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Internationaux Magazine du Comité Français de la Chambre de Commerce Internationale Internationaux Jean-Paul AGON Interview exclusive L’investissement international Jean-François Guillemin, Secrétaire néral du Groupe Bouygues Vice-président de la Commission Arbitrage et ADR d'ICC France Christoph Martin Radtke, Président de la Commission Droit et pratiques du commerce international d'ICC France N° 99 © DR DOSSIER Arbitrage : Le rôle et les attentes des entreprises Droit européen de la vente : la position de l'ICC Président Directeur Général de L’Oréal

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InternationauxMagazine du Comité Français de la Chambre de Commerce InternationaleInternationaux

Jean-Paul AGONInterview exclusive

L’investissement international

Jean-François Guillemin,Secrétaire Général du Groupe BouyguesVice-président de la Commission Arbitrageet ADR d'ICC France

Christoph Martin Radtke,Président de la Commission Droit et pratiquesdu commerce international d'ICC France

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D O S S I E R

Arbitrage : Le rôle et les attentesdes entreprises

Droit européen de la vente :la position de l'ICC

Président Directeur Général de L’Oréal

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Trois temps forts pour clôturer 2013.Bonne année 2014 à toutes et à tous ! 3par Gérard WORMS

INTERVIEW EXCLUSIVE DE JEAN-PAUL AGON, PDG DE L'ORÉAL

■ «L'ambition de L'Oréal est de séduire un milliard de consommateurs supplémentaires».……………………………………… 5

POLITIQUE GÉNÉRALE

■ Droit européen de la vente : la position de l'ICC. ………………………………… 9Christoph Martin RADTKE, Président de la Commission Droit et pratiques du commerce international d'ICC France

AUTORÉGULATION

■ Code international ICC de ventedirecte : l'éthique à domicile. … 11

RÉSOLUTION DES LITIGES

■ Arbitrage : le rôle et les attentes des entreprises ………………………………………… 13Jean-François GUILLEMIN, Secrétaire Général duGroupe Bouygues, Vice-président de la CommissionArbitrage et ADR d'ICC France

■ Le financement de l'arbitrage par les tiers. …………………………………………… 15José ROSELL, Avocat associé, Hughes Hubbard and Reed

DOSSIERL’INVESTISSEMENT INTERNATIONAL :

UN MOTEUR INDISPENSABLE DE LA CROISSANCE

SOMMAIRE

ÉVÈNEMENTS

■ Sécuriser l'imposition des multinationales ou changer de modèle ? ………………………………… 30Michel AUJEAN, Vice-président de la Commission fiscale d'ICC France

LA PAROLE AUX ADHÉRENTS

■ GDF-SUEZ acteur engagé de la transitionénergétique. …………………………………………………………… 32Denis SIMONNEAU, Directeur des Relations européennes et internationales de GDF-Suez

■ Partenariats public-privé : les propositions d'ICC France ……………… 25Dominique HERON, Directeur des partenariats institutionnels, Veolia Environnement

■ La MIGA au service du développement. ……………………………… 27Olivier LAMBERT, Directeur régional, MIGA

■ Infrastructures : opportunité ou défi ? … 28Christophe DOSSARPS, Directeur exécutif, Fondation pour l'infrastructure durable

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■ Présentation du dossier …………………………………… 17

■ IDE : la France peine à tenir son rang dans la compétition mondiale. …………… 18

■ Consolider le régime des Accords internationaux d'investissement (IIA).…… 19Stefano BERTASI, Directeur exécutif, ICCet Nicolle GRAUGNARD, Policy Manager, ICC

■ Les investissements intra-communautairesseront-ils encore protégés demain ?…… 21Alexander DE DARANYI, Director, Head of Finance Law,Sanofi

■ L’arbitrage ICC et les différends relatifs aux investissements. …………………………… 23Hamid GHARAVI, Associé fondateur du cabinet Derains & Gharavi et Eloïse OBADIA, Associée du cabinet Derains & Gharavi

ÉCHANGES INTERNATIONAUXEST LE SEUL MAGAZINE D’INFORMATION

D’ICC FRANCE, COMITÉ NATIONAL FRANÇAISDE LA CHAMBRE DE COMMERCE

INTERNATIONALE

N°99

Directeur de la publication : Gérard WORMS, Président du ComitéNational Français de la Chambre deCommerce Internationale

Editeur : ICC France 9 rue d’Anjou - 75008 Paris Tél : 01 42 65 12 66 Fax : 01 49 24 06 39www.icc-france.fr

Comité de Rédaction :François GEORGESMarie-Paule VIRARDEve MAGNANT

Régie publicitaire : Editions OPAS 41, rue Saint-Sébastien - 75011 Paris Tél. : 01 49 29 11 00 Fax : 01 49 29 11 46

Editeur conseil : Jean-Pierre KALFON

Conseil éditorial :Sophie SCHNEIDER

Directeur commercial : David ADAM

Dépôt légal 92892

Imprimeur : Printcorp

ECHANGES INTERNATIONAUXMagazine du Comité Français de laChambre de Commerce Internationale

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Les trois derniers mois de 2013 ont, pour la Chambre de CommerceInternationale, été jalonnés d’événements heureux et importants. Je com-mencerai bien sûr, sans suivre l’ordre chronologique, par évoquer le résultatpositif de la Conférence de Bali, résultat qui, de l’avis même du DirecteurGénéral de l’OMC, doit beaucoup aux efforts déployés par l’ICC depuis mi-2012 pour mobiliser le secteur privé. J’avais ici-même, dans le numéroprécédent de notre revue, souligné l’importance cruciale que revêtait, pourle bon fonctionnement des échanges, la préservation d’une plate-forme multilatérale continuant à surplomber la multitude d’accords bilatéraux ourégionaux. Et je mentionnais en particulier la nécessité, pour les entreprises,que soit finalisé à Bali l’Accord sur la Facilitation des Échanges, finalisationqui s’est effectivement produite.

Tout cela n’est certes qu’un début, et le plus dur reste à faire. Mais il suffit d’imaginer quel naufrage eûtété l’échec de Bali pour mesurer le soulagement de toutes celles et de tous ceux qui, sous la houlette del’inlassable Victor Fung, ont œuvré, au sein de l’ICC, pour que le pire soit évité.

Quelques semaines plus tôt, le «JAC» (Jerusalem Arbitration Center) avait été officiellement lancé àJérusalem, sous la présidence de Tony Blair, rare pierre blanche sur le chemin semé d’embûches du processus de paix israélo-palestinien. Ce centre d’arbitrage, porté sur les fonts baptismaux dans une remarquable unité de vues par ICC Israël et ICC Palestine, et qui bénéficie du patronage de notre CourInternationale d’Arbitrage, devrait permettre aux hommes d’affaires des deux pays de développer leurséchanges et leurs investissements, puisqu’ils savent désormais que d’éventuels litiges pourront faire l’objet de sentences d’arbitrage émanant de grands arbitres internationaux, et bénéficiant, dans les deuxpays, de l’exequatur. Rarement notre devise, «Merchants of Peace and Prosperity» aura ainsi trouvé demeilleure illustration.

Enfin, pour m’en tenir aux trois principaux temps forts de ce trimestre pour notre institution, nous avonsinauguré le 12 décembre notre nouveau siège social de l’avenue du Président Wilson avec la tenue de notreComité Directeur ; les bureaux y sont, de l’avis général, modernes et lumineux, et les conditions de travailfortement améliorées par rapport aux coursives poussiéreuses du Cours Albert 1er. Cette mutation est particulièrement savoureuse pour votre serviteur qui, avec Jean-Guy Carrier, a conduit les négociations permettant l’accès à ces nouveaux locaux et le maintien à Paris de notre institution.

Je ne saurais terminer ces quelques lignes sans dire un mot des raisons pour lesquelles le choix du dossiercentral de la présente livraison s’est porté sur le thème des investissements.

Le développement des échanges internationaux, leitmotiv de l’ICC depuis sa création en 1919, ne se faitpas seulement par le commerce. Il est, au moins autant, lié à l’investissement, à la qualité des infrastruc-tures et des règles d’accueil qui le rendent possible, à la sécurité des firmes engageant ainsi leur personnelet leurs moyens financiers (sécurité que des procédures d’arbitrage, y compris face aux États, pourraientsans doute améliorer).

Enfin, je voudrais exprimer notre très vive gratitude à celui qui a bien voulu, en écho à ce dossier, s’expri-mer pour nos lecteurs : le Président de L’Oréal, Jean-Paul Agon, dont la réussite à la tête de son groupeest à tous égards exemplaire, et que nous remercions ici de tout cœur.

Bonne année 2014 à toutes et à tous.

Trois temps forts pour clôturer 2013. Bonne année 2014 à toutes et à tous !

ÉDITORIAL

Gérard WORMSPrésident d’ICC France, Président d'honneur de la Chambrede Commerce internationale,Vice-Président de Rothschild Europe

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INTERVIEW EXCLUSIVE DE JEAN-PAUL AGON, PDG DE L’ORÉAL

Leader mondial des cosmétiques, L'Oréal met en œuvre sa «stratégie d'universalisation de la beauté»et se donne les moyens de conquérir la nouvelle classe moyenne des pays émergents tout en préparantl'entreprise à répondre aux défis économiques, sociaux et environnementaux du 21ème siècle.

«L'ambition de L'Oréal est deséduire un milliard de consom-mateurs supplémentaires».

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Jean-Paul Agon, président-directeur général de L'Oréal dans une échoppe de New Delhi lors d'un voyage en Inde.Jean-Paul Agon, président-directeur général de L'Oréal dans une échoppe de New Delhi lors d'un voyage en Inde.

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INTERVIEW EXCLUSIVE DE JEAN-PAUL AGON, PDG DE L’ORÉAL

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E.I. En quoi les acquisitions quevous avez réalisées depuis un an,notamment celle du chinois MagicHoldings, votre plus gros dealdepuis 2008, sont-elles embléma-tiques de votre stratégie ?J-P.A. Pour son développement, legroupe s'appuie sur une stratégiede croissance organique fondée surun haut niveau d'innovation et surl'universalisation des marques exis-tantes. Pour autant, il y a encore des«trous» dans le maillage, des posi-tions historiquement faibles surcertains marchés ou des catégoriesdans lesquelles nous ne sommespas encore présents et qui vien-draient utilement compléter nosactivités. Ainsi, la récente acquisi-tion de Vogue en Colombie nousoffre l'opportunité de nous dévelop-per sur le marché du maquillagepopulaire en Amérique latine, et enparticulier en Colombie où nousétions peu présents jusqu'ici. Celled'Interconsumer Products, auKenya, va nous permettre de nousimplanter plus vite que prévu sur lemarché de l'Afrique de l'Est avecune marque très accessible quenous espérons distribuer bientôtdans toute l'Afrique. Grâce àEmporio Bodystore, notre filiale TheBody Shop pourra accélérer sondéveloppement au Brésil plutôt quede monter en puissance magasin

après magasin. Quant au rachat duchinois Magic Holdings, leader surson marché (150 millions d'euros deCA en 2012), il nous permet d'entrersur le marché des masques debeauté, un segment sur lequelL'Oréal n'était pas encore présent.C'est pour nous une formidableopportunité de compléter notre por-tefeuille de marques sur le marchéchinois puis sur le marché asiatique

Echanges Internationaux. Pourconquérir la confiance d'unmilliard de nouveaux consom-

mateurs, vous avez inventé leconcept de «stratégie d'universali-sation de la beauté». De quoi s'agit-il exactement ? Jean-Paul Agon. L'universalisation,c'est la globalisation dans lerespect des différences. Le contrai-re de l'uniformisation. Le défi estambitieux car il s'agit à la fois demondialiser nos activités - nousavons des divisions mondiales, desmarques mondiales, une recherchequi produit des molécules, destechnologies mondiales...- maisdans le respect des cultures localesou régionales. La beauté ce n'estpas comme du fresh drink, elles'inscrit dans des traditions, descultures. Elle dépend aussi descontingences climatiques, destypes de peau, de cheveu... La stra-tégie d'universalisation de L'Oréals'appuie sur une connaissance trèsfine des particularités et des attentesdes consommateurs et a vocation àleur offrir une beauté sur-mesure,c'est-à-dire adaptée à leurs rituels,à leurs modes de vie et à leurs pouvoirs d'achat dans chaquerégion du monde.

E.I. L'essor des pays émergents,c'est une opportunité historiquepour L'Oréal ?J-P.A. Grâce au développementéconomique, dû notamment à l'essor du commerce internationalet des échanges, la classe moyennemondiale devrait passer, si l'on encroit les études qui ont été réali-sées, de 1 à 2 voire 2,5 milliardsd'individus dans les dix ans quiviennent. Concrètement, cela signifie qu'un milliard à un milliardet demi de consommateurs supplé-mentaires va accéder à un niveaude revenu qui lui permettra d'ache-ter des produits cosmétiques dequalité, c'est-à-dire capables d'offrir l'efficacité et la sécurité denos standards. Pour L'Oréal, c'esteffectivement une opportunité historique de conquérir ce milliardet demi de consommateurs. C'estaussi un défi industriel et commer-cial immense.

L'Oréal, leader mondial des cosmétiques.

22,5 milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2012Présent dans 130 paysUn portefeuille de 27 marques internationales72 600 collaborateurs611 brevets déposés en 2012

L'Oréal est le leader mondial d'un marché des cosmétiques qui repré-sentait environ 180 milliards d'euros en 2012 devant Procter & Gambleet Unilever.

Source. L'Oréal, Rapport annuel 2012.

L'essor des pays émergentsest une opportunité historique et un défi industriel et commercialimmense.

Les nouveaux marchés,désormais première zonegéographique.

(chiffre d'affaires, en milliardsd'euros et en % du total)

Nouveaux marchés, 8,2, 39,4Europe de l'Ouest, 7,4, 35,6Amérique du nord, 5,2, 25,0

2012 marque une étape histo-rique dans l'internationalisationde L'Oréal puisque, avec 39 % du chiffre d'affaires de la branchecosmétique, les nouveaux mar-chés (Europe de l'Est, Asie,Pacifique, Afrique, Moyen-Orientet Amérique latine) deviennent lapremière zone géographique dugroupe en termes de chiffre d'affaires devant l'Europe del'Ouest (35,6%) et l'Amérique duNord (25%). A elle seule, larégion Asie-Pacifique représentedésormais 20,6 % du chiffred'affaires du groupe avec unecroissance des ventes de près de10 % en 2012.

Source. L'Oréal, Rapport annuel 2012.

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tout entier avant de développer unjour une activité masques de beautésur les marchés européen et améri-cain. De la même manière, le projetde rachat des marques Decléor etCarita au japonais Shiseido nousouvre les portes d'un métier, labeauté en institut, dans lequel legroupe n'était pas présent. J'ajoutequ'il s'agit d'un retour au bercail dedeux belles marques françaises !Chacune de ces opérations de crois-sance externe est en cohérence avecla stratégie d'universalisation dugroupe. Chaque fois que nous enavons l'opportunité, la croissanceorganique est complétée par desacquisitions qui nous permettentsoit de dynamiser le développementde tel ou tel marché, soit d'entrersur un nouveau segment.

E.I. Si les pays émergents font figurede nouvelle frontière, y-a-t-il encoredes opportunités de croissance dansles pays matures ?J-P.A. Du fait de la rapidité de lacroissance des pays émergents,leur part représente près de 40%,plus que l’Europe de l’Ouest, tandisque l’Amérique du Nord pèse envi-ron 23%. Pour autant, nous consi-dérons également l'Europe del'Ouest et l'Amérique du Nord

comme des marchés d'avenir. Encosmétique, par exemple, L'Oréalest un des rares acteurs à conti-nuer à croître en Europe de l'Ouest(+2 % l'an environ) sur un marchéglobalement flat parce que nous ygagnons des parts de marché.Nous allons continuer à investir desdeux côtés de l'Atlantique car nouscroyons aux vertus d'un développe-ment équilibré.

E.I. Les pays émergents s'inscriventde plus en plus dans une logique dereconquête de leur marché. Cettetendance vous inquiète-t-elle pourles années à venir ?J-P.A. Le marché de la cosmétiqueest un marché ouvert, où les barriè-res à l'entrée sont modestes et ilest tout à fait normal que l'on ob-serve la constitution de concurrentsun peu partout dans le monde. Ilexiste déjà quelques acteurs locauximportants comme au Brésil, par

exemple. Cela participe d'uneconcurrence normale dans unmétier comme le nôtre.

E.I. Avez-vous le sentiment que lespressions protectionnistes se ren-forcent ?J-P.A. Il peut y avoir ici ou là un picde fièvre passager lié à une situa-tion conjoncturelle comme ce fut lecas en Argentine par exemple. Il y aaussi quelques pays où les barriè-res douanières sont importantescomme c'est le cas au Brésil pourles produits de luxe. Ce quid'ailleurs n'est pas forcément unbon calcul pour l'économie brési-lienne qui se prive ainsi d'une activité commerciale lucrative carles Brésiliens vont tout simplementacheter leurs produits de luxe à l'étranger. Mais, d'une manièregénérale, les conditions de marchésont plutôt fair, la compétition joueson rôle et s'exerce globalement demanière équitable.

E.I. Quels sont les risques quiseraient susceptibles de freinervotre développement à l'étrangerdans les années à venir ?J-P.A. La situation macro-écono-mique mondiale reste un sujet depréoccupation. Depuis quelquesannées, nous évoluons dans uncontexte d'instabilité économique etle risque de ralentissement conjonc-turel demeure important ce qui, s'ildevait se concrétiser, ne serait passans impact sur la consommation.Pour autant, je suis convaincu que ledésir de ces centaines de millions deconsommateurs nouveaux qui, dansles pays émergents, disposent désormais d'un pouvoir d'achat suffisant pour avoir accès à des produits de qualité, va dynamiserdurablement le marché de la beauté. Bien sûr, il progresse plusnettement lorsque la situation économique est favorable mais lemarché cosmétique est très rési-lient même en période de crise :même en 2009, il a progressé de 1 %.

E.I. Vous venez d'annoncer unesérie d'engagements sur le développement durable à l'horizon2020. Concrètement, en quoiconsistent-ils ?J-P.A. L'Oréal a pris l'engagementd'améliorer ses pratiques sur toute

«Sharing Beauty With All» : les engagements de L'Oréal enmatière de développement durable.En octobre 2013, L'Oréal a lancé « Sharing Beauty With All », son

nouvel engagement en matière de développement durable à l'horizon2020. Un engagement qui se décline tout au long de la chaîne de valeur. Innover durablement. 100 % des produits du groupe amélioreront leurprofil environnemental ou sociétal (empreinte eau, utilisation de matiè-res premières renouvelables, amélioration du packaging, impact socié-tal positif).Produire durablement. L'Oréal va réduit son empreinte environnemen-tale de 60 % par rapport à 2005. Consommer durablement. Le groupe offrira à tous les consommateursde produits L'Oréal la possibilité de faire des choix de consommationdurables (évaluation, information) et d'influencer ses choix à travers uncomité consultatif de consommateurs. Partager la croissance. Avec les salariés du groupe d'abord qui aurontaccès, où qu'ils se trouvent dans le monde, à la couverture santé, laprotection sociale et la formation ; avec les fournisseurs stratégiquesensuite qui participeront au programme de développement durabledestiné aux fournisseurs ; avec la société civile enfin puisque le groupeaura permis à plus de 100 000 personnes issues de communautés endifficultés sociales ou financières d'accéder à un emploi.

Pour en savoir plus : www.loreal.com/sharingbeautywithall

Interview exclusive de Jean-Paul AGON, PDG de L’Oréal

Au 21ème siècle, une entreprisedoit veiller à avoir unimpact économique maisaussi social et environne-mental positif.

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INTERVIEW EXCLUSIVE DE JEAN-PAUL AGON, PDG DE L’ORÉAL

sa chaîne de valeur, depuis larecherche jusqu'à la production etla distribution, tout en partageantsa croissance avec les communau-tés qui l'entourent. C'est un enga-gement très fort. Je suis en effetconvaincu qu'au 21ème siècle uneentreprise ne peut se contenter deses performances économiques.Elle évolue dans un contexte globaloù différentes parties prenantes -États, acteurs économiques,consommateurs, citoyens...- inter-agissent et elle doit veiller à ce queson activité ait un impact écono-mique mais aussi social et environ-nemental aussi positif que possible. C'est la raison pour laquelle, aprèsdeux années de concertation avecdifférentes parties prenantes à travers le monde, nous avonsrécemment dévoilé notre plan d'action en matière de développe-ment durable pour 2020. Baptisé«Sharing Beauty With All», il placeles consommateurs au centre denos engagements (voir encadrépage précédente). En accélérant lerythme de nos progrès en matièred'innovation durable, en capitali-sant sur nos marques pour mieuxles informer, L'Oréal veut les sensi-biliser aux impacts environnemen-taux et sociétaux et encouragerainsi une consommation plusdurable. J'ajoute que nous commu-niquerons régulièrement sur lesprogrès accomplis avec l'appui d'unpanel d'experts internationauxindépendants.

E.I. Que voulez-vous dire exacte-ment par «partager notre crois-sance» ?J-P.A. Partager notre croissancec'est d'abord mettre à la disposition

de nos fournisseurs tous nos outils,nos méthodes, nos moyens dedéveloppement durable afin de lesassocier à la dynamique vertueuse.C'est aussi, et c'est à mes yeux très important, faire bénéficier noscollaborateurs du monde entier dela protection sociale la plus élevéepossible (santé, accident, forma-tion) en ajustant autant que possible les niveaux de protectionpar le haut. Enfin, d'ici à 2020, nousvoulons permettre à plus de 100 000 personnes issues de com-munautés en difficultés sociales oufinancières d'accéder à un emploi àtravers des programmes d'inclu-sion sociale par le travail, notam-ment au moyen d'un programmebaptisé Solidarity Sourcing quiconsiste à privilégier des fournis-seurs fa isant trava i l ler des handicapés, des membres de communautés défavorisées. Autotal, Sharing Beauty With All estun programme très ambitieux enmatière d'engagements pour 2020,un volet indispensable à la réussitede l'entreprise.

E.I. Vous avez décidé de communi-quer aussi sur votre démarche enmatière de prévention de la corrup-tion...J-P.A. Notre métier n'est pas part icul ièrement exposé auxrisques de corruption. Pour autant,nous sommes très attentifs à cesrisques et je souhaite que le groupe

soit en pointe sur les questions d'éthique en général et de corrup-tion en particulier. Nous appliquonsune politique de tolérance zéro enla matière et nous venons de l'affiner dans un nouveau «guidepratique de la prévention de la corruption au quotidien» destiné àl'ensemble de nos collaborateursdans le monde entier avec desrègles extrêmement précises (voirencadré).

E.I. En matière d'investissementinternational, la création d'un cadreprotecteur destiné à garantir lerespect des règles par le pays d'ac-cueil, représenterait-elle pour vousune initiative importante ?J-P.A. L'Oréal s'implante, se déve-loppe, crée des filiales, construitdes usines dans de très nombreuxpays et notre réussite future,comme celle de toute entreprise depar le monde, est fondée sur le faitque les règles du jeu sauront rester«fair» et pérennes. C'est pourquoitout ce qui va dans le sens d'unegarantie de protection accrue denos investissements est évidem-ment bienvenu.

E.I. La mise en place d'une structu-re de dialogue entre les entrepriseset les dirigeants politiques dans lecadre du G20 vous parait-elle utilepour les entreprises ?J-P.A. Nous devons tous lutter enfaveur d'un commerce internationalouvert, transparent et équitable,c'est-à-dire susceptible de favori-ser une véritable méritocratie desentreprises, et par là j'entends quecelles qui réussissent doivent êtrecelles qui le méritent parce qu'ellesproposent les meilleurs produits,aux meilleurs coûts et fabriquésdans les conditions propices audéveloppement durable. ChezL'Oréal, nous sommes ouverts àtoute initiative qui pourrait y contri-buer.

Un guide pratique sur la prévention de la corruption au quoti-dien.Signataire du Pacte Mondial des Nations-Unies, L'Oréal s'est

engagé à agir contre la corruption sous toutes ses formes en se référant en particulier à la Convention des Nations-Unies contre la corruption du 31 octobre 2003. Le groupe revendique une politique de«tolérance zéro», un engagement exprimé dans sa charte éthique etdécliné dans un guide pratique sur «la prévention de la corruption auquotidien» qui balaie l'ensemble des questions touchant à la préventionde la corruption : relations avec les autorités publiques, les clients, lesfournisseurs, mais aussi les médecins, journalistes, leaders d'opinionet autres tiers qui sont amenés à donner un avis sur l'entreprise.

Pour aller plus loin : www.lorealethics.com

En matière de corruption,L'Oréal pratique une politiquede tolérance zéro.

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POLITIQUE GÉNÉRALE

Droit européen de la vente :la position de l'ICC.

Ce projet a vu le jour il y a unedizaine d’années et visait à l'ori-gine l’élaboration d’un véritable

code civil européen. Son ambition atoutefois été progressivement revue àla baisse en raison des difficultés ren-contrées pour harmoniser les codescivils existants. Elle se limite désor-mais au seul droit de la vente et a prisla forme d’un projet de Règlementeuropéen pour un droit européen de lavente publié le 11 octobre 2011. Letexte prévoit un volet consacré auxcontrats de vente entre entreprises etconsommateurs et un autre auxcontrats de vente entre entreprises,dès lors que l’une des parties est unePME. La partie «contrats avec des consom-mateurs» échappe au domaine d’actionde l’ICC car il s’agit de l’harmonisation

au niveau européen des règles natio-nales de protection des consomma-teurs. En revanche, pour la partie«contrats entre entreprises», l’ICC estdepuis longtemps un observateur cri-tique et écouté de la Commissioneuropéenne. Ses représentants pré-sentent régulièrement leurs travauxlors des réunions de la commissioninternationale «Commercial Law andPractice» de l’ICC. Conformément auxusages, les comités nationaux sontconsultés et ICC France suit l’avance-ment de ces travaux par l’intermédiai-re de sa commission «Droit et pra-tiques du commerce international».La position de l’ICC, tout comme celled’ICC France, sur le projet actuel estréservée pour au moins deux raisonsfondamentales sur lesquelles nousallons revenir ici.

1. Il y a concurrence entre un droiteuropéen de la vente et la Conventionde Vienne.A l’instar de leurs homologues euro-péens, les entreprises françaises nelimitent pas leurs activités au marchéeuropéen mais achètent des produitset matières premières dans le mondeentier et vendent entre autres desbiens de haute technologie, notam-ment vers l’Asie et l’Amérique du Sud.Leur activité de vente et d'achat estmondiale et elles attendent un cadrejuridique qui corresponde à cette évolution. Le champ d’action de l’ICC est luiaussi mondial et son objectif est l'harmonisation des pratiques com-merciales des entreprises en vigueurdans le monde entier. Ainsi, avec l’élaboration d’un Contrat modèle de vente internationale, un de ses best-sellers, notre organisation propose aux entreprises un cadre juri-dique harmonisé pour la conclusiondes contrats de vente partout sur laplanète.Les outils de l’ICC, et notamment leContrat modèle de vente internationa-le dans sa dernière version 2013, s’appuient sur la Convention desNations-Unies de 1980 sur lescontrats de vente internationale demarchandises (Convention de Vienne)en vigueur dans 79 pays dont les plusimportants partenaires économiquesde la France (à l’exception duRoyaume-Uni et de l’Afrique du Sud),ce qui représente environ 80% descontrats de vente internationaleconclus dans le monde. Dans l’UnionEuropéenne, la Convention de Vienneest en vigueur depuis une trentained’années dans tous les États-membres,sauf le Royaume Uni, l’Irlande, Malte

L'ICC est réservée sur le projet de la Commission européenne d’un droit européende la vente car celui-ci laisse moins d'autonomie aux parties, complexifie la rédactionjuridique des contrats et en augmente le coût pour les entreprises. État des lieux.

Le Contrat modèle ICC de vente internationale. Le Contrat modèle ICC de vente internationale propose un ensemblede conditions contractuelles standards claires et concises relatif à

l'accord commercial international le plus fréquent : la vente de produitsmanufacturés. Bien baptisé contrat «de vente», il est également adapté à uneutilisation par les acheteurs puisqu'il veille à assurer l'équilibre entre lesintérêts des exportateurs (vendeurs) et des importateurs (acheteurs). Il peutdonc être utilisé comme contrat d'«achat». Le contrat modèle ICC de vente internationale propose donc aux entreprises,notamment aux PME, un contrat complet, équilibré et accepté dans le monde entier. Il est divisé en deux parties : les conditions particulières quipermettent aux contractants d'utiliser le modèle directement en remplissantle formulaire et les conditions générales qui proposent un ensemble de termes juridiques standards et donc un outil de référence pour la rédactionou la négociation de contrats.La nouvelle version numérique et interactive permet aux utilisateurs d'adapter facilement les conditions particulières à leur situation, avec desnotes-conseils qui apparaissent sur l'écran lorsque les utilisateurs font deschoix particuliers.

Pour en savoir plus : www.icc-france.fr

Christoph Martin RADTKE, Avocat, Rechtsanwalt, Associé, Lamy & Associés, Président de la CommissionDroit et pratiques du commerce international d'ICC France

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POLITIQUE GÉNÉRALE

et le Portugal, et s'applique automati-quement à tous les contrats de venteinternationale conclus en Europe ethors Europe par les entreprises.Vouloir ajouter à ce dispositif, qui a faitses preuves dans la pratique, un nou-veau droit de la vente limité aux entre-prises européennes, qui ferait figurede concurrent de la Convention deVienne, ne constitue pas une avancéeaux yeux de l’ICC. Une telle évolutionobligerait en effet les entreprises àavoir plusieurs types de contrats : uncontrat pour les ventes nationales, uncontrat pour les ventes et achats enEurope et un contrat pour les venteset achats dans le reste du monde.

2. Le contenu du projet de Règlementd’un droit européen de la vente poseproblème. En outre, les réserves vont au-delà duchamp d’application du projet en rai-son de l’approche de la Commission.Initialement, le projet visait les trans-actions entre entreprises et consom-mateurs (B2C). Cette approche en soiest positive car elle permet d’harmo-niser des droits de protection desconsommateurs très disparates dansles 27 États-membres tout en créantun cadre harmonisé qui facilitera pourles entreprises la rédaction descontrats avec les consommateurs. En revanche, l’ICC a indiqué à laCommission européenne que ledomaine de la vente aux consomma-teurs était bien distinct des contratsentre entreprises et qu’il ne fallait pasinclure ces derniers dans le projet.Or, Bruxelles a persisté dans savolonté d’appliquer le texte, certesoptionnel, aux contrats entre entrepri-ses (B2B) si au moins une des partiesconcernées est une PME (moins de250 salariés et moins de 50 millionsd’euros de chiffre d’affaire) et cecipose la question de l’utilité et de laqualité du texte du point de vue desentreprises, question sur laquellel’ICC a également son mot à dire.

• Une vision limitéeD’abord, comme il a déjà été indiqué,la Convention de Vienne constitue undroit uniforme de la vente élaboré parles Nations-Unies avec une participa-tion mondiale. Ceci rend ce texteacceptable et applicable dans lemonde entier. A l’inverse, celui de laCommission européenne, élaboréd’un point de vue strictement européen sur la base de conceptseuropéens, souffre de cette visionlimitée, en contradiction avec la

réalité de l’activité mondiale desentreprises. Dans son projet, laCommission reproche à la Conventionde Vienne son caractère incomplet.Cependant, les entreprises comblentdepuis longtemps déjà ses lacunespar des stipulations contractuelles etl’utilisation de conditions généralesou de contrats modèles.

• L'acheteur systématiquementprivilégié

Plus inquiétant pour les entreprisesest l’orientation du texte vers la protection de l’acheteur. L’intentionlouable de protéger le consommateuramène le projet à protéger systémati-quement l’acheteur supposé être lemaillon faible du contrat. Or, dans laréalité des contrats entre entreprises,la position de l'acheteur -une filialed’une très grande entreprise, unecentrale d’achat, etc- peut se révélerplus forte que celle du vendeur. Letexte bruxellois lui offre la possibilitéde contester les termes du contrat,d’invoquer un déséquilibre, etc., ce quiréduit fortement la prévisibilité del’exécution du contrat pour les entre-prises. Certes, la Commission veut ainsi limi-ter l’application du texte aux contratsdans lesquels une des parties est unePME mais assimiler les PME auxconsommateurs ne correspond pas àla réalité des échanges entre entre-prises, car la PME n’est pas toujoursl’acheteur et peut être le vendeur faceà un grand groupe qui n’a nullementbesoin de protection.

• Une catégorisation inopportuneLa création d’une catégorie spécifiquede contrats avec PME ne correspondpas davantage à la réalité. Elle signifieque les entreprises devraient avoir unecatégorie de contrats spécifique pource type de vente alors que, dans la pratique, elles utilisent le mêmecontrat pour des ventes et achatsentre un co-contractant PME et degrandes entreprises, centrales d’achats, etc.

• Moins d'autonomie pour lesentreprises

In fine, et contrairement à laConvention de Vienne dont les règlessont à la disposition des parties ets’effacent devant leur volonté de lesmodifier, le projet d’un droit européenlaisse moins d’autonomie aux parties.Il oblige les entreprises à se familiari-ser avec de nouveaux concepts ce quicomplexifie la rédaction des contratset augmente les coûts pour les entre-prises.

• Le risque que l'optionneldevienne obligatoire

Un point positif cependant : commel’ICC l’avait suggéré dès le début destravaux, le projet prévoit que le textesera optionnel et ne s’appliquera doncque si les co-contractants choisissentde soumettre leur contrat au droiteuropéen de la vente. Toutefois, rienne garantit dans la durée ce caractèreoptionnel et la Commission pourraitun jour décider de le rendre obligatoi-re. Et dans la pratique, l’entrée envigueur, même optionnelle, d’un teltexte pour les contrats entre entrepri-ses obligera celles-ci à étudier cetexte, à s’y conformer et le caséchéant à modifier leurs contratsinternationaux.

3. Le double objectif de Bruxelles estincompatible avec l'existence d'unseul texte. Le double objectif de Bruxelles -har-moniser la protection des consomma-teurs en tant qu’acheteurs dansl’Union Européenne et faciliter l’éla-boration des contrats entre entrepri-ses – peut difficilement être atteintavec la méthode choisie de présenterun seul texte de Règlement européen.En tout cas, du point de vue de l’ICC,l’application du projet de Règlementaux contrats entre entreprises ne faci-literait pas la rédaction des contratsde vente et n’apporterait pas de béné-fices aux entreprises en termes deréduction des problèmes juridiques etdes coûts.L’ICC a adressé à la CommissionEuropéenne un «Position Paper» en cesens et ICC France a fait de même àtravers une lettre au ministre françaisde la Justice. Aucun développement nes'est produit depuis la publication duprojet de Règlement fin 2011. ICCFrance tiendra ses membres informésde l’évolution de ce projet. En atten-dant, ils sont invités à se familiariseravec les outils proposés par l’ICC dansce domaine, lesquels ont fait leurspreuves et rencontrent une large adhé-sion sur le terrain, tel que le contrat modèle de vente internationale.

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AUTORÉGULATION

Su r t o u s l e sgrands mar-chés, la mise

en œuvre de codesd e co n d u i te e stconsidérée commeune bonne pratiqueprofessionnelle etun moyen reconnud ’ a s s u r e r u n emeilleure protection

du consommateur et d'entretenirsa confiance à l’égard du secteuréconomique tout en préservant l’image et la réputation des entrepri-ses concernées. Ainsi, la nouvelleversion du Code ICC de vente directe, disponible en français et enanglais (www.codescentre.com), aété conçue comme un ensemble derègles d'éthique fondées sur descodes d’autodiscipline largementrespectés et applicables aux activitésde vente directe, quels qu'en soientle cadre, la forme et le contenu.

Depuis 1937, date de publication deson premier code des bonnes pra-tiques dans le domaine du marke-ting, ICC a publié plusieurs sériesde règles internationales d’éthiquecouvrant les différents secteurs dumarketing (voir encadré). Le CodeICC de vente directe s'inscrit dansce vaste ensemble de normes. Il aété publié pour la première fois en1978 afin de compléter le cadreexistant du droit national et inter-national. Conçu comme un instru-ment d’autoréglementation etd’autodiscipline, il peut aussi êtreutilisé par les tribunaux comme

texte de référence dans le cadre dela législation applicable.En 2006, la plupart des codes demarketing ont été réunis en un seuldocument, le Code ICC consolidé surles pratiques de publicité et de com-munication de marketing. Le Codede vente directe est resté autonome,la vente directe étant essentielle-ment un mode de distribution, maisil fait largement référence au codeconsolidé, reconnu comme la référence mondiale en matière decommunication du marketingresponsable. En effet, pour toutecommunication de marketing utili-sée dans le domaine de la ventedirecte, le Code ICC consolidé sur lespratiques de publicité et de commu-nication de marketing trouve à s’appliquer, sauf dispositions particu-lières du Code ICC sur la vente directe. ICC attend des acteurs commer-ciaux qu’ils respectent et défendenttant l’esprit que la lettre du code etrecommande son utilisation commesource de référence quotidienne àtoutes les personnes participant àdes activités de vente directe.Structuré en quatre chapitres, lecode vise les objectifs suivants : • faire preuve de responsabilité et

de bonnes pratiques dans ledomaine de la vente directe, par-tout dans le monde ;

• consolider la confiance générale dupublic à l’égard de la vente directe ;

• respecter la vie privée et les préfé-rences du consommateur et assu-rer efficacement sa protection ;

• encourager la concurrence loyaleet la libre entreprise ;

• apporter des solutions efficaces,pratiques et flexibles ;

• limiter la nécessité d’édicter deslois ou règlements gouverne-mentaux et/ou intergouverne-mentaux détaillés.

Comme la précédente, cette nou-velle édition du Code ICC de ventedirecte a été rédigée en collabora-tion avec la Fédération mondialedes associations de la vente directe(WFDSA), de manière à fonder lecode sur la meilleure expertisedisponible et à tenir pleinementcompte des évolutions des pra-tiques et des techniques. Ainsi,dans un paysage médiatique enconstante évolution, il établit denouveaux principes et conseilsdans des domaines variés. Lesinnovations portent notamment surla publicité numérique, en particu-lier comportementale, et sur lacommunication éco-responsableavec la check-list des questions àse poser pour vérifier la véracité etl’honnêteté de l’argument écolo-gique dans une campagne.

La nouvelle version du Code international ICC de vente directe est disponible. Instrument d'auto-réglementation et d'autodiscipline, il peut aussi être utilisé par les tribunaux comme texte de référencedans le cadre de la législation applicable.

Code international ICC de ventedirecte : l'éthique à domicile.

Le Code ICC consolidé, instrument de régulation par excellence. La Chambre de commerce internationale (ICC) a publié en 1937son premier Code de pratiques loyales en matière de publicité. Au

fil des années, celui-ci a servi de socle aux différentes structures d'auto-régulation mises en place à travers le monde. Ces systèmes d'auto-discipline professionnelle contribuent à la confiance des consommateursen leur garantissant une publicité honnête, conforme aux lois, avec desprocédures rapides d'instruction des plaintes en cas d'infraction consta-tée. Du côté des entreprises, le Code consolidé promeut des principeséthiques qui garantissent une juste concurrence et réduisent la nécessi-té de législations et de réglementations restrictives (voir Code ICC conso-lidé sur les pratiques de publicité et de communication commerciale,www.iccwbo.org).

Définition. Le terme ventedirecte faire référence à lavente de produits directe-

ment aux consommateurs, généra-lement à leur domicile ou à celuid'autres personnes, sur leur lieu detravail ou en d'autres endroits horsde points de vente permanents.

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L’arbitrage international revêtaithier une grande importance auxyeux des entreprises qui expor-

taient mais n’étaient pas encoremondialisées. Aujourd’hui, les entre-prises sont plutôt préoccupées pardes contentieux qui sont peu ou passoumis à l’arbitrage, qu'il s'agissedes contentieux ayant trait aux régu-lations sectorielles, à la concurrence,à la fiscalité, à l’environnement ou àla conformité. Par ailleurs, si l’activi-té des institutions d’arbitrage a pro-gressé, son rythme de croissance estsans doute inférieur à celui deséchanges internationaux pour touteune série de raisons : les activitésindustrielles sont mieux maîtriséeset les contrats mieux construits ;l’environnement local inquiète moinscar les implantations sont plusanciennes ; la mise en place d'unsystème judiciaire acceptable tend àse généraliser et les clients sontaujourd'hui plus nombreux à être enposition d’imposer la clause derèglement des litiges. Enfin, lamédiation se développe fortementdans certains secteurs d’activité etavec efficacité. Pour autant, lesattentes des entreprises vis-à-vis del'arbitrage restent très fortes.

Les attentes des entreprises.Certes, le mythe de l’arbitrage, modede règlement des litiges moins exposé au juridisme excessif, plusrapide, moins cher, mieux adapté auxdifférends industriels, a vécu.L’image de ce mode de règlementdes litiges a souffert de délais et decoûts parfois excessifs comme despesanteurs de certaines institutionsd’arbitrage envahies par la bureau-cratie. Le fait qu’il soit devenu un

enjeu économique pour les arbitres,les cabinets d’avocats et les experts aaussi suscité une certaine réserve,réserve encore renforcée par l’im-pression que le monde de l’arbitragese résume parfois à un microcosmeinteractif et interdépendant. Enfin,l’arbitrage doit relever de nouveauxdéfis : nouveaux sujets, taille accruede certains contentieux, ouverture denouvelles zones géographiques, nouveaux acteurs, nouvelles institu-tions… Autant de raisons pour lesquelles les entreprises abordentdésormais le règlement de leurs liti-ges avec une certaine appréhension. Si l’angélisme a disparu, les attentesn'en restent pas moins fortes car lesraisons qui peuvent conduire auchoix de l'arbitrage demeurent nom-breuses. D'abord, il arrive souventque seule une telle procédure soitacceptée par le cocontractant.Ensuite, dans de nombreusesrégions du globe, il est encore impos-sible de s’en remettre aux juridic-tions locales et il arrive aussi quedans certains secteurs d’activité oudans certains pays, une institutiond’arbitrage joue un rôle essentieldans le fonctionnement de l’écono-mie du secteur ou du pays. La grandecomplexité ou la dimension trèsinternationale des sujets conduitégalement à confier le litige à desarbitres ayant les compétences et lesexpériences requises par le contexteparticulier ou la discipline concer-née, par exemple un sujet comptablecomplexe dans le cadre d’une acqui-sition de sociétés. L'arbitrage peutaussi apparaître comme le seulmoyen de trancher un différend enprésence de situations inextricablesoù nul ne peut déterminer la loi

applicable ou les juridictions compé-tentes ou lorsque la longueur du par-cours judiciaire classique n'est passupportable. Par ailleurs, la confi-dentialité reste et restera toujours unimpératif très important qui conduitnécessairement au choix de l’arbitra-ge dans certaines circonstances, parexemple un différend entre associés. Enfin, l'expérience parle en faveur decette forme de résolution des litiges.Les entreprises ont en effet enmémoire nombre d’arbitrages bienmenés, où le dossier avait étésérieusement instruit, où les partieset leurs dirigeants avaient pu se faireentendre, où le litige avait été tran-ché par une sentence soigneusementmotivée, où des sentences partiellesou une proposition de médiation encours d’arbitrage avaient permis demettre fin rapidement au litige. Ainsi,ces dernières années, de très grandscontentieux ont été réglés grâce àl’arbitrage ! Celui-ci occupe donctoujours une place essentielle dans lavie des affaires, le regard porté sur luipar les entreprises ayant simplementévolué. Le choix de cette procédureest devenu une décision beaucoupplus réfléchie, pesée, discutée tandisque le rôle des entreprises et desjuristes d’entreprise évoluait. Parmiles raisons de ce changement, deuxrevêtent une importance particulière.

Le rôle des entreprises et des juris-tes d’entreprise évolue. La première peut à première vuefaire l'effet d'un lieu commun : lesactivités économiques sont de plusen plus complexes. Les règles qui lesrégissent présentent de plus en plusfréquemment l’aspect d’un droit spé-cial foisonnant, souvent original et

Arbitrage : le rôle et les attentesdes entreprises

L'arbitrage reste l'un des modes favoris de résolution des litiges dans le cadre detransactions commerciales internationales. Les entreprises attendent toujoursbeaucoup de ce mode de résolution à condition d'être capable de relever de nouveauxdéfis.

Jean-François GUILLEMIN, Secrétaire Général du Groupe Bouygues, Vice-président de la CommissionArbitrage et ADR d'ICC France

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évolutif. Les pratiques contractuellessont spécifiques à chaque activité etne cessent d’évoluer, mais jamaisdans le sens de la simplification. Laformation et l’exécution des contratsmais aussi le règlement des diffé-rends sont donc devenus eux aussiplus complexes. Un contentieux peutde moins en moins être sous-traité nirester l’affaire d’un seul homme oudu seul cabinet d’avocats, mêmespécialisé ou doté de moyens importants. Seule une équipe pluridisciplinairecomposée pour durer, rassemblantles personnes concernées au sein del’entreprise et les conseils extérieursutiles, dont le spécialiste de l’arbitra-ge, peut répondre à tous les défis quesoulève le contentieux. L’équipe d’avocats la plus douée ou la plusexpérimentée ne peut plus mener àbien un contentieux complexe si ellen’a pas à ses côtés un « bon »client, c’est-à-dire un client investijusqu’au plus haut niveau, ayant l’expérience et la culture du conten-tieux, mobilisant tous les moyensnécessaires pour apporter à chaquemoment les informations, les exper-tises mais aussi les objections etcontributions utiles à la réflexion defond menée sur le dossier. Le juristed’entreprise joue à cet égard un rôledéterminant. Présent tout au long dela vie contractuelle, immergé dansl’entreprise, ayant une connaissanceintime du secteur d’activité, juriste

praticien averti, il est un contributeuressentiel mais aussi l’animateur et lelien permanent entre les différentescomposantes de l’équipe contentieuse.

De nouveaux défis à relever. La deuxième raison de l'évolution durôle de l’entreprise est la conséquen-ce des pressions extérieures qu’ellesubit désormais en cas de survenanced’un litige. Aujourd’hui, le conten-tieux représente un accident plusgrave et plus perturbant qu’il ne l’était hier, surtout pour une sociétécotée. Les entreprises le redoutentdavantage, non seulement parce queles condamnations sont plus lourdes,mais aussi parce que la survenanced’un contentieux significatif agite etinquiète plus que par le passé tousses partenaires, au premier rangdesquels les actionnaires qui pour-suivent la plupart du temps desobjectifs à court terme. Les entrepri-ses doivent donc désormais justifieren permanence de leur capacité àprévenir, maîtriser et gérer leursrisques. Elles doivent en rendrecompte dans leur communicationfinancière avec de plus en plus detransparence et de précision.L’Autorité des marchés financiersfrançaise (AMF) demande ainsi auxsociétés cotées de communiquer desinformations sur les litiges significa-tifs en évaluant leurs conséquencesfinancières, en expliquant le lien avecles provisions figurant dans les

comptes, en donnant aussi des éléments d'information sur la cou-verture du risque par les policesd’assurance. Certes, elle admetqu’une trop grande transparence estsusceptible de mettre l’entreprise endifficulté dans le cadre du conten-tieux, mais ne transige pas sur leprincipe : celui-ci doit être rendupublic, les investisseurs doivent pouvoir en apprécier le risque et letraitement comptable doit refléterl’analyse la plus objective possibledes conséquences. Et tout au long dela procédure, le contentieux fera l’objet d’un suivi attentif de la partdes commissaires aux comptes, desorganes de gouvernance comme despartenaires et autorités boursières. De telles exigences modifient sensi-blement le comportement desentreprises confrontées à un conten-tieux significatif. Elles sont bien plusattentives à la prévention et à larecherche de solutions par la négo-ciation ou la médiation. La transpa-rence change aussi leur approcheune fois le contentieux engagé. Ainsi,des difficultés de mise en œuvre dela clause compromissoire ou desdélais trop longs pour obtenir unesentence inciteront la société cotée àsolliciter une sentence partielle ou àexercer une forte pression sur sesconseils comme sur les arbitres pourobtenir que la conduite de la procé-dure soit vigoureusement prise enmain. A l’inverse, la vulnérabilité dela société cotée amplifiera chez l’autre partie la tentation d’user demanœuvres dilatoires car celles-cisont désormais dotées d’un pouvoirde nuisance accru.D’une façon générale la grande attention portée aux litiges, leur complexité, leur impact, ont modifiéles attentes des entreprises et lesconduisent à être très actives dans laconduite et le déroulement de leurscontentieux. Elles attendent toujoursbeaucoup de l’arbitrage. Elles luidemandent maintenant de relever denouveaux défis. Nul doute que lesentreprises s’orienteront de plus enplus vers des arbitrages mieux enca-drés, plus efficaces, offrant de plusfortes garanties de rapidité, de perti-nence, d’intégrité et d’impartialité.

L'arbitrage, un mode de résolution des litiges accessible à toutes lesentreprises. L'arbitrage consiste à confier la résolution d'un différend à un ou

plusieurs arbitres indépendants choisis par les parties concernées. C'est unmode de résolution des litiges particulièrement adapté aux transactionscommerciales internationales en termes de célérité, de souplesse et decoûts. Également apprécié pour la confidentialité de ses procédures, il aboutit à une sentence qui règle le litige et a l'autorité de la chose jugée.Celle-ci présente en outre l'avantage d'être non susceptible d'appel et degarantir les avantages de la Convention de New-York, assurant son exécutiondans 145 pays. Applicable à toutes tailles de litiges, l'arbitrage ICC est accessible à toutes les entreprises grâce à des formules de financementexternes, les « Third Party Funding ». Dans 70 % des cas, les arbitres sont choisis par les parties, sinon ils sontdésignés par la Cour internationale d'arbitrage sur proposition d'un comiténational afin de sélectionner dans chaque cas les arbitres les mieux qualifiésen fonction du droit applicable, des langues pratiquées et du secteur d'activité. ICC France joue à cet égard un rôle de premier plan via un comité consultatif composé de huit personnalités représentant des juristesd'entreprises, des magistrats et des praticiens de l'arbitrage. Celui-ci a pour mission de diversifier les propositions d'arbitres dans le cadre d'un processus transparent et ouvert.

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Depuis une demi-douzaine d’années, un nouveau mode definancement, déjà utilisé pour

financer les frais des procéduresjudiciaires, a fait son apparition dansle monde de l’arbitrage. Mais, cen’est que dernièrement que ce typede financement, connu sous sa dénomination anglaise («third-partyfunding»), s’est réellement dévelop-pé. Ainsi, un nombre croissant de «funders» ou financeurs, principale-ment des fonds d’investissements,ont vu le jour. De son côté, la doctrine a commencéà s’y intéresser, d’abord dans lespays de la common law, puis plusrécemment en Europe continentale.La jurisprudence arbitrale a eu à seprononcer sur certains aspects dufinancement de l’arbitrage par destiers tant en matière de protectiondes investissements qu'en matièrecommerciale. Avec, dans chaquepays, une problématique différente. En Angleterre, le partage avec destiers des sommes obtenues à la suited’une décision judiciaire favorable,est interdit en raison du principe ditde «champetry», bien que l’applica-tion de ce principe ait été assouplie àla suite des recommandations duLord Justice Jackson. C’est dans cecontexte que les tiers-financeurs ontadopté un Code de Conduite selon

lequel ils s’engagent, en particulier,à ne jouer aucun rôle actif dans laconduite de la procédure.Aux États-Unis, le nombre de tiers-financeurs est faible en raison des«contingency fees» (ou honorairesconditionnels) mais aussi parce quele financement par les tiers n’est pasautorisé dans certains États, toujoursen application du principe de«champetry».Dans certains pays d’Europe conti-nentale, tels que l’Allemagne,l’Autriche et la France, le finance-ment des frais liés aux procès aconnu un développement important,à travers les assurances de protec-tion juridique, avec des variantes.Ainsi, en Allemagne, ce type de couverture comporte un pacte dequota litis. Depuis, ce marché a évolué avec la filialisation des bran-ches des compagnies d’assurance,de sorte que ces intervenants sont devenus des véritables tiers-financeurs prenant un risque sur l’investissement.

Des méthodes d'intervention et derémunération spécifiques.Les tiers-financeurs s’intéressentaux arbitrages sur les investisse-ments comme aux arbitrages commerciaux. Toutefois, sauf raresexceptions, ils ne financent que les

parties demanderesses ou bien les parties défenderesses qui ont àformuler des demandes reconven-tionnelles.Ils interviennent soit avant le début del’arbitrage, soit en cours de procédu-re. Certains sont prêts à «racheter»des sentences arbitrales qui ne sontpas exécutées volontairement par lesparties qui ont été condamnées.En contrepartie de leur investisse-ment, les tiers-financeurs se fontrembourser avec les sommes versées par la partie perdante, desorte à récupérer, d’abord, la totalitédes sommes financées plus un pourcentage du solde restant. Dansle cas où la sentence est défavorableà la partie financée, le tiers-finan-ceur ne peut, en principe, exercer derecours à son encontre. Nous obser-vons, toutefois, qu’un contentieux esten train d’émerger entre les tiers-financeurs et les parties financées,lorsque celles-ci n’ont pas fourni les informations nécessaires lui permettant d’apprécier le risque.Parmi les autres aspects de ce typede financement qui méritent uneattention particulière, il faut citer :les risques de conflit d’intérêt entreles différents intervenants (arbitres,conseils, parties, tiers-financeurs),en particulier en cas de transaction ;l’obligation de dévoiler l’existence dufinancement ; la perte de la confiden-tialité attachée aux documents communiqués au tiers-financeur ; lerisque que celui-ci soit considérécomme étant le véritable demandeur,ce qui crée un problème additionneldans les arbitrages d’investissementdu fait d’un changement éventuel denationalité. Tous ces aspects ainsique ceux touchant à l’origine desfonds mis à la disposition par le tiers-financeur et à la transparence decelui-ci seront à prendre en considé-ration en cas de recours à un finan-cement par des tiers.

Le financement de l'arbitragepar les tiers.

Les procédures d’arbitrage sont généralement financées par les parties elles-mêmes, mais il arriveque celles-ci aient recours à des tiers. On observe ainsi le développement du third party funding, unnouveau mode de financement par des tiers qui mérite toute notre attention.

Un guide pratique signé ICC France.La Commission Arbitrage et ADR d’ICC France a créé un groupe detravail, à l’automne 2011, afin de sensibiliser les praticiens et les

usagers de l’arbitrage aux difficultés d’ordre juridique et déontologique qui peuvent surgir en cas de recours au financement par des tiers dans l'arbitrage. Depuis deux ans, celui-ci a pris soin de rassembler et d’exami-ner la doctrine et la jurisprudence et de s’entretenir, non seulement avecdes praticiens et des universitaires, mais aussi avec des tiers-financeurs,afin de rédiger un «Guide Pratique sur le Financement de l’Arbitrage parles Tiers (third party funding)». A noter toutefois que ce guide, qui vient d'être adopté par la Commission Arbitrage et ADR d'ICC France, limite sonanalyse aux difficultés vues dans une perspective française.

José ROSELL, Avocat associé, Hughes Hubbard and Reed

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Au moment où la croissance mondiale ralentit (+ 2,9 % en 2013 et + 3,6 % en 2014 selon les dernières prévisions du FMI) et où une certaine

méfiance vis-à-vis de la mondialisation s'installe, la question de la vitalité de l'investissement international - source de croissance et de créationsd'emplois - est plus que jamais centrale.

Pour investir, les entreprises ont besoin d'un environ-nement aussi stable et prévisible que possible. Pour Echanges Internationaux, praticiens et experts plaident pour la consolidation d'un cadre économique etjuridique favorable et en explorent les contours, qu'il s'agisse du renforcement du régime des Accordsinternationaux d'investissement, du remplacement destraités bilatéraux de protection des investissementsintra-communautaires ou de l'élaboration d'un socle derègles communes dans la mise en œuvre des grandsprojets d'infrastructure.

Ils insistent aussi sur la nécessité d'une coopérationétroite entre les nations afin de mobiliser tous lesacteurs, publics et privés. ICC formule notamment des recommandations destinées à faire du partenariatpublic-privé un outil efficace au service des besoinsmondiaux en services publics et infrastructures durables.

DOSSIER DOSSIER

■ IDE : la France peine à tenir son rang dans la compétition mondiale. ………………………………………… 18

■ Consolider le régime des Accords internationaux d'investissement (IIA). …………………………………………………………………………… 19

■ Les investissements intra-communautaires seront-ils encore protégés demain ?………………………………………………… 21

■ L’arbitrage ICC et les différends relatifs aux investissements. ………………………………………………………… 23

■ Partenariats public-privé : les propositions d'ICC France 25

■ La MIGA au service du développement. ………………………… 27

■ Infrastructures : opportunité ou défi ? …………………………… 28

L’INVESTISSEMENT INTERNATIONAL

L’investissement international :un moteur indispensable

de la croissance

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STRATÉGIES ET MARCHÉS INTERNATIONAUX

IDE : la France peine à tenir son rang dans la compétitionmondiale.

L’INVESTISSEMENT INTERNATIONAL

Dette américaine, crise de l'euro,modestie des perspectives decroissance sur le continent

européen... Ces dernières années, denombreuses entreprises ont redoubléde prudence dans la mise en œuvre deleurs grands projets d'investissementinternationaux. Les économies matu-res ont fait les frais de ces inquiétu-des : elles sont directement affectéespar près de 90 % de la baisse de 294 milliards de dollars observée en2012 pour les investissements directsétrangers (IDE) au niveau mondialselon le Baromètre Ernst & Young del'attractivité Europe 20131. Et 2012 a marqué un tournant puisque, pour la première fois, les économies émergentes ont été les premièresbénéficiaires du flux des investisse-ments étrangers.

Avec 697 projets d'investissementétrangers, soit près d'un projet européensur cinq et plus de 30 000 créationsd'emplois en 2012, le Royaume-Uni fait la course en tête devantl'Allemagne (624 projets). Le duo distance l'Hexagone qui recense 471 projets seulement (-12,8 % par rapport à 2011) et à peine plus de 10 500 emplois créés (-20%). Jugésplus flexibles et plus compétitifs,mieux ancrés dans la mondialisation,le Royaume-Uni et l'Allemagne s'ins-crivent dans une compétition mondialeque notre territoire a du mal à suivre.La France peine notamment à séduireles investisseurs venus des BRIC (en2012, l'Hexagone n'a accueilli que 6 %des IDE européens en provenance deces pays en forte croissance). En Europe, l'année 2012 a été mar-quée aussi par le retour en force del'Europe centrale et orientale portéepar des IDE fortement créateursd'emplois, notamment en Pologne, en

Serbie et en Russie. Enfin, grâce à des stratégies efficaces en matière d'attractivité, certaines économies endifficultés comme l'Espagne, l'Irlandeou la Finlande ont attiré un nombrerecord d'investissements étrangers. Globalement, selon les expertsd'Ernst & Young, les investisseursétrangers ne désespèrent pas de l'attractivité de l'Europe. Dans leuresprit, ses atouts historique (stabilitépolitique, compétences, qualité desinstitutions mais aussi bassin deconsommation) atténuent l'impactdes turbulences économiques, finan-cières et sociales susceptibles desecouer la zone euro. Ainsi, 37 % sontconvaincus que l'attractivité de larégion va se stabiliser au cours destrois prochaines années et 39 %qu'elle va même s'améliorer. Lesinvestisseurs originaires des BRICsont encore plus optimistes : ils sont55 % à anticiper une embellie.

Chaque année, Ernst & Young publie le Baromètre de l'attractivité de la France, une radioscopie del'évolution des investissements directs étrangers dans l'Hexagone et sur le Vieux continent. Le cru2013 confirme le décrochage de la destination France par rapport au Royaume-Uni et à l'Allemagne,ses deux grands concurrents européens.

En Europe, les IDE marquent le pas en 2012.

(projets d'investissement)

La bataille des principales destinations. (projets d'investissement)

Source. European Investment Monitor, Ernst & Young 2013.

Source. European Investment Monitor,Ernst & Young 2013.

En 2012, l'Europe a attiré 3 797projets d'implantation interna-tionale. Un chiffre en recul de 2,8 % par rapport à 2011 mais quireste au-dessus du niveau d'avantcrise (3 712 projets).

Depuis le début de la décennie, l'Allemagne a ravi la deuxième place dupodium à la France et creusé l'écart. Mais y-a-t-il encore place pour troisgéants au sein d'une économie européenne fragilisée ?

(1) Baromètre de l'attractivité de la France 2013. France : dernier appel. www.ey.com

Royaume-Uni France Allemagne

2007 713 541 3052008 686 523 3902009 678 529 4182010 728 562 5602011 679 540 5972012 697 471 624

2007 3 712

2008 3 720 (+0,2%)

2009 3 303 (-11,2%)

2010 3 757 (+13,7%)

2011 3 907 (+4%)

2012 3 797 (-2,8%)

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L’INVESTISSEMENT INTERNATIONAL

Consolider le régime desAccords internationaux d'investissement (IIA).

En période d'incertitudes écono-miques, le monde des affaires aplus que jamais besoin d'un

environnement stable et prévisiblepour créer de la richesse et desemplois. Bien que le flux d' investisse-ments directs étrangers (FDI) aitrepris sa marche en avant pendantdeux ans après le coup de tabac pro-voqué par la crise financière, il a ànouveau baissé de 18 % (à 1 400milliards de dollars) en 20121. Selon la CNUCED, les principales rai-sons de cette nouvelle diminutionsignificative sont à chercher du côtéde la fragilité de certaines économieset des politiques mises en œuvre. Parailleurs, les mesures de régulationdes investissements que l'on peutqualifier de «restrictives» ont repré-senté 25 % de l'ensemble des nou-velles dispositions prises en 2012 (àcomparer à 6 % seulement en 2000)tandis que celles considérées commerelevant plutôt d'un mouvement delibéralisation portaient sur 75 % (94 %en 2000)2. Dans un tel contexte, lesentreprises mettent sans surprise unfrein à leurs nouveaux investisse-ments, avec du côté des multinationa-les l'accumulation de trésoreries

records évaluées entre 4 000 et 5 000milliards de dollars3. La baisse des FDI ne découle pas seulement du retour des politiquesindustrielles et du développement desmesures restrictives. L'ICC n'a cesséde souligner que les fluctuationsincessantes de la couverture du régime des Accords internationauxd'investissement (IIA) associées auxrisques liés aux nouvelles mesuresd'austérité constituent également unfacteur d'incertitude politique quiréduit la visibilité des entreprises surles conditions de réalisation de leursprojets d'investissement.

Consolider le régime des IIA pour laprochaine décennieÉtant donné l'état du régime des IIA,le monde des affaires est donc bienconscient de la nécessité d'uneréflexion sérieuse sur les conditionsd'une bonne gouvernance de l'inves-tissement international pour ladécennie qui vient. De larges discus-sions doivent absolument être initiéessur le sujet, que ce soit sur le règlement des différends dans lecadre des IIA, sur la montée en puissance des investissements

internationaux réalisés par des entre-prises publiques ou sur la question de savoir comment les partenariatspublics-privés peuvent contribuer à faire tomber les barrières à l'inves-tissement.

Au moment où le développement des investissements directsétrangers (FDI) marque le pas, le régime des Accords internationauxd'investissement (IIA) doit être renforcé afin d'offrir une meilleurevisibilité aux entreprises et de favoriser la création de richesseset d'emplois.

Nicolle GRAUGNARD,Policy Manager, Politiques du

commerce et de l'investissement, Chambre de commerce internationale

Stefano BERTASI, Directeur exécutif, Politique générale et pratiques des entreprises, Chambre decommerce internationale

©DR

©DR

Le nombre de traités d'investissement bilatéraux en baisse.A la fin 2012, le régime des Accords Internationaux d'Investissement(IIA) comptait 3 196 accords, dont 2 857 accords bilatéraux (BIT) et

339 «autres accords IIA». 30 accords avaient été conclus dans l'année, dont20 BITs, ce qui représente l'étiage le plus bas depuis vingt cinq ans (Source. World Investment Report 2013, CNUCED).

Evolution des investissementsdirects à l'étranger (IDE),

en milliards de dollars

2007 2 2722008 2 0052009 1 1502010 1 5052011 1 6782012 1 3912013* 1 4502014* 1 6002015* 1 800

*Prévisions de la CNUCED.Source. World Investment Report 2013,CNUCED.

Après un plus bas en 2009 suivi d'un netredressement en 2010 et 2011, le fluxdes investissements directs à l'étran-ger a marqué à nouveau le pas en 2012,(-18 % par rapport à 2011), loin de sonniveau d'avant la crise (-39%). Et, pourla première fois en 2012 le flux des IDEvers les pays émergents a représentéplus de la moitié (52%) du flux totalavec 703 milliards de dollars contre 561 milliards pour les pays développés(41,5%) et 87 milliards pour les écono-mies en transition (6,5%).

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Comme ce fut déjà souligné dans unrécent numéro de Perspectives, lesnégociations régionales actuelles offrent une réelle opportunité deconsolider le régime des IIA et de donner davantage de visibilité auxentreprises. Étant donné que lesÉtats-Unis mènent actuellement desnégociations avec l'Union Européenneet la Chine, il est probable que de nouvelles dispositions susceptibles de jeter les fondations de normes globales vont émerger. Cette premièreétape dans la consolidation du régimedes Accords internationaux d'investis-sement s'annonce toutefois commeun processus long et difficile dans lamesure où les questions qui font l'objet des négociations sont à la foistechniquement et politiquement déli-cates. Du point de vue des entreprises

globales, ces négociations devraientêtre menées en parallèle avec les discussions de long terme qui se poursuivent par ailleurs dans lesenceintes internationales formelles et informelles : G20 et Processusd'Helsinki en particulier. L'objectif deces discussions est de promouvoir unemeilleure compréhension mutuelleentre les gouvernements, mais aussientre les gouvernements, les entrepri-ses et la société civile, afin de bâtir uncadre de dialogue sur l'investissementinternational dans l'intérêt de toutesles parties prenantes. Lorsque les membres du G20 se sontretrouvés en septembre 2013 à Saint-Pétersbourg, l'investissementinternational a fait l'objet d'unerecommandation dans le communi-qué final. Une étape importantepuisque le G20 représente le plus hautniveau d'échange en matière decoopération économique internationaleet de gouvernance mondiale et queses membres, pays développés etémergents, représentent 80 % ducommerce mondial, 85 % du PIB etles deux-tiers de la population mon-diale. Depuis 2009, la communautéinternationale des affaires a pris l'ha-bitude d'interpeller les leaders du G20sur ses priorités, les plaçant ainsi ensituation de relever quelques uns desdéfis économiques mondiaux quipèsent sur les entreprises interna-tionales en matière de commerce,d'investissement, de croissance et decréation d'emplois.

Des échanges réguliers entre lesentreprises et les gouvernements du G20Au cours des quatre dernièresannées, des échanges réguliers onteu lieu entre les milieux économiqueset les gouvernements du G20 concer-nant de nombreux domaines, notam-ment l'investissement international.Ainsi, dans la perspective du prochainsommet annuel, les entreprises globales représentées par le B20recommandent à leurs partenairesg o u ve r n e m e n ta u x d u G 2 0 d e «s'accorder sur un ensemble de

recommandations destinées à dessinerun cadre global pour les investisse-ments internationaux, établissant desnormes minimales susceptibles d'être mises en œuvre par l'ensembledes pays concernés et de servir deréférence aux autres pays (…). LesRègles ICC 2012 pour l'investissementinternational pourraient utilementservir de modèle à un tel cadre»4. Les discussions sur l'investissementinternational organisées dans le cadredu Processus d'Helsinki et présidéespar la Finlande et la Tanzanie repré-sentent une approche féconde compte-tenu précisément de «sa nature informelle, mais inclusive, structuréeet capable de faire émerger unconsensus susceptible de satisfairel'ensemble des parties prenantes»5.Le souvenir de l'échec des négocia-tions sur l'Accord multilatéral sur l ' invest issement (Mult i lateralAgreement on Investment) dans lesannées 1990 nous rappelle opportu-nément la nécessité de s'accorder surdes fondations solides avant de s'engager dans des négociations surl'investissement international sur unebase multilatérale. Ainsi, les négocia-tions actuelles aux niveaux bilatéral etrégional constituent les premiers pasindispensables avant de s'attaquer àl'écheveau des accords que touteentreprise doit passer au crible avantde se lancer dans une stratégie d'investissement à long terme. Dansune optique de plus long terme, les discussions engagées dans le cadredu G20 et du Processus d'Helsinkisont également importantes. Lemonde des affaires est activementimpliqué dans ces différents échan-ges avec l'objectif de voir le régimedes Accords internationaux d'investis-sements garantir un cadre globalpour les investissements interna-tionaux sur lequel les entreprises pourront s'appuyer pour générer unecroissance durable.

Le Top Ten 2012 des pays d'accueil, en milliards de dollars

1. Etats-Unis, 1682. Chine, 1213. Hong Kong, 754. Brésil, 655. Iles vierges britanniques, 656. Royaume-Uni, 627. Australie, 578. Singapour, 579. Fédération de Russie, 5110. Canada, 45

Avec 168 milliards de dollars en 2012,les États-Unis demeurent le premierpays d'accueil des investissementsdirects étrangers et le deuxième sil'on réunit la Chine et Hong Kong.Parmi les pays émergents, Brésil,Singapour et Fédération de Russiefigurent également en bonne placedans le Top Ten. L'Europe, en revan-che, marque le pas en y plaçant seule-ment le Royaume-Uni. Avec 25milliards de dollars, la France perdtrois rangs par rapport à 2011 et poin-te désormais en 16ème position.

(1) Rapport 2013 sur les investissements internationaux, CNUCED. (2) Ibid. (3) Ibid. (4) « B20-G20 pour la croissance économique et l'emploi : les recommandations du B20 », Le Livre blanc (Union russe des industriels et entrepreneurs,

2013), http://www.b20russia.com/B20_WhiteBook_web.pdf,P.27. (5) Karl P. Sauvant et Federico Ortino,“The need for an international investment consensus-building process,” Columbia FDI Perspectives, No. 101,

12 Août 2013.

Source. World Investment Report 2013,CNUCED.

L’INVESTISSEMENT INTERNATIONAL

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L’INVESTISSEMENT INTERNATIONAL

Les investissements intra-communautaires seront-ilsencore protégés demain ?

Ala demande de certains de sesmembres, le comité français de la Chambre de Commerce

Internationale a réagi en s’adressantd’abord au gouvernement français,puis, conjointement avec quatre autres comités nationaux européens(UK, Al lemagne, Pays-Bas etB e l g i q u e ) , à l a C o m m i s s i o nEuropéenne (CE) pour demander queles TBI soient remplacés par uninstrument juridique équivalentgarantissant le plus haut niveau deprotection pour l’ensemble des inves-tissements intra-communautaires. Après avoir brièvement rappelé l’intérêt que présentent les TBI, nouspasserons en revue les principalescritiques d’ordre juridique formuléespar Bruxelles ainsi que les initiativesqu'elle a prises dans ce domaine. Ce bref exposé se réfère aussi àquelques prises de position émanantde certains Etats-Membres et del’Oberlandesgericht de Francfort2

(OLG), sans oublier les initiatives desCCI et de certaines entreprises.

Intérêt pour les entreprises euro-péennes.Le développement marqué et récentdes TBI3 s’inscrit notamment dans lafoulée de la fin du bloc soviétique etreflète la volonté des pays signatairesd’attirer les investissements étran-gers ou de faciliter l’exportation decapitaux à des fins d’investissement.Le TBI constitue un socle essentiel dela défense des investissements dèslors que le droit international coutu-mier en la matière ne suffit pas4 etque la protection par voie diploma-tique n'est pas un droit acquis. Ainsi, un TBI place un différend économique survenant entre l’État

d’accueil de l’investissement et uninvestisseur d'un autre État signatairedans la sphère du droit et de la justiceinternationale en l’isolant des aléaspropres aux relations politiques exis-tant entre ces États.5 Typiquement, unTBI accorde à l’investisseur un moyende droit à faire valoir directement contre le pays d’accueil en cas d’ex-propriation ou de nationalisation sansindemnisation prompte et adéquate,de discrimination ou de traitementinjuste ou inéquitable. Cet arsenal estrenforcé par la faculté laissée à l’investisseur de s’adresser en cas delitige à un tribunal arbitral internationalneutre en lieu et place des tribunauxnationaux du pays d’accueil.6 Le TBIconstitue ainsi actuellement l’offre laplus solide répondant à la demande deprévisibilité juridique nécessaire auxinvestissements transnationaux réali-sés pour le moyen ou le long terme.

Les critiques de Bruxelles.La Commission Européenne veutcontraindre les États-Membres àmettre fin aux TBI. La liste des critiques qui suit ne prétend pas àl’exhaustivité. Elle résulte d’échan-ges de courriers entre Bruxelles etles comités nationaux d’ICC ou certaines sociétés du CAC 40, ainsique d’autres sources (les critiques dela CE sont résumées en italique etsuivies de nos observations).Le TBI est inutile, le droit de l'UEsuffit. Accepter une telle propositionreviendrait à cautionner l'objectif dela Commission de mettre un termedéfinitif aux TBI sans les remplacerpar un texte équivalent. Cela auraitpour conséquence de favoriser lesinvestissements en provenance de

l'extérieur de l'UE par rapport auxinvestissements transnationauxintracommunautaires : les premierscontinueraient de bénéficier de laprotection prévue par les traitésconclus par leur pays d'origine avecles États-Membres. Ceci est particu-lièrement frappant s'agissant durecours prévu par ces traités à l'arbi-trage international neutre pour lerèglement de litiges. La suppression des TBI affaiblirait l'UEdans ses négociations avec des Etatstiers portant sur des traités destinés àprotéger les investissements réalisésdans ces pays par des investisseurseuropéens : elle se verrait forclose dela faculté d'exiger d'eux les garantiesjuridiques voulues, faute de pouvoirleur démontrer avoir maintenu un telniveau de protection chez elle.7

Aujourd’hui, rien ne permet deconclure que le droit de l’UE consac-re une protection équivalente à celledes TBI. Le point de vue opposé de laCE à ce sujet ne peut convaincre lejuriste en l’absence d’une comparai-son exhaustive entre le TBI qui seraitidentifié comme étant le plus protec-teur d’investissements et le droit del'UE. Cette étude serait longue àmener et sans garantie de résultatprobant. Une solution pratique a étésuggérée à la Commission : la rédac-tion d'un règlement européen ou d'untraité multilatéral entre États-Membres en remplacement des TBI.Il lui a ainsi été demandé de procéderà un «nivellement par le haut» : déli-vrer le plus haut degré de protection.Les TBI introduisent des discrimina-tions entre investisseurs de l'UE car ils s'appliquent entre certainsÉtats-Membres et uniquement aux

Après l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, l’Union Européenne a demandé aux États-Membresde dénoncer les traités bilatéraux de protection des investissements en vigueur entre pays membresde l’UE (TBI), et de mettre fin aux clauses de survie qu'ils peuvent contenir. Un sujet de préoccupationpour les entreprises car ces traités constituent une source essentielle de sécurité juridique pour lesinvestissements au sein de l’UE.1

Alexander de DARANYI, Solicitor (England & Wales), Director, Head of Finance Law, Sanofi

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L’INVESTISSEMENT INTERNATIONAL

investissements intracommunautai-res. Nous pensons que l'adoptiond'un règlement européen ou d’untraité multilatéral entre EM seraitune solution. L’arbitrage serait contraire au droitde l’UE. Cette objection se décline enplusieurs assertions.- Prétendue violation du monopole de laCour de Justice de l'UE (CJUE). En vertu de l’article 344 du Traité surle Fonctionnement de l'UE (TFUE),les États-Membres ne peuvent sou-mettre un différend relatif à l’inter-prétation ou à l’application des trai-tés de l’UE à un mode de règlementautre que ceux prévus par ces traités.Pour la Commission, cette règle ren-drait l’arbitrage illicite en matière deTBI dès que le différend poserait unequestion de droit de l’UE. Nous nesommes pas d’accord pour plusieursmotifs, surtout parce que l’article 344TFUE ne concerne que les litigesentre EM et non pas les différendsentre EM et investisseurs. L’OLG par-tage cet avis.8

- L’arbitrage échappe au contrôle pré-judiciel par la CJUE (article 267 TFUE).Cette compétence de la CJUE au titrede l’article 267 TFUE se limite à l’interprétation des traités de l’UE etdes actes pris par les institutions,organes ou organismes de l’UE et aucontrôle de la validité de ces actes. LaCJUE n’est pas compétente pour appli-quer le droit de l’UE à un cas détermi-né. Cette compétence appartient auxtribunaux des États-Membres et leursjuges n’ont pas l’obligation de s’adressersystématiquement à la CJUE.- Les sentences arbitrales échappentau contrôle de conformité avec ledroit de l’UE.Il s’agit là du sujet le plus complexe.Il soulève en tout cas les questions

suivantes. Dans quelle mesure unarbitre siégeant dans un EM ou horsde l’UE est-il tenu d’appliquer le droitde l’UE, par hypothèse en conflit avecle TBI ou un accord d’investisse-ment ? Les tribunaux des États-membres (ou autres) devraient-ilsrefuser d’exécuter une sentence vio-lant le droit de l’UE ? Que se passe-t-il alors pour les droits acquis desinvestisseurs au titre des TBI avantl’entrée en force du droit de l’UE dansle pays d’accueil ou en cas de modifi-cation de ce droit ? De quelles sour-ces parle-t-on (des traités, des règle-ments, des décisions) ? Il n'est paspossible de mener ici une telle analy-se. Nous noterons seulement que cesujet n’est pas propre aux TBI maisconcerne l’arbitrage en général. Sil’UE n’est pas satisfaite du droit posi-tif en la matière, ne lui appartien-drait-il pas d’initier la renégociationde la Convention de New York pour lareconnaissance et l’exécution dessentences arbitrales étrangères de1958 (CNY) ? Nous suggérons quecette question soit traitée au sein del’UE par le règlement ou traité déjàmentionné, sous un titre consacré àla reconnaissance des sentences et àl’ordre public, en harmonie avec l’article V. 2.b) de la CNY. - Prétendue violation du principe deconfiance réciproque dûe aux tribu-naux nationaux des EM.Cette critique a été rejetée par l’OLG8.Nous relevons qu’elle s’adresse à l’arbitrage en général plutôt qu’aux TBI.L’accepter reviendrait à condamner cemode de résolution de litiges très largement répandu au sein de l’UE.

Les principales initiatives.Bruxelles envisage d’engager pro-chainement des procédures de

manquement contre les États-Membres qui refusent de dénoncerles TBI.9 Les échanges de lettresavec la Commission évoqués plushaut ont peut-être eu le mérite deretenir pendant deux ans le lance-ment de telles procédures. La CE propose en échange des TBI unsystème non obligatoire de règle-ment des litiges. L’entreprise lésées’adresserait à un point de contact(un fonctionnaire de son pays) etcelui-ci chercherait une solution avecson homologue de l’administrationdu pays d’accueil. Au besoin, l’affaireserait portée devant un InvestmentMediation Board de type administra-tif. L’investisseur garderait la facultéde s’adresser aux tribunaux du paysd’accueil ou de dénoncer l’affaire à laCE. Ce système irait à l’encontre dela dépolitisation des différends et deleur règlement par voie d’arbitrageneutre, deux acquis importants men-tionnés plus haut. L’Allemagne s’oppose à la dénoncia-tion des TBI. La France et les Pays-Bas, après s’y être opposés, ont proposé de les remplacer par un système obligatoire de règlementdes litiges par une agence européen-ne, avec ultime recours à la CJUE. LaCE a écarté cette idée. En attendant la fin de la procédurejudiciaire engagée contre la sentencefinale Eureko, la défense des TBI etdonc celle des investissements intra-communautaires doit se poursuivre.Pour l'heure, Bruxelles se montreinflexible et n’a pas encore proposéaux entreprises de participer à sestravaux. Les prochaines nominationsa u s e i n d e l a C o m m i s s i o nEuropéenne changeront-elles ladonne? Il est aujourd'hui impossibled’en préjuger.

(1) Les dispositions correspondantes du traité multilatéral sur la Charte de l'énergie, auquel l’UE elle-même est partie en plus des EM, ne semblent pasencore menacées.

(2) Arrêt du 10 mai 2012 rendu dans l’affaire Eureko c/ République de Slovaquie ; un recours de cet EM contre la sentence partielle affirmant la compé-tence du tribunal arbitral a été rejeté par l’OLG; le Bundesgerichtshof allemand (BGH) par décision du 19 septembre 2013 a refusé d’entrer en matièresur le recours interjeté contre l’arrêt de l’OLG : entretemps la Slovaquie a été condamnée au paiement de 22.100.000 euros de dommages-intérêtspar sentence finale du 7 Décembre 2012. Celle-ci a recouru contre la sentence finale, à l’OLG. Le recours est pendant.

(3) On compte actuellement quelques 180 TBI (Emmanuel Gaillard, Menaces sur la protection des investissements en Europe, in Droit & Entreprise, 11 mai 2011, p.8).

(4) Le droit international public coutumier n’en a pas pour autant perdu toute sa place dans ce domaine. Le juriste y a parfois recours à titre supplétif.(5) L’intervention de l’État de l’investisseur s’avère nécessaire lorsque le pays d’accueil refuse de se conformer à une sentence prononcée contre lui au titre

d’un TBI. Cependant, il ne s’agit pas là d’un défaut propre aux TBI. En outre, en tant que partie au TBI, l’Etat de l’investisseur peut agir contre le paysd’accueil pour violation du TBI en invoquant un droit propre. Mais ce type d’initiative est trop rare pour qu’un investisseur puisse compter dessus.

(6) L’investisseur et le pays d’accueil complètent souvent le TBI d’un accord sur l’investissement contenant une clause ayant pour but de figer certainsaspects clés du droit national de l’État concerné.

(7) On notera par exemple le mandat reçu le 18 octobre 2013 par la CE du Conseil Européen de négocier un nouveau traité d’investissement avec laRépublique Populaire de Chine.

(8) Nous ignorons si la Slovaquie plaide à nouveau ce point dans son exploit contre la sentence finale Eureko, à tout le moins dans le but de solliciterensuite une décision du BGH ou un avis de la CJUE par cette voie. Cf. n.2.

(9) A notre connaissance, seuls le Danemark et la République d’Irlande auraient accepté de dénoncer leurs TBI.

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L’arbitrage ICC et les différendsrelatifs aux investissements.

Rares sont encore les arbitragesICC initiés sur la base d’un traitéou d’une loi nationale sur la pro-

tection des investissements (TBI).Selon la CNUCED, sur 514 arbitragesde cette nature recensés jusqu’en2012, une dizaine seulement a été por-tée devant l'ICC qui, depuis, a compo-sé un groupe de travail afin d’émettredes recommandations en la matière.Ses travaux ont été pris en comptedans l’élaboration du Règlement d’ar-bitrage ICC de 2012. En voici les prin-cipales caractéristiques. Mission de la Cour. Celle-ci n’est pluslimitée à l’administration des litigesintervenant dans le domaine des affai-res, elle est étendue à l’administrationde la résolution de «différends». Nomination d’un arbitre. Lorsqu’il luiappartient de nommer un arbitre etque l’une des parties est un État, laCour de l'ICC peut désormais le dési-gner directement, sans avoir recoursà la proposition d’un comité national.Ce changement répond aux inquiétu-des des États qui redoutaient que lescomités nationaux ne soient liés à l’investisseur. Cette solution limiteégalement le risque de nomination denon-spécialistes par les comités. Exclusion de certaines dispositions.Le nouveau règlement stipule que letribunal tient compte des dispositionscontractuelles et des usages du com-merce non plus obligatoirement maisseulement s’ils ont vocation à s’appli-quer, ce qui n’est pas le cas des arbi-trages fondés sur les TBI. Il en va demême des dispositions sur l’arbitred’urgence.Enregistrement des requêtes. Larequête ICC est enregistrée dèsréception sauf si l’absence de consen-tement est évidente. Cette dispositionest avantageuse pour la partiedemanderesse tout en préservant les

intérêts de la défenderesse qui pourrasoulever des exceptions sur la compé-tence. Selon le nouveau Règlement,ces exceptions sont tranchées direc-tement par le tribunal. Le secrétairegénéral peut cependant les soumettreà la Cour, une disposition rassurantepour les États. Sous l’égide du CIRDI,l’enregistrement des requêtes n’estpas automatique. Le secrétaire géné-ral contrôle si le différend entre biendans son champ de compétence. Ceprocessus dure en moyenne 23 jourset a donné lieu à 17 refus d’enregis-trement. Constitution du tribunal. La Cour del'ICC doit confirmer les arbitres s’ilsont soumis une déclaration d’accepta-tion incluant des réserves qui ontdonné lieu à contestation ou si lesecrétaire général remet en cause lanomination d'un arbitre. Le CIRDI nedispose pas d'une telle possibilité. Lapartie contestataire peut demander larécusation d'un arbitre après la cons-titution du tribunal. Ses deux autresmembres statueront sur cette requêtesauf si elle porte sur la majorité dutribunal, auquel cas il revient au pré-sident du conseil administratif duCIRDI de trancher. Enfin, la Cour,contrairement au CIRDI, a la facultéde remplacer un arbitre défaillant. Transparence. Contrairement auCIRDI, le Règlement ICC ne prévoitpas l’intervention des amici. Demême, les noms des parties et lesdétails de la procédure ICC ne sontpas publiés. Examen de la sentence. Le tribunalICC doit soumettre son projet de sen-tence à la Cour pour approbation.Lorsqu’un État est impliqué, le projetsera examiné par la Cour en sessionplénière. Celle-ci peut imposer desmodifications de forme et attirer l’at-tention du tribunal sur des points

relatifs au fond. Les règles CIRDI necontiennent pas de disposition équiva-lente même si, dans la pratique, leconseiller CIRDI revoit les projets desentence. Coûts. Les honoraires des arbitresICC sont calculés en fonction du mon-tant du litige et de sa complexité alorsque ceux des arbitres CIRDI sont fixésà 3 000 USD par jour de travail.Sentence partielle. Il est impossiblede rendre des sentences partiellesdans les arbitrages CIRDI. La questiondes frais ne pourra donc être tranchéequ'avec la sentence alors que dans lesarbitrages ICC le tribunal peut, aucours de la procédure, rendre unesentence partielle condamnant la partiedéfaillante au remboursement de lapart des frais qui a dû être avancéepar l’adversaire.Recours. Une sentence CIRDI n’estsusceptible d’aucun recours devantun tribunal étatique. Elle doit être exé-cutée dans tout État ayant ratifié laConvention de Washington comme s’ils’agissait d’un jugement définitif. Lerecours en annulation est possiblemais exclusivement devant un comitéad hoc CIRDI alors qu’il doit être exercédevant les tribunaux du siège de l’arbitrage pour les sentences ICC.Quant à l’exequatur des sentencesICC, il relève des traités ou des loisnationales. L'ICC semble disposer désormais detous les moyens requis pour administrerdes arbitrages TBI. Le plus difficilereste à faire : sensibiliser les États quinégocient des TBIs afin d’inclure desclauses ICC. Seuls 18% des TBIs, ettrès peu de lois nationales sur lesinvestissements, offrent une telleoption. Le pourcentage est encoreplus faible en ce qui concerne laFrance : 6% des TBIs seulementcomportent une clause ICC.

Le CIRDI, centre d’arbitrage créé par la Convention de Washington, n’a pas le monopole du traitementdes différends entre investisseurs étrangers et pays d’accueil. L'ICC s'est désormais dotée des moyensde gérer les arbitrages TBI.

Hamid GHARAVI, Associé fondateur du cabinet Derains & Gharavi et Eloïse OBADIA, Associée du cabinet Derains & Gharavi etconseiller juridique senior CIRDI

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L’INVESTISSEMENT INTERNATIONAL

Un partenariat public-privé(PPP) prend la forme d'unecoopération de long terme

entre des pouvoirs publics et desopérateurs privés pour construire ougérer des infrastructures et des ser-vices publics. Cette coopération peutaller du contrat de gestion jusqu'à laconcession en passant par le modede financement totalement privé.Dans tous les cas, l'attractivité d'unPPP repose sur plusieurs critères : leprojet doit avoir une utilité généraleet être susceptible de créer une réelle valeur économique, sociale etenvironnementale pour une popula-tion et un territoire ; les politiquespubliques doivent y gagner en effi-cience en élevant la qualité des servi-ces rendus ; le PPP doit permettrede mobiliser avec efficacité les compétences et les technologies dusecteur privé tout en élargissant lessources de financement ; enfin, leprojet doit pouvoir s'appuyer sur l'in-tégrité, la transparence et l'esprit deresponsabilité de tous les acteurs.

Répartir et gérer les risques.L'un des atouts des PPP est la possi-bilité qu'ils offrent aux autoritéspubliques de partager les risquesd'un projet avec des investisseurs etdes opérateurs privés, sachant queces risques doivent être correctementidentifiés, répartis et gérés pendanttoute sa durée de vie. En général, le secteur public en supporte lesrisques politiques et parfois finan-ciers et doit s'assurer de son accep-tabilité par les citoyens pour évitertout risque de rejet. Il doit en outredéfinir les conditions d'accès au service ou à l'infrastructure (gratuité,redevance ou prix régulé) et, en fonc-tion du type de contrat (contrat deservice, affermage ou concession,partenariat...), assumer le cas

échéant une part du risque financier.Quant aux opérateurs privés, ils portent les risques techniques ainsique la part des risques financiers quin'est pas couverte par le partenairepublic.

Le cadre économique.Le projet doit in fine permettre auxpopulations d'accéder aux servicesde base et s’inscrire dans un déve-loppement économique et socialdurable. Une étude de faisabilitéindépendante est un pré-requisindispensable pour s'assurer que lepartenariat reposera sur un modèleéconomique réaliste. Dans ce cadre,l'autorité publique définira avec précision tous les aspects du PPP(modes de financement, tarification,rétribution de l'opérateur privé,niveau de performance exigé, etc).Un modèle économique solide éviteles gabegies, réduit les délais demise en œuvre, optimise les capaci-tés et l'utilisation qui est faite du service ou de l'infrastructure.

Le cadre juridique.Les PPP étant des engagements delong terme, la sécurité juridiqueconstitue un enjeu fondamental. Uncadre juridique dépourvu de touteambiguité est indispensable pourrenforcer leur attractivité pour lesinvestisseurs et les opérateurs privés(clarté et équité des procédures d'appel d'offre, stabilité de la régle-mentation, transparence, sincéritéde l'évaluation de la performance).

Un cadre social et environnemental.Le succès des PPP dépend de leurvaleur ajoutée sociale et sociétale etde la mobilisation des entrepriseslocales, gage de croissance inclusiveet de diffusion des bonnes pratiquesvers le tissu économique des territoires. Il doit aussi être fondésur une intégration des enjeux environnementaux (changement climatique, transition énergétique...)dans le modèle économique du partenariat et dans le processus dedécision.

Partenariats public-privé :les propositions d'ICC France

Le partenariat public-privé apporte une réponse utile aux besoins mondiaux d'infrastructures durableset de services publics fiables. L'efficacité dépend toutefois du cadre économique, juridique et socialet de la qualité de la coopération entre les partenaires. Voici les recommandations d'ICC France.

Les cinq recommandations d'ICC France.• Les institutions internationales doivent définir ensemble des prin-cipes standardisés (cahiers des charges, contrats types, mécanisme

d'arbitrage international...) afin d'aider les gouvernements à mettre enplace un cadre juridique national adapté aux PPP. • Les autorités publiques, notamment locales, doivent élever leur niveaud'expertise afin de garantir une qualité de gouvernance essentielle à lapérennité des projets à long terme.• Les acteurs publics et privés doivent veiller aux conséquences des PPPsur le développement local car leur acceptabilité dépend des bénéficesqu'ils apportent aux populations et aux territoires. • Les institutions financières internationales doivent promouvoir desinstruments financiers innovants, tels que les obligations de projet, afind'attirer les investisseurs en quête de placements à long terme. • Les procédures d'appels d'offre et de mise en concurrence doivent êtreadaptées aux spécificités des PPP (intégrité, équité, transparence et garantie d’accès).

Dominique HERON, Directeur des partenariats institutionnels, Veolia Environnement

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La MIGA au service du développement.

Dans le contexte actuel, les paysen développement constituentun terrain attractif pour les

investisseurs étrangers tant en raisonde leurs taux de croissance que desretours sur investissements qui y sontréalisés. En 2012, les pays en dévelop-pement ont d'ailleurs accueilli unepart très importante des investisse-ments directs à l'étranger (IDE) avecprès de la moitié (45%) des fluxentrants.Pour les pays d’accueil, les IDE sontbénéfiques : ils représentent uneimportante source de capital, favori-sent le transfert des compétencesainsi que la consolidation du tissuindustriel local. Cependant, investis-seurs et acteurs financiers hésitentparfois encore lorsqu'il s’agit d’investirsur les marchés émergents, et plus particulièrement lorsqu'en raison du contexte ils estiment leniveau de risque élevé. A court terme,le principal risque identifié par lesinvestisseurs est l’instabilité macro-économique ; à moyen et long terme, c’est le risque politique quiprédomine.

L’assurance contre les risques politiques. L’assurance contre les risques politiques (ou non commerciaux) estun outil de gestion des risques résultant de l’action défavorable - ou,le cas échéant, de l’inaction – des gouvernements. Ces principauxrisques sont essentiellement l'expro-priation, l'inconvertibilité de la monnaie et les restrictions de trans-fert, la guerre, le terrorisme et lestroubles civils, la rupture de contratavec un État ou une entreprisepublique, et enfin le non-respect

d’obligations financières par des entités souveraines, régionales ou des sociétés détenues par l’État. Une couverture contre les risquespolitiques peut faciliter l'accès à unfinancement international si celui-cin’était pas disponible, ou la réductionde son coût associée à une diminutiondu profil de risque de la transaction.Pour gérer ces risques, l’investisseura le choix entre des assureurs privésou publics. Le consensus considèregénéralement que les assureurs privés sont compétitifs pour destransactions à court terme tandis queles assureurs publics sont mieux placés pour offrir des garanties pourdes projets d’investissement à longterme sur les marchés plus risqués.

Pourquoi MIGA ?L’Agence multilatérale de garantiesdes investissements de la BanqueMondiale (MIGA) intervient souventdans des pays où les assureurs privésne sont pas prêts à s’engager : lespays fragiles, notamment en Afrique,les pays qui affichent des besoinsimportants en termes d’investisse-ments ainsi que ceux où les marchésfinanciers sont sous-développés. Ellepropose à ses clients son expériencemondiale unique, une connaissanceapprofondie des marchés émergentset de meilleures pratiques de gestionenvironnementale et sociale.

En tant que membre du groupe de laBanque mondiale, MIGA travaille activement avec les investisseurs, lesprêteurs et les pays d’accueil pours’assurer que les investissementsgarantis sont effectivement réalisés.L'agence a ainsi la légitimité de protéger les projets et d’assister à larésolution équilibrée des conflitsentre les différentes parties. Celapermet non seulement d’offrir uneprotection du bilan et compte derésultat des investisseurs, mais également de veiller à ce que cesinvestissements aient un impact«optimal» sur le développement.MIGA garantit les flux de capitauxtransfrontaliers des ressortissantsdes 179 pays membres de l’Agencevers un pays membre en développe-ment. L’agence peut intervenir seuleou en coopération avec la Banquemondiale et/ou la Société FinancièreInternationale, notamment dans lecadre d’importants projets d’infras-tructure, si essentiels pour soutenirla croissance. Elle est habilitée à garantir des projets de toutes tailles. Pour les inves-tissements les plus importants, elle aen effet la possibilité de mobiliser de lacapacité de réassurance. Pour lesinvestisseurs souhaitant obtenir unecouverture inférieure à 10 millions dedollars ou équivalent, une procéduresimplifiée est mise en place.

L’Agence multilatérale de garanties des investissements de la Banque Mondiale(MIGA) a vocation à encourager les investissements directs étrangers (IDE) dansles pays en développement afin d'y stimuler la croissance économique et la réductionde la pauvreté. Elle fête cette année ses 25 ans d'existence.

Olivier LAMBERT, Directeur régional, Agence multilatérale de garantie des investissements

©DR

Depuis sa création, la MIGA a émis 30 milliards de dollars de garanties.

2013 1990-2013Nombre de projets soutenus 30 727Montant total des émissions (en milliards de dollars) 2,8 30,0Source. MIGA, rapport annuel 2013.

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Infrastructures : opportunitéou défi ?

Depuis Sumer, première civilisa-tion «officielle», les infrastruc-tures ont favorisé l'essor des

civilisations. La naissance des ouvrages d’irrigation collectifs, l'import-export, l'invention de lacolonne, de la roue et du verre, ledéveloppement de l'extraction minière, les méthodes de construc-tion, les échanges avec les pays voi-sins de l’Égypte antique, l'apparitionde la «première» planification urbainede la vallée de l'Indus, les échangesentre cités Mayas ou encore la méde-cine et les techniques de la dynastieQin, témoignent du savoir-faire de cesgrands bâtisseurs.

Les leçons du passé.Soutenu par les infrastructures, cetessor s'est traduit par la sédentarisa-tion des populations, le travail àtemps plein, le surplus de production,les travaux publics, le commerce longue distance, etc. Une évolution qui a permis, entre autres, l'apparitionde l’écriture, l'organisation de l’Étatou encore l'accomplissement de progrès scientifiques en arithmétique,géométrie et astronomie. Ces «premières» civilisations ontfavorisé aussi la formation des popu-lations, le mélange des cultures, deslangues et des religions (ex. zoroas-trisme-mithraïsme-catholicisme),dont les sociétés postérieures ont étéles héritières. Elles ont en effet inspiréplus tard les grandes réalisations de

la Grèce antique qui elles-mêmesservirent de modèle aux philosophesdes Lumières, à la déclaration d’indé-pendance des Etats-Unis d’Amériquede 1776 et aux aspirations révolution-naires de 1789. L’humanité n’a-t-ellepas dès lors emprunté le chemin quimène au concept de cosmopolitismeattribué à Socrate? Un récent article de Jane Owen surRobert Dorrien-Smith1 fait référence àce lien entre développement écono-mique et social et infrastructures.Robert Dorrien-Smith cite la grandethéorie d’Augustus Smith selonlaquelle éduquer les individus leurpermettrait de s’élever, de devenirautonomes et ne pas être un fardeaupour l'État. Ainsi, investir dans lesinfrastructures et l'éducation pourraitjeter les bases d'une sorte de sociétéutopique.

Des besoins croissants. L’Histoire a inspiré nombre de «pro-jets» ayant pour objectif l'avènementde l’union des peuples, d'une sociétééquitable, d'un développement dura-ble, l'essor des échanges commer-ciaux, culturels et sociaux, la créationd’emplois, la mobilité de la maind’œuvre, le développement de la R&D,l’implication des jeunes dans le déve-loppement, etc. L’Union européenne,l’ALENA, l’Union africaine, l’ASEAN,l’APEC, le Mercosur ou le TPP consti-tuent quelques exemples de cettevolonté d’unité dans laquelle lesinfrastructures aéroportuaires,

portuaires, routières, urbaines, éner-gétiques ou immobilières jouent unrôle essentiel. Une étude de McKinsey2 en rappelaitrécemment les vertus : «En plus desoutenir la croissance et la créationd'emplois, l'investissement dans les infrastructures peut conduire à améliorer la santé, l'éducation et lesrésultats sociaux» avant d'évoquer uninvestissement nécessaire de 57 000milliards $US dans les infrastructuresd’ici à 2030. Ce qui fait écho à la déclaration finale du G20 de Saint-Pétersbourg, laquelle souligne «l’im-portance du financement à long termepour l'investissement, y compris pourles infrastructures et les PME pourstimuler la croissance économique, lacréation d'emplois et le développe-ment»3. Quant aux défis, la croissance de lapopulation mondiale, qui devrait passer selon l’ONU de 7,2 milliardsd’individus actuellement à 9,6 milliardsen 2050, accentuera le stress déjàexistant sur la dégradation et lerenouvellement de la biodiversitéessentielle à la survie de l’humanité,sur l'augmentation des émissions degaz à effet de serre (GES) anthro-piques principalement responsable duchangement climatique ou encore surles infrastructures existantes quifournissent les services essentiels àla population.Le Dr. Michael Lindfield, ex-directeurdu développement urbain à la Banqueasiatique de développement (BAD),explique que l'urbanisation actuelleatteint une ampleur sans précédent etreprésente d'énormes défis d'infras-tructure pour les gouvernements.Rien qu’en Asie, la population urbainedevrait augmenter de 1,1 milliard au

Depuis toujours, les infrastructures soutiennent croissance, emploi et développement. Pour releverles nouveaux défis du siècle, acteurs publics et privés doivent travailler ensemble. C'est la vocationde la plate-forme National Infrastructure Information System (NIIS) d'élaborer un socle de règlescommunes dans la préparation et la mise en œuvre des grands projets d'infrastructure.

Christophe DOSSARPS, Directeur exécutif, Fondation pour l'infrastructure durable

Définition. Infrastructure: structures et installations (trans-port, eau, énergie, déchets, santé, éducation, etc.) physiqueset organisationnelles de base, nécessaires au bon fonctionne-ment d'une société.

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L’INVESTISSEMENT INTERNATIONAL

cours des vingt prochaines années.Cela équivaut à 120 000 migrants, 20 000 nouveaux logements, 250 kmde nouvelles routes et un approvision-nement de plus de 6 mégalitres d'eaupotable par jour. De plus, la proliféra-tion des villes exerce une pressionintolérable sur les ressources énergé-tiques et serait à l’origine de 70% de la consommation d'énergie et des émissions de GES. Les bons investis-sements dans les infrastructuresconstituent l'une des clés de voûte devilles compétitives, durables et inclu-sives et donc d’une meilleure qualitéde vie pour l’humanité.

De nouveaux défis.Compte tenu des contraintes budgé-taires rencontrées par de nombreuxgouvernements et du besoin croissantd’investir dans les infrastructures, lerecours au secteur privé progresseconsidérablement vers ce qui estcommunément appelé le partenariatpublic-privé (PPP). Cependant, NicoleArditti, senior advisor chez LazardFrères, insiste pour «qu'un projet d'in-frastructure soit bien structuré etpuisse être développé avec succès,financé et mis en œuvre au cours deson cycle de vie, il est primordial deveiller à ce qu'une attention particu-lière puisse être consacrée à la phaseinitiale de préparation du projet».En effet, on observe souvent actuelle-ment :1. Une incapacité du secteur public à

préparer ses projets d’infrastructu-res de manière cohérente ;

2. La volonté du secteur public d'opti-miser les options de financementde ses infrastructures ;

3. Une approche erronée du secteurpublic quant aux moyens dontdispose le secteur privé (par exem-ple, des ressources humaines illimitées pour évaluer un projet, un financement disponible doncfacilement accessible, etc.) ;

4. L'aspiration du secteur privé à êtreplus impliqué en amont dans la planification et la préparation de projets.

Une plate-forme pour des principescommuns. Afin de proposer des réponses adap-tées, la BAD a élaboré en 2011 une

plate-forme en ligne dédiée à la pré-paration de projets d’infrastructure,actuellement en phase pilote dansplusieurs pays. Cette plate-forme,baptisée National InfrastructureInformation Systems (NIIS), proposeune série de principes de base élabo-rés par secteurs et sous-secteurs afinde développer un langage commundans la préparation de projets d’infrastructure. Ainsi, NIIS participeactuellement à une phase de dévelop-pement global avec les autresbanques multilatérales et régionalesde développement. C’est à ce titre que la Chambre de CommerceInternationale (ICC) a soutenu enoctobre 2012 la création d’un Groupede travail Infrastructure (GIT) dans lebut de soutenir non seulement lacréation de ces principes communsmais aussi le déploiement de NIIS demanière à la fois globale et durable.Désormais, banques de développe-ment, organisations internationales,développeurs, conseillers, opéra-teurs, financiers, investisseurs à long-terme participent au GIT.En effet, Julia Prescot, associée etdirectrice de la stratégie chezMeridiam Infrastructure, estime que le«niveau d'investissement (57 000milliards $US) aura peu de chance d'être atteint sans un pipeline de projets solide et précis. Une partieessentielle de ce processus s’avèreêtre la préparation des projets, phaseprécoce si essentielle pour assurerune réalisation efficace des nouvelles

infrastructures. Tel est bien l'objectifde NIIS : assurer une phase de prépa-ration de grande qualité grâce à unlarge éventail de sponsors publics etprivés».Enfin, Dominique Héron, directeur despartenariats de Veolia Environnementet président de la CommissionEnvironnement et Énergie d'ICCFrance, rappelle que «nous rencon-trons souvent des attentes très fortesdes gouvernements locaux pour sou-tenir des projets d'infrastructure enmatière de services environnemen-taux (approvisionnement et traitementdes eaux, collecte des déchets et recy-clage ou efficacité énergétique).Jusqu'à présent, nous ne pouvions pasfaire référence à une base de donnéesclaire pour aider les secteurs publicsdans leurs efforts d’optimiser leursoptions de financement, y compris lesPPP. NIIS apporte une contributiontrès positive visant à fournir aux inves-tisseurs ainsi qu'aux opérateurs privéset publics une meilleure orientationafin d'améliorer le développement duprojet à moyen et long termes, surtoutpour les opérations durables».Notre capacité en tant qu’homosapiens à saisir les opportunitésainsi qu’à s’adapter aux défis déter-minera si notre espèce a su sortir dela caverne de Platon. En effet, l’im-portant n’est pas d’être optimiste nipessimiste, mais déterminé (HubertReeves citant Jean Monnet à la veillede la création de l’Europe).

1 Paru dans le Financial Time en mai 2013. 2 Infrastructure Productivity : How To Save One Trillion Dollars A Year, janvier 2013. 3 6 septembre 2013.

Investir 57 000 milliards de dollars d'ici à 2030. (estimations des investissements en infrastructures nécessaires

sur la période 2013-2030, en milliards de dollars)

Source. OCDE, AIE, FIT, GWI et McKinsey Global Institute.

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ÉVÈNEMENTS

Sécuriser l'imposition des multinationales ou changer de modèle ?

Le 13 février 2013, l’OCDE publiaità la demande du G20 un rapportintitulé «Lutter contre l’érosion

de la base d’imposition et le transfertde bénéfices» (BEPS) qui dessinaitdès l'introduction le cadre de laréflexion : «On considère de plus enplus que les États subissent d’impor-tantes pertes de recettes au titre del’impôt sur les bénéfices des sociétéssous l’effet d’une optimisation fiscalevisant à transférer ces bénéfices versdes pays où ils sont plus faiblementtaxés, ce qui érode l’assiette d’imposi-tion». L’OCDE a ensuite présenté unplan d’action repris à son compte parle G20 lors de sa réunion de débutseptembre 2013. ICC France a organiséle 24 septembre dernier un séminaireautour de ces questions. Voici un brefcompte-rendu des débats."Optimiser c'est quoi ?". AlexandreMaitrot de la Motte, professeur à l'université Paris Est/Créteil, a rappeléles avantages de l'optimisation pourl'entreprise mais aussi les limitesreprésentées tant par la notion d'abusde droit que par la jurisprudence de laCJUE qui rejette les «montages pure-ment artificiels». Tout en soulignantque le risque pour les entreprises quiadoptent un comportement «agressif»est avant tout un risque de réputation,il a insisté sur le danger d'une redéfi-nition de l'abus de droit et sur l'incertitude juridique qui en résulte-rait pour elles. Edouard Marcus, de la Direction de lalégislation fiscale à Bercy, a soulignéqu'il ne s'agissait pas de stigmatiserles entreprises ou les États mais quel'érosion des bases et le transfert desprofits posaient des problèmes à lafois politiques, financiers, juridiqueset de concurrence qui risquaient de

susciter des réactions unilatéralesdangereuses, d'où la nécessité deréponses communes. Dans cetteoptique, il a indiqué les champs depriorité français : l'économie numé-rique, l'érosion de la base avec leshybrides et autres «mismatches», lesrègles anti-abus, la prévalence de lasubstance sur la forme, la transpa-rence des groupes (reporting parpays), la publications des «rulings». Quant à Philippe Thiria, représentantdu Medef au Comité consultatif économique et industriel auprès del'OCDE (BIAC), il a analysé les mériteset les risques de l'approche OCDE dupoint de vue des entreprises. Desenjeux considérables puisqu'il s'agitnon pas de jouer les moralistes maisde réformer un système internationalqui ne fonctionne plus correctementtout en préservant la sécurité juri-dique et la prévisibilité de la chargefiscale. Un point de vue partagé parRaphael Coin, directeur fiscal de GEFrance, qui estime essentiel que lesentreprises participent à l'exerciceBEPS et que l'on parvienne à adopterune démarche coordonnée : rien neserait pire que de constater que certains pays agissent seuls. "La concurrence fiscale : quelleslimites ?". Tout ce que l'on appelle«optimisation» n'est-il que le résultatde la concurrence fiscale entre États ?Philip Kermode, de la DirectionFiscalité et Union douanière de laCommission européenne, a rappeléque sur la base des résultats du codede conduite contre la concurrence fis-cale dommageable et compte tenu del'évolution des formes de la concur-rence fiscale, la Commission appellede ses vœux un renforcement du code.Il a également exprimé son souhait de

voir l'Union Européenne contribuer,grâce à une action commune, à laréalisation de BEPS, certains élé-ments pouvant être repris dans unelégislation communautaire. RaphaelCoin a insisté pour sa part sur ladiversité des formes de concurrence,sur le fait que d'autres facteurs inter-viennent dans les décisions et surl'importance de la transparencecomme moyen de régulation par autocensure. En conclusion, il a ditcomprendre qu'on accepte un niveaude fiscalité un peu plus élevé enéchange d'une plus grande sécurité."Faire bouger les lignes vers plus desécurité juridique. Theo Keijzer,président de la Commission Fiscaled'ICC, a indiqué que pour les États,l'évasion fiscale n'était évasion quelorsqu'elle concernait le pays lui-même. Pour que les pays acceptentd'avancer dans la voie de la coordina-tion, il estime utile de soutenir le pro-jet BEPS. Déjà dans les années 1920,ICC proposait de faire plus de place àla taxation à la source, l'essentiel pourles entreprises étant la fin de la double imposition, la baisse des charges administratives et l'absence deconflits d'imposition. Enfin, RaffaeleRusso a précisé la position de l'OCDE :le projet a pour objectif de mettre fin àtoute double imposition (en mettantfin à la double non-imposition) et laparticipation du monde des affairesest essentielle. Il a proposé troisconcepts-clés : cohérence (prendre en compte ce qui se passe ailleurs),substance (localiser les profits là où iln'y a pas d'activité est inacceptable) ettransparence. Le plan d'action a étéadopté, il ne s'agit plus de le discutermais de se concerter sur les solutionspratiques à mettre en œuvre.

En septembre 2013, l'OCDE a présenté un plan d'action visant à lutter contre l'érosion de la based'imposition et le transfert de bénéfices des entreprises. L'occasion, pour ICC France, d'organiser unséminaire sur le thème: "Peut-on sécuriser l'imposition des entreprises multinationales ou faut-ilchanger de modèle". Compte-rendu des débats.

Michel AUJEAN, Associé Cabinet TAJ et vice-président de la Commission fiscale d'ICC France

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GDF-SUEZ acteur engagé de latransition énergétique.

LA PAROLE AUX ADHÉRENTS

1. GDF SUEZ veut être un acteurclé de la transition énergé-tique. Quels sont, dans cette

perspective stratégique, les objec-tifs et les priorités de développe-ment à l’international ?GDF SUEZ se positionne comme unacteur engagé de la transition énergé-tique et a acquis la conviction qu’il doitrenouveler ses leviers de création devaleur par un positionnement clair enfaveur des énergies renouvelables etde l’efficacité énergétique. Si cettetransition a d’abord lieu en Europe, legroupe développe également sessolutions dans les pays émergents. Ilfinalise par exemple la construction dubarrage de Jirau au Brésil. Cette cen-trale produira suffisamment d’énergiepropre pour répondre à la demande enélectricité de 10 millions de foyers bré-siliens. Quant aux émissions de gaz àeffet de serre au niveau national, ellesdiminueront de 6 millions de tonnespar an lorsque le barrage sera pleine-ment opérationnel.

2. GDF SUEZ place le développementdurable au cœur de sa stratégie. Comment cela se traduit-il dans les actions du groupe à l’international ?Cette politique répond à trois objec-tifs. D'abord, prévenir les risquesextra-financiers, qu’ils soientéthiques, environnementaux, sociauxou de sécurité. Ensuite, concevoir des business models innovants quirenforcent la place de l’efficacité éner-gétique et augmentent la part desénergies peu ou non carbonées dansle mix énergétique du groupe. Enfin,favoriser l’adhésion des parties pre-nantes au projet industriel, commer-cial, social et humain de l'entreprise. Cette politique de développementdurable se décline évidemment dansla cinquantaine de pays où le GroupeGDF SUEZ est présent et dans toutesses entités.

3. En tant que fournisseur d’énergiemais aussi de services essentiels, ycompris aux plus démunis, quel rôleGDF SUEZ souhaite-t-il jouer dans ledéveloppement des pays du Sud ?GDF SUEZ peut mobiliser efficace-ment les financements indispensablesà la réalisation des infrastructuresqui permettront l’accès à l’énergie.Ainsi, des structures juridiques et des contrats spécifiques («power purchase agreement» notamment),encadrés par des politiques publiquesstables, permettent de mobiliserchaque année des milliards d’euros. GDF SUEZ est particulièrementengagé dans la promotion d’un accèsdurable à l’énergie pour tous. Dans lemonde, 1,2 million de personnesn’ont pas accès à une énergiemoderne et un Européen sur quatrevit encore en situation de précaritéénergétique. Pour concrétiser cetengagement, GDF SUEZ a lancé l’initiative GDF SUEZ Rassembleursd’Énergies. Elle vise à soutenir desprojets locaux d’accès à l’énergie quiprivilégient les énergies renouvela-bles et contribuent au développe-ment des communautés locales.

4. Dans le débat sur la transition éner-gétique, GDF-SUEZ a formulé des pro-positions aux Nations Unies et parti-cipé aux réflexions conduites à Bruxellescomme au sein du G20. Quelles actionsattendez-vous de ces instances quifaciliteraient le développement inter-national des entreprises ?Il paraît indispensable de progresserdans trois domaines. Tout d’abord celui des «nouveauxmécanismes de marché», instrumentqui permettra aux entreprises d’inves-tir dans la transition énergétique oudans des programmes d’accès à l’éner-gie dans les pays du Sud. En particulier,

la question de leur articulation avec lesmécanismes de développement propredoit être étudiée avec soin. Ensuite, celui de la mesure des émis-sions reportées et de l’évaluation despolitiques et actions mises en œuvre.Les MRV (measuring, reporting andverification) sont un pré-requis à un véritable marché carbone interna-tional, un point crucial pour donnerconfiance aux investisseurs.Enfin, celui du financement. AVarsovie, les pays développés ont étéfortement encouragés à renforcerleur participation à la capitalisationdu Fonds Vert d’ici la fin 2014. Sesrègles de fonctionnement devraientêtre finalisées en mai prochain.

5. GDF SUEZ est un adhérent de longue date de la Chambre de com-merce internationale et de son comitéfrançais. Quelles initiatives attendez-vous d’ICC et ICC France qui seraientsusceptibles d’accompagner les entreprises dans leur développementà l’international ?GDF SUEZ et la Chambre de com-merce internationale (ICC) travaillentmain dans la main depuis mainte-nant de nombreuses années. GDFSUEZ fait partie du G20 AdvisoryGroup, créé par ICC pour suivre lestravaux du B20 et y contribuer. Mais le partenariat GDF SUEZ/ICCpourrait aller plus loin encore. Lecomité français de la Chambre decommerce internationale pourraitœuvrer pour accompagner GDF SUEZet toute la profession dans la transitionénergétique. C’est un processus com-plexe et de longue durée. La capacitédu comité français à mobiliser ungrand nombre d’acteurs est un atoutpour travailler à l’approfondissementde la transition énergétique.

GDF-SUEZ oriente sa stratégie à l'international autour des énergies renouvelables, de l'efficacitéénergétique et du développement durable et plaide pour la mobilisation de tous les acteurs autour deces nouveaux enjeux planétaires.

Denis SIMONNEAU, Directeur des Relations européennes et internationales de GDF-Suez, membre du comité exécutif

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