger objectivement

    de la pertinence des solutions proposes. Alors, je vous

    invite suivre le cheminement du livre sans brler dtape,

    faire la balade telle que je lai conue pour vous. Prenez

    le temps de dcouvrir que votre hypersensibilit est enti-rement neurologique, de regarder votre pense foisonner

    et bouillonner pour dcouvrir en quoi votre intelligence est

    rellement diffrente. Votre idalisme est un des aspects remarquables de votre personnalit. Votre faux self en est un autre et pas des moindres, qui peut se rvler aussi

    contraignant quhandicapant au niveau relationnel. Ce

    dcalage que vous ressentez vis--vis de votre entourage

    est objectif. Autant comprendre une bonne fois de quelles

    diffrences concrtes il est compos. Lorsque vous aurez explor tous ces aspects du problme, les solutions propo-ses prendront tout leur sens.

    Jaurai atteint mon objectif si la fin de cette lecture, vous vous tes rconcilis avec ce que vous tes et avec

    ce magnifique cerveau qui est le vtre. Pour en tirer le meilleur, il vous faut apprendre le piloter. Finalement, vous

    trouverez dans ce livre des cours de mcanique (neurolo-

    gique), un code de la route (motionnel et relationnel) et

    des leons de pilotage (mental).

    Si vous pensez trop, vous allez trouver dans ce livre toutes

    les explications utiles sur vos fonctionnements. Et bien sr,

    plein de solutions !

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  • Je pense trop 17

    Tout au long de ce livre, je fais volontiers rfrence aux

    auteurs dont je me suis inspire et aux crits sur lesquels je

    me suis appuye. Il aurait t lourd de remettre systmati-

    quement en note de bas de page les rfrences du livre

    que je cite, chaque fois que jen parle. Tous les ouvrages

    et tous les auteurs auxquels je fais rfrence dans ce livre

    sont lists dans ma bibliographie. Jai une tendresse toute

    particulire pour Jill Bolte Taylor, Daniel Tammet, Tony Attwood et Batrice Milltre, que je remercie pour leurs

    prcieux apports mes connaissances. Les ouvrages de

    Arielle Adda et Jeanne Siaud Facchin mont galement

    t trs utiles. Un grand merci elles.

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  • 1Je pense trop 19

    Partie

    Une organisation mentale natUrellement sophistiqUe

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  • Chapitre I

    Je pense trop 21

    Des capteurs hypersensibles

    Ce mec est too much, ce mec est trop Trop, trop,

    trop ! chantaient les coco girls dans les annes 80. Cette

    ritournelle rsume elle seule la problmatique de la

    surefficience mentale. Tout est en trop : trop de penses, trop de questions, trop dmotions et en superlatifs voire

    en hyperlatifs : hyperractif, hypersensible, hyperaffectif

    Les surefficients mentaux vivent les vnements de leur vie avec une intensit hors norme. Ce qui les touche, en positif

    comme en ngatif, semble les faire rsonner comme du

    cristal. Mme des incidents mineurs peuvent prendre des

    proportions indites, surtout sils touchent leur systme de valeur. Perceptions, motions, sensibilit : tout est dcupl.

    En fait, cest tout le systme sensoriel et motionnel qui est hypersensible. Cette finesse de perception est neurologique et commence par la perception de la ralit.

    Nous captons linformation par nos cinq sens. Nous savons

    quil existe des gens un peu sourds ou un peu bigleux.

    Pourtant nous nous imaginons que nous avons nanmoins

    tous la mme perception de la ralit. En fait il nen est rien.

    Votre faon de voir le monde est unique et subjective. Faites visiter le mme logement dix personnes. Faites leur ensuite

    dcrire et dtailler ce quils ont peru du lieu et vous aurez

    limpression quils ont visit dix appartements diffrents.

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  • 22 Des capteurs hypersensibles

    Chacun a son canal sensoriel prfr. La personne domi-

    nante visuelle se sera focalise sur ce quil y avait voir :

    esthtique, couleurs, luminosit, panorama, etc. Une autre, privilgiant lauditif, aura trouv lendroit calme ou bruyant.

    Les kinesthsiques, eux, vous parleront de chaleur, despace

    ou de confort. Certains auront mme utilis leur odorat et

    parleront peut-tre dun relent de tabac ou dune atmos-

    phre confine. Ainsi, chacun aura slectionn une partie de la ralit comme tant importante et digne dintrt et

    zapp tout le reste. De mme chaque personne aura attri-bu une intensit aux sensations recueillies. Peut-tre lune

    aura trouv lendroit un peu bruyant , une autre trs bruyant quand une troisime naura prt aucune atten-tion au bruit. Enfin, chacun aura slectionn un nombre dinformations comme tant ncessaire et suffisant pour se faire une ide de lendroit. La surefficience mentale fait capter plus dinformations que la moyenne des gens et

    dune intensit galement plus forte. Cela sappelle lhy-

    peresthsie. Si un surefficient mental visite cette pice, il se souviendra de bien plus de dtails que la plupart des gens

    et aura mme repr dinfimes et anecdotiques particula-rits, de toutes petites choses auxquelles personne dautre

    que lui naura prt attention.

    Lhyperesthsie

    Voici le mail que jai reu de Franois, la suite de sa pre-mire venue mon cabinet.

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  • Je pense trop 23

    Jai envie de vous expliquer ce que je vis quotidien-

    nement en vous racontant par exemple, le premier jour

    o je suis venu vous voir (Ne vous vexez pas).

    Je me gare. Je me demande si vous vous garez

    dedans ou dehors. Je passe le portail, jessaye de

    voir quelle pourrait tre votre voiture. Aimez-vous les

    voitures? Je pense que oui. Pourtant, je narrive pas

    percevoir une voiture intressante. Je me dis que je me

    suis tromp. Jarrive devant le digicode. Sur la bote aux

    lettres ou sur la sonnette, votre nom est crit de faon

    diffrente des ostopathes. Vous ntes donc pas arri-ve en mme temps queux. Pourquoi ? O tiez-vous

    avant ? Plus loin de votre domicile ? votre domicile ?

    Nest-ce pas ennuyeux pour votre patientle davoir chang dadresse ? Jentre. La deuxime sonnette ne marche pas. Il faudrait la rparer. Pourquoi ne pas la

    rparer ? Jentre dans la salle dattente. Personne. Les

    ostos ont-ils du boulot ? Vous paraissez assez bien orga-nise pour ne pas faire attendre les gens. Vos revues datent un peu. Un bon pourcentage sont des numros de , revue un peu trop mon got. Seriez-

    vous abonne cette revue ? Auriez-vous vot ?

    Horreur ! Je regarde par la fentre : pas gnial. Je me sens oppress. Cette haie trop proche de la fentre tue toute

    perspective. Jentends votre voix, je devine votre phy-

    sique. Je vous imagine grande, charpente. Jentends

    vos talons sur le parquet mlamin (Je naime pas le

    son de ce parquet, cest froid, a manque de chaleur).

    Mais pourquoi avoir mis des talons alors que vous tes

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  • 24 Des capteurs hypersensibles

    dj grande ? Je vous vois, bingo, exactement comme

    je vous imaginais. Vous me serrez la main. Je vous aurais facilement embrasse pour avoir plus dinfos, mais bien

    videmment je ne le peux pas. Je me contente de votre

    poigne de main. Je lapprcie, elle est ferme mais pas

    trop. Vous ntes pas parfume ou peu, avec un parfum lger. Je prfre, je dteste les parfums trop forts ou sim-plement trop de parfum. Je vous suis dans votre bureau.

    Je me demande o sont les ostos, comment ils tra-

    vaillent. Premire pice, votre bureau. Il est bien rang, trop pour moi, comme votre meuble. Cela me parat

    froid, il manque une grande plante, la vue est la mme,

    oppressante. Pas grand-chose sur le bureau, mais beau-

    coup de stylos, quasiment tous diffrents, pourquoi ?

    Deuxime pice, cest mieux. Jaime bien le fauteuil rouge, il semble tre plus ancien que le reste du mobi-

    lier. Laviez-vous dans lautre cabinet ? Certainement.

    On sassied. Je mintresse vous. Janalyse votre robe

    (Javais dj commenc dans le couloir), beaucoup

    de couleur, a flashe, cest prs du corps. Vous navez aucun souci avec votre corps, vous vous plaisez, a se

    sent. Vous devez plaire aussi a se sent. Janalyse votre coiffure par rapport aux deux photos sur vos bouquins

    que jai. Jaime bien. Vous tes bronze, jimagine que vous aimez la plage. Vous avez peu de bijoux. Cela vous correspond. Je pense que vous prfrez un bracelet un

    peu fantaisie, quun en or ou trop voyant. Janalyse

    vos mains, je le fais chez tout le monde. Les vtres me

    plaisent. Cest trs important pour moi. Je me dtends peu. Je reste trs mfiant. Je me dis quil serait facile

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  • Je pense trop 25

    pour vous de me manipuler. Tout a ne vous est pas

    rserv, je vis perptuellement comme a. Avant notre

    rendez-vous, je suis all au bureau de presse, langle

    de votre cabinet. Jy suis rest trois minutes. Jai du me

    poser vingt questions

    Voila comment un surefficient vit son quotidien, bom-bard dinformations, mmorisant une foule de dtails,

    essayant danticiper et de deviner le reste travers cette

    collecte dinformations, se posant mille questions et sou-

    vent dans cet tat motionnel de mfiance et de tension, surtout lors dune premire rencontre.

    Ainsi, si vous pensez trop, la premire caractristique de votre cerveau est dtre hyperesthsique. Cest donc

    le terme scientifique pour dsigner le fait davoir les cinq sens dots dune acuit exceptionnelle. Cest aussi un tat

    dveil, de vigilance, voire dalerte permanente. Comme

    Franois, vous avez une grande capacit percevoir

    dinfimes dtails ou des nuances imperceptibles pour la plupart des gens. Bien que souvent gns par le bruit, la

    lumire ou les odeurs, les hyperesthsiques ne ralisent pas que leurs perceptions sensorielles sont hors norme. Je leur

    en parle. Ils mcoutent dabord avec tonnement. Puis,

    petit petit, au cours de notre discussion, ils se rendent

    compte queffectivement, ils ont le sens du dtail, quils

    sont capables de reconnatre un morceau de musique

    ds les premires notes ou de deviner les ingrdients dun

    JepenseTrop.indd 25 23/11/11 10:42

  • 26 Des capteurs hypersensibles

    plat Mais jamais ils nauraient imagin que les autres ne

    soient pas comme eux, alors que cest dix fois par jour quils

    en font lexprience. Ceux qui connaissent leur hyperes-

    thsie ont tendance ne la vivre que de faon ngative

    et se reprochent leur intolrance quand loverdose de

    stimulation sensorielle les pousse bout. Je ne supporte

    pas la musique trop fort dans certains magasins, a me fait

    fuir ! confirme Nelly. Pour Pierre, linconfort est visuel : Au bureau, les nons sont trop violents, ils agressent lil. Mais

    je suis le seul men plaindre. Je passe pour un rleur.

    Pour dautres encore, linconfort concerne tous les sens.

    Lhyperesthsie visuelle

    Ainsi comme le raconte Franois, la vision hyperesthsique

    est avant tout une vision de prcision o le dtail est sou-

    vent peru avant la globalit. Il serait intressant de vrifier ce que dautres clients ont vu en comparaison de son

    exprience. Franois a capt une foule de petits dtails :

    les stylos, lusure du fauteuil, la vue par la fentre, les revues

    en salle dattente. Son regard est perant, un vrai rayon

    laser qui scanne en continu toutes les donnes. Je suis ana-

    lyse de la tte au pieds : bijoux, robe, coiffure, mains

    Dans la vie quotidienne, ce regard est souvent vcu comme drangeant, scrutateur voire inquisiteur par ceux

    qui en sont lobjet. Pourtant le but nest pas de juger, mais

    de comprendre et, dans le cas de Franois, de se rassurer.

    La mmorisation se fait parfois sur des dtails insignifiants.

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  • Je pense trop 27

    Un autre aspect de lhyperesthsie visuelle peut tre une grande sensibilit la luminosit.

    Lhyperesthsie auditive :

    Un hyperesthsique peut entendre plusieurs sons simul-tanment. Il peut couter la radio tout en suivant une

    conversation et sera paralllement drang par un bruit de vaisselle qui provient de la pice d ct et qui, son avis, couvre le reste. Cest un rgal de pouvoir entendre

    la musique dune faon suffisamment fine pour reprer la dlicate phrase musicale du saxophone au milieu des

    autres instruments. a lest moins de ne pouvoir faire abs-

    traction du bruit dune tondeuse gazon, dehors, quand

    on est le seul lentendre. Souvent, les hyperesthsiques

    auditifs entendent mieux les sons graves que les sons aigus.

    Il en va de mme avec les bruits lointains, mieux perus

    que les sons plus proches. Ce qui fait quils seront gns

    par une musique de fond pour suivre la conversation. Les

    titres des informations, la tlvision comme la radio,

    sont la plupart du temps donns sur le gnrique musical

    du journal. Cela rend leur audition pnible pour de nom-

    breux surefficients mentaux qui doivent faire un effort pour entendre la voix du journaliste au milieu de ce tintamarre.

    Franois guette ma voix, coute mon pas, trouve le son du

    parquet froid et remarque labsence de sonnette.

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  • 28 Des capteurs hypersensibles

    Lhyperesthsie kinesthsique

    Lambiance dun lieu, lhumidit ou la scheresse de lair,

    la chaleur, le toucher rugueux ou doux, le contact dun

    vtement, toutes ces informations sont captes en continu.

    Franois dit quil maurait bien embrasse. Il na pas os.

    Ctait une premire sance, mais cest assez frquent que rapidement, les hyperesthsiques demandent me

    faire la bise. Dans certaines circonstances motionnelle-ment charges, ils souhaitent tre serrs dans mes bras ou

    me serrer dans les leurs. Il ny a rien dambigu dans cette

    demande. Ils ont besoin dune treinte chaleureuse, un

    vrai hug lamricaine. Cela leur permet de grer le trop plein motionnel mais aussi, comme le dit Franois,

    davoir plus dinfos . La rgle en psychothrapie tradi-tionnelle qui veut quon ne touche pas ses patients ne peut

    pas fonctionner avec eux. Ils sont trop tactiles.

    Lhyperesthsie olfactive

    Peu utilis par la majorit des gens, lodorat est un sens trs animal et riche dinformations. Je taquine les hyperesth-

    siques en leur disant que ce nest pas un nez quils ont, mais

    une truffe. Comme Franois, ils entrent dans mon bureau,

    lodorat en veil, font une rflexion sur mon parfum, fron-cent le nez sil reste une odeur de tabac ou de transpiration

    vhicule par les vtements de la personne prcdente.

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  • Je pense trop 29

    Florence me demande mme darer la pice les jours o elle trouve que a sent lair dj respir ! Lhyperesthsie olfactive est un bonheur quand il sagit de humer un grand

    vin ou de respirer une fleur. Cela peut devenir un cauche-mar en cas dodeur nausabonde ou de parfums artificiels comme ces faux relents de vanille ou de brioche. Franois

    dteste les parfums trop enttants.

    Lhyperesthsie gustative

    Le got va avec lodorat. Les hyperesthsiques sont sou-

    vent de grands gourmets. Sils font confiance leur instinct, ils sont capables de dtecter jusquau plus petit arrire-got de cannelle ou de paprika, de deviner lorigine

    gographique dun caf ou dun chocolat. En gnral, ils

    sont labri des intoxications alimentaires car ils peuvent

    percevoir le moindre arrire-got suspect.

    La majorit des gens ne peroit que trs peu dinfor-mations par rapport un surefficient mental. De temps en temps, les surefficients mentaux sont obligs de sen rendre compte. Brusquement, ils ont limpression que les individus

    qui les entourent sont abrutis ou engourdis. Mais cette ide

    les drange, alors ils la chassent trs vite. Surtout, ne pas juger les autres, surtout ne pas valider une diffrence aussi

    dstabilisante. Pourtant, cette diffrence est neurologique

    et objective. Elle a t tudie et mesure scientifique-ment. Osez faire face cette ralit. Cest un dbut

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  • 30 Des capteurs hypersensibles

    dexplication au dcalage constant que vous ressentez

    avec la majorit. Mettez-vous en observation de votre

    entourage et vrifiez par vous-mme la qualit dattention que prtent les uns et les autres leur environnement. Cest

    surprenant. Franois ralise brusquement : Cest pour a

    que jai souvent limpression bizarre que les gens autour de

    moi sont comme endormis !

    Lidisme

    Dans lhyperesthsie, il y a laspect quantificatif : le nombre dlments que vous avez ventuellement perus et le

    niveau de dcoupage en dtails plus ou moins menus. Il

    y a aussi laspect qualitatif : la subtilit des nuances que

    vous pouvez percevoir entre deux couleurs quasiment

    semblables ou la toute petite fausse note au milieu dun

    morceau de musique. Lintensit de lattention et la

    mmorisation font galement partie du phnomne et puis, moins connu, il y a laspect idiste de la percep-tion sensorielle.

    Avez-vous dj observ un enfant scrutant une cocci-

    nelle ? Son regard est un vritable microscope. Il dtaille

    tout, il smerveille de tout. Le brillant de la carapace,

    les fines nervures, les yeux facettes, les antennes frmis-santes, lextraordinaire technologie de cette carapace qui

    souvre en deux pour laisser sortir des ailes diaphanes. On

    parle didisme pour qualifier ce raffinement qualitatif de

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  • Je pense trop 31

    la perception. Quel plaisir de percevoir la texture veloute

    dune compote sur sa langue, dadmirer le vernis dune

    feuille darbre, le velours dun ptale de rose ou la nacre

    dune perle de rose, de frmir de volupt en enfilant un pull en cachemire, de se pmer en coutant une dlicate

    dentelle de sons tricote au piano. Lhyperesthsie cest

    aussi cette qualit, cette finesse dattention, qui mne tout droit la posie, lart et lmerveillement. En dehors

    des enfants trs jeunes, combien de personnes dans votre entourage atteignent ce niveau de raffinement et de volupt dans leur perception du monde ?

    La synesthsie

    Dans la majorit des cas de surefficience mentale, lhype-resthsie se combine avec une synesthsie, cest--dire

    avec une activation croise des sens dans le cerveau. Les

    synesthtes voient par exemple les mots en couleur ou les chiffres en relief. Catherine me dit : Moi, jcoute avec

    ma peau. Les mots justes me font frissonner avant mme

    que jen ai compris le sens. Franois ressent le son du

    parquet comme manquant de chaleur (combinaison de

    son et de ressenti) et voit mon image (il me devine grande

    et charpente) au son de ma voix. La synesthsie favorise

    la mmorisation. Cest pour cela que les surefficients men-taux se souviennent dune foule de dtails qui paratraient

    insignifiants la majorit des gens.

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  • 32 Des capteurs hypersensibles

    La synesthsie est le plus souvent une capacit incons-

    ciente. Quand je demande un surefficient mental sil est synesthte, la rponse est immanquablement : Non. Pas du tout. Bien sr, je ne le crois pas. travers ma pratique,

    jai pu constater quhyperesthsie et synesthsie vont

    trop souvent de pair. Alors, au milieu de la conversation,

    je demande soudainement : Quelle est la couleur du

    mot mardi ? La rponse sort spontanment : Jaune ! (ou

    vert, peu importe !) tonn de sa rponse, mon surefficient mental se dfend. Il na pas rflchi, il a dit a comme a, il nen sait rien en fait Il ne me reste quune vrification faire. Alors, un peu plus loin dans la conversation, je rede-

    mande brle-pourpoint : Et le mot table, de quelle

    couleur est-il ? La rponse fuse aussi rapidement : Vert .

    La personne en reste confondue. Oui, elle voit bien les mots

    en couleurs. Cest irrationnel, mais cest comme a ! Alors les souvenirs denfance remontent : le B qui avait un gros

    bidon, le 2 qui ressemblait un cygne dor, le 1 un har-

    pon noir. Et puis le bruit de la cascade, qui vibrait dans le

    creux de lestomac et mme, allez comprendre pourquoi,

    cest tellement bte, lodeur du poulet qui tait jaune

    Allons, cessez donc de vous censurer ! Prenez le temps de retrouver toutes vos ides bizarres denfance. Elles taient

    probablement base de synesthsie.

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  • Je pense trop 33

    Bizarreries esthsiques

    En fonction de la faon dont sexprime la surdouance,

    lhyperesthsie peut prendre une forme particulire. Par exemple au niveau de laudition : la personne sera

    hypersensible certains sons et pas dautres. Il en va de

    mme avec toucher : certaines textures ou contacts pro-

    voquent des phnomnes dattraction et de ravissement ou au contraire gnrent rpulsion et vitement. Il peut en dcouler des difficults alimentaires. Par exemple, le mou et le cuit seront curants ou le orange immangeable.

    William, atteint du syndrome dAsperger, trouve le chant

    des cigales enttant et dit que a le rend dingue, quand

    dautres bruits de fond, mme plus sonores, le laissent indif-

    frent. trangement insensible la douleur et aux odeurs

    dplaisantes, il ressent de la rpulsion pour certains vte-

    ments synthtiques, mais raffole du contact de la fourrure

    et des peluches quil ne peut sempcher de malaxer.

    Les inhibiteurs dinformation

    Lhyperesthsie jusqu un certain point est une sacre

    chance. Elle est utile pour avoir beaucoup dinformations

    sur son environnement. Elle induit un tat dveil et une

    curiosit active pour le monde extrieur. Cette multisenso-

    rialit exacerbe donne accs une volupt sensorielle

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  • 34 Des capteurs hypersensibles

    exceptionnelle. Mais lhyperesthsie peut devenir puisante

    et trs handicapante si les capteurs sont trop sensibles et les perceptions trop amplifies. Parfois, lclairage blouit. Les dcors trop colors ou trop chargs agressent lil. Le

    son est trop fort ou le brouhaha insupportable. Il fait trop

    chaud, trop moite. Lair est trop sec ou trop lectrique.

    Ltiquette du col qui gratte le cou est une microagres-

    sion permanente. Et ces gens trop parfums ou mal lavs

    donnent la nause. De plus, le surefficient mental ne peut pas faire abstraction de ce quil peroit et dbrancher son

    systme sensoriel. Lexplication est une fois de plus neurolo-gique. On parle dun dficit de linhibition latente.

    Chez la plupart des gens, un tri sopre automatique-ment dans les informations sensorielles disponibles. Les

    informations inutiles se mettent en veilleuse naturellement.

    Le cerveau est alors disponible pour se focaliser sur lessen-

    tiel. Cette hirarchisation automatique des stimuli permet

    de se concentrer sans effort sur ce qui est pertinent. Chez

    les surefficients mentaux, ce tri ne se fait pas automati-quement, mais uniquement en mode manuel. Cest la

    personne de dcider de ce qui mrite son attention et

    de faire leffort mental de passer le reste au second plan.

    Cette hirarchisation manuelle est difficile. Elle demande un effort conscient. Dune manire gnrale, dans leur vie quotidienne, les surefficients mentaux ont du mal faire des choix et dcider de ce qui est important et de ce

    qui ne lest pas. Cest dj le cas au niveau de cette slec-

    tion sensorielle. Au bout du compte, il est aussi fatigant

    dessayer de zapper les stimuli non pertinents que de les

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  • Je pense trop 35

    subir. Alors, mme fatigu, mme submerg dinformations

    sensorielles, lhyperesthsique les endure en continu, jour

    et nuit. Voila pourquoi les surefficients mentaux rvent de pouvoir dbrancher.

    Devant cet envahissement quil ne comprend pas, un normopensant hausse les paules en disant : Ben, ny

    prte pas attention ! comme si ctait une vidence, car

    cen est une pour lui. Il lui suffit rellement de ne pas faire attention. Les gens normaux ne se rendent pas compte

    de ce que peut vivre un surefficient mental. Par exemple, lors dune promenade en ville, lattention du surefficient mental sera sans cesse attire par le bruit des voitures, le

    dfil des passants, le contenu des vitrines. Cela parpille lattention dans mille directions et il faut sans cesse essayer

    de se recentrer.

    Depuis le dbut de la soire, Nelly trouve la musique dambiance du restaurant trop forte. Elle entend gale-

    ment le brouhaha du restaurant, les conversations des

    tables voisines, quelle ne peut pas ne pas couter, les

    bruits de couverts, le va-et-vient des serveurs qui lui donne

    le tournis, les odeurs de nourriture, le mouvements des

    consommateurs qui arrivent et repartent, les lumires trop vives. Rester concentre sur la conversation et sintresser

    aux convives de sa table lui demande un effort consid-

    rable. Passer une bonne soire dans ces conditions relve parfois dun exploit.

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  • 36 Des capteurs hypersensibles

    La vie entre en nous par les cinq sens. tre hyperesth-sique, cest donc tre hypervivant. La joie de vivre se vit

    dans linstant prsent en saturant ses sens dinformations

    agrables : des images de beaut, des sons mlodieux,

    des sensations voluptueuses, des parfums et des saveurs.

    Les surefficients mentaux sont toujours prts se rjouir, smouvoir dun coucher de soleil ou dun chant doiseau.

    Cest dans ces moments-l quils peuvent le mieux raliser

    leur diffrence. Ils essaient de partager leur merveillement

    avec leurs proches et se heurtent lincomprhension.

    Oui, cest bon, ce nest quun coucher de soleil. Tu en as

    vu dautres ! On y va ? soupire lentourage, quand il ne se

    moque pas : Cuicui, les petits oiseaux ! Tas quel ge ?

    Mais cette hyperesthsie explique aussi pourquoi, bien

    quayant souvent des passages dpressifs, les surefficients mentaux conservent nanmoins une joie de vivre sourde,

    latente et puissante, prte renatre au moindre rayon de

    soleil.

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  • Je pense trop 37

    Chapitre IIDe lhypersensibilit lhyperluciditLhypersensiblit

    Lhyperesthsie largit considrablement la perception

    du monde et exacerbe la sensibilit. Les hyperesthsiques

    sont par consquent des gens hypersensibles. Sensibles

    la lumire, au son, la chaleur ou au froid et surtout loverdose de stimulations. Alors, souvent, les hyperes-

    thsiques ptent un cble de faon incomprhensible. Brusquement, ils explosent : Mais teignez donc cette tl

    que personne ne regarde ! ou Est-ce que quelquun

    pourrait fermer (ou ouvrir) cette fentre ?

    Grce la finesse de leurs sens, dans chaque situation, les surefficients mentaux captent beaucoup des lments gnralement inconscients pour les autres. Ils ont vite les

    larmes aux yeux dans les situations dattendrissement, se

    crispent dans les climats de stress et se rvoltent quand ils

    peroivent de linjustice. Ils sont sensibles au ton employ,

    aux mots prononcs, aux expressions du visage, la

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  • 38 De lhypersensibilit lhyperlucidit

    gestuelle de leur entourage. Cette hypersensibilit les rend

    avides de prcision. Pour eux, un mot est rarement syno-

    nyme dun autre puisque chacun apporte sa nuance.

    Alors, ils sont capables de chipoter pour une inexactitude

    ou une approximation. Trs susceptibles, ils sont vite blesss par les critiques, les reproches, la moquerie ou les inten-

    tions caches de leurs interlocuteurs, quils pressentent

    instinctivement. Cest trs frustrant de percevoir une foule dinformations et de se heurter au dni des proches qui

    ne les ont pas perues. Mais non, tu te fais des ides !

    est certainement la phrase la plus frquente et la plus frus-

    trante que les surefficients mentaux entendent quand ils essaient de partager leurs impressions.

    Leur niveau dintrt, leur qualit dattention et leur

    capacit se sentir concern par le monde qui les entoure

    sont videmment proportionnels leur hyperesthsie. Dans une interview, Amlie Nothomb expliquait un journaliste

    aussi amus qutonn, quelle se sent coupable ds quil se produit une catastrophe dans le monde. Elle insistait :

    Quil y ait un tremblement de terre, une guerre ou une

    famine, jai limpression que cest de ma faute et que jy

    suis pour quelque chose. Ainsi toutes les informations

    quils reoivent touchent profondment les surefficients mentaux, parce quils se sentent concerns par le monde

    entier. linstar dAmlie Nothomb, il est frquent que les

    surefficients mentaux se sentent coupables du mauvais fonctionnement du monde et de leur propre passivit.

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  • Je pense trop 39

    Nous le verrons plus loin, le raisonnement des surefficients mentaux est rgi par lhmisphre droit. Or, le cerveau droit est essentiellement gouvern par les motions et laffectif.

    On pourrait dire que les informations transitent par le cur

    avant darriver au cerveau. Dans ces conditions, rester froid et rationnel est quasiment impossible. Les hypersen-

    sibles sont envahis par leurs motions comme autant de

    temptes incontrlables. Balads par leurs changements

    dhumeur, ils font des montagnes russes entre anxit,

    accs de colre ou de rage et des moments de dprime. Mais ils sont aussi capables de senthousiasmer, de surfer

    sur des vagues deuphorie et de ressentir de vrais moments

    de joie pure.

    Cette hypersensibilit pose beaucoup de problmes. linconfort dtre impuissant garder le contrle sajoute

    lincomprhension de ses propres mcanismes et la

    dsapprobation de lentourage. Car, dans notre socit,

    les gens sensibles, motifs et affectifs sont encore trop

    souvent considrs comme des gens fragiles, immatures

    et pulsionnels, donc forcment nafs, stupides et irrflchis. La psychologie a mme trs vite le rflexe de les tiqueter borderline .

    Si vous faites partie des gens sensibles et motifs, vous ne

    le savez que trop ! Votre entourage vous fait sans cesse la morale et vous gronde comme un enfant. Cest stupide de

    pleurer ou de sindigner pour si peu. Il ne faut pas prendre

    les vnements autant cur. Il faut sendurcir. Bref, si lon coute les rflexions, les critiques et les conseils donns en

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  • 40 De lhypersensibilit lhyperlucidit

    boucle aux hypersensibles, il serait prfrable dtre dur,

    froid et insensible en toutes circonstances. Est-ce vraiment

    la solution ? Il ny a pas si longtemps, on le croyait encore.

    Seul comptait lesprit rationnel, la logique et les dcisions

    sans affects. Les motions taient nos ennemies et ne pou-

    vaient que nous garer dans nos choix et nos dductions.

    Heureusement, depuis quelques annes, le vent tourne, car on commence sapercevoir que les motions ont un

    rle significatif dans le processus de la pense et dans la prise de dcision. On parle maintenant de QE (quotient

    motionnel) pour dsigner cette intelligence motion-

    nelle. Ce QE mesure les comptences de lindividu dans

    les domaines du contrle de ses pulsions, de sa motivation

    personnelle, de son empathie et de sa capacit sen-

    tendre avec les autres. Les surefficients mentaux ont un grand potentiel motionnel qui les encombre plus quil ne

    les comble tant quils nont pas appris le dompter.

    Jugs, critiqus, honteux de ce quils sont, les gens

    hypersensibles ont bien videmment une image dplo-

    rable deux-mmes. Pourtant, essayons dimaginer un

    monde sans lexpression de cette sensibilit exacerbe. Il

    ny aurait aucune crativit, pas dempathie, plus dhu-

    mour. La population serait rationnelle, dans le self-control

    permanent et sans chaleur. Que deviendrait lhumanit

    sans capacit sindigner, se rvolter et surtout sans cet

    enthousiasme souvent compltement fou mais si conta-gieux ? Lhypersensibilit est un rel contrepouvoir.

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  • Je pense trop 41

    Lhypersensibilit fait partie dun tout. Si vous tes

    hypersensible, vous avez les qualits de vos dfauts et

    probablement tous les traits de caractre suivants : Vous tes quelquun de bienveillant, daltruiste et de chaleureux

    dans vos relations. Avec vous-mme, vous tes exigeant,

    toujours prt la remise en question et capable dauto-

    drision. La force de votre intelligence est votre ouverture

    desprit, la curiosit, lhumour et une innocence aussi

    rafrachissante que crative. Enfin, votre sens de la justice, votre droiture, votre intgrit et votre authenticit sont sans

    pareilles. Plus vous vous accepterez dans ce que vous tes,

    mieux vous arriverez grer cette merveilleuse sensibilit.

    Car la cl pour grer efficacement son QE est la connais-sance de soi. Au fur et mesure que lon avance dans

    cette connaissance de soi, on se comprend et on devient

    mme de nommer et accueillir ses temptes motion-

    nelles. Vos motions deviennent ainsi vos amies et vos guides.1

    Lhyperaffectivit

    Le cerveau des surefficients tant rgi par laffectif, aucune situation ne peut en faire abstraction. Les surefficients men-taux ont rellement besoin daffection, dencouragements,

    de chaleur humaine, de contact et mme de clins, dun

    climat relationnel serein et positif. Ayant un ego trs faible, ils sont maladivement sensibles au jugement dautrui, quils

    1. Du mme auteur, motions, mode demploi, ditions Jouvence.

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  • 42 De lhypersensibilit lhyperlucidit

    ne savent pas relativiser et ont en permanence besoin

    dtre rassurs sur eux-mmes. Cela est considr comme

    une incongruit par les gens normaux. Pourtant, dans son

    livre Voyage au-del de mon cerveau, Jill Bolte Taylor1

    raconte comment, lors de son accident vasculaire cr-

    bral, elle a brusquement ressenti intensment ce manque

    dego, ces besoins daffection, de douceur et dencoura-

    gements quand son cerveau gauche sest retrouv hors

    circuit et quelle a d fonctionner uniquement avec son

    hmisphre droit. Pour la premire fois de sa vie, elle captait les intentions bienveillantes ou le stress de ses interlocuteurs

    et elle y tait particulirement sensible. Pour elle, ctait une dcouverte. Pour les surefficients mentaux, cest juste leur quotidien.

    Lapprentissage, notamment, nest possible que si

    lenseignant et la matire apprendre sont investis affec-tivement. Cest pourquoi dire un surefficient mental quil travaille pour lui et non pour son professeur ou pour ses

    parents est une ineptie.

    Quand je lui explique cela, Christine sourit et raconte :

    En seconde, jtais amoureuse de mon professeur de

    physique : jai eu 18/20 de moyenne toute lanne. Lanne

    suivante, dans la mme matire, mon professeur tait une

    vieille dame. la dception de ne plus avoir mon professeur

    chri sest ajout le fait quelle tait froide et distante. De plus

    elle avait mauvaise haleine. Jai donc tout fait pour viter

    davoir lui parler de prs. Je lai eu deux ans de suite et ma

    1. Voir bibliographie.

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  • Je pense trop 43

    moyenne en physique est tombe 4/20. Le jour des rsul-

    tats du bac, cette enseignante sest dplace pour venir

    voir les rsultats de ses lves sur le tableau daffichage. Elle tait la seule prof tre venue. Toujours aussi rserve, elle

    avait nanmoins lil humide et son contentement de nos

    russites se lisait clairement sur son visage radieux. Si javais

    su quelle nous aimait ce point et que sa froideur ntait

    quapparente, je pense que jaurais continu avoir une

    excellente moyenne, jusquau bac. Jai longtemps culpabi-

    lis de lavoir mjuge. Vous vous en doutez : en finissant ce rcit, Christine peine retenir ses larmes.

    En entreprise, cest une souffrance particulirement forte pour les surefficients mentaux de devoir travailler dans une ambiance morose ou ngative et dobir aux ordres dun

    chef stupide ou imbu de son pouvoir. Ils se bloquent sous les

    cris, les rprimandes et la pression. Idalement, il faudrait

    sabstenir de toute critique, beaucoup fliciter et rassurer

    et leur montrer quon leur fait confiance : leur envie dtre la hauteur de nos attentes et de nous prouver de quoi ils

    sont capables est leur meilleur moteur. Mais rares sont les

    entreprises privilgier les encouragements plutt que les

    remontrances.

    La gestion du stress

    Grce aux travaux de Muriel Salmona, psychotraumatolo-

    gue, on connat mieux le fonctionnement du stress sur le plan

    JepenseTrop.indd 43 23/11/11 10:42

  • 44 De lhypersensibilit lhyperlucidit

    crbral. Une glande dans notre cerveau, appele amyg-dale, fait fonction de systme dalarme. Elle est charge de dcoder les informations qui lui proviennent du monde

    extrieur et de dcider sil y a matire paniquer ou pas. Dans les situations dagression physique ou psychologique, elle sactive et dclenche la production des hormones du

    stress, le cortisol et ladrnaline, par les glandes surrnales.

    Grce laction de lamygdale, tout lorganisme se met

    sous tension pour nous permettre de fuir ou de combattre.

    Les hormones du stress rendent instantanment disponibles

    les ressources de notre organisme en augmentant notre

    acuit sensorielle, la rapidit de nos rflexes et la force de nos muscles. Le flux sanguin, le rythme cardiaque et la respiration sacclrent et les muscles se contractent, prts amorcer laction. Il ny a plus qu lutter ou dguerpir.

    Mais dans beaucoup de situations de stress, la fuite ou

    le combat sont impossibles ou inadapts. Dans ce cas, lamygdale crbrale saffole en vain et cest la surchauffe.

    Les centres nerveux au niveau du cortex, censs analyser

    et modrer les ractions sont dpasss par les signaux

    dalerte. Pour viter que le survoltage de cette amygdale

    provoque la mort de la personne dun arrt cardiaque par

    overdose dadrnaline ou son empoisonnement neuronal

    au cortisol, le cerveau dclenche une sorte de court cir-

    cuit en envoyant de nouvelles substances chimiques : de

    la morphine et de la ktamine, qui vont faire disjoncter le

    systme dalarme. Lamygdale est mise sur off . Ds que lamygdale est neutralise, la personne est brusquement

    coupe du monde, elle flotte comme dconnecte de ses

    JepenseTrop.indd 44 23/11/11 10:42

  • Je pense trop 45

    motions. Pourtant, la situation stressante na pas disparu,

    mais la personne ne ressent plus rien, ce qui lui donne un

    sentiment dirralit totale du moment prsent. On appelle

    cela la dissociation. La personne devient spectatrice des

    vnements en cours.

    Ce mcanisme de dissociation permet de rester en vie,

    mais comporte de srieux inconvnients. La personne

    reste dans son environnement stressant et ne cherche plus

    rsoudre une situation pourtant nfaste. De plus, le pro-cessus de gurison ne peut plus se mettre en route. Isole,

    anesthsie par les dcharges permanentes de morphine

    et de ktamine, lamygdale ne peut pas vacuer le choc

    motionnel vers une autre structure : lhippocampe, qui

    est lquivalent dun logiciel de traitement et du stockage

    des souvenirs et des apprentissages. La situation stressante

    va rester pige en ltat dans lamygdale. Pendant des

    annes parfois, chaque flashback, la personne va revivre mentalement le souvenir intact, dans son intensit origi-

    nelle. Puisque lamygdale a d disjoncter, cest un moment

    trs violent qui a t pig et qui sera revcu en boucle, tel quel. Cest ce mcanisme quon appelle le stress

    posttraumatique .

    Chez les surefficients mentaux, il a t not une sensi-bilit particulire de lamygdale crbrale et un seuil de ractivit particulirement bas. Peut-tre cela est-il d au fait que lamygdale est en permanence sollicite par

    lhyperesthsie et lmotivit, donc plus ou moins natu-

    rellement en tat de vigilance. Alors, chaque invasion

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  • 46 De lhypersensibilit lhyperlucidit

    motionnelle, une dconnexion mentale se produit. Le

    cortex prfrontal, sige du raisonnement, donc du raison-nable est mis hors jeu. La rflexion est rendue impossible. Dans ce cas, les surefficients mentaux peuvent prononcer des mots absurdes ou poser des actes aberrants. Ils en

    seront les premiers atterrs quand le lobe prfrontal fonc-

    tionnera nouveau normalement. Cest ce qui fait douter

    les surefficients de leur intelligence : ils savent quils peuvent se montrer tellement stupides parfois !

    Ces dcrochages inopins peuvent se produire nim-

    porte o, nimporte quand. Les surefficients mentaux les vivent comme des difficults de concentration, des chap-pes dans le rve et des absences pnibles. Elles sont

    quasiment systmatiques dans les soires festives. linstar

    de Camille, brusquement, le surefficient mental dcroche. Il trouve les conversations banales et ennuyeuses, les plai-

    santeries lourdes et stupides. Comme il nest plus du tout

    dans lambiance, il se demande ce quil fait l et na plus

    quune envie : rentrer chez lui !

    Le stress post-traumatique provient de situations intenses

    piges dans lamygdale et qui se ractivent telles quelles.

    chaque dcrochage, cest une nouvelle situation qui

    reste pige dans lamygdale et qui ne pourra pas tre

    traite, dbriefe ni apaise par lhippocampe. Les sureffi-cients mentaux sont donc en stress post-traumatique latent

    propos de beaucoup de situations. Par un phnomne dempilement, ces rminiscences stressantes les rendent

    de plus en plus ractifs. Certains choisiront de vivre dans

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  • Je pense trop 47

    une dissociation quasi permanente, dintellectualiser toutes

    les situations charges motionnent et ne se reconnatront

    plus dans le profil des hypermotifs. Ils auront au contraire limpression que plus rien ne les touche, que le prsent

    na pas de consistance, quils flottent ct de leur vie. Les mcanismes de dfense quils mettent en place pour

    prendre de la distance avec leurs affects peuvent les faire

    passer pour froids et insensibles, mais cette image nest

    quextrieure. Dedans, a continue bouillonner.

    Lhyperempathie

    Pour complter ce tableau, les surefficients mentaux sont des gens hyper empathiques. Ils captent, devinent et

    surtout ressentent instantanment ltat motionnel des

    gens qui les entourent, mme quand ils ne les connaissent

    pas. Dinstinct, ils savent quand a va, quand a ne va pas et simprgnent des motions des autres, comme de vritables ponges. Mais attention la confusion : leur

    empathie ne veut pas dire compassion, elle est plutt syno-

    nyme dinvasion motionnelle. Ils aimeraient bien ne pas

    ressentir les souffrances des autres. Cest souvent de faon

    soudaine et involontaire quils sont submergs par les tats

    dme des gens quils croisent. Beaucoup sen plaignent,

    cest tellement violent parfois. Cest pourquoi certains ne

    supportent pas la foule et la fuient. Outre le bruit, le mou-

    vement, les stimulations sensorielles trop nombreuses, cet

    envahissement motionnel est perturbant et puisant.

    JepenseTrop.indd 47 23/11/11 10:42

  • 48 De lhypersensibilit lhyperlucidit

    Vronique mexplique : Moi, cest dans les supermarch que je me sens le plus mal : je capte toutes les angoisses

    des gens. Alors, je fuis les grandes surfaces et je fais mes

    courses aux heures creuses, dans de moyennes surfaces.

    Je fais le plus vite possible en restant ferme et concentre

    sur ma liste de courses et je me sauve au plus tt de ces

    endroits maudits !

    Lhyperempathie fait nanmoins dvelopper une

    grande bienveillance. Dune part, elle permet de com-prendre sincrement les gens et ds quon comprend, on na plus envie de juger. Dautre part, quand on est empa-thique, il est impossible dtre serein ct de quelquun

    de triste ou de rester calme ct dune personne stres-

    se. Comme le surefficient mental ne peut tre bien que si les autres le sont, il doit soccuper de son entourage et faire

    rgner lharmonie pour pouvoir enfin tre bien lui-mme. Enfin, puisque la personne empathique serait la premire souffrir du mal quelle ferait autrui, elle est condam-

    ne la gentillesse. Faire dlibrment du mal est une

    absurdit pour les surefficients. De nature dsintresse par ailleurs, ils ont du mal concevoir que certains puissent

    tre mesquins, calculateurs et intresss. Comme ils appli-

    quent aux autres leur fonctionnement, ils pensent que la

    gentillesse ne peut tre quun tat dtre, pas un calcul.

    Alors, la mchancet gratuite et la malveillance sont

    compltement inconcevables pour eux. Cest un non-sens absolu. Cela les rend trs vulnrables aux manipulateurs et aux escrocs en tout genre. De trahison en trahison, toutes plus incomprhensibles les unes que les autres puisque la

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  • Je pense trop 49

    malveillance nexiste pas, certains surefficients mentaux deviennent aigris, mfiants, voire paranoaques et se replient sur eux-mmes. Lisolement peut devenir leur seul

    moyen de protection.

    Les surefficients mentaux sont trs apprcis pour leurs qualits dcoute et pour le rconfort quils savent offrir

    aux gens en difficult. Beaucoup en font la base de leur mtier.

    La tlpathie

    Quand on a de telles capacits capter linformation,

    lire le langage non verbal, dtecter le moindre change-

    ment dintonation ou dexpression, quand on sait ressentir

    les motions des autres, on en arrive lire dans leurs pen-

    ses. La plupart des surefficients mentaux pratiquent naturellement la tlpathie, sans mme le savoir. Pour

    eux, cest naturel de deviner ltat motionnel des gens,

    de connatre leurs attentes et leurs penses. Mais cette

    attention soutenue quils portent naturellement aux autres

    peut tre trs drangeante recevoir pour qui nest pas authentique et centr.

    Christine me raconte : Avant-hier, je me suis arrte

    chez une amie pour dposer un livre. Elle tait absente et

    cest son mari qui ma ouvert la porte. Ce couple est en

    plein divorce et le mari croit que sa femme sest fait monter

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  • 50 De lhypersensibilit lhyperlucidit

    la tte par ses amies et plus particulirement par moi. Jai

    ressenti instantanment toute la rage quil a mon gard

    et jai entendu toutes les insultes quil nose pas me crier.

    Lui sest senti mis nu par mon regard et jai bien vu que

    a augmentait sa haine mon gard. Je suis vite repartie.

    Il ma fallu un bon moment pour vacuer tout ce ngatif

    quil ma envoy.

    Puisque eux savent si bien deviner les humains, ils pen-

    sent quon les devine en retour. Lindiffrence des gens

    leur gard leur parat dautant plus choquante et blessante

    quils la croient dlibre. Cest la fois un soulagement

    de comprendre quil nen est rien, que la majorit des per-

    sonnes ne lisent pas le non-verbal, sont peu au contact des

    motions et ne devinent rien de ce que pensent leurs sem-

    blables. Mais cest aussi un deuil faire de cette attente

    davoir un jour en retour la qualit dattention quils savent

    donner aux autres.

    Lhyperlucidit

    Annie me dit : Je vois tout, je sais tout, rien ne mchappe.

    Je sais quand les gens se sont lavs ou pas, sils portent

    les vtements de la veille et sils se lavent les dents. Je

    vois les chaussures non cires, lourlet dcousu, le bouton

    manquant. Je vois tous les dtails, mme les plus infimes, mais je perois aussi la personne dans sa globalit. la

    faon dont les gens shabillent, se tiennent, parlent, je

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  • Je pense trop 51

    sais instantanment qui jai affaire. En fait, ce nest pas

    que je veuille savoir, cest que je ne peux pas ne pas voir,

    cest plus fort que moi. Je sais que mon acuit drange

    car mme si je ne dis rien, les gens sentent que je sais tout

    deux et ils sont trs mal laise avec moi. Je vois aussi les

    gens se mentir eux-mmes, semptrer dans leur manque

    de logique. La moindre remarque de ma part leur parat

    cinglante tant ce que je dis est justement lvidence quils

    cherchaient fuir ou la question quils refusent de se poser.

    Dans toutes les situations, je vois immdiatement ce qui

    cloche et ce quil suffirait de faire pour que tout aille bien. Je sais toujours davance ce qui va se passer. Cest pui-

    sant, drangeant. Je me sens trs seule.

    De la tlpathie lextralucidit, il ny a quun pas que la plupart des surefficients mentaux ont en gnral franchi. Extralucide, cela veut juste dire trs lucide . Cela na rien de magique. Il suffit dtre attentif tous les petits dtails et les connecter entre eux pour savoir intuitivement ce qui

    nest pas forcment dit ou montr.

    Ce couple qui prtend sadorer, moi je dis quil ne

    saime pas vraiment. Pourquoi ? Je ne sais pas. Cest une

    intuition. Ils ne se sont pas adress un seul regard complice

    ou geste tendre pendant la soire. En gnral, laffirma-tion est contre instantanment : Mais non, tu vois le mal

    partout ! Cest parce quils ntaient pas seuls ! Lorsque,

    quelques semaines plus tard, le couple en question se

    spare, tout le monde stonne et le surefficient mental est frustr. Il lavait bien dit, mais il tait pass pour un oiseau

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  • 52 De lhypersensibilit lhyperlucidit

    de mauvais augure. Il devra donc sabstenir de rappeler

    quil le savait. Et les surefficients mentaux, linstar de Cassandre, voient, entendent et ressentent beaucoup de

    choses lavance, mais sont condamns au silence, par le

    refus gnral dentendre leurs avertissements.

    Le syndrome de Cassandre

    Cassandre tait une belle princesse troyenne. Elle eut de

    nombreux courtisans qui apportrent leur soutien son pre, Priam, roi de Troie et dHcube, dans lespoir de lpouser un jour. Mme le dieu Apollon tomba amoureux

    delle et elle se promit lui en change de lapprentissage

    de lart de la divination. Mais une fois instruite, elle changea

    davis et lui refusa ses faveurs. En reprsailles, Apollon lui ta

    alors le pouvoir de persuader. Ainsi, malgr lexactitude de

    ses prdictions, personne ne croyait Cassandre. Elle prdit

    en vain le malheur quengendrerait le voyage de Pris

    Sparte, le traquenard du cheval de Troie et la destruction

    complte de la ville.

    Cest par analogie avec cette histoire, quon appelle

    syndrome de Cassandre , cette position, bien connue des surefficients mentaux, de savoir ce qui va se passer et de ne pouvoir prvenir, ni empcher le futur de se rali-

    ser. Il peut y avoir diffrentes lectures de ce syndrome de

    Cassandre.

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  • Je pense trop 53

    La premire lecture est la souffrance et lisolement que vivent ceux qui savent. Ils voudraient se rendre utiles et

    empcher linluctable, mais ils sont rabrous par leurs pairs

    comme tant des rabat-joie et des oiseaux de mauvais

    augure. Quand la prdiction se ralise, il est impossible aux

    clairvoyants de rappeler aux autres quils avaient prvenu.

    Sils essaient seulement de dire : Je vous lavais bien dit ! , les ractions seront vives et peu amnes.

    La seconde lecture concerne lincapacit renoncer

    avoir raison. Le clou qui dpasse appelle le marteau ,

    dit un proverbe japonais. Pour sa popularit, il vaut mieux

    chouer avec les conventions que de russir contre elles.

    De mme, il est prfrable davoir tort avec la foule que davoir raison contre elle. Cest ce que la sagesse popu-

    laire appelle savoir hurler avec les loups . Pourtant, certains sobstinent crier leur vrit, quitte prcher dans

    le dsert et au risque de devenir la rise de tous. Ceci dit, le

    rire peut tre un bon vecteur pour se faire entendre. Cest

    ce que semble avoir compris Jean-Claude Van Damme. Il amuse tout le monde, mais comme on cite beaucoup

    ses propos pour le plaisir de sen moquer, ce quil dit est

    finalement largement diffus ! Cest une autre faon de rcuprer son pouvoir de persuasion. un moment donn,

    le rieur peut devenir songeur et se dire : Finalement, il y a

    du vrai dans tout a !

    Une autre lecture du syndrome de Cassandre est la ncessit de possder galement les capacits de per-

    suasion. Apollon a bien choisi sa punition : Cassandre a

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  • 54 De lhypersensibilit lhyperlucidit

    cruellement expriment quel point le don de divination

    est inutile sans la capacit de convaincre. Il faut donc

    dvelopper un grand charisme pour pouvoir faire partager

    la foule sa vision du futur. Il ne faut pas non plus sous-

    estimer la quasi-impossibilit de faire merger des positions

    contrariantes. Quand une croyance est largement par-

    tage, lopinion du collectif est tellement puissante que

    toute voix discordante est disqualifie. Si tout le monde pense que les choses vont de mal en pis, mme avec des

    lments concrets prouvant le contraire, vous ne pourrez

    pas le ramener lobjectivit. De mme dans un contexte deuphorie, les appels la prudence ne peuvent pas tre

    entendus. Mais l, on drive sur le syndrome du Titanic.

    Si vous tes atteint du syndrome de Cassandre, vos

    intentions positives sont de faire profiter les autres de votre exprience. Mais il est des leons quon doit apprendre

    par soi-mme et cest chacun dexplorer ses fausses

    pistes. On apprend en se trompant. Alors, rsignez-vous

    garder pour vous ce que vous pressentez et laissez chacun

    voluer son rythme. Tout au plus, si lerreur risque davoir

    des consquences fcheuses, pouvez-vous essayer une ou

    deux mises en garde trs mesures, mais sachez vous taire trs vite si on ne veut pas vous entendre. Vous pouvez aussi poser temps la question que la personne oublie de se

    poser. Faites-le candidement, la manire de linspecteur Colombo et uniquement dans lide daider rflchir. Mettre ta machine laver dans ta loggia pour faire de

    la place ? Cest une bonne ide ! Et pour lvacuation de

    leau, tu vois a comment ?

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  • Je pense trop 55

    Les expriences mystiques

    Quand ils se sentent compris, reconnus, en confiance, quand la qualit dattention et dcoute est la hauteur

    de leurs attentes, aprs avoir prudemment test les capa-cits de leur interlocuteur encaisser linformation et tout

    en restant sur le qui-vive, prts rebrousser chemin au

    moindre signe dincrdulit, tant ils ont peur dtre pris pour

    des fous, les surefficients mentaux avouent vivre des exp-riences paranormales : tlpathie, tats extatiques de paix

    et damour pur, clairvoyance, sensation de communion

    avec la nature, prmonitions et parfois plus : capacit

    percevoir les auras, ressentir des prsences occultes, se

    souvenir de vies antrieures

    Avec beaucoup dhsitations, Pierre me confie quun jour o il tait assis au milieu du gent, face un beau

    paysage qui encourageait les tats de rverie et de mdi-

    tation, il a brusquement eu limpression de faire partie du

    gent qui lentourait. Il ressentait une paix et un amour

    universel indicibles. Cest une exprience troublante, peu

    facile expliquer, encore moins facile avouer.

    Jill Bolte Taylor est une scientifique rationnelle. Pourtant, pendant son accident vasculaire crbral, elle a vcu

    des tats dexpansion de conscience quasi mystiques.

    Entre autres, elle dcrit des tats de fusion avec lunivers,

    dimpression de ne faire quun avec le vivant et aussi de

    baigner dans une mer damour universelle.

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  • 56 De lhypersensibilit lhyperlucidit

    Encore une fois, il ny a rien de magique dans tout cela.

    Pierre et son gent sont effectivement frres, scientifique-ment parlant. Le code gntique humain se compose des

    quatre mmes nuclotides que celui de tous les organismes

    vivants. Il suffit den avoir conscience pour fusionner avec la nature et se sentir proche de tout tre vivant, mouches

    et plantes vertes incluses. Avec leur esprit global, la majorit

    des surefficients mentaux se sentent appartenir un tout et ont un grand respect de la vie sous toutes ses formes.

    De mme, dans labsolu, tout est compos datomes en mouvement dans une mer dnergie, nous compris. Alors,

    finalement entre une table et nous, il ny a sans doute quune diffrence de quelques atomes et de frquence

    de vibration. De linfiniment grand linfiniment petit, nous avons la facult, dans notre hmisphre droit dexprimen-ter tous ces tats. Jill Bolte Taylor avait mme atteint une

    vision en pixels. La ralit navait plus de contours dfinis. Elle voyait son environnement comme un tableau impres-

    sionniste et ne percevait que le mouvement dans une mer

    de points. Je pense que cest ce qui explique lincroyable

    humilit de la plupart des surefficients mentaux et de leur refus de se sentir suprieurs. Ils savent tellement ntre

    quune goutte deau dans locan de la vie.

    Moins agrable vivre, les surefficients mentaux dcri-vent des sensations dtre envahis par les tats internes

    ngatifs des autres. Ils disent parfois sentir des prsences

    paranormales ou faire des cauchemars tellement rels

    quils se demandent sil sagit dun cauchemar ou dun

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  • Je pense trop 57

    monde parallle. Jai entendu beaucoup de rcits de dons paranormaux, dexpriences spirituelles et sotriques. Je

    crois en la sincrit des surefficients mentaux qui mont confi leur vcu. Pour autant, je ne souhaite pas dvelop-per cet aspect de la surefficience dans ce livre.

    Jinvite ceux qui souhaitent approfondir ce sujet, lire

    les excellents livres de Marie-Franoise Neveu1. Ils y trouve-

    ront des prolongements au sujet que je viens deffleurer. La physique quantique peut galement donner un clairage

    intressant certains de ces phnomnes. De toutes les faons, jencourage tous ceux qui sont interpells par ces

    phnomnes paranormaux poursuivre, leur rythme et en suivant leur intuition, cette qute spirituelle. Nous vivons

    objectivement dans un monde trop rationnel ou le dieu

    carte bancaire ne suffit pas combler notre soif de connexion. Il est nanmoins important de ne pas sgarer

    dans cette qute de sens. Noubliez pas votre bon sens sur

    les fausses routes de la spiritualit.

    Dans ces premiers chapitres, nous avons explor cette hypersensibilit qui est la vtre et qui dbute avec ces cinq

    sens hyper dvelopps. Prenez le temps, maintenant de

    voir fonctionner ces capteurs si sensibles. Observez-vous

    rsonner comme du cristal. Jusqu prsent, on vous a sans

    doute souvent reproch ce que vous tes structurellement.

    Il est temps de laccepter et den tre fiers au point de le revendiquer.

    1. Voir biographie

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  • 58 De lhypersensibilit lhyperlucidit

    Amusez-vous avec votre hyperesthsie. En vous faisant

    de plus en plus confiance, vous allez raliser lampleur de vos aptitudes latentes. Vous tes capable diden-tifier une personne son parfum, son pas, de deviner les ingrdients dun plat, disoler un subtil filet de flte au milieu dune phrase musicale. Vous pouvez vous rappeler dune foule de dtails sensoriels, si vous acceptez de faire

    confiance votre mmoire et de la laisser travailler son ide. Osez vous fier ce que vous percevez et votre intui-tion. Maintenant, je vous emmne visiter la rive droite de votre cerveau.

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  • Je pense trop 59

    Chapitre IIIUn cblage neurologique diffrentLes diffrences entre cerveau gauche et cerveau droit

    Dans la premire partie, je vous invitais dcouvrir tous les aspects de votre hypersensibilit et ses consquences.

    Je vous propose maintenant dexplorer loriginalit et la

    puissance de votre pense.

    La plupart des gens pensent que le cerveau est le mme

    chez tous les tres humains et quil ny a de ce fait quune

    seule faon de penser et de rflchir. Cette croyance est inexacte. Biologiquement, notre cerveau est compos de

    deux hmisphres spars ne communiquant entre eux qu travers le corps calleux.

    Lorsque janime un sminaire sur les notions

    de cerveau droit et de cerveau gauche, je

    commence mon enseignement en dessi-

    nant le dessin ci-contre sur le paperboard.

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  • 60 Un cblage neurologique diffrent

    Je demande aux participants ce que reprsente ce des-

    sin. La rponse est unanime : Un visage qui sourit. Puis

    je dessine ct le dessin ci-contre. Avant

    que je me sois retourne, la remarque fuse :

    Cette fois, il nest pas content !

    Alors je demande au groupe ce qui lui fait

    dire que cest un visage et en quoi cela se

    voit quil sourit ou quil est mcontent. Et l,

    les choses se compliquent. Ben, cest un

    visage parce quil y a des yeux, un nez et une bouche !

    Non, il ny a ni yeux, ni nez, ni bouche. Il y a trois traits et deux

    courbes. Oui, mais la bouche, quand mme, elle sourit !

    La bouche ? Quelle bouche ? Cest juste une portion de

    courbe ! Rationnellement, il ny a pas de visage dans ce dessin et pourtant, nous le voyons tous. Cest ainsi que

    lon peut dcouvrir lexistence de nos deux hmisphres. Pour le cerveau gauche, il ny a que traits et courbes sur

    le tableau. Tout au plus le cerveau gauche reconnatra-

    t-il un 2, puisquil connat les symboles. Le cerveau droit

    voit instantanment un visage et mme les motions quil

    exprime, sans pouvoir expliquer pourquoi puisquil na pas

    la matrise du langage.

    Le cerveau gauche est linaire, mthodique, verbal et

    numrique. Il sait nommer, dcrire, dfinir. Il peut utiliser les nombres et leur arithmtique. Comme il est analytique, il

    dcoupe les ensembles et les traite tape par tape et

    lment par lment. On le dit aussi symbolique, abstrait,

    rationnel et logique. Il excute les tches squentiellement,

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  • Je pense trop 61

    chronologiquement et tablit des causes effets aboutis-

    sant des conclusions convergentes donc des solutions

    uniques. Ayant conscience de lunicit de la personne, le

    cerveau gauche incite lautonomie et lindividualisme.

    Le cerveau droit vit linstant prsent. Il privilgie linfor-

    mation sensorielle, lintuition et mme linstinct. Il peroit les

    choses de faon globale et peut restituer un ensemble

    partir dun seul lment, mme mineur. Souvent, il sait, mais

    ne peut expliquer comment il sait. Sa pense en arbores-

    cence est foisonnante et lui donne accs la pluralit des solutions. Affectif, motionnel, donc irrationnel, il se sent

    appartenir la famille humaine et mme au monde du

    vivant. Cela lui donne une vision altruiste et gnreuse.

    Chaque cerveau ayant sa logique, a aussi son langage.

    Celui du cerveau gauche sappelle le langage digital.

    Cest un langage objectif, logique, crbral. Il explique,

    interprte, analyse. Il sagit bien videmment du langage le plus utilis dans les domaines de la science, de lensei-

    gnement, des entreprises. Par contre il ne pourra pas cerner

    un problme dans sa totalit et se rvle inoprant quand il doit traiter des tats dme.

    Le langage du cerveau droit est dit analogique.

    Compos de figures, de symboles et de mtaphores, il est aussi le langage de la synthse, de la totalit. Il sert avoir une perception globale des choses. Cest aussi le langage

    de lhumour, des associations de sons, des ambiguts, des

    calembours et des jeux de mots, des confusions entre sens

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  • 62 Un cblage neurologique diffrent

    littral et mtaphorique. Il peut tre trs droutant pour un cerveau gauche.

    Ainsi, vous pouvez le constater : en fonction de lhmis-

    phre dominant chez eux, les gens traitent linformation diffremment, sintressent des choses diffrentes,

    pensent diffremment et donc ont des personnalits bien

    diffrentes. Leur fonctionnement est tellement diffrent

    quon pourrait dire que chaque hmisphre a sa person-nalit. Tout le systme logique dune personne et mme sa mentalit dpend de la localisation de son centre de

    raisonnement. La majorit des cerveaux (70 85 %) pr-

    sentent une dominance de lhmisphre gauche. Les cerveaux surefficients (15 30 %) ont une prpondrance de lhmisphre droit. Les diffrences de lun lautre des hmisphres sont suffisamment consquentes pour quon puisse avoir limpression de venir de plantes diffrentes, lorsquon ne partage pas le mme cblage neurologique.

    Si nous croyons que lautre fonctionne comme nous,

    nous nous attendons ce quil nous comprenne demi-

    mot et ce quil ait les mmes ractions que nous dans

    des situations similaires. Chaque socit dveloppe ainsi

    ses implicites sociaux, des faons de fonctionner ensemble,

    quil est inutile dexpliquer parce que tout le monde les

    connat spontanment. Les codes en vigueur dans nos

    socits occidentales conviennent parfaitement aux gens

    dont lhmisphre gauche est dominant, puisquils sont majoritaires. Les surefficients mentaux en revanche, ny comprennent rien. La logique des cerveaux gauches leur

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  • Je pense trop 63

    chappe. Ds lenfance, ils se heurtent des situations embarrassantes et incomprhensibles o ils se voient repro-

    cher dtre stupides, insolents ou provocateurs. lcole,

    sajoutent de nouveaux reproches : hors sujet, non respect

    des consignes. Leurs tentatives pour claircir les malenten-

    dus aggravent leur cas. Les adultes exasprs nlucident

    rien et leur rtorquent quils font exprs de ne pas com-prendre ! Cette incomprhension des implicites est trs inscurisante. Les surefficients mentaux sont toujours poten-tiellement sur le point de faire une gaffe, sentent dailleurs

    rgulirement une gne dans leurs rapports sociaux. Au cours dune conversation dtendue arrive brusquement

    un silence glac. Il sest pass quelque chose, mais quoi ?

    Emptr dans son malaise, le surefficient mental ne pourra pas tirer leon de cette situation parce quil naura pas

    dexplication poser sur ce qui sest rellement jou dans

    linteraction. Ce dcalage rend les contacts sociaux com-

    plexes et fatigants pour les cerveaux droits. Pourquoi les

    choses semblent-elles si simples pour les autres ?

    Cest peut-tre au niveau de lhumour que le dcalage

    se fait le plus sentir. Jrme me raconte : La situation que

    je dteste le plus, cest quand quelquun commence

    raconter une blague. Davance, je suis crisp lide quil

    va falloir rire alors que lhistoire ne sera probablement pas

    drle. Dans beaucoup de cas elle sera mme conster-

    nante et il faudra que jarrive cacher quel point elle

    me navre.

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  • 64 Un cblage neurologique diffrent

    Les surefficients ont normment dhumour, mais leur humour est tellement personnel quil est difficile parta-ger, mme entre surefficients mentaux ! Il est probable que les blagues qui font rire Jrme tomberont plat dans un

    public dhmisphres gauches.

    Le cerveau gauche permet la matrialisation de ses

    rves et la concrtisation des projets.

    Pour dvelopper le vtre, vous pouvez vous livrer aux

    activits suivantes : lire et crire, reprendre des tudes,

    effectuer des tches ncessitant concentration et prci-

    sion, comme le bricolage ou la couture. Certains sports,

    notamment les arts martiaux peuvent vous aider dve-

    lopper votre persvrance, votre endurance et amliorer

    votre matrise de lquilibre.

    Le cerveau droit est le sige de la crativit. Pour dve-lopper la vtre, adonnez-vous une activit artistique :

    peinture, dessin, collage, argile danse, musique, etc. Toutes

    stimulent lhmisphre droit. Certaines activits permettent au cerveau droit de canaliser son motivit et dapaiser le

    bouillonnement crbral : mditation, relaxation, Qi Gong,

    tai-chi, yoga, etc. Ces pratiques vous feront le plus grand

    bien.

    Nanmoins ce cblage neurologique est structurel. Il est

    possible de dvelopper les comptences de lautre hmis-

    phre, mais il est surtout important avant tout de saccepter

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  • Je pense trop 65

    tel que lon est et de savourer les normes possibilits de ce

    magnifique cerveau.

    La surefficience mentale

    Une pense en arborescence

    Manon doit faire un expos sur la Renaissance italienne.

    Elle sy attelle de bon cur, mais plus elle fouille le sujet,

    plus elle sy perd. Chaque dcouverte en amne dautres, qui leur tour en amnent encore de nouvelles. Il y aurait tant dire. Sans inhibiteur dinformation, comment slec-

    tionner dans toute cette richesse, ce qui mrite dtre

    abord de ce qui est secondaire ? Pousse par sa curiosit,

    elle musarde dans ses dcouvertes, fait des recherches

    affines sur un peintre et tombe en extase devant ses tableaux. Comme il est moins connu que les autres peintres

    italiens, elle aurait bien envie de le mettre en avant dans

    son expos, par esprit de justice, comme pour le rhabiliter.

    Mais la peinture nest quun aspect de la Renaissance. De grands philosophes ont model le Quattrocento. Il faudrait

    parler de Pic de la Mirandole, mais cest impossib