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In Encyclographie des Sciences médicales et du Bulletin médical Belge (1838)

PLEURESIE AVEC EPANCHEMENT, COMMUNICATION AVEC

LES BRONCHES, EMPYEME DE NECESSITE, GUERISON.

Par Gustave, Amable, Supplisson. Docteur en médecine, à Aubigny (département du

Cher).

e nommé Fouchis, cultivateur aux environs d'Aubigny, département du Cher, est âgé de

trente ans, d'une bonne constitution quoiqu'un peu détériorée par une longue maladie

sous le climat d'Afrique lors de la conquête d'Alger. Le 15 décembre 1857, appelé près de

lui pour lui donner mes soins, je le trouvai couché dans son lit avec tous les symptômes

locaux et généraux d'une pleurésie très-intense, occupant le côté gauche de la poitrine. Le

même jour, je pratiquai une large saignée, j'ordonnai une tisane émolliente et un julep

calmant. Le 14, mêmes symptômes locaux et généraux, même traitement quoique la saignée

soit un peu moins forte. H est remarquable, et c'est une observation que doivent faire tous

les jours les médecins de campagne, qu'en général les paysans supportent très-mal les

saignées et les réparent encore plus mal. Je fais tous les jours cette remarque en Sologne, où

le cultivateur a une nourriture peu réparatrice; aussi, m'arrive-t-il tous les jours de ne pas

employer de saignée chez un pneumonique ou un pleurétique de ce pays pauvre; tandis que

j'y aurais recours plusieurs fois pour le même cas chez un habitant de la ville. Revenons à

notre malade.

e 15 et le 17 du même mois, peu de soulagement; potion avec émétique et kermès. 11 y

eut du mieux les jours suivants; la tolérance de l'émétique avait eu lieu. Après quelques

jours de mieux, on me rappelle le 20; ce jour-là douleur de côté plus vive, l'épanchement

qui n'occupait que le tiers inférieur de la poitrine, remplit tout le côté gauche, et la respiration

ne s'entend qu'au sommet du poumon en avant et en arrière, dyspnée très-forte, décubitus

sur les côtés impossible; large vésicatoire sur le côté gauche, tisane nitrée, calomel et jalap,

de chaque 15 grains. Le 21 et le 22, un peu de soulagement, qui se prolonge jusqu'au 29

qu'une nouvelle crise a lieu, l'épanchement est stationnaire, la fièvre est toujours très-forte

quoique le pouls soit mou; nouveau vésicatoire, même tisane, potion calmante. Le 2 janvier,

fièvre avec redoublement, le soir, insomnie, constipation; calomel 50 grains. Un peu de

mieux jusqu'au 7, que je renouvelle la potion émétisée et que j'applique un large emplâtre de

poix de Bourgogne sur tout le côté gauche de la poitrine ; le 9, calomel et jalap, de chaque

13 grains. Le 20 janvier, je levai l'emplâtre et j'examinai la poitrine; peu d'amélioration, la

maladie passe à l'état chronique; nouveau vésicatoire, sulfate de soude, une once et demie.

Le 25, même état général, l'épanchement est plus considérable, il bombe entre les côtes et

on sent la fluctuation en appliquant l'extrémité des doigts dans les espaces intercostaux: il y

a un peu d'œdème aux extrémités inférieures et à la partie supérieure et latérale gauche du

corps; potion émétisée, sulfate de soude, une once et demie. Malgré que mon malade ne

perdit pas courage, je perdais espoir de le sauver, voyant la maladie passer à l'état

chronique; aussi je commençais à compter plus sur les ressources de la nature que sur celles

de l'art, qui avaient échoué dans mes essais, malgré la persévérance du malade et la mienne.

e ne le revis que le 7 février, mais je trouvai les mêmes symptômes locaux, quoique avec

un peu moins de fièvre. Le 12 et le 18 du même mois je me contentai de diurétiques, de

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calmants et de légers laxatifs; le malade était fatigué des remèdes, l'économie y était

habituée, ils n'agissaient plus.

e 24, Fouchis me parla d'une grosseur qu'il avait entre deux côtes du côté gauche. Je n'y

fis pas d'abord attention, persuadé que j'avais à faire à la saillie des espaces intercostaux

occasionnés par l'épanchement pleurétique. Cependant, le 26, j'examinai ce que voulais

me montrer le malade, et je vis en effet une tumeur grosse comme un segment d'œuf de

dinde, et placée entre la septième et la huitième côte gauche à trois travers de doigts environ

du sternum. Cette tumeur était indolente, sans chaleur, et fluctuante, les parois en étaient

minces, et ses parties molles, adhérentes aux côtes, semblaient un peu dénudées. En foulant

dessus, je fus étonné de sentir sous mes doigts un gargouillement accompagné de bruit. J'y

portai l'oreille et j'entendis en effet le bruit d'un gargouillement analogue à celui d'une large

excavation tuberculeuse au moment de l'inspiration. Je foulai de nouveau sur la tumeur, et

aussitôt elle rentra avec un bruit comme le fait une hernie réductible. Je fis alors coucher le

malade sur le côté gauche, je le fis inspirer fortement, et clans ces deux épreuves le liquide

vint occuper île nouveau sa poche anormale. Je remis l'ouverture de cette tumeur au

lendemain, soit pour obéir au malade qui s'effrayait à l'approche d'un instrument sur sa

poitrine et vers la région du cœur, soit autant pour moi-même, jeune praticien et désireux

d'observer avant d'agir imprudemment. Je revins le lendemain, sûr de mon diagnostic et du

traitement que j'avais à faire; mais je fus bien plus étonné en entrant, lorsque j'appris du

malade qu'il venait de rendre par la bouche, environ huit à douze onces de crachats purulents

et presque en une seule fois. De suite je pensai que le kyste s'était fait jour par les bronches

par où le pus avait trouvé une issue plus facile et toute formée. Les manœuvres de la veille

avaient probablement été pour quelque chose dans la production de cette vomique salutaire.

Il était déjà présumable que le kyste communiquait avec les bronches après le gargouillement

que j'avais entendu dans l'inspiration; mais préoccupé du l'empyème que j'avais à pratiquer

et qui pouvait compromettre si gravement la vie de mon pleurétique, je n'y avait pas

beaucoup fait attention. J'examinai néanmoins la tumeur fluctuante, et je la trouvai à peu

près dans le même état que la veille; c'est pourquoi j'y plongeai la pointe d'un bistouri aigu,

et jusqu'à ce que je vis paraître le pus sur la lame de l'instrument. Je l'enfonçai environ d'un

pouce entre la septième et la huitième côte au centre de la tumeur, et l'instrument retiré, il

en jaillit un jet de pus séreux de la grosseur d'un tuyau de plume. J'accélérai la sortie du

liquide par la position déclive du malade, par la pression de la poitrine, et par quelques

expirations. Le pus qui sortait était rempli de bulles d'air, et d'autant plus considérable, que

je faisais expirer fortement. H n'y avait plus de doute pour moi de la communication de

l'intérieur de la plèvre avec les bronches et l'extérieur; aussi, je cessai sur-le-champ mes

manœuvres qui pouvaient être funestes au malade. J'obtins, soit par ces moyens, soit pas

l'introduction de l'extrémité d'une sonde de femmes, environ huit onces de pus, ce qui faisait

à peu près une livre avec la vomique du matin. Alors je mis dans l'ouverture faite par le

bistouri une mèche de charpie longue, recouverte de tampons et d'une compresse : un

bandage de corps, solidement attaché, fixa le tout.

e lendemain, en retirant la mèche, qui était légèrement mouillée, une nouvelle quantité

de pus, environ huit ;i dix onces, sortit derechef de l'ouverture. J'avais bien recommandé

au malade de se coucher sur le côté gauche afin de faire descendre le pus près du trou ;

je fis la même recommandation pour les jours suivants. Après quatre jours, l'ouverture était

cicatrisée; mais elle fut rompue par une nouvelle sortie de pus, de quatre à cinq onces. Ce fut

le dernier qui fut évacué, car la plaie se cicatrisa pour ne plus s'ouvrir.

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epuis cette époque, la santé de Fouchis s'est améliorée d'une manière remarquable et

comme miraculeuse. Fièvre, dyspnée, insomnie, constipation, œdème, etc., tout a

disparu; les symptômes locaux ont suivi la même marche; au bout de quelques jours la

matité avait diminué, la respiration s'entendait un peu dans toute la partie postérieure ; en avant

la matité a résisté plus longtemps ainsi que l'absence de respiration au niveau de la tumeur.

n mois après, cet homme est venu me remercier des soins que je lui avais donnés; il était

venu à pied de deux lieues et avait gagné des forces et de l'embonpoint. J'ai de nouveau

écouté sa poitrine, et j'ai trouvé la respiration bonne partout, excepté à l'endroit des

septième et huitième côtes, où il y avait de la matité. Le premier jour de juin j'ai encore vu

l'ancien malade et je lui ai retrouvé sa santé d'autrefois avec une respiration bonne partout et

seulement un peu de matité vis-à-vis du kyste purulent.

ette observation n'a pas besoin de commentaires pour être intéressante; elle l'est sous un

double rapport, celui du peu d'effet obtenu par l'art, et l'effet merveilleux que la nature a

opéré chez ce cultivateur. Il est à remarquer que celle nature offre des ressources inconnues

aux yeux du médecin qui habite les champs, tandis qu'elle est avare de ses dons chez le malade

habitant des villes, lieux pour l'ordinaire où tout se fait par excès el où l'homme ne respire que

des exhalaisons putrides. 11 est vrai que dans ce cas, l'art chirurgical est venu en aide à la

médecine, non que je prétende que le coup de bistouri ait sauvé la vie de ce malheureux, puisque'

la vomique rendue avant avait déjà fait effet, mais je pense que l'ouverture pratiquée a été d'un

très bon auxiliaire, et avait également contribué à lui sauver la vie.

Gustave, Amable. Supplisson.

Docteur en médecine,

à Aubigny (département du Cher).

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