interdidactique de l'enseignement des mathématiques dans trois

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1 UNIVERSITÉ NICE SOPHIA ANTIPOLIS U.F.R. LETTRES, ARTS ET SCIENCES HUMAINES École doctorale Lettres, Sciences Humaines et Sociales (ED 86) Laboratoire I3DL (EA 6308) Interdidactique, Didactique des Disciplines et des Langues THÈSE En vue de l’obtention du grade de Docteur de l’Université de Nice Sophia Antipolis En Sciences de l’Education présentée par Nathalie AUXIRE Interdidactique de l’enseignement des mathématiques dans trois disciplines de la filière productique usinage en lycée professionnel Thèse codirigée par Madame la Professeure Nicole Biagioli et Monsieur le Professeur René Lozi Présentée publiquement le 2 novembre 2015 Membres du jury : Joël Lebeaume, Professeur des Universités, Doyen de l’Université Paris Descartes (rapporteur) Brigitte Allys-Grugeon, Professeure des Universités, Université Paris Est Créteil, ESPE (rapporteur) Corine Castela, Maître de conférences HDR émérite, Université de Rouen (examinateur) Stéphane Junca, Maître de Conférences HDR, Université de Nice Sophia Antipolis (examinateur) Nicole Biagioli, Professeure des Universités, Université de Nice Sophia Antipolis, ESPE René Lozi, Professeur des Universités, Université de Nice Sophia Antipolis, ESPE

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    UNIVERSIT NICE SOPHIA ANTIPOLIS

    U.F.R. LETTRES, ARTS ET SCIENCES HUMAINES

    cole doctorale Lettres, Sciences Humaines et Sociales (ED 86)

    Laboratoire I3DL (EA 6308)

    Interdidactique, Didactique des Disciplines et des Langues

    THSE

    En vue de lobtention du grade de

    Docteur de lUniversit de Nice Sophia Antipolis

    En Sciences de lEducation

    prsente par Nathalie AUXIRE

    Interdidactique de lenseignement des mathmatiques dans trois disciplines de la filire

    productique usinage en lyce professionnel

    Thse codirige par Madame la Professeure Nicole Biagioli et Monsieur le Professeur Ren Lozi Prsente publiquement le 2 novembre 2015

    Membres du jury :

    Jol Lebeaume, Professeur des Universits, Doyen de lUniversit Paris Descartes (rapporteur)

    Brigitte Allys-Grugeon, Professeure des Universits, Universit Paris Est Crteil, ESPE (rapporteur)

    Corine Castela, Matre de confrences HDR mrite, Universit de Rouen (examinateur)

    Stphane Junca, Matre de Confrences HDR, Universit de Nice Sophia Antipolis (examinateur)

    Nicole Biagioli, Professeure des Universits, Universit de Nice Sophia Antipolis, ESPE

    Ren Lozi, Professeur des Universits, Universit de Nice Sophia Antipolis, ESPE

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    Rsum

    Notre approche interdidactique de lenseignement des mathmatiques en lyce professionnel tudie comment une discipline (discipline gnrale de mathmatiques-sciences physiques et chimiques, discipline professionnelle de productique usinage, discipline technologique de construction mcanique) se rfre aux mathmatiques.

    Nous observons les contenus, les conduites denseignement et les reprsentations quont les enseignants de la relation de leur discipline aux mathmatiques et, travers elles, la frquentation des mathmatiques quils organisent pour leurs lves, cela en croisant (1) lanalyse pistmologique dobjets enseigns, (2) lanalyse de discours denseignants en entretien ou en situation denseignement, (3) lanalyse du discours institutionnel sur les attendus et les contenus de lenseignement des mathmatiques.

    Notre approche multifactorielle de la circulation des mathmatiques entre linstitution scolaire, le monde socio-conomique et les acteurs enseignants, montre :

    Lentretien de strotypes sur les disciplines et les savoirs, travers lenseignement dclar des mathmatiques, en lien avec ses fonctions sociales et la catgorisation des disciplines,

    Lexistence dindicateurs dactivit cache denseignement mathmatique dans le discours des enseignants des disciplines spcialises,

    Une complexit pistmologique des objets enseigns dans les disciplines spcialises conduisant mettre la composante technologique en avant des composantes technique ou mathmatique,

    Lemploi de langages disciplinaires matrialisant les diffrentes ergonomies disciplinaires en fonction des moyens smiotiques spcifiques et des contraintes institutionnelles.

    Mots cls

    Interdidactique, mathmatiques, technique, technologie, discipline scolaire, analyse de discours, smiotique, communaut, langage disciplinaire, productique usinage, lyce professionnel.

    Key Words

    Cross cultural approach, mathematics, mathematical education, technological education, academic syllabus, discourse analysis, semiotics, language, community, computer-integrated manufacturing, vocational high school.

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    Remerciements

    Cest avec sincrit que je remercie mes directeurs de thse, Nicole Biagioli et Ren Lozi, qui mont guide tout au long de ce travail de formation, de recherche et dcriture. Je voudrais leur tmoigner ma reconnaissance pour leur expertise et leur entrain intellectuel. Malgr toutes les tracasseries que je leur ai imposes, ils ne mont pas abandonne de lautre ct de locan : je les en remercie du fond du cur.

    Je remercie vivement les trois enseignants de lyce professionnel qui ont accept de me recevoir sur le lieu de leur exercice et de sentretenir avec moi plusieurs fois. Sans leurs tmoignages, une grande partie des rsultats de cette thse naurait pas vu le jour. Ma gratitude va aussi M. Michel Polidori, inspecteur de lducation Nationale de lEnseignement Gnral en mathssciences dsormais en Corse, qui, prtant attention ma demande, est intervenu auprs des chefs dtablissement pour mintroduire dans un milieu qui mtait parfaitement inconnu, le lyce professionnel. Sans son aide, il est probable que lorganisation des rencontres et la ralisation des entretiens auraient t moins faciles quelles ne lont t.

    Je remercie les membres de mon jury de thse davoir accept de lire et dvaluer mon travail. Je remercie en particulier M. Jol Lebeaume et Mme Brigitte Grugeon-Allys davoir accept den tre les rapporteurs. M. Stphane Junca et Mme Corine Castela mont fait lhonneur de sintresser mon travail et dy consacrer des heures de lecture : je leur en suis reconnaissante.

    Je remercie galement le laboratoire I3DL et lARDM qui mont permis, plusieurs reprises, dexposer mon travail des chercheurs expriments, critiques et bienveillants et de partager le stress du milieu de la recherche avec dautres doctorants.

    Je voudrais, enfin, adresser une pense amicale mes collgues de mathmatiques, dlectronique, dlectromagntisme, de mcanique de lcole Polytech de Nice, pour nos discussions erratiques, parfois passionnes et souvent pertinentes, sur les alas de lenseignement des mathmatiques.

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    Texte sous licence Creative Commons

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    UNIVERSIT NICE SOPHIA ANTIPOLIS

    U.F.R. LETTRES, ARTS ET SCIENCES HUMAINES

    cole doctorale Lettres, Sciences Humaines et Sociales (ED 86)

    Laboratoire I3DL (EA 6308)

    Interdidactique, Didactique des Disciplines et des Langues

    THSE

    En vue de lobtention du grade de

    Docteur de lUniversit de Nice Sophia Antipolis

    En Sciences de lEducation

    prsente par Nathalie AUXIRE

    Interdidactique de lenseignement des mathmatiques dans trois disciplines de la filire

    productique usinage en lyce professionnel

    Thse codirige par Madame la Professeure Nicole Biagioli et Monsieur le Professeur Ren Lozi Prsente publiquement le 2 novembre 2015

    Membres du jury

    Jol Lebeaume, Professeur des Universits, Doyen de lUniversit Paris Descartes (rapporteur)

    Brigitte Grugeon-Allys, Professeure des Universits, Universit Paris Est Crteil, ESPE (rapporteur)

    Corine Castela, Matre de confrences HDR mrite, Universit de Rouen (examinateur)

    Stphane Junca, Matre de Confrences HDR, Universit de Nice Sophia Antipolis (examinateur)

    Nicole Biagioli, Professeure des Universits, Universit de Nice Sophia Antipolis, ESPE

    Ren Lozi, Professeur des Universits, Universit de Nice Sophia Antipolis, ESPE

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    TabledesmatieresRSUM .................................................................................................................................................................. 2 REMERCIEMENTS ................................................................................................................................................. 5

    Table des matires8 Table des figures.13

    INTRODUCTION GNRALE.18

    PARTIE 1 : LES ENJEUX DE L'APPROCHE INTERDIDACTIQUE DANS

    L'ENSEIGNEMENT DES MATHMATIQUES30 INTRODUCTION .................................................................................................................................................. 31

    CHAPITRE 1 : LE CADRE DE L'INTERDIDACTIQUE....32 1.1. Les objets de linterdidactique ................................................................................................................... 321.2. Prsupposs : une approche anthropologique de la culture ....................................................................... 34

    1.2.1. Les mathmatiques et lcole, produit dune mme culture .................................................. 341.2.2. Lorganisation en disciplines scolaires, gnratrice de variations culturelles ....................... 361.3. Les champs contributoires ......................................................................................................................... 38

    1.3.1. Les sciences du langage. ........................................................................................................ 381.3.2. Didactique(s) des disciplines scolaires .................................................................................. 611.4. Mthodes et outils de lapproche interdidactique ...................................................................................... 89

    1.4.1. Analyse pistmologique des objets mathmatiques ............................................................. 901.4.2. Analyse de discours et thorie des actes de langage .............................................................. 93CHAPITRE 2 : LA FILIERE PROFESSIONNELLE DE PRODUCTIQUE USINAGE100 2.1. La discipline de productique usinage ...................................................................................................... 101

    2.1.1. Diffrents points de vue sur les objets de la productique usinage ....................................... 1012.1.2. Lespace de travail gomtrique de la productique usinage ................................................ 1062.1.3. La normalisation du dessin technique .................................................................................. 1092.2. Continuits et tensions dans lhistoire de lenseignement professionnel ................................................ 112

    2.2.1. Sensibilit des disciplines professionnelles au tissu industriel local ................................... 1122.2.2. Le rapport savoir/comptences au cur de la formation professionnelle ............................ 1162.2.3. Les mathmatiques comme indicateur de la situation de lenseignement professionnel dans le systme ducatif ............................................................................................................................... 119CONCLUSION DE LA PARTIE 1..128

    PARTIE 2 : APPROCHE EXPLORATOIRE DE L'ALTERNANCE DE LA PENSE TECHNIQUE ET DE

    LA PENSE MATHMATIQUE DANS LES DISCIPLINES..130

    INTRODUCTION ................................................................................................................................................ 131CHAPITRE 3 : PENSES MATHMATIQUES ET PENSES TECHNIQUES...135 3.1. Lobjet et les modes de penses ............................................................................................................... 135

    3.1.1. De la chose lobjet ............................................................................................................. 1353.1.2. De lobjet au concept : notion dobjet mathmatique .......................................................... 1383.1.3. Un exemple : le degr de libert .......................................................................................... 1393.2. Naissances de la pense technique et de la pense mathmatique .......................................................... 144

    3.2.1. Les penses mathmatiques : historique et reprsentations ................................................. 1443.2.2. Les penses techniques : historique et reprsentations ........................................................ 1563.3. Diffrents aspects des penses mathmatiques actuelles ......................................................................... 165

    3.3.1. Laccroissement des connaissances mathmatiques ............................................................ 1663.3.2. La formule de Hron : un exemple de reprsentation strotype dans lenseignement des mathmatiques ..................................................................................................................................... 176

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    3.3.3. Laccrtion des connaissances mathmatiques : un challenge pour lenseignement ........... 1913.4. Les pensees techniques actuelles : un facteur de renouvellement pour lecole ? .................................... 197

    3.4.1. Dimension universelle de la pense technique .................................................................... 1983.4.2. De lobjet au concept dobjet technique .............................................................................. 2053.4.3. La dimension technologique des objets enseigns:quelle place pour les mathmatiques ? 2123.4.4. Transmission des techniques (connaissances techniques) ................................................... 223CHAPITRE 4 : APPROCHE DE LA PENSE TECHNIQUE DANS LA DISCIPLINE MATHMATIQUES-SCIENCES PHYIQUES ET CHIMIQUES..231

    4.1. Rcits dapprentissage scolaire en mathmatiques .................................................................................. 233

    4.1.1. Prsentation du contexte ...................................................................................................... 2334.1.2. Rsultats et discussion ......................................................................................................... 2364.2. A la croise de la pense mathmatique et de la pense technique : la voiture jouet .............................. 240

    4.2.1. Prsentation des documents pdagogiques et problmatique .............................................. 2404.2.2. La situation : reprsentation dun objet technique, un jouet ................................................ 243CHAPITRE 5 : APPROCHE DE LA PENSE MATHMATIQUE DANS LA DISCIPLINE PRODUCTIQUE USINAGE.252 5.1. Prsentation du contexte et du recueil de donnes .................................................................................. 253

    5.1.1. Prsentation gnrale : recueil de donnes et dmarche danalyse ...................................... 2545.1.2. Prsentation de la conversation analyse dans ce chapitre 5 ............................................... 2575.2. Analyse du thme repre affine euclidien ......................................................................................... 260

    5.2.1. Extrait relatif au thme repre affine euclidien ............................................................. 2605.2.2. Rsultats et discussion ......................................................................................................... 2615.3. Analyse du thme gomtrie du solide .............................................................................................. 275

    5.3.1. Extrait relatif au thme gomtrie du solide .................................................................. 2755.3.2. Rsultats et discussion ......................................................................................................... 2765.4. Analyse du thme grandeurs et mesures ........................................................................................... 284

    5.4.1. Extrait relatif au thme grandeurs et mesures ............................................................... 2855.4.2. Rsultats et discussion ......................................................................................................... 2855.5. Les ressources langagires de la discipline ............................................................................................. 289

    5.5.1. Extrait relatif aux ressources langagires de la discipline ................................................... 2895.5.2. Rsultats et discussion ......................................................................................................... 291CONCLUSION DE LA PARTIE 2..300

    PARTIE 3 : APPROCHE COMPARATISTE DES LANGAGES DISCIPLINAIRES DANS LA FILIERE PRODUCTIQUE USINAGE EN LEP......306 INTRODUCTION ................................................................................................................................................ 307CHAPITRE 6 : LES CADRES MATHMATIQUES DU RAISONNEMENT SPATIAL DANS LA FILIERE PRODUCTIQUE USINAGE308

    6.1. La discipline des mathmatiques dans linstitution du lyce ................................................................... 308

    6.1.1. Les mathmatiques comme discipline de service ................................................................ 3086.1.2. Les mathmatiques sont-elles transversales ? ...................................................................... 3106.1.3. Les mathmatiques dans les disciplines technologiques : caches ou lies la discipline des mathmatiques ? ................................................................................................................................... 3166.2. Retour sur notre problmatique ............................................................................................................... 319

    6.2.1. Nos hypothses de recherche sur le langage dans les disciplines ........................................ 3206.2.2. Prsupposs thoriques la notion de langage disciplinaire ............................................... 3216.3. Le raisonnement spatial dans la filire productique usinage ................................................................... 321

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    6.3.1. Forme de discours et mode de validation ............................................................................ 3226.3.2. Deux cadres au raisonnement spatial mathmatique ........................................................... 323CHAPITRE 7 : NOTION DE LANGAGE DISCIPLINAIRE ET MTHODE DE COMPARAISON...334

    7.1. Notion de langage disciplinaire ............................................................................................................... 334

    7.1.1. Les enjeux de la notion de langage disciplinaire ................................................................. 3347.1.2. Les fonctions du langage dans les processus denseignementapprentissage en mathmatiques ..................................................................................................................................... 3377.1.3. Concept de communaut : diversit et unit ........................................................................ 3437.1.4. Conditions et indicateurs dexistence d'un langage disciplinaire ? ...................................... 3497.2. Mthode et donnes ................................................................................................................................. 359

    7.2.1. Recueil de donnes : entretiens et documents ...................................................................... 3607.2.2. Les textes officiels de la filire productique usinage ........................................................... 3607.2.3. Relation de la communaut disciplinaire aux donnes textuelles ........................................ 3637.2.4. Mthode danalyse des donnes : analyse pistmologique et analyse du discours ............ 365CHAPITRE 8 : LA REPRSENTATION DE LA RELATION DES LEVES AUX MATHMATIQUES DANS LES DISCOURS DES ENSEIGNANTS DE LA FILIERE PRODUCTIQUE USINAGE.377 8.1. La relation des lves aux mathmatiques vue par un enseignant de productique usinage .................... 379

    8.1.1. Les squences conversationnelles ........................................................................................ 3808.1.2. Outils danalyse de discours mobiliss : le schma narratif et le schma actanciel ........... 3878.1.3. Application des schmas narratif et actanciel au discours de E-pu1 ................................... 3928.1.4. Le marquage disciplinaire et les strotypes dans le discours de E-pu1 ............................. 3968.2. La relation des lves aux mathmatiques vue par un enseignant de construction mecanique ............... 401

    8.2.1. Les squences conversationnelles ........................................................................................ 4028.2.2. Outils danalyse de discours mobiliss : le schma argumentatif et largumentation motionnelle ......................................................................................................................................... 4038.2.3. Application lanalyse du discours de E-cm ....................................................................... 4068.3. La relation des lves aux mathmatiques vue par des enseignants de mathmatiques de LEP ............. 412

    8.3.1. Prsentation du sondage ....................................................................................................... 4128.3.2. Analyse du sondage ............................................................................................................. 4138.4. Discussion : approche comparatiste du rapport savoirs/comptences des trois disciplines de la filire . 418CHAPITRE 9 : COMPARAISON DE L'ENSEIGNEMENT DES VECTEURS ENTRE LES TROIS DISCIPLINES DE LA FILIERE PRODUCTIQUE USINAGE..428 9.1. volution du construit historique de lobjet vecteur.; Mise en perspective avec lhistoire de son enseignement429

    9.1.1. volution du concept de vecteur .......................................................................................... 4319.1.2. Histoire du concept de vecteur et histoire de son enseignement : mise en perspective ...... 4379.1.3. Les modes denseignement de lobjet vecteur en mathmatiques ....................................... 4479.2. pistemologie des vecteurs dans la filire productique usinage .................................................................... 448

    9.2.1. Prambule mthodologique : des documents disciplinaires la frontire des communauts disciplinaires ........................................................................................................................................ 4499.2.2. Les diffrentes fonctions des vecteurs : approche globale par les situations ....................... 4509.2.3. Les fonctions des vecteurs ................................................................................................... 4559.2.4. La rpartition des fonctions de lobjet vecteur selon les disciplines. .................................. 4689.3. Les discours enseignants sur les vecteurs dans leur discipline. ............................................................... 472

    9.3.1. Prsentation gnrale des discours analyss ........................................................................ 472

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    9.3.2. Les discours de lenseignant E-pu1 propos des besoins en mathmatiques de la productique usinage ............................................................................................................................. 4739.3.3. Discours des enseignants E-pu2 et E-cm propos des vecteurs dans la filire productique usinage..474CONCLUSION DE LA PARTIE 3..486

    CONCLUSION GNRALE..489 BIBLIOGRAPHIE RAISONNE496 Sciences humaines : pistmologie, sociologie, anthropologie ........................................................... 498Sciences de lducation ; didactique des disciplines ............................................................................ 500Sciences cognitives ; thologie ............................................................................................................ 503Sciences du langage : smiotique, linguistique, analyse de discours .................................................. 504Didactiques professionnelles ............................................................................................................... 506Didactique de la discipline des mathmatiques ................................................................................... 507Didactique des disciplines technologiques .......................................................................................... 513Mthodologie de lentretien ................................................................................................................. 515Documents officiels pour lducation .................................................................................................. 516Documents associs pour lducation et la formation ......................................................................... 517

    BIBLIOGRAPHIE GNRALE......521

    VOLUME D'ANNEXES TABLE DES MATIERES ........................................................................................................................................ 2

    1. ENTRETIEN AVEC E-PU1, ENSEIGNANT EN PRODUCTIQUE USINAGE. ..................................... 5

    1.1. Questionnaire dentretien semi-dirig ...................................................................................... 51.2. Verbatim de lentretien avec E-pu1 ......................................................................................... 72. ENTRETIENS AVEC E-PU2, ENSEIGNANT EN PRODUCTIQUE USINAGE .................................. 28

    2.1. Verbatim du premier entretien avec E-pu2 et deux lves. ................................................... 282.2. Verbatim du second entretien semi-dirig avec E-pu2 .......................................................... 323. ENTRETIENS AVEC E-CM, ENSEIGNANT EN CONSTRUCTION MECANIQUE ......................... 33

    3.1. Verbatim du premier entretien libre avec E-cm .................................................................... 333.2. Verbatim du second entretien semi-dirig avec E-cm ........................................................... 354. SONDAGE AUPRES DES ENSEIGNANTS DE MATHEMATIQUES ................................................. 37

    5. AUTOBIOGRAPHIES MATHEMATIQUES DETUDIANTS DE LICENCE SCIENTIFIQUE (L2) .. 421. LES DOCUMENTS PEDAGOGIQUES .................................................................................................. 49

    Documents pdagogiques en productique usinage ................................................................................ 49Documents pdagogiques en mathmatiques ........................................................................................ 552. LE DISPOSITIF DES ENSEIGNEMENTS GENERAUX LIES A LA SPECIALITE (E.G.L.S.) .......... 70

    Le programme de mathmatiques-sciences physique et chimiques ...................................................... 70Rapport bilan : Rnovation de la voie professionnelle, Guide des bonnes pratiques 2012/2013 .......... 70Document de travail des IEN de mathmatiques-sciences physiques et chimiques .............................. 723. LE MYTHE DE PROMETHEE CHEZ PLATON .................................................................................... 734. TABLE DES OBJETS TECHNIQUES JUSQUA LA FIN DE LANTIQUITE .................................... 755. CAS DE REVELATION DANS LE CONTEXTE DAPPRENTISSAGE DUNE TECHNIQUE ......... 806. LES SAVOIRS DANS LES DOCUMENTS OFFICIELS DE LA FILIERE PRODUCTIQUE .............. 83

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    6.1. Capacits et connaissances dans le programme de mathmatiques-sciences physique et chimiques ............................................................................................................................................... 836.2. Modle des niveaux de savoirs dans le rfrentiel de comptences du baccalaurat de technicien de productique usinage ......................................................................................................... 846.3. Savoirs associs dans le rfrentiel des activits et comptences pour le baccalaurat professionnel de technicien dusinage ................................................................................................... 857. EPREUVES DU BACCALAUREAT 2010 DANS LA FILIERE PRODUCTIQUE USINAGE ............ 89

    Dossier-rponse de lpreuve danalyse de donnes techniques ........................................................... 89Dossier-rponse de lpreuve dlaboration dun processus dusinage (extrait) ................................. 106Dossier- sujet de lpreuve dlaboration dun processus dusinage (extrait) ..................................... 1078. EVOLUTION DE LENSEIGNEMENT DES MATHEMATIQUES AU XXE SIECLE ...................... 1089. BOURBAKI SELON DEUX DICTIONNAIRES ................................................................................... 111

    Oxford Concise Dictionnary of Mathematics ...................................................................................... 111Dictionnaire Larousse des mathmatiques modernes .......................................................................... 11110.SEPT COMPOSANTES DE LA LINGUISTIQUE STRUCTURALE .......................................................... 11211.DOCUMENT DE RECHERCHE HEURISTIQUE PERSONNEL ................................................................ 113

    1.LIRRATIONNALITE DE RACINE DE 2 (2 ) ................................................................................................ 116

    Repre chronologique .......................................................................................................................... 116Rappel terminologique: unit, nombre, fraction, irrationnel. ............................................................. 116Grandeurs commensurables ................................................................................................................. 116Lincommensurabilit de 2 .................................................................................................................. 1162. LA FORMULE DE HERON ................................................................................................................... 118

    Thorme ............................................................................................................................................. 118Preuve anachronique utilisant les vecteurs .................................................................................... 118Preuve conforme la preuve de Hron. ............................................................................................... 118Gnralisation de la formule de Hron. ............................................................................................... 1233. PRODUIT SCALAIRE, ESPACE EUCLIDIEN ORIENTE, PRODUIT VECTORIEL ........................ 124

    Gnralits sur les espaces euclidiens. ................................................................................................. 125Cas o E = R% et o (..|..) est le produit scalaire canonique. ............................................................... 126

    Cas o E = R& et o (..|..) est le produit scalaire canonique. ............................................................... 1274. STRUCTURE DE GROUPE ALGEBRIQUE ........................................................................................ 130

    Dfinition formelle ............................................................................................................................... 130Explication ........................................................................................................................................... 130Application aux transformations de lespace affine euclidien orient ................................................. 130Caractrisation des transformations fondamentales de lespace par leur ensemble dinvariance ....... 131

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    Table des figures

    Partie 1 Figure 1 : Extrait dun nonc du baccalaurat 2010 de technicien dusinage..40 Figure 2 : Lcran de contrle dune machine commandes numriques dans la conversation 47 Figure 3 : On appelle a un paulement ...49 Figure 4 : Dessin des gabarits appels French curves (Wolfram website) ...50 Figure 5 : La discipline de construction mcanique vue par un enseignant de productique usinage67 Figure 6 : Synthse sur la discipline de construction mcanique au lyce professionnel68 Figure 7 : Comparaison de lenseignement des mathmatiques et des sciences physiques et chimiques entre les trois contextes ducatifs tudis83 Figure 8 : volution des taux de russite au baccalaurat selon la filire depuis87 Figure 9 : Origine sociale des bacheliers franais en 201288 Figure 10 : Un barreau dacier (a) et un objet technique usin (b)......103 Figure 11 : Introduction du concept G.P.S110 Figure 12 : Dessin technique non normalis (en haut), dessin technique normalis (en bas). 111 Figure 13 : Lorigine des lves dans les centres de formation professionnelle de laprs-guerre en 1945 ...120 Figure 14 : Quelques rfrences la liaison collge-lyce dans le programme de mathmatiques du lyce professionnel (BOEN n2 spcial du 19/02/2009) 123

    Partie 2 Figure 15 : La notion de moment dans le programme de sciences physiques et chimiques de la discipline mathmatiques-sciences physiques et chimiques (BOEN n2 spcial du 19/02/2009, p. 54) ...137 Figure 16 a : Degrs de libert dun avion. Extrait de notes de cours de fabrication mcanique. .....................141 Figure 16 b : Degrs de libert sur une machine-outil 4-axes. ...142 Figure 17 : Analyse de lobjet conceptuel degr de libert. ...143 Figure 18 : Schma de lallgorie de la caverne selon Pana et Serini146 Figure 19 : Typologie des lments gomtriques dans le langage normalis150 Figure 20 : Exemple dassociation entre une surface non idale et un plan idal . 151 Figure 21 : Les diffrents types dlments gomtriques. Exemple dun cercle............................................152 Figure 22 : Les oprations du concept GPS (CERPET, 1999, p. 16) ...152 Figure 23 : Exemple de linament (non idal) 153 Figure 24 : Slection dobjets techniques usuels et dans les arts libraux jusqu la fin de lAntiquit158Figure 25 : La dualit psychologique induite par le vol du feu par Promthe160 Figure 26 : Dualit induite par loutillage intellectuel grec daprs Vernant...164Figure 27 : Les mathmatiques comme matrice architectoniques des autres sciences169 Figure 28 : Les attitudes et les thmes scientifiques dans la discipline mathmatiques-sciences physiques et chimiques ...178 Figure 29 : Les pictogrammes des thmatiques dans le programme de mathmatiques-sciences physiques et chimiques178 Figure 30 : Le thme volution des sciences et des techniques dans Bac Pro 2deMathmatiques, 2012181 Figure 31 : La formule de Hron (Maths-Bac Pro 2de 2012, problme 11 p. 144) 184 Figure 32 : Etape 1 de dmonstration de la formule de Hron187 Figure 33 : Etape 2 de dmonstration de la formule de Hron187 Figure 34 : Etape 3 de dmonstration de la formule de Hron187 Figure 35 : Etape 4 de dmonstration de la formule de Hron188 Figure 36 : Discours et techniques dans lenseignement des matrices en terminale scientifique 193

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    Figure 37 : Tableau synoptique des modes de drivation dune technique (in Sigaut, 2010, p. 363) 200 Figure 38 : Paralllisme apparent dans une reprsentation en perspective cavalire. 204 Figure 39 : La rgle graphique fondamentale de la perspective cavalire dans deux manuels205 Figure 40 : Mta-objet et objet/dimension technologique dans les discipline215 Figure 41 : Trois propositions initiales pour la technologie (in Lebeau me, 2011 b) 219 Figure 42 : Les trois gomtries, in Houement et Kozeniak (2006, p. 19) 226 Figure 43 : Trois dimensions influenant la transmission des techniques...230 Figure 44 : Le tableau complter accompagnant le rcit dapprentissage234 Figure 45 : Rcits dun apprentissage mathmatique 234 Figure 46 : Dcomposition dune voiture jouet dans la discipline des mathmatiques...241 Figure 47 a : Dcomposition dune voiture jouet par plan densemble gauche ou par dessins de dfinition droite241 Figure 47 b : Technique des projections orthogonales242 Figure 48 : Solides inscrits dans un paralllpipde rectangle. 245 Figure 49 : Deux perspectives parallles...246 Figure 50 : Manuels de seconde utiliss247 Figure 51 : Les modes de reprsentations planes des solides dans les manuels de mathmatiques...........249 Figure 52 : Le cube pour visualiser les relations de lespace251 Figure 53 : Schma de la premire carte conceptuelle utilise pour analyser un verbatim dentretien long. 257 Figure 54 : Dessin du mini pendule chaotique (document pdagogique) 258 Figure 55 : Les sept squences conversationnelles de lentretien analys...259 Figure 56 : Discours didactique relatif au champ conceptuel de repre affine euclidien. 262 Figure 57 : Trois cycles dsignation/ dveloppement/ appellation dans le tour de parole dE-pu2 ...264 Figure 58 : Cycle des fonctions de la langue naturelle dans le discours explicatif. 264Figure 59 : Passage de lobjet technologique lobjet mathmatique268 Figure 60 : Exercice, annot par un lve (en bleu) et par lenseignant (en rouge) 269 Figure 61 : Repre de machine-outil 4 axes 270 Figure 62: Smiotique du concept de repre associe la machine commandes numriques : clavier, cran.271 Figure 63 : Les diffrentes origines et le rfrentiel de la machine-outil 273 Figure 64 : Origine mesure et origine machine dans le fonctionnement effectif de la machine 274 Figure 65 : Signification de la smiotique du repre affine cartsien associ la machine-outil274 Figure 66 : Pour toute phase donne, le solide idal figur sur le document de phase anticipe la pice278 Figure 67 : Suite inclusive de solides au cours de phases de production 279 Figure 68 : Interactions verbales ou gestuelles entre E-pu2 et son lve E2. 280 Figure 69 : Additivit des volumes281 Figure 70 : Description gestuelle de lpaulement...282 Figure 71 : Diffrences pistmologiques relatives lenseignement des solides entre les disciplines. 283 Figure 72 : Point appel point gnrateur286 Figure 73 : Le point gnrateur (Gp), un lment de la chaine gomtrique. 287 Figure 74 : Les outils. A gauche, le foret en place. A droite, la fraise installer288 Figure 75 : Les supports spcifiques la productique usinage observs lors de lentretien292 Figure 76 : crit spcifique la productique usinage. Exemple de contrat de phase293 Figure 77 : Point de vue local et point de vue global dans le contrat de phase. 294 Figure 78 : Notice technique fixe la machine-outil, ici consulte par llve E1297 Figure 79 : Les rfrences la documentation disciplinaire dans le discours oral......298 Figure 80 : Lespace de travail gomtrique de la productique usinage selon Houdement et Kuzniak......301 Figure 81 : Vers le langage de la productique usinage ?......................................................................................304

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    Partie 3 Figure 82 : Les mathmatiques comme discipline de service ds 1988. (Hodgson et al. 1988)309 Figure 83 : Les dispositifs institutionnels de promotion des mathmatiques depuis 2000314Figure 84 : La liaison des mathmatiques la spcialit professionnelle partir des textes officiels317 Figure 85 : La situation du funiculaire pour introduire les vecteurs326 Figure 86 : La situation du funiculaire pour introduire les vecteurs327 Figure 87 : Trois cadres de modlisation pour introduire lobjet vecteur329 Figure 88 : Deux cadres mathmatiques pour dcrire les objets de lespace dans le G.P.S332 Figure 89 : Les typologies des fonctions langagires selon les objets de recherche342 Figure 90 : Indicateurs de communaut disciplinaire. Cas de la productique usinage357 Figure 91 : Carte conceptuelle du rfrentiel de formation de technicien dusinage...363 Figure 92 : Les diffrentes sources documentaires dans les communauts disciplinaires365 Figures 93 a : Arc de cercle trac automatiquement. 93 b : Arc de cercle construit (ici avec Gorgebra) 369 Figure 94 : Une proprit caractristique du rectangle (ligne 1) ou du carr (ligne 2) instrumentalise372 Figure 95 : Statut doutil ou statut dinstrument dun objet mathmatique dans un raisonnement spatial373 Figure 96 : Rcapitulatif des objets, critres et donnes de comparaison entre les disciplines...376 Figure 97 : Les tapes du schma narratif dans un contexte littraire388 Figure 98 : Reprsentation des relations entre les actants du schma actanciel389Figure 99 a : Schma narratif dans la relation des lves aux mathmatiques vue par E-pu1393 99 b : Schma actanciel dans la relation des lves aux mathmatiques vue par E-pu1393 Figure 100 : La relation des lves aux mathmatiques par E-pu1395 Figure 101 : La question improvise sur limage dun point par une translation403

    a : partie crite au tableau de la question de calcul vectoriel pose en construction mcanique. b : le contexte dusage associ par E-cm la question de calcul vectoriel pose en (a).

    Figure 102 : Les rponses des lves...403 Figure 103 : Analyse des erreurs dans les rponses409 Figure 104 : Formation initiale des enseignants de mathmatiquessciences physiques et chimiques...414Figure 105 : Connaissances en calcul des lves selon les enseignants de mathmatiques-sciences physiques et chimiques416 Figure 106 : Connaissances en gomtrie des lves de lyce professionnel selon les enseignants de mathmatiques...417 Figure 107 : Les savoirs associs aux activits professionnelles. (Rfrentiel du baccalaurat professionnel de technicien dusinage, 2004, p. 21) 420

    Figure 108 : Le modle des niveaux de savoirs (daprs le rfrentiel du baccalaurat professionnel de technicien dusinage 2004, p. 22) 421 Figure 109 : Analyse de la question pose par E-cm (Figure 101 a) dans le modle des niveaux de savoirs de la filire productique usinage422Figure 110 : La diversit des fonctions de lobjet vecteur dans la filire productique usinage...431 Figure 111 : volution mathmatique de lobjet vecteur434 Figure 112 : Les proprits des oprations vectorielles reprsentes avec les figures de la gomtrie plane436 Figure 113 : Dfinition de lobjet vecteur dans des manuels de mathmatiques de 1958 nos jours444 Figure 114 : Lvolution du vocabulaire, entre 1962 et 1999, sur les vecteurs en mathmatiques447 Figure 115 : Torseur reprsent par quatre systmes quivalents455 Figure 116 : Le vecteur et la fonction de calcul analytique. Epreuves du baccalaurat professionnel de productique usinage 2010458 Figure 117 : le vecteur et la fonction de calcul graphique. Corrig de la question 3.6 de lpreuve danalyse des donnes techniques, baccalaurat professionnel de productique usinage 2010460

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    Figure 118 : Le vecteur et la fonction dapplications de lespace affine euclidien. Epreuve de mathmatiques, baccalaurat professionnel de productique usinage 2010462 Figure 119 : Le vecteur et la fonction de classification. Corrig de lpreuve danalyse de donnes techniques, baccalaurat de productique usinage 2010465 Figure 120 : Diffrentes reprsentations qualitatives du pivot glissant...468 Figure 121 : Rpartition des fonctions de lobjet vecteur par discipline dans la filire productique usinage470 Figure 122 : Dessin ralis par E-cm au cours de lentretien, en rponse la question n1476 Figure 123 : Organisation des questions pour observer lenseignement des vecteurs comme objet mathmatique dans les disciplines technologiques de la filire productique usinage477 Figure 124 : une dfinition du torseur daction mcanique (Fanchon, Guide de la mcanique, 2008) 479 Figure 125 : Correspondance des vocabulaires de mcanique et de mathmatiques...479 Figure 126 : Les vecteurs dans le programme de mathmatiques de la filire productique usinage...482 Figure 127 : Rcapitulatif de comparaison des langages disciplinaires pour enseigner les mathmatiques491

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    Introduction gnrale

    Le travail de recherche que nous prsentons dans cette thse senracine dans lobservation dun obstacle : des tudiants de licence scientifique, bloqus par une reprsentation graphique dune configuration de solides, ne pouvant mettre aucune hypothse pour calculer un rapport de longueur. La configuration, issue dun authentique sangaku (nigme japonaise en gomtrie euclidienne), consistait en un empilement de solides (un cube intercal entre deux sphres) circonscrit par une grande sphre. Une hypothse dalignement des centres de chacun des solides et une hypothse dintersection ponctuelle suffisaient proposer une solution convoquant le thorme de Pythagore (collge) et la technique de factorisation du trinme de degr 2 (premire). Linertie des tudiants mettre des hypothses ne provenait pas dun dficit dapprentissage mais plutt dun dficit denseignement ; ils taient dmunis pour imaginer les relations topologiques entre les solides, ne sautorisaient pas raisonner partir dinformations plausibles daprs le dessin et manquaient de vocabulaire.

    Ces deux premiers constats sont lorigine de notre questionnement : pourquoi le curriculum de mathmatiques ne dit-il rien sur les relations topologiques et gomtriques entre solides ? Connexit, inclusion, , tangence, co-axialit autant dhypothses pragmatiques lors de la lecture dune reprsentation, qui donnent la possibilit dinitier un raisonnement spatial gomtrique. Pourquoi aussi les tudiants apparaissent-ils si rticents un problme ouvert ? Sagit-il seulement de lobstacle mathmatique ou ny a-t-il pas aussi une forme de dsapprobation plus ou moins consciente de ce type dactivit ? Cest la combinaison de ces questions qui nous a oblige nous dcentrer de la discipline gnrale des mathmatiques et nous orienter vers des secteurs de lenseignement technologique o nous pensions pouvoir observer un enseignement o les configurations de solides seraient tudies, partir de reprsentations graphiques, sans que les relations entre solides ne soient ngliges.

    Nous sommes arrive ainsi dterminer notre contexte de recherche : les filires industrielles du lyce professionnel et donner une premire formulation de notre problmatique : existe-t-il un enseignement de la gomtrie partir des configurations de solides dans les autres disciplines que celle des mathmatiques ?

    Notre dtour par un contexte denseignement inhabituel notre pratique nous a conduite envisager notre recherche selon une approche interdidactique. En effet, interroger des disciplines, autres que la discipline des mathmatiques, sur leur enseignement dobjets mathmatiques pour tudier des relations ou des formes spatiales a ncessit de se dcentrer du mode de pense de la didactique disciplinaire et de disposer doutils et de mthodes comparatistes tout en considrant la pluralit des disciplines comme un trait culturel cohsif de notre institution scolaire. Comment, en effet, tudier lenseignement des mathmatiques sans

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    questionner les variations disciplinaires des reprsentations concernant lactivit mathmatique et la smiotique des objets mathmatiques eux-mmes ?

    De faon plus gnrale, la rticulation des savoirs pose des questions varies qui dpassent les frontires disciplinaires et sociales. Un foisonnement de questions anime, de faon plus ou moins intuitive, lves, tudiants, enseignants ; il porte sur les difficults enseigner/ apprendre certains objets mathmatiques, sur lorganisation des disciplines entre elles, leur organisation interne, sur loffre des filires dtudes... Quelques une de ces questions sont poses travers les diffrents points de vue que nous livre jour aprs jour notre entourage professionnel (tudiants, enseignants, coordinateurs, ) et mritent dtre rapportes comme prmisses de celles que nous aborderons relativement lenseignement en mathmatiques.

    Lorsquon interroge des lycens de filire scientifique sur leur discipline de prdilection, les cts pratique ou investigatoire des disciplines scientifiques sont souvent allgus pour justifier la prfrence. Les ressentis ont aussi une grande importance :

    en terminale/ les maths cest plus difficile quen premire // en premire les probabilits cest concret

    en maths/ cest mieux quen physique// on prend les thormes de lanne davant et on approfondit tandis quen physique/ on fait plein de ptits bouts et on comprend pas grand-chose

    les maths/ a va/ cest facile// sauf la gomtrie dans lespace

    De mme, lorsque les enseignants parlent de leur pratique quotidienne, des jugements personnels se mlent souvent lexpos des faits :

    ya des lves de terminale S quont mme pas lniveau des lyce pro// oui// maintnant ya d bons lves de lyce pro/ i peuvent entrer en IUT et aprs a va [] moijleur dis mes lves/ vaut-mieux

    passer par la fac et rcuprer de bonnes coles dingnieurs aprs la licence plutt qude vouloir faire des prpas o la plupart du temps is ont pas la capacit dtravail [] videmment maintnant dans lprogramme/ ya des lectures de documents// alors is srcuprent des super notes au bac mais aprs quand is arrivent dans lsuprieur/is saperoivent quis sont pas bons en physique (PRAG de sciences physiques)

    Ces courts tmoignages1 manant de lycens et dune enseignante montrent que les limites disciplinaires, la catgorisation de lactivit scientifique (sa nature et sa valeur), la pertinence

    1 Les tmoignages des lyces et de lenseignante ont t recueillis dans mon tablissement, lcole Polytech Universitaire, cole dingnieur intgre lUniversit de Nice Sophia Antipolis. Les lycens ont t interrogs dans le cadre dun entretien informel de recrutement. Lenseignante, agrge de sciences physiques assure, sous forme de vacations, des travaux dirigs de mcanique en premire anne. Cette enseignante, galement formatrice, a en charge les terminales scientifiques. Dans ltablissement o elle est titulaire, les filires de formations sont : le baccalaurat scientifique option sciences de lingnieur, le baccalaurat technologique STI2D**, des baccalaurats professionnels BTP*, des brevets de technicien suprieurs BTP et des licences professionnelles BTP. **STI2D : Sciences et Technologies de lindustrie et du dveloppement durable.

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    et la cohsion des filires dtudes ne vont pas de soi : elles sont toujours remises en question par les acteurs (enseignants, lves). A travers leurs dires, nous constatons que ces derniers se fabriquent un cadre dinterprtation structur en partie par les textes officiels, en partie par la valeur personnellement investie dans les disciplines au cours des tudes, en partie encore par les outils smiotiques mis en jeu au moment du discours. Dans tous les cas, les contenus scientifiques et lattitude attendue dans une discipline pour assimiler ses contenus semblent avoir une part gale.

    La diversit de ces questions nous amne ainsi dans le champ de linterdidactique, la recherche dexplications sur le dcoupage des savoirs, le rapport entre thorie et pratique, sur la valeur des savoirs programms dans les disciplines, celle des savoirs acquis hors de lcole... En fait, linterdidactique est une dimension intuitive de la pratique comme les propos que nous venons de citer lillustrent.

    Mais linterdidactique est aussi une dimension scientifique de la cognition, questionnant la normalisation des savoirs dans la socit, mettant en perspective les points de vue individuels des praticiens, les points de vue distancs des chercheurs et les points de vue institutionnels, travers une diversit de problmatiques culturelles et pistmologiques telles que la formation des identits disciplinaires, les diffrentes rationalits intervenant dans les processus denseignement-apprentissage, la cohrence de la formation scientifique en regard de la coexistence des disciplines, etc.

    Lapproche interdidactique nous apparat la plus adapte pour aborder lexistence denseignements de mathmatiques par les disciplines, parallles celui qui est programm dans une discipline explicitement ddie aux mathmatiques. Par commodit, nous allons appeler cette discipline ddie aux mathmatiques, discipline des mathmatiques, mais cela nest quune simplification car selon le contexte scolaire la dnomination peut changer : domaine disciplinaire de mathmatiques lcole primaire, discipline de mathmatiques-sciences physiques et chimiques au lyce professionnel.

    Lorsque nous avons pris conseil auprs des inspecteurs pdagogiques de mathmatiques-sciences physiques et chimiques, une filire spcifique nous a t recommande comme terrain possible dobservation de lenseignement des solides : la filire productique usinage en lyce professionnel. Au fur et mesure de notre recherche, nous avons finalement d largir le point de vue, initialement centr sur la gomtrie des solides, un point de vue plus global sur les mathmatiques pour tenir compte de lintrication des questions qui se posaient sur le plan de lobservation et de lanalyse de donnes. Notre problmatique sest donc dploye autour de la question suivante :

    *BTP : Btiment et Travaux Publics.

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    Peut-on dire que les trois disciplines de la filire productique usinage en lyce professionnel (la discipline professionnelle de productique usinage, la discipline technologique de construction mcanique et la discipline gnrale de mathmatiques-sciences physiques et chimiques) dveloppent chacune et ensemble un enseignement des mathmatiques ?

    Ce qui revient chercher la prsence dune dimension interdidactique intuitive chez les enseignants de ces disciplines relativement aux mathmatiques. Et comme cette interdidactique intuitive peut tre apprhende avec les outils de la recherche en interdidactique, nous avons intgr cette dimension heuristique notre formulation dfinitive :

    Peut-on tudier lenseignement des mathmatiques dans la filire productique usinage en lyce professionnel sous langle de linterdidactique ?

    Cette problmatique contient deux exigences :

    - Celle de se dcentrer de la didactique disciplinaire des mathmatiques pour envisager la transformation dun objet mathmatique en un objet denseignement travers diffrents cribles disciplinaires dans une perspective didactique non disciplinaire ;

    - Celle aussi de prserver la complexit du phnomne denseignement-apprentissage. Dans son tude sur L'impact des strotypes disciplinaires sur les apprentissages, Biagioli (2010) montre travers diffrents protocoles exprimentaux2 quun phnomne denseignement-apprentissage ne peut pas tre considr comme dsincarn et que la reprsentation des savoirs (conceptualisation) va de pair avec la reprsentation discriminante des disciplines scolaires (strotypisation) :

    [] lindividu dans sa prsence effective et charnelle, le groupe dans sa cohsion et son pouvoir dassimilation, et les contenus enseigns dans leur usage de classement des tres et des choses sont intriqus dans le strotypage scolaire. (Biagioli, 2010 a, p. 33)

    Notre approche interdidactique des variations de lenseignement des mathmatiques travers les disciplines comporte trois axes danalyse : lanalyse mathmatique, lanalyse des pratiques et lanalyse des reprsentations collectives ou subjectives. Nous allons voir en quoi la combinaison de ces trois axes danalyse permet dapprhender les phnomnes denseignement-apprentissage en dformant le moins possible leur constitution complexe.

    Avec lanalyse mathmatique, nous tudions le champ conceptuel dune notion mathmatique (solide, repre, vecteur) et considrons, dans chacune des disciplines, lpistmologie de cette notion. Quelles situations permet-elle de modliser ? Comment est-elle introduite pour marquer sa ncessit par rapport aux autres objets enseigns ? (Situation disciplinaire de rfrence)

    2 Enqute auprs dlves, rcit denseignant, mise en uvre enseignante par co-intervention disciplinaire.

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    Enfin, dans le cas o la notion est ouvertement dclare comme objet denseignement, quelle dfinition est ventuellement propose pour sy rfrer ?

    Avec lanalyse des pratiques, nous tenons compte des conditions de mise en uvre de lenseignement de la notion mathmatique. Quel est lenvironnement smiotique qui, dans une discipline et un contexte donns, permettent de donner une vie sociale cette notion mathmatique ? Cet environnement intgre les critres de classement des lves, des enseignants, des disciplines. Quelles sont les pratiques de conduite denseignement de cette notion et les modes dvaluation de leur acquisition ? Dans le cas o la notion fait partie du curriculum dclar de plusieurs disciplines, y a-t-il des dispositifs de liaison entre ces enseignements disciplinaires ? Il sagit de mettre en relation les variations de pratiques smiotiques et les variations de conception dune notion mathmatique.

    Lanalyse des reprsentations que les acteurs ont dune discipline complte les deux autres et constitue un des apports innovants de linterdidactique. Elle prend en compte les consquences du partage disciplinaire des savoirs sur lidentit des acteurs scolaires (enseignant, apprenant, institution), mettant en relation deux chelles dobservation, celle dune organisation collective et celle des reprsentations individuelles, articules par les diffrents vcus ou histoires disciplinaires. Le changement dchelle dobservation amne tudier la formation de reprsentations strotypes des disciplines, que ces dernires soient positives ou ngatives. Laffiliation (vs la dsaffiliation) dun individu une discipline est associe une reprsentation positive (vs ngative) de la discipline (Biagioli, 2010 a, p. 38-39). Lauteur rpertorie diffrents critres indicateurs de laffiliation dun sujet une discipline scolaire comme, par exemple, le fait de garder une image positive de soi lvocation de la discipline, ou encore, le fait de pouvoir manifester son expertise et des exigences dans un domaine disciplinaire. La dsaffiliation pourra tre associe la rigidification des attentes formatives, une incapacit se reprsenter lenjeu de la discipline en tant que domaine de savoirs, au rejet de certaines valeurs de la discipline.

    Sur chacun des trois axes danalyse, la langue naturelle sest impose comme objet dtude incontournable, tant tout la fois, un outil de mdiation des concepts viss par la discipline, un outil darticulation entre les diffrents moyens smiotiques mis en uvre par une discipline, et un outil dexpression du niveau daffiliation une discipline. Les sciences du langage sont apparues comme des disciplines contributoires privilgies de lapproche interdidactique, qui a import lanalyse du discours comme outil de recherche, dans le champ de la didactique.

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    Quels sont les enjeux sociaux de notre recherche ?

    Nous avons men une tude interdidactique de larticulation : entre les disciplines dune mme filire, entre deux contextes diffrents implicitement mis en perspective (le lyce gnral/ le lyce professionnel), entre deux catgories socio-professionnelles (les enseignants bivalents/ les enseignants monovalents), etc. Lensemble de ces articulations tend dvelopper une sensibilit plurifactorielle, en allant souvent [] contre la prsentation de soi des institutions concernes lesquelles tendent ne

    dsigner que les facteurs quelles esprent pouvoir contrler (Chevallard, 2007, p. 1218). Il sagit donc de mettre jour les reprsentations strotypes pour viter de mal interprter ce que nous observons. Biagioli (2010, p. 36) dfinit le marquage axiologique comme tant le passage insensible dune catgorie smantique utile pour planifier laction pdagogique (programmer des contenus, concevoir une valuation, ) une catgorie associe une reprsentation simplificatrice, rigide et discriminante (bien/pas bien). Comme on la vu dans les quelques propos cits en dbut de cette introduction, le marquage axiologique se construit au cours de lexprience scolaire par les communauts lencontre dindividus, dune discipline ou encore dun objet disciplinaire. Il est difficile de sen dpartir parce que ce marquage axiologique est gnr dans les milieux de socialisation et dducation. Lorsquil est ngatif, ce marquage nest pas sans consquence ni sans poser des difficults didactiques.

    Une consquence est la dtrioration durable de limage sociale de la cible, sachant que la cible peut tre trs varie : notion ou pratique caricature, discipline survalue au dtriment dune autre, discipline dvalue, lve ayant une faible estime de soi, stigmatisation dune catgorie denseignants selon leur discipline, discrimination dlves selon leur filire, Un premier enjeu de recherche est de comprendre comment, dans lhistoire des disciplines et des individus (enseignants ou lves), se forme un marquage axiologique propos des mathmatiques. Les politiques de recrutement des enseignants et dorientation des lves sont-elles discriminantes ? Pour illustrer ce premier enjeu, on peut sinterroger sur leffet des changements dappellation des disciplines ou des des diplmes terminaux de lyce : la reforme des lyces a par exemple rebaptis en baccalaurats les anciens brevets professionnels. Cela peut sinterprter comme lexpression dune volont dclare de contrevenir aux reprsentations strotypes soulignant, ici, une gestion plus rationnelle des filires ou, l, une reconnaissance gale des filires de formation. Mais les changements dappellation ne suffisent pas neutraliser les strotypes.

    Quels sont les enjeux pistmiques de notre recherche ?

    Du point de vue de lenseignement des mathmatiques, le principal enjeu est dinterroger les reprsentations enseignantes de ce quest lactivit mathmatique, dans ou hors de la classe de mathmatiques. Ainsi, la notion dactivit mathmatique sera discute : en quoi est-elle reconnaissable ? En quoi se distingue-t-elle des autres activits scientifiques et techniques ? Les observations dlves ou denseignants en situation ont montr (Bessot et al., 2005 ; Duval, 1995 ; Bergeron et al., 1982) quon ne peut pas se fonder sur les procdures observes et le

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    formalisme utilis pour dduire un niveau de comprhension mathmatique : en effet, les diffrentes modes de raisonnement (intuition3, causalit, inclusion) se rpondent rcursivement, ce qui suggre quil ne suffit pas de dcrire le formalisme langagier utilis par une discipline pour dcrire lactivit mathmatique, lorsque celle-ci existe.

    Un autre enjeu concerne la reprsentation des savoirs scientifiques travers la problmatique de la liaison des enseignements. Cette liaison est-elle faisable, souhaitable, ncessaire ? Est-elle utopique ? Le programme de mathmatiques-sciences physiques et chimiques de la filire productique usinage (BOEN n2 du 19/02/2009) souligne limportance de la cohrence de la formation scientifique. Il nous semble que la cohrence de la formation scientifique prsuppose une forme harmonieuse de maitrise des savoirs. Nous pensons que lapproche interdidactique de lenseignement des mathmatiques peut contribuer dune part dconstruire les prsupposs des prconisations institutionnelles et, dautre part, apporter des lments de diagnostic leur faisabilit.

    Notre objet de recherche est lenseignement des mathmatiques hors de la classe des mathmatiques. Nous avons organis notre investigation sur linterdidactique de lenseignement des mathmatiques dans trois disciplines de la filire productique usinage du lyce professionnel en une srie denqutes conjointes.

    La premire concerne les objets didactiques mathmatiques, nous cherchons et tudions les situations didactiques spcifiques aux disciplines : celles qui justifient lintroduction, implicite ou explicite, de telle ou telle notion mathmatique (solide, surface, vecteur, ) ou de lusage de tel traitement mathmatique (oprations numriques, transformations gomtriques, ).

    Il se peut que lenseignement de lobjet mathmatique soit implicite parce que son enseignement explicite nest pas programm : lenseignant reste dans le jargon de sa discipline, ne se rfre aucune dfinition mathmatique. Ce sera toutefois grce aux proprits de lobjet mathmatique, que les donnes de la situation seront structures pour pouvoir tre traites numriquement par exemple. Cest le cas notamment des activits de classement (de surfaces, de relations de surfaces, ) qui sont assez labores sur le plan mathmatique mais dont la prsentation didactique et le formalisme sont spcifiques aux disciplines. Nous nous intressons aussi aux variations de conception dun mme objet mathmatique dune discipline lautre (cas du cylindre, des mthodes graphiques de reprsentations des solides). Dans tous les cas, une rflexion sur lergonomie de chaque discipline nous a conduite complter ce versant des contenus mathmatiques enseigns par les deux autres axes danalyse (pratiques, reprsentations).

    3 Le mode intuitif fonctionne sur laction et lhabitude de cette action. Le mode causal est fond sur lobservation dune suite dvnements. Le mode inclusif trouve les arguments du raisonnement dans les proprits des objets rfrs.

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    La deuxime porte sur les pratiques disciplinaires, notre attention sest focalise sur lenvironnement smiotique spcifiquement disciplinaire. Cet environnement tient compte des lves, des enseignants, des objectifs denseignement et des outils spcifiques de communication et se rpercute sur les modes dvaluation, la dmarche pdagogique, etc. Cest la connaissance de cet environnement qui permet de comprendre la place et la forme des discours sur les objets mathmatiques. En particulier, les manires de noter les objets mathmatiques, de les nommer, de les spcifier ou non au cours dun raisonnement sont les objets de notre recherche.

    La troisime sest penche sur les reprsentations collectives ou individuelles, analyses travers un ventail dnoncs disciplinaires et de discours denseignants. Lobjet de notre recherche est dans ce cas la faon dont les enseignants envisagent la relation de leur discipline aux mathmatiques, la relation quils imaginent que leurs lves ont aux mathmatiques. Ces reprsentations, conscientises ou non, interfrent sur la manire de parler des mathmatiques.

    Nous pouvons donc dire que lenseignement des mathmatiques par les disciplines qui est notre objet de recherche est un objet complexe que nous reconstituons, pice par pice, sachant quune seule dentre elles ne permet pas dclairer notre problmatique.

    Enfin, au plan mthodologique, un deuxime objet de recherche est apparu : avec la ncessit de concevoir un outil permettant de gnraliser lensemble dune discipline la porte des danalyses effectues sur les pratiques ou les propos de tel ou tel de ses reprsentants. Lanalyse de discours qui dispose des outils pour tudier les niveaux dnonciation nous a apport une partie de la solution. Nous avons pu voir dans quelles mesures un propos, une prsentation didactique taient reprsentatifs ou non dune communaut denseignants. Reprenant ensuite deux concepts centraux de la didactique des disciplines, celui de communaut discursive comme groupe partageant les mmes manires de pense, agir, parler (Dictionnaire des concepts fondamentaux des didactiques, Reuter dir., p. 33 ; Jaubert, Rebire, Berni, 2004) et celui de conscience disciplinaire (op.cit. , p. 4 ; Reuter, 2007), nous avons essay de conserver lintrt du couple que forment le sentiment dappartenance, dvelopp vis--vis dune discipline, et les discours qui le portent en en limitant les inconvnients en terme de risque de reconduite du cloisonnement disciplinaire par la recherche et surtout de morclement de lapproche lorsquon travaille dans une perspective interdidactique. Nous avons propos la notion de langage disciplinaire pour rendre compte de la relation entre des acteurs (enseignants, lves, inspecteurs, professionnels du secteur industriel), un statut disciplinaire, des contenus programms, des moyens smiotiques, des contraintes spatio-temporelles : nous avions l toutes les composantes dune situation de communication.

    Trois disciplines dune mme filire de lyce professionnel : les mathmatiques-

    sciences physiques et chimiques, la construction mcanique, la productique-usinage impliques dans lenseignement du raisonnement spatial, nous ont sembl prsenter assez de diversit entre leurs objets gnraux denseignement et assez de cohsion entre les objets

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    mathmatiques quelles enseignaient pour engager une dmarche comparatiste. Pour rendre possible cette comparaison, il nous a dabord fallu comprendre en quoi consistait la catgorisation qui affectait chacune delles des qualificatifs diffrents : gnrale, technologique, professionnel. Ce contexte, dj diffrenci, nous a amene reconsidrer lhistoire de lenseignement des mathmatiques par rapport celle de lenseignement professionnel, des sciences physiques, et des sciences informatiques. Ltude pralable du contexte et de la notion de discipline nous a apport les premiers lments de rponse sur la prsence denseignement(s) des mathmatiques par des disciplines autres que la discipline ponyme. Nous visions deux objectifs de recherche :

    Le premier tait de valider le concept de langage disciplinaire, vu comme mode propre chaque communaut disciplinaire de sexprimer sur les mathmatiques et de communiquer propos delles ;

    Le second tait dtudier les variations disciplinaires des objets mathmatiques dans les trois disciplines, en comparant diffrents aspects : situations de rfrence, pistmologie des objets, vocabulaire smiotique et environnement. Nous lavons fait partir dune tude de cas : celui du vecteur.

    En consquence, nous avons mis initialement les hypothses suivantes :

    Une hypothse dexistence : la discipline denseignement gnral des mathmatiques, la discipline technologique de construction mcanique et la discipline professionnelle de productique-usinage, en tant qu'units socialement construites se rfrant au champ des mathmatiques sont des disciplines qui dveloppent chacune un langage spcifique ;

    Une hypothse opratoire : sous certaines conditions portant sur les objets mathmatiques

    denseignement, il est possible de comparer les langages des trois disciplines

    mathmatiques, construction mcanique, productique usinage et d'importer momentanment le langage d'une discipline dans la classe d'une autre discipline en vue dtudier leffet de leur coexistence au cours dune mme tche mathmatique ;

    Une hypothse de causalit : en tant que vecteur d'une certaine conception de lespace et dune certaine pistmologie des savoirs mathmatiques, le langage disciplinaire influence le raisonnement spatial (linhibe, le motive, le transforme). Juxtaposer deux langages disciplinaires peut modifier la faon de raisonner dans lespace.

    Pour le travail que nous prsentons ici, nous navons retenu que les deux premires :

    v Une discipline dveloppe un langage disciplinaire spcifique (hypothse dexistence) ; v Sous certaines conditions de partage dobjets denseignement, il est possible de

    comparer deux ou plusieurs langages disciplinaires (hypothse opratoire dcoulant de lhypothse dexistence).

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    Pour chacune de ces hypothses, nous allons discuter lexistence et la nature des indicateurs soit de lexistence de langages disciplinaires, soit de la pertinence de la comparaison. Nous utilisons ensuite ces indicateurs pour aborder, dans le contexte du lyce professionnel la question de linterdidactique des mathmatiques.

    Nous avons renonc la troisime hypothse. Nous avions amorc une exprimentation juxtaposant le langage de construction mcanique et le langage des mathmatiques travers une situation alatoire4. Mais elle posait de trop nombreuses difficults : la consigne donne aux lves permettait dobserver une influence sur le plan du lexique mais non sur le raisonnement. De plus, lexprimentation se droulait dans un autre contexte denseignement, ce quil aurait fallu justifier.

    Notre premire partie comporte deux chapitres dexposition, lun de linterdidactique pris comme dimension danalyse didactique (chapitre 1), lautre du lyce professionnel comme contexte de recherche (chapitre 2).

    Dans le chapitre 1, nous prsentons lapproche interdidactique avec ses objets, ses prsupposs, et ses champs contributoires, ses dmarches et ses outils (chapitre 1). Nous justifions le choix de linterdidactique en situant notre objet de recherche, lenseignement des mathmatiques, comme objet darticulation des disciplines et des savoirs scientifiques et techniques. Le prsuppos le plus remarquable de linterdidactique est de considrer qu une priode donne, nous partageons une mme et unique culture dont les variantes observables, lorsquon change de sphre dactivits, traduisent la variation des ressources. Ressource est ici prendre dans son acception la plus large : langagire, conceptuelle, naturelle, technique, humaine, etc. Notre point de vue initial est essentiellement humaniste et interculturel. Cest pourquoi nous avons prfr passer par lanalyse des conjonctures et des facteurs explicatifs des diffrences existantes entre les communauts observes plutt que dadmettre a priori que ces diffrences taient essentielles. Grce ce prsuppos de linterdidactique, on peut intgrer des composantes de nature diffrente mais concomitantes pour caractriser des phnomnes denseignement apprentissages : une composante historico-scientifique dfinissant les objets enseigns et leur champ thorique de rfrence un moment donn, une composante professionnelle dcrivant comment sont conduits les enseignements en fonction de ressources dont nous avons soulign la diversit, et enfin une composante subjective des acteurs (enseignants ou lves) relative aux ressentis dun enseignement disciplinaire donn.

    4 Partant dun authentique programme de construction quun enseignant de construction mcanique avait conu pour initier la prise en main du logiciel Solidworks, il tait demand aux lves (familiers de Solidworks) de calculer la probabilit quun certain point, plac au hasard, se situe sur une certaine rgion de la surface dun cube. Outre les univers lexicaux trs diffrents, la question de mathmatiques sest rvle complexe (rduction du problme gomtrique, choix dun modle probabiliste, choix des notations, calcul).

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    Parmi les champs contributoires de linterdidactique, les sciences du langage nous ont apport les outils de lanalyse de discours. Nous illustrons la fonction expressive du discours en analysant des extraits de notre corpus. Ceci nous permet dintroduire des outils assez subtils peu usits en didactique des mathmatiques et galement de prsenter petit petit les enseignants que nous avons rencontrs.

    Dans le chapitre 2, nous abordons la filire productique usinage en dcrivant son espace de travail gomtrique et en mettant en avant quelques spcificits gomtriques et technologiques. Ltude du dessin technique nous fournit loccasion de prsenter lune des trois disciplines : la construction mcanique. Nous faisons alors un dtour par lhistoire de lenseignement professionnel pour mieux apprhender lvolution de lenseignement professionnel par rapport aux mathmatiques de lenseignement primaire ou de lenseignement secondaire. Cest loccasion de passer en revue les diffrentes catgories de disciplines et les reprsentations strotypes qui les accompagnent.

    La deuxime partie comporte trois chapitres. Pour prparer notre comparaison de la discipline gnrale mathmatiques-sciences physiques et chimiques), de la discipline professionnelle productique usinage et de la discipline technologique construction mcanique) nous avons entrepris dtablir ce qui distingue lactivit mathmatique de lactivit technique et de lactivit technologique, en tentant de dconstruire les reprsentations strotypes lies la catgorisation des disciplines. La partie 2, intitule Approche exploratoire de lalternance de la pense technique et de la pense mathmatique dans les disciplines tudies, est donc un essai sur lpistmologie des mathmatiques dans le contexte socio-culturel large de lhistoire des ides et des techniques en Occident, et celui, plus restreint, de leur lenseignement.

    Pour cela, dans le chapitre 3, nous nous intressons aux origines de la pense mathmatique et de la pense technique, sachant que les reprsentations des sciences et techniques antiques ont pes sur lhistoire de lenseignement scientifique et technique en France. En considrant lactualit de lune et lautre de ces penses, nous questionnerons lvolution des disciplines ainsi que leur fonction. La notion de pense sera explicite en lien avec les trois axes mis en lumire par la triple dmarche de lanalyse interdidactique (contenus, ici mathmatiques, pratiques, reprsentations).

    Les chapitres 4 et 5 approfondissent notre exploration. partir de rcits dapprentissage dtudiants ou dnoncs de manuels, nous considrons dabord la pense technique dans la discipline des mathmatiques (chapitre 4). Nous examinons la question rciproque : quelle pense mathmatique trouve-t-on dans la discipline productique usinage ? Nous terminons cette partie intermdiaire en analysant des changes entre un enseignant de productique usinage, la chercheuse et deux lves et observons comment ils se mettent en scne les uns et les autres et conversent sur certains objets mathmatiques (chapitre 5).

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    La troisime partie comporte quatre chapitres. La partie 3 dveloppe lapproche comparatiste. Le chapitre 6 reformule et prcise notre problmatique et les cadres mathmatiques du raisonnement spatial de la filire productique usinage. Le chapitre 7 discute la notion de langage disciplinaire qui permet de gnraliser la dmarche de comparaison des diffrents enseignements.

    Les chapitres 8 et 9 prsentent les rsultats de notre approche comparatiste. Ils concernent, respectivement, la reprsentation enseignante de la relation des lves aux mathmatiques et lenseignement des vecteurs. Ce dernier chapitre organise une comparaison cible sur lenseignement des vecteurs dans chacune des trois disciplines. Nous comparons les objets, dclars ou non comme mathmatiques, travers les discours des enseignants et la documentation disciplinaire. Nous mettons alors en relation les objets dtude, les moyens smiotiques et lergonomie disciplinaires ; ce qui revient considrer les trois axes danalyse dj voqus (contenus mathmatiques, pratique, reprsentations). Concernant lenseignement des mathmatiques et en particulier des vecteurs, nous mettons en vidence quelques points communs entre les disciplines mais, bien davantage, leurs diffrences. Ces diffrences font obstacle la cohrence de la formation scientifique et la liaison des enseignements mais, par ailleurs, permettent aux disciplines dagir de faon autonome, singulire et doffrir plus ou moins tacitement aux lves des espaces dapprentissage des mathmatiques inattendus mais possibles.

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    Partie 1 : Les enjeux de lapproche interdidactique de lenseignement des mathmatiques dans la filire productique usinage en LEP

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    Introduction

    Notre travail de recherche sinscrit dans le champ de linterdidactique, dune part parce que nous dcrivons les variations de lenseignement des mathmatiques travers trois disciplines dune filire de lyce professionnel, dautre part parce que nous situons, en partie, lorigine de ces variations dans les reprsentations internes individuelles ou collectives.

    Cette premire partie a pour objectif de prsenter dabord linterdidactique comme cadre gnral de notre recherche (chapitre 1) puis la filire productique usinage de lyce professionnel comme contexte particulier de notre recherche (chapitre 2). Dans la filire productique usinage, nous focalisons notre tude sur les disciplines de construction mcanique, de mathmatiques-sciences physiques et chimiques et de productique usinage ; ces disciplines seront prsentes lune aprs lautre, dans cet ordre.

    La problmatique de cette partie est double. Premirement, il sagit de dlimiter notre domaine de recherche en prservant la complexit des phnomnes denseignement tudis. Cela nous conduira justifier la diversit des outils conceptuels que nous empruntons aux diffrents champs contributoires ; nous prsenterons ces outils dans leur cadre thorique et illustrerons leur emploi dans le contexte de notre recherche.

    Deuximement, il sagit de dcrire comment linstitution envisage les diffrents impacts des mathmatiques dans la formation professionnelle ; comment, enfin, elle oppose (ou non) la formation pratique et la formation intellectuelle travers la catgorisation des disciplines :

    La scolarisation de lenseignement des mathmatiques, et donc le choix des contenus, sinscrit ainsi dans

    une perspective plus vaste de controverses portant sur les finalits de la formation professionnelle. Une des spcificits de cet enseignement est dtre un lment de la formation intellectuelle des lves tout en tant au service de la formation technique. (Sido, 2008, p. 4)

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    Chapitre 1 : Le cadre de linterdidactique

    Dans ce chapitre, nous prsentons le champ de linterdidactique : tout dabord ses objets dtude et ses prsupposs pistmologiques, ensuite ses champs contributoires, enfin les mthodes et outils que nous avons utiliss.

    1.1. Les objets de linterdidactique

    Linterdidactique est un domaine de recherche qui concerne ltude des phnomnes rsultant de la coexistence des disciplines denseignement dans le cursus scolaire et universitaire. De mme que le terme didactique recouvre deux acceptions diffrentes, celle dune pratique rflexive de lenseignement, et celle

    dune recherche portant sur cette pratique et sur ses acteurs, de mme le terme interdidactique dsigne la partie des pratiques enseignantes et apprenantes concerne par larticulation des apprentissages notionnels, discursifs et linguistiques des disciplines tudies, et la recherche qui les prend pour objet. Les travaux [] sorganisent autour de trois thmes :

    - limpact des disciplines scolaires et universitaires sur la construction de lidentit professionnelle des enseignants et des apprenants ;

    - la complexit spcifique des phnomnes qui rsultent de la mise en relation des disciplines au cours des apprentissages ;

    - linfluence de la mondialisation des savoirs sur les systmes scolaires et universitaires, les curriculums et les pratiques denseignement, les dispositifs dintgration scolaire et linguistique.

    Ces thmes rpondent au besoin de situer lvolution des disciplines. (Biagioli, 2012 a, p. 3)

    Il est peu envisageable de traiter sparment les trois thmes rpertoris par lauteur. Pour notre part, le plus souvent, cest en partant de questions propos ou autour des mathmatiques que nous les aborderons : enseigne-t-on les mmes mathmatiques dune discipline lautre ? Quels sont les facteurs structurels ou environnementaux qui influencent lenseignement des mathmatiques ? Comment les enseignants parlent-ils des mathmatiques ? Etc.

    Il sagit daborder les questions lies au dveloppement et la complexit de lactivit denseignement mathmatique pour laquelle nous savons que des difficults dordre linguistique [ou plus largement langagier] interagissent souvent avec des difficults qui ncessitent un approfondissement dordre mathmatique et appellent en retour une rflexion sur linteraction entre ces disciplines [i.e. mathmatiques et franais] dans un constant va-et-vient (Lozi, 2012, p. 250).

    Dans notre recherche, nous nous sommes pos deux questions relatives la diversit des modes de communication des mathmatiques au lyce et la balance entre la formation aux concepts (dans leur aspect unificateur et simplificateur) et la formation aux besoins et savoir-faire outills par ces concepts :

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    - les variations disciplinaires permettent-elles aux acteurs (enseignants, lves) de reconnatre un objet mathmatique et de sinterroger sur sa porte conceptuelle travers plusieurs disciplines ?

    - dans une discipline donne, quels sont les usages langagiers associs lenseignement implicite (ou non) dun objet mathmatique (technique, modle, concept) et quelles sont les significations spcifiques qui en rsultent ?

    Pour aborder ces deux questions, le cadre de linterdidactique apparat pertinent. En effet, lapproche interdidactique envisage les processus denseignement-apprentissage comme un espace-temps o coexistent diffrentes varits culturelles (celle des acteurs, celle des disciplines) observables travers les productions langagires. En sappuyant sur la fonction expressive de la langue naturelle, lapproche interdidactique permet de combiner lanalyse de discours sur les objets denseignement et la comparaison de certaines ressources culturelles spcifiques aux disciplines.

    En particulier, lapproche interdidactique est compatible avec lapproche didactique et ergonomique (double approche) de Robert et Rogalski (2002) prenant en compte, chez les enseignants, les variations interindividuelles des pratiques, mais en les associant, en partie au moins, des variations de cultures disciplinaires. Il sagit de recueillir la reprsentation quun enseignant a de la frquentation des mathmatiques quil organise pour [ses lves] dans sa classe (Robert et Rogalski, 2002, p. 507) ou pour lui-mme et de croiser cette reprsentation dclare, donc reconstruite, avec les pratiques disciplinaires.

    Plus prcisment, du point de vue interdidactique, la langue naturelle possde des fonctions darticulation entre :

    - La tche prescrite et lactivit ; - Les diffrentes significations dun concept dune discipline lautre ; - Les conceptions vhicules par la langue naturelle et les conceptions scientifiques vises par les enseignements disciplinaires.

    Nous tudions ces articulations travers les discours et les documents de trois disciplines : les mathmatiques-sciences physiques et chimiques, la construction mcanique et la productique usinage qui, en tant que discipline professionnelle, donne son nom la filire. Notre tude est dabord gnrale (partie 2 de la thse), le but tant de se dpartir dventuelles reprsentations prconues propos de la relation entre la pense mathmatique et la pense technique. Ensuite (partie 3 de la thse), nous nous focalisons sur les trois disciplines. Dans tous les cas, nous questionnons la pluralit des significations des objets mathmatiques, de leurs reprsentations langagires et la coordination de cette pluralit par les disciplines.

    Mais en quoi consiste cette pluralit ? Nous pressentons par exemple que, sans tre changeables, les identits professionnelles des enseignants ont toutefois des points communs,

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    que les volutions des disciplines sont considrer en perspective dans lhistoire de lenseignement franais et dans le mme contexte socio-technologique global. Il est donc ncessaire dclaircir la faon dont la pluralit est envisage dans le cadre de linterdidactique avant de la dcrire. Cest lobjet de la section suivante qui prsente les prsupposs de linterdidactique.

    1.2. Prsupposs : une approche anthropologique de la culture

    Nous venons dexposer les objets dtude de linterdidactique. Lexistence dune culture partage et les variations culturelles associes la partition en disciplines scolaires sont le pivot pistmologique de lapproche interdidactique. Cest ce mouvement entre unit et variations que nous exposons prsent.

    1.2.1. Les mathmatiques et lcole, produit dune mme culture Selon Edward Burnett Tylor (1870), une culture est un ensemble de patterns (de pense, de comportements, de sentiments, de croyances, de modes de production et de reproduction, etc.) socialement appris et globalement partags, un moment donn, par un groupe de personnes formant un peuple ou une socit (cit par Ct, 2005). Selon cette dfinition, les productions intellectuelles ou esthtiques, linguistiques ou scientifiques, scientifiques ou technologiques d'une socit ne sont pas spares : elles sont des lments diffrents dune mme matrice de reprsentation du monde. Partant de cette dfinition anthropologique de la culture, nous nous sommes intresse linstitution scolaire dans son action culturelle relative aux objets mathmatiques : comment lcole participe-t-elle la faon de penser les objets mathmatiques, quels comportements et ressentis sont produits ou reproduits travers elle, quels besoins et valeurs lcole projette-t-elle socialement sur les objets mathmatiques ?

    Lanthropologie culturelle peut nous permettre de comprendre comment les diffrentes disciplines investissent les objets mathmatiques et quelle culture mathmatique elles construisent ensemble. Ainsi, nous utiliserons lexpression variation disciplinaire plutt que celle de culture disciplinaire. Cela peut passer par l'analyse pistmologique des objets enseigns, par l'tude de la gense des savoirs dans diffrents milieux, scolaires ou non, et galement par la mise plat des reprsentations que les enseignants ont des disciplines et des relations disciplinaires, ce qui interroge la fois les contenus (tche et activits programmes) de ces disciplines scientifiques, et les reprsentations internes des acteurs enseignants ou lves. Quand on considre une mme discipline travers diffrents systmes scolaires de diffrents pays occidentaux, la dmarche comparatiste se justifie implicitement par la rfrence un mme champ dactivits et la volont dduquer ce champ dactivits qui sont communes et significatives dune mme culture. Les diffrences ou similitudes observes correspondent alors des variations qui peuvent sexpliquer par les diffrences de ressources dune socit lautre,

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    dun lieu lautre. Notons aussi que le fait de considrer les variations culturelles prsuppose lexistence dinvariants (universels). Dans le cas de la discipline des mathmatiques, les invariants pourraient tre les objectifs viss dun pays lautre en arithmtique, en gomtrie et en algbre, certains lments du code mathmatique, un rpertoire de dessins mathmatiques par exemple.

    Parmi les ressources culturelles que nous envisagerons au cours de nos analyses, figurent les significations portes par la langue naturelle (dont les strotypes par exemple), les outils de production smiotiques, les genres dcrit, etc. Ainsi, les trois disciplines que nous nous apprtons explorer puis comparer du point de vue de lenseignement des mathmatiques le seront dans lobjectif de tcher dexpliquer les variations observes autour des ressources5 disponibles ou produites.

    Enfin, en situation denseignement-apprentissage, la langue naturelle vhicule une information complexe construite dans la situation