issn 1961 - 7313 bulletin de la société française · 3 1 composition du bureau président : jean...
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La SFO-LA est affiliée à la S.F.O. (Association régie par la loi de 1901 et agréée par le
Ministère de l’Ecologie, du Développement et de l’Aménagement durables)
Siège national : 17, Quai de la Seine – 75019 PARIS
Chez J.-M. BERGEROT
12, rue du Grand Verger
54000 NANCY
Tél: 03 83 28 00 34
de Lorraine–Alsace
http ://www.sfola.fr/
Bulletin de la Société Française
d’Orchidophilie
ISSN 1961 - 7313 2012
de
Lorraine-Alsace
1
Sommaire
Le mot du Président 2
Composition du bureau 3
Mots croisés 4
Le coin du cartographe 5
Spiranthes cernua, une orchidée qui se plaît les pieds dans l’eau 16
Escapades germano-autrichiennes 20
Escapades vosgiennes 24
Sortie du 1er mai 2011 – Mont de Sigolsheim et Grasberg 28
Abbé G. Jeanbourquin, un orchidophile passionné 32
Photos couleur 39
Petite histoire d’Hammarbya paludosa (L.) O. Kuntze en France 41
Erasanthe henrici, représentant d’un nouveau genre malgache 66
Bal(l)ade pour une polonaise 68
Exotic’Infos 72
Programme des activités 2012 3ème de couv.
Illustrations
Photos : Sauf mention contraire, les photos sont des auteurs des articles.
Dessins :
1ère de couverture : Frédéric Rexer.
Photo de couverture :
Neotthiante cucullata ; Augustow ; 30/7/2010 - Ph. David Prusa
Article p. 68
2
1
Le mot du Président
Le temps exceptionnellement chaud, sec et ensoleillé du printemps dernier n’a pas été sans
avoir des répercussions sur la végétation en général et les orchidées en particulier. Les températures
plus élevées qu’à l’accoutumée ont entraîné un développement plus rapide et la floraison précoce de
certaines espèces. Sur d’autres, le dessèchement du sol a eu des effets délétères en provoquant leur
flétrissement précoce avant qu’elles n’aient terminé leur croissance. Dans ce dernier cas, des réper-
cussions sont à prévoir l’année prochaine puisque, dans ces conditions d’aridité, beaucoup de plantes
n’ont pu reconstituer suffisamment de réserves dans leurs racines tubéreuses ou leur rhizome.
Ces dérèglements pourraient se reproduire dans l’avenir, et sans doute s’amplifier, puisque nous
sommes incontestablement dans une période de réchauffement climatique. Les études semblent mon-
trer, malgré le scepticisme de certains, qu’il est à mettre en rapport avec les gaz à effet de serre
d’origine humaine. Certes, la Terre, au cours de son histoire, a connu de nombreux changements
climatiques importants que l’on explique par les variations de l’activité solaire et de l’inclinaison du
globe ainsi que par le volcanisme. Mais les modifications actuelles sont trop rapides pour qu’on puisse
les attribuer simplement à des causes naturelles.
Toujours est-il que de nombreuses sorties ont dû être annulées et, tout naturellement, elles ont
été, pour la plupart, reconduites cette année.
ooOoo
À la SFO-LA, il y a des adhérents qui pratiquent la culture des orchidées exotiques et peut-
être d’autres qui souhaiteraient s’y adonner. J’ai souvent regretté, ici ou au cours des assemblées
générales, que nous ne leur proposions pas d’activités spécifiques et que les articles qui leur étaient
consacrés dans notre bulletin soient trop rares. Peine perdue, mes appels n’ont pas été entendus. De
même, quand on constate l’engouement du grand public pour les orchidées, il est déplorable que nous
n’ayons pour ainsi dire pas mené d’actions envers lui. Certes, nous avons bien proposé une séance de
conseils de culture il y a quelques années mais, surpris par l’affluence, nous avons eu du mal à nous
organiser. Si nous n’avons pas renouvelé l’expérience, c’est tout simplement parce que le jardin
botanique a repris l’activité à son compte.
Et ce qui devait arriver arriva… Fin novembre, j’ai appris par la presse qu’une nouvelle associa-
tion venait de se créer. Elle souhaite rassembler les amateurs, organiser des réunions mensuelles,
intervenir dans les jardineries et participer à des expositions, autrement dit, toutes choses que nous
aurions été capables de proposer nous-mêmes si des volontaires avaient bien voulu se manifester…
À notre actif, il y a tout de même les expositions auxquelles nous avons participé, que nous
avons organisées et que nous organiserons encore comme celle qui se tiendra à Mirecourt du 21 au 23
septembre prochain. Dans la capitale de la lutherie française, les orchidées seront tout naturellement
associées à la musique. Nous aurons besoin d’aide tout au long de la manifestation, mais également pour
le montage ainsi que pour le démontage, et nous espérons que vous serez nombreux à nous apporter
votre concours.
ooOoo
Le Conseil d’Administration vous souhaite de joyeuses fêtes de fin d’année et vous présente,
ainsi qu’à ceux qui vous sont chers, ses meilleurs vœux de bonne et heureuse année en espérant que les
orchidées continuent à vous apporter beaucoup de satisfactions.
Jean-Marie Bergerot
3
1
Composition du bureau
Président : Jean-Marie BERGEROT, 12 rue du Grand Verger, 54000 NANCY
courriel : [email protected] 03 83 28 00 34
Vice-président : poste vacant
Secrétaire : Henri MATHÉ, 3 rue de Guebwiller, 68840 PULVERSHEIM
courriel : [email protected] 03 89 48 21 03
Secrétaire-adjoint : Patrick PITOIS, 60 rue de Honolulu, 88600 BRUYERES
courriel : [email protected] 03 29 50 14 83
Trésorière : Monique GUESNÉ, 6 rue de l'Echo, 54370 MAIXE
courriel : [email protected] 03 83 70 80 42
Trésorier-adjoint : Jean-Louis BARBRY, 6 rue de Mirecourt, 88130 HERGUGNEY
Courriel : [email protected] 06 88 82 48 72
Comité de rédaction :
Directeur de la publication : J.-M. Bergerot.
Conception et mise en page : H. Mathé.
Comité de lecture : J.-M. Bergerot, M. Guesné, H. Mathé.
Envoi des articles : Henri Mathé (voir coordonnées ci-dessus).
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Avis aux auteurs
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- d’accepter ou de refuser les articles qui lui seront proposés,
- de proposer aux auteurs les modifications qu’il jugerait nécessaires,
- de choisir, en fonction de leur qualité et de la place disponible, les illustrations jointes aux articles.
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n’implique en rien que la SFO-LA cautionne les opinions émises par l’auteur.
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4
1
Jeu
Mots croisés – Jean-Marie Bergerot
I II III IV V VI VII VIII IX X XI XII
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
Horizontalement
1. Qui se flétrissent sur la plante sans se
détacher.
2. Pins de montagne. Produit en même temps que
le gruyère.
3. Telle une pelouse de haute altitude. Sans
quoi.
4. Prélevées. Ordinateur.
5. Sur des cadrans. Possessif. En sourdine.
Lettre de l’alphabet arménien.
6. Sels présents dans la lie du vin. Rappeur.
7. Telle une réussite éclatante.
8. Proche de l’unau. La Terre déifiée.
Préposition.
9. Ville de Palestine. Commune du Var (2 mots).
10. Partie centrale d’un bouclier. Appareil de
gymnastique.
11. Cerveau moyen.
12. Perte de la sensibilité locale ou générale.
Verticalement
I. Procédé de reproduction conforme des
plantes.
II. Conifère sud-américain. Dans la dent.
III. Celle des vents n’a pas d’odeur. Participe.
Ville du Liberia.
IV. Dont la pollinisation s’effectue dans la fleur
fermée.
V. Article arabe. Goutte de liquide organique.
Dans le bâtiment.
VI. Isolé. Extrémité de l’appareil. Le repaire de
Nessie.
VII. Jeu vidéo. De Lesseps a percé celui de
Suez. Fin de participe.
VIII. Poètes anciens sur le retour. Période de
temps.
IX. Viens au monde. Lévrier.
X. Soutien d’un navire en construction. Contrat
pouvant être passé avec ERDF.
XI. Réitère une question à l’envers. Article
espagnol.
XII. Concomitants.
5
Le coin du cartographe
Alain Pierné *
Cet article se propose de faire le point sur la
cartographie des orchidées alsaciennes en cette
année 2011 et encourager la recherche pure car
s’il est évidemment intéressant d’aller sur les
bons « spots », en jargon d’aujourd’hui, c’est une
toute autre récompense que de découvrir une
nouvelle station ou d’en redécouvrir une an-
cienne, faisant ainsi à la fois progresser la con-
naissance des espèces et leur protection :
- recherche des espèces rares avec évaluation
de leur statut actuel,
- nouvelles stations et mise à jour par communes
pour les autres espèces plus fréquentes, grâce à
la prospection de secteurs méconnus (Val-de-
Villé et Alsace bossue notamment) et de milieux
favorables mais souvent négligés en fin de sai-
son (forêts à épipactis en juillet-août).
Je rappelle ici que le cartographe peut, sur
simple demande, fournir les informations confi-
dentielles nécessaires pour prospecter un sec-
teur ou rechercher une espèce (données histo-
riques notamment, c’est-à-dire avant 1980).
A cet égard, je recommande la consultation de la
nouvelle cartographie en ligne sur le site web de
la SFO-LA qui indique :
- d’une part les carrés et communes de présence
pour chaque espèce (au delà de 1980),
- d’autre part sur simple clic toutes les espèces
d’orchidées observées sur le carré de réfé-
rence.
Ainsi ce ne sont pas moins de 175 « nouvelles »
stations qui ont été signalées en 2011 (inédites
ou redécouvertes).
Les espèces rares en Alsace :
Il ne sera pas question ici d’espèces introduites
comme Ophrys aymoninii à Bouxwiller/Bas-Rhin
et Gymnadenia rhellicani/austriaca au Hohneck
et Grand Ballon/Haut-Rhin.
A chaque fois que cela est possible, la situation
alsacienne est comparée à celle des régions et
pays voisins (länder allemands et cantons suisses
essentiellement).
ANACAMPTIS CORIOPHORA / Menace pour
l’espèce (voir article complet in bulletin SFO-LA
2006)
Rappelons que l’espèce, disparue dans le Haut-
Rhin, a été redécouverte dans le Bas-Rhin à
Dossenheim-sur-Zinsel en 2000 à la suite d’une
étude d’impact pour un futur aménagement rou-
tier et observée en 2001 lors d’une prospection
SFO-LA.
Depuis, peu d’évolution dans cette station qui
abrite de 3 à 5 pieds seulement, malgré un ac-
cord officieux avec l’exploitant (précisons que la
recherche dans un pré de fauche reste délicate
et peut être contreproductive par le piétine-
ment occasionné).
L’annonce d’une demande de mesures compensa-
toires à la LGV du tunnel de Saverne a laissé
planer un espoir début 2011 : les sites de Dos-
senheim et Neuwiller-lès-Saverne ont été pro-
posés à la Société de Génie Civil concernée, le
site acquis devant être ensuite confié au Con-
servatoire des Sites Alsaciens.
Mais en août 2011, l’aménagement foncier et
agricole avec inclusion d’une liaison routière Sa-
verne-Bouxwiller vient d’être décidé par le Con-
seil général. La présence de parcelles à orchi-
dées et d’oiseaux rares nicheurs serait prise en
compte : les parcelles seraient dans la mesure
du possible préservées. Un responsable local du
CSA me précise qu’elles sont heureusement à
l’écart du futur périmètre routier.
A suivre donc…
ANACAMPTIS PALUSTRIS / Une dernière sta-
tion
Connu du Bas-Rhin depuis les années 1850 et
considéré comme encore commun dans les an-
nées 1950, il ne subsiste plus que dans un seul
site protégé par le CSA, à Rossfeld.
Dans cette localité, la population est fluctuante
de 60 pieds en 1975 à 4 en 1985 puis près de 50
en 1996 et 0 à 12 dans les années 2000 à 2011).
N. B : H = mention d’herbier
6
Il était présent dans les secteurs de :
- Strasbourg : Citadelle et glacis (1880), Ost-
wald (H1903 et 1963), Illkirch-Graffenstaden
(H1903, encore cité en 1966 avec 1 pied).
- Krautergersheim : 1968 et 1980 avec quelques
pieds, Blaesheim (redécouverte en 2005 d’un
pied, sans suite), Hindisheim (H1898, l’indication
2005 correspond à Blaesheim), Geispolsheim
(sur le site CSA du Lottel, vu de 1974 à 1980,
non revu depuis 1985).
- Benfeld : cité dès 1860, (H1907 et H1951),
Herbsheim (H1897 et H1948-50, commun de
1947 à 1950, non revu après 1964), Witternheim
(H1904, 1 pied en 1975).
- Sélestat : 1932, Muttersholtz (H1906), Oh-
nenheim (de 1858 à 1974 avec H1858 et H1954)
où il est signalé comme abondant en 1956 ! Hil-
senheim (H1913, 1969 à 1984, de 4 à 20 pieds
cités).
A noter, une station isolée à Jebsheim (1932).
Absente du nord-est de la France et même du
nord de la Suisse, l’espèce est par contre moins
rare en Bade-Wurtemberg avec une belle popu-
lation dans le marais d’Ichenheim notamment
(plus de 200 pieds les années favorables).
CORALLORHIZA TRIFIDA / De nouvelles sta-
tions
Après la redécouverte récente d’une station
vosgienne en 2008 à Rochesson (bulletin SFO-
LA 2009) qui s’ajoute au site bien connu des
Rochires de Gérardmer, dans ce même départe-
ment, visité en 2005 (Bulletin SFO-LA 2006) et
la découverte de nouvelles stations alsaciennes à
Orbey-Lapoutroie (Haut-Rhin) en 2006 qui
s’ajoutent aux sites classiques de l’étang du De-
vin proche et de Stosswihr (cf. épipogon), l’es-
pèce, difficile à repérer toutefois, paraît moins
rare.
En effet, en 2011, une prospection commune
avec des responsables du Parc des Ballons a
permis de découvrir 3 nouvelles populations sur
le site du Surcenord visité déjà en 2005 (Bulle-
tin SFO-LA 2006), en compagnie de Listera cor-data. Par contre, les recherches menées en 2010-2011
sur l’ancien site haut-rhinois de la Werschmatt
à Kruth et la station vosgienne de Vagney (FC de
Gerbamont) ont été vaines ; elles auront permis
cependant de faire avancer la protection d’une
partie du site de Kruth par le CSA (avec notam-
ment Dactylorhiza maculata et D. majalis).
N. B. : Une ancienne flore la signalait en Haute-
Saône à Château-Lambert, et à ma grande sur-
prise, dans le Bas-Rhin à Grendelbruch (lieu-dit
Hohbuhl).
Signalons enfin que si elle est abondante en
Bade-Wurtemberg, l’espèce a disparu du Bene-
lux.
EPIPACTIS HELLEBORINE subsp. MINOR /
Une population importante et de nouvelles sta-
tions
La floraison de cet Epipactis helleborine tardif
a débuté plus tôt que d’habitude en 2011, avec
les premiers pieds en tout début de floraison
dès mi-juillet.
Des prospections communes avec Christian Dir-
wimmer de l’AROS puis un relevé exhaustif par
ce dernier des populations, assez nombreuses
cette année, ont permis de mieux cerner le
taxon et sa variabilité et d’en découvrir de nou-
velles stations grâce aux conseils avisés du fo-
restier local Laurent Fassel, membre de la SFO-
LA :
- secteur de La Petite–Pierre (Bas-Rhin) :
Wimmenau avec plus de 80 pieds ;
Wingen-sur-Moder avec plus de 30 pieds ; Wei-
terswiller avec 50 pieds.
- secteur d’Oberhaslach (Bas-Rhin) :
Still, 3 stations dont 1 nouvelle importante avec
200 pieds cumulés sur les 3 sites et Niederha-
slach, 2 nouvelles stations avec 20 pieds.
Enfin, un comptage personnel à Osenbach (Haut-
Rhin) a révélé 15 pieds.
Quant à la station de Wangenbourg-Engenthal
(Bas-Rhin), avec 2 pieds seulement en 2011, elle
mériterait un meilleur suivi du fait des milieux
favorables et de sa proximité avec la Moselle.
Une première conclusion s’impose : la présence
en Alsace d’une importante population de ce
taxon entre le 15 juillet et le 15 août !
Une sortie commune avec des membres de
l’AROS et de la section AHO du Bade-
Wurtemberg a permis en août 2011 de mieux
cerner cette population et de la comparer avec
le « nouveau » taxon, Epipactis moratoria décrit
par Riechelmann et Zirnsack en 2008 (cf. site
Internet AHO Bayern-Epipactis moratoria).
La situation de notre taxon a considérablement
évolué depuis mon article récent (in bulletin
7
SFO-LA 2011) où je signalais déjà l'embarras de
nos voisins d'Outre-Rhin.
Dans un premier temps, après la découverte
d'une nouvelle sous-espèce dite moratoria en
Grêce (in JEO décembre 2009), les populations
découvertes en Bade-Wurtemberg ont été bap-
tisées moratoria (in JEO avril 2011). Dans un
second temps, dans un tout récent article (in
JEO décembre 2011), c'est la sous-espèce minor
qui est reconnue. L'article compare, avec ta-
bleaux et mesures à l'appui, des populations
allemandes, françaises (Wimmenau et Weiters-
willer - 67) et grecques et conclut que toutes
ces populations doivent être rapportées à la
sous-espèce minor.
Quoi qu’il en soit, l’important est de mieux cer-
ner et recenser cette population d’Epipactis helleborine tardif présent essentiellement dans
les Vosges du Nord.
EPIPOGON APHYLLUM / Une espèce capri-
cieuse
- en Alsace :
Rare et épisodique, dans le Haut-Rhin unique-
ment, avec 2 stations où il se maintient en
nombre à Stosswihr. Rappelons que ce biotope
fragile bénéficie d’un Arrêté de Protection de
Biotope, et reste interdit d’accès sauf autorisa-
tion de la commission scientifique de la Réserve
du Frankenthal-Missheimlé) et en petit nombre
à Pfaffenheim avec un maximum de 24 pieds en
2007 (13 pieds en 2011).
Malgré des recherches régulières à Masevaux
(quelques pieds en 2007 au dessus d’Houppach),
Osenbach (Borne jaune près du Firstplan – indi-
cation historique), Soultzeren (quelques pieds en
2005 au Murbachmatt), Stosswihr (lac de
Fischboedle), Wihr-au-Val (4 pieds découverts
en 2006 au Mittelbuehl) et Wintzenheim (Fon-
taine des dames - indication historique), l’espèce
n’a plus été revue en ces lieux. Deux mentions
imprécises restent à vérifier : vallée de la Lu-
celle derrière Winkel et Eguisheim (derrière les
châteaux), indication qui renvoie certainement à
celle de Wintzenheim.
- régions limitrophes :
Il en est de même dans le Territoire de Belfort
proche : redécouverte à Lepuix au Saut de la
Truite en 2008 (Bulletin SHN de Montbéliard
2009) et toujours sur la même commune dans le
bois des Sombres Mousseux avec 1 pied en 2008
et 4 en 2009 (Bulletin SHN de Montbéliard
2010), l’espèce n’est pas réapparue depuis mal-
gré des recherches régulières.
En Lorraine, une seule station, aujourd’hui dispa-
rue, a été signalée en Meurthe-et-Moselle, à
Allondrelle-la-Malmaison, non loin de la station
luxembourgeoise de Walferdange, (in bulletin
Ferrantia 111 de 2010). Il faut dire que les 7
pieds observés lors de la sortie botanique de
1892 ont tous été récoltés !
L’espèce serait présente dans le département
des Vosges avec une observation non confirmée
à Belbriette près de Xonrupt-Longemer et une
ancienne mention dans la forêt de Noiregoutte à
Rochesson.
De même, une observation « non communiquée »
(sic) dans le secteur du Ventron (Haut-Rhin)
reste à vérifier…
N. B. : L’épipogon est plus « répandu » en Bade-
Wurtemberg (cf. carte de répartition sur le site
web Floristischen Kartierung Baden-Wurtem-
berg) notamment en forêt d’Hüfingen avec plu-
sieurs centaines de pieds les bonnes années (in
bulletin SFO-LA 2007).
Une remarquable population a également été
découverte le 19 juillet 2000, en Suisse voisine
près de Balstahl, dans le canton de Soleure (plus
de deux cents pieds les années favorables).
GYMNADENIA ODORATISSIMA / Une station
unique
L’espèce se maintient sur le site du Rangenberg
de Dorlisheim (Bas-Rhin) où elle a été suivie
depuis 1946 par Roger Engel notamment. Malgré
des demandes réitérées et d’après de récentes
informations (com. pers.), la commune ne sou-
haite pas classer la colline en Réserve naturelle
régionale et préfère la gérer elle-même. Signa-
lons que le site renferme par ailleurs une belle
population d’orchidées (cf. infra Communes).
Bas-Rhin
Historiquement, Gymnadenia odoratissima était
présent dans les rieds ello-rhénans et dans les
collines sous-vosgiennes.
Sites des rieds : Benfeld, Daubensand, Eschau,
Herbsheim (site CSA actuellement), Illkirch-
Graffenstaden, Rossfeld (site CSA) avec une
planche de l’herbier Strasbourg de 1937 et de
l’herbier Engel de 1971.
Sites des collines : Barr, avec une planche de
1892 de l’herbier de Strasbourg et l’indication
8
300 m (un site CSA dans ce secteur), Molsheim,
Mutzig (planche de 1828, annotée Dreispitz),
Nordheim, Rosenwiller (au Katzenberg près du
site CSA), Scherwiller, Wolxheim (à la Zorn).
Haut-Rhin
L’espèce n’a pas été retrouvée dans sa dernière
station au Blochmont de Kiffis où elle a été si-
gnalée de 1913 à 1988 (dernière observation par
M. Rohmer) avec une planche de l’herbier Engel
de 1971. Le site a été plusieurs fois prospecté
ces dernières années, mais sans succès.
Excepté une station plus au nord au Florimont
d’Ingersheim, bien connue des botanistes (avec
une planche d’herbier de Strasbourg de 1929),
elle était surtout présente dans le Sundgau, en
plaine à Blotzheim, Huningue et sur collines du
Jura alsacien à Lutter, Riespach, Willer.
L’espèce est présente sur 2 stations lorraines
notamment à Villouxel (Vosges in bulletin SFO-
LA 2011) et redécouvert plus récemment à
Pargny-sous-Mureau (Vosges in Willematia
2009). Il est bien connu en Haute-Marne (52) à
Aujeurres notamment (in bulletin SFO-LA
2006).
Abondant en Bade-Wurtemberg, surtout autour
du lac de Constance, l’orchis odorant se main-
tient en Suisse frontalière non loin du Jura al-
sacien en plusieurs endroits, notamment à Soy-
hières, Undervelier, Seleute et surtout Dittin-
gen.
HAMMARBYA PALUDOSA / La pression des
botanistes
Après les prospections intensives de 1999-2000
qui ont permis la redécouverte de l’espèce en
août 2000 sur la commune vosgienne de La
Bresse (cf. article in Orchidophile 145 en 2001),
des prospections ont été reprises, en 2010 et
2011, eu égard aux données anciennes, notam-
ment celles de Godron, de Godfrin & Petitmengin
(cf. documents historiques accessibles sur le
site SFO-LA).
Les sites prospectés, avec leurs lieux-dits, sont
répertoriés ci-dessous afin d’encourager des
recherches renouvelées car la petitesse de la
plante, son biotope particulier et son caractère
de plante à éclipses, liés aux conditions clima-
tiques, rendent toute prospection difficile et
non concluante, en cas d’échec.
Excepté une ancienne donnée inédite de 1873
au Lac Blanc d’Orbey (Haut-Rhin), toutes les
stations historiques sont du côté lorrain : La
Bresse (lac de Lispach), Gérardmer (Haies-
Griselles, les Xettes, le Grand étang et les
Hautes-Vannes), Liézey (vers le Rain de la
Cagne), Xonrupt-Longemer (Belbriette) et enfin
une indication sibylline à Varzeney (peut-être le
lieu-dit « les Vazenés » près de la Chaume Fran-
cis sur le ban de Gérardmer).
Quant aux données mosellanes des Vosges du
Nord, les recherches menées depuis 1946 par
Roger Engel et Henri Mathé n’ayant rien donné,
une nouvelle prospection avec l’accord et la col-
laboration du Parc reste à mener…
Il faut constater pour finir une nette chute de
l’effectif de la station de La Bresse (de 100 à
une dizaine) qu’on retrouve ailleurs en France où
l’on a constaté le même effet de pic en 2000,
(année de la découverte dans les Vosges), suivi
d’une baisse des effectifs, aggravée par une
fréquentation incontrôlée des botanistes. Seuls
un pâturage extensif et approprié d’une part et
une fermeture de l’accès durant la saison de
floraison d’autre part pourront redynamiser la
station et en assurer la pérennité.
Signalons une fois de plus que l’espèce est mieux
représentée (surtout au nord du lac de Cons-
tance) et mieux protégée en Bade-Wurtemberg.
HERMINIUM MONORCHIS / Une station
unique
L’espèce se maintient également sur un site
unique à Dorlisheim (Bas-Rhin) : citée dès 1829,
avec une planche d’Issler de 1935 et suivie par
Roger Engel et alii depuis 1946.
Même remarque (cf. supra) quant à la pérennité
du site : il aurait été préférable que la protec-
tion s’inscrive à travers le CSA dans un réseau
de sites avec des objectifs communs.
Bas-Rhin :
L’espèce était présente en plaine et surtout sur
les collines.
En plaine : à Geispolsheim et à Strasbourg (avec
une planche de 1831) dans le secteur Forêt de
Geisau et Neunhof) et une observation sans
suite sur l’île du Rohrschollen.
Sur collines : à Achenheim, Hangenbieten, Ho-
hengoeft (site CSA), Mundolsheim, Mutzig avec
une planche Engel de 1949 (station encore abon-
dante en 1970 autour du fort et revue jusqu’en
1975), Rosenwiller (site CSA), Saverne.
9
Haut-Rhin :
Excepté Wettolsheim au Kahlenberg et Affen-
buck avec une planche d’herbier de 1872 (site
CSA), l’espèce était présente uniquement dans
le Sundgau.
Elle était citée en plaine à Blotzheim, Huningue,
Mulhouse (Tannenwald) avec une planche de
1845 et Riedisheim et surtout dans les collines
du Jura alsacien à Ferrette, Oltingue, Winkel,
Lutter et Lucelle (La Verrerie). Ces deux der-
nières localités, vainement prospectées, ne sem-
blent plus guère favorables à la plante.
Absent de Lorraine, il est cependant connu à
Aujeurres (52) et dans quelques stations du
Doubs, notamment à Dambelin (25) près de
Pont-de-Roide.
LIMODORUM ABORTIVUM
L’espèce était historiquement présente en Al-
sace, mais très rare, citée uniquement dans le
Haut-Rhin dès 1836 par Kirschleger dans les
collines boisées du Jura alsacien et au Kaisers-
tuhl allemand (cf. infra) :
- à Mulhouse (dans le bois du Tannenwald en
1844),
- à Lucelle (1852) et Kiffis (1852), sans autre
précision.
L’espèce reste rare dans les régions proches de
l’Alsace et pays voisins :
- en Lorraine : le limodore est présent surtout
en Meuse et Meurthe-et-Moselle. Dans les
Vosges, signalons une donnée historique au bois
de la Haronière, canton de Chatel (Mougeot
1845). Il est absent de l’est de la Moselle.
- en Franche-Comté : il a disparu du Territoire
de Belfort (non retrouvé au bois de la Miotte au
dessus de Belfort). Dans le Doubs, il n’a pas été
retrouvé dans le bois de Bondeval, près de
Montbéliard (cf. SHN de Montbéliard 1995). On
le retrouve vers Pont-de-Roide, puis Besançon et
Vuillafans (2003).
- en Suisse : rare dans le nord du pays, il existe
cependant dans le canton du Jura près de Délé-
mont, où le limodore se maintient dans une li-
sière à Soyhières. Egalement présent à Courge-
nay, près de Porrentruy, où une quinzaine de
plantes d’apparition régulière se développe sous
le couvert d’une ancienne pinède.
- en Allemagne : rare dans le Bade-Wurtemberg,
il est présent uniquement, avec de belles popula-
tions, dans le sud du land, entre le Kaiserstuhl
(Ihringen, Bickensohl, Achkarren…) et Istein.
LIPARIS LOESELII / L’espoir d’une redécou-
verte
Considérée comme officiellement disparue
d’Alsace (ou plutôt non observée depuis long-
temps), l’espèce peut encore être redécouverte
sur ses sites historiques, qui ont bénéficié d’une
protection accrue des milieux palustres ou même
découverte du fait de la renaturation de la
bande rhénane et des îles du Rhin.
Rappelons que liparis était présent mais
d’apparitions épisodiques de 1953 à 1981 et tou-
jours en petit nombre avec un maximum de 15
pieds.
Dans le Bas-Rhin :
- Wissembourg : signalée par Schultz dès 1854
l’espèce a été retrouvée en juillet 1953 par Ro-
ger Engel dans le marais d’Altenstadt.
Il y est revu en 1954 puis, après une éclipse de
5 ans, de 1959 à 1975, mais plus revu depuis
1977, le site étant signalé comme détruit par
assèchement et embroussaillement dès 1979.
Après classement en ZNIEFF puis en APPB, dès
1987, sur plus de 700 ha, la gestion du marais
d’Altenstadt a été confiée (pour 470 ha) au CSA
qui lance dès l’automne 2011 un programme de
gestion active avec ouverture du milieu, pâtu-
rage extensif par des bovins et étrépage (déca-
page superficiel de la végétation avec les ra-
cines) qui laisse l’espoir d’un retour de liparis
comme cela a été le cas ailleurs en France, no-
tamment en Lorraine (cf. infra).
- Rhinau-Daubensand : Recherché en vain dans
les années 1950, il est trouvé en 1962, revu en
1964 (photo Engel in Orchidées sauvages
d’Alsace et des Vosges), non revu après 1973.
A rechercher dans les bras morts du secteur
rhénan de Rhinau.
- Autres observations historiques : Strasbourg
(Citadelle et Pont-de-Pierre), années 1849-62 ;
Robertsau en 1954 et 1960 (4 pieds) mais le site
est signalé comme disparu par comblement du
pré marécageux ; Sundhouse en 1932 et Hague-
nau, station signalée dès 1779 par Gmelin.
L’espèce y était encore présente en 1912 (Flore
de France de G. Rouy).
10
Dans le Haut-Rhin :
Trouvée en 1890 à la pisciculture de Huningue
par G. Muller (in Mantz, 1913), l’espèce est à
nouveau signalée dans le secteur de Rosenau en
1957 et Village–Neuf en 1965 (cf. photo in Or-
chidées sauvages…) où elle est présente jusqu’en
1981 date à laquelle la zone a été partiellement
asséchée par l’installation d’un transformateur
EDF. Malgré des prospections ultérieures (avec
l’autorisation du comité de gestion de la Petite
Camargue Alsacienne), elle n’a pas été retrouvée
dans les secteurs du Grand Marais et du Kirche-
nerkopf, pourtant protégés depuis 25 ans grâce
à une forte mobilisation d’associations natura-
listes transfrontalières. En effet, c’est à la
suite de nombreuses menaces (station
d’épuration, gravats divers, incendies dans le
marais et enfin installation d’un transformateur)
que s’est créée, en 1986, sous l’appellation PCA
la première réserve naturelle d’Alsace sur 120
ha avec depuis 2006 extension à 920 ha englo-
bant l’île du Rhin de Kembs.
En Lorraine :
Le liparis est signalé sur 3 sites du CSL :
- Ippling (Moselle) : un marais alcalin de 4 ha
aux portes de Sarreguemines qui a failli dispa-
raître sous un projet touristique. Signalé dans le
département par Barbiche dès 1882, le liparis a
été redécouvert en 1982.
Le marais abrite une petite population de liparis
avec 49 pieds en 2004 et 10 actuellement (in
Willematia 2009, bulletin de Floraine en ligne).
- Pagny-sur-Meuse (Meuse) et Foug (Meurthe-
et-Moselle) :
Il s’agit d’un marais alcalin de 40 ha à la gestion
exemplaire : grâce au programme initié en 1987
par le CSL (avec pâturage tournant par des che-
vaux de la race Konik Polski - 13 actuellement -
fauche, débroussaillement et étrépage) le liparis
est apparu deux ans après environ (in G. Parent,
Flore lorraine, bulletin SHN de la Moselle 1996)
L’espèce n’avait jamais été signalée auparavant
selon l’auteur. L’effectif est passé de 12 pieds
en 1992 à 1 800 pieds en 2003 et plus de 1 000
actuellement (in bulletin SFO-LA 2005).
- Vittoncourt (Moselle) : Connu et étudié depuis
1882, (avec l’indication Faux-en-Forêt), c’est un
marais de 25 ha au sud de Metz, protégé et
géré depuis 1984. L’espèce n’a plus été revue
malgré un biotope et une gestion appropriés.
En conclusion, à l’image du marais de Pagny-sur-
Meuse, gardons l’espoir d’une réapparition en
Alsace…
OPHRYS ELATIOR ET NEOTINEA USTULATA
AESTIVALIS / Une année bien sèche
- Haut-Rhin
La sécheresse 2011 n’a, une fois de plus, pas
permis d’observer Ophrys elatior dans le sec-
teur frontalier de Village–Neuf et Rosenau où il
avait été observé dès 1981 puis suivi par Engel
et Mathé, avec un record de 600 pieds en 1995
(in L’orchidophile n° 123, 1996). La même fluc-
tuation entre années favorables et années
sèches avait déjà été signalée côté allemand à
Istein et Steinenstadt par Gumprecht (in die
Orchideen n° 31, 1980) avec un record de 2 000
pieds en 1985.
Signalons que Neotinea ustulata subsp. aestiva-lis , toujours présent uniquement à Fessenheim,
a subi le même sort avec quelques pieds en 2011
au lieu des 400 répartis (les bonnes années cela
va de soi) sur 2 stations, la station sur pelouse
sèche et en lisière forestière de la découverte
de juillet 1997 par Engel et Mathé (in
l’Orchidophile 136, 1999 ) d’une part et surtout
la station voisine gérée et « ouverte » par le
CSA, gestion qui a permis de doubler la popula-
tion et de voir apparaître parallèlement d’autres
espèces d’orchidées !
L’espèce, présente plus au nord du côté allemand
dans le Lilienthal d’Ihringen, doit être recher-
chée les bonnes années sur la bande rhénane et
les îles du Rhin au sud de Marckholsheim.
Tous les espoirs restent d’ailleurs permis puis-
qu’on a trouvé Ophrys elatior en 2006 sur l’île du
Rhin de Kembs dans une prairie CSA (A. Pierné)
ainsi que la variété basiliensis d’Ophrys apifera en 2010 plus au nord à Niffer toujours sur ter-
rain CSA (Cécile Billard CSA), observation con-
firmée en 2011. Il s’agit d’une nouvelle variété
décrite en 2003 à Birsfelden, près de Bâle en
Suisse (in Orchid review, vol. 112). C’est une
première pour le Haut-Rhin en tout cas. Il faut
signaler que la variété flavescens , très proche,
a déjà été observée en 1923 à Romanswiller
(Bas-Rhin) et dans le Territoire-de-Belfort tout
proche, à Bermont.
- Bas-Rhin
11
Des recherches systématiques jusqu’en 2011
n’ont pas permis non plus de retrouver l’espèce
dans le secteur de Plobsheim où Ophrys elatior a
disparu dans les années 1990 à la suite de la
création du golf du Kempferhof (cf. photo de
Roger Engel datée de 1981 in Orchidées sau-
vages…) avec encore 1 pied en 1995 (M. Rohmer).
Cependant, l’observation en 2011 d’une centaine
de pieds d’Ophrys elatior (com. Pers. Georges
Riehm et Michel Rohmer) dans le Taubergiessen
(en face de Rhinau), NSG (Naturschutzgebiet)
allemand bien connu des orchidophiles locaux,
laisse augurer d’une découverte de l’espèce sur
la bordure rhénane bas-rhinoise.
ORCHIS PALLENS / Une espèce qui a fait cou-
ler beaucoup d’encre
Le « cas » d’Orchis pallens fera l’objet d’un ar-
ticle ultérieur plus complet :
- historique de sa présence à Osenbach,
- problèmes rencontrés (jusqu’aux tentatives de
destruction répétées en 2007 et 2008 qui ont
fait l’objet de procès-verbaux de gendarmerie
et d’un compte rendu en mairie !)
- moyens de préserver et renforcer sa popula-
tion réduite à 2 pieds en fleurs en 2011 sur le
site classique au lieu de 21 en avril 2007 avant
les actes de vandalisme !
Bien que 2 sites proches et confidentiels exis-
tent non loin, l’avenir de l’espèce reste bien
compromis avec 8 pieds fleuris en tout et pour
tout en 2011 (com. pers. E. Schilling) au lieu de
10 à 40 pieds les précédentes années, notam-
ment en 1995.
Je remercie ici surtout Etienne Schilling (SFO-
LA) qui suit l’espèce assidûment.
Si la station alsacienne reste la seule du nord-
est de la France, Orchis pallens est absent du
quart nord-ouest de la Suisse mais reste plus
abondant au sud-est du Bade-Wurtemberg, pro-
tégé dans de nombreuses NSG et dans le canton
voisin suisse de Schaffhouse (in bulletin SFO-
LA 2011) .
Signalons pour finir une observation citée par
Issler dans le Sundgau, dans le secteur de Kiffis
(Haut-Rhin).
Pour une meilleure couverture de la région :
prospection de secteurs et de milieux mécon-
nus.
Avec la collaboration active de membres de
l’AROS et de la SFO-LA, la cartographie s’est
enrichie de plus de 170 nouvelles stations sur 3
secteurs : le Val-de-Villé, l’Alsace bossue et le
Jura alsacien.
LE VAL-DE-VILLÉ / Bas-Rhin. Des milieux en-
core préservés.
Grâce à la collaboration de Christian Dirwimmer
de l’AROS et Hubert Jaeger, responsable local
d’Alsace Nature, soucieux de mieux protéger
leur cher Val-de-Villé, la cartographie s’est en-
richie de plus de 20 nouvelles données sur les
carrés LU74, LU75 et LU65.
Entre la plaine de Sélestat et les hauteurs du
Champ du feu, on trouve en effet une petite
enclave encore préservée, alternant prairies
humides, prairies de fauche, lisières forestières
et talus, pelouses montagnardes, s’étageant
entre 200 et 650 mètres avec 10 nouvelles es-
pèces d’orchidées (Anacamptis morio, Cephalan-thera longifolia, Coeloglossum viride, Dactylor-hiza maculata et majalis, Gymnadenia conopsea, Listera ovata, Neotinea ustulata, Orchis mascula et Plathanthera chlorantha) sur 8 communes
bas-rhinoises (Breitenbach, Chatenois, Hoh-
warth, Neubois, St–Pierre-Bois, Thanvillé,
Triembach-au-Val, Urbeis). Le site le plus remarquable reste le Climont, sur
le ban d’Urbeis, avec des prés tourbeux à linai-
grettes, pédiculaires et 6 espèces d’orchidées
et où Coeloglossum viride est à rechercher.
Des contacts ont été pris et des initiatives en-
gagées pour que ces sites soient pris en compte
et préservés : l’un d’eux a même failli devenir un
parking pour le rallye automobile d’Alsace !
L’ALSACE BOSSUE / Bas-Rhin. Les confins de
l’Alsace.
Secteur peu connu et peu visité, il renferme
pourtant pas moins de 18 espèces d’orchidées à
Weyer sur le site CSA et réserve des sur-
prises : 22 espèces d’orchidées sur l’ensemble
du secteur dont plusieurs stations d’Anacamptis morio et Platanthera bifolia. Grâce aux données transmises par Pascal Hol-
veck (CSA-ONF), les carrés LV50, LV51, LV52,
LV53, LV60, LV61 et LV62 sont désormais mieux
représentés avec 22 communes bas-rhinoises
renseignées (Ne sont pas prises en compte les
données mosellanes proches) : Altwiller, Bust,
Durstel, Drulingen, Eywiller, Gunstett, Harskir-
12
chen, Herbitzheim, Hirschland, Kirrberg, Kes-
kastel, Mackwiller, Oermingen, Ottwiller, Rims-
dorf, Sarre-Union, Sarrewerden, Siewiller, Silt-
zheim, Thal-Drulingen, Voellerdingen,Weyer.
N. B. : La forme verte d’Epipactis purpurata
découverte à Ferrette (Haut-Rhin) (cf. article
de J.-F. Christians sur les variétés d’Epipactis
purpurata in Bulletin SFO-LA 2010) a même été
retrouvée à Siewiller non loin du site de Rauwil-
ler, déjà connu de Roger Engel. Des pieds de
cette forme ont également été trouvés dans un
second secteur du Jura alsacien à Courtavon, au
sein d’importantes populations d’Epipactis pur-purata. S’ajoutent à ces données déjà importantes de
nombreuses stations inédites dans le secteur de
Marmoutier-Wasselonne (Bas-Rhin) ainsi que des
réactualisations (stations d’avant 1980) : il
s’agit, dans les carrés LU77, LU78, LU79, LU87
et LU88, de Allenwiller, Birkenwald, Cosswiller,
Dangolsheim, Dinsheim, Haegen, Marlenheim,
Oberhaslach, Romanswiller, Singrist, Still, Ur-
matt, Wangen, Wangenbourg-Engelthal, Wasse-
lonne, Westhoffen.
LE SUNDGAU / Haut-Rhin. Un secteur riche et
mieux prospecté.
Le milieu forestier, souvent peu dégradé, occupe
dans le Jura alsacien une vaste surface) ; il ré-
serve alors bien des surprises.
Des prospections, intensives il est vrai, avec J.-
F. Christians surtout, mais aussi Patrick Pitois et
Jean-Paul Cartier (tous trois membres de la
SFO-LA) ont permis au fil des années d’avoir
une bonne couverture des carrés frontaliers LU
65, LU66, LU75 , LU76, LU85 et LU86 avec de
nombreuses découvertes de Spiranthes autom-nalis (in Bulletin SFO-LA 2006), ainsi que Cepha-lanthera damasonium et rubra, d’Epipactis atro-rubens, E. helleborine, E. leptochila, E. micro-phylla et même E. muelleri ! Mais c’est avec Epipactis purpurata que les re-
cherches ont été les plus fructueuses : 12 nou-
velles communes, en 2011, dans des hêtraies
calcaires et pessières sombres entre 500 et
800 mètres avec de belles populations de 10 à
150 pieds (cf. forêt de Courtavon), souvent en
touffes de 4 à 12 tiges, caractéristiques de
l’espèce. Ces communes haut-rhinoises sont
Bettlach, Courtavon, Durlinsdorf, Koetslach,
Levoncourt, Liebenswiller, Liebsdorf, Moernach,
Oberlarg, Raedersdorf, Sondersdorf et Aspach-
le-Bas.
N. B. : à noter la découverte à Moernach d’un
pied de la variété rosea et à Oberlarg sur la
magnifique crête frontalière du rocher du Cor-
beau avec la présence de 2 pieds « panachés ».
En conclusion, l’espèce semble bien représentée
puisque présente sur chaque commune (Bieder-
thal excepté) de ce secteur déjà botaniquement
très riche (nombreuses stations de Spiranthes
spiralis, stations uniques en Alsace pour Gentia-na verna, Alyssum montanum et Athamanta cre-tensis et stations de Gentiana germanica, G. ciliata et G. cruciata), avec une grande diversité
d’orchidées à Winkel notamment où existent 22
espèces (forêt et pelouses dont plusieurs sites
CSA).
Dans le cadre de l’actualisation des ZNIEFF
dans le Sundgau, de nouvelles zones sont
d’ailleurs à l’étude s’appuyant notamment sur ces
données.
LA COUVERTURE CARTOGRAPHIQUE DE
L’ALSACE
LES CARRÉS :
La région est découpée arbitrairement en 112
carrés de 10 km de côté selon le quadrillage
UTM (Universal Transverse Mercator). La mé-
thode a le mérite de mieux visualiser la pré-
sence des orchidées en Alsace et de situer rapi-
dement une commune, mais reste arbitraire et
pas toujours pertinente :
- ainsi les carrés en limite de région, côté lorrain
et franc-comtois par exemple, sont moins impor-
tants avec parfois une seule commune et ne peu-
vent être comparés avec des carrés « presti-
gieux » à plusieurs communes plus favorables
Ex. : le carré LT85 avec Biederthal uniquement
et le carré LU61 avec Osenbach, Orschwihr,
Westhalten, Lautenbach… soit 8 communes en
tout !
- de plus, certains carrés du Centre-Alsace sont
à cheval sur les 2 départements et rendent
toute statistique difficile.
Quoi qu’il en soit, sur les 112 carrés de la dition,
tous sont occupés par 1 à 33 espèces
d’orchidées.
10 carrés renferment plus de 20 espèces et 15
carrés moins de 5 espèces.
13
Précisons ici que la date butoir retenue est
1980 : pour les observations antérieures à cette
date, l’espèce est considérée comme non revue,
voire disparue.
Haut-Rhin : carrés de plus de 20 espèces =
LT59, LT65, LT75, LT86 et LU61.
Le « record » est le carré LU61, comprenant
notamment Osenbach, avec 33 espèces d’orchi-
dées et pour le Sundgau le carré LT75 corres-
pondant au secteur de Winkel avec 25 espèces
(épipogon non revu).
Bas-Rhin : carrés de plus de 20 espèces = LU78,
LU87, LV70, LV71, LV80, LV81 ,MV02, MV13.
Les carrés les plus riches sont LU87, secteur de
Dorlisheim avec 26 espèces et LV81, secteur de
Weiterswiller avec 25 espèces.
LES COMMUNES
Le niveau le plus pertinent pour la cartographie
reste toutefois celui du ban communal qui est le
plus représentatif et le mieux exploitable sta-
tistiquement avec 904 communes pour la région.
Haut-Rhin
Avec 3 525 km² de superficie pour plus de 750
000 habitants soit une densité de 212 hab.
/km², c’est le plus petit des 2 départements
alsaciens. À noter qu’il s’agit d’une densité
moyenne, celle-ci variant, pour la France, de 15
hab./km² en Lozère à 21 000 hab. /km² à Paris !
Sur les 377 communes, 221 sont citées au moins
1 fois soit 60 %.
La commune la plus riche reste Osenbach avec
29 espèces d’orchidées dans le fameux carré
LU61 !
Bas-Rhin
Avec 4 755 km² de superficie pour plus de 1
090 000 habitants soit une densité de 229 hab.
/km², c’est le plus grand des deux départements
alsaciens.
Sur les 527 communes, 300 sont citées au moins
1 fois soit à nouveau 60 %.
La commune la plus riche est Dorlisheim avec 25
espèces dans le carré LU87.
EVOLUTION DE LA CARTOGRAPHIE / Résul-
tats et analyse.
Carrés les plus riches (cf supra)
Il s’agit de secteurs bien connus et suivis histo-
riquement, objets de véritables « pèlerinages »
orchidologiques, qui n’ont pas connu d’impor-
tantes variations.
Carrés en progression, voire nette progression.
Plusieurs facteurs sont à prendre en compte :
- une meilleure prospection de secteurs mécon-
nus souvent grâce à un contact local ;
c’est le cas des carrés LT67, 68, 69 dans le
Sundgau par exemple (avec un progrès de 4 à 15
espèces, 6 à 14…)
- une mise en réserve des sites et un suivi insti-
tutionnel avec gestion appropriée et inventaire
exhaustif : MU19 par exemple (secteur
Gambsheim-Offendorf) de 5 à 15 espèces et
LT87 (secteur de Saint-Louis) de 6 à 17 espèces
et LV80 où de nombreuses espèces sont appa-
rues sur le Batsberg de Bouxwiller depuis sa
mise en Réserve naturelle régionale en 1989 et
grâce à la gestion CSA.
- des secteurs qui bénéficient avec le temps
d’une renaturation (bordure rhénane et îles du
Rhin), doublée par ailleurs d’une meilleure con-
naissance des milieux : carrés LU90, 91, 92 par
exemple (îles du Rhin de Fessenheim à Kembs)
qui passent respectivement de 4 à 12 espèces, 0
à 6 et 8 à 17 !
Carrés en recul, voire en net recul.
D’autres facteurs interviennent, déjà évo-
qués dans le livre de Engel et Mathé :
- industrialisation et urbanisation qui se sont
poursuivies dans le secteur de Mulhouse et du
bassin potassique : carrés LT78, 79 et LU70 qui
passent de 17 à 3, 5 à 1, 4 à 1 seule espèce !
- agriculture intensive et assèchement des
zones humides qui se poursuivent : carrés LU95
(secteur d’Herbsheim ), MU04, MU05 (secteur
d’Erstein) avec 8 espèces non retrouvées et 1
seule station d’Anacamptis palustris à Rossfeld
(site CSA). Dans ces carrés, seule la gestion
conservatoire a permis de limiter les dégâts.
Il en a été de même en Petite Camargue alsa-
cienne où le pire a été évité : carré LT97 de 17 à
15 espèces .
Carrés non prospectés avec peu de données his-
toriques
Enfin, s’il est tentant de revisiter les carrés et
communes favorables, certains secteurs n’invi-
tent guère, à tort, à la prospection.
Citons quelques carrés avec leurs communes de
référence en guise d’appel à des explorateurs en
herbe… :
Haut-Rhin
Dans le Sundgau :
14
- LT56 : Friesen , Ueberstrass, Hindlingen (1
espèce),
- LT57 : Chavannes, Dannemarie, Altenach,
Valdieu-Lutran, Retzwiller, Mertzen, Strueth,
Magny, Montreux-Jeune, Ballersdorf,
Gommersdorf (1 espèce, 5 non revues).
Dans la Harth :
- LU70 : Ungersheim, Reguisheim, Meyenheim,
Ensisheim, Raedersheim (1 seule espèce, 4 non
revues),
- LU82 : Wolfgantzen, Widensolen, Andolsheim,
Forstschwihr, Bischwihr, Appenwihr, Biesheim,
Urschenheim, Durrennetzen (1 espèce, 6 non
revues).
Bas-Rhin
La liste serait longue vu le nombre de communes
du département. Citons simplement :
Dans le Kochersberg, les carrés LU98 autour de
Furdenheim (2 espèces), LU99 autour de Dur-
ningen (3), MV00 autour de Wintershouse (1).
Dans l’Alsace bossue, les carrés LV50 à Goer-
lingen et Kirrberg (1), LV60 à Rauwiller (2).
Dans l’Outre-Forêt et le secteur d’Haguenau, le
carré MV21 autour de Hatten (2 espèces) et
MV00 autour de Wintershouse (1).
Des journées de prospection seront organisées
en 2012…
Conclusion
« Il ne faut pas se leurrer », ainsi que le disait
déjà Roger Engel dans sa cartographie de 1986,
cette cartographie n’est pas un état définitif et
encore moins exhaustif : c’est « une base qui
reste à compléter, à corriger, à améliorer en
souhaitant que les futures additions soient plus
nombreuses que les retraits… »
Le cartographe actuel espère avoir en partie au
moins exaucé ce souhait et encourage toutes les
bonnes volontés à poursuivre dans cette voie
tracée par d’autres orchidophiles avant nous…
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Pierné A., 2006. Contribution à la connaissance
d’Anacamptis coriophora. Bull. SFO-LA 2006 : 8-
14.
Pierné A., 2006. Sortie Corallorhiza trifida du
5-6-2005. Bull. SFO-LA 2006 : 24.
Pierné A., 2007. Découvertes et redécouvertes
de stations de Spiranthes spiralis. Bull. SFO-LA
2007 : 35-40.
15
Pierné A., 2010. Cartographie des orchidées
d’Alsace - Bull. SFO-LA 2010 : 29-31.
Pierné A., 2011. La situation actuelle d’Epipactis helleborine subsp. minor - Bull. SFO-LA 2011 :
23-25.
Pitois P., 2009. Sortie-prospection Corallorhiza
trifida du 1/6/2008. Bull. SFO-LA 2009 : 16-17.
Thiery François, 2006. Notes floristiques. Bull.
Soc. Hist. Nat. Pays de Montbeliard : 86.
Schwegler S. & Matthies D., 2003. A new vari-
ety of Ophrys apifera Huds. var. basiliensis. Orchid review (112) : 214-216.
* 3, rue du village – 68140 Hohrod
NDLR : Signification des sigles utilisés
AHO : Arbeitskreis Heimischer Orchideen
AROS : Association Régionale des Orchido-
philes de Strasbourg
CSA : Conservatoire des Sites Alsaciens
CSL : Conservatoire des Sites Lorrains
JEO : Journal Europäischer Orchideen
LGV : Ligne à Grande Vitesse
NSG : Naturschutzgebiet = zone naturelle pro-
tégée
ONF : Office National des Forêts
SFO-LA : Société Française d’Orchidophilie de
Lorraine-Alsace.
SHN : Société d’Histoire Naturelle
ZNIEFF : Zone Naturelle d’Intérêt Ecologique,
Faunistique et Floristique
Solution des mots-croisés
Horizontalement :
1. MARCESCENTES.
2. AROLLES. AISY.
3. RASE. SINON.
4. CUEILLIES. PC.
5. OC. SA. SD. PEH.
6. TARTRATES. RR.
7. TRIOMPHALE.
8. AÏ. GE. EN.
9. GAZA. LE LUC.
10. UMBO. AGRES
11. DIENCEPHALE.
12. ANESTHESIE.
Verticalement :
I. MARCOTTAGE.
II. ARAUCARIA. DN.
III. ROSE. RI. ZUIE.
IV. CLEISTOGAMES.
V. EL. LARME. BNT.
VI. SEUL. AP. LOCH.
VII. CS. ISTHME. EE.
VIII. SEDEA. LAPS.
IX. NAIS. SLOUGHI.
X. TIN. CRAE.
XI. ESOPER. EL.
XII. SYNCHRONISER.
Epipogium aphyllum Osenbach – 26/07/2009
Ph. André Hasenfratz
16
Spiranthes cernua (L.) Rich., une orchidée qui se plaît les pieds dans l’eau
J.-F. Christians *
En me promenant un jour au rayon des
plantes vivantes d’un magasin d’aquariophilie
bien approvisionné, je suis tombé sur une
orchidée « aquatique » : Spiranthes cernua
également nommée spiranthe penché.
« Orchidée » et « aquatique » : de prime
abord, ces deux mots ne semblent pas aller
ensemble… et pourtant, le vendeur m’a
assuré que cette plante, quoique peu
courante, est utilisée comme plante
d’aquarium pour la décoration de fond.
Origine et synonymes :
En Amérique du Nord, le genre Spiranthes
comprend environ 25 espèces. Spiranthes cernua, le spiranthe penché, est originaire
de la moitié est des Etats-Unis, ainsi que du
Canada. Il atteint sa limite sud dans le nord
de la Floride et l’est du Texas. Loin d’être
véritablement aquatique, cette orchidée se
développe à l’état naturel dans des fossés,
au bord de lacs, ou dans des prairies et des
pannes humides et sablonneuses au pH
neutre à légèrement acide. Dans son pays
d’origine, on le nomme «Nodding lady’s
tresses». Ce nom si poétique compare
l’inflorescence spiralée de l’orchidée à une
chevelure tressée. L’épithète « nodding » se
traduisant par « penché » fait référence
aux fleurs qui sont un peu inclinées le long de
l’axe central de l’inflorescence. Il fleurit à
partir de septembre dans le nord jusqu’à
novembre, plus au sud.
Spiranthes cernua ‘Chadd’s Ford’, une
sélection horticole, est le plus répandu dans
le commerce : c’est lui que l’on peut se
procurer le plus facilement. Ce cultivar
possède une inflorescence plus fournie, des
fleurs plus parfumées et un peu plus grandes
que chez l’espèce type. Son nom provient
d'une ville du même nom, située dans le sud-
est de la Pennsylvanie.
Une espèce semblable, Spiranthes odorata (Nutt.) Lindl. (= Spiranthes cernua var.
odorata (Nutt.) Correll) vit du sud du New
Jersey à la Floride, toujours dans le nord-
est des Etats-Unis, le long de la côte
atlantique. Morphologiquement très proche
du spiranthe penché, son épi spiralé atteint
jusqu’à 90 cm de haut et porte jusqu’à 60
fleurs blanches au labelle marqué de crème,
très parfumées et un peu plus grandes que
celles de S. cernua. En dehors de son port
bien plus robuste, sa floraison est aussi plus
tardive.
On peut le voir en culture dans certains
jardins botaniques comme celui de
l’université de la ville de Bâle, en Suisse.
Le nom de S. odorata est quelquefois utilisé
erronément pour désigner S. cernua ‘Chadd’s
Ford’ dans le commerce.
Description :
Notre « Nodding lady’s tresses » est une
plante vivace qui produit des rosettes de
feuilles lancéolées, de 5 à 8 cm de long. Elles
sont d’un vert foncé et légèrement
brillantes, en forme de capuchon à la
pointe (feuilles cucullées).
La hampe florale atteint 50 cm de hauteur.
Elle est garnie de feuilles bractéiformes qui
engainent la base de la tige. Légèrement
pubescente, celle-ci se termine par une
inflorescence spiralée portant jusqu’à 70
fleurs blanc pur, inclinées et disposées sur
trois rangs. Les trois rangées tournent en
17
hélice autour de l’axe central pour se réunir
au sommet.
Avec ses dimensions et sa triple rangée de
fleurs, le spiranthe penché fait figure de
géant par rapport à nos deux espèces
européennes S. aestivalis et S. spiralis ! Ses
fleurs blanches et tubulaires sont de
structure identique.
Le labelle, relativement translucide, prend
un aspect cristallin. Les sépales et les
pétales supérieurs sont retroussés vers le
haut, accentuant ainsi l’effet « bouclé » de
la floraison. Les bractées dépassent les
ovaires. Les fleurs sont parfumées et
diffusent une légère odeur sucrée en
journée, assez proche du parfum de S. spiralis. Après floraison, les ovaires gonflent
pour se transformer en capsules à trois
loges contenant d’innombrables graines très
fines.
Le système racinaire de ce spiranthe n’est
pas très fourni. Les racines sont peu
nombreuses et assez épaisses.
Culture :
Dans la littérature concernant les orchidées
exotiques, on retrouve peu d’informations
concernant la culture des spiranthes. C’est
peut-être une des raisons pour laquelle
cette plante est si peu présente chez les
collectionneurs. N’ayant pas trouvé suffi-
samment d’information, j’ai décidé de tester
plusieurs méthodes :
- en aquarium
C’est en aquarium que j’ai tout d’abord
cultivé Spiranthes cernua, sur les conseils
du vendeur auprès duquel j’ai acheté la
plante. Il faut l’installer plutôt en avant-
plan, en évitant que d’autres plantes à
grandes feuilles comme les Anubia ou les Echinodorus ne lui cachent la lumière. Le
mélange de culture prêt à l’emploi pour
plantes d’aquarium peut convenir, car il est
assez pauvre en engrais. Il faut prendre
garde aux poissons herbivores comme les
cichlidés, car les feuilles de l’orchidée sont
assez fragiles. De plus, la plante possède peu
de racines et se déterre donc facilement.
Dans ces conditions, le spiranthe poussera
sans difficulté (le vendeur avait raison !) en
produisant de larges feuilles, pour peu que la
température de l’eau avoisine au moins les
22°C. Cependant, la trop grande profondeur
de plantation l’empêchera de fleurir.
- en pot à l’intérieur
Après une année de culture comme décor de
fond, j’ai décidé de sortir la plante de
l’aquarium pour tester sa culture en pot.
Comme pour la plupart de mes plantes
insectivores, j’ai confectionné un mélange de
tourbe blonde auquel j’ai ajouté du sable de
quartz et de la perlite pour l’alléger. En
composant le mélange, il faut bien veiller à
humidifier la tourbe avant de remplir le pot
de plantation, car la tourbe sèche n’absorbe
pas du tout l’eau versée à l’arrosoir !
Même si les racines sont peu nombreuses, il
faut utiliser un pot d’au moins 15 cm de
diamètre afin que ces dernières puissent se
développer librement. Le pot doit baigner
toute l’année dans quelques centimètres
d’eau non calcaire. On peut utiliser une
soucoupe ou un cache-pot pour maintenir le
substrat humide. Du printemps à l’automne,
18
l’orchidée apprécie de passer la belle saison
à l’extérieur, sur un rebord de fenêtre ou
dans le jardin. La plante supporte sans
problème plusieurs heures de soleil direct
par jour, mais dans ce cas, il faut bien veiller
à ce qu’elle ne manque jamais d’eau. En hiver,
garder le pot à température ambiante et
dans un endroit très lumineux suffit, par
exemple sur un rebord intérieur de fenêtre.
Cultivé ainsi, le spiranthe penché pourra
déjà fleurir après une à deux années de
culture, en automne. Les feuilles auront
aussi une morphologie assez différente de la
culture en aquarium : moins larges elles
seront aussi plus épaisses. Chez moi, la
plante a fleuri l’année suivant l’installation en
pot.
Un bon compromis entre les deux méthodes
de culture précédentes est le paludarium. Ce
type de décor est assez délicat à réaliser et
nécessite une certaine connaissance dans ce
domaine. Une fois réalisé, l’ensemble permet
de maintenir et de cultiver des espèces
aussi bien aquatiques que terrestres, et
même épiphytes. Pour le spiranthe installé
dans ce type de décor, l’avantage est de
pouvoir recréer un milieu humide avec de la
hauteur, permettant ainsi d’apprécier sa
floraison. A la plantation, utiliser le même
mélange de culture qu’en pot.
- au jardin
Après plusieurs années de culture en pot et
de rempotages successifs, la plante a fini
par s’étoffer et j’ai décidé d’en tester une
partie à l’extérieur durant toute l’année.
Pour cela j’ai placé au printemps un éclat de
S. cernua en pot, celui-ci enterré dans une
modeste tourbière artificielle réalisée dans
le jardin de mes parents, me servant à
maintenir plusieurs plantes insectivores
rustiques. Le jardin se situe au pied du Jura
alsacien près de Ferrette, vers 400 m
d’altitude. La tourbière est exposée en plein
soleil et le sol est constitué uniquement de
tourbe blonde maintenue humide toute
l’année, et retenue par une bâche à bassin
(l’eau se trouve à environ 10 cm sous la
surface de la tourbe).
Le spiranthe ne m’a pas déçu : il a passé le
premier hiver sans encombre, recouvert
seulement par quelques branches de sapin
pendant les mois les plus froids de l’hiver. La
température descend régulièrement sous les
-10°C dans cette région de l’Alsace, et il
n’est pas rare que les pics de froid
atteignent -15°C en janvier et février.
Durant l’hiver 2009-2010, la plante a même
affronté deux nuits consécutives à -22°C,
sans aucun dommage ! Je peux donc me
risquer à qualifier cette orchidée comme
étant relativement rustique.
Chaque printemps, la plante redémarre sans
problème, pour terminer sa croissance et
fleurir l’automne suivant.
Bien entendu, S. cernua peut également être
cultivé en serre froide.
Parmi ces différentes techniques, je pense
que la meilleur façon de le cultiver reste le
maintien en pot, en intérieur ou en serre
froide. Sa floraison tardive est souvent
compromise par les premières gelées
automnales, tandis que l’immersion en
aquarium l’empêche de fleurir.
Floraison :
A l’état naturel et suivant la latitude où la
plante pousse, la floraison intervient d’août à
octobre. Le bourdon Bombus fervidus a été
observé dans la nature et semble polliniser
cette orchidée. En plus de l’embryon
résultant de la fécondation, il se forme des
embryons d’origine asexuée.
En culture, la floraison est assez tardive et
débute chez moi à partir de fin septembre
en extérieur. Lors de la culture en pot, la
floraison est à peine plus précoce. D’assez
bonne tenue, elle se poursuit plus d’un mois.
Pendant ce temps, les feuilles basales se
dessèchent tandis qu’une nouvelle rosette
apparaît à côté de la hampe en fleurs.
L’inconvénient lorsqu’elle est cultivée au
jardin, c’est que les fleurs gèlent bien
souvent avant que la plante ne fane.
19
Multiplication :
Malgré une croissance annuelle lente, la
plante a la particularité de se propager
végétativement en formant plusieurs
rosettes secondaires : en effet, une partie
de ses racines restent proches de la surface
et donne facilement naissance à de nouvelles
plantules autonomes.
Après la floraison automnale ou au
printemps, on peut replanter individuel-
lement ces rejets ou les grouper par deux ou
trois afin d’obtenir une floraison dans les
meilleurs délais. Un éclat isolé met du temps
à reprendre et ne fleurit généralement pas
avant deux à trois années de culture. Choisir
de préférence des rosettes déjà bien
formées pour cette opération.
La plantation se fait toujours dans le même
substrat (tourbe blonde et sable, voir
perlite) et se réalise de préférence en pot
final, en faisant attention à ne pas trop
perturber le système racinaire lors de la
division, car ces dernières sont assez
fragiles (un peu comme pour les Disa).
Terminer le rempotage en arrosant un peu le
dessus du pot afin de tasser le substrat,
puis placer l’ensemble dans une coupelle
d’eau de pluie.
Parasites et maladies :
Je n’ai jamais eu d’attaques parasitaires sur
mes plantes hormis quelques pucerons sur
les hampes en boutons. On s’en débarrasse
assez facilement à la main, avant que les
fleurs ne s’ouvrent. Si le problème persiste,
on peut utiliser un traitement à base de
savon noir.
En serre froide, un manque d’aération peu
aussi causer une attaque de botrytis, bien
que la plante y soit peu sensible.
Même si le spiranthe penché n’est pas aussi
spectaculaire que d’autres orchidées
exotiques, c’est une plante agréable à
cultiver, qui a sa place au sein de toute
collection. Sa culture identique aux plantes
insectivores, son faible encombrement, ses
fleurs parfumées et sa longue floraison
devraient inciter davantage les orchido-
philes à le cultiver.
Bibliographie : Beauséjour S., 2008. Les orchidées indigènes du
Québec/Labrador. Les éditions Natives, 174 p.
Bergerot J.-M., 2005. « Orchidées 2004 ». Bull. Soc. Franç. Orchidophilie Lorr. Als. : 45-48.
Brown P. M. & Folsom S., 2005. Wild Orchids
of Florida. University Press of Florida, 409 p.
Keenan P. E., 1998. World Orchids Across North America, A Botanical travelogue. Portland,
Cambridge,Timber Press Inc., 321 p.
Roguenant A., Raynal-Roques A., Sell Y.,
2005. Un amour d’Orchidée. Le mariage de la
fleur et de l’insecte. Belin, 479 p.
* 26, avenue du Mont-Blanc
69140 Rillieux-la-Pape
20
Escapades germano-autrichiennes
18-19-20 juin, 5 et 31 juillet 2011
Patrick Pitois *
À Paul Ilhat1
Les 18, 20 et 21 juin dernier, Alain Pierné
(que je remercie pour sa relecture atten-
tive) et moi avons fait une sortie préparée
par lui – à partir d’informations d’Henri
Mathé et Jean-Marc Haas – en Bavière
(Allemagne) et au Tyrol (Autriche) voisin.
Avant de retrouver mon guide le matin du
samedi 18 juin, comme je passais par le col
de la Schlucht, j’ai fait un « petit crochet »
dans le secteur du Grand Ballon à 6 heures
30, afin de voir en pleine floraison le petit
dernier de la famille des ×Pseudorhiza bru-niana, H58, qu’André Hasenfratz venait de
découvrir la veille (après H57 que j’avais
trouvé l’avant-veille, dans le même secteur).
En cette année 2011, ce sont les seuls nou-
veaux hybrides observés, ce qui n’est pas si
mal, compte tenu des mauvaises conditions
météorologiques (sécheresse persistante
depuis janvier) : très peu de Dactylorhiza maculata sont visibles par rapport à une
année normale (Pseudorchis albida et
Traunsteinera globosa s’en sortent beaucoup
mieux) et de nombreuses plantes ont avorté
en début de croissance (dont plusieurs
hybrides des années précédentes, comme
H42, ayant stoppé net sa progression au
stade du bourgeon floral, puis ayant « pourri
sur pied » et disparu). Décidément, les
années se suivent et ne se ressemblent pas :
1 Cet article est dédié au botaniste Paul Ilhat,
décédé le 18 août 2011, dont j’ai pu apprécier à
partir de 2005 la compétence, alliée à une grande
convivialité, auquel je dois – ainsi qu’à son épouse
Denise – de nombreuses observations dans le
Jura (39), son département d’adoption,
notamment d’Orchis spitzelii et de Spiranthes
aestivalis (que j’ai découverts grâce à eux).
que nous réservera la « saison bruniana »
2012 ?
Pour nous consoler donc, au départ de
Munster (68), nous avons pris la route
jusqu’à Wallgau (Bavière), notre lieu
d’hébergement où nous sommes arrivés en
fin d’après-midi, sous une pluie continue
durant tout le trajet. Cela ne nous a pas
empêchés le soir de déguster la cuisine
locale, dans une auberge du village. Le
lendemain matin, dimanche 19 juin, sous un
ciel plus clément (averses éparses), nous
entamons notre tournée de prospection, qui
débute par une recherche de Malaxis monophyllos (commencée en fait la veille
sous la pluie), un des buts du voyage. Nous
naviguons ainsi entre les secteurs de
Garmisch-Partenkirchen (Bavière) et de
Reutte (Tyrol), sans trouver cette orchidée.
Précisons ici que le genre Malaxis comprend
environ 200 espèces, présentes quasiment
toutes sous les tropiques. Seule une espèce
(ou deux, comme il va être dit) existe en
Europe, celle précitée. Rare et connue
notamment chez nos proches voisins
allemands, autrichiens, italiens et suisses,
elle est en revanche absente de France.
D’aspect verdâtre, la plante a une assez
grande feuille basale obovale (comme son
nom l’indique), parfois deux, et une tige
jusqu’à une trentaine de centimètres de
hauteur, portant une grappe de très petites
fleurs, assez espacées, au labelle tourné
vers le haut. Elle affectionne les talus
humides ou les milieux tourbeux à mi-ombre
(en sous-bois clair ou en lisière forestière),
jusqu’à près de 2 000 m d’altitude. L’espèce
voisine est Hammarbya paludosa (rare
également mais présente en France, en
particulier dans une station du département
des Vosges), plus difficile à dénicher (en
tourbières acides seulement) car tout aussi
verdâtre et de taille moyenne plus petite.
21
Notons que selon certains auteurs, dont
Pierre Delforge, le genre monospécifique
Hammarbya n’a pas lieu d’être, la plante
étant alors rattachée par eux au genre voi-
sin sous le synonyme de Malaxis paludosa.
Si nous ne trouvons pas le malaxis à une
feuille ce jour-là, un menu de choix nous
attend l’après-midi : les vastes prairies
humides d’Ettal (Bavière, nord de Garmisch-
Partenkirchen) qui mériteraient à elles
seules qu’on leur consacre au moins une jour-
née. Protégé depuis 1982, ce marais immense
de 159 hectares renferme entre autres
Dianthus superbus, Gentiana pneumonanthe
et G. utriculosa, Primula farinosa et Swertia perennis. Là, nous pouvons admirer par cen-
taines Dactylorhiza traunsteineri et Hermi-nium monorchis, voisinant avec D. fuchsii, D. majalis (en toute fin de floraison), Gymnade-nia conopsea, G. odoratissima, Platanthera bifolia et P. chlorantha. Une des vedettes
incontestables de l’endroit est toutefois D. ochroleuca (côtoyant son proche parent D. incarnata), dont les nombreux pieds aux
fleurs jaune pâle sont normalement en pleine
floraison vers les 20-25 juin ; mais cette
année, avec la même sécheresse persistante
ayant frappé la région, les plantes ont
poussé en avance et nous les trouvons en fin
de floraison, voire en fruits. Quelques pieds
sont néanmoins encore bien fleuris. Une
autre vedette des prairies d’Ettal est Pedi-cularis sceptrum-carolinum, lui-aussi présent
ici par centaines. Cette pédiculaire sceptre,
Scrophulariacée de grande taille et aux
fleurs jaunes, également absente de France,
croît dans le nord de l’Europe (Allemagne et
pays scandinaves notamment).
Quittant Ettal, nous terminons cette
journée au pied du Zugspitze (point culmi-
nant de l’Allemagne, à 2 962 m d’altitude,
mais dont le massif déborde en Autriche).
Vers la gare du téléphérique menant au
sommet, en lisière forestière, nous recher-
chons sans succès Botrychium virginianum
(plante alliée des fougères, Ophioglossacée
rare en Europe, absente en France), sur
indication d’Henri Mathé qui avait observé là
quelques pieds en 1988. Comme au premier
soir, nous nous consolons dans une auberge
toute proche, avec d’autres plats (et bois-
sons !) typiques.
Le lendemain, lundi 20 juin, nous prenons
déjà la route du retour, mais avec des
pauses salutaires au programme. La première
d’entre elle, sur indication de Jean-Marc
Haas, s’effectue à Stockach (Tyrol, nord-est
de St. Anton), le long d’un chemin de randon-
née en lisière forestière, à 1 200 m
d’altitude. Pour se mettre en bouche, nous
voyons d’abord quatre pieds de Gymnadenia odoratissima forme alba, et deux autres un
peu plus loin, tous en début de floraison,
voisinant avec quelques pieds types (aux
fleurs rosâtres), Dactylorhiza fuchsii, Epipactis atrorubens et G. conopsea. Et
dans le talus herbeux et humide le long du
chemin, nous dénichons enfin quelques pieds
bien visibles de Malaxis monophyllos (ouf,
nous ne rentrerons pas bredouilles !), lui
aussi en début de floraison. Je terminais un
article du précédent bulletin de la SFO-LA
(2010)2 en disant qu’il me restait à voir
(entre autres) G. odoratissima à fleurs
blanches : c’est désormais chose faite. Pour-
suivant notre route, nous poussons jusqu’au
nord-ouest du lac de Constance (Bodensee),
près de Karsee (Bade-Wurtemberg, Allema-
gne), où nous prospectons une dernière
station à orchidées, le site protégé de
Ruzenweiler, petite zone tourbeuse de
pente. Nous y trouvons Epipactis palustris en
2 P. Pitois, 2010.- « La saison du blanc ». Bull. de la
SFO-LA 8 : 14-15.
Prairies humides d’Ettal – 19 juin 2011
22
début de floraison, Gymnadenia conopsea et
G. odoratissima (tous « normaux » !) quasi-
ment en pleine floraison, ainsi que Liparis loeselii en fin de floraison. Cette station est
également connue pour héberger Spiranthes aestivalis, mais nous y sommes trop tôt. En
outre, l’hybride G. odoratissisma x S. aesti-valis aurait été observé là, entre autres par
Jean-Marc Corbeil, mais cette découverte
demande confirmation.
Qu’à cela ne tienne. Je propose une quin-
zaine de jours plus tard à mes « compères »
Bertrand Gerber et André Hasenfratz de
retourner entre Bavière et Tyrol, et de pas-
ser au retour par cette station à spiranthes.
Donc, le mardi 5 juillet, nous démarrons aux
aurores pour rejoindre le site de Stockach
précité. En chemin, nous faisons un arrêt
impromptu au Flexenpass (col à 1 773 m
d’altitude, au-dessus de la ville de Lech, du
nom de la rivière passant aussi à Stockach),
où peu d’orchidées s’offrent à nous en cette
zone de pâtures. Parmi les Dactylorhiza alpestris (?), D. fuchsii, Gymnadenia conop-sea, Listera ovata et Traunsteinera globosa,
nous voyons un pied de G. odoratissima aux
fleurs presque blanches (avec des nuances
de rose toutefois). Puis nous rejoignons en
fin de matinée Stockach, où nous attend une
belle surprise : une quarantaine de G. odora-tissima sont visibles… dont une trentaine à
fleurs blanches ! Si les pieds sont globale-
ment en fin de floraison, quelques-uns
restent fort présentables, voire en milieu de
floraison. Et nous retrouvons (outre les
autres plantes déjà citées en ce lieu) une
quinzaine de Malaxis monophyllos, cette fois
en pleine floraison, dont un pied sur une por-
tion de talus à nu, voisinant avec quelques
Goodyera repens en boutons.
Après la pause déjeuner, nous nous
dirigeons vers le lac de Constance, non sans
un nouvel arrêt impromptu à un passage de
col (Hochtannbergpass, à 1 679 m d’altitude,
au nord de Lech). Les pelouses aux abords
sont également pâturées, mais nous voyons
néanmoins de très nombreux Gentiana pur-purea et Veratrum album, côtoyant quelques
orchidées vues au précédent col (plus Pseu-dorchis albida, ce qui m’incite à rechercher
un ×Pseudorhiza, sait-on jamais…). Enfin,
nous arrivons en fin d’après-midi sur la sta-
tion à spiranthes déjà nommée, près de
Karsee. Effectivement, en plus des orchi-
dées déjà vues le 20 juin avec Alain, nous
trouvons neuf pieds de Spiranthes aestivalis
en début de floraison (d’autres étant sans
doute à venir).
Cette deuxième escapade sitôt terminée,
nous pouvons déjà songer à la troisième :
ainsi, le dimanche 31 juillet en début de
matinée, je retrouve Claudine et Jean-Marc
Haas, Henri Mathé et Alain Pierné. Par
l’autoroute allemande, nous nous dirigeons
vers le massif du Taunus. Au cœur de celui-
ci, entre Coblence et Wiesbaden, aux envi-
rons de Katzenelnbogen (Land de Rhénanie-
Palatinat), nous visitons une hêtraie calcaire
à environ 300 m d’altitude (prospectée en
2005 par un couple d’orchidophiles alle-
mands, Katja et Uwe Grabner, que nous
remercions pour leurs indications), où Epi-pactis peitzii est connu. Selon les auteurs, la
plante – autogame –, découverte et décrite
récemment (1997), est également nommée E. leptochila var. peitzii (par P. Delforge en
Pedicularis spectrum-carolinum
Ettal – 19 juin 2011
23
2004), E. leptochila subsp. peitzii ou encore
E. muelleri var. peitzii. Nous trouvons une
vingtaine d’exemplaires, croissant en pieds
isolés – ce qui est habituel –, dont l’allure
générale fait plutôt penser à E. leptochila
(forme des feuilles, port des fleurs – photo
ci-dessous), mais également à E. muelleri si
l’on examine de près le périanthe et le
labelle. Quoi qu’il en soit, cette orchidée à
floraison assez tardive (certains pieds sont
encore largement en boutons) est connue
uniquement de ce secteur du Taunus. Nous
voyons aussi à proximité quelques E. purpurata (en boutons) et E. helleborine (en
fruits), cotoyant Cephalanthera damasonium
(en fruits).
Sitôt le déjeuner consommé, nous filons
vers le sud par l’autoroute. Quittant celle-ci,
entre Mannheim et Karlsruhe, nous nous
rapprochons du Rhin, aux environs de
Russheim (Rhénanie-Palatinat), dans une
réserve naturelle protégée (« Naturschutz-
gebiet » - NSG) dénommée « Russheimer
Altrhein ». En ce milieu de zones humides
(déjà prospecté par Henri en 2004, avec
Pascal Holveck et Claude Jérôme) com-
prenant notamment des étangs, nous voyons
en bordure de l’un d’eux une belle population
de Salvinia natans. Cette fougère flottant à
la surface de l’eau, sans véritables racines, à
fructification globuleuse tardive (que l’on
commence à voir ce jour-là), est composée
de petites feuilles, couvertes de papilles
blanchâtres sur leur face supérieure
(tournée vers le ciel). En France, où elle est
protégée sur le plan national, la plante
semble avoir disparu (stations très
anciennes ; une seule observation assez
récente, en 1974). En Europe, elle est
l’unique représentante du genre Salvinia,
comprenant une dizaine d’espèces (principa-
lement sous les tropiques), toutes aquati-
ques. Hormis cette rareté, nous retrouvons
E. helleborine en fruits, le long du chemin
d’accès aux étangs (ainsi que de très nom-
breux moustiques, particulièrement vora-
ces !). L’heure étant avancée, nous rattra-
pons l’autoroute du retour, non sans quelques
difficultés d’approche sur ce réseau routier
particulièrement dense ; heureusement, une
grande et haute enseigne « Erotik » (!),
repérée un peu plus tôt, nous remet dans le
droit chemin, si j’ose dire.
Ainsi s’achèvent ces escapades germano-
autrichiennes en trois temps. Puissent-elles
donner des idées à nos amis orchidophiles,
les distances restant raisonnables. Ainsi, au
départ de Colmar, par l’autoroute suisse, la
station à Malaxis monophyllos de Stockach
se rejoint en 4 h 30 de route environ (sans
compter les pauses), en respectant les limi-
tations de vitesse cela va de soi.
* 60, rue de Honolulu, 88600 Bruyères.
Références bibliographiques :
Delforge P. 2005. Guide des orchidées d’Europe, d’Afrique du Nord et du Proche-Orient, 3ème édition, Delachaux et Niestlé,
Paris, 640 p.
Fitter R. et al., 2007. Guide des fleurs sauvages, 7ème édition, version française
Delachaux et Niestlé, Paris, 352 p.
Prelli R., 2002. Les fougères et plantes alliées de France et d’Europe occidentale,
Belin, Paris, 432 p.
Site internet (informations complémen-
taires pour Epipactis peitzii) du couple
Grabner, en allemand : http://www.grabner-
orchideen.com.
24
Escapades vosgiennes
Patrick Pitois *
Constatant que les Vosges (88) étaient
régulièrement citées dans plusieurs de mes
précédents articles, mais de manière dispa-
rate, j’ai donc choisi de regrouper ici des
observations personnelles d’orchidées faites
exclusivement dans mon département
d’origine, à commencer par l’une des plus
récentes, et non des moindres.
Le 3 mai 2011, André Hasenfratz, Alain
Pierné et moi-même nous sommes rendus
dans une prairie humide ayant belle allure,
située à Vomécourt (près de Rambervillers),
où nous avons constaté la présence en nom-
bre de Dactylorhiza majalis et d’Orchis morio (dans les parties les plus sèches). Lors
de ma deuxième visite le 30 mai suivant, j’ai
d’abord vu quelques pieds de D. maculata.
Mais surtout, dans la partie la plus humide
(marécageuse) de la prairie, j’ai compté neuf
pieds de ce qui était sans l’ombre d’un doute
D. incarnata, cette observation confirmant
la découverte faite par Michel Stoecklin et
Christophe Aubry (Association FLORAINE)
en juin 20101 et qui nous a conduit en ce lieu.
Voir cette espèce à une trentaine de
kilomètres de chez moi m’a procuré un grand
plaisir, d’autant plus qu’il semble bien s’agir
de l’unique station actuellement connue du
département des Vosges (les années
passées, j’avais vu l’espèce notamment à
Lorquin – 57 – et à Gambsheim – 67 –). Sinon,
l’espèce est peu représentée dans les deux
départements lorrains voisins de la
Meurthe-et-Moselle (54) et de la Meuse
(55), mais est davantage présente dans le
quatrième département lorrain, la Moselle
(57).
1 Willemetia n° 65, août 2010, « Le coin des
découvertes ».
Pour être complet, j’ai également pros-
pecté un autre fond humide vosgien le 2 juin,
à Girmont-Val-d’Ajol, près de Remiremont.
Là aussi, D. incarnata était cité sous ré-
serve, mais ma recherche n’a pas permis de
confirmer sa présence, d’autant plus que le
biotope ne m’a pas paru favorable à l’espèce.
En revanche, j’ai vu de nombreux D. maculata
(en pleine floraison) et D. majalis (quasiment
défleuris), ainsi que Platanthera chlorantha
(en début de floraison) dans les prés voisins.
Pour revenir au secteur de Rambervillers,
je suis allé, ce même 30 mai, sur une colline
calcaire dominant la ville, constituée de
prairies et de vergers privés, afin de
compléter mes observations entamées
l’année précédente (2010). Là encore, quel
plaisir de voir aussi près de mon domicile, au
fil de mes visites d’avril à juin, pas moins de
dix espèces d’orchidées : Anacamptis pyra-midalis (très nombreux), Dactylorhiza ma-culata (assez nombreux), Himantoglossum hircinum (assez nombreux), Listera ovata
(très nombreux), Ophrys apifera (une petite
population), O. fuciflora (assez nombreux) –
et quelques hybrides entre eux –, Orchis anthropophora (deux pieds), O. mascula (as-
sez nombreux), O. militaris (six pieds) et
Platanthera bifolia (assez nombreux). Cerise
sur le gâteau, j’ai également vu deux lusus
d’A. pyramidalis : le premier, découvert le 27
mai 2010, avait une hampe florale divisée sur
le haut (donc à «deux têtes » : observation
déjà faite en 2006 à Gambsheim – photo ci-
après) ; le second, trouvé le 23 mai 2011,
portait des fleurs toutes non résupinées,
donc aux labelles tournés vers le haut. Et
sur une parcelle isolée (complètement dis-
jointe de la colline précitée) de la même
commune, j’ai pu voir fin mai 2009 de nom-
breux D. majalis et surtout, un pied de Coe-loglossum viride (quelques pieds seulement
25
les bonnes années), dont c’est ici la seule
station connue de la plaine vosgienne (en
montagne, la plante est connue uniquement à
La Bresse – près de Gérardmer – sur le ver-
sant lorrain du Hohneck).
Plus près encore de chez moi, se trouve la
prairie humide communale du Fihis à Biffon-
taine, gérée par le CSL. Découvrant le site
en mai 2007, j’y ai observé une petite popu-
lation d’Orchis morio et, parmi les très
nombreux Dactylorhiza majalis, un pied à
fleurs blanches (var. alba, assez rare), revu
les deux années suivantes. S’y ajoutent D. maculata (et quelques hybrides avec D. ma-jalis), ainsi que Platanthera bifolia. D’autres
prairies humides explorées en mai 2008 et
2009 à Brouvelieures et Vervezelle (près de
Bruyères) m’ont permis de voir des popula-
tions importantes de D. majalis (dont un pied
aux fleurs d’un rose très pâle) et O. morio,
plus quelques pieds de Listera ovata et O. mascula.
Dans l’ouest vosgien, si la recherche de
Cypripedium calceolus avec Alain Pierné le
22 mai 2011 à Domjulien (entre Mirecourt et
Vittel), où la plante aurait été observée il y a
quelques années par un agent ONF, s’est
avérée vaine, nous avons néanmoins pu voir
(en sous-bois et pelouses) de nombreux Ana-
camptis pyramidalis, Cephalanthera damaso-nium, Neottia nidus-avis et Orchis militaris,
ainsi qu’Himantoglossum hircinum, Listera ovata, Ophrys fuciflora et Platanthera bifo-lia. Lors de ma première visite en 2005,
j’avais également observé, dans un autre
secteur de la même commune, d’assez nom-
breux Dactylorhiza maculata (côtoyant les
espèces précitées, sauf O. militaris).
Un peu plus loin vers l’ouest, près de
Neufchâteau, dans l’ancienne carrière de
Coussey (gérée par le CSL), j’ai découvert en
mai puis juin 2008 un site hébergeant une
très importante population d’Epipactis atro-rubens et de nombreux A. pyramidalis, Gym-nadenia conopsea, E. helleborine, Listera ovata et Ophrys insectifera. S’y ajoutent, en
plus petite quantité, Cephalanthera damaso-nium, C. rubra, D. maculata, H. hircinum, O. apifera et O. fuciflora (et l’hybride entre
ces deux derniers). Mais surtout, j’ai pu
admirer le 16 juin 2008 un probable hybride
(rare) entre A. pyramidalis et G. conopsea
(×Gymnanacamptis anacamptis)2, non revu
depuis. Parmi les centaines d’E. atrorubens,
un lusus rosea a été observé en boutons par
Jean-Christophe Ragué (CSL) fin mai 2006,
mais n’a pas été revu depuis, ni en boutons,
ni fleuri ; pour ma part, j’ai vu plusieurs
pieds aux feuilles et aux tiges très violacés
et, le 27 juin 2011, un pied hypochrome.
Assez proche de Coussey, sur la commune
de Villouxel, se trouve l’unique station lor-
raine connue (une autre observation sur la
commune voisine de Pargny-sous-Mureau
attend confirmation) de Gymnadenia odora-tissima, dont une trentaine de pieds côtoie
de nombreux G. conopsea (et des plantes
intermédiaires), ainsi qu’Epipactis palustris.
Toujours dans le secteur de Neufchâ-
teau, deux pelouses calcaires gérées par le
CSL présentent aussi de l’intérêt : sur la
première, dite du Potelon, à Attignéville, j’ai
vu en juin 2005 de nombreux A. pyramidalis,
dont quelques pieds de la var. alba. Sur la se-
2 P. Pitois, 2009.- « Découvertes 2008 », Bull. de
la SFO-LA 6 : 7-9.
26
conde, dite du Coteau de la rivière, à Auti-
gny-la-Tour, le 1er mai 2010, j’ai observé de
très nombreux Orchis morio (dont, là aussi,
quelques pieds de la var. alba).
Sur ce coteau, Dactylorhiza sambucina a été
vu il y a quelques années par Monique
Guesné, mais il s’agit probablement d’une
implantation « accidentelle » (ou d’une ten-
tative d’introduction ?), la plante n’ayant pas
été revue depuis (ma recherche de ce 1er mai
n’a rien donné, bien qu’en ayant la localisation
exacte), en ce milieu à priori peu favorable à
l’espèce. Les autres orchidées recensées
plus tard dans la saison sur ce site sont Hi-mantoglossum hircinum, Ophrys aranifera (=
sphegodes, à confirmer), O. fuciflora, O. insectifera, Orchis anthropophora, O. mili-taris et O. morio.
Aux confins sud-ouest du département, à
Lironcourt, on peut visiter l’unique station
connue à ce jour de Spiranthes spiralis en
Lorraine (dans la station de Bitche – 57 –
l’apparition de l’espèce est aléatoire, avec
deux pieds trouvés en août 2005, non revus
depuis). Depuis sa découverte en octobre
2005 (fructifiée) par Jean-Christophe
Ragué et Didier Arseguel (CSL, gestionnaire
du site, propriété communale), la plante s’est
avérée très présente, puisque les bonnes
années, environ 300 pieds sont observables
(pour ma part, j’en ai compté 285 fin août
2007). Plus tôt dans la saison, la même
station contient Anacamptis pyramidalis,
Gymnadenia conopsea, Himantoglossum hircinum, Ophrys apifera, O. fuciflora,
Orchis anthropophora, O. militaris (plus leur
hybride), O. morio et O. purpurea (soit dix
espèces en tout). Notons encore qu’en cette
année 2011, les spiranthes étaient précoces,
puisque j’en ai dénombré une cinquantaine
(de début à milieu de floraison) le 4 août.
Les Hautes-Vosges, toujours dans le
même département, apportent aussi leur lot
de richesses aux orchidophiles. Ainsi, la
tourbière de Jemnaufaing à Rochesson (gé-
rée par le CSL), près de Gérardmer, que j’ai
découverte début juin 2007, recèle une po-
pulation de Dactylorhiza « problématiques »
(c’est presque un pléonasme !) ayant des
allures de D. wirtgenii (lui-même taxon sujet
à controverses), vu dans le département
voisin de la Haute-Marne (52), à Germaines.
Sur la même station, deux autres Dactylor-hiza viennent jouer les « trouble-fête » (il y
a de l’introgression dans l’air !), D. maculata
et D. majalis.
Une autre tourbière à La Bresse héberge,
elle, un véritable « trésor », Hammarbya paludosa (très rare en France et protégé sur
le plan national). Mais depuis sa redécou-
verte en 2000 (une centaine de pieds alors)
par Henri Mathé et Alain Pierné, cette
plante minuscule régresse d’année en année,
le milieu se refermant. De plus, la station
extrêmement fragile souffre de son piéti-
nement excessif par de prétendus botanis-
tes amateurs de raretés. Lors d’une visite
début août 2010, dans le seul espoir (resté
vain) de trouver l’espèce en des zones plus
ouvertes de la tourbière, je n’ai pu que cons-
tater au passage les dégâts occasionnés : les
deux seuls pieds que j’ai vus étaient dé-
truits, manifestement à la suite d’une re-
cherche aussi vaine qu’obstinée menée dans
les jours précédents par un petit groupe
d’« orchidophiles ». Donc, de grâce, laissons
l’endroit retrouver sa tranquillité, d’autant
plus nécessaire qu’il s’agit de l’unique station
actuellement connue du massif vosgien (tous
départements confondus), et même du Grand
Est : les seules autres stations connues en
France sont situées vers le Massif central
ou le Massif armoricain. De surcroît, il serait
utile à mon sens d’y remettre en place un
pâturage bovin (pratiqué à proximité), de
manière raisonnée cela va de soi, afin de
rouvrir le milieu.
Deux belles stations à Corallorrhiza tri-fida (plus une troisième à La Bresse, les
seules actuellement connues en Lorraine)
méritent également le détour dans le dépar-
tement des Vosges : la première, sur les
hauteurs de Gérardmer, gérée par le CSL,
en héberge une centaine de pieds les bonnes
années (un peu plus de cent pieds comptés le
31 mai 2011, malgré la sécheresse générali-
27
sée), côtoyant Dactylorhiza maculata, au
moins aussi nombreux. La seconde, sur les
hauteurs de Rochesson, en forêt de Noire-
goutte, contient pas loin de 150 pieds (j’en ai
compté plus de 130 le 12 juin 2008) les bon-
nes années, dont un nouveau lusus à triple
labelle déniché par Laurent Godé, du Parc
Naturel Régional de Lorraine, le 30 mai 2011
(après les trois découverts le 5 juin 2005 à
Orbey – 68 – lors d’une sortie SFO-LA). Ob-
servons ici que dans cette même forêt de
Noiregoutte, Epipogium aphyllum a été ob-
servé vers la fin du XIXème siècle, mais n’a
pas été revu depuis. Mes recherches per-
sonnelles, ces dernières années, en plusieurs
endroits à priori favorables de la forêt (y
compris, plus tard dans la saison, sur la sta-
tion à C. trifida de Rochesson) sont restées
vaines à ce jour. Le même E. aphyllum aurait
été trouvé à Xonrupt-Longemer par Jean-
Marc Corbeil en 2001, mais en l’absence de
photos et les recherches ultérieures étant
restées vaines, cette « découverte » attend
toujours une confirmation.
Ainsi s’achève cette évocation (partielle !)
des richesses orchidologiques du départe-
ment des Vosges. Et bien qu’ayant passé sous
silence le reste de la flore vosgienne, je ne
résiste pas au plaisir de citer une fougère,
Polystichum braunii. Cette espèce très rare
en France, protégée sur le plan national, est
connue uniquement en Midi-Pyrénées (Ariège
– 09 – et Haute-Garonne – 31 –) et dans nos
proches départements des Vosges, de la
Haute-Saône (70) et du Haut-Rhin (68, dé-
couverte récente). Ainsi, j’ai pu observer la
plante le 27 septembre 2008, avec Alain
Pierné, en deux stations situées à Saint-
Maurice-sur-Moselle, versant vosgien du
Ballon d’Alsace.
* 60, rue de Honolulu, 88600 Bruyères.
Références bibliographiques :
Bournerias M., Prat D. et al. (collectif de
la Société Française d’Orchidophilie), 2005.
Les Orchidées de France, Belgique et
Luxembourg, 2ème édition. Biotope (collection
Parthénope), Mèze, 504 p.
Ferrez Y. & al., 2001. Atlas des plantes
rares ou protégées de France-Comté. So-
ciété d’Horticulture du Doubs et des amis du
Jardin botanique. Naturalia Publications,
Turriers, 310 p.
Muller S., 2006. Les Plantes protégées de
Lorraine – Distribution, écologie et
conservation. Biotope (collection Parthé-
nope), Mèze, 376 p.
Prelli R., 2002. Les fougères et plantes
alliées de France et d’Europe occidentale.
Belin, Paris, 432 p.
Voir également, en page 39 :
Epipactis atrorubens lusus rosea, Coussey,
23 mai 2006 (photo Jean-Christophe Ragué,
CSL)
Lusus de Corallorrhiza trifida,
Rochesson 30 mai 2011
ph. Laurent Godé, PNR Lorraine
28
Sortie du 1er mai 2011
Patrick Pitois *
À Madeleine Selig1
En ce dimanche 1er mai, sous un soleil
bienveillant, quatorze orchidophiles se re-
trouvent en milieu de matinée au parking de
la nécropole de Sigolsheim (68), point de
départ de cette sortie programmée pour la
journée. D’emblée, une première bonne sur-
prise nous attend, mitonnée par l’un des
participants, Robert Selig. Peu auparavant,
celui-ci est parvenu, avec l’aide d’un ami pho-
tographe naturaliste, Charles Metz, à sen-
sibiliser la personne chargée de l’entretien
de ce cimetière militaire national (géré par
le Ministère de la Défense et des Anciens
Combattants), à propos des orchidées pous-
sant en son enceinte, entre les rangées de
pierres tombales. Jusqu’à l’an dernier en-
core, la pelouse était tondue au « sabot
deux »2 (ceux parmi les lecteurs ayant
effectué leur service militaire national, au
temps où il était obligatoire, comprendront
l’expression), les orchidées susceptibles de
pousser là n’ayant donc aucune chance. Grâce
à l’intervention de Robert, et avec l’aimable
collaboration de la personne entretenant les
lieux (que l’on peut féliciter d’avoir réalisé là
un véritable travail d’orfèvre, en tondant
1 Le présent article est dédié à Madeleine,
décédée le 28 décembre 2010, épouse de Robert
SELIG, présent à cette sortie. 2 L’expression « sabot deux » se réfère à la tonte
incontournable de la chevelure (parfois bien
fournie) des appelés au service militaire
obligatoire (suspendu depuis 1997), dans les
premiers jours de leur incorporation. Le rasoir
électrique utilisé, muni d’un sabot, recouvre les
ciseaux et « calibre » une coupe impeccable, ne
laissant dépasser que deux millimètres de
cheveux (ou trois avec un « sabot trois », etc.)
sur le crâne des conscrits.
impeccablement autour des plantes), nous
pouvons admirer cette année de nombreux
Himantoglossum hircinum (Orchis bouc) et
Ophrys fuciflora (Ophrys bourdon) bien
fleuris, cette deuxième espèce formant
parfois de belles touffes, pour la plus
grande joie des photographes.
Après cette mise en bouche, nous nous
rendons derrière la nécropole, sur l’une des
parcelles de la colline de Sigolsheim gérée
par le Conservatoire des Sites Alsaciens
(CSA). Outre les deux orchidées déjà citées,
une belle population d’Orchis simia (Orchis
singe) s’offre à nos yeux. Si plusieurs pieds
sont déjà passés, car ayant démarré leur
croissance avec une quinzaine de jours
d’avance par rapport aux dates habituelles
(je reviendrai plus loin sur ce phénomène),
d’autres sont en pleine floraison et en par-
fait état. Peu après, en bordure d’un chemin
carrossable, Alain Pierné – mon « copilote »
pour cette sortie, que je remercie pour sa
relecture attentive du présent article –
attire notre attention sur plusieurs touffes
d’Isatis tinctoria (autrefois utilisé en
teinture, d’où son nom scientifique ; nom
commun : Pastel des teinturiers), de la fa-
mille des Brassicaceae. Puis nous nous diri-
geons au nord-ouest, vers la partie fores-
tière de ce qui est dénommé « Mont de Si-
golsheim » – alt. 402 m – sur les cartes au
1/25 000 de l’IGN (Institut Géographique
National).
En chemin, nous visitons deux autres par-
celles gérées par le CSA. La première hé-
berge au début de la saison une petite po-
pulation d’Ophrys araneola (Ophrys petite
araignée), normalement en pleine floraison
vers les 15-20 avril, dont un pied a encore un
29
fleuron sommital présentable. L’hybride de
cette espèce avec O. fuciflora est égale-
ment observé. Ajoutons-y une autre petite
population, cette fois de Dictamnus albus
(Fraxinelle), genre monospécifique de la
famille des Rutaceae, protégé régionale-
ment. Après avoir remarqué en passant les
nombreuses feuilles de Gymnadenia conopsea
(Orchis moucheron) à venir, dont un pied
avec son inflorescence en boutons, la
seconde parcelle ne présente aucun intérêt,
en raison d’une végétation envahissante,
composée notamment des nombreux rejets
d’arbres avoisinants et du tapis de Geranium
sanguineum (Géranium sanguin). Ce dernier
est certes « esthétique » lorsqu’il est fleuri,
mais il « s’installe » rapidement et son
feuillage étouffe malheureusement d’autres
plantes connues auparavant en nombre sur la
colline de Sigolsheim. Ainsi, en dépit des
nombreuses paires d’yeux scrutant le ter-
rain, aucun Ophrys insectifera (Ophrys mou-
che) ne peut être déniché, alors qu’il est
censé être visible sur ladite parcelle à cette
période. Soit dit en passant, le même phé-
nomène d’embroussaillement peut être cons-
taté plus avant dans la saison, sur les crêtes
vosgiennes, notamment dans la réserve natu-
relle du Tanet-Gazon du Faing (88), où les
« collègues » de ce géranium, tout aussi es-
thétiques mais invasifs, se nomment là –
entre autres – Calluna vulgaris (Callune) et
Vaccinium myrtillus (Myrtille commune,
connue également sous l’appellation régionale
de « brimbelle »), lesquels ne laissent aucune
chance de survie aux nombreux Dactylorhiza
maculata (Orchis tacheté) et Pseudorchis
albida (Orchis miel) autrefois présents en
ces lieux (bruniana3, où te caches-tu ?). Pour
3 ×Pseudorhiza bruniana est l’hybride entre ces
deux espèces. Lire, entre autres : A. Pierné & al.,
2009-2010.- « Suivi d’une population de l’hybride
×Pseudorhiza bruniana (= Dactylorhiza maculata ×
être complet, il subsiste au cœur de la
réserve un « exclos » (parcelle
expérimentale), mais où la petite population
de ces deux orchidées me paraît diminuer
d’année en année.
Cette parenthèse refermée, passée la
petite déception du jour, nous parvenons à
l’orée de la forêt sommitale de chênes pu-
bescents (Quercus pubescens), chênes
subméditerranéens des versants ensoleillés
calcaires : pour commencer, à l’ombre de l’un
d’eux, nous attend à nouveau O. simia. Quel-
ques dizaines de mètres plus loin, parmi les
pieds types de cette espèce, trois de la var.
alba ont été vus en 20104, mais aucun n’est
réapparu cette année. En s’enfonçant davan-
tage dans la forêt, par un sentier étroit de
plus en plus embroussaillé au fil des ans
(comme l’ensemble de ces bois), et donc
obligatoirement en file indienne, nous obser-
vons quelques autres pieds de cette orchi-
dée. Là nous attend également la deuxième
bonne surprise de la journée : en tête de
colonne, nous débusquons, à moins de deux
mètres en retrait du sentier, un reptile bien
connu sur la colline de Sigolsheim5 (outre le
célèbre lézard vert occidental, Lacerta bili-
neata, protégé régionalement), une coronelle
lisse (Coronella austriaca) enroulée sous un
rayon de soleil perçant la « canopée ». Le
silence et l’absence de tout mouvement
brusque étant immédiatement requis, les
plus proches du reptile profitent de son
immobilité pendant une longue minute (l’un
de nous, Daniel Danzer, le filme au cames-
cope ; en revanche, aucun appareil photo
Pseudorchis albida) dans les Hautes-Vosges
(France) ». L’Orchidophile 183 : 269-278 (1ère
partie) et 184 : 31-41 (2nde partie). 4 P. Pitois, 2010.- « La saison du blanc ». Bull. de la SFO-LA 8 : 14-15. 5 Y. Sell & al., 1998.- L’Alsace et les Vosges –
Géologie, milieux naturels, flore et faune.
Delachaux et Niestlé, Paris, 352 p.
30
n’est à portée de main), avant qu’il ne ré-
agisse enfin à notre présence et ne se dé-
place dans les taillis, nous permettant de
constater qu’il mesure largement plus d’un
mètre. Après cette heureuse rencontre –
peut-être pas au goût de tous, mais ce rep-
tile, habituellement très discret (de sur-
croît, rare et protégé nationalement), ne se
laisse pas facilement observer –, nous sor-
tons de la forêt et retournons tranquille-
ment vers le parking de la nécropole, par l’un
des chemins carrossables d’accès, voyant au
passage de nouveaux H. hircinum et O. simia.
Midi ayant largement sonné, nous nous
installons alors sur un coin de pelouse à côté
des voitures, pour pique-niquer, de manière
royale (pas besoin pour cela d’être allé à
Buckingham Palace deux jours auparavant, au
mariage de « Kate » et « Willy ») : un nou-
veau venu au sein de la SFO-LA résidant
dans le secteur, Guy Thomas, nous sort de sa
camionnette deux tables et des bancs,
excusez du peu ! J’en profite pour débou-
cher une bouteille de blanc d’Arbois (j’aurais
pu aussi choisir un vin d’Alsace, mais comme
j’apprécie tout autant les vins du Jura, et
histoire de taquiner un peu nos amis alsa-
ciens, majoritairement présents…), pour
arroser dignement ce 1er mai qui se trouve
être mon jour anniversaire.
Après cette pause déjeuner, nous repre-
nons les véhicules pour nous déplacer vers la
seconde colline à orchidées de la journée,
celle du Grasberg (au sommet de laquelle –
alt. 341 m – se trouve un autre cimetière
militaire, allemand celui-là), située à une
douzaine de kilomètres de Sigolsheim et
partagée entre les communes de Bergheim
et de Rorschwihr, au nord-est de Ribeauvillé
(toujours dans le département du Haut-
Rhin). Le programme initial de la sortie, ou-
tre la colline de Sigolsheim, prévoyait une
visite vers le sommet du Stauffen (alt. 898
m, point convergent de trois communes),
dominant la vallée de Munster (68) et hé-
bergeant une importante population de Dac-
tylorhiza sambucina (Orchis sureau) – exclu-
sivement à fleurs jaunes –, dont l’essentiel
est sur la commune de Soultzbach-les-Bains
(68). Mais l’avance générale des floraisons
de quinze jours, déjà évoquée plus haut, a
fait que les plantes se trouvaient au mieux
de leur forme vers le quinze avril, alors qu’à
la date habituellement normale de ce 1er mai,
elles étaient complètement « grillées », d’où
la décision prise quasiment en dernière mi-
nute, de remplacer cette visite par celle du
Grasberg. J’avais un instant songé, comme
solution alternative, aux D. sambucina d’une
station (où l’on peut voir, contrairement au
Stauffen, également des pieds à fleurs rou-
ges) en contrebas du Grand Ballon, point
culminant – 1 424 m – du massif vosgien. Une
visite que j’y ai faite une dizaine de jours
auparavant a ruiné cet espoir : les plantes
avaient également démarré leur floraison
une quinzaine de jours plus tôt qu’en temps
normal et étaient quasiment toutes
« grillées » elles aussi, sous l’effet conjugué
du froid au petit jour (avec des gelées blan-
ches) la semaine ayant précédé ma visite, et
du temps exceptionnellement chaud et sec
constaté depuis de nombreuses semaines
avant la sortie, responsable de cette préco-
cité (le traditionnel muguet – Convallaria
majalis – du 1er mai avait lui-aussi commencé
à fleurir bien plus tôt).
Arrivés donc au Grasberg (également en
partie géré par le CSA), je laisse Alain nous
piloter, car il connaît mieux que moi les lieux
et y a effectué dans les jours précédents
une reconnaissance. Après avoir admiré,
devant la place de parking, une petite popu-
lation d’Orobanche sp. (famille des Oroban-
chaceae), nous profitons dans une parcelle
en sous-bois clair des nombreux pieds bien
31
fleuris, en avance comme il se doit, de Ce-
phalanthera damasonium (Céphalanthère à
grandes fleurs). Puis, après avoir aperçu à
nouveau la fraxinelle déjà nommée (à quasi-
ment une centaine de mètres sous le sen-
tier) et vainement recherché sur le versant
sud Orchis anthropophora (Orchis homme
pendu) connu ici, mais ayant souffert du
même embroussaillement constaté à Sigols-
heim, nous pouvons voir néanmoins de nom-
breux pieds d’O. militaris (Orchis militaire),
dont une forme alba (peu fréquente, der-
nière bonne surprise de la journée) et quel-
ques rares pieds (toujours à cause de la vé-
gétation invasive) d’O. fuciflora. S’y ajoutent
une poignée d’Orchis morio (Orchis bouffon)
encore en bon état – ils fleurissent habi-
tuellement assez tôt dans la saison – et plu-
sieurs Coeloglossum viride (Orchis gre-
nouille) en boutons ou en début de floraison
(que nous n’aurions pas vu une année normale,
à cette date).
La visite au Grasberg achevée, plusieurs
membres du groupe nous quittent. Ceux res-
tés (dont l’auteur), toujours sous la conduite
d’Alain, se rendent dans une prairie humide
(presque sèche en l’occurrence) elle aussi
gérée par le CSA, située sur la commune de
Bergheim, mais au-delà de la voie rapide
(N83) allant vers Sélestat (67), donc quasi-
ment à la limite départementale avec le Bas-
Rhin. Ici, une importante population de Ge-
ranium palustre (Géranium des marais, pro-
tégé régionalement) s’offre au regard, ayant
vaillamment résisté à la sécheresse, contrai-
rement à Dactylorhiza majalis (Orchis de
mai), assez présent ici habituellement, mais
dont deux pieds seulement sont trouvés (l’un
ayant triste mine). Précisons que le site est
géré surtout pour un papillon rare, Maculinea
teleius (Azuré de la sanguisorbe), protégé au
niveau national.
Ainsi se conclut cette belle journée
(l’orage qui a couvé dans le lointain depuis le
matin, semble décidé à éclater vers la Forêt
Noire et les crêtes vosgiennes), au terme de
laquelle les participants restés se séparent,
repus mais prêts à en découdre de nouveau
en « Orchidoland ». J’ai dit repus ? Assuré-
ment non pour notre sympathique couple
venu de sa lointaine contrée d’Argonne (par-
tie Lorraine, département de la Meuse),
Martine et Daniel Danzer. Ils ont l’habitude,
vu le déplacement conséquent qu’ils ont à
faire pour venir en Alsace ou dans les
Hautes-Vosges, de rester deux jours sur
place. Comme ils prennent la route du retour
le lendemain lundi, nous les invitons à aller
découvrir en matinée la forêt d’Heiteren
(68), proche de leur lieu d’hébergement,
propriété du Consistoire protestant de
Colmar (y compris plusieurs clairières
steppiques gérées par le CSA). De nombreux
Orchis purpurea (Orchis pourpre) et O.
simia – et quatre hybrides entre eux (Orchis
×angusticruris), repérés les jours précé-
dents par d’autres « mordus » – les y atten-
dent, ainsi que la fraxinelle. Mais surtout,
est là présent le rare Adonis vernalis
(Adonis de printemps, de la famille des Ra-
nunculaceae), protégé régionalement, dont
c’est la seule station connue d’Alsace (la
plante est alors en fruits, car fleurissant
plus tôt dans la saison). Nous leur communi-
quons bien entendu toutes informations uti-
les (P.-S. : Daniel, la forêt est vaste, n’oublie
pas la laisse ! – les lecteurs « initiés » com-
prendront).
* 60, rue de Honolulu, 88600 BRUYERES.
Voir photos de Guy Thomas en page 39.
32
Abbé Georges Jeanbourquin (1904 – 1996)
Un orchidophile passioné
Christophe Boillat *
1. Introduction
Ecrire une biographie au sujet de l’abbé
Georges Jeanbourquin est pour moi un plaisir
qui ravive de beaux et bons souvenirs. En effet,
l’ayant côtoyé à quelques occasions dans sa mai-
son de Saint-Brais, je garde toujours de lui le
côté attachant et passionné d’un homme qui a
aimé la nature et qui désirait transmettre sa
flamme pour son amour des orchidées.
En cherchant un peu sur Internet et ailleurs,
j’ai très vite remarqué, que quasiment rien
n’avait été écrit sur sa vie. Cela a été d’autant
plus intéressant et passionnant pour moi de
chercher et de glaner des renseignements rela-
tant la vie de notre abbé des orchidées. Avec
l’aide de son neveu Maxime, j’ai pu récolter avec
précision tout ce qui touchait à sa biographie.
C’est la première partie de cet article. Dans un
second temps, j’aborde ce qui faisait vivre
notre homme avec son ministère presbytéral et
ses violons d’Ingres. Il s’est avéré intéressant
d’inventorier et de comparer l’orchidoflore de
notre canton au travers des deux ouvrages que
notre auteur à écrit en les mettant en réso-
nance avec deux autres livres contemporains de
la vie de l’abbé. Je termine par quelques anec-
dotes qui ne manquent pas de saveurs, de par-
fums et de couleurs tout orchidophiles.
2. Biographie1
Georges Jeanbourquin, fils d’Alcide et de Ma-
rie-Dionyse Froideveaux, est né le 24 mai 1904
dans le petit village des Franches-Montagnes
dénommé Les Bois. Il est le fils aîné de la fa-
mille, ses frères et sœurs sont : Elisabeth,
Ernest, Rémy et Joseph. Ses parents étaient
agriculteurs. C’est au mois de mai 1912 que
notre abbé, alors encore enfant, découvrit sa
première orchidée à l’épi presque noir. Il
l’emmena pour la présenter à l’instituteur du
1 Les indications biographiques sont dues à l’aimable dé-
vouement de Maxime Jeanbourquin, neveu de l’abbé. Je le
remercie par la même occasion, de son aide précieuse.
village et celui-ci répondit : « C’est une orchi-
dée ! Qu’as-tu fait mon ami ? Il ne fallait pas la
cueillir. Les orchidées sont les plus belles
fleurs. »2
Il passa le début de sa scolarité dans son vil-
lage natal. Puis il partit au collège Montalem-
bert à Maîche où il se rendait à pied à chaque
rentrée scolaire (environ 25 km). Il commença
ses études en vue de la prêtrise au collège de
St-Maurice en Valais. Il quitta St-Maurice pour
Fribourg, où il fit sa théologie (1926 - 1929) et
à Lucerne (1929 - 1930), termina à Soleure
(1930 – 1931) où il fut ordonné prêtre le 5 juil-
let 1931. Il célèbra sa Première Messe le 12
juillet 1931 dans son village natal des Bois en
l’église paroissiale.
Les postes paroissiaux qu’il occupa sont les sui-
vants : vicaire à Porrentruy (1931 – 1938), curé
à Saint-Brais (1938 – 1952), puis Develier (1952
– 1968) et pour terminer à Bourrignon (1968 –
1973).
Il prit sa retraite en 1973, et s’installa dès lors
sur les hauts de Saint-Brais3 où il se construisit
une petite maison avec un jardin toujours bien
fleuri et une serre pour y cultiver quelques
orchidées.
3. Ses amours
Peut-on qualifier l’abbé Jeanbourquin d’huma-
niste ? Aux vues de ses nombreuses activités, il
nous est possible de répondre par l’affirmative
à cette question. Il faut savoir également qu’à
l’époque où l’abbé exerçait son ministère, dans
les paroisses où il fut envoyé, le prêtre était
une personnalité au village. De ce fait, notre
abbé toucha à tout, ce qui devait sans aucun
doute lui plaire.
Il est connu pour avoir fait du théâtre et écrit
une pièce, intitulée « Photo-radar », qui est une
2 Captivantes orchidées, Abbé Georges Jeanbourquin, p. 13 3 Ces notes historiques sont tirées d’entretiens avec
Maxime Jeanbourquin et de :
http://www.diju.ch/f/notices/detail/2900/Georges+Jeanb
ourquin
33
comédie en un acte (1951). Précédemment,
(1938), il avait composé une autre pièce en trois
tableaux avec chants : « Le mystère de Noël ».
Gymnaste avéré et moniteur, il fut nommé
membre d’honneur de la SFG4 Les Bois en 1938.
Il était également philatéliste et c’est là qu’il
exerçait sa minutie. Grand amateur de musique,
il aimait jouer du piano et de l’orgue. Mais cela
ne s’arrêtait pas uniquement à jouer de ces
instruments. Il avait également pris le temps de
composer « Salve Regina » (messe à quatre voix
mixtes avec orgue / 1947), motets religieux à
quatre voix mixtes (1949). Pour la petite his-
toire, c’est l’abbé Jeanbourquin, curé de St-
Brais, qui forma en 1938 un chœur d’enfants
« La Schola ». Devenus grands, ces enfants
vinrent renforcer le chœur d’hommes qui ne
comptait guère qu’une dizaine de chanteurs. Le
Chœur Sainte-Cécile de Saint-Brais, dirigé
jusqu’en 1952 par l’abbé Jeanbourquin, était né !5
Toujours dans la paroisse de Saint-Brais, il
construisit la chapelle dédiée à Notre-Dame du
Vernois ; il se fit maçon et charpentier. Lors de
son ministère dans la paroisse de Develier, il
mit en œuvre la réfection de l’église paroissiale.
Avec ce chantier, des fouilles furent effec-
tuées dans l’enceinte de l’église auxquelles
notre abbé contribua. A la suite de cela, il écri-
vit un petit opuscule sur l’histoire de l’église de
Develier.6 Autres passions qui l’animaient,
c’étaient le goût de la sculpture sur bois et les
travaux de menuiserie. Mais avant tout, c’était
un homme de la nature. Apiculteur à ses heures,
le violon d’Ingres qui lui réchauffait le plus son
cœur a été la botanique. Mentionné ci-dessus,
c’est très tôt qu’il fut intéressé par les fleurs
et le règne végétal. Ayant écrit deux ouvrages
sur les orchidées du Jura (Cf. bibliographie), il
aimait, par la même occasion, photographier les
plantes qu’il rencontrait accompagné par son
chien « Philos ». Aujourd’hui toutes ces diaposi-
tives sont entreposées au Musée d’Histoire
Naturelle de Porrentruy. Attenant au Musée de
Porrentruy, nous pouvons visiter le jardin bota-
nique et ses serres. Dans ces dernières, nous
pouvons encore admirer sa collection de cactus
4 Société Fédérale de Gymnastique 5 Bulletin Paroissial N° 25, octobre 2007 / Doyenné des
Franches-Montagnes. 6 Develier et son église, Abbé Georges Jeanbourquin, Ed :
Le Pays, 1995.
et sa collection d’orchidées exotiques. Dans le
village de Saint-Brais, où il demeura dès sa
retraite, il était possible d’admirer ses orchi-
dées dans la serre construite de ses propres
mains. Dans le jardin attenant à sa petite mai-
son, nous pouvions y découvrir, certes, un jardin
potager, mais le plus admirable à ses yeux,
c’étaient les plantes de notre contrée qu’il avait
réussi à faire pousser dans des biotopes amé-
nagés. Un petit étang de ce côté-là pour les
plantes des marais, une rocaille pour des
plantes plus xérophiles de ce côté-ci, un petit
talus séchard pour quelques orchidées, quelques
arbres pour apporter un peu d’ombre et créer
un milieu forestier. Il était membre des socié-
tés d’orchidophiles suisse, française et alle-
mande.
4. Contribution à la connaissance de
l’orchidoflore du Jura suisse
L’abbé G. Jeanbourquin s’est beaucoup promené
pour rechercher les orchidées de notre région
jurassienne. Au gré de son ministère presbyté-
ral qui l’a conduit en Ajoie, aux Franches-
Montagnes, dans la vallée de Delémont, il a pu
ainsi circuler au travers du pays pour approcher
ces magnifiques fleurs. Ce parcours serait in-
complet si nous omettions les crêtes du Chas-
seral, ainsi que le Clos du Doubs. Pour se rendre
compte de sa contribution à la connaissance de
l’orchidoflore du Jura, au travers de ses deux
livres, il nous est nécessaire de prendre en con-
sidération deux autres ouvrages écrits, l’un en
1933 (Flore de Porrentruy / Jules Bourquin) et
l’autre en 1970 (Répertoire des plantes vascu-laires du Jura bernois / Charles Krähenbül).7 Le
tableau donné en annexe nous permettra de
percevoir les confirmations de présence et
l’apport orchidologique auxquels il a participé
activement.
Je commencerai par trois remarques préalables
au sujet du tableau :
- Dans les ouvrages mentionnés la nomenclature
varie. C’est pour cela que la liste des espèces
présentées est tirée de la nomenclature de
l’association AGEO, association qui cartographie
les orchidées suisses (Cf. sites Internet).
7 Cf. bibliographie.
34
- En face de certains taxons des « ? » expri-
ment le doute quant à la détermination des ces
plantes et/ou certains de ces taxons n’étaient
pas encore répertoriés lors de la parution des
ouvrages mentionnés.
- Le total de quarante-huit (48) est la somme
de tous les taxons d’orchidées découverts par
ces trois botanistes (Bourquin J., Krähenbühl C.
et Jeanbourqin G.).
En observant le tableau, ce qui saute au regard,
c’est l’augmentation des découvertes faites par
l’abbé entre la parution de son premier ouvrage
et son second opuscule. Nous passons de vingt-
cinq à trente-sept espèces. Une autre consta-
tation intéressante, c’est le fait qu’il confirme
la présence de certaines espèces au cours des
années, citées dans les livres de Bourquin et
Krähenbühl. Nous retrouvons vingt-deux es-
pèces communes découvertes et mentionnées
dans ces quatre ouvrages. Aujourd’hui nous les
retrouvons encore sur le terrain, et c’est ré-
jouissant. L’abbé Jeanbourquin découvre deux
espèces d’Epipactis, E. leptochila et E. muelleri. C’est d’ailleurs aujourd’hui pour l’une d’entre
elle, Epipactis muelleri, une plante relativement
rare8. Je termine par une plante que l’abbé ne
mentionne pas : il s’agit de Pseudorchis albida.
En effet, nous trouvons dans le second ouvrage
de l’abbé, en pages 210-213, des photographies
de Nigritella nigra 9, ces plantes côtoyant Pseu-dorchis albida sur la crête du Chasseral. C’est
surprenant qu’il ne l’aie pas trouvé. Aujourd’hui
au Chasseral nous pouvons trouver deux nigri-
telles, N. austriaca et N. rhellicani, qui
n'étaient pas séparées à l'époque et que l'on
nommait indifféremment Nigritella nigra, ainsi
que Dactylorhiza fuchsii, Gymnadenia conopsea,
Orchis mascula, Platanthera bifolia et cloran-tha, Traunsteinera globosa mais aussi beaucoup
d’autres plantes alpines affectionnant la roche
calcaire.
5. Petites histoires
8 Je vous invite à visiter le site suivant :
http://www.filago.ch 9 Au vu des photos, c’est Nigritella (Gymnadenia) austriaca
qui est représentée.
Mon frère Vincent et moi avons quelques perles
du caractère truculent, pittoresque et bien
trempé de l’abbé des orchidées. C’est d’ailleurs
sous ce vocable qu’il aimait qu’on le surnomme.
C’était lors d’une visite de courtoisie dans sa
petite maison de St-Brais, que nous faisions en
général entre Noël et Nouvel An. Nous prenions
toujours le temps de préparer quelques diapos
des découvertes que nous avions faites durant
l’année écoulée. Cette année-là, nous présen-
tions quelques photos de notre séjour en Corse.
L’écran posé par ses soins et le projecteur
branché, nous pouvions commencer. A la pre-
mière diapo, il ne pouvait s’empêcher de faire
une remarque. Aux diapos suivantes, il se levait,
se mettait à côté de l’écran et expliquait, ar-
gumentait ! Après chaque commentaire, il venait
se rasseoir et continuait de discuter. Mais dès
que la diapo suivante apparaissait à l’écran, il se
relevait aussitôt, et continuait ses explica-
tions : « Tu vois, Christophe, là, le cadrage est
bon ; tu as bien réussi. » ou encore « C’est re-
grettable d’avoir cadré ta photo ainsi, j’aurais
fait plutôt ainsi. » A chaque diapositive un
commentaire fusait. Donc pendant toute la pro-
jection, il faisait le va-et-vient entre sa chaise
et l’écran. Ce qui est également important de
savoir, c’est qu’il n’avait jamais vu la plupart des
orchidées que nous lui présentions (en l’occur-
rence celles de Corse). Il ne les connaissait
qu’au travers d’ouvrages et de revues de
l'époque (1990) mais les reconnaissaient toutes
sans aucune hésitation.
Au terme de la projection, il allait chercher une
bonne bouteille de vin et quelques biscuits secs,
nommés « tampons » par notre hôte, qu’il nous
invitait à grignoter entre deux gorgées de vin.
Et là, les discussions allaient bon train sur les
orchidées de notre Jura suisse. Lors de ces
partages, il ne livrait que très peu les stations
qu’il affectionnait et qui recelaient des orchi-
dées. Par exemple il nous disait : « Ah ! Champs
Brochet dans le Clos du Doubs, il y a de magni-
fiques Gymnadenia odoratissima. La première
fois que je suis allé sur le site, c’est grâce au
parfum de ces fleurs que j’ai pu les découvrir ! »
En rentrant, nous recherchions sur la carte le
lieu-dit, et essayions de trouver le biotope.
Autre anecdote cocasse : lors de nos visites
dans sa petite maison sise dans le village de
Saint-Brais, il était nécessaire de s’habiller
35
chaudement. Il y avait bien une cheminée dans
la pièce où nous nous tenions pour la projection,
mais en fait, nous n’avons vu que rarement du
feu dans celle-ci (Saint-Brais est à 1 000 m
d'altitude et c'était l'hiver). Ce qu’il faut savoir
également, c’est qu’il avait une collection impor-
tante d’orchidées exotiques qu’il entreposait
soigneusement dans une serre de son jardin.
Mais en hiver sa serre n’était pas assez chauf-
fée, ce qui fait que certaines de ses orchidées
prenaient place dans sa petite maison pour
qu’elles ne gèlent pas.
Il a eu l’occasion de faire la connaissance
d’Erich Nelson, quand ce dernier résidait à
Chernex-sur-Montreux, pour l’aider à la déter-
mination d’un Dactylorhiza qu’il avait découvert
dans une tourbière des Franches-Montagnes.10
Là aussi il aimait raconter cette rencontre qui
avait été exceptionnelle à ses yeux ainsi que les
échanges qui ont suivi.
6. Conclusion
Homme de foi de par son ministère presbytéral
auprès des paroisses où il fut envoyé, l’abbé des
orchidées, comme aimait le surnommer amica-
lement ses paroissiens, fut un personnage haut
en couleur, truculent, passionné, humaniste,
ouvert à la culture musicale et aux arts de la
scène, voilà des qualificatifs qui correspondent
bien à l’archevêque11 des orchidées. Personnage
bien sympathique et attachant malgré son ca-
ractère bien trempé, il savait transmettre sa
passion de la nature et plus particulièrement la
passion des orchidées. Au travers de ses ou-
vrages sur les orchidées du Jura suisse, il a su
transmettre aux générations futures
d’orchidophiles le plaisir de chercher, de dé-
couvrir et de photographier les orchidées de
ma région. J’ai eu le bonheur de le rencontrer
10 Orchidées du Jura, Abbé Georges Jeanbourquin, p. 58.
Dans son premier ouvrage il nomme cette plante Dactylor-hiza immaculata. Il est intéressant de noter qu’un point
d’interrogation « ? » souligne cette détermination. Dans son
second ouvrage il nomme cette plante Dactylorhiza ochro-leuca. Aujourd’hui connaissant le biotope en question, je
qualifierais cette plante sous le vocable de D. fuchsii albi-
nos. Mais ce biotope remarquable recèle d’autres richesses,
en particulier dans le genre Dactylorhiza. 11 « Archevêque » des orchidées était un autre qualificatif
que ses confrères lui donnaient.
quelques fois, plus particulièrement alors qu’il
était déjà bien avancé en âge. A chaque ren-
contre, il émanait de cet homme le désir de
persévérer dans la quête des orchidées. Son
sourire malicieux et ses yeux rieurs donnaient à
son visage la bonhomie de ces personnages qui
savent avoir un regard philosophe sur les évé-
nements de la vie. Homme de la terre avant
tout, il savait contempler et admirer les mer-
veilles de la Nature. Cet homme enflammé par
les orchidées a pu, au cours de ces années de
passion, écrire deux ouvrages qui, aujourd’hui
encore, font référence dans la littérature bo-
tanique de notre région jurassienne. Puissent
ces quelques lignes rendre hommage à cet
homme qui a tant aimé le Jura.
Je tiens à remercier en particulier Maxime
Jeanbourquin, neveu de l’abbé, qui m’a permis
de réaliser cet article et qui m’a autorisé à
scanner quelques-unes des photos familiales
concernant son oncle. L’une d’entre elle illustre
cette biographie. Par la même occasion,
j’adresse un merci sincère aux relecteurs et
correcteurs pour leur aide et conseils avisés.
Dédicace de G. Jeanbourquin à l’auteur de
l’article.
Bibliographie et sites Internet
BOURQUIN J., 1933. Flore de Porrentruy ; Ed.
Le Démocrate, Delémont ; 186 p.
36
DOMINE J.-M., 1996. Homélie d’enterrement
de l’abbé G. Jeanbourquin.
DUSAK F., 1998. Abbé Georges Jeanbourquin,
L’Orchidophile, N° 134 p. 214.
JEANBOURQUIN G., 1938. Le mystère de Noël, pièce en trois tableaux, avec chants.
JEANBOURQUIN G., 1947. Salve Regina ,
messe à 4 voix mixtes avec orgue.
JEANBOURQUIN G., 1949. Motets religieux à
4 voix mixtes ; Ed. A. Frossard.
JEANBOURQUIN G., 1951. Photo-radar, comé-
die en un acte.
JEANBOURQUIN G., 1979. Orchidées du Ju-ra ; Ed. Transjuranes, Porrentruy ; 106 p.
JEANBOURQUIN G., 1989. Planey-Saint-Braix. Glanures historiques et notices ; Ed : Le Franc-
Montagnard, Saignelégier ; 127 p.
JEANBOURQUIN G., 1989. Captivantes orchi-dées ; Ed. Le Franc-Montagnard, Saignelégier ;
239 p.
JEANBOURQUIN G., 1995. Develier et son
église ; Ed : Le Pays, Porrentruy ; 118 p.
KRAHENBUL C., 1970. Répertoire des plantes vasculaires du Jura bernois ; Ed. ADIJ, Mou-
tier.
http://www.ageo.ch
http://www.diju.ch/f/notices/detail/2900/Geo
rges+Jeanbourquin
http://www.filago.ch
http://www.mjsn.ch/BOTA/presentation/serre
_succulents.html
http://books.google.ch
* 15, rue des Lignières – CH-2926 Boncourt
Photos ci-contre :
Haut : Epipactis leptochila – Boncourt
Bas : Epipactis muelleri - Glovelier
ESPECES
J. B
OU
RQ
UIN
19
33
C. K
RA
HE
NB
UH
L 1
97
0
G. J
EA
NB
OU
RQ
UIN
197
9
G. J
EA
NB
OU
RQ
UIN
198
9
Aceras anthropophorum (L.) W.T.AITON X X X
Anacamptis pyramidalis (L.) RICH. X X X X
Cephalanthera damasonium (MILL.) DRUCE X X X X
Cephalanthera longifolia (L.) FRITSCH X X X X
37
An-
nex
e
Cephalanthera rubra (L.) RICH X X X X
Coeloglossum viride (L.) HARTM. X X X X
Corallorrhiza trifida CHÂTEL. X
Cypripedium calceolus L. X X X
Dactylorhiza fuchsii (DRUCE) SOÓ X X X X
Dactylorhiza incarnata (L.) SOÓ subsp. incarnata X X X X
Dactylorhiza maculata (L.) SOÓ ? ? ? ?
Dactylorhiza majalis (RCHB.) P.F.HUNT & SUMMERH. X X X X
Epipactis atrorubens (HOFFM. ex BERNH.) BESSER X X X X
Epipactis helleborine (L.) CRANTZ X X X X
Epipactis leptochila (GODFERY) GODFERY X
Epipactis microphylla (EHRH.) SW. X X
Epipactis muelleri GODFERY X
Epipactis palustris (L.) CRANTZ X X X X
Epipactis purpurata SM. X X X X
Epipogium aphyllum SW. X
Goodyera repens (L.) R.BR. X X
Gymnadenia conopsea (L.) R.BR. X X X X
Gymnadenia odoratissima (L.) RICH. X X X
Herminium monorchis (L.) R.BR. X X
Himantoglossum hircinum (L.) SPRENG. X X X
38
ESPECES
J. B
OU
RQ
UIN
19
33
C. K
RA
HE
NB
UH
L 1
97
0
G. J
EA
NB
OU
RQ
UIN
197
9
G. J
EA
NB
OU
RQ
UIN
198
9
Limodorum abortivum (L.) SW. X X
Listera cordata (L.) R.BR. X X X
Listera ovata (L.) R.BR. X X X X
Neottia nidus-avis (L.) RICH. X X X X
Nigritella austriaca (TEPPNER & E.KLEIN) DELFORGE ? ? ? ?
Nigritella rhellicani TEPPNER & E.KLEIN ? X ?
Ophrys apifera HUDS. X X X X
Ophrys araneola RCHB. X X X
Ophrys holoserica (BURM.f.) GREUTER X X X X
Ophrys insectifera L. X X X X
Ophrys sphegodes MILL. ? ?
Orchis coriophora L. X X
Orchis mascula (L.) L. subsp. mascula X X X X
Orchis militaris L X X X X
Orchis morio L. X X X X
Orchis purpurea HUDS. X
Orchis ustulata subsp. aestivalis (KÜMP.) KÜMPEL & MRKVICKA ? ? ? ?
Orchis ustulata (L.) L. subsp. ustulata X X X X
Platanthera bifolia (L.) RICH. X X X
Platanthera chlorantha (CUSTER) RCHB. X X X
Pseudorchis albida (L.) A.LÖVE & D.LÖVE X
Spiranthes spiralis (L.) CHEVALL. X X X
Traunsteinera globosa (L.) RCHB. X X X
TOTAL : 48 32 42 25 36
39
Ophrys fuciflora (Sigolsheim) Ph. G. Thomas, PNR Lorraine
Le Grasberg (sous- bois à Cephalanthera damasonium)
Voir article p. 20
Ph. P. Pitois
Ph. 1 : Malaxis monophyllos - Stockach – 5/7/2011
Ph. 2 : Salvinia natans - Russheim - 31/7/2011
Ph. 3 : Dactylorhiza ochroleuca - Ettal – 18/6/2011
Ph. 1
Ph. 3
Ph. 2
Epipactis atrorubens lusus rasea
Coussey – 23/5/2006
Ph. J.-C. Ragué, CSL
Voir articles p. 24 et p. 28
40
1 2 3
4 5
Erasanthe henricii Ph. D. Karadjoff
Voir article p. 66
Neottianthe cucullata Augustow (PL) – 30/7/2010
Ph. D. Prusa
Voir article p. 68
Spiranthes cernua var. odorata
J. B. de Bâle – 23/4/2011
Ph. J.-F. Christians
Voir article p. 16
Anacamptis palustris Rossfeld (67) – 25/5/2007
Ph. A. Hasenfratz
Voir article p. 5
41
Petite histoire d’Hammarbya paludosa (L.) O. Kuntze en France
Henri Mathé *
« J’ai coché sur la Flore de l’Abbé Coste 75
espèces. Une seule n’a pas de croix, le Malaxis.
C’est une minuscule plante aquatique, invisible à
un œil profane, tant il la confondrait avec tout
autre quelconque brin d’herbe. Les fleurs, ver-
dâtres, ont à peine quelques millimètres et le
tout n’est guère plus long que l’index. Mais
puisque l’avant-dernière Orchidée a été trouvée,
il faudra bien mettre la main sur la dernière ! »
J. Poucel - 1942
Lors de recherches historiques sur les
premières mentions des orchidées d’Alsace (ar-
ticle à paraître), j’ai mesuré la difficulté à éta-
blir la date précise depuis laquelle on pouvait
considérer cette espèce singulière comme par-
tie intégrante de la flore régionale. Cela m’a
amené à me poser la même question à l’échelle
nationale et donc à explorer les publications
anciennes et actuelles relatives aux régions où
Hammarbya paludosa aurait été signalé au fil
des ans.
I) Repères historiques et nomencla-
turaux
L’espèce apparaît pour la toute première
fois, sous le nom d’Ophris bifolia palustris, dans
l’ouvrage Phytogeographia d’un botaniste an-
glais, Leonard Plukenet, paru en 1691.
Le basionyme1 de l’espèce est Ophrys paludosa,
donné en 1753 à la plante par Carl von Linné, à la
page 947 de son Species Plantarum.
En 1800, le botaniste suédois O. P. Swartz dé-
place le taxon dans le genre Malaxis (Kongl. Ve-
tensk. Acad ; Nya Handl. Ser. 21 : 235). Le binôme Malaxis paludosa (L.) Sw., se retrouve
dans la plupart des ouvrages du XIXème siècle et
même par la suite.
L’espèce est désignée, par O. Kuntze, en 1891
(Revis. gen. pl. 2 : 665) comme type d’un nouveau
1 Nom originel d’une description valide de taxon.
genre monospécifique2 et prend alors son nom
actuel d’Hammarbya paludosa (L.) O. Kuntze.
Etymologie :
Le nom de genre Hammarbya vient de Hammar-
by, village suédois proche d’Uppsala, où Linné
possédait une résidence d’été.
L’adjectif spécifique, paludosa, est dérivé du
latin paludosus qui signifie marécageux.
II) La découverte en France
Celle-ci a eu lieu en Loire-Atlantique, en
l’an 1800.
James Lloyd, dans sa Flore de l’Ouest de la France de 1844, signale qu’elle a été trouvée à
cette date par M. Hectot aux tourbières de La
Verrière (ou du Gesvres), près de Nantes, dans
les marais de l’Erdre. Ceci est confirmé par E.
Gadeceau dans un article3 du Bulletin de la So-ciété des sciences naturelles de l’Ouest de la France en 1895 : « C’est à la Verrière que la
Malaxis paludosa fut trouvé, pour la première
fois en France, par Hectot, en l’an 1800… »
D’autres mentions antérieures, fort contes-
tables, signalant l’espèce en région parisienne et
en Dauphiné sont discutées au § 4.
C’est donc bien la dernière année du XVIIIème
siècle qui marque la découverte de la plante en
France.
2 Certains en contestent l’opportunité et plaident en
faveur d’un maintien du synonyme valide Malaxis palu-dosa (L.) Sw. 3 Les marais de l’Erdre près Nantes et le Malaxis paludosa Sw., vol. 5, p. 45.
Marais de l’Erdre
42
Dans le demi-siècle qui a suivi, l’espèce fut trou-
vée en plusieurs endroits de l’est de la France
(Bas-Rhin, Moselle, Vosges) par F. W. Schultz
puis en région parisienne par A. de Jussieu.
Je me suis attaché à rechercher, par départe-
ment, les premières indications de l’espèce dans
les différentes régions françaises où elle a été
au moins une fois mentionnée par le passé, mais
aussi les dates de sa disparition présumée ou,
souhaitons-le, provisoire tant il est vrai que,
dans le domaine naturaliste tout particulière-
ment, l’absence de preuve n’est pas preuve de
l’absence. Je n’ai cependant pas voulu faire un
catalogue exhaustif de toutes les stations histo-
riquement connues !
4 Les Orchidées de France, Belgique et Luxembourg.
J’ai été aidé dans ma quête par de nombreux
botanistes et organismes locaux qui ont aima-
blement répondu à mes interrogations et que je
remercie vivement ici.
III) La découverte dans les régions
françaises
Les listes ou cartes de répartition dé-
partementale, avec indication de présence pas-
sée ou actuelle, sont assez variables selon les
sources. Le tableau ci-dessus répertorie les
départements, classés par zone géographique et
non administrative, où l’espèce fut signalée dans
quelques travaux traitant du sujet.
Il faut bien sûr tenir compte des critères choi-
sis par les auteurs pour établir ces listes. Ainsi,
la plante peut être signalée par tel auteur dans
P = présent
X = disparu
Grenier
1855
Coste
1906
Camus
1929
Jacquet
1995 (-30)
Seité
2001 (-20)
OFBL4
2005 (- 20)
Atlas SFO
2010 (-30)
Alsace
Bas-Rhin P P X
Aquitaine
Landes P P X
Bretagne
Côtes d’Armor P P P P
Finistère P P P P P P
Morbihan P P X X
Ile-de-France
Yvelines P X X X
Lorraine
Moselle P P X X
Vosges P P P P P P
Massif Central
Aveyron P P P X X
Cantal P P X
Corrèze P P P
Creuse P
Haute-Vienne P P P P
Lozère P P P P P P
Nord
Somme P P P X
Normandie
Manche P P P X
Orne P P X X
Pays de Loire
Indre-et-Loire P P X X
Loire Atlantique P P P P P P P
Mayenne P P P X X
43
un département où elle a disparu alors que tel
autre, considérant que l’observation est trop
ancienne, ne l’y mentionnera pas.
Ce tableau ne tient pas compte des erreurs ou
informations douteuses (voir § 4).
Pour les ouvrages récents, j’ai indiqué la période
prise en compte antérieurement à la date de
publication.
Remarques :
Dans l’article de F. Seité, l’espèce est signalée
disparue du département du Haut-Rhin, ce qui
résulte probablement d’une erreur d’impression.
Bien qu’une mention existe en Alsace du sud, j’ai
considéré que l’article faisait référence au dé-
partement du Bas-Rhin.
On pourra s’étonner que Coste ne cite pas les
départements alsaciens et lorrains où la pré-
sence était attestée depuis longtemps, mais
n’oublions pas que l’Alsace et la Moselle étaient
alors allemandes et les flores allemandes de
l’époque en font bien mention : « Zwischen Moos
in Torfsümpfen u. torfigen Wiesen des Vogesen-
sandsteins » (J. St. Himpel ; Flora von Elsass-Lothringen, p. 268 ; 1891)
En plus des départements nommément cités,
Camus indique les régions Alsace et Lorraine
sans plus de précisions. Compte tenu du statut
de l’espèce à l’époque, j’ai attribué ces mentions
régionales aux départements du Bas-Rhin et de
la Moselle, respectivement. Dans l’édition origi-
nale de 1908, sont cités : « Mayenne, Loire-
Inférieure, Morbihan, Orne, Manche, Landes,
Vosges, Lorraine. »
Les indications de 1929 se retrouvent peu ou
prou dans la Grande Flore en couleurs de G. Bon-
nier (1912-1935).
La carte disponible sur Tela Botanica (mise à
jour 27/5/2009) mentionne l’espèce présente
actuellement dans le Bas-Rhin et le Haut-Rhin,
ce qui est une erreur. Celle éditée par
l’Inventaire National du Patrimoine Naturel,
dépendant du Muséum National d’Histoire Natu-
relle, sur le site inpn.mnhn.fr est à peu près
semblable à celle de l’OFBL mais la présence
dans le Cantal est bien trop ancienne et nécessi-
terait une révision.
La présence erronée dans le Haut-Rhin est re-
produite dans l’OFBL de 2005 mais non dans
l’édition de 19985.
Le tableau précédent montre bien, par le
nombre de départements où elle a maintenant
disparu, la fragilité de cette plante turficole6 et
surtout des biotopes particuliers auxquels elle
est strictement inféodée. Ceux-ci, variables
selon les régions, regroupent les zones engor-
gées des tourbières acides oligotrophes à
sphaignes (Oxycocco palustris-Ericion tetralicis
Nordhagen ex Tüxen 1937 ou Elodo palustris-Sparganion Br.-Bl. & Tüxen 1943 ; Bretagne) et
les landes tourbeuses humides des bas-marais
(Rhynchosporion albae Koch 1926 ou Caricion lasiocarpae Van den Berghen 1949, plus rare-
ment Molinion caeruleae Koch 1926 ; Vosges,
Belgique), alliances les plus souvent citées pour
cette espèce. Les phytosociologues s’accordent
pour mettre l’accent sur le caractère pionnier
de la plante qui affectionne les zones de tourbe
nue ou à faible recouvrement herbacé et sup-
porte mal la concurrence d’autres espèces végé-
tales.
5 La station vosgienne redécouverte en 2000 ne se
trouve qu’à 500 m de la limite du Haut-Rhin d’où pro-
bablement l’erreur de l’édition 2005. 6 Plante localisée dans les zones de tourbières.
Herbier Roger Engel
Herbier de l’Université de Strasbourg (STR)
44
On note cependant quelques apparitions ou re-
découvertes, encourageantes pour la pérennité
de cette espèce que l’on a pu qualifier
d’orchidée la plus rare de France7 !
Sur la carte ci-après, j’ai fait la syn-
thèse des mentions départementales confirmées
de l’espèce, depuis sa découverte en France.
Trois entités géographiques apparaissent net-
tement : le Massif armoricain (Bretagne et
Basse-Normandie) ; le Massif central (Auvergne
et Limousin) ; le Massif vosgien (Alsace et Lor-
raine).
A l’exception des régions montagneuses de la
Corse et des Pyrénées, trop méridionales pour
cette relique glaciaire à répartition boréo-
alpine, la carte de répartition de l’espèce épouse
presque celle des massifs cristallins de l’ère
Primaire, ce qui n’est pas surprenant pour une
espèce acidiphile. On pourrait même s’étonner
qu’elle n’ait jamais été observée dans l’est du
Massif central !
7 Les effectifs qui m’ont été communiqués par divers
correspondants permettent d’évaluer la population
française, autour de 2010, à 200 individus, répartis
sur seize stations abritant de 1 à 50 pieds. Cela re-
présente une chute de 75 % par rapport à 2000 qui
fut sans doute une année exceptionnelle.
Quelques départements du Bassin aquitain (la
station récemment découverte dans le Béarn est
exceptionnelle de par sa situation en extrême
limite méridionale de l’aire de répartition euro-
péenne, voire mondiale, de l’espèce) et du Bassin
parisien se singularisent par leur situation en
terrains sédimentaires plus récents, où des ma-
rais et landes acides peuvent néanmoins se pré-
senter localement.
Je présente ensuite les informations que
j’ai pu recueillir dans les 33 départements, clas-
sés selon leur région administrative, dans les-
quels Hammarbya paludosa s’est fait remarquer
ou a été pris pour un autre, sans m’attarder sur
la richesse relative des stations car ce n’est pas
le but de cet article. Pour des raisons évidentes
de préservation de l’espèce, la précision géogra-
phique se limite aux données communales en ce
qui concerne les observations récentes.
Par contre, je donne le maximum de pré-
cisions sur la localisation des stations anciennes,
présumées disparues, car ces indications pour-
raient s’avérer utiles pour des (re)découvertes
futures, dans la mesure où le milieu n’a pas été
fondamentalement modifié.
Carte des départements français où la présence d’Hammarbya paludosa a été avérée.
45
Alsace
Département du Bas-Rhin :
Dans sa Flore d’Alsace de 1852, Frédéric Kir-
schleger cite un botaniste allemand du XVIIIème
siècle, du nom de J. A. Pollich, qui a fait paraître
en 1777 une flore du Palatinat. S’intéressant
particulièrement aux plantes d’Alsace, Kirschle-
ger repère dans cet ouvrage les plantes décou-
vertes par l’auteur « dans la partie vosgienne
des montagnes du Palatinat », parmi lesquelles
Malaxis paludosa ! Mais il ne semble pas que
cette précision géographique puisse concerner
les stations alsaciennes de Niederbronn et
Obersteinbach ni même les stations mosellanes
de Sturzelbronn ou Haspelscheidt, trop méri-
dionales.
D’ailleurs, selon une publication de 1810 (J.-L. A.
Loiseleur-Deslongchamps ; Notice sur les plantes à ajouter à la flore de France), l’espèce
n’existait pas en France à cette époque8, si ce
n’est dans l’ancien département napoléonien de
l’Ourthe, région actuellement belge, où la plante
venait d’être découverte près de Malmédy9.
En 1826, F. Kirschleger signe un article intitulé
« Liste des plantes les moins communes de
l’Alsace et des Vosges » (in Nouvelle description historique et topographique des deux départe-ments du Rhin) où Malaxis paludosa n’apparaît
pas.
La première mention de l’espèce en Alsace se
trouverait dans une obscure publication intitulée
Description de Niederbronn et de ses eaux mi-nérales à l’usage des médecins et des malades qui les fréquentent (J. Kuhn ; 1835) où le Ma-laxis paludosa est signalé, à tort, comme « es-
pèce nouvelle pour la flore française », sans
indication de date précise. Or, si l’ouvrage se
veut limité aux environs de Niederbronn, la loca-
lisation du Malaxis se trouve à Bitche, en Lor-
raine, d’après des indications de F. Schultz. Les
observations de Schultz sont reprises, mais
cette fois parfaitement localisées, dans le Pro-drome de la Flore d’Alsace que publie F. Kir-
schleger en 1836. L’espèce y était alors notée
« en quantité dans les lx. vaseux et marécag.
8 Cette affirmation est erronée compte tenu des
informations dont j’ai déjà fait part sur le pays nan-
tais. 9 Fabri et al., Dumortiera 33, p. 10 ; 1985.
aux environs de Bitsch, derrière Niederbronn et
le Jaegerthal ».
L’incertitude subsiste donc sur la date de dé-
couverte de l’espèce en Alsace, que l’on peut
situer malgré tout entre 1826 et 1836 !
La station d’Obersteinbach apparaît dans la
Flore vogéso-rhénane (F. Kirschleger ; T. II, p.
93 ; 1870) ainsi que dans la Liste des Orchidées de la Haute-Alsace (E. Mantz ; 1913) et est tou-
jours citée dans la Flore d’Alsace (E. Issler ;
1965), mais celle-ci reprend majoritairement
des indications antérieures à la Seconde Guerre
mondiale, sans doute obsolètes à l’époque de sa
parution.
Elle était peut-être encore présente en 1939 si
l’on en croit le Dr Poucel : « M. Joessel m’avait
signalé une tourbière en Alsace, où j’aurais eu
des chances assez sérieuses. Mais cet emplace-
ment était situé à peu près entre la ligne Magi-
not et la ligne Siegfried10 » !
Il doit cependant y avoir confusion avec une
tourbière lorraine voisine (Erbsentahl) où Joes-
sel a effectivement été le dernier à récolter la
plante en 1922 (Bulletin de la Société Botanique de France, Vol. 106 - p. 109 ; 1959).
Roger Engel, grand spécialiste de l’orchidoflore
alsacienne pendant plus de 50 ans, l’a recherché
assidûment dans le secteur et dans les stations
10 J. Poucel ; A la découverte des Orchidées de
France, p. 177. 1942.
46
lorraines proches, à partir de 1946, sans jamais
l’y retrouver.
Département du Haut-Rhin :
Un spécimen provenant du Lac Blanc, daté du
15/9/1873 est connu (Herbier L. Quélet – Coll.
Muséum Cuvier, Montbéliard - ph. p. 45).
Il s’agit de l’unique référence pour ce départe-
ment !
Aquitaine
Département des Landes :
Découvert par le Dr J.-A. Guillaud au bord de
l’étang de Léon vers 1880 (Bulletin de la société linnéenne de Bordeaux11, p. 35 ; 1991). Encore
observé dans cette même station en 1939 (J.
Poucel – dessin ci-après) et, en très petit
nombre, jusqu’en 1980 (1978 par G. Dussaussois,
l’Orchidophile n° 41 ; 1980 par P. Grocq, comm.
pers. SFO Aquitaine).
Département des Pyrénées-Atlantiques :
La découverte récente de la plante, en 2008,
est confirmée par la SFO Aquitaine. L’inventeur
de la station, où 1 pied était visible le
20/8/2008, ne souhaite pas donner pour
l’instant plus de précisions à son sujet.
11 « C’est vers 1880 que le Docteur J. A. Guillaud,
chargé de cours d’Histoire naturelle à la Faculté
mixte de médecine et de pharmacie de Bordeaux,
découvre Hammarbya à Léon. »
Auvergne
Département du Cantal :
Trouvé dans l’Aubrac cantalien (Deux-Verges
près de Chaudes-Aigues, sur les pentes du Puy
de la Tuile vers 1 250 m) par l’Abbé J. Soulié le
31/8/189912 (Antonetti et al. ; Atlas de la flore d’Auvergne, 2006 et comm. pers. de C. Bernard).
Cependant, une donnée d’herbier de Frère Jo-
seph Héribaud (herbier du diocèse de Saint-
Flour) mentionne, le 12/9/1898, « Deux-Verges,
Puy de la Tuile près de Saint-Rémy », ce qui en
ferait l’inventeur de l’espèce dans ce départe-
ment (CBN du Massif central).
La dernière observation est un exemplaire
d’herbier prélevé le 13/9/1919 par l’abbé Soulié
à Jabrun (« tourbières vers le puy de la Tuile »)
et conservé à l’herbier de Montpellier.
Bretagne
Département du Finistère :
Découvert par Charles Piquenard, à la tourbière
du Yunélez le 25/8/1897 (Bulletin de la Société des sciences naturelles de l’Ouest de la France
T. 7 – Extraits et analyses - p. 56 ; 1897).
Trouvé également le lendemain avec E. Gadeceau
en bordure de la forêt du Rusquec.
12 « presque sur le chemin à peine tracé qui va du
village des Angles à Deux-Verges. »
Ph. F. Séité – in Les tourbières de Bretagne ; 2007
47
Cependant, ce botaniste écrit en 189813 : « J’ai
appris à la fin de l’année dernière que ce même
Malaxis existait dans une autre localité du Fi-
nistère, le Marais du Cragou, toujours dans la
chaîne d’Arrès. M. R. Ménager l’y avait recueilli,
il y a quelques années, dans une station tout à
fait analogue à celles qui se rencontrent le long
de la chaîne d’Arrès et des Montagnes Noires,
c’est à dire en compagnie de Spiranthes aestiva-lis, Lycopodium inundatum, etc. ». La première
observation de l’espèce dans le département
pourrait donc se situer au début des années
1890.
Présumé disparu de Bretagne au cours de la
décennie 1980, il a été retrouvé, en plusieurs
lieux des monts d’Arrée, dès 1990 à l’issue de
recherches ciblées dans ses milieux de vie natu-
rels.
Toujours présent en 2010 dans sept stations
regroupant une centaine d’individus.
Département du Morbihan :
La littérature indique que la plante a été trou-
vée par l’abbé Delalande aux « marais de Valory
en St-Dolay et du Petit-Rocher en Théhillac ».
Ceci apparaît dès 1844 en p. 257 de la Flore de la Loire-Inférieure de J. Lloyd puis en 1852 en
p. 597 de la Flore du Morbihan de J.-M. Le Gall.
L’herbier du Muséum d’Histoire Naturelle de
Nantes détient effectivement une planche
(MHNN.B.010082.138) datée du 28/8/1844
montrant l’espèce récoltée par Delalande « près
de Saint-Dolay ». Deux autres planches indi-
quent la localité « Sévérac », l’une
(MHNN.B.010190.133) en septembre 1841 par
Rostaing de Rivas, collecteur de Delalande, et
l’autre (MHNN.B.010082.136) le 28/8/1843 par
Delalande lui-même. Une autre planche conser-
vée au MNHN (Herbarium Musei Parisiensis -
P02051142), issue de l’herbier Lloyd et datée du
21/7/1868, porte la mention ambiguë « Sévérac
(Morb.) ». Un examen attentif de la topographie
des lieux montre en effet que la limite dépar-
tementale du Morbihan et de la Loire-Atlantique
passe précisément à mi-chemin des localités de
St-Dolay et Théhillac (56) et de celle de Sévé-
rac (44), qui ne sont distantes que de 5 km à vol
13 Bulletin de la Société des sciences naturelles de
l’Ouest de la France T. 9 ; Extraits et analyses, p. 19 ;
1899
d’oiseau. Grâce aux annotations contenues dans
le carnet d’herborisation de Delalande, qui m’ont
aimablement été fournies par le Muséum
d’Histoire Naturelle de Nantes (comm. pers. M.-
L. Guérin), il est possible de préciser les lieux de
récolte de l’espèce dans cette zone :
- « 28 août 1843 Sévérac - Malaxis paludosa,
marais du petit rocher, abondant. J’ai pu en
recueillir 56 échantillons.
- 26 août 1844 - marais du petit rocher en
Sévérac et Téhillac - Malaxis paludosa, 60
échantillons, en fleur, dans le même lieu que
l’année dernière.
- 28 août 1844 - marais de Valory en Saint-
Dolay - Malaxis paludosa, 54 échantillons
trouvés sur une surface de 7 pieds de long
et 2 pieds de large. »
Donc les deux premières parts pourraient pro-
venir de Loire-Atlantique14 (44) mais la part
MHNN.B.010082.138 récoltée le 28 août 1844
provient bien du Morbihan (56). En l’absence de
précisions analogues sur la récolte de Rostaing
de Rivas, je retiendrai le 28/8/1844 comme
date de première observation de l’espèce dans
le département.
La dernière observation aurait été faite par E.
Gadeceau en 1886, « au pied de la tour d’Elven »,
bien que le département soit encore cité dans la
Flore de France de G . Rouy en 1912 (T. XIII, p.
220).
Département des Côtes-d’Armor :
Trouvé par R. Corillion & H. Des Abbayes le 7
août 1955, en bordure de la forêt de Lorge.
(Bulletin de la Société botanique de France Vol.
103, p. 485 et comm. pers. de l’inventeur à F.
Seité).
Cette unique station de Gausson à subsisté jus-
qu’en 1997 mais n’a plus été revue depuis (Philip-
pon et al. ; La Flore des Côtes d’Armor, p. 471 ;
2006).
Centre
Département d’Indre-et-Loire :
Découvert par E.-H. Tourlet à Saint-Benoît-la-
Forêt le 31/8/1889 comme en atteste une
14 Cependant le marais du Petit-Rocher est nommé-
ment cité dans La Flore du Morbihan de Le Gall.
48
planche de son herbier (TOU008881) conservée
à l’Université de Tours.
La plante est indiquée (RRR) dans cette même
station dans son Catalogue raisonné des plantes vasculaires d’Indre-et-Loire (p. 504) en 1908 :
« Saint-Benoist, landes bordant la forêt de Chi-
non, dans le vallon du Châtellier, entre le village
de ce nom et la grande route de Chinon à
Tours ! ».
Non revu depuis lors dans cette zone malgré la
subsistance de milieux favorables (comm. pers.
F. Botté)
Ile-de-France
Département des Yvelines :
Trouvé à l’étang du Cerisaie (Saint-Léger) par A.
de Jussieu en juillet 1835 et disparu 10 ans plus
tard. (Cosson E . & Germain de Saint-Pierre E. ;
Flore des environs de Paris, 2ème éd. ; 186115).
Deux exemplaires d’herbier correspondent pré-
cisément à ces dates : Etang des Cerisets, D.
Pervillé, juillet 1835-P01777623 et W. de
Schoenefeld, 5/8/1845-P01777642.
Une tentative infructueuse de réintroduction a
été effectuée en 1880 (G. Arnal ; Les plantes protégées d’Ile-de-France, p. 85).
Languedoc-Roussillon
Département de la Lozère :
Découvert le 9/9/1897 par l’abbé Coste sur
l’Aubrac, entre Bonnecombe et St-Laurent-de-
Muret (Herbier de Montpellier). Une douzaine
de pieds étaient encore visibles le 15/8/1990
dans ce secteur de l’Aubrac lozérien où la zone
tourbeuse qui les abritait a fini par s’assécher
partiellement suite à la plantation de résineux à
proximité (comm. pers. C. Bernard).
Toujours présent en Margeride (quelques indivi-
dus au Lac de Charpal – F. Dabonneville) en 2010
mais aussi au Mont-Lozère (Le Pont-de-Monvert –
15/9/2008 Emeric Sulmont ; CBN du Massif
15 « Cette plante a été découverte en 1835, à
l’herborisation dirigée par M. Adr. De Jussieu, dans
l’étang du Serisaye ! près Rambouillet, où elle était
très localisée et très peu abondante. Depuis 1845, on
l’a vainement cherchée à cette même localité, d’où
elle a très probablement disparu à la suite du dessè-
chement de l’étang. »
central), station qui, par ses 50 pieds, est alors
la plus riche de France.
Limousin
Département de la Haute-Vienne :
En 1927, le botaniste E. Simon évoquait dans un
article16 la possibilité de présence de l’espèce
dans le centre-ouest de la France, plus précisé-
ment dans les départements de la Haute-Vienne
mais aussi de la Creuse, de la Vendée et de la
Charente-Maritime : « On comprend aisément
que la présence du Malaxis dans la Loire-
Inférieure et en Gascogne laisse espérer sa
possibilité dans les landes de la Gâtine et du
Bocage vendéen, puisque les facteurs humidité
et température y sont sinon les mêmes, du moins
à peu près intermédiaires… On explorera peut-
être aussi avec fruit les landes de Montendre et
de Bussac dans la Charente-Inférieure… J’ai la
conviction que les hauts plateaux du Limousin,
vers Ambazac, La Courtine ou les Millevaches,
livreront tôt ou tard notre Orchidée, lorsqu’elle
y aura été spécialement recherchée ». L’avenir
lui donnera raison vingt ans plus tard : « Décou-
verte en 1949 par M. Cruveillier, M. Grison et M.
Malabre, en Haute-Vienne, sur la commune de
Nedde, station retrouvée en 1998 et encore
présente en 1999 (M. Cruveillier) » (Brugel et al. ; Plantes et végétation en Limousin – p. 333 ;
2001). Encore observé par M. Cruveillier le
15/8/1998 dans une station de la commune voi-
sine de Beaumont-du-Lac (Chloris®, CBN du
Massif central).
L’espèce a par ailleurs été observée par Rallet
et Kerhoas en 1969 sur la commune de Comprei-
gnac17.
Département de la Corrèze :
Trouvé le 7/9/1996 par Eric Brugel (commune
de Tarnac, non loin de la Haute-Vienne, aux
abords du plateau de Millevaches pressenti par
E. Simon). Dans cette même station, une hampe
florale a été revue en 1999 par E. Brugel et une
autre le 29/8/2006 par E. Hennequin du CREN
Limousin (Chloris®, CBN du Massif central).
16 A propos d’une plante rare ; Revue Scientifique du Limousin n° 342, p. 89-92. 17 17ème session extraordinaire de la Société bota-
nique de France, p. 11 ; 1969.
49
Département de la Creuse :
Une station conséquente de 31 hampes florales
a été trouvée le 9/8/2006 par Guillaume Doucet
à Saint-Pardoux-Morterolles (Chloris®, CBN du
Massif central).
Revue en 2009 (3 hampes) par M. Mady et G.
Doucet.
Lorraine
Département de la Moselle :
Trouvé aux environs de Bitche par F.
Schultz : « Cette jolie orchidée avait déjà été
signalée en 1820 près de Deux-Ponts et
d’Haspelscheidt par M. Schultz, qui l’a retrouvée
en 1833 dans les marais entre Forbach et Sar-
reguemines ». (J. J. J. Holandre ; Nouvelle flore de la Moselle, 2ème éd., p. 702 ; 1842). C’est en
fait à Saint-Avold que F. Schultz a retrouvé
l’espèce comme il le précise lui-même, revendi-
quant fermement au passage18, en août 1856, la
18 « De pareilles indications ne m’étonnent pas dans un
ouvrage où plusieurs découvertes que j’ai faites à
Bitche, pendant un séjour de plus de vingt ans dans
cette ville et de pénibles recherches faites pendant
30 ans dans ce pays, ainsi qu’aux environs de Sarre-
guemines, de Forbach etc., sont attribuées à des
jeunes gens qui n’étaient pas encore nés lorsque
j’avais déjà signalé mes trouvailles. Quoiqu’il soit
toujours désagréable de se voir enlever de cette
façon, ce que l’on a gagné par de pénibles travaux et
des privations de toutes sortes, on n’y fait pas atten-
tion quand cela se fait dans les ouvrages des igno-
découverte de l’espèce à Bitche « il y a plus de
trente ans » (Archives de la flore de France et d’Allemagne, p. 240 ; 1842-1869).
La dernière observation aurait été faite à
l’Erbsenthal en 1922 (Les plantes protégées de Lorraine ; S. Muller ; 2006). L’espèce est cepen-
dant encore évoquée en 1938 en ce lieu : « Il est
encore trop tôt pour rechercher dans ses
sphaignes humides et trompeuses le très rare
Malaxis paludosa » (Société d’histoire Naturelle de la Moselle, n° 35 à 39, p. 81)
Département des Vosges :
Trouvé à Liezey par F. Schultz19 avant 1834
puisque J.-B. Mougeot en fait alors mention dans
les Annales de la Société d’émulation du dépar-tement des Vosges (p. 616). Cette station a per-
duré jusqu’en 1986 (R. Cézard).
Encore présent en 2010 (une quinzaine de pieds -
comm. pers. J.-C. Ragué), dans une autre station
(La Bresse) connue au moins depuis août 1862
(une planche de l’herbier Mantz conservé à
Strasbourg en montre 4 pieds) et redécouverte
le 7/8/2000 (Mathé et Pierné ; L’Orchidophile
n° 145 ; 2001).
Remarque : on trouve à la p. 1087 du tome 3 de
Phytographie encyclopédique ou flore de l’ancienne Lorraine et des départements circon-voisins, publié en 1805 par R. Willemet, la men-
tion d’Ophrys paludosa, sans aucune localisation
ni observateur. Rien ne permet d’affirmer qu’il
s’agit là d’une observation précoce de l’espèce
dans l’est de la France car l’ouvrage reprend
nombre d’indications anciennes, parfois erro-
nées.
Midi-Pyrénées
Département de l’Aveyron :
La première indication est un exemplaire
d’herbier daté du 28/9/1893 : « Landes des
Vialettes, tourbière près de la route de Ségur
(Aveyron), E. Simon » (Herbier de Montpellier).
Retrouvé le 10/8/1894 sur les monts du Lévezou
rants, mais il est pénible de le voir dans un livre pu-
blié par un savant aussi estimable que M. Godron. » 19 « J’ai déjà dit, dans ces Archives, p. 240, que j’ai
trouvé le premier cette plante à Liézey, dans les
Vosges granitiques, et que je l’y ai montrée à MM.
Jacquel et Billot, qui ne l’avaient jamais trouvée. »
Ph. H. Mathé
La Bresse - 2000
50
(entre Viarouge et Salles-Curan - 850 m) par
l’Abbé J. Soulié (comm. pers. Christian Bernard
et Herbier de Montpellier).
Les dernières observations ont été faites en
1972 (Viarouge - comm. pers. C. Bernard & G.
Fabre) et 1974 (J.-L. Menos – Cartographie des
orchidées de l’Aveyron, p. 14).
Basse-Normandie
Département de l’Orne :
Selon la littérature, il a été découvert à La
Trappe20 en 1855 par P.-M. Lubin-Thorel (Al-
phonse de Brébisson ; Flore de la Normandie ;
1859 et Bulletin de la Société des sciences na-turelles de l’Ouest de la France T. 7, p. 56 ;
1897).
Cependant, Auguste Chevallier rapporte : « Dans
l’Orne la plante a été recueillie en plusieurs lo-
calités entre 1850 et 1910 » (1954 ; Bull. de la
Société Botanique de France, vol. 101, p. 139).
La première preuve physique semble être une
planche d’herbier du MNHN (P01777596) issue
de l’Institut botanique de Caen et datée des 6
et 7 août 1854, qui contient la note suivante :
« Cette plante a été trouvée en 1854 dans le
marécage tourbeux, nommé la commune des
Barres, à la Trappe. Herborisation avec Mes-
sieurs Duhamel prof. à Camembert, Mellion
pharm. à Noirmoutier qui en ont fait une bonne
récolte ». Boisduval, qui est sans doute l’auteur
du texte précédent, relate une herborisation
faite en août 1861 à Notre-Dame-de-la-Trappe :
« Mais la meilleure localité est un marais très
petit, appelé marais des Barres, à 1 kilomètre à
peine du cloître : c’est là que l’on trouve le Ma-laxis paludosa, dans de petites rigoles vaseuses,
recouvertes à peine de quelques centimètres
d’une eau presque stagnante, à reflet roussâtre.
J’ai essayé souvent de cultiver cette jolie petite
Orchidée… J’en ai rapporté environ une quaran-
taine de pieds vivants, que je cultive maintenant
dans la vase même extraite des rigoles de ces
marais, et j’espère pouvoir en présenter l’année
prochaine quelques beaux exemplaires à la So-
ciété » (1861 ; Société Botanique de France, vol.
8, p. 535).
L’espèce y était présente en septembre 1910 :
« Malaxis paludosa, Sw., que l’on croyait dispa-
20 Commune de Soligny-la-Trappe.
rue des marais de la Trappe, et qui a été re-
trouvée en septembre dernier par M. Focet,
avoué à Alençon et très zélé botaniste ». (Le-
tacq in Bulletin de la Société Linnéenne de Nor-mandie, Ser. 6, Vol. 4, p. XLIV ; 1910-1911).
Elle est encore notée en 1934 « derrière le Mo-
nastère de la Grande-Trappe » (G . Lémée ; Sur
quelques phanérogames nouvelles pour le terri-
toire du Perche ; Bulletin de la Société Lin-néenne de Normandie Sér. 8, Vol. 7, p. 102 ;
1935).
Une nouvelle station est découverte vers 1880 à
Beaufai par R. Ménager (SBF 101, op. cit.), et
encore une autre le 28/7/1897, à Gandelain par
Letacq (Sur le Malaxis paludosa Sw. observé à
Gandelain (Orne) et sur quelques plantes trou-
vées dans les marais de Mont-Souprat, Le Monde des Plantes, VII, n° 96, p. 188 ; 1897),
lequel y observera la plante jusqu’en 1921 (Bull. Soc. Sc. Nat. Ouest, 4e Sér. T. III, p. 6 ; 1923).
L’emplacement exact de la station est donné, en
1897, par H. Léveillé dans les Suppléments à la
Flore de la Mayenne (p. 151) : « dans le maré-
cage près du moulin de Buhéru au-dessous de
l’ancien étang du Gué Roncin sur Gandelain ». Il
semble avoir encore été observé en plusieurs
endroits, aux environs de La Trappe, par Gaston
et Jeanne Moreau entre 1950 et 1980 d’après
des informations de la SFO Normandie
(http://sfo.normandie.fr).
Département de la Manche :
Les premières dates pour ce département sont
rappelées en 1954 dans un article du Bulletin de la Société Botanique de France (vol. 101, p. 140) :
« Plus à l’ouest encore, dans la Manche, le Ma-
laxis a été signalé en deux localités : Besnou ;
Flore de la Manche, 1882, p. 307, la signale à
Menton, région d’Avranches (ce Menton n’est
pas mentionné sur les cartes locales) ; enfin, L.
Corbière récolta la même plante, dans la Manche
aussi, en marais de Gorges vers 1885 ».
Il est de fait noté « RRRR. Tourbières de Men-
ton, sur le Sphagnum » en 1884 (Mémoires de la Société Académique du Cotentin Tome IV).
La station du marais de Gorges est bien indi-
quée, par l’auteur même de sa découverte, en
1886 (L. Corbière ; Nouvelles herborisations aux
environs de Cherbourg et dans le Nord du dé-
partement de la Manche ; Bulletin de la Société
51
Linnéenne de Normandie Sér. 4 Vol. 1, p. 117;
1886-1887).
Un exemplaire daté du 29/7/1886, récolté par
Louis Corbière, apparaît dans son herbier
(CHE000827).
Le marais de Gorges est la seule station du dé-
partement subsistant en 1905. (L. Corbière ; La flore du Cotentin ; Congrès de l’association
française pour l’avancement des sciences, p. 97 ;
3 au 10 août 1905).
Le département est encore cité dans la Flore de
France de G. Rouy en 1912 (T. XIII, p. 220).
Pays de la Loire
Département de Loire-Atlantique : découvert
en 1800 par Hectot à La Verrière, dans les ma-
rais de l’Erdre près de Nantes. (J. Lloyd ; Flore de l’Ouest de la France ; 1844).
Une relation plus détaillée de cette découverte
est faite par E. Gadeceau :
« Le Malaxis paludosa n’est pas mentionné par
les Flores françaises de De Candolle (1815),
Duby (1828), Loiseleur (1828). Cependant cette
plante avait été trouvée par M. Hectot. Les
échantillons qu’il avait recueillis restèrent dans
son herbier parmi les inconnus, jusqu’au jour où
M. Lloyd retrouvait la plante en août 1836, à la
même localité « Baie de la Verrière ». Et lorsque
M. Lloyd, au milieu de ses récoltes de commen-
çant, la présenta à M. Hectot : C’est mon orchi-dée de l’an huit ! s’écria-t-il vivement » (Bulletin de la Société des sciences naturelles de l’Ouest de la France T. 5, p. 45 ; 1895).
Présent à Sucé-sur-Erdre jusqu’en 1999 où il fut
apparemment retrouvé (après quelques années
d’absence ?) en juillet 2011, d’après une obser-
vation publiée sur le site de Tela-Botanica.
Département de la Mayenne :
La date la plus ancienne pour ce département se
trouve dans un numéro du Bulletin de la Société Linnéenne de Normandie (Sér. 8 Vol. 4 n° 10 - p.
72 ; 1931), en note de bas de page : « Cette
Orchidée, signalée par Letellier à la Sourdière-
du-Bois en 1861, n’y a jamais été retrouvée ».
L’observation faite deux ans plus tard au Boulay,
sources de l’Ornette, est bien mieux documen-
tée, par l’inventeur même : « Partis d’Alençon, le
2 juillet 1863, le Dr Prévost, un étudiant et moi,
nous suivîmes la route de Bretagne jusqu’à la
Lacelle et prenant à gauche nous atteignîmes le
signal des Avaloirs (417 mètres). De là, nous
descendîmes un peu au hasard la première vallée
qui se présentait à nous à travers la forêt de
Multonne. Bientôt la vallée s’élargit, les bois
disparaissent et vous avez sous les yeux une
vaste prairie tourbeuse à l’entrée… C’est dans le
haut de cette prairie que nous avons trouvé le
Malaxis paludosa… Déjà même quelques fleurs
étaient ouvertes, et nous faisaient vivement
regretter d’être venus un mois trop tôt » (Bulle-tin de la Société Botanique de France T. XII, p.
132 ; 1865).
Une localisation encore plus précise de la station
est fournie par Hector Léveillé, en 1895, dans
sa Petite Flore de la Mayenne : « Landes tour-
beuses derrière et au-dessus du moulin du Four-
neau, près du champ de tir, en revenant vers le
bois et vers le moulin, au pied du mont des Ava-
loirs, à 1 800 mètres de la gare ».
Il est effectivement rappelé, en 1956, dans le
Bulletin de la Société Botanique de France (vol.
103 - p. 485) que la plante fut trouvée le
2/7/1863 par M. Letellier à la tourbière du
Fourneau (Massif des Avaloirs ; Pré-en-Pail),
précisant même que « la station recelait en 1863
plusieurs milliers de pieds de Malaxis ».
52
La redécouverte de la station de Pré-en-Pail est
confirmée par l’abbé A.-L. Letacq, guide d’une
excursion botanique en date du 6/7/1897 :
« Le Malaxis paludosa Sw., découvert au Four-
neau en 1887 par notre collègue M. Ménager,
était le but principal de la visite à Pré-en-Pail ;
nous l’y avons trouvé en bon état et en quantité
suffisante pour que chacun puisse en emporter
plusieurs échantillons » (Bulletin de la Société Linnéenne de Normandie Sér. 5, Vol. 1 ; 1897).
La station de Pré-en-Pail a subsisté jusqu’à la
veille de la seconde guerre mondiale : « En 1922,
M. Allorge n’en aperçut que trois pieds, et moi-
même un seul en 1931, malgré des recherches
multipliées » (G. Lémée, Les Bruyères à
Sphaignes du Massif de Multonne : Etude phy-
togéographique ; Bulletin de la Société Lin-néenne de Normandie Sér. 8 Vol. 4 n° 10, p. 72).
La plante y est notée présente jusqu’en 1938
dans Flore et végétation du Massif Armoricain
(H. des Abbayes ; Tome I - p. 1153 ; 1971) et
« disparue depuis 1938 » dans La Flore de la Mayenne (C. David et al. ; 2009).
Malgré tout, un exemplaire d’herbier plus récent
est conservé au MNHN : l’étiquette indique un
prélèvement (2 parts) de H. Laurence daté du
16/8/1939 (Herbarium Musei Parisiensis -
P02222804).
Picardie
Département de la Somme :
Le doute exprimé quant à l’existence de l’espèce
dans le Catalogue des plantes de France, de Suisse et de Belgique de E. G. Camus en 1888 a
été levé dans la Flore descriptive et illustrée de la France de H. Coste en 1906 (tome 3ème, p.
406) et dans la Flore de France de G. Rouy en
1912 (T. XIII, p. 220) mais aucun indice supplé-
mentaire ne vient étayer ces indications. Par
contre, la mention qui apparaît dans un autre
ouvrage de E. G. Camus en 1929 (Iconographie des Orchidées d’Europe et du Bassin méditer-ranéen, p. 427), semble corroborer l’observation
suivante de C. d’Alleizette, rapportée par le Dr
Poucel (in A la découverte des Orchidées de France - p. 177) :
« 1916. L’offensive de la Somme. J’étais à Bray-
sur-Somme. Un beau jour, étant allé au Q.G.
voisin d’Etinchun21, je suis resté en panne et, la
route n’étant pas praticable, je suis rentré à
Bray par les prairies tourbeuses des bords de la
Somme. Fatigué, je me suis assis sur un monti-
cule (carex et cladium) et, là, mon attention a
été attirée par une araignée qui tissait une toile
sous mes pieds pour ainsi dire. Un petit épi mi-
nuscule, jaunâtre, se trouvait servir de point de
départ à l’araignée… et cet épi appartenait au
Malaxis – un peu tardif cette année. J’ai pu en
garder quelques brins. Qu’est devenue cette
station, labourée peu après par les obus ? »
Selon le CBN de Bailleul, cette mention est dou-
teuse et, de fait, il est difficile de savoir à par-
tir de ce texte de quel Malaxis (paludosa ? loe-selii ?) parlait ce botaniste de renom, bien que le
Dr Poucel l’attribue clairement à Hammarbya paludosa.
Quelques indices sont troublants et pourraient
aller dans le sens du Liparis loeselii, pour des
raisons :
- morphologique : l’épi de la plante est noté
jaunâtre, et non verdâtre ;
- écologique : le marisque (Cladium mariscus)
croît de préférence dans les marais alcalins
où il cohabite souvent avec Liparis loeselii ; - phénologique : la floraison est qualifiée de
tardive ; or l’offensive de la Somme a com-
mencé le 1er juillet 1916 et, de fait, le récit
de d’Alleizette date de ce mois, à une pé-
riode où Liparis loeselii est généralement
déjà fleuri alors qu’Hammarbya paludosa ne
l’est pas encore.
Cependant, une planche d’herbier conservée à
Clermont-Ferrand (CLF061333) montre claire-
ment une part de Malaxis paludosa comportant 5
échantillons (détermination confirmée par le
Conservateur des Herbiers de Clermont-
Ferrand) récoltés ce jour-là par Ch. d’Alleizette.
L’espèce a donc bien existé un temps dans ce
département mais l’observation rapportée ci-
dessus est la seule qui soit certifiée.
21 Erreur de transcription : le nom réel est Etinehem,
comme l’indique la planche d’herbier correspondante.
53
Liparis loeselii Hammarbya paludosa
Dessins Y. Fuchs
IV) Les données douteuses ou erro-
nées
La première mention de l’espèce en
France pourrait se trouver dans un ouvrage inti-
tulé Démonstrations élémentaires de botanique
vol. 2 de M.A.L. Claret de Fleurieu de La Tou-
rette & François Rozier, paru en 1796, où les
auteurs signalent (p. 661) la présence d’un
Ophrys paludosa « dans les prairies maréca-
geuses de Dauphiné22 ». A noter que cette indi-
cation n’apparaît pas dans l’édition de 1773 du
même ouvrage mais qu’elle est reprise dans le
Système des Plantes de C. von Linné Vol. 4 de
1805 et le Linné françois Vol. 4 de 1809.
Les botanistes locaux contactés à ce sujet dou-
tent de ces informations, pour le moins vagues,
et une confusion entre Ophrys paludosa et
Ophrys loeselii est probable même si les deux
taxons sont nettement différenciés dans les
ouvrages cités en référence.
Peut-être s’agit-il d’une station de Savoie, dé-
partement qui apparaissait encore sur la carte
de répartition nationale de l’espèce dans le fas-
cicule Une répartition des Orchidées sauvages de France de P. Jacquet en 1988.
En effet, l’espèce aurait été soupçonnée précé-
demment, hors période de floraison
(29/9/1981), dans un marais de la vallée des
Huiles (nord-est de La Rochette) par R. Fritsch :
« Dans un marais perché près La Table, une
Phragmitaie claire avec mousses humides (pas de
22 L’ancienne province du Dauphiné correspondait
alors aux départements de la Drôme, de l’Isère et
des Hautes-Alpes.
Sphagnum) nous a livré une curieuse orchidée à
deux bulbes superposés séparés par un inter-
valle, du type Malaxis paludosa (une seule cap-
sule mûre surmontait la tige) : La plante laissée
en place devra être réexaminée dans l’avenir »
(Bulletin de la Société d’Histoire Naturelle de la Savoie ; N° 129).
La station du marais de La Table recelant une
belle population de Liparis loeselii, cette men-
tion est par conséquent jugée erronée par les
responsables de la cartographie départementale.
De telles erreurs de détermination impliquant
ces deux espèces voisines se retrouvent fré-
quemment au XIXème siècle, dans bon nombre de
régions.
Aquitaine
Département de la Gironde :
Cité dans une ancienne flore (Ch. des Moulins)
aux environs de la Teste, assurément par confu-
sion avec Liparis loeselii qui y est connu depuis
le milieu du XIXème siècle. Contrairement à ce
dernier taxon, il n’est nullement question
d’Hammarbya dans le Catalogue Raisonné des Plantes Vasculaires de la Gironde, en 2005.
Sa présence dans le département n’est donc pas
retenue par la SFO Aquitaine.
Bretagne
Département d’Ille-et-Vilaine :
L’espèce y est citée « très rare » dans le Sup-plément à la Flore de la Mayenne (H. Léveillé, p.
151 ; 1897). Cette indication fait peut-être ré-
férence à une station située au lac de Murin
54
indiquée, la même année, dans un Bulletin de la Société des sciences naturelles de l’Ouest de la France (Tome 7, p. 103 – C. Piquenard ; Cata-logue des plantes vasculaires spontanées du département d’Ille-et-Vilaine) en note de bas de
page : « Malaxis paludosa Sw. a été trouvé au lac
Murin, près Massérac (Lloyd), non loin des li-
mites de l’Ille-et-Vilaine ». Les marais jouxtant
le lac se trouvent pour partie en Ille-et-Vilaine
et pour partie en Loire-Atlantique. Par consé-
quent, sans plus de précisions sur la localisation
exacte de la station découverte par Lloyd, le
doute peut subsister.
Franche-Comté
Département de la Haute-Saône :
ZNIEFF « Etang du Grand Arfin, tourbière des
Couas et prairies environnantes », sans date,
d’après l’INPN – MNHN.
La base de données du Conservatoire Botanique
National de Franche-Comté ne connaît pas
l’espèce. Le CBN de Franche-Comté m’a confir-
mé que cette information était erronée par
suite probablement d’une erreur de saisie ou de
transcription d’un code informatique.
Île-de-France
Dans cette région, l’incertitude porte principa-
lement sur l’observation éventuelle de l’espèce
avant 1835.
Dès le début du XVIIIème siècle, Sébastien Vail-
lant signale dans son Botanicon Parisiense un
Ophrys bifolia bulbosa, à Episy dans l’actuelle
Seine-et-Marne. En page 146 de l’édition de
1727, il précise : « Je ne croy pas que la plante
d’Epysi soit celle de Plukenet qui a une vingtaine
de fleurs à son épi. Sa fleur n’a point d’Eperon.
C’est un vray Ophris. Fleurit en juillet ».
A la fin du siècle, J. L. Thuillier écrit, sous
Ophrys paludosa : « Tige peu garnie de feuilles,
et à cinq angles saillants ; feuilles radicales hé-
rissées d’aspérités vers leur sommet ; lèvre du
nectaire entière ; fleurs d’une couleur verdâtre,
comme toute la plante. Se trouve dans les prés à
Buc23. Fleurit en mai et juin24» (1790 ; Flore des
environs de Paris, p. 258).
23 Localité des Yvelines répertoriée par le CBNBP.
Dans l’édition de 1799 du même ouvrage (p.
465), il fait l’observation suivante : « Il paroît
que Tournefort, Vaillant, Dalibard et plusieurs
autres Botanistes ont pris l’Ophrys Loeselii pour
celui ci que je n’ai pas encore rencontré. On peut
s’y tromper à la vérité, attendu que ces deux
espèces ont beaucoup de rapports entre elles ».
Par la suite, l’Ophrys paludosa est traité de fa-
çon variable dans les ouvrages de botanique :
En 1805, dans la Flore française vol. 3 de J.-B.
de Lamarck et A.-P. de Candolle, on trouve le
commentaire suivant concernant Malaxis loeselii : « Cette plante diffère, par sa hauteur trois fois
plus grande et sa tige trigone et non pentagone,
de la Malaxis paludosa, que quelques auteurs ont
faussement indiquée comme indigène des envi-
rons de Paris ».
En 1812, F.-V. Mérat affirme : « L’O. paludosa L.
ne vient pas aux environs de Paris » (Nouvelle flore des environs de Paris).
Une planche d’herbier du MNHN (P01777621),
étiquetée « Env. de Paris, St léger, juillet 1835,
trouvé par Pervillé » et léguée au Muséum par le
24 La description de la plante pourrait correspondre à
Hammarbya paludosa, mais la période de floraison est
aberrante.
55
Dr Mérat en 1851 contient des notes qu’il me
semble intéressant de reproduire ici (les ? si-
gnalent des mots difficilement lisibles) :
Note de M. Mérat sur l’Ophrys paludosa : « M. Pervilé a trouvé cette année 1835 à
l’herborisation de St Léger, de M. A. de Jussieu,
l’ophrys paludosa à l’étang du Cerisaie. On en a
eu (?) une vingtaine de pieds.
On croit que cette espèce est celle indiquée par
Vaillant sous le nom d’ophrys bifolia bulbosa n°
146, et pour laquelle il indique la planche 247,
fig. 2 de Plukenet, qui est celle indiquée par
Linné (Suecia 1341).
Il n’indique pas où elle se trouve, ni s’il l’a trou-
vée lui-même, ce qu’il fait ordinairement pour les
plantes rares.
Il ajoute seulement, dans le premier article, qu’il
ne croit pas que la plante d’Epysi soit celle indi-
quée de ( ?) Pluk. qui serait alors l’O. loeselii, la
seule qu’on puisse confondre avec elle et qui se
trouve en plusieurs endroits des environs,
quoique assez rare encore.
A. de Jussieu m’a écrit (?) que l’O. paludosa se
trouvait dans l’herbier de Vaillant, mais il pour-
rait l’avoir reçu d’ailleurs, car ordinairement il
indique le jour où il a trouvé une plante rare.
8 février 1836 ».
Une annotation en marge précise : « l’été de
1835 a été fort (?) chaud et l’étang presque
desséché ».
Note de A. de Jussieu :
« le malaxis paludosa se trouve dans l’herbier
Vaillant sous le nom de Ophrys palustris radice
repente Tourn. 437 Bifolium palustre Parkins.
Il y a 2 échantillons d’Angleterre venant de Par-
kinson.
1 autre sans origine indiquée, coll. (?) à part est
probablement celui qui a été trouvé en France
par Vaillant lui-même et auquel se rapporte plus
spécialement l’étiquette ci-dessus.
Tous les trois sont identiques entre eux et avec
les échantillons trouvés à St Léger ».
Ces commentaires de de Jussieu semblent vali-
der la découverte d’Hammarbya paludosa en
région parisienne par Vaillant, ce qui apparaît
dans les ouvrages ultérieurs de Mérat :
« Vaillant paraît la mentionner dans son Botani-con, sous le n°3, au mot Ophrys. On en trouve
effectivement un échantillon dans son herbier,
déposé au Jardin du Roi, mais sans indication de
localité » (F.-V. Mérat, Nouvelle flore des envi-rons de Paris, 1838).
« L’Ophrys paludosa L. a été, non pas trouvé,
mais retrouvé en 1835 à l’herborisation de M. de
Jussieu, par M. Pervilé, dans l’étang du Cerisaie
(et non Serisaie) ; car Vaillant le signalait déjà
de son temps (Ophris n°3, p. 126 du Botanicon) »
(F.-V. Mérat, Revue de la flore parisienne ;
1843).
Il est fort probable que la plante observée par
Vaillant à Episy était Liparis loeselii mais il n’est
pas exclu qu’il ait pu récolter Hammarbya palu-dosa en un autre endroit.
En tout état de cause, seule l’observation de A.
de Jussieu est certifiée et les incertitudes de
la nomenclature prélinnéenne amènent à prendre
les indications précoces avec beaucoup de cir-
conspection (G. Arnal - comm. pers.).
Les dates publiées par l’INPN – MNHN corres-
pondent à de telles données discutables (1799)
ou des reprises d’indications anciennes (Jean-
pert ; 1911).
Languedoc-Roussillon
Département des Pyrénées-Orientales :
Signalé en 1864 par Louis Companyo dans son
Histoire naturelle du département des Pyré-nées-Orientales, T. 2, à la p. 653 : « Habite les
prairies humides qui bordent la Désix dans le
vallon de Rabouillet ». Mais l’auteur, qui indique
la même écologie et la même phénologie que pour
Liparis loeselii, dit lui-même : « Ces deux plantes
ont une si grande ressemblance, qu’on les con-
fondrait, si les fleurs ne venaient en aide pour
les distinguer ».
L’information est démentie de façon acerbe en
1879 par E. M. J. Jeanbernat & E. Timbal-
Lagrave dans Le Massif du Laurenti : Pyrénées françaises. Géographie, géologie, botanique :
« Cette espèce n’a jamais été observée dans les
Pyrénées… indication de pure fantaisie… » et il
n’en est nullement fait mention dans la Flore des Pyrénées-Orientales de G. Gautier en 1898.
Cette opinion m’a été confirmée par J.-M. Le-
win : en l’absence de toute preuve physique et au
regard des nombreuses erreurs relevées dans
l’ouvrage de Companyo, l’espèce doit être exclue
du département.
56
La présence ancienne de l’espèce est indiquée, à
tort, dans l’Inventaire des plantes protégées en France (p. 136).
Nord-Pas-de-Calais
Département du Pas-de-Calais :
Marais de Merlimont (cité en 1942 par le Dr
Poucel in A la découverte des Orchidées de France, p. 176) et Ambleteuse : « Bas-fonds à
gauche de la route de Wimereux à Ambleteuse.
Excessivement rare (Massart) » (cité en 1913
par A. M. Giard ; Faune et Flore de Wimereux, p.
150).
Ces informations sont douteuses selon le CBN
de Bailleul qui y voit de probables confusions
avec Liparis loeselii et n’intègre pas Hammarbya paludosa dans la flore locale. Liparis loeselii est
effectivement un élément bien connu de la végé-
tation des pannes d’arrière dunes des régions de
Berck-Merlimont ou d’Ambleteuse.
Basse-Normandie
Département du Calvados :
Un Ophrise paludosa (sic) est signalé « Des ma-
rais », en p. 79 de la Flore du Calvados de H. F.
A. de Roussel en 1796. C’est très probablement
une nouvelle confusion avec Liparis loeselii qui a
existé dans ce département.
Dans l’Annuaire des cinq départements de la Normandie de 1895, A.-L. Letacq détaille la
flore de l’Orne et des départements limitrophes
(Considérations sur la géographie botanique du
département de l’Orne) : Malaxis paludosa est
indiqué dans l’Orne et la Mayenne et clairement
inconnu du Calvados (« mais il manque au Calva-
dos… Gymnadenia albida, G. odoratissima, Ma-laxis paludosa… », p. 280) ainsi que de Haute-
Normandie (Seine-Inférieure et Eure, p. 272)
et de la Sarthe (p. 270). Par contre, il n’est pas
exclu de la Manche, sans y être toutefois indi-
qué explicitement.
Haute-Normandie
Département de l’Eure :
Le site de l’INPN fait référence à un inventaire
botanique effectué en 1983 par L. Delvosalle,
(Inventaire de l’institut floristique franco-
belge). Les contacts que j’ai eu avec l’IFFB et le
CBNBI indiquent que cette mention ne doit pas
être prise en compte : « Nous considérons
toutes les données d’Hammarbya paludosa comme douteuses ou erronées dans nos 3 ré-
gions du NW de la France25… la donnée IFFB est
à écarter » (CBN Bailleul).
Pays de la Loire
Département de la Sarthe :
La plante aurait été trouvée au marais du Breil
par Manceau (Bulletin de la société d’agricul-ture, sciences et arts de la Sarthe 2ème série
Tome XVIII ; 1865).
Cette affirmation est mise en doute par A. Gen-
til dans un Inventaire général des plantes vascu-laires de la Sarthe, publié dans un autre numéro
de la même revue :
« Dans une note, Manceau a indiqué incidemment
Malaxis paludosa au Breil, probablement par
suite d’une erreur de synonymie. Je possède en
effet en herbier un échantillon de Liparis loeselii Rich., recueilli par Manceau au Breil, vers cette
époque. Le Malaxis paludosa Sw. n’a pas été si-
gnalé autrement dans la Sarthe – A exclure »
(Bulletin de la société d’agriculture, sciences et arts de la Sarthe, 2ème série Tome XXVI, p.
307-308 ; 1893).
L’erreur de détermination est confirmée par ce
même botaniste en 1925 : « La plante des maré-
cages du Breil, qui n’existent plus, était le Lipa-ris loeselii Rich., comme l’attestent l’échantillon
et l’étiquette de Manceau, conservés dans mon
herbie » (Bulletin de la société d’agriculture, sciences et arts de la Sarthe, Vol. 50 à 51, p.
84).
Voir aussi, plus haut, la discussion sur le Calvados.
Picardie
Département de la Somme :
Signalé à Saint-Quentin (C. M. Grenier & D.
A. Godron ; Flore de France tome 3ème, p. 276 ;
1855 et A. Bautier ; Flores partielles de la France comparées ; 1868). Mention dont je n’ai
eu aucune confirmation et qui semble bien être
de nouveau une confusion avec Liparis loeselii,
25 Mes recherches concernant la Somme montrent
que tel n’est pas le cas.
57
présent dans les « marais sablonneux des dunes
de Saint-Quentin-en-Tourmont » (Eloy de Vicq &
Blondin de Brutelette ; Catalogue raisonné des plantes vasculaires du département de la Somme ; 1863). Le département est cité, avec
doute, par E. G. Camus dans son Catalogue des plantes de France, de Suisse et de Belgique, en
1888.
Seule l’observation de C. d’Aleizette en 1916
doit être retenue.
Rhône-Alpes
Département de l’Ardèche :
Indiqué en 1999 à Montselgues (CREN Rhônes-
Alpes d’après un fichier SFO) mais jamais ob-
servé en ce lieu par les botanistes du CREN.
L’examen des fiches de cartographie originales
montre que celle faisant référence à Hammar-bya paludosa n’est pas fiable et n’indique, en
tout état de cause, qu’une possibilité de pré-
sence (J.-P. Mandin ; Société Botanique
d’Ardèche). Selon G. Scappaticci, il pourrait
s’agir d’une confusion avec une station lozé-
rienne voisine (comm. pers.).
Orchidée à exclure de la flore ardéchoise.
V) Causes de disparition
Dans un article26 que l’on pourrait quali-
fier de visionnaire, un botaniste normand expo-
26 M. Bertot – De la convenance et de l’utilité des
jardins botaniques dans les localités secondaires ;
sait en 1870 les principales menaces pour la
flore indigène, dont le Malaxis :
- emprise routière, fauche des bords de
routes et des fossés,
- défrichement des landes, bois et marais
pour la mise en culture,
- amendement, élimination des espèces « inu-
tiles », augmentation de la productivité agri-
cole,
- curage et rectification des cours d’eau,
- récoltes excessives par les botanistes,
- introduction d’espèces exogènes.
Il proposait aussi des mesures de protection
comme la création de zones-refuges ou de jar-
dins botaniques, prémonitoires de nos actuels
conservatoires botaniques, mais aussi des ac-
tions pédagogiques comme le retour de
l’enseignement de la botanique à l’école !
La plus importante cause de régression
de l’espèce a été indubitablement la disparition
de ses milieux de vie. Dans de nombreuses ré-
gions, la plante, strictement inféodée à un bio-
tope très spécifique et fragile, n’a pas survécu
au drainage, à l’exploitation puis à la mise en
culture des tourbières où elle prospérait autre-
fois. Dès le XIXème siècle, ces changements en-
vironnementaux, qui se sont considérablement
accélérés après 1950, sont pointés du doigt :
« Lorsqu’on dessèche ou défriche les marais, ou
lorsqu’on enlève les Sphagnum, le Malaxis palu-dosa disparaît avec les Sphagnum. Je l’ai vu dis-
paraître de cette façon, depuis 30 ans, de plus
de cent localités où il abondait autrefois, et on
finira bientôt par le détruire entièrement. » (F.
Schultz ; Archives de la flore de France et d’Allemagne, p. 240 ; 1856).
« Depuis plus de trente ans l’étang du Serisaye a
été desséché et mis en culture, de magnifiques
moissons ont remplacé le Malaxis qui ne se
trouve plus que dans les herbiers de rares
élèves et contemporains d’Adrien de Jussieu. Le
Malaxis paludosa est perdu et bien perdu pour la
Flore parisienne, c’est une plante devenue au-
jourd’hui historique et presque légendaire. »
(Emile Deyrolle ; Le Naturaliste vol . 1 & 2, p.
271 ; 1879).
Bulletin de la Société Linnéenne de Normandie Sér. 2
Vol. 6, p. 439-443 ; 1870-1872.
Extraction de la tourbe en Corrèze
au début du XXème siècle
58
Cette évolution était déjà pressentie par les
anciens botanistes, comme Emile Gadeceau qui,
en 1895, dresse le bilan suivant27 :
« Terminons par quelques remarques relatives à
l’aire de dispersion de Malaxis paludosa.
Lloyd, nous l’avons vu, énumère plusieurs locali-
tés de cette rare orchidée dans l’Ouest de la
France ; Cosson et Germain la notent comme
disparue des environs de Rambouillet (Seine-et-
Oise), où elle avait été découverte par A. de
Jussieu, en 1835 ; Camus la cite avec doute dans
la Somme ; Kirschleger mentionne plusieurs lo-
calités dans les Vosges ; Corbière, dans sa ré-
cente et excellente Flore de Normandie, lui en
attribue trois dans ses limites ; enfin, la plus
méridionale de toutes les stations françaises
connues et probablement de celles d’Europe, est
l’étang de Léon, dans les Landes. Il est à
craindre que le défrichement croissant des
tourbières restreigne de plus en plus l’aire du
Malaxis ».
Une communication personnelle de C. Bernard à
propos de l’Aveyron corrobore ce fait : « Dispa-
ru depuis, car les tourbières et landes tour-
beuses du Lévezou ont été drainées et trans-
27 Bulletin de la Société des sciences naturelles de
l’Ouest de la France T. 5, p. 49.
formées en champs labourés. » Plus radicaux
encore furent l’ennoyage de stations pour créer
des plans d’eau ou la transformation de cer-
taines tourbières en décharges !
Le même sort a été réservé progressivement à
la station landaise de l’étang de Léon, détruite à
la fin du XXème siècle par assèchement de la
tourbière à des fins agricoles et cynégétiques.
L’unique station d’Indre-et-Loire a disparu suite
à des plantations diverses, à l’eutrophisation, à
la création d’étangs de pêche mais surtout aux
récoltes excessives28 (J.-P. Amardeilh & J.-C.
Roberdeau – comm. pers.).
Une autre cause réside en effet dans les
prélèvements inconsidérés effectués par les
botanistes dans certaines stations afin de réali-
ser des planches d’herbiers. F. Schultz, celui-là
même qui déplorait la disparition de l’espèce
dans les tourbières de l’est de la France, ne
faisait pas moins commerce d’exemplaires
d’herbiers ! En 1856, il propose le Malaxis palu-dosa dans une de ses centuries29, laquelle est
tarifée au prix de 25 francs !
En 1897, H. Léveillé fait le commentaire suivant
concernant la station de Pré-en-Pail : « Station
fort riche autrefois mais apauvrie (sic) par
l’inventeur lui-même et par l’abus des centu-
ries30 ».
En 1942, le Dr Poucel, collectionneur des orchi-
dées de France, rencontrait pour la première
fois l’espèce au bord de l’étang de Léon, dans les
Landes : « D’abord un échantillon trop jeune,
nourrisson imperceptible. Puis 4 autres sujets
adultes en parfait état, leurs fleurs de quelques
millimètres bien reconnaissables. Je n’en re-
cueille que deux pour ne pas appauvrir la sta-
28 L’herbier Tourlet contient une planche de 22
échantillons prélevés le même jour (10 sept. 1889)
dans cette station ! 29 Contrairement à une idée répandue, une centurie
désignait à l’époque un ensemble d’au moins 100 parts
d’herbiers d’espèces différentes et non nécessaire-
ment 100 plantes d’une même espèce. Cependant, une
centurie pouvait regrouper jusqu’à 1 000 échantillons
de plantes, parmi lesquels un grand nombre
d’échantillons d’une même espèce puisque, dans les
sociétés d’échanges, chaque abonné recevait le même
lot de parts. 30 Supplément à la Flore de la Mayenne, p. 151.
15/08/1910 - Vosges du Nord
Herbier Emile Issler
Fondation Suisse d’Orchidées
59
tion ». Ce qui représente tout de même 40 % de
la population !
Un commentaire de C. Bernard à propos des
stations aveyronnaises abonde dans ce sens :
« Donné comme parfois abondant à l’époque (XIXème
siècle), et de ce fait, très (trop !) récolté ».
Certes, les herborisations du passé n’ont finale-
ment eu que peu d’impact sur le maintien général
de l’espèce et les parts d’herbier restent des
témoins indispensables à la connaissance scien-
tifique d’une situation floristique révolue. Il est
clair cependant que les récoltes destinées aux
sociétés d’échange ou des prélèvements con-
joints de 8 à 10 plantes dans une même station,
comme le montre la planche d’herbier de la page
précédente ne pouvaient qu’amoindrir, à terme,
les populations.
Si les prélèvements physiques n’ont
guère cours de nos jours, la surfréquentation
des stations par des botanistes ou autres pho-
tographes friands d’un cliché rare devient un
problème crucial, mais qui ne date pas
d’aujourd’hui. Pour preuve ce commentaire de
1897, paru dans un Bulletin de la Société des
sciences naturelles de l’Ouest de la France (T.
7, p. 56), à propos de la station normande de La
Trappe : « Les visites nombreuses de botanistes
reçues par cette riche localité firent bientôt
disparaître la rarissime Orchidée ».
Que ce soit en Lozère (lac de Charpal) ou dans
les Vosges (station de la Bresse), le piétinement
(les troupeaux de bovins n’étant pas seuls en
cause !) induit par des visites surabondantes
contribue à l’amenuisement de ces stations.
Rappelons que ce taxon est protégé au niveau
national en France (annexe 1 de l’arrêté du 20
janvier 1982). Une enquête effectuée sous
l’égide de la SFO a abouti en 2009 à une propo-
sition de classement du taxon dans la catégorie
EN (pour Endangered = En danger : taxon con-
fronté à un risque très élevé d’extinction à
l’état sauvage) sur la liste rouge régionale31 des
orchidées de France, établie selon les critères
de l’UICN. Sans rentrer dans les détails (le lec-
teur pourra prendre connaissance des nombreux
critères, précis mais complexes, sur le site
www.uicn.fr), cette proposition est motivée par
le critère suivant qui s’applique à Hammarbya paludosa dans notre pays : « Population estimée
à moins de 2 500 individus matures, présentant
un déclin continu, constaté, prévu ou déduit du
nombre d’individus matures et ne comportant
pas de sous-population estimée à plus de 250
individus matures ». Cela fait référence autant
à l’effectif total du taxon, qu’à son potentiel de
reproduction ou au déclin de sa population sur
une période de 30 ans. L’évolution négative des
populations d’Hammarbya paludosa en France au
cours des dix dernières années pourrait même
faire envisager son reclassement dans la caté-
gorie CR (Critically endangered = En danger cri-
tique d’extinction : taxon confronté à un risque
extrêmement élevé d’extinction à l’état sau-
vage), qui ne concerne actuellement aucune or-
chidée de France métropolitaine (comm. pers. P.
Feldmann) !
Il convient également d’évoquer les phé-
nomènes d’évolution naturelle des tourbières
dont la lenteur n’a cependant rien à voir avec les
causes d’origine anthropique, bien plus rapides
et dévastatrices car souvent irrémédiables !
31 Ce terme, à prendre au niveau mondial, renvoie au
territoire français métropolitain.
▼ Lac de Lispach
Ancienne station vosgienne de l’espèce
60
En l’absence d’intervention extérieure, les mi-
lieux tourbeux sont soumis aux aléas clima-
tiques, aux perturbations hydrologiques, à
l’atterrissement et à la dynamique de la végéta-
tion qui mènent, à terme, à la fermeture du mi-
lieu et au boisement. Le déclin des effectifs
constaté dans plusieurs populations françaises
depuis le début des années 2000 (dans un rap-
port de 1 à 4 !), qui est en partie la conséquence
du caractère de plante à éclipses de l’espèce, ne
peut que s’avérer préoccupant car un nombre
réduit d’individus dans une station, en diminuant
les possibilités de reproduction et de brassage
génétique au sein de la population, compromet la
pérennité de la station. Ajoutons à cela le faible
taux d’ovaires fécondés chez Hammarbya palu-dosa, évalué entre 5 % (Seité 2001) et 20%
(Claessens 2010), que la biologie particulière de
l’espèce semble cependant compenser par la
production de bulbilles à l’apex des feuilles,
mode de reproduction végétative par clonage
des individus qui semble relativement efficace.
Les actions d’entretien et de restauration visent
à enrayer l’eutrophisation, l’envahissement par
les espèces ligneuses, et permettre à une flore
herbacée peu concurrentielle de se réimplanter,
rétablissant ainsi une grande biodiversité floris-
tique mais aussi faunistique. Outre une bonne
gestion hydrologique, les pratiques agro-
pastorales traditionnelles (étrépage superficiel,
fauche, pâturage extensif), qui favorisaient les
plantes pionnières comme Hammarbya paludosa,
un renforcement des populations par culture ex
situ ou une restauration des milieux de vie de la
plante font partie des stratégies mises en
œuvre de nos jours dans les plans de sauvegarde
des tourbières, comme le préconise une étude
du Conservatoire Botanique National de Brest32.
Les cartes données en annexe font le bi-
lan des observations de l’espèce à différentes
dates. Chacune d’elles prend en compte les ob-
servations sur une période de 50 ans en arrière,
sauf celle de 2010 pour laquelle je n’ai retenu
que les mentions avérées pendant les 10 années
précédentes. Les efforts de prospection, dans
des biotopes encore naturels et favorables à la
plante, entre les milieux des XIXème et XXème
32 Plan de conservation en faveur du malaxis des ma-
rais (Hammarbya paluudosa (L.) Kuntze) en Bretagne.
A. Lieurade. CBN Brest, 2009.
siècle y apparaissent nettement, d’où une cer-
taine stabilité pendant cette période, alors que
le déclin de l’espèce dans la seconde moitié du
XXème siècle est patent. La Bretagne reste, par
l’importance de ses populations, le bastion
d’Hammarbya paludosa en France. La survie de la
station de Loire-Atlantique, qui aura subsisté
pendant deux siècles, est remarquable quand
tant d’autres stations françaises n’ont pas ré-
sisté à quelques dizaines d’années d’agressions
diverses. Bien rares en effet sont celles qui ont
« soufflé leurs cent bougies » !
De même, certaines stations du Finistère, de la
Lozère et des Vosges ont perduré jusqu’à nos
jours dans des départements qui ont conservé
une certaine ruralité.
L’expérience a montré que des prospections
systématiques dans les tourbières peuvent
aboutir, avec un peu de chance, à la découverte,
ou la redécouverte dans ses stations histo-
riques, de cette plante discrète et capricieuse,
comme ce fut le cas en Bretagne, dans les
Vosges ou dans les Pyrénées-Atlantiques.
Des informations de dernière minute me per-
mettent de conclure sur une note plus opti-
miste : l’été 2011 semble avoir été favorable à
Hammarbya paludosa en Lozère, où les gardes
du Parc National des Cévennes ont découvert de
nouvelles stations et comptabilisé 215 pieds
dans le département (comm. pers. F. Dabonne-
ville).
Prélude à une remontée des effectifs de
l’espèce dans un avenir proche ?
« - Malaxis, malaxis, tu as beau te cacher,
je t’aurai…
Et je l’ai eu. Victoire ! voilà Malaxis !
Te Deum laudamus ! »
J. Poucel 1942
61
Remerciements à toutes les personnes qui, d’une
manière ou d’une autre, m’ont aidé dans mes
recherches :
P. Amardeilh (SFO) ; M. André (CBN Franche-
Comté) ; P. Antonetti (CBN Massif central) ; G.
Arnal (CSRPN Ile-de-France) ; S. Audouard
(Société Linnéenne de Bordeaux) ; C. Bernard
(Société Botanique du Centre-Ouest) ; F. Blan-
chard (CBN Sud-Atlantique) ; F. Botté (Société
Botanique Ligérienne) ; T. Bousquet (CBN
Brest) ; P. Burnel (SFO Normandie) ; L. Chabrol
(CBN Massif central) ; F. Dabonneville (SFO
Languedoc) ; T. Delahaye (SFO Rhônes-Alpes) ;
P. Delforge (Les Naturalistes Belges) ; F. Dusak
(SFO Ile-de-France) ; O. Escuder (INPN-
MNHN) ; P. Feldmann (Commission scientifique
SFO) ; B. Gerbaud (SFO Aquitaine) ; A. Gévau-
dan (SFO Rhône-Alpes) ; M.-L. Guérin (MHN
Nantes) ; G. Haan-Archipoff (Herbiers de
Strasbourg) ; C. Hauguel (CBN Bailleul) ; M.
Hoff (Société Botanique d’Alsace) ; P. Jacquet
(SFO Rhône-Alpes) ; F. Jouandoudet (CREN
Aquitaine) ; J. Koenig (SFO Auvergne) ; J.-M.
Lewin (SFO Roussillon) ; A. Lieurade (CBN
Brest) ; J.-P. Mandin (Société Botanique
d’Ardèche) ; T. Pain (SFO Ile-de-France) ; B.
Pascault (CREN Rhône-Alpes) ; Y. Peytoureau
(Société Botanique du Centre-Ouest) ; A. Pierné
(SFO Lorraine-Alsace) ; J.-C. Ragué (Conserva-
toire des Sites Lorrains) ; J.-C. Roberdeau (SFO
Centre-Loire) ; J. Saintenoy-Simon (Association
pour l’Etude de la Floristique asbl) ; G. Scappa-
ticci (SFO Rhône-Alpes) ; P. A. Schäfer (Her-
bier de Montpellier) ; F. Seité (Naturaliste Bre-
tagne) ; S. Sprunger (Fondation Suisse
d’Orchidées) ; C. Surand (SFO Centre-Loire) ; C.
Roux & G. Thébaud (Herbiers de Clermont-
Ferrand) ; F. Thiery (SFO Franche-Comté) ; B.
Toussaint (CBN Bailleul).
Remerciements à Serge Muller, du laboratoire
de phytoécologie de l’Université de Metz, pour
ses informations concernant l’Alsace et la Lor-
raine ainsi que pour sa relecture de l’article.
Toute donnée complémentaire dont je n’aurais
pas eu connaissance est la bienvenue.
* 3 rue de Guebwiller, 68840 Pulversheim
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63
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1925 : Bulletin de la société d’agriculture,
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1931 : LEMEE G., Les Bruyères à Sphaignes du
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1935 : LEMEE G., Sur quelques phanérogames
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1959 : ENGEL R. & KAPP E., Bulletin de la Socié-
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au n° 135 ; SFO-Paris.
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Linnéenne de Bordeaux Tome 4 ; SLB - Bor-
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http://gallica.bnf.fr
http://archiv.org.
http://biodiversitylibrary.org
http://www.tela-botanica.org
http://inpn.mnhn.fr
http://sonneratphoto.mnhn.fr
http://orchid.unibas.ch
http://herbier.u-strasbg.fr
http://herbiertourlet.univ-tours.fr
64
Annexe 1
Récapitulatif historique de la présence d’Hammarbya paludosa en France.
Région Département Première observation Dernière observation33
Alsace Bas-Rhin 1830 ? 1939 ?
Haut-Rhin 1873 1873
Aquitaine Landes 1880 ? 1980
Pyrénées-Atlantiques 2008 2010
Auvergne Cantal 1898 1919
Bretagne
Côtes-d’Armor 1955 1997
Finistère 1890 ? 2010
Morbihan 1844 1886
Centre Indre-et-Loire 1889 1908 ?
Ile-de-France Yvelines 1835 1845
Languedoc-Roussillon Lozère 1897 2010
Limousin
Corrèze 1996 2006
Creuse 2006 2009
Haute-Vienne 1949 1999
Lorraine Moselle 1820 1922
Vosges 1833 ? 2010
Midi-Pyrénées Aveyron 1894 1974
Basse-Normandie Manche 1881 ? 1905 ?
Orne 1850 ? 1980 ?
Pays de Loire Loire-Atlantique 1800 1999
Mayenne 1861 1939
Picardie Somme 1916 1916
33 Les dates indiquées sont parfois issues d’ouvrages reprenant des données antérieures à leur année de parution. Il
est alors difficile de dater précisément la dernière observation de l’espèce.
65
Annexe 2
Cartes de répartition d’Hammarbya paludosa en France.
66
66
Erasanthe henrici, représentant d’un nouveau genre malgache
Dominique Karadjoff *
L’observation de la morphologie ainsi que les
dernières études ADN ont permis à Phillip J.
Cribb, Johan Hermans et David L. Roberts
de resituer Aeranthes henrici, une des plus
belles orchidées malgaches dans un nouveau
genre sous le nom d’Erasanthe henrici.
Aeranthes henrici a été décrit pour la pre-
mière fois par Rudolph Schlechter en 1925.
Classé parmi les Aeranthes sans doute en
raison de la couleur blanc vert des fleurs,
cette nouvelle espèce a été nommée henrici
en l’honneur du grand botaniste français
Henri Perrier de La Bathie, auteur de la
Flore de Madagascar (1939-1941).
Le genre Aeranthes comprend 48 espèces
principalement originaires de Madagascar,
des Mascareignes et des Comores, deux
espèces étant localisées en Afrique (Zim-
bawe) : A. africana J. Steward et A. parkesii
G. Will. Le genre est caractérisé par des
racines fines ramifiées, des feuilles assez
épaisses et surtout des fleurs plus ou moins
translucides allant de la couleur blanche à la
couleur verte. L’éperon est en général court
et chaque pollinie est attachée à un visci-
dium propre.
Une étude récente menée par Phillip Cribb,
Johan Hermans et Daniel Roberts (Andanso-
nia 2007) s’est intéressée au cas de
L’Aeranthes henrici R. Schltr. (1925) qui ne
semblait pas correspondre aux critères
morphologiques des Aeranthes. En effet, on
note chez ce dernier des racines épaisses,
peu nombreuses, des feuilles oblancéolées
aux bords ondulés et une inflorescence à
hampe pendante, un peu comme dans le
genre Aerangis, donnant naissance à des
fleurs de très grande taille qui s’ouvrent
simultanément. Enfin on remarquera un très
grand éperon. Devant ces critères il était
licite de pousser plus loin les investigations
afin de savoir où situer réellement cette
plante dans la grande famille des orchidées
malgaches. Ainsi, en dehors de ces différen-
ces morphologiques, une étude ADN menée
par Micheneau (2005) sur les séquences
génétiques ITS et MatK indiquent que A.
henrici est proche génétiquement des gen-
res Beclardia, Cryptopus et Oeonia et
qu’inversement, il est éloigné du genre Ae-
ranthes qui est lui même proche des Jumel-
lea, grande famille malgache. Il était donc
devenu nécessaire de reclasser A. henrici,
ce qui a été fait en 2007 avec la création du
nouveau genre Erasanthe. Sont alors décrits
deux taxons, Erasanthe henrici forme typi-
que et E. henrici subsp. isaloensis du sud-
ouest malgache.
Erasanthe henrici (Schltr.) P.J. Cribb, J.
Hermans, D.L. Roberts Andansonia (2007)
L’origine du nom de genre Erasanthe pro-
vient de l’anagramme du nom Aeranthes,
genre nouveau monotypique comprenant les
deux sous-espèces citées.
La forme typique
Plante épiphyte, acaule. Feuilles oblancéolées
de 3 à 4 cm de large sur 15 à 20 cm de long,
bords ondulés. Racines charnues.
Hampe florale naissant à la base de la tige,
pendante, portant de 3 à 7 fleurs blanches
de grande taille. Une bractée brune de 1,5
cm recouvre la naissance de chaque pédicelle
qui avec l’ovaire mesure 4 cm. Fleur blanche
au labelle vert dans sa partie proximale,
67
sépale médian linéaire aigu et étroit de 9 cm
sur 1,3 cm. Sépales latéraux larges à leur
base de 2 cm, acuminés, étroits, aigus et
falciformes de 10 cm sur 1 cm ; pétales plus
courts également étroits et falciformes de
6,5 cm sur 1 cm ; labelle de 7 à 8 cm de long
sur 3,5 cm de large, denticulé, fimbrié sur
ses bords, très finement acuminé en son
extrémité. Colonne de 1 cm ; éperon long et
fin de 12 cm.
On trouve E. henrici au nord et nord-est
d’Antananarivo jusqu’à Antsirana, en épi-
phyte sur les arbres de la forêt humide du
plateau, entre 800 et 1 000 m d’altitude.
La plante fleurit en mars-avril à Madagascar,
en septembre-octobre en culture en Europe
(photo p. 40).
Erasanthe henrici subsp. isaloensis
Diffère de l’espèce typique par un pédicelle
et un ovaire plus courts, des fleurs plus pe-
tites, triangulaires, une colonne plus longue
et un éperon plus court. On la trouve uni-
quement dans les gorges du massif de l’Isalo
au sud-ouest d’Antanarivo sur la route de
Tuléar.
Protection
En 2005, avec mon ami malgache d’adoption,
Alain Petit Jean m'a fait découvrir les lam-
beaux de forêt primaire du plateau du Tam-
pokets au nord-ouest d'Antananarivo sur la
route de Mahajunga. La savane était brûlée
sur des dizaines et des dizaines de kilomè-
tres, à perte de vue, et la désolation sem-
blait partout. En fait, nous étions en pleine
période de culture sur brûlis. Le problème
de cette méthode de culture, c’est qu’elle
est totalement incontrôlée, mais heureuse-
ment des lambeaux de forêt primaire survi-
vent dans des petits vallons à l'abri des
flammes des feux de brousse quoique, mètre
par mètre, le feu finit par les détruire au fil
des années. Là, accrochés à la cime des ar-
bres, plusieurs Erasanthe henrici survivent,
certains portant des capsules bien grosses,
espoir de graines et de perpétuation de
l'espèce si leur biotope survit ?
L’espèce est déclarée en voie de disparition
sur toute l’île. Cependant quelques tentati-
ves de culture in vitro et de culture de mé-
ristèmes lui donneront peut-être une
deuxième vie en milieu protégé, en alimen-
tant le commerce d’orchidées et en évitant
ainsi la surcollecte sauvage encore actuelle-
ment de mise.
Culture
Je cultive E. henrici sur plaque d’écorce avec
succès. Surtout en raison de sa hampe flo-
rale pendante, il est placé en serre chaude
plutôt en hauteur. Il apprécie une bonne
luminosité sans excès ; je le pulvérise d’eau
de pluie tous les jours en période de chaleur,
moins souvent en hiver. Je lui donne des
engrais dilués dans l’eau d’arrosage une fois
par semaine, sauf en hiver. Sa floraison
semble quand même indexée à un bon enso-
leillement à l’année, ce qui a été le cas cette
année.
Bibliographie
Cribb P, Hermans J., Roberts D. L., 2007.
Erasanthe (Orchidaceae, Epidendroideae, Aeran-
gidinae), a new endemic orchid genus from Mada-
gascar, Adansonia, sér. 3. 29 (1).
Cribb P., Hermans J., 2009. Field guide to the
orchids of Madagascar, Kew publishing.
Hermans J. & C., Du Puy D., Cribb P., Bosser J.,
2007. Orchids of Madagascar, second edition,
Kew publishing.
* 6A, avenue Clémenceau – 54150 Briey
68
Bal(l)ade pour une polonaise
Monique et José Guesné *
Ma première rencontre avec Neottianthe cucullata remonte à 2007, dans le numéro
173 de l’Orchidophile. Un article de Ryszard
Plackowski nous la présentait au travers
d’une étude sur son écologie en Lettonie.
Elle me fut remise en mémoire début 2011
lorsque mon ami David Prusa, orchidophile
tchèque, me présenta ses vœux. En effet,
elle figurait en bonne place sur sa carte !
Il n’en fallut pas plus pour me donner l’envie
d’aller la voir. David l’ayant photographiée en
Pologne, cela me parut plus réalisable, la
Pologne et la Slovaquie étant limitrophes.
Neottianthe cucullata est une orchidée eu-
rasiatique tempérée dont le territoire
s’étend de la Baltique au Japon. Localisée et
rare, elle figure sur plusieurs listes rouges
d’espèces en voie de disparition. L’est de la
Pologne semble être sa limite de répartition.
Sa floraison s’étale de juillet à août, dans un
habitat de mi-ombre à ombre sur substrats
acides, humides et profonds, en particulier
dans les forêts primaires de résineux.
On la trouve au nord-est de la Pologne, en
Lituanie, Lettonie, Ukraine, Biélorussie,
Russie et Japon. Sa présence en Hongrie
demande à être confirmée.
C’est une plante grêle, de 10 à 40 cm de
haut, présentant 2 feuilles basilaires oppo-
sées. L’inflorescence, lâche, est formée de 3
à 30 fleurs. La fleur, rose à rougeâtre, pré-
sente un casque formé des sépales et des
pétales rassemblés . Le labelle est profon-
dément trilobé et dirigé vers l’avant. Le lobe
médian, linguiforme, plus large et plus long
que les lobes latéraux, est de couleur blanc à
rosé avec quelques petites taches plus fon-
cées. L’éperon est bien développé, descen-
dant et arqué vers l’arrière. La plante est
munie de 2 tubercules ovoïdes.
David, sollicité et fidèle à sa gentillesse, m’envoya
donc les coordonnées de la station, celle-ci se
trouvant dans le nord-est de la Pologne, près
d’Augustow, non loin de la frontière lituanienne, à
environ 950 km de Bratislava.
La période la plus propice pour la voir étant fin
juillet - début août, d’après David, et vu les
conditions climatiques de cette année 2011, la
balade en Pologne se fera du 11 au 19 juillet avec
une visite sur la station d’Augustow programmée
le 13 juillet.
Nous avons quitté Bratislava le 11 juillet au matin
et avons fait un premier arrêt à Varsovie. Nous y
avons vu nos deux premières orchidées, de
splendides gravures dans la vitrine d’un
bouquiniste de la vieille ville !
Neottianthe cucullata Swiss Orchid Foundation at the Herbarium Jany Renz
Cypripedium harrisianum Cypripedium stonei
69
Après une journée de visite dans cette ville
magnifique et une bonne nuit de repos, c’est
le 13 juillet au matin que nous prenons la
direction d’Augustow.
Augustow se trouve dans la voïvodie de Po-
dlachie, créée le 1er janvier 1999 suite à une
loi réorganisant le découpage administratif
du pays. D’une superficie de 20 180 km², les
réserves naturelles y couvrent le tiers du
territoire. Elle a été consacrée poumon vert
de la Pologne par l’UNESCO. Peu fréquen-
tées par les touristes, les forêts y ont
conservé leur caractère quasi primaire.
La station de Sucha Rzeczka se trouve à 15
km environ d’Augustow. Les indications de
David devraient nous permettre de la trou-
ver sans problème mais les bornes de pierre
jalonnant la route forestière nous ont ce-
pendant réservé une surprise.
Nous nous sommes arrêtés à la première
borne 148 trouvée et, bien que
l’environnement ne corresponde pas complè-
tement aux photos de David, nous avons en-
trepris d’explorer le chemin forestier qui
menait au canal.
Nous y avons découvert Goodyera repens et
Epipactis atrorubens en début de floraison
ainsi qu’une jolie pyrole Chimaphila umbellata.
Malgré tous nos efforts, nous n’avons pas
trouvé Neotthiante cucullata. J’ai donc
pensé qu’elle n’était tout simplement pas
encore en fleur car le biotope où nous nous
trouvions lui convenait bien...
Ne sachant pas où menait la route, nous
avons rebroussé chemin. Quelques centaines
de mètres plus loin, surprise ! nous décou-
vrons une autre borne numérotée 148. En
effet, ces bornes portent un numéro diffé-
rent selon la direction prise, 147 d’un côté
et 148 de l’autre. Cette fois le site corres-
pondait parfaitement aux photos et c’est donc
plein d’espoir que nous sommes repartis à la
recherche de notre jolie polonaise.
Ici encore, beaucoup de Goodyera repens et
d’Epipactis atrorubens puis, le long du chemin,
juste en limite des arbres, une dizaine de pieds
d’une orchidée fanée. J’ai immédiatement pensé
qu’il s’agissait bien de Neotthiante cucullata, les
conditions climatiques ayant été, ici aussi, plus
que difficiles. Nous avons donc stoppé nos
recherches et repris le chemin d’Augustow.
Il nous restait cependant une petite chance, le
parc national de Wigry près de Suwalki à une
quarantaine de kilomètres. Nous nous y rendrons
donc le lendemain.
Le parc national de Wigry fut créé en 1989. Il
couvre une superficie de 15 075 ha incluant plus
de 9 000 ha de forêt. Situé dans la partie nord de
la forêt d’Augustow, son histoire géologique est
marquée par la dernière glaciation. Dix-huit
espèces reliques de l’époque glaciaire y ont été
identifiées.
C’est dans ce parc qu’en 2003 une expérience de
réintroduction de Neotthiante cucullata a été
engagée à partir de plantes prélevées sur la
station d’Augustow.
Quatre sites avaient été sélectionnés pour cette
expérience en fonction principalement de la
nature du sol et de la situation géographique qui
devait permettre d’assurer aux plantes
l’approvisionnement nécessaire en humidité mais
également un abri discret.
Le site définitif choisi, les plantes furent
transférées durant la dernière quinzaine du mois
d’août 2003. En 2004, 24 de ces plantes avaient
refleuri mais seules 8 d’entre elles portaient des
graines. A l’automne 2004, 26 nouveaux pieds
furent introduits sur le site.
Dans ce même parc, une étude a été menée de
1998 à 2003 sur une station existante montrant
une fluctuation importante de la population. La
météorologie, d’après cette étude, pourrait expli-
quer en partie ces fluctuations, un hiver froid
suivi d’un été sec pouvant entraîner une baisse
notable des effectifs.
C’est sous une fine pluie que nous arrivons à
Krzywe, l’un des points d’accès au parc. La
personne de l’accueil ne parle pas anglais mais
comprenant que nous souhaitons avoir un
renseignement, nous fait signe d’attendre et
E. atrorubens Chimaphila umbellata Augustow – 13/07/11
70
revient quelques instants plus tard accom-
pagnée de l’un des employés du parc.
Après lui avoir expliqué, en anglais, la raison
de notre présence, il me regarde, incrédule,
et me demande de répéter ma question...
Il me répond alors : Neottianthe cucullata...
Yes, we have but it’s TOP SECRET !
Je m’attendais un peu à cette réponse, cette
orchidée figurant dans le livre rouge des es-
pèces en voie de disparition en Pologne…
Je me lance dans de nouvelles explications :
nous venions de France, avions constaté que
les plantes étaient fanées sur la station
d’Augustow et espérions pouvoir la voir à
Wigry...
L’incrédulité fit place alors à l’étonnement
puisqu’il n’avait pour ainsi dire jamais vu de
français faire un tel déplacement...
Nous sommes restés un vingtaine de minutes
avec lui, il m’a alors confirmé qu’il y avait 2
stations de N. cucullata dans le parc, l’une
naturelle, l’autre découlant bien de
l’expérience de réintroduction menée depuis
2003.
Malheureusement pour nous, l’accès en est
strictement réservé aux scientifiques qui
continuent de suivre leur évolution.
Avant de nous quitter, il nous a remis un
fascicule sur le parc où figure, bien évidem-
ment, cette petite orchidée ainsi qu’un plan
de la région qui nous permettra dans l’après-
midi de partir à la découverte de sites ne
figurant sur aucun guide.
Au sortir de l’accueil, c’est une pluie bat-
tante qui nous attend mais nous avons notre
arme secrète : de magnifiques capes de
pluie, souvenir d’un séjour dans les Dolomi-
tes. Nous partons donc sans crainte en ba-
lade dans la forêt à la recherche des cas-
tors qui, eux aussi, décideront de nous faire
faux-bond !
Après la pluie, le soleil ! Mais nous restons
cachés sous nos capes car les moustiques
sont féroces. C’est par la découverte d’une
maison traditionnelle et d’étonnantes ruches
que nous terminons notre visite.
Nous prenons la route le lendemain 15 juillet, pour
3 jours, direction Malbork afin de visiter son
magnifique château, classé au patrimoine mondial
de l’UNESCO, puis Gdansk, Sopot et les environs.
La pluie nous accompagne pendant une partie du
trajet qui, bien que relativement court, nous
prend plus de temps que prévu. Nous avons eu
l’occasion de constater que la Pologne est le
paradis des cigognes. En effet, les nids sont très
nombreux et il n’est pas rare d’y voir 4 petits !
C’est à Piasky, petit bourg situé à quelques
centaines de mètres de la frontière de l’enclave
territoriale russe de l’oblast de Kaliningrad, que
nous verrons nos dernières orchidées : 2 pieds de
Goodyera repens, découverts par hasard en
bordure d’un chemin forestier alors que nous
allions en bord de mer Baltique pour y tremper
nos pieds.
Château de Malbork
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Retour sur Bratislava le 19 juillet au soir
après une dernière nuit à Cracovie et la vi-
site de l’ancienne mine de sel de Wieliczka
classée, elle aussi, au patrimoine mondial de
l’UNESCO.
Par acquit de conscience cependant, alors
même que je rédigeais cet article, j’ai expé-
dié à David 2 photos de l’orchidée fanée
découverte à Augustow. David s’est montré
formel : pour lui il ne s’agissait pas de Neot-thiante cucullata mais probablement d’une
platanthère bien que les feuilles me parais-
sent différentes de celles que nous trouvons
chez nous.
Il a ajouté que, vu les conditions climatiques
de cette année 2011, il est probable que les
Neottianthe se sont faites plus discrètes et
qu’il était très difficile de les voir tant
qu’elles n’étaient pas en fleur.
Arrivés trop tôt ? trop tard ? Notre balade
pour une polonaise est donc une œuvre ina-
chevée tout comme le fut pour Chopin sa
mazurka en fa mineur opus 68 n°4... toute
modestie et comparaison mises à part bien
sûr !
Aussi, c’est avec l’aimable autorisation de
David Prusa que peuvent être publiées dans
notre bulletin les photos en couleur de cette
magnifique petite orchidée !
Je conclurai cet article par un petit clin d’œil à
l’un de nos sympathiques adhérents et amis,
Michel Rohmer, qui a eu l’occasion de voir
Neottianthe cucullata sous d’autres cieux : c’était
fin août 1993, sur les pentes du Fuji Yama, dans
une forêt de grands pins établie sur une coulée de
lave du 18ème siècle (biotope classique) à côté d’un
parking, lors d’une excursion botanique dans le
cadre d’un congrès où il avait donné une
conférence. Il n’avait malheureusement pas
emporté ce jour-là son appareil photo.
Remerciements à David PRUSA pour ses
informations et ses photos.
Bibliographie et documentation :
Plackowski R., 2007 – Neottianthe cucullata (L.)
Schltr., une orchidée menacée en Lettonie –
L’Orchidophile n° 173 : 117-121.
Delforge P., 1994 – Guide des orchidées
d’Europe, d’Afrique et du Proche-Orient, 2ème éd.
Delachaux & Niestlé, Lausanne, Paris, 480 p.
Krzysztofiak L. – Rapport sur la mise en œuvre
du projet de protection active d’espèces en péril
d’orchidées près de la forêt d’Augustow.
En polonais :
Krzysztofiak A. & L., Romański M. : Czynna ochrona gatunków storczykowatych w rejonie Puszczy Augustowskiej. Krzywe koło Suwałk :
Wigierski Park Narodowy. Sur www.wigry.win.pl
Wodkiewicz M. – La dynamique des populations de
Kukuczka kapturkowatej, Neottianthe cucullata
(L.) Schlechter dans le parc national Wigierski.
En polonais : Dynamika populacji kukuczki kaptur-
kowatej Neottianthe cucullata (L.) Schlechter w
Wigierskim Parku Narodowym. Sur www.astn.pl En anglais : Individual fates of Neottianthe
cucullata plants in Wigierski national park, NE
Poland. Sur www.zbi.ee
http://orchid.unibas.ch
http://fr.poland.gov.pl
http://fr.wikipedia.org
http://www.wigry.win.pl
http://www.astn.pl
http://www.zbi.ee
* 6, rue de l’Echo – 54370 Maixe.
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Exotic’Infos
Monique Guesné
Expositions 2012 en quelques dates :
Fondation Eugène Napoléon Paris (75) -
20/01 au 22/01/12 - FFAO
Vitry-le-François (51) – 10/02 au 12/02/12 -
AAOE
Abbaye de Vaucelles (59) – 15/03 au
19/03/12
Pavillon Joséphine Strasbourg (67) - 16/03
au 19/03/12 - AROS
Commanderie d’Alden Biesen Bilzen (B) -
06/04 au 09/04/12
Mirecourt (88) - 21/09 au 23/09/12 – SFO-LA
Quelques livres :
Lexiguide des orchidées - collectif – Ed.
Elcy – 23/03/2011 Les Coelogynes – Elisabeth & Jean-
Claude George – Ed. Belin – 05/2011
Les orchidées de Madagascar – Jean
Bosser & Marcel Lecoufle – Ed. Biotope –
06/2011
Les orchidées – Marcel Lecoufle – Ed.
Artémis – 09/2011
Les orchidées – Pascal Descouvrières –
Ed. Solars – 10/09/2011
Encyclopédie essentielle des orchidées –
Iris Schmidt – Ed. Komet – 10/2011
Encyclopédie des orchidées tropicales -
Pascal Descouvrières – Ed. Ulmer – 27/10/2011
Le traité des orchidées – collectif – Ed.
Rustica – 11/2011
Programme des activités 2012 Les sociétaires qui souhaiteraient prendre part à l’une ou l’autre des activités suivantes sont priés de se faire connaître au préalable auprès de la personne responsable et dont les coordonnées figurent ci-dessous. Faites-le suffisamment tôt car les dates des sorties pourront être avancées ou reculées en fonction de l’état de la végétation qui dépend des conditions météorologiques. Dimanche 29 janvier : Assemblée Générale au Centre socio-culturel de Saverne (67)
10 h 00 : AG statutaire
12 h 30 : repas
14 h 30 : présentations diverses et galette
J.-M. BERGEROT : [email protected] ou 03 83 28 00 34
Date à déterminer : Conseils de culture au Jardin Botanique à Villers-lès-Nancy (54)
J.-L. BARBRY : [email protected] ou 06 88 82 48 72
16 au 19 mars : Participation à l’exposition d’orchidées de l’AROS à Strasbourg (67)
J. et V. SOUVAY : [email protected] ou 03 83 25 90 68
Saison 2012 : Le cartographe de l’Alsace organisera des prospections dans les « carrés » encore
dépourvus de données (voir la nouvelle cartographie sur http://www.sfola.fr). Le contacter pour
définir avec lui les secteurs et les dates de prospection.
A. PIERNÉ : [email protected] ou 03 89 77 22 10
Dimanche 29 avril : Les orchidées du Stauffen le matin et du Zinnkoepfle l’après-midi (68)
La montée au Stauffen requiert des participants une bonne forme physique : marche de plus d’une
heure et dénivelé de l’ordre de 400 m.
P. PITOIS : [email protected] ou 03 29 50 14 83 après 19 h
Dimanche 20 mai : Cypripedium calceolus à Moloy (21)
M. GUESNÉ : monique.guesné@free.fr ou 03 83 70 80 42
Lundi 28 mai : Les orchidées de la Côte de Delme et de Bacourt (57)
H. BAILLET : [email protected] ou 03 87 23 74 68
Dimanche 17 juin : Les orchidées du marais de Pagny-sur-Meuse et du Thillot (55)
M. GUESNÉ : monique.guesné@free.fr ou 03 83 70 80 42
Dimanche 24 juin : Les orchidées et plantes alpines calcicoles du Chasseral, sommet du Jura suisse
(1 600 m). 2 h 30 à 3 h de route depuis Mulhouse. Possibilité d’arriver la veille et de loger sur place
(http://www.chasseralhotel.ch/Fr/indexframe_Fr.htm).
Ch. BOILLAT : [email protected]
Dimanche 5 août : Recherche d’Epipactis helleborine subsp. minor dans le secteur d’Oberhaslach (67)
A. PIERNÉ : [email protected] ou 03 89 77 22 10
21 au 23 Septembre : Exposition organisée par la SFO-LA à Mirecourt (88)
Plus d’informations dans la feuille de liaison d’avril prochain mais réservez dès maintenant ces dates
car nous aurons besoin d’aide.
M. GUESNÉ ou J.-L. BARBRY : voir coordonnées ci-dessus.
« L’abbé aux orchidées » dans sa serre de Saint-Brais.
Courtoisie de Maxime Jeanbourquin.
Article p. 32