islam et culture mai 2012

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Mahi TABET AOUL ISLAM ET CULTURE Edition BENMERABET 2010

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Page 1: Islam   et   culture   mai 2012

Mahi TABET AOUL

ISLAM ET CULTURE

Edition BENMERABET

2010

Page 2: Islam   et   culture   mai 2012

wPPrreemmiièè

م 2010

Tous droits réservés

Dépôt légal : 3771

ISBN : 978-9961

Edition impression BENMERABETTél. : 05 55 43 71 96

Email : [email protected]

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10 -هـ1431Tous droits réservés

3771 - 2010

9961-9903-1-5

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Edition impression BENMERABET

: 05 55 43 71 96 [email protected]

Page 3: Islam   et   culture   mai 2012

3

OUVRAGES DE L’AUTEUR

• Développement durable au Maghreb : Contraintes

et Enjeux : édité par le HEI (Centre des Hautes

Études Internationales) Université de Laval - Québec

– Canada- Juillet 2010

• Société, environnement et santé. Co-auteur,

Cahiers du CRASC - Oran, Algérie - 2009.

• Adapter les agricultures au changement

climatique, Co-auteur, Mediterra, Chapitre 3,

Sciences PO, Plan Bleu et Ciheam - Paris, France –

2009.

• Communication nationale de l’Algérie, Co-auteur -

Convention Cadre des Nations Unies du Changement

climatique (CCNUCC) - 2003

• Note d’alerte n°48 du CIHEAM (Centre International

des Hautes Études Agricoles Méditerranéennes) Juin

2008

• Changement climatique et risques sur le Maghreb,

PNUD - Somigraf - Casablanca, Maroc - 1999.

Page 4: Islam   et   culture   mai 2012

4

• Développement durable et stratégie de

l’environnement, Office des presses universitaires -

Alger, Algérie, 1998.

• Ozone et réglementation - ARCE et IHFR, Oran,

Algérie, 1993.

• Pollution thermique, radioélectrique, bruits et

odeurs. ARCE et IHFR Oran, Algérie, 1993

• Environnement –Passé, Présent et Futur - Edition-

impression BenMerabet- Alger- Algérie 2011

• Islam et Environnement - Edition-Impression

BenMerabet- Alger- Algérie 2010

• Dictionnaire bilingue (français-anglais-français) sur

l’environnement - en voie d’édition.

Page 5: Islam   et   culture   mai 2012

5

REMERCIEMENTS

Merci à Dieu de m’avoir donné foi et force pour écrire.

Je remercie ceux et celles qui ont accepté de lire et de commenter le

contenu de ce livre et émis de nombreux avis et observations. Que

chacun trouve ici l’expression de ma profonde reconnaissance. Je

rends un hommage particulier à Wahida et Si Mohammed pour leur

assistance tout au long de la réalisation de cet ouvrage.

Page 6: Islam   et   culture   mai 2012

6

DEDICACES

Cet ouvrage est l’occasion d’honorer la mémoire des Chahids, mes

compagnons de jeunesse et mes frères de combat, morts à la fleur

de l’âge pour la liberté de l’Algérie : Bouchenak Kamel, Grari

Brahim et Tabet Aoul Touhami. Que Dieu leur accorde sa pleine

miséricorde.

Ma reconnaissance va à chaque membre de ma famille pour la

patience et l’appui apportés tout au long de ma carrière.

Cet ouvrage témoigne de mon profond attachement à la ville de

Tlemcen qui m’a vu naitre et grandir mais que j’ai du quitter à

l’âge de 20 ans. Cette belle ville m’a bercé de sa culture et apporté

le bonheur de la foi et du savoir. Ce n’est que justice si,

aujourd’hui, je lui apporte cette modestie contribution à l’occasion

de sa célébration, en 2011, comme capitale de la culture islamique.

Page 7: Islam   et   culture   mai 2012

7

SOMMAIRE

PRESENTATION DE L’OUVRAGE ______________________________ 8

1. INTRODUCTION _________________________________________ 10

2. DEFINITION DE LA CULTURE _______________________________ 29

3. DIVERSITE CULTURELLE ___________________________________ 47

5. PATRIMOINE CULTUREL ISLAMIQUE ________________________ 87

6. MOYEN AGE OU AGE D’OR DE L’ISLAM, MOYEN AGE OBSCUR DE

L’OCCIDENT ET CONTRIBUTION DE L’ISLAM A LA PENSEE HUMAINE 251

7. APPORT ISLAMIQUE A LA RENAISSANCE EN OCCIDENT _________ 270

8. COMPARAISON ENTRE CULTURE ISLAMIQUE ET CULTURE HUMANISTE

_________________________________________________________ 276

9. CONCLUSION ____________________________________________ 287

BIBLIOGRAPHIE ____________________________________________ 289

Page 8: Islam   et   culture   mai 2012

8

PRESENTATIONION DE L’OUVRAGE

Cet ouvrage est un ouvrage de synthèse qui vise trois objectifs :

• Le premier est de définir la culture et son rôle dans le

développement de la civilisation,

• Le second est d’offrir un manuel synthétique et didactique

pour l’éducation et la formation sur la culture islamique et son

apport au patrimoine universel à travers le « moyen âge d’or »

de l’Islam,

• Le troisième est de relater les témoignages de grands penseurs

occidentaux sur le rôle joué par la civilisation islamique dans

la genèse de la civilisation occidentale.

L’ouvrage aborde les différents piliers de la culture à travers l’éthique et

l’esthétique qui constituent les valeurs spirituelles d’une civilisation, les

ressources naturelles, l’environnement, le cadre de vie, le capital matériel

et technique qui servent à satisfaire les besoins sociaux et enfin

l’organisation socioéconomique et politique. Il précise le rôle de la culture

dans le développement durable. Après l’introduction sur la problématique

culturelle de notre époque, l’ouvrage aborde la question culturelle à quatre

niveaux :

Page 9: Islam   et   culture   mai 2012

9

• le premier porte sur la définition et les caractéristiques

fondamentales de la culture, son évolution, sa diffusion, les

subcultures, le processus d’acculturation, le concept de culture

populaire et la diversité culturelle,

• le second aborde le rôle de la culture et ses liens avec

l’idéologie, la langue, l’histoire, l’éducation, la science, la

politique, l’économie, les ressources naturelles et

l’environnement,

• le troisième concerne la culture islamique et son impact dans

les différents domaines,

• le quatrième décrit l’apport de la culture islamique au monde et

en particulier à l’Occident à travers le développement de la

pensée humaine, la pensée expérimentale et pratique, le

progrès scientifique, la philosophie rationaliste, le

développement socioéconomique et le rôle précurseur de

l’Islam dans la Renaissance de l’Occident; cette partie aborde

aussi la comparaison entre culture islamique et culture

humaniste.

Page 10: Islam   et   culture   mai 2012

10

1. INTRODUCTION

Chams Eddine El Babili1 « Un ouvrage nouveau doit

traiter exclusivement d’une des sept questions : une chose

nouvelle à créer, incomplète à achever, confuse à préciser,

prolixe à résumer, désordonnée à mettre en ordre, dispersée

à synthétiser ou erronée à rectifier ».

La culture est à la fois l’héritage des connaissances et pratiques

accumulées par les ancêtres et celles acquises par les générations

présentes. Si l’on ne profite pas de l’expérience du passé et qu’on

recommence chaque fois tout de nouveau en se repliant sur soi-même, il

n’y aurait jamais ni culture, ni civilisation. La culture est pour une

civilisation ce qu’est l’eau pour la terre. A une question sur la définition

de la culture, le général De Gaulle avait répondu que « c’était tout ». La

culture est la seule mesure valable du niveau de civilisation d’un pays et

de son potentiel scientifique, technique, économique et social et

organisationnel.

Toutes les grandes civilisations ont marqué leur passage par des

réalisations dans le domaine de la culture. A ce jour, on continue de parler

des civilisations Egyptienne, Grecque, Romaine, Carthaginoise, Inca,

Islamique, etc. Chacune se caractérisait par un type de croyance,

d’éthique, d’esthétique, de style de vie, d’organisation sociale,

d’architecture, d’arts, etc. Beaucoup de vestiges témoignent, encore de

1 Chams Eddine El Babili, mort en 1077 de l’Hégire, cité par Moulla El Mohibbi, Khoulassat El Athar, Fi Aciane El Kar El Hadi Achar T.IV P-41 Edition du Caire 1284 H

Page 11: Islam   et   culture   mai 2012

11

nos jours, de la splendeur et du rayonnement de ces civilisations.

On peut aussi parler de grands hommes ayant marqué l’histoire par leurs

œuvres, comme les Grecs: Thalès, Socrate, Hippocrate, Gorgias, des

Romains: Vitruve, les Musulmans: Jabir, Khawarizmi, El-Rhazy,

Avicenne, Averroès, Ibn Khaldoun, les Français: Descartes,

Montaigne, Montesquieu, Pascal, Rousseau, etc.

La culture est un ensemble de liens spirituels et sociaux, hérités ou acquis,

qui relient les hommes entre eux. C’est aussi la perception qu’ont les

hommes des éléments et phénomènes du milieu extérieur qui les

entourent. La culture repose sur les liens psychiques entre l’ego de

l’homme et le milieu extérieur qui l’entoure, entre l’homme et la société,

entre l’homme et la nature. L’anthropologie définit l’homme comme un

animal pensant que la religion a humanisé et civilisé.

Aujourd’hui, les puissants centres qui contrôlent l’économie mondiale,

considèrent que la culture des peuples est un frein sur le chemin de la

globalisation qui repose aujourd’hui sur le matérialisme basé sur le

développement des moyens de production et l’intensification de la

consommation. On tente d’uniformiser l’homme, selon un moule social

unique qui le rend assimilable par la machine économique et la machine

des loisirs. A l’heure actuelle, on ne veut plus de l’homme pensant mais

de l’homme pensé. Pour le canaliser, il faut agir sur son comportement,

son mode de vie et atténuer chez lui par un processus discret, le temps et

la liberté de réflexion en manipulant et en dissipant son esprit de façon

permanente.

La puissance économique se sert du développement vertigineux des

Page 12: Islam   et   culture   mai 2012

12

réseaux d’information et de communication pour véhiculer de nouvelles

valeurs et insérer l’homme dans le nouvel ordre mondial. Le but ultime à

atteindre est celui de dépouiller l’homme de son psychique pour qu’il

devienne une matière facile à usiner et même une marchandise d’un

nouveau genre. On tente, par des moyens divers, d’exacerber les instincts

primaires de l’homme par la banalisation et la libéralisation sexuelle.

On affirme que les religions ont longtemps maintenu, par leur

enseignement moral, l’homme dans une forme de privation et d’infériorité

l’empêchant de donner libre cours à sa vraie nature pour s’épanouir et

satisfaire ses désirs naturels. En Occident, après avoir libéré l’homme de

la contrainte du mariage en instituant le concubinage, voilà qu’on autorise

le mariage mono-sexuel. L’origine parentale n’est plus une exigence

sociale. Une véritable anarchie sociale s’installe et avec elle la

dégénérescence de l’espèce humaine. Avec ce système libertaire, de plus

en plus ouvert, on ne va pas s’arrêter là avec toutes les conséquences

néfastes sur l’équilibre psychique et biologique de l’homme de demain et

sur sa pérennité. La famille, qui constitue la cellule de base de toute

société, depuis des millénaires, se dilue pour ne plus être une référence et

un point d’ancrage au plan moral et social.

Au nom d’une pseudo-liberté ou de protection des enfants, on va jusqu’à

retirer et éloigner les enfants de la tutelle familiale. En encourageant

l’éclatement de l’unité familiale, on atomise ses membres qui deviennent

une proie facile à la manipulation tout en exacerbant le développement de

l’individualisme. Il s’agit là d’un processus qui détache l’homme de ses

racines et le dépouiller de son héritage historique. On doit tout effacer de

la mémoire de l’homme moderne pour qu’il devienne un réceptacle pour

Page 13: Islam   et   culture   mai 2012

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de nouvelles valeurs conçues par l’homme et pour l’homme. Si Descartes

affirmait la puissance de l’homme sur la nature, le phénomène actuel de

globalisation repose sur la puissance de l’homme sur l’homme. On pense

à l’homme de demain, qui sortira des éprouvettes de laboratoires

spécialisés au moyen de manipulations génétiques qui permettront de

donner naissance à l’être idéal en vue de sa généralisation. Cette sélection

utilise la science génétique, bénéficie de gros moyens financiers et se fait

dans le secret absolu. On oublie, sur la base de cette même science, que le

phénomène d’uniformisation signifie le commencement de la

dégénérescence de la race humaine. Ce sont de nouveaux rapports de

maître à esclave qui sont mis en œuvre. On tente d’un côté d’animaliser

l’homme et d’un autre côté, d’utiliser la science et la technologie pour

asservir son esprit. P.T. De Chardin2 disait que la croissance de la

population mondiale et les ressources naturelles limitées de notre planète

conduisent au phénomène de compression humaine. A l’avenir, on sera de

plus en plus nombreux à vivre dans des espaces limités. Aujourd’hui près

de 60% de la population mondiale se concentre dans les zones littorales.

L’équilibre de la planète et la survie de l’humanité ne peuvent être assurés

que par une nouvelle éthique permettant une meilleure cohésion humaine

basée sur le renforcement des liens sociaux et spirituels entre les êtres

humains et avec leur environnement afin de les rendre solidaires dans des

espaces de plus en plus réduits.

Les tendances actuelles du développement économique et social se

2 Pierre Teilhard De chardin- l’Apparition de l’Homme- tome 2 – Editions le Seuil -1956

Page 14: Islam   et   culture   mai 2012

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trouvent à l’opposé de la vision de P.T. De Chardin. Les ambitions

politiques et le désir de puissance lié au leadership mondial tentent de

casser les liens entre les nations et hommes pour les asservir. Déjà

aujourd’hui, l’homme subit une véritable oppression technologique. Il

passe plus de temps à s’occuper de ses moyens de confort, de leur

entretien et de leur maintenance que de penser ou de réfléchir à sa propre

condition. L’encouragement au crédit bancaire et la spéculation,

enferment l’homme dans une spirale d’endettement sans fin, à l’origine

d’un stress aux conséquences néfastes comme le risque éventuel de perte

d’emploi ou de chômage.

La recherche d’une uniformisation de l’homme, d’une part, et le pouvoir

exorbitant d’une minorité, d’autre part, fragilisent l’équilibre de

l’humanité et mettent en péril son devenir. En effet, pour maintenir ses

privilèges et sa position dominante, la minorité favorisée (l’oligarchie

dominante) n’hésitera pas, au nom d’un pseudo-humanisme ou d’un droit

d’intervention humanitaire de circonstance qu’elle inventera et

conditionnera, à provoquer des conflits armés, des guerres et même des

génocides de façon permanente et dans de nouvelles régions

géographiques de la planète. Le but non avoué est de permettre l’entretien

et le financement permanent des complexes militaro-industriels qui

consomment et drainent le plus gros des investissements, des ressources

naturelles et des ressources financières du monde. Quand on se réfère à

l’histoire, on constate que le colonialisme a utilisé la puissance de sa

science et de sa technologie pour tenter d’uniformiser le monde sur la base

de ses propres valeurs. Ceci a entraîné la mort de dizaines de millions

d’êtres humains et la destruction à grande échelle de nombreux pays.

Aujourd’hui, certains Etats, grâce à leur puissance économique, tentent

Page 15: Islam   et   culture   mai 2012

15

encore de réitérer cette expérience douloureuse pour imposer un

néocolonialisme non déclaré ou un monopole industriel ou commercial

aux mains de puissants groupes financiers. Ce qui les amènera non

seulement à détruire le patrimoine culturel des peuples mais aussi une

partie de l’humanité qui refusera de s’y soumettre. Il est temps, avant qu’il

ne soit trop tard, de renforcer l’éthique, la cohésion et la solidarité entre

les peuples pour équilibrer les assauts d’une mondialisation sans visage.

Déjà dans les années 50, R. Garaudy, alors membre du parti communiste

français, prophétisait sur l’évolution de l’Occident à travers les lignes

suivantes publiées dans l’organe théorique ‘les Cahiers du

Communisme’: « Nous voyons aujourd’hui succéder au fascisme

(référence à la période hitlérienne) de nouvelles formes de division et de

nouvelles exclusives : ceux qui se font aujourd’hui les défenseurs du ‘bloc

occidental’ en diplomatie, de ‘la démocratie occidentale’ en politique, de

la ‘civilisation occidentale’ en morale, représentent les mêmes forces

sociales de réaction, d’agression, et de proie que les organisateurs de

‘l’ordre européen et occidental’ du fascisme, c’est à dire les trusts

capitalistes. Ce sont les mêmes qui dans le Proche Orient, pour des

raisons pétrolières et de pure stratégie militaire, s’efforcent de constituer

un ‘bloc oriental’. Grâce à ce bloc dirigé par eux, ils espèrent continuer à

pomper le pétrole et les surprofits, et aussi maintenir les divers peuples

arabes sous leur domination impérialiste. Dans les deux cas, l’objectif est

le même : la justification idéologique de la même politique d’exclusive. ».

G. Garaudy ajoutait : « Notre choix est fait : ni sur le plan diplomatique,

ni sur le plan politique, ni sur le plan intellectuel et moral, nous ne

voulons isoler ou séparer l’Occident ou l’Orient du reste du monde et sa

culture. Nous ne voulons pas faire de l’Occident ou de l’Orient une île ».

Page 16: Islam   et   culture   mai 2012

16

La Renaissance en Europe aux XVe et XVIe siècles amena une rénovation

littéraire, artistique et scientifique. Elle remit à l’honneur la culture

antique gréco-romaine tout en occultant l’apport de la culture islamique,

alors que celle-ci était une partie intégrante de la culture européenne,

notamment à travers des échanges scientifiques et culturels, très intenses

qui existaient depuis le XIe siècle. Ceci est d’autant plus regrettable, que

c’est grâce aux traductions arabes de savants musulmans, que les travaux

d’auteurs gréco-romains ont pu être conservés dans leur forme originale

au bénéfice de la postérité. C’est grâce à la civilisation arabe que les

conditions intellectuelles de la Renaissance ont été rendues possibles à

travers la résurrection de la culture antique et de l’hellénisme. Depuis

l’avènement de la Renaissance, l’un des aspects constant de la politique de

l’Occident a consisté à nier, sans cesse et de façon volontaire, le rôle joué

par la civilisation islamique dans l’avènement du monde moderne.

L’Occident a fait du moyen âge, période florissante de la civilisation

islamique, un âge obscur. Il s’agit là d’une conspiration du silence imposé

et d’une falsification systématique visant à nier des vérités historiques

solidement établis. Au cours de ce moyen âge, la civilisation islamique a

apporté une riche contribution au progrès de l’humanité dans tous les

domaines de la pensée, de la science et de la technique. Encore de nos

jours, une place dérisoire, sinon nulle est réservée à la civilisation

islamique au sein des programmes d’enseignement des écoles et

universités occidentales. On passe sous silence son rôle dans la

conservation et la réanimation des anciennes civilisations de

Mésopotamie, de Perse, d’Egypte, de Grèce et de Rome. De même, on a

fait table rase des découvertes, dans de nombreux domaines, réalisées par

les savants de l’Islam au cours de l’âge d’or (800 à 1100) où ils avaient

Page 17: Islam   et   culture   mai 2012

17

surpassé leurs prédécesseurs. Lorsque l’élève ou l’étudiant européen3 a la

curiosité de s’intéresser à l’Islam ou à la conquête arabe, il a l’impression,

à la lecture des manuels officiels, d’être en présence d’une énigme

indéchiffrable ou d’une phase de stagnation de l’évolution de la

civilisation humaine. Il ne dispose d’aucun moyen objectif pour

comprendre les fondements et les conséquences de la conquête islamique

qui, en quelques années, a unifié un territoire immense qui s’étendait de

l’Océan Atlantique à la mer de Chine. Cette conquête a fait franchir à

l’humanité une nouvelle étape historique en intégrant, à grande échelle et

pour la première fois dans l’histoire, des peuples et des cultures différents.

L’expansion islamique, contrairement à ce qu’on a raconté, n’a pas été

uniquement le fruit d’une supériorité militaire mais bien celui d’une

supériorité spirituelle, à travers une nouvelle civilisation qui apportait, aux

peuples conquis, plus de justice, de liberté et de bien-être moral et social.

Aujourd’hui, le développement scientifique et technique et les réseaux de

l’information concourent à l’ébauche d’une fédération universelle dans les

divers domaines de la vie internationale. La notion d’espace a été abolie et

il n’y a plus entre les peuples que la distance de leurs cultures. Au lieu de

rechercher la supériorité ou l’exclusion d’une culture par une autre, il

faudrait accepter les différences en les rendant complémentaires. Il a fallu

attendre le 18 mars 2007 pour voir l’UNESCO adopter la Charte sur la

diversité culturelle comme une source d’échanges, d’innovation, de

créativité et comme patrimoine commun de l’humanité devant être

reconnu au bénéfice des générations futures.

3 M. Bennabi.

Page 18: Islam   et   culture   mai 2012

18

C’est la conscience populaire fortifiée par la culture qui est le véritable

héritage et le patrimoine le plus précieux d’un peuple. Elle permet

d’assurer sa conservation et sa pérennité à travers l’histoire. Une

conception erronée, largement répandue dans les pays en développement,

particulièrement dans les pays anciennement colonisés, est de considérer

que le développement dépend uniquement de l’accumulation des

connaissances scientifiques et des moyens matériels pour sortir du sous-

développement. Pour réussir, cette accumulation doit être précédée d’une

pensée directrice, constructive et intégrative, qui doit s’élaborer à partir du

diagnostic de la situation présente et d’une vision à réaliser à moyen et

long terme. Cette pensée doit impliquer d’abord et avant tout l’homme en

amont et en aval de tout projet de développement : en amont, dans la

conception réaliste des priorités en fonction de ressources humaines et

matérielles disponibles et en aval par l’identification et la mise en œuvre

des conditions permettant à l’individu de s’approprier le savoir

traditionnel, les nouveaux savoirs et moyens scientifiques et techniques.

Les valeurs culturelles, propres aux peuples, sont le moteur et la source de

toute motivation. Elles doivent être prises en compte au côté de

l’accumulation scientifique et technique. La méconnaissance de ces

priorités et conditions a souvent conduit à l’échec du développement et à

l’avènement d’une société de classes où le pouvoir s’exerce par une

minorité de privilégiés au détriment d’une majorité. Ce qui a conduit à

une paupérisation généralisée des peuples. Citons la réflexion de J. Berque

sur les pays arabes « le pragmatisme et l’utilitarisme trop courts qui, par

réaction contre d’anciennes servitudes, règnent actuellement dans

certaines pédagogies arabes: c’est peut être le dernier piège de

l’impérialisme ».

Page 19: Islam   et   culture   mai 2012

19

Le fait de considérer le modèle occidental comme unique modèle de

référence pour assurer le développement a eu un impact ravageur sur les

cultures des pays en développement conduisant au déracinement de

l’homme et à l’émergence de nouveaux modes de vie et de

comportements nuisibles au maintien de l’équilibre au niveau des liens

familiaux et sociaux.

Aujourd’hui, même les pays développés ont compris que le

développement doit commencer au niveau local ou « terroir » qui repose

sur l’identité culturelle et les spécificités locales. On rejoint là la

problématique d'un développement endogène qui met en relief

l'importance de la notion d'espace vécu et de la culture commune à

l’origine de la cohésion des territoires. Ce sont les spécificités culturelles

(fondement des identités) qui valorisent l’histoire forgeant le territoire.

Chaque culture a des constantes universelles et des particularités propres à

chaque peuple. Quand on parle de culture, on ne doit pas penser à une

culture figée dans le temps. A l’instar de toute chose vivante, elle doit

pour se pérenniser, évoluer et s’enrichir sans cesse en assimilant de

nouvelles valeurs en fonction du perfectionnement des connaissances et

des méthodes d’organisation au niveau mondial.

Une culture doit aussi pouvoir se remettre en question en éliminant les

aspects négatifs qui freinent l’essor de la civilisation et empêchent le

développement dans sa globalité. La culture est à l’avant-garde du

développement socioéconomique. Pour assurer ce rôle, elle doit bénéficier

de la priorité pour sa diffusion au niveau des couches populaires et au

niveau des structures d’éducation et de formation. Ce rôle a été reconnu

par l’UNESCO et par le sommet mondial de Johannesburg (Rio +10) sur

Page 20: Islam   et   culture   mai 2012

20

l’environnement et le développement en 2002 en tant que quatrième pilier

du développement durable à côté des dimensions sociale, économique et

environnementale.

La version de la réalité, que nous construisons tous les jours, est un

produit à la fois de processus rationnels universels et non-universels, et

c’est parce que les processus rationnels ne sont pas tous universels, qu’on

a besoin d’un concept de rationalité divergente.

Beaucoup d’ouvrages ont été consacrés à la culture et à son rôle dans la

société. Aujourd’hui, l’humanité se trouve confrontée à de nouveaux défis

planétaires qui menacent son existence comme l’extension de la pauvreté

et du chômage, le déséquilibre social, l’insécurité publique, la destruction

de la couche d’ozone, le changement climatique, le danger des centrales

nucléaires, la dégradation de l’environnement et des ressources naturelles,

la désertification, les maladies réémergentes ou maladies anciennes

(paludisme, tuberculose, cholera, typhoid, les nouvelles maladies (sida,

stress, pathologies cardiovasculaires) appelées maladies émergentes,

l’exacerbation des maladies respiratoires provoquées par la pollution de

l’air, etc. Les mesures prises au niveau mondial, au cours de ces quarante

dernières années, se sont avérées inappropriées pour relever ces défis. On

prend conscience que seul le recours à des valeurs morales universelles,

de nouveaux comportements et de styles de vie peut infléchir les

tendances à la dégradation planétaire. Il s’agit de redécouvrir la culture

qui permettra à l’humanité de retrouver sa mémoire spirituelle et de

dégager les ressorts nécessaires à sa survie.

Pour beaucoup de gens, la culture se limite à des manifestations

extérieures telles que musique, chants, danses, cinéma, sports, peinture,

Page 21: Islam   et   culture   mai 2012

21

arts décoratifs, célébration d’événements particuliers, libération sexuelle,

etc. Elle est plus considérée comme une industrie de loisirs qu’une

représentation des valeurs morales qui caractérisent une société ou un

peuple et assurent son propre développement. Du matin au soir, sous

l’effet de la publicité, de la télévision, des médias, l’homme subit des

clichés et spots qui l’éblouissent et envahissent son esprit l’empêchant de

réfléchir ou de se situer de façon durable, dans l’espace et le temps.

L’homme est réduit à un morceau de paille qui vogue en surface au gré

des tourbillons tumultueux d’un fleuve déchaîné qui l’entraînent dans

toutes les directions. L’industrie audiovisuelle constitue un prisme

déformant qui tente de réunir, sous une même bannière, tous les peuples

de la planète. L’homme n’est plus qu’un objet qu’il faut domestiquer pour

en faire un vecteur de la globalisation économique et un récepteur docile

de ses produits. L’homme doit s’intégrer totalement et organiquement

dans un nouveau corps mondial. La seule et unique religion désirée est

celle d’un homme nouveau dont la seule aspiration est la satisfaction

primaire de ses instincts animaux et matériels, loin de toute nourriture

spirituelle. Après la laïcité, le matérialisme, le libéralisme, la

mondialisation économique prend le relais pour soumettre la planète

entière au service d’une puissante poignée d’oligarchies. La question est

de savoir si l’homme se laissera aveugler par le mythe de cette

globalisation au point de perdre sa prime nature spirituelle dont il tire sa

dignité, sa place à la tête des créatures de l’univers. L’animalité et la

matérialité ne pourront jamais compenser le déficit de spiritualité.

En Islam, c’est Dieu qui est le créateur de toutes les espèces vivantes qui

peuplent la terre. Il a doté l’homme d’intelligence et l’a désigné comme

Page 22: Islam   et   culture   mai 2012

22

son vicaire sur terre. Il lui a enseigné les lois du comportement individuel,

la nature des liens sociaux qui le rattachent à ses semblables et les

rapports qu’il doit entretenir avec les autres créatures de l’univers.

Quand on parle de culture islamique, on ne se réfère pas ici à ce qui se

passe aujourd’hui dans les sociétés musulmanes car il faut reconnaître que

les valeurs islamiques ne sont presque plus observées (à part les aspects

cultuels) et ne constituent plus la base de l’action humaine dans ces

sociétés qui ne se différencient d’ailleurs guère de celles de l’Occident.

Dans les sociétés musulmanes actuelles, la culture traditionnelle qui a

longtemps constitué une barrière contre l’invasion étrangère et le

colonialisme, est de plus en plus abandonnée et n’est plus de mise. Elle est

devenue centripète et ne joue plus aucun rôle actif dans le comportement

socioéconomique. Depuis plus de trois siècles déjà, le déclin de la

civilisation musulmane et la colonisation ont engendré des modes de vie

et de pensée calqués sur l’Occident. Après l’indépendance et au nom du

modernisme, on est passé de la colonisation du sol à celle de l’esprit. Les

musulmans ont presque oublié que l’Islam est une norme efficace de

conduite morale, sociale et économique. Les sociétés musulmanes ont

grand besoin de se réapproprier leur propre culture et de trouver des voies

pratiques pour l’adopter et la mettre en œuvre en s’inspirant des acquis

scientifiques et technique de notre temps. La culture islamique est une

source de motivation pour faire face aux problèmes actuels de

décomposition sociale, de dégradation environnementale et une source

d’orientation pour l’élaboration du contenu d’une culture universelle.

Page 23: Islam   et   culture   mai 2012

23

Bernard Shaw4 a ainsi porté son propre jugement sur l’Islam : « J'ai

toujours une estime pour l'Islam, parce qu'il est rempli d'une vitalité

merveilleuse. Elle est la seule religion qui me paraît contenir le pouvoir

d'assimiler la phase changeante de l'existence, pouvoir qui peut se rendre

si attachant à toute période ». En parlant du Prophète (SWS)5, il dit « Cet

homme merveilleux est, à mon avis, loin d'être un Antéchrist. Il doit être

appelé le sauveur de l'humanité. Je crois que si un homme, comme lui,

prenait la direction du monde moderne, il réussirait à résoudre ses

problèmes. J'ai prophétisé sur la foi de Mohammed qu'elle sera

acceptable à l'Europe de demain, comme elle a déjà commencé à devenir

acceptable à l'Europe d'aujourd'hui ». Lamartine avait écrit, de son côté :

« si la grandeur du dessein, la petitesse des moyens et l'immensité des

résultats sont les trois mesures du génie de l'homme, qui osera comparer

humainement un grand homme de l'histoire moderne à Mahomet ».

L’espèce humaine devenant de plus en plus nombreuse, les forces de

pression et de compression au sein des sociétés s’intensifient et exigent

l’établissement d’un ordre qui règle les rapports de plus en plus étroits

entre individus et communautés, entre riches et pauvres, entre gouvernants

et gouvernés dans un même pays et entre pays. Seule une culture de valeur

universelle peut permettre d’infléchir le comportement humain en vue

d’assurer les conditions d’équilibre de nos sociétés.

Aujourd’hui, on admet que les problèmes de paix, de justice sont

4 Bernard Shaw : The Genuine Islam, Singapour, 1963 5 SWS : Salla Allah Aleih Wa Sellem = Paix et salut de Dieu sur le Prophète Mohammed

Page 24: Islam   et   culture   mai 2012

24

interdépendants et doivent être envisagés de façon globale et intégrée.

Une culture universelle ne peut voir le jour que si les idéaux de paix, de

justice suivent et s’appliquent de façon honnête et solidaire au niveau

mondial.

En face de la crise actuelle de l’humanité, P. T. De Chardin6 avait posé la

question suivante : « faut-il être optimiste ou pessimiste et est-ce que

l’humanité a les moyens de remédier à cette crise ? » Toutes les religions

prêchent l’espoir et rejettent le désespoir. L’optimisme invite à la lutte

contre les désordres sociaux et les atteintes au patrimoine humain et

terrestre. L’homme, doté par Dieu de foi, de raison et héritier des savoirs à

travers la longue histoire humaine, est en mesure de trouver les ressources

et les solutions nécessaires pour satisfaire les besoins de l’humanité. Dans

sa réflexion sur le XXIe siècle, P.Lellouche disait7 « Jamais dans

l’histoire, l’humanité n’aura été à la fois unie et homogénéisée par le

capital, le commerce et, surtout par la révolution des télécommunications

et de l’information de masse et, cependant aussi divisée dans la

répartition des ressources économiques, de la puissance politique,

militaire et démographique ».

Le grand danger aujourd’hui se situe au niveau des trusts mondiaux qui

contrôlent l’information et réduisent la conscience humaine en

s’appropriant les moyens de production, de transmission et de diffusion de

cette information. Ils tentent d’imposer un mode de pensée uniforme. Ce

n’est plus l’ordre humanitaire et moral qui règle les rapports entre nations

6 Pierre Teilhard De Chardin- l’Apparition de l’Homme- tome 2 – Éditions le Seuil -1956 7 Le nouveau monde : de l’ordre de Yalta au désordre des Nations Éditions Grasset 1992

Page 25: Islam   et   culture   mai 2012

25

mais l’ordre des intérêts économiques et de suprématie militaire. Au lieu

de mettre fin aux conflits en respectant les normes de justice et de droit,

on utilise la force militaire. On va jusqu’à ignorer le consensus mondial

qui a donné naissance à la société des Nations (ONU). Pire, on a créé un

nouveau concept de prévention, appelé principe de destruction ciblée, qui

vise à neutraliser tout foyer d’opposition jugé ou supposé dangereux pour

les intérêts des plus puissants et ce, quelque soit le lieu géographique dans

le monde. On est passé ainsi d’une morale humaniste à une morale

d’intérêts. C’est la loi du plus fort qui prévaut entraînant ainsi une

régression des valeurs de la civilisation humaine et une négation de ses

acquis historiques. Loin d’assurer la sécurité du monde, elle provoque des

réactions aussi dangereuses et aveugles qui n’épargnent plus personne.

Aux opérations ciblées, localisées et ponctuelles, répondent des opérations

diffuses et imprévisibles rendant le monde vulnérable et impossible à

sécuriser. Les grandes puissances consacrent des budgets colossaux pour

mettre en œuvre les moyens de dissuasion afin d’assurer une sécurité

utopique en lieu et place d’un monde mutuellement solidaire. Elles ne

peuvent rien contre l’immigration clandestine et le besoin de survie des

citoyens affamés du Sud.

En somme la lutte idéologique a pris une dimension mondiale où le

nouvel ordre de l’information se met progressivement en place

parallèlement à celui de la globalisation économique et militaire. Il

véhicule une culture nouvelle pour asservir la planète entière. Les

multinationales fixent, elles-mêmes, les conditions et les prix des

échanges commerciaux ou financiers avec le tiers monde qui est considéré

uniquement comme un centre périphérique. Tous les pays et en particulier

les pays islamiques se trouvent devant un dilemme : se soumettre au diktat

Page 26: Islam   et   culture   mai 2012

26

des multinationales appuyées par les complexes militaro-financiers et

devenir un marché pour leurs produits et services ou développer une

stratégie qui puisse leur permettre de réaliser leur indépendance

économique, de sauvegarder leur identité culturelle et d’assurer leur

autonomie. Pour relever le défi, les pays islamiques ont besoin de

renforcer à la fois la cohésion à l’intérieur de leur territoire et entre eux. A

cette fin, ils disposent déjà, grâce à l’Islam, d’une éthique universelle qui

concilie les aspirations individuelles avec celles de la communauté.

L’orientaliste J. Berque disait « la force des pays islamiques réside non

pas dans leurs pétrodollars mais dans le message culturel qui porte leur

conception de la vie et de l’homme ainsi que de l’organisation sociale ».

Après la fin de l’antagonisme Est-Ouest, le champ de confrontation des

idéologies s’est déplacé en direction du monde islamique. L’Occident

cherche par tous les moyens, y compris la guerre, à asseoir son hégémonie

sur les pays islamiques pour empêcher tout vœu d’indépendance réelle ou

d’union de leurs peuples. Il vise à les contrôler, à s’approprier ou utiliser à

bas prix leurs richesses, à limiter leur développement scientifique et

technique et même à orienter les valeurs culturelles dans le sens que

l’Occident désire. A ce jour, les velléités d’union entre les pays islamiques

restent lettre morte. L’UMA (Union du Maghreb Arabe), si elle existe sur

le papier, n’a pas encore amorcé son décollage. Les manipulations

étrangères, les séquelles léguées par le colonialisme, le chauvinisme né

d’un nationalisme mal compris et la forte dépendance économique et

financière vis à vis de l’Occident, ne leur ont pas permis de poser les

jalons élémentaires de leur union. Tout se passe comme si cette union

devrait obligatoirement transiter par le chemin de l’Occident qui aurait

Page 27: Islam   et   culture   mai 2012

27

toute latitude pour l’orienter dans le sens de ses propres intérêts. Pour

l’Occident, les pays islamiques doivent rester les pourvoyeurs d’énergie,

de matières premières et les récepteurs de produits et services que

l’Occident désire leur vendre. Seule une stratégie de développement basée

sur leur culture pourra permettre à ces pays d’assurer leur développement.

Au cours des dernières décennies, ces pays ont plus obéi au schéma

élaboré par les laboratoires de pensée occidentaux que défini des

stratégies et programmes viables de développement.

Le résultat, aujourd’hui, est leur dépendance de plus en plus grande vis-à-

vis de l’Occident pour assurer leurs besoins de consommation courante ou

le fonctionnement de leurs moyens de production devenus souvent

archaïques. Les technologies, que l’Occident exporte vers ces pays

constituent un lourd et coûteux fardeau pour leur économie et une

nouvelle forme d’asservissement, faute de savoir-faire et de supports

techniques autochtones. Il s’agit souvent de technologies non durables. On

peut citer la réflexion de R. Garaudy sur ces technologies : « La

technologie a été un outil de l’Occident dans sa tentative de détruire les

cultures du Tiers Monde ». C’est la culture d’un peuple qui est son bien le

plus précieux pour assurer son développement. Citons ici la réflexion de

M.Bennabi 8 sur la renaissance de l’Allemagne après la deuxième guerre

mondiale: « l’Allemagne vaincue et détruite, ses élites brisées et éloignées

de force vers la Russie ou les Etats Unis, n’a pas empêché ce pays de

retrouver sa puissance. C’est la preuve de la puissance de la culture de

l’Allemagne et non pas celle de ses savants. Ce qui a refait l’Allemagne,

8 M.Bennabi : Révolution Africaine du 10 Avril 1968

Page 28: Islam   et   culture   mai 2012

28

c’est l’esprit allemand : celui du berger, du laboureur, du métallo, du

docker, de l’employé, du pharmacien, du médecin, de l’artiste, du

professeur, etc. En un mot c’est la culture allemande, sans ambiguïté, ni

restriction sociale ou intellectuelle de sa signification, qui a refait le pays

de Goethe et de Bismarck ».

La guerre d’indépendance des pays colonisés constitue la preuve et la

certitude concernant le rôle joué par la culture des peuples dans le combat

pour leur libération du joug colonial. C’est cette culture qui a servi de

motivation aux peuples asservis pour les amener à consentir le sacrifice

suprême de leur vie pour arracher leur liberté. Dans ces pays, c’est la

conscience populaire qui a déclenché le combat pour la libération et non

pas les élites d’alors. M. Dib, en parlant de la guerre d’indépendance de

l’Algérie a dit : « Au cours de la guerre de libération, l’Algérie a montré

au monde qu’elle avait une culture, un nom, une histoire, une patrie, un

langage et une manière d’être demandant à être reconnus et compris ».

Au cours des siècles passés, l’Occident agissait par le colonialisme et

l’occupation des terres pour dominer et réprimer les cultures des peuples

sous sa domination. Aujourd’hui, il agit par l’économie et l’image afin de

véhiculer son message culturel qui envahit tous les pays au détriment des

cultures nationales. Les pays en développement, confrontés au pain

quotidien de leur peuple, considèrent la culture comme un luxe et une

priorité secondaire. Ils ne comprennent pas que c’est grâce à leur propre

culture purifiée des facteurs rétrogrades, qu’ils pourront retrouver leur

pain. Il est urgent pour ces pays de définir une politique de valorisation de

leur culture qui les aidera à retrouver les ressorts de base leur permettant

d’assurer le décollage socioéconomique. La culture est un tout

indissociable qui se reflète dans tous les domaines de la vie.

Page 29: Islam   et   culture   mai 2012

29

2. DEFINITION DE LA CULTURE

Malek Bennabi « La culture façonne l’homme qui observe

et s’observe lui-même d’abord. La culture est la recherche

de l’harmonie entre le monde des phénomènes qui entoure

l’homme et le monde intérieur de l’homme ».

Pour l'anthropologie9, la culture désigne l'ensemble des activités et des

comportements, aussi bien pratiques que symboliques, créés, transmis ou

transformés par l'espèce humaine. En ce sens, la culture s'oppose au

chaos. Les groupes, les classes, les institutions possèdent des cultures

propres, socialement marquées, selon des fonctions, des moyens

d'expression et des inégalités fondamentales. L'anthropologue britannique

Edward B. Tylor10 donna le premier une définition formelle du concept de

culture en 1871 dans son ouvrage « Primitive Culture ». Il utilisa ce terme

pour caractériser « Cet ensemble complexe comprenant les connaissances,

les croyances, l'art, la morale, la loi, les coutumes ainsi que toutes les

autres capacités et habitudes acquises par l'homme en tant que membre

de la société ». Depuis, les anthropologues ont proposé de nombreuses

variantes de cette définition, mais tous s'accordent à penser que la culture

est un comportement lié à l'apprentissage. Pendant longtemps,

l'anthropologie a pris aux États-Unis le nom d'anthropologie culturelle,

mais cette tradition s'est beaucoup transformée depuis les années 50. La

culture comprend, en droit, toutes les activités de la société humaine. La

culture est le mode de vie d’une société alors que la société est l’ensemble

organisé d’individus. M. Bennabi la définit ainsi : « La culture est le

9 Encyclopédie Yahoo 10 Edward B. Tylor : Primitive Culture. 1871.

Page 30: Islam   et   culture   mai 2012

regard qui permet à l’homme de se dominer,

son génie a créées, c’est-à-dire en un

Une société donnée, pour exister durablement

une symbiose à travers un système d’

éthique et les ressources matérielles qui lui sont indispensables pour

satisfaire ses propres besoins, réaliser son développement harmonieux et

assurer les bases saines pour son avenir à moyen et long terme.

Toynbee11résume le progrès réel de la civilisation dans "

simplification progressive": « le véritable progrès s'accomplit

civilisation détache une proportion importante de son énergie et de son

attention de l'aspect matériel et développe ainsi sa culture, sa capacité à

la compassion, son sens de la communauté et la force de la démocratie

Figure 1 : Concept de culture

11 Miller, G.T. Jr. 1994. Living in the Environment. Wadsworth Publishing.

CULTURE

DEFINITION

EVOLUTION

ACCULTURATION

CONCEPT POPULAIRE

30

regard qui permet à l’homme de se dominer, de dominer les choses que

dire en un mot se civiliser ».

pour exister durablement, doit réaliser un équilibre et

une symbiose à travers un système d’organisation entre les valeurs de son

éthique et les ressources matérielles qui lui sont indispensables pour

besoins, réaliser son développement harmonieux et

assurer les bases saines pour son avenir à moyen et long terme. Arnold

résume le progrès réel de la civilisation dans "la loi de

le véritable progrès s'accomplit lorsqu'une

civilisation détache une proportion importante de son énergie et de son

attention de l'aspect matériel et développe ainsi sa culture, sa capacité à

la compassion, son sens de la communauté et la force de la démocratie ».

: Concept de culture

Miller, G.T. Jr. 1994. Living in the Environment. 9h Edition. Belmont, California:

CULTURE

DEFINITION

SOURCES

CARACTERISTIQUES

EVOLUTION

Page 31: Islam   et   culture   mai 2012

31

2.1 LA CULTURE SELON M. BENNABI

Malek Bennabi définit la civilisation comme « l’ensemble

des conditions morales et matérielles qui permettent à une

société d’accorder à chacun des individus les garanties

sociales nécessaires à son développement ».

La civilisation a besoin, à l’origine, d’une culture qui la véhicule. Cette

culture crée l’ambiance générale dans laquelle immerge l’individu. Elle

détermine ses motivations, ses émotions et ses liens avec les personnes et

les choses. La culture se définit comme une ambiance constituée de règles

de conduite, de coutumes, de traditions et de goûts. Le train de la culture

a pour locomotive l’éthique qui tire trois wagons solidement amarrés l’un

à l’autre : l’esthétique, la logique pragmatique et la technique.

2.1.1 Éthique

L’éthique est un ensemble de valeurs morales et d’attitudes qui impriment

le comportement individuel et le mode de vie d’une société. Elle est

constituée par les liaisons nécessaires au sein du monde des personnes qui

forment une société donnée. Elle garantit la force de cohésion et

l’équilibre d’une société qui assurent son unité dans sa fonction et dans

son devenir.

Cette même éthique permet l’édification du monde des personnes sans

lequel on ne peut imaginer un monde des idées et un monde des choses

s’ils faisaient défaut. On comprend alors l’importance de l’éthique dans la

formation de la culture dans une société donnée. En matière d’éthique, la

réflexion nous impose de considérer deux types de valeurs chez l’homme :

Page 32: Islam   et   culture   mai 2012

sa valeur en tant qu’être humain et sa valeur en tant qu’être social.

Figure 2 : Composantes de la culture

La valeur humaine est une valeur in

nature (Fitra en Islam) comme un don à sa naissance et

circonstance et qu’aucun être humain ne pourraient rien y changer. C’est

le cas de la perception originelle et

valeur constitue le fonds de base inchangeable de l’homme.

management des ressources humaines

conduite.

La valeur sociale est acquise à travers la nature des relations que l’homme

entretient avec ses semblables et qui impriment

pratique. On peut ainsi parler de rapports sociaux dans une société

donnée. Cette valeur est changeable et façonnée par la société

langage des spécialistes du management des ressources

désigne cette valeur par attitudes et

CULTURE

ETHIQUE

TECHNIQUE

ESTHETIQUE

32

’être humain et sa valeur en tant qu’être social.

Figure 2 : Composantes de la culture

La valeur humaine est une valeur intrinsèque à l’homme dans sa prime

comme un don à sa naissance et qu’aucune

main ne pourraient rien y changer. C’est

originelle et individuelle du bien ou du mal. Cette

valeur constitue le fonds de base inchangeable de l’homme. En termes de

humaines, on qualifie cette valeur innée par

La valeur sociale est acquise à travers la nature des relations que l’homme

entretient avec ses semblables et qui impriment sa conduite sur le plan

pratique. On peut ainsi parler de rapports sociaux dans une société

changeable et façonnée par la société. Dans le

spécialistes du management des ressources humaines, on

par attitudes et comportement de l’individu.

CULTURE

ETHIQUE

LOGIQUE

PRAGMATIQUE

TECHNIQUE

Page 33: Islam   et   culture   mai 2012

33

En considérant ces deux types de valeurs, on comprend que c’est la valeur

sociale qui détermine l’efficacité de l’homme au sein de n’importe quelle

société. L’attitude de l’homme, face aux problèmes qui se posent à lui,

doit être définie par rapport au principe de l’éthique et est une condition

préalable et essentielle à tout acte. Les références éthiques peuvent être

d’origine religieuse (religions monothéistes ou polythéistes) ou

idéologique (laïcisme, matérialisme, libéralisme, globalisme). Elles sont

toutes à l’origine du droit et de la morale qui régissent les sociétés et qui

visent, tout au moins sur le plan formel, à assurer la paix, la justice et

l’équité sociale. Les différents types d’éthique se rejoignent sur un même

point en ce sens que chacune d’elles fixe des droits et des devoirs pour

l’homme. Les moyens et méthodes d’acquisition des connaissances

découlent en grande partie des valeurs éthiques.

2.1.2 Esthétique

Les relations sociales ne sont pas définies uniquement par le principe

éthique, l’esthétique les imprime d’un sceau particulier. Le goût inné

confère aux valeurs éthiques une certaine image au sein de laquelle les

considérations formelles interviennent. Si l’éthique est à la base de l’unité

sociale, l’esthétique sert à la valoriser au plan de la représentation externe

et exprime l’apparence exigée par l’organisation formelle qui touche au

comportement de l’homme dans sa façon de parler, de s’habiller et

d’adopter un style de vie spécifique à sa société. L’homme en général a

tendance à exprimer un fait à son entourage en recourant aux illustrations

que requiert le goût. L’esthétique confère aux choses une image conforme

au sentiment et au goût général, au niveau des formes et des couleurs. Si

l’éthique définit l’orientation générale de la société en fixant les

Page 34: Islam   et   culture   mai 2012

34

motivations et les finalités, l’esthétique façonne son image et prolonge les

volontés au-delà de la seule perception de l’utilité comme un facteur

important de l’efficacité au niveau des actions pratiques. A côté de la

réalité éthique chez l’individu, le goût esthétique ajoute d’autres facteurs

positifs de motivation, à même de tempérer l’application d’un principe

éthique rigoureux au niveau du comportement. Le goût esthétique est

considéré comme un élément dynamique de la culture.

2.1.3 Logique pragmatique

L’éthique comme l’esthétique relèvent du monde des idées. Cependant,

elles requièrent une logique pragmatique d’organisation pour leur

diffusion et leur transmission afin de toucher l’individu au niveau de son

comportement et la société à travers son style de vie. Cette logique doit

assurer les conditions fondamentales de l’efficacité au niveau individuel et

collectif. Elle doit prendre en compte le facteur temps de façon optimale

et utiliser les moyens pédagogiques appropriés pour assurer efficacement

la diffusion des idées. La logique pragmatique oriente les diverses formes

d’activités pour rendre optimale la production sociale. Cette logique

s’appuie sur un système d’organisation qui met en conformité

l’exploitation et la gestion des ressources naturelles et matérielles avec les

valeurs éthiques. Ce système englobe les domaines politique, juridique,

social et économique et orientent les règles de comportement de l’homme

en précisant les responsabilités individuelles et collectives. Ce système a

également pour but d’assurer la sécurité des biens et des personnes, de

faire respecter les droits et les devoirs à tous les niveaux de la société.

Dans les systèmes basés sur la religion, une grande partie des normes

d’organisation découle des prescriptions religieuses. Dans les systèmes

Page 35: Islam   et   culture   mai 2012

35

basés sur l’idéologie, ces normes sont souvent le résultat d’un consensus

entre les citoyens en fonction du rapport de forces qui existe entre les

différentes classes et à une époque donnée au sein d’une société.

2.1.4 Technique

On regroupe sous ce terme la science ou la technique. La science crée les

choses et permet leur compréhension. L’éthique, l’esthétique et la logique

pragmatique ne peuvent rien construire seuls en l’absence de moyens et

c’est la technique qui va les fournir. Ces moyens doivent servir l’homme

et non pas l’asservir au point de lui faire perdre son autonomie vis-à-vis

d’eux. Ainsi, l’action sociale est conditionnée par l’application des

théories et des moyens présentés par la science.

2.2 SOURCES DE LA CULTURE

Les quatre sources de la culture sont le monde des personnes, le monde

des idées, le monde des choses et le monde des phénomènes naturels.

2.2.1 Monde des personnes

Si on prend un cas courant dans la vie, on constate qu’une association

d’individus, comme par exemple une communauté, une société

commerciale ou industrielle, ne peut être viable et durable que si ses

membres partagent un certain nombre de valeurs morales (confiance,

solidarité, respect, partage). Elle ne peut être fondée uniquement sur

l’intérêt matériel. La définition d’un monde de personnes, en tant que

société, s’élabore à partir de l’analyse des éléments du passé avant de faire

intervenir les éléments de l’avenir. Les valeurs morales plongent leurs

racines dans l’éthique, qui remonte assez profondément dans l’histoire de

Page 36: Islam   et   culture   mai 2012

la société. C’est en ce sens que l’enseignement de l’histoire devient une

base de l’éthique sociale. Le lien intime de l’individu avec le monde des

personnes est d’origine culturelle et implique les facteurs historiq

Figure 3 : Sources de culture

2.2.2 Monde des idées

L’organisation d’une société, sa vie, sa dynamique ou bien son anarchie,

son apathie ou sa stagnation sont fonction du système d’idées propre

cette société, lequel constitue une part importante

d’une société. Les différentes étapes d

processus idéologique. L’importance des idées dans la vie d’une société

apparaît sous une double forme

stimulants de la vie sociale, soit au contraire comme agents pathogènes

rendant impossible ou aléatoire tout développement social. En d’autres

termes, les idées peuvent s’avérer positives pour propulser la société

chemin du progrès et de la civilisation ou négatives en

CULTURE

PERSONNES

CHOSES

NATURE

36

la société. C’est en ce sens que l’enseignement de l’histoire devient une

base de l’éthique sociale. Le lien intime de l’individu avec le monde des

personnes est d’origine culturelle et implique les facteurs historiques.

: Sources de culture

L’organisation d’une société, sa vie, sa dynamique ou bien son anarchie,

son apathie ou sa stagnation sont fonction du système d’idées propres à

constitue une part importante du matériel d’évolution

d’une société. Les différentes étapes d’évolution sont des phases de son

processus idéologique. L’importance des idées dans la vie d’une société

: elles peuvent agir soit comme des

sociale, soit au contraire comme agents pathogènes

nt impossible ou aléatoire tout développement social. En d’autres

les idées peuvent s’avérer positives pour propulser la société sur le

chemin du progrès et de la civilisation ou négatives entraînant la

CULTURE

PERSONNES

IDEES

CHOSES

Page 37: Islam   et   culture   mai 2012

37

destruction et la décadence. Le monde d’aujourd’hui est entré dans une

nouvelle ère où la majorité de ses problèmes ne peut être résolue que sur

la base de systèmes d’idées. Khrouchtchev disait « le succès économique

est le critère le plus fondé de la véracité des idées ». On entend souvent dire

que si les Arabes possèdent le pétrole, les Occidentaux possèdent des idées.

2.2.3 Monde des choses

Chaque société doit agir, sur le plan matériel, pour assurer le bien-être de

l’individu et de la collectivité. Elle doit utiliser et valoriser les ressources

naturelles disponibles qui constituent le support de la vie sur terre. On

regroupe avec les ressources naturelles, la protection et la sauvegarde de

l’homme (santé, hygiène) ainsi que l’environnement. L’homme,

l’environnement (qualité de l’air, de l’eau et du sol), les animaux, les

végétaux font partie des ressources naturelles. La différence entre les

diverses cultures se situe dans la façon de percevoir ces ressources, de les

utiliser et de se comporter vis-à-vis d’elles. L’interaction de l’homme avec

son environnement et les ressources naturelles est un processus

dynamique car, pour évoluer, l’homme modifie son milieu. Ce processus

doit se faire en préservant les ressources naturelles et en sauvegardant

l’environnement. La libération de l’homme des contraintes matérielles

d’ordre primaire lui permet de consacrer plus de temps à l’épanouissement

de son esprit. Toute chose se pose en termes de spiritualité et de

matérialité. La matérialité se manifeste à travers le langage objectif qui

intéresse l’artisan, le physicien, le chimiste, l’industriel ou le commerçant.

La spiritualité se traduit par un langage subjectif qui communique à l’âme

d’un enfant, d’un poète, d’un musicien, d’un inventeur, un message

mystérieux, mais riche de signification. Quand deux individus interprètent

Page 38: Islam   et   culture   mai 2012

38

de la même manière ce message, en dépit des différences sociales qui

peuvent exister entre eux, on en déduit qu’ils appartiennent à la même

culture. Une chose peut mourir quand elle se trouve coupée de son cadre

culturel habituel car, en dehors de ce cadre, son langage n’a pas de sens.

Considérons ce qui signifierait un avion qui atterrirait dans une foret dense

d’Amazonie12 pour une tribu restée au stade préhistoire. Il est évident que cet

avion (la chose) perd toute sa signification hors de son cadre culturel. Le

développement d’une société ne peut s’opérer uniquement par

l’accumulation de richesses et l’entassement des choses mais par un idéal

qui guide sa voie vers l’épanouissement de l’homme et de la société.

2.2.4 Monde des phénomènes naturels

Notre subjectivité joue un rôle capital dans la détermination d’une culture

et de son caractère, mais elle ne s’enrichit pas uniquement des personnes,

des idées et des choses. En effet, on a un perpétuel dialogue et échange

avec le milieu naturel (ressources naturelles et environnement) qui nous

transmet son message sous forme mystérieuse : les couleurs, les sons, les

odeurs, les mouvements, les ombres, les lumières, les formes. Ces

éléments naturels, eux-mêmes, sont captés par notre psychisme, dissous

dans notre subjectivité, assimilés par nous sous forme d’éléments

culturels, intégrés à notre être moral dans ses structures fondamentales. Ce

n’est pas sans motif que toutes les poésies et toutes les peintures célèbrent

les paysages, les levers et couchers du soleil, les nappes d’eau, les

ruisseaux, les chutes d’eau, la grâce d’un mouvement, la beauté des

formes, la légèreté d’un parfum, les nuances d’une couleur.

12 M. Bennabi

Page 39: Islam   et   culture   mai 2012

39

2-3 CARACTERISTIQUES FONDAMENTALES DE LA CULTURE

La culture présente trois caractéristiques fondamentales :

• elle a une relative indépendance vis-à-vis des individus qui la

vivent et la pratiquent bien qu’elle n’existe que par eux,

• elle prend vis-à-vis du groupe social l’aspect d’un modèle admis,

partagé, standardisé et contraignant à un certain degré,

• elle constitue l’ensemble des manières d’agir c’est-à-dire de se

comporter et de penser qui sont nécessaires dans un groupe donné.

La culture traduit dans ses caractéristiques courantes (mœurs, croyances

morales, etc..) la manière dont le corps social a résolu le problème

fondamental de son adaptation au monde physique ou monde tangible. La

culture est l’ensemble des stimulations, contraintes et modèles qui

conditionnent l’action de l’homme, contribuent à la construction de son

être et lui permettent un ancrage solide dans le réel.

2-4 EVOLUTION ET DIFFUSION DE LA CULTURE

L'évolution de la culture est étroitement liée au développement des

connaissances et au progrès, grâce auxquels l’humanité exploite son

milieu naturel de manière de plus en plus complexe. Au XIXe siècle, de

nombreux pionniers en matière d'anthropologie et de sociologie ont

avancé la théorie selon laquelle chaque culture passe par des étapes

spécifiques d'évolution. Aujourd'hui, cette théorie est remise en cause. Il

est évident qu'une société simple, isolée géographiquement du reste du

monde et composée de quelques centaines d'individus vivant dans la forêt

équatoriale amazonienne, ne pourrait seule mettre au point un système

Page 40: Islam   et   culture   mai 2012

40

d'agriculture irriguée ou fabriquer des automobiles. Ce n’est pas le cas du

Japon qui, ouvert aux échanges avec d’autres nations, a bénéficié du

transfert des connaissances et de leur apport. En moins d'un siècle, la

culture japonaise est passée d'une société agraire et féodale à l'une des

sociétés industrielles les plus avancées du monde. Ainsi, on peut déduire

que la culture humaine fonctionne par accrétion, accumulation et

assimilation, c'est-à-dire qu'elle peut se propager d'une société à l'autre

dans les limites imposées par l'environnement physique, selon son

aptitude à absorber de nouvelles idées, de nouvelles formes d’organisation

et de nouvelles technologies. La culture n’est pas figée dans le temps, non

seulement elle évolue selon sa logique propre, mais elle reste soumise à

l'ensemble des déterminants de l'histoire et des rapports avec les milieux

naturels et écologiques. Certains facteurs politiques, économiques,

techniques, environnementaux, voire démographiques, peuvent être à

l’origine et à un moment précis de crises et de transformations culturelles.

Aujourd’hui, avec la révolution et les autoroutes de l’information et de la

communication, les cultures se trouvent en confrontation directe. Ce qui

impose à celles qui veulent survivre de développer une stratégie offensive

au lieu d’une stratégie défensive qui les mettra, d’une manière ou d’une

autre, en position de faiblesse et d’infériorité. Pour assurer une

confrontation libre et démocratique des cultures et des idées, il est

indispensable de démocratiser, en premier lieu, ces autoroutes contrôlées

par les acteurs de la globalisation économique. Ce qui apparaît pour le

moment hypothétique, compte tenu de la main mise actuelle de ces

acteurs. La défense de la culture ne se différencie nullement de celle de

l’économie.

Page 41: Islam   et   culture   mai 2012

41

2-5 PROCESSUS D’ACCULTURATION

Le Larousse définit l’acculturation comme « l’adaptation forcée ou non à

une nouvelle culture matérielle, à de nouvelles croyances, à de nouveaux

comportements ». L’acculturation est le phénomène d’acquisition et

d’intériorisation de nouvelles valeurs par une culture donnée, compte tenu

des progrès scientifiques et techniques et du développement des méthodes

d’organisation. L’acculturation, dans sa dimension éthique, contribue au

renouveau de la culture en facilitant son adaptation temporelle et en

renforçant son rayonnement et sa diffusion à grande échelle. La culture

n’est pas un système figé de valeurs. Elle s’enrichit au contact d’autres

cultures par l’appropriation de valeurs, moyens et outils qui lui permettent

de mieux répondre aux besoins spirituels et socioéconomiques de

l’homme. L’amélioration constante des moyens d’information, de

communication et de transport a permis de renforcer considérablement les

échanges de toutes sortes entre nations. Tous les aspects d'une culture ne

se propagent pas avec la même rapidité, ni avec la même facilité. La

rencontre puis le contact conduisent à des phénomènes d'acculturation, de

sélection (réciproque ou non) d'éléments d'une culture par une autre, le

plus souvent voisines. Ces éléments culturels (nouvelles connaissances,

progrès techniques, mode d'organisation politique ou de gestion) peuvent

bien s'intégrer à la configuration culturelle qui les accueille.

L'acculturation fut d'abord conçue comme un phénomène d'échanges entre

institutions ou comme traits culturels équivalents. Cependant, les

anthropologues se sont rendus compte très vite de la nature profondément

inégalitaire de ces contacts: les dominations coloniales à la fois

économique et linguistique provoquèrent des acculturations forcées et

Page 42: Islam   et   culture   mai 2012

42

unilatérales souvent rejetées par les populations autochtones. La

destruction de groupes humains a entraîné des pertes culturelles

irréversibles et la disparition de patrimoines culturels originaux et

uniques. L'expansion européenne depuis le XVe siècle, en Amérique du

Nord et du Sud, en Afrique, en Asie et dans les archipels du Pacifique, fut

en un sens, un massacre et un génocide culturel. On qualifie cette

disparition humaine et matérielle des cultures dites «primitives» par le

terme d'ethnocide.

Les particularismes sociologiques et leur variabilité renvoient à un

ensemble de valeurs comme celles de l’appartenance religieuse, à des

profondeurs historiques, à des échelles démographiques et politiques, et

par conséquent, à des traditions où s'affrontent la culture comme forme ou

modèle et la culture comme fond ou matière. En ce sens, les cultures ne

sont ni des artefacts (des constructions) ni des machines bricolées (à

adaptation permanente). La culture est un instrument d'identification, de

valorisation et donc de transmission du patrimoine et de la tradition. Le

concept d’acculturation peut s’appliquer aussi bien à de nouveaux

éléments de culture qu’on désire introduire dans une société que de faire

revivre des valeurs du patrimoine culturel historique à même de servir de

motivation et de susciter une tension interne chez l’individu pour

l’appropriation des facteurs de développement global. Le concept

d’acculturation ne vise pas à manipuler les esprits d’un groupe social à des

fins immorales basées sur la haine d’un autre groupe social ou d’autres

nations comme ce fut le cas de la propagande fasciste hitlérienne (la

culture nazie prônait la supériorité de la race arienne sur les autres races

humaines) mais pour stimuler les individus afin de développer leurs

Page 43: Islam   et   culture   mai 2012

43

capacités morales naturelles et les amener à accepter et à consentir des

efforts dans le sens du bien commun et de l’humanité toute entière.

L’acculturation japonaise a permis d’injecter dans la culture ancestrale, les

méthodes, les comportements et les réflexes qui sont nécessaires pour

l’appropriation de nouveaux moyens de développement.

Le concept d’acculturation se fait en deux étapes : une étape de génération

et de formulation des idées et une étape d’application des idées. Dans la

première étape, on fait appel à l’analyse du passé, de l’état actuel de la

société et des perspectives de son évolution future. Dans la seconde étape,

conséquence de la première, on identifie les voies et moyens les plus

appropriés et les moins coûteux pour assurer les conditions optimales de

réceptivité par l’individu et la société. Une culture ne vaut que par

l’acceptation volontaire et sans contrainte et son introjection par la

majorité des individus qui constituent la société. Ce qui suppose au

préalable une formation et une éducation au cours desquelles les idées

sont explicitées et communiquées de façon la plus honnête possible. Cette

phase peut être plus ou moins longue en fonction du degré de maturité et

de motivation des populations. Des évaluations objectives doivent se faire

au cours de la mise en œuvre de cette phase pour remédier aux

imperfections qui peuvent apparaître afin de corriger et d’accélérer le

processus d’acquisition culturelle.

Tout concept d’acculturation présente donc une étape spirituelle pour la

genèse des idées et une étape temporelle pour leur mise en œuvre

opérationnelle. Ce concept ne doit pas être considéré comme statique et

immuable dans le temps. Il doit être sans cesse actualisé en fonction de

l’évolution du monde et surtout dans sa phase temporelle en intégrant les

Page 44: Islam   et   culture   mai 2012

44

nouvelles connaissances à même d’améliorer l’application pratique des

idées et l’efficacité temporelle. Le concept d’acculturation procède lui-

même de l’évolution historique de l’humanité. Chaque civilisation a

commencé, à côté de nouvelles valeurs qu’elle apportait, par s’approprier

les connaissances et les valeurs déjà acquises par les civilisations qui l’ont

précédée. C’est grâce à ses propres valeurs et à cette acquisition que

chaque civilisation a été en mesure d’inventer et d’enfanter de nouvelles

valeurs et d’assurer le progrès sans cesse renouvelé de l’humanité dans

son ensemble. En somme, sur le plan temporel, le savoir de l’homme est

l’accumulation historique des savoirs des hommes qui l’ont précédé. On

peut étayer cela par beaucoup d’exemples dans l’histoire de l’humanité.

La civilisation romaine a bénéficié de l’héritage du savoir grecque, celle

de Carthage de celui de Rome et la civilisation islamique de ceux qui l’ont

précédée. L’acculturation, si elle est bien définie au niveau de sa

conception et de sa mise en œuvre, peut bénéficier du boom représenté par

les nouveaux moyens de l’information et de la communication pour sa

transmission et son acquisition par le plus grand nombre. Par le passé, le

savoir se transmettait par l’individu et mettait beaucoup de temps pour se

répandre à grande échelle. L’évolution était lente et localisée.

Aujourd’hui, grâce aux nouveaux moyens de diffusion, la transmission

des savoirs s’accélère de manière inconnue jusqu’alors et se fait par

plusieurs voies et par un grand nombre d’individus. Ce qui induit, en plus

de la diffusion des connaissances, une synergie des savoirs qui accélèrent

plus le développement global de l’humanité, sur tous les plans. Au niveau

de chaque pays, les gouvernants doivent s'appuyer sur les cultures locales

ancrées dans les réalités de leur milieu pour concevoir des stratégies

d’acculturation. La solution ne peut pas être atteinte par l'application d’un

Page 45: Islam   et   culture   mai 2012

45

enseignement théorique ou l’importation de programmes éducatifs de

l’extérieur mais par une éducation qui prend en compte la culture locale.

Ce qui peut être facilement accepté par l'individu, la communauté et le

pays. Il faut incorporer, selon les circonstances locales, des éléments

d’enseignement tirés des réalités locales. Il est grand temps que des

politiques "alternatives", fondées non pas seulement sur l'économie de

marché mais sur la culture, soient conçues et appliquées au monde réel.

2-6 CONCEPT DE CULTURE «POPULAIRE» 13

L’idée de culture populaire est une notion très récente. Elle est venue se

substituer à l’ancienne désignation de « folklore » et vise à effacer le

mépris vis-à-vis de toute réalité humaine à caractère oral ou social. Il est

légitime de s’interroger sur les raisons profondes qui ont amené la pensée

occidentale à réviser radicalement son attitude en passant du mépris de

son passé ancestral à un engouement particulier pour lui. Il apparaît que

ce recours au passé, dans le contexte de la civilisation occidentale, est

destiné à combler l’angoisse et le vide existentiels provoqués par l’échec

de la société de consommation. L’examen historique, au cours des six

siècles passés, montre que cette nouvelle valeur refuge de culture

populaire constitue l’effet transitoire d’une compensation psychologique.

Elle représente en somme une étape sur le trajet d’un drame qui a

commencé avec la rupture entre l’ordre spirituel et l’ordre matériel.

L’homme occidental, en rompant ses amarres culturelles, s’est vu emporté

13 H.Benaissa : Aperçu sur l’idée de culture populaire : El Moujahid 11-09-1989

Page 46: Islam   et   culture   mai 2012

46

par le torrent tumultueux du matérialisme. Aujourd’hui, par effet de

réaction à une évolution sans issue, il tente de s’accrocher aux racines de

ses ancêtres comme une bouée de sauvetage dans un passé qu’il a cherché

en vain à effacer de sa mémoire. La référence au peuple fait partie d’un

phénomène qui a commencé avec le XXe siècle. De fait, il n’y a

pratiquement pas d’expression humaine qui ne se réfère de façon explicite

ou ne fait allusion à la vie populaire. La référence au peuple est

essentiellement une perspective sociologique où l’évocation est associée à

une revendication de justice sociale qui est devenue l’élément essentiel de

la politique des Etats issus des révolutions sociales. Cette référence a

aussi servi d’étendard à certains mouvements nationaux pour réclamer

l’indépendance de leurs pays. La finalité de la justice sociale diffère selon

que la perspective existentielle visée est de nature spirituelle ou

matérialiste. Aussi, elle produira sur le moyen et le long terme des effets

différents. La simple insertion populaire dans une perspective sociale est

insuffisante pour lui donner automatiquement sa véritable raison d’être

dans l’ordre humain. Par conséquent, pour rendre légitime le « concept de

culture populaire », on doit contribuer à restituer à l’homme son équilibre

spirituel et matériel en tant que norme de vie. Il doit s’inscrire dans le

contexte historique et humain qui a consacré sa genèse.

Page 47: Islam   et   culture   mai 2012

47

3. DIVERSITE CULTURELLE

Les cultures humaines varient considérablement. Elles vont

des sociétés dites «primitives» (sans écriture) aux sociétés

les plus lettrées et les plus civilisées. Malgré la diversité des

cultures dans le monde, toutes les sociétés présentent

certains traits culturels universels reflétant les réponses

communes aux besoins de l'homme en tant qu'être social.

A côté d’une culture globale, peuvent en exister des cultures minoritaires

qui particularisent des groupes sociaux ou des communautés et se

distinguent par leurs origines ethniques. La valeur de la culture dominante

se mesure au degré d’intégration et de fusion à elle des cultures

minoritaires. En d’autres termes, elle peut remplacer progressivement les

cultures minoritaires dans la mesure où l’éthique qu’elle véhicule est

supérieure et répond mieux aux aspirations sociales. Cette supériorité

s’entend à la fois sur le plan de l’authenticité de l’éthique et sur le plan de

son efficacité opérationnelle.

La rencontre des cultures est source d’enrichissement : se reconnaître dans

nos différences est indispensable pour mieux vivre ensemble, en

particulier dans nos sociétés de plus en plus métissées. Parler de diversité

culturelle revient à s’interroger sur le sens de la « culture »; il faut réduire

peu à peu le fossé entre les cultures nationales pour aspirer à une culture

universelle. Il faut substituer à la confrontation des civilisations,

génératrice de conflits et développée pour des fins non avouées par

certains théoriciens de l’exclusion, le rapprochement pacifique des

cultures.

Page 48: Islam   et   culture   mai 2012

48

3.1 DEFINITION

L’Unesco définit la diversité culturelle comme « l’ensemble des traits

distinctifs spirituels et matériels, intellectuels et affectifs qui caractérisent

une société ou un groupe social ». Ainsi, la culture est rattachée à un

groupe humain, elle englobe son histoire, sa langue, son mode de vie, ses

traditions, etc. Si les institutions internationales se dotent aujourd’hui d’un

arsenal normatif et législatif pour promouvoir la diversité culturelle, c’est

que celle-ci constitue un « enjeu majeur pour le nouveau millénaire ».

3.2 DIVERSITE CULTURELLE DANS UNE SOCIETE DE

CLASSES

Dans les sociétés de classes, il peut y avoir autant de cultures que de

classes. Ce qui entraîne la compartimentation de la société en groupes

sociaux distincts dont les modes de vie et les intérêts sont différents. Cela

engendre des antagonismes à l’origine de ce qu’on appelle la lutte des

classes. L’équilibre social dépend alors du degré de leur cohabitation et

reste indispensable pour assurer la pérennité de la société. Les sociétés

actuelles l’ont compris à travers une meilleure cohésion sociale. On tente

de réaliser une juste répartition des richesses afin de réduire les fractures

sociales et les différences entre classes. Le but suprême d’une société est

l’aboutissement à une société sans classes, étape indispensable sur le

chemin menant à une culture nationale, partagée par tous.

3.3 DIVERSITE CULTURELLE ET DEVELOPPEMENT

DURABLE

Pour les peuples autochtones, il leur est de plus en plus difficile de

survivre et de préserver leur spécificité dans une économie mondialisée où

Page 49: Islam   et   culture   mai 2012

la possession des territoires et l’exploitation des ressources naturelles

priment le plus souvent sur leurs droits élémentaires. Ce sont des la

des savoirs traditionnels qui disparaissent et notamment un mode de vie

durable, respectueux et adapté à l’environnement.

Figure 4 : Diversité culturelle

D’autre part, des insuffisances ont été

œuvre du développement durable et de son agenda 21, conçus à une

échelle globale par des mécanismes multilatéraux (conventions de Rio

principes et protocoles internationaux

alors introduit, lors du sommet de Johann

développement durable, le facteur culturel

dimension du développement durable

DIVERSITE CULTURELLE

DEFINITION

MONDIALISATION

COHABITATION

RISQUE

49

la possession des territoires et l’exploitation des ressources naturelles

priment le plus souvent sur leurs droits élémentaires. Ce sont des langues,

des savoirs traditionnels qui disparaissent et notamment un mode de vie

durable, respectueux et adapté à l’environnement.

: Diversité culturelle

ont été constatées, en matière de mise en

ent durable et de son agenda 21, conçus à une

des mécanismes multilatéraux (conventions de Rio,

internationaux). La communauté internationale a

introduit, lors du sommet de Johannesburg de 2002 sur le

, le facteur culturel comme une quatrième

du développement durable à côté des dimensions sociale,

DIVERSITE CULTURELLE

DEFINITION

CLASSES

DEVELOPPEMENT

DURABLE

MONDIALISATION

Page 50: Islam   et   culture   mai 2012

50

économique et environnementale. Au concept « problèmes planétaires et

réponse globale » s’est substitué le concept « problèmes planétaires et

réponses locales ».Preuve donc que l’importance des spécificités locales

et culturelles prime dans le cadre du développement durable. L’Unesco

considère la diversité culturelle comme « une force motrice du

développement », un « atout indispensable pour atténuer la pauvreté et

parvenir au développement durable ».

3.4 DIVERSITE CULTURELLE ET MONDIALISATION

La culture est aussi un marché, objet d’enjeux commerciaux très

importants à l’échelle mondiale. On parle d’ailleurs « d’industrie

culturelle ». L’Unesco et de nombreuses associations luttent pour que la

culture et les biens culturels ne soient pas soumis aux règles du commerce

international, en tant que biens publics mondiaux. Les cultures

« minoritaires » sont de plus en plus menacées. Ce qui nous conduit à

lutter pour les préserver. Au-delà de ces constats, il convient de considérer

qu’une culture vivante, perpétuellement en mouvement, doit encourager la

diversité culturelle sans fermer la porte à une réflexion sur la modernité.

Si on « sanctuarise » les cultures, on les fige dans une tradition rétrograde.

Les valeurs « universelles » ne s’opposent pas à une modernité bien

comprise car elles garantissent les droits et la dignité de tous, au-delà des

rapports de puissance et de clivages culturels.

3.5 RISQUE DE LA DIVERSITE CULTURELLE

L’encouragement de la diversité culturelle peut conduire certains peuples

et minorités au repli identitaire. Sous prétexte de protéger la culture et

l’authenticité face aux effets pervers de la mondialisation ou au supposé

Page 51: Islam   et   culture   mai 2012

51

péril vert, blanc, jaune ou noir, on pourrait assister parfois au

développement de mouvements ultranationalistes, à des poussées de

xénophobie pouvant aller jusqu’à la purification ethnique et au génocide.

Les crises récentes dans le monde ont ébranlé les convictions de beaucoup

sur la coexistence pacifique et le dialogue des cultures. Certaines sociétés

ont montré à quel point l’esprit démocratique, loin d’être un principe

solidement ancré, était épidermique, voire pelliculaire. Comment vivre

ensemble dans la diversité? La question est cruciale et se pose avec une

brûlante acuité. Nombreux sont ceux qui s’interrogent aujourd’hui sur les

différents modèles de gestion de la pluralité dont chacun a montré ses

limites.

L’intégration à la française vise à imposer aux minorités la culture de la

République. Au lieu de s’ouvrir à la culture de ces minorités, on tente de

la nier au bénéfice de la culture majoritaire en se servant d’artifices

préfabriqués au nom de la défense des lois de la république, au nom d’une

laïcité mal comprise. Ce n’est pas le cas de certains pays anglo-saxons

comme l’Angleterre qui s’ouvre aux cultures minoritaires et accepte le

principe du communautarisme. La controverse reste vive en Europe où la

majorité des pays s’oppose au communautarisme, sous prétexte d’un

envahissement culturel. De nombreuses voix dénoncent le

communautarisme à l’instar du juriste suisse Bernard Wicht, qui affirme

que celui-ci « ne propose aucun vouloir-vivre-ensemble et conduit, en

dernière instance, à une certaine “balkanisation” des sociétés14». Cette

14 « La diversité culturelle : le sens d’une idée », Diversité culturelle et mondialisation, Paris, Editions Autrement, collection Mutations n°233, page 11.

Page 52: Islam   et   culture   mai 2012

52

attitude est pour le moins étrange dans des pays dits démocratiques qui

prétendent respecter les autres cultures et encourager la libre expression

des idées, surtout que ces pays affirment, tout haut, qu’ils sont

suffisamment immunisés contre l’influence d’une quelconque idéologie.

On peut alors se poser la question de savoir pourquoi ces pays ont peur de

la diffusion des autres cultures? Sinon d’eux-mêmes. Ce qui pose le

problème de l’acceptation de l’autre dans ces pays.

3.6 DIVERSITE CULTURELLE ET COHABITATION

Il s’agit de concevoir une autre manière de vivre ensemble qui puisse

transcender l’obligation de culture unique républicaine et le pseudo-risque

du communautarisme, en évitant les écueils de la naïveté et des

anathèmes?

Dominique Wolton, célèbre sociologue français, directeur de recherche au

CNRS (Centre national de la recherche scientifique français) et auteur,

notamment « de L’autre mondialisation » affirme que « La cohabitation

culturelle consiste à établir des règles permettant à chaque culture de se

protéger ». Est-elle finalement si éloignée du fameux modèle andalou du

XIIe siècle où juifs, chrétiens et musulmans coexistaient et vivaient en

parfaite harmonie, exemple unique pour l’époque ? Thierry Fabre souligne

ainsi : « Avec ses règles et ses limites, ses conflits et ses dominations, la

convivialité a bien eu lieu dans la civilisation d’al-Andalus », Il s’agit

bien d’une expérience susceptible d’éclairer les débats de notre temps où

Page 53: Islam   et   culture   mai 2012

53

se répand le paradigme d’Huntington, selon lequel « les fractures de

civilisation sont les lignes de front de l’avenir15».

A l’heure où la tentation du repli identitaire gagne du terrain, le grand

poète et essayiste mexicain Octavio Paz nous invite à emprunter un autre

chemin : « Toute culture naît du mélange, de la rencontre, des chocs,

souligne-t-il. A l’inverse, c’est de l’isolement que meurent les

civilisations, de l’obsession de la pureté. Le drame des Aztèques, comme

celui des Incas, est né de leur isolement total: impréparés à confronter

d’autres normes que les leurs. Les civilisations précolombiennes se sont

volatilisées dès leur première rencontre avec l’étranger».

Dans le même esprit, Serge Gruzinski, directeur d’études à l’EHESS

(Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, Paris) écrit : « Les

métissages ne sont jamais une panacée ». Ils expriment des combats

jamais gagnés et toujours recommencés. Mais ils fournissent le privilège

d’appartenir à plusieurs mondes en une seule vie.

15 L’héritage andalou, La Tour d’Aigues, Editions de l’aube, collection Monde en cours, 1995, page 7.

Page 54: Islam   et   culture   mai 2012

4. ROLE DE CULTURE

La culture se manifeste à travers les domaines qui lui servent de support

comme la langue, l’histoire,

l’environnement, l’économie, la politique

Figure 5 : Rôle de la culture

4.1 CULTURE ET IDEOLOGIE

D’après le Larousse

représentations cohérentes dans lesquelles un

sociale se reconnaît et dont elle se sert dans sa lutte contre

une autre classe pour imposer sa domination

ROLE DE LA

IDEOLOGIE

POLITIQUE

ECONOMIE

ENVIRONNEMENT

54

. ROLE DE CULTURE

La culture se manifeste à travers les domaines qui lui servent de support

, l’idéologie, l’éducation, la science,

l’environnement, l’économie, la politique.

: Rôle de la culture

IDEOLOGIE

Larousse « l’idéologie est un ensemble de

représentations cohérentes dans lesquelles une classe

sociale se reconnaît et dont elle se sert dans sa lutte contre

une autre classe pour imposer sa domination ».

ROLE DE LA CULTURE

IDEOLOGIE

LANGUE

HISTOIRE

EDUCATION

SCIENCE

Page 55: Islam   et   culture   mai 2012

55

On peut se poser la question de savoir s’il faut parler de culture sans parler

d’idéologie ou d’idéologie sans parler de culture. Si le concept de culture

est vieux comme l’histoire, il n’en est pas autant du concept de

l’idéologie. Les idéologies, en Occident, sont nées au XXe siècle avec

l’éclosion des connaissances scientifiques dans de multiples domaines de

la vie et l’influence des idées nouvelles sur la nature de la société humaine

et du rôle de l’individu. Ces idéologies sont nées également des

contradictions de l’église et des conflits d’autorité entre elle et l’Etat.

L’église, tout en restant une institution distincte, exerçait de façon directe

son influence sur l’Etat. Ces idéologies sont aussi le résultat de l’extension

du nationalisme, bien que celui ci ne soit pas né au XXe siècle. Elles

découlaient aussi de la prise de conscience croissante en faveur d’une

unité possible du genre humain. Il apparaît pour le moins une

contradiction entre deux idées maîtresses : le nationalisme et l’unité du

genre humain. Le nationalisme a abouti au désir d’expansion de certains

pays au détriment des autres par la colonisation. Cette vision a commencé

avec les premiers établissements humains de l’histoire. Dés qu’un groupe

humain s’appropriait un territoire, son objectif premier consistait à assurer

son extension au détriment des autres.

Chaque pays, dans le souci de l’unification du genre humain, agissait pour

soi tout en éprouvant le besoin de se rassembler autour d’une nouvelle

invention à savoir l’identité idéologique. Avant l‘apparition de l’idéologie,

les pays se différenciaient principalement sur une base culturelle

d’essence religieuse : chrétienne, judaïque, islamique, hindoue, djaïna,

bouddhiste, confucéenne, taoïste, shintoïste, etc. Bien que beaucoup de

religions prêchent la fraternité des hommes, l’unité de l’humanité n’a pu

Page 56: Islam   et   culture   mai 2012

56

se faire à cause principalement des idéologies. En effet, les idéologies

définissent les rapports sociaux en tant que rapports de force basés sur des

intérêts matériels, alors que la culture religieuse les définit en tant que

rapports moraux basés sur une éthique. Certaines nations et groupes

humains, unis par un sentiment d’appartenance à une identité culturelle

commune, se sont efforcés de conformer la réalité de leur existence

quotidienne avec leurs idéaux culturels.

Pour les démocraties libérales qui, historiquement, n’appliquaient que le

principe étroit purement politique, d’autodétermination, cela signifiait une

extension du concept aux aspects socioéconomiques de la vie.

Pour les sociétés marxistes, qui interprétaient l’humanité en termes de

marxisme, cela signifiait l’identification d’un peuple avec le processus

historique du matérialisme dialectique et l’unification des efforts de tous

en vue d’édifier une société socialiste.

Pour les nationalistes, comme Mussolini, il s’agissait de recréer la

grandeur d’un lointain passé : l’empire de Rome.

Pour Hitler et les Afrikaanders de l’Afrique du Sud, la race devenait un

concept de vocation nationale et une justification suffisante pour dominer

les autres peuples considérés comme inférieurs.

Chacune de ces idéologies a développé un modèle de culture et une

éducation pour lui servir de support pour son implantation et son

extension. Mais aucune de ces cultures ne pouvait s’ériger en culture

globale, car elles s’excluaient mutuellement. Ceux qui croyaient en une

religion unique liant leur vie spirituelle à leur vie politique, ont formé un

Etat conforme à leur conviction comme dans le cas du Pakistan.

Page 57: Islam   et   culture   mai 2012

Figure 6 : Idéologie

Des pays, comme le Japon, ont décidé d’incorporer les nouvelles

connaissances scientifiques et techniques et certaines coutumes

occidentales dans leurs structures sociales existantes. Tout en respectant

les valeurs fondamentales du peuple Japonais, la devise de l’Etat Japona

restait: « un esprit japonais et un savoir faire occidental

japonaise continuait à déterminer toutes les relations sociales, celles de

l’employeur avec ses ouvriers, du propriétaire de la terre avec ses paysans,

des vieux avec les jeunes, des maîtres avec leurs serviteurs, des supérieurs

avec leurs subalternes, dans chacune des hiérarchies familiale,

professionnelle, économique et sociale. En matière d’éducation, on a

cherché à inculquer aux enfants le sens de responsabilité, du devoir en

IDEOLOGIE

LIBERALISME

SUPREMATIE RACIALE

MARXISME

57

igure 6 : Idéologie

Japon, ont décidé d’incorporer les nouvelles

connaissances scientifiques et techniques et certaines coutumes

s structures sociales existantes. Tout en respectant

les valeurs fondamentales du peuple Japonais, la devise de l’Etat Japonais

un esprit japonais et un savoir faire occidental ». La tradition

japonaise continuait à déterminer toutes les relations sociales, celles de

l’employeur avec ses ouvriers, du propriétaire de la terre avec ses paysans,

, des maîtres avec leurs serviteurs, des supérieurs

avec leurs subalternes, dans chacune des hiérarchies familiale,

professionnelle, économique et sociale. En matière d’éducation, on a

cherché à inculquer aux enfants le sens de responsabilité, du devoir en se

IDEOLOGIE

LIBERALISME

NATIONALISME

SUPREMATIE RACIALE

Page 58: Islam   et   culture   mai 2012

58

basant sur le fondement des principes traditionnels qui consistent à

honorer le passé historique du Japon et l’éthique confucéenne. Le Japon

est un des rares, sinon l’unique pays qui a réussi, pendant un laps de temps

historique réduit, à dynamiser et à rénover sa culture traditionnelle en y

incorporant le savoir faire occidental tout en respectant son savoir être.

Les idéologies ont donné naissance à de nombreuses cultures qui ont

compartimenté le monde et rendu son unité pratiquement impossible.

4.2 LANGUE

Ibn Khaldoun disait « Les langues ne sont que

l’interprète du contenu de la conscience : c’est à dire des

significations qu’elle renferme ».

L'émergence du langage fut une étape décisive qui a permis l’expression

de la prodigieuse complexité de la culture humaine. Grâce à lui, les

hommes sont capables d'utiliser des symboles, c'est-à-dire d'octroyer et de

communiquer des significations par l'intermédiaire de signes phoniques et

par l'organisation de ces signes en phrases. S'ils reçoivent un

apprentissage, de nombreux animaux sont capables de réagir au langage,

mais uniquement en tant que signaux ou appels, non en tant que véritables

symboles. Toutes les cultures humaines ont pour fondement le langage.

Même les langages des peuples analphabètes possèdent un degré de

complexité suffisant pour transmettre la totalité d'une culture dans ses

éléments et ses connexions. Dans certaines civilisations, le langage ne

permet de nommer que les cinq premiers chiffres; pour les chiffres plus

élevés, on utilise le terme « beaucoup »; d'autres disposent d'un système

décimal leur permettant de compter jusqu'aux millions, milliards et même

davantage.

Page 59: Islam   et   culture   mai 2012

59

Le génie d’une langue est conditionné par les éléments que fournit le

milieu naturel à sa rhétorique particulière. La topographie et la nature des

lieux, le ciel, le climat, la faune, la flore sont des générateurs d’idées et

d’images qui sont le patrimoine particulier d’une langue à l’exclusion

d’une autre. Par conséquent, la critique interne d’une langue doit y

révéler, dans une grande mesure, ses rapports avec les données du milieu

naturel où elle est née.

La langue, d’une façon générale, est organisée pour véhiculer la pensée

d’une culture et d’une civilisation. Si la culture est le concepteur d’une

civilisation, la langue est son moyen de transmission. Une culture évolue

sans cesse et doit en permanence adapter la langue qui la véhicule. En

somme, la culture fait la langue mais la langue ne fait pas la culture.

La psychologie moderne montre que la langue ne constitue pas la source

de la logique mais au contraire elle est structurée par elle. Ceci contredit

les affirmations de Durkheim qui, se basant sur le fait que le langage

comporte une logique, extrapole en disant que la langue est le facteur

essentiel et même l’unique moyen d’apprentissage de la logique par un

individu donné, soumis à un type de culture. Pour étayer ceci, on peut

prendre l’exemple de la latinisation des caractères arabes par M.K.

Atatürk qui pensait que le retard culturel des Turcs était dû à la langue

arabe. Cependant, l’argument véritable n’était pas là, mais plutôt dans le

désir de rompre définitivement avec l’héritage arabe et islamique des

peuples voisins. M.K. Atatürk était un nationaliste qui attribuait la cause

de l’effritement de l’empire Ottoman uniquement à l’opposition des

peuples arabes en oubliant la part de responsabilité qui incombait aux

sultans Turcs eux-mêmes dans la gestion désastreuse de l’empire ottoman.

Page 60: Islam   et   culture   mai 2012

Pendant longtemps, la Turquie

musulmans, à vivre dans ses difficultés économiques et ses contradictions

sociales, à la recherche de l’appui financier et technique de l’Occident.

Elle cherche, aujourd’hui, à s’intégrer à

européen, non pas sur la base géographique mais culturelle. L’adhésion à

l’Union européenne est fortement contestée par de nombreux pays de

l’UE, tandis que celle de son adversaire de toujours

été depuis belle lurette. En somme, si la Turquie s’est latinisée, cela

signifie pas que les latins l’ont adoptée

Figure

4.2.1 Analyse historique des langues

Si l’on s’intéresse aux principales langues

par le passé, peut-on affirmer que le

fonction de sa propre structure? On peut répondre d’emblée

En effet, le Grec, le Latin et l’Arabe d’aujourd’hui sont les mêmes langues

qui rayonnaient hier, mais hier elles brillaient de mille éclats de

civilisation qu’elles véhiculaient. Aujourd’hui, elles valent ce que valent

LANGUEHISTORIQUE

60

a continué, à l’instar d’autres pays

sulmans, à vivre dans ses difficultés économiques et ses contradictions

sociales, à la recherche de l’appui financier et technique de l’Occident.

à s’intégrer à l’Occident, qui lui refuse le label

ographique mais culturelle. L’adhésion à

est fortement contestée par de nombreux pays de

tandis que celle de son adversaire de toujours, la Grèce voisine, l’a

été depuis belle lurette. En somme, si la Turquie s’est latinisée, cela ne

atins l’ont adoptée en lui ouvrant les portes.

Figure 7 : Langue

Analyse historique des langues

Si l’on s’intéresse aux principales langues, qui ont rayonné sur l’humanité

on affirmer que le rayonnement d’une langue est

propre structure? On peut répondre d’emblée par le non.

En effet, le Grec, le Latin et l’Arabe d’aujourd’hui sont les mêmes langues

qui rayonnaient hier, mais hier elles brillaient de mille éclats de la

. Aujourd’hui, elles valent ce que valent

RENAISSANCELANGUE

Page 61: Islam   et   culture   mai 2012

61

la Grèce, Rome et les pays arabes16. Elles se sont sous-développées au

même titre que les civilisations qui les véhiculaient. Citons l’analyse

judicieuse de R. Bénaissa : « Nous savons que trois langues se sont

imposées successivement à des aires variables avant l’époque moderne :

le Grec, le Latin et l’Arabe. Il est clair que leur diffusion n’a pas dépendu

de leur ‘’logique interne’’ mais des civilisations successives qu’elles ont

exprimées. Il est plus évident que leur extinction n’a pas été provoquée

par leur incapacité à forger des néologismes, elles étaient toutes à leur

apogée, mais par la décadence des civilisations qu’elles traduisaient.

C’est la décadence des groupements humains, qui à une phase de leur

évolution, ne réfléchissent plus, ne produisent plus et n’inventent plus

rien ».

Durant la domination coloniale, les peuples colonisés ont résisté à

l’assimilation linguistique comme un moyen de résistance culturelle. Une

des premières formes de combat contre le colonialisme fut celle de la

langue et de sa reconnaissance par les autorités coloniales. Malgré leur

appauvrissement matériel, les peuples colonisés cotisaient sur leurs

maigres revenus pour créer des écoles comme l’exemple des médersas en

Algérie et apprendre à leurs enfants la langue de leurs parents et ancêtres.

La colonisation, malgré ses moyens colossaux et ses cerveaux, n’a pas

réussi à briser la langue des autochtones. Sous la pression des peuples

sous sa domination, la colonisation fut souvent contrainte d’autoriser la

création d’écoles pour l’enseignement de langues autochtones, mais

revenait très tôt sur cette autorisation en emprisonnant les maîtres d’école.

16 M Bennabi : langue et culture

Page 62: Islam   et   culture   mai 2012

62

La langue, pour les autochtones comme pour les colonisateurs était un

enjeu stratégique. Pour le colonisé, c’était le moyen de conserver sa

propre identité et pour le colonisateur le moyen d’imposer sa culture et sa

domination.

4.2.2 Renaissance des langues

La renaissance d’une langue ne dépend pas du nombre de mots qui la

composent mais de la renaissance culturelle induite par la créativité et le

développement généralisé de l’ensemble des secteurs de la vie sociale.

Une même langue peut avoir un rayonnement différent suivant qu’elle

côtoie une civilisation plus forte ou plus faible. Par exemple, le Français

qui s’impose assez facilement comme une langue européenne, se trouve

bien relégué au Canada où il côtoie l’Anglais qui est soutenu par la toute

puissante Amérique : c’est à dire par les centaines de milliers de

publications produites par les milliers de maisons américaines d’édition.

Cela ne veut pas dire que l’Anglais soit meilleur dans l’absolu que le

Français, mais signifie simplement que l’Anglais prend l’espace de la

civilisation Anglo-saxonne. Ce qui explique que l’Anglais a pris de

l’extension ces dernières décades et qu’il ne cessera d’en prendre aussi

longtemps que la civilisation qu’il véhicule continuera à briller. Ceci est

aussi vrai pour l’économie que pour la politique. C’est le Canada et

surtout le Québec qui constituent le grand paradoxe de la langue française

par la création du plus grand nombre de nouveaux néologismes en

français en comparaison avec la France elle-même et les autres pays

francophones. La question qu’on peut se poser est de savoir pourquoi la

France est incapable de dynamiser la langue française au point où c’est le

Québec qui s’en charge? Le Québec francophone est confronté de plus

Page 63: Islam   et   culture   mai 2012

63

près à la culture Anglo-saxonne et se trouve à l’avant-garde de la lutte des

langues qui est synonyme de lutte des cultures. Pour défendre sa culture,

le Québec crée et assimile de nouveaux mots au français qu’il emprunte

parfois directement de l’Anglais dans un double but : enrichir la langue

française et contrebalancer l’évolution rapide de la langue anglaise. En

mars 1985, à l’occasion de la tenue du Haut Conseil Français de la

Francophonie, l’ancien Chef d’Etat Français, F. Mitterrand déclarait « La

francophonie doit changer de rythme et de temps » parce que le

« Français a tendance à être une langue paresseuse ». Il ajoute « il faut

maintenant mesurer les urgences, proposer et agir ». Le Président

Français citait l’exemple de la terminologie où les francophones sauf au

Canada ont notamment pris du retard. L’Allemagne fédérale dispose

d’une banque terminologique d’un million de mots alors que la France

réunit seulement 400.000 mots. Il faut également citer le Japon et la Chine

qui mènent une action sans relâche pour forger de nouveaux termes dans

leurs langues et traduisent, à cet effet, le maximum de livres étrangers. Ils

déploient de grands efforts dans les domaines scientifiques et techniques

pour améliorer le niveau de leurs connaissances et d’enrichir leurs langues

de termes nouveaux. Ce qu’on a pris pour habitude d’appeler « les

industries du langage ». Il faut rappeler que les langues comme le

Chinois, le Japonais sont des langues complexes et très anciennes qui ne

sauraient se mesurer à l’Arabe qui, sur le plan historique, est une langue

beaucoup plus jeune. Les Chinois et les Japonais n’ont pas hésité à

réinstaller leur langue chez eux, conscients que la langue exprime l’âme et

la culture de leur peuple et que sa renaissance est conditionnée par la

valorisation de la culture. En Israël, l’Hébreu a été ressuscité pour qu’il

représente une valeur culturelle. L’orientaliste Massignon disait que « les

Page 64: Islam   et   culture   mai 2012

64

langues sémitiques présentaient une double disposition : l’une qui leur a

permis de recevoir la révélation des écritures monothéistes et l’autre qui

a permis à ces langues de suivre et de conduire pendant des millénaires

toute la pensée de l’homme, notamment sa pensée scientifique ».

4.3 CULTURE ET HISTOIRE

P.T De Chardin17 « Avec la vie devenue réfléchie, Ce n’est

pas seulement encore une capacité inconnue d’invention qui est

apparue sur terre, mais ce sont aussi, corrélativement, deux

fonctions biologiques fondamentales, celles de multiplication et

de consommation »

L’histoire de la culture humaine est aussi vieille que celle de l’homme. La

culture, dont bénéficie l’humanité d’aujourd’hui, est l’accumulation à

travers l’histoire de tous les acquis culturaux obtenus de génération en

génération, chacune transmettant à l’autre son savoir et sa pensée. C’est

grâce à cette accumulation que l’homme se sert de l’expérience passée

pour envisager son devenir. Une culture ne peut effacer une autre que si

elle possède aux yeux de l’homme une valeur plus grande et répond mieux

à ses aspirations profondes. P.T De Chardin18 écrivait « L’épanouissement

de la conscience humaine est le thème essentiel de l’histoire. Rien n’est

plus essentiel que le développement et l’exercice conjugués des capacités

17 Pierre Teilhard De chardin- l’Apparition de l’Homme- tome 2 – Editions le Seuil -1956 18 Pierre Teilhard De chardin- l’Apparition de l’Homme- tome 2 – Editions le Seuil -1956

Page 65: Islam   et   culture   mai 2012

65

mentales de l’esprit et de l’imagination sources de culture et de grandeur

humaine. Les spécialistes de l’archéologie et de la paléontologie

s’accordent à affirmer que la naissance de l’intelligence humaine a été

brusque. De même, celle de la pensée s’est produite d’un seul pas et dès

ce moment, la voie de l’espèce humaine était tracée. Elle l’était par le

dynamisme même du pouvoir de réflexion, mais aussi, parce que

contrairement à l’animal qui est étroitement lié à son milieu, l’homme ne

peut survivre que s’il transforme son environnement et l’adapte à sa

propre mesure ». L’homme commence par tailler les pierres et allumer le

feu. C’est ainsi que peu à peu, il donne naissance à la civilisation.

Toutefois, là où la nature offre tout aux hommes, sans leur demander des

efforts en retour, l’humanité reste au même stade de développement et

stagne. Elle peut le demeurer pendant des millénaires. Ce qui est confirmé

par l’existence de nos jours de populations qui sont restées isolées dans

certaines îles ou forêts denses, là où elles trouvent tout ce dont elles ont

besoin (certaines peuplades d’Amazonie sont demeurées, jusqu’à nos

jours, au stade préhistorique). C’est le travail exigé, pour vaincre les

obstacles dressés par la nature, qui a fait naître la culture. Les premières

traces de la culture humaine se trouvent enregistrées dans l’art figuré et

l’art rupestre où l’homme est placé au cœur de la scène. Tout se passe

comme s’il prenait désormais conscience de lui-même et de sa situation

dans l’univers. L’homme a commencé, ainsi, à donner naissance à sa

dimension historique et culturelle en enregistrant, d’une certaine manière,

son présent, sa manière de vivre et son environnement. C’est ainsi, qu’est

née l’écriture idéographique en utilisant les symboles les plus communs et

les plus connus. L’espèce humaine s’étant multipliée au cours des

millénaires, le problème s’est posé à certains groupes sociaux de tirer

Page 66: Islam   et   culture   mai 2012

66

profit au maximum du territoire qu’ils occupaient et qu’ils ne pouvaient

guère quitter sans se heurter à des groupes voisins. L’homme a été ainsi

acculé, en quelque sorte, à se sédentariser, à devenir productif, à

compléter la cueillette et la chasse par la culture de plantes sélectionnées

et à élever les animaux domestiques. L'évidence archéologique suggère

que l’agriculture a commencé, en de nombreuses places et de façon plus

ou moins simultanée vers la fin du petit âge glaciaire, soit environ 9000

ans avant Jésus Christ. Le professeur Watson19 pense que l’agriculture n’a

connu son vrai développement qu’aux premiers temps de la civilisation

islamique dans les conditions des zones désertiques ou proches du désert :

« Il serait naturel de considérer que l’agriculture a été inventée dans ces

régions, puisque le sol pouvait être labouré avec peu d’effort et, si irrigué,

pouvait être hautement productif ». Ce passage de l’homme de l’âge de la

chasse à l’âge de l’agriculture n’a été rendu possible que grâce à

l’invention de nouvelles techniques du silex poli, du tissage, de la poterie

et surtout l’esquisse d’une vie communautaire et d’une socialisation.

Progressivement, des foyers de civilisation se sont allumés en même

temps. C’est de Sumer et d’Egypte que tout va partir : la naissance des

villes, l’écriture et la métallurgie. L’histoire de l’humanité se développa

dans le croissant fertile. Les grands fleuves ont été les lits de la culture. Le

Nil, l’Euphrate, le Tigre et les principaux fleuves de l’Inde et de la Chine

en sont des exemples. Les premières sociétés organisées se sont formées

sur leurs rives : la science, la littérature et l’art y virent le jour. Dans ces

19 book on Agricultural Innovation in the Early Islamic Human Interactions with the Environment from Ancient Times to Early Romantic: Paper Delivered at the National Endowment for the Humanities Institute on the Indian Ocean, July 2002 with a Few Updates Josephine A. McQuail Tennessee Technological University

Page 67: Islam   et   culture   mai 2012

67

régions, la terre était particulièrement riche, mais là ne réside pas la seule

raison de ce développement. Les hommes ont du apprendre à s’organiser

et à fournir un travail en commun pour arracher les fruits de la terre. Tout

comme les enfants qui commencent à apprendre, les peuples primitifs ont

d’abord « écrit » en exécutant de petits dessins qui devaient exprimer

leurs pensées. De l’écriture idéographique, se développa l’écriture

syllabique et les voyelles firent leur apparition un peu plus tard.

Désormais, disposant de l’écriture, du parchemin et de technique,

l’humanité va s’engager dans un développement sans fin. Tout en

continuant à faire des progrès dans l’agriculture, l’homme va

progressivement inventer l’industrie, les transports, les moyens de

communication, le commerce, l’architecture, la littérature, l’art, les

sciences et l’enseignement. Avec l’apparition des sociétés humaines

organisées, les empires d’abord, les monarchies ensuite, vont

successivement se constituer et se détruire. L’homme, poussé par son

instinct primaire de domination, va faire la guerre à l’homme, inventer

l’esclavage et la colonisation. Comme on le voit, le besoin de domination

de l’homme ne date pas d’aujourd’hui. C’est même une caractéristique

historique de la nature humaine. Au désir de coloniser l’espace qui lui

appartient, l’homme tente de s’emparer de l’espace du voisin, par la force

ou la ruse. Au fur du temps, l’homme a commencé à inverser l’évolution

naturelle de la culture qui est l’épanouissement de l’homme et de son bien

être par l’exploitation et l’avilissement de son prochain et parfois au nom

de cette même culture dont il a bénéficié et qui fait partie du patrimoine

commun universel. A côté de la culture qui est le fruit de l’histoire de

l’humanité, va se développer en parallèle l’inculture ou l’anti-culture, tout

au long de l’histoire. Désormais, la grandeur des uns va se faire au prix de

Page 68: Islam   et   culture   mai 2012

68

la décadence des autres et la culture humaine va évoluer selon le mode de

flux et de reflux. Après un progrès réalisé, survient une invasion qui brûle

les bibliothèques ou détruit les infrastructures laborieusement réalisées et

remet à zéro l’avancée opérée. Ce qui explique le retard historique de

l’humanité pour atteindre le niveau supérieur des valeurs humaines qui

font la culture universelle. A l’intérieur même de chaque civilisation, vont

agir simultanément les facteurs de progrès et de régression de la culture.

Si les premiers dominent, la civilisation se maintient et si les seconds

l’emportent c’est la décadence. Les civilisations et leurs cultures se

ressemblent. Elles naissent, grandissent et enfantent de nouvelles ou

régressent. L’homme, grâce à sa raison et son intelligence, arrive à

mémoriser les valeurs positives de la culture. C’est par le renforcement de

ces valeurs que l’homme a réussi à se civiliser, à travers la longue histoire

de l’humanité, malgré des périodes sombres qui l’ont jalonnée.

4.4 CULTURE ET EDUCATION

Bennabi20disait : « L’école, ce n’est pas seulement le lieu

où il y a des bancs, des écritoires et un tableau sur lequel on

écrit l’alphabet ou des équations : c’est le temple où une

conscience reçoit la révélation des valeurs qui constituent le

patrimoine humain »

20 M. Bennabi : Politique et culture

Page 69: Islam   et   culture   mai 2012

69

L’éducation est la socialisation des êtres appelés à nous succéder un jour.

Son but est de rendre apte les générations à venir par la transmission

d’une éthique culturelle et de techniques valables pour chaque lieu et

chaque époque. La question, qui se pose pour tout système d’éducation,

est comment faire pour que l’éducation ne soit ni en marge d’une époque,

ni en marge de l’homme par la non prise en charge de sa propre culture ?

L’éducation et la culture ont cessé depuis longtemps d’être indépendantes.

Si l’éducation se déroule selon un rythme et des besoins qui lui sont

propres, il n’en demeure pas moins vrai qu’elle subit les stimulants de

l’ambiance extérieure. Parmi ces stimulants, on peut citer le fonds culturel

constitué par la famille et le milieu qui entoure l’école et tient

incontestablement la première place. La réussite éducative dépend de la

manière et des méthodes employées pour réaliser l’adaptation de l’école à

son milieu naturel.

L’éducation n’est pas seulement la transmission et la communication des

connaissances, comme c’est généralement le cas aujourd’hui, mais

également un acte de vie et un équilibre adéquat de l’être humain avec son

milieu. Eُlle transmet un savoir qui est à la base de la formation de la

personnalité et de la pensée de l’enfant. Ce qui pose la question du rapport

pédagogique entre l’enseignant et l’enfant et l’impérieuse nécessité de

disposer d’enseignants qualifiés en mesure de communiquer les

connaissances, de transmettre le savoir faire et surtout de développer le

savoir-être.

Si l’éducation concerne principalement l’école, la culture implique à la

fois l’école, la famille et le milieu. Aussi l’école ne peut transmettre

qu’une partie du patrimoine culturel. L’enjeu principal est de parvenir à

Page 70: Islam   et   culture   mai 2012

une intégration naturelle et à un équilibre solide entre ces trois

composantes pour éviter toute contradiction entre elles qui risque

d’exercer une influence négative sur l’individu.

En effet, on enseigne à l’homme que les gens sont bien intentionnés à son

égard, que se fier aux autres est une vertu et que se tenir sur ses gardes est

un défaut moral. Or les contradictions

enseignées par l’école et les tensions hostiles qui peuvent exister dans la

réalité sociale, risquent d’influer de manière décisive sur le comportement

de l’individu qui perdra confiance en lui

de nombreux exemples actuels dans les sociétés du tiers monde. On

proclame aux hommes qu’ils sont égaux devant la loi, mais dans la réalité,

il n’en est pas ainsi et il y a plusieurs poids et mesures. On interdit la

corruption, mais dans la vie de tous les jours, on se rend co

existe à divers niveaux de la société.

Figure 8 :

EDUCATION

ECOLE

FAMILLE

70

une intégration naturelle et à un équilibre solide entre ces trois

composantes pour éviter toute contradiction entre elles qui risque

rcer une influence négative sur l’individu.

En effet, on enseigne à l’homme que les gens sont bien intentionnés à son

égard, que se fier aux autres est une vertu et que se tenir sur ses gardes est

un défaut moral. Or les contradictions, entre les valeurs morales

enseignées par l’école et les tensions hostiles qui peuvent exister dans la

réalité sociale, risquent d’influer de manière décisive sur le comportement

de l’individu qui perdra confiance en lui-même et dans les autres. Il y a

actuels dans les sociétés du tiers monde. On

proclame aux hommes qu’ils sont égaux devant la loi, mais dans la réalité,

il n’en est pas ainsi et il y a plusieurs poids et mesures. On interdit la

corruption, mais dans la vie de tous les jours, on se rend compte qu’elle

existe à divers niveaux de la société.

Figure 8 : Éducation

EDUCATION

ECOLE

MILIEU

SOCIAL

Page 71: Islam   et   culture   mai 2012

71

On enseigne que le vol d’autrui est un acte de haute gravité, mais on

constate que s’est devenu un fait divers qui se déroule tous les jours sous

nos yeux. L’éducation peut être largement facilitée par la disponibilité

actuelle de moyens d’information et de communication. L’audiovisuel a

pénétré chaque foyer et chaque centre culturel. L’objectif de l’éducation

n’est pas d’imposer des valeurs de façon autoritaire mais de les faire

accepter par leur qualité et les bienfaits qu’elles apportent à l’individu et à

la société. Les méthodes d’éducation doivent être incitatives et sans cesse

évolutives. Elles doivent considérer la liberté de l’enfant comme étant le

pivot fondamental de la pédagogie en permettant le développement des

manifestations spontanées chez lui et leur prise en compte dans le

processus d’apprentissage. Ce qui suppose l’existence d’éducateurs

expérimentés dotés d’une certaine maturité intellectuelle pour reconnaître

à l’enfant un droit d’existence, un espace propre et une bonne convivialité.

Neil21 disait: « On ne peut éduquer ou enseigner qu’au delà de nos

complexes». Il n’y a pas d’action mécanique de la culture sur le social.

Une culture viable est une culture qui associe l’homme. Car celui-ci est

aussi un facteur d’évolution culturelle par son action sur les choses et la

manière de les valoriser par ses trouvailles et ses inventions. Si

l’éducation ne peut être figée par des méthodes et des règles immuables,

la culture non plus ne peut se prévaloir de normes statiques en ce sens

qu’elle doit être dynamique et adaptée à l’évolution historique. Il y a un va

et vient perpétuel entre l’éducation et la culture qui agissent l’une sur

l’autre. Le Japon a réussi son développement parce qu’il a su associer

21 Neil : libres enfants de Summerhill :Le matin n°357 du 10 janvier 1993

Page 72: Islam   et   culture   mai 2012

72

l’éducation à sa culture ancestrale. Il a considéré la science et la technique

comme un moyen et un savoir faire sans remettre en cause son savoir être

(personnalité) puisé dans sa propre culture. L’éducation doit préparer

l’homme à cette tension interne qui le conduit à s’approprier un savoir

faire tout en valorisant les valeurs morales de sa propre culture et en

consolidant son identité. L'éducation22 doit cesser d'être une activité à part,

largement didactique pour devenir un enseignement interactif fondé sur

l'expérience et la participation. C'est l'ensemble de l'éducation qui doit

changer la manière de vivre des citoyens en les préparant à réfléchir de

façon globale afin d'apprécier et de renforcer les liens entre eux et avec ce

qui les entoure. (Orr 1996)23 disait : « Une approche globale et

interdisciplinaire de l'éducation est de plus en plus difficile à réaliser à

l'ère de la spécialisation».

4.5 CULTURE ET SCIENCE

Mehdi Ben Barka disait « Un pays sans culture et sans

chercheurs ne mérite que l’esclavage ».

Les historiens fixent le début de la civilisation avec celui de l’acquisition

des connaissances qui ont permis à l’homme de se protéger contre les

22 Education à une sensibilisation culturelle pour le partage et la protection de l'eau : perspective islamique Dr. Hussein A. AMERY, Arts libéraux et études internationales, Colorado School of Mines,USA 23 Orr, D.W. 1996. Ecological literacy. In Thinking About the Environment. A. Cahn and R. O'Brien (eds.). Armonk, NY: M.E. Sharpe. p. 27- 234

Page 73: Islam   et   culture   mai 2012

73

facteurs négatifs du milieu extérieur et d’assurer ses besoins alimentaires

primaires. Ce qui a constitué une étape première importante qui lui a

permis d’atteindre une autonomie indispensable en tant que prélude à

l’organisation des activités. On peut vérifier cette analyse au sein de nos

sociétés actuelles. L’homme déshérité, manquant de moyens élémentaires

pour survivre, a pour seul et unique but de satisfaire ses besoins primaires.

Tant qu’il n’y arrive pas à s'auto-suffire, il ne peut pas de manière

naturelle et volontaire se socialiser avec ses semblables. Cependant, il

faut rappeler que l’homme a précédé la science, en ce sens, que c’est la

culture acquise d’une manière ou d’une autre par l’homme qui a permis

d’engendrer la science. Dés sa création, l’homme a été doté d’une capacité

mentale et émotionnelle qui a joué un rôle capital dans la formation de sa

culture et a donné forme et couleur à tous les aspects de la vie humaine.

L’homme, confronté au monde qui l’entoure, subit une tension interne. Ce

qui l’amène à vouloir le comprendre d’abord, à acquérir une certaine

perception et ensuite à l’intégrer à sa propre dimension selon ses capacités

innées. Cette tension est allée sans cesse grandissante au fur et à mesure

que ses connaissances se développaient et qu’il arrivait à maîtriser, de

façon progressive, une partie des éléments de son milieu. C’est grâce à

cette tension que la science est née. M. Bennabi disait au sujet de la

science et de la culture « la culture confère la science, le savoir être. La

culture est une richesse subjective qui se retrouve à tous les étages d’une

société. Elle confère le pouvoir sur les valeurs humaines qui créent une

civilisation. La culture engendre la science mais la science n’engendre

pas la culture. La science confère la connaissance, le savoir, le tour de

main selon le niveau social auquel se fait l’investigation. Elle confère le

pouvoir sur les valeurs technologiques qui créent les choses ». Il disait

Page 74: Islam   et   culture   mai 2012

74

aussi que la puissance d’un Etat se mesure plus à la force de sa culture

qu’à sa science. Les Etats Unis, la France et l’Angleterre n’ont pas vaincu

les peuples Vietnamien, Maghrébin et Indien avec leur science et leur

puissance militaire et ce sont les cultures Vietnamienne, Maghrébine et

Indienne qui ont été les plus fortes. Ainsi c’est la culture qui a la

suprématie sur la science. Jean Paul II a appelé à ce que les activités

scientifiques soient entreprises dans le cadre de l’éthique chrétienne et à

respecter les limites du lien entre la foi et la raison à travers l’Évangile de

la vie.

4.6 CULTURE ET POLITIQUE

F. Castro disait : « La politique ne doit pas se fonder sur le

calcul, sur l’intérêt national, sur la raison d’Etat mais sur

des principes moraux».

La politique se définit comme l’action de l’Etat. C’est une manière de

servir le peuple. Ce qui suppose qu’elle doit reposer sur une éthique

morale et des principes raisonnables et logiques. Elle doit avoir pour base

des droits et des devoirs. Si la culture est à la fois la science et la

conscience, la politique est l’instrument d’application de la culture. En

somme, la politique est l’application dans le domaine temporel des idées

de la culture. Pour qu’une politique soit réalisable et en même temps une

source de motivation pour le peuple, il faut que son action s’inscrive et se

confond avec les aspirations de l’individu pour devenir l’action de la

nation elle-même dans toute sa globalité. L’identification de l’action de

Page 75: Islam   et   culture   mai 2012

75

l’Etat avec l’action individuelle ne peut se réaliser que dans la conscience

de l’individu comme une émanation de la culture en ce sens que les

citoyens d’une même nation partagent en commun des convictions et des

intérêts qui définissent leur comportement. S’il y a un choc ou

contradictions entre les actions de l’Etat et la culture nationale, la

politique devient oppressive et ne peut pas réaliser le bien être de la

nation. Il se produit alors une coupure entre l’Etat et la nation et la

politique ne peut plus animer l’action de l’individu et promouvoir les

énergies sociales dans le sens de la réalisation des objectifs définis et

admis par la majorité des citoyens. La coupure morale entre l’Etat et la

nation est la source de toute régression et de toute décadence. Une

politique ne doit pas se limiter, au court terme, aux besoins et intérêts

immédiats, mais viser des objectifs à moyen et long terme pour assurer

l’union nécessaire et progressive entre l’action de l’Etat et celle de

l’individu sur une base durable qui assure la pérennité de l’Etat et la

sauvegarde des intérêts des individus à long terme. C’est ce qui se traduit

par le concept de développement durable qui doit assurer les besoins et

l’épanouissement des générations présentes et futures. A cette fin, l’Etat

doit élaborer et diffuser une stratégie de développement à moyen et long

terme en liaison avec l’ensemble des acteurs sociaux. Cette stratégie doit

servir comme un idéal à atteindre et une orientation vers laquelle tous les

citoyens doivent converger. Ceci est une condition pour entretenir la

motivation nécessaire à l’accomplissement des grandes tâches de la nation

vers le long terme. Un pays sans stratégie, c’est comme un bateau qui

vogue en mer, au gré du vent, sans savoir vers quel port il se dirige. L’idée

force d’une politique, susceptible d’affronter positivement l’épreuve du

temps, doit être basée sur une stratégie à moyen et long terme, car l’effort

Page 76: Islam   et   culture   mai 2012

76

orienté vers l’intérêt immédiat peut fléchir non pas seulement quand il est

déçu et que la déception engendre le repli, mais même quand il est

satisfait. L’homme ne peut évoluer vers des valeurs supérieures que s’il

est mu par des forces de tension interne qui le motivent et stimulent son

action. Quand une société atteint un stade supérieur de développement,

qui assure les besoins socioéconomiques de tous, elle tombe dans la

tiédeur, l’indifférence et la stagnation. Elle n’a plus de ressort pour

continuer à se mobiliser et agir. Seul l’effort soutenu par une forte

conviction peut traverser victorieusement les épreuves du temps. Le but

de la politique doit être en adéquation avec l’évolution naturelle de la

nation et avec les conditions ambiantes de l’évolution à l’échelle

planétaire. Une politique coupée de l’évolution universelle n’a aucune

chance d’être efficace et ne peut être qu’un danger pour la nation et

l’humanité. Quand on analyse les conditions de l’adéquation de la

politique avec le développement universel, on se rend compte que c’est le

problème de la culture qui se pose déjà. Quand on pousse encore plus loin,

cette adéquation aux exigences d’un ordre universel, c’est alors le

problème d’une culture universelle qui s’impose. La politique ne peut se

dissocier de la culture sous peine de perdre sa fonction nationale et sa

dimension universelle. M. Bennabi 24disait : « que Napoléon à Moscou,

lors de la campagne de Russie, c’est à dire dans les moments les plus

tragiques de sa vie, ne se penchait pas seulement sur les cartes d’état

major mais aussi sur le code civil à achever et sur le problème de

l’éclairage de la ville de Paris » ou encore : « Faire de la politique c’est

24 M. Bennabi : Politique et culture

Page 77: Islam   et   culture   mai 2012

77

modifier le cadre culturel dans le sens favorable au développement

harmonieux du génie d’une nation. Faire de la politique c’est aussi faire

de la culture. C’est dans la mesure où l’école retrouve sa signification

qu’elle pourra jouer son rôle culturel et par conséquent son rôle

politique ». La politique retrouvera alors sa dimension nationale et

universelle grâce à l’ouverture que lui donnera la culture sur les valeurs

que l’esprit humain a conquises à travers les millénaires de son histoire.

Aujourd’hui, la politique est devenue une culture du mensonge : la fin

justifiant les moyens. Lors des campagnes électorales, de nombreuses

promesses sont faites au peuple. Sitôt au pouvoir, les élus oublient leurs

engagements. Les politiques font dans le court terme (durée du mandat

électoral) et ne répondent aux urgences sociales que dans le souci

d’assurer leur statut politique et le maintien de leurs privilèges. Ils ne

s’engagent pas à expliquer et à convaincre les citoyens sur les questions

qui se posent sur le moyen ou le long terme, comme en cas de crise

économique où le sacrifice de certains acquis non essentiels doit être

accepté au bénéfice de l’intérêt général ou des communautés vulnérables.

4.7 CULTURE ET ECONOMIE

Malek Bennabi25 « L’économie suit ses propres voies qui ne sont

nécessairement ni celles du capitalisme ni celles du marxisme. A

son point de départ, une société jouit toujours du pouvoir social

représenté par l’homme, le sol et le temps dont elle dispose dans

tous les cas. Elle ne dispose pas toujours d’un pouvoir financier ».

Le développement économique n’est possible que s’il s’inscrit dans le

25 M. Bennabi : le mal nouveau : l’économisme

Page 78: Islam   et   culture   mai 2012

78

cadre de l’histoire humaine. Il doit se conformer aux valeurs culturelles

qui sont à la base de tout effort de redressement social fondé sur l’homme

et ayant pour finalité l’homme. Toute doctrine économique doit tenir

compte en premier lieu des intérêts vitaux et des motivations de l’individu

afin que le développement économique ne soit pas un domaine réservé

uniquement aux instances de l’Etat ou à une minorité qui ignore le peuple,

qui cherche à imposer son modèle ou ses choix économiques ou qui ne

vise que ses propres intérêts. L’économie doit épouser les contours de la

culture afin de provoquer l’effet d’entraînement indispensable pour sa

réussite. Malheureusement, dans les pays en voie de développement, on

continue à penser que par l’économie seule, on peut sortir du sous-

développement. Si les citoyens d’un pays ne sont pas partie prenante d’un

programme économique, aucune réussite ne peut être possible.

Un exemple du rôle de la culture dans l’économie est décrit par

M.Bennabi : « à la demande de l’Indonésie, le docteur Shaft, responsable

du miracle allemand, a tenté de transplanter le modèle économique de

l’Allemagne en Indonésie. Ce fut un échec total. Cet échec ne peut pas

être imputé au modèle lui-même puisqu’il avait réussi ailleurs mais aux

conditions psychologiques et culturelles différentes en Indonésie et en

Allemagne. Le problème est d’abord psychologique : l’économie n’a pas

encore pris dans la conscience des pays en voie de développement la

dimension et le pouvoir qu’elle a en Occident. Les raisons de ces

différences remontent au passé historique des peuples. Alors que

l’Occident entrait de plein pied dans la révolution économique et

scientifique, les pays en voie de développement subissait le joug de la

domination coloniale de cet Occident qui les a condamnés à la misère

Page 79: Islam   et   culture   mai 2012

79

économique, à la stagnation culturelle et à la destruction morale. Une fois

indépendants, ces pays n’avaient pas seulement à liquider le passif mais

les conséquences de leur stagnation à l’heure de l’accélération du

développement socioéconomique du monde ». Les pays en voie de

développement subissent, d’une part, l’handicap en matière de ressources

matérielles et financières indispensables pour assurer les bases de leur

progrès socioéconomique, et d’autre part, les complexes psychologiques

qui condamnent ces pays à une sorte d’infantilisme économique. Ces pays

ont longtemps pensé que la libération de la terre suffisait pour assurer leur

indépendance et leur essor économique. L’acculturation négative des

élites locales au contact de la culture coloniale les a amenées à adopter le

modèle hérité de la colonisation. Tout se passe comme si un nouveau

colonialisme autochtone s’est substitué au colonialisme étranger. Si la

terre a été libérée, l’esprit demeure sous l’emprise de l’héritage des

valeurs coloniales. A l’indépendance, on a fait table rase de la culture

locale et des savoirs traditionnels qui ont servi, pendant la nuit coloniale, à

sauvegarder l’identité populaire face à l’invasion culturelle coloniale et

qui ont joué un rôle essentiel dans la mobilisation en faveur de la lutte

pour la libération. Des expériences successives ont été entreprises après

l’indépendance. On a même pensé que ce sont les traditions ancrées dans

la conscience populaire qui étaient à l’origine des obstacles au

développement. On a commencé par importer des machines et donner une

formation purement technique aux hommes. Ca n’a pas marché. On a cru

trouver des solutions en inventant le concept des « usines clé en mains »

qui consistait à importer des usines complètes avec tous les moyens

périphériques qui leurs étaient nécessaires. Il ne restait à l’ouvrier ou au

technicien autochtone que d’appuyer sur des boutons (homme presse-

Page 80: Islam   et   culture   mai 2012

80

bouton) et obéir à un code de conduite ou mode d’emploi défini par le

vendeur. Cette solution a échoué à son tour. Ce qui prouve que la

disponibilité de l’outil de production ne suffit pas pour assurer les

conditions propices au décollage économique. C’est l’homme qui ne suit

pas parce qu’il n’est ni motivé, ni bien formé. Il ne possède pas cette

tension interne indispensable pour l’amener à s’approprier entièrement les

processus de fabrication ou de maîtrise technologique. La faillite se situe

au niveau de l’Etat-nation qui n’a pas su créer les conditions propices pour

susciter chez l’individu le sens de responsabilité et l’appropriation des

moyens de son propre développement. La seule solution vraie au

développement doit émaner d’une culture nationale (exemple du Japon

qui a su faire un mariage heureux entre sa culture représentant son savoir

être et l’acquisition des connaissances et techniques à travers le savoir

faire occidental) qui doit être au préalable purifiée des maux de l’inculture

ou de l’anti-culture véhiculés par certains agents locaux ou étrangers.

L’économie n’est pas un compte de recettes et dépenses, ni la loi de

l’offre et de la demande mais surtout une répartition juste et équitable des

richesses et des conditions nécessaires à l’équilibre social. L’économie

doit reposer sur des consciences motivées qui travaillent, fournissent des

efforts et perçoivent en retour une juste rémunération. Ce ne sont pas les

moyens perfectionnés qui assurent à eux seuls le développement mais

l’homme conscient et motivé qui en est la clé.

4.8 CULTURE, RESSOURCES NATURELLES ET ENVIRONNEMENT

Le Parlement26 des Religions de Chicago affirmait : « l’insistance exclusive

26 1Küng, H. and H. Schmidt, ed., A Global Ethic and Global Responsibilities: Two

Page 81: Islam   et   culture   mai 2012

81

sur les droits de l’homme peut conduire à des litiges et conflits préjudiciables à

l’environnement et aux ressources de la planète ».

On peut rappeler une vérité historique qui fait qu'une société ne peut se

développer sans modifier son environnement. Néanmoins, ces

modifications ne doivent pas dégrader cet environnement et l’hypothéquer

à l'avenir, soit par des destructions irréversibles ou une dilapidation

incontrôlée des ressources naturelles qui représentent le capital potentiel

et durable d'un pays en même temps qu’une partie du patrimoine

humanitaire tout entier. Afin de maîtriser les conséquences inhérentes à

ces transformations, on doit procéder à des ajustements en matière

d’organisation sociale. L'environnement est le reflet de la culture qui

varie d’un pays à un autre. Les connaissances accumulées par les

populations locales sont à l'origine de la sagesse locale dont la

caractéristique principale est son lien étroit avec l'expérience acquise. Ces

connaissances viennent parfois d'ailleurs ou sont empruntées à d'autres

cultures, mais elles ont fini par être adoptées petit à petit et devenir une

partie intégrante de la culture locale. Tout système de connaissances est

limité dans le temps et doit donc s'adapter aux situations nouvelles, ce qui

suppose des échanges entre la culture locale et les cultures extérieures.

Les fruits de la croissance économique, qu'a connue le monde ces

dernières décennies, n'ont pas touché de nombreuses couches sociales,

principalement dans les pays du Sud et surtout dans les zones rurales. Les

richesses sont demeurées essentiellement dans les villes alors que les

ressources naturelles, dans presque tous les pays, ont été ponctionnées de

Declarations (Munich, 1998), pp. 8-42

Page 82: Islam   et   culture   mai 2012

82

manière parfois irresponsable entraînant une grande dégradation de

l'environnement. Les couches sociales pauvres n'ont pas profité du

développement économique et ont été contraintes de supporter le coût de

la dégradation de l'environnement local. Cette situation a provoqué la

dilution de l'autorité de l'Etat, en même temps que le sens de

responsabilité et celui de l'appartenance culturelle. C'est parce qu'ils

souffrent le plus des conditions d'un environnement dégradé, que les

pauvres et les groupes marginalisés se soucient de leur environnement

naturel et de la qualité de la vie et ce, contrairement à ce que l'on peut

imaginer. Cela donne à penser que même des personnes, qui n'ont jamais

été à l'école, comprennent fort bien les problèmes de leur environnement

et le mode de gestion de systèmes viables des ressources, grâce à l’apport

de leur culture. Aujourd’hui, on parle de plus en plus de développement

durable local impliquant les autochtones et leur culture qui constitue le

ferment de solidarité et de cohésion au sein des « terroirs ».

Plus les systèmes de gestion communautaire se désagrègent, plus les

populations locales sont accusées de détruire leur environnement et moins

les collectivités locales sont à même de préserver leur environnement. Le

pouvoir central, n'étant pas à même de sauvegarder l'environnement, doit

en toute logique rendre aux collectivités le contrôle des ressources locales.

La communauté locale est l'unité sociale la plus adaptée par sa taille à la

gestion des ressources et le droit doit lui être reconnu. Si cette

communauté ressent que ce droit lui est garanti, alors elle ne se sentira

pas écartée et menacée quand elle entreprendra d'exploiter ou de protéger

ces ressources pour son propre développement et celui des générations

futures. De cette façon, elle sera de nouveau sensibilisée aux problèmes de

Page 83: Islam   et   culture   mai 2012

83

la conservation des ressources naturelles et de la protection de

l'environnement. A la lumière de cette nouvelle responsabilisation, les

communautés locales redécouvriront très vite les réflexes et connaissances

propres à leur culture et les enrichiront. Les communautés isolées qui

vivent dans un environnement donné, comme dans les oasis sahariennes

ou dans des îles isolées, s'efforcent de trouver ensemble les moyens de

partager équitablement les bienfaits qu’offre leur milieu naturel. Pour ce

faire, elles s'organisent sur le plan horizontal, ce qui empêche la

centralisation du pouvoir par une minorité. Ainsi pouvoir local et principe

d'équilibre constituent les bases de la régénération et de la sauvegarde des

ressources naturelles et de l'environnement et permettent à la créativité de

l’homme de reprendre son cours naturel et sa vigueur. Quand bien même

certaines populations ne seraient pas partie prenante de la protection de

l'environnement, elles représentent un potentiel immense d’amélioration

qui tient à la fois à leurs connaissances du milieu local et au fait qu'elles

en sont tributaires et attachées. L'éducation environnementale doit, pour

réussir, commencer par reconnaître ce potentiel. Si elle part de l'hypothèse

que c'est par ignorance que les pauvres dégradent ou détruisent leur

environnement, elle sera condamnée à tomber dans les pièges des modèles

conçus au sommet qui amènent certains éducateurs à concevoir des

programmes basés sur leurs propres systèmes de connaissances n'ayant

souvent aucun rapport avec la situation locale. Le problème de

l'environnement est indissociable des enjeux sociaux, culturels,

économiques et politiques. Les seules solutions susceptibles de donner des

résultats sont celles qui s’attaquent aux problèmes à la source et font appel

à toutes les couches sociales. Mais une participation aussi large n'est

possible que s'il y a une prise de conscience collective basée sur un

Page 84: Islam   et   culture   mai 2012

84

processus d'apprentissage qui ne peut se concevoir que si toutes les parties

concernées reconnaissent et admettent que chacune d'elles est à même

d'apporter une contribution partielle mais précieuse. A partir du moment

où les gens commencent à apprendre les uns des autres, un mouvement,

qui a sa propre dynamique, se met en branle. C'est pourquoi le processus

collectif d'apprentissage devrait être au cœur de l'éducation

environnementale. L’homme n’a pas que des droits à réclamer, mais aussi

des devoirs à assumer vis à vis de l’environnement et des ressources

naturelles. Le Parlement27 des Religions de Chicago, réuni en 1995, a

donné lieu à la « Déclaration Universelle des Responsabilités Humaines »

qui stipule: «L’initiative n’est pas seulement un moyen d’équilibrer les

droits de liberté avec le devoir de responsabilité, mais aussi un moyen de

réconcilier les idéologies, les croyances et les points de vue politiques qui

étaient considérés comme antagonistes par le passé ». On a vu plus haut

que la culture humaine présentait deux caractéristiques : une à caractère

universel partagée par l’humanité toute entière et une autre à caractère

local propre à certains peuples et nations. Les droits de l’homme peuvent

être considérés comme les prémices d’une éthique culturelle mondiale en

ce sens qu’ils bénéficient d’un consensus mondial. Mais à coté des droits

de l’homme, il faut bien des devoirs d’obligation pour l’homme pour

cadrer sa liberté d’action. Ces devoirs n’ont pas encore vu le jour au

niveau international et c’est la culture propre aux citoyens, plus que l’Etat,

qui sert à combler cette lacune et à réagir chaque fois qu’en son sein

27 1Küng, H. and H. Schmidt, ed., A Global Ethic and Global Responsibilities: Two Declarations (Munich, 1998), pp. 8-42

Page 85: Islam   et   culture   mai 2012

85

l’ordre social commun est mis en péril. Si les 18, 19 et 20ème siècles ont

permis la naissance, l’émergence et le renforcement des droits de

l’homme, le 21ème siècle sera celui du droit de l’environnement qui, lui

aussi, a une dimension universelle au même titre que les droits de

l’homme. Ces deux types de droits doivent être complémentaires afin de

pouvoir constituer les fondements d’une nouvelle culture universelle. Le

concept de développement durable, adopté au niveau mondial, doit viser

une exploitation des ressources naturelles non pas selon les besoins de

l’homme mais selon leur capacité défini par leur cycle naturel de

reproduction.

4.8.1 Culture et savoirs traditionnels

L’IDDRI (institut du développement durable et des

relations internationales) considère que « les savoirs

locaux permettent d’affirmer la personnalité culturelle des

nations et de disposer d’un outil de négociation ».

Les savoirs traditionnels sont, en droit de propriété intellectuelle ou

industrielle, l'ensemble des connaissances propres à certains pays ou

régions ou à une certaine communauté et transmises de génération en

génération. Ils ne constituent pas seulement une partie du patrimoine

culturel national mais aussi un moyen de négociation au niveau mondial

pour d’une part le faire reconnaitre par la communauté internationale en

tant que propriété appartenant au pays d’origine et d’autre part le protéger,

le conserver. Il faut, en même temps, bénéficier de l’accès, de la

valorisation et du partage équitable des avantages (APA) qui découlent de

leur utilisation au niveau mondial. En effet, la culture traditionnelle de

nombreux pays en développement fait l'objet d'une exploitation

Page 86: Islam   et   culture   mai 2012

86

commerciale sans que les populations autochtones n’en tirent les

bénéfices.

Le phénomène de mondialisation s’accompagne de la concentration des

activités au sein de puissants groupes qui tentent de s’accaparer la

propriété intellectuelle de ressources génétiques et des savoirs locaux qui

appartiennent aux pays pauvres, parfois au nom de la sécurité alimentaire

mondiale. Ainsi naissent des conflits et se développent le bio-piratage par

des procédés directs ou indirects.

Depuis quatre décennies, on constate au niveau international une

multiplicité de régimes juridiques et d’organisations qui tentent de

réglementer les droits et devoirs liés aux savoirs traditionnels et aux

ressources génétiques sans parvenir encore à un consensus acceptable par

tous les pays. Comme dans d’autres domaines et à l’instar des échanges

commerciaux internationaux, la vision diffère entre pays riches et pays

pauvres, compte tenu de l’intérêt que représentent ces ressources et

savoirs. Aucun objectif clair et cohérent n’est encore dégagé. On assiste

actuellement au moins à deux approches différentes : une par le commerce

et l’autre par les droits. Les conflits potentiels viennent de la confusion

entretenue entre propriété intellectuelle et patrimoine commun de

l’humanité et entre sécurité alimentaire et commerce international. On

tente de dépouiller les communautés locales de leur patrimoine culturel

pour le transférer au bénéfice des grandes sociétés multinationales

appartenant aux pays riches en accentuant ainsi la paupérisation des

communautés locales.

Page 87: Islam   et   culture   mai 2012

5. PATRIMOINE CULTUREL ISLAMIQUE

On va passer en revue les divers domaines que la civilisation musulmane a

imprégnés de son cachet au cours d’une histoire qui a duré plusieurs

siècles. Ce n’est pas le moyen âge obscur dont parle

période florissante et riche dans le

et de l’histoire humaine.

Figure 9 : Patrimoine culturel islamique

PATRIMONE CULTUREL

ISLAMIQUE

ECONOMIE

EDUCATIONPOLITIQUE

DROIT

DEMOCRATIE

ARCHITECTURE ET

URBANISATION

TRAVAIL

87

PATRIMOINE CULTUREL ISLAMIQUE

les divers domaines que la civilisation musulmane a

au cours d’une histoire qui a duré plusieurs

siècles. Ce n’est pas le moyen âge obscur dont parle en Occident mais une

dans le long cheminement du développement

: Patrimoine culturel islamique

PATRIMONE CULTUREL

ISLAMIQUE

ECONOMIE

ETHIQUE

LANGUE

HISTOIRE

ENVIRONNEMENT

SCIENCEEDUCATION

Page 88: Islam   et   culture   mai 2012

5.1 ETHIQUE ISLAMIQUE

R. Garaudy28, en parlant de l’éthique Islamique

message de l’Islam est celui de la transcendance et de l’unicité de

Dieu, de la communauté des hommes et de leur responsabilité

L’Islam signifie la soumission à

musulmans de garder la foi et la confiance en Allah, Dieu unique

s'engagent à lui obéir. Dans le Coran, l

d'Abraham, patriarche qui rompit avec le culte des idoles

être vénéré. Les prophètes et les saints sont des hommes comme les autres

et n’ont aucun pouvoir d’intercession auprès de Dieu.

intermédiaire ou intercesseur entre l’homme et

Figure 10 : Éthique islamique

L’homme a été doté d’un grand nombre de pouvoirs et de facultés, car

Dieu s’est montré généreux envers lui.

la sagesse, la volonté, les facultés de la

toucher, de la vue, du mouvement, de l’usage des mains, les passions de

l’amour, de la colère, de la peur, etc. Ces facultés lui ont été attribuées,

parce qu’il en a besoin et qu’elles lui sont indispensables.

28 R.Garaudy : pour un Islam du XXe siècle «

ETHIQUECORAN

88

parlant de l’éthique Islamique, disait : « Le premier

message de l’Islam est celui de la transcendance et de l’unicité de

la communauté des hommes et de leur responsabilité ».

soumission à Dieu. Ce qui implique pour les

la foi et la confiance en Allah, Dieu unique, qu'ils

s'engagent à lui obéir. Dans le Coran, l’Islam est défini comme la religion

d'Abraham, patriarche qui rompit avec le culte des idoles. Seul Dieu doit

. Les prophètes et les saints sont des hommes comme les autres

et n’ont aucun pouvoir d’intercession auprès de Dieu. Ce qui exclut tout

entre l’homme et Dieu.

Figure 10 : Éthique islamique

L’homme a été doté d’un grand nombre de pouvoirs et de facultés, car

Dieu s’est montré généreux envers lui. Il possède l’intelligence, la raison,

la sagesse, la volonté, les facultés de la vie, de la parole, du goût, du

mouvement, de l’usage des mains, les passions de

l’amour, de la colère, de la peur, etc. Ces facultés lui ont été attribuées,

et qu’elles lui sont indispensables. Sa vie et son

siècle « charte de Séville – 18-21 juillet 1985

SUNNAETHIQUE

Page 89: Islam   et   culture   mai 2012

89

succès dépendent de l’usage raisonné et convenable qu’il en fait pour

satisfaire ses besoins et ses désirs. Les pouvoirs que Dieu a conférés à

l’homme, s’ils ne sont pas utilisés à bon escient, se retourneront contre lui

et contre son bonheur véritable. Si Dieu a interdit des choses à l’homme,

ce n’est pas pour le punir mais pour lui assurer les meilleures conditions

d’une vie saine et équilibrée car Dieu est le meilleur connaisseur de la

nature humaine. Il a fourni à l’homme les moyens et ressources

nécessaires pour entretenir et faire fonctionner ses facultés. Le corps

humain est le premier et le principal instrument de l’homme dans la

réalisation de ses buts dans la vie. Il y a ensuite le monde dans lequel il

vit. Son environnement contient les moyens de toutes sortes qu’il utilise

pour arriver à ses fins. Il y a enfin ses semblables avec qui il est appelé à

coopérer pour construire une vie collective saine et prospère.

Les pouvoirs et les ressources conférés à l’homme doivent être utilisés

pour son bien et ceux d’autrui. Ils ne doivent pas servir pour nuire,

détruire ou faire du mal. C’est leur usage convenable qui les rend

bénéfiques. Même s’il peut en résulter quelque inconvénient, celui- ci ne

doit pas dépasser le minimum inévitable. Tout autre usage, qui aboutirait

au gaspillage et à la destruction, serait considéré comme mauvais,

contraire à la raison et nocif. Par exemple, si en faisant un travail on se

fait mal et on se blesse avec un outil, il s’agirait d’une utilisation

défectueuse de ce dernier et il en résulterait un mauvais usage des facultés

et un dommage qui ne nuit qu’à soi. Maintenant, si l’action de l’homme

porte atteinte aux autres, il s’agirait alors d’un mauvais usage des pouvoirs

que Dieu lui a conférés. Si on gaspille les ressources, les dégrade ou les

détruit, cela constitue une erreur. De tels agissements sont, de toute

Page 90: Islam   et   culture   mai 2012

évidence, irrationnels car la raison humaine elle

destruction et le mal doivent toujours être évités quand on exploite ces

ressources. L’Islam définit un code de conduite qui va de l’hygiène

personnelle au rapport de l’homme avec la nature. Il encourage le

développement de la connaissance et la recherche scientifiq

musulman est conçu à partir de deux sources : le Coran en tant que livre

de Dieu, révélé à son Prophète (SWS)

de base destiné à l’homme et la Sunna qui est la tradition du Prophète

(SWS)29 et qui traduit sa conduite pratique

Figure 11 : Sunna du Prophète

La Sunna regroupe l’ensemble des paroles du Prophète (SWS), la

description de ses actes, ses réactions aux actes de ses disciples tels que

rapportés par les divers témoignages de ses compagnons.

est la traduction opérationnelle et pratique

29 SWS : Salla Allah Aleih Wa Sellem = Paix et salut de Dieu sur le Prophète Mohammed

SUNNA

PAROLES

ACTES

90

évidence, irrationnels car la raison humaine elle-même suggère que la

et le mal doivent toujours être évités quand on exploite ces

L’Islam définit un code de conduite qui va de l’hygiène

personnelle au rapport de l’homme avec la nature. Il encourage le

développement de la connaissance et la recherche scientifique Le droit

musulman est conçu à partir de deux sources : le Coran en tant que livre

révélé à son Prophète (SWS) en tant qu’enseignement islamique

de base destiné à l’homme et la Sunna qui est la tradition du Prophète

uite pratique.

: Sunna du Prophète

La Sunna regroupe l’ensemble des paroles du Prophète (SWS), la

description de ses actes, ses réactions aux actes de ses disciples tels que

rapportés par les divers témoignages de ses compagnons. En fait, la Sunna

et pratique de la révélation. La prise en

: Salla Allah Aleih Wa Sellem = Paix et salut de Dieu sur le Prophète Mohammed

SUNNA

PAROLES

REACTIONS

Page 91: Islam   et   culture   mai 2012

91

compte de la Sunna, comme source de droit islamique, vient du fait que

c’est Dieu qui guide les faits, gestes et paroles des prophètes et qu’Il les

protège de toute déviation au cours de leur prophétie. C’est pourquoi Dieu

a ordonné d’obéir au Prophète (SWS) et de suivre son comportement.

Dieu dit : « Obéissez à Dieu et à son Messager30 » ou encore « Ce que le

messager vous apporte, prenez- le et ce dont il vous empêche, abstenez-

vous31 ». Si le Coran énonce des principes, c’est à travers les pratiques au

jour le jour du Prophète qu’on voit leur application ainsi que les mesures

et détails nécessaires. Si le Coran énonce les règles générales de l’Islam,

la Sunna les explicite et précise. Pour tenir compte de la loi d’évolution,

deux autres approches pour l’élaboration de la loi sont venues s’ajouter au

Coran et à la Sunna : le consensus (Ijma) entre les savants juristes et le

raisonnement par analogie (Kyas). La loi islamique (Fikh) a longtemps

évolué selon ce processus et deux nouveaux instruments sont venus

s’ajouter au cours du temps et qui peuvent servir utilement pour la

formulation, aujourd’hui, d’une loi de l’environnment et des ressources

naturelles dans le monde. Le premier de ces instruments est celui de

l’interprétation de la loi dans le contexte actuel (Ijtihad) et le second

concerne les coutumes et pratiques (‘urf wa adat). Le droit musulman s’est

développé et a évolué dans le temps pour définir les normes de

comportement du musulman conformément aux obligations divines. La

loi islamique accorde une grande importance à l’homme et à ses relations

avec le reste de la création. Elle a évolué en se basant sur trois principes

ل < �� > أ���ا ا � و أ���ا ا (Coran 4,58) 30 ا < ����� ��� �ل �"!و و �� ���آ�� > و �� أ#�آ� ا (Coran 59,7) 31

Page 92: Islam   et   culture   mai 2012

acceptés par les savants juristes, au cours des siècles passés

général de la communauté qui prévaut sur celui

l’allègement de la misère et la relativité en termes de bien et de mal. Cette

relativité consiste à éviter des grosses pertes pour

bénéfice, à ne pas consentir de gros sacrifices pour

à rechercher un meilleur bénéfice pa

un moindre mal pour éviter un plus grand.

Figure 12 : Islam

La première révélation du message de l’Islam est

Dieu qui est la certitude que Dieu est unique (Tawhid)

d’autres divinités que Dieu, ce serait le chaos

sans aucune comparaison avec toute réalité

l’intelligence humaine n’est pas à même de pouvoir cerner et délimiter

l’image réelle de Dieu. Il est précisé dans le Coran que Dieu voit tout,

�#$%& >آ�ن ���,� ءا �* إ) ا'

ISLAM

TRANSCENDANCE DIVINE

COMMUNAUTE

92

les savants juristes, au cours des siècles passés : l’intérêt

qui prévaut sur celui de l’individu,

et la relativité en termes de bien et de mal. Cette

relativité consiste à éviter des grosses pertes pour obtenir un petit

ne pas consentir de gros sacrifices pour soulager un plus petit,

bénéfice par rapport à un plus petit et à accepter

n moindre mal pour éviter un plus grand.

Figure 12 : Islam

La première révélation du message de l’Islam est la transcendance de

Dieu qui est la certitude que Dieu est unique (Tawhid)32 « S’il existait

que Dieu, ce serait le chaos ». Dieu en lui-même est

avec toute réalité humaine. Ce qui signifie que

l’intelligence humaine n’est pas à même de pouvoir cerner et délimiter

l’image réelle de Dieu. Il est précisé dans le Coran que Dieu voit tout,

> �#$%& آ�ن ���,� ءا �* إ) ا' (21,22) Coran 32

ISLAM

TRANSCENDANCE DIVINE

RESPONSABILITE

Page 93: Islam   et   culture   mai 2012

93

mais personne parmi les humains ne peut le voir.

La transcendance signifie également que Dieu est le créateur de toute

chose, et que l’homme ne se suffit pas à lui-même33 : « Que de bêtes sont

inaptes à se procurer leur nourriture ! C’est Dieu qui leur assure la

subsistance ainsi qu’à vous ».

Il découle, du principe de l’unicité de Dieu et de notre dépendance vis à

vis de Lui, le troisième aspect de la foi en la transcendance : la

reconnaissance de valeurs absolues au delà de l’intérêt égoïste

d’individus, de groupes ou de nations. L’Islam n’est pas une religion de

croyance aveugle. Les gens doivent être convaincus dans leur cœur et leur

esprit par l’évidence et la raison que le Coran est révélé par Dieu et que le

Prophète (SWS) est son messager. Le Coran affirme que l’homme est

libre de croire ou de ne pas croire34. Une fois convaincu, la foi du

musulman n’est plus un état émotionnel mais une solide fondation. Ainsi,

la foi peut avoir un impact sur sa vie, sa vision de la nature et ses attitudes

envers elle et marquer de façon effective son propre comportement. Le

Prophète (SWS) dit que la révélation divine est pour l’homme ce qu’est

l’eau pour la terre. On ne peut trouver une meilleure parabole. Si l’eau est

vitale pour la terre pour la faire fleurir, la révélation divine est la source

qui inspire et rend exemplaire le comportement de l’homme sur terre.

> �>و آ6.7 �6 دا4* ) #2,3 رز/�� ا' .�ز/�� و إ.�آ (29,60) Coran 33 >�,6 :�ء ��9;�6 و �6 :�ء �8�9&� < Coran (18, 29) 34

Page 94: Islam   et   culture   mai 2012

Figure 13 : Transcendance

La seconde révélation du message de l’Islam

la communauté (Oumma). Le principe de communauté est le contraire de

l’individualisme où l’homme (comme individu) est le centre et la mesure

de toute chose. Dans la perspective islamique de communauté, chaque

individu a conscience d’être personnellement responsable de

autres. L’humanité est une parce que Dieu, son créateur est Un. Tous les

hommes ont la même origine adamique

« C’est lui qui vous a créés d’un seul être

l’individualisme et recommande la solidari

aussi bien au niveau de l’exercice des rites religieux (prière, jeûne, hadj)

qui doivent se faire en groupe

(organisation, administration, législation, guerre, etc). Le Coran ne cesse

de recommander aux musulmans de rechercher le dialogue et le consensus

TRANSCENDANCE

DEPENDANCE HUMAINE

CREATION

94

Figure 13 : Transcendance

La seconde révélation du message de l’Islam, après la transcendance, est

(Oumma). Le principe de communauté est le contraire de

l’individualisme où l’homme (comme individu) est le centre et la mesure

de toute chose. Dans la perspective islamique de communauté, chaque

individu a conscience d’être personnellement responsable de tous les

ne parce que Dieu, son créateur est Un. Tous les

adamique et sont créés pour la même fin35 :

C’est lui qui vous a créés d’un seul être ». L’Islam combat

l’individualisme et recommande la solidarité et l’unité communautaire

aussi bien au niveau de l’exercice des rites religieux (prière, jeûne, hadj)

qu’au niveau des affaires courantes

(organisation, administration, législation, guerre, etc). Le Coran ne cesse

mander aux musulmans de rechercher le dialogue et le consensus

9?8� �6 �&< وا=$ة < @< (39, 6) Coran 35

TRANSCENDANCE

DEPENDANCE HUMAINE

VALEURS ABSOLUES

Page 95: Islam   et   culture   mai 2012

95

avant toute prise de décision, qu’il s’agisse de questions publiques ou

privées. Le Prophète (SWS), malgré sa qualité de Messager de Dieu,

consultait toujours ses compagnons et les représentants des groupes de

fidèles avant de prendre une quelconque décision. La base du droit

islamique repose sur le principe du consensus. Il a particulièrement insisté

sur l’importance des liens de solidarité communautaire : « celui, qui

s’éloigne de la communauté, ira en enfer ».

L’Islam affirme à la fois l’égalité originelle de tous les hommes tout en

reconnaissant la supériorité individuelle de certains par rapport à d’autres.

Il interdit toute ségrégation raciale basée sur la couleur ou la race, car

Adam est le père de tous les hommes. Dieu dit « Oh les gens! Nous vous

avons créés d’un mâle et d’une femelle et répartis en nations et en tribus

pour que vous fassiez connaissance entre vus. En vérité le plus noble

d’entre vous auprès de Dieu est le plus pieux. certes Dieu est Omniscient

et Informé36». Le Coran fixe les règles de vie sociale: pouvoir, richesses,

gestion des ressources naturelles, commerce, mariage, héritage, droit

pénal, droit international, guerre, etc.

L’Islam ordonne la mise en circulation des capitaux. Ainsi les pauvres

sont exempts d’impôt, tandis que les riches en sont redevables vis à vis

des besogneux. Il y a des lois qui empêchent l’accumulation des richesses

aux mains d’une minorité. Il y a tout un code qui régit le partage de

l’héritage entre descendants, ascendants et proches parents. L’Islam

(49,13) Coran36 > س إ���� ���ر�ا إن أآ��8� .7.�� ا 2B�C/ �4 و�: �@9?��آ� �6 ذآ� و أ�EF و ��9�Dآ ���$ ا' أ#?�آ<

Page 96: Islam   et   culture   mai 2012

96

restreint la capacité de léguer par testament en fixant des limites et les

héritiers légaux n’ont pas besoin de testament. L’Islam exige la loi du

talion dans les conflits humains pour éradiquer le crime. Lors de la preuve

judiciaire d’un crime intentionnel, le pouvoir public n’est pas investi du

droit de pardonner qui relève des parents de la victime. La condamnation

à mort d’un meurtrier vise à dissuader tout homme de tuer. L’Islam

affirme que le crime commis contre une personne est un crime qui est

commis contre toute l’humanité et toute réhabilitation d’un individu est

une réhabilitation de toute l’humanité. On condamne celui qui tue afin de

protéger la vie et assurer la sécurité qui est indispensable pour tous.

Cependant, l’Islam recommande des alternatives comme le pardon par la

victime qui est hautement apprécié par Dieu ou les compensations

matérielles qui sont uniquement du ressort des parties en conflit. L’Etat ne

doit pas se substituer aux victimes dans le domaine des lois énumérées et

explicitées dans le Coran. Au contraire, il doit aider les victimes à obtenir

leurs droits tels que définis par la législation islamique. L’Islam

subordonne la loi au respect de l’éthique. Le concept islamique est une

synthèse des deux aspects de la vie humaine qui, dans les traditions de

l’Occident, sont isolés en deux compartiments distincts. L’Islam est la

recherche de l’équilibre harmonieux entre le corps et l’esprit de l’homme.

L’Islam est cosmopolite dans ses buts. Il cherche à répandre et à défendre

le bien non pas seulement au niveau local ou national mais au niveau

mondial. Il vise à combattre le mal là où il se trouve. Dieu dit : « Qu’à

partir de vous, se forme une communauté prêchant le bien, ordonnant les

Page 97: Islam   et   culture   mai 2012

97

bons usages et proscrivant les mauvais !37» Le Prophète (SWS) a donné la

définition du bien et du mal comme suit : « Le bien est tout ce qui ne

trouble pas la sérénité de ton âme et de ton cœur. Le mal est ce qui te met

dans l’embarras avec toi-même, qui préoccupe ton cœur et que tu

n’aimerais pas que les gens sachent ». Il n’y a pas de péché originel en

Islam. L’homme doit agir pour son bien et celui d’autrui et s’abstenir de

faire du mal à lui-même ou à autrui. Le Prophète (SWS) a fixé une règle

universelle : « Ne portez préjudice ni à autrui ni à vous--mêmes38». Un

préjudice causé à nos semblables, même à leur insu, demeure à la charge

de celui qui l’a causé jusqu’à ce qu’il se dénonce lui-même à ses victimes,

procède à la réparation des torts et obtient d’elles un acquittement net et

conscient. Ainsi la violation du droit commun exige en plus de la

réparation matérielle causée, un remords, un repentir, un amendement

personnel et la recherche de la satisfaction divine. La sage prudence nous

conseille, avant d’entreprendre un acte, d’évaluer ses conséquences. En

Islam, nul n’est au dessus de la loi et il n’y a pas d’immunité qui protège

les dirigeants ou responsables de l’Etat à quelque niveau que ce soit.

La troisième révélation du message de l’Islam, c’est qu’après la

transcendance et la communauté, il y a la responsabilité. L’Islam est le

contraire du fatalisme et de la résignation. Il est un appel constant à la

résistance contre toute oppression parce qu’il exclut toute autre

soumission que celle à la volonté de Dieu. Ce qui rend l’homme

responsable de l’accomplissement de l’ordre divin sur terre.

>�8�, ن إ E ا "�� و .7��ون �4 ,��وف و .��ن �6 ا�8� أ�* .$��68 � >و (3,104) Coran 37 > ) I�ار و ) I�ار < 38

Page 98: Islam   et   culture   mai 2012

98

L’Islam est décrit comme un comportement de l’homme basé sur les

préceptes religieux. La foi doit se traduire nécessairement par des actes. Il

s’en suit, sur le plan de l’éthique, que l’intention humaine, à elle-seule, ne

suffit pas pour bien se comporter. Les bonnes intentions doivent se

transformer en actions et ne pas rester confinées uniquement au niveau de

la conscience individuelle. Pour étayer cette vision, le Prophète (SWS)

disait : «Celui d’entre vous qui constate un mal ou un faux qu’il le change

avec ses mains ; s’il ne le peut pas, qu’il le fasse par sa parole, s’il ne le

peut pas, qu’il le rejette avec son cœur et cette dernière attitude est

considérée comme le degré le plus bas de la foi ». L’Islam est plus tourné

vers autrui que vers soi-même. Le sens naturel et inné de l’homme, pour

son milieu naturel, explique les tendances du comportement humain qui

sont plus centrifuges que centripètes et dont la finalité est la recherche

d’un équilibre avec le milieu extérieur et le besoin essentiel de culture.

En Islam, chaque homme a deux vies, l’une terrestre qui commence à sa

naissance et finit avec sa mort et l’autre éternelle avec sa résurrection et

son jugement par Dieu. Pour guider l’homme dans sa vie terrestre, Dieu

lui a fixé des règles à suivre selon les prescriptions du Coran qui est la

révélation divine transmise à son dernier messager le Prophète Mohamed

(SWS). Les actions bonnes ou mauvaises de l’homme, ici bas, engagent

totalement sa responsabilité vis-à-vis des autres hommes et de Dieu. Il en

répondra le jour du jugement dernier. En Islam, les droits de l’homme

vont de paire avec l’obligation de responsabilité. Le Coran non seulement

recommande mais aussi cherche à convaincre. L’homme n’appartient pas

à lui-même mais à Dieu. Le but de l’homme sur terre est de croire en un

Dieu unique, de se conformer à l’éthique islamique dans toutes ses

Page 99: Islam   et   culture   mai 2012

99

dimensions et de plaire à Dieu. Le Prophète (SWS) explique l’importance

de la responsabilité de l’homme au niveau de ses actes que ce soit vis-à-

vis de lui- même ou des autres : « Celui qui institue en Islam une bonne

tradition, aura sa récompense et celle qui en découlera de sa pratique par

d’autres, sans que cela ne diminue en rien la leur. De même, celui qui

institue en Islam une mauvaise tradition, supportera le péché qui en

résultera et celui qui en découlera de sa pratique par d’autres, sans que

cela ne diminue en rien le leur » et « Celui qui montre la voie d’une bonne

action a l’égal salaire de celui qui l’accomplit ».

Selon la formule coranique, la devise de l’Islam est le bien être d’ici-bas

et celui de l’au-delà. Le Coran utilise souvent une formulation double :

croire et bien agir. L’Islam concilie les nécessités spirituelles et

matérielles de l’homme. Il préconise le juste milieu et rejette les

conceptions extrémistes et opposées des ultra-spiritualistes qui veulent

complètement renoncer au monde et des ultra-matérialistes qui veulent

s’accaparer, sans aucune limite, de toutes les richesses de ce monde.

L’Islam prône la modération en toute chose, interdit le gaspillage et

l’avarice. Dieu dit : « Ceux qui, lorsqu’ils dépensent, ne sont ni prodigues,

ni avares et il y a entre les deux (attitudes) un juste milieu39 ». Le

Prophète (SWS) a dit : « O fils d’Adam, si tu dépenses en aumône ce qui

excède tes besoins, cela te sera meilleur et si tu le gardes ce sera pour toi

un mal. On ne te reprochera pas ce que tu auras gardé pour tes besoins

réels. Quand tu dépenses, commence par ceux qui sont à ta charge » et

« A vraiment réussi celui qui a embrassé l’Islam, qui s’est contenté du

>J � .?��وا و آ�ن 6�4 ذ ا و ��%. � ا�� و ا !.6 إذا أ�&?ا / < (Coran 25,67) 39

Page 100: Islam   et   culture   mai 2012

100

nécessaire dans sa subsistance et à qui Dieu a inspiré le contentement

vis-à-vis de ce qu’Il lui a octroyé comme biens ».

Dieu n’admet aucun intermédiaire entre Lui et toute personne. Quand

l’homme veut demander quelque chose à Dieu, il doit s’adresser

directement à Lui sans aucune intercession, qu’elle soit d’origine humaine

ou autre. Même les personnages parmi les saints, comme les Prophètes, ne

sont que des guides et des messagers. C’est à l’individu de faire son

choix : il est moralement responsable et de façon directe devant Dieu. En

Islam, on ne doit pas abroger les lois établies par le Prophète (SWS), mais

on peut les interpréter et légiférer dans les cas où la loi du temps l’impose.

Le Droit islamique, appelé la Charia, comprend quatre domaines : les

devoirs envers Dieu que tout homme sur terre est obligé de remplir, les

devoirs de l’homme envers lui-même, les droits d’autrui sur lui et le droit

de l’environnement et des ressources naturelles que Dieu a mis à sa

disposition.

Malik ibn Anas (fondateur du rite Malékite) et Abu Hanifa (fondateur du

rite Hanafite) ont défini le principe de l’exercice du droit islamique

comme suit : un droit ne peut s’appliquer qu’à l’objet pour lequel il a été

conçu. L’exercice d’un droit est illégal lorsqu’il cause des torts excessifs

ou s’il est utilisé pour commettre un préjudice aux autres plutôt que le

bien. On rapporte que l’Imam Ali, beau-fils du Prophète (SWS) interrogea

un jour le Messager sur les mobiles qui motivent le comportement. Ce

dernier lui répondit : « la connaissance (ou savoir) est mon capital, la

raison (ou intellect) est à la base de ma religion, la recherche du bien est

ma monture, l’omniprésence de Dieu est mon camarade, la confiance est

mon trésor, le souci est mon compagnon, la science est mon arme, la

Page 101: Islam   et   culture   mai 2012

101

patience est mon manteau, le contentement est mon butin, la modestie (ou

humilité) est ma fierté, le renoncement aux plaisirs est mon métier, la

certitude est ma nourriture, la vérité est mon intercesseur, l’obéissance

est ma grandeur, la lutte est mon habitude et la fraîcheur de mon œil (la

chose la plus agréable) réside dans la prière ».

De manière synthétique, l’éthique islamique constitue une barrière contre

le désordre et l’anarchie provoqués par le mauvais comportement de

l’homme. Elle condamne la violence. Au lieu de répondre à la violence

par la violence, Dieu conseille à l’homme de s’en remettre d’abord à

Lui40, de rechercher les meilleurs moyens pour résoudre les conflits et de

ne recourir à la guerre que dans le cas de légitime défense ou comme

ultime solution. L’éthique implique l’adaptation réfléchie aux conditions

acquises de l’expérience et la conciliation des besoins de l’homme avec

les autres exigences de la moralité. Le Prophète (WSW) a résumé le

contenu de l’éthique islamique : « Dieu a établi des limites qu’il ne faut

pas franchir; Il a prescrit des devoirs qu’il ne faut pas négliger, Il a

institué des interdits qu’il ne faut pas violer et s’Il a passé sous silence

certaines choses, ce n’est pas par oubli mais par Miséricorde ». Ce qui

dénote la flexibilité de l’éthique islamique qui laisse à l’homme des

degrés de liberté, en dehors des obligations. En résumé, Dieu est la source

et le créateur du bien, de la vérité et de la beauté. Les humains sont les

représentants de Dieu sur terre. Les éléments de la création sont au

service de l’homme en tant que dons et signes divins et l’homme doit les

utiliser avec précaution et les protéger.

> K9@ �� �: 6� K9& ذ 4�ب ا�>/2 أ Coran (113, 1) 40

Page 102: Islam   et   culture   mai 2012

102

Dieu est juste et n’impose aucune contrainte à l’homme en dehors de ce

qu’Il considère comme nécessaire pour son propre bien. Toute chose doit

se faire avec modération à l’exception de ce qui est interdit. Il en découle

de ce qui précède, que l’Islam impose des devoirs religieux et sociaux qui

ont des implications éthiques et morales importantes sur l’organisation de

la vie sociale et ont pour but d’assister les musulmans dans la recherche

du progrès moral, de l’amélioration des relations entre les hommes et du

développement socioéconomique..

La morale islamique ne peut pas être imposée par une quelconque

autorité, mais doit émerger du fond du cœur de l’individu. L’Islam interdit

toute contrainte en religion. Maurice Bardèche41 symbolise l’éthique

islamique à travers cette réflexion : « Cette civilisation de l’Islam, à la

vérité, a l’odeur du printemps. …L’Islam apportait la vie. Il la trouvait

belle. Il ne condamne pas la création. Il ne reprend pas ce qu’il a donné.

Il ne dément pas le plan du monde par sa morale, il indique seulement

comment il faut s’en servir. Son Prophète ne dit pas que l’homme créé

animal doit avoir horreur de l’animal en lui, il apprend à l’homme à être

un animal supérieur aux autres, un animal juste, brave, généreux. Et il lui

suffit de se proclamer serviteur de Dieu et de s’engager à vivre selon

l’idéal de l’Islam, qui est l’ordre institué par Dieu, pour les hommes et

non contre les hommes ». L’éthique Islamique a un caractère universel et

elle est venue couronner et compléter pour toujours les enseignements

révélés par Dieu à ses Prophètes, depuis Adam jusqu’au Christ en passant

par Moïse. Il n’y aura plus de nouvelle religion après l’Islam et plus de

41 M. Bardèche : Histoire des femmes, stock

Page 103: Islam   et   culture   mai 2012

103

Prophète après Mohammed (SWS). L’Islam a été longtemps considéré

avec mépris par l’Occident et particulièrement par la hiérarchie

chrétienne. On a parlé du Coran comme un écrit que le Prophète (SWS)

aurait copié en se servant de la Bible et des Evangiles dans le but de

dénaturer et d’écarter toute révélation divine au Prophète (SWS).

Beaucoup d’auteurs, parmi les plus célèbres en Occident, ont versé dans la

fausse critique superficielle du Coran sans chercher à l’analyser ou à

procéder à un examen rationnel, critique et comparatif du contenu des

trois sources du monothéisme. Après une diffamation qui a duré des

siècles, les chrétiens ont fini par admettre qu’Allah, le Dieu des

musulmans, était le même que le Dieu des chrétiens. Pendant longtemps,

dans leurs écrits, ils refusaient de traduire Allah par Dieu. Le texte du

Vatican publié en 1970 a définitivement mis un terme à cette situation :

«Allah est le seul mot qu’ont les chrétiens de langue arabe pour dire

Dieu ». Un changement radical paraît se produire de nos jours à l’échelon

le plus élevé de la hiérarchie chrétienne. Le Concile du Vatican II invite à

écarter «l’image surannée héritée du passé ou défigurée par des préjugés

et des calomnies» que les chrétiens se faisaient de l’Islam. Le document

du Vatican s’attache à « reconnaître les injustices du passé dont l’Occident

d’éducation chrétienne s’est rendu coupable à l’égard des musulmans.» Il

critique les conceptions erronées des chrétiens sur le fatalisme, le juridisme

de l’Islam, le fanatisme, etc. Il faut reconnaître l’esprit d’ouverture de Paul

VI qui se déclarait lui-même «animé d’une foi profonde dans l’unification des

mondes islamique et chrétien qui adorent un seul Dieu».

Page 104: Islam   et   culture   mai 2012

104

5.2 LANGUE ARABE ET ECRITURE42 et 43

M. Bennabi, en parlant de la langue arabe, affirmait: « Il n’y a

pas eu pour la langue arabe une évolution progressive, mais

quelque chose comme une explosion révolutionnaire, aussi

soudaine que l’était le phénomène coranique ».

Avec l’avènement de l’Islam, la langue arabe qui n’avait exprimé jusque-

là que le génie des primitifs du désert, devait notablement s’enrichir pour

répondre aux exigences d’un esprit placé désormais et d’un seul coup

devant les problèmes métaphysique, juridique, social et même

scientifique44. Grâce à la révélation coranique, la langue arabe est passée

d’un seul coup d’un stade dialectal primitif à celui d’une langue

techniquement organisée pour véhiculer la pensée d’une nouvelle culture

et d’une nouvelle civilisation. Ce saut prodigieux est unique dans

l’histoire des langues et constitue un des miracles de la révélation

coranique. En effet, la plupart des langues connues dans l’histoire ont

évolué lentement et se sont perfectionnées de façon progressive. Ce n’est

pas le cas de la langue arabe qui a subi une véritable révolution avec la

révélation.

Le Coran, réfutant une certaine prétention émanant des Quraychites

mêmes accusant le Prophète (SWS) d'avoir reçu d'un jeune armurier

42 R.Garaudy : pour un Islam du XXe siècle « charte de Séville – 18-21 juillet 1985 43 UNESCO ‘Histoire de l’humanité’ volume III deuxième partie chapitre II évolution des langues 44 M.Bennabi : le phénomène coranique –Imprimerie MB Paris 1976

Page 105: Islam   et   culture   mai 2012

105

gréco-romain l'enseignement de la Bible, mit un terme à ces médisances :

« Nous savons fort bien ce qu'ils disent : oui ! Quelqu’un le lui enseigne

tout simplement ! Or celui à qui ils l’imputent parle une langue étrangère

tandis que ce Coran est en langue arabe, bien claire45 ». Le Livre sacré

spécifie, dans une autre sourate « Nous n'avons envoyé de Messager

qu’avec la langue de son peuple, afin de les éclairer46 ».

A l’époque du Prophète (SWS), Abou Djehl, patron avéré des Mecquois

Quoreïchites, adversaires du Prophète (SWS), interrogea Walid Bnou

Moughaira, qui incarnait parmi ses pairs l’éloquence et l’orgueil littéraire

de son époque, sur le soi-disant « sortilège du Coran »’. Ce dernier

répondit : « je pense que rien ne lui (Coran) ressemble…Il est quelque

chose de trop élevée pour être atteinte ». Sous le rapport linguistique, le

Coran semble bien avoir apporté sa terminologie propre et l’avoir créée

d’une manière instantanée et originale. Ce phénomène a créé, au point de

vue littéraire comme au point de vue philologique, une nette démarcation

entre la langue de l’époque djahilienne et la langue arabo-islamique. Le

développement de la langue arabe et de son écriture devait répondre à

deux impératifs : celui de lire et de comprendre le Coran et le second

d’instaurer un lien culturel commun entre tous les musulmans. Trois faits

décisifs ont joué un rôle essentiel dans le développement de la culture

islamique : la fondation des écoles de grammaire, la constitution des

écoles de jurisprudence et la traduction des ouvrages grecs, perses, indous

et autres.

(Coran 16,103) 45 > ن�% %�ن ا !ي .39$ون إ �� أ�E,N وه!ا �P4 �,9�. �,ن إ� ?. �9� أ���� $? وQ�C� E4��<

> �� 6�C� ��> و �� أر���9 �6 ر�ل إ) 94%�ن / (Coran 14,4) 46

Page 106: Islam   et   culture   mai 2012

106

Très tôt, on éprouva la nécessité d’étudier la grammaire et d’analyser le

langage. Les deux sources utilisées étaient le Coran et les recueils de

poésie arabe. Il fallait aboutir à un consensus sur la lecture canonique du

Coran afin qu’il soit lu correctement par tous pour ne pas le dénaturer et

pour le comprendre de manière parfaite. La langue arabe est une

perfection aux plans de la grammaire et du vocabulaire. La conservation et

la pérennité du texte coranique firent que la langue arabe resta l’idiome de

la vie religieuse. La récitation du texte sacré créa « la musique parlée »

religieuse de l’Islam. Abd al Jalil47 écrit « il est incontestable, que de très

bonne heure, le souci de la pureté de la langue et de la codification de ses

lois s’empara fortement des esprits. Des éléments non arabes se

convertissent à l’Islam ; il leur fallait réciter le Coran et celui-ci devait

être préservé de toute altération ; puis arabes et non arabes avaient

besoin, pour bien comprendre ce Livre, de bien connaître la langue dans

laquelle il a été révélé. ».

Les sciences religieuses commencèrent avec le Coran. Le besoin de le

comprendre incita d’abord aux études linguistique, grammaticale,

historique et spéculative qui se développèrent peu à peu en sciences

indépendantes d’utilité générale. Le soin de conserver le Coran permit le

développement de l’écriture arabe, non pas seulement du point de vue de

la précision mais aussi de la beauté. Un des grands mérites du Coran est

d’avoir fixé le canon de la langue arabe. Avec sa ponctuation et sa

vocalisation, l’écriture arabe est sans doute l’écriture dont la précision

convient le mieux aux besoins d’une langue.

47 UNESCO ‘Histoire de l’humanité’ volume III page 314

Page 107: Islam   et   culture   mai 2012

107

Le caractère universel de l’Islam nécessite la compréhension du Coran par

les non-arabes. Les premières traductions du Coran visaient avant tout

l’enseignement du Coran aux gens qui ne connaissaient pas la langue

arabe mais jamais à des fins liturgiques. On rencontre des traductions

même à l’époque du Prophète (SWS) : Salmân El Farisy se chargea de la

traduction du Coran en Perse. Ce phénomène de la traduction et de la

recherche en matière d’interprétation du Coran continue de nos jours sans

qu’on ne voit encore la fin. La raison est que chaque fois que la science

avance, elle incite à refaire une nouvelle lecture de certains versets en

s’appuyant sur les nouvelles découvertes scientifiques. Dans les offices,

c’était surtout la langue arabe qui était utilisée. Pour conserver l’intégrité

du texte coranique à travers les générations, on suivit la méthode ordonnée

par le Prophète (SWS) lui-même : à savoir rédiger par écrit et apprendre

par cœur; ces deux moyens étaient simultanément mis en œuvre pour que

chacun d’eux vienne en complément de l’autre en cas de défaillance. On

s’attela aussi à la conservation des paroles du Prophète (SWS) et des récits

de ce qu’il avait fait ou dit dans sa vie publique ou privée. La rédaction de

tels mémoires commença du vivant du Prophète(SWS). William Marçais48

écrivait «dés le milieu du VIIIe siècle, l’arabe se présente non seulement

comme paré des trésors de sa vieille et brillante poésie mais avec une

philologie, une historiographie, une langue juridique fixée, une technique

élaborée dans des bureaux et enfin une organisation scolaire. Ibn

Muqaffa avait en outre découvert dans la langue arabe des ressources

insoupçonnées. Aux phrases courtes et naïvement juxtaposées des anciens

48 UNESCO ‘Histoire de l’humanité’ volume III page 314

Page 108: Islam   et   culture   mai 2012

108

prosateurs, il substituait une période articulée et nombreuse, portant,

avec une aisance relative et sans trop perdre l’équilibre, toute une charge

d’incidences ».

Luis Massignon49 disait : « Parmi les langues de civilisations, la langue

arabe a joué un rôle très original, dépendant de ses possibilités

congénitales d’expression des idées. Elle a été marquée par une religion

universaliste : l’Islam, d’une empreinte presque liturgique, son premier

livre en prose (et c’est la prose seule qui libère l’expression des idées des

contraintes magiques de la versification primitive) ayant été le Coran.».

La langue arabe fut, pendant des siècles, le moule universel dans lequel

les écrivains formuleront leurs idées religieuse, politique, sociale,

scientifique et littéraire. L’arabe a un double caractère : il est à la fois la

langue de l’apostolat religieux de l’Islam et la langue de transmission des

disciplines scientifiques. Le savant Bîrûni50 faisait la réflexion suivante

sur la langue arabe : « C’est dans la langue arabe que les sciences ont été

transmises, par traduction en provenance de toutes les parties du monde ;

elles y ont été embellies, s’insinuant dans les cœurs; et les beautés de cette

langue ont circulé avec elles dans nos artères et dans nos veines.».

L’Islam et la langue s’implantèrent simultanément pour assurer

l’unification culturelle des musulmans au sein du grand empire islamique.

Ce n’est pas, pour la culture en langue arabe, un mince titre de gloire que

d’avoir enregistré la contribution des diverses populations qui ont

cohabité dans l’immense empire islamique. Celui-ci a réussi la fusion des

49 UNESCO ‘Histoire de l’humanité’ volume III page 314 50 UNESCO ‘Histoire de l’humanité’ volume III page 317

Page 109: Islam   et   culture   mai 2012

109

races sur le plan intellectuel.

Ibn Khaldoun décrit l’importance de l’effort entrepris pour le maintien de

la langue arabe, le long des siècles : « Quand les peuples de races

étrangères tels que les Dailamites et ensuite les Seldjoukides, se furent

rendus maîtres de l’Orient, et que d’autres peuples non arabes, les

Zenatas et les Berbères, s’emparèrent du pouvoir en Occident, tous les

royaumes de l’Islam se trouvèrent sous la domination des étrangers. Cela

corrompit tellement la langue arabe qu’elle aurait tout à fait disparu si

les musulmans n’avaient travaillé à sa conservation par le zèle qu’ils

mirent à graver soigneusement dans leur mémoire le texte du Coran et

celui des traditions relatives au Prophète ».

Avec l’avènement de l’Islam, il fallait asseoir la langue par le

développement de l’écriture pour passer de l’oralité à l’écriture et pour le

développement de la nouvelle civilisation. C’est ainsi que l’une des

premières sourates du Coran a été : « Lis, car ton Seigneur, le Très Noble.

C’est Lui qui a enseigné par la plume : il a enseigné à l’homme ce qu’il

ignoraits51 »

L’expansion fulgurante de l’Islam ne peut s’expliquer sans une

organisation méthodique. Cependant, force est de considérer que

l’écriture, tout au moins dans les premiers temps de l’empire islamique,

n’a pas dû jouer un grand rôle dans cette expansion. Ce n’est sans doute

pas sans raison que les premiers versets coraniques révélés au Prophète

> �9�. � 9� ا�R%�ن �� � �9? �4 �9�> ا/�أ و رJ4 اTآ�م ا !ي Coran (96,3-4-5) 51

Page 110: Islam   et   culture   mai 2012

110

(SWS) portent sur l’importance de l’écriture52 et font l’éloge de la plume

comme support de l’organisation, moyen d’enseignement, de voie d’accès

à la science humaine voire de civilisation et de culture. L’ange Gabriel

montra au Prophète (SWS) un écrit céleste et lui demanda de le lire.

Mohammed (SWS) répondit qu’il ne savait pas lire. Alors l’ange Gabriel

le serra très fort par trois fois dans ses bras et lui ordonna de le lire de

nouveau. Ensuite, l’ange Gabriel lui récita le message qui devait rester

gravé dans la mémoire du Prophète (SWS). Ces versets montrent

l’importance accordée par Dieu à l’écriture qui est aussi une obligation

imposée au Prophète (SWS) en même temps que le point de départ de sa

mission divine. Du temps du Prophète (SWS), l’écriture n’était pas

répandue et l’homme, qui savait écrire, jouissait d’une très grande

considération. Certains auteurs affirment qu’il y a eu des néologismes

coraniques : notamment des termes araméens pour désigner des concepts

nouveaux spécifiquement monothéistes comme celui de « Malakut » ou

des noms propres comme « Jalut, Harut et Marut ».

D’après certaines traditions, on utilisait pour écrire des omoplates de

moutons ou des feuilles de palmiers qui résistaient le plus à l’épreuve du

temps. Le prophète (SWS) s’attela alors à répandre l’enseignement de

l’écriture. Après la victoire qui a suivi la bataille de Badr, il ordonna de

faire appel à certains prisonniers Quraychites lettrés qui acceptaient

volontairement d’enseigner l’écriture de la langue arabe comme prix de

rachat pour leur liberté. Le Coran précise bien que l’écriture existait bel et

>9�. � 9� ا�R%�ن �� � �9? �4 �9�� ا/�أ و رJ4 اTآ�م ا !ي < Coran (96,3-4-5) 52

Page 111: Islam   et   culture   mai 2012

111

bien du temps du Prophète (SWS)53. Dans l’ordre culturel, on assistait à

une double préoccupation : celle de la compréhension de la langue arabe

et celle de la connaissance de l’ancienne poésie. En toute vraisemblance,

l’écriture de certaines parties du Coran a commencé à l’époque même du

Prophète (SWS). Pendant longtemps la transmission orale a prévalu à côté

de la transmission écrite pour éviter les confusions ainsi que les erreurs

des copistes. Le premier papyrus bilingue gréco-arabe date de l’année 643

et le dernier de l’année 719. Il semble que le plus ancien document rédigé

en Arabe date de l’année 709.

Un historien arabe54écrivait vers l’année 760, soit plus d’un siècle après

l‘hégire : «Les savants de l’Islam commencèrent à constituer en recueil,

les traditions, la jurisprudence et les commentaires du Coran. On

rassembla et mit en corps des livres sur la philosophie arabe, la langue,

l’histoire, les grands jours des hommes. Avant ce temps, la plupart des

savants récitaient de mémoire ou transmettaient leur science à l’aide de

feuillets épars. L’étude fut ainsi facilitée et l’on n’eut plus autant besoin

d’apprendre par cœur». Il faut remarquer que ce n’est pas seulement sous

l’empire islamique que l’écriture a pris du temps pour se répandre à

grande échelle. La raison était la difficulté et la cherté du support de

l’écriture qui, pendant longtemps, est resté coûteux, fragmentaire et lourd

à manipuler. Lorsque les manufactures de papier furent créées et prirent

de l’essor, la langue classique tendit à s’imposer et les manuscrits se

multiplièrent d’une extrémité à l’autre de l’empire islamique. On se

8��4� .ا < U�8� و Cآ��� V,%� 2Dأ E > ا#U :�� ا !.6 أ��ا إذا #$ا.��� 4$.6 إ Coran (2,282) 53 54 UNESCO ‘Histoire de l’humanité’ volume III pages 353-356

Page 112: Islam   et   culture   mai 2012

112

disputa à prix d’or les ouvrages calligraphiés par les copistes célèbres dont

la chronique a scrupuleusement conservé les noms. Les collections de

manuscrits furent nombreuses. Du vivant des écrivains, de nombreux

copistes étaient sollicités pour multiplier les exemplaires existants.

Certains ouvrages connurent une grande gloire et célébrité comme les

prairies d’or de Mas’ûdi et les bibliographies de Khallikân. Des hommes

de lettres s’attelèrent à rédiger eux-mêmes des résumés de leurs livres

pour mettre leurs écrits à la portée de toutes les bourses et accroître ainsi

le nombre de lecteurs. Progressivement, des bibliothèques virent le jour

dans la plupart des grandes villes de l’empire encouragées par les califes

successifs et elles réunissaient de précieux manuscrits. Les traducteurs

étaient couverts de présents d’or et les savants honorés. Les bibliothèques

avaient leurs propres copistes et relieurs. Les librairies étaient bien

achalandées et côtoyaient les mosquées dans chaque ville. Elles servaient

de lieux de réunion et d’échange aux savants et hommes de lettres. On

peut citer l’écrivain Djahiz qui demeurait à l’intérieur d’une de ces

librairies. On y trouvait aussi de véritables salons de lecture qui étaient

fréquentés par les gens cultivés.

5.3 HISTOIRE55

R Garaudy56 écrivait « Avant même la floraison de sa culture

propre, l’Islam a créé, du fait même de l’ampleur de ses conquêtes,

les conditions nécessaires à un renouveau de la civilisation, à

l’épanouissement d’une nouvelle jeunesse du monde ».

55 A.A Maudoudi : comprendre l’Islam -1985 56 R Garaudy : Contribution historique de la Civilisation Arabe. Cahiers du Communisme

Page 113: Islam   et   culture   mai 2012

113

Du VIIIe au XIe siècle, le monde musulman a connu son âge d'or au cours

duquel la connaissance avait progressé dans tous les domaines : médecine,

géographie, physique, chimie, astronomie, etc. La première raison

invoquée est la jonction historique entre les mondes méditerranéen et

oriental qui a été réalisée par la conquête islamique. Christophe Picard57

écrit à ce sujet « La première raison invoquée du dynamisme intellectuel

et scientifique arabo-musulman est généralement reliée à l'immense

territoire conquis de 632 à 751 par les Arabes, de l'Atlantique à

l'Himalaya. Pour la première fois, une seule entité associait durablement

deux grandes zones de civilisation qui, jusque là, sans s'ignorer

totalement, se tournaient le dos: le monde méditerranéen, riche de sa

tradition gréco-romaine et judéo-chrétienne, et le monde "orientaI",

centré sur la Mésopotamie et l'Iran perse, et largement perméable au très

riche patrimoine chinois et indien. Effectivement, en s'emparant

simultanément de plusieurs régions byzantines (Egypte et Syrie

médiévale) et de l'Empire perse sassanide, les premiers califes

s'approprièrent immédiatement l'héritage infiniment riche de ces deux

foyers de civilisation, au service de la nouvelle religion. Les souverains

musulmans, chargés de promouvoir l'Islam, entourés des plus brillants

esprits arabes et non arabes, musulmans et non musulmans,

sélectionnèrent les domaines de cet héritage qui pouvaient permettre à

l'islam de s'épanouir ».

Les Européens, malgré les preuves historiques établies par leurs propres

savants depuis le XVe siècle, ont nié l’apport de la civilisation islamique et

57 Christophe Picard : Le Monde musulman du XIe au XVe siècle (A. Colin, 2000)

Page 114: Islam   et   culture   mai 2012

114

continuent de considérer le moyen âge comme “l’Age obscur". Au cours

de cet « Age d’or de l’Islam», la civilisation se répandit avec une vitesse

fulgurante en Asie et en Chine dès les premières décades de son

avènement, puis progressivement en Indonésie et en Afrique. Au cours de

cet âge, la langue principale de la religion, des connaissances et de la

science était la langue arabe, que ce soit en territoire musulman ou dans le

reste du monde. Pour de nombreux peuples, que ce soit en Orient ou en

Occident, c’était la langue courante de travail et d’échange. De nos jours

encore, le monde occidental, continue d’accorder une importance

excessive à l’héritage gréco-romain, en faisant l’impasse historique sur la

contribution de la civilisation islamique au point d’ignorer qu’il a une

dette au moins équivalente envers le monde musulman.

La révélation coranique est venue relater, de façon chronologique et

synthétique, l’histoire des civilisations qui se sont succédées depuis

Adam. Cette révélation est l’aboutissement d’une longue chaîne de

révélations antérieures divines transmises à une chaîne de prophètes

depuis Adam jusqu’à l’apostolat du dernier d’entre eux : le Prophète

Mohammed (SWS). Dans le Coran, chaque époque et chaque peuple sont

marqués et identifiés par le sceau de leur prophète et portent parfois son

nom. Par exemple on parle du peuple de Noé, de Loth. Parfois, à des

époques données, il y a eu en même temps plusieurs prophètes : Moise et

Aaron, Marie et Jésus. Il y a eu aussi successivement plusieurs prophètes

comme Abraham, Ismaël et Isaac. La chaîne chronologique des prophètes,

telle qu’elle apparaît dans le Coran se déroule comme suit : Adam et Eve

(Adam et Haoua) - Noé (Nouh) - Abraham (Ibrahim), Ismaël (Ismaïl) -

Isaak (Ishâk) - Loth (lot) - Jacob (Ya’acoub) - Moise (Moussa) et Aaron

Page 115: Islam   et   culture   mai 2012

115

(Haroun) – Saül (Talut) – David (Daoud) – Salomon (Suleiman) – Elie

(Ilyas) – Elisée (Alyassa) – Job (Ayoub)– Jonas (Younès) – Henoch

(Idriss) – Dhou El Kifl – Alexandre le Grand (Dhou El Quarnaïn) – Jetro

(Cho’âib) – Houd – Salih – Lokman – Zacharie (Zakarya) – Jean Batiste

(Yahia) – Marie (Meriem) et Jésus(‘Isa) – Mohammed.

La race humaine est issue d’un seul homme : Adam. C’est Abraham qui le

premier donna le nom « musulman » à la communauté des croyants.

Ainsi, la paternité du mot Islam revient à Abraham et date déjà de son

époque. Tous les êtres humains, en ce monde, quelque soit leur lieu

géographique, la couleur de leur peau, leur langue, sont issus du couple

originel : Adam et Eve. Il en résulte, de façon logique, deux principes

universels : celui de l’unité de l’humanité et celui de l’égalité entre tous

les êtres humains. Au sujet de l’origine de l’homme, on peut citer l’aveu

du célèbre anthropologue français M. Boule : « dès le paléolithique (du

vivant peut-être de l’homme du Neandertal), il y avait des blancs, des

noirs, des jaunes, ces diverses races occupent déjà en gros, la place où

nous les voyons aujourd’hui. Ce n’est pas seulement le temps zoologique

humain, c’est l’humanité qui est préhistorique ! Dès que nous

commençons à pouvoir distinguer ses traits, nous l’apercevons fixée dans

sa distribution fondamentale. Si la simple’ mise en place’ de notre espèce

est déjà si lointaine, jusqu’où ne faudra –t’il pas reculer pour trouver le

centre temporel et spatial de son irradiation ? 58»

Adam, le premier homme sur terre, fut également le premier prophète

58 Pierre Teilhard De chardin- l’Apparition de l’Homme- tome 2 – Editions le Seuil -1956

Page 116: Islam   et   culture   mai 2012

116

auquel Dieu révéla Sa religion « l’Islam » et lui ordonna de la transmettre

à ses descendants, de leur enseigner que Dieu est Un, le Créateur, le

Soutien du monde et Seigneur de l’univers, que Lui seul doit être adoré et

obéi, que c’est à Lui qu’ils devront retourner un jour pour être jugés, qu’à

Lui seul, ils doivent demander secours et mener une vie pieuse afin de lui

plaire. S’ils vivaient ainsi, ils seraient bénis par Dieu et récompensés

comme ils le méritent par une vie éternelle au paradis. S’ils se

détournaient de Lui et désobéissaient, alors ils seraient perdants dans cette

vie comme dans l’autre et punis par un séjour éternel en enfer.

Les meilleurs, parmi les descendants d’Adam, suivirent le droit chemin

indiqué par leur père. D’autres abandonnèrent son enseignement et

dérivèrent graduellement vers des directions erronées et se mirent à adorer

le soleil, la lune, les étoiles, les arbres, les animaux et les fleuves. Certains

crurent que l’air, l’eau, le feu, la santé, les forces de la nature étaient les

attributs de diverses divinités et qu’il fallait les adorer pour se concilier

leur grâce. Cette conception de l’histoire des religions est diamétralement

opposée à la conception évolutionniste de la religion qui considère

l’adoration de la nature comme le premier stade dans le processus de

croyance. Les évolutionnistes s’arrêtent aux manifestations de l’adoration

de la nature dans les sociétés primitives dont des embryons existent de nos

jours dans les forets denses d’Amazonie, mais ne tentent pas d’explorer

les formes plus anciennes dont cette adoration n’est que la forme

corrompue et pervertie. Des études scientifiques récentes (W.Schmidt :

The Origin and Growth of Religions) confirment que l’adoration d’un

Dieu unique fut la forme la plus ancienne d’adoration et que toutes les

autres formes sont des déviations tardives de cette religion universelle.

Page 117: Islam   et   culture   mai 2012

117

Ainsi l’ignorance s’était propagée et de nombreuses formes de

polythéisme et d’idolâtrie firent leur apparition et les religions se

multiplièrent. Ainsi se formèrent plusieurs races et nations. Chacune

d’elles avait institué sa religion avec ses cultes et ses rites propres. On a

ainsi oublié progressivement Dieu le Seigneur, le Créateur de l’humanité

et de l’univers. Les mauvaises pratiques et les idées erronées se

répandirent et les hommes commencèrent à ne plus savoir discerner entre

le bien et le mal. Dès que le mal atteignait un certain de stade, Dieu

suscita des prophètes parmi chaque nation pour prêcher de nouveau

l’Islam. Ils rappelèrent alors à leur peuple la leçon qu’il avait oubliée. De

nouveau, il leur enseigna l’adoration du Dieu unique, mit fin à l’idolâtrie,

les débarrassa du culte des autres divinités et leur réapprit les bonnes

pratiques pour plaire à Dieu en leur transmettant les codes de

comportement révélés par Dieu pour vivre dans une société exemplaire.

Sans nul doute, les méthodes d’enseignement et les codes de

comportement des divers prophètes différaient selon les besoins et le

niveau culturel des peuples auxquels ils étaient destinés. Les

enseignements, transmis à chaque peuple, étaient déterminés par la nature

et la gravité des maux qui l’affectaient et que Dieu désirait extirper. Si un

peuple n’avait atteint qu’un stade encore primitif de sa civilisation et de

son développement intellectuel, les lois et les principes qui

accompagnaient la prophétie étaient relativement simples. Ils se

modifiaient et s’amélioraient au fur et à mesure de l’évolution et de la

progression de la société. Les différences introduites permettaient une

adaptation temporelle, la nature innée ou Fitra de l’homme n’ayant pas

changé depuis que celui-ci a été créé par Dieu. Les enseignements de base

Page 118: Islam   et   culture   mai 2012

118

de toutes les religions n’ont pas changé au cours des temps : croyance en

l’unicité de Dieu, vie pieuse et vertueuse, croyance en une vie après la

mort avec son système juste de bonne récompense (entrée au paradis) ou

de châtiment (entrée en enfer). L’attitude des hommes envers leur

prophète n’a pas toujours été de nature pacifique. Souvent, ils le

maltraitèrent et refusèrent de l’écouter ou de suivre son enseignement.

Certains prophètes furent contraints à l’exil, d’autres ont été assassinés ou

encore ont subi l’indifférence de leur peuple. Il arrivait parfois que les

prophètes échouaient dans leur mission à cause de la désobéissance de

leurs peuples. Dieu se vengeait alors par un châtiment d’extermination

(cas du peuple de Noé). Seule une poignée de fidèles des prophètes était

épargnée pour permettre de relancer le peuplement de la terre.

Malgré l’opposition de leurs peuples, leur agressivité et leurs menaces, les

prophètes n’ont jamais cessé de prêcher la révélation divine jusqu’à leur

mort, même si seuls quelques fidèles les avait suivis. Leur détermination,

leur patience et leur combat finissaient souvent par triompher par le retour

de leur peuple au droit chemin et à la reconnaissance de Dieu. De

nombreuses nations acceptèrent de les suivre et de se convertir à leurs

messages. Les erreurs, nées le long des siècles de déviation, d’ignorance

et de mauvaises pratiques, étaient effacées et une nouvelle génération de

croyants naissait. Tant que les prophètes furent en vie, leur message fut

suivi et accepté. Une fois morts, les peuples revenaient progressivement à

leurs premières erreurs et altérèrent les enseignements des prophètes. Ils

adoptèrent de nouvelles formes d’adoration. Certains se mirent à adorer

ces messagers, en firent tantôt une incarnation de Dieu, tantôt les fils de

Dieu. Certains les associèrent même à Dieu dans la divinité. Bref,

Page 119: Islam   et   culture   mai 2012

119

l’homme finissait souvent par adorer ceux-là mêmes dont la mission

sacrée était de détruire les idoles. En entretenant l’amalgame entre

religion, coutume, ignorance, anecdotes sans fondements et des lois

inventées par eux-mêmes, les hommes pervertirent ainsi la religion

prêchée par leur dernier prophète. Si bien qu’après quelques siècles, leur

religion était devenue un ramassis de contes et de fiction qui avaient fini

par altérer le véritable message de leurs prophètes. On ne pouvait plus

discerner entre le vrai et le faux. Malgré toutes ces déviations, il est resté

quelques traces de la vérité à travers le combat millénaire entre le bien et

le mal chez l’homme. L’idée de Dieu, de la vie après la mort, des

principes moraux, est acceptée et assimilée par l’ensemble des peuples.

Dans l’histoire de l’homme et pendant longtemps, les peuples vivaient

séparés et isolés les uns des autres au point où chacun d’eux restait

confiné dans des limites géographiques bien distinctes, tant les possibilités

d’échange étaient faibles. Des prophètes apparurent alors dans chaque

nation et leur enseignement était conçu spécialement pour convenir à

chaque peuple et à chaque époque. Dans ces conditions, il était difficile de

propager une religion universelle avec un système commun de lois et de

règles pour la vie sur terre. D’ailleurs dans l’antiquité, les conditions des

peuples se différenciaient énormément les unes des autres. L’ignorance

était répandue et avait produit différentes formes d’aberrations morales et

de corruption de la foi. Pour éliminer de façon progressive ces déviations

qui existaient au sein de ces peuples et les arracher à l’ignorance, les

prophètes enseignaient la pratique de bons principes, d’une vie pieuse,

simple et honnête, le développement des arts et des métiers de la vie. Dieu

seul sait combien de temps, de millénaires s’écoulèrent ainsi à éduquer

Page 120: Islam   et   culture   mai 2012

120

l’homme et à le faire progresser aux plans mental, spirituel et moral. Avec

le développement et le progrès du commerce, du transport, de l’industrie

et des arts, des relations de plus en plus nombreuses commencèrent à

s’établir. Des itinéraires nouveaux sur terre et sur mer virent le jour et

couvrirent l’intérieur des continents et entre continents. Beaucoup de gens

apprirent à lire et à écrire et l’instruction se répandit. Les idées et le savoir

commencèrent à se diffuser et à se communiquer de pays en pays. De

grands conquérants apparurent, étendirent leurs emprises, constituèrent de

vastes empires et regroupèrent sous leur domination des peuples distincts

qui se rapprochèrent. Les différences se mirent à s’estomper

progressivement. De la sorte et grâce aux missions accomplies par les

prophètes à travers la longue marche historique de l’humanité, les peuples

ont été progressivement préparés à recevoir une religion universelle en

harmonie parfaite avec la nature humaine, à travers l’accumulation de ce

qu‘il y avait de bon dans les croyances et les sociétés antérieures et

communément acceptable par l’humanité toute entière.

En conséquence, les conditions se trouvaient réunies pour qu’une loi

unique fût révélée par Dieu préconisant un mode de vie universel,

répondant aux nombreux besoins humains, moraux, spirituels, sociaux,

culturels, politiques, économiques englobant à la fois les domaines

religieux et séculiers. Il y a plus de deux mille ans, l’humanité avait atteint

déjà un stade de développement mental qui aspirait à une religion

universelle. Le Bouddhisme, qui ne comprenait que quelques principes

moraux mais n’était pas un système de vie complet, prit naissance en Inde,

s’étendit jusqu’au Japon et la Mongolie, d’une part, et de l’Afghanistan à

Boukhara d’autre part. Ses missionnaires parcouraient le monde. Quelques

Page 121: Islam   et   culture   mai 2012

121

siècles plus tard, apparut la religion enseignée par Jésus-Christ qui ne fut

autre que l’Islam de Dieu. A sa mort, ses disciples et partisans la

réduisirent au Christianisme, religion destinée manifestement aux seuls

Israélites et répandue dans des contrées reculées comme la Perse, l’Asie

mineure, l’Europe et l’Afrique. Le besoin d’une religion véritable et

complète se faisait alors ressentir et à défaut, les hommes se retournèrent

vers celles qui existaient, toutes imparfaites qu’elles étaient. A un stade

aussi crucial de la civilisation, quand l’esprit humain lui-même exigeait

une religion universelle, un prophète fut suscité en Arabie pour tous les

peuples d’alors. La religion, qu’il fut chargé de répandre, était à nouveau

l’Islam comme du temps d’Abraham, de Moise et Jésus. Cette fois-ci, il

s’agissait d’une religion révélée sous forme d’un système complet et

achevé s’appliquant à tous les aspects de la vie spirituelle et matérielle de

l’homme. Ce messager, appelé Mohammed (SWS), fut envoyé pour la

race humaine toute entière. Sa mission consistait à sortir l’humanité de

l’obscurité dans laquelle elle était plongée pour la propulser vers la

lumière éternelle.

5.4 SCIENCES59

R. Garaudy : « La vision islamique de la science repose sur les

points suivants : Dieu est la source de toute connaissance et Dieu a

doté l’homme de savoir par le biais de deux sources : le savoir

révélé à l’homme par l’intermédiaire des prophètes et qui a le

statut de vérité absolue et le savoir acquis par l’homme en utilisant

ses capacités mentales et qui a le statut de vérité fonctionnelle ».

59 R.Garaudy : pour un Islam du XXe siècle « charte de Séville – 18-21 juillet 1985

Page 122: Islam   et   culture   mai 2012

122

Le problème du lien entre la science et la religion ne se pose pas en Islam.

Le savoir et la recherche du savoir sont une tâche sacrée et il n’y a pas de

distinction à faire entre le savoir révélé et la savoir tangible. En Islam, les

sciences profanes ont pour unique but la recherche du bien, la prévention

contre toutes sortes de dangers et la lutte contre l’ignorance, la pauvreté et

la maladie. Cependant le prophète (SWS) attire l’attention sur la science

destinée à d’autres buts que le bien humanitaire à travers un hadith célèbre

: « Parfois une science peut être une pure ignorance ». En effet, une

science sans éthique peut être fatale car elle peut servir à la destruction de

l’homme et de ses biens.

Le Coran affirme qu’à côté du savoir révélé, la connaissance scientifique

conduit aussi à la vérité. La réalité de la révélation ne peut être appréciée

sans l’usage de la science et de la raison. Il y a une parfaite harmonie entre

la science et la philosophie en Islam : d’un côté, la philosophie islamique,

dans toute sa richesse et sa diversité, a toujours baigné dans une

atmosphère religieuse et de l’autre côté, les sciences islamiques ont

toujours été cultivées à l’ombre de la philosophie islamique. Les savants

musulmans ont été aussi des leaders religieux et combinaient à bon escient

les deux aspects en leur personne. La toute première révélation faite au

Prophète (SWS) est l’ordre de lire et d’écrire qui fait l’éloge de la plume

comme instrument de base de la connaissance humaine. L’Islam insiste

sur l’effort de recherche de l’homme pour connaître les causes et les effets

de chaque phénomène : « Et qu’en vérité, l’homme ne récolte que le fruit

Page 123: Islam   et   culture   mai 2012

123

des efforts qu’il aura lui-même déployés60 ». En matière d’éducation

scientifique, le Coran exhorte les musulmans à chercher la science auprès

de ceux qui savent : «…interrogez les gens de rappel si vous ne savez

pas !61 ». Le croyant doit déployer des efforts tout en sollicitant l’appui de

Dieu pour acquérir le savoir : « O mon Seigneur, donne –mo encore plus

de savoir 62». Le Prophète (SWS) a montré l’importance des sciences en

Islam en disant « Recherchez la science même en Chine » ou «

Recherchez la science du berceau jusqu’à la tombe » et « L'encre des

savants est plus précieuse que le sang des martyrs ».

Si la croyance en Dieu exige la culture des sciences théologiques, tout le

reste implique la culture des sciences profanes. Pour développer la

science, les musulmans ont créé, dès le deuxième siècle de l’Hégire, des

fabriques de papier partout dans leur vaste empire. Les savants

musulmans ont commencé d’abord par assimiler les sciences de leur

époque pour ensuite apporter, grâce à l’impulsion de la culture islamique,

une contribution remarquable au patrimoine scientifique de l’humanité.

Cette contribution a couvert pratiquement tous les domaines des sciences

théologiques et profanes. C’est pourquoi le XVIe Congrès International

d'histoire des sciences, réuni à Bucarest en 1981, a reconnu que «La

science islamique est un héritage qui concerne toute l'humanité, son étude

ne doit pas être coupée de l'histoire générale des sciences au moyen âge».

La civilisation islamique63 a légué au monde moderne trois institutions

> E�� �� (ن إ�%�Y >� > و أن Coran (53,39) 60 ن < ,9�# ( �9ا أه2 ا !آ� ان آ��Z%� < Coran (16,43) 61

> �,9� Eزد� E4و/2 ر < Coran (20,114) 62 63 R.-Y. EBIED et M.-J.-L. YOUNG. –Écoles musulmanes et Universités européennes- Le

Page 124: Islam   et   culture   mai 2012

124

très importantes : l’hôpital, l’observatoire et l’université. Un bon nombre

d’appareils et d’instruments hérités des civilisations anciennes ont été

perfectionnés et d’autres inventés par les musulmans. C’est sous les

auspices des califes successeurs du Prophète (SWS) que l’observatoire

devint une institution permanente. Selon les documents parvenus jusqu’à

nous, le premier observatoire permanent a été établi par le calife Mamoun

(813 -832 après J.C) à Bagdad, sa capitale, aux environs de l’année 830.

La contribution la plus importante de la civilisation islamique à la

médecine est la création de nombreux hôpitaux. Elle a apporté tant de

soins à leur organisation, leur financement et leur entretien au point que

les traces sont encore visibles dans nos hôpitaux d’aujourd’hui.

L’université doit, en grande partie, son existence à la civilisation

islamique. Parmi les auteurs de manuels scientifiques, médicaux et

philosophiques, des savants musulmans occupent le premier plan. On peut

citer Avicenne, Averroès, Albategnius, Avempace, Avenzoar, Albucasis,

Arzachel et Alpetraguis. Il est certain que les universités européennes ont

utilisé ces manuels. Les plus grands centres intellectuels musulmans

fonctionnaient depuis bien plus d’un siècle, quand les premières

universités furent fondées en Europe. L'Université Zitouna, basée à

Montfleury (Tunis), fut pendant plus d'un millénaire située au sein de la

grande mosquée Zitouna. Selon l'historien Hassan Hosni Abdelwaheb, la

Zitouna serait le plus ancien établissement d'enseignement du monde

arabe puisqu'une médersa y est fondée dès 737. Le collège-mosquée d’Al-

monde de l’éducation

Page 125: Islam   et   culture   mai 2012

125

Qarawiyyin à Fès (Maroc) fut établi en 859, celui de Cordoba au début du

dixième siècle, le collège-mosquée d’Al-Azhar au Caire en 972 et la

Maison de la Sagesse dans la même ville au XIe siècle. En Europe, les

premiers centres d’éducation supérieure apparurent plus tard. Les

universités de Bologne, de Paris et de Montpellier n’existaient sûrement

pas avant le douzième siècle. Dans les universités islamiques, les

professeurs étaient plus libres dans leur enseignement que dans les

premières universités chrétiennes. Il n’est donc pas étonnant que chaque

professeur ait eu le droit de conférer ses «permis d’enseigner», alors qu’en

Europe ce droit était réservé au recteur. Mise à part cette différence, la

«Ijazah» et la «licentia docendi » étaient des instruments identiques de la

vie universitaire. Ces ressemblances entre les pratiques universitaires de

l’Islam et celles du monde chrétien s’expliquent par le rôle joué par

l’Espagne dans l’établissement de contacts entre l’un et l’autre. L’Espagne

islamique était un des grands centres académiques du Moyen Age et après

la prise de Tolède par les chrétiens (1085), ce pays devint la voie

principale par laquelle les fruits de la science islamique passaient à

l’Europe chrétienne. A Tolède, l’archevêque Raymond (mort en 1251)

fonda une école pour traduire les œuvres arabes en latin et les mettre ainsi

à la disposition du monde savant chrétien. Les trésors de la littérature

philosophique, scientifique et médicale arabe furent traduits en latin à

l’usage des professeurs et des étudiants chrétiens. Il ne fait pas de doute

qu’avec les livres, les étudiants chrétiens aient ramené de l’Espagne des

idées sur l’organisation des universités.

5.4.1 Sciences religieuses et philosophiques

L’aspect spéculatif de la foi, en matière de croyance et de dogme, fit

Page 126: Islam   et   culture   mai 2012

126

l’objet de discussions du vivant même du Prophète (SWS) pour faire

ensuite l’objet de sciences particulières comme Kalam (dogmatico-

scolastique) et Tassawuf (mystico-spiritualiste). Les polémiques

religieuses avec les non-musulmans ou même entre musulmans,

introduisirent de nouveaux éléments de l’étranger: on procéda à la

traduction d’ouvrages philosophiques grecs, indiens, etc.

Par la suite, apparurent de grands philosophes chez les musulmans doués

d’érudition et d’originalité. On peut citer Kindly Fâraby, Ibn Sina

(Avicenne), Ibn Rochd (Averroès) et autres. Certains ouvrages grecs, dont

les originaux avaient disparu, ont été conservés pour la postérité grâce aux

traductions arabes.

5.4.2 Sciences sociales

L’apport des savants musulmans aux sciences sociales a été important. Le

Coran est d’abord le premier livre écrit en langue arabe. Deux siècles plus

tard (VIIIe siècle de l’ère chrétienne), cette même langue de bédouins

illettrés se présentait comme une des langues les plus riches du monde,

mais aussi une langue internationale utilisée dans tous les domaines

scientifiques.

Grâce au caractère universel du message islamique, de l’esprit d’ouverture

et d’intégration lié à ce message, de nombreux savants de toutes races :

Arabes, Grecs, Persans, Turcs, Abyssins, Berbères, Indiens embrassèrent

l’Islam et contribuèrent au développement de la « science islamique ».

Ainsi se produisirent d’admirables synthèses résultat d’une forte synergie

qui s’est développée grâce au brassage de diverses littératures et sciences

d’alors.

Page 127: Islam   et   culture   mai 2012

Figure 14 : Sciences islamiques

5.4.3 Sciences médicales64

La civilisation musulmane a légué un riche

64 Médecine et biologie dans la civilisation de l'IslamSnes / Vuibert

SCIENCES

RELIGION

ASTRONOMIE

NATURE

MATHEMATIQUES

ARTS

127

: Sciences islamiques

a légué un riche héritage à l’Occident chrétien,

Médecine et biologie dans la civilisation de l'Islam Par Paul Mazliak coédition Adapt-

SCIENCES

RELIGION

SOCIETE

MEDECINE

HYGIENE

GEOGRAPHIE

ET COMMUNICATION

ASTRONOMIE

Page 128: Islam   et   culture   mai 2012

128

à travers les grands médecins-philosophes musulmans comme Averroès,

Avicenne et ses maîtres et disciples : Al-Tabari, Al-Razi, Al-Majusi, Al-

Zahrawid. C’est à partir de leurs travaux que les premiers biologistes de

l’époque moderne Vésale, Harvey, Tournefort ont posé les bases de

l’anatomie, de la physiologie et de la botanique. Les grands savants arabes

furent à la fois des concepteurs et des transmetteurs de civilisation,

dévoilant aux érudits d’Europe les trésors enfouis à Byzance, dans des

manuscrits grecs que personne ne lisait plus. Leur système médical s’est

développé en plusieurs coins de l’Empire musulman.

Lors du premier âge d’or de la civilisation musulmane (Xe et XIe siècles),

c’est à l’Est de l’Empire, en Iran principalement, que se firent connaître

les premiers grands médecins de l’Islam : Al-Razi (appelé Rhazès en

Occident), Al-Majusi (Haly Abbas), Ibn Sina (Avicenne) pour ne citer que

les plus importants.

Lors du second âge d’or (XIIe et XIIIe siècles), c’est à l’Ouest, en

Andalousie, qu’exercèrent les médecins les plus célèbres : Al-Tarjâli, Ibn

Rushd (Averroès), Ibn Zuhr (Avenzoar), Maimonide. Les médecins

d’Orient rédigèrent quelques traités en persan (vieil iranien) mais leurs

ouvrages principaux furent publiés en arabe comme langue savante, tout

comme le latin en Occident. C’est ainsi que les médecins d’Andalousie

publièrent leurs œuvres en arabe.

Avicenne et Averroès ont fait faire accomplir d’importants progrès à la

biologie en étudiant pour la première fois le fonctionnement du cerveau.

Avicenne (980-1037) émit l’hypothèse d’un réseau de localisations

cérébrales où s’effectuaient les opérations mentales, proposition hardie à

l’époque, mais largement confirmée au XXe siècle par les neurosciences.

Page 129: Islam   et   culture   mai 2012

129

De son côté, Averroès (1126-1198) échafauda une théorie de

l’intelligence, dans laquelle ce qu’il appelait des intelligibles, préfigure les

concepts modernes. La science des grands médecins de l’Islam fut,

pendant tout le Moyen âge et la période de la Renaissance, l’époque

classique jusqu’au XVIIe siècle en Orient comme en Occident, la science

médicale la plus avancée, basée sur des concepts théoriques et des

analyses rationnelles. S’appuyant sur un savoir accumulé depuis des

siècles mais aussi sur les meilleures observations cliniques disponibles à

leur époque, ces grands médecins étaient tous des médecins-philosophes

possédant un savoir encyclopédique en sciences naturelles (botanique,

minéralogie, sciences vétérinaires, chimie, astronomie).

5.4.4 Hygiène et Santé

L’Islam est une religion qui vise à promouvoir en priorité la solidarité

inter-individus. Les règles, qu’elle impose au comportement individuel,

ont pour but de préparer et d’insérer l’homme dans le cadre de cette

solidarité. En matière d’hygiène, l’Islam recommande aux niveaux

individuel, familial et collectif, des mesures qui visent à prémunir la

communauté contre les risques de maladies transmissibles. On comprend

facilement cette approche de l’Islam quand on sait que la prière se fait en

congrégation cinq fois par jour.

Aux premiers moments de la prophétie, Dieu a ordonné au Prophète

(SWS) de purifier ses habits65. Dans un célèbre hadith, le Prophète a

dit: « la propreté est la moitié de la foi » ou encore : « la propreté conduit

" ��[� J4��\ و< > Coran (74,4) 65

Page 130: Islam   et   culture   mai 2012

130

à la foi et la foi conduit au paradis ».

Le philosophe et sociologue britannique Spencer Herbert66 écrivait : au

cours d'un voyage, j'ai rencontré le célèbre professeur français, le docteur

Gréna à qui j'ai demandé les raisons de sa conversion et qui me répondit :

« J'ai lu attentivement les versets du Coran qui mentionnent les sciences

naturelles et l'hygiène, j'y ai trouvé les leçons que j'ai dû apprendre quand

j'allais à l'école ».

En Islam, la pureté spirituelle va de pair avec la pureté corporelle. La

purification intérieure, celle du cœur et de l'esprit suppose au préalable la

propreté et l’hygiène du corps qui relèvent de la prime nature de l'être

humain (Fitra). Le Prophète (SWS) a dit : « dix choses font partie de la

prédisposition naturelle de l’homme : se tailler les moustaches, garder la

barbe, se brosser les dents, se rincer les narines, se tailler les ongles, se

laver les articulations des doigts, s'enlever la pilosité des aisselles, se

raser la pilosité du pubis, utiliser l'eau après avoir fait ses besoins et se

rincer la bouche67 ».

La circoncision, objectif d’hygiène, est obligatoire pour l’enfant

musulman. Certains chercheurs contemporains ont montré que les

personnes circoncises sont moins vulnérables aux maladies vénériennes

que les autres.

Pour accomplir ses prières obligatoires et surérogatoires et s’adresser à

Dieu, il faut d’abord faire ses ablutions qui sont obligatoires : la petite

ablution (nettoyage partiel du corps) dans le cas normal et la grande

66 Spencer Herbert 1820-1903: Théorie de l’évolutionnisme. 67 Recueil des hadiths par Muslim

Page 131: Islam   et   culture   mai 2012

131

ablution (lavage entier du corps) après tout rapport sexuel. Sans ces

ablutions, les prières quotidiennes, la lecture du Coran et autres rites

sacrés sont frappés de nullité.

La petite ablution ou « woudou » doit se faire avant chaque prière et vise à

entretenir la propreté des membres du corps les plus exposés aux atteintes

extérieures, les parties qui assurent les activités quotidiennes, ainsi que la

peau qui assure la sécrétion de la sueur. Le Coran précise la petite ablution

comme suit : « Oh, les croyants ! Lorsque vous vous préparez pour

l’Office (prière), lavez vos visages et vos mains jusqu'aux coudes, et

passez les mains mouillées sur vos têtes ; et lavez-vous les pieds,

jusqu'aux chevilles68». Dans un hadith, le Prophète (SWS) symbolise le

rôle des cinq ablutions journalières à travers une belle métaphore en

s’adressant à ses compagnons: «Imaginez que l’un d’entre-vous ait une

rivière qui coule devant sa maison et où il se baigne cinq fois par jour.

Peut-il après cela, garder une souillure ? La prière est comme cette

rivière ». Le Coran ordonne la grande ablution comme suit : « et si vous

êtes pollués (par un acte sexuel) alors purifiez-vous bien……., Dieu

n’entend pas vous imposer aucune gène, mais Il veut vous purifier 69 ».

Le Prophète (SWS) a dit « les gens de ma communauté seront appelés le

jour de la résurrection tandis que leur visage et leurs membres seront

blancs sous l’effet des ablutions. Celui, qui d’entre-vous, peut étendre la

blancheur de son visage (c’est à dire dépasser dans les ablutions les

Coran (5,8) 68 � �.� أ.�< ]89Dوأر �ه8� و أ.$.8� إ E ا ,�ا�K وا�3%ا 4�ؤ�8Dا وا !.6 أ��ا إذا /,�� إ E ا a`ة ��_9%

6�C�8 >إ V ا 8�9� �6 =�ج و 68 .�.$ أن .]��آ�... �����وا �C�D آ��� ان و< � 2�N� >. �� .�.$ ا' Coran (5,6)

69

Page 132: Islam   et   culture   mai 2012

132

limites prescrites de son visage) qu’il le fasse70». L’'individu ne peut être

acceptable et respectable aux yeux de l'Islam, que s'il prend soin de son corps

grâce à la propreté et que sa nourriture et sa tenue générale échappent aux

souillures et à la contamination. Les diverses contraintes de la vie exigent de

l’homme un corps solide et résistant. Il est recommandé de garder les ongles

courts, de s’épiler régulièrement (ce qui diminue les risques d’infection et

facilite l’entretien des parties intimes, atténuant de même les problèmes de

transpiration). Au-delà, l’obligation de se laver, après s’être rendu aux

toilettes, nous rappelle cette constante pureté corporelle exigée par l’Islam.

Les principes hygiéniques touchent également aux fonctions organiques du

corps par l’intermédiaire du jeûne dont de nombreux médecins ont reconnu

les bienfaits pour la santé. De même en ce qui concerne la nourriture, nous

savons combien les interdits alimentaires (vin, alcool, viande non égorgée et

viande de porc) se justifient tant par les effets nocifs sur le corps que sur

l’esprit.

La première chose demandée à celui qui embrasse l’Islam n’est ni le

baptême ni un quelconque rite mais, après la proclamation de la «kalima»

(unicité de Dieu et acceptation de Mohammad (SAW)) comme ultime

Prophète), il doit accomplir la grande ablution ou «ghousl» et se raser les

parties intimes et les aisselles.

Le Prophète (SWS) recommande à chaque croyant de faire la grande

ablution le vendredi, jour du regroupement en congrégation des

musulmans pour la prière commune. Il doit en outre se nettoyer les dents,

se parfumer et porter des habits propres. Dieu dit : « O fils d’Adam,

70 Recueil des Hadiths de l’Imam Mohieddine El Annawawi

Page 133: Islam   et   culture   mai 2012

133

prenez votre parure, lors de chaque office (de prière)71 ». Le Prophète

(SWS) recommandait à ses compagnons de ne pas négliger leur personne,

de rester toujours propres et de porter des vêtements convenables. Il

prônait le juste milieu dans tout, y compris les habits : « Celui qui renonce

à de beaux vêtements par humilité, alors qu’il a les moyens d’en porter,

sera appelé par Allah le Jour de la résurrection, à la tête de la création et

sera grandement récompensé » ou « Mangez, donnez la charité et

habillez-vous sans extravagance ni vanité » ou encore « Dieu habillera de

disgrâce celui qui porte des vêtements par ostentation ». Dieu ordonne au

Prophète (SWS) : « Et tes vêtements, purifie 72» Le Prophète a aussi blâmé

le fait de porter des vêtements sales. Jâbir raconte que le Prophète, voyant

un jour un homme vêtu de vêtements sales, lui dit : « Cet homme ne

trouve-t-il donc pas de quoi laver ses vêtements?73 » Un compagnon du

Prophète Mâlik ibn Nadhla, raconte : j'étais assis en compagnie du

Prophète et j'avais sur moi des vêtements de mauvaise qualité ("ratth"). Le

Prophète me dit : "As-tu des biens ? - Oui, Messager de Dieu, je possède

des biens de toutes sortes. - Eh bien, Dieu qui t'a donné ces biens,

voudrait bien voir leur effet transparaître sur toi 74 ».

L'Islam recommande l’hygiène alimentaire. En plus de se laver les mains

avant et après les repas, il faut satisfaire, sans excès, ses propres besoins et

ne pas gaspiller la nourriture. Dieu dit : « Et mangez et buvez ; mais pas

d’excès ! Dieu n’aime pas les excessifs ». Dans un hadith célèbre, le

>$N%� 2آ $�� �>.� E�4 أدم @!وا ز.��8 Coran (7,31) 71 >��[� J4��\ و< Coran (74,4) 72

73 Recueil de hadiths d’Abou Daoud 74 Recueil de hadiths d’Abou Daoud

Page 134: Islam   et   culture   mai 2012

134

Prophète disait « nous sommes une communauté dont les membres

mangent quand ils ont faim et quand ils mangent, ils ne se gavent point »

ou encore, après avoir mangé, il faut se débarrasser des déchets des

aliments, de leurs traces et de leurs odeurs. L’Islam recommande

l’hygiène de la bouche et le nettoyage des dents. Le musulman ne doit pas

boire directement de la bouche d’une carafe ou d’une bouteille. Quand il

boit, il ne doit pas expirer ou souffler l’air à l’intérieur d’un récipient. De

même, il ne doit pas boire d’un seul trait mais de façon graduelle et

entrecoupée. Il doit aussi entretenir ses cheveux. Abu Qatâda rapporte ce

qui suit : « J'ai dit: ô Envoyé de Dieu! J’ai une chevelure abondante, dois-

je la peigner ! Il m'a dit : Oui, et honore-la !75».

Si L’Islam a interdit certaines choses comme le vin, l’alcool, la viande

non égorgée et la fornication, c’est pour assurer une protection contre bon

nombre de maladies graves. De même, quand le musulman tombe malade,

il doit tout faire pour se soigner jusqu'à guérison. L'Islam invite les gens à

chercher les remèdes efficaces aux maux qui les touchent. Le Prophète

(SWS) a dit : « Dieu n'a jamais fait exister un mal sans faire exister son

remède, aussi, soignez-vous et ne recourez pas dans vos soins à des

choses illicites76 ». L’Islam interdit de recourir au charlatanisme pour

rechercher la guérison.

En Islam, le programme journalier des prières règle l’hygiène de vie et

l’équilibre physique et moral du croyant, en plus de la propreté purement

corporelle : il doit se lever de bonne heure et éviter de veiller tard. Il

75 Recueil de Muslim 76 Recueil de Boukhari

Page 135: Islam   et   culture   mai 2012

135

travaille de l’aube jusqu’à la prière de la mi-journée, ce qui représente pas

moins de sept heures de temps par jour, en moyenne, durant l’année.

Ensuite, il se repose et fait un petit somme après le déjeuner. Après quoi,

il reprend ses activités selon les besoins de la communauté ou se consacre

aux activités religieuses ou collectives jusqu’à la dernière prière du jour

sans oublier de faire ses prières en congrégation à la mosquée.

La santé de l’homme ne dépend pas seulement de l’hygiène corporelle,

elle concerne également les lieux d’habitation où l’on passe une grande

partie de sa vie. L’habitat est aussi un lieu de prière et de recueillement

qui doit être propre. Toute forme de salissure doit être écartée pour ne pas

contaminer l’air, l’eau, le sol, l’espace où l’on vit, le lieu où l’on prépare

les aliments et les endroits où l’on sommeille. L’état de propreté de

l’habitation doit refléter celui de la pureté du croyant. L’eau utilisée pour

les ablutions doit être propre et exempte de toute impureté. On veille

particulièrement à l’endroit réservé à la prière et à la méditation. La

maison est aussi le lieu où les enfants reçoivent, en grande partie, leur

éducation. Il faut qu’ils y trouvent et apprennent tous les pratiques de

l’hygiène. Les parents et surtout la mère doivent initier les enfants à ces

pratiques et devenir eux-mêmes des symboles de référence en matière

d’hygiène. L’Islam recommande également la propreté du voisinage avec

les voisins mitoyens et les passants. Le prophète (SWS) a dit : « gardez

propre le devant de votre maison de façon à ne point offenser les

passants ». Ce qui couvre aussi bien les nuisances visuelles que les

nuisances matérielles. Il s’agit de ne pas gêner les passants et de respecter

la vie en communauté.

L‘hygiène ne concerne pas seulement le corps, mais également notre

Page 136: Islam   et   culture   mai 2012

136

environnement. Comme on l’a déjà dit, l’Islam est une religion basée sur

la solidarité de groupe et l’individu doit s’y insérer par son comportement.

Le croyant doit considérer, que toute atteinte à un membre de la

communauté, est une atteinte contre lui-même. A fortiori, il ne doit pas

être lui-même à l’origine d’une quelconque nuisance pour les autres. Ceci

s’applique en particulier dans le domaine de l’hygiène. Les lieux

communs publics de regroupement doivent bénéficier de la plus grande

attention en matière d’hygiène. Dans un souci de prévention et pour éviter

les contaminations ou transmissions de saleté par le milieu extérieur,

l’islam impose, pour chacune des cinq prières journalières, les ablutions,

premières mesures imposées aux croyants avant de pénétrer dans la

mosquée. Pour marquer le respect de l'Islam pour l'individu et le groupe, il

est interdit, pour celui qui a consommé de l'ail, de l'oignon, de pénétrer

dans la mosquée ou d'assister aux rassemblements et réunions parce que la

mauvaise odeur, qui peut émaner de lui, risque d’indisposer les autres

croyants. Cette interdiction s’applique aussi à ceux qui sont atteints de

maladies et qui dégagent de leurs bouches ou de leurs corps de mauvaises

odeurs. De telles règles d’hygiène constituent une protection de la santé

collective des croyants. L’observation de l’hygiène concerne aussi la voie

publique. Le Prophète (SWS) a dit « Chaque pas que le fidèle effectue

pour aller à la prière est une aumône et chaque saleté ou toute chose

gênante qu'il enlève du chemin est une aumône77». ou encore « le meilleur

de la foi est d’affirmer qu’il n’y a pas d’autre Dieu que Lui et le minimum

de la foi est de débarrasser la voie publique des nuisances gênantes ».

77 Recueil de Boukhari

Page 137: Islam   et   culture   mai 2012

137

Parmi les moyens de prévention prescrits par l'Islam, il y a l'obligation de

faire ses besoins dans des endroits isolés et profonds afin d’éviter que les

excréments polluent l’eau ou souillent la voie publique ou les lieux

communs publics d'affluence. Le Prophète (SWS) a dit « Evitez de

commettre les trois grands péchés dont l’auteur est maudit : faire ses

besoins près des points d’eau, dans les chemins et dans les endroits

ombragés78». On rapporte qu’il a inclus aussi les arbres fruitiers. Ces

endroits sont des lieux vitaux qu’il convient de tenir propres parce qu’ils

sont fréquentés aussi bien par les gens que par les animaux. Pour la

sauvegarde de la qualité intrinsèque de l’eau, le Prophète (SWS) a interdit

d’uriner aussi bien dans l’eau stagnante que dans l’eau courante. Quand

une épidémie se déclare dans un lieu donné, il faut procéder au blocus et

empêcher quiconque d'y pénétrer ou d'en sortir jusqu'à éradication du

fléau. Le Prophète (SWS) a dit : « Lorsque vous apprenez l'apparition de

la peste dans un endroit, n’y pénétrez pas et lorsqu’elle survient dans un

endroit où vous vous trouvez n’en sortez pas79 " Cela ne signifie pas que

l'Islam ne compatit pas avec les habitants du pays touché par un fléau,

seulement, il recommande vivement d'y rester, car dans ces cas là,

beaucoup de gens désirent échapper pour épargner leur vie, mais ils

risquent ainsi d’exposer la communauté dans son ensemble à un danger

plus grand. Ce qui est conforme au critère de base : accepter un moindre

mal pour éviter un plus grand. A ce sujet, le Prophète (SWS) a dit : « A

tout croyant se trouvant dans un pays où il y a la peste, qu’il ne le quitte

pas et qu’il y reste avec sérénité et confiance en sachant qu’il ne subira

78 Recueil de Thirmidi 79 Recueil de Boukhari

Page 138: Islam   et   culture   mai 2012

138

que ce que Dieu aura décrété pour lui ; sa rétribution par Dieu sera égale

à celle du martyr80 ». L'Islam prescrit de se prémunir contre tout

phénomène de contagion. Le prophète (SWS) a dit : « Aucun malade

atteint de maladie contagieuse ne doit approcher une personne saine » ou

encore « fuis les lépreux comme tu fuis devant un lion81».

5.4.5 Géographie, topographie et communication

La pratique du pèlerinage, l’un des cinq piliers de l’Islam et les nécessités

du commerce s’ajoutèrent aux exigences de la vie administrative pour

poser le problème des communications à travers le vaste empire

musulman. Toutes les fois qu’un courrier partait pour une destination

quelconque, depuis le Turkestan jusqu’en Egypte, le calife Omar

l’annonçait dans la capitale afin que les correspondances et colis privés

puissent être remis dans les délais impartis pour être joints au courrier

officiel. Les directeurs des postes préparaient des répertoires routiers dont

la publication était toujours accompagnée de descriptions historico-

économiques plus ou moins détaillées de chaque endroit traversé et dont

les noms étaient classés par ordre alphabétique. C’était une façon

d’organiser, d’optimiser et d’assurer de façon pratique l’information

géographique et les communications. Cette géographie littéraire conduisit

à des études scientifiques. On traduisit en arabe la géographie de Ptolémée

tout comme les ouvrages indiens. Les récits des voyageurs enrichissaient,

sans cesse et chaque jour, les connaissances déjà acquises. L’origine

cosmopolite des différentes sources créa la synergie nécessaire pour les

80 Recueil de Boukhari 81 Recueil de Boukhari

Page 139: Islam   et   culture   mai 2012

139

applications pratiques. On connaît la réponse d’Abou Hanifa en l’an 767

de l’ère chrétienne à un Moutazalite qui lui demanda où se trouvait le

centre de la terre : « là même où tu assois ». Cette réponse ne vaut que

dans le cas d’une terre sphérique. Des mappemondes parmi les plus

anciennes des musulmans représentent la terre en cercle, comme par

exemple celle d’Ibn Hauqual dont la cartographie permet d’identifier

facilement tous les pays méditerranéens ou ceux du Proche-Orient. La

carte d’Idrîsi, préparée pour Roger de Sicile (1101-1154) étonne par sa

grande exactitude. Les cartes arabo-musulmanes placent le Sud en haut et

le Nord en bas. Les voyages maritimes nécessitaient l’emploi de tables de

longitudes et de latitudes ainsi que l’astrolabe et autres instruments de

navigation. Des milliers de pièces de monnaie musulmane ont été

découvertes dans des fouilles en Scandinavie, Finlande et en Russie. Ce

qui montre l’importance de l’activité commerciale des caravaniers

musulmans au cours du moyen âge. Ibn Majid, qui pilota Vasco Gama

jusqu’en Inde, évoque déjà la boussole comme un instrument bien connu.

Les marins musulmans étonnaient par leur habilité de navigation à voile

depuis Bassora en Irak jusqu’en Chine. Les mots amiral, arsenal,

mousson, douane, tarif, etc., sont tous d’origine arabe et témoignent

suffisamment de l’influence musulmane concernant les connaissances

géographiques terrestres et maritimes.

5.4.6 Astronomie

Selon lbn Sînâ (Avicenne), l’astronomie était une des quatre disciplines

fondamentales (arithmétique pure, géométrie, astronomie et musique) des

sciences mathématiques. Un grand nombre d’étoiles, de nos jours, sont

connues par leurs noms d’origine arabe : Aldébaran, Algénib, Algol,

Page 140: Islam   et   culture   mai 2012

140

Alcor, Wéga, Déneb, etc... Il en est de même de nombreux termes

astronomiques tels que Zénith, Azimut, Nadir, Almicantarat etc... Du

temps d’Al Mamoun, fils de Haroun El Rachid à l’observatoire du Mont

Kassiyoum près de Damas, les astronomes dressèrent les tables dites

«éprouvées» ou «Mamouniques».

Mohamed Ben Moussa entreprit de mesurer la circonférence de la terre,

avec un groupe d’astronomes, partant d’un même point. Un groupe se

dirigea vers le Nord et l’autre vers le Sud jusqu’à ce que le premier groupe

vit l’étoile polaire s’élever sensiblement et que le second la vit descendre

du même nombre de degrés. D’après la distance qui séparèrent ces deux

groupes, les observateurs calculèrent un degré du méridien et cela avec

une précision tout à fait étonnante. Le même Mohamed Ben Moussa, en

collaboration avec son frère Achmed, fabriqua une horloge de cuivre aux

dimensions gigantesques. Tandis qu’il observe les changements cycliques

des levers et couchers des étoiles les plus importantes, Achmed adapte les

calculs extrêmement compliqués de son frère à un appareil d’un

raffinement génial et d’une précision parfaite. Voici ce qu’en dit le

médecin Ibn Rabban At-Tabari : « Devant l’observatoire de Samarra, j’ai

vu un appareil construit par les frères Mohamed et Achmed Ben Moussa,

tous deux passionnés d’astronomie et de mécanique. Sur cet appareil en

forme de sphère sont représentés les constellations et les signes du

zodiaque. Il est mû par la force hydraulique. A l’instant où une étoile se

couche dans le ciel, son image disparaît sur l’appareil en descendant sous

une ligne circulaire qui représente l’horizon. L’étoile remonte t-elle dans

le ciel, son image réapparaît aussitôt sur l’appareil en dessus de la ligne

d’horizon ».

Page 141: Islam   et   culture   mai 2012

141

AI Farghani calcula les longitudes terrestres et fut le premier à découvrir

que le soleil et les planètes décrivaient des orbites en sens contraire du

mouvement diurne. Mais AI Khowaresmi, par de nouvelles recherches sur

l’apparition de la nouvelle lune, sur les éclipses de soleil et de lune et sur

les parallaxes, calcula aussi avec plus de précision l’obliquité de

l’écliptique et découvrit de nouvelles méthodes pour déterminer la latitude

d’un lieu.

C’est Ibn Rochd (Averroès) qui découvrit les taches solaires à la surface

du soleil. La réforme du calendrier par Omar khaiyâm dépasse de loin

celle du calendrier grégorien. Les bédouins arabes préislamiques, qui se

déplaçaient dans le désert et conduisaient des caravanes, avaient déjà

développé une observation astronomique très précise, non seulement pour

les voyages nocturnes mais aussi pour la prévision météorologique (pluie,

vent, etc..). Des dizaines de livres (Kitâb El Anwâ) renferment les

connaissances arabes sur ce point. Plus tard, on traduisit les ouvrages

sanscrits, grecs, etc. La confrontation des données divergentes exigea de

nouvelles observations, expériences et recherches. Des observatoires

virent le jour partout et sous le calife Mamoun, on mesura la circonférence

de la terre avec une bonne exactitude. On rédigea, de très bonne heure, des

ouvrages sur les flux et les reflux marins, l’aube, le crépuscule, l’arc-en-

ciel, le halo et surtout le mouvement du soleil et de la lune.

5.4.7 Sciences naturelles

Les savants musulmans ont très tôt développé les systèmes d’observation

des ressources naturelles et des expériences en évitant tout préjugé. La

méthode utilisée fut remarquable : on commença par un premier travail de

classification, par la préparation de dictionnaires où furent répertoriés les

Page 142: Islam   et   culture   mai 2012

142

termes techniques de la langue arabe. Avec une patience extraordinaire,

on dépouilla la poésie et la prose qui constituaient l’essentiel de

documents écrits et l’on releva (avec les citations utiles) chaque terme

technique qui fut en outre classé dans son lexique propre : anatomie,

zoologie, botanique, astronomie, minéralogie, etc. Chaque génération

révisa les travaux de la précédente pour y ajouter de nouveaux termes. Les

listes ainsi établies de termes portaient des observations littéraires ou

anecdotiques et s’avérèrent d’une grande utilité lorsque commença

l’œuvre de traduction. Rare fut le cas où il fallut faire appel à un mot

étranger en l’arabisant.

- Botanique

A l’exception des noms de certaines plantes, qui ne poussaient pas dans

l’empire musulman, il n’y avait pas un seul terme d’origine étrangère. On

trouva tout dans la langue arabe. L’encyclopédie botanique de Dînawarî

(an 895 de l’ère chrétienne), en six gros volumes, fut rédigée avant même

qu’on procéda à la traduction en arabe du premier livre grec sur la

botanique. Silberberg disait : « Après mille ans d’études, la botanique des

Grecs se résumait aux ouvrages de Dioscorides et de Théophraste, mais le

tout premier livre musulman de Dînawarî sur le sujet, les dépasse déjà de

loin en érudition et en ampleur ». Dînawarî a non seulement décrit

l’extérieur des plantes mais aussi leurs propriétés alimentaires,

médicinales et autres. Il les classifia et précisa leurs habitats.

Page 143: Islam   et   culture   mai 2012

Figure 15 : Sciences naturelles

- Zoologie

Dans la zoologie, l’observation de la vie des bêtes sauvages et des oiseaux

était une tendance naturelle chez le bédouin et un sujet de méditation, de

contemplation et d’inspiration poétique. Jâhiz (an 868 de l’ère c

a laissé un gros traité de vulgarisation sur la vie des animaux. Divers

traités ont été consacrés à la pêche.

- Minéralogie

La minéralogie attira l’attention des savants aussi bien dans un but

médical que pour connaître les pierres précieu

souverains et les riches. Les travaux de Bîrûni et autres sont encore

utilisables dans ce domaine. On avait aussi

SCIENCES NATURELLES

BOTANIQUE

MINERALOGIE

143

: Sciences naturelles

Dans la zoologie, l’observation de la vie des bêtes sauvages et des oiseaux

était une tendance naturelle chez le bédouin et un sujet de méditation, de

contemplation et d’inspiration poétique. Jâhiz (an 868 de l’ère chrétienne)

a laissé un gros traité de vulgarisation sur la vie des animaux. Divers

traités ont été consacrés à la pêche.

La minéralogie attira l’attention des savants aussi bien dans un but

médical que pour connaître les pierres précieuses très recherchées par les

souverains et les riches. Les travaux de Bîrûni et autres sont encore

utilisables dans ce domaine. On avait aussi beaucoup développé le

SCIENCES NATURELLES

BOTANIQUE

ZOOLOGIE

Page 144: Islam   et   culture   mai 2012

144

traitement des perles marines.

5.4.8 Chimie et physique

C’est le Coran qui a maintes fois incité les musulmans à réfléchir sur la

création de l’univers et à étudier comment les cieux et la terre obéissaient

à des lois d’équilibre perpétuel. Il n’y a pas de conflit entre foi, science et

raison. De très bonne heure, les musulmans ont développé l’étude de la

chimie et de la physique. On en attribue déjà à Khalid Ibn Yazid (an 704

de l’ère chrétienne), à Ja’far As Sâdiq (an 765 de l’ère chrétienne) des

ouvrages et à leur élève Jabir Ibn Hayân (an 776 de l’ère chrétienne) qui

est resté célèbre à travers les âges. Le trait caractéristique de leurs travaux

a été l’expérimentation objective au lieu et place de toute spéculation

subjective. Grâce à l’observation, ils accumulèrent une somme colossale

de faits. Sous leur influence, l’ancienne alchimie se transforme en science

exacte basée sur la démonstration. Déjà, Jabir connaissait les réactions

chimiques de calcination et de réduction. C’est lui qui développa les

méthodes d’évaporation, de sublimation et de cristallisation. Les savants

découvrirent les alcalis, l’alcool et la distillation des parfums. Ce sont des

générations, des siècles d’efforts et de patience qui furent nécessaires

avant d’atteindre le stade pratique des applications opérationnelles qui

permettrait à l’homme d’en tirer profit. Les traductions latines des

ouvrages de Jabîr et autres suffisent à prouver combien la science

moderne est redevable à l’œuvre des savants musulmans. Ibn Fîrnas (an

888 de l’ère chrétienne) inventa un appareil qui lui permit de voler sur une

grande distance. Il mourut au cours de l’un des essais en vol. On inventa

aussi des appareils mécaniques pour renflouer les bateaux coulés ou les

charges importantes.

Page 145: Islam   et   culture   mai 2012

145

En plein XIIIe siècle, Jalal Eddine Roumy, un des grands soufis

musulmans, enseignait « Que si l'on coupait un atome, on y trouverait un

noyau avec des planètes tournant autour ». Il a eu, d'ailleurs, la prescience

de l'énergie extraordinaire contenue dans ces atomes, annonçant qu'il

fallait faire très attention à ne pas provoquer un choc qui pourrait réduire

le monde en cendres82

- Optique

L’optique est l’un des domaines scientifiques le plus développé par les

savants musulmans. On possède le livre des rayons de Kindî qui date du

IXe siècle, déjà bien en avance sur la science grecque des miroirs à

incendie. AI Kindi introduisit, dans la géométrie, la détermination au

moyen du compas, calcula les poids spécifiques de divers liquides et

procéda à des expériences basées sur les lois de la gravitation et de la

chute des corps. Il introduisit la théorie de l’atome selon laquelle il

affirmait «les corps sont divisibles à l’infini sans qu’on puisse jamais

parvenir à quelque chose qui ne soit pas divisible».

Vint ensuite Ibn Al Haithem connu sous le nom d’Al-Hazen (an 965 de

l’ère chrétienne), qui est resté longtemps célèbre. lbn AI-Haïtham

découvrit que tous les corps célestes, y compris les étoiles fixes,

émettaient une lumière propre (bande spécifique de radiations, la lune

seule recevant sa luminosité du soleil, Voici ce qu’il disait « Ce n’est pas

un rayon partant de l’œil qui produit la vision. C’est au contraire l’objet

perçu qui envoie ses rayons vers l’œil, lequel les assimile par le

82 Eva de Vitray-Meyerovitch : Islam , l'autre visage, 1972

Page 146: Islam   et   culture   mai 2012

146

truchement de son corps transparent ». AI Hazen explora les divers

domaines de l’optique géométrique. Au cours d’une longue série

d’expériences méthodiques, il en vient à étudier tout ce que les sources de

lumière peuvent lui enseigner. Il est le premier à se servir pour ses

expériences d’une chambre noire (ancêtre de l’appareil photographique)

qui lui fournit la preuve de la trajectoire rectiligne du rayon lumineux et,

c’est à peine s’il ose en croire ses yeux, du renversement des images. AI

Hazen découvre également l’explication de la réfraction de la lumière à

son passage d’un milieu dans un autre, en passant par exemple de l’air

dans l’eau, découverte qui lui permet de calculer avec une étonnante

précision l’épaisseur de la troposphère qu’il évalue à quinze kilomètres

(mesures actuelles: 6 km au pôle, et 17 km à l’équateur). Il étudie les

causes du halo lunaire, de la formation du crépuscule et de l’arc-en-ciel. Il

applique ses connaissances à la fabrication d’instruments d’optique. Il

étudie et calcule la réflexion dans le miroir concave du segment sphérique

et de la section conique et découvre les lois de la projection lumineuse. Il

détermine le grossissement tant du miroir concave que de la loupe et

projette la première paire de lunettes.

5.4.9 Mathématiques

Les sciences mathématiques sont le domaine où les savants musulmans

ont le plus excellé et les ineffaçables traces de leurs travaux sont encore

vivantes de nos jours comme l’invention du zéro et des chiffres

élémentaires de la numération décimale qu’on continue d’appeler les

chiffres arabes. Les mots : algèbre, zéro, chiffres, etc. sont d’origine

arabe. Parmi les savants les plus célèbres en dehors de Jabir, on peut citer

Khawarizmi, Omar Khayam, Birouni au même titre qu’Euclide ou le

Page 147: Islam   et   culture   mai 2012

147

savant indien Siddantha, etc. La trigonométrie était inconnue des Grecs et

le mérite de sa découverte revient sans doute aux mathématiciens

musulmans.

5.5 ARTS

C’est le Coran, qui en premier lieu, est à l’origine du développement de

l’art chez les musulmans : la récitation liturgique du Coran créa la

musique, la conservation même du texte du Coran et donna naissance à la

calligraphie. La mosquée inspira l’architecture et l’art décoratif. Plus tard,

vinrent s’ajouter les besoins profanes liés à la sédentarisation, aux lieux

d’habitation et aux institutions publiques. Dans le domaine de l’art, les

musulmans apportèrent leur contribution en évitant certains traits nuisibles

et en prônant d’autres désirables. Dans son souci de garder l’équilibre

entre le corps et l’esprit, l’Islam enseigne la modération et la sobriété en

toute chose. Il guide les talents naturels vers le bon chemin et suscite chez

l’homme un tout harmonieux. Dans le recueil des hadîts de Mouslim, le

Prophète (SWS) dit : « Dieu est beau et aime la beauté » ou encore : « de

la beauté en toute chose ! ». Dieu parle souvent de la beauté dans de

nombreux versets du Coran : « Nous avons embelli de lampes le ciel le

plus proche (ciel de la terre83) » ou encore : « Oui, Nous nous sommes

attelés à embellir la terre, tout ce qui s’y trouve, afin d’éprouver qui

d’entre eux est le meilleur à l’œuvre84 ». On raconte un épisode particulier

de la vie du Prophète (SWS) : un jour, il vit que l’intérieur d’une tombe

n’était pas bien aplani, il ordonna sa rectification, en ajoutant toutefois

> $? > dز.�� �,�ء ا $��� �4�a,4و Coran (67,5) 83 > `,�9ه� أ.�� أ=6% C� �� �E9 اTرض ز.�* �� ��9�D إن < Coran (18,7) 84

Page 148: Islam   et   culture   mai 2012

148

que cela ne pouvait ni nuire ni faire du bien au mort, mais que c’était plus

agréable aux yeux des vivants. Le goût de l’art et l’esthétique sont des

facteurs innés chez l’homme. Comme pour tout autre don naturel, l’Islam

cherche le développement des talents artistiques mais avec mesure.

Rappelons que l’excès, même dans la mortification et les pratiques

spirituelles est défendu en Islam. Le premier minbar (chaire de prédication

dans la mosquée) peut être considéré comme l’une des premières

réalisations artistiques de l’Islam. Il a été conçu pour le Prophète (SWS) et

portait pour décoration deux boules symbolisant deux pommes. Les deux

jeunes petits fils du Prophète (SWS) s’en amusaient. Ce fut le début de la

sculpture du bois chez les musulmans. Plus tard, on enlumina les copies

du Coran et on apporta les plus grands soins à leur reliure. L’Islam

encourage l’essor artistique. Pour extirper toute germe d’idolâtrie chez les

premiers musulmans, l’islam avait interdit la figuration humaine ou

animale dans les œuvres d’art. En Islam, les arts non figuratifs ont connu

un essor étonnant. Le Coran lui-même recommande la recherche de la

grandeur dans la réalisation des mosquées : « dans les mosquées que Dieu

a permis d’élever afin que son nom y soit évoqué85 ». La mosquée

Sulaimania d’Istanbul, le mausolée Tâj Mahal d’Agra en Inde, le palais de

l’Alhambra en Espagne et autres monuments, ne le cèdent en rien à ceux

des autres civilisations, ni en architecture, ni en décoration artistique. La

calligraphie comme art est une spécialité musulmane. On l’utilise pour

l’écriture ou la réalisation de tableaux. On l’emploie sur les peintures ou

sculptures murales.

�4ت أذن ا' أن #��f و .!آ� ���� ا�,� < E� < Coran (24,36) 85

Page 149: Islam   et   culture   mai 2012

149

Un art particulier aux musulmans est la récitation du Coran. Non

accompagné d’instruments de musique, pas même écrit en vers, le Coran

se prête admirablement à la récitation. Dès l’époque du Prophète (SWS),

la langue arabe donne à sa prose une mélodie qui dépasse celles des vers

rythmés. Ceux qui écoutent l’appel du muezzin, répété du haut des

minarets cinq fois par jour, savent que cet appel a son propre charme. La

musique et le chant profane, sous le patronage des rois musulmans et des

riches, ont reçu un développement inégalable chez les musulmans.

Les théoriciens comme Farabi, les auteurs de Rasaîl Ikhwan Es Safa,

Avicenne et autres n’ont pas seulement laissé des monuments

scientifiques importants mais apporté d’appréciables corrections à la

musique grecque et indienne et innové dans le domaine de la composition

musicale. Ils employèrent des signes musicaux pour enregistrer la

musique et créèrent de nombreux instruments. Le choix de la mélodie, des

vers et des instruments, selon les besoins et les circonstances (joie,

tristesse, maladies) a fait l’objet d’études approfondies. A propos de la

poésie et des vers, le Prophète (SWS) disait : « Il est des vers pleins de

sagesse et des discours qui ont l’effet de magie ». Ce qui pousse le

musulman, dans sa façon de communiquer et dans son désir de transmettre

son message, à choisir les mots et les phrases les plus appropriés pour

sensibiliser et marquer profondément son interlocuteur. De son vivant, le

Prophète (SWS) s’entoura des meilleurs poètes de son époque, leur montra le

chemin à suivre et les limites à observer en faisant la part entre les bons et

mauvais côtés de ce talent naturel. Les œuvres poétiques musulmanes se

retrouvent dans toutes les langues et à toutes les époques. L’Arabe est maître

des lieux en poésie : témoins ces synonymes qu’il emploie : Bait signifie un

vers à deux hémistiches et aussi une tente, Misrâ : le flanc d’une tente et aussi

Page 150: Islam   et   culture   mai 2012

150

l’hémistiche ; Sabab : la corde de la tente et aussi le pied prosodique ;

Watad : le piquet de la tente ainsi que la partie du pied prosodique.

5.6 EDUCATION86

MM. R.Y. Ebied (études sémites) et M.J.L. Young (études

arabes)87 disaient : « La civilisation arabe est à l’origine de deux

au moins des grandes institutions modernes : l’hôpital et

l'observatoire. On lui doit, sans doute, une troisième:

l’Université ».

Il faut remarquer tout d’abord, qu’au cours du premier siècle de l’empire

islamique, l’enseignement public, tout au moins dans les premiers temps

et faute de disposer de supports appropriés à grande échelle, n’était pas

basé sur l’écriture à l’exception sans doute de quelques cercles privilégiés

qui avaient les moyens nécessaires ou dont les parents étaient des

personnalités lettrées. Les formules générales d’enseignement reposaient

essentiellement sur la mémoire à l’instar des rhapsodes et des lecteurs du

Coran. L’enfant apprenait à lire et à écrire. Il devait ensuite apprendre le

Coran par cœur puis le réciter en le psalmodiant selon des règles bien

établies. On transmettait également les traditions (hadîts) du Prophète

(SWS) dans un souci d’enseignement.

86 UNESCO ‘Histoire de l’humanité’ volume III pages 356-367 87 R.-Y. Ebied et M.-J.-L. Young : Écoles musulmanes et universités européennes -Le monde de l’éducation-

Page 151: Islam   et   culture   mai 2012

151

5.6.1 Enseignement primaire

L’enseignement se faisait dans des écoles. W. Marçais décrivait celles du

IXe siècle en Tunisie où les enfants apprenaient à lire, écrire, compter et

réciter le Coran et où ils commençaient l’étude de la grammaire : « Sur la

vie de ces écoles (les kuttâb), nous possédons un document fort curieux.

C’est un recueil de droit coutumier intitulé ‘Règles de conduite des

maîtres d’école’. Le contenu en remonte à Sahnûn lui-même au IXe

siècle ». On peut résumer ainsi les informations fournies par Sahnûn : les

élèves lisaient jusqu’au milieu de la matinée et la leçon d’écriture

remplissait en principe le reste de la journée. Ce travail était interrompu

par des récréations. Les révisions des matières étudiées se faisaient dans

l’après-midi du mardi et la matinée du jeudi. Le vendredi était jour de

repos. Les congés pour les fêtes du mois du Ramadan (Aid Al- Fitr)

étaient de trois jours et celles du grand sacrifice (Aid El Kébir) de trois à

cinq jours. Les frais de scolarité étaient réglés soit mensuellement, soit

annuellement. Les textes de lois existant permettaient aux juges de

trancher les différends éventuels entre parents et maîtres d’école, soit au

sujet des enfants eux-mêmes, soit en ce qui concerne le traitement des

enseignants. Les programmes d’enseignement concernaient

l’enseignement du Coran, l’enseignement religieux, la lecture et l’écriture,

l’histoire préislamique, l’histoire du Prophète (SWS) et de ses

compagnons, la poésie, la grammaire, la rédaction, le vocabulaire,

l’arithmétique et la calligraphie. Dans les mosquées, les étudiants ou

enfants étaient assis généralement sur une natte à même le sol, disposés en

anneau (halqa) autour du maître adossé à une colonne ou un pilier. Cette

disposition persiste encore de nos jours dans de nombreuses mosquées

Page 152: Islam   et   culture   mai 2012

152

dans le monde musulman. Lieux d’enseignement, les mosquées ont

disposé très tôt de bibliothèques contenant des livres de cours et des

ouvrages de consultation usuelle. Selon un témoignage d’Anas sur

l’enseignement au temps des quatre premiers califes, il est rapporté: « que

l’enfant copiait ce qui était à apprendre sur une ardoise, et l’ayant retenu,

l’essuyait avec un chiffon imbibé d’eau que chaque matin, à tour de rôle,

les élèves préparaient dans un seau qu’on vidait le soir dans un trou ».

Cette tradition subsiste de nos jours dans de nombreuses régions du

monde arabe.

5.6.2 Enseignement secondaire et supérieur

Pendant longtemps, il n’y avait pas de séparation nette entre les

enseignements secondaire et supérieur. Un programme rédigé par le

secrétaire Omeyyade Abd Al Hamid précisait : « Recherchez avec ardeur

la connaissance de tous les genres de littérature et tachez de vous rendre

savants dans les sciences religieuses en commençant par le Livre de Dieu

et par les prescriptions de la Loi divine. Cultivez la langue arabe, afin de

parler avec correction, travaillez ensuite à vous faire une belle écriture,

car c’est la preuve qui doit orner vos écrits : apprenez par cœur les

poèmes des Arabes; familiarisez-vous avec les nouvelles idées et les

expressions qu’elles renferment : lisez l‘histoire des Arabes et des Perses,

retenez dans votre mémoire les récits de leurs hauts faits ».

Grâce au répertoire (Fahras) élaboré par Nadîm, on possède une liste

d’ouvrages qu’on trouvait en librairie au marché de Baghdad. C’est le

tableau le plus achevé qui ait pu être dressé de la civilisation culturelle en

langue arabe depuis l’avènement de l’Islam. On prenait beaucoup de soin

à transcrire les recueils scientifiques et on les relisait attentivement pour

Page 153: Islam   et   culture   mai 2012

153

assurer l’exactitude des textes en les corrigeant sous la dictée de ceux qui

les connaissaient par cœur et en fixant l’orthographe des mots de façon

aussi précise que possible.

Ibn Khaldoun citait les grands centres culturels de l’Islam entre les VIIIe

et IXe siècles: « Nous pouvons parler de la haute prospérité dont

jouissaient Baghdad, Kairouan, Cordoue, Basra et Kufa, on y adoptait

divers systèmes technologiques pour la pratique de l’enseignement ; on

s’y occupait à résoudre les problèmes scientifiques et à cultiver les

sciences dans toutes leurs branches et l’on avait fini par l’emporter sur

les Anciens ».

5.7 TRAVAIL

Le travail n’est pas une valeur figée, mais changeante et diffère d’une

culture à l’autre. Si dans la culture islamique, le travail n’est pas méprisé,

c’est le contraire dans les civilisations hellénique et romaine où il a été

dévalorisé tout au long du Moyen Âge chrétien. En Islam, tous les

hommes doivent avoir des chances égales leur permettant d’accomplir des

travaux rétribués correspondant à leurs capacités. On doit écarter les

obstacles et éviter toute forme de discrimination en matière d’emploi.

En Islam, le travail est un acte de dévotion (‘ibâda) qui est considéré

comme une valeur sacrée au même titre que la prière et le jeune. L’Islam

défend la valeur du travail en tant qu’activité enrichissant l’esprit et la

personnalité et en même temps comme un acte de glorification de Dieu.

Travailler, c’est se réaliser hors de soi-même vis-à-vis de la société. Le

travail est un remède contre l’oisiveté qui génère toutes sortes de

Page 154: Islam   et   culture   mai 2012

154

déviations à l’origine de la corruption sociale. Il acquiert par là même

indéniablement un attribut thérapeutique. C’est par le travail qu’une

société assure sa marche vers le progrès et s’affranchit des tâches ingrates

de tous les jours. Le travail demeure le meilleur creuset dans lequel

coulent les volontés humaines. Il rapproche les esprits et unit les cœurs

dans un élan de solidarité. Il est à la fois un moyen pour l’homme

d’assurer sa subsistance, de défendre sa dignité et de s’affranchir de la

misère, source de dégradation humaine. Il a des valeurs et engage des

vertus, son importance spirituelle et métaphysique est inséparable de sa

haute signification morale.

En Islam, le travail implique l’ouvrier et le patron tous deux conscients de

l’omniprésence de Dieu. L’Islam prescrit à l’ouvrier de mettre toute sa

compétence et son ardeur pour réaliser son travail. Le prophète (SWS)

dit : « Dieu récompensera celui qui fait un travail et l’accomplit avec

perfection ». En exécutant son travail, le croyant sait qu’il est sous la

supervision de Dieu omniprésent en tout temps et en tout lieu. Le croyant

répondra devant de Dieu de toute négligence ou manquement à ses

obligations professionnelles. Ce n’est pas le patron qu’il doit craindre

mais Dieu qui enregistre le moindre de ses mouvements ou activités, ainsi

que la façon de le réaliser.

L’Islam prescrit au patron, en sa qualité de croyant, de respecter l’ouvrier

qui est son frère en religion. Il doit l’entourer de respect et de protection.

A ce titre, il ne doit pas, en aucune façon, transgresser les droits de

l’ouvrier. Le prophète (SWS) exhorte le patron « à verser à l’ouvrier

avant que ne sèche la sueur de son front »

Le patron comme l’ouvrier agissent sous l’œil vigilant de Dieu qui a placé

Page 155: Islam   et   culture   mai 2012

155

le patron et l’ouvrier sur le même pied d’égalité en tant que croyants en

les exhortant tous deux à être responsables et solidaires et à s’entraider

mutuellement au bénéfice de leur entreprise et par voie de conséquence

dans l’intérêt de la communauté. L’ouvrier doit préserver le bien de son

patron qui, à son tour, doit assurer une rétribution suffisante à son ouvrier

pour lui permettre de mener une vie pleine de dignité en le mettant à l’abri

du besoin, en protégeant sa santé et en améliorant les conditions de travail.

En conséquence, si l’ouvrier comme le patron appliquaient les

prescriptions islamiques dans leurs rapports de travail, ils n’auraient pas

besoin de faire appel à la loi, de constituer des syndicats ou de recourir à

une intervention quelconque des services de l’État.

A ce jour, le modèle qui caractérise les relations de travail dans la majeure

partie des pays musulmans est celui importé de l’occident. On oublie la

nécessité de l’adapter à la société musulmane où prévalent les valeurs

islamiques ancrées dans l’esprit et la culture propre du travailleur et qui

font sa fierté et sa motivation. L’Islam rejette l’exploitation capitaliste du

travailleur et l’asservissement communiste qui fait de l’ouvrier un

instrument du matérialisme et du totalitarisme. Il prend la défense des

travailleurs, en se fondant sur l’idéal de justice de l’islam, dans un esprit

d’entraide et de valorisation du travail. De ce point de vue, il a valeur

universelle.

En Islam, il est interdit de refuser de travailler et de compter sur la charité

quand on a la capacité physique et intellectuelle de travailler pour

subvenir à ses besoins et gagner son pain. Le musulman doit gagner sa vie

en exerçant une activité licite et honorer ses engagements en s’acquittant

pleinement de son travail. Le prophète (SWS) considère que tous les

Page 156: Islam   et   culture   mai 2012

156

métiers sont nobles et réprouve le mépris et le dédain que les uns et les

autres peuvent avoir pour certains travaux et activités. On rapporte qu’un

homme, se présentant devant le Prophète (SWS), hésita à tendre sa main

calleuse et endurcie par le travail de la terre pour empoigner celle du

Prophète (SWS) qui l’a saisie entre ses deux mains en le rassurant et en

disant que Dieu bénit et consacre cette main qui permet de ne pas vivre

aux dépens de la communauté. Un hadith enseigne bien que « celui qui

cherche à gagner sa vie en exerçant des activités licites pour éviter la

mendicité, nourrir sa famille et étendre sa générosité à son voisin,

rencontrera Dieu avec un visage radieux comme l’éclat de la pleine

lune ! ». Il encourage l’homme à travailler et à produire au lieu de

mendier. Le Coran considère la mendicité comme une chose abominable,

ce sera un motif de honte le jour de la résurrection pour celui qui pouvait

assurer sa subsistance au lieu de mendier. Le prophète (SWS) interdit

l’aumône au profit du riche ou du bien portant, car celui qui tend la main

sans être dans le besoin, est pareil à celui qui empoigne des braises. Celui

qui tend la main pour s’enrichir héritera d’une entaille au visage le jour de

la résurrection et avalera des braises de l’enfer. Le Prophète (SWS)

disait : « la main qui donne est plus méritoire que la main qui reçoit ». La

dignité de l’être humain réside dans le travail et le déshonneur consiste à

quémander l’assistance d’autrui : Le prophète (SWS) disait : « Mieux vaut

pour l’un d’entre vous de prendre une corde pour aller fagoter un fardeau

de bois qu’il portera sur son dos et vendra, que de tendre la main à

quelqu’un qui peut lui donner une aumône ou la lui refuser et ce afin que

Dieu lui épargne le déshonneur. »

Quand on parle de travail, on ne peut pas omettre de parler de l’esclavage

Page 157: Islam   et   culture   mai 2012

157

qui est une source de travail gratuit. Pour éviter l’asservissement de

l’homme par l’homme, l’Islam a été la première religion à rendre sa

dignité à l’esclave qui n’est plus une chose mais un frère et une sœur.

Ainsi disait le prophète (SWS) « Que nul d’entre vous ne dise : Voici mon

serviteur ou voici ma servante ! Mais qu’il dise : mon garçon et ma

fille ! ». Fort de cette sentence, Abû Hurayrah interpela un homme qui

était sur une monture tandis que son serviteur courait à pied derrière lui :

« Fais-le monter derrière toi, car il est ton frère et son âme est semblable

à la tienne ! ». L’Islam a encouragé l’abolition des sources de l’esclavage,

a appelé à libérer bénévolement et à affranchir les esclaves pour plaire à

Dieu. Dans les civilisations avant l’Islam, notamment gréco-romaine, les

esclaves étaient des objets qui n’avaient strictement aucun droit. Ils étaient

considérés comme des sous-humains qui croulaient sous le poids de leurs

corvées. Ils étaient frappés, tués, torturés sans que cela n’émeuve ou ne

gêne personne. L’Islam est venu interdire toutes ces mauvaises pratiques.

Le prophète (SWS) affirmait : « Quiconque tuera son esclave, nous le

tuerons. Quiconque rasera son esclave, nous le raserons. Quiconque

châtrera son esclave, nous le châtrerons »88. Pour encourager la libération

des esclaves, il incitait les maîtres de différentes manières et disait « Que

l’affranchissement des esclaves permettait l’expiation de certains

péchés ». L’Islam décrète que l’expiation de l’homicide involontaire

requiert le paiement d’un prix du sang à la famille de la victime et la

libération d’un esclave : « Quiconque tue par erreur un croyant, qu’il

affranchisse alors un esclave croyant et verse à sa famille le prix du

88 Rapporté le Musnad de l’Imâm Ahmad, dans les Sunan des Imâms Abû Dâwûd, An-Nasâ’î, At-Tirmidhî, Ibn Mâjah et Ad-Dârimî.

Page 158: Islam   et   culture   mai 2012

158

sang »89. Le Coran inclut les travailleurs et les esclaves parmi les

bénéficiaires de l’aumône légale (zakâh) et prescrit les mesures suivantes :

« Les aumônes sont destinées aux pauvres, aux nécessiteux, ceux qui y

travaillent, [...] et pour l’affranchissement des esclaves90 » Ainsi, il est

clairement établi que le trésor public doit utiliser l’aumône légale, entre

autres, à aider les esclaves désireux de s’affranchir du joug de leurs

maîtres, s’ils sont eux-mêmes incapables de l’obtenir par leurs propres

moyens ou économies. L'une des dernières recommandations que fit le

Prophète (SWS) sur son lit de mort, avant de quitter ce monde, portait

justement sur le respect et le bon traitement des esclaves.

L’islam a transformé la relation d’exploitation et d’humiliation en une

relation familiale et fraternelle. Le prophète (SWS) a dit : « Vos esclaves

sont vos frères. Quiconque dispose de l’un de ses frères doit le nourrir de

ce dont il se nourrit lui-même et l’habiller comme il s’habit lui-même. Ne

leur demandez pas ce qui dépasse leur capacité. Et si vous le faîte, alors

aidez-les »91. L’islam est venu affirmer qu’un maître n’a aucun mérite sur

son esclave parce qu’il est son maître. Le seul critère de mérite pour l’un

comme pour l’autre est désormais la piété : « Un Arabe n’a strictement

aucun mérite sur un non-Arabe, pas plus qu’un non-Arabe n’en a sur un

Arabe, ni un Noir sur un Blanc, ni un Blanc sur un Noir, si ce n’est par la

piété » 92. La différence entre le patron et l’ouvrier ne se mesure pas par la

Coran" ��3�.� ر/C* �;��* ود.* �%9,* إ V أه�Z �9و �6 /�2 �;��� @]" (5,92) 89�4� و �E ا �/�ب" ( 9,60)( 909/ *& ;, ����9 و ا 6�9��� Coran" إ�,� ا a$/�ت 9&?�اء و ا ,%�آ�6 و ا

91 Rapporté le Musnad de l’Imâm Ahmad, dans les Sunan des Imâms Abû Dâwûd, An-Nasâ’î, At-Tirmidhî, Ibn Mâjah et Ad-Dârimî. 91 rapporté par Al-Bukhârî, At-Tirmidhî et Ahmad, selon Abû Dharr 92 le Musnad de l’Imâm Ahmad

Page 159: Islam   et   culture   mai 2012

159

richesse ou la descendance mais par la piété. Parmi les principes

fondamentaux de l’Islam, on peut mentionner l’interdiction de l’usure (ou

ribâ), qui est matérialisée par le taux d’intérêt et cela afin d’abolir toute

exploitation indirecte de l’homme par l’homme. L’argent n’a aucune

valeur en soi dans la religion musulmane, il n’est qu’un moyen de

transaction pour des fins économiques (consommer, investir,…). Le

travail a donc une valeur centrale en Islam. Au même titre que l’usure et

la spéculation, il est interdit de tirer son revenu d’activités interdites par

l’Islam comme les jeux de hasard, les activités en relation avec la

production ou la vente d’alcool, la nourriture prohibée ou la

débauche,….Dans le mode de vie islamique traditionnel, le travail lui-

même n’était pas séparé de la vie normale et traduisait le rythme naturel

de la vie. La journée de travail d’un artisan, par exemple, commençait à

l’aube avec la première prière du jour et s’étendait jusqu’à la tombée de la

nuit. Les activités se déroulaient dans le bazar qui était le cœur de la

communauté et étaient entrecoupées de pauses « café » avec les parents et

amis, du repas à la maison, de la prière à la mosquée ou de périodes de

méditation. La succession dans le temps, d’activités distinctes,

traduisaient un style de vie social partagé entre divers aspects de la vie

quotidienne. Le travail s’inscrivait dans l’ordre naturel des choses, loin de

toute forme de stress et se réalisait dans le cadre d’une symbiose parfaite

entre les besoins matériels et spirituels.

5.8 POLITIQUE93

93 The Islamic Concept of Political order Source: "Islam and the Contemporary World" by

Page 160: Islam   et   culture   mai 2012

160

Chaque personne dans l’ordre politique islamique bénéficie des droits et

de la puissance liés à sa qualité de vicaire (Khalifa) de Dieu sur terre. En

Islam, le lien entre religion et l’Etat découle du fait que de nombreuses

responsabilités civiques relèvent de la religion. La définition de la société

(Oumma), du consensus (Ijmâa), de l’impôt (Zakat), de la vice-régence

(Khalifat) et des principes islamiques de l’économie, constitue la base de

la politique islamique. Les sociétés islamiques, dans leur mode de

gouverner, doivent s’y référer. On doit s’adapter à des degrés divers, aux

usages et coutumes (Al-urf) en vigueur dans ces sociétés. Le processus de

l’effort permanent (Ijtihad) à accomplir constitue un élément central de la

politique islamique. Le Coran commande aux musulmans de résister à

toute oppression et de porter assistance aux autres musulmans qui feraient

l’objet d’agression. La pratique de la foi islamique ne peut se concevoir

sans l’action qui peut être interprétée comme une activité politique.

Toutes les religions influencent les comportements politiques de ses

croyants et l’Islam n’est pas une exception.

5.8.1 But de l’Etat

Le Coran précise clairement que l’Etat islamique a pour finalité la défense

de l’unicité de Dieu (Tawhid) et de Sa Révélation (Risalat à son Prophète

(SWS). La vice régence (Khalifat) est l’établissement, la conservation et

le développement des valeurs prescrites par Dieu pour enrichir la vie

humaine et éloigner ou écarter ceux qui n’y croient pas et qui sont détestés

par Dieu. L’Etat islamique n’a pas pour but d’assurer l’administration

G.W.Choudhury Visiting Scholar, Columbia University

Page 161: Islam   et   culture   mai 2012

161

politique par un quelconque groupe social ou la défense des intérêts d’un

parti quelconque. L’Islam vise un idéal supérieur qui se situe bien avant

celui d’un Etat dont le but est seulement de gérer les moyens mis à sa

disposition. Le but ultime est d’encourager les qualités de pureté, bonté,

vertu, beauté, succès et prospérité que Dieu veut bien voir fleurir dans la

vie de l’homme tout en écartant toute forme d’exploitation ou d’injustice.

En plaçant cet idéal supérieur avant tout, l’Islam définit les bonnes et les

mauvaises vertus. L’Etat islamique doit élaborer ses programmes sociaux,

propres à chaque époque et à l’environnement. L’obligation permanente

en Islam est le respect des principes moraux et ce à toutes les étapes de la

vie. Il impose comme première obligation pour l’Etat de baser sa politique

sur la justice, la confiance et l’honnêteté. Il ne doit en aucune manière et

quelles que soient les circonstances, tolérer les fraudes, mensonges et

injustices pour des raisons politiques ou administratives. Dans les

relations entre gouvernants et gouvernés, entre un Etat et un autre, la

priorité doit être donnée à la confiance, l’honnêteté et la justice. Il impose

des obligations pour l’Etat, similaires à celles qu’il impose aux individus :

exécuter les contrats et obligations, avoir des normes consistantes et

vertueuses de comportement, se rappeler les obligations aussi bien que les

devoirs et ne pas oublier les droits des autres quand on attend d’eux qu’ils

remplissent les leurs, utiliser l’autorité pour imposer la justice et éliminer

le risque d’injustice, considérer la puissance comme une faveur de Dieu

qui doit être utilisée de belle manière car chacun doit répondre de ses

actions devant Dieu dans l’au-delà.

Page 162: Islam   et   culture   mai 2012

162

5.8.2 Fonction cultuelle94

La fonction cultuelle est une des raisons d’être de l’Etat islamique. Il

s’agit d’établir et de transmettre la parole de Dieu sur terre. Il est du

devoir de chaque musulman et de l’Etat, non seulement de se conformer à

la loi divine dans le comportement quotidien mais aussi de diffuser et de

faire connaître, à l’échelle universelle, le message islamique. Le principe

de base pour cette transmission est celui que donne le Coran : « Point de

contrainte en religion !95». Loin de permettre un laissez aller ou une

quelconque léthargie ou indifférence dans la réalisation de cette mission,

ce principe invite, au contraire à une lutte et un investissement

volontaires, perpétuels et désintéressés, basés essentiellement sur la

persuasion. Un des aspects du lien entre la fonction cultuelle et la fonction

d’Etat est le fait que le responsable local est d’abord celui qui dirige en

personne la prière commune à la mosquée, également lieu de concertation

entre musulmans sur les affaires courantes de l’Etat et de la société. Ce

qui fait du lien entre administrateurs et administrés, un lien direct,

permanent et naturel qui permet de résoudre, sur une base consensuelle et

rapide, tout litige qui peut se produire à n’importe quel moment et en

n’importe quel endroit. La mosquée assure de fait une décentralisation à

grande échelle des pouvoirs, tout en assurant sa fonction de va et vient

permanent entre les préoccupations terrestres et les exigences spirituelles.

A l’heure actuelle, compte tenu de la fracture sociale dans les pays

développés, on parle de plus en plus de décentralisation des pouvoirs et du

rapprochement de l’Etat de ses administrés.

94 M. Hamidullah : Initiation à l’Islam I I F S O > 6.$ > ) إآ�ا �E ا Coran (2,256)95

Page 163: Islam   et   culture   mai 2012

163

5.9 ECONOMIE96 97

L’Islam est un guide efficace aussi bien pour l’acquisition des biens

matériels nécessaires pour satisfaire les besoins de la vie que pour les

valeurs spirituelles indispensables à l’équilibre humain. Les activités

économiques ne sont pas considérées indépendamment des

préoccupations morales. L’acquisition de biens matériels doit se faire

selon les exigences de l’éthique, sinon un fossé se creuse entre la morale

et l’action. Si l’Islam définit les buts de la vie économique, il ne précise

pas en détail les méthodes de production et de distribution. Il laisse le soin

à l’homme de choisir et d’adapter ces méthodes en fonction de chaque

époque et du développement scientifique et technique. Il donne à la

pensée humaine la liberté de choisir les moyens pour satisfaire les besoins

de la société dans le cadre prescrit par la loi. L’acquisition des biens, de

façon honnête, est la seule voie pour assurer le progrès social. L’emploi

convenable de ces biens est un devoir.

Le Prophète (SWS) disait : « Béni soit un bien honnête aux mains d’un

homme honnête ». L’Islam condamne l’accumulation des richesses afin de

lutter contre l’exploitation des hommes, la corruption et l’extravagance.

Le droit de l’individu à acquérir des richesses est subordonné à l’intérêt de

la société. Ainsi l’homme n’a pas le droit de gagner sa vie ou de réaliser

un profit au détriment des intérêts moraux ou matériels de la communauté.

L’Islam bannit les transactions commerciales portant sur les marchandises

prohibées. Il est au plus près des réalités sociales quand il condamne le

96 M. Hamidullah : Initiation à l’Islam I I F S O 97 Eveil n°14 du 27 avril au 03 mai 1992

Page 164: Islam   et   culture   mai 2012

pouvoir de l’argent et l’excès des richesses.

Figure 16

Il prévoit des prélèvements obligatoires sur les biens privés quand les

circonstances l’exigent. Le Prophète (SWS)

a faim, personne n’a plus le droit de se réclamer de la propriété privée

Le Coran affirme à maintes reprises la nécessité pour l’homme de ne pas

mépriser son propre bien être physique et matériel :

98 Recueil des hadiths de Boukhari et Mouslim

ECONOMIE

HERITAGE

STATISTIQUES

ASSURANCES

BOISSONS

STATISTIQUES

164

pouvoir de l’argent et l’excès des richesses.

16 : Économie

prévoit des prélèvements obligatoires sur les biens privés quand les

circonstances l’exigent. Le Prophète (SWS)98 disait : «Quand l‘humanité

personne n’a plus le droit de se réclamer de la propriété privée ».

Le Coran affirme à maintes reprises la nécessité pour l’homme de ne pas

mépriser son propre bien être physique et matériel : « Et n’oublie pas ta

Recueil des hadiths de Boukhari et Mouslim

ECONOMIE

HERITAGE

RECETTES

TAXES

DEPENSES

JEUX

DE

HAZARDPRETS

Page 165: Islam   et   culture   mai 2012

165

part de bonheur dans ce monde99 », mais il assigne à cette nécessité sa

vraie place en imposant des contraintes et en mettant l’accent sur le lien

entre le corps et l’esprit : « Mais il est des gens qui disent : Seigneur !

Donnez-nous belle part ici-bas. Pour ceux-là, pas de part dans l’au-delà.

Et il est des gens qui disent : Seigneur ! Accorde nous belle part ici-ba,s,

belle part dans l’au-delà et préserve-nous de l’enfer. Ceux-là auront une

part de ce qu’ils auront mérité. Dieu est prompt dans Ses Compter100 ».

L’Islam encourage l’homme à explorer et à exploiter les ressources

naturelles. Il va de soi qu’il lui appartient de savoir comment profiter de

ce que Dieu a créé sur terre et d’en user de façon rationnelle avec un

regard sur l’avenir. C’est ce qu’on appelle aujourd’hui le principe de

gestion durable développé par les Nations Unies. Le principe économique

islamique de base est la nécessité absolue de lutter contre la pauvreté, de

distribuer et de répartir les richesses entre tous les gens : « Afin que cette

(richesse) ne soit pas dans le cercle des seuls riches d’entre vous 101».

C’est à partir de ce principe fondamental que l’Islam a construit tout un

système économique. Aujourd’hui, dans les pays développés, on ne

s’intéresse pas seulement à s’attaquer à la pauvreté mais aussi à assurer

une meilleure répartition des richesses. Après avoir fait la distinction entre

le minimum nécessaire à l’homme et la pleine satisfaction souhaitable,

l’Islam définit les moyens à mettre en œuvre pour assurer un juste

équilibre entre les mesures coercitives (réglementation) et les mesures

> ���$ > و ) #�< �JC�a �6 ا Coran (28,77) 99 . �,6 ا ��س �6 .?ل ر��4 ءا#�� �E ا $��� و �� � �E اk@�ة �6 @`ق< Coran (2,200-202) 100

U�a� �� JB( ر، أو�� و �6 ا ��س �6 .?ل ر��4 ءا#�� �E ا $��� =%�* و �E اk@�ة =%�* و /�� �!اب اا و ا' ��.f ا 3%�بC%آ �,� <

>6�4 * 8ن دو. ( Eآ �> اT_���ء ��8 Coran (59,7) 101

Page 166: Islam   et   culture   mai 2012

166

incitatives de persuasion (à base de sensibilisation, de formation et

d’éducation).

Le Coran fait l’éloge sans limite des gens qui viennent en aide aux

nécessiteux. Le meilleur des hommes est celui qui fait des sacrifices et

préfère son prochain à lui-même. L’Islam interdit l’avarice et le

gaspillage. Un jour, le Prophète (SWS) sollicita ses compagnons pour

réunir des fonds importants pour une cause publique. L’un d’eux amena

une certaine somme. Le Prophète lui demanda ce qu’il a laissé de côté

pour sa famille, il répondit : « Je n’ai laissé à la maison que l’amour de

Dieu et de Son messager ». Il reçut alors les éloges les plus chaleureux du

Prophète (SWS). Un autre jour, une personne gravement malade à qui le

Prophète (SWS) rendit visite pour prendre de ses nouvelles, dit à ce

dernier : « O messager de Dieu, je suis un homme riche et je veux léguer

tous mes biens à la cause des pauvres ». Le Prophète (SWS) répondit :

« Non, il vaut mieux laisser à tes proches parents de quoi vivre

décemment plutôt que de les laisser mendier ». Il ne lui accorda non plus

de faire don des deux tiers de ses biens, ni même de la moitié. Il lui

concéda le tiers, et dit : « Bon ! Même le tiers c’est beaucoup ! ».

Un jour le Prophète (SWS) vit un de ses compagnons dans un état

d’apparence lamentable et lui demanda la raison. Ce dernier répondit : « O

messager de Dieu, des biens j’en ai ce qu’il me faut, mais je préfère les

donner aux pauvres au lieu de les dépenser pour ma personne ». Le Prophète

répondit : « Non, Dieu aime voir sur Son serviteur les traces de ce qu’il lui a

donné ». Comme on peut le penser, il n’y a pas de contradiction : chaque cas

est fonction du contexte. La charité doit rester dans des limites qui

sauvegardent l’intérêt du donateur, de sa famille et de la communauté.

Page 167: Islam   et   culture   mai 2012

167

L’Islam est la religion du juste milieu.

5.9.1 Héritage

La loi de l’héritage en Islam a pour objet la répartition la plus large des

biens du défunt entre ses ascendants et ses descendants, afin de ne pas

concentrer la richesse entre les mains d’une petite minorité même au

niveau des proches parents du défunt. Toute loi sur l’héritage doit

sauvegarder à la fois le droit de l’individu de disposer de ses biens et le

devoir de chacun de ne pas léser la société dont il fait partie. C’est ainsi

que l’Islam fixe deux dispositions fondamentales en rendant obligatoire la

répartition des biens du défunt entre ses proches parents et en restreignant

la capacité de les léguer par testament.

Les héritiers légaux n’ont pas besoin de testament : ils héritent

automatiquement, dans des conditions prescrites par la loi, des biens de

leur défunt parent. Le testament est admis uniquement en faveur de ceux

qui n’ont pas le droit d’hériter d’un défunt. Il y a égalité de partage de

l’héritage entre les parents de même degré : un fils cadet mineur reçoit la

même part qu’un fils aîné. La part du garçon est double de celle de la fille

Avant le partage de l’héritage, il faut défalquer les frais d’enterrement, les

dettes du défunt envers ses créanciers qui ont toujours priorité sur les

héritiers. On doit exécuter le testament laissé par le défunt dans la mesure

où son montant n’excède pas le tiers de cet héritage. On doit répartir le

reliquat entre les héritiers primaires qui héritent toujours : conjoint, père,

mère, fils, filles et héritiers secondaires. Lorsque le défunt n’a pas laissé

de proches parents, l’héritage revient aux frères, sœurs et parents du

défunt dont entre autres, les oncles, les tantes, les cousins et neveux. Ceci

montre l’importance en Islam des liens de sang et de famille qui est la

Page 168: Islam   et   culture   mai 2012

168

cellule de base.

Cependant de son vivant, une personne, en pleine possession de ses

capacités mentales, peut procéder par voie légale à la distribution de ses

biens entre ses descendants mais sur une base d’égalité totale en donnant

la même part au fils et à la fille

5.9.2 Recettes publiques

L’homme a certains devoirs comme membre d’une famille plus grande

qu’est la société et l’Etat dont il est citoyen. Dans le domaine économique,

l’individu paie les impôts que l’Etat redistribue dans l’intérêt de la

collectivité. Les tarifs d’impôts varient en fonction des catégories de

revenus. Il est intéressant de noter que le Coran a donné des directives

précises concernant les dépenses budgétaires mais n’a pas promulgué des

règles ou tarifs précis pour les recettes de l’Etat. Tout en respectant la

pratique du Prophète (SWS) et de ses successeurs immédiats, on peut

interpréter ce silence du Coran comme une liberté laissée à l’Etat pour lui

donner toute latitude de changer les règles selon les circonstances dans le

sens de l’intérêt réel du peuple. Du temps du Prophète (SWS), l’impôt

« Sadakat » ou Zakat se répartissait comme suit :

• au dessus d’un certain revenu minimum non imposable, le paysan

livrait un dixième de sa récolte,

• dans le commerce et les exploitations minières, on prélevait 2,5%

de la valeur des biens,

• pour les caravaniers étrangers et du temps du Prophète (SWS), le

droit de passage s’élevait à 10% de la valeur des biens transportés;

il faut noter que le calife Omar avait baissé cette taxe de moitié

Page 169: Islam   et   culture   mai 2012

169

pour certaines catégories de denrées arrivant à Médine; ce

précédent de haute autorité montre la possibilité d’entrevoir les

ajustements nécessaires en fonction des intérêts stratégiques de la

communauté dans son ensemble,

• les taxes sur les troupeaux (ovins, bovins, chameaux) du moins

ceux qui utilisent les pâturages des terres publiques, en tenant

compte d’un revenu minimum toujours exonéré d’impôt,

• les bêtes destinées aux transports, au labour et à l’irrigation étaient

exonérées d’impôt,

• les fonds épargnés, l’or et l’argent étaient taxés à 2,5% de leur

valeur; ce qui obligeait l’individu à faire fructifier ses biens et éviter

de les thésauriser.

5.9.3 Taxes exceptionnelles

Au temps du Prophète (SWS) et des califes orthodoxes, les recettes

normales « Sadakat » étaient les seules taxes gouvernementales à

caractère réglementaire. Plus tard et à l’occasion de situations et de

besoins exceptionnelles, les juristes ont admis la possibilité légale de lever

des impôts et charges supplémentaires pour renflouer les recettes de

l’Etat. C’était à l’occasion de diverses calamités et qu’on appelait

« Nawâ’ib ». Mais ces taxes avaient un caractère strictement provisoire et

répondaient à des exigences exceptionnelles. Elles cessaient de l’être dès

que la situation redevenait normale.

5.9.4 Assurances sociales

On n’assure que les risques graves qui varient selon les époques et les

milieux. A l’époque du Prophète (SWS), les gens vivaient près de la

Page 170: Islam   et   culture   mai 2012

170

nature et pratiquaient l’auto-médication et l’auto-habitation. Ils n’avaient

pas besoin d’assurance contre les maladies ou les incendies. Seul existait

le besoin réel d’assurance contre les risques de captivité ou l’assassinat.

Diverses dispositions étaient prises et faisaient l’objet de développement

et d’adaptation aux circonstances. Dans la constitution de la cité-Etat de

Médine, en l’an I de l’Hégire, on a appelé cette assurance « Ma’âquil » et

elle fonctionnait de la manière suivante : si quelqu’un était fait prisonnier

par l’ennemi, il fallait que l’Etat islamique paie une rançon pour obtenir sa

libération. De même dans le cas de torts corporels subis ou d’homicide, il

y avait des dommages à payer ou le prix du sang. Cela dépassait souvent

les capacités financières des individus concernés prisonniers ou criminels.

Le Prophète (SWS) instaura une assurance à base de mutualité : les

membres d’une tribu pouvaient compter sur le trésor de cette tribu auquel

chacun contribuait selon ses moyens. Si le trésor ne suffisait pas, les

autres tribus parentes ou voisines, venaient en aide suivant une hiérarchie

établie entre des unités qui constituaient un ensemble organisé et complet.

A Médine, il y avait déjà les tribus des Ansârites, originaires de la ville

elle-même. Le Prophète (SWS) ordonna aux immigrés qui venaient s’y

réfugier, originaires de différentes tribus de la Mecque ou d’autres

régions d’Arabie ou même d’Abyssinie de se grouper pour les besoins

d’assurance sociale, en nouvelle tribu appelée « Mouhâjiroun (réfugiés) ».

A l’époque du calife Omar, les assurances furent organisées en mutuelles

par métiers, administrations civiles ou militaires. Au besoin, le

gouvernement central ou provincial leur venait en aide. A une assurance

centralisée et de nature privée, l’Islam a préféré l’assurance à base de

mutualité pour renforcer la cohésion des groupes sociaux et développer le

processus d’entraide entre eux, grâce à des unités mutualistes

Page 171: Islam   et   culture   mai 2012

171

décentralisées et coordonnées. Ces unités pouvaient utiliser les fonds

mutualistes disponibles pour faire du commerce afin de valoriser ces

fonds en les injectant dans le circuit économique pour d’une part, éviter

leur dépréciation et d’autre part, contribuer aux activités

socioéconomiques. Dans la mesure où les fonds mutuels arrivaient à

couvrir les charges d’assurances, on pouvait arrêter les versements des

contributions et même parfois redistribuer les bénéfices réalisés aux

mutualistes eux-mêmes. Les mutuelles prenaient en charge tous les types

de risques : accident de transport, incendie, perte en transit. Parfois pour

certaines activités, l’Etat pouvait instituer une agence nationale

d’assurance. C’est le cas pour les envois des colis postaux. Il y a lieu de

préciser que les assurances capitalistes actuelles ne peuvent pas être

tolérées par l’Islam du fait que l’assuré ne participe pas aux bénéfices de

la compagnie d’assurance en proportion de ses propres versements. Ces

assurances sont une espèce de jeu de hasard interdit par l’Islam.

5.9.5 Dépenses de l’Etat

Le Coran a prescrit les principes qui régissent le budget de dépenses de

l’Etat islamique dans les termes suivants : « Rien d’autre en vérité : les

recettes de l’Etat sont pour les besogneux, les pauvres, ceux qui

travaillent, ceux dont les cœurs sont à gagner, l’affranchissement des

jougs (esclaves), ceux qui sont lourdement endettés, dans le sentier de

Dieu et pour les voyageurs démunis. Arrêt de Dieu ! Dieu est savant et

sage102». Ces huit titres de dépenses couvrent pratiquement tous les

Coran (9,60) 102 > ب�]]/� �4� و�[[E ا]]9/ *]]& ;, ���9[[� وا 6�9��]]� إ�,[[� ا a[[$/�ت 9&?[[�اء وا ,%[[�آ�6 وا��C@ ��9� > وا �nر��6 و� E�2�C ا' وا64 ا %m.�� 2�C* �6 ا' وا'

Page 172: Islam   et   culture   mai 2012

172

besoins d’une collectivité. Le terme « Sadaquât » traduit par « recettes

d’Etat » comprend l’ensemble des taxes payées par les musulmans à leur

Etat en temps normal : taxes sur l’agriculture, les mines, le commerce et

l’industrie, le bétail, les épargnes, etc. En sont exclus, les impôts

provisoires relatifs à des événements exceptionnels, les revenus prélevés

sur les non-musulmans sujets ou étrangers ainsi que toute contribution non

obligatoire.

- Foukharâ’ et Massaquin

Parmi les bénéficiaires des dépenses de l’Etat, les deux premières

catégories : Foukharâ’ et Massaquin (besogneux et pauvres) sont presque

synonymes et n’ont pas été interprétés par le Prophète (SWS). Ce qui a

provoqué des divergences d’opinion parmi les musulmans. D’après la

pratique du calife Omar, les Foukharâ’ sont les pauvres parmi les

musulmans, tandis que les Massaquin désigne les pauvres parmi les non

musulmans domiciliés en terre d’Islam : juifs, chrétiens, etc.

Le juriste Ech-Châfi’i a pensé que ces termes étaient tout à fait synonymes

et que Dieu, dans sa bonté, avait désigné les pauvres sous deux vocables

afin qu’on leur consacra davantage d’attention. D’après lui, on doit

réserver pour chacune des huit catégories citées, un huitième du budget de

dépenses de l’Etat. Ce qui fait d’après Ech-Châfi’i un quart du budget

pour les pauvres. Quoi qu’il en soit, le but premier des recettes de l’Etat

est de faire en sorte qu’aucun habitant en terre d’Islam ne manque de

moyens de première nécessité : nourriture, vêtement et logement.

Page 173: Islam   et   culture   mai 2012

Figure 17

. A la lumière de ce qui précède, on peut considérer

enfants orphelins, chômeurs, veuves, vieillards,

n’ont pas de ressources propres et dont la famille n’a pas les moyens de

subvenir à leurs besoins, peuvent être considérés comme Foukharâ’ et

Massaquin.

- Ceux qui travaillent

Cette catégorie concerne les

percepteurs, les comptables, ceux qui sont chargés des dépenses, de

l’apurement, du contrôle et ainsi de suite. Cette catégorie représente aussi

bien l’administration civile que militaire et diplomatique de l’Etat.

L’historien Balâdhurly a conservé dans son El

lequel le calife Omar demanda à son gouverneur de Syrie

DEPENSES

FOUKHARAS

ENDETTES

ENFANTS DU SENTIER DE

DIEU

ENFANTS

DE LA ROUTE

173

17 : Dépenses

. A la lumière de ce qui précède, on peut considérer aujourd’hui, que les

chômeurs, veuves, vieillards, malades, handicapés, qui

n’ont pas de ressources propres et dont la famille n’a pas les moyens de

peuvent être considérés comme Foukharâ’ et

Cette catégorie concerne les traitements des fonctionnaires: les

percepteurs, les comptables, ceux qui sont chargés des dépenses, de

l’apurement, du contrôle et ainsi de suite. Cette catégorie représente aussi

bien l’administration civile que militaire et diplomatique de l’Etat.

y a conservé dans son El-Ansâb un document dans

alife Omar demanda à son gouverneur de Syrie : « envoie chez

DEPENSES

FOUKHARAS

TRAVAILLEURS

COEURS A

GAGNER

AFFRANCHIS

Page 174: Islam   et   culture   mai 2012

174

nous à (Médine), un expert grec pour mettre en ordre les comptes de nos

revenus ». Il n’y a pas de meilleure autorité pour dire que non seulement

les non-musulmans peuvent être employés par l’administration de l’Etat

musulman mais aussi qu’ils peuvent bénéficier de salaires prélevés

uniquement sur les musulmans.

- Cœurs à gagner

La catégorie, de ceux dont les cœurs sont à gagner, concerne, on le

comprend facilement, les dépenses secrètes de l’Etat. Le juriste Abou

Ya’la Al Farrâ’ précise : « Quant à ceux dont les cœurs sont à gagner, ils

sont de quatre catégories : ceux dont les cœurs sont ralliés, afin qu’ils

aident les musulmans, ceux qui s’abstiennent de faire du mal aux

musulmans, ceux qu’on veut inviter à embrasser l’Islam, ceux par

l’intermédiaire desquels on invite leurs clans et leurs familles à se

convertir à l’Islam ». Il est licite de dépenser pour chacune de ces

catégories, qu’il s’agisse d’un musulman ou d’un polythéiste. On peut

considérer que l’action culturelle, pour faire connaître l’Islam en pays

étrangers, entre dans cette catégorie. La priorité sera donnée d’abord aux

pays voisins et amis.

- Affranchissement du joug (esclaves)

Considérant que tous les hommes sont égaux et pour prêcher l’égalité

humanitaire, l’Islam fait de liberté et de la lutte contre l’esclavage une des

obligations de l’Etat Islamique. Une part du budget est donc consacrée

aux droits à payer pour obtenir la libération des esclaves. On voit ainsi que

c’est la civilisation islamique qui a été la première à se pencher sur la

libéralisation des esclaves

Page 175: Islam   et   culture   mai 2012

175

- Endettés

Les personnes lourdement endettées et chargées d’obligations recevaient

une série diversifiée d’aides. On venait au secours des sinistrés, victimes

de calamités comme les sécheresses, les inondations, les tremblements de

terre, etc. Il ne s’agissait pas nécessairement de pauvres mais aussi de

gens aisés qui ne pouvaient pas supporter des charges au dessus de leur

capacité. Le calife Omar institua un compte spécial du trésor public pour

prêter des fonds sans intérêt à ceux qui temporairement en avaient besoin

pour relancer leurs activités après la survenue de calamités et qui,

toutefois, présentaient les garanties nécessaires de remboursement. Le

calife Omar, en personne, eu recours à ces fonds pour des besoins privés.

Il est arrivé aussi que le calife Omar autorise, pour des délais fixés, des

prêts sans intérêt aux commerçants et le trésor partageait avec eux les

bénéfices sur la base d’un pourcentage (prenant ainsi le risque en matière

de perte et profit). On peut considérer que le prêt par une personne aisée à

cette époque correspondrait à l’assurance sociale d’aujourd’hui. Si

quelqu’un se rendait responsable d’un homicide involontaire et qu’il

n’avait pas les moyens de payer le prix du sang, l’Etat lui venait en aide.

- Ceux du sentier de Dieu

Dans la terminologie islamique, il s’agit de la défense militaire qui

couvrait aussi bien le personnel que l’équipement de l’armée. Mais ce

type de dépenses concernait également les œuvres de bienfaisance, depuis

l’aide aux étudiants jusqu’aux institutions religieuses comme la

construction des lieux de culte.

- Voyageurs démunis

Page 176: Islam   et   culture   mai 2012

176

Il s’agit de voyageurs qu’ils soient commerçants, homme d’affaires ou

simples touristes. Les dépenses couvrent aussi la construction des

infrastructures de base comme les routes, les hôtels, les restaurants, les

services de sécurité et d’hygiène, entreprises de transport et en général

tout ce qui concerne les voyageurs en transit. Quand les conditions le

permettaient, une hospitalité de trois jours était offerte à chaque voyageur.

A notre époque, on peut inclure les autres structures d’intérêt public

comme les écoles, lycées, universités, logements, hôpitaux, ports,

aéroports, chemins de fer, autoroutes, forêts de protection, zones

protégées et divers types de réseaux communs : électricité, téléphone, eau

potable, eaux usées, etc. Signalons que le calife Omar avait organisé un

système de pensions pour tous les habitants du pays (selon Ibn Zanjuwaih

et autres, même les non-musulmans bénéficiaient de ces pensions).

L’enfant en bénéficiait dès sa naissance et l’adulte percevait le minimum

vital. Au début de la mise en œuvre de ce système, le calife Omar avait

établi un barème entre les différentes catégories de personnes : si le

minimum vital était représenté par une unité arbitraire donnée, la

catégorie la plus favorisée, représentée par les veuves du Prophète (SWS),

touchait 15 fois cette unité.

5.9.6 Jeux de hasard

L’Islam interdit les jeux de hasard : «…le jeu de hasard est l’œuvre du

diable103 ». La plupart des maux sociaux ont pour origine la mauvaise

répartition de la richesse nationale. Certains individus deviennent très

riches et les autres trop pauvres et surexploités par les riches. Dans les

>.... �%�, �,2 ا �P]�ن ....ا 6� >Dر < Coran (5,90) 103

Page 177: Islam   et   culture   mai 2012

177

jeux de hasard et les loteries, la tentation principale est le désir de gagner

facilement beaucoup d’argent. Or tout gain facile est mauvais pour la

société. Par exemple dans le cas des loteries, des millions de citoyens

jouent et ce sont des sommes énormes qui sont mises en jeu. A peine 1%

des joueurs gagne aux dépens des 99% qui jouent. En d’autres termes, on

enlève de l’argent à 99% de gens pour enrichir 1%. Ce qui est grave dans

le jeu, c’est l’idée persistante chez le joueur de gagner un jour et qui

l’amène parfois à se ruiner à force de miser continuellement des sommes

importantes dans le jeu, toujours à la recherche d’un gain hypothétique. Il

s’agit d’une véritable aliénation de l’individu qui consacre son énergie,

son argent et son temps à une occupation qui le dévie de la vie normale.

De plus le jeu du hasard crée chez le joueur un effet d’accoutumance à

l’instar du drogué vis-à-vis de sa dose quotidienne. Que les jeux soient

contrôlés par les organismes d’Etat ou par des sociétés privées, le résultat

est le même : c’est l’enrichissement d’une minorité au détriment d’une

majorité. L’Islam interdit les jeux de hasard, car il fait de l’effort humain

permanent la raison d’être de l’homme à la fois pour gagner sa vie et pour

participer pleinement et positivement aux activités sociales. Comme dans

les assurances capitalistes, le jeu de hasard est un risque unilatéral et doit

être interdit.

5.9.7 Prêt à intérêt

Toutes les religions ont interdit l’usure. Le trait distinctif de l’Islam est

qu’il a non seulement interdit ce genre de gain mais encore supprimé les

causes à l’origine de cette grande plaie de la société moderne. Personne ne

paie de bon gré l’intérêt de son emprunt. On le fait uniquement par ce

qu’on a besoin d’argent et qu’on n’en trouve pas sans l’obligation

Page 178: Islam   et   culture   mai 2012

178

d’intérêt. L’Islam fait la distinction entre le bénéfice commercial et le

profit provenant de l’usure : « Dieu a rendu licite le commerce et illicite

l’intérêt104 » ou encore : « Si vous ne renoncez pas à l’intérêt, alors

recevez l’annonce d’une guerre de la part de Dieu et Son messager, et si

vous vous repentez, alors à vous, reviennent vos capitaux (sans intérêt) et

point de remontrance à vous, ni vous ne serez lésés 105». La raison de

l’interdiction de l’intérêt est la même que celle qui concerne l’assurance

capitaliste et les jeux de hasard où le risque est toujours unilatéral : on

emprunte une certaine somme d’argent pour la faire fructifier et pour cela,

on signe, en contrepartie, des engagements garantis par les biens propres

de l’emprunteur comme la propriété immobilière. Dans le cas où les

circonstances sont défavorables et ne permettent pas de disposer

suffisamment d’argent pour couvrir les intérêts, ce sont alors les biens en

garantie qui vont servir au remboursement et l’emprunteur risque de se

retrouver sans biens et sans abri. Quant à celui qui prête de l’argent, il ne

participe pas au risque. C’est l’emprunteur seul qui subit les

conséquences. En Islam, l’Etat doit intervenir pour aider et assister des

gens qui sont parfois obligés de s’endetter de façon temporelle. Le trésor

public peut consentir des prêts sans intérêt qui complètent les aides

diverses provenant de la famille, de gens charitables et des organisations

mutualistes ou d’entraide.

Il existe en Islam le système de « Mudârabah » qui concernent les

> و أ=2 ا' ا f�C و =�م ر�4 < Coran (2,275) 104 Coran (2,279) 105 > ( �8 � رءوس أ�[[ا]]89� ��]]C# وأن � ا �[[7ذ�ا 34[[�ب �[[6 ا' ور�[[]]9�&# �]] �[[7ن

ن ,9o# (ن و,9o# <

Page 179: Islam   et   culture   mai 2012

179

emprunts commerciaux : on prête de l’argent et l’on participe au risque,

on peut gagner ou perdre. Dans ce cas, le risque est également partagé

entre le prêteur et l’emprunteur, Cependant, on doit prendre les

précautions nécessaires pour l’éviter. On doit préciser par écrit, dans toute

participation contractuelle, les conditions convenues entre le préteur et

l’emprunteur, quant aux engagements consentis par l’un et par l’autre et

en recherchant une juste rémunération de l’un et de l’autre en fonction du

capital et du travail effectif fournis par chacun d’eux. Le rôle des banques

peut être précisé à travers trois types d’activités : transfert de fonds, garde

et sécurisation des épargnes et investissement (ou prêt en vue de gagner de

l’argent). Les frais de fonctionnement de chaque banque seront tous à la

charge des clients et ce, quelque soit le type d’activités. Quand il s’agit de

prêt pour le commerce, l’industrie ou pour tout autre activité économique,

la banque doit participer aux risques de ses débiteurs aussi bien en termes

de gain que de perte. Dans le cas contraire, l’Islam interdit tout type de

transaction. En ce qui concerne la caisse d’épargne de l’Etat, elle doit

fonctionner comme une banque d’investissement et déclarer

publiquement, à la fin de chaque exercice annuel, le partage des

dividendes avec les représentants des clients sur une base consensuelle

préalablement définie après défalcation des frais de fonctionnement de la

caisse. Dans ce cas, non seulement l’Islam la considère comme licite mais

le public est aussi encouragé à placer ses épargnes dans les caisses de

l’Etat. Le principe de la participation mutuelle au risque doit être appliqué

dans tous les contrats commerciaux.

5.9.8 Boissons alcoolisées

L’Islam interdit les boissons alcoolisées pour deux raisons : la première

Page 180: Islam   et   culture   mai 2012

180

liée à la santé et la seconde découle du fait qu’une personne ivre ne se

contrôle pas et risque de dilapider son argent et ses biens ou commettre un

crime. Le Coran associe le danger des jeux de hasard à celui des boissons

alcoolisées : « Ils t’interrogent sur le vin et les jeux de hasard, dis-leur (ö

Prophète) dans les deux, il y a un grand pêché et quelques avantages pour

les gens. Mais le pêché l’emporte largement sur l’utilité qu’on en tire106».

Le Coran relègue le vin et les jeux de hasard au même niveau que

l’idolâtrie « Ho, les croyants, oui le vin, le jeu de hasard, les pierres

dressées .ne sont qu’une souillure diabolique107 ». On ne doit pas

consommer du vin et s’adonner aux jeux de hasard.

5.9.9 Statistiques économiques

Dans tout système économique, les statistiques sur les divers types

d’activités sont essentielles pour permettre à l’Etat de disposer d’un

tableau de bord qui l’aide à évaluer les ressources disponibles et à prendre

les mesures les plus appropriées en terme de gestion, de planification,

d’amélioration et de développement des ressources de l’Etat. Le Prophète

(SWS), ainsi que le signale Boukhâri, avait organisé un recensement de

tous les musulmans. Le calife Omar a procédé au recensement du bétail,

des arbres fruitiers et autres biens. Dans les provinces nouvellement

conquises, on dressait l’inventaire des terres cultivées. Dans un souci

d’équité, Le calife Omar invitait chaque année, après la collecte des

impôts, les représentants de la population des provinces, à lui faire part de

Coran (2,229) 106 >�9B�%.J 6]� �]C��9س و إ\,�,� أآ f���� و ��Cآ ��6 ا ",� و ا ,�%� /2 ���,� إ\ �,��&�<

Coran (5,90) 107 > ب�a�Tو ا �%�, �,2 ا �P]�ن ....أ.�� ا $.6 أ��ا إ�,� ا ",� و ا 6� >Dر <

Page 181: Islam   et   culture   mai 2012

181

leurs observations sur le comportement des percepteurs d’impôts pour

éviter tout excès ou injustice et tout type de corruption.

5.10. RESSOURCES NATUR ELLES ET ENVIRONNEMENT

Said Al-Nursi108 disait « un cœur sensible est capable de voir

l’emprunte divine de chaque créature, qui le pousse à la

transmettre aux autres »

Les lois de la nature peuvent être observées en la regardant avec une

certaine attention. Ce qui exige, cependant, beaucoup de temps et de

nombreuses générations humaines pour acquérir le savoir nécessaire. Et

même, malgré cela, le genre humain ne s’accordera pas toujours sur la

façon d’interpréter ces lois. La conscience humaine n’est pas fiable par

elle-même. Elle a besoin de connaissances bien supérieures et d’évidence

qui lui permettent de juger et de distinguer entre le bien et le mal. Le

Coran apporte ces connaissances et cette évidence en tant que guide clair

et complet, comme une lumière et un don de Dieu au service des êtres

humains. Il se décrit lui-même comme « une vérité » révélée et maintenue

pure et sans erreur par Dieu. Il recommande à l’homme de l’analyser et

d’en tirer la preuve par lui-même. Dans le Coran, il y a les lignes

directrices de toute chose et les juristes islamiques dans le monde n’ont

jamais cessé d’aborder les situations nouvelles qui se présentaient à eux

108 Sa'id Al-Nursi, al-Mathnawi al-'Arabi al-Nuri; Ihsan Qasim Al-Salihi, ed. 1988, p. 53.

Page 182: Islam   et   culture   mai 2012

182

pour élaborer les lois qui leur étaient nécessaires. Le Prophète (SWS)

disait qu’il n’y aurait jamais, au sein de la communauté islamique, une

unanimité pour faire le mal.

Toute éthique est en soi une limitation de la liberté d’action de l’homme

au cours de son existence. La liberté, telle que définie par les droits de

l’homme d’aujourd’hui, a abouti à une véritable dégradation de

l’environnement. Le monde a appris, que ce type de liberté poussé à

l’extrême, est à l’opposé de la liberté et des droits de respirer, de boire, de

manger et de jouir d’un environnement propre.

Comme la plupart des religions monothéistes, la révélation islamique s’est

déroulée dans un contexte désertique caractérisé par un environnement

aux contraintes physiques inhospitalières : nature ingrate, sols désertiques,

eau et végétation rares. Si l’espace géographique était vaste en lui-même,

la population se concentrait autour de quelques oasis où s’organisait une

vie collective et sociale. Ce n’est pas sans raison, que lorsqu’on parle des

religions monothéistes dans la littérature, on les qualifie de religions du

désert. Tout se passe comme si Dieu a voulu éprouver l’homme dans les

conditions de vie les plus dures et les plus extrêmes, tout en montrant,

qu’avec une bonne gouvernance, la vie peut être possible et viable. C’est

aussi pour montrer à l’homme que les valeurs spirituelles sont de loin plus

importantes que les richesses matérielles. Certains auteurs occidentaux

affirment qu’il n’y a pas d’éthique environnementale systématique en

Islam. Pour s’en convaincre, il suffit de se reporter aux prescriptions du

Coran et aux directives du Prophète (SWS) relatives aux diverses

Page 183: Islam   et   culture   mai 2012

183

ressources naturelles de l’environnement. En effet, sur 6.000 versets du

Coran, près de 750109, soit le huitième est consacré à la nature et aux

phénomènes naturels. Ces versets exhortent les croyants à réfléchir sur la

nature, à étudier les relations entre les organismes vivants et leur

environnement, à faire bon usage de la raison et à maintenir l’équilibre et

les proportions dont Dieu a doté sa création. Les ressources de la planète

comme l’air, le sol, l’eau, les minéraux, les forets sont des dons divins

destinés à l’homme avec cependant certaines restrictions de nature

éthique. L’homme doit en user pour satisfaire ses besoins mais sans

perturber leur équilibre et sans compromettre leur disponibilité pour les

générations futures. Tout élément de la création est lié à tous les autres et

s’il se dégrade, il finira par affecter les autres. L’homme lui-même a été

créé de cette nature et se trouve entièrement dépendant d’elle. Ce qui

confirme l’essence et l’intérêt de la biodiversité qui représente aujourd’hui

un enjeu mondial (convention internationale sur la biodiversité de Rio -

Brésil en 1992).

Dans le monde d’aujourd’hui, certaines forces tentent de développer des

stratégies et moyens pour favoriser la séparation entre l’esprit et le corps.

La technologie représente un de ces moyens. Elle met la machine au

premier plan des nécessités quotidiennes et, par son développement, isole

l’homme de son milieu naturel et de sa propre nature. C’est une arme à

double tranchants, car si d’un côté, elle apporte la solution aux servitudes

de la vie de tous les jours, elle risque de réduire l’homme dépendant et

esclave, en l’asservissant et en l’amoindrissant pour le rendre tout à fait

109 Dr. Hasan Zillur Rahimm, editor of IQRA Northern California. 1991-USA

Page 184: Islam   et   culture   mai 2012

184

secondaire. Si la technologie n’est pas tempérée en dimension et en

équilibre, elle peut envahir la conscience spirituelle de l’homme. Dans le

Coran, Dieu dit : « Nous avons fait descendre le fer où se trouve une force

redoutable aussi bien que des avantages pour les gens110 ». Si le pouvoir

inhérent aux éléments naturels, que ce soit le fer, l’uranium ou le silicium,

est utilisé à des fins destructives plutôt que bénéfiques, il finira par

détruire la sensibilité de l’homme vis-à-vis des autres créatures. C’est

pour attirer l’attention de l’homme sur ce danger que le Coran insiste sur

l’aspect destructeur du fer quand il est mal utilisé. En Islam, le savoir, s’il

pousse l’homme à adopter une fausse attitude envers la création de Dieu,

ne peut pas être considéré comme valable ou moralement défendable. La

pensée rationnelle doit s’accompagner de valeurs éthiques et morales. Le

savoir consiste à glorifier Dieu et à assumer la responsabilité qu’il lui a

confiée.

Dans la Charia, l’environnement représente un des quatre domaines du

droit islamique. L'homme fait partie de l’univers dont les éléments sont à

la fois distincts en tant que créatures et complémentaires les unes aux

autres par les fonctions qu’elles remplissent au sein d’un ensemble global

et intégré111. Cependant, l'homme est une créature à part et occupe une

position supérieure parmi les autres créatures de l’univers. Les liens entre

l’homme et l’environnement, tels que définis dans le Coran, sont de deux

types : un lien d’usage au profit de l’homme pour satisfaire ses besoins et

un lien de considération, de contemplation et de méditation de l’univers.

��9س < f���� 3$.$ ��� 74س :$.$ و �� اpو أ� < Coran (57,25) 110 111 Abdulbar al Gain Vice-President of IUCN Jeddah Date : 1989G / 1409H Saudi Arabia.

Page 185: Islam   et   culture   mai 2012

L’homme est d’abord le vicaire de Dieu sur terre. A ce titre, il a

l’obligation de gérer les ressources naturelles de l’environnement comme

des créatures semblables à lui-même, même si elles l

doit en user de façon raisonnable, avec intelligence, sagesse et science

dont Dieu l’a pourvu et distingué par rapport aux autres créatures. Il doit

protéger et aménager l’espace terrestre en tant que lieu d’habitation

commun pour l’homme et les autres créatures. La perception de

l’environnement en Islam découle du fait que l

vivantes sont assujetties à l’ordre divin. Elles obéissent entièrement à

Dieu et ont un caractère sacré et toute atteinte, dont l’h

rendu responsable, est une offense envers Dieu. L’approche islamique de

l’environnement impose à l’homme de protéger et d’utiliser les créatures

avec précaution pour ne pas perturber leur fonctionnement

leur conservation durable. La conduite de l’homme vis à vis de

l’environnement est basée sur la foi, la science et la raison

Figure 18 : Environnement

ENVIRONNEMENT

CONSERVATION

AMENAGEMENT

185

L’homme est d’abord le vicaire de Dieu sur terre. A ce titre, il a

l’obligation de gérer les ressources naturelles de l’environnement comme

même, même si elles lui sont assujetties. Il

doit en user de façon raisonnable, avec intelligence, sagesse et science

dont Dieu l’a pourvu et distingué par rapport aux autres créatures. Il doit

protéger et aménager l’espace terrestre en tant que lieu d’habitation

’homme et les autres créatures. La perception de

l’environnement en Islam découle du fait que les créatures vivantes et non

vivantes sont assujetties à l’ordre divin. Elles obéissent entièrement à

Dieu et ont un caractère sacré et toute atteinte, dont l’homme se serait

rendu responsable, est une offense envers Dieu. L’approche islamique de

l’environnement impose à l’homme de protéger et d’utiliser les créatures

avec précaution pour ne pas perturber leur fonctionnement et pour assurer

ble. La conduite de l’homme vis à vis de

l’environnement est basée sur la foi, la science et la raison.

: Environnement

ENVIRONNEMENT

SIGNE DE

DIEU

USAGE

CONSERVATION

Page 186: Islam   et   culture   mai 2012

186

5.10.1 Environnement comme signe divin

L’environnement en Islam est perçu à travers les différents signes de la

création de Dieu : l’homme, les animaux, les plantes, les rivières, les

océans, le ciel, la terre, etc. Dieu dit : « Oui il y a dans les cieux et la

terre, des signes, certes, pour les croyants. Et dans votre propre création,

tout comme dans la multiplication des espèces animales, il y a des signes

pour les gens qui croient avec certitude. De même, dans l’alternance de la

nuit et du jour, et dans ce que Dieu fait descendre du ciel, de par l’eau

nourricière, par quoi il donne vie à la terre une fois morte, et dans le

déploiement des vents, il y a des signes pour les gens qui comprennent :

voilà des signes de Dieu . Nous te les récitons avec vérité112 ». Dans ces

versets, Dieu montre que la perception de ces signes, par l’homme, ne

peut s’acquérir qu’à deux conditions : la foi en Dieu et le savoir. Ainsi,

toute atteinte à ces signes est une atteinte à l’environnement. Si une

créature disparaît, c’est comme si l’un des signes de Dieu, témoignant de

sa grandeur, disparaît avec elle empêchant les générations futures de la

connaître et de la valoriser. En d’autres termes, ce serait une perte

irréversible pour le patrimoine humain tout entier. Tout se passe comme si

dans ces versets, il y a deux types d’enseignements pour comprendre

l’environnement : un enseignement théorique tiré de la lecture du Coran et

un enseignement pratique tiré de l’observation de l’univers. Cependant,

pour arriver à tirer partie de ces enseignements, une condition

fondamentale est nécessaire comme la possession de la foi qui rend le

Coran (45, 3-6) 112 >وات و�,% 9?8� و�� .qC �6 دا4* ءا.�ت إن �E ا@ E6 و����9,; اTرض k.�ت �9 ن وا@�`ف ا�/م .? وا ���ر و�� أ�pل ا' �6 ا %,�ء �6 رزق �7=�� �4 اTرض $�4 �#�� و 2

م .�?9ن ؛ J9# ءا.�ت ا'? 9ه� �t.�a# J�9 ا �.�ح ءا.�ت ��<

Page 187: Islam   et   culture   mai 2012

187

cœur transparent à même de découvrir les diverses significations de ces

signes. Une fois le cœur libéré de tout sentiment de rejet, l’homme est en

mesure d’apprécier à leur juste valeur ces signes, de raffermir sa foi et

d’en glorifier Dieu, leur créateur. Tous les signes de Dieu sont sacrés. Ils

célèbrent en toute obéissance et permanence sa gloire, sans que l’homme

ne puisse comprendre leurs prières. Dieu dit : « Les sept cieux et la terre,

et les créatures qui s’y trouvent, tous prient Dieu ! Il n’est chose aucune

qui ne proclame sa gloire, mais vous ne comprenez pas leur prière113 ». Il

y a beaucoup de versets qui mentionnent les signes de prière : « Et le

tonnerre rend hommage à Dieu, ainsi que les anges, par crainte de

Lui 114» Ou « N’as-tu pas vu qu’en vérité c’est Dieu qu’adorent tous ceux

qui sont dans le ciel et la terre et aussi les oiseaux qui volent ? Chacun a

appris son office et son propre hymne de louange et Dieu sait ce qu’ils

font115 » ou encore « Et Nous asservîmes les montagnes à prier Dieu en

compagnie de David, tout comme les oiseaux116». Ainsi, toutes les

créatures vivantes ou inertes, prient Dieu. Ce qui doit amener l’homme à

en faire autant par sa prière. L’équilibre de l’univers, la course régulière

de la terre et des astres et les ressources naturelles qui font la richesse de

la terre sont un signe de Dieu pour celui dont le cœur est doté de foi et de

raison. Chaque créature possède son propre sceau divin qui ne peut être

113 Coran (17,44) >وا�,]]% [[� ا dC]]%#رض تTوا fC]]% و�[[6 �[[��6 وإن �[[E]]: 6ء إ) .%[[dC 34,[[$ ا��3C%# ن�?&# ( 68 >و Coran (13,13) 114 > 6� *8B`, �$ 34,$ و ا� >�&�� @و .%dC ا Coran (24,41) 115 > �9� � �E� 6 ا %,�وات و اTرض و ا ]�� ا a&�ت آ2 /$ dC%. 'أن ا �# � أ

4,� .&�9ن ��9� u`#� و #%�3�C و ا'

>ا �CNل .%63C و ا ]�� دو�"��� �f داو و< Coran (21, 79) 116

Page 188: Islam   et   culture   mai 2012

188

imité.

L’importance donnée par Dieu à l’environnement se reflète dans des

versets consacrés à la description de l’environnement idéal du paradis

promis aux croyants qui se conforment aux commandements de Dieu. Le

Coran le décrit ainsi : «Et pour celui qui redoutait la puissance de son

Seigneur, il y aura deux jardins.aux branches fraîches…dans les deux,

deux sources courantes…dans les deux, un couple de tous fruits… partout

des belles aux regards chastes ; et deux jardins en deçà de ces deux là,

ombragés à force de verdure .; dans les deux, deux sources jaillissantes,

dans les deux, des fruits, et des dattiers, et de la grenade… partout des

houris bonnes et belles… ils seront accoudés sur des sièges verts et

merveilleux, joli 117». Cette description du paradis mentionne les éléments

de base de l’environnement : l’eau qui se trouve en abondance, les

ruisseaux qui coulent, la végétation à travers la verdure dense qui s’étend,

les jardins qui longent de part et d’autre les cours des ruisseaux, les arbres

de natures différentes, qui donnent des couples de fruits de toutes sortes,

la beauté symbolisée par la femme, un cadre merveilleux où se trouvent

de beaux salons verts pour le repos des croyants, etc. En fait, on voit à

travers cette description, l’idéal de l’homme symbolisé par un

environnement propre où l’eau, la végétation et le cadre de vie jouent un

Coran (55,45-76) 117 ���,[[� �[[6 آ[[2 ��آ�[[* زوD[[�ن ... ���,[[� ���[[�ن #N�.[[�ن .....ذو#[[� أ��[[�ن .....و ,[[6 @[[�ف �?[[�م ر��D �]]4[[�ن

�9� و ) �Dن ......C/ >6 ا��F,[. � ........ .. ن�[$اه,�� ...و�[6 دو��,[� ��D[�ن .. ....���u�/ 6�ات ا ]�ف �E9 ر�[�ف ........���6 @��ات =%�ن.......���,� ��آ�* و �"2 و ر��ن ........���,� ����ن ��m@��ن 6�Z8��

> ...@m� و �C?�ي =%�ن

Page 189: Islam   et   culture   mai 2012

189

rôle essentiel. L’environnement est, en plus d’une exigence exogène de

l’homme, une exigence endogène qui répond à sa nature biologique et

psychique.

5.10.2 Usage de l’environnement

La loi Islamique fixe les droits des ressources naturelles que Dieu a mis à

la disposition de l’homme pour assurer son bien être. Pour rappel, Dieu est

le créateur de l’univers et tout lui appartient. L’homme ne peut jouir que

de l’usufruit des créatures terrestres qui obéissent à la loi divine. Le

Prophète (SWS) précise que le droit d’usage des ressources vivantes et

non vivantes de la terre doit obéir à un principe de base : « le profit, qu’on

en tire, doit être supérieur au dommage qu’on en cause » (Hadith de

Tirmidhi). Ces ressources sont mises à la disposition de l’homme qui doit

en user sans abus ou mauvais usage. Le nombre de bienfaits, dont

bénéficie l’homme, est bien plus grand que ceux en faveur de

l’environnement. Il y a de nombreux versets dans le Coran qui

mentionnent cet aspect. Dieu dit : « Et Il vous a assujetti tout ce qui est

dans les cieux et tout ce qui est sur la terre, car tout est à Lui. Voilà bien

là des signes, vraiment, pour des gens qui réfléchissent118» ou « Ne voyez-

vous pas que Dieu vous a assujetti ce qui est dans les cieux, oui, et aussi

ce qui est sur la terre ? Et Il vous a prodigué Ses bienfaits, aussi bien

apparents que cachés119 » ou encore « Pour vous, Il a asservi la nuit , le

jour, le soleil et la lune. Et par Son commandement, sont assujetties les

م .�&8�ون <? 8� �� �E ا %,�وات و�� �E اTرض D,��� ��� إن �E ذ k J.�ت Coran (45, 13) 118 > و�"� Coran (31,20) 119 >E� ��وات و�,% 8� �� � E�� �E ا � #�وا أن ا' �"� 9[�8� ��,[� v[�ه�ة أ� wC]�رض وأTا

> ���4* و

Page 190: Islam   et   culture   mai 2012

190

étoiles. Voilà bien là des signes, vraiment, pour des gens qui réfléchissent 120 ».

La mise en lumière de l’aspect temporel des choses est de rappeler aux

gens la vie éternelle de l’au delà. Dieu dit : « Et Il a assujetti le soleil et la

lune, chacun poursuivant sa course vers un terme fixé d’avance. Il

administre tout, détaillant les signes. Peut être croirez-vous avec certitude

en la rencontre de votre Seigneur121 ». Il est souhaité qu’une fois les gens

conscients de la limitation de la vie sur terre, ils seront amenés à avoir un

comportement responsable et constructif. Le résultat anticipé ici est le

bénéfice en faveur de l’environnement du fait du bon comportement

humain. L’ordre cosmique, tout comme les phénomènes naturels, ont une

fin ultime. L’assujettissement des éléments de l’environnement est

mentionné dans de nombreuses sourates du Coran : « Et c’est Lui qui a

assujetti la mer afin que d’elle vous en mangiez une chair fraîche, et que

vous en sortiez la parure que vous revêtez ; et tu y vois les bateaux glisser

avec bruit et pour que vous vous mettiez en quête de sa Grâce. Peut-être

Lui en seriez –vous reconnaissant ?122 » ou « Dieu, c’est Lui qui a créé les

cieux et la terre, et qui a fait descendre l’eau ; puis, d’elle, Il a fait sortir

différents fruits, pour vous nourrir, Il a mis à votre service les vaisseaux

qui glissent sur la mer de par Sa permission. Et Il vous a assujetti les

Coran (16,12) 120 > 8� ا 2�9 و ا ���ر و ا م �%"�ات 74�� إن �[E ذ [J و �"� N� P,< و ا ?,� و ام .�?9ن ? > k.�ت

Coran (13, 2) 121 > �]89� و �"� ا P,< و ا ?,� آN. 2[�ي 2]DT�E,]% .[$4� اT�a&. �][2 اk.[�ت ن�/# � >94?�ء ر84

Coran (16, 14) 122 >9# *�9= ��� اD�"�%# 3,� ��.� و �7آ9ا ��� �3C ��� و و ه ا !ي �"� ا%Cا@� ��� و� J9& 89� #8P�ون #�ي ا� ا ��9m� 6 و n�C� <

Page 191: Islam   et   culture   mai 2012

191

fleuves123 ». Dieu a aussi assujetti les animaux à l’homme : « Et Il a fait

pour vous les vaisseaux et les bestiaux ,un moyen pour votre

transport1124». On voit à travers ces nombreux versets l’interconnexion

entre les biens dont Dieu a comblé l’homme pour jouir ici-bas et

l’obligation de rendre compte de l’usage terrestre de ces biens devant

Dieu après sa mort. Ce qui rend l’homme responsable de ses actes envers

la nature et l’oblige volontairement et à tout moment à réfléchir avant

d’agir.

5.10.3 Conservation de l’environnement

Dieu a créé l’homme sur terre pour une seule et unique raison : c’est celle

de l’adorer. Dieu dit : « Je n’ai créé les djinns et les hommes que pour

qu’ils M’adorent 125». Toute action, que l’homme doit entreprendre, doit

se faire en conformité avec la vision islamique qui est de plaire d’abord et

avant tout à Dieu. En Islam, l’homme ne peut se désintéresser de

l’environnement dont les éléments adorent Dieu au même titre que lui-

même. Protéger l’environnement est un acte de foi qui reçoit récompense

par Dieu aussi bien dans la vie terrestre que celle de l’au-delà. Cependant

en Islam, l’homme doit adopter un juste milieu entre une protection

absolue de l’environnement qui l’empêcherait d’en tirer un quelconque

profit comme dans certaines religions qui font de certaines créatures

(animaux par exemple) des choses sacrées et un désintéressement total vis

à vis de cet environnement qui serait préjudiciable à toute l’humanité. Par

Coran (14,32) 123 > ات�],F ا' ا !ي @K9 ا %,�وات و اTرض و أ�pل �6 ا %,�ء �[�ء �[7@�ج 4[� �[6 ا8� ا���Tر �N�ي �E ا 3C� 74�� و �"� J9& 8� ا 8� و �"� >رز/�

8� �6 ا &J9 و ا���Tم �� < 2�DنوCآ�#< Coran (43,12) 124 >و �� @Q?9 ا 6N و ا�R< إ) ��C$ون< Coran (52, 56) 125

Page 192: Islam   et   culture   mai 2012

192

exemple, il ne s’agit pas de protéger chaque espèce du règne animal

jusqu’au point de mettre en danger la vie de l’homme. Il y a des situations

particulières comme le cas de la réalisation de services ou

d’infrastructures d’intérêt public. On rapporte que le Prophète (SWS) a dit

que : « Quelqu’un, qui a coupé une branche d’un arbre qui constituait un

danger sur le chemin des gens avait été récompensé par l’entrée au

paradis ». On peut également citer le cas, par exemple, où la population

des prédateurs devient trop importante au point de mettre en danger celle

des proies. On doit intervenir pour réduire le nombre des prédateurs pour

rétablir un équilibre entre les espèces et sauvegarder l’équilibre des

écosystèmes eux-mêmes. La position islamique est celle du juste milieu

entre le comportement humain qui ignore entièrement l’environnement et

celui qui le sacralise en totalité. La vision islamique vise à protéger

l’environnement contre les abus dangereux du comportement humain tout

en assurant un développement durable. Le prophète (SWS) a défini le

principe de conservation et de durabilité qui constitue un enjeu

contemporain comme suit : «Vivez dans ce monde comme si devriez y

rester éternellement et en même temps comme si vous deviez le quitter

demain pour l’au-delà ». Ce principe a pour but de préserver l’équilibre et

la pérennité des écosystèmes naturels grâce à l’engagement permanent de

l’homme tout au long de sa vie terrestre. Cet engagement est associé au

devoir spirituel de l’homme envers Dieu et consiste à inscrire les actes

humains dans le cadre des obligations islamiques qui sont basées sur la

recherche du bien et la lutte contre le mal. Le fait de penser à l’au-delà

rappelle à l’homme sa responsabilité entière qui découle de ses actes ici -

bas, non seulement vis-à-vis de lui-même mais aussi d’autrui, des autres

créatures vivantes et des ressources naturelles. Chaque fois que

Page 193: Islam   et   culture   mai 2012

193

l’environnement est en péril, quelque part dans le monde, le musulman

doit se sentir concerné et impliqué. Il ne doit pas adopter une attitude

neutre en adoptant une position de spectateur. Il nous met en garde contre

toute transgression de Son ordre « ne faites pas nuisance à la terre alors

qu’elle a été mise en ordre par Dieu». Ce verset incite l’homme à ne pas

dégrader, détériorer ou polluer les ressources naturelles. Ce qui suppose

l’action réfléchie de l’homme chaque fois qu’il désire entreprendre des

activités. Il doit évaluer objectivement les conséquences de ses actions.

Pour ce faire, il doit agir en amont de toute activité en se servant d’une

méthode d’analyse scientifique et raisonnée des impacts potentiels de son

action sur les ressources naturelles qu’il désire exploiter ou transformer.

Si l’homme ne possède pas le savoir nécessaire, il devra s’adresser aux

structures, centres spécialisés et personnes compétentes en mesure de

l’orienter et de lui apporter les informations objectives nécessaires.

L’homme doit assurer la pérennité de tous les écosystèmes terrestres pour

en bénéficier, sans empêcher ses semblables d’en faire autant. Ce qui pose

le problème de solidarité à l’intérieur et à l’extérieur des pays. L’intérêt

doit se situer au niveau collectif et non individuel. L’usage durable des

ressources est un droit humanitaire au niveau des générations présentes et

futures et impose le principe de précaution au niveau de chaque

utilisateur. La gestion de l’environnement ne doit pas se limiter aux

frontières nationales mais s’étendre à la planète toute entière. Ce qui pose

le problème de la conservation et du partage équitable des ressources

naturelles mondiales qui doivent profiter à tous et qui ne doivent pas être

dilapidées. Le musulman doit gérer durablement ces ressources au niveau

de sa propre société et conformément aux intérêts de l’humanité toute

entière. L’Islam rejette toute forme de gaspillage et d’excès de

Page 194: Islam   et   culture   mai 2012

194

consommation des ressources naturelles. Dieu dit : « Ne sois pas

prodigue. Les prodigues sont les frères de Satan126 » ou « O fils d’Adam!,

..Et mangez et buvez; mais pas d’excès ! Il n’aime pas les outranciers127 ».

L’Islam condamne le luxe et les dépenses extravagantes. Le gaspillage

constitue une injustice sociale, car il entraîne une perte de ressources qui

peuvent servir aux besoins de la communauté entière et particulièrement

aux pauvres. Le principe de durabilité, tel qu’il est défini aujourd’hui,

rejoint un hadith du Prophète (SWS): « Si le dernier jour du monde arrive

et que vous aviez l’intention de planter un palmier, vous devriez

absolument le faire avant ». Ce dernier hadith montre le degré de gravité

et d’importance lié au principe de conservation de la nature qui, même

dans une situation limite, la plus extrême de la fin du monde, doit

s’imposer à l’homme malgré sa frayeur et son désarroi devant cette fin.

Ce qui montre l’importance consacrée à l’environnement par le Prophète

(SWS).

5.10.4 Environnement et aménagement

L’homme doit aménager l’espace terrestre qui est le lieu d’activité et

d’habitation. On doit établir un mode de vie équilibré en évitant les excès

et en limitant les insuffisances. On ne doit pas envisager l’aménagement

uniquement au niveau de l’habitat. La population humaine doit s’étendre

au plan spatial et occuper les diverses régions de la planète.

L’aménagement inclut toute activité humaine positive qui permet à la vie

de prospérer sur terre sans porter atteinte aux autres créatures et aux

>آ��ا إ@ان ا 6����P ا ,C!ر.6إن . و ) #C!ر #C!.�ا< Coran (17,27) 126 > 6���%, ��$ آ 2�N%$ و آ9ا و :�4ا و ) #%��ا ا�� ) .U3 ا �>.� x V�4دم @!وا ز.��8 Coran (7,31) 127

Page 195: Islam   et   culture   mai 2012

195

ressources naturelles. Si une activité humaine s’éloigne de l’éthique

islamique, elle sera une source de dégradation environnementale et devra

être rejetée en termes d’aménagement. Le verset ci-après montre la

relation entre la création et le rôle positif que doit jouer l’humanité : « Et

aux Thamoud, leur frère Salih ! Lequel dit : O mon peuple adorez Dieu.

Point de Dieu, pour vous que Lui. De la terre, Il vous a créés, et là même

Il vous y a établis128 ». Dans ce verset, il y a un lien parfait entre la notion

de monothéisme et l’aménagement de la terre. Sayyid Qutub a commenté

ce verset comme suit « Et Salih leur rappela (le peuple de Thamoud) leur

origine à partir de la terre, la création de tout individu de matière

terrestre ou de ses composants qui constituent leurs corps. Bien qu’ils

soient créés de la terre et de ses éléments, Dieu les a désignés vicaires

pour l’y habiter! Il a voulu qu’ils soient vicaires comme espèces et

individus pour remplacer ceux qui sont venus avant eux!129 ». Ainsi

apparaît la nécessité de rendre la vie possible aux générations à venir. Le

Coran montre que toute tentative de réaliser l’aménagement de la terre et

sa prospérité, loin de la Révélation divine, conduira certainement à sa

dégradation. Dieu dit : « N’ont-ils pas voyagé sur la terre pour voir ce

qu’il est advenu de ceux d’avant eux, plus forts qu’eux en fait de

puissance, et qui savaient cultiver et peuplé la terre plus que ceux-ci ?

Des messagers à eux leur vinrent avec des preuves. Puis ce n’est pas Dieu

qui leur fit du tord, mais c’est eux quifurent injustes envers eux-mêmes130

Coran (11,61) 128 > 6 ا]� �8 �3 /[�ل .[� /[م ا�C[$وا ا' �[��]u �د أ@[�ه,\ V ه[ أ�P[7 آ[� �[6 اTرض , ' _�[� وإ >ا���,�آ� ����و

129 Sayyid Qutub, Fi Zilal al-Qur'an. 12th Edition (Dar al-Shuruq) Vol. 12, p. 1907. Coran (30, 9) 130 > ��9� آ[��ا أ:[$ �[��C]/ 6]� 6.!] � .%��وا �E اTرض ���o�وا آ�t آ�ن ��/C* ا أو

9,�� و 8[6 آ[��ا o� �4 ���Cت �,� آ�ن ا' ��,�وه� و�Dء#�� ر��9 �,� �Fوه� أآ�,�ة ة أ\�روا اTرض و/

Page 196: Islam   et   culture   mai 2012

196

». L’aménagement doit se faire dans les zones appropriées et les projets

doivent bénéficier à l’humanité et non la mettre en danger. Aujourd’hui

dans le monde, on constate que beaucoup de maladies touchent la

population parce qu’on a implanté des habitations près de sources

toxiques ou radioactives. On peut citer le cas de l’accident nucléaire de

Tchernobyl en Ukraine où l’on chiffre des malades par milliers et de celui

de l’usine de Bhopal en Inde qui a provoqué plus de trois mille morts et

prés de vingt mille blessés. Ce type de projets peut laisser des séquelles

durables sur plusieurs générations et sur les ressources naturelles de

l’environnement. Le système capitaliste encourage certaines industries

destructives sans aucun intérêt comme celles du tabac, qui polluent l’air,

détruisent la santé et entraînent des maladies, des morts et une mauvaise

utilisation des sols qui pourraient servir à d’autres activités bénéfiques

pour l’homme. A ce sujet, on peut citer le point de vue du Dr. Yusuf Al-

Qaradawi : Le tabac étant dangereux, aux plans physique, psychologique

et économique, la justification de son interdiction est similaire à l’exemple

donné par Dieu en décrivant la conduite du Prophète (SWS) vis à vis de

son peuple : « Il leur autorisa comme légal ce qui est bien (et pur) et leur

interdit ce qui est mauvais (et impur). Le comportement naturel de

l’homme, sa raison et son expérience confirment que le tabac doit être

interdit131 ».

5.11 DROIT

Dieu dit : « Nous avons prescrit aux enfants d’Israël :

ن ,9o. � > أ�&%�131 «5. Yusuf Al-Qaradwai, al-Sunnah Masdaran lil-Ma'rifati wal-Hadarah (Cairo: 1977, Dar al-Shuruq),

Page 197: Islam   et   culture   mai 2012

197

quiconque aura tué un être humain (non meurtrier ou non

coupable) sera considéré comme ayant tué l’humanité toute

entière et quiconque aura sauvé une vie, sera considéré

comme ayant sauvé l’humanité toute entière132 ».

Avant d’aborder la relation entre l’Islam et le droit, on va décrire les

sources du droit islamique : Coran et Sunna.

5.11.1 Coran et Charia133

La première source du droit islamique est le Coran en tant que révélation

divine dont chaque mot vient de Dieu qui précise que cette révélation est

l’aboutissement d’une longue chaîne de révélations antérieures divines

transmises à une chaîne de prophètes depuis Adam jusqu’à l’apostolat du

dernier d’entre eux : le prophète Mohammed (SWS). Dans le Coran, il est

inscrit que c’est Abraham qui, le premier, a employé le mot Islam pour

désigner la religion de Dieu. Les prophètes envoyés par Dieu, depuis

Adam, n’ont fait que transmettre le même message celui de l’Islam qui

consistait à croire en un Dieu unique avec tous ses attributs, au Jour du

jugement dernier, aux prophètes antérieurs et aux Livres révélés. Les

prophètes demandaient à leurs peuples de se soumettre à Dieu et de vivre

une vie conforme à sa Loi. C’est ce qui constitue la religion de l’Islam

commune à tous les enseignements propagés par les prophètes. la Charia

ou droit islamique est l’émanation des règles prescrites par Dieu. Elle

traduit, sous forme opérationnelle, le code détaillé de conduite personnel,

Coran (5, 32) 132 > �],�78� أو �%[�د >]&� �]�n4 �]%&� 2]�/ 6]� �]2 أ��B[�ا�إ E]�4 E9� ��Cآ� J و�6 أ2D ذ ���,D س�� >/�2 ا ��س D,��� و �6 أ=��ه� ��78,� أ=�� ا

133 A.A Maudoudi : comprendre l’Islam -1985

Page 198: Islam   et   culture   mai 2012

ou collectif ainsi que les canons décrivant les modes de culte

les critères de la morale et de la vie, les c

les lois qui permettent de distinguer entre le bien et le mal. Même si

chaque prophète enseignait la même religion, il apportait avec lui une

Charia qui subissait un amendement

adaptée aux conditions de son peuple et de son époque.

pour faire progresser la civilisation humaine

doter de valeurs et d’un mode d’organisation

Figure 19 : Droit

une réponse divine à l’adaptation historique en fonction de l’évolution

naturelle et progressive de l’humanité. Le processus de la prophétie

s’acheva avec l’envoi du dernier prophète Mohammed (SWS) qui apporta

le code définitif destiné à l’humanité toute entière, parvenue à un stade

supérieur de maturité. l’Islam, dans s

Dieu, tel que prêché à l’origine par

DROIT

CHARIA

FIKH

198

les canons décrivant les modes de culte. Elle précise

es critères de la morale et de la vie, les choses permises ou interdites et

les lois qui permettent de distinguer entre le bien et le mal. Même si

chaque prophète enseignait la même religion, il apportait avec lui une

Charia qui subissait un amendement, au fil du temps, pour être mieux

onditions de son peuple et de son époque. C’était nécessaire

pour faire progresser la civilisation humaine, à travers les âges, pour la

et d’un mode d’organisation solide et approprié. C’était

Figure 19 : Droit

ptation historique en fonction de l’évolution

de l’humanité. Le processus de la prophétie

du dernier prophète Mohammed (SWS) qui apporta

le code définitif destiné à l’humanité toute entière, parvenue à un stade

, dans son principe de base de l’unicité de

rêché à l’origine par le prophète Abraham, n’a subi aucun

DROIT

CHARIA

SUNNA

Page 199: Islam   et   culture   mai 2012

199

changement des principes propagés par les prophètes avant Mohammed

(SWS) mais les bases de la Charia ont été modifiées pour devenir unique,

universelle et éternelle jusqu’à la fin du monde. Ainsi, la révélation divine

est devenue définitive comme fruit d’un grand et long processus

historique de formation et de codification qui a commencé avec Adam,

continué avec Abraham et les différents prophètes et qui s’est achevé avec

la venue du prophète Mohammed ‘SWS).

5.11.2 Sunna et Charia

La sunna est le recueil des instructions données par le dernier Prophète

(SWS) et de ses mémoires conservées par ceux qui vécurent en sa

compagnie ou ceux à qui elles furent transmises par des témoins directs.

Ces textes durent subir une véritable analyse critique aussi bien au niveau

des sources que de leur conformité avec la révélation divine afin de

s’assurer de leur authenticité. Ils furent sélectionnés et mis sous forme de

livres comme les recueils élaborés par Boukhari, Muslim, Tirmidhi, Abou

Daoud, Nasâ’i et Ibn Mâjah.

5.11.3 Loi islamique : Fikh

Le Fikh est une loi détaillée, dérivée de la Charia qui est plus générale et

de la Sunna. Il porte sur les innombrables problèmes qui peuvent surgir

dans la vie individuelle, communautaire, nationale ou internationale. Il a

été compilé par des éminents théologiens. Il faut être reconnaissant envers

ces hommes sages, clairvoyants et instruits qui consacrèrent une grande

partie de leur vie à l’étude et à l’analyse du Coran et de la Sunna. Ils ont

ainsi facilité à tout musulman la tâche de conformer son comportement

aux exigences de la Charia. C’est grâce à ces théologiens que les

Page 200: Islam   et   culture   mai 2012

200

musulmans partout dans le monde, peuvent comprendre et suivre

facilement le contenu juridique de la Charia, alors que l’insuffisance de

leurs connaissances, en matière de religion, ne leur aurait jamais permis

d’interpréter correctement d’eux-mêmes, le Coran et la Sunna. Même si

de nombreux théologiens s’appliquèrent à l’élaboration du Fikh, seules

quatre écoles principales de la pensée juridique sont retenues aujourd’hui

au niveau du monde musulman. Ces écoles portent le nom de leur

concepteur Abou Hanifa Nu’mân Ibn Thâbit, Malik Ibn Anas El Asbahi,

Mohammed Ibn Idriss Ach-Cha’fi’i et Ahmed Ibn Hanbal. Ces fikhs

furent élaborés au cours des deux siècles qui ont suivi la mort du Prophète

(SWS). Les différences entre ces quatre écoles découlent de la complexité

des situations humaines et du fait que la vérité a de multiples facettes. Ce

qui montre aussi le degré de liberté dont jouit l’homme en Islam dans sa

recherche de la vérité en fonction de ses convictions intimes. Il faut

cependant préciser que ces différences ne portent pas sur les bases

fondamentales de l’Islam (Ouçouls El Din) énoncées dans le Coran mais

sur la façon d’interpréter et de fixer des voies à suivre (Fourou’h) pour

appliquer ces bases. Quand des personnes différentes se mettent à

interpréter un fait donné, chacun va le faire en fonction de ses convictions.

L’authenticité, qu’on accorde à ces différentes écoles de pensée, repose

sur l’intégrité et la force de l’argumentation reconnues à leurs fondateurs

respectifs et aux méthodes qu’ils adoptèrent pour élaborer leurs fikhs.

C’est pourquoi tous les musulmans, quelle que soit l’école à laquelle ils

appartiennent, considèrent ces quatre écoles comme correctes et

conformes au Coran et à la Sunna. Cependant, bien que l’authenticité des

quatre écoles du Fikh ne soit pas mise en doute, on ne peut en suivre

qu’une seule dans sa vie et ce, afin d’éliminer toute sorte d’opportunisme

Page 201: Islam   et   culture   mai 2012

201

dans la conduite du croyant. Il faut toutefois signaler le cas du groupe

d’Ahl El Hadith qui estime que seuls ceux, qui possèdent les facultés

nécessaires et ont une connaissance suffisante de la religion, peuvent

aborder directement l’interprétation du Coran et de la Sunna pour y puiser

des directives. Les autres croyants devraient suivre l’un parmi les guides

des quatre grandes écoles. Une autre école de pensée existe, celle des

chiites qui possède son propre Fikh

Le droit musulman commença comme une loi d’un Etat et permit à

l’empire musulman de régner de l’Atlantique au Pacifique. Ce n’est

nullement ce droit qui est à l’origine de la décadence de l’empire mais des

musulmans qui ont cessé de s’y conformer. Ce droit rationnel, logique et

vaste possède, grâce à ses nombreuses branches :« Fourou’ », les

capacités nécessaires à son développement et à son adaptation temporelle.

C’est l’effritement de cet empire de l’intérieur d’abord et sous les coups

de boutoir de l’extérieur ensuite qui a rendu possible la colonisation, la

domination, l’invasion culturelle étrangère et l’éloignement progressif des

musulmans de l’application du droit islamique. Il est pour le moins

affligeant de constater que la libération des Etats musulmans au XXe siècle

a consisté uniquement à libérer la terre sans poser les jalons de la

libération de l’esprit. Beaucoup de gens ont mené le combat

d’indépendance pour le droit d’exercer librement leur foi religieuse et leur

langue. Pratiquement tous les pays musulmans, devenus indépendants, ont

fait du développement économique leur priorité absolue sans donner

d’importance à leur culture qui, seule, pouvait motiver et responsabiliser

le citoyen pour assurer ce développement. Sous l’influence de l’extérieur,

presque la totalité d’entre eux se sont alignés, soit sur le modèle capitaliste

Page 202: Islam   et   culture   mai 2012

202

ou sur le modèle socialiste. En copiant l’ancien colonisateur, ces pays ont

cherché à adopter son style de vie et son modèle économique dans l’espoir

de connaître le même essor que lui. Ils n’avaient pas et n’ont toujours pas

encore compris que le développement repose d’abord sur la culture

nationale avant de reposer sur les moyens matériels ou technologiques

acquis à prix fort de l’étranger. Même si des pays se disent musulmans à

travers leur constitution, ils n’appliquent pas les règles islamiques en

dehors des pratiques cultuelles. Ce qui est à l’origine d’un dualisme entre

les obligations découlant de la foi religieuse et les pratiques de

gouvernance. Ce dualisme inhibe les capacités humaines et le sens

véritable d’appartenance. La religion se réduit à des pratiques

superficielles n’ayant pratiquement aucun impact sur le comportement du

citoyen musulman aux niveaux individuel et collectif. Comme partout

ailleurs, l’individualisme prime au détriment de la solidarité collective

prônée par l’Islam. Aujourd’hui, l’échec politique et économique des

Etats musulmans et leur dépendance totale de l’étranger pour leurs besoins

alimentaires et même pour la sauvegarde de leur souveraineté, posent de

façon cruciale le problème de leur devenir. Le Prophète (SWS) a dit dans

un célèbre hadith « que la réforme des Etats musulmans ne peut s’opérer

que s’ils adoptent les principes de bonne gouvernance qui ont prévalu au

cours de leur passé glorieux ».

Page 203: Islam   et   culture   mai 2012

203

- Comportement en Islam

Le Fikh traite des codes de conduite intérieure et extérieure de l’homme

dans l’accomplissement littéral de ses devoirs envers Dieu, envers soi-

même et envers autrui. Il règle nos prières qui exigent de notre part la

concentration nécessaire, notre dévotion, la pureté de nos âmes et l’effet

de la prière sur notre comportement. Il porte sur l’Ikhlass (convictions de

l’homme) qui mesure la profondeur de notre obéissance à Dieu et notre

sincérité envers Lui. et la Nya (mobiles et intentions)

Dans le cas de la prière, le code permet de juger seulement la conformité

des apparences extérieures aux exigences comme les ablutions, le moment

de la prière, l’orientation vers la Kabaa et le nombre de Raka’ate.

l’Ikhlass régle notre rapport à Dieu qui nous jugera selon notre

concentration, notre dévotion, la pureté de nos âmes et l’effet de la prière

sur notre morale et notre comportement.

Un fidèle qui suit les règles du Fikh en apparence mais sans conviction

profonde, est comme un homme beau en apparence mais sans caractère, ni

personnalité. A l’opposé, un croyant plein de conviction mais qui ne suit

pas les règles du Fikh, est comme un homme noble mais de mauvaise

apparence.

- Contenu du Fikh ( Droit en Islam )

Le Prophète (SWS) n’a pas seulement enseigné à ses fidèles les dogmes

théologiques mais aussi les lois dans les domaines de la vie courante,

individuelle, collective, temporelle et spirituelle. Il a créé, pour la

première fois, un Etat qu’il a administré, des armées qu’il a formées et

conduites, une diplomatie qu’il a élaborée et menée. S’il y avait des litiges

Page 204: Islam   et   culture   mai 2012

entre ses sujets, il les tranchait de par

a développées.

Figure 2

Il transforma les lois coutumières en une législation étatique faite de

règles toutes neuves grâce à la révélation divine. Pour préciser le contenu

de certaines lois ou pour parer au silence de la législation, les

jurisconsultes musulmans apportaient les réponses

méthode de déduction ou par analogie

progressivement au fur et à mesure que de nouveaux cas de jurisprudence

se posaient aux juges. C’était un droit vivant qui s’adaptait aux besoins au

cours du temps. Le droit islamique s’est

pays étrangers quand celles-ci ne s’opposaient pas à la législation définie

par le Prophète (SWS).

COMPORTEMENT

FAMILLE

SOCIETE

CREATURES

NON MUSULMANS

204

par la valeur et la richesse des lois qu’il

Figure 20 : Fikh

Il transforma les lois coutumières en une législation étatique faite de

toutes neuves grâce à la révélation divine. Pour préciser le contenu

de certaines lois ou pour parer au silence de la législation, les

jurisconsultes musulmans apportaient les réponses en s’appuyant sur la

analogie. Le droit islamique se renforça

progressivement au fur et à mesure que de nouveaux cas de jurisprudence

se posaient aux juges. C’était un droit vivant qui s’adaptait aux besoins au

Le droit islamique s’est enrichi des lois et coutumes des

ci ne s’opposaient pas à la législation définie

FIKH

COMPORTEMENT

CONTENU

DIEU

AUTRUI

FAMILLE

Page 205: Islam   et   culture   mai 2012

205

La loi islamique est une loi universelle, parce qu’elle ne fait aucune

discrimination entre les hommes, si ce n’est leur foi et leur religion. Il

suffit de faire le sermon qu’il y a un seul Dieu et que Mohammed (SWS)

est son prophète pour devenir musulman et jouir des mêmes droits que

tous les autres musulmans. L’Islam ne fait aucune distinction de race, de

pays, de couleur ou de langue. Son message s’adresse à l’humanité toute

entière. Les systèmes religieux et sociaux, les idéologies politiques et

culturelles qui font les différences entre les hommes, selon leur race et

leur nationalité, ne pourront jamais prétendre à l’universalité, pour une

raison bien simple qu’on ne peut changer de race ou de nationalité, que le

monde entier ne peut se concentrer pour devenir un seul pays et que la

couleur d’un noir, d’un jaune ou d’un blanc ne peut se modifier. De telles

idéologies et de tels systèmes sociaux sont voués à rester liés à une race,

un pays ou une communauté particulière et ne pourront jamais prétendre à

une dimension universelle.

L’Islam est éternel dans ses principes de base. Il n’est pas fondé sur les

coutumes ou des traditions d’un peuple en particulier et n’est pas destiné à

une époque donnée de l’histoire humaine. Il est fondé sur les principes

naturels selon lesquels l’homme fut créé par Dieu. Comme cette nature

reste la même à travers les siècles et en toutes circonstances, la loi divine

est éternelle. L’Islam consiste en un ensemble de droits et de devoirs et

tout être humain qui accepte cette religion doit s’y conformer.

Depuis la haute antiquité, les anciens ont tous eu leurs lois particulières

mais une science du droit, abstraite et distincte des lois ne semble pas

avoir été imaginée avant Ach-Châfi’i (767-820 de l’ère chrétienne).

L’ouvrage de ce juriste « Risâlah » désigne cette science par le nom

Page 206: Islam   et   culture   mai 2012

206

expressif de « Racines des lois », racines d’où poussent toutes les

branches des règles de comportement humain. Cette science, appelée

depuis lors « Ouçouls El Fikh » chez les musulmans, traite à la fois de

philosophie, du droit, des sources des règles et des principes de la

législation, de l’interprétation et de l’application des textes juridiques. Les

lois, les règles, elles-mêmes, sont pour lui les branches (Fourou’). Parmi

les notions fondamentales du droit, l’Islam introduit la notion du mobile,

de l’intention dans un acte (Niyat), notion basée sur un célèbre hadith du

Prophète (SWS) : « les actes ne valent que par leurs mobiles ».

Désormais, le tort intentionnel et le tort involontaire se seront plus traités

de la même façon par les tribunaux. L’Islam impose quatre sortes de

droits et devoirs :

• devoirs envers Dieu que tout homme est obligé de remplir,

• droits et devoirs de l’homme,

• devoirs envers la famille,

• devoirs envers d’autrui,

• droits envers l’environnement et les ressources naturelles.

La législation islamique (Charia) précise clairement chaque sorte de droit

et de devoir et la traite de façon détaillée. Elle met également en lumière

les moyens par lesquels les obligations, qui constituent le socle de la vie

islamique et de ses valeurs fondamentales, peuvent être remplies.

M.A.Draz134 résume le cadre global des droits et devoirs en Islam : « La

raison s’achève dans la foi et la foi se réfère à la raison, comment l’individu, tout

en assumant sa propre responsabilité, veille à la bonne marche de la moralité

134 Dr M.A.Draz : La morale du Coran 1983 Ed Fédala – Mohammédia- Maroc

Page 207: Islam   et   culture   mai 2012

commune, comment d’autre part, la société prend conscience à la f

transcendance, de son droit sacré par rapport à ses membres (sans toutefois

exiger de ces derniers des sacrifices inutiles ou fanatiques) et du devoir

impérieux qui lui incombe d’assurer aux déshérités un bien

leur éviter toute charge imméritée ».

Figure 21 : Droits et devoirs en Islam

- Devoirs de l’homme envers Dieu

L’Islam précise les rapports de l’homme avec Dieu son créateur.

Le premier devoir de l’homme, vis à vis de Dieu, est d’avoir foi en Lui

tout seul, de reconnaître Son autorité et de n

n’y a d’autre Dieu que Lui ». Dieu dit

tourner son visage vers l’Orient ou l’Occident mais croire en Dieu, au

135 A.A Maudoudi : comprendre l’Islam -19858B`, م اk@� وا� ا و 68 ا �C�x 6�6 �4' وا �< ا C� أن #* 6��C� >وا ��8ب وا

DROITS

ET

DEVOIRS

DIEU

AUTRUI

FAMILLE

207

commune, comment d’autre part, la société prend conscience à la fois de sa

transcendance, de son droit sacré par rapport à ses membres (sans toutefois

exiger de ces derniers des sacrifices inutiles ou fanatiques) et du devoir

impérieux qui lui incombe d’assurer aux déshérités un bien être convenable, de

Figure 21 : Droits et devoirs en Islam

Devoirs de l’homme envers Dieu135

L’Islam précise les rapports de l’homme avec Dieu son créateur.

Le premier devoir de l’homme, vis à vis de Dieu, est d’avoir foi en Lui

reconnaître Son autorité et de ne Lui associer personne « il

». Dieu dit136 : « La vertu, ce n’est point

tourner son visage vers l’Orient ou l’Occident mais croire en Dieu, au

1985 Coran (2,177) 136 >8B`, م اk@� وا� ا و 68 ا �C�x 6�6 �4' وا �< ا C� أن #

DROITS

ET

DEVOIRS

DIEU

HOMME

ENVIRONNEMENT ET

RESSOURCES

Page 208: Islam   et   culture   mai 2012

208

jour dernier, aux anges, aux Livres et aux Prophètes » ou137 « Croyez en

Dieu, à Son prophète (SWS), au Livre qu’il lui a révélé et aux Ecritures

qui l’ont précédé. Celui qui renie Dieu, ses anges, ses Livres, ses

Prophètes et le jour dernier, s’écarte à jamais (de la vérité) ».

Le second devoir du musulman, vis-à-vis de Dieu, est d’accepter de tout

cœur ses commandements, c’est-à-dire le code de conduite révélé à

l’homme. Dieu dit138 : « Si Nous leur avions prescrit de se tuer (de se faire

martyrs) ou de s’expatrier, peu d’entre eux l’auraient fait. Cependant,

s’ils avaient mis en pratique ces commandements, c’eût été meilleur pour

eux pour raffermir leur foi ». L’homme doit chercher à plaire à Dieu à

travers les prières impliquant le corps, l’esprit et l’âme. Il doit appliquer

ses devoirs en ayant foi dans le Prophète (SWS) et en l’acceptant comme

guide.

Le troisième devoir de l’homme envers Dieu est de lui obéir sans aucune

réserve, en se conformant scrupuleusement à Sa loi telle qu’elle découle

du Coran et de la Sunna.

Le quatrième devoir est d’adorer Dieu par l’observation des prières et

autres obligations.

Ces quatre devoirs ont la préséance sur tous les autres droits. Par exemple,

en respectant les heures de prière et en se conformant au jeûne, l’homme

doit sacrifier certains de ses droits personnels. Il doit faire des efforts et

Coran (4,136) 137 > 2]C/ 6]� لp]ي أ�!] ا 4[�' ور�[ � وا �8[�ب ا [!ي �[pل �V]9 ر�[ � وا �8[�ب ا��xم اI $?� �@T` ) ��4$ا و�6 .8&� ا' و �`��8B و� > آ��C و ر��9 و ا

Coran (4,66) 138 > 9 إ) /2�9 ���� و�� �� �ا �6 د.�ره� آD�@أو أ ���9� أن ا/�9ا أ�&8%� ��Cآ� و � �� و أ:$ #���CF ا��� ن �4 �8ن @��ا o�9ا �� .� <

Page 209: Islam   et   culture   mai 2012

209

accepter certaines privations pour plaire à Dieu et accomplir ses devoirs

envers Lui. Il doit se lever tôt le matin pour faire sa prière au détriment de

son sommeil et de son repos. Le jour, il doit interrompre ses activités au

moment des prières pour les accomplir. Au cours du mois de Ramadan

(mois du jeûne), il doit s’abstenir de manger de l’aurore du jour jusqu’au

crépuscule, endurer la faim et s’interdire tout rapport sexuel au cours du

jeûne. En payant annuellement les impôts (Zakat), il accepte de sacrifier

une petite partie de son capital financier, mais il prouve par là que son

amour pour Dieu est bien plus important que sa fortune ou sa personne.

Pour accomplir son pèlerinage, une fois dans sa vie, il doit renoncer à son

train de vie, supporter les peines et les charges du voyage. Pour la défense

de sa religion (Djihad), il doit sacrifier sa personne, son argent et tout ce

qu’il possède. Dans le cadre de l’accomplissement des prières et des

autres obligations, on doit nécessairement sacrifier plus ou moins des

droits ordinaires d’autrui et même nuire à ses propres intérêts en général.

En effet, on doit accepter que son ouvrier ou son serviteur puisse cesser

momentanément son travail pour faire sa prière. Un homme d’affaires doit

interrompre ses activités pour entreprendre son pèlerinage à la Mecque.

Aux fins d’équilibre et d’harmonie, Dieu a formulé sa Loi de façon à

limiter au minimum les contraintes et les sacrifices auxquels l’homme

peut être confronté. En effet, si par exemple, l’homme est malade ou s’il

ne trouve pas d’eau pour ses ablutions, il peut utiliser la voie sèche

(Tayammum). Si on est en voyage, on peut raccourcir les prières. Si on est

malade et qu’on ne peut pas prier debout, on peut accomplir ses prières en

position assise ou couchée. Même la récitation des textes coraniques

durant les prières est laissée à l’appréciation de l’individu. S’il est pressé,

il peut les raccourcir et s’il a le temps, il peut les allonger à sa

Page 210: Islam   et   culture   mai 2012

210

convenance. Dieu s’oppose à ce qu’on se prive de sommeil ou qu’on

sacrifie les droits des enfants et de la famille. En période de jeûne, si on

est malade ou en voyage, on peut interrompre temporairement le jeûne et

le reporter à une période ultérieure plus propice. Les femmes peuvent

reporter le jeûne en cas de grossesse, pendant leurs règles et quand elles

allaitent leurs bébés. Pour l’impôt annuel (Zakat), Dieu a fixé une limite

inférieure pour ne pas pénaliser lourdement l’homme. Même quand on

accomplit des actes de charité, il faut les faire avec modération et sans

excès. Le pèlerinage n’est obligatoire que pour ceux qui ont les moyens

matériels pour couvrir les frais de voyage et de séjour et qui sont

physiquement aptes à supporter les peines que cela entraîne. De plus pour

le pèlerinage, l’autorisation de la famille est une obligation essentielle, de

sorte que les parents âgés à charge du futur pèlerin ne soient pas laissés

pour compte durant son absence. L’Islam prône toujours le juste équilibre

entre les diverses activités de la vie qu’elles soient d’ordre spirituel ou

matériel.

Le plus grand sacrifice pour la cause de Dieu est le combat pour la

défense de la religion (Djihad). L’homme sacrifie sa vie et ses biens pour

la cause de Dieu. En Islam, le recours au Djihad est un moyen

exceptionnel, quand toutes les solutions pour l’éviter auraient été tentées.

Le but ultime du Djihad est le combat contre le mal et la défense du bien

pour empêcher que l’immoralité et le désordre ne se répandent sur terre.

Mais Dieu a interdit toute effusion de sang inutile et toute atteinte aux

vieillards, aux femmes, aux enfants, aux malades et blessés. Dieu ordonne

de se battre uniquement contre ceux qui combattent l’Islam. Il interdit de

provoquer des destructions inutiles, même sur un territoire ennemi et

Page 211: Islam   et   culture   mai 2012

211

recommande de traiter les vaincus avec justice et honneur. Il faut respecter

de façon absolue les accords passés avec l’ennemi et arrêter les combats

quand l’adversaire cesse le feu ou suspend les hostilités. Ainsi l’Islam

tente de réduire au minimum le fardeau des sacrifices en matière de vie,

de biens et de droits d’autrui et ce, dans le cadre de l’accomplissement des

obligations envers Dieu. L’Islam désire établir un équilibre entre les

nombreuses exigences de la vie humaine en adaptant les droits et les

obligations de manière à ce que la vie soit sans cesse valorisée et enrichie

par les mérites reconnus et les réalisations les plus élevées.

- Droits et devoirs personnels139

L’homme est souvent plus injuste et plus cruel envers lui-même qu’envers

autrui. Ce jugement peut surprendre, car comment un homme peut-il être

injuste envers lui-même, alors qu’on sait qu’il aime bien sa propre

personne au dessus de tout? Comment peut-il devenir son propre ennemi?

L’homme a de grandes faiblesses : quand il éprouve un grand désir, au

lieu de résister, il y succombe et en l’assouvissant, cause inconsciemment

de tort à lui-même et parfois beaucoup aux autres. Quelqu’un, qui

s’adonne à la boisson ou au tabac, sait pertinemment qu’il cause un tort

physique et psychique à son corps, mais malgré cela, il continue dans cette

voie aux dépens de sa santé, de sa réputation et de son argent. Une autre

personne est si gourmande que, dans ses excès de table, elle abîme sa

santé et met sa vie en péril. Quand quelqu’un s’adonne aux jeux du

hasard, il arrive qu’il perde tous ses biens, s’endette et parfois aboutit au

suicide. Un autre homme, dans un sens tout à fait opposé, s’épuise dans la

139 A.A Maudoudi : comprendre l’Islam -1985

Page 212: Islam   et   culture   mai 2012

212

recherche sans fin d’une ascension spirituelle : il réprime ses désirs, refuse

de satisfaire ses besoins élémentaires et ses exigences physiques

naturelles, s’oppose à son appétit, se dépouille de ses vêtements, quitte sa

maison et se retire loin du monde. Il rejette la vie en société et prend en

horreur toutes les formes et manifestations sociales. On voit à travers ces

exemples, que souvent l’homme a tendance à aller vers des

comportements extrêmes et à se perdre : soit en donnant libre cours à ses

instincts à l’instar d’un animal ou de les réprimer pour accéder à une

sainteté parfaite. L’Islam est la religion du juste milieu. Il prône le bien

être de l’homme et son but est de faire de l’homme un être équilibré. C’est

pourquoi la Charia affirme clairement : « Votre personne a des droits sur

vous ». Elle interdit l’usage de toute chose qui est nuisible à l’existence et

à l’intégrité physique, mentale ou morale de l’individu. Aussi, elle rend

illicite la consommation du sang, des drogues, de la viande de porc, des

oiseaux de proie ou des animaux venimeux, des cadavres, car toutes ces

choses ont des effets néfastes sur la santé humaine. A côté de ces

interdictions, nuisibles à la santé, l’Islam prescrit à l’homme l’usage de

tout ce qui est propre et sain et lui demande de ne pas priver son corps de

nourriture saine, car le corps de l’homme a un droit sur lui. L’Islam prône

la chasteté, la décence et la continence des regards, condamne la nudité et

ordonne à l’homme de se couvrir dignement. Dieu dit « Prescris aux

croyants de tenir leurs yeux baissés et de dominer leurs sens. Cela les

rendra plus purs. Dieu sait tout ce qu’ils font. Prescris aux croyantes de

tenir leurs yeux baissés et de dominer leurs sens, de ne laisser paraître de

leur charme que ce qu’elles ne peuvent pas dissimuler, de couvrir leurs

gorges (et poitrines) d’un voile, de ne laisser paraître leur charme qu’à

leurs époux, à leurs pères, aux pères de leurs époux, à leurs fils, à leur

Page 213: Islam   et   culture   mai 2012

213

beau-fils, à leurs frères, à leurs neveux, à leurs servantes, à leurs

esclaves, à leurs domestiques dépourvus de besoins sexuels et aux enfants

non initiés aux rapports charnels. Prescris-leur de ne pas frapper du pied

pour révéler leurs bijoux cachés ».

L’Islam exhorte l’homme à travailler pour gagner sa vie et désapprouve

fortement l’oisiveté et la paresse. L’esprit de la loi islamique incite

l’homme à utiliser, pour son confort et son bien être, les pouvoirs que

Dieu lui a conférés ainsi que les ressources naturelles qu’Il a mises à sa

disposition et selon les limites d’usage qu’Il a fixées. L’Islam n’incite pas

à réprimer les désirs sexuels et enjoint seulement à l’homme de les

contrôler et de chercher leur satisfaction dans le cadre légal du mariage.

Dieu dit140 : «Ne soit pas aveuglé par tes penchants, ils t’écarteront du

sentier de Dieu » ou141 « Ne suivez pas vos impulsions, de peur que vous

ne soyez pas équitables, si vous portez un mauvais témoignage ou si vous

refusez de témoigner, alors oui, Dieu demeure bien informé de ce vous

faites ». Il est interdit à l’homme la persécution et le reniement total de soi

et lui commande de jouir des plaisirs légitimes de la vie, de rester pieux et

ferme au milieu des problèmes et contingences de la vie. Pour accéder à

l’élévation spirituelle, la pureté morale, le rapprochement de Dieu et le

salut après la mort, il n’est pas nécessaire d’abandonner ce monde. Au

contraire, il faut supporter la mise à l’épreuve et patienter tout en suivant

la voie de Dieu, car le chemin du succès est de demeurer croyant et ferme

au milieu des complexités de la vie et non en dehors. Il est recommandé à

Coran (38,26) 140 >'2 ا�C� 6� J9m�� ى� >و ) #�fC اCoran (4,135) 141 >ا��C@ نا ��ن ا' آ�ن 9,�# �,4I��# وا أوا و أن 9# اء أن #�$� ا ا�C�# `�<

Page 214: Islam   et   culture   mai 2012

214

l’homme de maîtriser sa colère, de pardonner à ses semblables et de se

montrer généreux : « (Le paradis) est réservé aux vertueux, qui font

largesses dans la bonne et mauvaise fortune, et pour ceux qui dominent

leur colère et pardonnent à autrui, car Dieu aime les bienfaiteurs142».

L’homme doit se montrer toujours sincère quelque soit la situation dans

laquelle il se trouve : « Ho les croyants ! Craignez Dieu et joignes-vous à

ceux qui sont sincères 143 ou « Oh les croyants ! Craignez Dieu et soyez

droits dans vos propos144» ou encore « Ceux qui apportent la vérité et y

croient, voilà les pieux145 ». L’homme doit être modeste et souple en

toutes circonstances : « Les serviteurs du Miséricordieux sont ceux qui se

comportent humblement sur la terre146». L’endurance et la patience sont

deux caractères importants du croyant : «Et pour ton Seigneur, endure 147

». L’Islam recommande le juste milieu et la modération dans tout : « Les

serviteurs du Miséricordieux sont ceux qui, …se montrent, dans leurs

dépenses, ni prodigues, ni avares, mais tiennent un juste milieu148 ». Dieu

recommande l’usage modéré des bonnes choses et l’alimentation licite : «

Oh les croyants ! Ne vous interdisez pas les excellentes choses dont Dieu

vous a permis l’usage, mais évitez les excès, car Dieu n’aime pas les

prodigues. Nourrissez-vous des aliments licites et bons, que Dieu vous

accorde 149» ou encore « Fils d’Adam ! Prenez vos beaux habits, mangez

>9 �6 ا ��سأ�$ت 6���� ن �E ا %�اء وا m�اء وا v�8,�6 ا �n| وا?&�. 6.! >,�?�6 ا Coran (3,134) 142 ا �f ا �aد/�6 �.� أ.�< �>ا !.6 أ��ا ا#?ا ا' و آ Coran (9,119) 143

>ا !.6 أ��ا ا#?ا ا' و/9ا /) �$.$ا �.� أ.�< Coran (33,70) 144 ن و ا !ي �Dء �4 a$ق و u$ق �4< ?�, >أو JZ ه� ا Coran (39, 33) 145 >��ن �V9 اTرض هP,. 6.! >و��Cد ا �=,�ن ا Coran (25, 63) 146

>و �Cu�� J4�ا< Coran (74, 7) 147 ا�� ....و��Cد ا �=,�ن</ J � .?��وا و آ�ن 6�4 ذ ا و ��%. � >و ا !.6 إذا أ�&?ا Coran (25, 67) 148

8� و ) #��$وا إن ا' ) .U3 ا ,��$.6 و < 74.�� ا !.6 أ��ا ) 3#��ا ���Cت �� أ=2 ا'

Page 215: Islam   et   culture   mai 2012

215

et buvez, mais gardez-vous de tout excès. Dieu n’aime pas ceux qui

manquent de modération ». Dis-leur : « Qui peut défendre l’usage des

ornements que Dieu a produits pour ses serviteurs, et celui des aliments

purs qu’il leur accorde ? Dis-leur : ces biens sont dans ce monde, un droit

pour les fidèles et seront leur apanage dans l’autre150 ». Il faut savoir

écouter et prendre le bon conseil : « Annonce une bonne nouvelle à mes

serviteurs qui écoutent les paroles et suivent les plus belles d’entre-

elles151» L’Islam interdit le suicide et réaffirme que la vie n’appartient

qu’à Dieu. Elle est un dépôt que Dieu confie à l’homme, un certain temps,

pour qu’il en fasse le meilleur usage possible. La vie n’est pas faite pour

être gâchée et détruite de manière inconsidérée ou de façon volontaire.

Dieu dit : « Et ne vous exposez pas, de vos propres mains, à la

déperdition152» ou « N’attentez pas non plus à vos jours 153». L’homme ne

doit pas défigurer les créatures ou interférer, par un procédé ou un autre,

dans la création de Dieu. L’homme doit veiller à sa propreté et éviter toute

souillure morale ou physique : « Dieu aime ceux qui s’évertuent à se

purifier154». L’homme ne doit pas s’accaparer les biens d’autrui par la

force, la ruse ou l’injustice : « Ne dépouillez pas les richesses entre vous

illicitement, ne les confiez pas aux juges (en les corrompant ou en les

trompant), en vue de vous accaparer injustement une partie des biens

�C�� (`= �>آ9ا �,� رز/8 Coran (5, 87-88) 149 Coran (7,31-32) 150 > U]3. ( �]ا ا���[$ آ[ 2�N]%$ و آ9[ا و ا:[�4ا و ) #%[�� �.x V]�Cدم @[!وا ز.�[�8

ا �[E ا �3[�ة ا [$��� ا ,%���6 /2 �6 =�م ز.�* ا']��x 6.!]9 E]زق /2 ه� ا �E أ@�ج ��Cد و ا ]��Cت �6 ا *���? م ا. *a �@<

ن أ=%��< �C��� ل? 6 .%�,�ن ا.! ��Cد ا �PC�< Coran (39, 17-18) 151 >*89�� >و) 9#?ا 74.$آ� إ V ا Coran (2,195) 152

Coran (4, 29) 153 >� >و) #?�9ا أ�&8%Coran (9, 108) 154 >6.��[, >وا' .U3 ا

Page 216: Islam   et   culture   mai 2012

216

d’autrui, alors que vous savez (qu’elle ne vous appartient pas) 155».

Dieu, sachant bien qu’il peut exister des cas de force majeure et des

situations extrêmes et pour protéger la vie sacrée de l’homme, l’autorise à

passer outre certains interdits. Ainsi en période de famine, pour éviter de

succomber à la famine, l’homme peut consommer temporairement la

nourriture prohibée tant que la nécessité l’exige. Mais cette autorisation

doit cesser dès que les causes qui l’ont suscitée disparaissent. Dieu

dit : « (Dieu vous a expliqué en détail ce qu’il vous a interdit, sauf les cas

de force majeure156 » ou encore : « Il vous interdit de consommer la bête

morte, le sang, la viande de porc et ce sur quoi on a invoqué toute autre

divinité que Dieu, celui qui cède à la nécessité, sans être mu par

l’ambition, ni par la transgression, ne sera pas considéré comme avoir

commis un péché157». Un autre exemple est fourni par la suspension de la

sentence d’amputation de la main du voleur quand le vol a pour seul motif

la faim. Des cas sont cités aussi bien du temps du Prophète (SWS) que du

calife Omar Ibn El Khattab.

- Droits d’autrui158

L’Islam enjoint, d’un côté à l’homme de s’acquitter de ses droits et

devoirs et d’être juste envers lui-même et d’un autre côté, de ne pas

chercher à obtenir des droits en usurpant ceux d’autrui. Les lois de la

Coran (2,188) 155 > الا �4[� إ [E ا 83[�م �[7آ9ا ��.?[� �[6 أ�[ �4 ��C[2 و #[$ �8�]�4 �8 و) #[7آ9ا أ�[ان ,9�# �� و أ��\k�4 س�� >ا

Coran (6,119) 156 >#ر�[Iا ��إ) �8�9�8� �� =�م 2a� $/و� �� >إCoran (2,173) 157 >�9�3� ا "�p.� و�� أه2 �4 �n� ا' �,6 اI[]� _�[� إ�,� =�م 8� ا ,��* و ا $م و

��9� � > �4غ و ) ��د �` \158 A.A Maudoudi : comprendre l’Islam -1985

Page 217: Islam   et   culture   mai 2012

217

Charia ont pour finalité d’assurer l’équilibre entre les droits de l’individu

et les droits de la communauté pour éviter tout conflit risquant de surgir

entre les gens. Tous doivent coopérer et contribuer à faire régner la loi de

Dieu sur terre. L’Islam interdit le mensonge sous toutes ses formes car il

souille le menteur, nuit aux autres et constitue une menace pour la

société : « Evitez toute parole mensongère159». Il prohibe le vol, la

corruption, la fabrication de fausse monnaie, la tricherie, l’usure (intérêts),

car toute acquisition par ces moyens se fait au détriment d’autrui en

causant du tort. La médisance, les cancans, la calomnie et la diffamation

sont interdits. Il recommande d’user de beaucoup de circonspection, de

retenue et de modération dans ses propres jugements : « Oh croyants !,

évitez la plupart des soupçons, car il y a des soupçons qui sont des

péchés160 » ou encore « Ho croyants!, si un pervers vous apporte une

quelconque nouvelle, alors, vérifiez la, vous risqueriez de nuire à votre

prochain par ignorance, et qu’ensuite vous regretteriez votre tort161 ».

Dans le doute, il faut s’abstenir de porter un quelconque

jugement : « Abstiens toi de toute chose dont tu ne possèdes pas une

science certaine, l’ouïe, la vue, le cœur, sur tout cela, on sera

interrogé162». Le jeu, les loteries, la spéculation et les jeux de hasard sont

prohibés car, dans toutes ces choses, la personne qui gagne le fait aux

dépens de milliers d’autres perdants. Toutes les formes d’exploitation de

ا /ل ا pور < C��Dوا< Coran (22, 30) 159 ا آ�F�ا �6 ا 6m أن �4~ ا 6m أ\� �.�ء.�< C��Dا ا>ا !.6 أ�� Coran (49,12) 160

Coran (49,6) 161 >�.ء�.� V]9�3ا C]a�� *] ��N4 �]�ا /C�a# ا أن��C�� 7C�4 K��� �ا !.6 أ��ا إن �Dءآ�9� ��د��6�� ��<

Coran (17, 36) 162 > �]]��� ؛ أن ا %[[,f وا aC[[� وا &[[;اد آ[[2 أو J]]Z آ[[�ن ]]9� �]]4 J]] >�]] و) #?&[[ا �[[� >�%;و)

Page 218: Islam   et   culture   mai 2012

218

l’homme par l’homme sont interdites. Le monopole, la thésaurisation, le

marché noir, la spéculation foncière et toute forme d’enrichissement

individuel et social au détriment d’autrui sont prohibés.

Le meurtre, l’effusion du sang, l’incitation au désordre et la destruction

des biens sont considérés comme des crimes, car personne n’a le droit de

porter atteinte à la vie qui n’appartient qu’à Dieu seul, ni aux biens

d’autrui pour son seul profit ou désir personnel. Dieu dit : « Ne mettez pas

fin à la vie, que Dieu a rendue sacrée, à moins que ce ne soit en justice163»

L’adultère, la fornication et l’homosexualité sont strictement interdits car,

non seulement, elles pervertissent la morale et nuisent à la santé de celui

qui les pratique, mais aussi parce qu’elles sont un moyen de corruption et

d’immoralité de la société en provoquant des maladies vénériennes ou des

déficiences immunitaires (cas du Sida) qui ruinent la société sur le plan de

la santé publique et sur le plan financier par le coût exorbitant de la prise

en charge de ces maladies graves et contagieuses sur le budget de l’Etat.

De plus, elles mettent en péril le devenir du genre humain. L’Islam

considère ces comportements comme criminels car ils dégradent la santé,

affectent la moralité des générations futures, bouleversent les rapports

entre hommes et femmes, entre hommes et entre femmes et rompent la

trame naturelle et la structure culturelle et sociale de la communauté.

Ainsi, on devrait également parler du développement durable de l’espèce

humaine comme l’on parle aujourd’hui à grand bruit, au niveau mondial,

du développement durable en matière de biodiversité et d’économie pour

le grand bien des générations présentes et futures. Les restrictions

> K3 >و ) #?�9ا ا �&< ا �E =�م ا' إ) �4 Coran (6,151) 163

Page 219: Islam   et   culture   mai 2012

219

imposées par l’Islam visent à protéger les équilibres naturels et humains et

à empêcher l’homme de porter atteinte aux droits d’autrui et des autres

créatures. L’Islam ne veut pas que l’homme devienne égoïste et

égocentrique au point de violer les principes moraux pour assouvir les

désirs de son esprit et de son corps. La Charia règle la vie de telle sorte

que le bien être de chacun et de tous puisse être garanti. Pour asseoir le

bien être de l’humanité et le progrès de la civilisation, des règles

d’obligation collective doivent être appliquées. Dans une société prospère

et paisible, les gens doivent non seulement ne pas porter atteinte aux

droits d’autrui, mais aussi ne pas nuire à leurs intérêts. Ils sont encouragés

à coopérer entre eux et à nouer des relations fructueuses. Ils sont appelés à

mettre en place des institutions sociales en vue d’œuvrer pour le bien

commun et la réalisation d’une société humaine exemplaire. A cette fin, la

loi islamique a fixé des obligations au niveau familial et social.

- Droits de la famille164

La famille est le premier noyau de la vie humaine, car c’est en son sein

que se développent les relations entre l’homme, la femme et les enfants.

C’est là que se forment les traits de caractère fondamentaux de la

personnalité de l’enfant qui sera l’homme de demain. La famille est la

cellule de base de toute civilisation. Les règles islamiques concernant la

famille sont très explicites. Elles assignent à l’homme la responsabilité de

gagner sa vie, de subvenir aux besoins de sa femme et de ses enfants et de

les protéger contre les vicissitudes de la vie : « Les hommes sont chefs,

protecteurs et soutiens de leurs femmes à cause des qualités par lesquelles

164 A.A Maudoudi : comprendre l’Islam -1985

Page 220: Islam   et   culture   mai 2012

220

Dieu a élevé les uns par rapport aux autres, et parce qu’ils pourvoient

aux besoins de la famille 165». Elles prescrivent pour la femme le devoir de

diriger le ménage, d’élever et d’éduquer les enfants et de leur fournir ainsi

qu’au mari les meilleures conditions de bonheur et de confort : « Les

femmes ont autant de droits que de devoirs, selon les bons usages, mais

les hommes ont le pas sur elles166». Les parents doivent subvenir, jusqu’à

l’âge adulte, aux besoins des enfants quant à la nourriture, les vêtements,

le logement, l’éducation et à leurs besoins d’affectivité et de tendresse. En

Islam, l’épouse et l’enfant « sont la prunelle des yeux167 et la beauté de la

vie168 ». Le devoir des enfants est de respecter leurs parents, de leur obéir,

et une fois adultes, de s’occuper d’eux et de pourvoir à leurs besoins. Au

sujet de la famille, l’Islam a pris deux mesures :

• Le mari a reçu la position de chef de famille. Aucune institution ne

peut fonctionner sans un responsable à sa tête. Pour qu’une famille

soit viable, il faut que quelqu’un assure en son sein les besoins

d’ordre et de discipline. S’il n’y a personne pour diriger une

institution, il en résultera le chaos. De même, si chaque membre de

la famille agit à sa guise, ce sera le désordre. Si le mari agit

librement de son côté et la femme de l’autre, l’avenir des enfants

sera gâché : « (Epoux) traitez- vous de toutes choses après

concertation honnête169».

• La famille est le noyau de base de la civilisation et un modèle pour

> �� �E9 �4~ و 4,� أ�&?ا �6 أ�ا ��m�4 '2 اm� �,4 ء�%� >ا ��Dل /ا�ن �E9 ا Coran (4, 34) 165 > *D6��9 در�6��9 �4 ,��وف و �D�9ل �>و � 6�2F ا !ي Coran (2, 228) 166 �� �6 أزوا��D و ذر.��� < U6 ر��4 ه��>/�ة أ Coran (25,74) 167 >���$ ن ز.�* ا ��3ة ا�C >ا ,�ل و ا Coran (2, 228) 168

< Coran (65,6) 169 > وأ#,�وا 8��4� 4,��وف

Page 221: Islam   et   culture   mai 2012

221

la société en général.

Le chef de famille libère sa femme des contraintes diverses et matérielles

pour lui permettre de s’occuper du ménage et d’éduquer ses enfants.

L’Islam ne défend pas à la femme de travailler ou de sortir de la maison

par nécessité. Seulement, elle doit respecter certaines règles comme celui

de ne pas s’exhiber en exposant publiquement son corps ou ses seins,

même sous le couvert des habits. La mission essentielle de la femme est

de contribuer à l’épanouissement et à l’amélioration de la vie familiale.

Pour renforcer l’unité entre les membres de la famille, conserver des liens

mutuels étroits et sains et faire de chaque membre une source de soutien et

de solidarité pour les autres, l’Islam a prescrit certaines règles fondées sur

la sagesse et l’expérience.

Le mariage est interdit entre les personnes qui ont des liens directs de

parenté par naissance ou alliance. Le mariage est interdit entre mère et

fils, père et fille, second mari de la mère et belle fille, seconde épouse du

père et beau-fils, frère et sœur, frère et sœur de lait, oncle paternel ou

maternel et nièce, tante (sœur du père ou de la mère) et son neveu, belle-

mère et son gendre, beau-père et sa bru. Ces interdictions renforcent les

liens familiaux et rendent les relations entre parents absolument pures sur

le plan biologique et social. Ils peuvent ainsi vivre en bon terme sans

aucune contrainte ni conséquence héréditaire.

Quand il n’existe aucun des empêchements cités plus haut, en termes de

parenté, le mariage peut être contracté entre des membres de familles

proches. Une telle relation les rapprochera encore davantage. Les

mariages entre deux familles, librement associées et ayant les mêmes

Page 222: Islam   et   culture   mai 2012

222

habitudes, coutumes et traditions, sont généralement des mariages réussis.

Même à l’intérieur de familles apparentées, il y a des gens riches et des

gens pauvres. Selon le principe islamique, la famille d’un homme a en

principe un droit sur lui. Il doit régulièrement rendre visite aux membres

de la famille (Silat Er Rahim) avec une priorité pour les parents de

premier degré. : « Acquittez-vous envers vos proches de ce qui leur est

dû170 ». L’Islam recommande pour chaque croyant de respecter ce droit. Si

un parent s’appauvrit ou se trouve en difficulté, il incombe à ses parents

plus aisés de l’aider. Dans la répartition de l’impôt annuel et des autres

devoirs de charité, la priorité doit être donnée aux proches parents.

Les lois islamiques de l’héritage ont été formulées de façon à ce que les

biens laissés par le défunt ne puissent pas revenir à une seule personne. Ils

doivent être répartis entre de nombreux proches parents qui reçoivent

chacun une part, en fonction du degré de parenté et du sexe. Le fils, la

fille, la femme, le mari, le frère, la sœur, sont les parents les plus proches

et ils ont la priorité absolue en matière d’héritage : «Aux hommes, il

revient une part que laissent leurs ascendants ou leurs proches ;de même,

il revient aux femmes une part que laissent leurs ascendants ou leurs

proches. Que les biens laissés soient importants ou non, une part est ainsi

obligatoirement assignée171 ». Par conséquent, après la mort d’un homme,

ses biens sont distribués selon un système de répartition bien définie qui

écarte toute concentration de richesses. En matière d’héritage, l’Islam se

distingue de toutes les autres religions et des lois laïques par son mode

> �?= V4�? > �7ت ذا ا Coran (30, 38) 170 Coran (4, 7) 171 > 4ن و �9%�ء �U�a �,� #�ك ا�/Tان و ا$ ا 4ن �,� �D�9ل �U�a �,� #�ك ا�? ا $ان و ا

> آ�C�a� �F �&�و�I/2 ��� أو

Page 223: Islam   et   culture   mai 2012

223

unique de partage des biens laissés par le défunt.

- Droits sociaux172

En dehors de la famille, l’homme a des rapports avec ses amis, ses voisins

et les gens de son quartier, de son village ou de sa ville. L’Islam donne

une grande importance à ces rapports en exigeant de les entourer de

beaucoup d’honnêteté, de sincérité, de justice et de courtoisie. Il ordonne à

l’homme d’avoir des égards aux sentiments des autres, d’éviter

d’employer un langage indécent et injurieux, de s’entraider, de rendre

visite aux malades, de réconforter les malheureux, d’aider les nécessiteux

et les infirmes, de compatir avec ceux qui ont des difficultés, de s’occuper

des veuves et des orphelins, de nourrir les affamés, de vêtir ceux qui sont

dénudés et d’aider les chômeurs à trouver un emploi. L’Islam

recommande de ne pas gaspiller les biens et les richesses dans les

manifestations de luxe et les frivolités. Il interdit l’usage de la vaisselle en

or ou en argent, de vêtements coûteux. Il désapprouve ceux qui dépensent

leur argent dans des entreprises de prestige ou de luxe extravagant.

L’injonction de la Charia est fondée sur le principe qu’aucun homme n’a

le droit de gaspiller, pour sa satisfaction personnelle, une richesse qui

pourrait servir à faire vivre ses concitoyens, voire parfois des centaines ou

milliers de personnes. Il est cruel et injuste de constater que l’argent, qui

pourrait servir à nourrir un grand nombre de pauvres ou à créer des

activités pour eux, soit dilapidé dans des dépenses inutiles de décoration,

de prestige ou de feux d’artifice. L’Islam ne vise pas à priver l’homme de

ses richesses ou de ses possessions. Ce qu’il a gagné ou hérité constitue

172 A.A Maudoudi : comprendre l’Islam -1985

Page 224: Islam   et   culture   mai 2012

224

son entière propriété. L’Islam reconnaît le droit de propriété, d’en avoir

l’entière jouissance à condition d’en faire le meilleur usage possible. On

peut même, en fonction de sa richesse, avoir une excellente habitation, de

beaux vêtements et une vie des plus confortables. L’Islam veut que, dans

toutes ses activités, l’homme se montre modeste et humain. Il

désapprouve l’égoïsme, l’égocentrisme prétentieux qui néglige le bien être

d’autrui et donne naissance à un individualisme plein d’arrogance. Il veut

que la société humaine toute entière soit prospère et non pas seulement

une petite minorité de riches. Il veut inculquer, dans l’esprit du croyant,

une conscience sociale en suggérant une vie simple et frugale en évitant

d’inutiles ou de faux besoins. Tout en assurant les leurs, les croyants sont

appelés à ne pas perdre de vue les besoins et les exigences de leurs

proches parents, de leurs alliés, de leurs amis et associés, de leurs voisins

et de leur communauté toute entière : « Quelque charité que vous

exerciez, exercez-la au profit de vos parents, de l’orphelin, des pauvres

des voyageurs démunis et de l’étranger173 » ou « Si votre débiteur est dans

la gêne, accordez lui un délai jusqu’à ce qu’il revienne à meilleure

fortune ; si vous lui remettez définitivement la dette, ce sera pour vous un

acte plus méritoire174 ». L’Islam condamne la thésaurisation des richesses

à tous les niveaux. L’argent est fait pour circuler au sein de la société et

servir de support aux activités humaines. On ne doit pas le thésauriser

pour le stocker ou entretenir la spéculation financière: « Que ceux qui

thésaurisent les biens qu’ils tiennent de la générosité de Dieu, ne

s’imaginent pas que cela leur profitera. Loin de là, c’est un malheur pour

> 2�C% 6 @�� �99ا $.6 و اT/�ا6�4 و ا ����V و ا ,%�آ�6 و ا64 ا� �> /2 �� أ�&?� Coran (2, 215) 173 > �8 ا @�� /$a# ة و إن�%�� V > و إن آ�ن ذو �%�ة ��o�ة إ Coran (2,280) 174

Page 225: Islam   et   culture   mai 2012

225

eux. Au jour de la résurrection, ils porteront enroulés à leur cou, les biens

qu’ils auront amassés175 ».

Quant aux liens communautaires, toute personne, qui embrasse l’Islam,

entre non seulement au sein de la religion mais devient un membre à part

entière de la communauté islamique. La Charia a formulé, pour cette

fraternité plus large, des règles de conduite qui obligent les croyants à

s’entraider, à rechercher le bien, à proscrire le mal et à veiller à ce qu’il ne

s’infiltre pas dans leur société.

Outre les interdictions du mariage entre parents proches et afin de

préserver la vie morale de la nation et sauvegarder la saine évolution de la

société, la libre fréquentation et la mixité des deux sexes sont soumises à

certaines conditions. Quand les femmes sortent hors de leur foyer, elles

doivent porter une toilette simple et ne pas laisser apparaître

volontairement une partie quelconque de leur corps. Elles ne peuvent se

dévoiler qu’en cas de nécessité et remettre leur voile dès que cette

nécessité a disparu. Il est recommandé aux hommes comme aux femmes

de garder leurs yeux baissés et d’éviter les regards intentionnels. Si

quelqu’un, par hasard, porte ses yeux sur une femme, qui lui étrangère, il

doit aussitôt détourner son regard. C’est le devoir pour tous de veiller à la

moralité personnelle et d’écarter l’âme de toute impureté. En Islam, le

mariage est la seule forme légale autorisant les relations sexuelles.

Le croyant est exhorté à porter des vêtements qui recouvrent

convenablement son corps. Aucun homme ne doit exposer son corps des

ن �� 4"9ا �4< /[�� �� �: � 24 ه� ��@ 9ن 4,� أ#�ه� ا' ��9m� 6؛ ه"C. 6.! و ) .6C%3 ا *���? م ا. < Coran (3, 180) 175

Page 226: Islam   et   culture   mai 2012

226

genoux au nombril. La femme ne doit montrer aucune partie de son corps

sauf son visage et ses mains, à l’exception de son mari ou ses proches

parents. Ce qui signifie se couvrir (Satr). Eviter de s’exhiber constitue un

devoir religieux pour tout homme et toute femme. Grâce à ses

prescriptions, l’Islam vise à cultiver chez l’homme un profond sentiment

de modestie et de chasteté, à prévenir les tentations charnelles et à

éliminer toute forme d’impudeur et de corruption morale.

L’Islam considère les loisirs comme une nécessité aussi importante dans

la vie que l’air et l’eau, parce qu’ils stimulent l’activité de l’homme.

Cependant, il n’approuve pas les loisirs et les amusements qui stimulent

les passions sensuelles et sapent les bases de la morale. Après une

semaine de labeur ou après des travaux pénibles, il est tout à fait naturel

de prendre des moments de repos et de distraction. De tels loisirs

constituent un ferment régénérateur de l’activité humaine, dynamisent la

vie et développent l’esprit. Mais la détente, si elle doit rafraîchir et aviver

l’esprit, elle ne doit pas conduire à la dépravation des mœurs et à la

dépression. Les distractions absurdes, où des milliers de personnes

assistent à des scènes d’hystérie collective et d’immoralité, sont le

contraire d’une saine récréation. Ces scènes stimulent les sens et peuvent

avoir un effet désastreux sur la moralité.

- Droits des autres créatures176

Dieu a donné à l’homme une autorité sur d’innombrables créatures qui

sont toutes destinées à son bien être. Il a été doté du pouvoir de les

176 A.A Maudoudi : comprendre l’Islam -1985

Page 227: Islam   et   culture   mai 2012

227

exploiter et d’en user pour satisfaire ses besoins. Cette position supérieure

de l’homme est subordonnée à certaines réserves et limites imposées par

Dieu. L’Islam dit que toute créature a des droits sur l’homme qui ne doit

pas la gaspiller dans des entreprises stériles sans intérêt pour elle ou pour

la communauté humaine. L’homme ne doit pas lui faire du tort ou du mal

sans nécessité aucune. Lorsqu’il exploite une espèce animale ou végétale,

il devra éviter de la dégrader tout en cherchant à la préserver en utilisant

les meilleures méthodes ou les moins nuisibles.

- Droit international (avec les non musulmans)177

C’est l’Islam qui, le premier, a développé la science du droit international.

Au deuxième siècle de l’Hégire (VIIIe siècle de l’ère chrétienne), les

questions de la guerre relevaient du droit pénal. Le principe de base des

rapports internationaux de l’Islam relève du fondement de la

jurisprudence islamique : « Le musulman et le non-musulman sont égaux

quant aux souffrances d’ici-bas ». Dans l’Antiquité, les Grecs avaient bien

eu l’idée d’un droit international mais celui-ci régissait seulement les

rapports entre les cités grecques. Quant aux barbares, ils n’étaient nés,

disait Aristote, que pour servir d’esclaves aux Grecs. C’était donc de

l’arbitraire et non du droit. Les Romains reconnaissaient uniquement des

droits pour les étrangers considérés comme amis. Pour le reste du monde,

il n’y avait que de l’arbitraire qui variait selon les époques et les régnants.

On sait aussi à quel point, le droit juif voua à l’extermination les peuples

païens de Palestine comme les Amalécites d’origine arabe. Les étrangers

non juifs n’avaient le droit de vivre qu’en qualité d’esclaves. Quant à

177 A.A Maudoudi : comprendre l’Islam -1985

Page 228: Islam   et   culture   mai 2012

228

l’époque moderne, ce n’est qu’en 1856 que l’Occident réserva le bénéfice

d’un droit international aux seuls peuples chrétiens. Dans l’histoire du

droit international, ce sont les musulmans qui ont été les premiers et

jusqu’ici les seuls à admettre, sans discrimination de race et de religion, ni

réserve, le droit de l’étranger. Les règles du droit international couvrent

aussi bien les litiges avec les ressortissants étrangers se trouvant sur le

territoire musulman que ceux des territoires non-musulmans. Les premiers

traités d’alliance défensive datent de l’époque du Prophète (SWS) et

furent conclus avec des non-musulmans et scrupuleusement respectés.

Les étrangers séjournant en territoire musulman, sont assujettis à la

juridiction musulmane et non au droit islamique, car l’Islam tolère sur son

territoire la multiplicité des lois et pour chaque communauté l’autonomie

judiciaire. Un étranger est donc assujetti à la juridiction du tribunal

confessionnel qui lui est propre. S’il est chrétien, juif ou autre, et si la

partie en litige avec lui est aussi de même confession, peu importe que

cette partie en cause soit ou non sujet de l’Etat musulman, le cas est jugé

par le tribunal confessionnel, selon ses propres lois. En général, on ne fait

pas de distinction entre les juridictions civile et pénale. Il va de soi qu’en

cas de litige entre communautés différentes, des dispositions particulières

sont prises pour trancher les difficultés et c’est une espèce de droit

international privé qui régit ces cas. Mais il est toujours permis aux non-

musulmans de renoncer à ce privilège et de porter leurs conflits devant les

tribunaux musulmans à condition que les parties en conflit le requièrent

d’un commun accord. Dans ce cas, la loi islamique est appliquée. Le souci

d’égalité a poussé les juristes musulmans a admettre, que si un crime a été

commis, même contre un sujet musulman, en territoire étranger et par un

Page 229: Islam   et   culture   mai 2012

229

étranger et qu’ensuite cet étranger se rende volontairement et avec

l’autorisation nécessaire en territoire musulman, son cas ne peut pas être

jugé par le tribunal local qui n’est pas compétent pour connaître d’un acte

qui a eu lieu hors de sa juridiction. La loi islamique fait la distinction entre

le belligérant et le combattant. On ne permet pas de tuer les enfants, les

femmes, les vieillards, les malades et les religieux. Les dettes en faveur

des ressortissants de l’adversaire ne sont pas touchées par la déclaration

de guerre. Toute atteinte humaine ou destruction, au delà du strict

minimum nécessaire, est interdite. Les prisonniers doivent être bien traités

et leurs actes ne sont pas considérés comme crimes. Afin de réduire et de

limiter les tentations des soldats conquérants, le butin ne revient pas à

celui qui le capture mais au gouvernement islamique. L’Islam

recommande aux croyants d’être tolérants dans leurs rapports avec les

non-musulmans : « Rallie les hommes au culte de ton seigneur, par des

sages et persuasifs appels. Que tes discussions avec eux se déroulent sur

le ton le plus agréable178 ». L’Islam voue une considération particulière

aux gens appartenant aux autres religions monothéistes: « Ne discutez

avec les gens des Ecritures que de manière la plus courtoise, (sauf vis-à-

vis de ceux qui se montrent agressifs), Dites : nous croyons à ce qui nous

a été révélé et à ce qui vous a été révélé. Notre Dieu et le vôtre ne font

qu’un et nous Lui sommes soumis 179». On ne doit pas critiquer ou insulter

leurs chefs religieux et leurs saints, ni offenser leur religion, ni rechercher

inutilement des dissensions avec eux et de vivre ensemble en paix et en

Coran (16, 125) 178 >أ=%6 وادع إ Eه E� �4 �� �o* ا 3%�* و �Dد, �4 83,* و ا J42 ر�C� V < Coran (29, 46) 179 >�ا ���,9v 6.! ا أه2 ا ��8ب إ) �4 �E هE أ=%6 ؛ إ) ا ا أ��[� . و) #�Nد و /

8� وا=$ �4 !ي أ�pل إ ��� و ��� 8� و إ ��� و إ� ن . ا�pل إ,9%� � > و �63

Page 230: Islam   et   culture   mai 2012

230

bonne entente : « Ne blasphémez pas les divinités qu’ils invoquent en

dehors de Dieu, de peur qu’ils ne soient portés, dans leur ignorance, à

blasphémer Dieu. C’est ainsi que nous avons fait que chaque peuple soit

satisfait de son œuvre. Plus tard, ils retourneront tous à leur Seigneur, qui

leur montrera ce qu’ils avaient fait180 ». L’Islam affirme qu’il n’y a

aucune contrainte en religion et chaque homme est libre de croire ou de ne

pas croire : « Nulle contrainte en religion181 » ou encore « Prêche, tu n’es

qu’un avertisseur; tu n’as pas sur eux le pouvoir de despote 182». Si les

non-musulmans conservent une attitude conciliante envers les musulmans,

ne les agressent pas physiquement ou moralement, ne violent pas leurs

frontières ou leurs droits. Les musulmans doivent garder des relations

amicales et aimables avec eux et les traiter de façon équitable : « Dieu ne

vous interdit pas d’être bons et justes envers ceux qui ne vous combattent

pas pour votre religion et ne vous expulsent pas de vos demeures. Dieu

aime les justes183 » ou : « S’ils restent à l’écart, s’ils ne portent pas les

armes contre vous et vous offrent la paix, Dieu ne vous donne aucun droit

de les inquiéter184 » ou encore : « Et combattez dans le sentier de Dieu

ceux qui vous combattent et ne transgressez pas les limites, car Dieu

n’aime pas ceux qui les transgressent185 ». En aucune façon, les

musulmans ne doivent prendre l’initiative de la guerre : « Que la haine

Coran (6, 108) 180 > 2]8 9� ؛ آ[! J ز.�[� � ��n4 وا$�ن ا' C%�� '6 ذون ا�ن �$. 6.! ا اC%# ( وV �9� ؛ \� إ,�� 4,� آ��ا أ�* �ZC��� ���D�� � > ر�4

Coran (2, 256) 181 > 6.$ > ) إآ�ا �E اCoran (88, 21-22) 182 >�[�%,4 ���9� Q% >�!آ� إ�,� أ�Q �!آ�

Coran (60, 8) 183 >روه�C# أن �آ� �6 د.�رآD�". � 89#� �E ا $.6 و �?. � 6.! �) .���آ� ا' �6 ا � � إن ا�� >.U3 ا ,?%]�6 و#?%]ا إCoran (4, 90) 184 > `�C� ���9� �8 9%� �,� 2�D ا' 8� ا� ا إ? 9#آ� و أ�?. �9� �آ p�� > ��ن اCoran (2,190) 185 >.! > ان ا' ) .U3 ا ,��$.6. و ) #��$وا . 6 .?�9#آ�و /�9#ا � E�2�C ا' ا

Page 231: Islam   et   culture   mai 2012

231

que vous éprouvez contre de gens, pour vous avoir empêchés l’accès de

la Mosquée sacré, ne vous porte à les attaquer les premiers. Soyez plutôt

solidaires à faire le bien et à respecter la loi. Ne complotez pas pour faire

le mal et commettre l’injustice. Craignez Dieu. Son châtiment est

redoutable186 ».

L’Islam enseigne aux musulmans le sens supérieur de compréhension

humaine, de courtoisie, de noblesse et de modestie dans les relations

humaines ou dans les rapports avec les autres pays. Les mauvaises

manières comme l’oppression, l’agressivité et l’étroitesse d’esprit sont

contraires à l’esprit de l’Islam. Un musulman est venu au monde pour

représenter un symbole vivant de bonté, de noblesse et d’humanité. Il doit

gagner les cœurs des hommes par son caractère, son comportement moral

et social et par l’exemple qu’il donne aux autres. Il doit se conduire

comme un véritable ambassadeur de l’Islam.

5.12 DEMOCRATIE

Tous les individus ont la qualité de vicaire sur terre et toute personne ne

peut interdire à une autre l’exercice complet de ce droit. La vice-régence

signifie la "représentation divine". Les êtres humains, selon l’Islam, sont

les représentants de Dieu sur terre. Cette vice-régence, par la vertu du

droit et de la puissance qui lui sont conférés par Dieu, implique l’exercice

de cette autorité dans ce monde en respectant les règles prescrites par

Dieu. La gouvernance des affaires de l’Etat doit s’établir en accord avec

les vœux consensuels formulés par les individus. L’autorité de l’Etat est

Coran (5, 2) 186 > �C �6 ا ,%N$ ا 3�ام أن #��$وا و #��و�ا �E9 ا �8� :�7ن /م أن u$وآ���N. (و� و ا �$وان و ا#?ا ا' أن ا' :$.$ ا �?�ب \kا E9�ى و ) #��و�ا ?� >وا

Page 232: Islam   et   culture   mai 2012

232

uniquement une extension et une délégation de la puissance des individus

dont l’opinion est décisive dans la formation du gouvernement qui doit

agir en tenant compte de leurs avis et en se conformant à leurs vœux.

Quand le pouvoir politique a la confiance des individus, il exercera les

devoirs de vicaire de Dieu en leur nom. Quand il perd cette confiance, il

doit se retirer. Ainsi le système politique en Islam est un système

démocratique aussi parfait que possible. Dieu a demandé au prophète

(SWS) de consulter les musulmans avant toute prise de décision les

concernant sur les plans politique, économique et militaire. Sur cette base

démocratique de la Choura » que s’opérait la désignation des gouvernants

et ce, pendant une période de près de cinquante années (50 ans) allant de

la date de la constitution de l’Etat de Médine à la fin du règne des quatre

premiers califes (622-661). Les quatre premiers califes ont été tous élus

démocratiquement par les musulmans et la Choura était un des grands

principes de l’Islam avec l’émergence de l’opposition qui jouait un rôle de

contrepoids dans l’équilibre du pouvoir politique et était reconnue par le

pouvoir. Plus que çà, l’opposition constructive était encouragée par les

califes. Omar Ibn El Khettab disait « Il n’y aura point de bien en nous si

nous n’acceptons pas les bons conseils et il n’y aura point de bien en

vous, si vous vous absteniez d’en faire ».

La démocratie de l’Occident est basée sur le concept de la souveraineté

populaire, tandis que le système politique islamique repose sur le principe

de vice-régence populaire. Dans la démocratie occidentale, le peuple est

souverain, mais dans la démocratie islamique, la souveraineté appartient à

Dieu seul et le peuple est le vicaire de Dieu ou son représentant. Dans le

premier cas, le peuple établit ses propres droits. Dans le second, le peuple

Page 233: Islam   et   culture   mai 2012

suit les lois prescrites par Dieu à travers son Prophète (SWS). Dans l’un,

le gouvernement doit agir pour exaucer les vœux du pe

second, le gouvernement et le peuple doivent agi

conformer aux prescriptions divines. La démocratie de l’Ouest constitue

un type d’autorité absolue qui exerce son pouvoir de manière libre et non

contrôlée, alors que celle islamique est soumise à la loi divine et doit

s’exercer en accord avec les recommandations de

fixées par Lui pour le bénéfice et le bien être de la société toute entière.

5.12.1 Pouvoir exécutif et législatif

En Islam, si les pouvoirs exécutif et législatif sont séparés, ils ne le sont

que du point de vue fonctionnel, car tous les deux ont la Charia comme

référence commune réglementaire qui leur sert de code de conduite et à

laquelle ils doivent se référer en cas de conflit.

Figure 22

DEMOCRATIE

POUVOIR

EXECUTIF

POUVOIR JUDICIAIRE

EXEMPLE DE

MEDINE

233

suit les lois prescrites par Dieu à travers son Prophète (SWS). Dans l’un,

le gouvernement doit agir pour exaucer les vœux du peuple. Dans le

le gouvernement et le peuple doivent agir ensemble pour se

ux prescriptions divines. La démocratie de l’Ouest constitue

un type d’autorité absolue qui exerce son pouvoir de manière libre et non

contrôlée, alors que celle islamique est soumise à la loi divine et doit

s’exercer en accord avec les recommandations de Dieu dans les limites

fixées par Lui pour le bénéfice et le bien être de la société toute entière.

Pouvoir exécutif et législatif

En Islam, si les pouvoirs exécutif et législatif sont séparés, ils ne le sont

que du point de vue fonctionnel, car tous les deux ont la Charia comme

référence commune réglementaire qui leur sert de code de conduite et à

référer en cas de conflit.

22 : Démocratie

DEMOCRATIE

POUVOIR

EXECUTIF

POUVOIR

LEGISLATIF

POUVOIR JUDICIAIRE

Page 234: Islam   et   culture   mai 2012

234

- Pouvoir exécutif

Le rôle du pouvoir exécutif est sensiblement le même en Islam que dans

n’importe quel Etat du monde. La seule différence est la notion de

souveraineté qui appartient non pas au peuple mais à Dieu et qu’elle n’est

entre les mains de l’homme que comme dépôt de gestion pour le bien être

de tous sans exception.

La responsabilité de l’administration gouvernementale d’un Etat

islamique est confiée à un leader (Amir), qui correspond au président ou

premier ministre d’un Etat démocratique occidental. Toute personne

adulte, qui accepte les termes de la constitution nationale, est autorisée à

voter pour élire le leader. La condition de base, pour l’élection d’un

leader, est qu’il réunisse la confiance de la majorité du peuple sur la base

de la dimension de son savoir et de sa conformité aux valeurs spirituelles

de l’Islam. Il doit posséder les attributs concernant la foi et la crainte de

Dieu et posséder l’envergure nécessaire pour gouverner. Bref, il doit être

vertueux et capable d’exercer le pouvoir. Le chef de l’Etat doit consulter

sa communauté à l’instar du commandement de Dieu au Prophète

(SWS) : « O Prophète ! C’est par la grâce de Dieu que tu es si conciliant..

Si tu étais brut et d’un cœur endurci, ils se seraient détachés de toi. Sois

donc bienveillant à leur égard, implore la clémence de Dieu en leur

faveur et consulte- les dans les décisions187 ».

Le leader (Amir) garde son poste aussi longtemps qu’il a la confiance du

peuple et doit le quitter quand il la perd. Chaque citoyen doit rester

Coran (3, 159) 187 > *,=ر �,C6 ا�� ' t��]� J ا �6 =m&� ( U9? آ��o� Q _�9| ا � و � Q� ��Tا E� �� و:�وره��� <

Page 235: Islam   et   culture   mai 2012

235

discipliné, solidaire de la communauté et obéir aux ordres de l’Etat, tant

que ce dernier applique convenablement la Charia : « Croyants, obéissez à

Dieu, obéissez au Prophète (SWS) et à ceux d’entre-vous qui exercent

l’autorité. En cas de désaccord entre vous, sur quelque sujet que ce soit,

réferrez-vous en à Dieu et à son Apôtre, si vous croyez vraiment en Lui et

au jugement dernier. C’est là la démarche la plus sage qui conduit à

bonne fin188 » ou encore « Attachez-vous tous ferment au pacte de Dieu et

ne vous vous divisez pas189». Cependant, il a le droit de critiquer le leader

et son gouvernement sur une base objective conforme au Coran et à la

Sunna. L’Islam n’attache aucune importance à la forme extérieure du

gouvernement, pourvu qu’on se soucie du bien-être de l’homme et que la

loi divine soit appliquée. C’est ainsi que la question constitutionnelle

occupe une place secondaire car les fondements de l’Etat Islamique

découle des principes fondamentaux de la Charia. Il n’y aucune

préférence en Islam pour le choix du régime d’Etat : république,

monarchie, règne-conjoint (deux leaders) ou autres régimes. C’est à la

communauté islamique de choisir le régime qui lui convient.

- Pouvoir législatif

Le pouvoir législatif est subordonné au respect du Coran, parole de Dieu

et source de toute loi dans les domaines spirituels et temporels de la vie.

Un conseil consultatif (Majliss Choura), élu par le peuple, assiste et

oriente le leader (Amir). C’est une obligation pour le leader d’administrer

Coran (4, 59) 188 > E]� ���8� �[�ن #�[�ز�]� �]�Tا V ل و أو�� .7.�� ا !.6 أ��ا أ���ا ا' و أ���ا ا� م اT@� ذ J @�� و أ= :Eء ��دو إ V ا' و ر�� ن �4' و ا��;# � > %6 #7و.`إن آ��

Coran (3, 103) 189 > اا 2C34 ا' D,��� و ) #&�/,a�� > وا

Page 236: Islam   et   culture   mai 2012

236

le pays selon l’avis du conseil consultatif (Majliss Choura). L’Etat doit

mettre à la disposition de l’opinion publique tous les moyens pour assurer

la liberté d’expression. La législation, dans un Etat islamique, doit

respecter les limites prescrites par la Charia. Les injonctions de Dieu et de

son Prophète (SWS) doivent être acceptées et appliquées et il n’appartient

pas à un corps législatif quelconque de les altérer ou modifier ou

promulguer des lois contraires à leur esprit. Un large éventail existe pour

légiférer sur les questions qui ne sont pas couvertes par les prescriptions

spécifiques de la Charia et la législation a toute latitude de formuler des

avis à leur sujet. Cependant, une remarque s’impose concernant ces

questions, car il ne s’agit pas, comme le précise le prophète (SWS) dans

un hadith, d’une omission divine mais simplement d’une mansuétude de

Dieu qui a laissé à l’homme la latitude et le soin de trouver les solutions

les plus appropriées à ces questions.

- Pouvoir judiciaire

En Islam, le pouvoir judiciaire ne dépend pas du pouvoir exécutif. Il s’en

suit que le pouvoir judiciaire tire son autorité de la Charia et répond aux

obligations divines. Les juges seront effectivement désignés par le

gouvernement, mais une fois nommés, ils sont entièrement indépendants

et doivent administrer la justice de façon impartiale selon la loi

divine : « Dieu vous commande de restituer les dépôts à leurs

propriétaires et, quand vous êtes appelés à juger entre les gens, de le

faire avec équité. C’est là une noble mission que Dieu vous exhorte à

Page 237: Islam   et   culture   mai 2012

237

accomplir. Dieu est tout ouïe et toute vue 190». Tous les organes et

fonctionnaires du gouvernement sont soumis à l’autorité judiciaire : même

la plus haute autorité exécutive du gouvernement peut être appelée à

comparaître devant une cour de justice comme accusateur ou accusé. Les

gouverneurs et gouvernés sont soumis à la même loi et il n’y a pas de

discrimination entre eux en matière de position, de puissance ou de

privilège. L’Islam impose l’égalité et adhère à ce principe dans les

domaines politique, économique et social. Les minorités religieuses, qui

vivent dans un Etat islamique, jouissent de l’autonomie judiciaire. Chaque

communauté a le droit d’avoir ses propres tribunaux, ses propres juges et

ses propres lois dans le domaine civil comme dans le domaine pénal. Si

l’indépendance de la justice est un principe admis et non toujours appliqué

dans les démocraties occidentales, l’autonomie judiciaire des

communautés minoritaires n’existe que dans la démocratie islamique.

- Exemple de la communauté de Médine191

Le premier Etat musulman démocratique fut fondé et gouverné par le

Prophète (SWS). Ce fut la cité Etat de Médine qui était une confédération

de villages autonomes, habités par des musulmans, des juifs et des arabes

païens. La nature même de cet Etat exigeait une tolérance religieuse qui

fut reconnue dans l’élaboration de la première constitution dans l’histoire

de l’humanité. Cette constitution écrite a été conservée intégralement

jusqu’à nos jours et rédigée par le Prophète (SWS) en l’an 622 de l’ère

Coran (4,58) 190 > ل إن$� إن ا' .7��آ� أن #;دوا اT����ت Tه��9 و إذا =8,�� 6�4 ا ��س أن 83#,ا �48� �4 إنo�. �,�� 'ا ا��a4 ���,� ا' آ�ن <

191 R.Garaudy : pour un Islam du XXième siècle « charte de Séville – 18-21 juillet 1985

Page 238: Islam   et   culture   mai 2012

238

chrétienne. Elle comportait cinquante deux clauses et proclama, pour la

première fois dans l'histoire de l’humanité, la liberté confessionnelle, le

respect des diverses religions cohabitant dans la Cité, le concept politique

de la Nation, la fixation des frontières, la détermination de la

responsabilité sécuritaire commune, la solidarité sociale (assurance

sociale), la justice, les droits et devoirs du chef de l’Etat et des sujets, la

répartition des charges budgétaires, les institutions et enfin le régime

législatif reconnu de tous. M. Muqtedar Khan192 note que les idées

progressistes de tolérance et de compassion étaient l'essence même de

l'Islam : « A l'époque du prophète Mohammed, Médine était une "ville

vertueuse ». La ville était démocratique, multiethnique et

multiconfessionnelle. Les décisions étaient prises conformément à la

Choura, avec le consentement des non-musulmans. Les habitants étaient

traités avec respect. Ils menaient une vie conforme à l'éthique et la

politique cherchait à encourager le bien.

Le Prophète (SWS) a créé, à Médine, une communauté de type

radicalement nouveau, non plus fondée sur le sang et la race, ni sur la

possession d’un territoire, ni sur des rapports de force ou de marché, ni

même sur une histoire; en un mot sur rien qui découle du passé et qui soit

un héritage donné, mais une communauté fondée exclusivement sur la foi,

sur cette réponse inconditionnelle à l’appel de Dieu, dont Abraham a

donné l’exemple éternel. Une telle communauté est ouverte à tous, sans

considération d’origine. Rien n’est plus contraire à l’esprit de cette

192 M. Muqtedar Khan, directeur des études internationales et président du département de sciences politiques à Adrian College (Michigan)

Page 239: Islam   et   culture   mai 2012

239

« Oumma musulmane » que l’idée occidentale du « nationalisme » c’est à

dire d’un l’Etat justifié par une mythologie raciale, historique ou

culturelle, tendant à faire de la « nation » une fin en soi, en contradiction

avec l’unité humaine qui est une émanation du « Tawhid » et clé de voûte

de toute la vision islamique du monde. De même, le principe de

concertation coranique « Choura » exige, en tout domaine et à tous les

niveaux, que les membres de la communauté soient consultés pour

participer, sous le regard de Dieu, à l’élaboration et à l’application des

décisions dont dépend leur destin. Ce principe exclut à la fois tout

despotisme d’un homme, d’une classe ou d’un parti, comme toute forme

de démocratie purement statistique, déléguée et aliénée. En Islam, Dieu

créateur de l’homme est le mieux habilité pour lui fixer les lois qui lui

conviennent et lui assurent le bonheur et le succès aussi bien sur terre que

dans l’au-delà. En Islam, l’homme a l’entière responsabilité de ses propres

actes, il peut croire ou ne pas croire. S’il croit, alors il doit obéir aux lois

divines. En revanche, dans une législation laïque, la personne humaine

rejette toute révélation divine et se remet à elle-même pour faire les lois et

se gouverner. Contrairement à ce qu’affirment les laïques, le musulman

accepte la liberté de l’autre et forme avec lui un consensus de vie garanti

par les lois islamiques. L’Islam affirme bien qu’il n’y a aucune contrainte

en religion. On peut citer pour preuve les nombreuses communautés

chrétiennes et juives qui ont vécu pendant des siècles et qui continuent à

vivre à l’intérieur des Etats musulmans. Les minorités non musulmanes

ont le droit d’avoir leurs propres lois et leurs propres tribunaux. La seule

limite, que l’Islam impose aux sujets non musulmans vivant dans les Etats

musulmans, est de respecter l’Islam et de ne pas mener, en leur sein, des

actions de prosélytisme contre l’Islam.

Page 240: Islam   et   culture   mai 2012

240

La deuxième constitution moderne, instituée en tant qu'ensemble de lois

fondamentales déterminant la nature, la forme et toute la structuration de

l'Etat, est la Constitution française de 1789.

5.13 ARCHITECTURE193

Gulzar Haider « L’architecture nécessite le respect pour

la tradition et la culture comme les métaphores

traditionnelles, les allégories et symboles, sans quoi

l’architecture islamique ne pourrait pas encourager

l’expression entière de soi et l’identité, ni assurer l’unité

profonde de la Oumma (société musulmane) »

Il y a de nombreux monuments historiques qui témoignent de la grandeur

et de la splendeur de l’architecture et de l’organisation urbaine de l’âge

d’or de l’Islam. Il faut rappeler que la civilisation islamique est une

civilisation urbaine. Les formes géométriques dans l’art islamique

symbolisent l’archétype du monde. L’architecture traditionnelle et

l’urbanisation islamiques n’ont jamais été conçues dans un esprit de

défiance de la puissance humaine vis-à-vis de la nature. Dans les déserts

chauds, les voies d’accès étaient étroites pour empêcher le soleil du jour

de dissiper rapidement l’air frais de la nuit. Les tours de vent, situées à la

partie supérieure des maisons, captaient la brise fraîche pour ventiler les

maisons. Même l’architecture religieuse symbolisait l’harmonie avec la

193 Gulzar Haider, 'Islam and Habitat: a Conceptual Formulation of an Islamic City', The Touch of Midas, op. cit.

Page 241: Islam   et   culture   mai 2012

241

nature. La lumière et l’air pénétraient de façon naturelle à l’intérieur des

mosquées. Les cours des mosquées possédaient toutes une fontaine d’eau,

en plein air, destinée aux ablutions des fidèles et étaient emplies d’oiseaux

qui volaient et gazouillaient au dessus des croyants aux moments

solennels de la prière. Les constructions chauffées par le soleil, les

moulins à vent et les pompes éoliennes étaient des exemples d’utilisation

propre de l’énergie naturelle et renouvelable et représentaient des

technologies adaptées à leur environnement. Au Moyen Orient et

particulièrement en Perse, les musulmans ont perfectionné le système de

conduites d’eau (qanats), construit des canaux souterrains pour transporter

à longue distance et stocker l’eau afin de réduire son évaporation

superficielle et la protéger. Beaucoup de ces canaux fonctionnent encore

de nos jours. Gulzar Haider a développé la formulation conceptuelle de la

cité islamique et les principes de base de l'environnement islamique.

Qu’est-ce qu’on entend par architecture islamique et environnement

islamique? Cette question a été chaudement débattue, au sein des cercles

intellectuels musulmans, non pas seulement à cause de structures hideuses

dressées un peu partout dans le monde musulman à qui on a attribué le

label islamique, mais parce qu‘elles sont à l’origine d’une aliénation de

l’environnement.

- Aliénation de l’architecture islamique

$En abordant la nature islamique de l’architecture et de l’environnement,

on s’est surtout attaché aux formes et aux structures. Une mosquée est une

mosquée parce qu’elle a un minaret et un dôme, de belles mosaïques et

une belle calligraphie à l’intérieur. La forme géométrique de l’architecture

islamique, par exemple, a été conçue comme une fin en soi : arches,

méthode géométrique basée sur les formes circulaires et ainsi de suite.

Page 242: Islam   et   culture   mai 2012

242

Des aéroports, universités et même des villes ont été construits selon ces

règles, sans aucun cachet profond islamique et ce de l’aveu même de ceux

qui les utilisent. L’usage des formes et structures de l’architecture

islamique n’est qu’une fausse illusion. Il a été propagé largement par les

architectes, les planificateurs et consultants de l’Ouest, sans mentionner

ceux dont la pensée est dominée par la logique du linéaire et des formes

extérieures. Le fait, que certains d’entre eux construisent des mosquées,

des universités islamiques et postulent pour des concours ou prix

d’architecture islamique, représente une atteinte culturelle qui s’ajoute au

préjudice historique occasionné.

- Fondement de l’architecture islamique

Ce qui est vraiment islamique, dans l’architecture et l’environnement,

c’est avant tout l’atmosphère créée qui permet à l’homme de se rappeler

Dieu, de motiver son comportement selon la Charia et la Sunna et de

l’aider à promouvoir les valeurs tirées des concepts coraniques de base.

Une telle atmosphère crée une ambiance de vie dynamique ressentie et

vécue par les croyants. Elle n’est pas le résultat de formes extérieures,

même si celles-ci sont nécessaires. Elle est créée par la totalité du

système qui produit l’environnement: le principe du projet, la

méthodologie architecturale, les matériaux utilisés dans la construction,

les formes et structures des bâtiments et leurs relations avec

l’environnement naturel et les attitudes, la motivation et la vision des

personnes impliquées dans le système. L’environnement islamique ne

peut pas devenir une réalité contemporaine si l’on se base sur les

principes, les méthodologies et les technologies de construction à l’origine

Page 243: Islam   et   culture   mai 2012

243

de dystonie urbaine en Occident et son prolongement visible dans les

villes musulmanes. Ce système, comme Alison Raven194 l’affirme avec

force dans son ouvrage sur la refonte des villes (Remaking Cities), est une

faillite complète. On doit revoir et recréer les principes, les méthodologies

et les technologies de construction qui devront combiner et produire une

atmosphère qui est reconnue constamment et instinctivement comme

islamique. La cité islamique doit être une cité d’équilibre, de confiance et

de responsabilité : il s’agit d’assurer la liberté individuelle dans les limites

de la responsabilité collective en ayant à l’esprit qu’on doit rendre compte

de cette responsabilité envers Dieu. Ceci doit se faire conformément aux

normes de la Charia : « l'environnement islamique doit être la structure de

support de la Charia qui en est sa source ». Il faut rechercher l’équilibre

toujours délicat entre les droits de la collectivité et ceux de l’individu de

manière qu’il n’y ait pas d’antagonisme entre eux. Un tel environnement

produira la sécurité et la protection plus par la responsabilité sociale et

l’implication mutuelle que par des mesures coercitives de contrôle. Les

principes d’action, sont basés sur la sensibilité environnementale,

l’intégrité morphologique et la clarté symbolique.

5.13.1 Sensibilité environnementale

Elle implique que le projet d’un environnement islamique doit montrer du

respect pour la topographie naturelle en tenant compte de la topographie

du sol, des surfaces d’eau, des forets et du climat auquel il doit répondre

de la même manière que la dune est façonnée par l’action du vent. Ce

194 Alison Raven, Remaking Cities, Croom Helm, London, 1980.

Page 244: Islam   et   culture   mai 2012

projet ne doit pas causer de stress psychologique mais assurer un équilibre

entre ce qui est organique et ce qui est inerte (approche connue

aujourd’hui sous l’appellation d’approche écosystémique).

Figure 23

Il doit être sensible à la nature des outils et des matériaux utilisés. La

technologie n’est pas exempte de valeur et nécessite une stricte discipline

en matière de sélection, de développement et de mise en œuvre

pas servir de moyen d’aliénation.

5.13.2 Intégrité morphologique

Elle se rattache à l’intégration optimale

et qualité, au respect de l’intimité publique et privée et

l’échelle humaine à l’intérieur à la fois du système social et

l’environnement physique. De plus, elle dicte l’intégrité spatiale où la

forme suit l’espace et l’espace est adapté à la fonction. Elle doit

ARCHITECTURE

ENIVIRONNEMENT

SYMBOLISME

244

projet ne doit pas causer de stress psychologique mais assurer un équilibre

entre ce qui est organique et ce qui est inerte (approche connue

aujourd’hui sous l’appellation d’approche écosystémique).

: Architecture

Il doit être sensible à la nature des outils et des matériaux utilisés. La

technologie n’est pas exempte de valeur et nécessite une stricte discipline

en matière de sélection, de développement et de mise en œuvre, pour ne

Intégrité morphologique

se rattache à l’intégration optimale des dimensions, formes, échelles

respect de l’intimité publique et privée et à l’appréciation de

l’échelle humaine à l’intérieur à la fois du système social et de

l’environnement physique. De plus, elle dicte l’intégrité spatiale où la

forme suit l’espace et l’espace est adapté à la fonction. Elle doit assurer

ARCHITECTURE

ENIVIRONNEMENT

MORPHOLOGIE

Page 245: Islam   et   culture   mai 2012

245

une continuité étroite entre le fond et la forme. L’environnement

islamique, une fois délimité au plan physique, doit exprimer une

continuité infinie. L’intégrité morphologique dicte l’architecture

islamique qui doit achever son intégration et son ultime sens de l’unité et

des buts à travers la recherche des fonctions mutuelles, le sens, les

symboles, la géométrie, la gravité, l’énergie, la lumière, l’eau, les

mouvements et les liens différenciés et intégrés entre ces éléments et le

global et vice-versa.

5.13.3 Clarté symbolique

Elle nécessite le respect pour la culture (métaphores traditionnelles,

allégories et symboles) sans quoi l’architecture islamique ne pourra pas

encourager l’expression entière de soi et l’identité, ni assurer l’unité

profonde de la Oumma. Elle nécessite la création d’un langage des

éléments ainsi que l’exploration de leurs règles de composition pour

réaliser une syntaxe environnementale avec une signification sociale. Elle

constitue un grand enjeu pour la création d’un environnement qui soit une

expression réelle de la vie islamique. La mise en œuvre de ces principes

nécessite la recherche et le développement de nouvelles méthodologies et

technologies de construction ainsi que la redécouverte et la

réappropriation des techniques traditionnelles et des arts.

5.13 URBANISATION 195

La morphogénèse des cités islamiques et les tissus urbains comme les

Médinas, Casbahs, Ksours, répondaient principalement aux conditions

195 Gulzar Haider, 'Islam and Habitat: a Conceptual Formulation of an Islamic City', The Touch of Midas,op.cit.

Page 246: Islam   et   culture   mai 2012

246

physiques et climatiques du milieu de vie, aux réalités socioéconomiques

et aux besoins de sécurité qui prévalaient à l’époque.

Les cités présentaient une similitude frappante au niveau des paysages

urbains au sein du territoire islamique. Ce qui pose la question de savoir à

quoi est due cette unicité qui permet d’identifier facilement ces tissus

urbains ? Le facteur essentiel, qui a conduit à cette similitude, ne peut être

que le fruit d’une vision globale et d’une réglementation juridique

appliquées simultanément à l’ensemble des villes et régissant les normes

d’organisation et la gestion de l’espace urbain. On trouve des traces de

cette réglementation dans le manuscrit d’Ibn El-Imam du IXe siècle, qui

est un recueil de décisions émanant de juristes malékites sur diverses

questions de droit pratique se rapportant principalement à l’espace urbain

et aux rapports des propriétaires d’immeubles voisins entre eux et avec les

services de voirie. Ce manuscrit a été traduit en 1900 par le professeur

Barbier196. Il existe un autre manuscrit celui de Mohammed Ibn Ibrahim

El-Lakhmi197 qui se trouve à la bibliothèque générale de Rabat (Maroc) et

qui a été élaboré au XIVe siècle. Ce manuscrit porte sur la réglementation

de la construction. Il existe aussi l’ouvrage du juge Bourhan Eddine

Ibrahim Ibn Farhur El Maléki198, élaboré au XIVe siècle sous le titre de

guide des gouverneurs.

Baber Johansen199 a analysé l’espace urbain émanant de juristes hanifites

196 Barber : revue algérienne et tunisienne de législation et de jurisprudence 197 Mohammed Ibn Ibrahim El-Lakhmi : Kitab El-L’Ian Bi Ahkam El-Bounian (livre de la réglementation des constructions) 198 Bourhan Eddine Ibrahim Ibn Farhur El Maléki Tabsirat El Houkkam : guide des gouverneurs 199 Baber Johansen : The embracing town and its mosques : Revue de l’Occident musulman et de la Méditerranée , 1981

Page 247: Islam   et   culture   mai 2012

247

comme Chaibani, Abi Yusuf, Mas’ud Al Kachani. Il apparaît, à travers

ces divers documents, que le souci majeur, en amont de l’aménagement,

était celui de la gestion administrative urbaine.

Robert Brunshwing200 témoignait clairement de cette approche

juridique : «Il n’est point d’étude sérieuse d’urbanisme, sur le passé ou le

présent, qui n’ait à tenir compte de rapports juridiques, à envisager des

questions de droit…, l’urbanisme musulman du moyen âge n’échappe pas

à cette règle ». On va passer en revue les institutions urbaines et les

règlements juridiques201 qui assuraient la gestion de l’espace urbain à

savoir la Hisba, les Waqfs et la Chefa’a.

5.13.1 Hisba

Cette institution comprenait dans ses attributions la gestion urbaine. A sa

tête se trouvait un responsable en la personne du Mohtasib dont les

fonctions étaient l’entretien et la propreté des voies publiques, le respect

des normes de construction, l’organisation des activités urbaines pour

éviter les nuisances aux habitants par la fixation et la localisation des lieux

professionnels comme les ateliers, fours, forges, etc. Les corps de métiers

étaient regroupés géographiquement par type d’activités : contrôle des

corporations de métiers, contrôle des équipements et services publics qui

assurent les services de l’eau, les transports urbains, la protection et le

maintien des réserves foncières urbaines destinées à l’extension urbaine et

aux besoins des services publics, l’exécution d’expropriation pour utilité

200 Robert Brunshwing : Urbanisme médiéval et droit musulman , Revue des Etudes islamiques 1947 201 H. Abdelmalek : Influence de la Charia sur la gestion de l’espace urbain, journal l’éveil –20-21 Juin 1992

Page 248: Islam   et   culture   mai 2012

publique ordonnée par la justice et l’application des décisions de justice

relatives aux questions de voisinage.

Figure 24

5.13.2 Wafq

Le Wafq jouait un grand rôle dans le développement urbain

projets d’aménagement de grande envergure, de l’édification et de

l’entretien des infrastructures publi

de santé, des écoles, des medersas

fonction d’assistance sociale. A.Raymon

donnait une certitude de permanence pour l’opération envisagée, dans la

mesure où il assurait la continuité des revenus nécessaires à l’entretien

des monuments édifiés, en organisant avec précision la collecte des fonds

nécessaires et leur répartition entre les œuvres d’intérêt religieux ou

d’utilité publique, et en lui donnant un caractère intangible et perpétuel

URBANISATION

HISBA

CHEFAA

248

publique ordonnée par la justice et l’application des décisions de justice

relatives aux questions de voisinage.

: Urbanisation

Le Wafq jouait un grand rôle dans le développement urbain à travers les

d’aménagement de grande envergure, de l’édification et de

publiques comme la construction des centres

medersas et mosquées. Il assurait aussi la

ance sociale. A.Raymon faisait cette réflexion : «Le Wafq

donnait une certitude de permanence pour l’opération envisagée, dans la

mesure où il assurait la continuité des revenus nécessaires à l’entretien

des monuments édifiés, en organisant avec précision la collecte des fonds

saires et leur répartition entre les œuvres d’intérêt religieux ou

d’utilité publique, et en lui donnant un caractère intangible et perpétuel ».

URBANISATION

HISBA

WAFQ

Page 249: Islam   et   culture   mai 2012

249

Une réglementation urbaine202régissait la cité islamique et ne présentait

pas une délimitation précise entre l’espace public et privé, mais donnait la

priorité à l’espace public. Au niveau du tissu urbain, il y avait différents

degrés d’accessibilité à l’espace non bâti, avec une hiérarchisation de son

usufruit. Ce qui se traduisait par un schéma arborescent allant de la plus

grande voie fréquentée à la fois par les habitants et les passagers jusqu’à

l’impasse qui ne desservait plus que les riverains locaux. Des dispositions

juridiques fixaient les responsabilités en matière de copropriété et

d’entretien du patrimoine immobilier et régissaient les rapports de

mitoyenneté et les questions relatives au vis-à-vis. Les charges

administratives liées aux servitudes urbaines, comme la sécurité,

l’approvisionnement de la population, incombaient à la fois à l’Etat et aux

habitants. En ce qui concerne l’assainissement urbain, le droit coutumier a

constitué le fondement juridique pour désigner à qui doit incomber, par

exemple, la charge du curage des fosses sceptiques, l’entretien du réseau

d’égout, le branchement au niveau des impasses. Le droit de jouissance

des réseaux était subordonné à l’obligation de leur réfection.

5.13.3 Chefa’a

La Chefa’a était un droit privé qui avait d’importantes répercussions sur

l’espace urbain. Il s’agissait d’un droit de préemption qui donnait la

priorité en matière d’acquisition de terrain ou de propriété immobilière

aux habitants voisins les plus proches de leurs lieux. L’organisation des

cités islamiques, en quartiers plus ou moins fermés, était maintenue par ce

202 H. Abdelmalek : Influence de la Charia sur la gestion de l’espace urbain, journal l’éveil –20-21 Juin 1992

Page 250: Islam   et   culture   mai 2012

250

droit pour assurer la pérennité d’un équilibre social et d’un paysage

homogène et représentatif. Le but était la recherche d’un consentement

préalable des habitants pour tout nouvel arrivant dans le quartier. Ce qui

facilitait grandement son intégration sociale et le maintien de la

coordination sociale nécessaire à la vie en commun. Il faut rappeler que

les quartiers étaient considérés comme des circonscriptions élémentaires

organisées de la ville et les concertations sur l’utilisation de l’espace

urbain étaient assurées par un cheikh qui jouissait du respect collectif et

jouait le rôle connu aujourd’hui sous le nom de médiateur. En fait, la ville

était gérée par ses propres représentants et le principe de gestion de

proximité s’appliquait pleinement.

Page 251: Islam   et   culture   mai 2012

251

6. MOYEN AGE OU AGE D’OR DE L’ISLAM203, MOYEN AGE

OBSCUR DE L’OCCIDENT ET CONTRIBUTION DE L’ISLAM

A LA PENSEE HUMAINE204205

Stanwood Cobb, fondateur de Progressive Education Association

a écrit : « L’Islam fût le créateur virtuel de la Renaissance en

Europe 206».

Arthur Léonard a fait cette réflexion : « L’Islam a en fait

accompli une tâche immense. Il a laissé une trace indélébile dans

les pages de l’histoire humaine, qui ne pourra être pleinement

évaluée qu’au fur et à mesure du développement humain.».

Le prophète (SWS) a infléchi la pensée humaine de son penchant pour la

superstition, le surnaturel, l’inexplicable et l’orienta vers une approche

rationnelle de la réalité et vers une vie terrestre vertueuse et équilibrée.

Dans un monde où les événements surnaturels étaient des miracles

nécessaires pour faire la preuve de la véracité d’une mission religieuse, il

inspira le désir de preuve rationnelle et la foi comme seuls critères de

vérité. Il ouvrit les yeux de ceux qui étaient accoutumés, jusque là, à

rechercher des signes de divinités multiples dans l’occurrence des

phénomènes naturels. A la place de spéculations sans fondements, il

conduisit les hommes dans la voie de la compréhension rationnelle et du

raisonnement sain sur la base de l’observation, de l’expérience et de la

203 R Garaudy : Contribution historique de la Civilisation Arabe. Cahiers du Communisme 204 A.A Maudoudi : comprendre l’Islam -1985 205 M. Hamidullah : Initiation à l’Islam I I F S O 206 Cité par Robert.L. Gullik Jr dans « Mohammad the Educator »

Page 252: Islam   et   culture   mai 2012

252

recherche. Il a défini clairement les limites et les fonctions de la

perception sensorielle, de la raison et de l’intuition. Il souligna les

rapports entre les valeurs spirituelles et matérielles et harmonisa la foi

avec le savoir et l’action. Il créa l’esprit scientifique à l’aide de la religion

et élabora la perception du sentiment religieux sur la base de la foi en un

Dieu unique et omniprésent. Le Prophète (SWS) combattit l’idolâtrie, le

polythéisme sous toutes ses formes et donna naissance à une foi si ferme

en l’unicité de Dieu, que même les religions, entièrement basées sur la

superstition et l’idolâtrie adoptèrent progressivement l’approche

monothéiste. Il changea et précisa les conceptions fondamentales de la

morale et de la spiritualité. Il montra à l’homme sa vraie valeur et sa juste

position dans ce monde. A ceux qui croyaient que seuls l’ascétisme et la

mortification constituaient le critère de la pureté morale et spirituelle, que

la pureté ne pouvait être atteinte que par le renoncement à la vie terrestre

sans tenir compte des besoins physiques et en soumettant le corps à toutes

sortes de privations et de tortures, il montra que la voie de l’ascension

spirituelle, de la libération morale et du salut devraient passer par une

participation active et concrète aux affaires pratiques de ce monde et non

pas en dehors d’elles en décidant de s’isoler sur les plans physique ou

moral.

A ceux qui reconnaissaient seulement un Dieu incarné ou un fils de Dieu

comme leur précepteur moral ou spirituel, il expliqua que des êtres

humains comme eux, qui ne cherchaient pas à être adorés par d’autres, ne

pouvaient être considérés à titre de divinité ou d’intercesseur.

A ceux qui considéraient comme leurs dieux des personnages puissants et

les adoraient en tant que tels, il leur fit comprendre que ces faux dieux

Page 253: Islam   et   culture   mai 2012

253

étaient de simples êtres humains comme eux et rien de plus.

Il précisa que personne ne pouvait réclamer la sainteté, l’autorité et la

souveraineté comme un don de naissance et que personne ne naissait

intouchable, esclave ou serf. Il enseigna les notions de l’unité de

l’humanité, de l’égalité des humains, de la démocratie véritable et de la

liberté réelle. Si l’on quitte le domaine de la pensée et qu’on aborde le

domaine pratique, il existe d’innombrables traces d’orientation du

Prophète (SWS) dans les lois et les coutumes du monde. Il précisa les

principes qui lui doivent leur origine et prévalent dans le monde

d’aujourd’hui comme la bonne conduite, la culture et la civilisation, la

pureté de pensée et d’action. Les lois sociales qu’il a développées se sont

implantées profondément dans les structures humaines et ce processus se

poursuit jusqu’à nos jours. Les principes fondamentaux d’économie, qu’il

a enseignés, sont présents dans nombre de concepts socioéconomiques

développés au cours des siècles qui ont suivi l’avènement de son message

et il en sera vraisemblablement de même dans le futur. Les lois qu’il a

formulées ont amené de profonds bouleversements dans les théories

politiques du monde et continuent d’exercer leur influence de nos jours.

Les principes fondamentaux de droit et de justice, qui portent la marque

de son message, ont influencé, à un degré remarquable, l’administration

de la justice et forment un guide toujours valable pour une justice future.

Le Prophète (SWS) fut le premier à élaborer un cadre humain rationnel

pour les rapports internationaux et les lois en temps de paix et en temps de

guerre. Auparavant, l’idée n’avait effleuré personne qu’il pût exister un

code de l’éthique militaire et que les relations internationales puissent être

Page 254: Islam   et   culture   mai 2012

254

basées sur des lois207.

L’apport scientifique des musulmans à l’histoire est capital sur deux

points essentiels : l’authentification des documents d’une part et la

collection et la conservation des détails les plus variés d’autre part. Né en

pleine lumière des temps historiques et riche des enseignements

antérieurs, à la suite d’une longue série de révélations divines à travers

l’histoire, l‘Islam n’avait pas besoin de créer des légendes et de miracles

pour convaincre et drainer des adeptes. La révélation elle-même relatait

l’histoire détaillée et lointaine des peuples qui avaient jadis peuplé la terre

et son but était de donner une leçon à l’humanité pour l’amener à éviter de

refaire les mêmes erreurs et pour conforter les prophètes dans leur mission

vis-à-vis de leurs peuples. L’humanité, parvenue à un stade supérieur

d’intelligence et de raison, pouvait par elle-même juger de la valeur

universelle de la nouvelle révélation divine transmise par le Prophète

Mohammed (SWS). C’est pourquoi Dieu, qui a créé l’homme et veillé à

son évolution à travers les millénaires, a fait de la révélation islamique

Son dernier message à l’humanité.

Dans l’analyse de l’histoire des peuples anciens relatée par le Coran et

complétée par la Sunna, les musulmans accordaient à chaque récit la

valeur qu’il méritait, mais pour l’histoire courante de l’Islam lui-même, il

fallait concevoir et mettre en œuvre des moyens efficaces de contrôle pour

assurer la véracité et l’intégrité des faits et informations au cours du

temps. Jadis, on se servait beaucoup de l’attestation de témoins devant les

tribunaux judiciaires. Cette même méthode a été utilisée par les

207 Al-Jihad–Fi –Islam de A.A Maudoudi

Page 255: Islam   et   culture   mai 2012

255

musulmans dans le domaine de l’histoire et, pour chaque récit rapporté sur

le Prophète (SWS) ou ses compagnons, on exigeait le témoignage. Au

cours de la première génération qui a suivi le Prophète (SWS), on se

contentait d’un témoin digne de confiance, ayant assisté à l’événement

considéré. Durant la deuxième génération, il devenait obligatoire de citer

au moins deux sources crédibles. Au cours de la troisième génération, on

exigeait trois sources et ainsi de suite. Cette démarche a permis de veiller

à l’authenticité de la chaîne des sources successives de transmission en

citant des références bibliographiques qui précisaient non seulement le

profil des témoins individuels mais aussi les noms de leurs maîtres et leurs

principaux élèves. Ce genre de témoignage a été appliqué non seulement à

la vie du Prophète (SWS) mais aussi à toutes les branches scientifiques du

savoir, transmises d’une génération à une autre. L’enregistrement des faits

concernait également les anecdotes qui, en dehors de leur rôle

d’amusement et de passe-temps, constituaient une partie importante du

patrimoine culturel et permettaient une éducation populaire civique et

morale.

Il faut rappeler une spécificité du monde islamique : ce sont surtout les

grands parents qui jouent le rôle de la transmission orale, au sein de la

famille musulmane, des connaissances et en particulier sur l’histoire. Tout

en divertissant les enfants et les petits enfants, par les belles histoires

tirées du patrimoine historique de l’Islam, ils développent l’éveil de

l’esprit et transmettent le savoir. Etant plus disponibles que le père et la

mère, les grands parents contribuent beaucoup à la formation des enfants.

Ils jouent successivement le rôle de conteur, d’interprétateur et

d’éducateur. Ce qui explique le grand attachement des enfants à leurs

Page 256: Islam   et   culture   mai 2012

256

grands parents à travers l’intérêt et la curiosité qu’ils portent à leur riche

enseignement et à leur affection. Ces grands parents représentent en

somme une mémoire vive qui se transmet de génération en génération et

une référence pour les jeunes enfants. Ce rôle explique, outre le principe

de solidarité et de cohésion de la cellule de base familiale, l’importance du

respect donné par Dieu aux gens âgés en faisant obligation aux enfants de

prendre soin de leurs parents et de les prendre en charge, au cours de leur

vieillesse, en leur apportant l’aide spirituelle et matérielle. On peut dire

que les liens familiaux sont le liant de base de la civilisation islamique.

Les dictionnaires bibliographiques sont une caractéristique de la littérature

des musulmans. On les rédigea selon les métiers, selon les villes ou

régions, selon les siècles, etc. On attachait une importance particulière aux

tables généalogiques en restituant avec beaucoup d’exactitude et de soin la

longue chaîne parentale de plusieurs milliers de personnes. Ce qui facilita

beaucoup la tache du chercheur qui voulait remontait à l’origine des

événements. Le musulman se soucie de l’histoire, de ses racines

généalogiques et la considère comme une nécessité d’ordre naturel.

Quant à la méthodologie historique proprement dite, elle avait un

caractère universel. Par exemple, Tabarî, l’un des plus anciens historiens

musulmans, non seulement commence ses chroniques et volumineuses

annales avec la création de l’univers, l’histoire d’Adam mais il parle

également de toutes les races connues de lui, selon les possibilités de son

époque. Cette tache a été poursuivie avec acharnement et de façon

intensive par ses successeurs : Mas’oudi, Misawaih, Sâid El Andalousi,

Rachid Eddin Khan et autres. Il est important de souligner que ces

historiens, à commencer par Tabarî, entament leurs ouvrages par une

Page 257: Islam   et   culture   mai 2012

257

discussion sur la notion de temps. Ibn Khaldoun poussera très loin les

études historiques, sociologiques et philosophiques dans ses célèbres

prolégomènes à l’histoire universelle.

Au cours du premier siècle de l’Hégire, deux branches de l’histoire

s’étaient développées : l’histoire islamique (commençant par la vie du

Prophète (SWS) et continuant par celle des califes) et l’histoire non-

islamique tant de l’Arabie préislamique que des pays étrangers comme le

royaume de Perse, l’empire de Byzance, etc. Par la suite, ces deux

branches fusionnèrent comme dans le cas des écrits de Rachid Eddin

Khan composés simultanément en langues arabe et persane et qui parlent

des prophètes, des califes, des papes, des rois de Rome, de Chine, de

l’Inde, de la Mongolie, etc.

L’éminent écrivain anglais, Robert Briffault, rendant un vibrant hommage

aux enseignements du Prophète Mohammed (SWS), écrit : «L'idée de

liberté pour tous les êtres humains, de la fraternité humaine, de l'égalité

de tous les hommes devant la loi du gouvernement démocratique, par le

truchement de la consultation et du suffrage universel, les idées qui

inspirèrent la Révolution française et la Déclaration des Droits de

l'homme, qui avaient structuré la Constitution Américaine et enflammé la

lutte pour l'indépendance, dans les pays de l'Amérique latine; Tous ces

concepts - affirme-t-il - ne furent pas les inventions de l'Occident; ils

trouvèrent leur inspiration et leur source ultime dans le Coran Sacré.

C'est la quintessence - ajoute-t-il - de ce que l'intelligentsia de l'Europe

médiévale avait appris de l'Islam, pendant des siècles, au sein des sociétés

diverses qui s'étaient développées en Europe, dans le sillage des

Croisades, et, en imitation des associations de la grande famille de

Page 258: Islam   et   culture   mai 2012

258

l'Islam. Il était hautement probable que, sans les Arabes, la civilisation

européenne moderne, n'aurait jamais vu le jour; et il est absolument

certain que, sans eux, la civilisation occidentale n'aurait, guère, emprunté

ce cachet, qui lui a insufflé le pouvoir et la faculté de transcender toutes

les phases de l'évolution208 ».

Le premier siècle de l’Islam a été un siècle de conquête et de diffusion de

la religion islamique. Au VIIe siècle, Michel le Syrien apporte un fort

témoignage sur la situation de l’Eglise en Syrie au moment de la conquête

islamique. Après avoir rappelé les rigueurs romaines qu’eurent à subir les

Jacobites qui n’acceptèrent pas l’union d’Héraclius, il écrit : «…le Dieu

des vengeances ….voyant la méchanceté des Romains qui, partout où ils

dominaient, pillaient cruellement nos églises et nos monastères et nous

condamnaient sans pitié, amena du Sud les fils d’Ismaël, pour nous

délivrer d’eux…Ce ne fut pas un léger avantage pour nous d’être délivrés

de la cruauté des Romains, de leur méchanceté, de leur colère, de leur

cruelle jalousie et de nous retrouver en repos.».

La deuxième période qui a commencé en 750 et qui est allée jusqu’à l’an

900 correspond principalement à une phase d’assimilation des

connaissances anciennes. C’est l’âge des traductions avec l’avènement de

la fabrication, à partir du coton, du papier à l’époque d’Haroun Al Rachid

(mort en 809). Avant la fin du IXe siècle, Aristote, Galien, Platon,

Ptolémée et Archimède étaient traduits en Arabe. De 813 à 833, à une

époque où l’Europe ne savait plus lire, le calife Al Mamoun fonde à

Bagdad, avec des légions de traducteurs, une bibliothèque immense, la

208 Robert Briffault Hundred Great Muslim

Page 259: Islam   et   culture   mai 2012

259

« Maison de la Sagesse » grâce à laquelle les découvertes de l’Hellénisme

deviennent accessibles à tous les lecteurs du Coran. Plus tard, le calife El

Hakem de Cordoue, possède déjà 400.000 volumes. Le roi de France,

Charles le Sage, réunira à peine 600 volumes 400 ans plus tard. Le point

culminant de cette période d’assimilation a été l’œuvre d’Al Kindi (né

vers 850). Reprenant la vision du monde d’Aristote, il constitua la plus

grande « encyclopédie » que le monde ait jamais connue avant la

« Somme théologique de Saint Thomas d’Aquin » (écrite trois siècles plus

tard). L’œuvre d’Al Kindi, traduite en latin par Gérard de Crémone, sera

pour plusieurs siècles la base de l’éducation de l’Occident. La culture

musulmane annonce ainsi l’ aspect « humaniste » de la Renaissance avec

la résurrection du passé. Elle apparaît déjà comme un relais ou trait

d’union entre la culture arabe et la civilisation moderne. La conquête

arabe a régénéré l’Occident en lui restituant toute la science hellénique

que l’Europe a laissé perdre et était incapable de retrouver par elle-même.

6.1 PENSEE EXPERIMENTALE ET PRATIQUE

La civilisation islamique a assimilé le passé et a réussi, grâce aux

transformations socioéconomiques qu’elle a engendrées, à transmettre les

acquis historiques du passé de l’humanité à la civilisation moderne. Les

merveilleuses découvertes scientifiques et techniques de la période

hellénistique des IIe et IIIe siècles de notre ère n’avaient pas réussi à

transformer le monde pour des raisons économique et sociale : l’extension

de l’esclavage avait empêché la technique scientifique de bouleverser

l’ordre économique. L’exploitation d’une forte population d’esclaves,

acquis à des prix dérisoires, était plus avantageuse que la mise en œuvre

Page 260: Islam   et   culture   mai 2012

de machines. La culture hellénique avait ainsi avorté et n’avait pas pu

donner naissance à une nouvelle civilisation.

Figure 25 : Moyen âge ou âge d’or

La civilisation islamique, en balayant le régime féodal et ses hiérarchies

parasitaires, en fondant un empire immense où la liberté des échanges à

grande échelle et des idées était totale, a fait faire à l’économie et aux

sciences un bond considérable en raison de buts pratiques et utilitaires

qu’elle leur a assignés. En détruisant le cloisonn

l’économie, en instituant une loi écrite et une administration régulière, la

conquête islamique a permis le brassage des choses, des hommes et des

idées indispensables aux grandes périodes créatrices de l’humanité. Les

découvertes scientifiques et techniques de la période helléniste ont trouvé

dans la nouvelle civilisation les conditions propices à leur application. La

civilisation antique, qui était sclérosée à Byzance

dessus du nouvel empire islamique.

MOYEN ÂGE

ÂGE D'OR

PENSEE

DEVELOPPEMENT

DROIT

260

de machines. La culture hellénique avait ainsi avorté et n’avait pas pu

donner naissance à une nouvelle civilisation.

: Moyen âge ou âge d’or

en balayant le régime féodal et ses hiérarchies

en fondant un empire immense où la liberté des échanges à

grande échelle et des idées était totale, a fait faire à l’économie et aux

sciences un bond considérable en raison de buts pratiques et utilitaires

. En détruisant le cloisonnement féodal de

l’économie, en instituant une loi écrite et une administration régulière, la

conquête islamique a permis le brassage des choses, des hommes et des

idées indispensables aux grandes périodes créatrices de l’humanité. Les

ques et techniques de la période helléniste ont trouvé

dans la nouvelle civilisation les conditions propices à leur application. La

sclérosée à Byzance, reprit ainsi son envol au

dessus du nouvel empire islamique.

MOYEN ÂGE

OU

ÂGE D'OR

PENSEE

SCIENCES

PHILOSOPHIE

Page 261: Islam   et   culture   mai 2012

261

6.2 DEVELOPPEMNT DES SCIENCES

Pour les musulmans qui sillonnaient les déserts, les terres et les mers, la

géographie et surtout la géographie astronomique étaient une nécessité

vitale. Ils construisirent les premiers grands observatoires du monde, ceux

de Samarkand, de Bagdad, de Damas, du Caire et de Cordoue. Ils étaient

les premiers à mesurer le degré du méridien, à calculer exactement

l’obliquité de l’écliptique et la précession des équinoxes. L’astrolabe,

inventé par Ptolémée, est reconstruit vers 770 par Al Fazari et largement

perfectionné aux siècles suivants. El Khawarizmi, en traduisant Ptolémée

vers 834, construit une conception cohérente des latitudes et des

longitudes. Tout en établissant pratiquement les itinéraires pour

l’administration de l’empire islamique, les géographes et astronomes

arabes maintiennent vivante l’idée de la sphéricité de la terre que niaient

les théologiens de la Chrétienté. Ce progrès théorique, lié à une supériorité

technique, dont ne parlent d’ailleurs ni Lefebvre-Des-Nouettes, ni La

Roncière dans leur histoire de navigation, assura aux musulmans une

hégémonie absolue dans toute la Méditerranée. Ibn Khaldoun écrit sur

cette époque : « Les Chrétiens ne purent plus faire flotter une planche en

Méditerranée ».

Le moine Gerbert, qui fut pape en 999 sous le nom de Sylvestre II, passa

pour avoir trafiqué avec le diable lorsqu’il revient dans la Chrétienté,

après un stage consacré à la science astronomique à l’université

musulmane de Cordoue.

El Khawarizmi retrouva, vers 835-844, la méthode de résolution des

équations de second degré que connaissaient les Grecs.

Page 262: Islam   et   culture   mai 2012

262

Le mathématicien Omar Khayyam (mort en 1123) réussit à résoudre les

équations du 3e degré avec la même méthode qu’emploiera Descartes cinq

siècles plus tard, posant ainsi les fondements de la géométrie analytique.

En géométrie, Thabit Ibn Qurra dépasse Euclide et en trigonométrie, c’est

Abul Wafa et non Copernic qui découvrit la sécante.

El Farabi découvre les logarithmes en étudiant les intervalles musicaux et

Ibn Sina (Avicenne) étudie les quantités infinies.

En chimie comme certains noms le rappellent (alcali, alcool, alambic,

élixir, etc. ), les musulmans apportent à l’Occident les méthodes de

distillation, sublimation, cristallisation, congélation et des produits

nouveaux comme le potassium, l’ammoniac, l’acide nitrique, l’eau régale

et le sublimé corrosif.

En médecine, Al Rhazi (Rhazès, 865-925) fut l’un des plus grands

médecins de tous les temps qui, unissant l’esprit d’observation et l’esprit

expérimental, établit un classement méthodique et systématique des

maladies. L’encyclopédie médicale, qu’il écrivit, fut traduite en latin par

Farragui sur ordre de Charles Ier d’Anjou et sera rééditée 40 fois de suite

en Angleterre de 1498 à 1866. En pleine renaissance de l’Occident, elle

sera rééditée à Vienne en 1520 et à Francfort en 1588. Bref, pendant un

millénaire jusqu’à Claude Bernard, la médecine musulmane a orienté la

médecine de tous les peuples du monde. C’est grâce aux médecins

musulmans venus d’Espagne que la Faculté de Montpellier doit son

premier prestige. Dès 1153, la célébrité des médecins de Montpellier,

disciples des musulmans, est attestée par Saint Bernard. Il faut rappeler

que Rabelais a été étudiant de cette université.

Page 263: Islam   et   culture   mai 2012

263

Les nécessités de négoce et de la comptabilité amenèrent les Musulmans

comme autrefois les Phéniciens, à bouleverser l’arithmétique : la

découverte des chiffres arabes et l’invention du zéro sur lesquels repose

tout le système de la numération décimale. Ainsi fut accomplie la

deuxième révolution des mathématiques de l’histoire depuis les

Phéniciens. L’Europe ne connut ces inventions que par les Arabes et 250

ans après eux au XIIe siècle. Vers le milieu du Xe siècle, les musulmans

(dont les premiers chantiers de construction navale avaient été ouverts à

Tunis à la fin du VIIe siècle) ont atteint les abords de Canton en Chine

(peut-être la Corée et le Japon). Un demi-millénaire plus tard en 1498,

quand Vasco de Gama atteindra Mélinde sur la côte orientale de l’Afrique,

c’est un pilote musulman qui lui enseignera la route de l’Inde. C’est un

musulman, Ahmed Ibn Mahjid qui a écrit un traité sur la navigation

maritime dans l’Océan Indien, la Mer rouge, le Golfe Persique et la Mer

de Chine. Ce traité servit de base aux Portugais pour les études de

navigation sous Henri le Navigateur. C’est un calife qui eut le premier

l’idée du percement de l’isthme de Suez et qui n’y renonça que pour des

raisons stratégiques de défense et de sécurité.

6.3 PHILOSOPHIE RATIONALISTE

Les musulmans développèrent la philosophie rationaliste et l’esprit

critique d’analyse. L’esprit, qui caractérise cette philosophie, était orienté

vers les problèmes quotidiens des hommes (à une époque où la Chrétienté

était plongée dans la mystique et la scolastique, quand ce n’était pas dans

l’ignorance).

Ibn Sina (Avicenne, 980-1037), médecin et philosophe et après lui Ibn

Rochd (Averroès, 1126-1198), grand philosophe de Cordoue juriste et

Page 264: Islam   et   culture   mai 2012

264

physicien, ont postulé cinq siècles avant Descartes, le droit de soumettre

tout sauf les dogmes révélés par Dieu au jugement de la raison. Ils ne sont

pas, comme le fera croire, pour des siècles, le commentateur nordique

Siger de Brabant, les apôtres de l’incroyance mais les véritables pionniers

de l’esprit critique et du rationalisme moderne en restant de vrais croyants.

Dante le comprenait bien, lui dont la pensée était toute imprégnée de la

pensée musulmane et qui rend à Averroès un si bel hommage au chant IV

de l’Enfer. Roger Bacon209, le penseur le plus grand et le plus libre de

l’Occident au XIIIe siècle, leur rendait cet hommage célèbre « La

philosophie est tirée de l’Arabe et aucun latin ne pourra comprendre

comme il convient la sagesse de l’Ecriture Sainte et de la philosophie s’il

ne connaissait pas les langues dont elles sont traduites ». Ainsi la religion

musulmane et la langue arabe seules étaient nées dans la péninsule

d’Arabie mais les arts, les sciences et la philosophie naquirent de l’Empire

musulman, lorsque les musulmans passèrent des tentes en poils de chèvre

et de chameaux aux palais de marbre et des raids de guerriers du désert à

la domination impériale des califes. Le monde était tiré de sa torpeur. Les

pensées anciennes et les institutions mortes ressuscitèrent ou rajeunirent.

Les mondes morts de Mésopotamie et d’Egypte, de Perse et d’Hellénisme

refleurirent et l’humanité put reprendre sa marche victorieuse dans le

courant perpétuel de l’histoire. La philosophie de la civilisation islamique

n’enseigne pas l’évasion, ni le détachement du monde réel. Son idéologie

ne fut pas à l’origine professée par des esclaves mais par des conquérants.

209 Metalogicus IV, 6

Page 265: Islam   et   culture   mai 2012

6.4 DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE ET SOCIAL

Les institutions apportées par l’Islam

caractéristiques d’une civilisation marchande par opposition à une société

féodale. Quand on parle de civilisation marchande

le plan historique où cette civilisation a permis de

socioéconomique fermé et compartimenté par la féodalité à un système

ouvert à grande échelle qui a permis

subsistance à une économie d’échanges

globe unifiés par l’empire musulman. Le système des impôts, le régime de

propriété et l’organisation communale en témoignent.

Figure 26 : Développement en Islam

6.4.1 Système des impôts

Les impôts en Occident, au cours du

l’exploitation des terres. Avec l’Islam

d’impôts sur les biens personnels et les revenus à travers la Za

Occident, c’est après les croisades

type d’impôts a été institué sur les personnes et les revenus

sous Louis VII en 1146 et 1165, et en Angleterre

DEVELOPPEMEN

COMMUNES

265

NT ECONOMIQUE ET SOCIAL

Les institutions apportées par l’Islam, au sein du grand empire, sont

caractéristiques d’une civilisation marchande par opposition à une société

. Quand on parle de civilisation marchande, c’est pour se placer sur

le plan historique où cette civilisation a permis de substituer à un système

socioéconomique fermé et compartimenté par la féodalité à un système

ouvert à grande échelle qui a permis de passer de l’économie locale de

subsistance à une économie d’échanges couvrant de larges territoires du

globe unifiés par l’empire musulman. Le système des impôts, le régime de

propriété et l’organisation communale en témoignent.

Développement en Islam

au cours du moyen âge, portèrent uniquement sur

l’Islam, apparaît le nouveau système

les biens personnels et les revenus à travers la Zakat. En

après les croisades et par imitation des musulmans, que ce

sur les personnes et les revenus : en France,

et en Angleterre, sous Henri II en 1166.

DEVELOPPEMENT

IMPÔTS

PROPRIETE

Page 266: Islam   et   culture   mai 2012

266

6.4.2 Régime de la propriété

La sunna fournit la règle d’or du régime de la terre « Dieu dit que ne peut

être propriétaire de la terre que celui qui l’exploite personnellement » et

encore « personne ne doit porter le fardeau d’un autre ». Il est dit aussi

« que celui qui vivifie une terre en devient le propriétaire ». Charles

Gide210reconnaît « Le législateur musulman n’admet la propriété

individuelle que sur les terres qui ont fait l’objet d’un travail effectif ». Ce

principe, que seul le travail fonde la propriété, est si bien respecté par

l’Islam que la conquête engendrant l’acquisition de la propriété n’a pas été

admise en droit musulman. Ce principe a supprimé celui des Romains

basé sur le droit d’en user et d’en abuser. Un corollaire de cette

conception de la propriété, est le respect de la notion de base du travail à

une époque où l’Europe chrétienne privilégiait la contemplation ou les

armes et réservait aux serfs les charges liées au travail. La loi musulmane

favorisait toute activité pratique, tenait en grande estime le travail,

l’agriculture, le commerce et demandait à l’homme de vivre du travail de

ses mains et condamnait ceux qui vivaient du travail des autres.

6.4.3 Organisation communale

Le système des corporations de métiers, que l’Europe connaîtra avec

plusieurs siècles de retard, apparaît au IXe siècle dans les

compagnonnages des Carmâtes. Le régime des « communes », qui

n’apparaît en Europe qu’après les croisades, existe depuis longtemps dans

le monde musulman avec ses institutions caractéristiques. Dans les cités

210 Cours d’économie politique – tome II page 236

Page 267: Islam   et   culture   mai 2012

267

commerçantes de l’Islam, c’est le « Muhtasib » (prévôt des marchands)

qui contrôle l’activité économique et garantit l’ordre moral. Le régime

politique des cités marchandes de l’antiquité réapparaît en Occident grâce

aux musulmans assurant, par Byzance, le relais de la civilisation. Ce n’est

pas par la conjugaison des hasards, qu’en Espagne, où l’influence de

l’Islam a été la plus profonde, qu’apparaît avec les Cortès, le premier

parlement de l’Europe comme le symbole de la démocratie des temps

modernes. C’est dans les villes espagnoles que se sont constitués les

modèles de la vie municipale avec des budgets autonomes et des

magistratures électives, en même temps que se développaient une

agriculture scientifique, des réseaux hydrologiques, de puissantes

industries de tissus, de métaux et de cuir et la plus belle marine de

l’Europe : celle qui redécouvrira l’Amérique.

6.5 DEVELOPPEMENT DU DROIT

Dans le domaine du droit, on peut considérer que les musulmans ont été

les pères et les véritables précurseurs du droit civil, pénal et

particulièrement du droit international des temps modernes. Tirant ses

sources du Coran et grâce à la richesse et la vaste étendue du message

islamique qui couvrait de nombreux domaines du droit, la science

juridique s’est développée de très bonne heure chez les musulmans. Ce

sont eux qui, les premiers au monde, ont pensé à une science abstraite du

droit, toute distincte du régime général des lois. Toutes les civilisations

anciennes avaient des lois plus ou moins développées et codifiées. Mais

une science, qui eût parlé de la philosophie et des sources de la loi, de la

méthode de législation, d’interprétation et d’application, n’avait jamais

effleuré l’esprit des juristes avant les musulmans. C’est à partir du

Page 268: Islam   et   culture   mai 2012

268

deuxième siècle de l’Hégire, qu’apparurent les premiers ouvrages arabes

dans ce domaine, sous le nom de « Coucoulas El Fikh ».

Le droit international, dans l’antiquité, n’était ni un droit et encore moins

un droit international. Il faisait partie de la politique et était un domaine

réservé à la simple discrétion des hommes d’Etat. Son application ne

concernait qu’un nombre restreint d’Etats considérés comme pays amis,

habités par des gens de même race, de même religion et de même langue.

Les musulmans furent les premiers à lui donner une place de choix dans le

système juridique, créant le double volet des droits et des devoirs. Depuis

longtemps, les règles du droit international font l’objet d’un chapitre

particulier dans les codes et traités du droit musulman. Le plus ancien

traité répertorié est le « Majmou’ » de Zaid Ibn ‘Ally élaboré en l’an 120

de l’Hégire (737 de l’ère chrétienne) qui comprend un volet consacré au

droit international. Les Musulmans ont fait, de cette branche du droit, une

science indépendante : des monographies sur le sujet, sous le titre

générique « Syar » ont vu le jour vers le milieu du premier siècle de

l’Hégire. La première et importante caractéristique de ce droit

international est la non discrimination entre les divers étrangers comme ce

fut le cas avant l’Islam. Faisant abstraction des rapports entre Etats

musulmans (Arabes ou non), il ne traite que des relations avec les Etats

non-musulmans du monde entier (l’Islam devant en principe former une

seule communauté islamique). Un autre apport du droit musulman est sa

contribution à la jurisprudence comparée : l’apparition de nombreuses

écoles du droit musulman avait nécessité ce genre d’étude pour dégager

les raisons des différences et les effets de chacune d’elles sur un point

juridique quelconque. La construction écrite de la structure d’Etat est

aussi une importante innovation et a constitué la naissance de ce qu’on

Page 269: Islam   et   culture   mai 2012

269

appelle la constitution sur laquelle repose aujourd’hui la plupart des Etats

du monde. La première constitution mondiale concernait la cité-Etat de

Médine et a été élaborée et rédigée par le Prophète (SWS). Cette

constitution élaborée en l’an 622 de l’ère chrétienne, qui nous est

parvenue jusqu’à nos jours, comprend cinquante-deux (52) articles et

précise les droits et les devoirs respectifs du chef, des organes de l’Etat et

des citoyens et couvre les affaires administratives, législatives, juridiques

et militaires. Dans le domaine du droit proprement dit, les codes sont

apparus au VIIIe siècle de l’ère chrétienne. On divisait les matières en trois

parties : le culte, les rapports contractuels de toutes sortes et les pénalités.

Par sa conception simple et compréhensive de la vie, le droit musulman ne

fait pas de séparation entre la mosquée et la cité. La doctrine de l’Etat ou

le droit constitutionnel faisait lui-même partie intégrante du culte. Le

dirigeant ou le responsable local était lui-même le dirigeant de l’office de

la prière. Le fisc et les finances faisaient aussi partie du culte, puisque le

Prophète (SWS) les avait déclarés un parmi les quatre piliers de l’Islam.

Le droit international faisait partie des pénalités, la guerre étant considérée

sur le même plan que l’action contre les pillards, les pirates et autres

contrevenants aux lois et traités. Il faut mentionner que beaucoup

d’auteurs occidentaux, qui ont étudié le droit musulman comme le docteur

Santalina et le professeur Lake Olmann211, ont demandé la prise en

compte du droit musulman comme une source importante du droit

international. Le Congrès international tenu à la Haye en 1932, a retenu la

législation islamique comme l’une des quatre sources du droit comparé.

211 Les droits de l’homme en Islam par le Professeur Iyane THIAM –J- E M du 05 Avril 1990

Page 270: Islam   et   culture   mai 2012

270

7. APPORT ISLAMIQUE A LA RENAISSANCE EN OCCIDENT212

L’historien Robert Briffault reconnaît dans son livre ‘‘ The

Making of Humanity ’’ : « Il est fort probable, que sans les

Arabes, la civilisation européenne n’aurait jamais acquis ce

caractère qui lui a permis de transcender toutes phases antérieures

d’évolution. Car, bien qu’il n’y ait pas un seul aspect du

développement humain, dans lequel l’influence décisive de la

culture de l’Islam ne soit pas évidente ; nulle part, elle n’est plus

claire et importante que dans la genèse de cette puissance qui

constitue la force suprême caractéristique du monde moderne et la

source suprême de sa victoire: les sciences naturelles et l’esprit

scientifique. Ce que nous pouvons appeler science a résulté en

Europe d’un nouvel esprit de recherche, de nouvelles méthodes

d’investigation, d’expérimentation, de l’observation et de la mesure

du développement des mathématiques sous une forme inconnue des

grecs. Cet esprit et cette méthode furent introduits, dans le monde

européen par les Arabes213 ».

Au sortir du Moyen âge, l’Orient n’a pas été seulement l’éducateur de

l’Europe en présentant les modèles de ces hommes complets comme Al

Buruni (973-1068), médecin, astronome, mathématicien, physicien,

géographe, historien, dont l’universalité caractérise les civilisations à leur

apogée. En donnant à l’Europe des modèles de système d’éducation, les

académies musulmanes avec leurs bibliothèques, leurs facultés, leurs

plans d’étude, leurs disciplines, leurs grades universitaires, leurs étudiants

212 R Garaudy : Contribution historique de la Civilisation Arabe. Cahiers du Communisme 213 R. Briffaut :The Making of Humanity

Page 271: Islam   et   culture   mai 2012

271

étrangers groupés en nations, ont d’abord essaimé dans l’Europe

musulmane: à Salerne en Sicile, à Cordoue en Espagne puis dans l’Europe

chrétienne qui a suivi et imité ces modèles avec ses universités de

Bologne, de Paris, de Montpellier, d’Oxford, au XIIIe siècle. Les pensées

qui naquirent dans les cités de l’Islam anticipèrent déjà sur le siècle de la

Renaissance. La figure la plus connue est celle d’Ibn Khaldoun à la fois

savant et artiste, homme de guerre, philosophe qui, par l’universalité de

son génie, est déjà en plein XIVe siècle (1332 - 1406) semblable aux

génies de la Renaissance. Devant cet homme le plus grand qui soit, né à

Tunis où il y fit ses études, le plus féroce des conquérants Tamerlan

s’arrêta, saisi de respect et d’admiration et le laissa quitter Damas avec ses

compagnons en l’an 1400. En lisant les «Prolégomènes» d’Ibn Khaldoun,

un occidental trouve, en plein XIVe siècle, le précurseur de Machiavel, de

Descartes et de Montesquieu, de trois siècles d’humanisme, lorsqu'Ibn

Khaldoun pose sous une forme concrète et scientifique le problème

politique : comment s’établit la souveraineté ? Quelle est l’origine des

dynasties ? Comment se fonde une dynastie ? Ibn Khaldoun atteint une

maîtrise et une profondeur de pensée qui n’a pas été dépassée au XVIe

siècle dans le « Prince » de Machiavel. En établissant les règles d’une

histoire scientifique et d’une sociologie, il égale et dépasse « l’Esprit des

lois » de Montesquieu. Il définit d’abord la critique historique à une

époque où l’Europe ne connaissait que des chroniqueurs. Ibn Khaldoun

disait « le but poursuivi est d’établir une règle sure pour distinguer, dans

les récits, la vérité de l’erreur. Un instrument qui permette d’apprécier les

faits avec exactitude, tel est le but que nous nous sommes proposés ». Le

ton des « Prolégomènes » évoque sans aucun doute le « Discours de la

Méthode » de Descartes. Alors que l’histoire était demeurée purement

Page 272: Islam   et   culture   mai 2012

272

narrative et descriptive jusqu’au milieu du XVIIIe siècle, Ibn Khaldoun

concevait une histoire explicative et causale : « m’introduisant par la

porte des causes générales, dans l’étude des faits particuliers, j’embrasse,

dans un récit compréhensif, l’histoire du genre humain. J’assigne aux

événements politiques leurs causes et leurs origines ». Conscient de

l’originalité de sa méthode, Ibn Khaldoun fondait une science nouvelle :

« les discours dans lesquels nous allons traiter cette matière, formeront

une science nouvelle qui sera aussi remarquable par l’originalité de ses

vues que par l’étude de son utilité. Nous l’avons découverte à force de

recherches et à la suite de profondes méditations ». Ibn Khaldoun ne

fonde pas seulement une philosophie de l’histoire mais il inaugure

l’histoire scientifique. L’observation domine chez lui le raisonnement

abstrait. Il note l’influence de l’habitat et de l’économie sur la vie des

nations. Il étudie le mécanisme des sociétés, fondées sur l’entraide

économique et la division du travail. Il classe les peuples et les formes

sociales selon le mode de production économique. Il donne cette lucide

définition du matérialisme historique : «les différences, qu’on remarque

dans les usages et les idées des divers peuples, dépendent de la manière

dont chacun d’eux pourvoit à sa subsistance».

Le Prophète de l’Islam (SWS) fut un pionnier des temps modernes. Il est

un guide pour les musulmans mais aussi pour ceux qui dénient son

autorité de prophète et qui ne se rendent pas compte que ses directives

continuent d’influencer leurs propres pensées, leurs actions et l’esprit des

temps modernes. Des auteurs occidentaux ont commencé à parler de la

contribution islamique au progrès de l’humanité. John Davenport

note : « Il faut reconnaître que toute la connaissance en matière de

Page 273: Islam   et   culture   mai 2012

273

physique, d’astronomie, de philosophie, de mathématiques, qui s’épanouit

en Europe depuis le Xe siècle, provenait à l’origine des écoles arabes et

les Sarrazins d’Espagne peuvent être considérés comme les pères de la

philosophie européenne214».

Le philosophe anglais Bertrand Russel écrit : « La suprématie de l’Orient

n’était pas seulement militaire, la science, la philosophie, la poésie et les

arts s’épanouissaient tous dans le monde musulman à une époque où

l’Europe était plongée dans la barbarie. Les Européens, avec une

insularité impardonnable, appelle cette époque ‘‘Ere des ténèbres’’ mais

seule l’Europe était dans les ténèbres, seule l’Europe chrétienne, car

l’Espagne, qui était musulmane, possédait une culture brillante215».

Anatole France disait dans « La Vie en fleur » : «Mr Dubois demande une

fois à Mme Rosière quel était le jour le plus funeste de l’histoire ? Mme

Rosière ne le savait pas. C’est, lui dit M. Dubois, le jour de la bataille de

Poitiers, quand en 732, la science, l’art et la civilisation arabes reculèrent

devant la barbarie franque ». Il faut préciser 216 qu’à Poitiers, il n’y a pas

eu de recul musulman. Il s’agissait d’une simple escarmouche au retour

d’un raid arabe sur St Martin de Tours. Allant du Nord au Sud et

retournant en Espagne, le ‘Commando’ d’Abderrahmane se heurta à

Charles Martel qui eut la chance d’être secouru par Eudes de Gascogne.

Sans le renfort de son vassal, Charles n’aurait pas été Martel. Ce jour- là,

la France a perdu ses chances historiques de bénéficier de la civilisation

214 Cité par A.Karim dans « L’islam’s contribution to Science and Civilisation » , 215 Pakistan Quaterly, vol IV n° 3 216 R Garaudy : Contribution historique de la Civilisation Arabe. Cahiers du Communisme

Page 274: Islam   et   culture   mai 2012

274

arabe, de mettre fin au chaos féodal et de faire son unité nationale. Ce sont

quelques siècles de perdus pour la France et l’humanité. L’un des grands

écrivains d’Espagne, Blasco Ibanez217 témoigne pour son pays : « En

Espagne, la régénération n’est pas venue du Nord, avec les hordes

barbares ; elle est venue du Midi, avec les Arabes conquérants. C’était

une expédition civilisatrice beaucoup plus qu’une conquête. Par là

s’introduisait chez nous cette culture, jeune, robuste, alerte, aux progrès

étonnamment rapides, qui, à peine née, triomphait. Cette civilisation

s’était assimilée le meilleur du Judaïsme et de la science byzantine et qui,

au surplus, apportait avec elle la grande tradition hindoue, les reliques de

la Perse et beaucoup de choses empruntées à la Chine mystérieuse.

C’était l’Orient pénétrant en Europe, non comme les Darius et les Xerxès,

par la Grèce qui les repoussait afin de sauver sa liberté, mais par l’autre

extrémité, par l’Espagne qui, esclave des rois théologiens et d’évêques

belliqueux, recevait à bras ouverts ses envahisseurs…..En deux années,

ceux-ci s’emparèrent de ce que l’on mit sept siècles à leur reprendre. Ce

n’était pas une invasion qui s’imposait par les armes ; c’était une société

nouvelle qui poussait de tous cotés ses vigoureuses racines. Le principe de

la liberté de conscience, pierre angulaire sur laquelle repose la vraie

grandeur des nations, leur était cher. Dans les villes où ils étaient les

maîtres, ils acceptaient l’église du chrétien et la synagogue du Juif. Du

VIIIe au XVe siècle, se construira et se développera la plus belle et la plus

opulente civilisation qu’il y ait eu en Europe durant le moyen âge. Tandis

que les peuples du Nord se décimaient par des guerres religieuses et se

217 Blasco Ibanez : Dans l’ombre de la cathédrale p.201-204

Page 275: Islam   et   culture   mai 2012

275

comportaient en tribus barbares, la population de l’Espagne s’élevait à

plus de trente millions d’habitants et, dans cette multitude d’hommes, se

confondaient et s’agitaient toutes les races et toutes les croyances, avec

une variété infinie d’où résultaient les plus puissantes pulsations

sociales…Dans ce fécond amalgame de peuples et de races coexistaient

toutes les idées, toutes les coutumes, toutes les découvertes accomplies

jusqu’alors sur la terre, tous les arts, toutes les sciences, toutes les

industries, toutes les inventions, toutes les disciplines anciennes ; et du

choc de ces éléments divers, jaillissaient de nouvelles découvertes et de

nouvelles énergies créatrices. La soie, le coton, le café, le citron,

l’orange, la grenade arrivaient de l’Orient avec ces étrangers comme

aussi les tapis, les tissus, les tulles, les métaux damasquinés et la poudre.

Avec eux encore, la numération décimale, l’algèbre, l’alchimie, la chimie,

la médecine, la cosmologie et la poésie rimée. Les philosophes grecs, près

de disparaître dans l’oubli, trouvaient le salut en suivant l’Arabe dans ses

conquêtes. Aristote régnait à l’Université de Cordoue ».

Page 276: Islam   et   culture   mai 2012

8. COMPARAISON ENTRE CULTURE ISLAMIQUE ET

CULTURE HUMANISTE

On peut se poser la question de savoir comment la culture islamique

d’origine divine se distingue de la culture humaniste

considérant les droits de l’homme. On a décrit précédemment l

comme un ensemble de liens spirituels et sociaux, hérités ou

relient les hommes entre eux. C’est aussi la perception qu’ont les hommes

des éléments du milieu qui les entourent. Pour analyser l’écart entre

l’approche culturelle dans le monde d’aujourd’hui et celle de l’Islam, on

va procéder à une analyse comparative en faisant abstraction, de la

pseudo-culture, qui prévaut dans les pays dits

toute erreur de jugement sur la vraie culture

Figure 27 : Cultures islamique et humaniste

ISLAM

HUMANISME

ORGANISATION

VALEURS

276

OMPARAISON ENTRE CULTURE ISLAMIQUE ET

uestion de savoir comment la culture islamique

se distingue de la culture humaniste d’origine humaine en

droits de l’homme. On a décrit précédemment la culture

comme un ensemble de liens spirituels et sociaux, hérités ou acquis, qui

relient les hommes entre eux. C’est aussi la perception qu’ont les hommes

des éléments du milieu qui les entourent. Pour analyser l’écart entre

l’approche culturelle dans le monde d’aujourd’hui et celle de l’Islam, on

comparative en faisant abstraction, de la

qui prévaut dans les pays dits islamiques afin d’éviter

jugement sur la vraie culture islamique.

Figure 27 : Cultures islamique et humaniste

ISLAMET

HUMANISME

ORGANISATION

GESTION ET

RESSOURCES

Page 277: Islam   et   culture   mai 2012

277

8.1 COMPARAISON DES VALEURS

En se basant uniquement sur l’homme, à travers la puissance de sa

science et de sa technologie, l’Occident tente d’imposer, à tous, une

monoculture qu’il pense idoine pour accompagner la globalisation

économique planétaire. C’est une culture basée sur l’approche tangible.

Elle se traduit par ce qu’on appelle aujourd’hui la culture de masse basée

sur l’information et la communication. On compte aujourd’hui, des

centaines, voire des milliers de programmes télévisés qui couvrent

pratiquement tous les domaines de la vie sociale. Tous les jours, on pense

et on invente de nouvelles formes de pseudo-culture, qui portent sur

l’exacerbation des sens, désirs et instincts primaires chez l‘homme, toutes

aussi éphémères les unes que les autres dans une démarche perpétuelle à

la recherche de nouvelles exaltations et excitations à distiller. Le but est

d’occuper et de distraire en permanence le plus grand nombre de

personnes pour ne pas leur laisser un temps de répit qui leur permettrait de

réfléchir sur eux-mêmes ou sur ce qui les entoure ou se situer

consciemment et positivement dans l’espace et le temps.

De nombreuses sectes ont vu le jour et tentent d’entraîner avec elles le

plus grand nombre d’adeptes. A défaut d’une seule religion, ces sectes

créent leurs propres dieux et leurs propres religions : les nouveaux

gourous s’attribuent des pouvoirs mystérieux exorbitants et tentent de

s’imposer à des gens qui ont perdu le bonheur et la joie de vivre et qui

sont en quête de nouvelles valeurs spirituelles ou de valeurs perdues. Ce

phénomène touche de plus en plus des gens cultivés à la recherche d’un

idéal spirituel plus que les autres catégories de la population. Ce qui

prouve, d’une certaine façon, le désarroi des élites occidentales et la crise

Page 278: Islam   et   culture   mai 2012

278

spirituelle de l’Occident. Certaines sectes sont même parvenues à

convaincre leurs adeptes de se donner la mort pour accéder à un bonheur

supposé. L’Occident se trouve piégé par son propre labyrinthe

économique et tente d’occulter le spirituel ancré profondément dans le

génome humain. Occuper les citoyens devient la priorité des priorités des

Etats nations qui investissent des sommes colossales dans les moyens

audiovisuels et médias. L’argument souvent avancé est la défense de la

culture nationale. On entend même parler de l’invasion culturelle de

l’Europe par la culture américaine. On procède même par ce qu’on appelle

aujourd’hui les statistiques, l’audience de telle ou telle chaîne de

télévision qui se traduit par le nombre de personnes qui suivent les

programmes de diffusion. C’est par dizaine de millions que se chiffre le

nombre de téléspectateurs. On assiste à un véritable bombardement, vingt

quatre heures sur vingt quatre, d’images et de discours qui violent parfois

ce qui reste de la conscience humaine. Même, la conscience humaniste ou

la conscience « des droits de l’homme » qui a caractérisé l’Occident et a

marqué de son empreinte, pendant des siècles (siècles de lumière)

l’histoire de l’humanité, tend à s’essouffler sous la pression du

matérialisme, de la spéculation de toutes sortes (promesses illusoires,

spéculations et manipulations financières,..) et de la libération soi-disant

totale de l’homme. Même les guerres n’émeuvent plus les valeurs et la

conscience occidentales. Pour calmer tant soit peu les choses, l’ONU et

son conseil de sécurité ont inventé le droit d’ingérence humanitaire pour

sauver de l’extermination des populations entières au sein même de

Page 279: Islam   et   culture   mai 2012

279

l’Occident (cas de l’ex Yougoslavie). L’UNESCO218 tente de réhabiliter

les cultures anciennes, mais faute de moyens et de volonté chez les pays

concernés, les résultats sont plus que mitigés. Le concept de la culture se

limite à des manifestations purement folkloriques sans lendemain.

L’Islam propose une vision globale et universelle de la culture qui ne

saurait se limiter à des pays islamiques. C’est une approche qui englobe à

la fois le domaine spirituel et le domaine tangible. La doctrine islamique

de la culture découle d’un célèbre hadith du Prophète (SWS) qui dit :

« agissez dans votre vie terrestre comme si vous devriez vivre

éternellement et agissez pour votre post-vie comme si vous devriez mourir

demain ». De ce hadith, on peut dégager deux principes le premier

concerne les activités et actions qui doivent se dérouler dans le cadre du

développement durable en assurant l’équilibre des sociétés humaines et en

sauvegardant les ressources naturelles de l’environnement pour satisfaire

le besoins matériel de l’homme à long terme et le second concerne la

responsabilité spirituelle de l’homme qui doit subordonner ses activités et

actions au respect du code de conduite morale tel que défini par l’Islam. Il

y a interdépendance entre les deux principes. Au cours de son existence

terrestre, l’homme doit agir, sur le plan matériel, pour assurer son bien

être, celui de la collectivité. Il doit défendre la justice, l’équité sociale et

protéger, conserver et valoriser les richesses naturelles qui constituent le

support naturel de la vie sur terre. On peut dire que sur le plan tangible, la

culture humaniste et la culture islamique se rejoignent sur les droits de

l’homme, mais avec certaines réserves principalement au niveau de la

218 Plan Arabia de l’UNESCO

Page 280: Islam   et   culture   mai 2012

280

limitation du droit de propriété et la prédominance des droits collectifs sur

les droits individuels en Islam. L’Islam se différencie par l’apport spirituel

ou le droit de responsabilité qui précise les devoirs vis-à-vis des hommes,

de la collectivité, de l’environnement et des ressources naturelles. Le

hadith cité plus haut, mentionne la responsabilité permanente qui engage

le croyant à se préparer chaque jour à quitter le monde terrestre pour le

monde de la post-vie. Ceci a pour but d’une part d’amener l’homme à se

remémorer à tout instant l’omniprésence divine et d’autre part d’engager

sa responsabilité dans les actes de tous les jours. Si la culture humaniste

des droits de l’homme vise une culture qui s’applique aux gouvernements

et aux organisations nationales et internationales, la culture islamique

adjoint les droits de responsabilité à tous les niveaux en commençant par

l’homme qui constitue le premier maillon de la chaîne sociale. L’homme

doit bénéficier de droits mais en contrepartie il a des devoirs envers lui-

même, envers autrui et envers son milieu. La culture laïque qui prévaut

dans la plupart des pays du monde repose sur deux critères : exigence

purement morale et sens pratique. La culture islamique se différencie de la

morale laïque par l’ajout de deux critères : le premier impliquant la foi en

un Dieu législateur dont l’autorité sublime est indispensable à toute

décision d’origine humaine et le second la sollicitation de l’appui de Dieu

pour toute action. Il y a trois raisons qui conditionnent la morale

islamique : le respect des prescriptions divines (droits de succession et

l’héritage, droits fiscaux, organisation, fonctionnement bancaire), la

considération de l’omniprésence divine dans les actes de tous les jours

(autocontrôle individuel), le comportement et la perspective des mesures

de sanction divine (responsabilité individuelle : châtiment ou

récompense).

Page 281: Islam   et   culture   mai 2012

281

8.2 COMPARAISON EN MATIERE DE GESTION DES

RESSOURCES

La culture actuelle de l’Occident ne fixe aucune limite à la consommation.

Plus que cela, elle l’encourage. Devant la crise économique d’aujourd’hui,

le seul remède des uns et d’autres, quelque soit leur orientation politique,

c’est d’encourager la consommation pour relancer la production, obtenir

la croissance économique et créer de nouveaux emplois. Il s’agit d’un

cercle infernal qui a pour conséquence la surconsommation, la production

de plus en plus grande de déchets, une utilisation massive de ressources

naturelles, leur épuisement et la dégradation de plus en plus importante de

l’environnement. La culture humaniste actuelle met en avant la science et

la technologie au service du bonheur matériel. La recherche du confort

matériel est une course sans fin de sorte qu’on met plus de temps à

chercher le repos qu’à en jouir. L’homme est conduit, malgré lui, à

s’investir constamment dans l’entretien des moyens de confort de plus en

plus sophistiqués. Ce qui constitue un gaspillage d’argent et de temps. Ce

confort qui n’est qu’un simple moyen se transforme en une finalité ultime.

Pris dans le tourbillon du pouvoir, les gouvernants n’ont d’autre

alternative que de satisfaire les appétits grandissants de leurs administrés

en biens matériels. Aucun gouvernement, aujourd’hui, n’est en mesure de

renoncer à l’idéologie de la consommation, faute d’une idéologie

spirituelle à même de motiver et de faire adhérer les citoyens à une

nouvelle éthique de production et de consommation. La recherche effrénée

du bonheur matériel peut être considérée comme une déviation de la

conscience contemporaine qui nous ramène de plus en plus à une vie

primaire animale où l’instinct domine l’homme au lieu et place de la raison.

Page 282: Islam   et   culture   mai 2012

282

En Islam, l’effort de la science et de la technologie est de permettre de

mieux connaître les signes naturels (créatures de l’univers) de Dieu et de

libérer l’homme des contraintes matérielles d’ordre primaire pour l’aider à

consacrer plus de temps à l’épanouissement de son esprit, au renforcement

de sa foi et à son rapprochement de Dieu. L’Islam est la religion de la

modération sur tous les plans : consommation, possession de biens

matériels. Sur le plan de l’alimentation, il enseigne l’abstinence

périodique (le jeûne) et la lutte contre toute forme de gaspillage. Le

Prophète (SWS) disait : « Nous sommes une nation dont les membres

mangent quand ils ont faim et quand ils mangent, ils doivent éviter de se

gaver ». Il exhorte l’homme à équilibrer les besoins (la nourriture, l’eau et

l’air) nécessaires au bon fonctionnement de son organisme : « on doit

réserver un tiers de la capacité de l’organisme à la nourriture, un tiers

pour l’eau et un tiers pour l’air ». Le Prophète (SWS) recommande de

vider les plats en mangeant pour éviter de jeter ou de gaspiller la

nourriture. L’Islam rejette tout excès de consommation des ressources

naturelles. Dieu dit : « Ne sois pas prodigue. Les prodigues sont les frères

de Satan219 » ou « O fils d’Adam, prenez votre parure, lors de chaque

office (prière). Et mangez et buvez en évitant tout excès ! Il n’aime pas les

outranciers220 ». L’Islam limite le luxe et les dépenses extravagantes. Le

Prophète (SWS) recommande de ne pas porter des habits fastueux et de ne

pas multiplier l’acquisition des biens, car cela détourne le croyant de ses

devoirs et l’empêche de penser à l’au-delà. En Islam, le fait de manger et

Coran (17,27) 219 >ا�.!C# ر!C# ( 6 . و����P >إن ا ,C!ر.6 آ��ا إ@ان اCoran (7,31) 220 > U]3. ( �]ا ا���[$ آ[ 2�N]%$ و آ9[ا و :[�4ا و ) #%[�� �.� x V]�4دم @[!وا ز.�[�8

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Page 283: Islam   et   culture   mai 2012

283

de posséder des biens est un don et un bienfait de Dieu. Les biens de

l’homme sont un prêt que Dieu met à sa disposition. L’homme doit être

reconnaissant envers Dieu et se conformer aux obligations liées à ses

biens comme la taxe annuelle (Zakat).

8.3 COMPARAISON DES SYSTEMES D’ORGANISATION

La civilisation actuelle a élaboré des conventions internationales sur les

droits de l’homme, non pas pour forcer les pays à les appliquer mais plus

pour les inciter à se mobiliser. Certaines de ces conventions qui datent de

1789 ne sont pas toujours appliquées à ce jour. Elles n’ont pas un

caractère d’obligation ou de coercition mais plutôt un rôle d’incitation. Ce

sont généralement des vœux et non des réalités. C’est ce qu’on appelle

aujourd’hui le « droit mou » ou « soft law ». Le caractère universel des

conventions est consacré uniquement par l’adhésion formelle et volontaire

d’une majorité des pays. A l’heure actuelle, il y a des raisons objectives

qui peuvent expliquer l’absence d’obligation au niveau mondial. La plus

importante de ces raisons est la recherche des causes historiques de

l’appauvrissement d’une bonne partie de l’humanité qui incombe presque

totalement aux pays développés. La dégradation est le résultat de

l’industrialisation qui a permis à de nombreux pays riches d’assurer leur

développement socio-économique actuel au détriment des pays

anciennement colonisés ou par des échanges déséquilibrés avec eux.

Même aujourd’hui, on estime que les pays riches qui comptent vingt cinq

pour cent (25%) de la population mondiale consomment soixante quinze

pour cent (75%) des ressources naturelles de la planète. Le reste du monde

trois fois plus peuplé partage seulement vingt cinq pour cent (25%) du

Page 284: Islam   et   culture   mai 2012

284

restant des ressources. L’application des conventions se fait à deux

vitesses : une démarche propre aux pays riches et une autre pour les pays

pauvres. Au lieu d’adopter un processus d’évaluation historique de la

décadence d’une partie de l’humanité (paupérisation de nombreux peuples

de la planète) pour situer les responsabilités de chaque pays, à travers la

politique d’extermination coloniale. Les pays riches tentent d’ailleurs,

avec un certain succès, de faire oublier leur responsabilité historique en

imposant une vision égoïste du droit international avantageux pour eux au

détriment des pays pauvres. Tout se passe comme si la dégradation de

l’humanité date d’aujourd’hui et qu’il convient de la prendre en charge de

la même façon par tous les pays, qu’ils soient riches ou pauvres. La

logique d’approche rationnelle, souvent adoptée par les pays avancés,

aurait du être choisie pour procéder à l’évaluation du coût historique de la

paupérisation d’une partie de l’humanité et l’élaboration d’un bilan

quantitatif des passifs et des actifs, pays par pays, sur une base

consensuelle acceptable au niveau mondial et de trouver des mécanismes

de compensation financière et technologique pour aider les pays pauvres à

procéder à la mise à niveau de leurs moyens de production et réduire les

causes de leur appauvrissement et de leur retard historique. Ce

déséquilibre des rapports internationaux est un handicap et une menace

pour les pays en développement, qui, pour faire face à leur besoin, sont

entièrement tributaires des pays riches pour l’acquisition aussi bien des

biens de consommation que des moyens technologiques et financiers. La

globalisation économique, menée par les pays développés, à travers les

organisations internationales comme l’OMC (Organisation Mondiale du

Commerce), le partenariat multilatéral ou bilatéral avec l’UE (Union

Européenne), tente d’imposer des contraintes en matière d’échange aux

Page 285: Islam   et   culture   mai 2012

285

pays pauvres, comme préalable à l’établissement de tout accord de

coopération. Le constat actuel montre que les pays riches deviennent plus

riches et les pays pauvres plus pauvres. Ce qui fait que les rapports

internationaux sont de plus en plus déséquilibrés et inégaux entraînant une

injustice imposée aux pays pauvres qui n’ont d’autres issues que de

s’appauvrir et de s’endetter encore plus. Dans la civilisation actuelle, les

droits de l’homme ne s’appliquent que dans les pays riches qui mangent à

leur faim, car les pays pauvres sont plus préoccupés par la satisfaction de

leurs besoins primaires alimentaires.

L’Islam, dans son approche relative des droits universels est en avance par

rapport aux droits de l’homme sur trois points essentiels :

• Le premier est le caractère universel de l’Islam basé sur la défense

du bien et la lutte contre le mal, quelque soit le lieu géographique.

• Le second concerne la notion de droit de propriété qui est un droit

relatif : le droit de posséder un bien se limite à l’usufruit de ce bien

et ce droit disparaît avec l’arrêt de son exploitation ou lorsque celle-

ci cause un préjudice supérieur au profit qui en est tiré ou un risque

mettant en danger l’homme ou ses ressources. Tout sur terre,

appartient à Dieu et l’homme n’a que la jouissance temporaire des

biens terrestres, conditionnée par les obligations morales

islamiques. La législation islamique est moins prisonnière que la

législation actuelle en matière de droit de propriété privée.

• le troisième est relatif à la prédominance de l’intérêt collectif sur

l’intérêt individuel ; ce qui subordonne l’exercice de toute activité

humaine à la préservation du bien commun.

D’après un hadith du Prophète (SWS), les humains partagent en commun

Page 286: Islam   et   culture   mai 2012

286

l’eau, les terres et l’énergie. Ces considérations peuvent servir à définir

des principes mondiaux sur la répartition et le partage des ressources

vitales pour tous. Aujourd’hui, par exemple, les besoins en eau des pays

augmentent sous l’effet de la démographie et des besoins d’irrigation des

terres pour la production de denrées alimentaires. Certains pays

limitrophes partagent des voies d’eau communes. Sous l’emprise des

besoins, ceux, situés en amont de ces voies, veulent détourner à leur profit

une grande partie des ressources en eau dont certaines servent aussi à la

production de l’énergie hydroélectrique. On peut définir, dans le cadre

mondial de coopération et de complémentarité, des critères basés sur le

partage des ressources en prenant comme éléments d’analyse : la

démographie, la capacité productive des terres et le potentiel

hydroélectrique de chaque pays. Ce genre de coopération

permettra d’éviter des conflits futurs qui risquent de provoquer la guerre

des ressources, de protéger l’environnement dans chacun des pays en

étudiant et en optimisant les potentialités propres à chacun et de limiter la

surexploitation des ressources. Le colloque, tenu en 1972 à Ryad (Arabie

Saoudite) avec la participation d'éminents jurisconsultes du monde entier,

a exprimé unanimement toute son admiration pour le Droit musulman (la

Charia) et les principes islamiques sur les Droits de l'homme. Son

président Mac Bread, professeur à l'Université de Dublin, ex-ministre des

Affaires étrangères d'Irlande, a tenu à souligner « La prééminence des

Principes Coraniques sur la Déclaration Internationale des Droits de

l'Homme ».

Page 287: Islam   et   culture   mai 2012

287

9. CONCLUSION

Un peuple, qui renie son passé, abandonne ses propres valeurs et perd sa

foi, est un peuple sans avenir. La magnifique floraison de la culture et de

la civilisation islamique du VIIIe au XVe siècle apporte le démenti le plus

cinglant aux prétendus « doctrines racistes » qui ont fait du moyen âge

d’or de la civilisation islamique un « moyen âge obscur » pour dévaloriser

ou s’approprier, sans aucune reconnaissance, l’héritage laissé par la

civilisation islamique. Le passé glorieux de la civilisation islamique et le

prodigieux essor des peuples islamiques d’Asie prouvent d’une manière

incontestable, que les musulmans ont contribué et contribuent

puissamment, avec tous les autres peuples de la terre, au progrès de

l’humanité. Cependant, les pays musulmans doivent se débarrasser des

mythes générés par une décadence qui a duré plusieurs siècles. Ils ont

besoin d’une élite qui doit reprendre la pensée coranique, non pas comme

un précieux document archéologique mais comme une pensée vivante,

actuelle et en perpétuel devenir qui doit imprimer l’action. En

redéfinissant leur voie, sur la base de leur propre culture, ils ne doivent

pas s’enfermer sur eux-mêmes et s’isoler. Ils doivent davantage s’ouvrir

aux autres pays en établissant des rapports de coopération et de respect

réciproque. Cependant, ils doivent développer une stratégie de

développement à long terme, en s’appuyant sur les valeurs islamiques,

tout en prônant la coopération pacifique au niveau international. Ces

valeurs portent en elles-mêmes un potentiel suffisant de conviction pour

être transmises et comprises par tous et utilisées pour répondre aux

différents besoins de l’homme. On termine cet ouvrage par cette réflexion

Page 288: Islam   et   culture   mai 2012

288

de L. Weiss221 : « Toute communauté qui cesse de se prendre en charge,

abdique le droit à l’existence culturelle propre, bien plus elle perd tout

droit à demeurer une communauté. Cependant, si les musulmans imitent,

comme ils n’ont aucun besoin de le faire, les formes de vie de l’Occident,

ses manières d’être, ses mœurs et ses concepts sociaux, ils n’y gagneront

pas. Car ce que l’Occident peut leur donner, ne serait pas supérieur à ce

que leur a offert leur propre culture et à ce que leur recommande leur

propre foi. Si les musulmans gardent la tête froide, et acceptent le progrès

comme un moyen non pas comme un but en soi, ils pourront non

seulement préserver leur liberté intérieure mais aussi transmettre à

l’homme occidental le secret perdu de la douceur de vivre ».

221 Islam et décolonisation culturelle –Mosquée de Béni Messous- Imprimerie Sarri El Biar Alger

Page 289: Islam   et   culture   mai 2012

289

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Page 295: Islam   et   culture   mai 2012

295

TABLE DES MATIERES

PRESENTATION DE L’OUVRAGE _________________ 8

1. INTRODUCTION ___________________________________ 10

2. DEFINITION DE LA CULTURE ___________________ 29

2.1.1 Éthique _______________________________ 31

2.1.2 Esthétique _____________________________ 33

2.1.3 Logique pragmatique ____________________ 34

2.1.4 Technique _____________________________ 35

2.2 SOURCES DE LA CULTURE _____________________ 35

2.2.1 Monde des personnes ____________________ 35

2.2.2 Monde des idées ________________________ 36

2.2.3 Monde des choses _______________________ 37

2.2.4 Monde des phénomènes naturels ___________ 38

2-3 CARACTERISTIQUES FONDAMENTALES DE LA

CULTURE ___________________________________________ 39

2-4 EVOLUTION ET DIFFUSION DE LA CULTURE _ 39

2-5 PROCESSUS D’ACCULTURATION ____________ 41

2-6 CONCEPT DE CULTURE «POPULAIRE» _______ 45

3. DIVERSITE CULTURELLE ________________________ 47

Page 296: Islam   et   culture   mai 2012

296

3.1 DEFINITION _____________________________________ 48

3.2 DIVERSITE CULTURELLE DANS UNE SOCIETE

DE CLASSES ________________________________________ 48

3.3 DIVERSITE CULTURELLE ET DEVELOPPEMENT

DURABLE ___________________________________________ 48

3.4 DIVERSITE CULTURELLE ET MONDIALISATION 50

3.5 RISQUE DE LA DIVERSITE CULTURELLE _____ 50

3.6 DIVERSITE CULTURELLE ET COHABITATION 52

4.1 CULTURE ET IDEOLOGIE_______________________ 54

4.2 LANGUE ________________________________________ 58

4.2.1 Analyse historique des langues ____________ 60

4.2.2 Renaissance des langues _________________ 62

4.3 CULTURE ET HISTOIRE ________________________ 64

4.4 CULTURE ET EDUCATION _____________________ 68

4.5 CULTURE ET SCIENCE _________________________ 72

4.6 CULTURE ET POLITIQUE ______________________ 74

4.7 CULTURE ET ECONOMIE ______________________ 77

4.8 CULTURE, RESSOURCES NATURELLES ET

ENVIRONNEMENT _________________________________ 80

5. PATRIMOINE CULTUREL ISLAMIQUE _________ 87

Page 297: Islam   et   culture   mai 2012

297

5.1 ETHIQUE ISLAMIQUE __________________________ 88

5.2 LANGUE ARABE ET ECRITURE ________________ 104

5.3 HISTOIRE ________________________________________ 112

5.4 SCIENCES _______________________________________ 121

5.4.1 Sciences religieuses et philosophiques _______ 125

5.4.2 Sciences sociales ________________________ 126

5.4.3 Sciences médicales ______________________ 127

5.4.4 Hygiène et Santé ________________________ 129

5.4.5 Géographie, topographie et communication __ 138

5.4.6 Astronomie ____________________________ 139

5.4.7 Sciences naturelles ______________________ 141

5.4.8 Chimie et physique ______________________ 144

5.4.9 Mathématiques _________________________ 146

5.5 ARTS _____________________________________________ 147

5.6 EDUCATION _____________________________________ 150

5.6.1 Enseignement primaire ___________________ 151

5.6.2 Enseignement secondaire et supérieur _______ 152

5.7 TRAVAIL ________________________________________ 153

5.8 POLITIQUE ______________________________________ 159

Page 298: Islam   et   culture   mai 2012

298

5.8.1 But de l’Etat ___________________________ 160

5.8.2 Fonction cultuelle _______________________ 162

5.9 ECONOMIE______________________________________ 163

5.9.1 Héritage_______________________________ 167

5.9.3 Taxes exceptionnelles ____________________ 169

5.9.4 Assurances sociales _____________________ 169

5.9.5 Dépenses de l’Etat_______________________ 171

5.9.6 Jeux de hasard _________________________ 176

5.9.7 Prêt à intérêt ___________________________ 177

5.9.8 Boissons alcoolisées _____________________ 179

5.9.9 Statistiques économiques _________________ 180

5.10. RESSOURCES NATUR ELLES ET ENVIRONNEMENT

______________________________________________________ 181

5.10.1 Environnement comme signe divin _________ 186

5.10.2 Usage de l’environnement ________________ 189

5.10.3 Conservation de l’environnement __________ 191

5.10.4 Environnement et aménagement ___________ 194

5.11 DROIT __________________________________________ 196

5.11.1 Charia _______________________________ 197

Page 299: Islam   et   culture   mai 2012

299

5.11.2 Sunna ________________________________ 199

5.11.3 Loi islamique : Fikh ____________________ 199

5.12 DEMOCRATIE __________________________________ 231

5.12.1 Pouvoir exécutif et législatif ______________ 233

5.13 ARCHITECTURE _______________________________ 240

5.13.1 Sensibilité environnementale _____________ 243

5.13.2 Intégrité morphologique _________________ 244

5.13.3 Clarté symbolique ______________________ 245

5.13 URBANISATION _______________________________ 245

5.13.1 Hisba ________________________________ 247

5.13.2 Wafq ________________________________ 248

5.13.3 Chefa’a ______________________________ 249

6. MOYEN AGE OU AGE D’OR DE L’ISLAM, MOYEN

AGE OBSCUR DE L’OCCIDENT ET CONTRIBUTION DE

L’ISLAM A LA PENSEE HUMAINE _________________ 251

6.1 PENSEE EXPERIMENTALE ET PRATIQUE ___ 259

6.2 DEVELOPPEMNT DES SCIENCES ______________ 261

6.3 PHILOSOPHIE RATIONALISTE _________________ 263

6.4 DEVELOPPEMNT ECONOMIQUE ET SOCIAL _ 265

Page 300: Islam   et   culture   mai 2012

300

6.4.1 Système des impôts ______________________ 265

6.4.2 Régime de la propriété ___________________ 266

6.4.3 Organisation communale _________________ 266

6.5 DEVELOPPEMENT DU DROIT __________________ 267

7. APPORT ISLAMIQUE A LA RENAISSANCE EN

OCCIDENT ____________________________________________ 270

8. COMPARAISON ENTRE CULTURE ISLAMIQUE ET

CULTURE HUMANISTE _____________________________ 276

8.1 COMPARAISON DES VALEURS _______________ 277

8.2 COMPARAISON EN MATIERE DE GESTION DES

RESSOURCES _______________________________________ 281

8.3 COMPARAISON DES SYSTEMES D’ORGANISATION

______________________________________________________ 283

9. CONCLUSION ______________________________________ 287

BIBLIOGRAPHIE _____________________________________ 289

Page 301: Islam   et   culture   mai 2012

301

B I O G R A P H I E D E L’A U T E U R

Monsieur TABET-AOUL MAHI est diplômé des Universités de

Strasbourg et de Paris-Sorbonne. Il est ingénieur des

Télécommunications (E.N.S.T-Paris) et de la Météorologie (E.N.M-

Paris). Il s’est spécialisé dans le domaine de l’atmosphère

(Universités de Fort-Collins et Miami USA). L'auteur a été le

premier directeur de l'Institut Hydrométéorologique de Formation et

de Recherches d’Oran. Il a participé à de nombreuses rencontres

internationales, notamment en qualité d'expert invité au colloque sur

la Planète Terres (Paris- 1989) et aux Conférences des parties de la

Convention Cadre sur le Changement Climatique (2001-2006). Mr

TABET-AOUL Mahi est membre du groupe intergouvernemental

sur l’évolution du climat (IPCC/GIEC) et est l'auteur de plusieurs

communications scientifiques. Il a présidé des groupes de travail de

l’Organisation Mondiale de la Météorologie (OMM). Professeur

associé à l’université de Laval (Québec-Canada) en 2008, il est co-

auteur de la publication Méditerra 2009 (Sciences Po, Plan Bleu et

Ciheam-Paris). Il est chercheur au CRASC et coordonnateur de la

revue « Société-environnement et Santé ».

Page 302: Islam   et   culture   mai 2012

302

PRESENTATION DE L’OUVRAGE

L’ouvrage aborde la culture à travers l’éthique et l’esthétique qui

constituent les valeurs spirituelles d’une civilisation Il précise le

rôle de la culture dans le développement durable ainsi que la

contribution du patrimoine culturel islamique au monde

d’aujourd’hui, Il traite la question culturelle à travers quatre volets :

• la définition et les caractéristiques fondamentales de la culture,

son évolution, sa diffusion, les subcultures, le processus

d’acculturation, le concept de «culture populaire» et la diversité

culturelle,

• le rôle de la culture et ses liens avec l’idéologie, la langue,

l’histoire, l’éducation, la science, la politique, l’économie et

l’environnement,

• la culture islamique et son impact dans les différents domaines,

• l’apport de la culture islamique au monde et à l’Occident à

travers le développement de la pensée humaine, la méthode

expérimentale et pratique, le progrès scientifique, la philosophie

rationaliste, le développement socioéconomique et le rôle

précurseur de l’Islam dans la Renaissance de l’Occident ainsi

que la comparaison entre cultures islamique et humaniste.