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Jay HaleyEntretien :Jay Haley

et Mony Elkaïm

Mony Elkaïm : Mon cher Jay, quefaisais-tu avant de rencontrerBateson et de faire partie dupermier groupe de Palo Alto ?

Jay Haley : J’étudiais le théâtre àl’Université de Californie. J’étais enlicence et durant le derniersemestre, quelqu’un a posé laquestion : « Pourquoi les gensvont-ils au cinéma ? » Cinquantemillions de personnes allaient voirun film à cette époque, tant ungrand film populaire pouvait avoirde succès. Il fallait qu’un filmpossède un pouvoir de séductiontrès important,pour attirer toutce monde. Voilàce quim’intéressaitquand j’ai quittél’université. Puisje suis allé àNew York, j’aiécrit pendant unan, j’ai vendu unrécit au NewYorker, et j’ai cruréussir dans ce domaine, mais jen’ai rien vendu d’autre pendantcinq ans. J’étais allé à New Yorkpour un an et je suis revenu enCalifornie lorsque mon père estdécédé. Je devais décider de monorientation pour gagner ma vie. Jesuis retourné à l’université pourfaire des études d’anglais et je mesuis inscrit à l’UCLA. On m’avait ditque, si je faisais une école debibliothécaire pendant neuf mois,je pourrais obtenir un emploi, car ily avait peu de bibliothécaires. Jesuis allé à Stanford (l’autreuniversité de Californie).J’apprenais la communication demasse pour obtenir ma maîtrise.A ce moment-là, j’ai découvertque Bateson était une des rares

personnes qui aient jamais étudiéun film. A l’époque il s’agissait d’unfilm de propagande allemand,Hitlerjunge Quex (1). Je suis doncallé le voir pour parler de sontravail d’analyse. Il m’a engagé surle projet. Nous nous sommesdisputés car il n’appréciait pasbeaucoup ma façon de voir ce filmen terme de complexe decastration (il y avait un couteautrès symbolique). J’étais plutôt unfreudien radical à cette époque etj’ai voulu rectifier ce qu’il faisait.Mais il aimait probablement cela,puisqu’il m’a recruté. Il a fait demême avec John Weakland quiétudiait des films chinois. Si bienque tous les trois nous étudiionsdes films. Bateson m’a permis determiner ma maîtrise tout entravaillant, et c’est comme cela queje me suis lié avec lui. Nous avonscommencé par l’étude de lacommunication en général et parles paradoxes dans la

communication,principalementdans lacommunicationanimale, ainsi quepar l’analyse desfilms au toutdébut.

M. E. : C’était enquelle année ?

J. H. : Début 1953.Finalement, il m’aengagé comme

secrétaire. J’étais déjà unbibliothécaire compétent àStanford, et ma rémunération étaitéquivalente à ce que je touchaisprécédemment, car il disposaitd’un contrat de recherche de deuxans. J’ai dû décider entre quitterStanford pour lui avec une sécuritéd’emploi pour deux ans, ou àl’inverse, devenir bibliothécaire. Jel’ai rejoint, et je ne l’ai pas quittépendant dix ans, sans sécurité.On avait des contrats d’année enannée, ou tous les deux ans.C’était précaire.

M. E. : C’était comment ?Quelle impression cela faisait detravailler avec Bateson etWeakland à cette époque ?Que faisais-tu comme recherche ?

Jay Haley

(1) Film tiré duroman deSchenzinger quis’inspira du destind’Herbert Norkis,jeune hitlérien tuéle 24 janvier 1931à Berlin (M.E.).

J. H. : Eh bien, c’était un peu detout, car Gregory était un hommeexceptionnel. Il était le chercheuren sciences sociales le plusimportant des dix dernièresannées, et il était une espèce demarginal à lui tout seul. Tu sais, iln’a jamais été professeur titulaire.Il a toujours été enseignant associé.Personne ne l’aurait engagécomme professeur. L’UCLA l’anommé administrateur, ce qui afait de lui le représentant del’université au Conseild’administration mais ils nel’auraient jamais nomméprofesseur. Il avait des problèmesavec les anthropologues car ilpensait très différemment de laplupart d’entre eux. Mais commedirecteur de recherche, il étaitformidable. Il a formulé pournous le problème des paradoxesdans la communication. C’étaitson contrat de recherche, et ilnous a laissés finalement assezlibres, si bien que nous pouvionsnous intéresser à ce que nousvoulions.

La communicationdu schizophrène

M. E. : Et c’était quoi à l’époque ?

J. H. : Eh bien j’ai commencé avecle cinéma et j’ai rédigé unmémoire sur un film populaire,puis je me suis intéressé àl’hypnose. J’avais rencontréErickson cette année-là, suivi sonséminaire, et entrepris d’étudierl’hypnose comme forme decommunication. John Weaklandm’a rejoint sur ce travail. De plus,en 1954, j’avais rencontré uninterne en psychiatrie qui m’avaitdit : « Si tu t’intéresses à lacommunication, tu devrais parlerà ce patient », et c’est ce que j’aifait. En fait, cet interne tentait detrouver quelqu’un pour leremplacer auprès de ce patient enraison de son départ. J’aicommencé des entretiens, et cethomme s’exprimait dans une sorte

de salade de mots. Il disait qu’ilvenait de la planète Mars, que lenom de sa mère était MargaretStaline. Ils l’ont attrapé alors qu’ildescendait la rue portant sur luiune machette. Personne ne savaitqui il était. On l’avait cru ivre, maisune fois dégrisé, il ne dessaoulaittoujours pas. Il ne voulait pas dired’où il venait, il disait qu’il était nésur Mars. Si bien qu’on l’a envoyéà l’hôpital de l’Etat. Il y était depuisdix ans lorsqu’il a fait allusion à unnuméro d’identification de l’armée.Finalement, ils ont vérifié qu’untype portant le même numéroavait été incorporé trois mois dansl’armée avant d’en être viré pourréforme liée à un état psychotique.C’est là qu’ils l’ont adressé àl’hôpital des Vétérans où jetravaillais. J’ai commencé à luiparler. Il avait une façon dediscourir intéressante. Il possédaitun talent extraordinaire dansl’utilisation du vocabulaire pourquelqu’un qui avait eu uneéducation primaire. C’était unouvrier qui allait de chantier enchantier. Il avait fini par travaillerdans les champs lorsqu’on l’aarrêté. Par exemple, si je luidemandais : « A quoi ressemblevotre mère ? », il répondait :« Elle est maigre comme un loup,maquillée comme une chatte avecune longue queue de scorpion quipique. » Tout ceci avec uneéducation primaire, ce qui nousintriguait énormément. J’aicommencé à parler de lui àBateson et nous commençâmesà l’enregistrer et à l’écouter.J’étais intéressé ainsi que Batesonpar sa façon de qualifier la réalité.Il éprouvait une grande difficulté àdistinguer si quelque chose étaitréel ou non, et cela nousintéressait particulièrement.Nous nous sommes d’abordattachés à sa perception, c’est-à-dire à nous demander s’il pouvaitpercevoir correctement ou non ;en effet, c’était la penséedominante, à l’époque, à proposde la schizophrénie. Ensuite nous

sommes passés à l’idée selonlaquelle c’était un message destinéà quelqu’un d’autre et passeulement une perception.Il créait une métaphore, et celaa déclenché notre intérêt pourles métaphores dans laschizophrénie. Notre premièrebourse de recherche se terminaiten 1954, nous devions trouver del’argent. Alors nous avons soumisune demande de bourse pourétudier la schizophrénie du pointde vue de la communication.Nous obtînmes l’argent, ce quinous donna deux ans. Batesonreçut l’argent pour étudier laschizophrénie du point de vue dela communication. Il l’obtint d’unindustriel qui dirigeait la fondationRockefeller. Bateson alla le voirpour lui parler de la recherche etle type lui a dit : « Vous avezl’argent. » Il a immédiatementcompris Bateson parce qu’il étaitdans la communication lui-même.Deux ans plus tard, au terme denotre recherche, nous n’avions pasproduit grand-chose. Nousexplorions les paradoxes, etBateson est retourné voir lamême personne à la fondationRockefeller pour unrenouvellement de budget, maiselle n’y était plus. Si bien queBateson s’attendait à un refus, etc’est ce qui s’est produit. CommeNorbert Wiener, le cybernéticien,

s avait rendu visite, Bateson luirit une lettre expliquant que lazophrénie est provoquée par personne qui est punie parcelle s’attend à être punie.nnait l’exemple de parentspant un enfant qui montre unuvement de recul lorsqu’il les de nouveau. Les parents setent alors en colère après luie qu’il recule comme s’ilendait à ce qu’on le punisses qu’il a été puni. De sorteattend qu’on le punisse. Jese que Bateson est retournér son renouvellement enendant à être puni par le refus,est ce qui est arrivé.

us avons alors décidé deger une demande de bourseujet de la schizophrénie ; nousns obtenu de l’argent pourx ans auprès d’une autredation. Je ne me souviens pluselle. Nous avons toujoursacceptés par de petitesdations. Nous n’étions pasement agréés par le NIMHtional Institute of Mentallth) ou autres.

. E. : Jay, tu as écrit en 1959 (2)

n article dans lequel tu insistesr le fait que le double lien, la

ouble-contrainte, ressemble à lalation entre deux personnesises dans une situation de porteurnante, dans laquelle personnee sait qui pousse qui, ni qui ammencé. Pour moi, cet articlet très important parce que,squ’alors, les gens parlaient duouble lien en terme de « quiège qui » ou « qui entrave qui ».s-tu eu des discussions avec leste du groupe avant d’écrirela ?

: Nous passions ensemble huitres par jour, pendant dix ans, ets avions des discussions infinies,orte qu’on ne peut pas dire deest vraiment née l’idée.us réfléchissions en terme deernétique et de systèmesulaires et il devenait clair queparents étaient liés par l’enfant

(2) « An interactionaldescription ofschizophrenia »,Psychiatry, 22, n° 4 :321-332(November 1959).

aussi bien que l’inverse.Pour la première famille que j’aivue, c’était absolument évident.Le fils de 43 ans, les parentsavaient aux environs de 70 ans,avait envoyé à sa mère une cartepostale pour la fête des mères,lui disant : « Tu as toujours étécomme une mère pour moi. »La mère en fit part dans la séance,disant : « Il y a quelque chose quine va pas avec cette carte. »Mais à l’inverse, elle était prisedans une sorte de lien qu’ilpouvait induire en elle, en disant« Tu as été comme une mère pourmoi. » Y arriver exige un certaintalent relationnel.

M. E. : C’est très intéressant. Ainsi,c’est une des premières famillesque tu aies vues ?

J. H. : C’est la première, tout leprojet commençait alors.

M. E. : Es-tu celui qui s’estintéressé au travail d’Erickson etl’a proposé à Bateson, ou bien leconnaissait-il déjà ?

J. H. : Il le connaissait déjà

M. E. : Ils étaient amis ?

J. H. : Bateson et Mead son allés àBali pour un séjour de recherche.Pendant environ trois ans, ils ontétudié les transes induites par lesdanses. A leur retour, ils ontconsulté Erickson à propos de latranse. Ils lui ont montré des filmsde danses en lui demandantd’expliquer si telle personne étaiten transe ou pas. Erickson ahypnotisé sa propre femme pourlui demander de participer à cetteestimation, à partir de l’idée qu’unepersonne en transe reconnaîtmieux des gens en transe quequelqu’un qui ne l’est pas.C’est ainsi qu’ils entrèrent enrelation, et Mead est devenuevraiment une amie des Erickson.Lorsque j’ai demandé à Bateson sije pouvais aller au séminaired’Erickson, je ne savais pas qu’ille connaissait. Il a dit : « Je vaisl’appeler et lui demander. »C’est tout.

M. E. : Je vois. Ainsi Erickson ahypnotisé sa propre femme ?

J. H. : Oui.

A propos du pouvoir

M. Elkaïm : Dis-moi, tu sais que lesétudiants en thérapie familiale ontentendu parler de la discussion, oudu désaccord, entre toi et Batesonà propos du pouvoir. Pourrais-tume dire s’il existait un conflitimportant à ce sujet pendant leprojet ?

J. H. : J’ai eu une discussion avecJohn Weakland là-dessus et ni l’unni l’autre ne nous rappelons queces sujets aient été, ne fût-cemême qu’abordés avec Bateson endix ans. Il ne s’est jamais montréchagriné de la façon dont jem’intéressais au pouvoir. J’écrivaisdes articles qu’il approuvaitofficiellement puisqu’il était citédans les notes à propos ducontrôle dans la psychothérapie.Je pense que c’est arrivé dix ansplus tard, après la fin du projet.On l’a poussé à accepter l’idée quela psychothérapie était une bonnechose et que le pouvoir en étaitun aspect important, et il n’a pasvoulu que cet aspect soitconsidéré comme lié à lui.Mais ce qui m’intéresse ici, c’estqu’il y a eu deux grandsthérapeutes qui étaient, dans lepays, les plus orientés vers cettequestion du pouvoir. L’un étaitJohn Rosen, qui faisait s’agenouillerdes psychotiques, et Batesonl’aimait énormément et nouspoussait à l’étudier. L’autre étaitErickson, qui disait : « Il vaut mieuxprendre le pouvoir quand vousfaites une psychothérapie », etBateson était parfaitementd’accord avec cela. Il ne semblepas que ce désaccord ait jamaisémergé pendant le projet.

M. E. : Ainsi, d’après toi, commentont commencé les discussions surle pouvoir ?

J. H. : Eh bien, je pense que celas’est produit une fois que le projet

fut terminé ; Bateson n’aimait pas lapsychothérapie, ni la psychiatrie,ni l’hypnose. Son projet s’estcentré sur ces trois terrains,parce qu’il nous a donné la libertéd’aller là où nous voulions, et c’estce que nous avons fait. Il a étudiécela, en a accepté le cadre, et aapprouvé notre démarche.Lorsque nous avons commencé àfaire de la psychothérapie, Batesonne voulait pas en faire lui-même.Il était anthrophologue et, en tantque tel, ne croyait pas qu’on dûtchanger les données. Tout ce quenous devions faire, c’était lesexaminer. En thérapie, vous devezchanger les données, vous essayezde changer le comportement desgens et vous essayez de le fairedélibérément. Il n’aimait pas cela.Il n’était pas gêné si quelqu’und’autre le faisait, mais il ne voulaitpas le faire lui-même. Ainsi, ileffectuait des psychothérapies oùil espérait que les genss’amélioreraient spontanément.Ou bien il leur faisait un cours,mais il ne faisait jamais « a pourobtenir b » ou quelquemanipulation que ce soit.Je pense qu’il a du faire de lapsychothérapie jungienne et quecela l’a influencé.

Le comportementdu schizophrènecomme adaptatif

M. E. : Ainsi, il voyait des patientspar lui-même, individuellement eten famille. Comment secomportait-il avec les patients ?

J. H. : Eh bien, il avait un grouped’alcooliques qu’il étudiait et voyaiten thérapie. Il leur était trèsdévoué. Il pouvait les ramener àl’hôpital lorsqu’on les trouvait ivresdans la rue. Il était à la fois trèsattentif et plein de compassionpour eux. Mais il n’a jamaisentrepris de psychothérapie aveceux au sens de se proposer dechanger leur comportement.Il n’utilisait pas l’approche

éricksonienne : proposer uneintervention paradoxale à unpatient alcoolique. Bateson étaitaussi direct et rationnel qu’il lepouvait. Il avait deux sortes depatients, un groupe était composéde ces alcooliques dont je viensde parler, un autre de patientsschizophrènes, lorsque nous avonstous commencé à en voir.Nous avons mené une étude detous les schizophrènes que nouspouvions examiner, et entreprisune série d’entretiens à proposde leur premier épisode, sur cequi les avait fait s’effondrer. Ce quiétait intéressant, selon moi, étaitqu’à cette époque toute laréflexion psychologique mettaitl’accent sur le passé comme causedu présent, et quand il a posél’hypothèse du double lien, c’étaitle produit d’une expérienceinfantile du passé. D’une certainemanière nous avons proposé unchangement en faveur de l’idéeselon laquelle le comportementdu schizophrène était adaptatif etapproprié à la situation présente.Si bien que c’était elle que nousdevions changer. Bateson n’a euaucun problème avec ceretournement. Il est passé del’enfance au présent sans aucunerestriction. Je pense que c’estgrâce à son expérienced’anthropologue.

M. E. : Tu recevais aussi desfamilles à cette époque. Qu’est-cequi t’intéressait en elles ?

J. H. : Il y avait un grand nombrede choses nouvelles d’un seulcoup. J’ai vu ma première familleparce que mon patient, celui de43 ans qui adressait à sa mère unecarte postale, pensait qu’il nepouvait quitter l’hôpital que s’ilretournait chez ses parents. Il nepouvait aller nulle part ailleurs. Etpourtant, il ne pouvait supporterde rester avec eux plus de cinqminutes, ou alors il tombait parterre, et on appelait des secoursqui le ramenaient dans le service.Je le voyais en individuel et il me

semblait que, s’il devait rentrerchez lui, il ne pourrait le faire enraison de sa terreur quil’empêchait d’être avec eux plusde cinq minutes. De sorte que j’aifait venir les parents pourcomprendre les raisons de sa peurvis-à-vis d’eux. Il s’est tenu deboutplaqué au mur, comme Jésus, maisil est resté dans la pièce, et nousavons discuté pendant une heure.Les parents ont expliqué combienil les faisait souffrir, quel enfantdifficile il avait été et comment ilavait disjoncté à 20 ans alors qu’ilétait soldat. Lorsque je l’airencontré, il avait 43 ans et il étaitrentré et sorti de différentshôpitaux pendant que ses parentstentaient de l’aider. J’ai pensé à cemoment-là, j’ai même écrit unenote dans un article à ce propos,que ce n’était pas de la thérapiefamiliale mais un examen familial.C’est seulement ensuite, lorsquej’ai mené une série d’entretiensdont le but était de les préparer àson retour à la maison, que tout achangé, et que nous avons penséà la schizophrénie commeproduite par la famille, et qu’uneaide appropriée pourrait changercela.

La naissance du miroirsans tain

M. E. : Jay, en général tu travaillesderrière le miroir sans tain et tusupervises. A quel moment as-tucommencé à travailler de cettefaçon ?

J. H. : Le miroir sans tain a étéintroduit, je crois, par unpsychologue du nom de CharlesFulweiler. Il travaillait du côté deBerkeley à San Leandro. C’était unfoyer pour adolescents. Ce qui luiarriva fut ceci (peut-être a-t-il étéle premier thérapeute familial) : ilvoyait une jeune fille qui avaitfugué de chez elle et qui avait étéramassée dans un bar de la vallée.On l’avait ramenée, placée dans lefoyer, et il voulait la tester. C’était

psychologue. Il testait eteignait ça. Aucun signerotique n’est apparu aux tests,en qu’ils ont pensé à uneple coïncidence, et ils l’onté partir. Quelques semainesès, on l’a ramassée de nouveaus un bar de la vallée. Elle était et elle est revenue. Il l’aée de nouveau, et de nouveaurien trouvé d’anormal.mme il était psychologue, celantrigué. Il s’est demandé, pourque raison, ce que pouvait sa situation à la maison, et ilenir ses parents. Il avait unoir sans tain car il supervisaitétudiants qui testaient desents. Il s’est mis derrière leoir pour regarder les parentsindre leur fille dans la pièce.avaient pas vu leur fille depuisemaines et se montraientnvoltes, plutôt tranquilles.ère dit : « Comment ça va ? », mère : « Est-ce qu’on peutver des cigarettes ici ? »

weiler, qui est quelqu’un d’assezest sorti de derrière le miroir etvenu dans la pièce, où il aelé le père à le rejoindre dansouloir. Il a dit : « Est-ce ques aimez votre fille ? », et lee a dit : « Evidemment », etweiler lui a dit : « Entrez dans lae et dites-le lui. » Le père est

enu, et Fulweiler derrière leoir sans tain regardait le père avec peine ; mais finalement ilt à sa fille qu’il l’aimait. A cement-là la fille et la mère ont

mmencé à pleurer et le pèrei. Ce fut une séance pleine

Jay Haley et LuigiBoscolo lors d’uncongrès organisépar l’I.E.F.S.H. àBruxelles (1989).

d’émotion, si bien que Fulweilerleur demanda de revenir lasemaine suivante et derecommencer. Il commença demettre en place une sorted’aménagement : il installait lafamille dans la pièce, les faisaitsortir, leur parlait, et les renvoyaitde nouveau dans la pièce.Ensuite il commença à lesrejoindre dans la salle, de derrièrele miroir.

M. E. : C’était quand ?

J. H. : Je l’ai découvert en 1957, etje crois l’avoir entendu dire qu’ilpratiquait comme cela depuis1953 ou 1954. Lorsque j’aientendu parler de lui, je suis allé levoir car nous n’avions jamaisentendu parler de thérapiefamiliale ailleurs. J’ai passé trenteséances avec lui derrière le miroir.J’ai été très intéressé par cettefaçon d’utiliser le miroir sans tain.On pouvait voir, et pourtantrester en dehors. Lorsque je suisrevenu, j’ai proposé que nousinstallions un miroir et c’est ce quenous avons fait. Il est importantpour la recherche d’observer uneséance familiale. Voilà commentnous avons installé un miroirunidirectionnel. Ensuite nous avonsreçu de nombreux visiteurs.Ils voyaient l’installation et ilsdisaient : « C’est de cette façonque vous faites de la thérapiefamiliale, avec un miroir sanstain ! » C’est ainsi que tout acommencé pour autant que je mesouvienne.

M. E. : Tu as donc commencé à

voir des familles derrière le miroirsans tain en 1957 ?

J. H. : Je dirais 1957, peut-être1956.

« Mes premières annéesen tant quepsychothérapeute »

M. E. : Et depuis lors tu vois desfamilles comme thérapeute ouplutôt comme superviseur via lesétudiants ?

J. H. : J’ai commencé à pratiquercomme psychothérapeute en1956, et j’ai continué pendantsept à huit ans. J’ai arrêté parceque je faisais de la recherche toutela journée et de la clinique le soiret les fins de semaine. Je faisais dela thérapie éricksonnienne, quiétait brève et de renouvellementrapide. Dans la journée nousvoyions des familles deschizophrènes à l’hôpital et j’envoyais le soir en pratique privée.De sorte que j’ai vu des famillesjusqu’après la fin du projet. J’aifailli y rester, afin de gagner mavie. Une des raisons pourlesquelles je voulais commencerFamily Process était mon espoird’en tirer un revenu et de laissertomber la pratique privée. Maisje n’ai jamais beaucoup gagnéd’argent.

M. E. : En fait, à partir de 1963,tu commences principalementà former des gens ?

J. H. : Non. En 1962, le projet s’estterminé, et je suis parti fairequelques expériences avec desfamilles au Mental ResearchInstitute, que Jackson venait decréer. Entre parenthèses, Jacksonexerçait une influence trèsimportante sur notre projet. J’aicommencé à faire de la rechercheet je voulais arrêter lapsychothérapie. Je voulais pouvoirétudier des familles sans avoir àpenser comment les changer.C’est très dur une fois que vousavez déjà commencé la pratique

de la psychothérapie. Je nepouvais pas voir une famille avecune mère obèse sans penser :« Je pourrais faire ceci et l’amenerà perdre du poids de cette façon »,au lieu de me dire simplement :« C’est une mère. » C’est alorsque j’ai écrit Strategies ofPsychotherapy. Tandis que jetentais d’étudier des familles et dequitter la pratique de lapsychothérapie, le livre acommencé à impliquer des gensqui voulaient des cours, desconférences, des discussions àpropos de thérapie, si bien queje me suis remis à lapsychothérapie. Ensuite j’aicommencé un enseignement dethérapie brève à Palo Alto, et cefut une conséquence de monlivre.

M. E. : En quelle année était-ce ?

J. H. : Ce devait être en 1963,lorsque le livre est paru. Avant celaj’enseignais l’hypnose et la thérapiebrève éricksonnienne.

M. E. : Et tu commençais lessupervisions à cette époque ?

J. H. : J’ai commencé auparavant.En 1959, nous avons obtenu unebourse du NIMH. En fait, deux :l’une pour étudier la thérapiefamiliale, ce fut Weakland qui enprit la direction, et une autre pourla recherche expérimentale auprèsde familles. Ce fut moi. Nousavons divergé à ce moment-là.C’était en 1959, 1960, 1961.

M. E. : Quand tu penses auxannées que tu as passées avecBateson, à celles où tu es allé voirrégulièrement Erickson, quellessont les premières idées qui teviennent à propos de l’un et del’autre ?

J. H. : Erickson était atypique enpsychiatrie comme Bateson l’étaiten anthropologie. Ni l’un ni l’autren’a suivi le cours normal de saprofession, car ils n’étaient pas enaccord avec elle, si bien qu’ils onttendu à se marginaliser et seressemblaient de ce point de vue.Ceci signifiait que j’étais libre de

choisir de penser ce qui meconvenait car je n’avais pas à meconformer à une idéologieparticulière. Il y avait vraiment unerévolution en psychothérapie àcette époque. Jusque vers lesannées 1950, il n’était pas d’usagede donner des directives enpsychothérapie. Sinon vousdeveniez un goujat. Il n’existait pasde thérapie comportementale nide thérapie familiale. Et l’une demes influences importantes fut àcette époque ma rencontre avecAlan Watts, en 1953. Ce fut uneannée bien chargée ! J’ai suivi unde ses cours sur la psychiatrieoccidentale et sur la philosophieorientale avec John Weakland. Jecommençais à entrevoir que cepouvait être un modèle enpsychothérapie. Dans laphilosophie zen, vous avez un

nombreux articles, mais aucunlivre. Nous aurions dû. Nous enavons d’ailleurs parlé. Mais aubout de ces dix ans, dix années,nous en avions un peu assez l’unde l’autre. Je veux dire… on avaitété ensemble huit heures par jourpendant dix ans. A se confronteravec des situations comportanténormément de responsabilités,controversées, à vivre sur le fil durasoir pour l’obtention de chaquesubvention. En fin de compte, cefurent Jackson, Watzlawick etBeavin qui écrivirent Une logiquede la communication.

Cet ouvrage résumait des idéesémanant de notre projet. Ce n’estpas un bon livre, et Bateson nel’aimait pas.

M. E. : Dis moi en quoi ce n’étaitpas un bon livre, et en quoi,

maître dont la tâche consiste àchanger quelqu’un, et il ne le faitpas simplement par laconversation ou l’exploration dupassé, il s’y prend de multiplesfaçons. De sorte que cetteréflexion à commencé à nousapparaître à cette époque commeune alternative à lapsychothérapie d’inspirationpsychodynamique et comme unesource d’inspiration pour notreprojet.

Une logique dela communication

M. E. : Finalement, tu n’as rienpublié en commun avecG. Bateson sur les recherches deces années ?

J. H. : Nous avons publié de

d’après toi, Bateson ne l’aimaitpas.

J. H. : Eh bien, Bateson m’a dit :« Ils m’ont pris une trentaine demes idées, et ils ne les ont mêmepas complètement comprises. »C’était juste suffisamment inexactpour qu’on ne soit pas tout à faitd’accord. Watzlawick n’avaitjamais fait partie du projet, etJackson n’était pas un théoricien.C’était un praticien et il étaittoujours très occupé. En fin decompte, c’est une assistantechercheuse qui l’a rédigé en grandepartie, Janet Beavin, Ph. D.

M. E. : Elle a rédigé une partie dulivre ?

J. H. : Je crois, Watzlawick aussi, caril écrit bien.

M. E. : Tu dis ceci : les idées étaientprésentes, mais pas comme

ateson ou moi nous les aurionsxprimées. Pourtant ce livre a jouén rôle important dans le champe la thérapie familiale.articulièrement en Europe oùour tout un chacun l’approchestémique à la psychothérapieest faite à travers Une logiquee la communication. Mais tuenses que cet ouvrage a joué unle moins important aux USA ?

: Certainement. Il a été diffuséniversité, mais il n’en est pasi. Il n’y avait pas de thérapieliale à l’université ; il y en avaits les instituts privés, car c’étaitdéveloppement nouveau quiéressait pas l’université. Mais ils

ent besoin d’une publication,s ils l’utilisèrent.

mpréhensionchangement

. E. : Je me rappelle qu’un jouras dit lors d’un congrès àuxelles que tu avais le mêmeoblème avec l’approchestémique en thérapie familialeu’avec la psychanalyse. Dans leseux cas, on essaye demprendre pourquoi quelqu’unit quelque chose mais onessaye pas de changer ceuelqu’un. Tu défendais l’approcheratégique où le thérapeuteense aux moyens de changer unmportement, plutôt quemplement le comprendre. Etci est une question très

mportante pour beaucoup deens en Europe, dont Mara Selvinialazzoli aujourd’hui. Beaucoupentre nous sont très intéressésar l’idée que les gens viennentous voir pour changer, et qu’ilsous paient pour cela.

: On a découvert ça en 1950.

. E. : Mais en même temps,ous avons un problème dempréhension, en essayant defléchir aux raisons poursquelles le patient se comportee cette façon. Ainsi, poureaucoup d’entre nous, il n’est pas

si évident que le fait decomprendre le symptôme à partird’un point de vue différent neconduira pas à un changement.De même, pour certains d’entrenous, il n’existe pas d’oppositiontranchée entre l’approchesystémique et celle qui mène auchangement ; si tu peux, parexemple, reformuler ce qui sepasse d’une manière telle quecela aide les gens à voir leurproblème autrement, cela peutouvrir de nouveaux possibles.Mais pour toi, c’est plus tranché ?

J. H. : Je pense qu’on peut parler àquelqu’un de ses problèmespendant des années, cela nechangera rien, à moins de fairequelque chose.

M. E. : Ainsi, selon toi, le fait derecadrer un comportement d’unemanière telle que les gens voientdifféremment leurs problèmes,n’est pas suffisant, tu dois fairequelque chose ?

J. H. : Il y a eu deux ou troiscontributions à la thérapiefamiliale. L’une d’entre elles fut laremise en question de l’idéeadmise jusqu’ici suivant laquellenos pensées organisent notrecomportement. Si l’on voulaitchanger quelqu’un, il fallait modifierses perceptions, ses pensées, etainsi de suite. Avec la thérapie defamille, on a formulé l’hypothèseselon laquelle notrecomportement structure notrepensée et génère nos idées. Parconséquent, si l’on veut qu’unepersonne pense différemment, ondoit modifier son environnement.C’était une idée révolutionnaire ettrès difficile à admettre par lesintellectuels, car ils ont toujourspensé qu’une compréhensionpertinente de l’homme procèdede soi-même. Si l’on se comprendsoi-même, on pourra êtredifférent.

M. E. : Mais Jay, vois-tu, dans mapropre pratique j’ai souventobservé des changementsimportants dès la première

séance. Je ne prescrivais pas detâches ; mais dans la séance jecréais une situation où je recadraisce qui se passait de façoncomplètement différente ; alors,on voyait un changement seproduire. Maintenant, peut-êtreest-il possible d’intituler « tâches »le fait que je créais cette situationqui changeait la relation entre lesdifférentes personnes.

J. H. : Mais, tu sais, il y a aussi laformulation classique de Bateson,selon laquelle chaque message està la fois information et injonction.Par conséquent, recadrer neconsiste pas seulement à informerles gens sur comment ils devraientêtre différents ; c’est aussi uneinjonction à changer.

M. E. : Au fond, tu dis clairementqu’un thérapeute doit accepterl’idée selon laquelle, mêmelorsqu’il se contente de reformuler,il est de fait impliqué dans uneinjonction, dans une action qui estautre chose qu’une simplediscussion.

J. H. : On ne peut pas ne pascommuniquer.

M. E. : On ne peut pas ne pasfaire d’injonction, même si on nele veut pas.

J. H. : Permets-moi un autrecommentaire : une fois que tu terends compte que tu fais desinjonctions, quoi que tu fasses,alors tu observes les événementsdifféremment. Carl Rogers disaitqu’il ne donnait pas de directives,qu’il se contentait de renvoyer enmiroir. Mais si tu l’avais observé entrain de renvoyer au patient sondiscours, tu aurais vu qu’ilsélectionnait ce qu’il renvoyait,qu’il ne réfléchissait pas tout.De sorte que le patient produisaitde plus en plus de ce que Rogersrenvoyait.

M. E. : Revenons à cette époque...

J. H. : Plus tard, ce qui m’ainfluencé fut le fait de former desnon professionnels à la thérapie.Je me suis rendu compte alors à

quel point la psychothérapie estnée à l’université. Les intellectuelsadorent méditer sur eux-mêmes,réfléchir aux raisons qui font agirles gens et expliquer lesévénements, plutôt que semobiliser simplement pourprovoquer un changement. Jepense que, dès lors que vousformez des gens qui ne sont pasdes intellectuels, alors vous voyezces derniers très différemment.

Bateson et lesexpériences ratées

M. E. : Avant d’arriver à cetteépoque, et au travail que tu asaccompli avec Minuchin, jevoudrais te questionner à proposd’une anecdote. C’est quelquechose qui est arrivé à DonJackson. Je voudrais simplementvérifier si c’est une fable ou sic’est réellement arrivé.Apparemment, on avait raconté àJackson qu’il verrait un patient quise prenait pour un psychiatre,alors qu’on racontait à ce dernier,qui était psychiatre aussi, la mêmechose à propos de Jackson.Ensuite on avait mis Jackson etson collègue ensemble. Est-ce quec’est vraiment arrivé ?

J. H. : Pas comme ça.

M. E. : Raconte-moi.

J. H. : Quand Bateson tentait uneexpérience, ça ne marchait jamais.Il ne pouvait pas tenter uneexpérimentation, peut-être parcequ’il avait trop le point de vued’un anthropologue. Il avait l’idéeque la schizophrénie procédaitd’une confusioncommunicationnelle à propos dela relation. Par conséquent, si l’onpouvait créer un contexte ou deuxpersonnes partaient deponctuations différentes à proposde leur relation, on pouvait obtenirun comportementschizophrénique. Il a invité Jacksona voir un patient à l’hôpital desvétérans de l’armée. Je crois qu’ona filmé cela. Cela doit être rangé

quelque part. Il s’agit de l’un desrares films que nous avons faits, carcela coûtait très cher. Il a installéJackson pour qu’il puisse voir lepatient et il a dit à ce dernier :« Un autre homme va venir. Il s’agitd’un patient qui se prend pour unpsychiatre. Il va donc vous parlercomme un psychiatre et vous allezvous comporter comme unpatient avec lui. Nous filmeronstout cela. » Finalement, Jackson estentré dans la pièce, de même quel’autre personne, mais ils seconnaissaient. Jackson n’a rien dit,pensant que peut-être le typeavait disjoncté et avait été envoyéà l’hôpital. Pendant ce temps,l’autre pensait : « Oh mon Dieu,peut-être que Jackson adisjoncté. » Si bien que tout esttombé à l’eau. Ce qui estintéressant à propos du film estque Jackson a orienté soninterlocuteur avec beaucoup detalent à prendre une position depatient, en menant l’entretien defaçon telle que, très vite, le patients’est mis à parler de sesproblèmes. Voilà ce qui est arrivé.Chaque fois que Bateson mettaitau point une expérience commecelle-ci, ça ne marchait jamais.

M. E. : Je voudrais vérifier si j’aicompris. Il y avait un patient quiétait en même temps unpsychiatre...

J. H. : Je ne suis même pas sûr quec’était un patient. C’était un typede toute façon. Mais il aurait puêtre un patient, je ne me souviensplus.

M. E. : Et Bateson lui a dit : « Vousallez rencontrer quelqu’un quipense qu’il est psychiatre, alorsqu’il ne l’est pas. » Il s’agissait deJackson, qui est entré. De fait,nous savons que chacun s’est vuinformé que l’autre était psychiatremais, en réalité, ils seconnaissaient.

J. H. : Le hasard a fait qu’ils seconnaissaient déjà, c’est exact.

M. E. : Et finalement, ce typedevint un patient de Don. C’est

une histoire intéressante, commecelle de Christophe Colombdécouvrant l’Amérique, alors qu’ilcherchait les Indes. Finalement,Bateson se mit à chercherquelque chose et trouva autrechose.

J. H. : Je vais te raconter une autrede ses expériences, qui, je crois,n’a jamais été rapportée. J’en suismême sûr. A cette époque, nouspensions que les schizophrènes etleurs familles se parlaient commes’ils venaient juste de serencontrer : non pas comme s’ilsavaient confiance dans leurrelation, mais comme s’ils seconnaissaient depuis peu. Nousvoulions traduire cela sous formed’expérience. Nous pensions quesi l’on réunissait trois personnesd’âge approprié, c’est-à-direcomme le sont deux parents etune fille, et si nous les faisions serencontrer et parler ensemble,nous pourrions les montrer à unautre groupe et dire : « Est-cepour vous une famille deschizophrène ? » Comme l’idéenous paraissait intéressante, nousl’avons mise en œuvre. Nousavions un miroir unidirectionnel àPalo Alto, là où nous travaillions,et une caméra. Weldon Keyes, quiétait poète, nous servit decameraman. L’appareil étaitinstallé, et toutes les personnesétaient présentes dans des piècesdifférentes. Ils arrivèrent ensemble.Le monsieur et la dame s’assirent,commencèrent à parler, puis la filleentra. Les « parents » étaient detype caucasien, la fille de typephilippin, ce qui a complètementfichu en l’air d’idée qu’ilspouvaient être une famille !Le monsieur était unanthropologue qui avait séjournéaux Philippines, si bien qu’il s’estmis à parler avec la fille commedeux étrangers l’auraient fait.De sorte que toute l’expérienceest tombée à l’eau. Bateson avaitfait envoyer un message au foyerdes infirmières. Il avait besoind’une infirmière de 18-20 ans pour

entretien, et on lui a envoyéqu’un d’origine philippine !

. E. : Cela tournait à laalédiction, à chaque expérienceu’il entreprenait !

: Je m’occupais dugramme d’expérimentationliale, et Bateson n’arrêtait pas

me dire : « Faites uneérience, trouvez-en une. » Etsais : « Gregory, si vous pensezmoindre expérience, je seraisde la mettre en œuvre ! » Ent, nos investigations portaientun champ complètementrent : les relations intra-liales, et non les perceptions.ait un problème intéressant,s très difficile. Nous tentions deerminer si les structuresliales étaient différentes less des autres. Est-ce que les

intellectuelle, triste d’une certainefaçon mais très intellectuelle.

M. E. : Lorsque le projet de PaloAlto se termine, qu’arrive-t-il ?Qu’as-tu fait ? Quelle année était-ce ?

« Jackson était l’undes meilleurs cliniciensque j’aie jamais vu »

J. H. : C’était en 1962. Je suis alléau MRI, l’Institut de recherche ensanté mentale qu’avait crééJackson. Celui-ci, entreparenthèses, avait rédigé un articlesur l’homéostasie familiale et lanotion de système. Cet articleavait été publié en 1957 et il m’adit qu’il l’avait rédigé en 1953 ou1954, soit deux ou trois ans

n’aimaient guère penser qu’ilsinfluençaient le comportement dela personne en analyse. En toutcas, j’ai été supervisé par Jackson,et c’est là-dessus qu’il insistait. Lecomportement de la famille ou del’un de ses membres pouvait êtrevu aussi bien comme la résultantede mon propre comportement ;je n’étais pas un observateurneutre. Jackson était l’un desmeilleurs cliniciens que j’aie jamaisvus. Il tirait d’affairequotidiennement desschizophrènes en thérapie defamille, et il n’en faisait pas grandcas. Il voulait être un grandchercheur, et non un grandclinicien. Il est dommage que nousayons si peu de sessionsenregistrées de son travail. Nousn’avions que quelques bandesaudio. Vous savez, nous pensionstous qu’il vivrait éternellement.En tout cas, il exerçait une trèsgrande influence. Finalement, il m’atrouvé une bourse de recherche.Il s’activait toujours pour trouverde l’argent, afin que le MRI puissecontinuer. Il y avait une vieilleéglise désaffectée et il m’y ainstallé. J’ai commencé toute unesérie d’expérimentations sur lacommunication. Cela consistait àcomparer des familles normales àdes familles de schizophrènes, oude délinquants, à partir de tâchespar lesquelles nous tentionsd’effectuer des observationsquantitatives. La question était, etreste toujours d’actualité. Si laschizophrénie est uneconséquence du comportementfamilial, peut-on différencier unetelle famille à partir de tellesobservations mesurables ? C’étaità cela que je me confrontais.J’ai écrit là-dessus des articles, etje commençais à m’y plaire. J’aipassé cinq ans à faire desexpérimentations, et Alex Bavelas,grand chercheur en psychologiesociale, était consultant pour mesexpériences. C’était une époqueintéressante, je travaillais aulaboratoire avec comme

lles de schizophrènes étaientrentes des autres familles ?

. E. : Ainsi, tu décrirais Batesonmme quelqu’un qui essayait demprendre le champ de laalité. C’était un explorateur

ui tentait de découvrir lesructures cachées sous-jacentes,différents niveaux dunctionnement des êtres vivants.était quelqu’un qui croyait à unonde extérieur qu’il pourrait

xplorer et utiliser.

: Absolument. C’était unseur du XIXe siècle à maintsds. Son père avait inventé le « génétique », tu sais, c’était

biologiste. Et Bateson a racontéour qu’il n’a rencontrésonne au dessous du niveau deaîtrise avant l’âge de 21 ans.sait partie d’une famille très

auparavant. La publication étaitlongue à venir, comme pour monarticle de 1959 qui avait pris troisans. J’étais occupé à le rédiger,quand nous écrivions notre articlesur la double contrainte. J’avaisenvoyé l’article, j’attendais six moiset on me le renvoyait avec desdemandes de modifications. Je leleur renvoyais, et cela continuaitainsi. Quoi qu’il en soit, Jacksonétait quelqu’un d’une très grandefinesse sur le plan relationnel. Ilavait été supervisé par Sullivan quis’intéressait à l’action réciproquedu thérapeute et du patient :comment ce dernier était-ilinfluencé par l’intervention duprofessionnel ? C’était ça, l’idée deSullivan ! Il demandait toujours authérapeute : « Que faisiez-vouslorsque le patient faisait ceci ? »Les analystes à cette époque

collaborateur un travailleur socialdont la fonction consistait à fairevenir des familles normales, ce quin’était guère facile,particulièrement lorsqu’il s’agissaitd’adolescents. Ensuite, je négociaisavec tous les hôpitaux publicspour suivre des famillespathologiques. Nous avions mis aupoint un système de test quipouvait se transporter et nousallions ainsi tester les familles.Finalement, ce fut la premièrevéritable expérimentationfamiliale, et je me demande s’il yen a eu d’autres après.Heureusement, cela a intéresséles universités.

M. E. : Et ensuite Sal Minuchin t’ademandé de venir travailler aveclui. C’était quand ?

J. H. : Probablement en 1966.1967 est l’année au cours delaquelle je suis effectivement parti.Donc ce devait être 1966.

M. E. : Donc, pendant quatre oucinq ans, tu as travaillé au MRIavec Jackson.

J. H. : Concrètement, de 1962 à1967.

« Les gens ne supportentpas l’absurdité »

M. E. : Que retiens-tu d’importantà propos de ces cinq années ?

J. H. : C’était l’idée d’expérimenter.Si tu as un couple, puis un autrecouple, comment peux-tumesurer s’ils sont différents ousemblables ? Non pas de leurpropre point de vue, mais dansleur manière de négocier leursconflits, ou de rechercher unaccord. C’était un travailintéressant et qui l’est resté.C’était le principal. De plus, jetravaillais comme thérapeute et jeconsultais Erickson, qui mesupervisait à sa façon.

M. E. : Comment s’y prenait-il ?

J. H. : Il faisait différentes choses. Jepouvais lui parler d’un cas, etparfois il me disait quelque chose

que je pouvait utiliser directement.Le plus souvent, il me parlait deses cas à lui. Je vais te donner unexemple, je viens de rédiger unarticle qui me le rappelle. Jevoyais un couple et la femme seplaignait beaucoup de son mari,qui était une sorte de type assezpassif. Ils l’étaient tous les deuxd’ailleurs. Chaque samedi matin,elle passait l’aspirateur, il venait etla suivait de chambre en chambre.Elle disait que ce n’était pas ungros problème mais cela la rendaitcomplètement folle. Elle nepouvait empêcher son mari de lefaire, elle lui disait : « Ne me suispas dans toute la maison. »Il disait : « D’accord, chérie », et ilcontinuait à le faire. J’ai dit àErickson : « Que feriez-vous dansun cas pareil ? » Il a répondu :« C’est évident. » Je lui demandais« Alors ? », et il a dit : « Dites à lafemme de retourner dans toutes

les pièces où elle a passél’aspirateur, qu’elle sorte le sac àpoussière de l’aspirateur, qu’ellelaisse un petit tas de saletés danschaque pièce, et qu’elle dise :« Eh bien, c’est fini », et qu’elle nechange plus rien jusqu’au samedisuivant. Il arrêtera de la suivre. »J’ai suivi son conseil et il a arrêtéde la suivre. Je lui ai demandé :« Pourquoi ça a marché ? » Il m’adit : « Les gens ne supportent pasl’absurdité ; cette tâche l’est un peutrop ; il ne peut la supporter, etdonc il s’éloigne. »

M. E. : En fait, tu me dis : le stylede supervision d’Ericksonconsistait à me dire : « Soyezcréatif, trouvez des interventionsqui peut-être ne sont pasrationnelles, mais qui sont trèsutiles. » Car de fait l’absurde estrationnel ; il introduit l’inattendu ;il bloque la répétition.

: Certainement.

. E. : Encore une question :uand as-tu publié ce recueilentretiens avec des thérapeutesmiliaux de premier plan qu’est

echniques of family therapy ?

: Ce doit être en 1966 ou7.

. E. : Et quand es-tu allé àhiladelphie ?

: En 1967.

e n’ai jamais penséAckerman commeérapeute »

. E. : Puis-je te demanderuelque chose ? Pourquoi Nathanckerman ne fait-il pas partie de livre ?

: Eh bien, je n’ai jamais pensé comme thérapeute, mais

mme diagnosticien familial.ailleurs, j’avais des problèmesc lui.

. E. : Pourquoi ?

: En partie à cause de Familycess. Voici ce qui s’est passé.us avions décidé de créerily Process avec Jackson.

ui-ci m’a dit que cela semblerait provincial si la revue n’étaitne publication de Palo Alto. Il

onc proposé que quelqu’untre, d’envergure nationale, soitarrain. C’est alors que nousns pensé à Ackerman, qui étaitdes rares à être connu. Nousvons proposé de s’engagerncièrement : c’était notre cas,r que la revue puisse

mmencer. Il a dit qu’il seraitreux de le faire s’il était leonsable éditorial. Jackson lui que ce n’était pas possible,l était entendu que ce seraitAckerman a dit : « Si c’est

mme ça, je renonce. » Nousns dit : « Bien », et avonsrché quelqu’un au Texas. C’ests qu’Ackerman a rappelé ets a dit : « Je participe, même sie suis pas responsable

éditorial. » Nous lui avons dit :« D’accord, mais il faut unengagement financier de 2000dollars », ou quelque chosecomme ça. Il nous a répondu :« D’accord, j’ai l’argent et je vousl’envoie. » Ce qu’il n’a pas fait.Jackson était à New York, à larecherche de subventions, et il adécouvert qu’Ackermandemandait une subvention pour larevue. Ackerman n’avait pasl’argent ! Si bien que nous étionsen colère car nous attendionspour commencer. Finalement, il atrouvé de l’argent : il l’a obtenud’un riche patient ou de quelqu’und’autre, et nous avons pudémarrer. Mais nous avonstoujours eu des problèmes aveclui. Il y avait aussi des différencesidéologiques, qui existent encore.J’avais formé différents membresde l’équipe d’Ackerman lorsqu’ilsm’avaient rencontré, mais je n’aijamais été invité à leur Institut.On ne m’a jamais demandé d’ydonner des cours, un séminaire, nimême simplement invité. Monapproche de la thérapiereprésente une école différente dela leur et il en a été ainsi pendanttrente-cinq ans.

M. E. : Je vois. Et tu as eu lesentiment qu’il était plus undiagnosticien qu’un thérapeute ?

J. H. : Si tu lui demandais commentchanger quelqu’un, il n’avait pas deréponse. Il aurait dit : « Je vais lesrencontrer et leur parler. » C’étaitun consultant de grande valeur.Je l’ai regardé travailler comme jel’ai fait avec d’autres thérapeutes,à cette époque. Et il existe un oudeux enregistrements intéressants.Je parle de son talent dans le senssuivant : il voyait une famille avecun patient fou qui avait un frèredans la pièce, celui-ci disant : « Jepense que tout ceci est une pertede temps. » Ackerman se tournaitvers lui et lui disait : « Je voustrouve un peu rude à propos decette situation, et je voudrais quevous m’aidiez. » En quelques

secondes le type était désarmé etcoopérait. Voilà ce que j’appelleun consultant de talent. Il faisaitapparaître la dynamique familiale,mais aussi tous ces trucs négatifsque font émerger lespsychanalystes et qui rendent sidifficile la mobilisation de lafamille.

M. E. : Quand tu penses auxannées 1960, quels sont ceux qui,d’après toi, étaient importantsdans le champ de la thérapiefamiliale ?

J. H. : Quand Jackson est mort, j’aiorganisé une rencontre en sonhonneur, et j’ai invité quarante-cinqpersonnes provenant de tout lepays. Ils étaient tous venus, tousceux qui avaient une connexionavec la famille, je les avais invités.C’était à Asilomar en Californie.J’ai toujours les bandes audio decette rencontre, et je ne les aijamais publiées. J’en ai écouté unedernièrement pour être sûr del’enregistrement. Mais cela seraitintéressant, parce que celapermettait de voir où chacun enétait au niveau des idées en 1968.

La mort de Jackson

M. E. : Qu’est-il arrivé à Jackson àla fin de sa vie ?

J. H. : Eh bien, différentes chosessont arrivées ensemble. Il adivorcé d’avec sa femme et a vécuavec une compagne. Je suis parti àce moment-là et cela l’a perturbé,car nous étions attachés l’un àl’autre. J’avais l’habitude de l’aiderlorsqu’il traversait des périodesdifficiles. Mais c’est aussi pendantcette période qu’il a commencé àprendre des médicaments divers.On l’a trouvé dans une chambred’hôtel, il venait juste de revenird’un séminaire et il est mort d’unesurdose de barbituriques. Il semblequ’il les avait pris pour dormir.Parfois on les prend, et on oubliequ’on les a pris ; je crois que c’estce qui est arrivé. En effet, je suisretourné là-bas, et j’ai passé une

semaine à discuter avec sonentourage, à propos del’événement lui-même, et del’organisation de sa vie. Cela neressemblait pas à un suicide. Ilétait très occupé, avait beaucoupde choses programmées. Enoutre, je l’avais aidé, auparavant,à traverser d’autres crises, sansqu’il se replie ou se déprime.A chaque fois qu’il était en crise, ilse rendait encore plus actif. Il atoujours été un collègue actif. Jeme rappelle une fois avoir comptédouze projets auxquels ilparticipait, et ce n’était que ceuxque je connaissais. Il écrivait parexemple un livre sur la Bourseavec quelqu’un, il tentait d’obtenirune subvention ou une autre.Il écrivait un livre sur des cascliniques, et s’activait pour obtenirde l’argent, afin que l’Institutcontinue à marcher…

M. E. : Mais il n’était pas malade.

J. H. : Non, il n’était pas malade.

M. E. : Et d’après toi, ce fut unaccident ?

J. H. : Je pense que cela a pu être lecas. Du moins, les raisons de sonsuicide auraient été un mystèrepour moi. Même s’il avaitbeaucoup de soucis, cela ne luiressemblait pas.

M. E. : Mais avait-il ou non desproblèmes au MRI ?

J. H. : Jackson avait des problèmesavec tout le monde,probablement. Parce qu’il voulaitcommencer quelque chose, ledéléguer à d’autres, et commencerautre chose. Mais il négligeait cequ’il avait délégué, car il espéraitque d’autres s’en chargeraient.Souvent ce n’était pas le cas, etil énervait tout le monde. Etl’Institut n’avait pas d’argent.C’était vraiment des gens quigagnaient leur vie en pratiqueprivée et qui obtenaient dessubventions de recherche commetravail accessoire. Il ne pouvaitobtenir suffisamment d’argent pourfaire du MRI une véritablestructure de recherche, et il

devait se contenter de qui voulaitvenir. Il était très dur de fairemarcher tout ça.

M. E. : A cette époque, au MRI,qui était là ?

J. H. : Il y avait Jules Riskin et JohnWeakland. A la fin du projetBateson, John est parti un an oudeux, puis il est revenu au MRI ;Watzlawick était là, ainsi queVirginia Satir de façondiscontinue.

« Virginia Satir était unefemme formidable »

M. E. : Quelle était ta relation avecVirginia Satir ?

J. H. : Je l’aimais bien. C’était unefemme formidable. Quelquesremarques à son propos. Ellevoulait être une grandethéoricienne, ce qu’elle n’était pas.Un jour elle nous a dit, à John,Gregory et moi, qu’elle avait toutrésolu sur le plan théorique, toutela question de la famille. Ellevoulait que nous venions l’écouter.Elle avait au MRI une grande pièceavec un tableau noir, alors noussommes venus l’écouter. Cen’était que des balivernes. Je nepeux même pas me rappeler cequ’elle a raconté. Bateson a dit :« Eh bien, c’est intéressant », etpuis il est parti. John a fait demême. Virginia m’a dit alorsquelque chose comme : « Je necomprends pas pourquoi ils n’ontpas apprécié. » J’ai dit : « Virginia,ce n’est pas ce que tu as pensé,ce n’est pas tout simplementmauvais, c’est nul. » Elle m’a alorsregardé en face, et elle a dit :« Jay, je ne comprends pas tesmessages d’amour ! » Elle était unexcellent promoteur de lathérapie familiale. Quand nousnous déplacions pour en parler,les gens trouvaient ça intéressant.Mais quand elle a commencé à enparler, alors ceux qui l’écoutaientcommençaient à pratiquer lesthérapies familiales. Elle a convertides gens à la thérapie familiale à

travers tout le pays. Elle a euprobablement plus d’influence quen’importe qui d’autre. Elle était surla route tout le temps. Elle m’araconté une fois qu’elle voyageaittrois cents jours par an, ou à peuprès, jusqu’à la fin.

« Sal Minuchin m’a plu »

M. E. : Parlons de la visite deSal Minuchin à Palo Alto, lorsqu’ilest venu te voir. Comme était-ce ?

J. H. : Quelque chose d’inhabituels’est passé. Il m’a téléphoné pourme dire qu’il voulait me voir et jelui ai proposé d’habiter chez moi,ce que je n’avais jamais faitauparavant et qu’il a accepté. Ilm’a plu, d’une certaine façon.Il était venu pour m’offrir unboulot. Mais je ne connaissais passes intentions, je pensais qu’il étaitjuste là en visite. Il avait l’habitudede voyager çà et là et de regarderles gens travailler. Je l’avais vu àWiltwyck à New York et j’avaistravaillé derrière le miroir sanstain avec lui et Braulio Montalvo.A l’époque, il y avait une différenceintéressante entre nous, commetu vas t’en rendre compte aveccette histoire. On voyait une mèreavec deux enfants et une grand-mère. Ils étaient noirs, délinquants.Ils les amenaient les uns après lesautres derrière le miroir sans tain,pour les ramener ensuite dans lapièce. Ils proposaient desinterprétations aux enfants, àpropos de leur mère et de leurgrand-mère, de leur relation, etainsi de suite. La mère était unefemme assez jolie, mais elle n’avaitpas de dents de devant. Elle parlaiten cachant avec sa main l’espaceentre ses dents et paraissait trèstimide. Ils pratiquaient une sortede thérapie familiale structurale etinterprétative et, lorsque la séances’est terminée, ils m’ont demandéce que j’aurais fait avec cettefamille. J’ai répondu que j’auraisdemandé aux enfants de gagnerde l’argent pour payer un bridge àleur mère. De le gagner et non de

oler. Tel devait être leur but : mère aurait été beaucoupheureuse avec de nouvelles

ts. Ils me répondirent queait insensé, que je négligeaisructure complète de la famille,e qui arrivait à ces enfantsnquants. Mais je suis sûr quegosses l’auraient fait, et je nese pas qu’ils auraient volé pourC’est typiquement uneroche éricksonienne, et c’estue j’ai montré. C’est cerickson aurait fait. Il auraitsi le problème, un problème,

mme les dents manquantes, etrait restructuré toute la familler changer ça. Enfin, quoi qu’iloit, j’aimais bien Minuchin et

ulio. Lorsque Sal est venu et m’a engagé, il n’y avait quaside pauvres à Palo Alto,ement un petit quartier

chose », et j’ai commencé àenseigner.

M. E. : D’une certaine façon Sal aprocédé avec toi de la mêmemanière que Gregory Bateson.

J. H. : Me laisser libre, assurément.

M. E. : Ce fut le cas des deux, ettu as choisi ce que tu aimais faire.

J. H. : J’avais passé dix ans avecBateson à faire ce que je voulais.

A la Philadelphia childguidance clinic

M. E. : Combien d’années es-turesté à Philadelphie avec SalMinuchin ?

J. H. : Neuf ans, ou peut être dix.

M. E. : Peux-tu me parler de cesannées-là ?

clientèle la plus proche, la clientèlenoire de voisinage. Minuchin atransformé l’établissement enclinique au service de lacommunauté, avec uneorientation familiale, et il a perdu95 % de son équipe. Ils sontpartis.

M. E. : Pourquoi ?

J. H. : Ils ne pouvaient supporter lechangement. Ils ne savaient pascomment travailler avec lesfamilles. Ils étaient contre cemodèle, à l’instar de nombreusesstructures de psychiatrie infantileactuellement. Mais Sal a pris ça defaçon positive. Il a dit que ça lui adonné l’occasion de travailler avecdes personnes différentes. Il estvenu me chercher, car il avaitbesoin de gens ayant l’expériencedu travail avec les familles, et il sesentait seul. Lorsque je suis arrivé,il y avait douze personnes dansl’équipe, assises autour de la table,discutant d’un cas. Lorsque je suisparti, neuf ans plus tard, nousétions trois cents, et il y avait deuxcliniques annexes en dehors de laprincipale, qui s’est installée sur lecampus. De sorte qu’il a réalisédes changements considérables,comme Jackson l’avait fait.Il commençait un projet et ensuitele déléguait à quelqu’un pour encommencer un autre. C’estcomme ça qu’il a maintenu lefinancement de son institution.En général, il passait les projets àBraulio, qui devait les terminer,ce qu’il faisait avec bonheur.

M. E. : Mon cher Jay, parlons dutravail que tu faisais avec Sal.Lorsque tu es venu à Wiltwyck,tu l’as surpris en proposant uneidée inspirée d’Erickson à proposdu bridge de cette mère dont tuas parlé. Comment as-tu réussià relier leur approche structuraleet ton approche stratégique ?A cette époque, tu étais déjà unthérapeute stratégique, tu avaisécrit un livre à ce sujet.Comment as-tu fait pour lierles deux ?

vorisé. Mais le monde entierngeait, dans les annéesante, les pauvres étaientout, il y avait desifestations et ainsi de suite.u la chance d’avoir un salairealler à Philadelphie, où il yt de nombreuses personnesvorisées. J’ai saisi l’occasion.

époque, je vivais de subventionubvention, tout en élevantenfants, et ça devenait de plus

plus dur. J’avais besoin d’unre et Sal me promit que jevais venir avec uneunération régulière, en faisantuement ce que je voulais.ait formidable. Les premièresées, je n’ai fait que ce quitéressait. Entre autres, de la

herche avec des enfants.lement, Sal m’a dit : « Vousz, vous devez faire quelque

J. H. : C’était une période dechangements très importants.Lorsque je suis arrivé, Sal venaitde prendre la direction de laClinique de guidance infantile,mais à l’époque, sans le diplômede médecin américain, il n’avait pasle droit de diriger la clinique.Il n’avait qu’un diplôme argentinsans valeur aux USA. Il disait qu’iln’avait aucune envie de reprendredes études et de passer desconcours. Mais ces gens étaient sidésireux d’avoir Sal qu’ils firentpasser une loi pour une sorte dediplôme honoraire, afin qu’ilpuisse exercer. Il a dirigé laclinique. C’était un établissementsitué dans les quartiers noirs, carc’était le quartier desdomestiques. Il attirait la clientèleaisée de la périphérie de cesquartiers, à l’exclusion de la

J. H. : Je ne l’ai pas fait. Lespremières années, j’ai filmé desenfants, noirs et blancs, pendantqu’ils faisaient différentes choses.Ce qui m’intéressait à l’époquecomme recherche consistait àapprendre le cinéma aux enfants,afin qu’ils puissent filmer ce qu’ilsvoulaient. Vous voyez alorscomment ils voient le monde. Ilsproduisaient du matérielintéressant. Les enfants noirs sefilmaient en train de danser, de sebattre, de voler ou de faire quoique ce soit d’autre. Les enfantsnoirs et blancs de la classemoyenne filmaient l’angle d’unbâtiment, un arbre, une maison.Il n’y avait pas de personnage dansleur film. Il ne s’agissait pas dedifférence ethnique mais d’unedistinction entre la classe moyenneet les pauvres. Les blancs pauvresdansaient et se filmaient en trainde le faire. Cela m’intéressait,j’essayais de filmer des relations etles règles qui les sous-tendaient.Puis j’ai dû commencer àenseigner car Sal travaillait avecdavantage de monde, qu’il fallaitformer. Il voulait que je méritedavantage ma rémunération, alorsj’ai formé des gens. Je me suisrendu compte rapidement que jene pouvais enseigner uneapproche éricksonienne dans cecontexte, en partie à cause de Sal.Il n’aimait pas du tout ce qui luiparaissait paradoxal oumanipulateur, ou même indirect.Il l’aurait accepté, mais avecbeaucoup de répugnance.Toutefois, il y avait un problèmecar des étudiants en psychiatrieinfantile s’inscrivaient auprès demoi pour cela. Alors, en marge,je les formais, mais la plus grandepartie de la formation quej’entreprenais concernait lathérapie familiale structurale. Puisj’ai travaillé avec un échantillon depatients schizophrènes, maiscomme la limite d’âge à la cliniqueétait de dix-huit ans, et que lespatients étaient en général plusvieux, c’était une clientèle

extérieure. Je travaillais sur ceprojet durant les soirées ; je mesuis occupé de vingt-cinq cas ou àpeu près, avec ceux qui voulaitamener des familles. Mais j’ai faittout ceci en marge de monactivité principale, en m’appliquantplutôt à ce que Sal et Brauliovoulaient que je fasse. Braulios’intéressait à Erickson, il apprenaitl’hypnose et se montrait plussouple.

M. E. : Aujourd’hui, nombreuxsont ceux qui voient un travailassociant structure, paradoxe etstratégie comme plutôt cohérent,car ils disent qu’il est parfois plusfacile, avec des gens qui neveulent pas les réaliser, de leurdonner des tâches paradoxalesque des tâches directes.Et certains professionnels vonttenter d’utiliser simultanémentvos deux approches, structurale etstratégique, sans y voir unequelconque antinomie. Mais àcette époque, cela n’était pasfacile ?

J. H. : Non, et ce n’est toujours pasle cas. J’écris un livre sur lasupervision pour décrire ce qui s’ypasse. Les superviseurs secomportent toujours comme parle passé : formés à une approchepsychodynamique et nondirective, et ils ont des étudiantsqui disent à leurs patients ce qu’ilsdoivent faire sans savoir comments’y prendre pour donner desdirectives ou les faire appliquer.

La naissancedes supervisionsen direct

M. E. : A cette époque, tu formaisdes para-professionnels, des gensde la rue qui n’avaient pas achevéleurs études secondaires, n’est-cepas ?

J. H. : En fait, ils avaient tous finileurs études secondaires. Voilàcomment ça s’est passé : j’ai penséà demander à une mère de

schizophrène de traiter une autrefamille ayant un membreschizophrène, en raison de safinesse et de son expérience.Je me disais : « Si je peux traitercette famille, je demanderai à lamère de faire de même avec uneautre famille. » Sal s’intéressait à lapsychothérapie des famillespauvres, afin d’obtenir que lesmères modifient leurscomportement auprès de leurspropres enfants, et que ces mèress’occupent de modifier lecomportement d’autres mères.C’est ainsi que nous en sommesvenus à discuter de cette idée.Au départ, cela consistait à formeraussi bien les pères que lesmères ; mais de fait il s’agissaitplutôt des mères. Sal a sollicitéune subvention de recherche surce thème, et le processus mêmede recherche d’argent a modifié leprojet en ceci : comment lespauvres pourraient-ils traiterd’autres pauvres, plutôt que desex-patients aider des clients.Nous avons donc commencé desentretiens avec des candidats, etc’était un problème intéressant.Nous les formions à raison de40 heures par semaine pendantun an ou deux, ce qui signifiait uninvestissement de 100 000 dollarssur ces personnes. On avait doncintérêt à décider si elles valaientla peine qu’on les forme à cepoint ! On a donc interviewé toutun tas de gens. Pour les femmes,c’était facile, car elles étaient très

mpétentes. Quant auxmmes, s’ils postulaient en raisona rémunération que nousvions offrir, ils n’avaient pasucoup de réussite dans leuret se montraient plutôticaces. Nous avions aussi desmes qui amenaient leuroint en disant : « En voici un », disait : « Mais où suis-je ? »s nous exigions, pour autant je me souvienne, un niveauudes secondaires achevé.

. E. : Tu aimais ce travail ?: Enormément. Je crois que

t là qu’à réellementmmencé que des thérapeutes

nt la supervision en direct.alo Alto, je faisais de laervision avec les gens, avecfamilles de schizophrène. Jeais derrière le miroir tout

observant, et nous discutionsa séance après coup. Maiss n’intervenions pas, ni pourper à la porte, ni pourphoner. Puis, il y eut l’étapeante ; nous avons commencé àper à la porte pour les faireir, et à les influencer pendant la

nce, ce qui était une idéearquable. Lorsque nous nousmes occupés des pauvres,s devions protéger les famillesque les intervenants étaient novices, et c’est pourquois avons utilisé la supervisioncte très fréquemment. Nousgrammions la séance avec eux,s les y mettions, nous leselions au téléphone, nous leur

mandions de sortir, nous leurnions des instructions, nousenvoyions dans la pièce ; c’était supervision où l’on sevoyait la balle constamment.ormation se déroulait sousme de tâches que leapeute redisait en séance.

us avions un groupe de dix àze personnes, et le premier nous les avions pendant huitres, et je les formais toute lanée. Le jour suivant, il en était

même. Le troisième jour, jeavais enseigné à peu près tout

ce que je savais, et c’est pourquoinous les confrontions avec desfamilles très rapidement ! Nousentraînions toujours les gensdurant quelques heures, ou biendurant une demi-journée.

La formation des para-professionnels

M. E. : A cette époque, jetravaillais à l’Hôpital public duBronx, et je formais des para-professionnels. Je dirigeais uncentre de santé mentale dans lesud du Bronx, qui se nommait leCentre de santé mentale MottHaven. Nous avons développé unprogramme intitulé Lincoln FamilyTherapy Training Program, oùnous formions des para-professionnels et des étudiants enpsychiatrie. En 1975, j’ai organiséune rencontre à New York avecMarianne Walters, à laquelle tuas participé avec deux de tesétudiants. Tu t’en souviens ?C’était sur le campus de l’Hôpitalpublic du Bronx. Chris Beels étaitlà, ainsi que Al Scheflen. Nousavions peu d’argent et nous étionstrès égalitaires, de sorte que nousavons payé le même montantpour les étudiants, tes para-professionnels, Marianne Walterset toi-même. Tu t’es montré trèsgénéreux. Je me rappelle combiennos étudiants étaient intéresséspar ce que tu leur expliquais,carcela faisait sens pour eux.En fait, la formation que nous leurdispensions à Lincoln étaitdifférente de la tienne car tu leurdonnais des outils concretsd’intervention, alors que noustentions de les aider à trouver leurpropre style et leur propreapproche pour répondre auxsituations difficiles. Cela n’était pastoujours aisé, parce que tout lemonde ne possède pas lacréativité ou l’intuitionindispensable pour susciterquelque chose de nouveau dansde telles situations. Si bien que, de

fait, un grand nombre d’étudiantsretombait sur les outils que tuproposais, lorsqu’ils étaientcoincés, et utilisaient l’approchestratégique ou structurale quenous leurs inculquions également.Mais tu ne l’appelais passtratégique, à l’époque.

J. H. : Je ne sais pas comment onl’appelait. Mais une des chosesque j’ai faites avec Nouvellesstratégies en thérapie familiale aconsisté à rédiger un chapitre surle premier entretien familial.Et c’est venu de ce travail avec lespara-professionnels, car ils avaientbesoin de savoir : « Comment jem’assieds ? » et : « Où je memets ? », ou bien : « Que faire enprésence des enfants ? »Finalement, ces directives pourréussir le premier entretien se sontrévélées très utiles pour un grandnombre de personnes.

M. E. : Je me rappelle très bien cechapitre, qui donnait desinstructions pas à pas : vousparlez avec eux, puis vous faitesceci, et encore cela. C’était trèsutile… Ainsi, ces années étaientfructueuses. Tu avais un salairerégulier, tu n’avais pas àrechercher de subvention, et tuécrivais.

J. H. : Oh oui, j’écrivais à cetteépoque. Je terminais alors MiltonErickson, un thérapeute hors ducommun.

M. E. : Et tu as commencé aussiOrdeal Thérapy ?

J. H. : Je crois bien.

M. Elkaïm : Qu’est-il arrivéensuite ? Tu as travaillé avec Salpendant neuf ans, puis Sal s’estarrêté, et toi aussi. Pourquoi ?

J. H. : Je me suis arrêté juste avantSal. Tu sais, l’institution étaitdevenue très grande, et jecommençais à souhaiter faire lespsychothérapies et les formationsque je voulais, à ma manière.Je crois que j’ai commencé à fairele projet d’un institut que jedirigerais moi-même, pour que je

puisse y suivre mon proprechemin. Par ailleurs, j’avais aussirencontré Chloé Madanes. Je mesuis déplacé pour créer un institutavec elle, j’ai fait la navettequelque temps, et puis je suisparti.

M. E. : Ainsi, pendant un certaintemps, tu t’occupais de l’Institutavec elle, tout en travaillantà Philadelphie, et puis tu asdéménagé ?

J. H. : C’est cela.

M. E. : Après ton départ, ce futcelui de Sal.

J. H. : Je crois que ce n’estprobablement pas sans lien. C’étaitdevenu trop grand ; je meretrouvais en pleine confusion :trois cents personnes, une unitéd’hospitalisation, une école. J’aitenté d’obtenir de Sal qu’il garde levieux bâtiment, qu’il y fasse saformation, et qu’il laisse tout lepersonnel aller dans le nouveaubâtiment. Mais il n’a pu y arriver ;on était censé vendre l’ancienbâtiment pour payer le nouveau.Pourtant, j’y suis passé en voiture,et il est toujours là, avec sesfenêtres défoncées, des arbrespoussant devant la porte d’entrée.C’est simplement un bâtimentabandonné. C’était uneconstruction extraordinaire, avecde nombreuses pièces équipéesd’un miroir sans tain, trèsagréable.

A Chevy Chase

M. E. : Puis tu es venu à ChevyChase. As-tu travaillé avec Chloéjusqu’à maintenant ?

J. H. : Nous nous sommescontentés de louer une pièce au3000 Connecticut, de faire un troudans le mur pour y installer unmiroir sans tain. Nous avions unepetite salle d’attente, et c’est làque nous avons travaillé. J’aicommencé en donnant desconférences qui attiraient dupublic qui s’inscrivait ensuite pourune formation plus approfondie.

Finalement, du premier grouped’étudiants, ils étaient huit ou dix,tous ont fait partie ensuite dugroupe de formateurs. Cepremier groupe était intéressant.Puis nous avons déménagé àChevy Chase, où nous habitionsune maison de deux étages, etnous avons été très occupés.Nous recevions une subventionpublique pour former tous lesprofessionnels du Maryland ; nousconsultions trois familles à la fois.Nous montions et descendionsles escaliers sans arrêt, nous étionsréellement très occupés. Nousavions dix formateurs. Tu sais,j’étais allé visiter Milan à cetteépoque, et ils travaillaient tout àleur aise. Je me souviens d’un casdont ils ont parlé pendant lamatinée, et ce plusieurs heuresdurant puis ils sont allés déjeuneret ils ont remis ça l’après-midi. J’aidécidé alors que j’étais fou decourir ainsi d’un étage à l’autreavec trois familles à la fois dansmon propre institut. J’aifortement ralenti mon rythme àpartir de là.

M. E. : Et maintenant, tu travaillestoujours avec Chloé ?

J. H. : Non, j’ai quitté l’Institut.

M. E. : Quand ?

J. H. : Il y a environ deux ans.

M. E. : Et que fais-tu maintenant ?

J. H. : Je fais des ateliers, quelquessupervisions. Je ne suis pas sûr dece que je veux faire à présent.

M. E. : Ça ne t’intéresse plus,d’avoir ton propre Institut ?

J. H. : Non. Diriger un institut, c’estvraiment très pénible.

M. E. : Oui, je sais que ça peut êtrepénible.

J. H. : D’ailleurs tous les instituts dethérapie familiale du pays sontfauchés. Ils traversent tous unemauvaise passe.

M. E. : Où en es-tu, à ce momentde ta vie ?

Madeleine Richeport-Haley :Raconte-lui comment tu as suivi la

trace de Bateson en t’intéressantà Bali.J. H. : Nous sommes allés à Bali oùnous avons passé trois mois.Nous avons fait un film sur lesenfants danseurs balinais.

M. E. : Quant était-ce ?

M.R.H. : Nous y sommes allés plusd’une fois, et la dernière, c’était il ya un an, un an et demi à peu près.J. H. : Nous nous sommes rendusdans le village ou étaient allésBateson et Mead, et nous avonsfait des films, c’était intéressant.Mais quoi qu’il en soit, je suis à larecherche d’un projet. J’écris unlivre sur la supervision, intituléprobablement « Stratégies de laSupervision », et je fais un atelierplusieurs fois par an, juste pourgagner ma vie.

« Il y a une sortede balancier qui ramèneles gens à l’individu »

M. E. : Que penses-tu de dumouvement constructionniste ?

J. H. : Je pense que c’est un retourà l’individu. On insiste sur lamanière dont la personneconstruit la réalité, la perçoit, ou lapense. Ce n’est pas dyadique.

M. E. : Ainsi, pour toi, c’est unretour à la thérapie individuelle ?

J. H. : Il y a une sorte de retour debalancier qui ramène les gens àl’individu encore et encore etencore. Il existe une forterésistance au changement.Je crois que cela provient desformateurs qui freinent l’évolutiondu champ vers quelque chose decontextuel. Ce que je veux diremaintenant, c’est que noussommes dans une drôle desituation. Nous sommesconfrontés à plus de 180 groupesethniques, à toutes les sortes depsychopathologie existantes, auxcas à traiter sur injonctionjudiciaire pour abus sexuels, ouviolence physique, et que sais-jeencore, et les thérapeutes sont

arçonnés par ces problèmes ete savent que faire. Ils senent vers leur formateur eti-ci les forme comme on leit vingt ans auparavant, commes propres formateurs leient. Par exemple, ils disent :

oilà ce type qui ne prendais un bain. Comment puis-jeer à en prendre un ?onse du formateur :me demande ce qui vousturbe là-dedans ? Y a-t-ilque chose dans le fait de sener qui revêt une importancesonnelle pour vous ? » C’est-à-, ils ne disent pas : « Voici troisns d’obtenir que ce type se et vous pourriez essayer l’unetre elles. » Je pense que c’este dernier point que le champplus besoin ; ça s’esteloppé, mais les formateurs n’y plus.

s sentimentsthérapeute

. E. : Tu sais, mon propre pointe vue est peut-être légèrementfférent, bien qu’en même temps sois très proche de toi à propose la nécessité de tâchesncrètes, par exemple si

uelqu’un refuse de prendre unain. Dans le même temps, je nessens pas de contradiction entredée d’efficacité nécessaire ensychothérapie et le fait dentéresser simultanément auxntiments du thérapeute.est pourquoi j’essaye de

Jay Haley etSolana Orlandolors d’un congrèsorganisé parl’I.E.F.S.H. àBruxelles (1989).

comprendre ce que le thérapeuteressent, non comme une projectionsur la famille ou sur le patient,mais comme un vécu qui a unefonction pour les constructions desdifférents membres du systèmethérapeutique.

Je nomme ces constructions dumême type en intersection des« résonances. » Si je me contentede demander au thérapeute :« Qu’y a-t-il entre vous et le faitde se baigner ? », cela n’aidera pasle patient à prendre un bain.Mais si en même temps je tentede comprendre la raison pourlaquelle le thérapeute a choisi lefait de se baigner plutôt que lecomportement délinquant dupatient, ou tout autre aspect, afinde construire une tâche pouraider son client, alors cela devientplus riche. Dans ma théorie, lestâches marchent d’autant mieuxqu’elles touchent le thérapeute.Tu te souviens, un jour tu as parléd’un enfant qui se mettait desobjets dans l’anus, et qui les jetaitensuite dans la salle de bains.Tu as raconté comment tu asprescrit à son père une tâche quiconsistait à lui faire creuser un trouaux dimensions précises au fondde la cour pour y enterrer cesobjets. Tu as donné troisinterprétations à propos de cettetâche : tu as dit que c’était unetâche structurale, car ellerapprochait le père et le fils, quec’était une épreuve, car le solétait difficile à creuser, c’étaitl’automne et il faisait très froid.

Et en même temps, c’était unetâche métaphorique. Lorsque tuen as parlé, quelqu’un dans lasalle a demandé :« Pourquoi précisément tellelongueur et telle largeur pour cetrou ? », et tu as répondu quelorsque tu faisais ton servicemilitaire, si quelqu’un était pris àfumer, l’officier lui disait : « creuseun trou de tant par tant, et mets yton mégot de cigarette. » Tu tesouviens ? Ainsi, pour moi la tâchen’est pas seulement la tâche.C’est ce que toi tu leur prescrisdans cette situation. Je ne suispas convaincu que quelqu’uncomme Erickson puisse secontenter de te dire : « Demandeà la dame de répandre lapoussière ici et là, et le mariarrêtera de la suivre. Pour moi,ce n’est pas Erickson qui créecette directive, c’est Jay, et Jay lacrée à sa façon, et en parle à lafemme de telle façon qu’elle le faitet son mari arrête de la suivre.Je pense que ceci est trèsimportant parce que je croisvraiment à l’utilité des tâches,j’en prescris, et je tire toujours ungrand plaisir à les créer. J’en aiconstruit que j’ai utilisées une seulefois en supervision, et que je n’aijamais réemployées depuis.Mais en même temps, j’ai laconviction qu’elles doivent êtreliées au système thérapeutique,c’est-à-dire à la personne qui ladonne, ainsi qu’à la famille qui lareçoit. J’envisage peut-être d’écrireun jour à propos des tâches surl’importance pour le systèmethérapeutique, à ce que la tâchetrouve également en ligne decompte la résonance duthérapeute. En même temps, jesuis complètement d’accord avectoi. Un comportement estadaptatif — Nous devons trouverune manière d’interrompre uncomportement en provoquant unesituation nouvelle, et le fait decomprendre n’est pas suffisantpour que les gens changent…

« Dans notre pays, ce sontles gestionnaires quis’occupent du champsanitaire »

Que penses-tu qu’il seraitintéressant de dire à des lecteurs,qui sont thérapeutes familiaux, enactivité actuellement ?Que souhaiterais-tu leur dire àpropos de leur champ ?

J. H. : Je crois qu’il vaut mieux nepas s’intituler thérapeute defamille, mais plutôt thérapeute quiprend la famille en considération.Si tu dis que tu es un thérapeutede famille, tu dois l’être d’unecertaine façon, et il en existe quisont erronées. Tu peux dévier dela thérapie familiale proprementdite, et alors cela t’expose à descontroverses du genre : « Peux-tu voir quelqu’un en individuel situ vois des familles ? », et autreinepties à propos des règles.Mais je pense qu’il existe unetendance forte ainsi que desraisons financières, à revenir enarrière, vers la psychothérapieindividuelle de longue durée.Ce qui se passe dans notre paysmaintenant, c’est que ce sont lesgestionnaires qui s’occupent duchamp sanitaire et décident de ladurée de la psychothérapie, et dequi l’effectue. Ce sont des gens quine connaissent rien à lapsychothérapie qui prennent lesdécisions les plus importantes :combien elle doit coûter, durer, cequ’on a le droit ou pas d’y faire.

Soutenir les parents

M. E. : Jay, je me souviens qu’unjour, je crois que c’était à la findes années soixante dix, nousnous sommes rencontrés à Zurich.A cette époque, tu m’assimilais àtous ces contestataires politiques.J’étais le coordinateur du réseau« Alternative à la psychiatrie », ettu m’as dit : « Mony, est-ce que lefait de m’allier aux parents, de

leur donner plus d’autorité afind’aider leur enfant, te donne demoi l’image de quelqu’un deréactionnaire ? » J’ai été surpris,car pour moi tu étais progressiste.Je t’ai toujours vu comme unepersonne qui dispense del’énergie et de la créativité pourtravailler dans desenvironnements défavorisés ettrouver des instruments pour aiderles sans-ressources, et pour créerdes outils à l’usage des gens quin’ont pas de savoir académique.J’ai été très touché par le fait quetu puisses penser que certains tevoient comme prenant le partid’une sorte d’establishment,simplement parce que tu soutenaisles parents.

J. H. : Les jeunes tendent à pensercela, les jeunes thérapeutes. Tusais, quand nous avons commencéà pratiquer la thérapie familialedans les années cinquante, nousnous y sommes mal pris. Nousavons soutenu les enfants contreles parents. C’était le cas deBateson, qui les attaquaitparticulièrement, mais c’est ce quenous faisions tous. De même,nous interprétions et faisionsressortir tout ce qui pouvait lesdémolir. Il nous a fallu pas mal detemps pour penser en termes dehiérarchie, et aussi pour les guiderde façon plus positive, afin qu’ilschoisissent de continuer avecnous.

M. E. : C’est pourquoi j’ai penséque ton article de 1959 avait tantd’importance. Celui dans lequel tuparles de la mère qui dit àl’enfant : « Viens t’asseoir sur mesgenoux », puis elle se raidit, si bienque l’enfant se sent pris dans unedouble contrainte. Il va alors veniret dire à sa mère : « Oh maman,que tu as un joli collier », ou bienencore : « Que tu as de bellesboucles d’oreille », si bien que lamère ne sait plus s’il vient pour lesbijoux ou pour elle. Lorsque tu asécrit cela en 1959, c’était trèsimportant, car cela dépassait la

situation dans laquelle quelqu’unpiège quelqu’un d’autre. Celaa permis d’observer les chosesdifféremment, et de ne pluss’obséder sur qui a raison qui atort. Alors, même si tu t’allies auxparents, ce n’est plus dans uncontexte où tu soutiens les fortscontre les faibles, c’est unetentative de mettre un levier pourdéplacer le rocher qui bloque lechemin. A propos, hier, je faisaisune supervision à Montréal, etc’était une situation intéressante,car tu sais quelle est la critiqueque font les féministes à propos dela double contrainte.

J. H. : Non, c’est quoi ?

La critique du conceptde circularité

M. E. : Leur critique porte sur leconcept de circularité. Elles disentque, lorsque nous en parlons,nous faisons comme si mari etfemme étaient dotés d’un pouvoiréquivalent, alors qu’en générall’homme est plus fort que lafemme. Il possède l’argent et laforce physique, si bien qu’ellen’est pas sur un pied d’égalitéavec lui. Autrement dit, lorsquenous parlons de circularité, c’estcomme si nous le soutenionscontre elle, car elle ne disposepas du même choix que lui.C’était une discussionintéressante, parce que l’une desthérapeutes que j’ai superviséesm’a dit qu’une de ses patientesn’osait plus aller la voir, car ellen’aurait pas manqué de luirépéter : « Arrête de voir cethomme qui est violent avec toi.Ne reste pas avec lui. » Lapatiente n’osait dire : « Je ne veuxpas quitter cet homme. »Elle préférait mentir à lathérapeute ou ne plus revenir. Sibien que le problème n’est passeulement d’être du bon côté, il estaussi d’aider les gens à changer…Je crois qu’il est important d’avoirune position éthique tout en

éant simultanément un contextee changement.

: Je crois qu’il faut le faire,ctivement.

hique et thérapiemiliale

. E. : Je me rappelle aussi cetteerveilleuse bande vidéo avec ceère dont la fille cassait desbleaux encadrés, et qui utilisait verre brisé pour attaquer sesarents. Je me souviens que tu asit écouter aux parents desmptines sur un électrophonesher Price et leur a proposé deanser ensemble. Ce que j’aimé, à propos de cette tâche, cee fut pas seulement sonbsurdité, mais aussi ce qu’elleit ouvrir, comment la liberté

crois, sous-estiment le pouvoir desfemmes. L’homme peut avoirl’argent et la considération socialeet bien d’autres choses, mais lafemme dispose de toute unepalette qu’elle peut utiliser, ycompris le fait de présenter dessymptômes, ce qui empêchel’homme d’agir. Ce que je veuxdire, c’est qu’ils sont à égalité dansde nombreux domaines.

M. E. : C’est la théorie des« Tactiques du pouvoir de JésusChrist », selon laquelle il existedifférentes sortes de pouvoirs.En fait, j’ai toujours vu lapsychothérapie comme unemanière d’ouvrir à de nouvellessituations, de donner à l’individuplus de liberté, une approche oùles psychothérapeutes ne sont pasdes agents de contrôle social,

et qu’on travaille pour tous lesdeux.

J. H. : C’est exact, si l’on peutpenser en termes de « tousensemble. »

M. E. : Lorsque je vois unefamille, la première étapeconsiste à demander à chacun sije l’ai bien compris. Et je vais del’un à l’autre, je tente de memettre à leur place, je les regarde,et je leur parle de comment je visce qu’ils me racontent.C’est seulement après cettepremière partie, qui en généralme prend un quart d’heure, etseulement après m’être intéresséà la réalité comme ils la viventchacun, que je commence à créerquelque chose de nouveau.Mais j’ai d’abord besoin de m’allierà chacun et de vivre les membresde la famille de façon telle que jepeux sentir que je travaille poureux tous, ce qui inclut bien sûrceux qui apparemment se battentcontre moi. Très souvent, ils lefont par crainte, parce qu’ils mevoient comme un agresseur, ouparce qu’ils sont terrorisés. Jepense qu’on peut travailler poureux tous en même temps. Maisalors il est important de faire ladifférence entre un juge dans untribunal — et nous avons besoinde juges et de tribunaux — et unpsychothérapeute.

J. H. : C’est une distinction sage parles temps qui courent.

M. E. : Merci beaucoup pour cetentretien, mon très cher Jay. Y a-t-il quelques mots avisés que tusouhaites dire ?

« Vous n’entendezjamais Erikson citerRousseau »

J. H. : Une invocation à la sagesse ?Tu sais, je crois qu’on a progressé,de l’individu dans les annéescinquante, à la dyade dans lesannées soixante, représentée aumieux par Erickson. Puis on est

rgit et comment l’air frais faitsparaître les miasmes de lapétition. Ce que j’ai aimé aussi,est son côté éthique, la manièreont cette tâche ouverte etpparemment absurde va aideres gens pris dans les mêmesteractions répétitives à voirutrement les choses, et à lesvre différemment. Cette

mportance de l’éthique mepproche du point de vue dees amies féministes, selon lequel

ous pratiquons trop souvent laérapie de famille comme siomme et femme étaientterchangeables.

: Cette technique dectrophone a été inventée par Schiff Tu sais, il existe un autre

ect à propos des hommes etfemmes. Les féministes, je

mais des gens qui tentent d’enlibérer d’autres. C’est pour celaqu’il est si important de prendreen considération les relations depouvoir qui se manifestent au seinde la société, tout en se retenantd’imposer son propre point de vueau client.

J. H. : On ne peut séparer de quitu es l’agent. Je veux dire : on étaitl’agent de l’individu, et puis noussommes devenus l’agent de lafamille, et maintenant on estl’agent de l’Etat avec des cas surinjonction judiciaire. Mais c’est unequestion que de savoir si l’on estl’agent du mari ou celui de lafemme, aussi, si l’on pense decette façon.

M. E. : Ou alors, on peut penserqu’on est un agent dechangement dans cette situation

passé à la triade, où l’on pense entermes de coalition. Je crois qu’ilest très difficile de mélangertoutes ces unités. Et lesconstructivistes ne voient pas quiils soutiennent et contre qui ils semettent, dans la famille, lorsqu’ilsmettent l’accent sur la perceptionet sur comment les gensperçoivent la réalité. Mais il y aautre chose en Europe quim’intéresse. Je suis convaincuqu’Erickson, et la théorie auxEtats-Unis, doivent beaucoup àla vie à la campagne.A l’Américain du Middle Westvraiment. Je veux dire : vousn’entendez jamais Erickson citerRousseau, ou un intellectueleuropéen ; il parlera de la vie à laferme, de ce qui arrive auxanimaux. Les thérapeuteseuropéens ne semblent pas

aduit de l’anglaisar Serge Kannas.

Kafka, mais il pensait comme ça.Il a certainement parlé del’absurde.

M. E. : Dis-moi, est-il vraiqu’Erickson a dit que nousutilisons trop souvent la route del’inconscient au conscient commeune route à sens unique et quenous devrions l’utiliser dans lesdeux sens ? L’as-tu entendu direcela ?

J. H. : Je ne l’ai jamais entendu,mais il aurait pu le dire commecela, c’est vrai.

M. E. : Je crois qu’il a dit cela il y alongtemps, que les thérapeutesutilisaient cette route pourinterpréter ce qui vient del’inconscient à la conscience, lesrêves, les actes manqués, leslapsus… Mais qu’il était aussiimportant de tenter de créer des

d’une utilité limitée. T.S. Elliot adit un jour une choseintéressante. Il s’est demandé cequi était important dans la poésie :est-ce le sens d’un poème ?Si c’était le cas, on écrirait dela prose, et non des poèmes.

J. H. : C’est juste.

M. E. : Et pourtant on donne unsens au poème, même si l’on saitque la musique et le rythme sontdéterminants. C’est comme unvoleur qui donne un morceau deviande à un chien de garde, pours’introduire dans la maison etvoler. Le but du voleur n’est pasde nourrir le chien, comme le butdu poète ne consiste pas à écriredes histoires. Dans ce cas, jepense que le voleur, le poète etle thérapeute rêvent tousd’atteindre un niveau tandisqu’ils agissent à un autre. EtErickson, avec ses tâchesmétaphoriques et ses histoires,tentait de parler directement àl’inconscient dans son proprelangage. Je crois qu’un travail quiutilise les métaphores respecte lesens de ce qui arrive, et tente enmême temps d’obtenir lechangement. Le changement,comme le symptôme, se produitalors dans un contexte qui luidonne sens.

J. H. : Il s’agit aussi desconséquences du changement,et de quelle manière seconfronter à la rechute, àl’attente de la répétition. Il s’agitd’une séquence, non d’uneintervention.

M. E. : C’est aussi quelque choseque j’ai appris de toi. La notion deséquence. Les gens ne vont pasdirectement de la maladie à lasanté. Il y a des séquences,différentes étapes, et l’on doitaccepter de les traverser.

J. H. : C’est vrai.

M. E. : Merci beaucoup, mon cherJay.

savoir comment on met une vachedans l’étable.

M. E. : Je t’ai dit que je pensaisque nous nous servons, en tantque thérapeutes, de ce que nouspossédons. J’ai appris beaucoupde Ray Bradbury et de ses« Chroniques martiennes », oubien de Kafka ou de Borges, et ilsfont partie de ma vie aussi bienque de mon travail. Kafka étaitquelqu’un qui parlait del’absurdité de la vie, et decomment survivre dans unmonde…

J. H. : … qui l’est précisément,absurde.

M. E. : Et Erickson dirait :« Eh bien, utilise-la, accepte-la,cette absurdité ! »

J. H. : Eh bien, je n’ai jamaisentendu Erickson mentionner

métaphores qui touchentl’inconscient directement.

« Dans l’inconscient,il n’y a que desmétaphores »

J. H. : Il n’a a pas d’informationdigitale dans l’inconscient. Il n’y aque des métaphores.

M. E. : C’est aussi quelque choseque j’aime bien dans ton travail,l’importance du symptômecomme métaphore.

J. H. : C’est certain.

M. E. : Et pour moi, c’est trèsimportant, car parler dusymptôme comme métaphore,c’est accepter qu’il a un sens,même si nous savons quel’interpréter ne sera souvent que

u moment de mettre souspresse, nous apprenons

avec tristesse, le décès deJohn Weakland

survenu le 8 juillet 1995.Nous rendrons hommagece pionnier des thérapies

familiales dans notreprochain numéro de

Résonances.

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man with AIDS and for two friends caught upin a folie à deux.At $15 (U.S.) per year ($25 for institutions) forone Volume of two issues, you can participatein the fellowship of NETLETTER readers.Please join us, and help to enlarge the network.Photocopy this subscription form, and give it tonetwork interventionists whose names youdon’t find in the NETLETTER DIREC-TORY.Let’s help NETLETTER evolve from an infor-mal newsletter into a bulletin of practicing net-work interventionists, a forum for exchange ofnews, views, and information about discove-ries and dilemmas of everyday practice. Yourcorrespondence will help this evolution along.Should you choose to sent your contributionson magnetic media, NETLETTER’s computercan handle 3 1/2” high density disks, and oursoftware (Microsoft Publisher) can convert awide variety of standard files.

Subscription/renewal formIn 1986, the newsletter NETLETTER began circulating amongpractitioners and researchers interested in applying social networkanalysis to intervention in the fields of mental health and humanservices. Now (at the beginning of 1995), NETLETTER isdistributed to subscribers in 13 countries (including 15 States in theUnited States and 2 Provinces in Canada), on 5 continents.

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