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LE SECRET PROFESSIONNEL ET SON INCIDENCE EN DROIT FAMILIAL, LE DERNIER DES MOHICANS ? UNE REVUE DE LA JURISPRUDENCE RÉCENTE M e Michel Tétrault ∗∗ TABLE DES MATIÈRES INTRODUCTION.................................................................. 143 I.– LA CONFIDENTIALITÉ ET LE PROFESSIONNEL : CRITÈRES D’EXISTENCE ET ÉTENDUE........................................................... 143 Le propriétaire du privilège client–avocat ................. 150 II.– LE SECRET PROFESSIONNEL ET SA PROTECTION EN CAS DE PERQUISITION .......... 151 III.– L’ARRÊT MARANDA .............................................. 155 A. La perquisition .......................................................... 156 B. Les notes d’honoraires et la confidentialité .............. 157 C. L’exception du crime ................................................ 159 IV.– L’ARRÊT FOSTER–WHEELER .............................. 160 A. Le fardeau de la preuve de celui qui invoque le secret professionnel ................................................. 161 1. Relation ponctuelle ............................................. 162 2. Relation de longue durée ................................... 162 Aucune reproduction sans autorisation écrite de l’auteur. La présente autorisation ne vaut que pour la présentation du texte dans le cadre du Congrès du Barreau 2005. ∗∗ Avocat chez Lemay, Gladu, Collard.

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Page 1: IV.– L’ARRÊT FOSTER–WHEELER - barreau.qc.ca · Le secret professionnel et son incidence en droit familial… 142 B. Avant de trancher une objection concernant le caractère

LE SECRET PROFESSIONNEL ET SON INCIDENCE EN DROIT FAMILIAL, LE DERNIER DES MOHICANS ? UNE REVUE DE LA JURISPRUDENCE RÉCENTE∗

Me Michel Tétrault∗∗

TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION..................................................................143

I.– LA CONFIDENTIALITÉ ET LE PROFESSIONNEL : CRITÈRES D’EXISTENCE ET ÉTENDUE...........................................................143 Le propriétaire du privilège client–avocat.................150

II.– LE SECRET PROFESSIONNEL ET SA PROTECTION EN CAS DE PERQUISITION ..........151

III.– L’ARRÊT MARANDA ..............................................155 A. La perquisition ..........................................................156 B. Les notes d’honoraires et la confidentialité ..............157 C. L’exception du crime ................................................159

IV.– L’ARRÊT FOSTER–WHEELER ..............................160 A. Le fardeau de la preuve de celui qui invoque le

secret professionnel .................................................161 1. Relation ponctuelle.............................................162 2. Relation de longue durée ...................................162

∗ Aucune reproduction sans autorisation écrite de l’auteur. La présente

autorisation ne vaut que pour la présentation du texte dans le cadre du Congrès du Barreau 2005.

∗∗ Avocat chez Lemay, Gladu, Collard.

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B. Avant de trancher une objection concernant le caractère privilégié de documents, le tribunal doit-il prendre connaissance de ceux-ci ?..........................163

C. Lorsqu'un tiers assiste à un entretien protégé par le secret professionnel, cela constitue-t-il nécessairement une renonciation au secret professionnel ? .........................................................163

V. LES COMMUNICATIONS EFFECTUÉES DANS LE CADRE D’UNE NÉGOCIATION.........................165 A. Le principe................................................................165 B. Les négociations entre les parties............................167

VI.– LES RAPPORTS CONFECTIONNÉS AUX FINS DE PRÉPARER UN DOSSIER ................................181

VII.– LES EXCEPTIONS ..................................................185 A. Cette consultation ne doit pas avoir pour but

d’atteindre des fins illicites........................................185 B. La preuve de l’innocence .........................................187 C. La sécurité publique .................................................189 D. La renonciation expresse ou implicite ......................192

VIII.– L’EXPERTISE EN MATIÈRE FAMILIALE ET LE SECRET PROFESSIONNEL ...................................194

CONCLUSION.....................................................................201

ANNEXE : LE SECRET PROFESSIONNEL.......................202

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Un secret, ce n’est pas quelque chose qu’on ne dit pas, c’est quelque chose qu’on dit à voix basse et à une personne à la fois.

– Marcel Pagnol

INTRODUCTION

1 Les praticiens ont l’occasion de constater qu’en matière familiale, les règles de preuve et de procédure sont appliquées de façon plus laxiste notamment lorsque l’intérêt de l’enfant est en jeu, d’où l’intitulé. Une étude de la jurisprudence démontre qu’une des règles de preuve, sinon la seule qui semble immunisée contre ce laxisme, est celle relative au secret professionnel. Nous tenterons dans les lignes qui suivent de faire un état de la jurisprudence quant aux principes généraux et pour ensuite voir leur incidence quant au droit de la famille. La Cour suprême nous a gratifiés récemment de deux arrêts portant sur le secret professionnel : les arrêts Foster-Wheeler1 et Maranda2, le premier sous la plume du juge LeBel où la Cour suprême procède à une revue approfondie de la législation et de la jurisprudence québécoise sur le sujet et le second qui traite plus particulièrement de l’étendue du secret professionnel.

I.– LA CONFIDENTIALITÉ ET LE SECRET PROFESSIONNEL : CRITÈRES D’EXISTENCE ET ÉTENDUE

2 En droit civil québécois, le secret professionnel de l’avocat est une institution qui renferme deux composantes, rappelle la Cour suprême dans ces deux arrêts. Il comporte, à l’égard des tiers, une immunité de divulgation qui protège le contenu de l’information contre sa communication forcée, même devant le tribunal, sous les réserves et les limites prévues par les règles et principes juridiques applicables. Le professeur Royer décrit ainsi cette double finalité :

3 Le secret professionnel a une double finalité, soit celle de protéger la confidentialité des rapports entre un

1 [2004] C.S.C. 18. 2 Maranda c. Richer, [2003] 3 R.C.S. 67 ou REJB 2003-49826.

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professionnel et son client à l'égard du public en général, soit celle d'assurer la non-divulgation en justice des informations confidentielles confiées par un client à un professionnel. Entendu dans le premier sens, ce secret est un devoir de discrétion qui s'impose au professionnel. Celui-ci ne peut généralement pas divulguer à des tiers les confidences de son client. Cette obligation peut découler d'une loi, d'un règlement et même de la seule existence d'un rapport contractuel. Sa violation expose le contrevenant à des sanctions. Entendu dans le deuxième sens, le secret professionnel est le droit ou l'obligation d'une personne de ne pas divulguer devant un tribunal des renseignements confidentiels qui lui ont été révélés dans l'exercice de ses fonctions. Il s'agit d'une immunité ou d'un privilège qui restreint la recevabilité de la preuve et qui est un obstacle à la découverte de la vérité. Le devoir de discrétion du professionnel est plus étendu que son immunité judiciaire.3 (Nous avons omis les renvois)

4 Le secret professionnel fait l’objet d’une protection dans de multiples textes de loi4. L’article 9 de la Charte des droits et libertés de la personne (ci-après la « Charte québécoise ») est la disposition la plus importante, puisqu’elle place le secret professionnel parmi les droits fondamentaux. Le tribunal doit, d’office, assurer le respect du secret professionnel. Vient ensuite l’article 60.4 du Code des professions qui impose le respect du secret professionnel à tous les membres des ordres professionnels qu’il régit et non seulement aux avocats et aux notaires. La Loi sur le Barreau traite aussi de la question à son article 131. S’ajoute à cet encadrement le Code civil du Québec, qui renforce l’obligation de respect du secret professionnel. Au titre du droit de la preuve, l’article 2858 C.c.Q. dispose que le juge doit soulever d’office toute violation du secret professionnel et exclure tout élément de preuve qui en provient. En vertu du Code de déontologie (art. 3.06.03), l'avocat et son personnel ont l'obligation de protéger l'information visée par les règles du secret professionnel. Il doit donc conserver le secret absolu des confidences qu'il reçoit en raison de sa profession de même que des opinions ou avis qu'il a fournis au client. Si l'avocat ne doit pas révéler les

3 ROYER, Jean-Claude, La preuve civile, 3e éd, 2003, Éd. Yvon Blais, par. 1155. 4 Charte des droits et libertés de la personne, L.R.Q., C.12, art. 9; Code des

professions, L.R.Q., c.26, art. 60.4; Loi sur le Barreau, L.R.Q. c.B-1, art. 131; Code civil, art. 2828.

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confidences reçues et visées par le secret professionnel, il doit s'assurer que cette information est protégée et inaccessible aux tiers.

5 La Loi concernant le cadre juridique des technologies de l'information5, à l'article 34, édicte que :

6 Lorsque la loi déclare confidentiels des renseignements que comporte un document, leur confidentialité doit être protégée par un moyen approprié au mode de transmission, y compris sur des réseaux de communication. [...].

7 L'avocat a donc une obligation de prendre des mesures positives appropriées. L’article 25 de la Loi confirme cette obligation :

8 25. La personne responsable de l'accès à un document technologique qui porte un renseignement confidentiel doit prendre les mesures de sécurité propres à en assurer la confidentialité, notamment par un contrôle d'accès effectué au moyen d'un procédé de visibilité réduite ou d'un procédé qui empêche une personne non autorisée de prendre connaissance du renseignement ou, selon le cas, d'avoir accès autrement aux documents ou aux composantes qui permettent d'y accéder.

9 L'avocat qui a une obligation d'archivage et de conservation des documents (incluant l'information sur support informatique) en vertu du Règlement sur les normes de tenue des dossiers et de bureau des avocats6 assume aussi des obligations en vertu de l'article 19 de la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l'information7. Cet article édicte ce qui suit :

10 19. Toute personne doit, pendant la période où elle est tenue de conserver un document, assurer le maintien de son intégrité et voir à la disponibilité du matériel qui permet de le rendre accessible et intelligible et de l'utiliser aux fins auxquelles il est destiné.

11 En matière informatique, les changements surviennent à un rythme effréné, le praticien doit donc faire en sorte, s'il modifie en tout ou en partie son système informatique ou son 5 L.R.Q., chapitre C-1.1 (ci-après la « Loi »). 6 2000 G.O.Q. II, 7706 (ci-après le « Règlement »). 7 L.R.Q., chapitre C-1.1.

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logiciel de traitement des données, d'être en mesure de pouvoir « récupérer » l'information qu'il a le devoir d'archiver en vertu du Règlement. Les articles 18 et 19 de la Loi traitent du processus de changement du support de l'information. Ce transfert devra être documenté pour que le document ne perde pas sa valeur juridique.

12 Cet amalgame de lois poursuit le même objectif, à savoir protéger, à certaines conditions, les communications entre un procureur et son client dans l’exécution de son mandat.

13 Il faut avant tout faire la distinction entre la confiden-tialité, qui relève du secret professionnel, que l’on qualifie de règle de fond et qui, à certaines conditions, s’applique en tout temps au procureur visé et impose à ce dernier un devoir de discrétion et crée un droit corrélatif à son silence en faveur de son client. Il comporte ensuite, à l’égard des tiers, une immunité de divulgation, le privilège client–avocat qui en est la conséquence et constitue une règle de preuve rendant inadmissible, à certaines conditions, la divulgation d’information obtenue sous le sceau du secret professionnel dans le cadre d’un procès.

14 La confidentialité fait référence à la relation profes-sionnelle entre l’avocat et son client. Au Québec, l’article 9 de la Charte québécoise prévoit que chacun a droit au respect du secret professionnel, nous citons :

15 […] que toute personne tenue par la loi au secret professionnel […] ne peut même en justice, divulguer les renseignements confidentiels qui leur ont été révélés en raison de leur état ou de leur profession.

16 Cette disposition vise plus de quarante professions incluant évidemment le notaire et l’avocat; il est important de connaître les tenants et les aboutissants de cette disposition. Elle impose notamment à l’avocat l’obligation de protéger l’information confidentielle qui lui a été révélée en raison de l’exercice de sa profession. Il vise donc toute communication de nature confidentielle qui est échangée avec son client, il ne vise pas les faits qu’il a pu constater lui-même au cours des démarches qui ont été accomplies dans l’exécution de son mandat8. 8 Ciarello c. Ciarello, J.E.2004-749 (C.S.).

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17 Il s’agit d’un « droit personnel et extrapatrimonial qui accompagne le citoyen dans ses rapports avec les autres »9. Avant d’aborder l’étude des décisions récentes de la Cour suprême, il y a lieu de procéder à un rappel des arrêts de cette Cour qui ont mené à ces arrêts récents. Dans un premier temps, l’arrêt Solosky c. La Reine10 : l’étude de la question dans cet arrêt permet de constater que le droit à la confidentialité s’est d’abord manifesté comme une règle de preuve qui a été étendue dans cette décision; en effet, la question en litige visait l’ouverture du courrier des détenus en provenance de leur procureur.

18 Dans l’arrêt Descôteaux c. Mierzwinsky, le juge Lamer indique ce qui suit :

19 De toute évidence, la Cour, dans cette cause [Solosky], appliquait une norme qui n'a rien à voir avec la règle de preuve, le privilège, puisqu'en rien n'y était-il question de témoignages devant un tribunal quelconque. En fait la Cour, à mon avis, appliquait, sans par ailleurs la formuler, une règle de fond et, par voie de conséquence, reconnaissait implicitement que le droit à la confiden-tialité, qui avait depuis déjà longtemps donné naissance à une règle de preuve, avait aussi depuis donné naissance à une règle de fond.11

20 La Cour suprême réaffirme ce principe dans l’arrêt Lavallée, Rackel & Heinz c. La Reine, il s’agit d’un principe de droit substantiel. C’est l’arrêt Descôteaux c. Mierzwinski12 de la Cour suprême qui établit les critères pour qu’une information soit visée par le devoir de confidentialité :

a) Une communication faite par le client21 Les faits neutres constatés par un avocat dans

l’exécution générale de son mandat de représentation, c’est-à-dire des faits qui ne peuvent permettre de connaître par déduction des confidences faites par un client, le mandat confié ou le conseil juridique fourni ne sont pas couverts par le secret professionnel.

9 Tisserand Entreprises inc. c. Gentra Canada, REJB 2002-33276 (C.S.)

(Requête pour permission d’en appeler rejetée). 10 [1980] 1 R.C.S. 821, 835. 11 [1982] 1 R.C.S. 860, 875. 12 [1982] 1 R.C.S. 860.

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22 On notera que dans l’affaire Pritchard c. Commission des droits de la personne de l’Ontario13, la Cour suprême du Canada a reconnu que le « client » pouvait être un organisme public, nous citons :

23 Le privilège avocat–client protège une vaste gamme de communications entre avocat et client; il vise tant l'avis donné à un organisme administratif par un avocat salarié que l'avis donné dans le contexte de l'exercice privé du droit. Lorsqu'un avocat salarié donne des conseils que l'on qualifierait de privilégiés, le fait qu'il soit un avocat « interne » n'écarte pas l'application du privilège ni n'en modifie la nature. Vu la nature du travail d'un avocat interne, dont les fonctions sont souvent à la fois juridi-ques et non juridiques, chaque situation doit être évaluée individuellement pour déterminer si le privilège s'applique dans les circonstances. En l'espèce, la communication entre la Commission et son avocate interne constituait un avis juridique et était protégée par le privilège avocat–client. (Résumé de l’arrêtiste)

b) qui consulte un avocat en sa qualité d’avocat (dans le cadre d’une relation client–avocat)

c) communication voulue confidentielle par le client 24 La présence d’un tiers aura donc une incidence sur le

caractère confidentiel de l’entretien. À ce sujet, une décision récente apporte certaines nuances lorsque plus d’une personne assiste à la rencontre. Il s’agit de l’affaire Édouard c. Entreprises environnementales Pierrefonds14 où le Tribunal conclut qu’une réunion organisée par un avocat, regroupant les cent cinquante et un requérants qu’il représente, est une consultation dans le cadre de la relation client–avocat et que les renseignements ainsi transmis ont un caractère confiden-tiel. Ainsi toute information communiquée à la partie adverse devait être dévoilée au procureur des requérants et détruite sans délai (incluant les copies en sa possession). Il s’agit en fait de l’application de la théorie du « joint interest » en provenance du droit anglais, suivant laquelle les échanges entre un procureur et toutes les personnes assistant à une

13 J.E. 2004-1088 ou [2004] C.S.C.31. Pour une étude approfondie, voir

Deborah MACNAIR, « Sollicitor-client privilege and the Crown: When is a privilege a privilege », (2003) R. du B. Can. 213.

14 J.E. 2001-1777 (C.S.) ou REJB 2001-26406.

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entrevue dans la poursuite d’un but commun bénéficient du secret professionnel15. Cette théorie n’a pas encore reçu une reconnaissance de l’ensemble de la jurisprudence. Par ailleurs, elle pourrait être soutenue en vertu de l’arrêt Foster-Wheeler16 de la Cour suprême dont nous traiterons plus loin et plus particulièrement du passage suivant :

25 48. […] En effet, le jugement dont l'appel a conclu que la seule présence d'une animatrice professionnelle, engagée comme présidente d'assemblée pour cette réunion, impliquait une renonciation au secret professionnel, puisqu'une tierce personne assistait ainsi à la réunion en question.

26 49. Cette conclusion est erronée dans les circonstances de cette affaire. En effet, cette réunion a été tenue dans une perspective de maintien de la confidentialité. L'intensité du conflit politique au sein de l'organisme municipal empêchait le président d'assemblée de remplir ses fonctions. Pour assurer le bon ordre de la réunion, sous tous ses aspects, y compris quant aux rapports qui devaient être présentés par des fonctionnaires ou des avocats, la Régie avait engagé une personne indépen-dante que l'on avait chargée de diriger les débats comme si elle avait été la présidente. La présence de cette animatrice était non seulement utile, mais même néces-saire pour l'assemblée. Dans ces conditions, sa présence n'impliquait aucune renonciation au secret professionnel (Pfieffer et Pfieffer Inc. c. Javicoli, [1994] R.J.Q. 1 (C.A.), p. 6 et 8). L'animatrice s'intégrait temporairement dans l'organisme et sa procédure de délibération, pour remplir une fonction nécessaire à la bonne marche de celle-ci. Cette rencontre restait à huis clos, toujours dans une perspective de confidentialité indispensable des échan-ges entre les intervenants, malgré la présence de factions opposées à l'intérieur de l'organisme et de perceptions divergentes sur l'opportunité et la réalisation du projet en cause. La nature de l'assemblée et de la discussion demeurait la même. Dans ces circonstances, l'on ne pouvait induire de cette procédure une renoncia-

15 Air Canada c. Airline Industry, REJB 1999-14987 (C.S.). 16 REJB 2004-55538. Voir Stéphane REYNOLDS, « Commentaire sur la décision

Société d’énergie Foster-Wheeler Ltéé c. Société intermunicipale de gestion et d’élimination des déchets (SIGED) inc, - Où la sphère du secret professionnel cède-t-elle le pas à la recherche de la vérité ? », Repères, avril 2004, Éd. Yvon Blais.

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tion au secret professionnel à l'égard des communica-tions faites par les avocats qui participaient à la rencontre, en qualité de conseillers juridiques de la SIGED et de la Régie.17

d) et qui a pour fin d’obtenir un avis juridique 27 La confidentialité prend naissance dès les premières

démarches que pose le client potentiel auprès du bureau de l’avocat en vue d’obtenir un avis juridique : sont aussi visés les renseignements que requiert un avocat d’une personne pour décider s’il acceptera de la conseiller ou de la représenter : « sont tout autant des communications faites dans le but d’obtenir un avis juridique que ceux qui lui seront communiqués par après »18. Dans l’arrêt Descôteaux, la Cour va plus loin en indiquant : […] qu’il en est ainsi […] aussi pour ceux qui concernent la capacité du client à rémunérer l’avocat et tous autres renseignements qu’un avocat est raisonnablement en droit d’exiger avant d’accepter un mandat »19.

Le propriétaire du privilège client–avocat 28 Dans l’arrêt Descôteaux, le juge Lamer reprenant un

passage de l’ouvrage de Cross on Evidence20, indique que la règle de preuve fait en sorte que tant en matières civiles que pénales, un client n’est pas tenu de témoigner à propos de communications confidentielles échangées entre lui et son conseiller juridique et, sans le consentement de son client, le procureur ne peut témoigner à leur sujet. Dans les décisions suivantes, les tribunaux ont refusé de libérer le procureur de son obligation de confidentialité en l’absence d’une renoncia-tion implicite ou expresse du client, même s’il s’agissait de permettre au procureur de bénéficier d’une défense pleine et entière : Habitations Domicil inc c. Fabien21; Plante c.

17 [2004] CSC 18, par.48 et 49. 18 Descôteaux c. Mierzwinsky, [1982] 1 R.C.S. 860 p.876 et 877. 19 Descôteaux c. Mierzwinski, [1982] 1 R.C.S. 860, 877. 20 5e éd., 1979, 282. 21 REJB 2000-200060 ou J.E. 2000-1761 (C.S.).

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Zambartin22; Tisserand Entreprises inc. c. Gentra Canada23; Gurunlian c. Almaraghi24.

II.– LE SECRET PROFESSIONNEL ET SA PROTECTION EN CAS DE PERQUISITION

29 Nous désirons traiter de l’arrêt de la Cour suprême dans Lavallée, Rackel & Heintz c. La Reine25; la question soumise à la Cour consiste à savoir si l’article 488.1 du Code criminel, qui établit une procédure permettant de savoir si le secret professionnel de l’avocat s’applique aux documents saisis dans un bureau d’avocat en vertu d’un mandat, porte atteinte à l’article 8 de la Charte canadienne des droits et libertés26 (ci-après la « Charte »).

30 La majorité de la Cour suprême indique que l’article 8 protège contre les fouilles, perquisitions et saisies abusives; il s’agit de déterminer si la procédure prévue à l’article 488.1 donne lieu à une perquisition abusive et à la saisie abusive de documents en la possession d’un avocat, y compris les documents susceptibles d’être privilégiés.

31 L’article 488.1 porte atteinte de façon plus que minimale au secret professionnel et équivaut à une saisie, une fouille ou perquisition abusive, contrairement à l’article 8 de la Charte. Les lacunes constitutionnelles relevées par la majorité peuvent se résumer comme suit :

♦ l’absence ou l’inaction de l’avocat; ♦ l’obligation de désigner nommément les clients; ♦ l’absence d’avis au client; ♦ les délais stricts; ♦ l’absence de pouvoir discrétionnaire de la part du

juge pour décider s’il existe un privilège avocat–client;

22 C.S. Longueuil, no 505-11-004892-027, 21 mars 2002, j. Mercure. 23 REJB 2002-33276 (C.S.) (Requête pour permission d’appeler rejetée). 24 C.Q. Montréal, no 500-02-000125-877, 6 juillet 1987, j. Dumais. 25 [2002] C.S.C. 61 ou REJB 2002-33795. 26 Charte canadienne des droits et libertés dans Loi constitutionnelle de 1982,

U.K. 1982, c. 11, annexe B, partie I.

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♦ l’accès du procureur général avant qu’une décision judiciaire soit rendue.

32 La caractéristique dominante de ces lacunes est la violation potentielle du secret professionnel sans que le client en ait connaissance et encore moins qu’il n’y ait consenti. Le privilège existe indépendamment de sa revendication. On ne peut tenir pour acquis que l’avocat est l’alter ego du détenteur du privilège, il en est le gardien.

33 La seconde lacune fatale est l’absence de pouvoir discrétionnaire du juge qui statue sur l’objection fondée sur le privilège. L’article 488.1(6) C.cr. confère au ministère public un droit d’accès aux documents saisis si on n’a fait aucune demande ou si on n’a pas donné suite à celle-ci avec la célérité requise. Dans ces situations, le Tribunal n’a aucun pouvoir résiduel de décider que ces documents demeureront inaccessi-bles à l’État, si en fonction des circonstances, il est dans l’intérêt de la justice qu’ils le demeurent. Cette façon d’agir porte indûment atteinte au privilège et a une utilité limitée pour la détermination de son existence.

34 L’article 488.1 C.cr. ne peut devenir raisonnable dans son application en se fondant sur la présomption que la poursuite se comportera de façon honorable. L’article 1 de la Charte ne peut être d’aucune utilité, bien que l’efficacité des enquêtes policières soit une préoccupation de fond urgente, cet article ne prévoit pas de moyens proportionnés pour atteindre cet objectif.

35 La Cour émet les lignes directrices suivantes : ♦ aucun mandat de perquisition ne peut être délivré

relativement à des documents reconnus comme étant protégés par le secret professionnel de l’avocat;

♦ aucun mandat de perquisition dans un bureau d’avocats ne peut être émis non plus s’il existe d’autres solutions de rechange raisonnables;

♦ le juge saisi de la demande de mandat doit être rigoureusement exigeant pour ce qui est des communications entre client et avocat;

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♦ sauf autorisation contraire du mandat, tous les documents en possession d’un avocat doivent être scellés avant d’être examinés ou saisis;

♦ il faut faire tous les efforts possibles pour communi-quer avec l’avocat et le client au moment de l’exécu-tion du mandat de perquisition et lorsque l’avocat ou le client ne peuvent être joints, un représentant du Barreau devrait superviser la mise sous scellés et la saisie des documents;

♦ l’enquêteur qui exécute le mandat doit rendre compte au juge de paix des efforts faits pour joindre tous les détenteurs potentiels du privilège, lesquels devraient ensuite avoir une occasion raisonnable de formuler une objection fondée sur le privilège et, si cette objection est contestée, de faire trancher la question par les tribunaux;

♦ s’il est impossible d’aviser les détenteurs potentiels du privilège, l’avocat qui a la garde des documents saisis, ou un autre avocat nommé par le Barreau ou par la Cour, doit examiner les documents pour déterminer si le privilège devrait être invoqué et doit avoir une occasion raisonnable de faire valoir ce privilège;

♦ le procureur général peut présenter des arguments sur la question du privilège, mais on ne devrait pas lui permettre d’examiner les documents à l’avance et l’autorité poursuivante peut examiner les docu-ments uniquement lorsqu’un juge conclut qu’ils ne sont pas privilégiés;

♦ si les documents scellés sont jugés non privilégiés, ils peuvent être utilisés dans le cours normal de l’enquête;

♦ si les documents sont jugés privilégiés, ils doivent être retournés immédiatement au détenteur du privilège ou à une personne désignée par la Cour.

36 Une autre décision importante est venue baliser la question de la perquisition en application des règles énoncées par la Cour suprême dans l’arrêt précité, l’arrêt Festing c.

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Procureur Général du Canada27 de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique qui définit ce qu’est un cabinet d’avocats, ce qui permet de délimiter l’étendue de la protection de l’information privilégiée reçue par l’avocat au plan physique. La Cour conclut que le cabinet d’un avocat n’est pas forcément délimité par les murs qui l’entourent. Au contraire, la Cour favorise une interprétation large de ce que constitue un bureau d’avocat. Dans cet arrêt, un mandat de perquisition est émis pour fouiller le bureau des avocats, le bureau des comptables où l’avocat en cause et les comptables archivent les dossiers de leurs clients. La Cour définit la notion de cabinet d’avocats comme « tout endroit où des documents28 tombant sous la protection du secret professionnel avocat–client peuvent raisonnablement se trouver »29, notamment la résidence de l’avocat, le bureau d’un avocat situé dans le bureau d’une pratique multidisciplinaire et les autres lieux où un avocat peut entreposer ses dossiers.

37 Même si le législateur fédéral n’a pas revu les articles 488.1 et ss. du Code criminel. Par ailleurs, le 15 septembre 2004 entraient en vigueur les dispositions des articles 407.11 à 407.17 C.cr.30 qui créent un nouveau mécanisme permettant d’obtenir des ordonnances de communication pour astreindre des personnes ne faisant l’objet d’une enquête à produire des données ou des documents liés à la perpétration d’une infraction présumée à une loi fédérale. En résumé, il s’agit d’un processus de substitution à la perquisition pour les cas lui donnant ouverture. À la suite d’une déposition par écrit faite sous serment et présentée ex parte, l’ordonnance est émise sous certaines conditions. Parmi celles-ci se trouve la protection des communications privilégiées entre l’avocat et son client (art. 487.012 (4) C.cr.). L’avocat ou le client visés par une telle demande peuvent obtenir une exemption d’un juge relative à l’exécution de cette ordonnance. Ce dernier devra être convaincu que la communication des documents révélerait

27 [2003] BCCA 112, 25 février 2003, voir site Internet de canlii. 28 [2003] BCCA 112, 25 février 2003, voir site Internet de canlii : il s’agit d’un

document au sens de l’article 321 du Code criminel ce qui vise l’information enregistrée sur un disque dur d’ordinateur ou une disquette.

29 [2003] BCCA 112, par. 24, 25 février 2003, voir site Internet de canlii. 30 Loi modifiant le Code criminel (fraude sur les marchés financiers et obtention

d'éléments de preuve), L.C. 2004, c.3.

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des renseignements protégés par le privilège du secret professionnel (art. 487.015(4)a) C.cr.). L’obligation qui est faite à l’avocat de protéger les communications confidentielles doit le mener, en cas d’ordonnance, à déposer une demande d’exemption à moins que le client y renonce par écrit.

III.– L’ARRÊT MARANDA

38 Cette décision est rendue dans le contexte d’une perquisition et notamment à la lumière des principes établis dans l’arrêt Lavallée, Rackel & Heintz c. la Reine31. La majorité résume les faits de la façon suivante :

39 En septembre 1996, la Gendarmerie royale du Canada (« GRC ») poursuit une enquête sur un client de Me Maranda, monsieur Alain Charron. Les autorités policières soupçonnent ce dernier d'être impliqué dans des opérations de blanchiment d'argent et de trafic de stupéfiants.

40 Un membre de la GRC dépose une demande d'autorisation de perquisition au cabinet de Me Maranda. Cette demande vise tous les documents relatifs aux honoraires et débours facturés à monsieur Charron ou acquittés par celui-ci.

41 L'affidavit souscrit au soutien de la demande d'autorisa-tion affirme que la perquisition permettrait de trouver des informations relatives à la perpétration d'une infraction de possession de biens infractionnels par monsieur Charron, contrairement aux articles 19.1 et 19.2 de la Loi sur les stupéfiants32, alors en vigueur. L'affidavit ne comporte aucune allégation de participation de Me Maranda aux actes reprochés à son client.

42 Une fois l'autorisation accordée, la perquisition a lieu. La police ne donne aucun avis préalable à Me Maranda. Elle avertit toutefois le syndic du Barreau du Québec dont un représentant accompagne les policiers lorsqu'ils se présentent au cabinet de Me Maranda pour effectuer la perquisition. Celle-ci se déroule durant les heures normales d'ouverture des bureaux. Elle dure treize heures et demie. Me Maranda, retenu devant un tribunal, revient à son étude au beau milieu de cette

31 [2002] 3 R.C.S. 209 ou REJB 2002-33795. 32 L.R.C. (1985), c. N-1.

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razzia dans ses dossiers et sa comptabilité. En raison des observations faites par Me Maranda et de la pratique convenue dans ces cas avec le syndic du Barreau, la police ne prend connaissance d'aucun document. Néanmoins, des classeurs et des étagères sont vidés de leur contenu.

43 Selon la majorité de la Cour, il faut répondre à trois questions :

44 (i) Quelles sont les conditions d’émission et d’exécution des mandats de perquisition dans les cabinets d’avocats, particulièrement quant aux obligations suivantes; minimiser l’atteinte au secret professionnel, démontrer l’absence de sources d’information différentes, donner avis à l’avocat visé de la procédure prévue ?

45 (ii) Les informations sur les honoraires et débours des avocats ont-elles un caractère privilégié?

46 (iii) L’application de l’exception de crime.

A. La perquisition 47 Il ressort clairement des faits que la saisie effectuée au

bureau de l’avocat ne respectait pas les critères énoncés par la Cour suprême dans l’arrêt Lavallée, notamment l’obligation de minimiser l’atteinte au secret professionnel, ce qu’admettaient toutes les parties en cause. La majorité de la Cour dans l’arrêt Maranda réaffirme l’à-propos d’une application stricte de ces règles. Elle s’exprime ainsi sur cet aspect :

48 15. Cette obligation présente ainsi un double aspect. D'une part, elle exige qu'une perquisition ne soit autorisée que dans la mesure où il n'existe pas de solution de rechange raisonnable. D'autre part, l'autorisation doit être donnée dans des termes qui restreignent autant que faire se peut l'atteinte au secret professionnel. L'exécution doit être effectuée de la même manière. Le juge Lamer (plus tard juge en chef) établissait déjà ces principes dans l'arrêt Mierzwinski, p. 893.

49 L’absence de solution de rechange raisonnable présente une exigence incontournable. Puis, les modalités prévues doivent viser à ce que l’exécution se déroule de la façon la moins attentatoire possible au secret professionnel (Maranda, par. 20). Plus loin dans ses motifs, la juge Arbour, qui rédige pour la majorité, souligne l’importance de modalités

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capables de protéger rigoureusement le secret professionnel et celle du principe plus général de minimisation (par. 36).

B. Les notes d’honoraires et la confidentialité 50 La majorité réitère le caractère fondamental de la

protection du secret professionnel, nous citons : 51 28. Le problème sous examen doit recevoir une solution

qui respecte l'orientation prise par la jurisprudence quant à la définition du contenu du privilège avocat–client et à la nécessité de sa protection. Dans le contexte des enquêtes et poursuites criminelles, cette solution doit respecter les principes fondamentaux de la procédure criminelle, notamment le droit au silence du prévenu et la protection constitutionnelle contre l'auto-incrimination.

52 […]

53 30. Cette solution ne saurait reposer sur la distinction entre fait et communication. La protection du privilège vise d'abord des actes de communication destinés à permettre au client de communiquer et d'obtenir les informations ou conseils nécessaires pour sa conduite, ses décisions ou sa représentation devant les tribunaux.

54 33. En droit, lorsqu'il s'agit d'autoriser une perquisition dans un cabinet d'avocats, le fait même du montant des honoraires doit être considéré comme un élément d'information protégé, en règle générale, par le privilège avocat–client. Sans pour autant entraîner la création d'une catégorie nouvelle d'informations privilégiées, une telle présomption apportera une précision nécessaire aux méthodes de mise en application du privilège avocat–client, qui se situe dans les privilèges génériques, comme on se le rappellera. En raison des difficultés inhérentes à l'appréciation de la neutralité des informations contenues dans les comptes d'avocats et de l'importance des valeurs constitutionnelles que mettrait en danger leur communication, la reconnaissance d'une présomption voulant que ces informations se situent prima facie dans la catégorie privilégiée assure mieux la réalisation des objectifs de ce privilège établi de longue date. Elle respecte aussi cette volonté de réduire au minimum les atteintes au privilège avocat–client, que notre Cour exprimait encore récemment avec force dans l'arrêt McClure […]. (Nos soulignés)

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55 Par ailleurs, en matière matrimoniale, qu’en est-il de la situation où un avocat (ou tout autre professionnel visé par la Charte), que ce soit à titre de débiteur ou de créancier alimentaire, se voit demander de fournir le détail de ses honoraires ? Peut-il invoquer le secret professionnel ?

56 Dans un premier temps, deux décisions viennent baliser l’information qu’il est possible d’obtenir de ces professionnels, il s’agit des affaires Droit de la famille-233933 et Droit de la famille-243634. Dans ces décisions, la Cour supérieure en vient à la conclusion que tant qu’un acte de procédure ou qu’un document n’a pas été acheminé à un tiers ou à l’autre partie, on ne peut obtenir le nom de ce client et du fait même le montant des honoraires qui se rattachent à son dossier, surtout si la divulgation des comptes d’honoraires relate en détail la nature et la date des services rendus35 ou encore en relation avec des instructions données au client36. Quant à la confidentialité du nom du client, nous pouvons renvoyer le lecteur à l’arrêt Pearl c. Bissegger37 où la Cour d’appel indique que normalement, l’identité du client n’est pas l’objet du privilège mais exceptionnellement, si l’avocat a reçu des instructions spécifiques à cet effet ou encore s’il y a une raison légitime pour conserver le secret (par exemple, en droit de la famille), le nom du client tout comme le montant payé ne devraient pas faire l’objet d’une protection particulière et qu’on devra s’en rapporter au contexte, il n’y a pas de principe absolu38.

57 Nous signalons qu’en matière familiale, il y a effectivement une raison légitime pour ce secret. Il suffit de noter que le nom des parties n’apparaît pas dans les décisions publiées qui concernent les matières familiales de même qu’en matière de protection de la jeunesse et qu’en plus, le huis clos

33 J.E. 96-1329 (C.S.). 34 J.E. 96-1290 (C.S.). 35 Kruger c. Kruco, [1989] R.J.Q. 2323 (C.A.), 2326. 36 164461 Canada inc. (Syndic de), [1997] R.J.Q. 529 (C.S.). 37 [1985] C.A. 695, 702. Voir Leblanc c. Maranda, C.A. Montréal, no 500-10-

001193-976, 12 octobre 2001, j. Rothman, Proulx et Biron. 38 Leblanc c. Maranda, C.A. Montréal, no 500-10-001193-976, 12 octobre 2001,

j. Rothman, Proulx et Biron, p. 20 (permission d’en appeler à la Cour suprême accordée).

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est la règle en matière d’audition dans ces deux domaines du droit.

58 Quant à la période pendant laquelle se perpétue le secret professionnel, on conclut que le décès du client y met fin39. Une chose est certaine, elle ne prend pas fin avec la conclusion du dossier. Les renseignements personnels sur les réclamants sont considérés comme des renseignements confidentiels, tant en vertu du Code civil du Québec40, de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels41, de la Loi sur les renseignements personnels dans le secteur privé42, de la Loi sur les renseignements personnels43 et de la Loi sur la protection des renseignements et des documents électroni-ques44, si les réclamations individuelles n’ont jamais donné lieu à des procédures judiciaires45.

C. L’exception du crime 59 Tirée de l’arrêt Maranda, nous citons : 60 36. La jurisprudence reconnaît l'existence de cette

exception (voir Amadzadegan-Shamirzadi c. Polak, [1991] R.J.Q. 1839 (C.A.). Son régime juridique, tant au stade d'une mesure d'enquête comme une perquisition qu'au procès, mériterait un examen attentif. Celui-ci ne se justifierait pas dans le présent dossier où il suffit de constater que les allégations et faits nécessaires pour y recourir faisaient défaut. Sur ce point, donc, aussi, le pourvoi est bien fondé.

39 Payer c. Lorcon inc., [1986] R.D.J. 278 (C.A.); quant à savoir s’il se transmet

aux héritiers et se perpétue après le décès, il y a controverse, voir Jean-Claude ROYER, La preuve civile, 2e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 1995, 779.

40 Art. 37 à 41. 41 L.R.Q., c. A-2.1. 42 L.R.Q., P.39.1. 43 L.C. 1980-81-82-83, ch.111, ann.II. 44 L.C. 2000, ch.5. 45 Joli-Coeur, Lacasse, Geoffrion et als c. Fiset, C..S. Montréal, no 500-17-

015136-032, 15 octobre 2003, j. Langlois. Au même effet, voir Droit de la famille-2436, J.E. 96-1290 (C.S.); Droit de la famille-2339, J.E. 96-1329 9 C.S.).

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61 37. [La cour suprême] demeure soucieuse de protéger le secret professionnel de l'avocat, qui joue un rôle fondamental dans la conduite de la justice pénale. La confidentialité des rapports entre l'avocat et son client demeure essentielle à la conduite de la justice pénale et à la protection des droits constitutionnels des accusés. Il importe d'éviter que le cabinet de l'avocat, tenu conformément à des normes déontologiques strictes, devienne un dépôt d'archives au service de la poursuite.

62 La majorité déclare que la saisie et la perquisition étaient illégales et que l’information relative aux honoraires et débours de l’avocat demeurait privilégiée et qu’en l’espèce, l’exception de crime ne pouvait s’appliquer.

IV.– L’ARRÊT FOSTER–WHEELER

63 Dans cet arrêt, la Cour suprême devait se prononcer sur la protection offerte par le secret professionnel dans le cadre d’une relation avocat–client à long terme. Ce pourvoit remet en cause l’étendue et les modalités d’exercice du secret professionnel en droit civil québécois entre un avocat et son client, en particulier quant à une de ses composantes, à savoir l’immunité de divulgation d’informations confidentielles à l’occasion d’une instance judiciaire.

64 Cette décision est l’occasion pour la Cour de statuer que dans un tel cas, une preuve de mandat général confié à l’avocat en sa qualité professionnelle crée une présomption simple que toutes les communications et informations sont considérées, prima facie, comme étant de nature confidentielle et ce, sans que ne soit exigée l’analyse de chacune des communications ou informations. La Cour réaffirme le principe qu’en matière de documents privilégiés, le tribunal peut, dans le cadre de son rôle d’adjudication, vérifier le contenu du document visé pour trancher le débat sur sa recevabilité. Finalement, l’auteur est en accord avec la conclusion de la Cour suivant laquelle la présence d’un tiers, lorsque requise pour diriger une assemblée, n’emporte pas la renonciation au privilège d’une communication entre un avocat et son client. LES FAITS

65 Le litige se situe dans le cadre d'une relation de longue durée entre la Ville et les organismes municipaux auxquels elle a succédé et un cabinet d’avocats. Pendant plusieurs années,

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des avocats de cette étude ont été chargés de représenter la SIGED dans ses rapports avec Foster, pour établir le cadre contractuel de leur projet commun et pour obtenir les approbations réglementaires. D'après le dossier maintenant porté devant la Cour, ce mandat s'est étendu par la suite aux difficultés juridiques qui ont précédé et suivi la résiliation des accords avec l'intimée. Ce mandat comprend désormais la défense de l'appelante dans la poursuite intentée par Foster suite à l’annulation d’un projet de construction d’un site de recyclage de déchets.

66 Au cours des interrogatoires au préalable après défense, les avocats de Foster et ceux de certains intervenants ont voulu poser des questions à des témoins sur des informations obtenues d’avocats qui représentaient les autorités municipales pour la réalisation de ce projet. Malgré les objections fondées sur le secret professionnel de l’avocat, la Cour supérieure et la Cour d’appel ont autorisé un certain nombre de ces questions, plusieurs objections furent formulées au motif que les informations demandées étaient protégées par le secret professionnel.

67 Les questions analysées peuvent se résumer comme suit :

♦ Lorsqu'une partie s'oppose à une preuve au motif qu'elle est protégée par le secret professionnel, quel est le fardeau de preuve qui lui incombe et quelles en sont les conséquences ?

♦ Avant de trancher une objection concernant le caractère privilégié de documents, le tribunal doit-il prendre connaissance de ceux-ci ou doit-il décider sans en vérifier le contenu ?

♦ Lorsqu'un tiers assiste à un entretien protégé par le secret professionnel, cela constitue-t-il nécessaire-ment une renonciation au secret professionnel ?

A. Le fardeau de la preuve de celui qui invoque le secret professionnel

68 La Cour suprême choisit de s’attarder à la qualification de la relation pour déterminer le fardeau de preuve exigé de la partie qui invoque le caractère privilégié d’une communication. Après avoir constaté que certaines fonctions des avocats se

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trouvent dans des secteurs d’activités où ils sont en concurrence avec d’autres intervenants et que les mandats peuvent comprendre des actes qui se situent en dehors de la tâche propre à un avocat46; le juge LeBel conclut que dans certains cas, « lorsque la relation professionnelle découle d’un mandat complexe, à exécution prolongée, comme dans le présent dossier, la délimitation de l’aire d’application de confidentialité exige du tribunal une analyse parfois poussée des rapports entre les parties, comme de la nature et du contexte des services professionnels rendus »47.

69 Il indique que tous les événements survenant au cours d'une relation avocat–client ne sont pas couverts par le secret professionnel et il donne cet exemple : «Passager dans une automobile en discussion avec son client, il ne serait pas admissible à témoigner sur l'opinion qu'il lui donnait alors, mais pourrait être forcé de rendre témoignage sur l'excès de vitesse qui aurait provoqué une collision 48 ». le juge réitère nos propos quant au fait que ce sont uniquement les communications qui font l’objet de la protection et que ne sont pas visés les faits que l’avocat a lui-même constatés.

70 Il conclut que deux règles se dégagent s'appliquant selon le type de relations entre l'avocat et son client. 1. Relation ponctuelle

71 Une preuve simple ou sommaire suffirait sans doute au titulaire du secret professionnel pour établir la confidentialité des informations recherchées et son droit à une immunité de divulgation.49

2. Relation de longue durée 72 Dans le cas des mandats complexes et à exécution

prolongée, l'imposition d'une obligation de justifier de chaque cas d'application de la confidentialité, puis de l'application de l'immunité de divulgation judiciaire paraît mal adaptée à la fois à la nature des rapports profes-sionnels et aux exigences d'une protection efficace du secret. Dans un cas comme celui que nous examinons, il faudrait obliger le client et son avocat à tenter de

46 Voir, Québec (sous-ministre du Revenu) c. Legault, [1989] R.J.Q. 229 (C.A.). 47 Par.38 de la décision. 48 Par.39 de la décision. 49 Par.40 de la décision.

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disséquer l'ensemble des éléments de leur relation pour réussir à les qualifier et à invoquer ensuite l'immunité de divulgation à l'égard de certains éléments et non à l'égard d'autres. [...] En pareil cas, une méthode différente paraît préférable. Il suffirait d'exiger de la partie désireuse d'invoquer le secret professionnel qu'elle établisse qu'un mandat général a été confié à un avocat pour rendre une gamme de services que l'on attend en général de lui, en sa qualité professionnelle. À cette étape, s'appliquerait une présomption de fait, réfragable toutefois, selon laquelle l'ensemble des communications entre le client et l'avocat et des informations seraient considérées (sic) prima facie de nature confidentielle.50

73 Dans l’arrêt R. c. McClure51, la Cour suprême proposait une méthode semblable à celle adoptée dans la présente affaire, mais en matière criminelle.

B. Avant de trancher une objection concernant le caractère privilégié de documents, le tribunal doit-il prendre connaissance de ceux-ci ?

74 La Cour suprême rappelle52 qu'il revient au juge de vérifier, si requis, le contenu d'un document dont on soulève l'irrecevabilité. En effet, comme en avait déjà décidé la Cour d'appel à quelques reprises53, le juge a alors un rôle de vérification qui lui permettra par la suite de statuer sur la recevabilité d'un document après en avoir pris connaissance.

C. Lorsqu'un tiers assiste à un entretien protégé par le secret professionnel, cela constitue-t-il nécessaire-ment une renonciation au secret professionnel ?

75 La Cour se prononce comme suit : 76 48. […] En effet, le jugement dont l'appel a conclu que la

seule présence d'une animatrice professionnelle, engagée comme présidente d'assemblée pour cette réunion, impliquait une renonciation au secret

50 Par. 40 et 41 de la décision. 51 REJB 2001-22807 (C.S.C.). 52 Par. 47 de la décision. 53 Champagne c. Scotia McLeod Inc., [1992] R.D.J. 247 (C.A.); Lab Chrysotile

inc. c. Société Asbestos Ltée, [1993] R.D.J. 641 (C.A.).

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professionnel, puisqu'une tierce personne assistait ainsi à la réunion en question.

77 49. Cette conclusion est erronée dans les circonstances de cette affaire. En effet, cette réunion a été tenue dans une perspective de maintien de la confidentialité. L'inten-sité du conflit politique au sein de l'organisme municipal empêchait le président d'assemblée de remplir ses fonctions. Pour assurer le bon ordre de la réunion, sous tous ses aspects, y compris quant aux rapports qui devaient être présentés par des fonctionnaires ou des avocats, la Régie avait engagé une personne indépen-dante que l'on avait chargée de diriger les débats comme si elle avait été la présidente. La présence de cette animatrice était non seulement utile, mais même nécessaire pour l'assemblée. Dans ces conditions, sa présence n'impliquait aucune renonciation au secret professionnel (Pfieffer et Pfieffer Inc. c. Javicoli, [1994] R.J.Q. 1 (C.A.), p. 6 et 8). L'animatrice s'intégrait tempo-rairement dans l'organisme et sa procédure de délibération, pour remplir une fonction nécessaire à la bonne marche de celle-ci. Cette rencontre restait à huis clos, toujours dans une perspective de confidentialité indispensable des échanges entre les intervenants, malgré la présence de factions opposées à l'intérieur de l'organisme et de perceptions divergentes sur l'oppor-tunité et la réalisation du projet en cause. La nature de l'assemblée et de la discussion demeurait la même. Dans ces circonstances, l'on ne pouvait induire de cette procédure une renonciation au secret professionnel à l'égard des communications faites par les avocats qui participaient à la rencontre, en qualité de conseillers juridiques de la SIGED et de la Régie.

78 Nous croyons qu’il est possible d’étendre la portée de cet énoncé aux demandes conjointes notamment en matière familiale ou à toute situation qui doit impliquer un tiers, par exemple un expert qui aidera les parties à disposer d’un litige qui assiste avec l’avocat aux rencontres et a accès au dossier, le tout prend toute son importance dans le cadre de la multidisciplinarité. Par exemple, voir l’affaire B.A.P. c. L.M.A.B.54 où un comptable avait émis une opinion en travaillant avec les deux parties, la Cour a refusé que cette hypothèse de travail soit admise en preuve. Cette conclusion 54 C.S. Montréal, no 500-12-249116-991, 7 mars 2003, j. Lefebvre ou J.E. 2003-

670.

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est en accord avec la jurisprudence de la Cour d’appel qui concluait à la perte du privilège lorsque l’information est en présence d’un tiers, sauf si la présence de ce dernier est nécessaire :

79 [le secret professionnel] ne peut s'étendre au-delà des personnes qu'il vise : le client bénéficiaire du privilège et son avocat. Mais il arrive aujourd'hui que certaines matières offrent une telle complexité, pour un client donné, qu'il devient nécessaire que d'autres personnes s'immiscent dans la consultation pour informer complète-ment l'avocat de façon à permettre que son avis ou conseil soit vraiment adéquat et utile. Dans un tel cas, je serais peut-être disposé à étendre à ces personnes essentielles à la discussion de l'affaire la notion ou, plus exactement, la définition de « client »... Toutefois, la présence de tiers inutiles ou simplement non requis pour les fins de la consultation fait échec au privilège.55

80 C’est donc l’utilité du tiers dans la résolution du litige qui est le critère déterminant; on peut penser qu’un client accompagné d’un intervenant qui le supporte dans sa démarche pourrait être visé étant donné la condition physique ou psychologique de ce dernier, qu’en sera-t-il d’un membre de la famille ?

V. LES COMMUNICATIONS EFFECTUÉES DANS LE CADRE D’UNE NÉGOCIATION

A. Le principe 81 Aux communications qui bénéficient de la protection

relative au secret professionnel s’ajoutent celles concernant les négociations entre procureurs effectuées dans le but de régler un dossier56.

82 La bonne administration de la justice requiert que les parties règlent elles-mêmes leurs différends avant l'institution

55 Pfieffer et Pfieffer Inc. c. Javicoli, [1994] R.J.Q. 1 (C.A.); Chevrier c. Guimond,

[1984] R.D.J. 240 (C.A.), 3 e éd., Cowansville, Yvon Blais, 2003, par. 1193. 56 Landry c. Société immobilière Marathon ltée - Marathon Realty Company Ltd.,

REJB 2000-20579 (C.S.); Lawee c. Parasuco Inc., J.E. 2001-656 (C.S.), REJB 2001-23649; Gagné c. Lefebvre, J.E. 2001-658 (C.A.), REJB 2001-23483.

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d'une procédure judiciaire ou encore pendant une instance57. Or, une personne serait peu portée à proposer un compromis s'il pouvait être invoqué contre elle dans un procès. L'offre de règlement faite par une partie ne doit pas lui être préjudiciable et être considérée, soit comme un aveu, soit comme une reconnaissance de la faiblesse de sa cause. En l'absence d'une telle règle, peu de parties initieraient des pourparlers, craignant l'utilisation préjudiciable des éléments de négociation. Il est de l'intérêt public que l'administration de la justice requière que les parties règlent elles-mêmes leurs différends avant l'institution d'une procédure judiciaire. D'ailleurs, dans l'affaire Ciments Lafarge Ltée c. Société d'énergie de la Baie James58, la juge Lyse Lemieux a souligné que dans ce domaine, la règle d'exclusion de preuve est motivée par un désir de favoriser un règlement hors cour. Sans cette protection des offres de règlements, les intérêts des parties pourraient en être préjudiciés. Cet énoncé vient renforcer la position à l'effet qu'il est essentiel de protéger les discussions entourant une négociation dans le but de régler un litige et ce, sans égard à ce que ces négociations se tiennent entre les parties elles-mêmes ou entre leurs procureurs.

83 Tous conviendront que depuis près de dix ans, les intervenants, le législateur, les juges, les avocats et les médiateurs tentent l'impossible pour que les parties en viennent à régler elles-mêmes leurs conflits. En matière familiale, il est évident que cette attitude vise particulièrement à limiter le préjudice qui peut en résulter pour les enfants; bref dans le meilleur intérêt de ces derniers et de celui des parties, on tente de les inciter à utiliser des modes alternatifs de résolution des conflits. Trois conditions sont nécessaires à l'existence de ce privilège relatif à la négociation, soit :

♦ un litige réel ou éventuel; ♦ une communication écrite ou verbale transmise

dans le but de régler; et ♦ l'intention expresse ou présumée que cette commu-

nication ne soit pas divulguée sans le consentement

57 DUCHARME, Léo, Précis de la preuve, 4e éd., Montréal, Wilson et Lafleur,

2000, p. 195. 58 [1989] R.J.Q. 2559 (C.S.).

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des parties si celles-ci ne parviennent pas à s'entendre59.

84 Dès lors, les communications faites en rapport avec un règlement sont de la nature d’une communication privilégiée. Le procureur doit cependant être prudent : si l’offre de règlement et les communications conduisent à une transaction60, l’une des parties peut s’en prévaloir et la transaction lie les parties61.

B. Les négociations entre les parties 85 Peut-on étendre la règle relative à la confidentialité des

échanges dans le cadre d’une négociation dans le but de régler un litige entre procureurs aux parties elles-mêmes ?

86 La jurisprudence s'est prononcée à quelques reprises sur cet aspect de la question. Rappelons l'affaire Atelier C.G. c. Maxi-Tour inc.62 où la Cour s'interroge sur l'existence de cette protection lorsque les parties négocient directement sans l'entremise de leur procureur.

87 Le Tribunal, après avoir appliqué les critères pertinents, conclut qu'il ne ressort pas de la correspondance que cette offre ne doit pas être dévoilée; de plus, il n'y a aucune mention d'une contestation. Le Tribunal permet l'utilisation en preuve de la correspondance échangée entre les parties. Cette décision est intéressante parce qu'elle étend l'exception de « négociation » aux non-juristes selon les mêmes critères d'application.

88 Le juge Senécal, dans l'affaire C.H. c. D.L.63, souligne que si l'audition (le Tribunal n'en est qu'au stade d'évaluer 59 ROYER, Jean-Claude, La preuve civile , 2e éd., Cowansville, Éditions Yvon

Blais, 1998, 697; Langevin c. Heroxx Logistic , J.E. 2001-360 (C.S.) ou REJB 2001-22907.

60 Art. 2631 à 2637 C.c.Q. Sur la notion de transaction, voir M.V.M. c. S.N., C.S. Montréal, no 500-12-258970-015, 9 janvier 2004, j. Tellier.

61 L.(C.) c. R.(M.) , REJB 1999-16078 (C.S.); M. (S.) c. C. (M.) , 2000 DCQI 243, C.S. Laval, no 540-12-006773-998, 22 février 2000, REJB 2000-17061; Hamon c. Nadeau Matériaux, 2000 DCQI 368, C.S. Gaspé, no 110-05-000540-985, 28 juin 2000, REJB 2000-19532; Comrie c. Comrie, [2001] SKCA 33 (27 février 2001).

62 C.S. Chicoutimi, no 150-17-000373-016, 24 octobre 2001, j. Larouche. 63 REJB 2001-26631 (C.S.) ou J.E. 2001-1967 (C.S.).

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l'admissibilité d'échanges enregistrés entre les parties et n'a pas procédé à l'audition de l'enregistrement) permettait de conclure que si les communications ont été faites dans le but de régler un litige, elles seraient privilégiées non seulement entre les procureurs mais aussi entre les parties elles-mêmes, même si le droit n'est pas fixé définitivement à ce sujet. En l'espèce, la Cour conclut qu'il ressort du témoignage des parties que les échanges ne se sont pas faits dans le cadre de négociations. Le Tribunal réserve toutefois à Monsieur le droit de demander l'exclusion d'une partie ou une autre des échanges, une fois leur teneur connue lors de l'audition au fond.

89 Dans la décision A.G. c. D.W.64, sa collègue madame la juge Laberge avait à trancher cette question. Les faits sont les suivants : dans le cadre de sept séances de médiation et à la suite de la septième, les parties échangent des propositions qui ne mènent pas à un règlement. Une des parties veut faire admettre en preuve une portion de cette correspondance, l'autre s'y objecte en invoquant que ces documents sont privilégiés. La Cour renvoie à l’article 815.3 du Code de procédure civile qui protège expressément et rend irrecevable en preuve ce qui a été écrit au cours d'une entrevue de médiation.

90 La Cour souligne qu'il ne faut pas avoir une vision réduite du processus, en ce sens qu'au cours de la médiation, les parties ont des devoirs à faire et des documents à préparer. La médiation ne peut être vue uniquement comme une série de rencontres. Ainsi, les rencontres et discussions que les parties peuvent avoir entre elles et qui donnent suite à la séance bénéficient du même privilège. Les lettres que l'on veut faire admettre en preuve ont trait à une offre de règlement de l'une des parties. La Cour étend le privilège aux parties elles-mêmes en ajoutant que si les documents ne devaient pas être privilégiés en vertu de l'article 813.5 C.p.c., ils le seraient tout de même parce qu'ils contiennent des offres en vue de régler des litiges. La Cour souligne que d'admettre une telle preuve orienterait le débat vers des justifications de positions établies lors des séances de médiation, elles-mêmes clairement privilégiées.

64 C.S. Montréal, no 500-12-243455-981, 26 avril 2002 ou J.E. 2002-1034.

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91 Même si le Code de procédure civile semble renvoyer à la réunion de médiation elle-même, le Tribunal indique qu'il s'agirait d'une interprétation trop stricte. Le processus doit aider les parties à trouver entre elles un terrain d'entente. Autrement, il faudrait conclure que ce qui est fait à l'extérieur de la rencontre à trois peut être mis en preuve mais pas ce à quoi il donne suite parce que protégé par l’article 815.3 C.p.c.65.

92 En l'espèce, les deux lettres que l'on cherche à produire en preuve ont trait à une offre de règlement et aux commentaires de la partie adverse. Le système judiciaire encourage les parties à régler elles-mêmes leur litige et pour cette raison, leurs négociations doivent être déclarées privilégiées66. Au surplus, le Tribunal estime que les parties doivent être encouragées à recourir à la médiation sans craindre que leurs échanges soient révélés en preuve; si le Tribunal ne déclarait pas privilégiés ces documents en vertu de l’article 815.3 C.p.c., il les déclarerait tels parce que contenant des offres en vue de régler le litige.

93 Nous croyons que ce dernier commentaire s'applique même hors du cadre de la médiation. En effet, si l'avocat d'une partie est dûment informé au préalable de la démarche que son client compte entreprendre, ne devra-t-on pas en venir à traiter d'aspects qui peuvent toucher à la relation client–avocat pour déterminer dans quel contexte a été tenue et même préparée la rencontre entre les parties : quels étaient les motifs derrière cette démarche ? Le meilleur intérêt de l'enfant ? Le contrôle de la vie de la partie adverse ? La possibilité de tirer avantage d'un enregistrement audio ou vidéo dans le cadre d'une guérilla judiciaire ? Bref, le tout pourrait être embarrassant tant pour le procureur de cette partie que pour le système judiciaire.

94 Le Tribunal applique les critères reconnus pour qu'un tel échange soit protégé. Le Tribunal réitère que cette règle est motivée notamment par la volonté de favoriser le règlement à l'amiable des litiges.

65 Pour une revue de la jurisprudence relative à l’application de cet article, voir

J.H. c. JO.N, C.S. Montréal, no 500-04-030867-023, 28 février 2004, j. Hurtubise.

66 Rogaki c. Belz, C.A. Ontario, no C38522, 3 octobre 2003, j. Abella, Borins et Armstrong.

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95 En l'espèce, la lettre en cause répond au procureur d'une partie relativement à une offre de règlement. Il y a clairement dans cette lettre une proposition de règlement faite sans préjudice. L'intérêt de l'enfant ne saurait permettre au Tribunal de mettre de côté ce principe. La Cour indique ce qui suit :

96 [...] on doit être encore plus strict en matière familiale en ce qui concerne toutes les questions de pourparlers et règlement puisque c'est dans ce domaine du droit qu'il y a le plus de pourparlers de règlement et que ce serait définitivement à l'encontre d'une saine et bonne administration de la justice que de permettre que les lettres échangées entre procureurs « sans préjudice » discutant de règlement soient produites à la Cour.

97 Dans la poursuite de l'objectif de limiter le préjudice qui peut résulter d'un conflit ouvert et des délais qui en résultent pour les enfants, il y a lieu d'étendre ce privilège aux négociations entre les parties elles-mêmes, tant en ce qui concerne leurs déclarations verbales qu'écrites. La Loi sur le divorce67 ne prévoit-elle pas à l'article 10(5) que « Rien de ce qui a été dit, reconnu ou communiqué au cours d'une tentative de réconciliation des époux n'est admissible en preuve dans aucune action en justice ». La reconnaissance de l'extension du privilège n'est donc pas exorbitante du droit. À défaut, est-il prudent pour un procureur de suggérer ou de recommander à son client de discuter avec l'autre partie de solutions possibles au litige, s'il peut se retrouver face à un enregistrement où les discussions mèneraient à une transaction ? À tout le moins, faut-il aviser le client des risques encourus à l'occasion de telles rencontres ou de l'échange de correspondance avec l'autre partie. Dans une autre affaire, J.U. c. A.C.L.68, Madame requiert la radiation d'allégations qui renvoient à des négociations qu'elle aurait eues avec son époux et qui auraient un caractère confidentiel. Monsieur invoque le fait qu'il ne s'agit pas de négociations tenues au sens de l’article 815.3 C.p.c., dans le cadre de la médiation et qu'elles ne bénéficient pas du privilège de confidentialité. Le Tribunal conclut que la demande est prématurée. En effet, il est impossible de déterminer si les discussions ont mené à une entente, écrite ou verbale, la question de savoir s'il y a eu accord de volonté sur les points 67 L.R.C. (1985), c.3 (2e suppl.) 68 J.E. 2002-1936 (C.S.) ou REJB 2002-35037.

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mentionnés dans l'affidavit ne peut être tranchée au présent stade, la Cour n'ayant pas entendu toute la preuve pertinente.

98 Dans B.A.P. c. L.M.A.B.69, invoquant le principe de l'article 4.3 du Code de procédure civile qui édicte qu'il entre dans la mission du juge de favoriser la conciliation des parties, la Cour interdit le dépôt de propositions d'entente préparées par le comptable des parties suite à une rencontre entre ces derniers et le comptable. En effet, le comptable est intervenu dans le but de régler le litige entre les parties. Le Tribunal considère que la communication écrite du comptable est privilégiée et que la tentative de règlement équivaut à des discussions de règlement entre deux avocats.

99 Il en irait de même des négociations concernant une autre affaire dans le cadre d'une autre instance, communications que l'on voudrait mettre en preuve dans un autre dossier; telle était la situation dans Landry c. Southam inc.70 . Le Tribunal souligne que même si la divulgation la plus

69 C.S. Montréal, no 500-12-249116-991, 7 mars 2003, j. Lefebvre ou J.E 2003-

670. 70 J.E. 2002-2005 (C.S.) ou REJB 2002-34968 (Requête pour permission d'en

appeler accueillie, C.A. Montréal, no 500-09-012804-027, REJB 2003-38495, 1er novembre 2002). En appel, la Cour réitère la confidentialité qui se rattache aux informations divulguées lors d’un interrogatoire hors cour, tel qu’enseigné par la Cour suprême dans l’arrêt Lac d’amiante du Québec Ltéé c. 2858-0702 Québec inc, [2001] 2 R.C.S. 743. Nous citons la Cour d’appel :

6 La confidentialité du document n'est pas, à ce stade-ci, un obstacle à la communication de la convention de règlement. D'une part, l'engage-ment implicite de confidentialité confirmé dans Lac d'Amiante Québec Inc. c. 2858-0702 Québec Inc [2001] 2 R.C.S. 743, règle en partie la question. D'autre part, au-delà de cet engagement implicite de confidentialité, l'avocat des appelants s'engage à aviser, en temps utile, les parties signataires de la convention de règlement, s'il prévoit déposer l'interrogatoire ou produire la convention de règlement ou les renseignements fournis, de façon à leur permettre de demander toute ordonnance jugée nécessaire pour préserver leurs droits. La Cour prend acte de cet engagement.

Rappelons que la Cour suprême dans l’arrêt Lac d’Amiante indiquait ce qui se produisait lorsque le dossier se rend à l’étape du procès :

43. Lorsque l'affaire se rend à l'étape du procès, l'efficacité de l'application de cette règle demeure sans doute limitée et temporaire. En effet, l'interrogatoire préalable ne constitue qu'une étape dans le développement du procès civil. Si la partie adverse choisit d'utiliser le

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complète possible doit être favorisée, le droit civil québécois reconnaît que les communications faites dans le but de régler un litige judiciaire sont privilégiées tant qu'une transaction n'intervient pas. Ce privilège existe indépendamment des clauses de confidentialité qui peuvent être incluses dans l'entente.

100 La Cour d’appel de la Saskatchewan devait trancher la même question dans l’arrêt Comrie71. En effet, le juge de première instance avait rejeté des éléments de preuve résultant des négociations qui ont mené à l’homologation d’un consentement par la Cour dans le cadre d’un jugement de divorce. En l’espèce, à la suite de plusieurs conférences préparatoires, les parties ont convenu d’une entente disposant du litige. On notera que le Code de procédure civile prévoit le même type de rencontres aux articles 151.14 à 151.23 C.p.c. L’article 151.21 C.p.c. précisant que tout ce qui est dit ou écrit au cours de la conférence est confidentiel, nous y reviendrons. Dans l’affaire Comrie, le consentement n’indique pas les motifs qui ont mené à la rédaction des allégués de la convention. La Cour d’appel choisit d’admettre le contenu des négociations pour satisfaire les fins de la justice. Nous citons:

101 30. This concern was highlighted by Cameron J.A. in a separate concurring decision in Condessa Z Holdings Ltd. v. Brown's Plymouth Chrysler Ltd., [1993] 6 W.W.R. 544 (Sask. C.A.) at pp. 576 - 577:

102 114 My point is that if these "settlement conferences" are to be conducted on the following premises, namely (I) that they are to give rise if possible to settlements,

contenu de l'interrogatoire dans le débat au fond et pour cette fin, le verse dans le dossier du tribunal, toute espérance de confidentialité disparaît. Seuls des motifs qui resteront d'exception, comme par exemple l'intérêt d'une partie à la protection de secrets commerciaux ou des privilèges de confidentialité particuliers comme le secret professionnel ou le huis clos attaché à certains débats relatifs à l'état des personnes, conduiront le tribunal à maintenir un secret partiel ou complet sur certaines informations, pendant le procès et dans les dossiers judiciaires. Donc, l'obligation de confidentialité ne représentera parfois qu'une simple transition dans le dévoilement graduel d'une information à l'origine privée. Il faut maintenant examiner l'évolution du cadre procédural de l'interrogatoire et son impact sur la reconnaissance d'une telle obligation implicite de confidentialité. (p.766)

71 Comrie c. Comrie, [2001] SKCA 33 (27 février 2001).

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settlements effected by means, among others, of binding minutes or contracts of settlement; (ii) that the discussions toward that end are to take place on a "without prejudice" foundation; (iii) that nothing said or done in the course of the sessions is to be admitted into evidence in any subsequent proceedings; (iv) that no record is to be maintained; and (v) that the judge who conducts the conference is not to be compelled, in any subsequent proceedings arising out of it, to testify with respect to what was said and done, how then are the facts to be determined in the event subsequent proceedings are taken, proceedings of the nature earlier referred to?

103 115 In that event, one or more of the premises must obviously give way in the interests of justice. The second and third must surely yield, and it is not difficult to conceive of a proper basis for ensuring they do. But what of the fourth and fifth? This is where the dilemma occurs. And that is why I say the maintenance of a record, one extending at least to what the judge says or does, might avoid potential difficulty.

104 31. The respondent contends that the clear language of Rules 191(14) and (15) precludes the admissibility of any statement of fact in such proceedings. The appellant contends that such provisions in the rules must be read in light of the pronouncement of this Court in Condessa, supra at p. 554 - 555:

105 21 While the practice directive (which was in effect at the time of the pre-trial conference) specifically provided that nothing said or disclosed at the pre-trial conference could be used in later proceedings, such directive cannot override the substantive obligation of any participant to testify should such an obligation exist. The same comments and principles apply to R. 191(14) and (15). Section 89 of The Queen's Bench Act, authorizes the Court of Queen's Bench to make rules of practice and procedure, it does not authorize the court to make rules of a substantive nature. Rules of Court cannot change or amend the substantive law. The rule making power is subject to the same limitations that apply to all delegated legislation. The rule must be made for the purpose authorized by the enabling legislation in relation to the subject matter over which the legislative power is given. See: Materna v. Materna and Bassett v. Canada. The pre-trial rules are intra vires and do not exceed the rule making power conferred by s. 89 of the Queen's Bench Act insofar as they purport to regulate only the method or procedure by which the pre-trial conference is carried out. The rules cannot modify the law of compellability of witnesses or alter or modify privileges or exemptions from testifying. The appellant does not contend that the rules and the

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practice directive are ultra vires. Rather, it contends that the confidentiality of the statements made and the agreements made at the pre-trial conference is governed by the common law doctrine of privilege. (Footnotes omitted) (Emphasis supplied)

106 32. In the case before us we have noted that the appellant sought to adduce the evidence in order to permit the learned trial judge to consider the objectives and factors underlying the consent judgment. Given the jurisprudence in the Supreme Court of Canada one must have regard for those objectives and factors in passing upon a variation application under s. 17 of the Act: See G. (L.) v. B. (G.), supra and Bracklow v. Bracklow, supra. It is open to the appellant to persuade the trial judge that the "objectives" of the consent judgment have been met and that a material change in circumstances warrants variation of the support order.

107 33. In Condessa, supra, this Court stressed that the rule making powers do not authorize the Court to make substantive changes in the law of evidence. In this case the respondent contends that any discussions at a pre-trial conference are not admissible for any purpose in light of the provisions of Rule 191. This blanket prohibition is not supported by substantive law provisions or precedent.

108 […]

109 37. These and other cases demonstrate that the rule protecting "without prejudice" negotiations whether at a pre-trial conference or otherwise does not require exclusion when the evidence is offered for some other purpose than proving liability, such as proving bias or prejudice of a witness, threats, fraud, negativing a contention of undue delay, or an effort to obstruct a criminal investigation or prosecution. Accordingly, an admission of fact made during unsuccessful negotiations for settlement or compromise may be admissible for certain purposes: See Wigmore on Evidence (Chadbourn Revision) p. 33, para. 1061.

110 38. In this case we are not dealing with evidence of statements during the course of failed negotiations. The pre-trial conferences resulted in a consent judgment.

111 Soulignons que dans l’arrêt sous étude nous sommes en présence de règles de pratique et qu’une transaction serait intervenue, ce qui change passablement la donne. Par ailleurs,

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nous soumettons respectueusement que les règles relatives au privilège de négociation trouveraient tout de même application en l’absence de règles de pratique ou de dispositions législatives.

112 Une décision de la Cour supérieure, l’affaire R.B. c. C.C.W.72, relative à l’application des règles de la conférence à l’amiable et particulièrement de l’article 152.21 C.p.c. conclut que l’entente survenue après douze heures de négociation est une transaction au sens de l’article 2631 C.c.Q. et que le privilège de confidentialité ne s’applique plus. Les faits pertinents, tels que rapportés par la Cour, sont les suivants :

113 1. The Court has before it Defendant's Motion to Homologate a Transaction served January 14, 2004 and heard by the Court March 4, 2004.

114 The Relevant Facts 115 2. On August 26, 2002, Applicant served divorce

proceedings on Defendant.

116 3. Applicant, presently 60 years of age, is a doctor and professor of paediatrics at the C. in Vancouver. He presently earns approximately $230,000 per annum.

117 4. Defendant, presently 54 years of age, has a Master's degree in education from Harvard. From 1982 to 2000, she held the position of Director of Daycare at CP. where, in the year 2000, she earned approximately $40,000.

118 5. The parties were married December 31, 1976 in Toronto, Ontario. Two children were born of the marriage but are now of major age and independent.

119 6. In September 2001 (after almost 25 years of marriage) the parties separated and have been living separate since that time.

120 7. In virtue of a consent judgment dated July 18, 2003, Applicant is paying, directly to Defendant, interim support of $5,000 per month, payable $2,500 on the first and fifteenth day of each month.

121 8. The Certificate of Readiness in this file was issued July 10, 2003.

122 9. On August 8, 2003, the parties agreed to participate in a settlement conference presided over by a judge of the

72 J.E. 2004-1107(C.S.) (En appel).

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Superior Court. In the application for such conference, signed by both parties and their independent legal counsel, it is stated that the purpose of the conference was "… de trouver une solution définitive à notre litige par la conclusion d'une entente" and the "litige" was summarized as:

"- Pension alimentaire pour l'intimée;

- Partage du patrimoine familial;

- Partage du régime matrimonial de la société d'acquêts;

- Prestation compensatoire et/ou somme globale de 150 000 $ requise par l'intimée en partie pour paiement de ses dettes;

- Provision pour frais requise par l'intimée;"

123 10. At the commencement of the settlement conference on October 6, 2003, the parties and their legal counsel signed the following "Settlement Conference Confidentiality Agreement" (the "confidentiality undertaking"):

124 "The undersigned agree as follows:

125 1. The parties hereto confirm their commitment to take part in the settlement conference with the intent of settling their dispute.

126 2. The discussions held during the settlement conference, as well as all documents used by a party during the conference which are not part of the court record and which cannot be otherwise legally introduced into evidence, are confidential and will not be disclosed under any circumstance.

127 3. Neither party nor their attorney can be obliged to testify on the substance of the discussions held nor the offers made or exchanged during the settlement conference.

128 4. The parties recognize that they may withdraw at any time during the settlement conference and that they will be unable to compel the other party to disclose what was said during the conference." (Underlining by the undersigned)

129 11. The conference, which lasted all day, was presided over by Madam Justice Carole Julien. The parties and their legal counsel hammered out an "agreement in principle" (the "Agreement") covering all aspects of the corollary measures. The parties and their counsel then signed the Agreement (Exhibit M-1), handwritten by

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Applicant's attorney, in the presence of Madam Justice Julien. The attorneys were to type the Agreement in final form, file the necessary documents and affidavits, and to obtain a judgment of divorce.

130 12. On October 9, 2003, three days after the parties signed the Agreement, Applicant's legal counsel wrote to Madam Justice Julien, with copies to Defendant's legal counsel and to Applicant himself, advising that her client was not willing to abide by the terms of the Agreement. The text of the letter (Exhibit M-2) reads:

131 "Madame la juge,

132 C'est à regret que la soussignée doit vous faire part que son client, monsieur R. B., suite à la conférence de règlement de l'autre jour, l'a informée qu'il était d'avis que l'entente de principes, à laquelle il a souscrit, était après mûre réflexion injuste et inéquitable et que conséquemment, il n'entendait pas signer l'entente finale sur mesures accessoires.

133 La soussignée est parfaitement consciente que cette situation met les parties dans une situation délicate cependant, monsieur B., épuisé après douze heures de négociation, n'a pas eu le recul nécessaire pour analyser tout l'impact de sa décision.

134 La soussignée tentera de discuter directement avec Me Petras afin de voir ce qui peut être fait cependant advenant l'impossibilité d'en venir à un autre arrangement, vous serait-il envisageable de diriger une autre session en conférence de règlement, monsieur B. étant consentant à poursuivre cette voie.

135 Nous verrons à vous informer rapidement des développements dans ce dossier et vous revenir le plus rapidement possible avec des solutions ou encore à voir votre disponibilité pour poursuivre ce processus de règlement.

136 Veuillez agréer, chère madame la Juge, l'expression de nos meilleurs sentiments." (Underlining by the undersigned)

137 13. Applicant has not disavowed his attorney, nor requested that a new attorney be substituted for her.

138 […]

139 16. Defendant's attorney maintains that the Agreement is a transaction and therefore should be homologated by the Court. In the alternative, even if the Court finds that it is not a transaction, in whole or in part, it should

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nevertheless be confirmed as an agreement on corollary measures.

140 17. Applicant's attorney maintains that the Agreement should not have been disclosed due to its confidential nature. It is also argued that, because it deals with matters of public order, the Agreement cannot be a transaction as defined by the Civil Code of Québec and therefore cannot be homologated, either as a transaction or as an agreement on corollary measures.

141 The Relevant Law 142 18. On January 1, 2003, Section IV (entitled "Settlement

Conference") of Chapter IV (entitled "Case Management") of the Code of Civil Procedure came into effect, which Section IV replaced Rules 70 to 78 inclusive of the Rules of Practice of the Superior Court in Civil Matters. The articles of Section IV read:

151.21 Tout ce qui est dit ou écrit au cours de la conférence est confidentiel.

151.21 Anything said or written during a settlement conference is confidential.

143 Dans son analyse, le Tribunal opère une distinction entre la conférence à l’amiable et les autres modes alternatifs de résolution des litiges :

144 21. At the outset it should be noted that article 4.3 C.C.P. concerning reconciliation in family matters, article 814.3 C.C.P. concerning compulsory family pre-hearing mediation, article 815.2 C.C.P. concerning consensual family mediation during court proceedings and article 279 C.C.P. concerning pre-trial conferences are not relevant to the present matter. Settlement conferences require the consent of both parties and take place under the provisions of articles 151.14 to 151.23 C.C.P., which came into effect January 1, 2003. The presiding judge in a settlement conference concerning corollary measures in divorce matters does not have a duty to attempt to reconcile the parties; she is there to facilitate dialogue between the parties and to help them negotiate mutually satisfactory solutions.

145 […]

146 Confidentiality of the Agreement 147 26. Article151.21 C.C.P. provides that anything said or

written during a settlement conference is confidential. However, once the parties have signed an agreement at

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the end of what was "said or written during a settlement conference", such signed agreement is not clothed with the cloak of confidentiality. As Bénard J. stated in D. S. v. A. D. :

148 21. si une entente intervient lors ou suite à la conférence, et qu’un document écrit et signé la confirme, on ne peut plus prétendre à sa confidentialité, à moins que les parties y aient indiqué clairement qu’elles voulaient que celle-ci le demeure.

149 27. In her written notes, Applicant's attorney attempts to draw an analogy between mediation conferences and settlement conferences in family matters and referred the Court to the case of Droit de la famille—2250 where Goodwin J., ruling on an objection to various documents used during the mediation conference stated: "Ces communications doivent être tenues pour inexistantes". However, with respect to the agreement on corollary measures that had been signed by both parties following the mediation conference, he commented in his reasons for the divorce judgment:

150 […] Dans les circonstances, la convention est bien plus qu'une base ou une indication d'un souhait des parties : ses dispositions reflètent la volonté des parties de disposer définitivement de tous les volets de leur union. Chaque paragraphe et sous-paragraphe le reflète et témoigne de la bonne foi des parties.

151 After granting the divorce between the parties, Goodwin J. goes on to "Entérine et rend exécutoires les dispositions de la convention signée par les parties …". Obviously, he did not consider the agreement signed as a result of the mediation conference to be confidential.

152 28. As a general rule, a court must admit all evidence relevant to the case before it. The party invoking privilege and confidentiality has the burden of establishing that the document he wishes withheld or withdrawn actually falls within the confidentiality exception. Applicant has not satisfied this burden.

153 29. The purpose of the confidentiality undertaking, signed by the parties and their legal counsel, is to assist the parties in their negotiations by ensuring that their positions are sufficiently protected to allow them to have confidence in the settlement process. The confidentiality undertaking encourages each party to be forthcoming, to disclose all relevant and important information and to put forward offers to encourage settlement. However, once a

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settlement agreement has been arrived at, the aim of the confidentiality undertaking has been achieved given that the very purpose of the settlement agreement is for it to be produced in the court record for incorporation in the divorce judgment. The settlement Agreement is not a document filed by one of the parties, not a work progress, not an offer and not a counter-offer, but rather a concluded and signed bilateral contract. The Court is not aware of any law or any rule of evidence that would permit the Agreement to remain confidential in these circumstances. (Nous avons omis les renvois)

154 Le Tribunal concluant qu’il y a eu transaction, cela a pour conséquence que le privilège de négociation n’est plus applicable, on notera que tel que souligné par le Tribunal, le procureur n’a pas été désavoué. Avec déférence, nous sommes en désaccord avec la distinction que le Tribunal opère quant à l’application de l’article 151.21 C.p.c. et les autres solutions envisagées par le législateur aux fins de résoudre les conflits autrement que par la voie judiciaire. Qu’il s’agisse de la médiation familiale, civile, commerciale ou de la conférence de règlement à l’amiable, l’objectif visé est fondamentalement le même : régler un litige. De plus, le législateur ne procède pas à une telle distinction. Avec respect, le Tribunal fait part de subtilités juridiques qui échappent aux non-juristes, ces derniers s’attendent à ce que les tentatives pour éviter un litige ne puissent leur être opposées. C’est d’ailleurs la conclusion à laquelle en vient la Cour dans l’affaire Fernandez c. Fernandez-Vega73 où la Cour indique ce qui suit :

155 2. Copropriétaires d'un immeuble, les parties ne s'entendaient plus sur son administration. Madame Vega exigeait une reddition de compte.

156 3. En vue d'éviter une audition de plusieurs jours, les parties ont convenu de tenter de régler leurs différends en soumettant le tout à une conférence de règlement à l'amiable présidée par un juge de la Cour supérieure suivant les articles 151.14 et ss. C.p.c.

157 4. Madame Vega a quitté la conférence de règlement à l'amiable sans avoir signé d'entente de règlement.

158 5. Monsieur Fernandez affirme qu'il y a eu entente tandis que Madame Vega nie toute entente. Elle présente aussi une requête en désaveu.

73 C.S. Longueuil, no 505-05-004139-977, 5 janvier 2004, j. Morneau.

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159 6. L'article 151.21 C.p.c. stipule que tout ce qui est dit ou écrit au cours de la conférence est confidentiel.

160 7. Il serait contraire à l'esprit des dispositions régissant la conférence de règlement à l'amiable que l'on puisse demander au tribunal d'entériner une présumée entente dans de telles circonstances.

161 Si les faits de l’espèce se distinguent de la décision dans R.B. c. C.C.W.74, notamment quant au désaveu du procureur, on est aussi en droit de s’interroger sur le type de consentement qui résulte d’un marathon de négociations de douze heures.

162 Nous assistons présentement à une extension relative aux communications privilégiées à des non-juristes dans le cadre de négociations. Nous la croyons particulièrement fondée en matière familiale, même si elle peut trouver application dans d'autres domaines du droit. En effet, d'aucuns auront constaté un certain laxisme (certains parlent de souplesse) dans l'application des règles de preuve dans les litiges familiaux, souvent au nom de la recherche de la vérité ou du meilleur intérêt de l'enfant.

163 Nous croyons que l'extension du privilège rattaché à la négociation sert le meilleur intérêt de l'enfant et des parties en leur permettant de discuter sans risque de tous les aspects du litige ; n'est-il pas préférable que les parents puissent discuter librement et régler eux-mêmes les différents aspects du litige ?

VI.– LES RAPPORTS CONFECTIONNÉS AUX FINS DE PRÉPARER UN DOSSIER

164 Les rapports confectionnés par des tiers dans le but de permettre au procureur de préparer son dossier sont aussi couverts par le secret professionnel75. En droit de la famille, on peut songer aux rapports psycholégaux ou encore aux rapports financiers ou d’évaluation d’un ou plusieurs actifs. Pour être protégé, le rapport doit avoir été confectionné avec pour objectif principal d’être soumis au procureur dans le but de

74 J.E. 2004-1107(C.S.) (En appel). 75 R. c. Peruta, [1992] R.J.Q. 27'76 (C.A.); Fortier Auto c. Brizard, REJB 2000-

15774 (C.A.); Targan Construction c. Dominion Bridge, (1 979] R.P. 118 (C.A.); Poulin c. Prat, [19941 R.D.J. 301 (C.A.).

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préparer un éventuel litige76. La partie adverse ne peut obtenir de l’expert qu’il produise ses projets de rapports, notes ou brouillons77. Le rapport d’enquête d’une agence d’investigation ou d’un expert en sinistre constitue un document à caractère confidentiel et privilégié qui n’a pas à être dévoilé à la partie adverse sauf si elle a renoncé à la confidentialité du document. Par exemple, la partie qui, à l’occasion d’un interrogatoire préalable, fait référence à une expertise fait perdre à cette dernière son caractère de confidentialité78.

165 Dans Oppenheim c. Équipement fédéral inc.79, le Tribunal a ordonné aux demandeurs et à leur expert de communiquer à la défenderesse l’ensemble des photographies prises par ce dernier dans le cadre de son expertise. Il faut cependant noter que l’expert avait déposé certaines photographies avec son rapport, mais que la demanderesse voulait avoir accès à l’ensemble des photographies.

166 La Cour d’appel, dans l’arrêt Fortier Auto c. Brizard80 confirme qu’il est possible de renoncer à la confidentialité d’un tel document lorsqu’il est invoqué au soutien d’une procédure, il ne suffirait pas, toujours selon la Cour, que son existence soit soulevée. À partir du moment où un rapport d’enquête, commandé par un avocat ou un client, est invoqué dans un acte de procédure pour prouver la bonne foi ou justifier la décision de la partie qui l’allègue, le rapport cesse de bénéficier de la protection accordée par le secret professionnel de l’avocat et de son caractère confidentiel et privilégié.

76 Cie Montréal Trust c. 2732-1413 Québec lnc., REJB 2000-20339 (C.A.);

Landry c. Société Marathon, RF.IB 2000-20579 (C.S.). 77 Laviolette c. Bouchard, REJB 2001-25324 ou J.E. 2001-1584 (C.A.)

Permission d’appeler en Cour suprême refusée, 26 avril 2002); Poulin c. Pratt,[1994] R.D.J. 301 (C.A.); Widdrington c. Wightman, J.E. 2003-806 (C.S.) (Requête pour permission d’en appeler rejetée le 31 mars 2003).

78 Tremblay c. Caisse Populaire Desjardins de la Malbaie, C.S. Charlevoix, no 240-05-000013-004, 2 avril 2002, j. Blondin ou REJB 2002-29750, dans un tel cas, il ne s’agit pas de brouillons, d’ébauches ou de notes préparatoires au sens de l’affaire Poulin.

79 REJB 2003-43893 (C.S.). 80 J.E. 2000-117; La Citadelle compagnie d’assurances c. Normand, REJB

2002-36834 (C.S.); Municipalité de St-Alban c. Récupération Portneuf, C.A. Québec, no 200-09-004497-997, 20 août 1999, j. LeBel, Dussault et Forget.

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167 Dans l’arrêt Poulin81, le juge Chamberland écrit qu’une partie renonce à la confidentialité d’un document lorsqu’elle allègue ce document au soutien de ses procédures82. Dans l’affaire New Hampshire Insurance Company c. Service de Gaz naturel de la Rive-Sud Inc, la Cour indique ce qui suit83 :

168 La production du rapport d’expert par les demanderesses constitue une renonciation tacite à son caractère privilé-gié. Par voie de conséquence, les documents qui consti-tuent les données de base de ce rapport ne peuvent être protégés à moins qu’ils ne consistent eux-mêmes en des informations privilégiées. Cette deuxième objection est donc rejetée.

169 […]

170 Les demanderesses s’opposent aussi à la production des déclarations que l’expert a consultées et utilisées à l’appui des propositions mises de l’avant dans son rapport.

171 L’expert relate des faits contenus dans ces déclarations et y réfère. Ces déclarations sont les sources d’informa-tion sur lesquelles l’expert s’est fondé et elles peuvent être produites. L’objection est rejetée.

172 Pour en arriver à ces conclusions, dans l’affaire sous étude, le Tribunal analyse la notion de confidentialité des photographies84 et en conclut qu’elles ne bénéficient pas de ce privilège pour les motifs suivants :

♦ les photographies portent sur une machinerie exposée à la vue de tous, du public, ce qui atténue ou même élimine le caractère de confidentialité de celles-ci ;

81 Poulin c. Prat, [1994] R.D.J. 301 (C.A.). 82 Scierie Newport c. Municiplalité de Newport, B.E. 2003-887 (C.S.). New

Hampshire Insurance Company c. Service de Gaz naturel de la Rive-Sud Inc, B.E. 1999BE-382 (C.S.).

83 New Hampshire Insurance Company c. Service de Gaz naturel de la Rive-Sud Inc, B.E. 1999BE-382 (C.S.).

84 Zurich Indemnity Co. of Canada c. Libman, [1997] R.J.Q. 657 (C.S.); DUCHARME, Léo, L'administration de la preuve, 3e éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 2001; Prévoyance c. Construction du Fleuve ltée, J.E. 80-992 (C.A.); TESSIER, Pierre et Monique DUPUIS, Preuve et procédure, Coll. de droit 2002-2003, vol. 2, Cowansville, Yvon Blais, 2002, p. 383.

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♦ aucune raison valable n'a été fournie pour justifier le refus de fournir les photos ; et

♦ les photographies sont un élément matériel de preuve permettant au juge de faire ses propres constatations.

173 Notons que dans un commentaire, sur cette décision, l’auteur Reynolds indique ce qui suit :

174 La seule façon d'analyser la question pour en arriver à la même conclusion que le juge de première instance dans la décision sous étude serait de considérer que dès que l'expert prend des photographies, il devient un témoin de faits, peut être entendu à ce sujet et contraint de communiquer des représentations sensorielles de ce qu'il a vu, ici sous forme de photographies. 85

175 Dans l’affaire Allendale Mutual Insurance c. Ville de St-Georges86, le Tribunal ne considère privilégiées que les photos sur lesquelles l’expert appuie son opinion.

176 Doit-on inclure dans cette protection les notes person-nelles d’un collègue qui ont été consultées par l’expert ?

177 La Cour d’appel a été appelée à se prononcer sur la question dans l’arrêt Lombard Canada c. Promutuel de Rivière-du-Loup87, dont les faits sont les suivants : l’appelante a requis une expertise d’une société aux fins de préparer son dossier. Le rapport est préparé par un des experts de cette société qui déclare qu’il a eu recours aux notes personnelles d’un collègue de travail. Lors du procès, avec l’accord des parties, c’est ce collègue qui témoigne. En Cour supérieure, l'intimée a demandé la communication de ses « notes personnelles » que l’auteur de l’expertise aurait consultées.

178 L’appelante plaide que ces « notes personnelles » étaient des documents protégés par le secret professionnel en

85 REYNOLDS, Stéphane « Commentaire sur la décision Oppenheim c.

Équipement fédéral inc. – L’ordonnance de communication de photographies prises par un expert dans le cadre d’un litige et la notion de communication privilégiée », Repères, 2003, Éd. Yvon Blais.

86 J.E. 2004-2229 (C.S.). 87 J.E. 2004-1294 (C.A.).

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s’appuyant sur l’arrêt Poulin c. Prat88 auquel nous avons déjà fait référence. La Cour indique ce qui suit :

179 5. Tout comme le juge de la Cour supérieure, la Cour ignore la teneur de ces documents. L'intimée, pour sa part, reconnaît, à juste titre, qu'il appartient au premier juge d'étudier chacune de ces notes et de « statuer sur la recevabilité de cette demande de communication » Ville de Montréal c. Société d'énergie Foster Wheeler Ltée [2004] C.S.C. 18.

180 6. La Cour est donc d'avis que ce processus devrait être suivi en l'espèce par le juge du procès pour qu'il décide ce qui, dans les documents, est protégé par le secret professionnel et ce qui peut être communiqué, le cas échéant.

181 Cet arrêt démontre qu’il est évident que les enseigne-ments de l’arrêt Foster–Wheeler sont endossés par notre Cour d’appel. Il reviendra au Tribunal de première instance de pren-dre connaissance des « notes personnelles » pour s’assurer qu’elles remplissent les conditions permettant de conclure qu’elles ont été confectionnées pour la préparation du dossier par le procureur.

182 On devra suivre l’évolution de la jurisprudence sur ce point.

VII.– LES EXCEPTIONS

183 S’il est important de permettre au client de discuter en toute confidentialité avec son procureur des différentes facettes qui concernent son dossier, il y a par ailleurs des limites au secret professionnel. Ces exceptions visent les communica-tions qui sont faites dans le but d’atteindre des fins illicites, notamment la commission d’un acte criminel, la sécurité publique et en dernier lieu, celles visant à établir l’innocence d’une personne.

A. Cette consultation ne doit pas avoir pour but d’atteindre des fins illicites

184 On peut citer plusieurs exemples où les principes relatifs au secret professionnel ont été écartés alors que le

88 [1994] R.D.J. 301 (C.A.).

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procureur a été consulté dans le but de commettre ou de préparer un acte illicite, notamment un parjure89. Un client ne peut bénéficier du privilège s’il consulte un avocat pour pouvoir perpétrer plus facilement un crime ou une fraude et ce, à l’insu même de l’avocat. Le privilège ne peut servir d’écran au client90. Il faut noter que la même jurisprudence reconnaît que le procureur qui désire que des communications ne bénéficient plus du privilège de non-divulgation devra faire, devant le tribunal, une preuve prima facie que la consultation vise une fin illicite91. De plus, la personne qui recherche l’opinion juridique doit savoir que la fin poursuivie est illégale92.

185 Dans l’affaire R. c. Murray93, l’avocat de Paul Bernardo retire du domicile de son client (dont la résidence a fait l’objet d’une perquisition policière pendant soixante et onze jours) des enregistrements vidéo de certains crimes commis par Paul Bernardo et Carla Homolka et les conserve pendant plus de dix-sept mois. Il a été acquitté des accusations d’entrave à la justice (art. 139 (2) C.cr.). Même si les faits de l’affaire sont complexes, nous pouvons sommairement traiter des éléments suivants en ce qui a trait à l’obtention ou à la possession de tels éléments de preuve. Le Tribunal renvoie à un article similaire à l’article 3.02.01 e) du Code de déontologie quant au fait de soustraire une preuve que l’on a l’obligation de produire. Le Tribunal constate que cet article en dit peu sur le type d’élément de preuve dont il s’agit mais conclut toutefois que l’avocat a en l’espèce trois possibilités une fois que ce dernier a conscience de l’importance de cette preuve :

♦ immédiatement remettre cet élément de preuve au procureur de la Couronne directement ou anonymement ;

89 Bell c. Smith, [1968], R.C.S. 664; Amadzadegan-Shamirzad c. Polak, [1991]

R.J.Q. 1839 (C.A.). 90 Maranda c. Richer, [2003] 3 R.C.S. 67 ou REJB 2003-49826, voir nos

commentaires à ce propos. 91 Bell c. Smith, [1968], R.C.S. 664; Amadzadegan-Shamirzad c. Polak, [1991]

R.J.Q. 1839 (C.A.); Maranda c. Richer, [2003] 3 R.C.S. 67 ou REJB 2003-49826..

92 Campbell c. La Reine, [1999] 1 R.C.S. 565, 607. 93 (2000) 144 C.C.C. (3ième Éd.) 289 (Cour supérieure de l’Ontario), 315;

Maranda c. Richer, [2003] 3 R.C.S. 67 ou REJB 2003-49826.

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♦ les remettre au juge saisi du dossier ; ou ♦ révéler leur existence au procureur adverse et se

préparer à une bataille rangée pour les conserver.

B. La preuve de l’innocence 186 Une autre exception au secret professionnel est celle

relative à l’innocence. Dans l’arrêt Campbell c. La Reine.94, la Cour suprême reconnaît l’existence de cette exception au principe du secret professionnel de l’avocat qui prend nais-sance lorsque le respect du secret professionnel a pour effet d’empêcher l’accusé de faire valoir une défense pleine et entière. D’ailleurs, ce droit à une défense pleine et entière a été reconnu dans l’arrêt R. c. Stinchcombe95 où la Cour suprême, au niveau de la communication de la preuve, oblige le substitut du Procureur général à divulguer à la défense « la preuve » qu’il a en sa possession relativement à l’accusation, incluant les éléments de preuve qui peuvent disculper le prévenu.

187 Peut-on étendre la divulgation de tels éléments, non seulement au droit pénal, mais au droit civil et plus particulière-ment au droit de la famille lorsqu’il s’agit de faire valoir le meilleur intérêt de l’enfant ? Une telle possibilité a été reconnue dans les matières fiscales96 de même qu’en matière de congé-diement97. Nous soumettons que la possibilité existe et que dans le cadre de la protection d’un principe aussi fondamental que le meilleur intérêt de l’enfant, on pourrait, dans des cir-constances particulières et de façon limitée, obtenir que soient divulgués des renseignements qui seraient autrement protégés par le secret professionnel tout en respectant le devoir de loyauté dans le but de maintenir le lien de confiance avec le client. Nous y reviendrons dans la section traitant de l’expertise en matières familiales.

188 La Cour suprême a eu l’occasion de préciser les critères de l’exception « d’innocence » dans l’arrêt R. c. McClure98. Dans cette affaire, le prévenu est accusé

94 [1999] 1 R.C.S. 565, 610. 95 [1991] 3 R.C.S. 326,340. 96 Boisvert. c. Corporation Planagex Ltée et Als., REJB 2000-18261 (C.A.). 97 Sabbah c. Batica, [1994] R.D.J. 163 (C.A.). 98 2001 CSC 14 ou REJB 2001-22807.

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d’infractions d’ordre sexuel et le plaignant a intenté une action civile contre ce dernier. Le prévenu demande d’avoir accès au dossier de l’action civile du plaignant car il prétend que ces renseignements sont nécessaires dans la poursuite criminelle pour évaluer la crédibilité du plaignant. La question soulevée vise donc à savoir si le secret professionnel doit céder le pas au droit d’un prévenu à une défense pleine et entière. La Cour indique les critères qui permettent de passer outre au secret professionnel :

189 (i) L’accusé doit établir que les renseignements qu’il recherche dans le dossier protégé par le secret professionnel de l’avocat ne peuvent être obtenus ailleurs ;

190 (ii) Sans ces renseignements, il ne peut susciter un doute raisonnable quant à sa culpabilité ;

191 (iii) L’accusé doit faire la démonstration de son innocence :

♦ le prévenu doit étayer par des éléments de preuve, ♦ les documents doivent être remis au juge du procès

pour qu’il les examine et évalue s’il y a des éléments qui étayent la prétention qu’il existe une communication avocat–client qui pourrait susciter un doute raisonnable quant à la culpabilité du prévenu ;

192 (iv) Dans un deuxième temps, le juge doit déterminer s’il existe une communication qui suscitera probablement un doute raisonnable quant à la culpabilité du prévenu.

193 Dans un arrêt postérieur, R. c. Brown99, la Cour suprême indique que le test énoncé dans l’arrêt McClure est rigoureux et qu’il n’y sera satisfait qu’en de rares circonstances. L’accusé doit établir que les renseignements qu’il recherche dans le dossier protégé par le secret professionnel ne peuvent être obtenus ailleurs et qu’il est incapable de susciter de quel-que autre façon un doute raisonnable quant à sa culpabilité. L’accusé ne peut donc avoir accès à ce dossier que s’il démon-tre qu’il ne peut avoir accès à d’autres sources de renseigne-ments admissibles en preuve. Le terme « renseignements » signifie davantage que la simple connaissance d’un fait. En l’espèce, l’accusé pouvait tenter de faire témoigner l’informateur. 99 [2000] C.S.C. 32.

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C. La sécurité publique 194 Quant à l’exception relative à la sécurité publique, l’arrêt

Soloski100 de la Cour suprême du Canada en constitue un exemple. La Cour suprême a permis que l’on ouvre le courrier destiné à un détenu en provenance d’un procureur et ce, pour des motifs de sécurité publique. La sécurité publique est une considération importante en ce qui concerne la divulgation ou la non-divulgation des communications visées par le secret professionnel. Par ailleurs, dans une affaire plus récente, la décision Rose c. Quesnel101, la Cour supérieure, tout en per-mettant l’ouverture du courrier, impose de sévères restrictions relativement aux modalités d’ouverture du courrier et autorise le destinataire à être présent au moment de l’ouverture de la lettre.

195 Une autre situation qui met en cause la sécurité publi-que est le cas où le client de l’avocat lui indique clairement qu’il a l’intention de se livrer à des violences physiques à l’égard d’une personne102 ou d’un groupe de personnes. Comment doit réagir le procureur ?

196 La Cour suprême s’est prononcée sur le sujet dans l’arrêt Jones c. Smith103. Dans cet arrêt, l’avocat de la défense retient les services d’un psychiatre pour l’aider à préparer la défense de l’accusé. Le rapport du psychiatre indique que l’accusé constitue un danger permanent pour la société. L’avocat de la défense fait savoir au psychiatre que le juge ne sera pas informé de ses inquiétudes au sujet de l’accusé. La Cour suprême doit trancher sur les circonstances et facteurs à examiner pour savoir si le secret professionnel de l’avocat doit être mis de côté, dans l’intérêt et la protection de la sécurité publique, et si l’avocat a l’obligation de divulguer la menace.

197 Si l’avocat ne parvient pas à convaincre le client qu’il ne s’agit pas d’une bonne solution, qu’il lui a expliqué les consé-quences que pourrait entraîner un tel geste de violence, qu’il n’est pas en mesure de diriger son client vers un organisme capable de lui apporter de l’aide, bref, s’il ne réussit pas à 100 [1980] 1 R.C.S. 821. 101 REJB 2001-25418 (C.S.). 102 SMITH, Beverly G., Professional Conduct for Canadian Lawyers, Toronto,

Butterworths, l989. p.25. 103 [1999] 1 R.C.S. 455 ou REJB 1999-11415.

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convaincre son client, doit-il divulguer le danger potentiel qu’une ou des personnes peuvent courir ?

198 La Cour suprême établit les critères suivants pour que le professionnel conclue qu’il y a lieu de procéder à une divulgation :

199 (i) Une personne ou un groupe de personnes identifiables sont-elles clairement exposées à un danger ?

200 (ii) Risquent-elles d’être gravement blessées ou tuées ?

201 (iii) Le danger est-il imminent ? 202 La nature de la menace doit être telle qu’elle inspire un

sentiment d’urgence; il n’est pas nécessaire qu’un délai précis soit fixé. Lorsqu’un procureur se trouve en présence d’un client, dans une situation où de la violence physique peut être portée à l’égard de la partie adverse, il doit divulguer cette informa-tion. Le praticien en droit de la famille, où les émotions sont parfois à fleur de peau, devra faire preuve d’un sang-froid et d’un jugement à toute épreuve face à une telle situation.

203 La Cour suprême, dans l’arrêt Jones c. Smith, indique que l’avocat doit limiter l’information fournie uniquement à ce qui est utile pour que les mesures de protection nécessaires soient prises. Il peut s’agir d’un appel à l’avocat de l’autre partie si elle est représentée, aux policiers, au syndic de son ordre professionnel ou encore à la personne visée directement, en l’absence d’autres solutions. Le Code de déontologie professionnelle de l’Association du Barreau Canadien indique d’ailleurs, à la page 19, paragraphe 11, que la divulgation est la solution à être retenue lorsque le crime anticipé comporte un élément de violence.

204 Dans les cas où il doit y avoir divulgation, le procureur devra faire en sorte de révéler uniquement les faits qu’il est nécessaire de révéler. On doit minimiser l’atteinte au droit au secret professionnel104.

104 S.R.C. c. P.G. Nouveau-Brunswick, [1991] 3 R,CS. 459; Smith c. Jones,

[1999] 1 R.C.S. 455; R. c. Thompson, [1990] 2 R.C.S. 111; Boisvert c. Corporation Planagex Ltée, REJB 2000-18261 (C.A.). On notera que le Projet de loi québécois no 180 (L.Q. 2001, c. 78, entré en vigueur le 20 décembre 2001), prévoit une modification à l'article 131 de la Loi sur le Barreau (L.R.Q. c. B-1). Cette modification fait en sorte que l'avocat pourra communiquer un

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Le secret professionnel et son incidence en droit familial… 191

205 Quelles peuvent être les conséquences de la non-divulgation, notamment lorsqu’il en résulte des violences physiques à l’égard d’un groupe ou d’une personne en particulier ? Au Québec, existe l’obligation de porter secours en vertu de l’article 2 de la Charte québécoise, qui énonce ce qui suit :

206 Tout être humain dont la vie est en péril a droit au secours. Toute personne doit porter secours à celui dont la vie est en péril, personnellement ou en obtenant du secours, en lui apportant l’aide physique nécessaire et immédiate, à moins d’un risque pour elle ou pour les tiers ou d’un autre motif raisonnable.

207 Les faits, tels que relatés, doivent laisser croire qu’il existe un état d’urgence qui amène une obligation impérative de secours immédiat. Jean-Louis Baudouin et Patrice Deslauriers, dans leur Traité sur la responsabilité civile105 indiquent d’ailleurs que le droit au secours est consacré désormais dans la Charte québécoise.

208 Alain Klotz, dans son article Le droit au secours dans la province de Québec, indique ce qui suit :

209 C’est le choix de la personne raisonnable qu’il faut retenir pour évaluer la conduite à suivre selon le cas. En effet, un sauveteur prudent et diligent qui constate un péril constant, précis et immédiat, n’aura guère d’option.106

210 On peut citer l’affaire Droit de la famille—140107 où on juge que le droit à la vie et son corollaire, l’obligation de porter secours prévu à l’article 2 de la Charte québécoise, doivent avoir préséance sur le principe de la confidentialité en matière d’adoption, dans les limites nécessaires pour sauver la vie d’une enfant adoptée et atteinte de leucémie. Dans cette affaire, il fallait absolument communiquer avec les parents naturels afin de tenter une greffe de moelle osseuse prélevée à

renseignement protégé s'il se trouve dans la situation évoquée par la Cour suprême dans l'arrêt Jones c. Smith. Nous soumettons que le projet de loi tel qu’adopté dilue le principe énoncé par la Cour suprême; en effet, on n'est plus en présence d'une obligation de divulguer.

105 Traité sur la responsabilité civile, 5e Éd., 1998, Cowansville, Éd. Yvon Blais, 118.

106 (1991) 21 R.D.U.S. 479. 107 [1994] T.J. 2040.

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même un frère ou une sœur de l’enfant. On notera que dans le cas présent, l’avocat au dossier n’assume aucun risque pour lui en obtenant du secours pour la victime potentielle. Les intéressés pourront consulter l’article d’Alain Klotz cité ci-dessus quant au droit au secours.

211 La sanction possible du refus de porter secours en vertu de la Charte québécoise est un recours en vertu de l’article 49. L’arrêt Gaudreault c. Drapeau108 est un exemple où le défendeur a été condamné à payer des dommages exem-plaires pour ne pas être intervenu alors qu’une femme était attaquée par des membres de sa belle-famille dans son appartement et ce, à sa connaissance.

D. La renonciation expresse ou implicite 212 Il est reconnu que le client peut renoncer explicitement

au secret professionnel. Rappelons que le secret professionnel appartient au client et qu’il s’agit d’un droit personnel et extrapatrimonial, il ne peut être dévolu à un tiers109. Nous avons déjà indiqué qu’il peut y renoncer implicitement, notam-ment s’il entreprend des procédures contre son procureur, qu’il s’agisse de demandes en dommages et intérêts ou de nature disciplinaire. En effet, comment le procureur pourrait-il bénéfi-cier d’une défense pleine et entière s’il ne pouvait révéler la nature et le contenu du mandat qui lui a été confié ? La même renonciation implicite résulte d’une poursuite relative au paiement de ses honoraires par un procureur, ce dernier pourrait difficilement établir la validité de sa réclamation s’il ne pouvait faire part du mandat qu’il lui a été confié et de son contenu. Les communications entre un client et son avocat sont confidentielles, de plus celles qui interviennent en vue d’une opinion juridique sont privilégiées. La déclaration à l’effet qu’une partie ait pu consulter un avocat ne constitue pas une renonciation au droit à la confidentialité. Un juge n’aurait pas

108 [1988] R.R.A. 61 (C.A.). 109 Plante c. Zambarlain, C.S. Longueuil, no 505-11-004892-027, 21 mars 2002,

j. Mercure; Descôteaux c. Mierzwinski, [1982] 1 R.C.S. 860; Laprairie Shopping Center c. Pearl, [1998] R.J.Q. 448 (C.A.). La partie qui invoque une expertise lors d’un interrogatoire renonce implicitement à la confidentialité de cette expertise : Tremblay c. Caisse populaire Desjardins de La Malbaie, J.E. 2002-765 (C.S.) ou C.S. Charlevoix, no 240-05-000013-004, 2 avril 2002, j. Blondin ou REJB 2002-29750.

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dû prendre sous réserve une objection quant à une question relative à l’obtention d’une opinion110.

213 L’allégation d’une partie qui invoque la renonciation de l’autre partie au secret professionnel doit être étudiée de façon restrictive car le droit au secret professionnel doit recevoir une interprétation large et généreuse111. La difficulté pour le procu-reur peut provenir d’une réclamation d’un tiers à son égard, tiers qui n’est pas son client. L’avocat peut-il, pour être en mesure d’offrir une défense pleine et entière, utiliser les com-munications privilégiées dont lui a fait part son client ? On doit répondre par la négative à cette question, le secret profession-nel appartenant au client.

214 À titre d’exemple, l’affaire Plante c. Zambarlin112. L’avocat requérant demande au Tribunal de le libérer de son secret professionnel à l’égard de son ancien client pour pouvoir divulguer de l’information au syndic qui administre la faillite de ce client dans laquelle l’avocat est créancier ordinaire. Le Tribunal indique que le seul fait que le requérant veuille maintenant attaquer le bilan et l’affidavit déposés par son ex-client auprès du syndic dans le but de protéger le recouvre-ment de sa créance ne l’autorise pas à passer outre à ses obligations au regard du secret professionnel. Par ailleurs, toute l’information n’est pas protégée par le secret profession-nel, le Tribunal ne peut donc décider à l’avance, comme le demande l’avocat, que toute l’information obtenue en dehors du dossier de divorce est automatiquement non confidentielle.

215 Dans le même ordre d’idées, Tisserand Entreprises c. Gentra Canada113, un jugement ayant réservé les droits à la défenderesse Gentra de poursuivre les procureurs de la partie adverse, le recours ayant été qualifié de purement dilatoire, ceux-ci demandent à être relevés de leur secret professionnel afin de pouvoir présenter une défense pleine et entière. Comme Tisserand a fait faillite depuis et que son président est décédé, les requérants ne peuvent être relevés de leur secret

110 Deschamps c. Carignan, REJB 2002-36021 (C.A.) ou J.E. 20003-72. 111 English Montreal School Board c. Boyle, REJB 2001-26426 (C.A.). 112 J.E. 2002-1188 (C.S.), au même effet Gurunlian c. Elmaraghi, C.Q. Montréal,

no 500-02-000125-877, 6 juillet 1987, j. Dumais; Habitations Domicil inc c. Fabien , REJB 2000-20060 (C.S.).

113 J.E. 2002-1454 (C.S.) ou REJB 2002-33276.

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professionnel. Le Tribunal indique que le droit au secret profes-sionnel est extrapatrimonial et ce faisant, incessible114. Les héritiers d’un administrateur ne peuvent intervenir afin d’écarter le secret professionnel.

VIII.– L’EXPERTISE EN MATIÈRE FAMILIALE ET LE SECRET PROFESSIONNEL

216 Si on applique strictement les critères énoncés dans la section relative aux rapports confectionnés aux fins de préparer un dossier, tel que nous l’indiquions en introduction, le droit de la famille, au nom de l’intérêt de l’enfant, procède à une application plus nuancée des principes applicables en matière civile relativement aux règles relatives aux expertises. Une étude de la jurisprudence révèle ce qui suit.

217 F.B. c. P.BU.115 218 En l’espèce, le père a indiqué au Tribunal qu’il désirait

faire procéder à la confection d’une expertise psycho-sociale. Madame a consenti et collaboré à l’expertise préparée. Monsieur refuse de la produire, d’où la requête de Madame pour sa production. Le Tribunal renvoie à une décision de la Cour d’appel : Droit de la famille-628116 où la Cour était saisie d’une requête du père pour

114 Au même effet : Repentigny c. Carignan, J.E. 2003-71 (C.A.). 115 C.S. Beauharnois, no 760-12-016537-015, 8 avril 2002, j. Hébert ou [2002]

R.D.F. 347, au même effet, en obiter : H.R. c. D.P., C.S. Québec, no 200-12-068722-025, 17 décembre 2002, j. Lacroix; B.(P.-P), REJB 1998-08030 (C.Q.); M.G. c. É.B., C.S. Terrebonne, no 700-04-009608-024, 25 mars 203, j. Taschereau; M.D. c. T.L.B., C.S. Bonaventure, no 105-04-000783-018, 28 mars 2003, j. Taschereau; Droit de la famille-2558, [1997] R.D.F. 55 (C.S.).

116 [1989] R.D.F. 321 (C.A.). La Cour a réitéré le principe émis dans A.D.H. c. M.H. et E.H., C.A. Montréal, no 500-09-004536-975, 3 mars 1997, j. Baudouin ou Droit de la famille-2636, J.E. 97-788. Il est important de citer le passage suivant :

La situation, en l'espèce, est différente de celle à laquelle notre Cour faisait face dans Droit de la Famille—628, [1989] R.D.F. 321, où il a été décidé que la Cour supérieure avait compétence, dans le cadre d'une action en divorce, d'ordonner l'évaluation psychologique de l'enfant pour déterminer qui devrait en obtenir la garde.

La situation ici est totalement différente puisque la permission d'appeler porte sur une ordonnance qui refuse la nomination d'un expert, mais dans le contexte où il ne s'agit pas d'une question de changement de garde

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faire procéder, en l’absence du consentement de la mère, à une évaluation psychologique des enfants, dans le cadre d’une procédure de divorce. Cette décision était fondée sur l’article 33 du Code civil. L’article 414 C.p.c. habilite le juge à ordonner une expertise même sans le consentement des parties, s’il est d’intérêt que les fins de la justice puissent être mieux servies. Le juge Senécal a exprimé la même opinion dans l’affaire Droit de la famille-2341117. Le Tribunal conclut a fortiori qu’il a discrétion, s’il en va de l’intérêt de l’enfant, d’ordonner la production de cette expertise et d’interroger, s’il y a lieu, l’expert à l’évaluation. (Nos italiques)

219 M.(E.) c. MA. (G.)118 220 Monsieur ne peut être contraint à produire l’expertise qu’il

a fait confectionner. Le Tribunal s’appuyant sur les règles relatives au secret professionnel et à l’embauche d’un tiers pour confectionner une expertise conclut que cette dernière est protégée par le secret professionnel. On ne peut ordonner son dépôt, à moins qu’il n’y ait renonciation de la partie de ne pas la produire. Il faut souligner que le Tribunal conclut qu’une troisième expertise n’est pas nécessaire pour décider de cette cause, en d’autres circonstances peut-être […]

221 Notons que nous avons déjà indiqué qu’il n’était pas approprié de demander à l’expert qui est impliqué dans une thérapie avec l’enfant de témoigner ou de confectionner un rapport. En effet, en plus de mettre en péril la relation avec son client, il pourra être difficile par la suite, en fonction des

(auquel cas une telle expertise m'apparaîtrait essentielle), mais de détermination des droits de visite et d'accès du père et des grands-parents.

117 [1996] R.D.F. 92 (C.S.); cet arrêt est commenté par Patrick RIENDEAU, dans « Un enfant peut être soumis à une évaluation psychologique, psychosociale ou autre même sans le consentement des parents », Collection du Juriste, juillet 1996, Éd C.C.H., 9. Au même effet, voir Droit de la famille—2558, [1997] R.D.F. 55 (C.S.); Droit de la famille—2636, J.E. 97-781 (C.A.). Contra : C.H. c. M.V., REJB 1997-0033 (C.S.); R.M. c. M.-C.L., C.S. Québec, no 650-12-003378-988, 10 janvier 2003, j. Allard. Dans ce dernier arrêt, le Tribunal n’élabore pas sur son refus d’ordonner l’expertise.

118 REJB 2001-26150 (C.S.).

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recommandations, d’obtenir la collaboration des parents dans le cadre de la thérapie119.

222 Plus récemment dans l’arrêt P.R. c. K.RA.120, la Cour était appelée à trancher une objection au dépôt d’une expertise psycholégale sur la base du secret professionnel, un des parents s’objectant à son dépôt. Nous citons :

223 8. Quelques décisions se sont penchées sur la question de l'expertise et du secret professionnel. Il faut tout d'abord citer l'arrêt Droit de la famille—1922 dans lequel la Cour rappelle que le consentement de l'appelant à son évaluation psychologique a été donné pour le bien-être de l'enfant.

224 9. C'est ce même objectif que recherche la Cour en la présente instance. Dans cet arrêt précité, la Cour d'appel ajoute:

225 L'autre moyen invoqué par l'appelant pour s'opposer à l'expertise, soit le secret professionnel, ne peut être retenu car ce secret ne saurait être invoqué dans le cadre de la recherche du meilleur intérêt de l'enfant. Il ne saurait être question de prétendre que le consentement à l'expertise était donné à la condition que celle-ci ne puisse être utilisée. Si l'on allait de l'intérêt de l'enfant qu'une expertise ait lieu, cette expertise ne pouvait faire l'objet de l'objection de l'appelant. Finalement, comme toutes les personnes visées avaient l'expertise en main, il aurait été invraisemblable que le juge, qui devait prendre la meilleure décision dans l'intérêt de l'enfant, ait été le seul à ne pas en bénéficier.

226 10. Une décision récente a été rendue par mon collègue, l'honorable Gilles Hébert, dans la cause F.B. c. P., Bu. Mon collègue est d'opinion que l'expertise appartient à la partie qui l'a demandée. Il précise qu'il y a lieu, dans certains cas, de faire une exception.

227 11. Ainsi, il rappelle que les tribunaux ont déjà permis à un père, en l'absence du consentement de la mère, de faire procéder à une expertise psychosociale. De plus, l'article 414 du Code de procédure civile permet au juge d'ordonner une expertise même sans le consentement des parties s'il estime que les fins de la justice peuvent être ainsi mieux servies. Par analogie, le juge Hébert

119 A.T. c. M.D., C.S. Mingan, no 650-12-003418-990, 11 janvier 2002,

j. Corriveau 120 C.S. Hull, no 550-04-007016-013, 12 mai 2004, j. Trudel.

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estime donc qu'il est dans l'intérêt des enfants d'exercer sa discrétion pour ordonner la production d'un rapport d'expertise et exiger le témoignage de l'expert.

228 12. De même, dans Droit de la famille—452, notre Cour d'appel siège en appel d'un jugement de la Cour supérieure ayant rejeté une objection basée sur l'article 9 de la Charte des droits et libertés de la personne à la production du rapport du psychologue nommé comme expert par les parties dans le cadre d'une requête pour garde d'enfants. L'appel est rejeté aux motifs qu'il n'y a rien de confidentiel dans les relations entre les parties à un litige et l'expert nommé par les parties.

229 13. En l'instance, les parties en cause ont signé un consentement à l'expertise de M. David et ont rencontré ce dernier après avoir signé ce consentement. Il était donc manifeste qu'elles avaient consenti à la rédaction du rapport, non seulement par la signature du document, mais par le fait qu'elles l'ont par la suite rencontré en présence de l'enfant.

230 14. Il y va donc du meilleur intérêt de l'enfant, principe qui doit primer sur tous les droits des parents en instance, que M. David soit entendu sur le rapport qu'il a confectionné à la demande conjointe des parties. Le tribunal a entendu les doléances de madame Ra... quant au comportement de M. David après la remise de son premier rapport. Les droits de celle-ci ont été réservés lors du premier jugement sur l'objection au dépôt du rapport de soulever, au fond, la partialité de ce dernier et de demander la mise à l'écart de son rapport et de sa correction pour absence de force probante. Ses droits sont encore réservés. (Nous avons omis les renvois)

231 On doit aussi se questionner sur la possibilité d’utiliser à d’autres fins que celles prévues à l’origine une expertise à laquelle un parent a accepté de se soumettre. Dans la décision Dans la situation de P.L., S.R.121, la mère accepte de se soumettre à une contre-expertise requise par le Directeur de la protection de la jeunesse, Madame signe un consentement à cet effet. Cette démarche vise à vérifier si la mère est en mesure de reprendre la garde de son enfant, le tout dans le cadre d’une demande d’admissibilité à l’adoption. Au moment de rencontrer l’expert, Madame a donné naissance à un autre enfant et il voit son mandat élargi aux fins d’évaluer la situation 121 C.Q. Montréal, no 525-41-014443-048, 17 mai 2004, j. Bastien.

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de ce nouvel enfant. Le Directeur de la protection de la jeunesse, en utilisant cette contre-expertise (qui ne devait viser qu’un des enfants) dépose une déclaration de compromission à l’égard de ce nouvel enfant et une ordonnance est rendue concernant l’hébergement provisoire du nouvel enfant.

232 La mère s’objecte à l’utilisation de cette expertise parce qu’elle n’a pas été ordonnée par la Cour122. D’autre part, le « Directeur » et le procureur à l’enfant invoquent une renoncia-tion implicite au secret professionnel. Le Tribunal s’appuie sur une décision rendue le 5 avril 2004123 qui renvoie à l’article 2858 C.c.Q. et à l’article 9 de la Charte québécoise qui prévoient que le tribunal doit, même d’office, assurer le respect du secret professionnel. Le Tribunal conclut que la renoncia-tion, si elle est implicite, doit être claire124. L’intérêt de l’enfant est un des éléments à considérer quant à l’admissibilité d’un élément de preuve visé par le secret professionnel.

233 Rappelons par ailleurs que l’intérêt de l’enfant ne constitue pas un droit fondamental, tel que l’a énoncé la Cour suprême dans l’affaire Canadian Foundation for Children, Youth and the Law c. Canada (Procureur Général)125. Le Tribunal n’a donc pas à trancher en fonction de deux droits fondamentaux. La Cour indique que le document signé par Madame ne permet pas de déduire qu’elle consentait à ce que la contre-expertise réalisée dans le cadre du dossier d’adoption puisse être utilisée en vertu des dispositions de la Loi sur la protection de la jeunesse et qu’elle acceptait autre chose que le dépôt de ce consentement dans le dossier d’adoption. En l’espèce, sont en opposition le droit au secret professionnel de la mère et le meilleur intérêt de l’enfant. Le Tribunal ne statue pas sur la primauté de l’un par rapport à l’autre, le « Directeur » bénéficiant d’autres moyens de preuve; il refuse en consé-quence d’admettre la contre-expertise en preuve. Nous croyons que le Tribunal aurait pu trancher la question n’étant pas en présence de deux droits fondamentaux.

122 Art.. 86 de la Loi sur la protection de la jeunesse, LRQ, c. P-34.1. 123 Anonyme, C.Q. Arthabaska, no 415-41-000491-021, 5 avril 2004,

j. Cousineau. 124 Voir Ville de Repentigny c. Carignan, J.E. 2003-72 (C.A.). 125 [2004] 1 R.C.S. 76.

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234 Une autre décision a suivi exactement le même chemi-nement, à savoir l’affaire Dans la situation de W.R.126 ; les faits sont les suivants, nous citons :

235 16. Dans les mesures ordonnées, le juge Rioux a inclus une recommandation aux parents de participer à une évaluation psychiatrique et de suivre les recommanda-tions du psychiatre ou de tout autre spécialiste consulté s’il y a lieu (voir le paragraphe 74 de la décision).

236 17. Tel que confirmé par une lettre de la psychologue Nathalie Jean, le père a fait appel à ses services à partir du mois d’octobre 2003 et lui a confié « un mandat d’évaluation psychologique : capacités parentales » (voir pièce P-1).

237 18. Dans son témoignage, le père s’oppose formellement au dépôt de l’évaluation et au témoignage de madame Nathalie Jean invoquant son droit au secret professionnel.

238 19. En aucun temps, le père n’a consenti formellement à la levée du secret professionnel. A-t-il consenti de façon implicite ? Rien dans la preuve ne laisse croire à un consentement implicite. Il a fait la démarche lui-même. Il n’a pas passé par la Direction de la protection de la jeunesse pour retenir les services d’un psychologue. Il n’a pas été mis en preuve que les informations pouvaient être utilisées à d’autres fins dont la transmission à la personne autorisée par le Directeur de la protection de la jeunesse ou encore dans le cadre de procédures judiciaires.

239 20. Il s’agissait d’une relation exclusive entre la professionnelle et son patient.

240 21. Peut-on mettre de côté le droit fondamental du père au secret professionnel ? L’intérêt de l’enfant et son droit à la protection peuvent-ils prendre le dessus sur le droit du père au secret professionnel ?

241 8. Faisant l’analyse de cette question, notre collègue, la juge Paule Gaumond, aujourd’hui juge en chef adjointe à la Chambre de la jeunesse, disait ceci quant à l’application du critère de nécessité pour lever le secret professionnel :

126 C.Q. Arthabaska, no 415-41-000491-021, 5 avril 2004, j. Cousineau.

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242 Le critère de nécessité devrait nécessairement être évalué avant tout et si le tribunal a juridiction pour jauger dans chaque cas, quel droit fondamental doit primer sur l'autre, il faudra avant d'écarter l'immunité du secret professionnel, soupeser les avantages et les inconvénients d'une telle décision et s'assurer que seule cette voie peut être empruntée pour assurer le respect de l'article 39 de la Charte québécoise.

243 […]

244 22. Rien dans la preuve ne démontre la nécessité de mettre le droit du père de côté pour protéger les enfants. En effet, il existe d’autres moyens pour mettre en preuve les éléments qui permettront d’assurer la protection des enfants.

245 […]

246 25. Le procureur du Directeur de la protection de la jeunesse n’a donc pas démontré la nécessité de mettre de côté le respect du droit du père à la confidentialité.

247 26. Le Tribunal croit donc qu’il est possible de respecter à la fois le droit des enfants à la protection au sens de l'article 39 de la Charte et celui du père au secret professionnel.

248 Si le Tribunal suit un sentier déjà connu, il admet qu’en cas de nécessité le meilleur intérêt de l’enfant pourrait préva-loir. En vertu des dispositions législatives et des arrêts récents de la Cour suprême, les seules situations où on peut écarter le secret professionnel pour des motifs que l’on pourrait qualifier de « nécessité » sont :

♦ La sécurité publique (Soloski) ♦ Des révélations à l’effet qu’une ou des personnes

seraient « physiquement » en danger (Smith) ♦ L’exception relative à l’innocence (McClure)

249 Certes, on pourrait soutenir que le secret professionnel auquel il est fait référence vise la relation psychologue–client et non pas client–avocat. D’ailleurs, les tribunaux distinguent le secret professionnel de l’avocat de celui des autres professionnels127, celui relevant de l’avocat étant plus étanche.

127 Maranda c. Richer, [2003] 3 R.C.S. 67 ou REJB 2003-49826, par.11; R. c.

McClure, [2001] 1 R.C.S. 445, par. 24 et 29; R. c. Gruenke, [1991] 3 R.C.S. 263.

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Le client mineur d’un avocat, dès lors qu’il a la capacité de mandater, serait donc en meilleure posture pour faire valoir son droit au secret professionnel et son procureur devrait être d’autant plus prudent…

CONCLUSION

250 Le secret professionnel est l'un des fondements du système judiciaire, ce que la Cour suprême réitère dans toutes ses décisions sur le sujet. L’arrêt Foster-Wheeler, en plus de rappeler le rôle du tribunal en matière de vérification des documents dont on invoque le caractère privilégié, s’attarde à définir clairement que la preuve d’une communication protégée par le secret professionnel incombe à celui qui l’invoque, mais que cette preuve diffère selon le type et la durée de la relation qui unit l’avocat et son client.

251 La jurisprudence rappelle que le droit au secret profes-sionnel doit recevoir une interprétation large et libérale. Nous croyons que ce principe maintes fois énoncé se concilie mal avec le concept d’un secret professionnel de seconde zone lorsque les communications ont été faites à un professionnel autre qu’un avocat.

252 S’agissant du dernier des Mohicans, il mérite d’autant plus d’être protégé…

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ANNEXE

LE SECRET PROFESSIONNEL LES CONDITIONS D’APPLICATION :

a) La communication doit être faite par le client b) aux fins d’obtenir un avis juridique c) dans le cadre d’une relation client–avocat d) communication voulue confidentielle par le client.

Voir : Descôteaux c. Mierzwinsky, [1982] 1 R.C.S. 860, 872 et 873; Maranda c. Richer, [2003] 3 R.C.S. 193 et Société d’énergie Foster–Wheeler c. Société intermunicipale de gestion et d’élimination des déchets Inc., [2004] 1 R.C.S. 456. LES SITUATIONS OÙ L’AVOCAT PEUT DIVULGUER UN RENSEIGNE-MENT CONFIDENTIEL : L’une des conditions a), b), c) ou d) ci-dessus n’est pas remplie. La consultation vise à atteindre des fins illégales et le tribunal en ordonne la divulgation (Descôteaux c. Mierzwinsky et Maranda c. Richer, précitées). Le client autorise expressément ou implicitement la divulgation du renseigne-ment (art. 60.4 , al. 2 C. prof. et art. 131(2) de la Loi sur le Barreau). L’avocat (ou encore ses associés ou son personnel) doit se défendre à l’encontre d’une action de son client en responsabilité professionnelle, etc. (2643-4654 Québec Inc. c. Saar Foundation Canada, J.E. 94-936 (C.S.)). Le client invoque l’incompétence de l’avocat comme moyen d’appel (Delisle c. La Reine, REJB 1999-10235 (C.A.)). L’avocat intente une action pour établir ou réclamer ses honoraires. La loi le permet ou l’ordonne (art. 60.4, 60.4 al. 3, 122 et 192 C. prof.; art. 131(2) de la Loi sur le Barreau), par exemple : l’exception relative à la sécurité (Solosky c. La Reine, [1980] 1 R.C.S. 821) d’une ou plusieurs personnes s’applique et dans ce cas, l’avocat choisit de divulguer la communication (Smith c. Jones, [1999] 1 R.C.S. 455). Le tribunal rend une décision finale qui ordonne la divulgation d’un renseignement. L’exception fondée soit sur la nécessité d’établir l’innocence de l’accusé s’applique, c’est-à-dire si des questions fondamentales qui touchent la culpabilité ou l’innocence de l’accusé sont en cause, ou s’il y a un risque

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véritable qu’une déclaration de culpabilité injustifiée soit prononcée, et le tribunal ordonne la divulgation de la communication (R. c. McClure, [2001] 1 R.C.S. 445. ON SOULIGNERA QU’EN CAS DE DIVULGATION : Le procureur ne divulguera que ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif poursuivi s’il s’agit d’une situation où il est relevé de son obligation (Smith c. Jones, précité; art. 3.06.01.02 C.d.a.).

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