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Althusser et lapsychanalyse2009

Pages : 160ISBN : 9782130566199diteur : Presses Universitaires deFrance

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par Pascale Gillot

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1anne 1963-1964, se tient lcole normale suprieure de la rue dUlm, sousla direction du philosophe Louis Althusser, un sminaire consacr Lacan

et la psychanalyse, qui vise dfinir les conditions de possibilit thoriquesdune recherche valable tant dans le domaine de la psychanalyse que dans ledomaine des sciences humaines en gnral . Ce sminaire suit les sminairessur le jeune Marx (1961-1962) et sur les origines du structuralisme (1962-1963), ilprcde le sminaire sur Le Capital (1964-1965) ; de sorte que ce travail consacr la psychanalyse peut aussi apparatre comme un dtour ncessaire dans leprogramme de recherche conduit par Althusser et ses lves, dans le contextedes annes 1960, pour mettre au jour la scientificit du marxisme, encoremasque par les vestiges de lidalisme hglien ou de lhumanismephilosophique feuerbachien. Par l se donne entendre, sur la scne restreintedun sminaire, la confrontation entre deux traditions thoriques, le marxismeet la psychanalyse, et entre deux figures de la vie intellectuelle franaise desannes 1960 : Louis Althusser (1918-1990) et Jacques Lacan (1901-1981) .

L[1][1] Les deux

expossprononcs par

Louis Althusserdans...

[2][2] propos de larencontre

historique entreAlthusser... 2Louis Althusser, avec la publication en 1965 de Pour Marx, et, en collaboration

avec tienne Balibar, Roger Establet, Pierre Macherey et Jacques Rancire, deLire le Capital, joue un rle dcisif dans un contexte intellectuel marqu par cecourant de pense oppos aux philosophies de la conscience comme latradition hermneutique et existentialiste, que lon a coutume de dsigner par leterme gnrique de structuralisme . Non seulement il engage laractualisation du marxisme au prisme de lanti-humanisme thorique, mais il



ractualisation du marxisme au prisme de lanti-humanisme thorique, mais ilcontribue aussi, plus largement, au renouveau de lintrt accord dans le champde la philosophie la psychanalyse, considre en tant que thorie dontlhypothse directrice, celle de linconscient labore par Freud, rompt avec lemythe de lhomo psychologicus.

3Cest dans cette perspective, qui tend restituer la radicalit, les enjeuxthoriques rvolutionnaires de la dcouverte de linconscient, que prend sens enparticulier la lecture althussrienne du travail de Jacques Lacan ; lecture crucialepour la reconnaissance philosophique de ce dernier, et son entre en scne dansla pense franaise des annes 1960, en rsonance avec la critique alorsdterminante de lhumanisme, du psychologisme et du subjectivisme. De fait,Althusser joue un rle incontestable dans la rception de luvre de Lacan horsdu cercle psychanalytique, puisquau seuil de ces annes 1960, seuls quelquesrares philosophes ont vritablement connaissance dune telle uvre, commeJean Hyppolite ou Maurice Merleau-Ponty.

4Paralllement son sminaire de 1963-1964, Althusser rend trs ttpubliquement hommage au travail de Lacan dans plusieurs textes, dont leclbre article Freud et Lacan , paru aprs diverses pripties ditoriales dansle numro de La Nouvelle Critique de dcembre 1964 - janvier 1965 : un desprincipaux mrites de Lacan est davoir affirm la scientificit de lapsychanalyse, cette science nouvelle fonde par Freud, qui est la sciencedun objet nouveau : linconscient . Cest aussi grce linterventiondAlthusser que lcole normale suprieure accueille, partir de janvier 1964, lesminaire de Lacan, aprs que celui-ci eut t destitu par la SFP (Socit franaisede psychanalyse) du rang de didacticien, sur linjonction de lIPA (InternationalPsychoanalytical Association), et contraint de quitter Sainte-Anne. La premirerencontre entre Althusser et Lacan a lieu quelques semaines auparavant, le 3dcembre 1963, la demande de Lacan lui-mme, si lon en croit lacorrespondance avec Franca Madonia, amie et traductrice italiennedAlthusser . Certains lves dAlthusser, dont J..A. Miller, deviennent du reste,avec laccord, voire sous limpulsion de ce dernier, des lves de Lacan, au pointque se dveloppe ce que lon a pu appeler un althussro-lacanisme , qui sedonne lire en particulier dans les Cahiers pour lanalyse publis par le Cercledpistmologie de lcole normale suprieure, partir de janvier-fvrier 1966.Dautres lves et proches dAlthusser assistent au sminaire de Lacan rue dUlm,lui-mme se gardant dy tre prsent, mais lisant et annotant le textestnographi des confrences, au moins pour ce qui concerne le sminaire delanne 1964 .

[3][3] L. Althusser, Freud et Lacan

[La NouvelleCritique,...

[4][4] Lettre de LouisAlthusser Franca

Madonia datedu...

[5][5] Lacorrespondance

avec FrancaMadonia se rvle

une...5Mais au-del du jeu institutionnel ou acadmique, et en marge du parcours

biographique et de la cure poursuivie pendant de longues annes avec RenDiatkine , la rencontre entre Althusser et la psychanalyse, lintrt port parAlthusser la singularit de la psychanalyse mise en relief par Lacan, sont avanttout dordre thorique. Cest cette dimension thorique, et non laspectbiographique et personnel du rapport de Louis Althusser la psychanalyse, quiconstitue lenjeu de la prsente tude.

[6][6] Concernantcette dimension

biographique, cf.L. Althusser,...

6La pense dAlthusser, dans le cadre mme du programme gnral du retour Marx , se rvle nourrie de psychanalyse, constitutivement marque par ladouble rfrence Freud et Lacan lecteur de Freud. Freud lui-mme ne



double rfrence Freud et Lacan lecteur de Freud. Freud lui-mme necompte-t-il pas au nombre de ces quelques rares dont Althusser rvre lenom , aux cts de Spinoza, Marx et Nietzsche, lesquels ont pu soulever cettecouche norme, cette pierre tombale qui recouvre le rel [] pour avoir avec luice contact direct qui brle encore en eux pour lternit ? Althusser ne faitpas mystre de sa dette lgard de la psychanalyse, puisquil affirme luiemprunter quelques-uns de ses concepts fondamentaux, comme celui desurdtermination ou celui de causalit structurale. Les concepts en questionoccupent une fonction importante dans le projet dune relecture du marxisme etdu matrialisme historique qui en restitue la scientificit comme loriginalitthorique, relecture engage en particulier dans Pour Marx et dans Lire le Capital.De faon plus radicale et plus systmatique encore, le projet althussrien deconstituer la thorie de lidologie qui manque encore au marxisme, et desubstituer lancienne conception mcaniste du reflet la thse dune autonomierelative de la superstructure, revendique expressment une source freudienne.La thse caractristique de lanhistoricit et de lternit, autrement dit de lancessit, de lidologie, telle quelle se trouve formule dans le texte de 1970intitul Idologie et appareils idologiques dtat , sautorise de la rfrence la thorie freudienne de lternit de linconscient, si bien que le programmedAlthusser peut snoncer en ces termes : Proposer une thorie de lidologieen gnral, au sens o Freud a prsent une thorie de linconscient engnral.

[7][7] Lettre du 15fvrier 1964, dansLettres Franca,

p....

[8][8] L. Althusser, Idologie et

appareilsidologiques... 7Il apparat ainsi que le retour Marx implique lui-mme un retour Freud, et

plus spcifiquement un retour lhypothse originale de linconscient dansluvre de Freud, dont Lacan avait dj soulign, ds les annes 1950, le caractresingulier, en droit irrductible la psychologie.

8De fait, la rfrence au travail de Lacan, qui vise mettre au jour, dans toute leuroriginalit, les concepts fondamentaux de la psychanalyse , jalonne luvredAlthusser . On la repre dans des textes antrieurs la publication de PourMarx et de Lire le Capital. Outre larticle Freud et Lacan , il faut mentionner untexte intitul Philosophie et sciences humaines , paru en 1963 dans la Revue delenseignement philosophique. Reprenant la question rcurrente de la scientificitproblmatique des sciences humaines, Althusser critique en particulier dans cetarticle une idologie empiriste postulant lexistence dun donn danslordre de la science, dont une variante nest autre que cette idologietechnocratique qui consiste masquer sous le titre de sciences humaines ce quise rduit de simples techniques dadaptation des individus aux conditionssociales existantes. Lexemple choisi nest autre que celui de la psychanalyseamricaine, domine par la psychologie du moi (ego psychology) lie auxtravaux dAnna Freud, qui parat relguer au second plan lhypothse thoriquede linconscient. Transformant la psychanalyse en une technique deconditionnement, partir dune stratgie de renforcement de l autonomie dumoi, lcole anglo-saxonne, non seulement participe de lidologietechnocratique qui est celle de la psychologie, mais, ignorant ou mconnaissantles enjeux de la dcouverte de Freud, en particulier ceux de la deuxime topique,engage un contresens radical sur luvre de Freud, tout simplement sur lobjetde la Psychanalyse , et obre la possibilit pour la psychanalyse de se constituercomme science. Or prcisment, selon Althusser, un homme a fait cettedmonstration [du contresens sur lobjet de la psychanalyse opr notammentpar lcole amricaine], et si ses textes ne peuvent gure tre lus qu travers une

[9][9] Il nest pas aisde dterminer

quelles furent les...



par lcole amricaine], et si ses textes ne peuvent gure tre lus qu travers unegrille, ils seront lus ou traduits, et on reconnatra bientt son mrite thorique :J. Lacan . Et Althusser, proposant ds ce texte de 1963 lanalogie entre ladcouverte de Marx et celle de Freud, produit un loge appuy du travail deLacan : Marx a fond sa thorie sur le rejet du mythe de l Homo conomicus.Freud a fond sa thorie sur le rejet du mythe de l Homo psychologicus. Lacan avu et compris la rupture libratrice de Freud. Il la comprise dans le sens plein duterme, la prenant au mot de sa rigueur, et la forant produire sans trve niconcession, ses propres consquences. Il peut, comme chacun, errer dans ledtail, voire dans le choix de repres philosophiques : on lui doit lessentiel. Dans cet loge parat se jouer galement, nous y reviendrons, une analogieimplicite, une analogie seconde en quelque sorte, entre la dmarche de Lacan danslordre de la thorie analytique et celle engage par Althusser lui-mme danslordre de la thorie de Marx.

[10][10] L. Althusser, Philosophie et

scienceshumaines ...

9Lon devine par l que lintrt accord au travail de Lacan rpond dabord, chezAlthusser, au projet gnral dune critique de la psychologie, de ses prtentions se constituer comme science, et de son rle effectif dadaptation des individusaux normes sociales existantes. Pareille critique est dcisive dans la perspectivealthussrienne, comme pour tous les philosophes du concept qui sereconnaissent, tel Georges Canguilhem, dans une certaine traditionpistmologique franaise et sopposent aux diverses philosophies de laconscience ou du sujet. Le double rejet canguilhmien de la psychologie, commeinstrumentalisme et comme pseudo-science, se retrouve dans linsistance aveclaquelle Althusser marque la distinction entre psychanalyse et psychologie : telleest la leon de son texte de 1963, selon lequel, daprs lenseignement mme deLacan, on ne peut pas accommoder la psychanalyse au bhaviorisme, aupavlovisme, lanthropologisme, ou mme tout simplement la psychologie .

10Toutefois, au-del de la critique gnrale du psychologisme, la lecturealthussrienne parat suivre demble les lignes dun projet prcis, celui de latraduction en langage naturel du travail de Lacan, qui est aussi une condition dela rception de ce dernier dans une communaut philosophique en rupture avecla tradition spiritualiste et la tradition phnomnologique-existentialiste. Cestce qui ressort galement de la premire intervention prononce par Althusserdans le cadre du sminaire de 1963-1964 consacr Lacan et la psychanalyse.voquant le phnomne historique quest Jacques Lacan, la forme gongoresque et nigmatique sous laquelle il se prsente, Althusser affirmelexistence dune intelligibilit sous-jacente lincomprhensibilit apparente dupropos lacanien, en particulier dans les sminaires ; cette apparence dobscuritobirait des fins stratgiques, qui tiennent notamment la situation de lapsychanalyse elle-mme, aux difficults propres dune institution dont lespraticiens, le plus souvent, mconnaissent de fait les enjeux de la thoriefreudienne. Si lobscurit du style de Lacan, jointe une agressivit absolumentextraordinaire et une mchancet splendide , rpond essentiellement une finalit interne au champ de linstitution psychanalytique, il devient possibledextraire de sa gangue baroque une pense dont la porte, travers la mise aujour dune thorie de linconscient encore largement occulte ou non comprise,stend jusqu lintelligence critique desdites sciences humaines , et jusqu laphilosophie elle-mme. Par l se conoit le mot dordre lanc par Althusser, traduire Lacan : ce programme de traduction apparat indispensable larsolution du problme proprement philosophique de la relation de droit



rsolution du problme proprement philosophique de la relation de droitexistant entre la psychanalyse et le monde des Sciences humaines , ce quisuppose notamment une dfinition thorique consquente, rigoureuse,valable, de la psychanalyse , laquelle est prcisment donne par Lacan . Defaon plus gnrale, selon Althusser, lintelligence du monde des scienceshumaines engage deux rquisits, la comprhension des consquencesthoriques de la problmatique inaugure par Marx , et la comprhension delessence de la psychanalyse. nouveau ici, se joue le paralllisme entrelimpratif du retour Marx et celui du retour Freud.

[11][11] L. Althusser,Psychanalyse et

scienceshumaines, 1re...

11La question de la psychanalyse comme thorie, de son essence et de son objet entant que science, intresse donc directement, pourrait-on dire, les thoriciens dumarxisme ; elle intresse aussi les philosophes soucieux de rompre avec latradition positiviste comme avec un courant spiritualiste marqu par laphilosophie de Bergson, et galement, si lon en croit Althusser, avec unetradition phnomnologique franaise incarne par Sartre et par Merleau-Ponty(Merleau-Ponty dont les travaux dtiennent pourtant aux yeux de Lacan uneimportance incontestable). Ainsi peut sentendre linjonction althussrienne detravailler sur le retour Freud et linterprtation des textes de Freud engags parLacan.

12Si la relation thorique dAlthusser la psychanalyse mrite donc un examenapprofondi, dans la mesure exacte o elle implique une part dterminante deson programme de recherche, en ce qui concerne notamment la question delidologie, rapporte celle de linconscient, sans doute faut-il justifierrapidement limportance particulire accorde dans cet ouvrage laconfrontation entre luvre dAlthusser et celle de Lacan. De fait, nous lavonsnot, Althusser reconnat une dette envers le travail de Lacan, ce retour lathorie freudienne qui souligne le caractre rvolutionnaire de lhypothse delinconscient. Si lon en croit le court rcit propos par Althusser lui-mme de sarencontre avec la psychanalyse , il apparat que le dtour par Lacan futdterminant dans sa comprhension des enjeux spcifiques de la thoriefreudienne. Althusser a certes lu les textes de Freud bien avant de prendreconnaissance des travaux de Lacan, il les a abords, dit-il, par le biais de Sartre etde Merleau-Ponty, et surtout par lentremise de louvrage de Georges Politzer, laCritique des fondements de la psychologie (1928), ouvrage fondamental pour larception en France de luvre de Freud, en particulier dans le champ de laphilosophie. Cest donc travers la tradition phnomnologique de laphilosophie franaise, elle-mme profondment marque par la psychologieconcrte de Politzer, quAlthusser a dabord rencontr la thorie freudienne.Reprenant la leon de Politzer, selon laquelle la psychologie vritable nest pascette thorie abstraite fonde sur le prjug de lme , rcus par Freud,Althusser tait donc, dans un premier temps, parvenu ce quil appelle une synthse personnelle , nonce en ces termes : La psychologie [] qui est larecherche de soi dans le domaine des sciences humaines, elle existe dj, mais lapsychologie ne le sait pas. La psychologie a t fonde et personne ne sen estaperu. Elle a t fonde par Freud. Il suffit donc que la psychologie actuelleprenne conscience que son essence a t dfinie par Freud pour se constituer,quelle en prenne conscience et quelle en tire les consquences. [] Autrementdit, a prenait cette forme amusante : lobjet de la psychologie, cest linconscient.Cest seulement en dfinissant par cette essence lobjet de la psychologie comme

[12][12] Ibid., p. 21-41.

[13]



Notes

linconscient, que la psychologie peut se dvelopper. [13][13] Ibid., p. 40-41.

13Ce quAlthusser laisse ici entendre, cest le caractre intenable, voire priv desens, de cette premire synthse personnelle dobdience politzrienne, qui,postulant une certaine continuit de la psychologie la psychanalyse, ignoraitprcisment la diffrence essentielle entre lobjet de la premire et lobjet de laseconde. Il fallut attendre la leon de Lacan, semblet.il, pour que se dissipe lemirage dune sorte de transformation ou de transmutation de la psychologie endirection dune forme scientifique enfin acheve, cest--dire pour que setrouvent poses et penses dans toute leur radicalit la rupture pistmologique engage par Freud lgard de la psychologie, et la fondationdune science nouvelle identifiant lessence du psychique linconscient, conceptfreudien dont Lacan montre lirrductibilit, ft-ce dans le registre de langation, la notion de conscience, et au champ idologique dont cette notionparticipe. Lun des principaux mrites de Lacan, souligne Althusser, cest davoiruvr la transformation thorique de concepts encore imprgns didologie, ouimports de disciplines autres, comme la biologie dinspiration darwinienne, oubien la thorie nergtiste en physique, concepts imports qui marquent encorela terminologie de Freud, en concepts domestiques , vritablement adquats loriginalit de la science que celui-ci inaugure. nouveau, la description de lastratgie lacanienne sonne comme un cho du projet althussrien de fournir lathorie de Marx, dans le cadre de la dcouverte du continent Histoire, lesconcepts qui lui manquent encore, et ce faisant de dbusquer dans luvre deMarx les vestiges dune ancienne terminologie qui masquent lampleur de sarvolution thorique et la coupure quelle induit avec la dialectique hglienne,lhumanisme philosophique, ou encore lconomie politique classique.

14Lobjet principal de cet ouvrage concerne donc la rception par Althusser de la dcouverte de Freud telle quelle fut en particulier thorise par Lacan etsa rlaboration de concepts hrits de la psychanalyse, dans le cadre spcifiquedu retour Marx , entre le dbut des annes 1960 et la fin des annes 1970. Ilsagit donc dabord de rinterroger au prisme de la thorie psychanalytiquequelques concepts importants de luvre dAlthusser cette poque, commeceux de lecture symptomale , de surdtermination , ou encore de causalitstructurale . Cest surtout dans cette perspective, nous semble-t-il, quil estpossible de mieux entendre la singularit du projet althussrien de constitutiondune thorie de lidologie, au croisement du marxisme et de la psychanalyse. Sicette thorie de lidologie tend combler un manque dans la philosophie mmede Marx, elle sarticule expressment une thorie de linconscient, et sonhorizon est celui dune problmatisation originale de la question du sujet,particulirement intrique et nigmatique dans luvre dAlthusser.

[1] Les deux exposs prononcs par Louis Althusser dans le cadre de ce sminaire ont tpublis par Olivier Corpet et Franois Matheron sous le titre Psychanalyse et scienceshumaines. Deux confrences (1963-1964), Paris, Le Livre de poche, 1996. Les autresintervenants dans ce sminaire sont Michel Tort, tienne Balibar, Jacques-AlainMiller, Yves Duroux, Jean Mosconi (cf. ce propos la prsentation de Psychanalyse etsciences humaines, p. 14). La citation est extraite de la premire confrence dAlthusser,p. 20.

[2] propos de la rencontre historique entre Althusser et Lacan, et de la rencontre



[2] propos de la rencontre historique entre Althusser et Lacan, et de la rencontrethorique, au dbut des annes 1960, entre la pense lacanienne et le cercle intellectuelconstitu autour de Louis Althusser, cf. en particulier E. Roudinesco, La bataille de centans. Histoire de la psychanalyse en France, II, Paris, Le Seuil, 1986, partie III, chap. I, p.384-414. Cf. galement, de E. Roudinesco, Jacques Lacan. Esquisse dune vie, histoire dunsystme de pense, Paris, Fayard, 1993, partie VII, chap. I, p. 383-402.

[3] L. Althusser, Freud et Lacan [La Nouvelle Critique, no 161-162, dcembre-janvier 1964-1965], article repris dans Positions, Paris, d. Sociales, 1976 (p. 15 pour la citation).

[4] Lettre de Louis Althusser Franca Madonia date du 3 dcembre 1963, dans Lettres Franca (1961-1973), Paris, Stock/IMEC, 1998, p. 492.

[5] La correspondance avec Franca Madonia se rvle une source prcieusedinformations sur les rapports entre Althusser et Lacan durant cette priode, qui estaussi celle de la rdaction de Freud et Lacan . Ainsi, daprs la lettre du 31 janvier1964 : Suis en train dcrire un tout petit article sur Lacan, afin de commencer lefaire connatre. Les choses avec lui vont fort bien. Il a assimil une partie de ce que jelui ai dit, fait lcole, devant 280 personnes (dont devant une vingtaine deNormaliens qui guettent et guident son volution, lui posant des questions, etc.) sonsminaire. Je ny vais pas : cest mieux ainsi, tous gards. Savoir rester dans lescoulisses (Lettres Franca, p. 517). Le 28 fvrier 1964, Althusser crit : []actuellement je peine pouvantablement sur Lacan, sur quelques penses que jevoudrais faire sortir de leur cachette historique : je suis seul, je leur dis oui, je sais queje tiens l quelque chose qui me vient de la ralit que jinterroge : cest elle qui madonn la question que je lui pose [] (ibid., p. 527). Selon la lettre du 25 octobre 1964 : Ai lu le texte dactylographi (stno) des confrences que Lacan a faites ici pendantque moi jtais dans la maison dpinay, pas tout compris loin de l, mais enfinquelque chose de temps en temps lu crayon en main, notant, notant, notant [] (ibid., p. 566).

[6] Concernant cette dimension biographique, cf. L. Althusser, Lavenir dure longtemps,Paris, Stock/IMEC, 1992, chap. XI et XII, p. 107-151. Cf. galement les lettres de LouisAlthusser son psychanalyste, Ren Diatkine ( Lettres D ), dans crits sur lapsychanalyse, Paris, Stock/IMEC, 1993, p. 55-110.

[7] Lettre du 15 fvrier 1964, dans Lettres Franca, p. 524.

[8] L. Althusser, Idologie et appareils idologiques dtat [La Pense, no 151, juin 1970],texte repris dans Positions, Paris, d. Sociales, 1976 (p. 101 pour la citation). Textedornavant not I et AIE.

[9] Il nest pas ais de dterminer quelles furent les lectures prcises que fit Althusser deluvre de Lacan. Toutefois, on pourra se reporter utilement lintressante notebibliographique dtudes qui figure la fin de larticle Freud et Lacan (Positions, p.34) et qui constitue, avant la parution des crits en 1966, une liste de certains textes deLacan susceptibles de faciliter laccs son uvre. Cette liste mentionne enparticulier Le stade du miroir comme formateur de la fonction du je (1949), Lachose freudienne (1956), le rapport de Lacan au Congrs de Rome de 1953 (sous letitre La parole et le langage en psychanalyse ), Remarques sur le rapport de D.Lagache (1960), Linstance de la lettre dans linconscient (1957), tous textes repriset publis ultrieurement dans les crits. Elle donne entendre la familiarit certainedAlthusser et du cercle althussrien, ds le dbut des annes 1960, avec les travaux deLacan, notamment par le biais des articles de celui-ci parus dans la revue LaPsychanalyse. Par ailleurs, la bibliothque et les archives personnelles dAlthusser,consultables lIMEC, tmoignent dune connaissance de premire main de luvre deLacan, comme le suggrent Olivier Corpet et Franois Matheron dans lAnnexe leurdition des crits sur la psychanalyse de Louis Althusser (Paris, Stock/IMEC, 1993, p. 307-308). Ces archives contiennent en effet une srie de notes sur Lacan , qui serapportent entre autres au Stade du miroir de 1949, La chose freudienne de1956, et certaines sances du sminaire de Lacan lENS de 1964. Elles comportentgalement des notes de lecture douvrages de Freud : Lavenir dune illusion, et Psychologie des foules et analyse du moi .

[10] L. Althusser, Philosophie et sciences humaines [Revue de lenseignementphilosophique, juin-juillet 1963], texte repris dans le volume intitul Solitude deMachiavel, Paris, PUF, 1998, p. 53-54, et n. 18.

[11] L. Althusser, Psychanalyse et sciences humaines, 1re Confrence, p. 67-72.



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Pour citer ce chapitre

Gillot Pascale, Introduction , Althusser et la psychanalyse, Paris, PressesUniversitaires de France , Philosophies, 2009, 160 pages URL : www.cairn.info/althusser-et-la-psychanalyse--9782130566199-page-5.htm.

Pages 5 - 20

[12] Ibid., p. 21-41.

[13] Ibid., p. 40-41.

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