initiative amis des mères

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ISSN-1201 9143 Juin 2006 Volume 10 Numéro 1 Enrichir notre culture de la naissance, par amitié pour les femmes et leur famille ÉDITORIAL Bulletin d’information en périnatalité LE PERISCOOP Enrichir notre culture de la naissance : C’est se mettre à l’écoute et au respect des dimen- sions humaines, sociales et spirituelles de l’expérience de la mise au monde. C’est se laisser toucher par ces dimen- sions qui sont aussi celles de notre vie à chacun et chacune. C’est se donner l’occasion de placer la naissance dans un horizon de sens et de profondeur qui, seuls, nous mèneront vers une véritable humanisation. C’est se rendre disponible à expérimenter les dimensions de l’être qui nous mettent en contact avec l’intensité de vivre. C’est donner à la naissance la chance d’être un lieu et un temps pour respecter les dimen- sions invisibles et sacrées de la vie. C’est éveiller le potentiel de trans- former la naissance biologique, acte de venir au monde. C’est élargir une logique de services, où les uns donnent et les autres reçoivent, pour explorer une logique d’entraide car bien qu’en tant qu’intervenants nous ayons des responsabilités à prendre, nous appartenons au même monde, nous cherchons le sens de la vie, nous sommes mutuellement vulnérables et nous avons besoin les uns des autres pour devenir de meilleurs êtres humains et accom- plir ce que nous sommes. C’est donner à la naissance une chance extraordi- naire de développer une solidarité et une affection col- lective envers les mères et les familles « nouvelle-nées ». Comment trouver une façon de veiller sur le bien-être des familles et non pas seulement les sur-veiller? Nos pensées et nos actions ont une résonance pour la société dans laquelle nous vivons et surtout sur les géné- rations qui vont nous suivre. Dans un contexte de vie habité par la technologie, le matérialisme et le désenchantement du monde, dans ce contexte où nous ne sommes plus conscients de la musique de fond de la peur, élargir nos perspectives autour de la naissance devient une néces- sité, un devoir d’être humain. Que l’occasion d’élargir nos perspectives sur les réa- lités de la naissance soit aussi un moteur pour des paroles et des actions nouvelles dans chacun de nos milieux. Que ce soit une occasion de vivre le partage de notre privilège d’être présents à un moment fondateur de la vie humaine, de notre vie sociale et un passage de vie pour les femmes. Que ce soit plus souvent l’occasion d’être en liens les uns avec les autres au niveau du cœur, de la cons- cience et de la joie. Lorsqu’on élargit quelque chose, c’est pour faire plus de place. Plus de place pour faire en- trer et plus de place pour laisser sortir. L’ASPQ veut inviter tous ceux et celles qui œuvrent en périnatalité à oser faire des choses nouvelles, ou de faire les mêmes choses, mais avec une conscience différente, ce qui revient au même. Nous vivons dans un contexte de valorisation de l’action, de la performance, de l’efficience. Nous évoluons dans des établissements hospitaliers organisés dans la pen- sée industrielle, dans un système de santé qui a adopté un fonctionnement d’entreprise. Comment être inspirés par la question de l’être et non pas seulement par celle du faire? Nous pouvons tenter d’expérimenter le sens du jardinier, celui qui est attentif au processus et non seulement aux résultats. Je nous souhaite d’expérimenter, avec et pour les femmes et les familles, une perspective différente dans l’accompagnement de ce processus de transformation Céline Lemay, sage-femme Responsable du dossier périnatalité, ASPQ Convention : 40050506 (suite page suivante)

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Page 1: Initiative amis des mères

ISSN-1201 9143

Juin 2006 Volume 10 Numéro 1

Enrichir notre culture de la naissance, par amitié pour les femmes et leur famille

ÉDITORIAL

Bulletin d’information en périnatalité

LE P

ERIS

COOP

Enrichir notre culture de la naissance :

C’est se mettre à l’écoute et au respect des dimen-

sions humaines, sociales et spirituelles de l’expérience de

la mise au monde. C’est se laisser toucher par ces dimen-

sions qui sont aussi celles de notre vie à chacun et chacune.

C’est se donner l’occasion de placer la naissance

dans un horizon de sens et de profondeur qui, seuls, nous

mèneront vers une véritable humanisation. C’est se rendre

disponible à expérimenter les dimensions de l’être qui nous

mettent en contact avec l’intensité de vivre.

C’est donner à la naissance

la chance d’être un lieu et un

temps pour respecter les dimen-

sions invisibles et sacrées de la vie.

C’est éveiller le potentiel de trans-

former la naissance biologique,

acte de venir au monde.

C’est élargir une logique de

services, où les uns donnent et les

autres reçoivent, pour explorer une

logique d’entraide car bien qu’en

tant qu’intervenants nous ayons

des responsabilités à prendre, nous appartenons au même

monde, nous cherchons le sens de la vie, nous sommes

mutuellement vulnérables et nous avons besoin les uns des

autres pour devenir de meilleurs êtres humains et accom-

plir ce que nous sommes.

C’est donner à la naissance une chance extraordi-

naire de développer une solidarité et une affection col-

lective envers les mères et les familles « nouvelle-nées ».

Comment trouver une façon de veiller sur le bien-être des

familles et non pas seulement les sur-veiller?

Nos pensées et nos actions ont une résonance pour

la société dans laquelle nous vivons et surtout sur les géné-

rations qui vont nous suivre. Dans un contexte de vie habité

par la technologie, le matérialisme et le désenchantement

du monde, dans ce contexte où nous ne sommes plus

conscients de la musique de fond de la peur, élargir nos

perspectives autour de la naissance devient une néces-

sité, un devoir d’être humain.

Que l’occasion d’élargir nos perspectives sur les réa-

lités de la naissance soit aussi un moteur pour des paroles

et des actions nouvelles dans chacun de nos milieux. Que

ce soit une occasion de vivre le partage de notre privilège

d’être présents à un moment fondateur de la vie humaine,

de notre vie sociale et un passage de vie pour les femmes.

Que ce soit plus souvent l’occasion

d’être en liens les uns avec les autres

au niveau du cœur, de la cons-

cience et de la joie.

Lorsqu’on élargit quelque

chose, c’est pour faire plus de

place. Plus de place pour faire en-

trer et plus de place pour laisser

sortir. L’ASPQ veut inviter tous ceux

et celles qui œuvrent en périnatalité

à oser faire des choses nouvelles, ou

de faire les mêmes choses, mais

avec une conscience différente, ce qui revient au même.

Nous vivons dans un contexte de valorisation de

l’action, de la performance, de l’efficience. Nous évoluons

dans des établissements hospitaliers organisés dans la pen-

sée industrielle, dans un système de santé qui a adopté un

fonctionnement d’entreprise. Comment être inspirés par la

question de l’être et non pas seulement par celle du faire?

Nous pouvons tenter d’expérimenter le sens du jardinier,

celui qui est attentif au processus et non seulement aux

résultats. Je nous souhaite d’expérimenter, avec et pour

les femmes et les familles, une perspective différente dans

l’accompagnement de ce processus de transformation

Céline Lemay, sage-femmeResponsable du dossier périnatalité, ASPQ

Convention : 40050506

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Page 2: Initiative amis des mères

profond qu’est la maternité. Je nous souhaite de continuer

nos pas vers une culture de la naissance riche et bienveil-

lante. Sur ce chemin, le présent numéro vous donnera jus-

tement l’occasion de prendre connaissance d’une initiative

qui nous vient des États-Unis, il s’agit de l’Initiative amis des

mères et des familles.

SOMMAIREDans ce numéro du Périscoop

Éditorial : Enrichir notre culture de la naissance p. 1

La périnatalité à l’ASPQ : échos d’un lancement p. 3

Dossier Pères

Parlons pères : tournée de réflexion p. 5

Dossier Initiative amis des mères et des familles

Une initiative prometteuse p. 7

Revue de littérature sur l’IAMF p. 12

Un centre de naissance à l’américaine p. 14

Les organismes communautaires en périnatalité p. 15

Poursuivre la démarche de l’IAB p. 16

Place aux opinions

Témoignage de parents : à quoi sert le plan de naissance? p. 20

Le soutien clinique, un incontournable p. 22

Coin lecture

Le lait de maman p. 23

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CréditsLes membres du comité de coordination en périnatalité de l’ASPQ agissent à titre de comité éditorial pour le Périscoop :

Catherine Chouinard,chargée de projet en périnatalité à l’ASPQ

Catherine Gerbelli, Regroupement Les Sages-femmes du Québec

Céline Lemay, présidente du Regroupement Les Sages-femmes du Québec et responsable de la périnatalité au conseil d’administration de l’ASPQ

Lucie Thibodeau, directrice du Réseau des centres de ressources périnatales du Québecet présidente de l’ASPQ

(suite de la page 1)

Coordination et rédaction

Catherine ChouinardSylvie Louise Desrochers

Collaboration

Jacqueline ArbogastNesrine BessaïhGeneviève LabelleCéline LemayAndrée RivardHélène Vadeboncoeur

Mise en page

Caroline Brunet

Contribution financière

Ministère de la Santé et des Services sociaux

Retour de port garanti – 4126, rue Saint-Denis, bureau 200, Montréal (Québec) H2W 2M5Convention : 40050506

Depuis le début de son existence, ce journal sert de

courroie de transmission entre les différentes régions

du Québec et de moyen de diffusion d’outils effi-

caces et novateurs. Vous êtes donc invités à y par-

ticiper pleinement!

Que ce soit par le biais d’articles de fond sur les

points chauds de l’actualité périnatale, ou encore

en partageant avec nous vos réactions, préoccu-

pations ou opinions sur celle-ci,

LE PÉRISCOOP est à votre service!

Nous sommes aussi intéressés par ce qui se passe de

façon plus spécifique dans votre région : pratiques

novatrices, colloques, activités, expériences positives

ou négatives, bilans, etc.

Pour nous en faire part, vous n’avez qu’à faire par-

venir vos textes à nos bureaux (coordonnées com-

plètes à l’endos).

Le Périscoop est tiré à plus de 2000 exemplaires et

rejoint plus de 10 000 intervenants en périnatalité des

centres hospitaliers, des CLSC, des organismes com-

munautaires ainsi que les étudiants des écoles de

sciences infirmières, tant collégiales qu’universitaires.

LE PÉRISCOOPVOTRE BULLETIN

Page 3: Initiative amis des mères

S i j’avais à résumer en deux mots notre Conférence an-

nuelle 2004, j’utiliserais « peur » et « risque ». En fait, je di-

rais que dans cette conférence, il a surtout été question

de la « peur du risque » et des dommages qui en découlent.

Quand on se penche sur les perceptions des individus,

on observe que nos sociétés postmodernes sont vécues

comme de plus en plus dangereuses, les risques auxquels nous

sommes exposés étant, croit-on, de plus en plus nombreux et

graves. Pourtant l’analyse des faits montre que les risques les

plus redoutés ne sont pas les plus dangereux et que d’autres

risques, résultant par exemple des habitudes de vie et des

comportements des individus (tabagisme, conduite de véhi-

cules routiers, alcoolisme, etc.) sont à l’origine de beaucoup

plus de décès et de morbidité.

Bien sûr, la naissance et la science obstétricale n’échap-

pent pas à cette tendance où la « peur du risque » domine et

persiste, sans que l’on ne tienne nécessairement compte de

l’écart entre le risque perçu et le risque réel.

C’est ce que nous ont fait observer plusieurs conféren-

ciers et conférencières. La recherche du risque zéro fait de

nos jours autorité. D’entrée de jeu, Vania Jimenez l’avait sou-

ligné : la musique de peur est omniprésente, tant chez les prati-

ciens et praticiennes (médecins, sages-femmes, infirmières)

que chez les femmes enceintes et leurs compagnons. Comme

elle l’a si bien imagé, la peur agit comme une musique de

fond, une présence continuelle, dont il est impossible de faire

abstraction.

Or, cette présence continuelle de la peur a des effets

pervers et iatrogènes que nous avons tous à subir, mère, père,

enfant, praticiens et praticiennes. La création de nouveaux

rituels interventionnistes où la technologie joue un rôle de pre-

mier plan a entraîné des effets secondaires non perçus par la

plupart des individus, comme la perte du sacré et du sens pro-

fond de la naissance, la création de nouveaux risques pires

encore que ceux qu’on voulait juguler, la pratique routinière

d’un eugénisme, peut-être, qui viendrait nous mettre au « péril

anthropologique de nous-même » (pour reprendre une expres-

sion de l’anthropologue Louise Vandelac), la maltraitance des

mères, de la dyade, etc.

Une naissance véritablement « humaine » est certaine-

ment la pierre de touche du « mèrenfant » (je l’écris ici en un

seul mot, comme le propose le Dr Pierre Lévesque), dont les

conséquences sont innombrables tant sur l’enfant lui-même

que sur sa famille et l’ensemble de nos sociétés dont on dé-

plore de nos jours la violence et le manque de compassion.

Cette Conférence annuelle 2004 ne pouvait pas nous

laisser uniquement sur des constats. Elle nous invite à changer

de partition et à faire taire cette musique de peur qui nous en-

vahit. Elle nous invite d’abord à approfondir notre réflexion sur

les répercussions sérieuses de la médicalisation de la grossesse

et de l’accouchement, puis à innover pour qu'émerge enfin

une nouvelle vision de la naissance. En somme, il s’agit d’un

appel à recréer notre culture de la naissance, rien de moins!

Dix grands enjeux, défis et pistes de solutions ont été identifiés :

1. D’abord se sortir de la culture du risque et de la contagionde la peur qui influencent quotidiennement les choix et les

décisions des intervenants!

2. Tendre vers une humanisation « vraie »

Même si la plupart des établissements se targuent d’offrir des

soins humanisés aux femmes enceintes, force est d’admettre

que l’accouchement demeure médicalisé. Plusieurs confé-

renciers et conférencières, participants et participantes, ont

fait observer que l’autonomie des mères en matière de périna-

talité, le respect de leur autorité sont encore loin d’être acquis!

Le respect des volontés des femmes qui accouchent reste

encore et toujours « partiel et conditionnel », pour reprendre les

mots d’Hélène Vadeboncoeur. Les femmes manquent aussi

d’accompagnement, un accompagnement qui pourrait dimi-

nuer les interventions et augmenter leur satisfaction, aider aussi

à protéger le sacré de la naissance…

3. Entendre les mères

Écouter et entendre les mères, voilà une injonction récurrente,

dite de mille et une façons durant le colloque! C'est d’ailleurs

cette sollicitude et le lien créé entre l’accompagnante et la

femme qui accouche qui lui permettra de transcender la

douleur et de vivre possiblement son accouchement sans

péridurale.

4. Maintenir la pluralité des choix

La variété des choix, en train de se rétrécir en peau de cha-

grin, est un grave enjeu lié à la culture du risque et de la peur.

La périnatalité à l’ASPQÉCHOS D’UN LANCEMENT

Andrée Rivard, chercheuse en périnatalité et membre du Comité national d’orientation et de mobilisation en périnatalité de l’ASPQ

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NDLR : Le document synthèse de la conférence annuelle 2004 de l’ASPQ, Perspectives sur les réalités de la naissance – Échos

d’une conférence, a été lancé le 26 mai dernier lors d’un « 5 à 7 ». Ce sympathique événement réunissait des conférenciers, des

membres des comités organisateurs, des participantEs de la conférence et des membres de notre conseil d’administration.

À cette occasion, la rédactrice du document, madame Andrée Rivard, nous a résumé les faits marquants de cette conférence.

Voici le texte de son allocution.

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Non seulement les intervenants sont-ils réticents à accéder à

certaines demandes des mères en raison de directives cliniques

contraignantes, mais la perte consécutive de leur expertise

dans les accouchements naturels vient réduire encore l’éven-

tail des possibilités. À cet égard, le développement de la pra-

tique des sages-femmes dans les hôpitaux pourrait s’avérer

une clé très utile.

5. Lancer le débat éthique autour de la péridurale

C’est France Lebrun qui avait amené franchement la question

de la péridurale sur le tapis, en dénonçant d’abord son usage

effréné. Elle avait invité les intéressés à une sérieuse prise de

conscience du problème qu’elle représente, de manière à

forcer le débat éthique au plus tôt, avant qu’il n’ait pris des pro-

portions si démesurées qu’il devienne quasi impossible d’agir.

6. Développer la profession sage-femme

La demande pour l’accouchement avec une sage-femme,

ainsi que pour l’accouchement hors centre hospitalier s’est

accrue durant les dernières années. Il y a actuellement

urgence d’augmenter le nombre de maisons de naissance

pour répondre aux exigences de la formation prévue au pro-

gramme de l’UQTR, de même qu’à la demande de la popu-

lation d’avoir accès à leurs services partout dans la province,

mais aussi dans les zones où il y a déjà des débordements.

Par ailleurs, parce que les sages-femmes du Québec se sont

données pour vocation de protéger seulement l’accouche-

ment simple et naturel, leur présence est souhaitable dans les

hôpitaux afin de partager une expertise de l’accouchement

physiologique en train de se perdre.

7. L’allaitement

Nous le savons tous : il y a des enjeux commerciaux importants

et les conflits d’intérêts sont criants concernant le mode d’ali-

mentation des nouveau-nés.

Suzanne Dionne, Lysane Grégoire et Jean-Claude Mercier ont

mis en évidence l’influence de la culture et de l’environnement

sur la décision d’allaiter. Pour promouvoir efficacement l’al-

laitement, ils préconisent la création d’un nouvel environne-

ment plus soutenant pour les mères et ils nous ont proposé

toute une liste de moyens concrets pour se sortir de l’impasse

actuelle.

8. La nouvelle politique de périnatalité

Nous savons tous qu’une nouvelle politique de périnatalité est

en préparation et même qu’elle est très avancée. Cette poli-

tique constitue en elle-même un défi majeur car elle doit

fournir les orientations et les lignes d’actions en périnatalité

pour plusieurs années à venir. Nous attendons donc qu’elle soit

véritablement porteuse et mobilisatrice pour tous les acteurs.

9. Vers un pacte « citoyen » de la naissance

Durant la conférence, plusieurs ont souligné l’urgence de met-

tre en place les conditions d’un dialogue citoyen en matière

de périnatalité, où serait reconnue la parole des personnes

dans un respect des droits sociaux, de la dignité des femmes

et du pouvoir sur leur vie.

Dans la même optique, on a également mis en évidence l’im-

portance de développer la co-responsabilité des intervenants

et des parents par rapport à la naissance. De cette respon-

sabilité commune dépend ni plus ni moins l’issue positive du

débat actuel concernant l’hypermédicalisation de l’accou-

chement.

10. Tous en harmonie

Enfin, notre conférence a été l’occasion de lancer des appels

à la solidarité.

Il ressort plus que jamais que la crise actuelle en périnatalité

s’enracine dans la société toute entière. À plusieurs niveaux,

c’est un changement de mentalités, un changement culturel,

qui est exigé.

Pour que soit possible le changement, il est non seulement in-

dispensable que chacun se sente interpellé et concerné, mais

il est également impératif d’éviter les divisions entre les divers

intervenants. Il est clair qu’il est actuellement indispensable de

rétablir la confiance entre tous les acteurs : praticiens et prati-

ciennes, mères, pères, décideurs publics.

Je terminerai sur cette citation que je vous invite à

méditer (elle est du Dr Guy-Paul Gagné) : « Il faut se mettre à

gérer la vie, pas les risques. »

LA PÉRINATALITÉ À L’ASPQ (suite de la page 3)

Prix : 20,00 $ + 1,40 $ (TPS) + 5,00 $ (port et manutention) = 26,40 $Membres : 16,00$ + 1,12 $ (TPS) + 5,00 $ (port et manutention) = 22,12 $

Par internet au www.aspq.org ou par téléphone au (514) 528-5811

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D epuis maintenant plus d’un quart de siècle, comme vous

le savez bien, la périnatalité constitue un dossier majeur

pour l’ASPQ. Il faut cependant reconnaître que dans

notre culture, et ce, malgré tous les changements qu’a subis

notre société au cours des dernières décennies, le mot périna-

talité rime plus souvent qu’autrement avec maternité. Au cours

de l’année 2005, avec l’aide de notre Comité national d’orien-

tation et de mobilisation en périnatalité, nous avons revu les

fondements sur lesquels repose notre action en périnatalité.

Nous avons alors dû nous rendre à l’évidence : nous ne savions

trop comment, ni où placer le père dans nos convictions.

Bien sûr, nous sommes convaincues qu’il y a sa place,

c’est pourquoi nous avons été nous-mêmes surprises par cer-

taines interrogations qui surgissaient au cours de nos discus-

sions : « Mais pourquoi le père est-il absent dans bien des fa-

milles? », « Mais de nos jours, les femmes ne peuvent-elles pas

choisir de fonder une famille sans nécessairement avoir besoin

d’un père? », ou encore « Mais avec les nouvelles technologies

de la reproduction, avons-nous encore besoin d’un homme? »,

etc. Bien qu’ils reflètent des réalités actuelles, ces « mais » nous

ont paru suspects et nous ont poussés à entreprendre une

réflexion sur le sujet. La population québécoise a-t-elle isolé

les pères de la cellule familiale? Pourquoi certains pères en

sont-ils rendus à paralyser la circulation d’une grande ville pour

se sentir entendus? Pourtant, les pères semblent beaucoup

plus présents auprès de leurs enfants aujourd’hui qu’hier!

Parallèlement à cette démarche, l’ASPQ continuait d’of-

frir son support et sa collaboration à la promotion du film Pères

Enjeux qui traite d’engagement paternel (voir le numéro de

juin 2004 du Périscoop). Il devenait alors logique de faire rimer

notre dossier périnatalité avec paternité. Aussi, avons-nous

invité M. Robert Laliberté, organisateur communautaire au

CSSS des Pays-d’en-Haut, à se joindre au Comité national.

Celui-ci, avec M. Dominic Bergeron, travailleur social au CSSS

de Gatineau, est idéateur du film Pères Enjeux.

De concert avec ces messieurs, l’ASPQ a mis sur pied une

tournée de réflexion sur l’engagement paternel. Notre action

repose sur les prémisses suivantes : comme le rôle des pères

évolue rapidement au Québec, la promotion de leur enga-

gement dans la famille et l’appui que leur offrent les orga-

nismes communautaires et publics sont eux aussi en constante

évolution. Des progrès tangibles sont observés dans certaines

régions; on commence à questionner les pratiques, voire à les

changer. Toutefois, certains aspects méritent d’être regardés

de plus près, d’où la nécessité d’une mobilisation régionale et

Parlons pèresTOURNÉE DE RÉFLEXION SUR L’ENGAGEMENT PATERNEL

Catherine ChouinardChargée de projet en périnatalité, ASPQ

Dominic Bergeron animant la journée de réflexion.

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provinciale face aux besoins des pères et à certaines réalités

qui leur sont propres.

Dans le cadre de cette tournée, nous tentons d’explorer

différentes questions et nous cherchons collectivement des

pistes de solutions. Comment les pères vivent-ils leur quotidien

avec les enfants? Où vont-ils chercher le soutien lorsqu’ils en

ont besoin? Comment arrivent-ils à concilier famille, travail et

loisirs? L’objectif n’est évidemment pas de déterminer LE mo-

dèle du père idéal mais bien de démontrer qu’il est possible

pour les pères d’exercer leur rôle de façon diversifiée, perti-

nente, créatrice, parfois exceptionnelle et qu’il est possible

pour la société de les soutenir dans cette expérience.

La première région visitée, lors de notre tournée, a été

l’Abitibi-Témiscamingue, où nous nous sommes rendus en mars

dernier grâce à la collaboration de Mme Thérèze Hivon-Lizée

de la Direction de santé publique de cette région. En com-

pagnie de Dominic Bergeron, j’y ai été très chaleureusement

accueillie par une trentaine de participants issus de différents

milieux, tant communautaires que publics. Il est à noter qu’une

bonne proportion de participants s’était déplacée sous le titre

exclusif de « papa ».

La journée a débuté par le visionnement de Pères Enjeux1.

Le film a suscité beaucoup de réactions et les discussions se

sont rapidement animées. Les échanges ont été menés dans

le respect et l’ouverture. Par la suite, des initiatives régionales

ont été présentées : le Centre d’amitié autochtone et la Maison

de la famille de Val-d’Or; des rencontres prénatales destinées

aux pères à Ville-Marie, au Témiscamingue; un CD, intitulé Charlie

Cool et compagnie et réalisé par Alain Doire, qui favorise le

rapprochement et l’attachement parents(pères)-enfants.

En après-midi, les participants ont travaillé en ateliers sur les

questions suivantes :

1. Quels seraient, selon vous, les besoins prioritaires pour les

pères de la région?

2. Comme association, intervenant ou autre, qu’offrez-vous

pour répondre à ces besoins?

3. Est-ce qu’une mobilisation régionale serait pertinente

pour mieux répondre aux besoins des pères?

Si oui, comment y arriver?

4. Une mobilisation provinciale pourrait-elle faire avancer

les choses? Si oui, comment l’instaurer?

Dans les régions que nous visiterons durant l’année 2006-

2007, nous ajouterons à l’ordre du jour un partage des initia-

tives qui auront été présentées dans les différents lieux visités

précédemment et nous chercherons des moyens de créer une

mobilisation provinciale. À cette fin, nous avons déjà mis sur

pied un groupe Internet qui soutient le réseautage des régions,

en plus de permettre la mise en ligne des comptes-rendus des

journées de réflexion. Il vous est possible de le visiter en suivant

le lien http://groups.msn.com/Engagementpaternel.

Cette première expérience a été très concluante et nous

donne à penser que ce sujet est mûr pour une grande réflexion

collective. Nous sommes actuellement en recherche de finan-

cement afin d’étendre la tournée à tout le territoire plutôt que

de la limiter aux quatre régions envisagées initialement. Si vous

croyez qu’il serait pertinent de tenir une telle journée de ré-

flexion dans votre région, n’hésitez pas à communiquer avec

Catherine Chouinard aux coordonnées indiquées à l’endos

du Périscoop.

1. Vous pourrez bientôt commander le film Pères Enjeux directement sur le site Internet de l’ASPQ.

Travail en ateliers

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Une initiative prometteusePOUR UN ACCOUCHEMENT PHYSIOLOGIQUE ET RESPECTÉ

Sylvie Louise Desrochers, conseillère en communication

A lors que l’Initiative des amis des bébés (IAB) s’implante

progressivement dans notre système de santé, voilà

que l’Initiative amis des mères et des familles com-

mence à faire parler d’elle. La première favorise l’allaitement;

la seconde incite à examiner l’ensemble des pratiques obsté-

tricales pour s’assurer qu’elles contribuent vraiment au bien-

être des mères, des bébés et de leur famille.

Mais d’où vient cette initiative intéressante? C’est en 1996

que des représentants de plusieurs organismes, d’horizons très

variés, œuvrant tous en santé maternelle et infantile, ont conçu

la Mother-Friendly Childbirth Initiative, un modèle novateur de

soins de maternité. Ce groupe de départ est devenu la Coa-

lition for Improving Maternity Services (CIMS) qui s’est donné

pour mission de promouvoir cette initiative visant à améliorer

les résultats cliniques de l’accouchement et à en réduire les

coûts1. Plus d’une centaine d’organisations, dont font partie

l’ASPQ et le Regroupement Naissance-Renaissance, ainsi que

de nombreux individus adhèrent maintenant à cette coalition.

Souhaitant en élargir la perspective, nous proposons

d’adopter le vocable Initiative amis des mères et des familles

(IAMF) pour désigner ce modèle. L’IAMF, donc, s’appuie sur

les principes de normalité, d’empowerment, d’autonomie, de

préoccupation de ne pas nuire et de responsabilité (pour une

description complète de ces principes, voir la page 10). Ces

principes sous-tendent dix conditions que doivent respecter

les établissements souhaitant devenir Amis des mères et des

familles (ces conditions sont présentées à la page 11).

Jusqu’à présent, deux projets pilotes aux États-Unis ont

obtenus cette reconnaissance : un hôpital communautaire

et un centre de maternité intra hospitalier. Aucun nouveau

centre ne sera cependant accrédité par la CIMS tant qu’une

évaluation de ces deux expériences (qui devrait commencer

cette année) n’aura pas été effectuée.

Depuis 2005, la CIMS cherche à faire connaître l’IAMF à

l’échelle internationale et s’est fixé comme objectif que cette

initiative, à l’instar de l’IAB, devienne « LA » norme interna-

tionale pour les soins entourant l’accouchement. Dans cette

perspective, la CIMS s’est associée à un centre de recherche

universitaire en santé des femmes pour mener un sondage sur

les dix conditions de l’Initiative amis des mères et des familles.

Une grande variété d’organisations (associations profession-

nelles, regroupements citoyens, agences gouvernementales,

ONG, etc.), reliées à la périnatalité et situées sur les cinq con-

tinents, ont été consultées. Les résultats du sondage seront

dévoilés en juin 2006 lors d’une rencontre à Genève réunissant

de nombreuses organisations internationales – dont l’UNICEF

et l’Organisation mondiale de la santé (OMS) – et visant à faire

reconnaître l’IAMF par l’OMS.

Une conférence inspirante

L’Initiative amis des mères et des familles ayant suscité

un grand intérêt auprès de plusieurs organismes du milieu de

la périnatalité québécoise, certains d’entre eux ont décidé

de participer à la 4e rencontre annuelle de l’IAMF sous l’égide

de la CIMS. Cette conférence, tenue à Boston en février

dernier, réunissait près de 300 personnes, en provenance de

19 pays, autour du thème « Closing the gap between research

and practices ». →

1. Vous pouvez consulter le site de la CIMS au www.motherfriendly.org. Vous remarquerez que le nom de l’initiative avait initialement été traduit par Initiative Amis des mères qui enfantent et c’est sous ce vocable que le Périscoop vous avait brièvement présenté ce modèle dans son numéro précédent.

Participantes québécoises à la 4e rencontre annuelle de l’IAMF : de gauche à droite, Hélène Vadeboncoeur, Nesrine Bessaïh, CatherineChouinard, Geneviève Labelle, France Lebrun et Nicole Lapointe.

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La « délégation » du Québec se composait de :

• Nesrine Bessaïh, coordinatrice de dossiers politiques au

Regroupement Naissance-Renaissance (RNR), qui a pris

l’initiative d’organiser la participation québécoise;

• Catherine Chouinard, chargée de projet en périnatalité

à l’ASPQ;

• Geneviève Labelle, coordinatrice de dossiers politiques

au RNR (au moment de la conférence);

• Nicole Lapointe, agente de planification, de programma-

tion et de recherche, à la Direction de santé publique

des Laurentides;

• France Lebrun, chef de l'unité des naissances et de la

pédiatrie, CSSS Lac-des-Deux-Montagnes, Hôpital Saint-

Eustache;

• Hélène Vadeboncoeur, chercheuse en périnatalité,

qui a contribué à faire connaître l’IAMF au Québec

depuis quelques années.

À l’occasion de cette conférence, la CIMS présentait une

impressionnante revue de la littérature scientifique portant sur

les pratiques entourant la maternité. Les participantes ont

également pu, entre autres, faire le point sur certaines prati-

ques, comme la césarienne et l’AVAC, découvrir un centre de

naissance intégré à un hôpital en Floride et s’outiller pour l’im-

plantation de changements de pratiques en périnatalité.

Enfin, les résultats préliminaires du sondage mené par la CIMS

dans plus de cent pays y ont été dévoilés.

Quelques-unes des conférences présentées ont particu-

lièrement retenu l’attention des participantes du Québec et

font l’objet d’articles dans ce numéro du Périscoop. Ainsi,

Hélène Vadeboncoeur nous présente la démarche adoptée

pour faire le point sur chacune des dix conditions de l’IAMF,

soit une revue systématique des données probantes et des

recherches scientifiques récentes. Cette revue de littérature,

dirigée par un groupe d’experts de la CIMS, utilise une appro-

che novatrice, basée sur le concept d’optimalité et adaptée

à la philosophie qui sous-tend l’IAMF.

Par ailleurs, l’article de Nesrine Bessaïh relate les succès

et les défis rencontrés par un centre de naissance qui met en

œuvre les principes de l’IAMF. Mis sur pied en 1996, par le

docteur Stephen R. Guy, le Family Begginings Birth Center

(FBBC), rattaché au Miami Valley Hospital en Floride, répond à

une demande de la population locale d’avoir accès, dans un

contexte hospitalier, à un environnement qui respecte et sou-

tient la physiologie de l’accouchement.

Pour sa part, Geneviève Labelle présente le rôle que

peuvent jouer, dans l’implantation de l’IAMF, les organismes

communautaires qui œuvrent en périnatalité. La vitalité et

l’expertise qui caractérisent ce secteur au Québec en font un

partenaire incontournable dans l’implantation d’un tel plan

d’action. →

CÉSARIENNE : LA DEMANDE DE QUI?

En ouverture de la conférence sur l’IAMF, Eugene Declercq de la Boston University School of Public Health s’interrogeait sur un

phénomène en croissance : la césarienne sur demande. Il y soulevait, en particulier, la difficulté d’établir à quel point cette

demande vient des femmes. Les études réalisées jusqu’à présent montrent une hausse des « césariennes sans raison médi-

cale », mais ne nous disent pas comment, ni par qui a été prise la décision d’effectuer une césarienne. Comment savoir de

quelle façon se planifie une césarienne, alors que cette décision est prise dans le contexte confidentiel d’une consultation

entre une femme et son obstétricien?

Une enquête nationale, réalisée aux États-Unis en 2006 et intitulée « Listening to mothers » révèle que moins de 1% des femmes

ayant subi une césarienne en avaient fait la demande. Cela ne suffit certes pas à expliquer la hausse inquiétante du taux de

césariennes qui atteint 30% aux États-Unis! Selon Eugene Declercq, la peur des poursuites judiciaires, la perte de la relation

parturiente-intervenant et la question très concrète de la gestion des horaires du personnel hospitalier expliqueraient davan-

tage la hausse de césariennes sans raison médicale. Il profitait également de sa présentation pour rappeler que la césarienne

est une opération majeure dont les risques pour la mère et son bébé surpassent largement les effets bénéfiques.

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Un projet pour le Québec

Le secteur de la périnatalité au Québec vit actuellement

une situation préoccupante, dans laquelle l’IAMF pourrait jouer

un rôle déterminant. En effet, nous assistons actuellement à

une hausse marquée de certaines interventions obstétricales,

à de nouvelles réalités liées à la césarienne sur demande, ainsi

qu’à « une perte de confiance de toute une génération de

femmes en leur capacité d’accoucher simplement2 ». De plus,

nous assistons présentement à une réorganisation majeure du

système de santé québécois, alors même que le Ministère de

la Santé et des Services sociaux (MSSS) achève bientôt la révi-

sion de sa politique de périnatalité.

Dans un tel contexte, l’IAMF pourrait orienter une trans-

formation de nos pratiques obstétricales, tout comme l’Initia-

tive des amis des bébés l’a fait pour notre culture d’allaitement.

Selon nous, elle pourrait, de plus, constituer un excellent levier

à la mise en œuvre de la nouvelle politique de périnatalité.

La principale force de cette initiative internationale ré-

side dans le fait qu’elle rallie des professionnels de tous hori-

zons autour d’un consensus à propos de la naissance. Ainsi, les

valeurs et convictions de médecins, de sages-femmes, d’infir-

mières, d’accompagnantes et de citoyennes se rejoignent

dans cette initiative. Le fait de proposer un modèle unique de

soins qui répond aux besoins de la mère et du bébé est non

seulement innovateur, mais surtout pratique et simplifie le tra-

vail des administrateurs et des gestionnaires des hôpitaux.

D’autre part, le travail titanesque effectué cette année

par la CIMS pour recenser toutes les études concernant la

périnatalité assure d’un ensemble de conditions basées sur

des données probantes. Le fait de répondre aux conditions

de l’IAMF et de prétendre à l’accréditation internationale qui

s’y rattachera prochainement assure aux établissements de

rencontrer les plus récentes tendances internationales en

matière de santé.

Enfin, l’IAMF cadre parfaitement avec les lignes directri-

ces de Santé Canada et avec la politique de périnatalité du

MSSS, notamment en ce qui a trait aux concepts de normalité

et d’optimalité. Le respect de ces deux principes demande un

certain nombre de changements dans les pratiques obstétri-

cales qui ont aujourd’hui cours dans les centres hospitaliers de

la province. Nous croyons que l’IAMF, par son aspect concret,

pourrait constituer un outil de choix pour soutenir l’élaboration

d’un plan de mise en œuvre de la politique de périnatalité qui

devrait être dévoilée l’automne prochain. Les dix conditions

de l’IAMF offrent un ancrage sur le terrain, une stratégie bien

campée et, qui plus est, basée sur des données probantes.

L’IAMF propose un projet novateur dans lequel le Québec

pourrait se présenter comme un chef de file. Les maisons de

naissance, établissements d’excellence reconnus au niveau

international, répondent déjà à tous les critères de l’IAMF et

pourraient être accréditées dès le lancement de l’initiative

par l’OMS. De plus, les hôpitaux Amis des bébés étant déjà

dans un processus de changement, ils pourraient plus rapide-

ment initier des transformations qui leur permettraient d’être

également accrédités. À Genève, en juin 2006, lors de la ren-

contre de la CIMS avec l’UNICEF et l’OMS, un appel de can-

didature a été lancé afin que deux pays démarrent un projet

pilote. Pourquoi ne pas sauter sur l’occasion d’être un exem-

ple et proposer le Québec pour la mise en place d’une telle

initiative dans certains établissements sélectionnés?

2. Vania Jimenez, Conférence Obstétrique et santé publique – Élargir les perspectives sur les réalités de la naissance, ASPQ, novembre 2004.

L’IAMF s’internationalise : des participantes originaires du Costa Rica, de l’Argentine, de la Hongrie et de l’Uruguay.

Eugene Declercq de la Boston University School of Public Health

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LES PRINCIPES DE BASE DE L’INITIATIVE AMIS DES MÈRES ET DES FAMILLES

Les fondements des pratiques obstétricales Amies des mères et des familles sont les suivants :

La normalité de l’accouchement

• L’accouchement est un processus normal, naturel et sain.

• Les femmes et les bébés ont tout ce qu’il faut, respectivement, pour donner naissance et venir au monde.

• À leur naissance, les bébés sont des êtres humains éveillés et sensibles; on devrait le reconnaître et prendre soin d’eux en conséquence.

• L’allaitement constitue la meilleure nourriture pour les nouveau-nés et les bébés.

• La naissance peut avoir lieu en toute sécurité dans les centres hospitaliers, les maisons de naissance et au domicile des parents.

• La conception de l’accouchement qu’ont les sages-femmes, qui soutiennent et protègent le processus normal de la naissance,est la plus appropriée pour la majorité des femmes enceintes et qui accouchent.

L’empowerment

• La confiance d’une femme en ses capacités à donner naissance et à prendre soin de son bébé peut être accrue ou diminuéepar toute personne qui s’occupe d’elle et par l’environnement dans lequel elle donne naissance.

• La mère et son bébé sont des personnes distinctes, mais interdépendantes durant la grossesse, la naissance et la petite enfance. Cette interrelation est vitale et doit être respectée.

• La grossesse, l’accouchement et la période postnatale sont des événements marquants de la vie. Ces expériences affectent profondément les femmes, les bébés, les pères et les familles; elles ont un impact important et durable sur la société.

L’autonomie

Chaque femme devrait pouvoir :

• Vivre son accouchement comme un événement sain et joyeux pour elle-même et sa famille, peu importe son âge et les circonstances dans lesquelles elle accouche;

• Donner naissance comme elle le désire, dans un environnement où elle se sent soutenue et en sécurité, où son bien-être psychologique, son intimité et ses désirs sont respectés;

• Avoir accès à toute une gamme de choix relatifs à sa grossesse, à son accouchement et à l’alimentation de son bébé, ainsi qu’à de l’information juste sur tous les lieux de naissance, les différents types de professionnels offrant des services et les pratiques existantes;

• Recevoir de l’information précise et à jour sur les avantages et les risques de tous les médicaments, interventions et tests qui lui sont suggérés durant sa grossesse, son accouchement et la période post-partum, information accompagnée du droit d’y consentir ou de les refuser de manière éclairée;

• Être soutenue pour en arriver à des choix éclairés concernant la ou les meilleure(s) option(s) pour elle et son bébé, et ce, en fonction de ses valeurs et croyances individuelles.

La préoccupation de ne pas nuire

• Rien ne devrait être fait de manière routinière pendant la grossesse, l’accouchement ou la période post-partum. De nombreux tests, procédures, technologies médicales et médicaments présentent des risques pour la mère et le bébé et ne devraient pas être utilisés en l’absence d’indications scientifiques précises.

• Si des problèmes surviennent durant la grossesse, l’accouchement ou la période post-partum, les traitements médicaux utilisés devraient avoir été évalués et avoir fait l’objet de recommandations scientifiques.

La responsabilité

• Chaque intervenantE est responsable de la qualité de soins qu’il ou elle fournit.

• Les pratiques relatives à l’accouchement ne devraient pas être fondées sur les besoins de l’intervenantE, mais uniquement sur ceux de la mère et de l’enfant.

• Chaque centre hospitalier et maison de naissance est responsable de réviser et d’évaluer périodiquement, en lien avec les résultats d’études scientifiques, l’efficacité, les risques et les taux des interventions ou procédures médicales effectuées sur les mères et les bébés.

• La société, par le biais du gouvernement et des institutions de santé publique, est responsable d’assurer un accès adéquat aux services de maternité à toutes les femmes et de contrôler la qualité de ces services.

• Les individus sont ultimement responsables de faire des choix éclairés relativement aux soins de santé qu’ils ou elles et leurs bébés reçoivent.

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LES DIX CONDITIONS DE L’INITIATIVE AMIS DES MÈRES ET DES FAMILLES

Pour être désigné Ami des mères et des familles, un centre hospitalier, une maison de naissance ou un service d’accouche-ment à domicile doit appliquer les principes précédents en se conformant aux critères qui suivent.

1. Offrir à toutes les femmes en travail :

• la possibilité d’avoir auprès d’elles un ou des compagnons de leur choix, incluant le père, leur partenaire, leur(s) enfant(s), des membres de la famille ou des amiEs et ce, sans restrictions;

• l’accès illimité à un soutien psychologique et physique continu, fourni par une femme formée à cet effet, soit une doula ou une accompagnante;

• l’accès à des services de sage-femme.

2. Fournir à la population de l’information précise, sous forme descriptive et statistique, concernant ses pratiques et procédures entourant l’accouchement, incluant les types d’interventions et les « résultats ».

3. Fournir des soins adaptés à la culture de la mère, i.e. des soins qui tiennent compte des croyances, valeurs et coutumes de l’ethnie ou de la religion de la mère et qui les respectent.

4. Donner aux femmes en travail la liberté de marcher, de bouger, et de prendre les positions de leur choix durant le travail et la naissance du bébé (à moins de restriction motivée par la nécessité de pallier une complication) et décourager la position couchée sur le dos avec les jambes surélevées.

5. Avoir des politiques claires et des procédures concernant :

• la collaboration avec d’autres services de maternité – incluant les consultations – au cours de la période périnatale, notamment, la communication avec le ou la professionnelLE attitréE de la femme enceinte lors d’un transfert d’un lieu de naissance à un autre;

• les références à des ressources communautaires appropriées pour la mère et le bébé, incluant le suivi pré et postnatal et le soutien à l’allaitement.

6. Ne pas avoir recours, de manière routinière, à des pratiques et à des procédures non fondées sur des preuves scientifiques (données probantes), incluant, mais non exclusivement, les routines suivantes :

• le rasage de la vulve ou du périnée,

• l’administration de lavements,

• la pose d’un soluté,

• l’interdiction à la femme en travail de boire et de manger,

• la rupture des membranes tôt dans le travail,

• la surveillance électronique du cœur fœtal (monitoring).

Limiter les interventions suivantes aux taux indiqués :

• taux de déclenchement artificiel du travail de 10 % ou moins;

• taux d’épisiotomies de 20 % ou moins (avec un objectif de 5 % ou moins),

• taux de césariennes de 10 % ou moins dans les hôpitaux communautaires et de 15 % ou moins dans les hôpitaux spécialisés offrant des soins tertiaires,

• taux d’accouchements vaginaux après césarienne de 60 % ou plus (avec un objectif de 75 % ou plus).

7. Enseigner au personnel des techniques non pharmacologiques de soulagement de la douleur et ne pas promouvoir le recours aux analgésiques ou aux médicaments anesthésiants en l’absence d’indication destinée à traiter une complication.

8. Encourager toutes les femmes ayant donné naissance et les familles – incluant celles qui ont des bébés prématurés ou présentant des malformations congénitales – à toucher, tenir, allaiter et prendre soin de leur bébé dans la mesure où leur état le permet.

9. Décourager la circoncision du nouveau-né pour un motif non religieux.

10. Chercher à se conformer aux dix critères des établissements Amis des bébés, établis par l’OMS et l’UNICEF pour la promotion et le soutien de l’allaitement maternel.

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L ors de la conférence à Boston, la Coalition for Improving

Maternity Services (CIMS) a présenté la démarche adop-

tée pour soutenir chacune des dix conditions de l’Initi-

ative amis des mères et des familles (IAMF) par des données

probantes et des recherches scientifiques récentes. Lorsque

cette initiative a vu le jour, en 1996, elle reposait sur les sources

scientifiques disponibles au milieu des années 90, des référen-

ces dont on trouve la liste détaillée sur le site web de la CIMS

(www.motherfriendly.org/MFCI/references). Cette liste com-

prend des études ultérieures à 1996, par exemple, en ce qui

concerne l’importance de fournir des soins adaptés à la

culture de la famille (3e condition). Cependant, une revue de

littérature plus à jour s’imposait, étant donné le temps écoulé

depuis la création de l’IAMF et la décision de l’internationaliser.

Il fallait donc connaître les résultats des études scientifiques

(données probantes) les plus récentes qui soutiennent l’IAMF.

À cette fin, un groupe d’experts a été constitué et la

décision a été prise de documenter par une revue de littéra-

ture, systématique et exhaustive, toutes les conditions formant

l’IAMF. De plus, une approche nouvelle, qui vise l’atteinte de

résultats optimaux chez la mère et son bébé, a été utilisée

pour faire cette revue.

Élargir la perspective « Evidence-based »

La revue de littérature entreprise par la CIMS se situe dans

la tendance mondiale dans le domaine de la santé qu’on ap-

pelle généralement Evidence-Based Medicine (EMB). Selon

ce courant, il est important que les pratiques de soins soient

basées sur les résultats d’études scientifiques. Plusieurs actions

mises en œuvre par l’Organisation mondiale de la santé (OMS)

illustrent également cette tendance. En effet, depuis quelques

années, l’OMS effectue des formations sur l’EBM dans certaines

régions du monde et a récemment mis sur pied la Reproduc-

tive Health Library qu’on trouve sur son site web et à laquelle

tout individu ou organisme peut s’abonner.

Pour réaliser la revue de littérature sur l’IAMF, la CIMS a

donc adopté une perspective plus large, soit un modèle pro-

posé par Murphy et Fullerton, en 2001, pour évaluer les pra-

tiques entourant la maternité. En obstétrique, il existe deux

approches pour aborder la période périnatale et, notamment,

l’accouchement. Il s’agit, d’une part, de l’approche biomé-

dicale et, d’autre part, de celle qu’on a appelée psychoso-

ciale, ou encore, approche sage-femme. Depuis quelques

années, on assiste au développement d’outils de recherche

plus appropriés à l’approche psychosociale que ceux utilisés

traditionnellement. Ainsi, il devenait important de trouver une

approche qui soit cohérente avec la philosophie particulière

qui sous-tend l’Initiative amis des mères et des familles.

Le concept d’optimalité et l’accouchement

« An instrument that could address differences in the

process and outcomes of care in healthy, low-risk pregnan-

cies with few adverse outcomes, while reflecting the mid-

wifery philosophy of minimal intervention and support of natu-

ral processes » (P.A. Murphy et J.T. Fullerton, 20011)

Cette approche, relativement récente en recherche, est

basée sur le concept d’optimalité. Alors qu’on en a entendu

parlé pour la première fois dans les années 60, un instrument

auquel elle a donné lieu – l’index d’optimalité2 – a d’abord été

testé en Hollande dans les années 90, puis aux États-Unis par

Revue de littérature sur l’IAMFUNE APPROCHE NOVATRICE VISANT DES RÉSULTATS OPTIMAUX

Hélène Vadeboncoeur, Ph.D, chercheuse en périnatalité et membre du Comité national d’orientation et de mobilisation en périnatalité de l’ASPQ

1. Murphy, P.A. et J.T. Fullerton, « Measuring outcomes of midwifery care: development of an instrument to assess optimality », Journal of Midwifery and Women’s Health, 2001, 46(5), p. 274.

2. L’index d’optimalité est un instrument de recherche unique qui déplace l’axe d’investigation des (rares) effets négatifs aux résultats les « meilleurs possibles » (optimaux), fondés sur des preuves scientifiques, touchant à la fois le processus de soins et les résultats obtenus. Voir Murphy, P.A. The Optimality Index-US Working Group, 2006, disponible au www.midwife.org

Comité international de la CIMS dont fait partie Hélène Vadeboncoeur.

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Murphy et Fullerton3. Voici de quoi il s’agit. La recherche scien-

tifique sur les interventions médicales est principalement

fondée sur l’étude des risques que présentent ces interven-

tions (fréquence d’événements négatifs non désirables, tels les

taux de mortalité ou de morbidité (complications), etc.). Par

contre, l’approche optimale recherche le meilleur résultat

possible pour la mère et le bébé. Elle vise à mesurer la

fréquence des résultats positifs « optimaux » désirés. En santé

périnatale, le concept d’optimalité s’intéresse donc au meil-

leur dénouement de l’accouchement, couplé avec le moins

d’interventions possible. Cette approche comprend l’adhé-

sion à la perspective sage-femme sur les soins de maternité,

c’est-à-dire que l’accouchement est un phénomène physio-

logique multidimensionnel et qu’en l’absence d’indications

ou de complications précises, les meilleures pratiques sont

celles ne comprenant pas d’interférences ou en comprenant

le moins possible.

On trouvait important, à la CIMS, d’adopter une pers-

pective différente de l’approche traditionnelle de recherche,

puisque celle-ci est centrée sur le risque d’événements rares et

peu susceptibles d’affecter la majorité des femmes dont la

grossesse est sans histoires et dont l’accouchement se déroule

normalement. Il devenait nécessaire de pouvoir examiner non

seulement les effets des interventions, mais aussi de tenir

compte du processus, c’est-à-dire de ce qui se passe, ou non,

pendant la grossesse, l’accouchement et le post-partum.

Le modèle biomédical en recherche est essentiellement

axé sur la santé physique de la mère et du bébé, avec des in-

dicateurs comme les taux de mortalité, de morbidité, etc. Un

élargissement de la perspective promouvoit non seulement

l’aspect physique de la santé, mais aussi la santé psycholo-

gique de la femme et la prise en compte de besoins autres tels

que ses besoins d’ordre spirituel, culturel, etc.

Une méthodologie scientifique et rigoureuse

La revue de littérature entreprise par la CIMS, tout en res-

pectant la méthodologie à suivre pour une revue systéma-

tique des études scientifiques, porte sur une étendue plus

large d’« objets » de recherche, susceptibles d’intéresser non

seulement les intervenantEs, mais aussi les femmes enceintes

et les militantes pour l’humanisation de l’accouchement. Elle

constitue la première revue à avoir jamais été effectuée sur

une approche des soins de maternité. Elle considère les effets

d’un système de soins interventionniste, comparés à ceux

d’une approche qui ne l’est pas. Elle se préoccupe aussi des

résultats à plus long terme, notamment sur le plan psycholo-

gique, intégrant des indicateurs de qualité de vie et soucieuse

de l’impact des pratiques durant l’accouchement sur l’allaite-

ment et sur le besoin additionnel d’interventions médicales.

Pour faire cette revue systématique, le comité d’experts

de la CIMS a suivi les lignes directrices de l’Agency for Health-

care Research and Quality (organisme gouvernemental amé-

ricain) ainsi que celles de l’International Lactation Consultant

Association (ILCA). Les bases de données consultées sont

CINHAL, Cochrane Library, DARE, Medline, OMNI, PsycInfo et

Scirus. Les études publiées en anglais, depuis 1990 (sauf ex-

ception), ont été retenues, ainsi que les articles complets rap-

portant des études, en particulier, des revues systématiques.

Le document produit évaluera la qualité des preuves

scientifiques portant sur les raisons de respecter chacune des

conditions (ou sous-conditions) de l’IAMF. Il sera révisé par un

panel multidisciplinaire d’experts dont des experts interna-

tionaux en périnatalité. Les résultats seront notamment publiés

sous le format suivant : pour chacune des dix conditions de

l’IAMF (voir la page 11), on indiquera les raisons, tirées de la re-

vue de littérature, de respecter la condition en question, ainsi

qu’une évaluation de la qualité des études retenues à ce sujet.

La revue de littérature systématique dirigée par le groupe

d’experts de la CIMS, intitulée « Evidence Basis for the ten Steps

of the Mother-Friendly Chilbirth Initiative », devrait être dispo-

nible en juin 2006. La réalisation de cette revue a constitué une

tâche énorme et la CIMS n’a bénéficié pour ce faire que de

très peu de ressources financières, surtout si on compare le

montant reçu jusqu'à présent – un don – avec ce qu'un cher-

cheur obtient normalement pour effectuer une telle étude.

Nous avons très hâte d’en connaître les résultats!

Henci Goer, coordonnatrice de ce projet

3. Murphy, P.A. et J.T. Fullerton, op. cit.

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L es maisons de naissance du Québec sont reconnues au

niveau international comme des centres d’excellence

en périnatalité. Lors de la conférence de la Coalition

for Improving Maternity Services (CIMS) sur l’Initiative ami des

mères et des familles (IAMF)1, nous avons découvert un centre

de naissance qui tend à s’en rapprocher.

Un centre de naissance en Floride

En 1996, le docteur Stephen R. Guy mettait sur pied le

centre de naissance Family Begginings Birth Center (FBBC) au

sein d’un hôpital de niveau III, le Miami Valley Hospital (Floride).

L’hôpital comptait déjà un département d’obstétrique clas-

sique, mais le Dr Guy avait d’autres visées pour le centre qu’il

désirait mettre sur pied. Le centre de naissance, situé dans un

bâtiment indépendant, répond à une demande de la popu-

lation locale d’avoir accès, dans un contexte hospitalier, à un

environnement qui respecte et soutient la physiologie de l’ac-

couchement. Il ouvre ses portes aux femmes vivant une gros-

sesse normale et, à la moindre complication au cours du suivi

ou de l’accouchement, les femmes sont transférées au dé-

partement d’obstétrique générale de l’hôpital. Tous les pro-

tocoles sont basés sur des données probantes et veillent à

donner aux femmes et aux familles l’expérience qu’elles sou-

haitent pour accueillir leur enfant. En ce sens, le FBBC repré-

sente un exemple concret de ce à quoi pourrait ressembler un

établissement qui répond aux exigences de l’IAMF. Depuis dix

ans, les principaux intervenants sont des médecins et des infir-

mières et, depuis l’année dernière, on y retrouve également

des sages-femmes.

Le FBBC connaît un grand succès. Beaucoup de fem-

mes et leur familles choisissent d’y être suivies et d’accoucher

dans des conditions qui se distinguent par la qualité des soins,

par l’accompagnement d’un à un durant le travail et par un

suivi personnalisé. De plus, le FBBC affiche un taux d’interven-

tion très bas assez comparable à celui des maisons de nais-

sance du Québec. Enfin, le fait que le centre soit situé dans un

bâtiment distinct des locaux de l'hôpital représente un argu-

ment de choix pour nombre de parents qui y voient une pro-

tection face aux maladies nosocomiales.

Cependant, le FBBC a du mal à répondre à la demande

principalement parce que peu de médecins du département

d’obstétrique de l’hôpital acceptent d’y travailler. On note

également que la « contamination » escomptée ne se fait pas

dans le sens où le Dr Guy l’avait d’abord espéré. En effet, ce

dernier pensait que les pratiques médicalisées et intervention-

nistes du département d’obstétrique changeraient au con-

tact de l’approche personnalisée et humaine proposée par le

FBBC. Malheureusement, c’est l’inverse qui se produit! Dans

les statistiques du centre, on remarque le taux élevé de rup-

ture artificielle des membranes (50%). Lorsque questionné à

ce sujet, le Dr Guy explique que cette manœuvre répond à

une demande des néonatalogistes de l'hôpital qui s'assurent

ainsi que le liquide amniotique n'est pas teinté de méconium.

Cette intervention, réalisée sans raison médicale, dans le seul

but de rassurer le personnel hospitalier, démontre la difficulté

de maintenir un environnement qui respecte la physiologie

dans un milieu hospitalier.

Les intervenants du FBBC restent vigilants face à d’autres

transformations de leur mission première. Mais d’ors et déjà,

cette déviation devrait nous amener à repenser notre pers-

pective face à la présence de sages-femmes dans les hôpi-

taux du Québec. La simple logique nous amène à penser

qu’une poignée de sages-femmes (75 au Québec), plongées

dans un système aux rouages aussi lourds et rodés que le mi-

lieu hospitalier, verraient leurs pratiques transformées. Pourquoi

penser qu’une approche qui repose sur l’individualisation des

soins ne serait pas dénaturée par un système hospitalier indus-

Un centre de naissance à l’américaineNesrine Bessaïh, coordinatrice de dossiers politiques

Regroupement Naissance-Renaissance

1. Consultez le site de la CIMS au www.motherfriendly.org.

Nesrine Bessaïh, en compagnie de Geneviève Labelle, à la 4e rencontre annuelle de l’IAMF

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trialisé? L’exemple du FBBC démontre que même quand un

établissement est assez autonome pour être séparé des lo-

caux de l’hôpital et pour choisir ses propres routines et proto-

coles, la force des routines systématisées et des habitudes de

gestion du risque rattrape rapidement le personnel le plus con-

vaincu et l’amène à des transformations à l’encontre de son

approche.

Les centres de naissance aux États-Unis

Le FBBC n’est pas le seul centre de naissance aux États-

Unis. Il diffère cependant grandement des autres, qui sont

généralement tenus par des sages-femmes et consacrés à

leur pratique. Un des panélistes de la conférence de la CIMS,

Allan Huber, traitait de ces centres de naissance et de leur po-

tentiel commercial. Il expliquait que les centres de naissance

devaient être présentés et gérés comme des PME et que les

sages-femmes devaient apprendre à parler des « mères heu-

reuses » et des « bébés en santé » comme de produits qu’elles

sont capables de fournir.

Il faut ici se replacer dans le contexte américain où les

soins et services de santé ne sont pas couverts par une assu-

rance universelle. Près de 40 millions d’Américains n’ont aucun

accès à une couverture médicale parce qu’ils sont trop

« riches » pour bénéficier du Medicare et trop pauvres pour se

payer une assurance privée. Alors que les États-Unis sont un

des pays les plus prospères de la planète, un sixième de leur

population vit sans filet de sécurité, dans des conditions qui

frisent le sous-développement! De plus, la santé y est perçue

comme un bien commercialisable au même titre que les

robes de soirées et les aspirateurs! Cet état de fait avait de

quoi choquer la petite délégation québécoise qui s’est ren-

due à la conférence de la CIMS. Nombre de personnes nous

ont manifesté leur étonnement et leur envie face à nos soins

de santé universels et démocratiques. Tout cela aurait de quoi

faire réfléchir les partisans de la privatisation de notre système

de santé.

Les organismes communautairesDES PARTENAIRES DE CHOIX EN PÉRINATALITÉ

Geneviève Labelle, ex-coordinatrice de dossiers politiques,Regroupement Naissance-Renaissance

L a participation à un événement tel que la conférence

de la CIMS sur l’Initiative amis des mères et des familles

(IAMF), à Boston, permet de prendre un certain recul

par rapport à son travail quotidien. La rencontre d’interve-

nantEs et de militantEs en périnatalité, provenant de milieux et

de pays différents, apporte aussi un nouvel éclairage sur notre

réalité : au-delà des difficultés rencontrées, force est de cons-

tater l’expertise et le dynamisme qui se dégagent du secteur

de la périnatalité au Québec.

L’IAMF fait une place importante aux organismes com-

munautaires; un établissement qui aspire à être reconnu Ami

des mères et des familles doit se doter de politiques et de

procédures clairement définies concernant, notamment, l’éta-

blissement de liens entre la mère et son bébé et les ressources

communautaires appropriées, incluant le suivi pré et post

natal, ainsi que le soutien à l’allaitement (voir la 5e condition

de l’IAMF).

Au Québec, la périnatalité constitue un terrain fertile

pour l’action communautaire. Dans toutes les régions, divers

organismes offrent une grande variété de services à la popu-

lation : entraide et conseils en allaitement, accompagnement

à la naissance, cours pré natals, services de relevailles, déve-

loppement des compétences parentales, etc. Qu’il s’agisse

de groupes membres de la Fédération Nourri-Source, de la

Ligue La Leche, des Centres de ressources périnatales ou du

Réseau québécois d’accompagnantes à la naissance, pour

n’en nommer que quelques-uns1, ces organismes ont tous à

cœur le mieux-être des femmes et des familles. Bien implantés

dans leur milieu, ils ont su développer, au fil des ans, une ex-

pertise qui est maintenant reconnue par le réseau de la santé.

À un tel point que celui-ci délègue souvent certains types de

services au secteur communautaire.

D’autre part, si on remonte à la source du modèle de

soins de maternité proposé par l’IAMF, on constate que ses

principes de base sont enracinés dans les revendications du

milieu communautaire. Normalité, empowerment, autonomie,

respect et responsabilité font partie du vocabulaire d’orga-

nismes – parmi lesquels citons le Regroupement Naissance-

Renaissance, le Groupe MAMAN et l’ASPQ – qui plaident la

cause d’une naissance moins médicalisée et qui défendent

les droits des mères et des familles à décider comment se

déroulera la naissance de leur enfant. →

1. Pour une liste plus complète, consultez le Périscoop d’avril 2005, page 13.

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La rencontre à Boston avec de nombreux intervenants

américains, notamment, a permis de comparer leur situation

à celle du Québec et de constater de profondes différences.

Aux États-Unis, les « grassroots organizations » adoptent da-

vantage une perspective de défense des droits des consom-

mateurs (customer advocacy). Dans un « marché » des soins

de santé, privé et décentralisé, ces groupes cherchent à sen-

sibiliser la population aux avantages d’une humanisation de

la naissance afin de créer une plus grande demande pour ce

type de soins de maternité. Au Québec, par ailleurs, le secteur

communautaire en périnatalité adopte davantage une ap-

proche citoyenne. Le respect du processus physiologique de

la naissance y est vu davantage comme faisant partie d’un

projet de société qui vise le mieux-être de tous les citoyens.

L’émergence de l’IAMF, au Québec, constitue donc une

occasion supplémentaire de mettre à profit l’expertise des or-

ganismes communautaires en périnatalité. Elle pourrait repré-

senter une voie privilégiée pour canaliser leurs revendications

et parvenir à sensibiliser davantage les décideurs politiques à

la nécessité d’humaniser les pratiques entourant la naissance.

D ans le dernier numéro du Périscoop, nous vous présen-

tions l’Initiative des amis des bébés (IAB) dont la mise en

œuvre se poursuit dans le réseau de santé du Québec.

À l’heure actuelle, six établissements sont officiellement recon-

nus Amis des bébés et de nombreux autres cheminent vers

l’atteinte des Dix conditions pour le succès de l’allaitement

maternel1.

Dans le cadre d’un dossier sur l’Initiative amis des mères

et des familles (IAMF), il nous paraissait important de montrer

les liens qui existent entre les deux démarches. Le premier arti-

cle de ce dossier permettait de constater à quel point la struc-

ture de l’IAMF s’inspire de celle de l’IAB avec ses dix conditions

permettant aux établissements d’obtenir une reconnaissance

officielle. Mais comment ces deux initiatives se complètent-

elles sur le terrain, dans la pratique quotidienne des interve-

nantes en périnatalité?

Pour répondre à cette question, nous avons rencontré

Mmes France Lebrun, chef de l’unité des naissances et de la

pédiatrie, CSSS du Lac-des-Deux-Montagnes, Hôpital Saint-

Eustache, un établissement reconnu Ami des bébés depuis

maintenant deux ans, et Nicole Lapointe, agente de planifi-

cation, de programmation et de recherche, à la Direction de

santé publique des Laurentides.

Une démarche rigoureuse et structurée

Des programmes aussi structurés que l’IAB ou l’IAMF exi-

gent une grande rigueur de la part de leurs gestionnaires.

Responsable du volet Ami des bébés de l’Hôpital Saint-

Eustache, France Lebrun est à même de le constater : « On ne

peut pas mettre en place un processus comme l’IAB et sim-

plement le laisser aller. Un tel programme demande un suivi

constant et nous oblige à nous remettre fréquemment en

question. Et c’est la même chose pour l’IAMF. »

À propos de la conférence de la CIMS, à Boston, elle

ajoute : « J’ai été fascinée de voir autant d’intervenants et de

militants, provenant de milieux et de pays aussi différents, qui

ont tous à cœur d’offrir le meilleur aux femmes, aux familles et

aux bébés. Ce mouvement veut susciter une réflexion chez les

intervenants en santé, non pas par une démarche « granola »

ou marginale, mais plutôt en s’appuyant sur des données

probantes. Tout comme l’IAB, c’est une démarche sérieuse,

bien documentée, qui a une portée internationale et qui

Poursuivre la démarche de l’IABAMÉLIORER LE BIEN-ÊTRE DES MÈRES ET DES FAMILLES

Sylvie Louise Desrochers, conseillère en communication

1. Pour connaître ces dix conditions, consulter le Périscoop, vol. 9 no. 2, septembre 2005, p. 7 ou le document L’allaitement maternel au Québec, Lignes directrices, MSSS, septembre 2001.

Geneviève Labelle, en compagnie de France Lebrun, à la 4e rencontre annuelle de l’IAMF

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s’adresse à tous les types d’établissements qui offrent des soins

de maternité. »

Le sérieux de la démarche de l’IAMF se reflète égale-

ment dans le fait que l’UNICEF et l’OMS ont ajouté, aux dix

conditions initiales de l’IAB, des conditions optionnelles qui

amènent les établissements participants à entamer une dé-

marche d’Amis des mères et des familles. Ainsi, on suggère à

ces derniers de :

• donner à toute femme en travail l’accès à un soutien

continu psychologique, affectif et physique fourni par une

personne de son choix,

• permettre de boire et de manger durant le travail,

• offrir la possibilité de marcher et de bouger durant le travail

et de pousser dans la position de son choix,

• promouvoir des méthodes non pharmacologiques de

soulagement de la douleur,

• éviter les interventions invasives et, dans le cas d’une

complication, informer les femmes quant à la nature et

aux raisons de l’intervention,

• ajouter deux heures de formation sur le VIH-SIDA aux

18 heures de formation en allaitement de l’OMS.

Quelques-unes de ces conditions sont déjà mises en ap-

plication par certains établissements québécois, alors que

pour d’autres, il reste encore bien du chemin à parcourir.

D’autre part, dans le contexte actuel du réseau de la

santé, où la majorité des professionnelLEs se sentent bien sou-

vent débordéEs, on peut se demander comment ce nouveau

programme serait accueilli. Nicole Lapointe nous offre des élé-

ments de réponse : « Bien entendu, quand il est question de

changements, certains individus offrent une résistance face à

ce qu’ils perçoivent comme un surcroît de travail. Il faut alors

utiliser des arguments convaincants et des données probantes,

mais avec le temps, la plupart des gens réalisent les avan-

tages d’un tel programme. »

Mme Lapointe continue en nous proposant un exemple

concret : « Pour l’Initiative des amis des bébés, l’UNICEF met

une grande quantité de matériel de qualité à la disposition

des établissements de santé. Dans ce cas, on n’a pas besoin

de consacrer du temps et de l’énergie à créer notre propre

matériel. C’est incroyable le temps qu’on passe à concevoir

du matériel de formation, des fiches d’information, etc., cha-

cun dans son milieu. Avec l’IAB, il suffit de tirer parti de ce qui

existe déjà et qui est reconnu au niveau international. Il ne

reste qu’à se l’approprier, à y mettre la couleur locale. Cela ne

nous demande pas d’en faire plus, simplement de le faire dif-

féremment », conclut-elle.

La continuité des pratiques

La mise en œuvre de l’IAB amène les professionnelLEs de

la santé à réviser plusieurs de leurs pratiques : non seulement

celles entourant l’allaitement, mais également l’ensemble des

pratiques obstétricales et pédiatriques. D’ailleurs, l’impact de

ces dernières sur l’allaitement commence à être de plus en

plus reconnu et documenté2. Cette tendance confirme l’ex-

périence vécue à l’Hôpital Saint-Eustache, comme l’explique

France Lebrun : « L’allaitement, c’est plus qu’un mode d’ali-

mentation. On ne peut pas le séparer du reste de nos pra-

tiques : adopter un modèle de comportement avec les mères

qui allaitent et changer d’approche pour les autres soins à

donner ou à soutenir, cela n’a aucun sens! On commence

tout juste à comprendre que la naissance et l’allaitement font

partie d’une globalité. »

Elle ajoute : « On n’est pas encore conscient de l’impact

des interventions extérieures sur le milieu utérin. C’est très para-

doxal : bien des femmes craignent, par exemple, de manger

du chou quand elles allaitent. Par contre, si elles reçoivent des

narcotiques pendant leur travail, elles ne s’interrogent pas sur

les effets que ces substances peuvent entraîner sur leur bébé.

Comme société, nous n’avons pas encore pris conscience

des impacts possibles des interventions : nous avons un long

chemin à parcourir. » →

France Lebrun à la rencontre annuelle de l’IAMF à Boston

2. À ce sujet, consultez le livre de Mary Kroeger, Impact of birthing practices on breastfeeding : Protecting the mother and baby continuum,Sudbury, Mass., Jones and Bartlett Publishers, 2004, 274 p.

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Un changement de culture

Ce commentaire de Mme Lebrun touche à un élément

essentiel de l’Initiative amis des mères et des familles. Tout

comme l’IAB, ce projet suppose un changement de culture,

tant chez les professionnels de la santé que dans la popula-

tion. Depuis deux ans qu’elle s’occupe du dossier Ami des

bébés à la DSP des Laurentides, Nicole Lapointe a été à

même de constater une évolution très rapide chez les pro-

fessionnelLEs de la santé de sa région : « Nous avons la chance

d’avoir une intervenante dédiée à la formation en allaite-

ment et cela fait toute la différence. Pour implanter l’IAMF et

convaincre les professionnels de changer d’approche face à

l’accouchement, il faudra leur offrir une formation solide et

leur démontrer que les changements requis sont appuyés par

des données probantes. »

Au-delà des connaissances, l’attitude des professionnels

de la santé envers les mères et les familles doit également se

transformer, comme l’explique Mme Lapointe : « Pour devenir

Ami des bébés, il ne suffit pas de dire que les nourrissons doi-

vent être allaités, bien des pratiques de soins sont à revoir. La

formation de base des professionnels de la santé les amène à

prendre en charge, à décider et à intervenir. Dans le cadre de

l’IAB, on essaie de les amener davantage à informer, à outiller

les mères, à leur donner la possibilité de se prendre en main.

Certaines femmes le font d’elles-mêmes, celles qui sont en

mesure de se documenter et de décider de la façon dont

elles souhaitent accoucher. Cependant, bien des femmes

n’ont pas les ressources personnelles nécessaires pour entre-

prendre une telle démarche : le rôle des professionnels con-

siste alors à leur fournir les outils dont elles ont besoin, à tra-

vailler dans le sens de l’empowerment. »

« L’expérience vécue avec l’IAB pave la voie à ces

changements, complète France Lebrun, parce qu’elle nous

place en mode d’observation de la mère et de l’enfant.

Avant d’intervenir, on doit prendre du recul et observer le

bébé : que cherche-t-il à exprimer? Par cette démarche, on

commence à prendre conscience des impacts des pratiques

obstétricales sur l’enfant et c’est ce qui va nous permettre

d’aller plus loin dans l’humanisation de la naissance. »

« C’est extraordinaire aussi pour les parents ce type de

démarche, reprend Mme Lapointe. Quand on voit une pro-

fessionnelle de la santé s’arrêter et regarder notre bébé

comme un être unique qui a quelque chose à communiquer,

cela change notre propre façon de voir notre enfant. Et si la

professionnelle n’intervient pas, c’est au parent d’agir : il dé-

couvre ainsi ses propres compétences parentales. »

Les changements culturels qu’entraîne une démarche

comme l’IAB ne demeurent cependant pas confinés entre les

murs des établissements de santé. Ils se diffusent progressive-

ment dans la population et viennent renforcer les nouvelles

pratiques de soins. Mme Lebrun connaît bien ce processus :

« Il y a dix ans, nous devions insister auprès des mères pour

qu’elles cohabitent avec leur bébé durant la nuit. Aujourd’hui,

essayez de sortir un bébé de la chambre pour voir ! Nous

n’avons plus à insister, les gens demandent la cohabitation.

On constate l’évolution dans la population : les femmes qui

ont vécu l’expérience et l’ont aimée en parlent autour d’elles.

Progressivement, le changement de norme que nous avons

amorcé est intégré et transmis par la communauté. »

La mise en œuvre de l’IAMF exige le même type d’évo-

lution dans les normes culturelles entourant l’accouchement.

Cependant, la continuité entre un accouchement naturel,

l’allaitement et le bien-être des mères et des enfants ne va

pas encore de soi. Nous vivons toujours dans ce que nos inter-

locutrices qualifient de culture de la séparation. Mme Lebrun

poursuit : « On met les bébés dans une poussette ou dans une

bassinette au fond de la chambre. Mais, de plus en plus, on

place le berceau près du lit, on encourage le portage. Après

la naissance, on parle maintenant de gestation externe. On

prend conscience du fait que la mère et l’enfant forment un

continuum, que la naissance n’est pas une coupure : l’enfant

doit se détacher graduellement. Cela favorise d’abord l’al-

laitement, mais au fur et à mesure qu’on va défaire la culture

de séparation, on va aussi réaliser l’impact de cette concep-

tion sur le travail et la naissance. »

Une stratégie d’implantation

Notre parallèle entre les initiatives Amis des bébés et

Amis des mères et des familles ne saurait être complet sans

aborder la stratégie à utiliser pour implanter de tels pro-

grammes. À cet égard, l’IAMF peut sans aucun doute s’inspir-

er de la façon dont l’IAB a été mise en œuvre dans le réseau

québécois de la santé.

Allaitement d’un nouveau-né à l’Hôpital Saint-Eustache

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Comme nous l’avons mentionné précédemment, la for-

mation des professionnels de la santé, qui permet de vaincre

un certain nombre de résistances au changement, constitue

un élément clé de cette stratégie. De plus, l’implantation de

l’IAB a permis la mise en place, dans toutes les régions du

Québec, d’un réseau d’intervenantes qui pourraient jouer un

rôle semblable pour l’IAMF; un tel réseau facilite l’action con-

certée et le partage de l’expertise.

D’autre part, nos interlocutrices ont souligné l’impor-

tance de la volonté politique dans la mise en place de telles

initiatives. L’implantation rapide de l’IAB au Québec et les im-

pressionnants résultats atteints doivent sûrement beaucoup

au fait que cette initiative fait partie des stratégies mises de

l’avant par les lignes directrices en matière d’allaitement. Les

autres provinces canadiennes, où l’IAB ne bénéficie pas d’un

tel soutien, envient d’ailleurs le Québec à cet égard.

De plus, comme ce fut le cas pour l’IAB avec les lignes

directrices et le programme national de santé publique, il serait

souhaitable que l’IAMF fasse partie du plan de mise en œuvre

de la politique de périnatalité. Cela permettrait d’y associer

les moyens nécessaires pour créer les conditions favorables à

une naissance naturelle et respectée. Ce lien avec la politique

de périnatalité permettrait également de légitimer la démar-

che de l’IAMF et de faciliter la création de relations avec les

diverses associations professionnelles concernées. Celles-ci

reconnaîtraient sûrement une initiative soutenue, d’une part,

par des données probantes et, d’autre part, par la politique de

périnatalité du Québec.

Pour toutes ces raisons, la période de mise en place de

la nouvelle politique de périnatalité apparaît comme un mo-

ment privilégié pour faire une place à l’IAMF. Le temps est venu

pour une action concertée en ce sens de tous ceux qui, aux

quatre coins du Québec, ont à cœur le bien-être des mères et

des familles.

Au cœur de la naissance – Témoignages et réflexions sur l’accouchement

« Il faut raconter aux femmes ce qu’on a vécu! On entend trop d’histoires qui font peur! »

Enchantées par leur expérience, des femmes, et quelques hommes, racontent leurs joies etleurs angoisses, leurs appréhensions comme leurs heureuses découvertes; pour eux, la gros-sesse et l’accouchement sont des processus naturels.

Chaque témoignage est unique et relate cet épisode exceptionnel de la vie d’une femme etd’un couple. La plupart des histoires se déroulent avec le soutien d’une sage-femme. S’ajou-tent quelques textes de réflexion qui jettent un nouvel éclairage souvent à contre-courant dela culture obstétricale dominante mais toutefois, dans le sens de la santé publique.

Des récits authentiques qui ne manqueront pas de toucher tous les parents et les futurs parents.

Avec la collaboration spéciale de Bernard Bel, Isabelle Brabant, Hélène Cornellier, Céline Lemay,Michel Odent, Geneviève Ouellet, France Paradis, Hélène Rousseau, Hélène Vadeboncœuret Marsden Wagner.

444 p. « illustré » 29,95 $Bon de commande sur le site de l’ASPQ – www.aspq.org

DISPONIBLE EN LIBRAIRIE

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L ’ensemble du dossier spécial sur l’Initiative amis des

mères et des familles, présenté dans ce numéro du

Périscoop, montre la nécessité de revoir certaines pra-

tiques obstétricales qui ont cours actuellement. Dans plusieurs

domaines, l’humanisation des naissances a certes progressé :

la cohabitation mère-bébé, la promotion et le soutien de l’al-

laitement, l’introduction du plan de naissance en constituent

quelques exemples. Cependant, même lorsque la naissance

se déroule normalement, celle-ci demeure, dans la majorité

des cas, un événement médicalisé.

Même une mesure aussi positive que le plan de nais-

sance peut être appliquée de façon peu respectueuse de

la physiologie de l’accouchement et des choix de la mère.

Au-delà des procédures et des routines de soin, l’humanisa-

tion de la naissance demande un changement d’attitudes

de la part des professionnelLEs de la santé. Cet état de fait

trouve une illustration éloquente dans un témoignage qu’ont

fait parvenir à l’ASPQ, deux parents ayant vécu une expé-

rience d’accouchement qui, malgré la naissance d’un bébé

en santé, les a choqués et attristés. Voici donc des extraits

d’une lettre de plaintes que M. Martin Jalbert et sa conjointe,

Mme Frédérique Bernier, les parents d’Antonin Jalbert, fai-

saient parvenir à l’hôpital universitaire où est né leur fils.

« Le mardi 8 novembre dernier au matin, ma conjointe,

Frédérique Bernier, a accouché d’un garçon […]. Avec l’aide

d’une accompagnante, j’ai soutenu de mon mieux ma con-

jointe dans cette épreuve qui dura toute la nuit. Cet accou-

chement s’est fait naturellement, à peu près sans intervention

médicale jusqu’à la toute fin, mais non sans que la parturiente

ait dû résister à la pression et même à une certaine hostilité du

fait d’avoir voulu éviter toute médicalisation inutile de l’ac-

couchement. En effet, tout au long du travail de l’accouche-

ment, qui n’a présenté par ailleurs aucune complication, le

personnel hospitalier n’a cessé de vouloir intervenir, prétextant

des risques pour l’heure inexistants afin de justifier le recours à

divers traitements et pratiques qui n’apparaissaient pas né-

cessaires, et ce avec une attitude entrant souvent en contra-

diction avec l’empathie et le respect auxquels engage spéci-

fiquement (votre) code d’éthique.

Cela a commencé lorsque […] une résidente très stres-

sée et manifestement débordée est venue déranger l’atmos-

phère dans la chambre de la parturiente, qui restait jusque là

très détendue, en évoquant la nécessité de provoquer artifi-

ciellement des contractions plus importantes si la chose ne se

faisait pas naturellement d’ici quelques heures. Aux inquié-

tudes de ma conjointe entourant l’usage de l’ocytocine syn-

thétique et à sa demande d’attendre jusqu’à la dernière

minute avant d’y recourir, soit jusqu’à ce que la chose s’im-

pose vraiment, la résidente n’a su répondre qu’en se bra-

quant, en invoquant les ordres de son « patron » […] et en nous

avertissant qu’il ne serait pas question d’avoir de discussions à

cet égard aux petites heures de la nuit. Cette intervention est

venue installer chez la parturiente un sentiment d’appréhen-

sion et même d’angoisse. […] Heureusement, les contractions

s’étant intensifiées d’elles-mêmes dans les heures qui ont suivi,

ma conjointe a pu éviter le Pitocin. Toute cette scène a donc

été absolument inutile et n’a servi qu’à stresser la parturiente.

Il en sera de même, plus tard, avec le soluté : il faudra se bat-

tre pour qu’il ne soit pas installé au bras de ma conjointe qui

aurait vu ainsi sa mobilité très entravée alors que le mouve-

ment était la première chose qui l’aidait à supporter les con-

tractions et à faire descendre le bébé.

[…] Au petit matin vint la poussée. Le col étant com-

plètement dilaté, Frédérique gardait la position dans laquelle

elle avait supporté la douleur plusieurs heures durant : la posi-

tion debout ou semi accroupie. La tête de l’enfant commen-

çait à paraître. Comme nous savions que cette position est

tout à fait appropriée à l’accouchement si la femme s’y sent

bien, c’est ainsi que nous envisagions les derniers moments de

la poussée. Mais cette position aurait obligé le médecin à se

pencher pour accueillir l’enfant. Un geste humain qu’il n’était

manifestement pas prêt à faire : une infirmière vint en effet

nous faire comprendre que le docteur « ne se pencherait

pas ». Heureusement une autre infirmière, plus délicate et plus

compatissante, était là pour aider Frédérique à s’installer sur le

lit, au prix d’efforts immenses étant donné l’état d’avance-

ment du travail, en position semi assise. C’est donc dans cette

position que l’enfant vint au monde, position conçue d’abord

et avant tout pour l’aisance du médecin et dont on sait

qu’elle est beaucoup moins adaptée aux efforts de la mère

et de l’enfant puisqu’elle donne moins d’espace au bébé

pour descendre et réduit considérablement la mobilité du

bassin de la femme.

Peut-on nous expliquer pourquoi le plan de naissance,

celui-là même que l’équipe de soins […] demande aux

femmes enceintes de remplir, invite à spécifier si elles veulent

Témoignage de nouveaux parentsÀ QUOI SERT LE PLAN DE NAISSANCE?

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« avoir le choix de la position » (ainsi que celui de refuser ou

non le soluté et la péridurale), alors qu’ensuite, au milieu des

douleurs de la poussée, on leur fait comprendre impérative-

ment que le médecin s’en tiendra à son propre confort et à

ses habitudes ? L’Association pour la santé publique du

Québec reconnaissant comme un droit fondamental de la

femme « de pousser et d’accoucher dans la position qui [lui]

convient le mieux » (Dépliant Grossesse et accouchement :

droits des femmes, 2002), pourquoi le cadre médical ne res-

pecte-t-il aucunement ce droit au moment même où on de-

mande qu’il le soit?

Nous voulons porter plainte ici tout particulièrement con-

tre le médecin qui a accueilli l’enfant, sans se pencher donc,

qui n’est arrivé (heureusement) que pour les dernières trente

minutes de l’accouchement […] (et) dont l’attitude a été non

seulement arrogante, mais franchement odieuse en la circons-

tance. »

À la demande du couple de laisser la mère accoucher

en position verticale, la réponse du médecin, formulée sans

aucune délicatesse, ni autre forme d’explication, a été la sui-

vante : « Si elle veut accoucher comme ça, qu’elle le fasse

avec les infirmières, je viendrai réparer les dégâts après ».

Les futurs parents ont perçu son attitude comme méprisante

jusqu’à la toute fin de son intervention.

La lettre du couple Bernier-Jalbert continue ainsi : « Com-

ment se fait-il que l’hôpital […], en ce jour si important pour de

nouveaux parents et au milieu de la grande épreuve que

représente l’accouchement pour la femme, nous ait mis en

présence d’un professionnel aussi insensible, dont le compor-

tement semblait dicté par la volonté de nous faire payer notre

résistance à toute médicalisation inutile de l’accouchement?

Pourquoi une femme qui veut accoucher naturellement doit-

elle se battre jusqu’à la dernière minute pour le faire? Pourquoi

le milieu hospitalier est-il aussi inhospitalier?

[…] Notre enfant est maintenant né et la mère se remet

des aléas qui ont entouré cette heureuse arrivée. Cependant,

nous ne repensons pas à ce jour important sans tristesse et sans

colère. Notre colère et notre tristesse sont d’autant plus grandes

lorsque nous pensons qu’en ce moment et dans le futur, […]

dans les hôpitaux du Québec et d’ailleurs, d’autres femmes

accouchent et accoucheront dans des conditions aussi défa-

vorables, hostiles et humiliantes, jusqu’au jour où la médecine

s’humanisera davantage pour accueillir autrement les hom-

mes et les femmes de demain. »

En écrivant cette lettre M. Jalbert et Mme Bernier souhai-

taient, d’une part, amener le personnel du milieu hospitalier à

se questionner sur leurs pratiques et, d’autre part, dénoncer

l’écart qui existe entre l’image d’ouverture qu’affiche l’hôpi-

tal, notamment grâce au plan de naissance, et le non respect

de ces principes.

Nous vous proposons maintenant de prendre connais-

sance de la réponse qui leur a été envoyée et qui est consti-

tuée du rapport d’un médecin examinateur de l’hôpital où

Mme Bernier a accouché. Après un bref rappel des faits et de

la plainte exposés dans la lettre citée précédemment, le mé-

decin examinateur exprime l’avis suivant :

« Suite à notre enquête, nous retenons que Madame

Bernier avait reçu et complété le formulaire "Plan de Naissance"

mais n’en avait jamais discuté avec son médecin lors des vi-

sites pré-partum.

Tout le travail dans la chambre d’accouchement s’est

fait en position debout comme Madame Bernier le préférait

pour son confort. L’intervention de la résidente nous apparaît

justifiée, la mère devant être informée que si, à un moment

donné, le travail est jugé inadéquat par le médecin, c’est sa

responsabilité d’intervenir médicalement.

Le Docteur […] vous a informés qu’il ne voulait pas ac-

coucher Madame Bernier en position debout et ce sont les

infirmières qui ont réussi, à la toute fin, à convaincre madame

Bernier de s’asseoir dans le lit comme l’avait recommandé le

médecin.

Nous avons consulté un médecin très expérimenté en

obstétrique et provenant d’une autre institution. Celui-ci nous

a confirmé qu’un accouchement en position debout com-

portait trop de risques pour la mère (déchirure du périnée) et

pour l’enfant (chute) et que lui-même n’aurait jamais accep-

té de faire un accouchement dans cette position.

L’intervention des médecins a pu créer une certaine ten-

sion dans la chambre que nous refusons de qualifier d’atmo-

sphère hostile. Nous pouvons comprendre que le Docteur […]

soit intervenu de façon autoritaire dans ces circonstances et

que ses propos aient pu vous froisser.

Nous comprenons moins bien que vous qualifiez la nais-

sance d’un premier bébé d’une "grande épreuve pour des

parents" alors qu’il n’y a pas eu de complication. Il est possible

que les légères déchirures soient secondaires au fait que

Madame a trop tardé à prendre la position recommandée

par le Docteur […].

Nous ne pouvons adresser de blâme au [médecin].

Il avait le droit d’exiger que l’accouchement se fasse dans une

position sécuritaire pour tous. Il était en droit d’insister auprès

de vous et les infirmières ont répondu à ses demandes. Nous

considérons que [cet hôpital] demeure très recommandable. »

Étant fort peu satisfaits des conclusions de ce rapport,

Mme Bernier et M. Jalbert ont écrit une seconde lettre à l’hôpi-

tal, adressée cette fois au comité de révision des plaintes. Leur

demande de révision s’articule principalement autour de deux

arguments. Le premier concerne le danger, allégué par l’hôpi-

tal, d’accoucher en position debout. Leur demande s’appuie

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sur le rapport de l’Organisation mondiale de la santé (OMS),

intitulé Les soins liés à un accouchement normal : guide pra-

tique (rapport d’un groupe de travail technique [WHO/FRH/

MSM/96,24], Genève, OMS, 1996), qui énumère les nombreux

avantages de la position verticale et affirme qu’elle « [serait]

préférable à la position dorsale » (p. 30). De plus, le couple

Bernier-Jalbert souligne qu’ « En ce qui concerne la possibilité

d’une chute du fœtus […], elle reste totalement absente des

considérations concernant l’accouchement en position verti-

cale dans ce document. »

La deuxième raison invoquée à l’appui de la révision de

leur dossier concerne ce que le document cité précédem-

ment appelle le « soutien empathique des dispensateurs de

soins pendant le travail et l’accouchement ». Cette attitude

est présentée par l’OMS comme le fondement même de la

pratique de l’accoucheur, au point que cette organisation

considère qu’« un accouchement normal, à condition qu’il

soit à faible risque, nécessite seulement l’observation attentive

d’une accoucheuse ou d’un accoucheur qualifié capable

de déceler les signes précoces de complications. Il ne requiert

aucune intervention, seulement des encouragements, un

soutien et un peu de tendresse. » (op. cit., p. 15). Il va sans dire

que cette attitude respectueuse et non interventionniste n’est

pas celle avec laquelle se sont sentis traités les parents

d’Antonin Jalbert lors de sa naissance. Reste à voir si le comité

de révision des plaintes démontrera davantage d’ouverture

dans l’examen des processus entourant la naissance.

En montrant à quel point un même accouchement peut

être perçu différemment, les lettres dont nous publions des ex-

traits témoignent de l’écart qui existe souvent entre les parents

et les intervenants du système de santé, ainsi qu’entre les ré-

sultats des recherches en périnatalité et les pratiques obstétri-

cales. Il est intéressant de noter que cet écart reflète juste-

ment le thème de la rencontre sur l’IAMF (Closing the gap

between research and practices) qui est à l’origine du dossier

présenté dans nos pages. On pourrait d’ailleurs conclure, à

l’instar des participants à la conférence, que la recherche et

la diffusion de données probantes constituent des moyens

privilégiés de réconcilier les visions des diverses parties con-

cernées par la périnatalité.

P sychothérapeute en pratique privée, formatrice et super-

viseure auprès de divers organismes, j’accompagne

depuis cinq ans, à titre de consultante, des équipes d’in-

tervenants de CLSC, responsables de l’application des pro-

grammes intensifs et intégrés destinés aux clientèles vulnérables :

Programme de soutien aux jeunes parents (PSJP) et Naître Égaux,

Grandir en santé (NÉ-GS).

Réunis sous l’appellation « Services intégrés en périnatalitéet pour la petite enfance pour les clientèles vulnérables », ilsvisent à la fois les femmes enceintes, les bébés à naître, lesmères, les pères et les familles se trouvant dans une situation quiles rend vulnérables pour favoriser, ultimement, le développe-ment des enfants.

Je vous transmets, ici, mon expérience « terrain », mesconstats et mes découvertes par rapport au déploiement de cetype de programme et aux impacts sur les intervenants qui ysont impliqués.

Mon accompagnement a débuté en novembre 2000. Les personnes qui ont participé aux supervisions en avaient terri-blement besoin! Elles attendaient du ressourcement et deman-daient un support clinique, un soutien. Elles désiraient donner unsens à leur travail, comprendre le principe de leurs actions, lesresituer et approfondir la mise en application des services inté-grés. Elles voulaient identifier leurs limites, se situer par rapport à

leur rôle, leur fonction et se questionnaient sur leurs interventions.Pour cela, il leur fallait plus d’armes, plus d’outils, des stratégies,des façons de faire. Elles désiraient sortir de leur isolement, prendre du recul, apprendre à relativiser et élargir leur regard,ne plus avoir d’attentes irréalistes.

Je désire témoigner de la grande détresse que j’ai perçuedans les équipes. Je me suis trouvée confrontée à des interve-nants qui, pour la plupart, avaient une grande expérience, unehaute idée de leur travail, une très belle conscience profession-nelle et qui, paradoxalement, paraissaient démunis, fatigués,démotivés.

Très vite, ces professionnels ont été confrontés aux limitesbudgétaires qui ne permettaient pas toujours d’inclure l’ensem-ble de la clientèle visée ou d’offrir l’intensité requise. Des senti-ments d’abandon, de deuil, de frustration sont alors apparus, entotale contradiction avec leurs valeurs et leurs critères profes-sionnels.

De plus, la clientèle visée par les services intégrés est uneclientèle majoritairement « visiteuse », c’est-à-dire qui n’a au-cune demande, car elle ne perçoit pas les problèmes liés à sasituation. De ce fait, nombre d’intervenants se « cassent le nez »face à une porte close, un oubli de rencontre, un report sans findes rendez-vous, une pseudo acceptation des suggestions etconseils donnés, une extrême lenteur dans l’obtention de résul-

Le soutien cliniqueUN INCONTOURNABLE POUR ŒUVRER AUPRÈS DES CLIENTÈLES VULNÉRABLES

Jacqueline Arbogast, tcf, psychothérapeute, superviseureCentre professionnel Cherrier

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tats, une précarité importante des acquis. Leur tâche est lourde,l’accompagnement est exigeant… Ils sont seuls et vivent fré-quemment un sentiment d’impuissance.

La liste est longue des situations vécues comme des échecs.Les intervenants vivent une contrainte par rapport aux résultatsattendus et aux redditions de compte et se sentent coincésentre les objectifs visés et ce qui est observé sur le terrain.

Malgré tout, au cours de mes interventions, j’ai pu noter,en particulier dans les équipes que j’ai suivies plus « régulière-ment », une évolution très encourageante et positive de l’étatd’esprit, de la motivation et du regard porté sur ce type de pro-grammes.

Ce n’est pas un manque de travail des équipes qui poseun problème, mais bien une trop grande conscience profes-sionnelle, le souci du travail bien fait, l’habitude de fonctionnerrapidement et en pensant « problème-action », alors que dansle déploiement de ce type de programmes, il est nécessaire deprendre le temps, d’écouter, d’établir un lien de confiance,d’apprivoiser, d’aller au rythme de la personne sans attendre derésultats tangibles et/ou immédiats. Comment concilier cetteapproche « des petits pas » avec l’intensité des suivis demandéset le besoin légitime d’obtenir des résultats?

Par ailleurs, au fil des années, le nombre d’équipes à su-perviser ainsi que l’ampleur des besoins de supervision ont aug-menté, alors qu’en même temps les budgets disponibles n’ont

cessé de diminuer. Le problème du manque de ressources finan-cières est toujours évoqué pour expliquer le nombre réduit derencontres et leur précarité. Si je ne suis jamais sûre de pouvoir intervenir de nouveau, qu’en est-il du sentiment d’insécurité despersonnes confrontées chaque jour à leurs difficultés?

Ce processus de soutien clinique n’est pas récurrent. Pour-tant il devrait faire partie intégrante de ce type de programme.Il a vraiment sa raison d’être. Le nombre de familles vulnérablespouvant en bénéficier en témoigne. Mais c’est un travail de lon-gue haleine, peu valorisant dans ses résultats immédiats. Les équi-pes nécessitent d’être soutenues, dans la durée, par un regardporteur, extérieur, neutre et positif sur leur travail et avoir la possi-bilité de se ressourcer régulièrement.

Pour illustrer mes propos, il me vient en tête l’aide appor-tée aux équipes travaillant dans les soins palliatifs et qui sont con-frontées à la fin de la vie. Cette aide est là, présente, acquise,faisant partie intégrante du travail.

En conclusion, voici quelques commentaires qui témoignentde l’apport que la supervision offre aux équipes. « C’est unerichesse, un apport, une stimulation. C’est déculpabilisant, valo-risant, un ressourcement nécessaire. »

J’espère que des mesures pratiques vont être pensées etmises en place rapidement pour que cela fasse partie inté-grante du déploiement de tels programmes.

Quand l’enfant paraît, sa mère et lui doivent

s’apprivoiser mutuellement. L’allaitement est un

moyen merveilleux de tisser ces liens privilégiés qui

unissent une mère à son nourrisson.

Un bon départ dans l’allaitement rassure à lafois la mère et l’enfant. C’est avec cette idée en têteque la Ligue La Leche a ajouté un nouveau vidéo àsa collection : « Le lait de maman ». Nous avons traduitce film d’origine israélienne afin qu’il convienne auxmamans francophones d’ici. Destiné principalementaux futures mères qui prévoient allaiter, il couvre toutce qu’elles doivent savoir dans les premiers jours sui-

vant la naissance : la mise au sein et comment profiter du réflexede succion intensifié des premières heures; les besoins physio-logiques du bébé; comment prévenir l’engorgement des seinset les gerçures. Les principales positions permettant d’allaiter entout confort y sont clairement expliquées. On y découvre égale-ment des moyens tout simples pour s’assurer que le bébé boitsuffisamment. Les mamans pourront y apprendre comment lelait maternel subit des variations, s’ajustant aux besoins du bébé.

Après avoir visionné ce film, les mères se sentiront plus con-fiantes pour faire face aux situations les plus courantes pouvantse présenter en cours d’allaitement et sauront même commenten prévenir plusieurs! De plus, elles pourront se rassurer face àleur retour au travail, puisque que le vidéo explique commentl’allaitement peut se poursuivre dans cette situation également,prolongeant ainsi cette période privilégiée tout en atténuant lechoc de la séparation.

Disponible en format VHS et DVD, ce nouveau venu trou-vera sûrement preneur du côté des professionnels en périnata-lité, puisqu’en plus des exemples concrets, des difficultés pou-vant se présenter et de leurs solutions, il mentionne égalementdans quelles situations il est préférable pour la mère de deman-der de l’aide et devient par conséquent un outil pédagogiqueformidable.

Vous pouvez vous le procurer en format VHS au coût de20 $, et à partir d’avril 2006, en format DVD, au coût de 30 $ directement auprès de la Ligue La Leche.

Pour plus d’informations, contacter la Ligue La Leche auwww.allaitement.ca ou au 514-990-8917.

Le lait de maman

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M E M B R E I N D I V I D U E L

Nom et prénom : __________________________________________________________________________________

Adresse :__________________________________________________________________________________________

Ville : _______________________________________________Code postal : ________________________________

Tél.: ________________________________________________Fax : ________________________________________

Courriel : __________________________________________________________________________________________

Organisme pour lequel vous travaillez : _____________________________________________________________

Profession :________________________________________________________________________________________

Champ(s) d'intérêt : _______________________________________________________________________________

Renouvellement (X) _____Nouveau membre (X) ______Date : _______________________________________

Durée Tarif régulier Tarif réduit - Étudiant/retraité/bénévole(joindre une preuve de votre statut)

1 an 46,01$ 11,50$ 2 ans(-10 %) 82,82$ 20,70$ 5 ans(-20 %) 184,04$ 46,01$

ADHÉSION CONJOINTE - Les individus peuvent adhérer conjointement à l’Association pour la santépublique du Québec (ASPQ) et l’Association Canadienne de santé publique (ACSP) en une seuleprocédure d’inscription et pour une durée d’un an.

Coût d’adhésion régulier ASPQ: 46,01$ + Coût d’adhésion régulier ACSP: 100,00$ = 146,01$Coût d’adhésion réduit ASPQ: 11,50$ + Coût d’adhésion réduit ACSP: 57,00$ = 68,50$

Cochez une seule case sur ce formulaire - Somme ci jointe : ______________$

...et prenez une part activepour la santé et le bien-être

Devenez membre de l’ASPQ...

La tarification est aussi valable pour les membres actuels qui renouvèlent leur adhésion.Les tarifs incluent la TPS et la TVQ. - TPS 106733280 / TVQ 1006182166La cotisation est renouvelable à la date anniversaire de l'adhésion.

Chèque à l'ordre de l'ASPQ - POSTEZ au 4126, rue Saint-Denis, bureau 200, Montréal (Qc) H2W 2M5.

M E M B R E I N S T I T U T I O N N E L

Organisme : ______________________________________________________________________________________

Nom et prénom du contact : ______________________________________________________________________

Adresse :__________________________________________________________________________________________

Ville : _______________________________________________Code postal : ________________________________

Tél.: ________________________________________________Fax : ________________________________________

Courriel : __________________________________________________________________________________________

Fonction : _________________________________________________________________________________________

Champ(s) d'intérêt : _______________________________________________________________________________

Renouvellement (X) _____Nouveau membre (X) ______Date : _______________________________________

Durée Institution à vocation régionale Institution à Organismesous-régionale ou provinciale vocation locale sans but lucratif

1 an 287,56$ 143,78$ 57,51$2 ans(-10 %) 517,61$ 258,81$ 103,52$5 ans(-20 %) 1150,25$ 575,13$ 230,05$

Cochez une seule case sur ce formulaire - Somme ci jointe : ______________$

Merci!

4126, rue Saint-Denis, bureau 200Montréal (Québec) H2W 2M5Tél. (514) 528-5811Fax: (514) [email protected]

www.aspq.org

CONSEIL D’ADMINISTRATION

Lucie Thibodeau, présidenteRéseau des centres de ressources périnatales

Pierrette Michaud, vice-présidenteDSP de la Capitale nationale

Renald Bujold, secrétaireDSP de Montréal-Centre

Martin St-Georges, trésorierCLSC Hochelaga-Maisonneuve

André-Pierre Contandriopoulos,conseillerUniversité de MontréalDép. administration de la santé

Lucien AlbertUniversité de MontréalUnité de santé internationale

Richard CloutierCSSS Jeanne-Mance

Hélène CornellierAFEAS

Maria Labrecque DuchesneauAu cœur des familles agricoles

Céline LemayRegroupement Les Sages-femmesdu Québec

Micheline Séguin-BernierADRLSSSS de la Mauricie – Centre-du-Québec

Benoît SévignyFQRSC

Louise St-PierreINSPQ

Carmen Veillette-BoucherDSP de l’Abitibi-Témiscamingue

PERMANENCE

Martine BenoitComptable

Martine DeschênesAdjointe administrative

Dossier périnatalité

Catherine ChouinardChargée de projet

Coalition québécoise pour lecontrôle du tabac (CQCT)

Louis GauvinCoordonnateur

Heidi RathjenDirectrice de campagne

Steven ValinAdjoint administratif

Service d’information sur le tabac et la santé (SITS)

François MorinChargé de projet

Mélanie ChampagneRédaction, recherche et analyse

Julie CameronRecherche et analyse