in vivo #7 fra

84
Edité par le CHUV www.invivomagazine.com IN EXTENSO 24H DANS LE CERVEAU HUMAIN Penser la santé N° 7 – DÉCEMBRE 2015 TRANSSEXUALITÉ Le long chemin vers la reconnaissance CHIRURGIE FOETALE Opérer avant la naissance DRONES Des médicaments venus du ciel / RECHERCHES CIBLÉES / LUTTE CONTRE LES STÉRÉOTYPES / NOUVELLES LIBERTÉS ADOLESCENTS: POUR UNE MÉDECINE SUR-MESURE

Upload: in-vivo

Post on 24-Jul-2016

233 views

Category:

Documents


6 download

DESCRIPTION

Adolescents, pour une médecine sur-mesure

TRANSCRIPT

Page 1: In Vivo #7 FRA

Edité par le CHUVwww.invivomagazine.com

IN EXTENSO 24H DANS LE CERVEAU HUMAIN

Penser la santéN° 7 – DÉCEMBRE 2015

TRANSSEXUALITÉ Le long chemin vers la reconnaissance

CHIRURGIE FOETALE Opérer avant la naissance

DRONES Des médicaments venus du ciel

/ RECHERCHES CIBLÉES / LUTTE CONTRE LES STÉRÉOTYPES / NOUVELLES LIBERTÉS

ADOLESCENTS:POUR UNE MÉDECINE SUR-MESURE

IN V

IVO

7 –

Déc

embr

e 20

15

ADO

LESC

ENTS

: PO

UR U

NE M

ÉDEC

INE

SUR-

MES

URE

ww

w.in

vivo

mag

azin

e.co

m

Page 2: In Vivo #7 FRA

ABONNEZ-VOUS À

IN VIVO

Le magazine est gratuit. Seule une participation aux frais d’envoi est demandée.

Recevez les 6 prochains numéros à votre domicile en vous inscrivant

sur www.invivomagazine.com

JERO

EN B

ENN

INK

SUIVEZ-NOUS SUR: TWITTER: INVIVO_CHUVFACEBOOK: MAGAZINE.INVIVO

Page 3: In Vivo #7 FRA

FOCUS

19 / RECHERCHE

Adolescents: pour une médecine sur-mesureLes hôpitaux se mobilisent pour améliorer la prise en charge des jeunes.PAR CÉLINE BILARDO

ET MELINDA MARCHESE

MENS SANA

30 / INTERVIEW

Carl Hart: «La politique suisse en matière de drogue m’inspire»PAR CLÉMENT BÜRGE

34 / INNOVATION

Des médicaments venus du cielPAR JULIE ZAUGG

37 / TENDANCE

Les internautes, de généreux donateursPAR CATHERINE COCHARD

40 /DÉCRYPTAGE

Ces vaccins qui font peurPAR JULIE ZAUGG

44 / EN IMAGES

Biohacking: la science hors des sentiers battusPAR ERIK FREUDENREICH

DAVI

D S

TEW

ART

IN VIVO / N° 7 / DÉCEMBRE 2015

SOMMAIRE

Le photographe anglais David Stewart a réalisé un ouvrage sur les adolescents baptisé «Teenage Pre-occupation» (Ed. Browns, 2013). Pour lui, les jeunes reflètent, à travers leur attitude et leur apparence, l’essence même de la société dans laquelle ils vivent.

Page 4: In Vivo #7 FRA

CORPORE SANO

50 / TENDANCE

La musique s’invite à l’hôpitalPAR CATHERINE COCHARD

53 / INNOVATION

Opérer avant la naissancePAR BERTRAND TAPPY

56 / TABOU

Une pilule nommée désirPAR ANDRÉE-MARIE DUSSAULT

60 / APERÇU

Mon philosophe, ce psy!PAR CAMILLE ANDRES

62 / DÉCRYPTAGE

Le long chemin de la cause transsexuellePAR CLÉMENT BÜRGE

66 / PROSPECTION

Les virus, ces infatigables voyageursPAR BERTRAND TAPPY

IN SITU

08 / HEALTH VALLEY

La technologie au chevet des seniors

14 / AUTOUR DU GLOBE

Une éponge pour détecter le cancer

CURSUS

70 / CHRONIQUE

Pénurie de données

72 / PORTRAIT

Barbara Balmelli, physiothérapeute spécialisée dans la rééducation de la main

74 / TANDEM

La prévention des escarres grâce à la formation à distance

THIE

RRY

PARE

L, T

U D

ELFT

, DR

2

34

SUIVEZ-NOUS SUR: TWITTER: INVIVO_CHUVFACEBOOK: MAGAZINE.INVIVO

44

66

53

SOMMAIRE

Page 5: In Vivo #7 FRA

3

La philosophie est-elle une ressource uniquement pour les gens qui vont bien (autrement dit normalement mal)? Ou peut-elle constituer une aide pour les patients, voire pour l’hôpital qui les accueille?

Faire entrer un philosophe à l’hôpital et lui offrir un rôle parmi les professionnels de la santé: c’est en tous les cas l’idée originale qu’a eue la psychiatrie de liaison du CHUV en conviant Hubert Wykretowicz à rejoindre leur service (voir p. 60), une initiative qu’a également eue le Service de chirurgie plastique. Le but: questionner les savoirs acquis, mais aussi et surtout interroger la manière de concevoir la maladie et les patients, comme les relations avec ces derniers.

Face à une médecine tentée de transformer le corps en «zones de soins», la philosophie rappelle, comme le note Friedrich Stiefel, psy-chiatre à l’origine de l’engagement du philosophe, que le corps est aussi vécu par le patient autrement que comme une accumulation de symp-tômes, de manière existentielle: le corps que je suis, qui change au gré de la maladie, qui est regardé, et sur lequel la médecine intervient.

D’une certaine façon, la philosophie rappelle que, sous le champ opératoire, c’est bien un sujet et non un objet auquel on a affaire. Dans la foulée, elle offre aussi aux médecins et aux soignants l’occasion de s’interroger sur leur rôle face à une médecine toujours plus exigeante techniquement, et dont le risque est de déshumaniser le geste et la relation. Elle réintroduit, à la manière du «je pense donc je suis» de Descartes, doute et subjectivité.

Ces questionnements sont d’autant plus nécessaires à l’heure où l’on peut supposément séquencer son génome sur la table de la cui-sine et créer un spermatozoïde in vitro. Face à ces progrès spectacu-laires, face aussi aux avancées et promesses de la médecine person-nalisée, le philosophe – rejoint désormais par d’autres spécialistes des sciences humaines comme les linguistes, les sociologues ou les poli-tologues – contribue à penser le progrès. Une aubaine. Car combien de temps sera-t-on encore capables de considérer que la médecine n’offre pas de solution systématique? Combien de temps saura-t-on encore se souvenir de l’impuissance possible de la technique sur la maladie sans que, pour autant, les professionnels ne puissent être soupçonnés d’avoir failli?

La médecine se développe à grand train, mais sait-on seulement ce qu’elle fait peut-être de nous: des êtres exigeants, impatients, rétifs aux questions sans réponse? Nul doute que les œuvres philosophiques recèlent une série d’antidotes pour y répondre. ⁄

Editorial

JE PANSE DONC JE SUIS

PATR

ICK

DU

TOIT

BÉATRICE SCHAADResponsable éditoriale

Page 6: In Vivo #7 FRA

4

POST-SCRIPTUM

IL EST POSSIBLE DE S’ABONNEROU D’ACQUÉRIR LES ANCIENS

NUMÉROS SUR LE SITE WWW.INVIVOMAGAZINE.COM

LA SUITE DES ARTICLES DE «IN VIVO»

IMPRESSION 3D

Premier médicament autorisé

Est-ce que le 3 août 2015 restera une date clé pour

l’industrie pharmaceutique? C’est le jour choisi par la Food

and Drug Administration américaine pour annoncer

l’autorisation de la commercia-lisation du Spritam, un

traitement contre l’épilepsie conçu à l’aide d’une impri-

mante 3D. Aprecia Pharma-ceuticals, la société derrière le Spritam, estime que l’impres-

sion 3D permet d’établir un dosage sur mesure pour

le patient et de créer des composés plus poreux, ce qui rend l’absorption du médicament plus aisée. /

DON DU SANG

Homosexuels réhabilités Le Ministère de la santé argen-

tin a annoncé en septembre 2015 lever l’exclusion des

homosexuels du don du sang, «mettant fin à une longue histoire de discrimination institutionnelle envers la

communauté LGBT». Cette restriction est encore présente aux Etats-Unis, en France et

en Suisse par exemple. /

PERCEPTION

Les bienfaits de l’hypnose L’hypnose permet de réduire la consommation de médicaments antalgiques et de sédatifs suite à une intervention chirurgicale. Le recours à cette pratique en anesthésie réduit également la durée des hospitalisations. Ces conclusions sont tirées

d’un vaste rapport publié en septembre dernier par l’Insti-tut national de la santé et de la recherche médicale (F). En

revanche, les données actuelles en matière de recours à l’hyp-nose pour le sevrage tabagique

sont jugées «insuffisantes, voire décevantes.» /

QUANTIFIED SELF

Les objets connectés augmentent le stress

Une étude réalisée par l’Univer-sité de technologie d’Eindhoven (Pays-Bas) montre que l’auto-

surveillance constante à l’aide de smartwatchs et autres bracelets

connectés peut augmenter le stress. Les chercheurs ont sou-mis 74 personnes à une batterie de tests: la moitié des partici-pants pouvaient consulter leur rythme cardiaque. Lorsqu’on leur a demandé d’évaluer leur

niveau de stress, ils se sont jugés davantage sous pression que le groupe témoin. Ce résultat

pourrait être lié à la personna-lité des cobayes. Les «anxieux» seraient plus susceptibles d’être stressés par les objets connectés

que les «névrotiques». /

TOURISME MÉDICAL

Le boom des vacanciers en quête de soins

Selon un rapport publié par France Stratégie, un organisme de réflexion rattaché au premier

ministre français, le nombre de touristes médicaux a plus

que doublé entre 2007 et 2012, passant de 7,5 millions à 16 mil-lions. Ce marché est aujourd’hui évalué à 60 milliards de dollars. /

IV n° 1 p. 62 IV n° 1 p. 66IV n° 3 p. 24

GAR

O /

PHA

NIE

IV n° 5 p. 35

IV n° 2 p. 38

Page 7: In Vivo #7 FRA

5

IV n° 6 p. 34

POST-SCRIPTUM

LESS IS MORE

Dépistage inutileSelon une enquête de l’Office fédéral de la santé publique, le cancer du col de l’utérus

est trop souvent testé. Près de deux tiers des femmes de 25 à 49 ans effectuent un frottis chaque année. Les gynécolo-

gues recommandent un frottis tous les deux ans entre 21 et 29 ans, puis une fois tous les trois ans jusqu’à 70 ans. A partir de ces données, le Tages-Anzeiger conclut que c’est un million de

frottis en trop qui sont effectués chaque année, pour un surcoût de l’ordre de 70 millions de francs. /

NUMÉRIQUE

Google contre le diabèteLes géants du numérique

poursuivent leur expansion dans le monde de la santé. En août dernier, le groupe pharmaceu-tique français Sanofi a annoncé un accord avec la division des

sciences de la vie de l’américain Google. L’objectif: combiner le savoir-faire de l’un dans le

domaine des traitements et des dispositifs médicaux contre le diabète à l’expertise de l’autre

en matière d’analyse de données pour améliorer la prise en charge

de la maladie. /

IV n° 6 p. 60

AUTISME

Tester l’odoratDes scientifiques israéliens de l’Institut des sciences

Weizmann (Tel-Aviv) ont utilisé l’odorat pour détecter l’autisme chez des enfants de moins de 2 ans. Dans leur

article publié dans la revue Current Biology, les scientifiques démontrent que la respiration des autistes ne s’adapte que

très peu aux bonnes ou mauvaises odeurs. A contrario, les enfants non atteints ont modifié leur rythme respiratoire en moins

d’une seconde (305 millisecondes). Cette étude pourrait constituer un premier pas vers une méthode alternative de

détection de l’autisme, mais ces résultats doivent encore être dupliqués et vérifiés. /

IV n° 6 p. 19

OFE

R PE

RL

Page 8: In Vivo #7 FRA

Tour d’horizon de l’innovation médicale en Suisse romande.

IN SITU

HEALTH VALLEY

6

Grâce à ses hôpitaux universitaires, ses centres de recherche et ses nombreuses start-up qui se spécialisent dans le domaine de la santé, la Suisse romande excelle en matière d’innovation médicale. Ce savoir-faire unique lui vaut aujourd’hui le surnom de «Health Valley».

Dans chaque numéro de «In Vivo», cette rubrique s’ouvre par une représentation de la région. Cette carte a été réalisée par le maquettiste Adrien Pochon (voir p. 78) et le graphiste Sébastien Fourtouill.

GENÈVE P. 11

Deux pharmas asiatiques, Tasly et Santen, se sont installées au bout du lac.

TOLOCHENAZ P. 09

Un pacemaker de Medtronic sans boîtier et sans sonde a été implanté avec succès.

MAQ

UET

TE: A

DRI

EN P

OC

HON

ET S

ÉBAS

TIEN

FO

URT

OU

ILL,

PHO

TO: T

HIER

RY P

AREL

Page 9: In Vivo #7 FRA

LAUSANNE P. 09

Des tétraplégiques pilotent un robot à distance par la pensée.

NEUCHÂTEL P. 11

Le laboratoire médical portable de 1Drop Diagnostics sera commercialisé dès 2016.

MONTHEY P. 11

La start-up Karmagenes développe des tests de personnalité basés sur l’analyse ADN.

7

IN SITU HEALTH VALLEY

Page 10: In Vivo #7 FRA

IN SITU HEALTH VALLEY

La technologie au chevet des seniors Les gérontechnologies visent à améliorer la vie des personnes âgées. Plusieurs entreprises romandes sont actives dans ce domaine.

TEXTEBENJAMIN

KELLER

GÉRIATRIE Les Suisses vieillissent. Le nombre d’Helvètes âgés de 65 ans ou plus va presque doubler d’ici à 2060, à plus de 2,5 mil-lions de personnes, et leur proportion dans la population atteindra 28,3%, contre 17,1% en 2010, selon l’Office fédéral de la statistique (OFS). Le vieillissement démographique engendre des besoins dans les domaines des loisirs, des services à domicile ou encore des soins. Plusieurs entreprises romandes sont positionnées sur ce créneau.

Gait Up, spin-off de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) et du CHUV, a conçu un algorithme capable d’identifier certaines pathologies en fonction des mou-vements et de prévenir le risque de chute. Domosafety, une start-up également basée à l’EPFL, a mis sur le marché en 2015 un dis-positif d’alerte à domicile pour personnes âgées qui prévient les proches ou les profes-sionnels de la santé en cas d’incident ou de perte d’autonomie. Des capteurs installés dans le logement détectent tout changement anormal de comportement, tel qu’une absence de mouvement prolongée due à une chute.

Préserver l’autonomieL’objectif de Domosafety est de permettre

aux seniors de conserver leur autonomie tout en restant chez eux. Sous l’œil de Big Brother? «Le système n’est pas intrusif, répond Edouard Goupy, cofondateur et directeur. Il n’y a pas de caméra, pas de micro, pas d’obser-vation directe. Le but n’est pas de dire si quelqu’un passe 20% de son temps dans la salle à manger. Les indicateurs sont très pré-cis et ont été élaborés avec des infirmières et des médecins de soins à domicile. De plus, il n’y a aucun capteur sur la personne. Enfin, tous les réglages sont validés par l’utilisateur.»

Domosafety, qui emploie 14 personnes, pourrait prochainement collaborer avec le CHUV, dans le cadre de la plateforme d’éva-luation en santé mobile de l’établissement, baptisée NeuroTech et initiée par le Prof. Philippe Ryvlin, chef du Département des neurosciences cliniques. «L’idée est de se ser-

vir des dispositifs de Domosafety pour géné-rer de nombreuses données cliniques sur les patients atteints de maladies neurologiques, puis les stocker et les analyser, explique Stanislas Veuthey, responsable opérationnel du projet au CHUV. On pourrait imaginer pouvoir prédire une crise d’épilepsie quelques heures avant qu’elle ne survienne et envoyer une alerte au patient afin qu’il prenne les traitements adéquats.»

A Genève, PersonalCare Systems déve-loppe un système similaire qui devrait être commercialisé d’ici à début 2016. La start-up, fondée en 2012, a reçu le prix Graines de Boss au mois de mai dernier.

Les besoins du terrainMalgré leur profusion, les technologies

mises au point ne répondent pas forcément aux besoins du troisième âge, indique Henk Verloo, professeur à l’Institut et Haute école de la santé La Source à Lausanne. «Il y a un potentiel énorme, tout le monde en est convaincu, y compris les personnes âgées, mais il y a un écart entre ce que les ingénieurs conçoivent et les attentes des usagers. Beau-coup sont réticents à l’idée de porter des sys-tèmes d’alarme car ils ne veulent pas que ce soit visible. L’installation de capteurs à domi-cile est aussi difficilement acceptée.»

Henk Verloo participe à une étude pour identifier la perception et l’utilité des tech-nologies innovantes pour seniors à leur domi-cile, à laquelle collaborent les hautes écoles de santé genevoise, vaudoise et La Source ainsi que les services de soins à domicile des cantons de Genève et Vaud. La recherche ne se limite pas aux personnes âgées et à leurs proches, mais s’intéresse aussi aux perceptions des professionnels de la santé et se questionne sur la vision qu’ont les ingénieurs, les indus-triels et les chercheurs de ces technologies. Il y a notamment des aspects éthiques entre soignants et soignés à prendre en compte. «Avec les dispositifs d’alerte et de monitoring, les infirmiers ont l’impression de surveiller les patients. C’est une réalité du terrain.» ⁄

CI-DESSUS: LE BOÎTIER DE LA START-UP GAIT UP,

QUI IDENTIFIE DES PATHOLOGIES EN FONCTION DES

MOUVEMENTS, ET EDOUARD GOUPY, COFONDATEUR DE

DOMOSAFETY.

8

Page 11: In Vivo #7 FRA

IN SITU HEALTH VALLEY

9

QUELS SONT LES DERNIERS ACCOMPLISSE-MENTS DE VOTRE LABORATOIRE?

Des tétraplégiques ont pu diriger notre robot de télé-présence situé à l’EPFL par la pensée, depuis chez eux, à des centaines de kilomètres de distance. Et ce avec autant de succès que des utilisateurs valides sur place. Notre mission était de développer la technolo-gie du contrôle par la pensée – via les interfaces céré-brales – pour qu’elle puisse être utilisée par ceux qui en ont vraiment besoin, c’est-à-dire les personnes souffrant d’un handicap moteur grave.

COMMENT CE ROBOT FONCTIONNE-T-IL?Notre robot à roues est équipé d’une web-

cam qui filme ses environs et d’un écran qui affiche le visage du pilote. Il est contrôlé par la pensée: l’activité du cerveau est mesurée par des électrodes posées sur la tête. L’utilisateur apprend à contrôler son activité cérébrale pour donner des instructions. Pour faciliter le contrôle, le pilote est assisté par notre robot intel-ligent, qui apprend à détecter ses intentions et l’aide par exemple à éviter les obstacles.

QUELLES SONT LES APPLICATIONS DE CETTE TECHNOLOGIE?

Notre robot de téléprésence permet aux personnes à mobilité réduite de sortir de chez elles et d’interagir avec le monde. Nous avons démontré que cette tech-nologie est sûre et prête à être appliquée dans des conditions réelles. Mais les applications potentielles des interfaces cérébrales sont nombreuses: nous développons par exemple une interface qui enrichit l’expérience de la conduite automobile en prédisant les intentions du conducteur. /

1

2

3

JOSÉ DEL R. MILLÁNSON ROBOT DE TÉLÉPRÉSENCE CONTRÔLÉ

PAR LA PENSÉE OFFRE UNE NOUVELLE INDÉPENDANCE À DES PERSONNES PARALYSÉES

3 QUESTIONS À

José del R. Millán dirige la Chaire Fondation Defitech en interface cerveau-machine de l’EPFL

L’OBJET

MICRA TPSD’une longueur de 25,9 mm et d’une extrême

légèreté (1,75 g), le stimulateur cardiaque miniature de la société américaine Medtronic est révolutionnaire: sans boîtier et sans sonde,

il est implanté directement à l’intérieur du cœur via un cathéter. Produit à Tolochenaz,

ce pacemaker a été implanté le 1er juin 2015 sur cinq patients aux Hôpitaux universitaires de

Genève (HUG) et à l’Hôpital cantonal de Fribourg. Une première suisse.

L’EPFL avance vers le cerveau numériqueNEUROSCIENCES Une équipe du Blue Brain Project (BBP) de l’EPFL a reconstitué pour la première fois une partie du cerveau par ordinateur. Elle s’est concentrée sur un fragment d’un tiers de millimètres cubes du néocortex de jeunes rats, dont elle a répertorié les quelque 30’000 neurones connectées par 40 millions de synapses. Des superordinateurs ont ensuite simulé le comportement électrique émis par ce tissu virtuel. Même si la reconstitution ne concerne qu’une infime partie du cerveau, la portée de ce travail est très importante. «Le cerveau est une structure bien ordonnée et dès lors que vous commencez à comprendre cet ordre au niveau microscopique, vous pouvez commencer à déduire une grande partie des données manquantes», a déclaré Henry Makram, fondateur du projet européen Human Brain Project, dont fait partie le BBP.

BBP

/ EP

FL

Page 12: In Vivo #7 FRA

10

IN SITU HEALTH VALLEY

RÉSEAUAméliorer la communication et les réseaux de coordination à l’échelle internationale font partie des priorités pour augmenter le nombre de dons. Un Romand jouera un rôle clé dans ces démarches: Thierry Berney, médecin-chef du Service de transplantation des Hôpitaux universitaires de Genève, présidera la Société européenne de transplantation d’organes pendant deux ans. Le spécialiste vise notamment à développer des programmes d’échanges entre l’Europe et la Société américaine de chirurgiens de transplantation et souhaite aider les ex-pays de l’Est à développer leurs propres programmes de transplantation.

À CŒUR ARRÊTÉLes Hôpitaux universitaires de Genève et le CHUV vont relancer fin 2015 les prélèvements d’organes dits «à cœur arrêté». La plupart des prélèvements actuels se font en état de mort cérébrale due à une lésion au cerveau. Le prélèvement à cœur arrêté, lui, s’effectue suite à un arrêt cardiaque irréversible. Cela inclut principalement les décès consécutifs à la décision d’interrompre les soins intensifs. Grâce à cette mesure, le nombre de donneurs pourrait augmenter de 10 à 20%.

APPLa première carte de donneur

électronique au monde est le résultat d’une collaboration entre Jocelyn

Corniche, anesthésiste du CHUV et la fondation Swisstransplant. Disponible

depuis l’automne 2014 sous forme d’application pour smartphone, elle peut être consultée par les services

d’urgence même si le téléphone est verrouillé. Plus de 80’000 donneurs se

sont déjà enregistrés.

DON D’ORGANESEn Suisse, 100 personnes

décèdent chaque année faute de greffe. Près de 1’400 patients

figurent actuellement sur la liste d’attente. De récentes

initiatives devraient permettre à ces chiffres de diminuer.

THIERRY MAUVERNAYDANS UNE INTERVIEW ACCORDÉE AU «TEMPS» EN SEPTEMBRE 2015, LE PATRON DE LA BIOTECH

LAUSANNOISE DEBIOPHARM ENCOURAGE LES AUTORITÉS PUBLIQUES SUISSES À SOUTENIR DAVANTAGE LA RECHERCHE ET LE DÉVELOPPEMENT. SELON LUI, LA COMPÉTITIVITÉ DE LA SUISSE

SE DÉGRADE ET LE SOUTIEN PUBLIC À L’INNOVATION EST INSUFFISANT.

«Nous devons inventer de nouveaux modèles économiques

de la santé.»

Page 13: In Vivo #7 FRA

11

IN SITU HEALTH VALLEY

START-UP

DIAGNOSTICLa start-up neuchâteloise

1Drop Diagnostics a remporté le prix de la Fondation Vigier

(100’000 francs) pour son dispositif médical portable capable, à partir d’une goutte de sang, de détecter des centaines de maladies en une dizaine de minutes. Ce laboratoire médical portable peut notamment

trouver la trace de maladies cardio-vasculaires, infectieuses,

et de certains cancers. La commer-cialisation est prévue pour 2016.

LUCIOLESLa start-up de l’EPFL Lucentix révolutionne la détection de

molécules biologiques grâce aux vers luisants. L’enzyme produisant

la lumière des lucioles a été modifié pour s’allumer en

présence d’une molécule cible. Les applications sont nombreuses dans le domaine de la biologie et

de la médecine diagnostique.

PRISE DE SANGRéaliser des analyses à partir

d’une seule goutte de sang: c’est l’objectif du boîtier développé par

DBS System. De la taille d’une carte de crédit, le dispositif

s’apprête à être commercialisé par la start-up de Gland, qui vient de lever 600’000 francs. Les premiers clients sont des hôpitaux suisses.

PERSONNALITÉLa start-up valaisanne

Karmagenes commercialise un test de personnalité basé sur

l’analyse ADN. Il permet d’identi-fier 14 caractéristiques telle la tendance à être innovateur,

optimiste ou sociable. L’entreprise, qui juge son test fiable à 80%, pense intéresser les particuliers,

les sites de rencontre ou même les départements de

ressources humaines.

En million de francs, la somme reçue par les Hôpitaux universi-taires de Genève, l’Université de Genève et l’Université de Berne de la part du Fonds national suisse. Elle financera le dévelop-pement d’un nouveau type de scanner dédié à l’imagerie cérébrale en adaptant des technologies développées pour le LHC, le plus puissant accéléra-teur de particules du CERN.

1,9Communication scientifiqueMed Communications International, leader de l’information scientifique et médicale, a établi son siège social européen à Genève. La société améri-caine indique qu’elle allait «continuer à étendre ses services dans toute l’Europe depuis ce site central», et que l’ouver-ture du nouveau bureau s’inscrivait «dans sa stratégie visant à se position-ner comme le principal fournisseur mondial de services scientifiques auprès des entreprises pharmaceutiques, biotechnologiques, alimentaires, cos-métiques et d’équipements médicaux.»

Pharmas asiatiquesDeux nouvelles sociétés pharmaceu-tiques asiatiques se sont installées à Genève. La première, Tasyl, est le numéro 3 de la pharma en Chine. Depuis son nouveau siège européen, elle compte commercialiser des pro-duits liés à la médecine traditionnelle chinoise. Le groupe génère un chiffre d’affaires annuel de 4 milliards de dol-lars et emploie 10’000 collaborateurs. La deuxième est l’entreprise japonaise Santen, spécialisée dans le traitement des maladies oculaires. La multina-tionale espère tripler ses ventes sur le Vieux-Continent pour atteindre la barre des 300 millions d’euros d’ici à 2020.

80En millions de dollars, la somme que la start-up ADC Therapeutics, basée dans le Biopôle d’Epalinges, vient de lever. Spécialiste de l’oncologie, la société développe plusieurs produits destinés à traiter des maladies comme la leucémie et les lymphomes.

IMPLANTATIONS

Des souris retrouvent l’ouïeTHÉRAPIE GÉNIQUE Des souris sourdes ont retrouvé l’ouïe grâce à un nouveau traitement développé par des chercheurs américains, en col-laboration avec une équipe de l’EPFL. Les souris souffraient de surdité héréditaire due à une mutation dans le gène TMC1. Les chercheurs ont utilisé la thérapie génique pour introduire une version fonctionnelle du gène touché dans les cellules de l’oreille interne des souris. Ces cellules ont ainsi retrouvé leur fonction, et les souris leur ouïe. Patrick Aebischer, président de l’EPFL, estime que cette méthode pourra être testée sur des humains atteints de surdité d’origine génétique d’ici 5 à 10 ans.

Page 14: In Vivo #7 FRA

IN SITU HEALTH VALLEY

ÉTAPE N° 7LAUSANNEKB MEDICALSUR LA ROUTE

Dans chaque numéro, «In Vivo» part à la rencontre

des acteurs de la Health Valley. Lausanne est la destination de cette édition.

Depuis sa création en 2012, KB Medical s’est entièrement consacrée au développe-ment du robot AQrate. Cette technologie assiste les chirurgiens dans la réalisation des opérations de la colonne vertébrale de manière mini-invasive, soit lorsque le travail est effectué à travers une incision miniature. «Seules 20% des interventions de la colonne sont effectuées de manière mini-invasive, contre 80% pour les chirurgies gastriques, explique Jean-Marc Wismer, CEO de KB Medical depuis 2014. Il y avait une réelle demande de la part des professionnels pour une technologie adaptée aux spécificités de ces opérations, pratiquées pour traiter les hernies discales, scolioses et autres malformations dorsales.» Et pour cause: elles requièrent une extrême précision, car les risques sont très élevés. Une lésion au niveau des artères ou de la moelle épinière peut en effet directement mener à la paralysie ou au décès du patient.

«Dès le début de la conception, nous avons réalisé le produit en ayant en tête les contraintes réglementaires et cliniques.

Nous avons sollicité des chirurgiens pour qu’ils nous fassent part de leurs besoins, ce qui nous a permis de travailler sur des questions très concrètes.» Résultat: en plus d’une plateforme hardware et d’un système de navigation et d’imagerie 3D, AQrate est peu encombrant, d’une utilisation intuitive et offre une précision millimétrique au chirurgien. Le robot est actuellement en phase de test, mais Jean-Marc Wismer pense déjà à la suite. «Nous espérons pouvoir lancer la commercialisation début 2016. Plusieurs discussions avec de grands groupes de distribution sont en cours, notamment en Allemagne et aux Etats-Unis.»

Spin-off de l’EPFL fondée par deux étu-diants, KB Medical a fait du chemin depuis ses débuts. Plus d’une quinzaine d’inno-vations ont été brevetées et l’équipe de dix personnes vient de déménager dans de plus grands bureaux au centre de Lausanne où elle poursuit le développement de nouvelles fonctionnalités. «L’objectif à moyen terme est que les opérations mini-invasives du rachis deviennent plus courantes. /

TEXTE: LEÏLA HUSSEIN

12

Un robot pour la chirurgie de la colonne vertébrale La société KB Medical développe

une technologie qui vise à démocratiser les interventions mini-invasives du rachis.

Page 15: In Vivo #7 FRA

IN SITU HEALTH VALLEY

Vous cherchez de l’audience, distillez de mauvaises nouvelles! On vous lira,

on applaudira votre esprit visionnaire, on vous respectera. Inquiétez-vous, et

on se dira que vous faites preuve de prudence… or la prudence est une vertu

cardinale, donc vous êtes sage ou du moins sur la voie de la sagesse. Je vais

donc m’inquiéter… de ceux qui considèrent que «l’herbe est toujours plus

verte dans le pré du voisin».

Ce proverbe d’une grande sagesse illustre le fait que l’on n’est que rarement satisfait du

pré dans lequel on évolue. L’herbe du pré d’à côté paraît toujours plus verte, plus

appétissante, plus fraîche. Sans doute parce que l’on ne la connaît pas. Sans doute aussi

parce que l’on se focalise sur les inconvénients que l’on perçoit dans son propre pré et que l’on

s’illusionne sur les avantages de l’autre.

Or, si c’est peut-être vrai, n’oublions pas qu’un pré ce n’est pas que de l’herbe, c’est aussi

le ruisseau qui l’irrigue et qui l’abreuve, c’est aussi la forêt qui pousse et pas seulement l’arbre

qui tombe, ce sont les autres qui ont été mis dans le même pré...

La maturité consiste à avoir compris que si l’on passait dans le pré d’à côté, on perdrait des choses au profit d’autres. Sage est celui qui trouve son bonheur dans ce qu’il a, direz-vous. A quoi j’ajoute, ne vous laissez pas entraîner par ceux qui ne savent pas où aller, mais accompagnez ceux qui franchiront la frontière de leur univers pour s’imprégner de l’intelligence déployée dans d’autres contrées et reviendront enrichir leur propre pré avec résolution et enthousiasme. Voyez en votre pré une terre d’opportunités, entretenez-le, faites-le vivre, révélez son potentiel avant de le moissonner. Ainsi en l’aidant, vous vous aiderez, l’intelli-gence que vous mettrez en le cultivant sera la semence de vos succès.

C’est dans cet état d’esprit que je vous encourage à réserver la date du 16 mars 2016, une occasion unique de vous immerger dans le futur des Sciences de la vie de votre pays.La Suisse regorge de talents dans ce domaine. Alliant passion et action, nous avons prouvé notre capacité à transformer des idées en activités florissantes. Mais une question se pose: comment pérenniser ces résultats, voire les améliorer? Afin d’y répondre, le rapport «Life Sciences Nation» présente une étude particulièrement pertinente.

Nombreux sont les «jardiniers» qui y travaillent. Ils seront présents à l’occasion de son vernissage le 16 mars à l’Hôtel Casino de Berne. Rejoignez-les. Inscription sous www.republic-of-innovation.org. ⁄

DR

13

BENOÎT DUBUISIngénieur, entrepreneur, président de BioAlps et directeur du site Campus Biotech

A ceux qui voient l’arbre qui tombe, je conseille de soutenir la forêt qui pousse.

EN SAVOIR PLUSwww.bioalps.org la plateforme des sciences de la vie de Suisse occidentale

Page 16: In Vivo #7 FRA

1414

IN SITU GLOBE

IN SITU

AUTOUR DU GLOBEParce que la recherche ne s’arrête pas aux frontières, In Vivo présente les dernières innovations médicales

à travers le monde.

Le prix en dollar d’une dose de DDD107498, un médicament qui serait capable de prévenir la contamination et de soigner le paludisme.

Selon le professeur Ian Gilbert, l’un des membres de l’équipe de chercheurs de l’Université de Dundee (Ecosse) à l’origine de la découverte

publiée dans la revue «Nature», le traitement a le potentiel de soigner la malaria avec une seule

et unique dose. Le composé est maintenant développé par le géant pharmaceutique allemand Merck Serono; Ian Gilbert estime que les patients

auront accès au médicament d’ici 5 à 6 ans.

BAN KI-MOONSELON LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE L’ORGANISATION

DES NATIONS UNIES, IL EST POSSIBLE DE METTRE UN TERME À L’ÉPIDÉMIE D’ICI À 2030 À CONDITION DE DÉBOURSER

32 MILLIARDS DE DOLLARS PAR AN JUSQU’EN 2020.

«Nous allons vers une génération sans sida.»

1

RECHERCHE L’opacification partielle ou totale du cristallin, soit la cataracte, pourrait bientôt être traitée par l’application de gouttes ophtal-mologiques au lanédol, une substance naturel-lement produite par les yeux. C’est la découverte réalisée par une équipe sino-américaine de l’Université de San Diego publiée dans la revue Nature. Le seul traitement actuellement disponible consiste à remplacer le cristallin par un implant via une opération chirurgicale. Le traitement avec un collyre de lanédol a montré de très bons résultats lors des phases d’expérimentations animales: la clarté des cris-tallins des chiens et des lapins a augmenté.

Cataracte: la fin de la chirurgie

 L’OBJET

UNE ÉPONGE POUR DÉTECTER LE CANCER

L’équipe de Rebecca Fitzgerald, de l’Université de Cambridge, a développé

une «cytosponge», une pilule qui, une fois avalée, libère une éponge capable de récolter

des cellules tout au long de l’œsophage. L’entreprise irlandaise Covidien envisage une commercialisation de cette éponge médicale qui permettrait d’effectuer des prélèvements de manière moins coûteuse et moins invasive

qu’une biopsie traditionnelle.

Page 17: In Vivo #7 FRA

15

IN SITU HEALTH VALLEY

15

IN SITU GLOBE

UNE GREFFE DES DEUX MAINS POUR UN ENFANT DE 8 ANS  INNOVATION  Zion Harvey est le plus jeune enfant à s’être fait greffer deux mains. Les 40 professionnels de l’hôpital pour enfants de Philadelphie ont opéré le garçon pendant plus de dix heures. Le directeur du programme de greffe des mains de l’hôpital, Scott Levin, a expliqué que cette intervention «est le résultat d’années d’entraînement, suivies par des mois de préparation». Zion Harvey avait dû être amputé de ses membres suite à une nécrose des tissus. Il a également subi une greffe de rein, une procédure qui a facilité la greffe de ses deux mains car il suivait déjà un traitement pour empêcher le rejet d’organes.

Furiously Happy: A Funny Book About

Horrible ThingsJENNY LAWSON,

FLATIRON BOOKS, 2015

Dans son deuxième ouvrage, la journaliste américaine Jenny Lawson revient sur son combat contre ses troubles psychiques. Avec son style inimitable, drôle et irrévérencieux, elle illustre son propos d’anecdotes incroyables. Elle relate par exemple avoir invité un groupe de kangourous dans sa maison sur un coup de tête, à la plus grande surprise de son mari. Ce livre se veut être un guide pour s’accepter tel que l’on est, avec nos qualités et nos défauts.

The amazing story of the man who gave us

modern pain reliefLATIF NASSER, TED, MARS 2015

Dans sa dernière confé-rence TED, le directeur de la recherche de Radiolab, Latif Nasser, conte l’his-toire d’un illustre inconnu: John J. Bonica, un lutteur professionnel et médecin, considéré comme étant à l’origine de l’étude de la douleur. Cet émigré sicilien, qui est passé des rings au chevet de vétérans de la Seconde Guerre mondiale aux Etats-Unis, a notamment écrit The Management of Pain en 1951, un ouvrage séminal considéré comme un classique de la littérature consacrée à la douleur.

Le bonheur plus fort que l’oubli

COLETTE ROUMANOFF, MICHEL LAFON, 2015

L’écrivain et directrice d’une troupe de théâtre Colette Roumanoff a découvert que son mari était atteint d’Alzheimer en 2005. Dix ans plus tard, elle livre un témoignage touchant sur la cohabitation avec la maladie qu’elle nomme «la confusionnite». Malgré la dégradation progressive des capacités cognitives de Pierre, Colette assure vivre une relation heureuse. Sa recette? Comprendre les mécanismes de la maladie, pour mieux comprendre les réactions de son mari et adapter son comportement en conséquence.

LA SÉLECTION

IN VIVO

LES LIENS VERS LES CHRONIQUES ET LES VIDÉOS SUR

WWW.INVIVOMAGAZINE.COM

Le déni des parents alimente l’épidémie

d’obésité juvénileJAN HOFFMAN, NEW YORK TIMES,

JUNE 2015

La lutte contre l’obésité des jeunes bute sur un obstacle de taille aux Etats-Unis: les parents. Dans un article publié dans le New York Times, la journaliste Jan Hoffman relate l’histoire d’une mère offusquée par les conseils d’une diététicienne: «Je ne peux pas croire que vous me conseillez d’arrêter d’acheter des cookies!» Ce déni peut s’expliquer par différents facteurs, comme le sentiment de culpabilité des parents eux-mêmes en surpoids.

PR N

EWSW

IRE

/ NE

WSC

OM

Page 18: In Vivo #7 FRA

161616

IN SITU GLOBE

MICROSCOPIE 3D SANS COLORANTSUn nouveau type de microscopie a permis la réalisation de cette image de sperme humain. Grâce à un processus rapide ne nécessitant aucun traitement chimique pour mettre en évidence différents compartiments cellulaires, l’instrument, mis au point par la jeune société Nanolive à Ecublens, permet de faire des clichés de cellules vivantes, et d’en construire un modèle en trois dimensions. En utilisant une combinaison d’holographie et de balayage rotationnel (rotational scanning), ainsi qu’un puissant algorithme de reconstruction d’image, le microscope permet de mesurer les changements subtils dans la façon dont la lumière se propage à travers l’échantillon en fonction de la composition des différentes structures présentes au sein de la cellule. NANOLIVE.CH

Page 19: In Vivo #7 FRA

17

IN SITU GLOBE

Page 20: In Vivo #7 FRA

L’INFORMATION EN CONTINU

Tout savoir sur les Sciences de la vie et l’innovation. Des rubriques pour vous: Agenda, Innovation, People, Science, etc. L’actualité de nos entreprises, de nos hautes-écoles, de nos organismes de soutien à l’innovation sur un seul site.

D republic-of-innovation.ch

REPUBLIC OFINNOVATION

“The joys of discovery are made all the richer when shared. Learn about innovation and experience that goes beyond everyday lives.”BENOIT DUBUIs Founder BioAlps, Eclosion, Inartis

“Republic of Innovation, un site instructif, intelligent, ouvert et très facile à lire. C’est un vrai plaisir, en plus d’être une véritable aide.”ThIERRy MAUvERNAy Delegate of the Board Debiopharm Group

wza

rt c

onsu

lting

INVIVO4_6_18_FR_print.indd 18 24.10.2014 14:52:54

Page 21: In Vivo #7 FRA

ADOLESCENTSFOCUS

RECHERCHE

ADOLESCENTS: POUR UNE MÉDECINE

SUR-MESURE

/Envahis par des changements physiques,

psychologiques et sociaux, les adolescents ont des besoins propres et nécessitent une prise en charge

spécifique. Le milieu hospitalier se mobilise.

PAR CÉLINE BILARDO

ET MELINDA MARCHESE

/

19

Page 22: In Vivo #7 FRA

20

FOCUS ADOLESCENTS

La plupart du temps, elle démarre par une poussée de petits boutons et de poils, une odeur corpo-relle nouvelle, puis enclenche des changements

physiques marquants et quelques fluctuations d’hu-meur… Loin d’être un phénomène anodin, la puberté reflète une étape critique de l’adolescence. «C’est là que tout démarre, souligne Anne-Emmanuelle Ambresin, médecin-cheffe de la Division interdisci-plinaire pour la santé des adolescents (DISA) au CHUV. C’est une gâchette hormonale qui se couple à des changements tant au niveau cognitif, biologique, que comportemental.» Une transformation qui amène aussi les jeunes adolescents – qui ne sont plus des enfants, mais pas encore des adultes – sur la voie de l’autonomisation, de leur recherche d’identité sexuelle mais aussi personnelle et professionnelle.

Tous ne traversent pas cette période de grands remaniements de la même manière. Pour la majorité d’entre eux, elle est propice à l’ap-prentissage, à la créativité et à l’affir-mation de soi. Mais pour 10 à 20% de ces jeunes, selon les estimations des spécialistes, l’adolescence peut être synonyme de grande vulnérabi-lité et de prise de risques.

Décrochage scolaire, excès d’alco-ol, attitudes violentes et tentatives de suicide sont quelques exemples de dérapages possibles. «Les ado-

lescents qui vont mal demandent une attention et une approche médicale particulières», remarque Susan Sawyer, directrice de la Chair of Adolescent Health de l’Université de Melbourne (Australie). Cette émi-nente spécialiste de la prise en charge des adolescents estime qu’ils «représentent une population longtemps négligée dans les études de santé.» Anne-Emmanuelle Ambresin abonde dans ce sens: «Il y a 30 ans, les scientifiques commençaient à discuter de la spécifi-cité des adolescents, ce n’est que depuis quelques années seulement que leur prise en charge est deve-nue une priorité.»

C’est au Canada, en Australie, en Amérique du Nord puis en Europe que des centres médicaux et des hôpi-taux dédiés aux adolescents ont d’abord vu le jour. La

médecin-cheffe de la DISA cite une étude menée par l’épidémiologiste australien George Patton en 2011, qui a fait parler d’elle à l’échelle in-ternationale et qui a permis de mettre en lumière la nécessité de s’intéresser davantage aux jeunes et à leur santé. «Cette recherche a montré que la mortalité des enfants avait chuté ces trente dernières an-nées, mais que la courbe de morta-lité des jeunes de 14 à 19 ans, elle, n’avait pas bougé. C’est ainsi que l’on a constaté qu’il y avait un effort sup-plémentaire à faire pour répondre aux besoins des adolescents.»

UN CERVEAU QUI GRANDIT

Une des principales découvertes qui a amené les spé-cialistes à mieux comprendre les adolescents et leur développement porte sur leur cerveau. L’avancée de l’imagerie médicale de ces dix dernières années a per-mis de démontrer que si cette population agit parfois avec impulsivité et émotion, la raison réside dans le fait que leur cerveau n’est pas encore mature.

Directeur de différentes unités de soins pour adoles-cents au CHUV, le pédopsychiatre Laurent Holzer

explique que la maturation cérébrale n’est effective-ment pas encore terminée à ce stade de vie, et que la partie qui mature en dernier (ce, jusqu’à l’âge de 30 ans!), le cortex préfrontal, est celle qui permet au jeune adulte de planifier ses actions, gérer ses ressen-tis et contrôler ses réactions. «La part biologique de la puberté et tous les nouveaux mécanismes qui s’ac-tivent à ce moment-là vont pousser le jeune ado-lescent à prendre des risques, à tester simplement où il en est et jusqu’où il peut aller. C’est aussi son envi-ronnement social qui l’aidera à maîtriser ces nou-veaux défis. Alors que pour l’enfant, la socialisation s’effectue sur des bases explicites, pour l’adolescent, tout passe par l’implicite: il doit saisir le second de-gré, comprendre pourquoi il rougit, quels sont les signes d’interactions en lien avec la sexualité… L’ado-

L’ADOLESCENCE, C’EST QUOI?

Les Nations unies définissent un adolescent comme «toute personne

âgée de 10 à 19 ans». Les avis divergent pourtant: se définit-elle

uniquement en termes d’âge? L’adolescence est aujourd’hui communément définie par les

spécialistes comme une période de la vie située entre l’enfance et l’âge adulte, qui démarre au moment de

la puberté, soit autour de 12 ans. Quant à sa fin, elle varie et

correspondrait au moment où le jeune est autonome et indépendant

professionnellement. Elle est estimée entre 24 et 25 ans.

Page 23: In Vivo #7 FRA

21

FOCUS ADOLESCENTS

ERIC

DÉR

OZE

«LES MÉDECINS ONT PEUR DES ADOLESCENTS»Anne-Emmanuelle Ambresin* insiste sur l’importance de former tous les médecins de premier recours à la prise en charge des adolescents.PROPOS RECUEILLIS PAR CÉLINE BILARDO

adolescent n’est plus un enfant, mais pas encore un adulte. Il mérite une approche adaptée à son âge tant au niveau de la communication que des soins proposés. Le corps médical doit être sensibilisé à la question.

iv Qu’est-ce qui fait la spécificité d’une ap-proche médicale dédiée aux adolescents?aea Les jeunes adolescents demandent plus de temps qu’un patient qui viendrait en consultation pour adultes. La question de la confidentialité doit toujours être abordée avec un ado ainsi que le tutoiement/vouvoie-ment car, il peut ne plus vouloir être tutoyé, par exemple.

Leurs problèmes, physiques et psychiques, mobilisent souvent également une équipe multidisci-plinaire, des soignants à plusieurs degrés de soins qui doivent arriver à travailler en réseau. Il est impor-tant que tous les médecins sachent comment aborder un adolescent pour qu’il s’ouvre et crée un lien avec le corps médical.

iv Comment faites-vous passer le message?aea Sur l’initiative du Prof. Pierre-André Michaud, pionnier de la médecine de l’adolescence à Lausanne, nous avons introduit plus de 16 heures de cours sur la médecine de l’adolescence dans le cursus universitaire des étu-diants en médecine à Lausanne. Nous proposons également des formations sur trois jours aux médecins de premiers recours (médecins généralistes, pédiatres, gynécologues) qui montrent un intérêt. Tous seront amenés, dans leur pratique, à soigner un ado-

lescent. Et ce sont eux qui servent de premier filtre et peuvent identifier un jeune qui a besoin d’aide.

iv Quelle est la réaction des médecins durant ces formations?aea Les soignants sont le plus souvent soulagés à l’issue de ces cours! Je pense que les adoles-cents souffrent encore d’énormes préjugés et les médecins ont souvent peur de les recevoir dans leur cabinet. Ils disent ne pas être prêts et ne pas réussir à les faire parler. Le but des formations est de permettre aux professionnels de la santé d’expérimenter le «savoir-être» avec un adolescent. Ces derniers demandent

simplement à être écoutés par une personne de confiance, qui les respecte, qui soit compétente dans son domaine et qui sache leur parler. Ils apprennent à poser des questions simples mais essen-tielles afin de repérer un ado-lescent qui souffre et de pouvoir répondre à ses besoins, ou dans les cas trop complexes, le diriger vers un centre comme la DISA par exemple, où il sera pris en charge de manière interdisciplinaire.

*ANNE-EMMANUELLE AMBRESIN EST MÉDECIN-CHEFFE DE LA DIVISION INTERDISCIPLINAIRE POUR LA SANTÉ DES ADOLESCENTS (DISA) AU CHUV.

L’

Page 24: In Vivo #7 FRA

22

FOCUS ADOLESCENTS

A l’école primaire, Luna* rencontre quelques difficultés, notamment avec ses camarades. «Les autres élèves m’embêtaient souvent et les enseignants n’intervenaient pas; ils ne m’ont fourni ni soutien ni écoute. J’avais l’impression qu’ils étaient même agacés par cette situation, qui les faisait sortir de leur confort… J’étais seule la plupart du temps et ne pouvais compter que sur moi-même pour réussir mon année scolaire.» La jeune fille y parvient et réussit à améliorer ses résultats pour finalement accéder à la voie gymnasiale. «Je suis sortie fatiguée de cette période, qui ne m’a pas aidée à gagner en assurance. Il était difficile d’envisager pouvoir prendre confiance en moi. En 2010, alors que je n’avais que 13 ans, ce malaise s’est manifesté par des troubles alimentaires. En quelques mois, j’ai perdu 20 kg.»

Luna est alors prise en charge par la Division interdisciplinaire de santé des adolescents (DISA) du CHUV. «Il s’agit du seul endroit où je me suis sentie bien, comprise et entendue. Les ados ont besoin

de reconnaissance, mais aussi d’écoute, sans jugement. Beaucoup d’adultes ont tendance à dramatiser la situation, ce qui est à mon sens une mauvaise façon d’aborder un problème avec un adolescent. Au contraire, il faut apprendre aux jeunes à prendre du recul, et abor-der les problèmes avec sérénité.»

Pour les soins, la jeune femme doit en revanche continuer à se rendre dans des structures pour enfants. «Un épisode m’a marquée lorsque j’avais 16 ans… je me suis rendue dans un hôpital pédiatrique, initialement pour une simple transfusion de potassium. Le personnel soignant a décidé que je devais rester sur place. J’avais beau répéter les consignes de mon médecin traitant, personne ne m’écoutait, ma parole n’avait aucune valeur. Je voulais être considérée comme une adulte, pas comme une enfant. Etre hospitalisée aux côtés de bébés me mettait aussi mal à l’aise, les infirmières parlaient de moi comme de «la grande» et me tutoyaient, comme les autres enfants. Cela ne me plaisait pas.»

La jeune femme voulait aussi pouvoir discuter en toute discrétion de sa situation avec le personnel soignant. «Dans les hôpitaux pédia-triques, les médecins s’adressaient à ma mère, en ma présence. Pourtant, depuis le début de mes problèmes de santé, j’avais tout à fait conscience des enjeux et des risques. Je voulais avoir mon mot à dire.»

Aujourd’hui, Luna est en voie de guérison. «Mes plaies cicatrisent doucement… elles étaient pro-fondes.» Malgré ses problèmes de santé, elle a poursuivi sa scolarité jusqu’à aujourd’hui. «J’ai trouvé du soutien auprès de certains profs du gymnase, mais aussi dans la pratique de l’hypnose. Pouvoir m’exprimer à travers l’art, la musique en particulier, m’a aussi aidée à aller de l’avant.» A 18 ans, elle poursuit sa prise en charge au sein de la DISA. «Je suis très attachée à mon médecin traitant, qui m’a suivie, et comprise, pendant toute mon adolescence.»

*PRÉNOM D’EMPRUNT

«LES JEUNES ONT BESOIN DE RECONNAISSANCE»LUNA, 18 ANS, LAUSANNE

JOHA

NN P

ELIC

HET

Page 25: In Vivo #7 FRA

23

mieux comprendre les troubles psychiatriques surve-nant à cette période de la vie.» Les recherches ont montré que les jeunes répondent à un processus hor-monal en marche. La puberté affecte leur corps, leur cerveau et de cela découlent des comportements ex-ploratoires qui peuvent les mettre en danger et pro-voquer des pathologies.

DES BESOINS DIFFÉRENTS

On les dit parfois violents, en conflit avec l’autorité et la société, «mais les adolescents ne sont pas contre tout et ne sont pas tout le temps en colère», affirme

FOCUS ADOLESCENTS

lescent doit être stimulé et soutenu par ses pairs du-rant cette période critique pour la socialisation.»

UNE MEILLEURE COMPRÉHENSION DE L’ADOLESCENTL’adolescence signe le début des grandes pathologies adultes. «80% des maladies psychiatriques adultes émergent à l’adolescence, note Olivier Halfon, pédo-psychiatre et directeur du Service universitaire de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent (Supea). La schizophrénie et les conduites addictives se révèlent souvent durant cette tranche d’âge, mais aussi les troubles bipolaires ou les troubles du comportement alimentaire, avec des conséquences se poursuivant à l’âge adulte. Un enfant peut aller très bien et montrer petit à petit des symptômes d’une telle maladie au moment de la puberté.»

Le spécialiste remarque que les recherches en neuro-biologie ont bousculé sa vision du développement du cerveau de l’adolescent: «Elles nous ont permis de

Pré-adolescenceDE 10 À 14 ANS

Les premiers signes de la puberté se manifestent: les poils poussent, la peau devient plus grasse, la transpiration plus forte. La taille de la poitrine augmente chez les filles, et les règles commencent. Chez les garçons, c’est la taille des testicules qui augmente et leur voix mue. La capacité de réflexion grandit avec une attention portée davantage sur le présent que sur l’avenir. La réflexion morale s’approfondit. Par ailleurs, les premiers conflits d’identité commencent, tout comme les doutes sur son corps. Le désir d’indépendance et le besoin d’identité, mais aussi les sautes d’humeurs émergent.

AdolescenceDE 15 À 19 ANS

La croissance se stabilise chez les filles, mais continue pour les garçons. La capacité de réflexion s’accroît, l’adolescent parvient à se fixer des objectifs; les doutes naissent sur le sens de l’existence. Progressivement, un nouveau rapport avec le corps et l’apparence physique se construit. Pendant ces années, l’adolescent va parfois ressentir une grande estime de soi. Ce sen-timent peut totalement s’inverser à d’autres moments. La distanciation vis-à-vis des parents s’installe. Les spécialistes observent éga-lement que l’intérêt pour le sexe commence à se manifester lors de cette tranche de vie. L’adolescent demande plus d’intimité.

Jeunes adultesDE 20 À 24 ANS

A 20 ans environ, les jeunes femmes ont normalement terminé leur croissance, alors que les garçons gagnent encore en poids et en masse musculaire. D’un point de vue cognitif, la capacité d’exprimer des idées clairement s’acquiert pendant ces années. Le jeune adulte est capable de prendre du recul sur les expériences, et présente un besoin de recon-naissance moins important qu’auparavant. L’identité sexuelle est affirmée; la confiance en soi, l’indépendance et un sens de l’altruisme se construisent. Généralement, on remarque aussi la mise en place d’une certaine stabilité émotionnelle.

Page 26: In Vivo #7 FRA

FOCUS

Son représentant thérapeutique, un de ses parents ou les deux se prononcent à sa place.Les parents sont les

représentants légaux. En cas de divorce, la règle est l’autorité parentale conjointe.

Si les parents ne trouvent pas de consentement ou s’ils ne sont pas jugés aptes à représenter leur enfant, celui-ci sera placé sous l’auto-rité d’un tuteur.

ADOLESCENTS

24

INFO

GRA

PHIE

RÉA

LISÉ

E À

L’AID

E D

E JE

ANNE

-PAS

CAL

E SI

MO

N, JU

RIST

E SP

ÉCIA

LIST

E, U

NITÉ

DES

AFF

AIRE

S JU

RID

IQU

ES D

U C

HUV.

INCAPABLE DE DISCERNEMENT

INCAPABLE DE DISCERNEMENT

Au regard du droit médical, ce sont les droits de l’enfant qui régissent ceux de l’adolescent (mineur). Depuis le début du XXe siècle, les instances juridiques n’ont cessé de réfléchir à l’assouplissement et à l’ouverture de plusieurs règles à leur égard.

ADOLESCENT MINEUR

PARENTS JUSTICE

ADOLESCENT MAJEUR

Un adolescent jugé capable de discerne-ment, même soumis à l’autorité parentale, a le choix d’accepter ou de refuser un traitement. Il est maître du secret médical.

L’adolescent incapable de discernement est représenté par son représentant légal. C’est lui qui décide mais le jeune est informé et consulté.

PARENTS

Lorsqu’une intervention est jugée urgente et qu’aucun représentant légal n’est joignable dans un délai raison-nable, le corps médical peut agir sans consen-tement, dans l’intérêt du patient et selon sa volonté présumée.

L’adolescent majeur est présumé capable de discernement.

Si l’adolescent souffre de troubles psychiques ou d’addictions, sa ca-pacité de discernement n’est plus présumée et devra être évaluée.

La capacité de discernement s’évalue dans un cas concret et pour chaque nouvelle situation. C’est le médecin qui juge de la capacité de discernement de son patient. Notion centrale dans les situations où des décisions devront être prises, la capacité de discernement s’évalue selon:

Un critère intellectuel

L’enfant comprend les enjeux de sa décision.

Un critère de volonté

L’enfant prend sa décision selon sa libre volonté et

maintient son choix.

COMMENT S’ÉVALUE LA CAPACITÉ DE DISCERNEMENT?

LES ADOLESCENTS ET LEURS DROITS

CAPABLE DE DISCERNEMENT

CAPABLE DE DISCERNEMENTURGENCES

Le corps médical peut prodiguer les soins nécessaires lorsqu’il reçoit le consentement de l’adolescent ou de la personne qui a le droit de le représenter.

Page 27: In Vivo #7 FRA

25

FOCUS ADOLESCENTS

Françoise Narring. La responsable de l’Unité santé jeune aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) souligne la complexité de traiter avec des adolescents et de communiquer avec eux pour bien les com-prendre. «Loin de se dévoiler facilement, les jeunes viennent souvent consulter pour un problème phy-sique, comme un mal de tête ou de ventre qui cache en fait un souci plus profond. Il s’agit de savoir leur parler, de poser les bonnes questions et ainsi dépister un adolescent qui se porte plus mal qu’il ne le dit afin d’organiser un suivi.»

Les parents, l’école et les médecins de premiers re-cours (pédiatres et médecins de famille) sont les pre-miers acteurs de ce dépistage précoce. Les spécialistes des adolescents s’efforcent ainsi de les informer et de les former à la prise en charge des jeunes (voir interview p. 21).

DES CONSULTATIONS SPÉCIFIQUESLe développement d’unités spécialisées dans les hôpitaux telles que la DISA à Lausanne, l’Unité santé jeune à Genève ou encore la Chair of Adolescent Health à l’Université de Melbourne démontre la prise de conscience et la mobilisation en cours pour offrir aux adolescents des structures et des soins qui leur sont dédiés.

Ces espaces leur sont essentiels: «Un adolescent ne se sentira pas à l’aise dans une salle d’attente chez son pédiatre, mais il n’est parfois pas encore prêt non plus à être soigné par un médecin pour adultes, explique Franziska Phan-Hug, endocrinologue, pédiatre et médecin responsable au Centre d’endocrinologie et métabolisme du jeune adulte (CEMjA) du CHUV.

Initiative lancée en 2013, le CEMjA se développe en tant qu’espace de transition, où se rencontrent méde-cins pour enfants et pour adultes, spécialisés dans les maladies chroniques et maladies rares, plus spécifi-quement les pathologies endocriniennes (troubles de la croissance, syndrome de Turner, variation de la différenciation sexuelle) et les troubles liés au diabète. «On peut penser qu’un enfant qui suit un traitement depuis l’enfance se montrera plus discipliné qu’un autre lors de son passage à travers l’adolescence, et pourtant c’est le contraire. Un jeune qui souffre d’une maladie chronique se rebellera et testera davantage ses limites que les autres.»

Acceptation de la maladie, de sa différence, nouvelle prise de conscience des enjeux de sa pathologie (ne pas pouvoir avoir d’enfant pour un trouble lié à la fertilité par exemple): la souffrance d’un adolescent

Sarah* vit actuellement une période de transition. «Je suis sur le point de quitter la Division interdisciplinaire pour la santé des adolescents (DISA) du CHUV, qui me suit depuis plus de sept ans.» A 22 ans, la jeune femme se dit prête à être prise en charge par les services pour adultes. «La transition se fait progressivement, en douceur, ce qui me convient très bien. Je pense que ce transfert est même nécessaire. Jusqu’à présent, j’étais très contente d’être suivie par des spécialistes de l’adolescence. Cela m’a beaucoup aidée à surmonter les difficultés rencontrées lors de ces dernières années.»

Placée en foyer en 2008, loin de sa famille, Sarah prend rapidement beaucoup de poids. «Je suis passée de 56 kg à 130 kg. J’ai ainsi commencé à souffrir de diabète et d’apnée du sommeil.» Elle passe quelque temps au sein de l’Unité d’hospitalisation psychia-trique pour adolescents (UHPA) du CHUV. «Le per-sonnel est formé à la communication avec les jeunes, j’appréciais beaucoup les échanges avec les infirmiers et infirmières. Et pourtant, ce n’était pas facile d’interagir avec moi! Ado, j’avais une attitude rebelle, de «caïd»… parfois, je n’avais tout simplement pas envie de parler. Cela était respecté. Si j’avais besoin de parler, un adulte était là pour nous. Je parlais librement, sans pression. Cela n’aurait pas été possible avec l’un de mes parents, j’aurais eu trop peur de leurs réactions, de les décevoir.»

Grâce à cette prise en charge spécialisée, Sarah a l’impression d’avoir vécu une adolescence «normale». «Nous faisions plein d’activités avec les éducateurs, ils nous emmenaient au bowling, au terrain de sport… et même boire des verres. Ils comblaient le manque affectif créé par l’absence de ma famille.»

Depuis quelques mois, Sarah vit seule et apprécie son indépendance. «Je suis prête à vivre ma vie d’adulte. Il ne me reste plus qu’à trouver un apprentissage dans la restauration. Au sein des différents foyers dans lesquels j’ai vécu, j’ai eu l’occasion de cuisiner et j’adore ça!»

*PRÉNOM D’EMPRUNT

«JE SUIS PRÊTE À VIVRE MA VIE D’ADULTE»SARAH, 22 ANS, LAUSANNE

JOHA

NN P

ELIC

HET

Page 28: In Vivo #7 FRA

26

FOCUS ADOLESCENTS

L’adolescence pour Leila? «Une période de transition entre l’enfance et l’âge adulte, lors de laquelle il est nécessaire de gagner progressive-ment en liberté et en autonomie.» Cette liberté, la jeune fille s’en est sentie privée. «Depuis toute petite, je suis une personne indépendante, je me suis débrouillée seule très jeune… lorsque j’avais 14 ans environ, ma mère a essayé de se rapprocher de moi, de communiquer davantage, mais cela n’a pas fonctionné. J’étais toujours sur la défensive, dès lors notre relation a commencé à se dégrader et à devenir conflictuelle. Parfois, c’était explosif! A 15 ans, je suis partie vivre chez une amie, puis chez mon copain.»

Suite à un nouveau gros conflit, les parents décident de faire appel à un pédopsychiatre pour aider la jeune femme à communiquer, tout en gérant ses émotions. Sans succès.

Elle séjourne ensuite quelques semaines au sein de l’Unité d’hospitalisation psychiatrique pour adolescents (UHPA) du CHUV. «Je me suis retrouvée avec des jeunes de tout âge, tout type de problème confondu. Nous devions faire les mêmes activités, mais les intérêts, ou les goûts en matière de films par exemple, ne sont pas les mêmes à 12 ou à 16 ans. Certains ados souffraient de troubles alimentaires, nous n’avions donc pas le droit d’avoir de la nourriture dans nos chambres. D’autres avaient des tendances suicidaires, alors certains produits, comme le dissolvant pour vernis à ongles, n’étaient pas tolérés. Dans mon cas, je trouvais toutes ces interdic-tions inutiles, voire frustrantes. Cette privation de liberté a été très dure pour moi. Tous les ados qui rencontrent des difficultés ne

doivent pas être pris en charge de la même manière.»

Leila explique qu’elle avait avant tout besoin d’écoute. «Je pense qu’il faut laisser les ados s’exprimer, et les conseiller, sans leur dire ce qu’ils doivent faire, ni ce qui est «bien» ou «mal». Un ado a besoin de se sentir libre dans ses choix, tout en se sentant soutenu par un adulte.»

A 18 ans aujourd’hui, la jeune femme a choisi d’arrêter sa scolarité temporairement pour se consacrer à sa passion, la danse, tout en travaillant pour pouvoir s’auto- financer. «Je me sens une «jeune adulte». Je suis contente de pouvoir faire mes propres choix, mais je ressens encore le besoin d’avoir des conseils, de pouvoir m’exprimer, sans être jugée. Pour l’instant, je n’ai pas trouvé la personne avec laquelle je me sens à l’aise de discuter.»

«TOUS LES ADOS NE DOIVENT PAS ÊTRE PRIS EN CHARGE DE LA MÊME MANIÈRE» LEILA,18 ANS, LAUSANNE

JOHA

NN P

ELIC

HET

Page 29: In Vivo #7 FRA

27

FOCUS ADOLESCENTS

atteint d’une maladie chronique s’accentue. D’autant plus que cette dernière peut évoluer et montrer de nouveaux symptômes ou complications.

«Les cas d’arrêts de traitement sont fréquents quand ces personnes ne sont pas bien préparées à gérer leur traitement de manière autonome et à se séparer de leur endocrinologue pédiatre», poursuit Franziska Phan-Hug. Mettre sur pied des coconsultations, où l’adolescent est écouté et par son spécialiste pédiatre et par un médecin spécialiste pour adultes est ainsi jugé comme une nécessité dans le milieu médical, avec un suivi personnalisé, amenant l’adolescent à se prendre en charge de manière volontaire.

POURSUIVRE LES EFFORTS

Le CEMjA a réalisé 400 consultations l’année de son ouverture au CHUV. Il en dénombre plus de 1’500 aujourd’hui. Un chiffre qui confirme que ces centres spécialisés répondent à une vraie demande. Mais reflètent-ils un état de santé des adolescents qui s’aggrave? «Les jeunes ne sont en aucun cas «pires» qu’hier, estime le pédopsychiatre Laurent Holzer. Les professionnels et le public sont aujourd’hui sim-plement plus sensibles à leurs problèmes, qui étaient auparavant considérés comme sans conséquence sur leur devenir. Notre devoir est désormais de conti-nuer à repérer ceux qui présentent des signes pré-coces de pathologies psychiatriques et de renforcer leur prise en charge.» Un travail démarré il y a dix ans par des équipes «mobiles» au CHUV, telles que l’Equipe mobile adolescents (EMA) qui intervient auprès des jeunes (13-18 ans) du canton de Vaud qui refusent les soins ou échappent à un suivi ambula-toire et propose un soutien dans leur lieu de vie (à domicile, ou en foyer par exemple).

De nouveaux chiffres brisent aussi un cliché: leur consommation en substances psychoactives comme le cannabis est en nette diminution depuis dix ans. Cher-cheuse à l’Institut universitaire de médecine sociale et préventive à Lausanne (IUMSP), Sonia Lucia a récem-ment mené, en équipe, une enquête populationnelle sur la victimisation et la délinquance chez les jeunes dans le canton de Vaud (2014). Les résultats, publiés

cette année, parlent d’eux-mêmes: le taux de jeunes consommant de l’alcool entre 14 et 16 ans, sur une fré-quence hebdomadaire, est passé de 18 à 7% en dix ans, ceux consommant du tabac de 18 à 14% et du cannabis de 9 à 5%.

«Il reste beaucoup à faire pour améliorer encore cette médecine spécifique aux adolescents, souligne Susan Sawyer, directrice de la Chair of Adolescent Health à l’Université de Melbourne: poursuivre nos recherches sur les adolescents, les efforts engagés dans le développement de structures appropriées, établir des modèles de prise en charge mais aussi promouvoir l’expertise chez les soignants de l’ap-proche aux adolescents.» /

Puberté: de plus en plus tôt«Les scientifiques ont observé une baisse drastique de l’âge moyen de la puberté, passant de 17 à 12 ans, en moins de deux siècles», indique Susan Sawyer, directrice de la Chair of Adolescent Health de l’Université de Melbourne. Le phénomène, aujourd’hui stable, a été particuliè-rement observé chez les filles, par l’apparition des règles, bien que le premier signe de puberté chez elles soit le développement des seins et l’augmentation de la taille testiculaire chez les garçons.

Les raisons de cette évolution? «Elles sont, d’une part, liées à des facteurs positifs et montreraient que l’on a une meilleure hygiène et une meilleure nutrition qu’auparavant, explique Susan Sawyer. Et, d’autre part, à une cause négative, qui serait liée à l’influence de l’environne-ment notamment par la présence en augmentation de perturbateurs endocriniens, que ce soit dans les produits cosmétiques, de nettoyage ou les emballages alimentaires.» Ces derniers peuvent directement interfé-rer sur notre système hormonal.

Page 30: In Vivo #7 FRA

28

INTERVIEW «L’ADOLESCENCE N’EST PAS UNE MALADIE»Professeur émérite de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent à l’Université Paris-Descartes, Philippe Jeammet décrypte le rôle clé que jouent les parents dans le développement de leur progéniture.

in vivo Quelle est votre définition de l’adolescence?philippe jeammet Elle est une réponse de la société à un phénomène physiologique qu’est la puberté. L’adolescence n’est pas un phénomène nouveau, mais la manière dont on y répond est nouvelle. On est loin des rites de passage des sociétés traditionnelles que nous avions dans notre enfance, où il y avait une coupure, comme sur le plan religieux, du passage de la fin de scolarité du primaire au secondaire, des mœurs au niveau des sorties, de ce que l’on autorisait aux garçons ou aux filles. Le cadre a énormément bougé.

iv La notion de liberté ressort beaucoup dans vos différents ouvrages, notamment celle laissée par les parents aujourd’hui. Pourquoi? pj Cela me paraît tout à fait fondamental et peut-être même plus dans la tête des parents que des adolescents. Il faut bien comprendre que la liberté n’est pas l’absence de règles. Ce sont d’autres règles et qui surtout s’expriment autrement qu’autrefois. Je crois que l’on a remplacé l’autorité verticale de la société du milieu du XXe siècle, où l’autorité des adultes était beau-coup plus importante. Aujourd’hui, les ados peuvent se permettre de parler aux adultes comme jamais on l’aurait fait autrefois. Mais cela ne traduit pas un manque de respect, c’est simplement que le rapport d’autorité hiérarchique a changé.Beaucoup de parents se sentent dépassés et se disent que si ce n’est pas ce qu’ils ont connu, alors

PROPOS RECUEILLIS PAR

CÉLINE BILARDO

FOCUS ADOLESCENTS

cela ne va pas. Il existe pourtant une autre forme d’autorité, plus horizontale mais aussi plus fatigante pour les parents. Celle de pouvoir légitimer ses décisions: pourquoi fait-on acte d’autorité? On ne peut plus l’imposer, dire que c’est comme ça et que l’on doit faire comme ça. Il faut dire: «voilà pourquoi je ne suis pas d’accord». Cela oblige les adultes à s’expliquer, mais il est aussi nécessaire qu’ils sachent quoi répondre. Les problèmes actuels sont aussi liés au désarroi des parents.

iv Quel est l’impact de ce désarroi sur les adolescents?pj Ce désarroi des adultes va devenir un facteur d’anxiété pour les plus jeunes. Et rien n’est plus contagieux que l’anxiété. iv De nombreuses maladies mentales se révèlent durant l’adolescence, pourquoi?pj Les maladies mentales qui naissent souvent à l’adolescence, telles que la schizophrénie, les troubles de l’humeur ou l’anorexie ont toutes un point commun: l’enfermement comme réponse à la peur, courante durant cette période de vie.

Mais l’adolescence n’est pas une maladie, c’est un état normal! La majorité va bien. C’est par contre un révélateur de ce qui demeure en nous de manque de confiance, d’incertitude, car au moment de l’adolescence, cette mutation du corps et de l’accès à la sexualité adulte va obliger l’adolescent à prendre une distance par rapport aux parents et réussir à percevoir ce qui est en lui, ce qu’il a dans le ventre, dans la tête, se mettre à l’épreuve de ses ressources. Elle offre un moyen, à travers les plus fragiles, de voir sur quelques années comment quelqu’un qui avait une enfance tranquille, face à cette tâche de devoir s’approprier ce qu’il a reçu de ses parents, agir en son nom propre, avoir un sentiment de solitude, peut paniquer et développer des peurs importantes

Biographie Professeur émérite de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent à l’Université Paris- Descartes, le pédopsy-chiatre et psychanalyste français est également président de l’école des parents et des éducateurs d’Ile-de-France (EPE-IDF). Il accueille, écoute et conseille des patients adolescents depuis 1968. Philippe Jeammet est l’auteur de plusieurs ouvrages sur les adolescents.

Page 31: In Vivo #7 FRA

29

qui vont l’obliger, biologique-ment, à réagir activement pour se protéger et protéger son équilibre psychique.

iv Que risque l’adolescent?pj Tous ces troubles dits psychia-triques vont l’enfermer dans un des trois domaines qui sont nécessaires à l’épanouissement de la personnalité, c’est-à-dire prendre soin de son corps, développer ses compétences scolaires et développer la sociabilité. L’adolescent fragilisé va se fermer dans un de ces trois modes d’échange, quelquefois les trois. En se fermant, il va retrouver une maîtrise qui le rassure. «Ça ne m’intéresse pas d’aller à l’école, cette vie sociale ne m’intéresse pas, je suis un rebelle.» Sur le moment, ça le protège parce que ça lui donne du sens et il redevient maître de lui. Sauf que ça va le couper des échanges valorisants qu’il pourrait avoir. Il est prisonnier de ses comportements et plus il est prisonnier, plus il lui est difficile d’aller vers les autres et plus il s’enferme. C’est un cercle vicieux pathogène.

iv Quelle est la place des parents dans le suivi médical d’un ado? pj Il vaut mieux parfois mettre un temps de cou-pure avec les parents, pas parce que les parents sont mauvais mais parce que la relation est trop chargée d’émotion. Dans le cas de l’anorexie mentale par exemple, quand l’enfant mange, le parent peut se sentir soulagé alors que son enfant est toujours angoissé. Il faut couper pendant un moment cette relation de tension et d’emprise mutuelle. Il faut que les parents comprennent que ces comportements ne sont pas choi-sis, ils ne sont pas là pour embêter, pour provoquer ou encore s’opposer. L’enfant se comporte ainsi pour avoir l’impression de maîtriser sa situation alors qu’il est en détresse. Il y a toute une conception qu’il faut changer de la maladie mentale. Elle n’est pas une faiblesse, ni

une maladie comme les autres, mais une fragilité émotionnelle qui va rendre difficiles les rapports de coconstruction avec l’entourage.

iv Quelle serait la meilleure attitude des parents face à un adolescent qui semble perdu?pj C’est qu’ils puissent dire «attendez, il ne faut pas s’enfermer, il faut qu’on puisse en parler». Eventuellement avec un tiers, et se dire «qu’est-ce qu’on veut, quel but, que l’on garde de l’atten-tion envers l’autre, de la considération.» Pouvoir prendre du recul et trouver comment faire évoluer ce lien avec l’enfant. Pour ça, il faut en parler et

pouvoir apprendre à mobiliser ses émotions et ne pas s’enfermer. C’est ce message qu’il faut porter. La maladie c’est la rigidification d’un malentendu qui pourrait évoluer de manière tout autre. ⁄

FOCUS ADOLESCENTS

Le pédopsychiatre Philippe Jeammet s’intéresse depuis plus de 40 ans aux sentiments, tels que la peur et la solitude, qui peuvent se révéler dévastateurs chez les adolescents.

THO

MAS

LO

UAPR

EA lire «Grandir en temps de crise», Bayard Jeunesse, 2014«Adolescences», La Découverte, 2012«Anorexie, boulimie: les paradoxes de l’adolescence», Fayard, 2011

Page 32: In Vivo #7 FRA

30

«Quand un consommateur n’a aucune autre source

de plaisir dans sa vie, il se shoote parce qu’il ne peut

rien faire d’autre. Par contre, si une personne a des

alternatives intéressantes, comme travailler et gagner

de l’argent ou gagner le respect de ses pairs d’une

manière ou d’une autre, cette personne restera sobre.»

CARL HART

MENS SANAPE

TER

ASH

LEE

/ AR

T +

COM

MER

CE

Page 33: In Vivo #7 FRA

31

MENS SANA INTERVIEW

CARL HART Le chercheur américain s’est fait connaître en questionnant de nombreux présupposés liés aux addictions. Installé temporairement à Genève, il prépare un deuxième ouvrage.

Carl Hart n’est pas un chercheur traditionnel: aujourd’hui âgé de 49 ans, il a passé sa jeunesse dans un quartier défavorisé de Miami, où il a consommé et vendu de la drogue. «Je suis l’opposé du cliché du chercheur blanc issu d’une famille riche», dit-il en riant. Il est le premier professeur d’origine afro-américaine titulaire en sciences de l’Université Co-lumbia, où il mène des projets de recherche sur l’impact des drogues sur le comportement humain.

Sa pensée, décrite dans son livre High Price*, suscite l’ire des politiciens conservateurs, qui la jugent pro-vocatrice et infondée. Des membres de la commu-nauté scientifique se sont exprimés pour soutenir son approche et rappeler que ses opinions reposent sur des recherches pertinentes et des données so-lides. «Les arguments de Carl Hart sont convain-cants», assure dans le New York Times Craig R. Rush, psychologue à l’Université du Kentucky spécialisé dans les comportements liés à la consommation de drogues. «Je soutiens l’opi-nion de Carl Hart, ajoute David Nutt, profes-seur de neuropsychopharmacologie à l’Impe-rial College London. Le facteur social doit toujours être considéré lorsque l’on parle de dépendance, d’autant plus dans les sociétés défavorisées ou qui n’ont pas la possibilité de s’épanouir.»

Carl Hart habite temporairement à Genève. Il y travaille sur son prochain livre, qui sera

en partie inspiré par la politique de la drogue helvétique.

IV L’évocation dans votre livre de vos pro-blèmes de jeunesse aurait pu nuire à votre car-

rière. Pourquoi en avoir parlé? CARL HART Je vou-lais que les gens sachent que je ne suis pas un cliché de scientifique blanc et riche. Mais, surtout – et c’est

l’un des objectifs de mon livre – je voulais aussi ins-pirer la jeunesse afro-américaine et lui donner de l’espoir: même si on commet des erreurs, nous ne

sommes pas condamnés à ne rien faire de notre vie. On peut toujours réussir et avoir un bon travail. Tout le monde a le droit d’avoir une vie mouvementée et de se

rattraper par la suite. Mon parcours l’illustre.

IV Parlez-nous de la fameuse expérience Rat Park, réalisée dans les années 1970, que vous décrivez dans

votre livre. CH Lors de cette expérience, certains rats vivaient dans un environnement social riche et excitant, tandis que d’autres rats étaient solitaires et devaient habi-ter dans des cages sinistres. Et les deux groupes de rats

pouvaient choisir de s’auto-administrer de la morphine. Le résultat? Les rats qui vivaient dans le milieu excitant pre-naient bien moins de morphine que leurs tristes comparses.

«La politique suisse en matière de drogue m’inspire»

INTERVIEW: CLÉMENT BÜRGE

Page 34: In Vivo #7 FRA

32

MENS SANA INTERVIEW

IV Vous avez reconstitué cette expérience avec des humains. Pouvez-vous décrire ce que vous avez fait et comment?

CH Nous avons recruté des personnes dépendantes et leur avons donné du crack le matin. Puis, au cours de la journée, nous leur avons proposé soit de reprendre du crack soit de gagner 5 dol-lars. Et nous changions la dose de crack que nous proposions, celle-ci était parfois plus élevée, parfois plus petite.

IV Qu’avez-vous découvert? CH Nous avons constaté que la décision de prendre de la drogue était tout à fait ration-nelle et ne répondait pas seulement à une logique de dé-pendance. Quand la dose de crack offerte était minime, le participant choisissait de prendre l’argent à la place. Quand elle était grande, il prenait le crack. Quand une alternative intéressante s’offre à un toxicomane, il prend des décisions rationnelles.

IV Votre recherche va à l’encontre du discours habi-tuel sur la drogue. D’où vient ce décalage? CH Le principal problème a trait à une question de percep-tion, qui a contaminé toute la communauté scienti-fique: lorsque nous, les chercheurs, entamons un pro-jet de recherche, nous avons tendance à percevoir les drogues comme quelque chose de négatif, de diabo-lique presque. Seuls les impacts nocifs des drogues ont été étudiés et décrits. Or, en tant que scienti-fique, nous nous devions d’avoir une compréhension en profondeur d’un sujet et de l’aborder sous plusieurs angles.

IV Quels seraient les aspects positifs des drogues? CH Les effets positifs sont mul-tiples: chez certaines personnes, les drogues facilitent les interactions sociales, amé-liorent les performances sexuelles et les capacités cognitives. Les êtres humains vont toujours consommer des drogues, qu’im-porte les lois et autres interdictions mises en place. Nous nous devons d’analyser les différents aspects de l’impact des drogues sur le corps humain.

IV Quelles sont, selon vous, les idées erro-nées qui existent autour de l’addiction? CH Il y a tellement d’idées reçues. La plu-part des gens pensent que le crack est telle-

ment addictif qu’une seule prise suffit à vous en rendre dépendant. Idem avec l’hé-roïne: une unique injection, et voilà, vous devenez toxicomane.

IV Ce qui est faux? CH 80 à 90% des gens qui consomment des drogues illégales ne sont pas toxi-comanes. La grande majorité sont des personnes responsables. Ils ont un job, ils paient des impôts, ils s’occupent de leur famille.

IV Vous réfutez aussi l’idée que les gens qui prennent de la drogue ont plus de chances de tomber dans la criminalité. CH Le public mélange prise de drogue et crime. Pourtant, il est prouvé que les effets pharmacologiques des drogues ne poussent

pas les gens à devenir des criminels. On peut comparer l’impact des drogues dures à celui de l’alcool: nous savons tous qu’une personne ivre peut être turbulente, mais la grande majorité des gens ne le sont pas. Nous avons donné des milliers de doses de crack à des sujets en laboratoire et cela n’a jamais provoqué un seul comportement violent. Le fait qu’une personne devienne agressive ou commette un crime n’a donc rien à voir avec la drogue en soi.

IV On entend souvent dire que la drogue rend les gens oisifs. Qu’en pensez-vous?

CH Le mythe veut que les drogues aient un impact sur les performances cognitives d’un individu, que la drogue empêche les gens de devenir des membres productifs de notre société et détruise des familles. Mais la

BIOGRAPHIECarl Hart est un leader en matière de recherche sur l’impact des drogues sur le comportement humain. Né en 1966 dans un quartier défavo-risé de Miami, il intègre les forces aériennes américaines à l’âge de 18 ans. Quatre ans plus tard, il entre-prend des études scientifiques à l’Université du Maryland. En 2013, il publie le livre High Price: A Neuroscien-tist’s Journey of Self-Discovery That Challenges Everything You Know About Drugs and Society.

«LES ÊTRES HUMAINS VONT TOUJOURS CONSOMMER DES DROGUES, QU’IMPORTE LES LOIS ET AUTRES INTERDICTIONS MISES EN PLACE.»

Page 35: In Vivo #7 FRA

33

MENS SANA INTERVIEW

simple prise de drogue ne peut pas être la source de ces maux. Ces difficultés sont cau-sées plutôt par la situation personnelle d’un individu. Est-il pauvre? Vit-il dans un quar-tier à risque? Va-t-il à l’école? Est-ce qu’il travaille? Il faut prendre en compte toute une série de facteurs.

IV Vous dites que c’est l’environnement et non la drogue qui a un impact sur le par-cours d’un individu? CH C’est une équation très simple à réaliser: la drogue provoque un effet d’euphorie, ce qui constitue un renforce-ment positif. Quand un consommateur n’a au-cune autre source de plaisir dans sa vie, pourquoi ne pas prendre de la drogue? Il continuera à se shooter parce qu’il ne peut rien faire d’autre. Par contre, si une personne a des alternatives intéressantes, comme travail-ler et gagner de l’argent ou gagner le res-pect de ses pairs d’une manière ou d’une autre, cette personne restera sobre.

IV Lors de vos expériences, vous injectez des drogues à vos participants, ce qui est inhabituel. Pourquoi ne pas se contenter de travailler avec des rats?

CH C’est mon mentor Marian Fischman qui a commencé à mener ce genre d’expé-rience à l’Université Columbia dans les années 1980. Elle voulait savoir comment les humains réagissent quand on leur donne de la drogue, ce qui n’avait encore jamais été fait dans un contexte de labora-toire. Le grand avantage de travailler avec des humains est qu’on peut leur poser des questions. On peut ainsi comprendre toute la complexité de leurs déci-sions et réactions.

IV Mais cette méthode est-elle éthique? CH C’est effective-ment une question très sensible. Nous faisons attention à ne pas donner de la drogue à des gens qui n’en avaient ja-mais pris. En même temps, ne pas faire d’études sur les humains ne serait pas non plus éthique. Tous nos traite-ments et nos lois seraient uniquement basés sur des constats empiriques et des observations réalisées sur des rats.

IV La drogue provoque néanmoins des dégâts. S’ils ne sont pas dus à la nature de la substance elle-même, comment les expliquer? CH Les politiques publiques en matière de drogue ont fait énormément de tort. La criminalisation de la drogue est une énorme erreur. Il y a tellement d’exemples de la toxicité de ces politiques. Par exemple, aujourd’hui, quand on arrête une personne qui consomme de la drogue, elle peut en garder une trace dans son casier judiciaire pen-dant des années, cela l’empêche d’obtenir un job et de re-tourner sur le droit chemin.

IV Que faire pour améliorer la situation? CH Il faut dé-criminaliser la drogue, il ne faut plus arrêter et emprison-ner les consommateurs de drogue. Au lieu de traquer les consommateurs, la police devrait plutôt s’assurer que les drogues vendues ne soient pas toxiques et que la drogue

ne soit pas coupée avec des produits dan-gereux. Il faudrait aussi mieux éduquer les jeunes, comme on le fait avec l’alcool.

IV Que pensez-vous de la politique suisse en matière de drogue? CH La Suisse est admirable sur plusieurs plans. C’est princi-palement le ton du débat qui m’impres-sionne. On aborde les questions liées à la drogue de manière pragmatique et les pro-grammes de soutien aux héroïnomanes sont fantastiques. Donner de la drogue aux toxi-comanes comme forme de traitement est une approche intelligente qui fonctionne. Aux Etats-Unis, on n’oserait même pas mentionner cette idée. Toute question liée à la drogue est traitée au travers d’un prisme idéologique qui diabolise la drogue. Cela nous empêche de réfléchir correctement.

IV Vous vous trouvez maintenant à Genève où vous travaillez sur votre nouveau livre. Pour-quoi avoir choisi la Suisse pour lancer ce nouveau projet? CH La Suisse a une approche intéressante face à la drogue. Cela m’aide à enlever les œillères que je suis forcé de porter aux Etats-Unis. Mon nouveau livre va essayer de saisir la question de la drogue de manière différente. Etre à Genève me permet de libé-rer mon esprit. ⁄

À LIRE*“High Price: A Neuros-cientist’s Journey of Self-Discovery That Challenges Everything You Know About Drugs and Society”, Ed. Harper, 2013. “Is Cognitive Functioning Impaired in Methamphe-tamine Users? A Critical Review”, 2011, Nature.“Acute Physiological and Behavioral Effects of Intra-nasal Methamphetamine in Humans”, 2007, Nature.

À VOIR“Let’s quit abusing drug users”, TED Conference, 2014.Lien vers les articles et la vidéo sur www.invivomagazine.com

Page 36: In Vivo #7 FRA

34

MENS SANA INNOVATION

e drone ressemble à une grosse mouche métallique, entourée d’une cage circulaire. Lorsque l’appareil se met en vol, la cage agit comme une coque protec-trice. Il peut se cogner contre les obstacles sans dommage. «Nous avons passé des centaines d’heures à observer des insectes voler pour comprendre comment ils font pour rester stables après une collision, détaille Patrick

Des médicaments venus du ciel

Chercheurs et humanitaires s’intéressent aux drones pour

aider les patients et les victimes de catastrophes. Mais des

obstacles techniques et législatifs restent à surmonter.

venus à pénétrer dans la centrale nucléaire endommagée.»

Matternet, une start-up califor-nienne, a pour sa part créé des drones capables d’amener des médicaments et des biens de première nécessité (eau, rations alimentaires) aux victimes de catastrophes naturelles. Elle les a testés en Haïti suite au trem-blement de terre de 2010 et au Bhoutan, pays choisi en raison du mauvais état de ses routes, et donc idéal pour tester les drones.

Terre des Hommes aussi s’est servi de drones en Haïti, après le pas-sage de l’ouragan Sandy en 2012. «Certaines maisons avaient été emportées sur 15 kilomètres par une rivière, relève Frédéric Moine, conseiller en systèmes d’infor-

TEXTE: JULIE ZAUGG

Thévoz, cofondateur de Flyability, une société lausannoise issue du Pôle de recherche national en robotique de l’EPFL, récemment classée parmi les trois meilleures start-up suisses par Venturelab. Il en est né un drone incroyable-ment souple et agile, capable de se glisser dans les environnements les plus hostiles et exigus.»

Cela en fait un partenaire idéal pour les sauveteurs, lorsqu’il s’agit de retrouver des victimes coincées sous un immeuble effondré après un tremblement de terre, pris au piège dans un bâtiment en feu ou surpris par une tempête en haute montagne. «Les robots roulants utilisés actuellement sont souvent bloqués par des débris au sol, note l’entrepreneur. On l’a vu à Fukushima, où ils ne sont pas par-

L

Page 37: In Vivo #7 FRA

35

MENS SANA INNOVATION

mation auprès de l’ONG. Un drone équipé d’une caméra nous a permis de constater l’ampleur des dégâts.» La comparaison de ces images avec celles réalisées avant la catastrophe par OpenStreet-Map, une initiative citoyenne de cartographie participative qui a pour but de créer une carte du monde en libre accès grâce aux

inputs des communautés locales, a permis de guider les efforts de reconstruction.

Medair, une autre agence huma-nitaire, en a fait un usage similaire grâce au soutien de la Chaîne du Bonheur suite au typhon Haiyan, qui a ravagé les Philippines en 2013. D’autres ONG s’en servent

pour surveiller les mouvements de réfugiés ou pour repérer si des mines antipersonnel ont migré suite à un glissement de terrain.

AMBULANCE VOLANTEL’humanitaire n’est pas la seule application possible. Alec Momont, un chercheur de l’Uni-versité de Delft, aux Pays-Bas, a

1. DOTÉ D’UNE CARAPACE EN CARBONE, LE DRONE DE LA START-UP LAUSANNOISE FLYABILITY EST CAPABLE DE REPRENDRE SON VOL APRÈS S’ÊTRE HEURTÉ À UN MUR OU À UN OBSTACLE.

2. LE «DRONE-AMBULANCE» DU CHERCHEUR NÉERLANDAIS ALEC MOMONT INTERVIENT AUPRÈS DE PERSONNES VICTIMES DE MALAISES CARDIAQUES. VOIR VIDÉO SUR WWW.INVIVOMAGAZINE.COM.

FLYA

BILI

TY, J

P5\Z

OB/

WEN

N.CO

M /

NEW

SCO

M

Page 38: In Vivo #7 FRA

36

MENS SANA INNOVATION

imaginé un appareil qui pour-rait servir d’ambulance volante. Equipé d’une boîte contenant un défibrillateur, un tourniquet et quelques autres outils de premier secours, il peut atteindre un patient en l’espace d’une minute dans un rayon de 12 km2, contre dix minutes en moyenne pour une ambulance classique.

Le drone s’oriente grâce à un GPS qui se connecte au télé-phone portable de celui qui a appelé les urgences. Et une fois arrivé sur le site de l’accident, il permet à un soignant de poser un diagnostic à distance et de guider les gestes de secours par le biais d’une caméra fixée sur le drone. «Cela permet de faire passer les chances de survie d’un patient en arrêt cardiaque de 8 à 80%», selon Alex Momont.

Cornelius Thiels, médecin et chercheur à la clinique Mayo, dans le Minnesota, a une autre idée en tête. «Beaucoup d’hôpitaux ne parviennent pas à stocker suffi-samment de produits sanguins. Un seul patient nécessitant une trans-fusion massive peut épuiser leurs réserves.» Résultat, ils doivent transférer le malade vers un autre hôpital ou se faire livrer du sang par la route ou par les airs.

Outre son coût, une telle opération représente un risque pour le per-sonnel de santé – chaque année, 40 soignants décèdent au cours de ce genre de transferts – et le véhicule peut rester coincé dans le trafic, mettant en danger la vie du patient.

Ces engins pourraient servir aussi à acheminer des échantillons de laboratoire ou des médicaments aux patients vivant dans des zones reculées. «Les traitements à base de narcotiques pourraient être livrés sous forme de dose quoti-dienne, plutôt que mensuelle, ce qui minimiserait les risques de dépendance», ajoute le médecin. A terme, ces appareils pourraient même transporter des organes. «Cela permettrait de coordonner l’offre et la demande de façon plus flexible, et donc de réduire le temps d’attente chez les patients nécessitant une transplantation.»

DRONES DE RECHERCHELa recherche médicale a elle aussi commencé à s’appuyer sur les drones. Project Premonition, une initiative américaine qui a pour but d’identifier de nouveaux virus en décodant leur génome, s’en sert pour capturer des moustiques et accéder aux échantillons de sang animal ou humain qu’ils contiennent. «Je chasse les mous-tiques depuis vingt ans et jusqu’ici, cela impliquait de poser des pièges en pleine nature à pied ou en camion, soupire Douglas Norris, microbiologiste à l’Université John Hopkins, qui participe au projet. Une équipe de scientifiques pouvait en poser 8 à 12 par jour au maximum.» Project Premonition veut désormais confier cette tâche à un drone. «Il peut voler en ligne droite, sans devoir contourner des obstacles, et peut travailler jour et nuit», se réjouit le scientifique. Il pense qu’un seul de ces engins pourrait remplacer une équipe entière de poseurs de pièges.

Malgré leur potentiel, les drones ont encore du chemin à parcourir. L’appareil moyen ne peut porter plus de 2 ou 3 kilos et ne peut res-ter en l’air que durant une heure. Cela restreint son rayon d’action à 90 km2 au maximum. «Si on leur fait transporter des médicaments ou des échantillons de laboratoire, il faut en outre s’assurer qu’ils ne soient pas exposés à la chaleur ou à l’humidité en cours de vol», note Cornelius Thiels.

De nombreux pays ont aussi des lois restreignant l’usage de leur espace aérien par des drones. «Chaque Etat a ses propres règles, relève Patrick Thévoz, de Flyability. En Suisse, les drones ne peuvent pas voler à moins de 5 km d’un aéroport, au-delà d’une certaine altitude et au-dessus d’une foule.» En France, il faut déposer ses plans de vol auprès des autorités et obtenir une homologation. «Mais une loi est en préparation, sur le plan européen, pour uniformiser tout cela», ajoute-t-il.

L’usage de ces appareils volants soulève en outre certaines ques-tions en lien avec la protection de la vie privée. Si on les déploie pour surveiller des réfugiés avec une résolution de 4 cm au sol, leur visage devient tout à fait reconnaissable. De même, si les médicaments envoyés au domi-cile d’un patient sont interceptés par un voisin par exemple, celui-ci aurait des informations sur son état de santé. L’envol des drones doit donc encore surmonter plusieurs obstacles. ⁄

Page 39: In Vivo #7 FRA

37

MENS SANA TENDANCE

LES INTERNAUTES, DE GÉNÉREUX DONATEURS

TEXTE: CATHERINE COCHARD ILLUSTRATION: TANG YAU HOONG

Le financement participatif, ou crowdfunding, a déjà permis la publication d’ouvrages, de disques ou la réalisation de projets

artistiques. C’est désormais le milieu de la santé qui y fait appel.

Page 40: In Vivo #7 FRA

38

MENS SANA TENDANCE

LA LÉGISLATION EN LA MATIÈREEn Suisse, les contraintes légales liées à ces levées de fonds relèvent de la législation exis-tante sur les mar-chés financiers. Elles s’imposent aux sociétés bénéficiaires, soit aux exploitants des plateformes de crowdfun-ding. «La Suisse connaît la règle dite de «10/20», selon laquelle toute société suisse qui béné-ficie de crédits accordés par plus de 20 établis-sements autres que des banques est considé-rée comme une banque par le droit de l’impôt anticipé», explique Damien Conus, avocat et enseignant à la Haute école de gestion à Genève. Autre cas de figure: l’obligation pour l’exploitant d’une plateforme de financement participatif de remplir les devoirs de diligence d’un intermédiaire financier liés à la législation sur le blanchi-ment d’argent – vérifier l’origine de l’argent notamment – ou d’obtenir une autorisation d’exercer, liée à la législation sur les banques, selon le contrôle qu’il exerce sur les fonds circulants.

ujourd’hui, il est difficile d’échapper aux sollicitations en matière de crowdfunding. Qu’il s’agisse de soutenir un film, un livre ou un album de musique, les incitations à contribuer financièrement à la création d’un projet se multiplient. Un jeune Britannique a même lancé en juin dernier un appel à ce type de subventions pour aider le gouvernement grec, à hauteur de 1,5 milliard d’euros, à rembourser sa dette au Fonds monétaire international. Si dans ce dernier cas la démarche n’a pas abouti, plusieurs recherches scientifiques ont pu ainsi être menées à bien. Il existe même des plateformes dédiées à la santé comme Wellfundr et FutSci.

Les exemples de recherches médicales financées par ce biais ne manquent pas. On peut citer notamment David Hawkes, du Florey Institute of Neuroscience and

Mental Health en Australie, qui est parvenu à récolter par le biais du site Pozible quelque 12’000 dollars austra-liens pour son projet de recherche sur l’usage de vecteurs viraux pour soigner les désordres neurologiques. Ou Michael Pollastri de la Northeastern University aux Etats-Unis qui a réuni 25’000 dollars pour son projet sur les maladies tropi-cales par le biais de la plateforme Experiment. En mai dernier, la société grenobloise Ecrins Therapeutics a levé 555’000 francs sur Crowd Avenue pour développer un nouveau médicament contre le cancer. Parmi les réussites en la matière, évoquons aussi Embrace, le bracelet connecté qui permet de prévenir les proches en cas de crises d’épilepsie mis au point par la start-up italienne Empatica.

L’idée de lever des fonds par le biais d’Internet en percevant de petites sommes auprès d’un nombre élevé de personnes remonte à la fin des années 1990 lorsque les premiers sites de crowdfunding ont vu le jour. Le modèle de ces plateformes demeure le même: l’initiateur fixe au préalable la somme dont il a besoin. Il ne touchera l’argent que s’il parvient à en récolter la totalité.

Ces dernières années, le financement participatif n’a cessé de se développer.

APHILIPPE RYVLIN, NEUROLOGUE

«L’AVENIR DE LA RECHERCHE MÉDICALE PASSE PAR LA LEVÉE DE FONDS PRIVÉS.»

Page 41: In Vivo #7 FRA

39

MENS SANA TENDANCE

Une étude menée par la Judge Business School de l’Université de Cambridge a démontré que près de 3 milliards d’euros ont été recueillis par les plateformes de crowdfunding européennes en 2014, tous domaines confondus. Cela corres-pond à une hausse de 144% sur un an (1,21 milliard en 2013). En 2015, le financement participatif européen pourrait dépasser les 7 milliards d’euros, toujours selon ces experts. Le succès de la finance participative serait tel que ces cinq prochaines années, selon une étude publiée en avril dernier par Goldman Sachs, les grandes banques américaines pourraient perdre 11 milliards de dollars de profits annuels en raison des sommes placées sur des plateformes comme Kickstarter ou Indiegogo plutôt que chez elles.

Si les chercheurs s’en remettent à ce genre de financement c’est parce qu’il est toujours plus difficile de trouver des fonds pour financer la recherche scientifique. «L’avenir de la recherche médicale passe par la levée de fonds privés», explique Philippe Ryvlin, le chef du Département de neurosciences cliniques au CHUV. Le professeur en sait quelque chose: pendant des années, il a travaillé à lever plusieurs millions de francs auprès de grands et petits donateurs privés pour que l’Institut des épilepsies voie le jour, à Lyon. Ce qui sera chose faite d’ici à la fin de l’année.

Cette recherche intense l’a convaincu que le milieu de la recherche devait adapter sa manière de penser le financement. «En s’adressant à un public large, le crowdfunding est cohérent avec l’évolution de la société. Il est ainsi possible d’établir un meilleur équilibre entre les attentes des usagers en matière de recherche médicale et les sommes qu’ils sont prêts à engager pour ça.»

Philippe Ryvlin admet qu’il y a encore peu de temps les chercheurs en médecine ne se souciaient pas nécessairement de ce que le public pensait de leur recherche. «Aujourd’hui, on se doit d’être plus proche du grand public et de ses attentes vis-à-vis d’un domaine qui souvent le passionne! On doit, d’une part, rendre des comptes auprès du contribuable dont les impôts financent en partie la recherche, mais aussi engager la société en général dans notre réflexion et notre démarche.» Il s’agit non seulement d’obtenir des fonds mais surtout de convaincre le public de l’importance de la recherche à mener.

Outre-Atlantique, certains contradicteurs craignent que le crowdfunding appliqué à la recherche scientifique ne fonctionne que pour les projets les plus «sexy», ce que les Américains appellent «panda-bear science» (la science de panda), le mammifère blanc et noir ayant un capital sympathie très élevé. «Tout changement s’associe à de potentiels effets pervers, reprend Philippe Ryvlin. C’est un risque à courir, nous n’avons pas le choix! De plus, en Suisse, un pays adepte de votations, il serait paradoxal de douter du grand public pour ce qui concerne le financement de la recherche scientifique. Le financement participatif est une forme d’exercice démocratique.» ⁄

FINANCER UN TRAITEMENTIl n’y a pas que la recherche qui fasse appel au financement participatif. Dans les pays où les traitements médicaux ne sont pas couverts par les assurances sociales, certains malades font appel à la solidarité des internautes pour pouvoir payer leurs soins médi-caux. GoFundMe fait partie des plateformes plébiscitées pour tenter de lever les fonds nécessaires. Sur la partie du site intitulée «Success stories», le visiteur peut voir un aperçu des financements participatifs les plus probants. On découvre ain-si le visage d’Aex Haas, brûlé au troisième degré, qui, grâce à la campagne menée par sa famille et ses proches, a pu recevoir les soins adéquats. Ou celui de la jeune Kiersten Yow, mordue par un requin à la jambe et au bras gauche, qui a pu – grâce au finan-cement participa-tif – être soignée. Elle poursuit aujourd’hui la rééducation qui devrait lui permettre de retrouver l’usage de son membre inférieur.

Page 42: In Vivo #7 FRA

40

Des parents, rejoints par une partie du corps médical, s’inquiètent des effets des substances inoculées

à leurs enfants pour les immuniser contre la maladie. Les spécialistes rassurent.

CES VACCINS QUI FONT PEUR

MENS SANA DÉCRYPTAGE

ela commence par une question innocente, postée sur le forum de discussion en ligne Doctissimo: «Bonjour, je viens chercher des infos concernant la

vaccination des bébés. Je suis maman d’une petite fille de 4 mois que je n’ai pas encore fait vacciner car j’ai lu beaucoup d’articles et de livres sur les méfaits des vaccins (cancers à long terme, problèmes neurologiques, etc.).» Mais l’auteure, une certaine Lunaya78, passe rapidement à l’attaque, dénonçant le pouvoir des pharmas, la «langue de bois» des médecins et les graves effets secondaires subis par les enfants vaccinés.

Elle est aussitôt rejointe par un autre internaute, qui poste un lien vers une marche de soutien en faveur de Stacy, un bébé belge décédé d’une méningite à méningocoque dix jours après avoir reçu un vaccin. Un peu plus loin sur la Toile, l’activiste Alvin Jackson se déchaîne sur YouTube, comparant l’obligation de vacciner ses enfants à un génocide.

«L’immense majorité des parents est en faveur de la vaccination, mais une petite minorité, très active dans les médias et en ligne, s’y oppose», relève Pierre-Alex Crisinel, médecin à l’Unité d’infectiologie pédiatrique et de vaccinologie du CHUV. Le principal argument des réfractaires a trait à la dangerosité des vaccins, auxquels sont attribuées une série de

TEXTE JULIE ZAUGG

LES VACCINS LES PLUS

CONTROVERSÉS

HÉPATITE B A la fin des années

1990, une association de «victimes du vaccin contre l’hépatite B» a créé la polémique en

France en affirmant qu’il avait provoqué chez elles la sclérose en plaques. Le ministre de la Santé de l’époque, Bernard

Kouchner, a suspendu le vaccin. Dans les années 2000, l’Etat français et le laboratoire britannique GlaxoSmithKline ont dû verser des indemnités à certains patients. Plu-sieurs études ont depuis

disculpé le vaccin.

Page 43: In Vivo #7 FRA

maladies allant de l’autisme à la sclérose en plaques en passant par les allergies, le diabète ou l’épilepsie.

Certains parents, notam-ment aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, estiment également que laisser les enfants développer des maladies infantiles leur permet de renforcer leur système immunitaire. «Il y a eu un profond changement au niveau de la perception

des risques, souligne Claire-Anne Siegrist, directrice du Centre de vaccinologie des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) et médecin-adjoint en Pédiatrie générale. On n’a plus peur des maladies que les vaccins font disparaître, donc on se demande s’ils sont utiles.»

Certains s’opposent aux vaccins pour des raisons religieuses. D’autres encore invoquent le droit de choisir librement les médicaments donnés à leurs enfants, dénonçant l’obligation de vacciner qui prévaut en France ou aux Etats-Unis. «En Suisse, la loi est moins stricte, explique

41

MENS SANA DÉCRYPTAGE

LIBR

ARY

OF

CONG

RESS

PRI

NTS

AND

PHO

TOG

RAPH

S D

IVIS

ION

WAS

HING

TON,

D.C

. 205

40 U

SA

En 1943, un médecin de campagne effectue un vaccin contre la fièvre

typhoïde dans une école au Texas. Cette scène a

été immortalisée par le photographe américain

John Vachon.

ROUGEOLE, OREILLONS

ET RUBÉOLE (ROR) Une controverse a éclaté au Royaume-Uni en 1998,

suite à la publication d’un article du médecin

Andrew Wakefield dans la revue scientifique médi-cale «The Lancet» faisant

le lien entre le vaccin ROR et l’autisme. Il est par la suite apparu qu’Andrew

Wakefield avait reçu des fonds de la part de personnes en litige avec le laboratoire produisant le vaccin. En 2010, «The Lancet» a retiré l’article.

Page 44: In Vivo #7 FRA

42

Pierre-Alex Crisinel. Seuls les cantons de Genève et de Neuchâtel obligent à vacciner contre la diphtérie. Et la nouvelle loi sur les épidémies fera tomber cette contrainte en 2016.»

La méfiance face aux vaccins n’est pas propre aux parents. Pierre Verger, épidé-miologiste à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) en France, s’est penché sur l’attitude de 1712 généralistes français vis-à-vis des vaccins. «Entre 15 et 40% ne recommandent jamais ou que rarement certains vaccins», rapporte le chercheur. Un quart d’entre eux pense même que l’on vaccine trop les enfants. «Ils se montrent les plus méfiants face aux produits qui ont fait l’objet de controverses publiques, comme ceux contre l’hépatite B ou le papillomavirus.»

Chez certains praticiens, notamment les plus âgés, Pierre Verger a aussi constaté «une forme de défiance» face aux recom-mandations des autorités. C’est par exemple le cas pour le vaccin contre les méningocoques C, perçu comme superflu en raison de la rareté de la maladie. Les homéopathes, chiropraticiens et naturo-pathes sont encore plus frileux voire hostiles à une pratique qui contre-dit leur propre doctrine: soigner avec des plantes ou par le biais du dos.

CRAINTES INFONDÉESCe mouvement de rejet est largement sans fondement, à en croire Claire-Anne Siegrist, des HUG: «Les vaccins qui ont des effets secondaires trop importants n’arrivent jamais sur le marché et

ceux qui y parviennent malgré tout ne sont recommandés que si les conséquences indésirables graves sont extrêmement rares.» De l’ordre de un sur 100’000 à un sur un million. Des dizaines d’études ont par ailleurs contredit les craintes des anti-vaccins.

«Comme les vaccins sont administrés à large échelle, on a tendance à les accuser d’avoir provoqué toutes

les maladies que cette vaste cohorte de patients aurait de toute façon développées», analyse Bernard Vaudaux, ancien responsable de l’Unité d’infectiologie pédiatrique et de vaccinologie du CHUV.

Les fréquents change-ments dans le régime de vaccins recomman-dés génèrent aussi de la confusion. «Certains ont été abandonnés

MENS SANA DÉCRYPTAGE

L’ALUMINIUM Utilisé comme adjuvant dans certains vaccins, l’aluminium a été lié à une série de maux.

«Nous avons constaté une persistance anormalement

longue sur le site de l’injection des particules

d’aluminium, indique Romain Gherardi, neuro-pathologiste à l’Université Paris-Est Créteil, en France.

Elles sont responsables de micro-lésions dans le muscle deltoïde (l’un des muscles de l’épaule, ndlr) et peuvent migrer dans le cerveau.» Il dit avoir vu plus de 600 patients dans ce cas. Ses travaux

ont débouché sur un rapport commandé par l’Assemblée nationale

française. Rendu en 2013, il n’a pas établi de lien entre l’adjuvant et ces maladies.

LES COCKTAILS

DE VACCINS Les nourrissons reçoivent souvent un vaccin com-biné qui les immunise

contre plusieurs maladies à la fois. «Certains parents

craignent que cela ne surcharge leur système

immunitaire et ne le rende plus vulnérable face aux infections», note David

Goldblatt, professeur de vaccinologie à l’Université

de Londres et spécia-liste de cette question. Or ce n’est pas le cas,

selon lui. «Nous sommes confrontés chaque jour à des millions de bactéries qui se trouvent dans notre intestin et notre système immunitaire s’en sort très

bien, dit le médecin. De plus, grâce aux pro-grès de la médecine, la charge en antigènes des vaccins s’est réduite ces

dernières années.»

Les vaccins qui ont des effets secondaires trop importants n’arrivent jamais sur le marché.

Page 45: In Vivo #7 FRA

43

MENS SANA DÉCRYPTAGE

car les maladies qu’ils préviennent ont disparu dans la population autochtone suisse, indique Bernard Vaudaux. C’est le cas de la variole et de la tuberculose.» D’autres ont été remplacés par une nouvelle version plus efficace, comme celui contre les pneumocoques. Et d’autres encore sont moins souvent administrés,

comme ceux contre le tétanos et la diphtérie, dont les rappels ont été espacés chez les 25-45 ans, leur durée de protection étant plus longue que prévu.

La méfiance générée par les vaccins n’est pas anodine. Elle peut avoir des conséquences mor-telles pour les personnes dont le système immuni-taire est trop faible – no-tamment les nourrissons qui ne peuvent pas être vaccinés avant un an, les personnes âgées et les

individus atteints par le VIH mal protégés par les anticorps – et qui bénéficient en principe de «l’effet de troupeau», soit le mur invisible créé entre elles et la maladie par le fait de se trouver au sein d’une population vaccinée.

Plusieurs pays européens, dont le Royaume-Uni, l’Irlande et les Pays-Bas, ont subi des épidémies de rougeole au début des années 2000 après avoir vu leur taux de vaccination chuter dans le sillage de la polémique sur le vaccin ROR (voir notule p. 41). Les Etats-Unis, pour leur part, ont enregistré près de 1’000 cas de rougeole entre 2013 et 2015. Plus grave, le Nigeria et le Pakistan ont récemment été confrontés à une résurgence de la polio, une affection presque éradiquée, en raison de la méfiance des autorités religieuses face au vaccin contre cette maladie. On l’accuse, à tort, de contenir du porc, dont la consommation est interdite dans l’islam, ou encore de rendre infertile et d’être l’instrument d’un complot occidental pour stériliser les femmes musulmanes. ⁄

CEN

TRE

FOR

INFE

CTI

ONS

/PU

BLIC

HEA

LTH

ENG

LAND

/SC

IENC

E PH

OTO

LIB

RARY

PAPILLOMAVIRUS Mis sur le marché en 2006, le vaccin contre le papillomavirus, un

virus qui peut provoquer un cancer du col de

l’utérus, est désormais administré à la plupart des adolescentes. Un

collectif de plaignantes l’accuse d’avoir provoqué

diverses maladies chez elles (sclérose en plaques, maladie de

Verneuil, Lupus). «Cer-tains pensent aussi qu’il

ne sert à rien de vacciner contre un cancer que les dépistages permettent déjà de repérer bien en amont», relève Pierre-Alex Crisinel, médecin à l’Unité d’infectiologie pédiatrique et de vacci-

nologie du CHUV. Le débat reste ouvert.

Page 46: In Vivo #7 FRA

44

MENS SANA EN IMAGES

LA SCIENCE HORS DES SENTIERS BATTUSTEXTE: ERIK FREUDENREICHREPORTAGE PHOTO: THIERRY PAREL

BIOHACKING A travers le monde, des passionnés développent une approche alternative de la recherche en biologie. Immersion au sein du laboratoire ouvert Hackuarium, à Renens, près de Lausanne.

Depuis quelques années, de nouveaux acteurs sont apparus en périphérie de la recherche scientifique: les biohackers. Ils mènent leurs expériences dans des labos de garage, en dehors du cadre académique traditionnel, et promeuvent une approche open source de la science. Des espaces dédiés à cette recherche nouvelle ont commencé à éclore autour du globe. A New York, Londres ou Paris, mais aussi à Renens, où a été inauguré il y a maintenant un peu plus d’une année le laboratoire de l’association Hackuarium. Installé dans les anciens locaux de l’imprimerie IRL, l’espace accueille chercheurs, étudiants ou retraités qui viennent pendant leur temps libre pour faire progresser la science de façon ouverte et participative.

Sachiko Hirosue (en photo) est une biohackeuse. Avec Robin Scheibler,

elle mène un projet baptisé «Bio-design for the real world», qui

vise à mettre en place des outils pour répondre aux problèmes sanitaires

liés à l’eau. Utilisé comme poison depuis l’Antiquité, la présence dans

le sol à forte dose de cet élément chimique métalloïde est le plus

souvent lié à une origine industrielle (mines, métallurgie, pesticides).

«En Suisse, cela affecte peut-être seulement quelques vaches, mais dans certaines régions d’Asie, on

trouve régulièrement d’importantes concentrations d’arsenic dans les

eaux souterraines. Même ingéré à faible dose, il perturbe le système

endocrinien et peut provoquer des problèmes de peau et des cancers.»

DÉTECTER L’ARSENIC/1

Page 47: In Vivo #7 FRA

45

MENS SANA EN IMAGES

Page 48: In Vivo #7 FRA

46

MENS SANA EN IMAGES

2/ EN RÉSEAU

Le laboratoire Hackuarium accueille actuellement une demi-douzaine de projets, allant du décodage du génome de la bière à la construction d’un robot destiné à mener des expériences scientifiques au pôle Sud. «Comme nous accueillons régulièrement des étudiants qui viennent contribuer au projet, disposer d’un espace et d’équipements à Hackuarium est très bénéfique pour notre travail, souligne Robin Scheibler. Il y a aussi tous les échanges avec le reste de la commu-nauté, qui se sont révélés très enrichissants.»

«Concrètement, nous utilisons une bactérie que nous avons modifiée géné-

tiquement pour pouvoir détecter la présence d’arsenic dans l’eau»,

précise Sachiko Hirosue. Cet organisme a été mis au point par le professeur Jan Roelof van der Meer, directeur du Département de microbiologie

fondamentale à l’Université de Lausanne. L’ensemble du dispositif a

été employé par l’équipe Biodesign en août dernier pour tester l’eau du lac

des Ottans, en Valais, situé à proximité d’une ancienne mine d’or et d’arsenic.

MODIFICATION GÉNÉTIQUE/3

Page 49: In Vivo #7 FRA

47

MENS SANA EN IMAGES

Page 50: In Vivo #7 FRA

MENS SANA EN IMAGES

48

Si l’équipe Biodesign dispose aujourd’hui d’un appareil qui

fonctionne, il ne s’agit que de la première étape de leur démarche.

«Dans un avenir proche, nous aimerions mettre en place une plateforme informatique pour pouvoir échanger les données

collectées, détaille Robin Scheibler. Car l’idée de notre projet est avant

tout de partager nos connaissances. Nous comptons mettre en place

des événements, des réunions, de manière à faire réfléchir les gens

sur les questions liées à l’eau et ce qu’elle contient.»

BIG DATA/4

Page 51: In Vivo #7 FRA

MENS SANA CHRONIQUE

Peste, choléra… Si, en matière de santé, les pages ne sont jamais totalement

tournées, des maladies entrent dans les livres d’histoire. Dans le même temps,

d’autres apparaissent. Notre monde connecté, virtualisé, binarisé apporte son

lot de pathologies.

Quelques secondes dans un lieu public suffisent pour constater que la «coudinite»

est en train de devenir le mal du siècle. Cette tendinite du cou est la conséquence

de regards répétés à ses écrans. Le chirurgien américain Kenneth Hansraj estime que la

pression exercée sur le cou lorsque l’on abaisse la tête vers son téléphone est de 22 kilos! Ce

téléphone provoque aussi la «nomophobie» ou la peur de ne pas pouvoir utiliser l’appareil. Absence de connexion, batterie qui lâche... Ces aléas provoquent un stress intense chez

les utilisateurs dépendants. Quand les dieux des technologies sont avec les aficionados de l’écran,

ils peuvent être victimes de «zappite» ou de crises d’ennui provoquées par l’absence de

sollicitations. Internet a déclenché un zapping permanent. Les clics sont devenus une nouvelle drogue. Quand ils s’espacent, le manque surgit.

Cet attachement à l’objet électronique peut aussi se traduire par du «zombi-quisme». Cette pathologie frappe de nombreux adolescents. Elle se caractérise par une présence physique et une absence mentale. Les individus atteints sont dans l’incapacité à communiquer avec les per-sonnes présentes, mais échangent avec des individus distants. Si le zombiquisme est un syndrome mal supporté par les parents, ces derniers sont paniqués lorsque leur progéni-ture est atteinte de «virtualisme» ou troubles déficitaires du réel. A force d’être absorbés par des jeux vidéo et de fréquenter des mondes virtuels, les patients n’arrivent plus à faire la différence entre le monde physique et l’univers virtuel. Ils se sentent être des avatars dotés de supra-capacités. Les conséquences peuvent être dramatiques: des malades peuvent se jeter par la fenêtre en pensant pouvoir voler!

D’autres objets, fruits des rugissantes techno-logies, suscitent des réactions maladives. Des individus souffrent de «robophobie». Le contact avec un robot les déboussole. Ils craignent que ces machines ne leur volent leur travail ou leur femme (ou homme). On a aussi le «métalisme» qui se traduit par des réactions aux implants et prothèses. L’introduction de métal dans le corps provoque des allergies, inflammations, douleurs, courts-circuits, intoxications… Tout bien pouvant être aussi un mal, l’allongement de la durée de la vie peut se traduire par de l’«éternite», une dépres-sion due à l’ennui provoqué par une vie trop longue.

Si ces pathologies n’ont pas encore été labellisées, elles sont annoncées. Sachant que comme celles actuelles, il vaut mieux prévenir pour ne pas avoir à guérir, un regard aussi amusé qu’interrogatif sur elles s’impose. ⁄

ANNE-CAROLINE PAUCOTFondatrice du site Lasantedemain.com et Dicodufutur.org

«Coudinite», «zappite» et «zombiquisme»: les symptômes des maladies de demain sont déjà visibles aujourd’hui.

PROFILJournaliste de formation,

Anne-Caroline Paucot est l’auteur de plusieurs

ouvrages sur l’impact des nouvelles technologies

sur nos sociétés. En 2014, elle lance les Editions

Propulseurs, qui publient des livres vulgarisant la

réflexion prospective.À LIRE«La Santé demain», Ed. Les Propulseurs

DR

49

Page 52: In Vivo #7 FRA

50

TEXT

E:

CAT

HERI

NE

COC

HARD

LA MUSIQUE S’INVITE À L’HÔPITALLa médecine croit toujours plus aux bienfaits thérapeutiques du quatrième art. Gestion de la douleur, concentration ou neuro-réhabilitation, les sons agissent directement sur le cerveau.

AU BLOC AUSSI Une étude parue en août dernier dans la revue médicale britannique The Lancet révèle les bienfaits de la musique au bloc opératoire. Elle démontre qu’écouter de la musique avant, pendant ou après une opération réduit douleur et anxiété chez les malades. Pour Catherine Meads de la Brunel University, qui a mené les recherches, tous les patients devraient pouvoir écouter de la musique et même choisir ce qu’ils aimeraient entendre afin d’optimiser l’effet positif de celle-ci.

CORPORE SANO

Nashville, dans le Tennessee, des chercheurs ont mis au point des tétines qui, lorsque des prématurés de 34

à 35 semaines la sucent correctement – c’est-à-dire en coordonnant correctement leur respiration et le mouvement de succion –, diffusent la voix de leur mère chantant une berceuse. Les résultats de cette expérience, publiés dans «Pedia-trics», le journal de l’académie améri-caine de pédiatrie, montrent que grâce à la récompense du timbre apaisant de la maman, le nourrisson né avant terme parvient plus rapidement à se nourrir et quitte ainsi l’hôpital plus tôt.

Utiliser la musique comme outil théra-peutique n’est pas une pratique propre à notre époque. Dans la haute Antiquité égyptienne déjà, les soignants prescri-vaient aux malades des chants dans l’espoir de guérir une stérilité, des douleurs rhumatismales ou soulager des piqûres d’insectes. Les vertus attribuées aux sons sont, bien sûr, différentes aujourd’hui: ils sont, la plupart du temps, perçus comme des «médiateurs» qui facilitent la communication entre le

patient et le thérapeute. «La musicothéra-pie est une pratique de soin qui permet de prendre en charge des personnes présentant des difficultés psycholo-giques, sociales, comportementales ou relationnelles et des troubles psychoaf-fectifs, sensoriels ou neurologiques», explique David Suchet, musicothérapeute installé à Lausanne.

Les hôpitaux suisses y recourent depuis plusieurs années. «L’intégration des thérapies à médiation artistique s’est fait à travers un long processus qui a débuté dans les années 1960», explique Sarah Flores Delacrausaz, musicothéra-peute depuis dix-sept ans à l’hôpital psychiatrique de Cery. La mise en place de formations spécifiques en Suisse a permis à la profession de se faire connaître et d’acquérir une place toujours plus importante dans divers domaines de soin. «L’intérêt pour ce type de thérapies est très clair: elles ouvrent des voies uniques et originales vers la compréhension et le traitement des maladies psychiques.»

BON POUR LE MORALSi la qualité de la relation entre le sujet et le musicothérapeute est primordiale,

A

Page 53: In Vivo #7 FRA

51

CORPORE SANO TENDANCE

Dans une maternité de Kosice-Saca, en Slovaquie, des nouveau-nés écoutent de la musique à l’aide d’écouteurs.

MAR

IA Z

ARNA

YOVA

/ E

PA

Page 54: In Vivo #7 FRA

52

CORPORE SANO TENDANCE

la musique seule a aussi des effets bénéfiques. Le Centre de psychiatrie du Nord vaudois à Yverdon a mené une expérience intitulée «Amenhotep» au cours de laquelle les portes chambres de soins intensifs sont devenues des interfaces permettant au malade de choisir de la musique par simple effleure-ment, comme avec un écran tactile.

«Alors que le moment traversé par le sujet est particulièrement chaotique, le maniement du dispositif lui offre un certain contrôle sur son espace, explique Alexia Stantzos, infirmière spécialiste clinique au CHUV et adjointe scientifique à la Haute école de la santé de Lausanne, qui a mené l’étude. Par ailleurs, le patient est libre de choisir le morceau qu’il désire entendre et son volume. Au niveau cognitif, cela renforce son sentiment d’autonomie et d’indépendance, et du point de vue émotionnel l’écoute musicale permet de répondre à ses besoins particuliers.» D’ici à cet automne, les portes des quatre chambres de soins intensifs du centre seront pourvues du même dispositif médical.

IDENTITÉ SONORE PROPRE À CHACUNLa musicothérapie a aussi des effets bénéfiques pour les maladies soma-tiques. «Dans le cadre d’une neuro- réhabilitation (avec des personnes ayant, par exemple, subi un accident vasculaire cérébral), l’écoute ou la pratique de la musique permettent notamment de diminuer les troubles de l’attention, d’améliorer une hémiplé-gie, d’aider à la marche par stimulation auditive rythmique, de favoriser la parole en utilisant un répertoire connu du patient ou encore de soulager des émotions négatives», poursuit David Suchet.

L’effet de la musique sur l’individu s’observe d’ailleurs par IRM au niveau du cerveau (lire ci-contre). Impossible pour autant d’associer une mélodie à un bienfait, car chaque personne possède un «ISO», soit une identité sonore propre. «Tout individu se constitue d’éléments divers – comme sa culture, son lieu d’origine, les sons qui l’ont accompagnés durant son enfance – qui vont façonner des goûts musicaux propres, explique Serge Ventura, directeur de l’Ecole romande de musicothérapie. Il est nécessaire d’établir l’identité sonore de chacun pour pouvoir agir correctement avec la musique. Ce n’est pas la musique en tant que telle qui soigne, mais la relation qui prend forme entre le thérapeute et le patient par l’intermédiaire des sons qui répondent au vécu et à l’identité particulière du patient.»

A l’avenir, l’identité sonore propre à chacun pourra certainement se mesurer de manière plus précise: Sync Project, une société basée à Boston, cherche à croiser la musique des utilisateurs et leurs données biométriques récoltées par le biais d’objets connectés (smart-watches et autres bracelets de type Jawbone). En corrélant les datas et les titres écoutés, Sync Project cherche à établir des schémas – le sujet court plus vite en écoutant U2 ou se relaxe mieux avec Marvin Gaye par exemple – pour suggérer ensuite aux utilisateurs la musique la plus appropriée à leur activité et leur état de santé. Ne restera plus à chacun qu’à établir sa playlist. /

UN IMPACT POSITIF SUR LE CERVEAU Jouer du piano, de la flûte ou du violon modifie une aire du cerveau impliquée dans la concentration, l’agressivité, et même l’anxiété. C’est la conclu-sion d’une étude de l’Université du Vermont parue dans le Journal of the American Academy of Child & Adolescent Psychiatry. «Cela permet une maturation plus rapide de l’épaisseur corti-cale dans les aires impliquées dans la planification motrice et la coordination, les capacités visuo-spatiales, et la régulation des émotions et des pulsions», analysent les auteurs.

Les travaux de Nadine Gaab, de l’Hôpital pour enfants de Boston, ont aussi établi un lien entre la pratique d’un instrument et les compétences intellectuelles. «Les musiciens ont un débit de parole spontané plus important lorsqu’ils doivent décrire une image et ont une mémoire de travail plus importante.»

Page 55: In Vivo #7 FRA

53

CORPORE SANO INNOVATION

Aujourd’hui, il est possible�de réaliser des interventions�

sur des fœtus sans ouvrir le ventre de la mère. Présentation de lachirurgie fœtale au laser, une

discipline aussi impressionnante que révolutionnaire.

OPÉRER AVANT LA NAISSANCE

TEXTE: BERTRAND TAPPY

CÉC

ILE

GU

ENO

T

Page 56: In Vivo #7 FRA

54

CORPORE SANO INNOVATION

Ils ont les yeux rivés sur le petit écran en face d’eux. Pour le néophyte, le moniteur qui attire autant l’attention des gens présents dans la pièce affiche ce qui ressemble à une plongée sous-marine en milieu

hostile: on ne voit pratiquement rien devant nous, et il semble impossible de savoir si ce que l’on regarde est le plafond ou le plancher de l’étrange cavité qui s’étale sous nos yeux. Pour ache-ver l’incongru du spectacle, on aperçoit dans le bas de l’écran une petite tige qui se balade et semble effacer un réseau de fins vaisseaux à peine visibles sur les bords de cette étrange caverne.

en pratique un peu plus d’une vingtaine chaque année. Le plus souvent en tandem avec le second spécialiste du domaine en Suisse, Luigi Raio, de l’Hôpital de l’Ile à Berne. En effet, les deux hôpitaux collaborent étroitement dans cette médecine de pointe pour traiter des petits patients de toute la Suisse et d’autres pays d’Europe.

«Dans plus de 90% des situa-tions, nous traitons des cas dits de «transfuseur-transfusé» (lire encadré), explique David Baud. Ces interventions ont lieu la plupart du temps en urgence, après le diagnostic du syndrome par les gynécologues en cabinet. Nous pouvons opérer dès la 14e semaine de grossesse, mais ce n’est pas le plus facile car les fœtus sont minuscules. Plus tard dans la grossesse, le liquide amniotique dans lequel nous opérons devient naturellement trouble, et cela nous complique singulièrement la tâche.»

Les premières interventions ont permis de traiter �des tumeurs in utero, �de corriger des sténoses �urinaires ou cardiaques �des fœtus.

est en train d’admirer: l’intérieur d’un utérus et deux vies qui prennent forme petit à petit dans le placenta. Voici le terrain d’activité de cette discipline pas comme les autres: la chirurgie fœtale laser in utero.

Des interventions comme celle-ci, David Baud, médecin au sein du Département de gynéco-logie-obstétrique du CHUV,

Soudain, une main apparaît. Petite, fragile, encore enve-loppée de ce duvet propre aux humains qui sont encore à l’abri dans le ventre de leur mère. Et un peu plus loin, une tête, puis encore une autre, comme flottant au milieu de ce décor irréel. Et c’est devant le spectacle de ces yeux encore clos que l’on comprend enfin ce que l’on

Autres applicationsEn chirurgie fœtale, le laser peut également permettre de coaguler les vaisseaux qui nourrissent une tumeur.

TUMEURS SACCRO-COCCYGIENNESMasses qui poussent à l’extrémité de la colonne vertébrale.

TUMEURS PULMONAIRESTumeurs qui atteignent le poumon du fœtus, empêchant par compression la croissance du poumon sain.

CHORIO-ANGIOMETumeur qui se développe dans le placenta, et qui «vole» du sang au fœtus.

Page 57: In Vivo #7 FRA

55

CORPORE SANO INNOVATION

Une fois le diagnostic posé, il n’y a pas d’alternative à l’inter-vention chirurgicale. Avec plus de 90% de risque de mortalité pour les deux bébés, le syn-drome «transfuseur-transfusé» était jusque dans les années 2000 synonyme de mort quasi certaine, ou au mieux une survie d’un seul jumeau, avec le risque de graves séquelles neurologiques.

Avec les premières interventions sous foetoscopie, les choses se sont sensiblement améliorées. Aujourd’hui, l’issue est favorable pour les deux enfants dans 70% des cas, et pour au moins un des bébés dans 90% des cas. «Une fois l’opération terminée, il y a toujours un risque que la poche des eaux se rompe ou que l’utérus contracte et provoque un accouchement prématuré.» Dès les années 2000, les progrès technologiques ont permis de développer un appareil léger et efficace combinant, sur un dia-mètre d’à peine 2 millimètres, la fibre laser, la caméra, la lumière et l’injection d’eau.

Cette nouvelle discipline n’en est qu’à ses débuts: les premières interventions de chirurgie fœtale ont permis de traiter des tumeurs in utero, de corriger des sténoses urinaires ou cardiaques des fœtus. Ces premiers essais, auxquels l’équipe de David Baud participe, laissent entrevoir un catalogue de nouvelles possibi-lités d’améliorer – ou de sauver – la vie de ceux qui ne sont pas encore nés. ⁄

Le syndrome�«transfuseur-transfusé»Le syndrome «transfuseur-transfusé» survient dans les grossesses de jumeaux homozygotes – les «vrais jumeaux» qui partagent le même placenta – à n’importe quel moment du développement des fœtus. «Le problème survient lorsque l’un des deux bébés s’accapare la grande majorité du flux sanguin à cause d’une anomalie dans les vaisseaux du placenta, explique David Baud.

Les effets sont radicaux: l’un des deux bébés devient «obèse» avec une vessie beaucoup trop imposante pour son âge et un cœur insuffisant, tandis que le second bébé devient tout petit, repoussé dans un coin du ventre de la mère par la membrane amniotique.» L’intervention consiste donc à brûler les vaisseaux responsables du déséquilibre pour rétablir une circulation fœto- placentaire normale. «La difficulté principale est de choisir le meilleur point d’entrée avec l’aide de l’imagerie et de notre expérience, continue David Baud. Si c’est réussi, vous trouverez rapide-ment les vaisseaux autour du cordon ombilical et les bébés ne seront pas trop en souffrance. Ratez votre entrée, et vous pouvez vous préparer à une longue et pénible intervention…»

Page 58: In Vivo #7 FRA

56

our mon mari il y a le Viagra, pour moi,

existe-t-il quelque chose?» Cette

question, beau-

coup de femmes la posent à Sandra Fornage, cheffe de clinique en Gynécologie-obstétrique et médecine sexuelle au CHUV. «Nombreuses sont celles qui demandent explicitement un médicament, raconte la spécialiste. Elles regrettent que ce ne soit plus «comme avant», elles voudraient ressentir davantage de désir pour leur partenaire.»

La pilule bleue contre les troubles de l’érection – qui n’agit pas sur le désir – est commercialisée depuis près de vingt ans, mais il n’y avait jusqu’à présent aucun médicament destiné à la sexualité des femmes. La donne vient de changer: la Food and Drug Administration (FDA) américaine a autorisé en août dernier la mise en circulation du Flibanserin, après l’avoir rejetée deux fois en 2010 et 2013 pour cause d’efficacité limitée et d’effets secondaires.

La nouvelle molécule, commercialisée sous le nom de Addyi, doit permettre à toute femme de booster son envie sexuelle, selon son fabricant, le labora-toire américain Sprout Pharmaceuticals.

Le médicament est pour l’heure accessible uniquement aux

Etats-Unis, sur ordonnance. Il est destiné aux patientes

non ménopausées souffrant d’une

libido défaillante.

UNE PILULE NOMMÉE DÉSIRTEXTE: ANDRÉE-MARIE DUSSAULT

«PUn médicament censé rehausser le désir sexuel des femmes vient d’obtenir le feu vert pour sa commercialisation aux Etats-Unis. De quoi s’émoustiller?

CORPORE SANO TABOU

Page 59: In Vivo #7 FRA

57

Sandra Fornage voit d’un bon œil l’arrivée de la pilule sur le marché. «Nous sommes vraiment démunis face à ce que nous pouvons proposer aux femmes», admet-elle. Alors que la recherche dans le domaine des traitements pour résoudre les problèmes sexuels masculins existe depuis longtemps, on ne s’intéressait pas au désir féminin, jusqu’à récemment. «Le plaisir sexuel des femmes est un sujet tabou», fait observer dans le quotidien «Libération» Odile Buisson, gynécologue et auteure de «Qui a peur du point G? Le plaisir féminin, une angoisse masculine» (2011).

Depuis les années 1970, la communauté scientifique reconnaît que les femmes

UNE COMPARAISON INAPPROPRIÉEL’Addyi, le premier médicament qui promet d’augmen-ter le désir sexuel des femmes, est souvent désigné en tant que «Viagra féminin», en comparaison avec la célèbre petite pilule bleue destinée aux hommes. Certes, les deux médicaments ont vocation à améliorer la vie sexuelle, mais ils ne jouent pas sur les mêmes mécanismes. Le Viagra est un médicament qui agit sur le système vasculaire: il favorise la relaxation des vaisseaux sanguins du pénis lors d’une excitation sexuelle. Le sang afflue donc plus facilement dans le pénis, ce qui permet d’obtenir une érection, d’une manière naturelle. L’effet est ponctuel, commence environ une demi-heure après l’ingestion, et dure près de quatre heures. La flibansé-rine, la molécule qui compose l’Addyi, est un psycho-trope proche de l’antidépresseur. Elle agit non pas sur la «mécanique» qui permet la relation sexuelle, mais sur le cerveau de la patiente en réduisant le taux de sérotonine, l’hormone à l’origine de certains troubles du sommeil, l’agressivité, ou encore la dépression. L’Addyi doit être pris quotidiennement.

CORPORE SANO TABOU

«LE DÉSIR FÉMININN’INTÉRESSAITPERSONNE JUSQU’ÀRÉCEMMENT, ALORS QUE LA RECHERCHEDE TRAITEMENTSPOUR LES PROBLÈMES SEXUELS MASCULINS EXISTE DEPUIS LONGTEMPS.» SANDRA FORNAGE, GYNÉCOLOGUE

Page 60: In Vivo #7 FRA

58

aussi peuvent ressentir du plaisir et avoir des orgasmes, note Sandra Fornage. «Aujourd’hui, notamment depuis le succès fulgurant du Viagra, les entreprises pharmaceutiques sont engagées dans une course folle pour trouver un produit «miracle» destiné aux femmes.»

EFFET «SIGNIFICATIF»Les propriétés supposées aphrodisiaques du Flibanserin ont été découvertes accidentellement alors que le médica-ment était testé comme un antidépres-seur. La pilule agit sur le cerveau en augmentant la production de dopamine et de noradrénaline – deux neurotrans-metteurs qui influent sur le plaisir (le frisson que l’on ressent parfois en écoutant un morceau de musique est provoqué par la dopamine), l’addiction, l’excitation ou encore l’attention, pour ne citer que quelques-unes de leurs prouesses – et en abaissant le niveau de sérotonine, qui impacte plusieurs fonctions physiologiques comme le

sommeil et l’humeur.

Les résultats des derniers essais cliniques, menés

pendant deux ans sur plus de 1300

femmes au Canada

et

aux Etats-Unis, ont montré que la prise quotidienne du médicament a eu chez une majorité d’entre elles un effet «significatif» sur leur désir et qu’elles auraient vécu des interactions sexuelles plus satisfaisantes. «Il est intéressant de noter que presque toutes les participantes ayant consommé un placebo ont également ressenti une augmentation de désir et de satisfaction sexuelle», nuance Francesco Bianchi- Demicheli, sexologue et médecin au Département de gynécologie-obsté-trique des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), soulignant comment les facteurs psychologiques peuvent jouer un rôle dans la sexualité.

Pas uniquement les facteurs psycholo-giques, d’ailleurs. Le désir sexuel

est le fruit d’interactions multiples et complexes. «Il est lié

au relationnel, au social, au culturel, à la

biologie, à la génétique, à

la chimie et à la

CORPORE SANO TABOU

«LE DÉSIR SEXUEL EST LIÉ AU RELATIONNEL,AU SOCIAL, AU CULTUREL, À LA BIOLOGIE, À LA GÉNÉTIQUE, À LA CHIMIE ET À LA SANTÉ EN GÉNÉRAL.» FRANCESCO BIANCHI-DEMICHELI, SEXOLOGUE

Page 61: In Vivo #7 FRA

santé en général, explique Francesco Bianchi-Demicheli. On ne peut jouer sur tous ces aspects à travers une molécule.» Ce qui ne signifie pas que la chimie soit impuissante pour autant. «De plus en plus d’études neurobiologiques sur les animaux montrent que la conduite sexuelle peut être modulée par une substance pharmacologique.»

Pour le médecin, le Flibanserin, accom-pagné d’un suivi adéquat, peut être utile pour les femmes qui ressentent une absence d’envie sexuelle, soit un «désir hypoactif», un trouble qui concernerait près de 35% de la popula-tion adulte féminine. Seules 10% des femmes souffriraient réellement de ce défaut d’appétit sexuel cependant. «Elles peuvent se sentir frustrées, déçues ou diminuées dans leur identité de femme, ou ont peut-être dû rompre une ou plusieurs relations à cause de cette situation», indique Francesco Bianchi-Demicheli. «Nous apprécierons le degré de satisfaction des patientes avec le temps, dit la sexologue Sandra Fornage. Nous ne sommes qu’au tout début du processus.»

CRITIQUESPour Rina Nissim, infirmière spécialisée en gynécologie à Genève et auteure de plusieurs ouvrages sur la santé sexuelle des femmes, la mise sur le marché du Flibanserin n’augure rien de bon. Notam-ment à cause des effets secondaires qu’il engendre: «On parle aujourd’hui de chute de tension, de syncope et de dépression nerveuse, et il faudra encore des années pour tout savoir.»

59

Cofondatrice de l’ancien Dispensaire des femmes de Genève, un centre de santé encourageant les femmes à prendre leur santé en main, Rina Nissim déplore que «nous vivons dans une société hypersexua-lisée où la pression sur les femmes, et les filles, pour qu’elles soient des «bombes sexuelles» est omniprésente». Pour elle, le manque de désir ne se soigne pas. «Il faut simplement qu’une relation en vaille la peine, que les femmes y trouvent leur compte et que les hommes apprennent à faire plaisir à leur partenaire.»

Ce n’est manifestement pas l’avis de l’industrie pharmaceutique. Plusieurs entreprises développent leur propre préparation pour concurrencer le Flibanserin, à l’instar de la société hollandaise Emotional Brain, qui espère commercialiser deux médicaments, le Lybrido et le Lybridos, dès 2017. L’un serait plutôt destiné aux femmes qui manquent uniquement d’envie sexuelle et l’autre à celles inhibées par une anxiété ou des complexes. Lorexys, un autre remède développé par la firme américaine S1 Biopharma, a conclu cette année la deuxième phase d’essais cliniques aux Etats-Unis. /

CORPORE SANO TABOU

Page 62: In Vivo #7 FRA

60

C’ est le décès brutal de son époux qui a poussé Françoise* à consulter un

philosophe, en 2013. A l’époque, les questions se bousculent, autour de la mort, de la perte, du sens de la vie. Durant un an, elle échange avec le philoconsultant Jean-Eudes Arnoux, à Lausanne, à raison d’une discussion d’une heure par mois. «Je ne cherchais pas une solution, mais une façon de pouvoir continuer à vivre», raconte Françoise.

En dépression après un licenciement difficile, Alice*

s’est, quant à elle, rendue chez le philosophe Georges Savoy à Fribourg, «pour ses qualités d’écoute et sa façon de reformuler certaines choses». «Aller chez un professionnel m’a permis de prendre du recul sur une situation déstabilisante.»

S i la démarche s’apparente à une consultation chez un psychologue, elle

n’est pas tout à fait identique, explique Jean-Eudes Arnoux, pionnier de la consultation philosophique «en cabinet» en Suisse romande: «La psychothéra-pie aborde les problèmes sous l’angle de la

maladie, c’est-à-dire d’un point de vue médical, la philosophie sous l’angle d’une condition de vie, c’est-à-

dire d’un point de vue existentiel.»

RÉFLEXION PLUS LARGEEn clair, alors que la psychothérapie se sert d’habitude des médicaments et de la science, la thérapie

philosophique se fonde sur une réflexion plus large: la place de l’homme dans l’histoire, sur la planète, le rôle des sentiments et des émotions dans la vie de chacun, etc. Les problématiques récurrentes: le bonheur, la mort, l’amour et le couple, mais aussi le travail. «J’accompagne aussi bien des jeunes en difficulté d’appren-tissage que des patrons», raconte Georges Savoy.

Chaque philosophe a sa manière de faire, issue de son parcours, de ses convictions, de ses affinités intellectuelles, et l’adapte à son interlocuteur. «Je n’ai pas qu’une seule méthode, même si, pour moi, la psychanalyse est importante,

MON PHILOSOPHE, CE PSY!

TEXTE: CAMILLE ANDRES

Récente en Suisse, la thérapie philosophique intervient sur les questionnements existentiels. Les soignants y ont également recours pour prendre du recul sur leur pratique.

THÉRAPIEDurant l’Antiquité, l’homme est défini par sa nature: être de chair et être pensant. Les premiers philosophes, comme Platon ou Sénèque, sont des maîtres à penser comme des maîtres à vivre. La philosophie se veut une thérapie – du grec therapeia, qui signifie «soin», «cure» – pour aider l’homme à vivre en harmonie avec son corps et son âme. Au XXe siècle, l’homme est défini avant tout à partir de sa condition, de ses états d’âme, par la phénoménologie, un courant philosophique qui vise à explorer les structures transcendantes de la conscience. La fonction de la philosophie est alors réduite à penser l’existence. La médecine sera la seule science légitime quant aux dysfonctionnements du corps.

PHILOCONSULTANTLe terme est un néo-logisme. En Suisse, la pratique existe depuis une demi-douzaine d’années et n’est pour l’instant pas encadrée. Les consultations ne sont pas remboursables.

CORPORE SANO APERCU

Page 63: In Vivo #7 FRA

61

SOCRATE

CORPORE SANO APERCU

indique Georges Savoy. J’aide les personnes à accoucher de leurs propres idées, désirs, peurs, à accoucher d’elles-mêmes, au final. C’était le projet de Socrate.»

E mmanuelle Métrailler, philosophe en Valais, travaille à partir de la pensée platonicienne.

Elle aide ses patients à renouer avec toutes les facultés de leur âme et les dimensions de leur personnalité pour «retrouver un accord, une intégrité, entre la parole et les actes». Une conception proche de celle de Jean-Eudes Arnoux, qui axe sa réflexion autour du rapport à la vérité. «Je ne sais pas si la consultation philosophique rend heureux, mais elle rend plus lucide. Et plus on est lucide, plus on est à même de s’accepter et de vivre de façon authentique.» ⁄

*PRÉNOMS D’EMPRUNT.

SOCRATEConsidéré comme le père des philosophes, ce penseur grec du IVe siècle avant J.-C. pratiquait la maïeutique, c’est-à-dire le questionnement rationnel de ses interlocuteurs pour les faire parvenir à une vérité.

«UN PHILOSOPHE EN MÉDECINE, POUR QUESTIONNER LA PRATIQUE

AU QUOTIDIEN!»

Friedrich Stiefel, chef du Service de psychiatrie de liaison au CHUV, collabore avec le philosophe Hubert Wykretowicz

depuis deux ans. L’objectif est de faire le point sur les savoirs acquis qui semblent aller de soi et de les question-ner, qu’il s’agisse des manières de concevoir la maladie et le patient, ainsi que des relations avec ce dernier et des

pratiques: «L’homme malade n’est pas seulement un corps biologique qui enveloppe une psyché, c’est une figure qui

change à travers le temps et selon l’angle de vue», explique le psychiatre. La réflexion menée avec le philosophe n’a pas pour but de trouver un traitement spécifique.

Si «traitement» il y a, c’est plutôt du côté des soignants qu’il faut le concevoir, afin d’augmenter leur conscience et d’élargir leur champs de vision. «Si l’on prend l’exemple d’un patient souffrant de la maladie de Parkinson, son

histoire n’est pas seulement l’accumulation de symptômes neurologiques et d’une éventuelle détresse psychique associée, continue Friedrich Stiefel. Le patient ressent

également son corps dans ses dimensions existentielles: le corps que j’ai, le corps que je suis, le corps qui me lie aux autres, le corps qui regarde, le corps qui est regardé, etc.

Sans oublier que le ralentissement moteur et la restriction induite par la rigidité musculaire changent son rapport au

temps et à l’espace. Toutes ces modifications de percep-tions ne sont pas abordées au cours de la formation des soignants. L’étude de ces dimensions du vécu – au cœur

du quotidien du patient – permettrait donc d’approfondir la connaissance et la compréhension de l’être malade.»

Par ailleurs d’autres disciplines traditionnellement pas ou peu associées à la médecine comme la linguistique,

l’anthropologie ou la sociologie font partie de cette volonté de questionner et de comprendre les êtres dans un monde

qui bouge, y compris les malades et leurs soignants.

FRIEDRICH STIEFEL

CEM

CAV

, DR

Page 64: In Vivo #7 FRA

62

Toute sa jeunesse, Michelle Biolley a dissimulé la vérité aux yeux de tous. Personne ne connaissait son secret, ni ses amis ni ses professeurs, surtout pas sa famille. Pourtant, elle souffrait: née

dans la peau d’un garçon, elle savait qu’elle était une femme: «J’avais ce truc entre les jambes, je ne savais pas quoi en faire», explique-t-elle. Le problème: Michelle Biolley a grandi au mauvais endroit, un petit village proche de Winterthour. Et au mauvais moment. «C’était les années 1980, je ne pouvais rien dire, explique-t-elle. Là où j’ai été élevée, dans une société agraire, on ne pouvait pas aborder ce genre de question.»

Mais, aujourd’hui, la situation a radicalement changé pour les personnes transsexuelles. La star américaine Caitlyn Jenner fait la une de «Vanity Fair». La chanteuse Conchita Wurst met sens dessus dessous les conceptions du genre. Amazon a même produit une série TV, «Transparent», qui

documente le processus du changement de sexe. «On a parcouru un tel chemin», raconte, soulagée, Michelle Biolley.

«La discrimination officielle de cette catégorie de la population a commencé dès la seconde moitié du XIXe siècle, explique Susan Stryker, une chercheuse de l’Université de l’Arizona qui a rédigé un ouvrage à ce sujet, «Transgender History». Les médecins ont pour la première fois

considéré les personnes qui souffraient de dysphorie du genre (le terme médical contemporain, ndlr) comme malades. On pouvait vous envoyer dans un asile ou en prison!» Les premiers regrou-pements politiques pour la défense des droits des transgenres ont alors émergé, notamment à New York et à Berlin.

Ce n’est qu’au lendemain de la Seconde Guerre mondiale que la question transsexuelle est à nouveau

abordée de manière positive. L’histoire de l’Américaine Christine Jorgensen dévoile le phénomène au grand public: ancien

TEXTE CLÉMENT

BÜRGE

Auparavant mis au ban de la société, la communauté transsexuelle se fait reconnaître de plus en plus de droits. Témoignage d’une femme, née homme, qui a vécu cette évolution sociétale.

CORPORE SANO DÉCRYPTAGE

Le long chemin de la cause

transsexuelle

Michelle Biolley, homme devenue femme, milite pour les droits des transgenres.

DR

Page 65: In Vivo #7 FRA

CORPORE SANO DÉCRYPTAGE

Xxxxxxx

GI, elle devient en 1952 la première personne ayant subi une chirurgie de réattri-bution sexuelle à aborder son récit publiquement.

A la même époque, la médecine s’est aussi mise à se pencher sérieusement sur le phénomène. Le terme «trans-sexuel» a été inventé en 1949. Des centres médicaux spécialisés voient le jour. Et l’endocrinologue américain Harry Benjamin publie en 1966 le premier ouvrage de référence sur le sujet intitulé «The Transsexual Phenomenon».

Mais cette tendance s’est renversée dans les années 1970. «Les mouvements féministes et gays critiquèrent fortement les transsexuels, explique Susan Stryker. Etre trans était à nouveau perçu comme

une maladie.» Toute une série de centres hospitaliers spécialisés sur les questions transsexuelles ont fermé.

Ce climat néfaste dura plusieurs décen-nies. Et pesa sur Michelle Biolley jusqu’au début des années 1990. Jeune ado, elle partait en cachette consulter des livres sur les transsexuels à Zurich. Un jour, elle se rend à Berlin où elle rencontre les premiers groupes trans de sa vie. De retour en Suisse, elle décide enfin de parler à un médecin. Celui-ci l’envoie consulter les experts d’un centre médical spécialisé à Bâle.

«Les employés m’ont humiliée, se rappelle-t-elle. On m’a sorti tellement d’aberrations.» On lui conseille de porter des minijupes, des hauts talons et de beaucoup se maquiller «pour se faire

MAU

RIC

E SE

YMO

UR

Christine Jorgensen

LA PIONNIÈREChristine Jorgensen, née George William

Jorgensen Jr. le 30 mai 1926 à New York, est

la première personne connue à avoir subi

une opération chirurgi-cale de réassignation sexuelle. Son histoire fait le tour du monde: la jeune femme se re-

trouve sur la couverture de tous les magazines

de la planète, et un film hollywoodien s’inspirant de son histoire est réalisé.

Elle choisit le prénom de Christine en l’hon-

neur de Christian Hamburger, le chirur-

gien danois qui l’opéra.

63

Page 66: In Vivo #7 FRA

64

CORPORE SANO DÉCRYPTAGE

accepter par la commu-nauté». On lui demande si «elle veut avoir des gros seins, car les femmes transsexuelles aiment les gros seins». Une théra-peute lui dit «qu’elle est un si beau garçon qu’elle ne comprend pas pour-quoi elle veut devenir une femme». «Après quatre ans de thérapie, les psy-chiatres me conseillaient toujours de revenir sur ma décision, j’ai donc décidé de prendre en charge ma transition moi-même», explique Michelle Biolley. En 1995, elle commande des hormones en ligne. Et transforme son corps sans l’aide de personne.

Mais, dans les années 1990, tout a changé. Le militantisme transgenre s’est intensifié et la conception sociale du transsexuel s’est modifiée. «Une nouvelle notion du ’futur’ a vu le jour, explique Susan Stryker. Les gens se sont à nouveau mis à s’enthousiasmer pour la technologie. Le transsexuel est devenu un symbole de progrès, comme s’il s’agis-sait d’un corps futuriste, modifié par la science.»

Et, dans les années 2000, «la génération Y, plus tolérante envers les questions de genre, est devenue adulte», explique l’universitaire. Résultat, les transsexuels sont de plus en plus présents dans les médias. Des films et des séries télévisées

abordent la ques-tion. Des célébri-tés transsexuelles s’affichent. «L’exposition mé-diatique a fait un bien fou à notre communauté et a fait gagner en visibilité à notre cause», dit Henry Hohmann, le président du Transgender Network Switzer-land, l’association

faîtière qui défend les droits des transsexuels helvétiques.

En Suisse, l’assurance-maladie de base est désormais obligée de couvrir les frais engendrés par une transition. Et les conditions pour obtenir un changement de nom ou de genre sur son passe-port sont de plus en plus flexibles. «Durant les cinq dernières années, les choses ont beaucoup changé, explique Frie-drich Stiefel, le chef du Service de psychiatrie de liaison au CHUV. Il fallait auparavant avoir au mini-

mum 25 ans pour subir une opération de réattribution sexuelle, ce qui n’est plus le cas. Et il fallait obligatoirement suivre

Chaz Bono LE MILITANTLa fille de Cher et

de Sonny Bono a la particularité d’avoir grandi en ayant été

scrutée par la presse. Auparavant lesbienne, Chaz Bono débute une courte carrière de musi-cien avant de devenir militant pour les droits

LGBT. Il entame sa transition en 2008.

Caitlyn Jenner

LE SYMBOLEChampion olympique du décathlon en 1976,

Bruce Jenner représen-tait le cliché du mâle

alpha américain. Marié à Kris Kardashian, il a participé durant des

années à l’émission de téléréalité «L’Incroyable

Famille Kardashian». En avril 2015, Bruce

Jenner avoue qu’il se considère comme une femme. Il se retrouve

en couverture du magazine américain «Vanity Fair», où il dévoile sa nouvelle identité et s’appeler

Caitlyn, devenant une icône de la commu-nauté transsexuelle.

Le chirurgien Olivier Bauquis réalise une intervention liée au changement de sexe par semaine.

PHIL

IPPE

GÉT

AZ

Page 67: In Vivo #7 FRA

65

CORPORE SANO DÉCRYPTAGE

deux ans d’accompagne-ment psychiatrique. C’est plus flexible aujourd’hui. Les décisions se prennent au cas par cas.» Les jeunes transsexuels n’ont plus peur d’en parler et de demander une transition. «Mes patients sont de plus en plus nombreux et de plus en plus en jeunes», témoigne Olivier Bauquis, un chirurgien spécialisé en réattribution sexuelle au CHUV.

Mais la situation est encore loin d’être parfaite. «Les personnes trans devraient avoir le choix de changer leur nom et leur genre sur leur passeport sans avoir besoin de consulter un psy-chiatre», estime Henry Hoh-mann. Certaines personnes

souffrent encore de discrimination: «Des gens se font encore insulter dans la rue, dit-il. La haine et l’incompréhension n’ont pas disparu.» Cela a un impact sur la carrière des personnes qui changent de genre. «En 2014-2015, 20% des per-sonnes qui ont effectué une transition ont perdu leur emploi à cause de ce choix», explique Henry Hohmann.

Il se plaint aussi de la pénurie de soins liés à une transition. «Trop peu de centres hospitaliers proposent l’opération en Suisse, dit-il. Et ceux qui le font, en effectuent trop rarement. Le personnel n’a donc pas l’expertise nécessaire.»

Olivier Bauquis, qui pratique des opérations de réattribution sexuelle au CHUV depuis 2007, abonde dans ce sens: «Comme il n’y a pas beaucoup de centres

qui pratiquent ce genre d’opérations correctement, nous, au CHUV, recevons trop de demandes. Nous réalisons au minimum une intervention liée au chan-gement de sexe par semaine. C’est trop pour notre petite équipe.» Le traitement n’est pas non plus bien vu au sein de la communauté médicale: «Certains soignants et médecins estiment qu’il est contre nature de faire ce genre d’opéra-tions, explique le chirurgien. C’est une pression difficile à gérer.»

Pour les personnes qui ont pu faire leur transition, la vie est bien plus simple. Aujourd’hui, Michelle Biolley se sent désormais bien dans sa peau. Elle est devenue vidéaste et milite pour la cause transgenre. Elle est heureuse. ⁄

Andreja Pejic

LE PHÉNOMÈNE HAUTE COUTURE

Véritable sensation dans les milieux de

la haute couture, Andrej Pejic a défilé en tant qu’homme

durant des années tant pour les collections

masculines que fémi-nines, profitant de son apparence androgyne. En 2014, elle devient

officiellement une femme transsexuelle,

nommée Andreja.

Lana WachowskiLE GÉNIE DU

CINÉMALana Wachowski et

son frère Andy sont à l’origine de la trilogie

des films «Matrix». Elle a secrètement entamé sa transition en 2002

et a révélé sa nouvelle identité en 2012.

Page 68: In Vivo #7 FRA

66

CORPORE SANO PROSPECTION

irus archi-mé-diatisé, le VIH recèle encore beaucoup de secrets aux yeux des scientifiques

et du grand public. Saviez-vous par exemple qu’il en existe plusieurs sous-types qui peuvent se mélanger entre eux et former ainsi de nouvelles versions du virus? Il existe ainsi 72 formes de ces combinaisons (nommées «recombinant») du virus VIH à la source d’épidémies.

Jusqu’en 1996, on ne comptait que deux versions recombinantes du VIH. Et les scientifiques étaient persuadés qu’elles ne se combinaient jamais. «On sait aujourd’hui que c’est faux, affirme Séverine Vuilleumier, chercheuse à l’EPFL, qui

collabore avec l’Institut de microbiologie du CHUV. Ces rencontres donnent lieu à des batailles dont la science a énormément à apprendre.»

Si nos connaissances en la matière ont évolué si rapide-ment, c’est en grande partie grâce à l’essor de la génomique, qui permet de cartographier avec précision le code génétique des différents organismes vivants, y compris les virus. «Nous connaissons aujourd’hui un large catalogue des formes du VIH, continue Séverine Vuilleumier. Ce qui intéresse plus particulièrement mon équipe, c’est l’étude des mouvements migratoires de ces différents types et sous-types, afin de déterminer leur histoire, leurs origines et leur force: si la forme A rencontre une autre forme B,

qui gagne? Quel sera le fruit de cette rencontre? Pouvoir répondre à ces questions donnera de précieuses informa-tions, dans la recherche d’un vaccin par exemple.» Cela fait de nombreuses années que Séverine Vuilleumier se penche sur ce qu’elle appelle les «patterns complexes» de ces flux migratoires. Au début de sa carrière, la biologiste s’intéressait aux extinctions et emergences d’espèces animales; l’étude de leurs flux migratoires pouvait selon elle expliquer la disparition de certaines d’entre elles. C’est dans un second temps que la scientifique s’est penchée sur les virus, «intéres-sants parce que évoluant beaucoup plus rapidement tout en étant plus faciles à observer». Des recherches qui ont fini par

LES VIRUS, CES INFATIGABLES

VOYAGEURSQU’IL SOIT DE LA GRIPPE OU DU VIH, LE VIRUS D’UNE MÊME MALADIE

N’EST JAMAIS EXACTEMENT IDENTIQUE PARTOUT SUR LA PLANÈTE. LA CHERCHEUSE SÉVERINE VUILLEUMIER CONSACRE SON TEMPS À L’ÉTUDE DES POPULATIONS VIRALES QUI SE BALADENT AUTOUR

DU GLOBE ET DE CE QU’ELLES PEUVENT RÉVÉLER.

V

TEXTE BERTRAND TAPPY

Page 69: In Vivo #7 FRA

67

CORPORE SANO PROSPECTION

attirer l’attention de la Faculté de biologie et médecine de l’UNIL et le Fonds national suisse de la recherche scientifique qui ont financé la suite de ses travaux.

Outre le fait de pouvoir prévoir l’évolution du VIH autour du globe, l’étude des flux migra-toires des virus a déjà permis d’identifier le type de virus – et donc l’endroit – qui a vu pour la première fois le VIH passer de l’animal à l’homme. «Les animaux sont très rarement malades après avoir contractés le SIV (la forme animale du VIH, ndlr), ajoute Séverine Vuilleumier. Et c’est la même chose pour d’autres virus comme

Ebola, une autre pandémie qui a poussé la communauté scienti-fique à s’intéresser au sujet. Les mécanismes d’apparition de telle ou telle version du virus doivent encore être découverts. Si en règle générale ces recombinai-sons affaiblissent le virus, il peut aussi malheureusement devenir beaucoup, beaucoup plus puissant. Ironiquement, ce n’est pas une bonne nouvelle pour le virus: devenir trop puissant peut signifier la mort de son hôte, et par conséquent sa propre disparition…»

Beaucoup de choses que nous pensions certaines au sujet du VIH ont donc déjà été remises

en question par les découvertes de ces nouveaux cartographes de la génomique dont Séverine Vuilleumier et son équipe font partie. L’étape suivante consiste maintenant à tenter d’élaborer des stratégies visant à contrôler, voire ralentir l’évolution du virus et de la pandémie. «Je me suis d’abord intéressée aux animaux pour ensuite me concentrer sur les virus, c’est une excellente manière de repasser du microscopique à l’échelle humaine», conclut avec malice Séverine Vuilleumier, qui semble plus motivée que jamais à continuer son yo-yo entre l’immense et l’immensé-ment petit. ⁄

VIH-1

VIH-2

N

O

P

A

B

H J

K

M

Le groupe M du VIH-1 est le plus répandu à travers le monde. Il est responsable de la pandémie de sida avec près de 40 millions de personnes infectées. De nouvelles formes de VIH issues de la recombinaison entre les sous-types du groupe M émergent par ailleurs aujourd’hui.

G

F

D

CB

A

DE MULTIPLES FORMES À TRAVERS LE MONDE

Le VIH présente une diversité génétique importante. Deux

types ont été découverts jusqu’à présents: VIH-1, le plus présent dans le monde, et VIH-2, moins contagieux. Au sein de chaque type existent plusieurs groupes

qui, à leur tour, comportent des sous-types.

Apparu au début du 20e siècle dans la région du bassin du

Congo chez les singes, le virus du sida a été transmis à l’homme aux alentours des années 1950. Il a commencé à migrer, sous ses différentes variantes génétiques,

dans les autres régions du monde dans les années 1960. C’est aux conséquences de ces mouvements migratoires que

Séverine Vuilleumier s’intéresse.

Page 70: In Vivo #7 FRA

68

CORPORE SANO

ZOOM

68

Tout commence en 1944, lorsque le chimiste Leandro Panizzon synthétise le méthyl-phénidate en 1944 dans les laboratoires de Ciba à Bâle. Comme la grande majorité des chimistes de l’époque, il décide de tester au plus vite sa trouvaille sur la première personne qui lui tombe sous la main: sa femme, Margue-rite (surnommée «Rita»). Et les effets ne tardent pas à se faire remarquer.

C’est sur le court de tennis que Rita constate les plus grands changements, son jeu s’améliorant après en avoir absorbé. De fait, la molécule agit rapidement sur le système nerveux et favorise la concentration. Un brevet est donc déposé et le médicament est commer-cialisé pour lutter contre la

fatigue et la confusion. On est alors au beau milieu de l’époque des trente Glo-rieuses: «Les découvertes médicales explosent après la Seconde Guerre mondiale, faisant espérer que la science trouvera un remède contre tous les maux, somatiques ou psychiques, analyse Thierry Buclin, chef de la Division de pharmacologie clinique du CHUV. Mais dans ce second cas, la grande majorité des médicaments ne guérissent pas: ils modifient tout au plus le trouble ou le soulagent.»

Quelques années après sa mise en vente, on découvre que la Ritaline permet d’amé-liorer le comportement quoti-

dien des enfants souffrant de troubles du déficit d’attention, avec ou sans hyperacti-vité (TDAH). Au début, les prescriptions sont réservées aux cas les plus lourds, avec des résultats parfois spectaculaires. Mais au fil des années, le nombre d’enfants sous traitements augmente de manière tout aussi impressionnante. «Un certain revirement débute à la fin des années 1990 avec l’apparition d’une fronde anti-Ritaline, à qui l’on reproche beaucoup de choses, continue Thierry Buclin: ralentissement de la croissance, symptômes cardiaques, dépendance, passage aux drogues dures, idées suicidaires, etc.»

Alors que se poursuit la controverse et que se multiplient les études sur le TDAH, ce qu’on observe surtout, c’est à quel point l’usage de la Ritaline révèle les discordances régnant entre les régions, les groupes sociaux, les institutions, les médecins et les familles à propos d’une préoccupation aussi essen-tielle que la standardisation des comportements et la légitimité à les influencer de manière chimique. Qu’on les pense dissipés, indomptables, révoltés, à haut potentiels ou hyperac-tifs, nos jeunes continuent ainsi à questionner ce que nous attendons de la génération suivante. Reste à savoir si les réponses peuvent être apportées par une simple pilule. ⁄

La Ritaline a passé le cap de la soixantaine,

mais cette molécule est indissociablement liée

aux enfants et aux ados.

C14H19 NO2UNE MOLÉCULE,

UNE HISTOIRETEXTE: BERTRAND TAPPY

MéthylphénidateC14H19NO

2

Page 71: In Vivo #7 FRA

PHIL

IPPE

GÉT

AZ

CORPORE SANO CHRONIQUE

En Suisse, la formation tout au long de la vie professionnelle est

particulièrement développée et largement soutenue par les

autorités politiques, les associations professionnelles et les employeurs.

Avec ses 10’000 collaborateurs et collaboratrices assumant une centaine de métiers distincts, le CHUV consacre

une partie importante de son budget en faveur du développement

de son personnel.

A l’heure où les connaissances dans le domaine de la santé évoluent à

vitesse grand V, la formation continue est fortement sollicitée afin de pallier

rapidement les méconnaissances inévitables du personnel, celles d’un contexte où la médecine et les soins

hautement spécialisés doivent répondre aux besoins d’une population vieillissante,

gravement atteinte dans sa santé et vulnérable.

Il n’est donc pas étonnant que les nouvelles technologies de l’information et de la

communication pour l’enseignement (TICE), et notamment l’e-Learning, apparaissent

comme autant de solutions miracle à qui veut croire qu’il n’y a qu’à transmettre

d’un côté pour que l’apprentissage se fasse de l’autre.

Faut-il rappeler qu’entre l’investissement de l’expert clinique et celui de l’expert en TICE, les coûts de production d’un e-learning interactif, tel que celui pré-senté plus loin dans la rubrique Tandem, représente en moyenne 300 heures de travail pour 1 heure de formation?

Il n’est pas question ici de faire le procès des innovations pédagogiques et de prêcher pour le retour du bon vieux tableau noir et de la craie blanche. Bien au contraire! Dans certaines condi-tions, ces développements technologiques ont démontré leur efficacité, tant du point de vue de l’apprentissage que de la maîtrise des coûts. Néanmoins, il ne s’agit que d’une stratégie pédagogique et en cela, l’investis-sement important qu’elle implique a le mérite de nous (re)poser la question fondamentale quant à la mission de la formation.

En milieu hospitalier, universitaire de surcroît, la finalité d’une formation continue ne peut agir uniquement au niveau de la connaissance du personnel. Il s’agit de mobiliser, pour le patient et ses proches, la compétence des profession-nel-le-s, ce savant mélange de connaissances scientifiques, techniques, relationnelles, éthiques et collaboratives, toutes aussi importantes et indis-pensables les unes que les autres.

Cette préoccupation peut vite prendre la tangente lorsqu’il s’agit d’innovations technologiques… au risque de séduire les apprenants à défaut de leur permettre d’apprendre! ⁄

69

SERGE GALLANTDirecteur du Centre des formations du CHUV

L’innovation pédagogique au service de la compétence? Attention aux risques de la «séducation»!

Page 72: In Vivo #7 FRA

70

CURSUS CHRONIQUE

a pénurie de médecins est plus que jamais à l’agenda. Jusqu’au Conseil fédéral qui souhaite débloquer 100 millions de francs pour doper les capacités de formation

pré-graduée. Cette manne attire bien sûr les convoitises, l’EPFZ préparant ainsi son propre Bachelor en médecine.

La pression parlementaire, la frénésie des annonces et nos propres inquiétudes nous forcent aujourd’hui à agir. Mais elles génèrent aussi un écran de fumée, mas-quant le problème de fond: notre relative méconnaissance de la démographie médicale. Car le refrain sur la pénurie de médecins revient aussi souvent que l’antienne sur la surpopulation de spécia-listes. Par ailleurs, selon une estimation de l’Académie suisse des sciences médicales, 20% des médecins changent de métier dix ans après leur formation. Un chiffre qui reflète notamment la féminisation de la profession, et l’inadaptation de nos struc-tures à accompagner ce mouvement. Ce n’est donc pas qu’un problème de formation.

CU

RSU

SU

NE C

ARRI

ÈRE

AU C

HUV

Avec la sur-spécialisa-tion, le développement de filières biomédicales, il est de plus en plus difficile de définir ce qu’est aujourd’hui un «médecin». Médecins généralistes, spécialistes certes, mais aussi médecins chercheurs,

ce métier est plus que jamais protéiforme.Il faut mieux connaître cette réalité,

réordonner les messages contradictoires, hiérarchiser les intérêts divergents pour pouvoir apporter une réponse adéquate. Au risque sinon de lancer des mesures d’urgence autour d’un fantasme.

Et c’est le rôle d’une Faculté de biologie et de médecine de remettre de l’ordre dans ce chaos. Il importe notamment de dissiper le «brouillard de guerre» régnant sur le métier: nous souhaitons ainsi créer une cohorte de médecins, dont nous suivrons l’évolution dès la première année d’étude. La Faculté de biologie et de médecine aura une mission complexe: garantir une formation médicale de base orientée sur la clinique, tout en formant de nouvelles catégories de médecins, à savoir les médecins biologistes et les médecins ingénieurs. L’enjeu sera également celui de la communication; il importera de changer les métiers et non pas de créer des passerelles élitistes. Et surtout, il faudra encourager les médecins une fois diplômés et les accom-pagner, pour éviter les désillusions et l’hémorragie démographique. ⁄

CEM

CAV

LPénurie de données

70

Jean-Daniel TissotDoyen de la Faculté de biologie et de médecine de l’Université de Lausanne

Page 73: In Vivo #7 FRA

Des billes contre le cancer

Le groupe du Prof. Alban Denys,

médecin chef du service de radiodiagnostic et radiologie interventionnelle du CHUV, a été primé au Congrès européen de radiologie interventionnelle. La distinction récompense son travail sur des billes diffusant des agents anti-angiogéniques pour le traitement de cancers du foie. La licence a été vendue à une société anglaise qui se chargera de son développement. MB

ONCOLOGIE

Des soins à l’hôtel

Le décanat de la Faculté de biologie

et de médecine a cinq nouveaux visages depuis août. Jean-Daniel Tissot occupe le poste de doyen. Il est épaulé dans ses tâches par quatre nouveaux vice-doyens: Isabelle Décosterd pour l’ensei-gnement et la formation, Nicolas Fasel pour la recherche & l’inno-vation, Manuel Pascual pour les affaires stratégiques, les relations extérieures et la communication et François Pralong pour la relève et les plans de carrière. MB

Nouveau décanat à la FBMNOMINATIONS

Le premier hôtel des patients

ouvrira à l’automne 2016 sur le site du CHUV. Cet établis-sement destiné à des malades autonomes et à leurs proches sera dirigé par la Vaudoise Stéphanie Abel.

Un bâtiment inédit entrera en fonction sur le campus du CHUV à l’automne 2016. Il s’agit du premier hôtel des patients à ouvrir en Suisse. L’établissement de 114 chambres se destine à des patients autonomes dans leur vie quotidienne, ayant besoin de recevoir des soins aigus ou de subir des examens qui peuvent être organisés ou prodigués à l’Hôtel des patients.

L’établissement sera dirigé par Stéphanie Abel, diplômée de l’Ecole hôtelière de Lausanne. Cette Moudonnoise d’origine s’est perfectionnée dans le domaine de la santé, dans un établissement médico-social, durant ses études. Elle a été directrice d’hôtel pendant 17 ans à Lausanne et à Genève. La Vaudoise prendra les rênes du nouvel Hôtel des Patients

RECHERCHE

dès le mois de janvier 2016 et s’occupera également des travaux de préouverture. Elle collaborera avec Jérôme de Torrenté, qui se chargera de l’équipe de soignants du CHUV.

Cet hôtel pas comme les autres collaborera étroitement avec le CHUV, dont les médecins prodigueront les soins aux patients hébergés sous son toit. Les malades bénéficieront ainsi du confort d’un hôtel, tout en profitant du même encadrement médical et du même personnel soignant que dans un hôpital de soins aigus. L’hôtel des patients pourra également héberger les proches et les accompagnants des malades. D’autres projets de ce type sont à l’étude sur des campus hospitaliers helvétiques. MB

CURSUS ACTUALITÉ

71

Page 74: In Vivo #7 FRA

Pour commencer, livrons-nous à un petit exercice: tendez votre

main devant vos yeux. Puis, lentement, agitez chacun de vos doigts en faisant tourner votre poignet. Rien de bien extraordi-naire, n’est-ce pas? Maintenant, tentez d’imaginer les rouages et les câblages nécessaires pour reproduire ces mouvements de manière fidèle. Vous avez le vertige? C’est normal. Réalisation magnifique et encore inégalée, la main humaine continue en effet de fasciner les professionnels de la santé. Encore aujourd’hui, ils s’efforcent de percer tous les mystères que renferment ses 27 os, sa trentaine de muscles et ses innombrables terminaisons nerveuses.

Malheureusement, le nombre de pathologies et de traumatismes susceptibles de toucher nos mains est également impression-nant: fracture, lésions ligamen-taires, arthrose ou encore tendinite pour n’en citer que quelques-uns. Et même si le

traitement adéquat est fourni à temps, c’est dans la période de récupération que tout se joue. Notamment parce que notre cerveau a la fâcheuse tendance de négliger très vite la main diminuée. Ce phénomène, appelé «exclusion», peut souvent compliquer la rééduca-tion (perte de sensibilité, raideur) et par conséquent le retour à la vie normale. D’où l’intérêt de recommencer la mobilisation le plus tôt possible. Et c’est à ce moment qu’intervient l’équipe des physiothérapeutes spécia-listes du Département de l’appareil locomoteur du CHUV, dont fait partie Barbara Balmelli.

En écoutant cette jeune physiothérapeute d’origine tessinoise, on réalise rapide-ment que la main n’a pas fini de la captiver. Pourtant, son choix de carrière est dû au hasard d’une formation suivie à Grenoble avec un collègue voilà quatre ans: «Ce qui m’a plu, c’est tout d’abord l’exceptionnelle passion qui se dégageait des

formateurs, raconte-t-elle. Il n’y a pas beaucoup de métiers qui focalisent autant leur attention sur le sujet, et on ne peut pas se satisfaire du service minimum. C’est un outil essentiel de notre quotidien, et un outil de travail pour une très grande partie de nos patients qui peut très vite mettre à mal notre autonomie lorsqu’elle est invalidée. Soigner la main de quelqu’un, c’est également entretenir un rapport privilégié, presque intime, que je trouve très précieux.»

Même si les patients que Barbara rencontre ont tous des objectifs différents (reprendre le sport après un accident, retourner au travail après une inflammation ou simplement tenir un crayon), tous doivent se plier au jeu des séances qui s’enchaînent pendant des semaines, voire des mois. «L’aspect primordial est de retrouver une gestuelle et une fonction spontanées, continue Barbara Balmelli. Nous privilé-gions donc le côté ludique pour que nos patients ne réfléchissent plus à leurs mouvements. Et nous faisons en sorte qu’ils puissent échanger entre eux, pour partager leurs expériences. Un environnement parfait pour moi, qui déteste le statique!» ⁄

Physiothérapeute, Barbara Balmelli soigne le plus beau des outils: la main humaine.TEXTE: BERTRAND TAPPY, PHOTOS: HEIDI DIAZ

PORTRAIT

72

CURSUS UNE CARRIÈRE AU CHUV

Page 75: In Vivo #7 FRA

73

Retrouver de la force, de la mobilité ou de la coordination: les stimulations et les exercices peuvent énormément varier d’un patient à un autre.

Dans le processus de rétablisse-ment, le physiothérapeute n’est pas seul à décider. Le dialogue avec le patient est essentiel pour fixer les objectifs à atteindre, et le programme est établi en interaction avec les équipes soignantes et médicales.

CURSUS UNE CARRIÈRE AU CHUV

Page 76: In Vivo #7 FRA

TANDEM

RAU

L PR

IETO

LUC

IE C

HAR

BON

NEA

U

Page 77: In Vivo #7 FRA

CURSUS

En 2009, 19,2% des patients du CHUV

développaient des escarres, ces lésions cutanées découlant essentiellement du manque de mobilité. Environ 1’000 malades sont potentiellement concernés chaque année. «Les escarres ont un impact sur la qualité de vie du patient, mais aussi sur sa durée d’hospitalisation, parfois prolongée en raison de l’apparition de ces plaies», explique Lucie Charbonneau, infirmière au CHUV.

Formée à Québec et arrivée au CHUV en 1994, Lucie Charbonneau s’est spécialisée en 2005 dans les plaies et leur cicatrisation. Elle est nommée responsable du programme «Objectif zéro escarre», lancé par le CHUV en 2009. Parmi toutes les actions à entreprendre, elle identifie rapide-ment un besoin important: former le personnel soignant, et en priorité les nouveaux collabora-teurs. «Le traitement des escarres est médical, mais la prévention relève du rôle des infirmiers et des aides-soignants. C’est compliqué, car ce travail suppose une prise en charge spécifique, qui n’est pas toujours enseignée dans les écoles. De plus, toute la difficulté pour les soignants est d’interve-nir sur un problème pouvant potentiellement se produire. Etant donné la complexité de la prise en charge des patients, d’autres aspects médicaux importants sont souvent priorisés.»

L’enjeu est d’ordre pédagogique, mais des ques-tions se posent également sur le plan pratique, face au nombre de collaborateurs à former. Organiser

des cours en salle? Trop compliqué, coûteux et long. La formation à distance, ou e-learning, peut-elle offrir une alternative efficace? C’est autour de cette

question que Lucie Charbonneau travaille avec Raul Prieto fin 2011, responsable des technologies de l’information et de la communication pour l’ensei-gnement au Centre des formations du CHUV.Ensemble, ils élaborent une formation de quatre heures adaptée à un public de jeunes soignants nouvellement intégrés au CHUV. «Lucie a apporté son savoir-faire sur la matière, moi sur les méthodes d’apprentissage», résume Raul Prieto. Au menu: quiz, animations interactives, vidéos et simulations.

Les connaissances en matière d’escarres sont désormais évaluées par questionnaire lors de l’intégration de tout nouvel infirmier. Si le score ne dépasse pas les 65% de bonnes réponses, l’infirmier est invité à suivre le cours développé par Lucie Charbonneau et Raul Prieto durant ses trois mois d’essai, via la plateforme de formation à distance du CHUV.

Les résultats sont là: le cours, lancé en 2014, a déjà été suivi par près de 300 soignants. Ils sont près de 80% à réussir l’examen final. Ceux qui échouent sont invités à suivre à nouveau le module ou une formation complémentaire traditionnelle, en salle. En décembre 2014, le taux d’escarres au CHUV atteignait 10,3% – soit une baisse de moitié! Dès cet automne, la formation devrait être déployée auprès de tout le personnel soignant de l’hôpital.

Lucie Charbonneau et Raul Prieto ont créé une formation à distance sur un sujet sensible: la prévention des escarres.TEXTE: CAMILLE ANDRES, PHOTOS: HEIDI DIAZ

75

CURSUS UNE CARRIÈRE AU CHUV

EN SAVOIR PLUSeformation.chuv.chSite de l’espace d’apprentissage du CHUV

Page 78: In Vivo #7 FRA

CURSUS ACTUALITÉ

76

Myrméco-logue honoré

Laurent Keller, directeur du Département d’écologie

et évolution de l’Université de Lausanne, est le lauréat du prix Marcel Benoist 2015. Le jury a souligné le caractère révolu-tionnaire de ses recherches en biologie évolutive portant sur les fourmis, qui ont permis une meilleure compréhension de la sélection naturelle et de l’orga-nisation sociale des organismes vivants. MB

PRIX

Lien entre éducation et régime méditerranéen

Le CHUV comp-tera une nouvelle

entité dès 2016. Baptisée Dépar-tement femme-mère-enfant, elle sera le résultat de la fusion entre le Département médico-chirur-gical de pédiatrie et celui de gyné-cologie-obstétrique et génétique médicale. La nouvelle unité sera dirigée par Jean-François Tolsa, prof. ordinaire à la Faculté de biologie et de médecine. Le département sera pleinement opérationnel en 2017. MB

Fusion femme-mère-enfantORGANISATION

Les personnes au bénéfice d’un niveau

d’éducation élevé possèdent les habitudes alimentaires les plus proches du régime méditerranéen, considéré comme ayant une action préventive contre les maladies cardio-vasculaires, le diabète et l’obésité. C’est le résultat d’une étude menée par l’équipe du Prof. Pedro Marques-Vidal du Service de médecine interne du CHUV qui a scruté les assiettes de plus de 4’000 Lausannois. Elle s’inscrit dans le cadre de la cohorte lausannoise (CoLaus) qui étudie les causes des maladies cardiovasculaires. MB

ÉTUDE

Philippe Ryvlin élu «Ambassadeur de l’épilepsie»

Expert internatio-nalement reconnu

dans le domaine de l’épilep-sie, Philippe Ryvlin, chef du Département des neurosciences cliniques du CHUV, a été récemment récompensé par le titre d’ambassadeur de l’épilep-sie décerné par l’International League Against Epilepsy (ILAE) et l’International Bureau for Epilepsy (IBE). Ce titre est remis tous les deux ans par le comité exécutif de l’ILAE et l’IBE à des personnalités qui ont témoigné d’un engagement exceptionnel dans la lutte inter-nationale contre l’épilepsie. BT

DISTINCTION

ERIC

DÉR

OZE

Page 79: In Vivo #7 FRA

Expliquez-nous vos recherches en quelques mots...Le but de mon PhD est de déterminer s’il y a une association causale entre la surcharge en fer et le diabète de type 2. Nous savons qu’une grande proportion des patients atteints d’hémochroma-tose – une maladie génétique caractérisée par une surcharge en fer – ont aussi un diabète de type 2. L’intérêt est de pouvoir identifier de nouveaux facteurs de risques modifiables pour le diabète de type 2, en plus des facteurs non modifiables que nous connaissons actuellement (âge, sexe, patrimoine génétique, etc.) et donc d’améliorer la prévention et le traitement de cette maladie. Pour y arriver, il faut analyser les données génétiques de dizaines de milliers de personnes, et identifier les gènes qui sont responsables du métabolisme du fer. Ensuite, il faudra voir s’ils ont un effet sur le développement du diabète pour confirmer notre hypothèse.

Faire des études à Cambridge dans un laboratoire d’envergure internationale, c’est un rêve qui se concrétise? Je dirais plutôt un projet qui est né au fil de ma carrière. Heureusement, tous les meilleurs groupes de recherche ne se situent pas aux Etats-Unis, et je dois avouer que j’ai un certain penchant pour la culture et le style de vie anglais qui privilégient

MIGRATION

77

CURSUS

DR

NOM Podmore

PRÉNOM Clara

TITRE Médecin-assistante au Service de médecine interne (2011)

l’équilibre entre le travail et la vie privée. Ce n’est pas toujours facile de rester motivé en faisant de la recherche, alors c’est important d’avoir un environnement dans lequel on se sent heureux pour garder l’élan et l’envie!

Votre travail exige de nombreuses heures devant un ordinateur pour l’analyse de données (ce que l’on appelle le «dry lab»). Comment gérez-vous ces périodes fastidieuses loin de la clinique?C’est vrai que mon occupation principale est très différente du quotidien de la clinique. Par contre, je me suis assurée de ne pas perdre la main totalement en voyant des patients, en allant a des colloques et surtout en discutant de cas que voient mes collègues qui font surtout de la clinique. Sans compter que cela m’a permis de vivre un autre système de santé, avec ses points forts et ses faiblesses. Et d’apprécier encore plus le système de santé suisse, qui est globalement excellent. ⁄ BT

Après avoir achevé ses études de médecine à 21 ans, Clara Podmore est partie à Cambridge pour réaliser son PhD en épidémiologie.

UNE CARRIÈRE AU CHUV

Page 80: In Vivo #7 FRA

78

BACKSTAGECARTE HEALTH VALLEY

La maquette en 3D de la Suisse romande a été réalisée par le jeune maquettiste Adrien Pochon à l’aide

de papier et de carton-plume (p. 06)

DR,

GIL

LES

WEB

ER

ADOLESCENTSJohann Pelichet, apprenti photographe au CEMCAV,

a immortalisé les trois jeunes femmes qui ont

témoigné dans le dossier sur les adolescents (p. 19 à 29). Il est aussi l’auteur de

l’image de couverture.

Page 81: In Vivo #7 FRA

79

CONTRIBUTEURS

CATHERINE COCHARDJournaliste et réalisatrice indépendante, Catherine

Cochard se passionne pour la dimension humaine des sujets

qu’elle aborde. Pour ce numéro d’«In Vivo», elle s’est intéressée aux bienfaits de la musique (p. 50) sur les patients ainsi que sur le

crowdfunding appliqué à la recherche médicale (p. 37).

TANG YAU HOONGIllustrateur autodidacte basé à Kuala Lumpur, en Malaisie, Tang Yau Hoong collabore

régulièrement avec LargeNetwork. Pour ce

numéro d’«In Vivo», il a créé le visuel métaphorique

qui accompagne l’article sur le crowdfunding dans la

recherche médicale (p. 37).

ANDRÉE-MARIE DUSSAULT

Andrée-Marie Dussault est journaliste indépendante

depuis 2004. Rédactrice en chef du magazine féministe l’«Emilie» à Genève entre 1998 et 2003, elle a rédigé pour «In Vivo» l’article sur

la pilule destinée à renforcer le désir sexuel

des femmes (p. 56)

DR

Page 82: In Vivo #7 FRA

ÉDITIONCHUV, rue du Bugnon 46

1011 Lausanne, Suisse T. + 41 21 314 11 11, www.chuv.ch

[email protected]

ÉDITEURS RESPONSABLESBéatrice Schaad et Pierre-François Leyvraz

DIRECTION DE PROJET ET ÉDITION ONLINEBertrand Tappy

REMERCIEMENTSFiona Amitrano, Alexandre Armand, Anne-Marie Barres,

Francine Billote, Valérie Blanc, Gilles Bovay, Virginie Bovet, Mirela Caci, Stéphane Coendoz, Muriel

Cuendet Teurbane, Stéphanie Dartevelle, Diane De Saab, Frédérique Decaillet, Muriel Faienza, Marisa

Figueiredo, Pierre Fournier, Serge Gallant, Christine Geldhof, Nicole Gerber, Katarzyna Gornik-Verselle, Déborah Hauzaree, Aline Hiroz, Pauline Horquin, Joëlle Isler, Nathalie Jacquemont, Nicolas Jayet, Emilie Jendly, Anne-Renée Leyvraz, Cannelle

Keller, Elise Méan, Laurent Meier, Brigitte Morel, Thuy Oettli, Denis Orsat, Manuela

Palma De Figueiredo, Odile Pelletier, Fabienne Pini-Schorderet, Isabel Prata,

Sonia Ratel, Massimo Sandri, Dominique Savoia Diss, Jeanne-Pascale Simon,

Christian Sinobas, Elena Teneriello, Laure Treccani, Céline Vicario et le

Service de communication du CHUV.

PARTENAIRE DE DISTRIBUTIONBioAlps

RÉALISATION ÉDITORIALE ET GRAPHIQUELargeNetwork, rue Abraham-Gevray 6

1201 Genève, Suisse T. + 41 22 919 19 19, www.LargeNetwork.com

RESPONSABLES DE LA PUBLICATIONGabriel Sigrist et Pierre Grosjean

DIRECTION DE PROJETMelinda Marchese

DIRECTION GRAPHIQUEDiana Bogsch et Sandro Bacco

RÉDACTIONLargeNetwork (Camille Andres, Alexandre Babin, Céline Bilardo, Martine Brocard,

Clément Bürge, Catherine Cochard, Marie-Andrée Dussault, Erik Freudenreich, Luc Henry, Leila Hussein, Benjamin Keller, Melinda Marchese, Carine Neier, Julie Zaugg),

Bertrand Tappy.

RECHERCHE ICONOGRAPHIQUEDiana Bogsch, Sabrine Elias Ducret, Olivia de Quatrebarbes et David Stettler

IMAGESCEMCAV (Eric Déroze, Heidi Diaz, Philippe Gétaz, Johann Pelichet, Gilles Weber)

Benoît Ecoiffier, Sébastien Fourtouill , Thierry Parel, Adrien Pochon, David Stewart, Tang Yau Hoong

MISE EN PAGEDiana Bogsch et Benoît Ecoiffier

TRADUCTIONTechnicis

IMPRESSION PCL Presses Centrales SA

TIRAGE18’000 exemplaires en français

2’000 exemplaires en anglais

Les propos tenus par les intervenants dans «In Vivo» et «In Extenso» n’engagent que les intéressés et en aucune manière l’éditeur.

IN VIVOUne publication éditée par le Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV)

et l’agence de presse LargeNetwork

www.invivomagazine.com

SUIVEZ-NOUS SUR: TWITTER: INVIVO_CHUV

FACEBOOK: MAGAZINE.INVIVO

Page 83: In Vivo #7 FRA
Page 84: In Vivo #7 FRA

IN EXTENSO 24H dans

le cerveau humainIN

VIV

O

N° 7

– D

écem

bre

2015

AD

OLE

SCEN

TS: P

OUR

UNE

MÉD

ECIN

E SU

R-M

ESUR

E w

ww.

invi

vom

agaz

ine.

com