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Aventures amoureuses... entre autres ou Amour, guerre et liberté dans le désordre Jacques Calérias

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Aventures amoureuses... entre autres

ou

Amour, guerre et liberté dans le désordre

Jacques Calérias

8.16 637329

----------------------------INFORMATION----------------------------Couverture : Classique

[Roman (134x204)] NB Pages : 88 pages

- Tranche : 2 mm + (nb pages x 0,07 mm) = 8.16 ----------------------------------------------------------------------------

Aventures amoureuses... entre autres ou Amour, guerre et liberté dans le désordre

Jacques Calérias

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Souvenirs, souvenirs

Aussi loin que je puisse remonter dans mes souvenirs d’enfance, je retombais toujours sur cette exclamation soudaine de ma mère : « Pierre… Pierre… C’est la guerre ! »

Je revoyais alors la scène, gravée dans mon jeune esprit : mon père, qui était occupé au jardin, rejoignit rapidement ma mère et, à leur mine catastrophée, je compris qu’il se passait quelque chose de grave. Néanmoins, la routine sembla se poursuivre quelque temps, du moins jusqu’au jour où mes parents sortirent la balance… Il fallait, pour chacun de nous quatre, peser la ration de pain quotidien ! Tant que le fléau n’était pas parfaitement horizontal, on rajoutait quelques croûtons, trésors que j’avais soin de cacher dans le tiroir de mon armoire. C’était une toute dérisoire cachette, en vérité, car mon frère, de cinq ans mon aîné, grand gaillard de deux fois ma taille et mon poids, était susceptible de quelque incartade. Il

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fallait bien entretenir « la carcasse ». Eh bien, à sa décharge, je dois reconnaître aujourd’hui qu’il ne se servit jamais sur ma ration de pain. Seuls, les pots de confiture réduisaient inexorablement…

Par ailleurs, mon frère avait des talents de bricoleur qui m’épataient : il fabriqua, entre autres, un avion en bois de type Lancaster, doté d’un ingénieux système de pinces et tirettes qui permettait de larguer des bombes qu’il tournait lui-même. Il montait jusqu’à la fenêtre du galetas et là, tenant l’avion d’une main et imitant le bruit des moteurs, il larguait la bombe autour de laquelle il avait attaché un brin de coton enflammé. Toujours imaginatif, il nous en fera une plus belle, un peu plus tard…

De plus en plus, on ressentait le poids des restrictions : terminé, les pommes de terre et les vrais choux, mais des topinambours et des rutabagas, et c’était la fête quand on pouvait manger une tranche de pain avec du saindoux, car la matière grasse manquait énormément ! Heureusement, le métier de mon père, voyageur de commerce, l’amenait de temps en temps dans le Puy de Dôme. Quand il revenait, en fin de semaine, on savait qu’il y aurait « la » surprise : des châtaignes et du Saint Nectaire ! Ce dernier restera, pour moi, « ma Madeleine ». Un vendredi, il en ramena jusqu’à quatre ! Inutile de vous dire que ce soir-là, ce fut l’explosion de joie ! Hélas, ma mère commit l’imprudence de laisser un fromage entier sur la table. Un moment d’inattention, les trois quarts

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disparurent dans les ventres affamés. Les jours suivants, nous eûmes droit à un quart par jour.

A la suite du débarquement allié en Afrique du Nord, les Allemands envahirent la zone sud de la France et s’installèrent en vainqueurs dans notre ville. Ils avaient besoin de loger leurs officiers, aussi visitèrent-ils toutes les maisons de la rue. Par une chance extraordinaire, ils ne virent pas, dans un renfoncement, la porte qui donnait accès à la salle de bain avec baignoire, grand luxe pour l’époque. Dans le garage trônait la Simca 5 de ma mère, mais mon père avait pris soin de la mettre sur cales et de faire disparaître les pneus ! On échappait ainsi à un autre genre d’occupation et, de loin, la plus contraignante !

Un côté de la rue était occupé par des maisons individuelles dont la nôtre, l’autre côté par un grand mur de deux mètres cinquante de haut, sur plus de deux cents mètres de long. Il bordait partiellement un pensionnat de jeunes filles, que les Allemands transformèrent bientôt en hôpital. Tous les matins, ma mère, institutrice, rejoignait son école en me tenant par la main. Nous n’avions d’autre choix que de passer devant une porte secondaire de l’hôpital, gardée par une sentinelle. Je découvrais ainsi l’occupant allemand, tout de gris vêtu et inquiétant. Il me tardait qu’on eût rejoint le coin de la rue, de peur qu’il nous tirât dessus !

La société dans laquelle travaillait mon père avait loué une vaste villa en grande banlieue afin de recevoir les enfants du personnel, pendant les

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vacances. Elle était située aux abords d’une rivière dont le pont suspendu, en bois, permettait d’accéder au village. A part la baignade, l’activité principale consistait à concevoir n’importe quoi à l’aide de feuilles de magnolia que l’on assemblait grâce à des épines de pin. On en tirait des sacs, des robes, des chapeaux et d’autres choses encore, sorties tout droit de notre imagination fertile. Un jour, nous reçûmes l’ordre de ne pas sortir de la villa ; une grande activité régnait autour de la rivière. Quelques minutes plus tard : forte pétarade ! Les Allemands avaient fabriqué des bateaux en papier qu’ils avaient jetés en amont, et s’exerçaient au tir avec leurs armes automatiques. Ce vacarme infernal dura une bonne heure, suivi par un calme peu à peu rassurant.

Avant de vous relater l’épisode rocambolesque de mon frère, il faut que je vous narre les événements qui l’ont précédé et finalement provoqué. Un jour, un soldat allemand était sur le pont et regardait la surface de l’eau avec sa paire de jumelles sans doute pour repérer la présence de poissons. À un moment un de ses supérieurs l’interpella vivement lui faisant signe de venir, le soldat posa jumelles et sacoche sur le garde-corps du pont. À ce moment-là, Camille, le fils de la cuisinière et copain de mon frère passait par là ... Vous avez compris que les jumelles disparurent subrepticement. Le lendemain, quelques soldats pataugeaient sur la berge et dans l’eau à la recherche des jumelles, persuadés qu’elles étaient tombées dans

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l’eau ! Alors que tous les enfants étaient partis en promenade, exceptionnellement et je ne sais trop pourquoi, (peut-être parce qu’ils étaient « les grands ») Camille et mon frère étaient restés. Voyant les ébats des soldats dont quelques-uns se baignaient nus, les deux compères se glissèrent près des habits, subtilisèrent non seulement un casque mais également le treillis noir d’un mécanicien de char ! Insoupçonnable puisque en promenade, la colonie n’a pas été inquiétée ... et nous n’avons pas eu d’écho sur l’événement. Mon frère avait réussi à trouver, un emballage de chocolat en aluminium, pour fabriquer le sigle SS, distinctif de la Schutzstaffel, quatre bouts de bois et un petit tube d’acier. Tout cela, assemblé et peint en noir, faisait figure de mitraillette assez ressemblante dans l’obscurité.

Mon père, à la tête du comité d’entreprise, était également responsable de la colonie. Tous les vendredis, il arrivait avec son chauffeur, en camionnette, afin de nous ravitailler en nourriture, sans omettre de nous délivrer courrier et nouvelles de la ville.

Ce vendredi-là, à vingt-deux heures trente précisément, on frappa violemment à la porte :

« Öffnen Gestapo ! » C’est mon père qui alla ouvrir : « Messieurs, vous désirez… ? – Fous abriter terroristes, nous Fisiter ! » Mon frère, costumé en nazi, n’avait qu’une envie :

se rendre dans le dortoir des filles. Il grimpa quatre à

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quatre l’escalier mais Camille, subitement en manque d’audace, lui ordonna en allemand de revenir. En vain ! Mon frère ne comprenait pas ces injonctions germaniques inopinées. Il finit toutefois par s’inquiéter de la folle témérité de son plan, et nous le vîmes redescendre. « Nous foir cuisines ! ». Allons bon, voilà Camille qui tentait un plan B ? Il fallait maintenant descendre un escalier assez étroit et pas très bien éclairé. Mon père passa devant, suivi de la directrice et de son adjointe, de Camille et de mon frère.

« Je crois qu’on a bien eu mon père ! » chuchota mon frère à l’oreille de Camille. Il ne s’était pas rendu compte que, derrière lui, l’infirmière avait suivi.

Arrivée au bas de l’escalier, cette dernière, intriguée d’avoir entendu un supposé Allemand parler le français sans accent, le regarda de plus près, devina son maquillage et ses traits juvéniles… « Mais c’est Marcel ! »

Mon frère reçut la plus belle gifle de sa vie ! Le dimanche suivant, afin d’immortaliser cet

épisode rocambolesque, mon père accepta qu’une photo soit prise : Camille et mon frère en uniforme allemand paradaient, encadrant avec respect la direction du centre de vacances. C’était assez courageux quand on pense que de véritables soldats allemands se trouvaient dans notre village : et quand on sut plus tard qu’il s’agissait de la division « Das Reich », de sinistre mémoire, mon frère sentit bien près passer le vent du peloton d’exécution. Sincèrement, s’il fallait sauver d’un incendie une seule

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photo, c’est bien celle-là que je choisirais pour la postérité.

Quelques jours plus tard, alors que nous nous occupions de nos feuilles de magnolia, le bruit caractéristique des chenilles d’un char se fit entendre. Curieux, nous nous précipitâmes pour l’apercevoir. Il était là… à l’arrêt. Le haut de la tourelle était levé et un Allemand hurlait pour se faire entendre du chauffeur, tout en montrant un panneau qui signalait le poids supportable par le pont. Je ne me souviens plus précisément la limite indiquée, mais elle était manifestement inférieure au poids du tank ! Le couvercle de la tourelle se referma et, lentement, le char avança. Les premiers craquements se firent entendre… L’engin poursuivit la traversée. Non seulement trop lourd, mais aussi trop large, il fut obligé d’empiéter sur le trottoir. Certaines planches se mirent à voler en éclats ! Le pont résistait encore, par miracle. Imperturbable, le chauffeur persista dans ses efforts : les planches grincèrent, plièrent mais la plupart tinrent le coup. Le véhicule blindé parvint au milieu du pont. Nous priions tous pour qu’il s’écroulât. Eh bien non : le char réussit sa traversée ! Grosse déception, mais que voulez-vous, c’était la qualité française de l’époque…

Pour nous tous, après trois mois de vacances, il fallait revenir à l’école. Un jour, grande effervescence à la maison, on venait d’apprendre le Débarquement. Mon père s’était procuré une carte de France et,