immigrés ce qu’ils rapportent a la france

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DéBAT MATCH TEST Ma vie sans EDF PUB Thierry Mugler un parfum trop sexy IMMIGRéS CE QU’ILS RAPPORTENT A LA FRANCE IMMIGRéS CE QU’ILS RAPPORTENT A LA FRANCE TEST Ma vie sans EDF PUB Thierry Mugler un parfum trop sexy POLéMIQUE LA REFORESTATION EST-ELLE BIDON ? DéBAT FALLAIT-IL TUER OUSSAMA BEN LADEN ? Belgique, Luxembourg, Portugal « Cont. » : 5,90 euros - Suisse : 9,80 FS - Canada : 10,25 $C - DOM : 5,70 euros MATCH Facebook contre Google

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Débat

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PoléMIquE la rEForEStatIon ESt-EllE bIDon ?

Débat FallaIt-Il tuEr ouSSaMa bEn laDEn ? Belgique, Luxembourg, Portugal « Cont. » : 5,90 euros - Suisse : 9,80 FS - Canada : 10,25 $C - DOM : 5,70 euros

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terra eco juin 2011 3

Nous sommes tous des immigrésPar Walter Bouvais, directeur de la publication

En temps de crise économique, le café du commerce ne désemplit pas. Il n’y

a, à cela, rien de nouveau. Les ennuis commencent lorsque « le politique » vient y frayer en quête de voix faciles. La campagne présidentielle 2012 laisse

entrevoir le pire. La menace que font planer les sondages et l’éventuelle présence de la candidate du Front national au second tour de l’élection, risquent bien de maintenir le débat sur un terrain hautement sensible, quoique probablement non prioritaire : l’immigration.Que représente l’immigration légale en France ? Moins de 200 000 personnes chaque année, dans un pays de 65 027 000 habitants (1). Concrètement, à l’échelle d’une ville comme Paris – 2,2 millions d’habitants –, ce sont en moyenne 19 immigrés qui s’installent chaque jour. A Marseille, 7 personnes par jour. A Nantes, à Bordeaux ou à Lille, 2 personnes. A Lyon, 4 personnes par jour. Voilà qui donne la mesure réelle d’un phénomène auquel toute démocratie saine devrait, en réalité, rester à peu près indifférente. A condition toutefois que l’on cesse de ressasser en boucle les arguments nauséabonds, lâchés à la va-vite par tel saltimbanque de la politique, au détour d’un micro.

Et à condition que l’on se donne la peine d’étudier les faits et les chiffres.

antisèches pour repas de familleLoin de tout angélisme, nous avons, justement, scruté sans tabou les chiffres de l’immigration, de ce qu’elle coûte et rapporte à la France. Nous avons rencontré ceux qui étudient cette question au plus près. Et nous disséquons, en dix idées reçues, un phénomène qui se révèle à la fois inévitable et… enrichissant. A celles et ceux que les discours de comptoir laissent sans voix, nous proposons ici autant d’antisèches, à servir sans modération dans les repas de famille.Mais les chiffres et les faits ne sauraient dire à eux seuls la réalité humaine de l’immigration. Loin d’être une fuite, elle peut être une chance pour celui ou celle qui fait le choix difficile de partir ailleurs. Qu’il soit noir de peau et laisse derrière lui son pays natal, faute de trouver les conditions matérielles minimales de son existence. Qu’il soit blanc bon teint et quitte, avec la certitude de revenir quand il le souhaite, le foyer familial, pour des études à l’autre bout du monde ou pour des vacances. Comme le rappelle Claire Rodier (p. 32), « nous défendons une vision collective de l’avenir de la planète. Plutôt que de s’enfermer dans une illusoire forteresse, mieux vaut prendre les mesures pour anticiper cette réalité qui s’imposera de toute façon ». —(1) Estimation de l’Insee, janvier 2011.

aNNe de MalleraY (CiNÉMa) A la fin de ses études de journalisme, cette jeune pousse, mûrie dans la campagne solognote, s’est penchée sur l’écologie au point de retourner sur les bancs de l’université le temps d’un master 2 en développement durable. Après avoir exploré la science-fiction pour son mémoire, elle pige pour « Terra eco »,

« Usbek & Rica », Slate… et s’intéresse à la dimension culturelle de la crise environnementale.

aliCe BoMBoY (rePortage) Une enfance en pleine nature jurassienne, des études de biologie et de géologie, l’envie de transmettre cette passion pour le monde vivant, et le monde tout court, et un goût sans limite pour les nouvelles contrées. Le must pour les découvrir : prendre l’eau et filer en kayak sur des rivières calmes… ou pas du tout ! Secouez et vous obtenez une

journaliste spécialisée en science et environnement à qui il plaît de tapoter sur son clavier pour « Terra eco ».

Contributeurs

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Editorial

luis sePúlveda (PolÉMiQue) Né à Ovalle au Chili en 1949, emprisonné sous la dictature d’Augusto Pinochet, il est considéré comme l’une des plus grandes plumes contemporaines de langue espagnole. Auteur notamment du « Vieux qui lisait des romans d’amour », traduit en 35 langues, Luis Sepúlveda jette un regard humaniste et militant sur les affaires du monde. Défenseur

des droits de l’homme et de l’écologie, il vit désormais en Espagne après avoir traversé l’Amérique latine de long en large.

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4 juin 2011 terra eco

« Sortir du nucléaire : à quel prix ? »Par ALAIN GRANDJEAN, économiste, auteur et directeur associé du cabinet Carbone 4« Notre comportement en matière énergé-tique est (…) celui d’un passager clandestin qui souhaite profiter du voyage sans en payer le prix. Thomas Edison eut l’idée de sortir les lampes à suif polluantes et malo-dorantes des maisons pour les remplacer par des ampoules propres. La pollution disparut comme par enchantement… du regard et du nez des habitants, pas de la planète. Il fallait bien produire l’électricité, et les centrales à charbon n’ont jamais été un modèle de propreté.Depuis, nous demandons tous de pouvoir consommer toujours plus d’électricité et d’énergie. Mais luttons pour ne pas payer l’addition : rien ne doit se faire à côté de chez nous. (…) Et nous voulons qu’elle ne nous coûte rien ou pas grand-chose. L’homme politique qui ne promet pas de tout faire pour éviter les hausses prend un 

« Notre énergie » : le débat est lancéLa première rencontre de cette initiative lancée par « Terra eco » a eu lieu le 18 mai dernier. Voici les premières contributions et une tendance claire : il va falloir payer l’énergie plus cher. Rejoignez-nous pour contribuer !

risque face à ses électeurs. En un mot, nous rêvons d’une énergie propre et gratuite qui n’existe que dans les contes pour enfants. (…) Dans ce contexte, il est prudent, si l’on veut vraiment sortir du nucléaire de bien en peser les enjeux. Qui va payer quoi ? Et qui va gagner quoi ? »

« Eduquer les Français »Par MARC GIRELLI, lecteur, spécialiste en énergie et bâtiment« Nos sociétés sont basées sur l’énergie bon marché et si nous savons que le pre-mier  levier  est  la modération,  elles ne se  “ désintoxiqueront ”  pas  sans  y  être contraintes. Je ne pense pas qu’une majorité de Français ou de Terriens demanderont un jour à leurs politiques de limiter leurs consommations. Le levier principal reste donc l’argent, soit sous la forme du marché soit sous celle des incitations. (…) Nous pouvons instaurer une taxe carbone à nos frontières, isoler les bâtiments, limiter la consommation d’électricité et d’essence… Pour cela, il faut le vouloir et communiquer 

« Notre énergie »

les bons chiffres, éduquer les gens. Quel est le coût réel du kWh nucléaire, com-bien coûte réellement la Politique agricole commune, etc. »

«  Augmenter significativement le prix de l’énergie »Par GuILLAuME PoRChER, ingénieur, conseil en mobilité durable« Ma position est claire : pas d’autre issue possible qu’une augmentation significative du prix de l’énergie pour stopper l’appétit des sociétés dites développées (…). Une mesure par nature impopulaire, critiquée par les travailleurs sociaux (…) qui s’inquiètent des conséquences déjà observables suite aux augmentations subies ces dernières années. Pourtant, en élaborant de nouvelles règles – comme un prix du kWh qui croît au fur et à mesure de la consommation – on montre les retombées positives que cela aurait sur l’économie et sur l’environnement. » —

« Terra eco » faiT appel à Tous ses lecTeurs pour parTiciper à ce débaT : inscrivez-vous dès mainTenanT sur www.noTre-energie.org

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6 juin 2011 terra eco

directeur de la rédaction David Solondirecteur artistique Denis EsnaultChef d’éditionFrançois Meurisseont participé à ce numéro(en ordre alphabétique inversé) Alioune Zergal, Emmanuelle Vibert, Anne Sengès, Pauline Rey-Brahmi, Julia Pascual, Laure Noualhat, Arnaud Gonzague, Audrey Garric, Anne de Malleray, Cécile Cazenave, Alice Bomboy, Angela Bolis, Louise Allavoineillustrateurs et photographesLaurent Taudin, Olivier Marbœuf, Julien Couty / VU, Tendance Floue, Sipa, Rue des Archives, Rea, François Prosper, Picturetank, Fotolia, Fedephoto, Semmy DemmouCouverture Hamid Debarrahsecrétaire de rédaction Anne Bernardrédaction web Karine Le Loët

directeur de la publicationWalter BouvaisAssistante de direction, coordination rsE Lise Feuvraisdirecteur des systèmes d’information Gregory Fabredirectrice commercialeStéphanie [email protected] 09 05 24 75Chef de publicitéDorothée [email protected] 90 87 03 92 - 06 28 60 26 71Conseillers abonnementsBaptiste Brelet (responsable partenariats - 02 40 47 61 53), Coralie Fitamant et Marie Olé (formation)Assistante commerciale, communicationElise Parois

terra eco est édité par la maisonTerra Economica, SAS au capital de 192 082 euros – RCS Nantes 451 683 718siège social 42 rue La Tour d’Auvergne, 44 200 Nantes, France tél : + 33 (0) 2 40 47 42 66courriel : [email protected] associésWalter Bouvais (président), Gregory Fabre, David Solon, Doxa SASCofondateur Mathieu Ollivier

dépôt légal à parution – Numéro ISSN : 2100-1472. Commission paritaire : 1011 K 84334. Numéro Cnil : 1012873impression sur papier labellisé FSC sources mixtes comprenant 60 % de pâte recyclée.Imprimé par Imaye Graphic (Agir Graphic)bd Henri-Becquerel, B.P. 2159, ZI des Touches, 53 021 Laval Cedex 9diffusion PresstalisContact pour réassort Ajuste Titres+33 (0)4 88 15 12 40Ce magazine comprend un encart broché « Offre d’abonnement »de 4 pages en pages centrales 42-43.

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Ce magazine est imprimé sur papier labellisé fsC sources mixtes comprenant 60 % de pâte recyclée.

Abonnement terra eco42, rue La Tour d’Auvergne - 44200 Nantes France - +33 (0)2 40 47 42 66www.terraeco.net/abo - [email protected]

8 Le courrier des lecteurs

12 La polémique Ben Laden : justice a-t-elle été faite ?

16 L’actualité en bref

20Dossier iMMiGrÉs : CE QU’ils rApportENt À lA frANCE

34J’ai testé Enercoop

36Le marketing expliqué à ma mère La pin-up Thierry Mugler : écolo, sexy… et macho

38Le portrait Jacques Rocher, au nom des arbres

42L’économie expliquée à mon père Centre-ville cherche propriétaires en CDD

44En direct de Terraeco.net

réagissez surréagissez sur

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terra eco juin 2011 7

48ReportageAU KENYA, lEs boNs plANts dE lA rEforEstAtioN

57Le zoom Amazonia for ever

62L’éco-conso

64L’objet L’huile d’olive

66L’alimentation L’algue française va-t-elle grandir ?

68Casse-tête Facebook contre Google ?

70 Ils changent le monde Expédition MED : « On ne peut pas filtrer la Méditerranée »

Pour faciliter la lecture de « Terra eco », nous avons inventé ce baromètre, qui annonce la couleur pour chaque article : plutôt écologique, plutôt sociétal, plutôt économique, ou les trois !

76Cinéma Sorties en salles et DVD

78Sélection livres

80L’agenda du mois

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Nicolas Hulot s’explique

Mercato« Je suis accablée par ce mercato d’un nouveau genre, qui conduit également Europe Ecologie-Les Verts à ne nous présenter que des ego en recherche d’un nouveau souffl e : Nicolas Hulot, Eva Joly. Dommage que la mère Denis soit décédée. » EVER

Une vraie éthique« Je suis heureux de la candidature de Nicolas Hulot. Réticent à son endroit il y a quelques années encore, j’ai lu ses livres et j’y ai trouvé une vraie éthique. Le fait que des personnes aussi diverses que José Bové, Pierre Rabhi et bien d’autres lui fassent confi ance a achevé de me convaincre. » YVESB

Compteurs« Comment faire confi ance à un écolo sponsorisé par Rhône-Poulenc pendant des années afi n de produire Ushuaïa ? De qui se moque-t-on ? » OUAM

Jalousies« J’ai du mal à comprendre ces critiques du genre : “ Combien il gagne ? ”, “ Qui sponsorise ? ” et “ Moi, j’aimerais gagner autant d’argent ”. Et vous feriez quoi avec tout ce fric ? Vous achèteriez une plus belle bagnole ou monteriez une ONG ? Moi, j’aime bien Hulot, ce qu’il veut faire et les questions qu’il se pose : une société nouvelle, où le mieux-vivre surpasse le gagner beaucoup, où la croissance n’est pas une bonne idée, où la lutte des classes n’est plus le problème… On a changé de repères, adieu les vieilles querelles. » CHRIS

Vous voulez réagir,écrivez-nous [email protected]

Le courrier

8 juin 2011 terra eco

Changer la politique. C’est l’ambition de l’homme. Mais ses positionnements et son parcours font-ils de sa candidature à la présidentielle une vraie alternative ? Sarkozy, nucléaire, 35 heures : il dit tout.

Tous les mardis à 7�h�45, David Solon, directeur de la rédaction de «�Terra eco�», est à l’antenne de

Retrouvez «�Terra eco�» chaque mois sur dans «�Service public�», sur

dans «�Global Mag�», sur dans «�C’est pas du vent�»et sur Fréquence Terre.

Le courrier

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Incertitudes« Alors que le PS n’arrive pas à se décider, l’UMP tranche : la France sera nucléaire. Quoi qu’il en soit, la Cour des comptes n’est pas réputée pour ses rapports complaisants. Attendons de voir, c’est un progrès vers la transparence. » FABRICE

Gabegie« Même pas la peine de perdre temps et argent pour une telle “ étude ”. Autant dire tout de

suite que tout est parfait dans le meilleur des mondes, jusqu’au premier accident très sérieux

type Fukushima à la française ! On verra alors si nous sommes si performants que cela en

matière de nucléaire, de prévention, d’actions post-accident… J’aime mieux ne pas y penser,

ce serait une belle gabegie ! » BERCALVA

Mascarade ?« Franchement, je n’y crois pas ; après la mascarade du Grenelle, et comme par hasard un an avant les élections ! Paroles, paroles… » KRYSTO

Croquemitaineries« “ Billevesées et croquemitaineries ”, dirait Achille Talon. Il en faudra du temps pour que la Cour des comptes compte, pour que la commission s’entende… Nous, les Français, pour peu qu’on soit un peu informés et encore aptes à s’intéresser à la vie publique – il y a tellement de raisons sociales, économiques et autres pour faire l’autruche – nous, on n’en veut pas de leur foutue industrie nucléaire. Est-ce clair ? C’est périlleux, polluant et dangereux pour la démocratie. Faudrait voir à secouer les cocotiers, pour que les décideurs comprennent ça. » ACRÉMUCHE

Sarkozy se résigne à un audit sur le nucléaire

Poursuivez le débat sur

Nicolas Sarkozy a convié huit ONG environnementales à déjeuner pour y évoquer l’atome. La sortie du nucléaire ? Pas pour demain, a-t-il réaffi rmé. En revanche, la Cour des comptes est chargée d’une étude.

10 juin 2011 terra eco

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Le courrier

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12 juin 2011 terra eco

Obama et les Indiens

«En 2008, tandis qu’Obama semblait se rapprocher de la Maison-Blanche, une idée s’est répandue : un vent nouveau allait souffler sur le monde.

Pas une tempête, mais une légère brise chargée de respect et capable de sortir les Etats-Unis de la barbarie légale. Ce concept de « barbarie légale » est une idée à peu près compréhensible par tout être humain, indépendamment de sa race, de sa couleur de peau ou de sa croyance religieuse. Mais pas par les Américains. L’assassinat d’Oussama Ben Laden et de quelques autres qui accompagnaient l’exécrable leader terroriste démontre une fois de plus que, pour les Américains, le principe de légalité n’est qu’un désagrément mineur dans le western des relations internationales. L’opération qui a conduit à la mort de Ben Laden fut impeccable et comme calquée sur un scénario de Buffalo Bill. Il y a toutefois quelque chose qui a changé aux Etats-Unis : c’est la couleur de peau des cow-boys. dr

La polémique

Cris de joie ou de colère, doutes… Les réactions n’ont pas manqué après l’annonce par Barack Obama de la mort de l’homme le plus recherché au monde, le 2 mai dernier à Abbottabad au Pakistan. Une question surtout demeure : qu’en penser, finalement ?

Ben Laden : justice a-t-elle été faite ?

La mort du leader d’Al-Qaida montre que les Etats-Unis ont revêtu une fois de plus leur costume de shérifs du monde. Par Luis sePúLveda pour « Terra eco »

Luis sepúlvedaNé au Chili en 1949, emprisonné sous la dictature d’Augusto Pinochet, l’auteur du Vieux qui lisait des romans d’amour est considéré comme l’un des plus grands auteurs contemporains de langue espagnole.

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terra eco juin 2011 13

Jamais auparavant on n’avait vu des cow-boys noirs au générique du cinéma américain. Visiblement, la décoloration des Afro-Américains commencée avec Michael Jackson a abouti à la présence d’un John Wayne noir dans le salon ovale de la Maison-Blanche. Rien ne justifie la pratique de la torture dans le but d’obtenir des informations d’ennemis supposés. Mais tout cela ne tient finalement que du concept. Aux yeux du shérif planétaire et des dirigeants européens bellicistes et discrédités, ces principes n’ont aucune valeur. Au nom de la lutte antiterroriste, l’Irak a été détruit et pillé.

« Politique de la canonnière »Plus récemment, et poussés par leurs ardeurs guer-rières, les Sarkozy, Zapatero, Berlusconi et Brown ont décidé que le colonel Kadhafi avait cessé d’être un ami de l’Occident. Ils ont donc lancé une guerre sans autre objectif que de détourner l’attention de leurs problèmes économiques internes. Dans le même ordre d’idée, on commence à entendre parler de sanctions envers la Syrie, préambule à une nouvelle aventure militaire dans la région. Si le 7e régiment de cavalerie attaque les Apaches, pourquoi faudrait-il laisser les Sioux et les Comanches sans châtiment ? Obama, avec son dédain pour le droit international, sa passion pour la torture comme détonateur de toute cette opération, son mépris des « dégâts collatéraux » – euphémisme pour caractériser les autres victimes en opération – a finalement prouvé qu’il n’était qu’un dirigeant de plus, semblable à ses prédécesseurs. Rien n’a changé aux Etats-Unis, leur politique extérieure non plus. Le singe est toujours singe, fût-il vêtu de pourpre.Aujourd’hui, l’anti-impérialisme est une nécessité vitale. Il faut d’urgence faire partir tous les dirigeants européens et ceux qui n’ont pas même bronché pour dénoncer cette dernière fanfaronnade qui nous ramène à la “ politique de la canonnière ”. Un esprit doit de nouveau courir le monde : un esprit anti-impérialiste et éthique capable de faire face aux débordements et à la complicité de ceux qui tiennent les rênes du système. » —

«Rembobinez ! Revenez à ce jour il y a dix ans, quand l’air, ici à Manhattan, était empli de poussière et qu’Oussama Ben Laden jubilait. Le gouvernement

des Etats-Unis avait alors deux options : le scalpel ou le chalumeau. Avec un scalpel, on pourchasse les meurtriers fondamentalistes grâce à une surveillance patiente et un travail de renseignement et on les prive progressivement de tout soutien. Avec un chalumeau, on envahit un tas de pays, on perpétue massacres et tortures, et par la même occasion, on fait grossir les rangs des soldats djihadistes enragés et bien déterminés à tuer. Ce jour-là, l’histoire s’est scindée en deux voies.Nous savons quelle voie Oussama Ben Laden pré-férait. Il voulait entraîner l’Occident dans d’infinies guerres sanglantes qui coûteraient des milliards de dollars et des centaines de milliers de vie (…). L’Occident a réagi au 11-Septembre en donnant à Ben Laden exactement ce qu’il attendait. Nous avons balayé nos belles valeurs, nous les avons privées de toute signification. Et chaque fois, le nombre de djihadistes a grimpé. Des études menées par Peter Bergen et Paul Cruickshank, experts en terrorisme, ont montré que l’invasion de l’Irak, et la torture pratiquée sur place, ont multiplié par sept le nombre total d’insurgés.

Moment atypique dans la politique d’ObamaPourtant début mai, nous avons vu que les choses auraient pu se dérouler différemment. L’opération n’était pas parfaite : j’aurais de loin préféré que Ben Laden soit capturé vivant et jugé devant les tribunaux, plutôt que sommairement exécuté. Mais l’attaque fut précise et les risques encourus importants pour réduire au maximum le nombre de victimes civiles. La torture n’a pas été employée. La majorité des gens dans le monde trouve ce genre d’action légitime. Ç’aurait dû être le premier – et sans aucun doute l’unique – recours à la violence perpétré en réponse aux événements du 11-Septembre. Au lieu de cela, plus d’un million de personnes sont dr

Johann Harijournaliste et écrivain britannique. Il est notamment éditorialiste pour « The Independent » et « The Huffington Post ».

La signification d’une mortEt si l’opération de liquidation d’Oussama Ben Laden décidée à la Maison-Blanche était enfin une bonne décision stratégique ?Par JOHaNN HaRi

« Une fois de plus, pour les Américains, le principe de légalité n’est qu’un désagrément mineur dans le western des relations internationales. »

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14 juin 2011 terra eco

«La nouvelle de la mort d’Oussama Ben Laden doit être prise pour ce qu’elle est avant tout : un acte de politique intérieure. Fragilisé par une crise éco-

nomique qui n’en fi nit pas, Barack Obama donne au peuple américain des gages de sa capacité à tenir

mortes dans un déluge d’agressions. Elles étaient tout aussi innocentes que les civils

du World Trade Center, et leurs familles n’auront jamais l’opportunité de laisser éclater leur joie, dans la rue, à l’annonce du décès des hommes qui ont entraîné leur malheur. J’aimerais pouvoir dire que c’est là toute la différence entre Bush et Obama, mais ce ne serait pas honnête. Cette opération est un moment atypique dans la politique extérieure d’Obama. La plupart du temps, Obama a suivi scrupuleusement la politique de Bush, et, à certains moments décisifs, l’a même surpassée. Il a doublé le nombre de soldats présents en Afghanistan. Il a plus que triplé le nombre de bombardements aériens sur le Pakistan et le Yémen, et ce, même si pour chaque djihadiste tué, on dénombrait 50 civils décédés et qu’on entraînait, du même coup, plus de djihadistes dans l’engrenage. » —Tribune parue le 6  mai 2011 dans le quotidien britannique «  The Independent » et traduite par les « lectrices responsables » Eudoxie Jantet, Karine Marth et Emilie Pommier. dr

Une histoire de la violenceA travers les conditions de la mort d’Oussama Ben Laden, c’est la société américaine qui dévoile une de ses facettes.Par WaLTeR BOuvais, directeur de la publication de « Terra eco »

Couvertures de magazinesaprès l’annonce de la mort de Ben Laden.

L’intégralité des débatsL’intégralité des débats

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Vengeance« Bien évidemment, c’est un acte de vengeance, désiré par tous les Américains. Même les criminels de Nuremberg ou les grands acteurs de la solution finale (Eichmann ou Barbie) ont eu droit à un procès. » NJBuR

Bouffonnerie« Il ne s’agit ni de vengeance, ni de justice, mais d’une bouffonnerie. Aucune photo du corps. Jeté à la mer ? Pas de mer au Pakistan. Il a fallu transporter le corps dans l’océan Indien ? Ridicule. Le test ADN le plus rapide du monde, en quelques heures ? Grotesque. Il y en a qui font un bébé pour gagner quelques points. D’autres qui montent le gag du siècle dans le même but. Vraiment désolé de voir des journalistes, supposés faire un réel effort d’information, être aussi naïfs. A moins que ce ne soit que du cynisme. Ecœuré. » CHLaMiC

Farce tragique« Obama ne sort pas grandi de cette farce tragique, lui qui, par ailleurs, tarde à tenir sa promesse de fermer le camp illégal de Guantánamo. » aLaiN NORdeT

Pourquoi ?« Pourquoi aujourd’hui accuser les Etats-Unis de tous les maux parce qu’ils ont abattu Ben Laden ? La traque a duré dix ans. Cet homme savait le risque auquel il s’exposait. Le commando a-t-il eu le choix ? La question à se poser est : pourquoi le monde en est-il arrivé là ? » MiuNi

vOs ReaCTiONs sur WWW.TeRRaeCO.NeT

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les rênes. La diplomatie américaine a pour objectif d’assurer la prospérité, l’American way of life si cher à George Bush Senior, et la sécurité de ses ressor-tissants. En soi, elle n’a que faire d’un monde plus juste et plus équilibré. La liquidation de Ben Laden et, surtout, la communication qui l’entoure, n’en posent pas moins deux questions fondamentales.La première est celle de la justice. Quelles que soient les meurtrissures du peuple américain, il n’est de justice que celle rendue à l’issue d’un procès, où la défense a elle aussi la parole. Certains des crimes les plus odieux de la Seconde Guerre mon-diale ont été jugés à Nuremberg. Un procès est le lieu où se démêle le vrai du faux, où s’explore en détail la mécanique du crime. C’est un lieu où l’on explique et où l’Histoire – la vraie, pas celle des spin doctors – s’écrit.

solidaritéLa deuxième question est celle de la violence latente qui code l’ADN de la société américaine et dont témoignent les dix années qui ont passé. Le Patriot Act – toujours pas levé à ce jour – reste l’un des textes les plus liberticides qui soient dans un pays démocrate. Les invasions de l’Irak et de l’Afghanistan ont été défendues par des néo-conservateurs aux intérêts croisés avec ceux du complexe militaire et industriel. Les travaux indépendants des inspec-teurs de l’ONU ont été piétinés. Plus près de nous, l’avidité extrême des banques américaines, débor-dant les règles du capitalisme, poussant au-delà du possible l’endettement des ménages, a provoqué, avec les subprimes, la plus grande crise financière de l’histoire. Le monde entier la paie au prix fort.Cette violence qui caractérise les rapports entre les Etats-Unis et leur écosystème n’augure rien de bon dans un monde qui se complexifie. La crise pétro-lière qui vient, la flambée des cours des matières premières, le risque de crise alimentaire, la crise climatique… vont nécessiter des réponses coor-données, raisonnables et solidaires de la part de l’ensemble des pays développés. Alors, cher Oncle Sam, merci de ranger les flingues. » —dr

« Un procès est le lieu où se démêle le vrai du faux, où s’explore en détail la mécanique du crime, où l’Histoire s’écrit. »

« C’est un acte de justice ? Alors où est le juge ? Ici, il y a un acte de guerre ! » uN LeCTeuR

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LE DESSIN clearstream : le boulet de Villepin

LE GROS mOTskysails Comment moins dépenser de carburant quand vous êtes un navire commercial ? En se faisant tracter par un cerf-volant, pardi ! Un cargo de 87 m s'est ainsi fait remorquer par une voile de 160 m2 en mer du Nord. Résultats : 10 % à 15 % d'économies de fi oul. Intéressant, quand on sait que le prix du carburant

représente plus de la moitié du coût des transports maritimes. Stephan Wrage, le patron de la start-up allemande SkySails, a mis au point un énorme cerf-volant dont la poussée maximale surpasse « deux moteurs d'Airbus A320 ». Et si, d'aventure, les vents ne souffl aient pas assez fort, il suffi t au cerf-volant de réaliser quelques loopings pour accélérer !

« Si le tabac est addictif, il n’est pas diffi cile d’arrêter. aux Etats-unis, il y a plus d’anciens fumeurs que de fumeurs. »Louis Camilleri, patron de Philip Morris

coca fou du bisphénol aAccusé d'être un perturbateur endocrinien et donc de provoquer diabète, asthme, dysfonctionnements de la thyroïde et autres cancers, le bisphénol A est aussi présent dans le Coca Cola. Dans le revêtement interne des canettes très exactement. Un bon quart des actionnaires de la marque a donc réclamé de s'en débarrasser. Le pédégé de la firme, Muhtar Kent, les a renvoyés à leurs études. Il n'a pas d'inquiétude, ni de doute. D'ailleurs, s'il en avait, sa compagnie « arrêterait de s'en servir », a-t-il assuré. « C'est aussi simple que ça. »

18 Lu d'ailleurs La revue de presse de Terra eco

20 Dossier Immigrés : ce qu'ils rapportent à la France

34 J'ai testé Enercoop

36 Marketing La pin-up Thierry Mugler : écolo, rétro… et macho

38 Portrait Jacques Rocher, au nom des arbres

42 Economie Centre-ville cherche propriétaires en CDD

44 En direct de Terraeco.net 10 milliards d'humains en 2100 ?

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BIODIVERSITÉQuand les animaux mangent du boisChats, chiens, vaches, cochons, poissons rouges… En Angleterre, plus d'un dixième de l'huile de palme finit dans leur nourriture, révèle une étude du cabinet Proforest (1). Or pour produire cette huile, les agriculteurs de Malaisie et d'Indonésie coupent des arbres sans modération, détruisant 85 % de la biodiversité sur leurs grandes plantations de palmiers. Dans les supermarchés, un tiers des produits contiendrait de cette huile. Petite lueur d'espoir : un quart de l'huile importée par la Grande-Bretagne est aujourd'hui certifiée « durable ». Un critère qui n'est jamais pris en compte pour la nourriture des animaux, peu regardants à cet égard, il faut bien l'avouer. Allez, amis à quatre pattes, passez au vert !(1) « Mapping and Understanding UK Palm Oil Use ».

La phOTO (pOLÉmIquE) Du mOIS LE BOUQUET DE syriESur ce cliché publié par l'agence de presse arabe syrienne (Sana), la population jette du riz et des pétales de roses aux troupes. La scène se déroule le 5 mai dernier dans la ville méridionale de Daraa, au moment où les forces militaires officielles commençaient à se retirer des lieux. La ville de Daraa est située au cœur de l'insurrection. Si ce début de retrait laisse supposer un assouplissement de Damas, le régime a toutefois élargi sa répression ailleurs dans le pays en déployant des soldats et en arrêtant des centaines de manifestants.(sANA - AssOCiATED PrEss - siPA)

LE chIffRE

60 % C'est la part des Chinois riches de plus de 1,5 million de dollars (1 million d'euros) qui se sont fait la malle à l'étranger ou ont

prévu de le faire. Au total, on parle de 960 000 personnes. Parmi les 20 000 multimillionnaires qui disposent de plus de 15 millions de dollars (10 millions d'euros), plus d'un quart a déjà émigré. Mais malgré cet exode des riches, les millionnaires se multiplient à grande vitesse en Chine : ils sont deux fois plus nombreux qu'en 2008, indique la « China private wealth study 2011 ».

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Brèves

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18 juin 2011 terra eco

Les mutants du métro« Les moustiques prennent le métro », affi rme le « New Scientist ». Semblables en tous points à leurs congénères des surfaces, les moustiques souterrains sont tout de même un peu… différents. Au lieu de copuler en nuées, ils se reproduisent dans de petits recoins et, de surcroît, tout

au long de l’année. Et contrairement aux autres, ils piquent tout ce qui passe à leur portée : humains, rats, souris. En Europe du Nord, ces mutants ne supportent plus

le froid et ne se mélangent donc pas avec leurs cousins des champs. Autant de divergences de comportement qui relèveraient plutôt d’une « évolution culturelle » de ces insectes underground.www.newscientist.com

Pendant des années, on l’a vue comme un éden où s’épanouissent loups, aigles, chevaux sauvages… En fait, la zone d’exclusion de

Tchernobyl a plus des allures de motel hanté que de forêt enchantée, rapporte le magazine Wired. Les scientifi ques

douchent l’enthousiasme sur la biodiversité autour de la centrale, relevant chez les hirondelles un taux anormal de malformations, d’albinisme, de tumeurs… Les décès sont compensés par l’arrivée de nouveaux individus, attirés par cette zone où l’humain est rare. Bref, « les animaux y entrent, mais n’en sortent pas toujours ».www.wired.com

Combien de watts pour un joint ?1 % de la consommation d’électricité aux Etats-Unis est consacré à l’industrie de la marijuana. Une plante gravement énergivore, donc… Certes, riposte le site « TreeHugger », mais si on légalisait le cannabis, cette consommation serait réduite de 75 % ! En effet, plus besoin, alors, de dépenser tant d’énergie pour réprimer les trafi cs. Plus besoin, non plus, de cultiver les plantes en catimini, et donc en intérieur avec des lampes puissantes et des installations coûteuses. Dans ce type de culture « indoor », un seul plant équivaudrait à la consommation de 70 bidons de diesel, et un kilo d’herbe, à traverser cinq fois les Etats-Unis d’Est en Ouest en voiture.www.treehugger.com

La valeur n’attend pas le nombre des années. C’est ce que prouvent les étudiants de l’Ecole supérieure de journalisme de Lille avec cette parodie de Philosophie Magazine consacrée… au temps. On y croise des habitués des pages de

Terra eco tels que la maire de Segonzac (Charente), la première Città Slow française, ou l’agriculteur et penseur Pierre Rabhi. On y fait aussi d’ébouriffantes découvertes comme le village héraultais de Celles, déserté pendant trente ans,

ou le concept de « trading à haute fréquence ». On prend aussi le temps de s’asseoir sur le bord du canapé et d’écouter Jean, 82 ans, qui ne sait plus trop ce qu’il a fait la veille et qui demande : « C’est pas si important, si ? » —A commander sur www.esj-lille.fr

A la recherche du temps

Les Etats-Unis à secLa sécheresse guette les Etats-Unis. Dans l’Ouest et le Sud, les grands fl euves se tarissent à un rythme alarmant, risquant de réduire de 20 % leur débit d’ici à la fi n du siècle, rapporte la BBC. L’assèchement du Rio Grande ou de la rivière Colorado – qui fournissent de l’eau à huit Etats américains – fait craindre une pénurie de cette ressource bien utile pour boire, mais aussi irriguer, produire de l’électricité, ou remplir les lacs. Premiers concernés : les Etats arides du Nevada, de l’Arizona et du Texas. Le changement climatique causera aussi, selon le rapport gouvernemental, une diminution des précipitations dans le Sud… ce qui n’arrangera pas la situation.www.bbc.co.uk

« Notre pays sera invincible si 1,3 milliard d’habitants peuvent penser de façon indépendante et être créatifs. »Le Premier ministre chinois Wen Jiabao dans un discours à la communauté chinoise de Malaisie, à Kuala Lumpur.

Lu d’ailleurs

Tchernobyl, tombeau animal

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Ils sont de plus en plus nombreux, n’arrivent pas à s’intégrer, gonflent les chiffres du chômage, aspirent les allocations et tirent les salaires vers le bas… Stop ! Notre vision de l’immigration déborde souvent de préjugés. Les immigrés ont généralement bon dos et sont pointés du doigt, dès que l’on parle sécurité, comptes sociaux ou précarité. Pour remettre les choses à leur – juste – place, « Terra eco » a sorti sa calculette. Enquête.par JULIA PASCUAL

ImmIgrés Combien ils rapportent à la France

Dossier

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ImmIgratIon Et éConomIE :

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ImmIgratIon Et éConomIE :

tordons le cou aux clichés

Ils viennent d’ailleurs et sont une richesse. A l’heure des controverses, « Terra eco » détricote 10 idées reçues sur le « coût de l’immigration ». par JULIA PASCUAL

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ImmIgratIon Et éConomIE :

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ImmIgratIon Et éConomIE :

tordons le cou aux clichés

La France est le berceau des droits de l’homme et une terre d’asile pour les persécutés. C’est en tout cas ce que dit la légende. En avril, le ministre de l’Intérieur

Claude Guéant s’est alarmé que notre pays soit « plus généreux, malgré les restrictions apportées, que l’Allemagne ou le Royaume-Uni, alors que nous appliquons les mêmes conventions internationales ! » En réalité, si la France est le pays d’Europe qui reçoit le plus grand nombre de demandes d’asile (51 600 en 2010), elle n’est pas la plus magnanime. En 2009, l’Allemagne a accordé 12 055 fois sa protection et le Royaume-Uni 12 510 fois. La France, elle, a accordé le statut de réfugié à 10 415 personnes (10 340 en 2010). —

“ La France est une terre d’asile ”

“ Le nombre d’immigrés ne cesse de croître en France ”

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Etrangers admis à séjourner régulièrement (en milliers)et motif de leur arrivée (2008)

FLUX D'IMMIGRATION EN FRANCE ET LEURS MOTIFS

Source : Enquête « Trajectoires et Origines », Ined-Insee, 2008

Le Front national s’inquiète d’une « extraordinaire poussée de l’im-migration légale ». Le ministre de l’Intérieur, Claude Guéant,

souhaite d’ailleurs la réduire et le prési-dent Nicolas Sarkozy craint que les révo-lutions arabes n’engendrent des « flux migratoires devenus incontrôlables ». Question : l’Hexagone subirait-il une

Dossier

déferlante de migrants ? Les chiffres disent l’inverse. « La France ne figure plus parmi les pays où il y a beaucoup d’immigrés, assure Georges Lemaître, économiste à l’Organisation de coopéra-tion et de développement économiques (OCDE) et spécialiste des migrations. La politique est très restrictive en matière d’immigration depuis longtemps. » Les

immigrés (personnes nées étrangères à l’étranger) représentent 8 % à 9 % de la population en France, contre 12 % au Royaume-Uni, 13 % en Allemagne ou en Belgique, 14 % en Espagne. Cette proportion est stable depuis vingt ans. Et elle n’a pas de quoi faire hurler. En 2008, les nouveaux migrants représen-taient 0,27 % de la population (hors ressortissants de l’Union européenne). « Parmi les pays de l’OCDE, la France est,  avec  le  Japon  et  l’Allemagne,  le pays où les flux d’arrivées sont les plus faibles. » Quant aux quelques milliers de Tunisiens débarqués à Lampedusa, rapportés aux 500 millions d’Européens, « c’est de la petite bière », sourit Georges Lemaître. —

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LA SITUATION EN FRANCE ET À L'ÉTRANGERPart de migrants dans la population totale en 2000 et évolution en millions de 1975 à 2000 3,0 3,7

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Source : OCDE, étude Defoort (2008)

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24 juin 2011 terra eco

Les immigrés trustent-ils l’em-ploi des « nationaux » ? « Une idée répandue prétend que (…) les nouveaux arrivants “ volent nos emplois ” s’ils trouvent un 

travail », constate l’ONU dans son

Burqa, identité nationale, laïcité… Les signaux politiques qui véhiculent l’image d’une France atteinte dans ses valeurs

par l’immigration sont nombreux. Pour le président de la République, « l’intégration est en panne ». Les Français partageraient cette opinion, si l’on en croit un sondage Harris Interactive du 20 avril dernier : 66 % des personnes interrogées estiment que l’intégration des étrangers fonctionne mal. Pourtant, les études sociologiques racontent une autre histoire, qui étudient les processus à l’œuvre sur plusieurs générations d’immigrés. « Il existe des preuves empiriques que l’intégration sous forme de convergence est bel et bien en œuvre », explique Mirna Safi, chercheuse à l’Observatoire sociologique du changement. Quelles preuves ? Adoption massive de la langue française, taux de fécondité proche de celui

des Françaises, progression des mariages mixtes chez les immigrés de seconde génération, intégration des pratiques culturelles, demandes de naturalisation, adhésion aux valeurs démocratiques… N’en jetez plus. Ces résultats « battent en brèche le discours répandu sur le caractère inassimilable des nouvelles vagues migratoires d’origine non européennes », lance Mirna Safi. La sociologue distingue toutefois l’intégration culturelle de l’intégration structurelle, davantage mise à mal. Accès au

“ Plus d’immigrés, c’est plus de chômage ”

“ L’intégration est en panne sèche ”

68 % DESIMMIGRÉSont un bonou un très bonniveau de français Enquête « Trajectoires

et Origines », Ined-Insee, 2008

40 % DES IMMIGRÉSvivent en couple avec un conjoint né en FranceEnquête « Trajectoires et Origines », Ined-Insee, 2008

logement, à l’emploi, réussite scolaire… « Les enfants d’immigrés d’origine maghrébine ou africaine sont, à caractéristiques égales – qualifications, âge, sexe, lieu de résidence –, dans une situation défavorable » par rapport aux Français qui ne sont pas d’origine étrangère. Ces inégalités sont liées à des discriminations. « Il n’y a pas de vrais obstacles à l’intégration, souligne la chercheuse. Et ce n’est pas lié à l’intention de l’individu immigré mais à la société et à ses institutions. » —

rapport mondial sur le développe-ment humain de 2009. Mais le texte s’empresse de mettre à mal ce cliché : « L’immigration accroît l’emploi et il n’existe aucune preuve d’un effet d’évic-tion sur les autochtones. » Plus mobiles

géographiquement, plus enclins à accep-ter des métiers dont les nationaux ne veulent plus (garde d’enfants, soins aux personnes âgées, restauration, hôtellerie, bâtiment, travaux saisonniers dans l’agriculture…), les migrants peu quali-fiés « complètent généralement la force de travail locale en Europe », affirme le rapport de l’ONU. En France, 63 % des immigrés occupent en effet des emplois d’ouvriers ou d’employés, contre 51 % dans le reste de la population active (1). Dans certaines régions, ce phénomène in

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est encore plus criant. Ainsi, en Ile-de-France, dans les entreprises de nettoyage, sept salariés sur dix sont immigrés. Le rapport public « Les métiers en 2015 », publié en janvier par le Centre d’analyse stratégique est sans équivoque : « Pour les emplois peu qualifiés, l’immigration alimente massivement le marché du travail francilien. »

« Besoin de main-d’œuvre »Pourtant, en avril, les ministres du Travail et de l’Intérieur, Xavier Bertrand et Claude Guéant, déclaraient vouloir réduire l’immigration liée au travail pour favoriser la formation des chômeurs nationaux. Une logique dénoncée par le Medef. Interrogé par Terra eco, le syndicat patronal avait martelé à l’époque : « Quand une entreprise ouvre un poste, elle cherche d’abord à le pourvoir en France. Ce n’est qu’une fois qu’elle a montré qu’elle n’a trouvé personne qu’elle peut ouvrir son poste aux étrangers. Il n’y a donc pas de concurrence entre Français et étrangers. » Penser améliorer l’emploi des Français lu

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en réduisant les flux migratoires est une vue « à court terme », avait jugé la ministre de l’Economie, Christine Lagarde : « Dans le long terme on aura besoin de main-d’œuvre, on aura besoin d’effectifs salariés formés. » Réduire l’immigration légale pourrait non seulement augmenter certaines tensions sur le marché de l’emploi, mais aussi alimenter le travail au noir et donc l’immigration illégale.

« Rôle d’amortisseur »Didier Gelot, secrétaire général de l’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale et Claude Minni, statisticien, soutiennent, eux, que, dans la crise et du fait de leur statut précaire et de leur présence dans les secteurs affectés par la récession, « les immigrés ont joué un rôle d’amortisseur pour l’ensemble du marché du travail, ce qui a permis aux Français d’origine de se maintenir dans une position relativement plus favorable » (2). —(1) « L’activité des immigrés en 2007 », Institut national de la statistique et des études économiques. (2) Revue « Politiques sociales et familiales », CAF, mars 2010.

« Il n’y a pas de concurrence entre Français et étrangers », rappelle… le medef.

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26 juin 2011 terra eco

“ L’immigration tire les salaires vers le bas ”

S’ils ne volent pas nos emplois, c’est donc qu’ils font baisser nos salaires ! Une chercheuse de l’Institut national d’études

démographiques, Michèle Tribalat, a, dans un ouvrage intitulé Les yeux grands fermés (Denoël, 2010), soutenu que les nouveaux immigrés entrent en concurrence avec les salariés peu qualifiés déjà présents sur le marché du travail et font baisser les salaires, en se « déclassant ». Un phénomène recoupé par certaines études empiriques. Des chercheurs américains (cités dans un rapport de 2009 du Conseil d’analyse économique, « Immigrations, qualifi-cations et marché du travail ») ont en effet trouvé qu’une augmentation du nombre d’immigrés correspondant à 1 % de la force de travail totale réduit de 1,2 % les salaires des moins qualifiés. Le Front national s’est empressé de reprendre ce chiffre, en le travestissant. Marine Le Pen s’est ainsi scandali-sée : « Comme l’ont confirmé toutes les études, 1 % d’immigration en plus, c’est  1,2 %  de  salaire  en  moins.  » Même remis dans sa forme véridique et originelle, le constat ne fait pas consensus. L’ONU jugeait, dans son Rapport mondial sur le développe-ment humain de 2009, que « l’impact 

agrégé de l’immigration sur le salaire des travailleurs locaux peut être positif ou négatif, mais relativement faible à court et long termes ». Gérard Cornilleau, économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques, ne dit pas autre chose : « Il n’y a pas d’impact général sur les salaires. En France, il y a un Smic et il empêche ces pressions à la baisse. » Michèle Tribalat ha

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« En France, il y a un smic. Cela empêche les pressions à la baisse. »Gérard Cornilleau, économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques

Dossier

soutient que l’absence d’immigrés créerait des tensions sur le marché du travail propices à un renchéris-sement des rémunérations. Georges Cornilleau juge qu’au contraire, « il ne se passerait rien. L’idée que des natio-naux obtiendraient des salaires plus élevés n’est pas fondée », notamment en raison des rigidités salariales propres à la France. —

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Les immigrés ne sont bons qu’à toucher des allocations familiales. Un préjugé ? Le secrétaire général de l’UMP,

Jean-François Copé, a déclaré en avril que nous filions droit dans le mur : « Nous n’aurons plus les moyens de payer (…). Le coût social pour le contribuable est tellement élevé qu’il y aura un moment où on ne tiendra plus le coup financièrement, parce que c’est du déficit et qu’on n’y arrive plus. » Pourtant, le rapport de 2010 « Migrations et protection sociale :

public de 2005, les chercheurs ont calculé que la contribution nette globale de l’immigration cette année-là au budget des administrations était « positive ou de l’ordre de 3,9 milliards d’euros ».

Des migrants jeunesComment arrive-t-on à ce résultat ? « Les immigrés sont sur-représentés dans certaines catégories » de dépenses sociales telles que les allocations chômage, le RMI, les aides au logement(voir infographie). La raison de ces écarts tient surtout aux caractéristiques socio-démographiques des migrants. Ils sont en moyenne plus jeunes que les « autochtones », moins qualifiés, et ils ont plus d’enfants. Mais ce n’est pas la seule

“ L’immigration aspire les allocations ”

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Les immigrés recevront des montant de transferts nettement supérieurs à ceux reçus par les natifs s’agissant des dépenses de RMI, de chômage. Mais ces différences sont très largement compensées par une moindre utilisation des transferts de retraites et de santé, qui à eux deux représentent environ les deux tiers du budget social de la France.

TRANSFERTS SOCIAUX : NATIFS VERSUS IMMIGRÉS

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Ces comptes représentent le paiement net en milliers d’euros (total des taxes payées moins total des transferts reçus) de chacune des générations vivantes en 2005 jusque la fin de leur vie.

étude sur les liens et les impacts de court et long terme », réalisé par des chercheurs de l’université de Lille et du Centre d’études prospectives et d’informations internationales, et adressé au ministère des Affaires sociales, affirme l’inverse : « L’impact de l’immigration est neutre sur les budgets sociaux, voire relativement positif sur un horizon de cinquante ans », explique l’économiste Xavier Chojnicki, qui a dirigé l’étude. En scrutant les chiffres du budget in

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explication : à caractéristiques égales (âge, carrière…), la

sur-représentation des migrants se maintient en partie mais disparaît pour tous les dispositifs d’aides à la famille. « L’explication tient dans ce cas aux difficultés d’insertion sur le marché du travail », analyse l’étude, qui souligne un taux de chômage des migrants deux fois supérieur

à celui des autochtones. « C’est lié à l’existence de discriminations », souligne Xavier Chojnicki.

Surcoûts contrebalancésL’ensemble de ces « surcoûts » est entièrement contrebalancé par la sous-représentation des migrants dans les dépenses de santé et de retraite, « des branches 

«Les prisons sont surpeuplées d’immigrés ou de Français d’origine immigrée » (Jean-Marie Le Pen, avril 2011) ;

“ nos prisons sont pleines d’immigrés ”

« La plupart des trafiquants sont noirs et arabes » (Eric Zemmour, mars 2010) ; « La délinquance, chacun sait qu’il y a des liens avec l’immigration » (Frédéric

Lefebvre, août 2010). Plus crimino-gènes que les « Français de souche », les immigrés ? En 2002, plus de 70 % des personnes interrogées pour l’Enquête sociale européenne déclaraient que l’immigration aggrave la criminalité dans le pays d’accueil. A raison ?

Délinquance administrative« Les personnes étrangères légalement 

Dossier

qui représentent les trois quarts des dépenses sociales ». Les migrants « contribuent plus au système social qu’ils ne lui coûtent », conclut Xavier Chojnicki. Et si demain la France optait pour l’« immigration zéro », ce n’est pas 3 % mais 5 % de PIB supplémentaire qu’il faudrait trouver à l’horizon 2050 pour financer la protection sociale. —

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« Les statistiques sont biaisées par la discrimination du contrôle au faciès »Laurent Mucchielli, sociologue

“ L’immigration est néfaste pour la croissance ”Les chiffres

intègrent les infractions à la législation des étrangers.

établies dans un pays ne commettent pas plus de délits que les autochtones », corrigent Natalia Delgrande et Marcelo Aebi, de l’Ecole des sciences criminelles de Lausanne. Le chercheur Robert J. Sampson, de l’université de Harvard, a même établi le contraire dans ses travaux : immigration rime avec baisse de la criminalité aux Etats-Unis. Sur le Vieux Continent, très peu de chiffres sont disponibles. Au 1er janvier 2010, 17,76 % des personnes écrouées en France étaient étrangères (11 740 sur 66 089 détenus). Mais ces statis-tiques n’indiquent pas grand-chose car « elles [intègrent] les étrangers qui se trouvent sur le territoire national sans autorisation de séjour », expli-quent Natalia Delgrande et Marcelo Aebi. Ce sont « des groupes organisés qui se déplacent spécifiquement sur le territoire d’un pays pour y commettre des délits » et des individus détenus pour une infraction à la législation des étrangers, c’est-à-dire pour de la délinquance administrative (pas de papiers, pas de permis de travail…). Cette catégorie représente près de la moitié des crimes et délits pour lesquels

des étrangers ont été mis en cause en France. Si on l’écarte, les étrangers ne représentent plus que 12,5 % des personnes mises en cause dans des crimes et délits (1).

Errants et vagabondsMais prudence encore, « ces statistiques sont le résultat des procédures de police et de gendarmerie, biaisées notamment par la discrimination du contrôle au faciès », prévient le sociologue Laurent Mucchielli, spécialisé dans les questions de délinquance et de violence des popu-lations immigrées. Le fait d’avoir la peau

noire entraîne un risque d’être contrôlé 3 à 11 fois supérieur, et le fait d’avoir le type maghrébin un risque 2 à 15 fois supérieur (2). Il existe un autre risque à vouloir lire dans des chiffres qui ne font apparaître que la nationalité des personnes incriminées. Pour Laurent Mucchielli, le lien entre immigration et délinquance « ne s’observe que dans certains contextes locaux où les processus de ségrégation et de discrimination se cumulent et s’enracinent dans la durée ». Croire que la criminalité provient de

l’immigration est un non-sens histo-rique : « C’est d’une ignorance et d’une fausse naïveté terribles, dénonce le socio-logue. Si c’était le cas, la prison serait une invention récente. Or, au XIXe siècle, la population carcérale était beaucoup plus importante et il n’y avait aucun immigré. Il s’agissait d’errants, de vagabonds, de voleurs originaires de la campagne… Des immigrés de l’intérieur. » —(1) Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice.

(2) Etude Open Society Institute de 2009 menée à Paris.

Et si les immigrés nous permettaient de soutenir nos trains de vie de pays riches ? C’est ce que martèlent les organismes internationaux,

tandis que les Etats sont tentés de se replier. « Si la population s’accroît de 1 % grâce à l’immigration, le PIB augmente de 1 % », explique ainsi l’ONU (1). « A long terme, quand l’économie fonctionne bien, la croissance est proportionnelle à la croissance de la population active, confirme Gérard Cornilleau, chercheur à l’Observatoire français des conjonctures économiques. L’immigration apporte une capacité de travail et une augmentation de la consommation. C’est ce qui explique qu’il n’y a pas de contradiction entre 

migrations et croissance. » Dans un rapport de 2010 (1), l’OCDE, l’Organisation de coopération et de développement

économiques, estime que si les migrations ont diminué pendant la crise, « à mesure que la reprise économique progressera, de nouvelles entrées de migrants seront nécessaires pour remédier aux pénuries de main-d’œuvre 

L’oCDE s’inquiète de la faiblesse des flux d’immigration légale.

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Venez chez nous payer nos retraites ! On entend

souvent que les flux migratoires sont un moyen de juguler le papy-boom de la Vieille Europe. En réalité, « l’immigration ne pourra pas être utilisée comme un levier contre le vieillissement », explique Xavier Chojnicki, économiste à l’université de Lille et au Centre d’études prospectives et d’informations internationales (1). Si dans un premier temps l’arrivée de migrants actifs peut contribuer au financement des pensions, sur le long terme, cet effet s’inverse largement car les migrants deviennent à leur tour des retraités. « L’effet de l’immigration sur le vieillissement est transitoire », insiste Xavier Chojnicki. —

(1) Coauteur de « Migrations et protection sociale : étude sur les liens et les impacts de court et long terme » (2010).

“ L’immigration rajeunit la France ”

Pyramide des âges de 2007 (en noir)comparée à la pyramide des âges de 2060 (en couleur). En milliers.

VIEILLISSEMENT INELUCTABLE DE LA FRANCE

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ou de compétences ». Ces dernières, en effet, jouent

« un rôle crucial, à long terme, dans les pays de l’Organisation parce qu’ils auront besoin de travailleurs supplémentaires pour préserver la croissance et la prospérité ». Et le secrétaire général de l’OCDE, Angel Gurría, insiste : « Les tendances démographiques de long terme demeurent quelle que soit l’ampleur des difficultés économiques actuelles. Ces dernières ne devraient pas servir d’argument pour imposer des barrières excessives à l’immigration. » Alors que la France annonce son souhait de réduire l’immigration légale, l’OCDE s’inquiète au contraire de la faiblesse des flux : « En maintenant les taux d’immigration à leur niveau actuel, la population d’âge actif des pays de l’Organisation n’augmenterait que de 1,9 % au cours des dix prochaines années. Ce pourcentage contraste avec les 8,6 % d’augmentation de la population en âge de travailler enregistrés entre 2000 et 2010. » —(1) Perspectives des migrations internationales.(2) ONU, Rapport mondial sur le développement humain (2009).

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L’amalgame entre immigration et chômage est une constante du discours du Front national. Ci-dessus, une affi che du parti datant de 1983.

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Dossier

Combien coûte l’immigration ? Combien rapporte-t-elle ? Au fond, ces questions doivent-elles être posées ? C’est « indispensable, estime

Xavier Chojnicki, économiste à l’université de Lille, car ce genre d’études permet de remettre en cause un certain nombre de clichés. Ça montre que des discours politiques sont infondés ». Même son de cloche auprès de Mirna Safi  : « On ne doit pas s’interdire de chiffrer l’immigration, d’autant qu’on démontre qu’elle ne plombe pas l’économie », juge la chercheuse à l’Observatoire sociologique du changement.

Que faut-il inclure dans ces calculs ? L’aide publique au développement et le contrôle des frontières, comme le font certains ? « Les partis d’extrême droite font des additions dans tous les sens, regrette Gérard Cornilleau, économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Et les autres travaux existants ne sont pas satisfaisants. » Comment procéder alors ? « On peut construire un scénario avec une immigration zéro et un autre avec de l’immigration et s’amuser à comptabiliser différentes choses, propose Gérard Cornilleau. Mais il faut que ce soit un bilan

Et si l’on se trompait de débat ?

dynamique et intertemporel et pas statique à un instant T. » Ou bien, suggère l’économiste, « on peut avoir une approche globale, macro-économique et on trouve que la croissance augmente proportionnellement à la population et donc que l’immigration a un coût net égal à zéro ».

L’approche purement quantitative a toutefois ses limites. « Ça n’aurait pas de sens de se demander quel est le coût de l’immigration polonaise du début du siècle sur l’économie française de 2011, illustre Denis Fougère, économiste au Centre de recherche en économie et statistique. Et personne ne saurait le dire car elle se dissout » dans le paysage national. Résumer l’apport d’un être humain à une collectivité par sa contribution ou son coût, « c’est être dans une pure logique comptable et c’est déjà mettre un doigt dans l’engrenage du Front national, regrette Eloi Laurent, économiste à l’OFCE. On ne pourra pas mesurer, par exemple, l’apport culturel des migrations ». Et demain, cherchera-t-on à connaître ce que coûtent les femmes à la société, les handicapés, les malades, les pauvres ? « Ce serait un non-sens, concède Xavier Chojnicki. Cela reviendrait à remettre en cause la notion même de justice sociale. » —

L’amalgame entre immigration et chômage est une constante du discours du Front national. Ci-dessus, une affi che du parti datant de 1983.

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Le gouvernement souhaite réduire l’immigration légale, restreindre l’accès des étrangers à certaines prestations sociales… Dans quel contexte interviennent ces annonces ?L’immigration reste une bouée de sauvetage pour des politiques en manque de vrai projet. Aujourd’hui, le thème ressurgit à l’approche d’échéances électo-rales et dans le contexte de la révolution tunisienne qui a focalisé l’attention sur des débarquements spectaculaires de migrants en Italie. Il y a en outre,

en arrière-plan, un climat d’insécurité lié à la crise économique, qui réactive en Europe le repli sur soi et les égoïsmes nationaux. On fait toute une affaire de 20 000 Tunisiens qui débarquent à Lampedusa mais dans six mois, ils se seront fondus dans le décor car c’est une goutte d’eau à l’échelle des 500 millions d’Européens. L’Europe semble avoir perdu sa capa-cité à canaliser les gesticulations souverainistes de certains Etats membres, qui oublient que la question des frontières a été communautarisée voici plus de dix ans. Et que la convention de Schengen repose sur un principe de solidarité face aux mouvements migratoires. On a déjà vu la Commission européenne céder devant les illégalités manifestes commises par la France en expulsant des Roms, elle recommence aujourd’hui avec Schengen.

Les termes du débat autour de l’immigration en France ont-ils changé ?Il y a un regain de cynisme, des tabous sont tombés. Ça a commencé en 2005 avec l’arrivée du concept d’« immigration choisie » : une façon de dire que les immigrés doivent être utiles ou ne pas être. Régulièrement, des politiques sont envoyés au charbon pour lancer des phrases-chocs, comme Claude Guéant affirmant que « les Français ont parfois le sentiment de ne plus être chez eux ». Les vannes semblent ouvertes, tout est bon, y compris les annonces dont on sait qu’elles ne sont pas réalisables, comme l’extension de la déchéance de nationalité aux personnes condamnées pour crimes envers les dépositaires de l’autorité publique, mesure apparue puis disparue – parce qu’absurde – dans le projet de réforme de la loi sur l’immigration. Ce qui était autrefois l’apanage de l’extrême droite et du café du commerce fait aujourd’hui partie du discours officiel.

Comment expliquez-vous le succès d’un certain nombre d’idées reçues, selon lesquelles l’immigration plombe nos comptes publics ou alimente la criminalité, le chômage… ?Dans un contexte d’inquiétude de l’avenir et d’in-sécurité d’une part croissante de la population, la rhétorique du bouc émissaire, vieille comme le monde, marche toujours. Et ceux qui en jouent sont plus entendus que ceux – pourtant nombreux – qui sont en mesure de démonter ces idées toutes faites. Le risque des idées fausses et des explications menson-gères, c’est que ça mène à des solutions tout aussi fausses : voter pour l’extrême droite, par exemple.

Avez-vous le sentiment que le racisme progresse dans la société ?On prête volontiers à l’« opinion » des sentiments

CLAIRE RoDIERJuriste, membre du Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti) et vice-présidente de Migreurop, réseau européen et africain de lutte contre les camps d’étrangers.

« Ce qui était autrefois l’apanage de l’extrême droite et du café du commerce fait aujourd’hui partie du discours officiel »

Dossier

Pourquoi cette instrumentalisation permanente du thème de l’immigration par le personnel politique français ? Réponses de la juriste Claire Rodier.

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Interview

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qui ne se vérifient pas forcément au quotidien : pensez aux mobilisations citoyennes déclenchées par des mouvements comme Réseau Education Sans Frontières (RESF), par exemple. Ce qui est sûr, c’est que la propagande xénophobe officielle, dont j’ai parlé avant, peut influencer Monsieur Tout-le-Monde.

Quel intérêt politique cela sert-il ?Focaliser sur les immigrés, c’est pratique quand on n’a pas grand-chose à fournir, notamment en termes de bilan social. Le monde politique n’a jamais vraiment réfléchi à la question de l’immigration de façon saine. D’où un empilement de réformes inadaptées à une réalité pourtant appréhensible pour peu qu’on se plonge dans les rapports des organismes internationaux, des ONG, des chercheurs. Ces travaux mettent à mal l’approche sécuritaire, la fermeture des frontières mais ils ne sont pas utilisés.

Selon vous, dans quelle direction faudrait-il aller ?Les déplacements humains sont un des maillons de la mondialisation. Il faut dire que l’immigration est un phénomène normal, qui n’est pas grave. Le Gisti (1), le Groupe d’information et de soutien des immigrés, défend la liberté de circulation. Non seulement les dispositifs sécuritaires sont rarement efficaces, mais ils représentent un coût humain de plus en plus lourd. Il y a des mouvements de population inéluctables. Ainsi, quand on fait la guerre en Libye, il faut assumer que ça génère des flux de réfugiés… Nous défendons une vision collective de l’avenir de la planète. Plutôt que de s’enfermer dans une illusoire forteresse, mieux vaut prendre les mesures pour anticiper cette réalité qui s’imposera de toute façon. —

(1) A lire sur le sujet, « Liberté de circulation, un droit, quelles politiques » (Gisti, 2011).

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J’ai un tuyau pour vous, copains junkies de l’électron ! Vous voulez changer de dealer ? Cesser de vous fournir auprès du même électricien ? Alors, foncez chez

Enercoop, une coopérative qui regroupe des producteurs et des consommateurs d’énergie 100 % renouvelable. Souscrire un abonnement à Enercoop ne signifie pas qu’il n’y a que des électrons verts au bout de mes prises électriques. Car, dans le réseau, tous les électrons – issus du solaire, de l’éolien ou d’une centrale nucléaire – se mélangent. Mais Enercoop s’engage à y

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Contre EDF et sa passion pour l’atome, j’ai choisi un petit concurrent qui garantit d’injecter des électrons verts dans les tuyaux. Dispositif écolo, inscription facile, pourquoi tout le monde ne s’y met pas ?Par LAURE NOUALHAT / Illustration JULIEN COUTY pour « Terra eco »

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injecter autant d’électricité renouvelable que ce que consomment ses 9 000 consomm’acteurs, et à réinvestir d’éventuels bénéfices dans des moyens de production propres. La société coopérative œuvre donc au rééquilibrage du bouquet énergétique de la France, môssieur ! Petit rappel : l’électricité est d’origine nucléaire à 80 % en France, 14 % provient de l’hydraulique, 5 % de l’éolien et 1 % d’autres sources d’énergie. En adhérant à Enercoop, chacun fait sa part, comme le colibri quand il tente d’éteindre l’incendie dans la forêt. Ni plus, ni moins.

Des sociétaires plutôt que des clientsL’idée vous tente mais la perspective de tracas administratifs vous freine ? Franchement, on a vu démarche plus complexe. Ici, un simple formulaire suffit : on l’imprime à partir du site internet de la coopérative, on le remplit, on l’envoie et basta ! On n’appelle jamais son ancien dealer, Enercoop s’en charge. Et pour ceux qui se sentent des velléités d’en faire plus, la coopérative propose de devenir sociétaire, ce qui change intellectuellement pas mal de choses par rapport au statut de client, comme le fait de se prononcer sur le devenir de la boîte.Bien sûr, pour que la petite coopérative taille des croupières à EDF, tout ce que la France compte d’écolos devrait changer de fournisseur d’électricité. Et ça, c’est pas gagné. D’abord parce qu’à l’origine, un seul dealer d’électrons, EDF, avait le droit de vendre sur le marché français. Depuis le 1er juillet 2007, les particuliers peuvent changer de crèmerie. Et une poignée de concurrents se sont mis sur les rangs : GDF Suez, Poweo, Direct Energie, Enercoop… Mais la ruée vers ces pionniers n’a pas eu lieu. Avouons que l’électron nucléaire demeure moins cher et qu’on change difficilement de dealer. C’est affectif. Ensuite, il faut reconnaître qu’Enercoop brille par sa discrétion. Même dans les assemblées les plus dévouées à l’écologie, les statistiques se révèlent terrifiantes : à peine 10 % de ces convaincus ont changé d’opérateur énergétique. Après quatre ans d’existence confidentielle – et parfois chaotique –, la coopérative affiche,

pour une cinquantaine de producteurs, 9 000 consommateurs et 5 000 sociétaires.Soit autant de souscripteurs qui ne sont pas refroidis par les tarifs d’Enercoop. A puissance égale – en l’occurrence 6 kilovoltampères –, EDF vend son kilowattheure 11,52 centimes d’euros TTC contre 14,61 centimes chez Enercoop. Eh oui, 27 % plus cher. Alors, pour ne pas sentir sa facture s’alourdir, le deal est clair : il faut économiser. Une solution d’avenir d’autant que les tarifs d’EDF vont continuer à augmenter. C’est une promesse de la récente loi régulant le marché de l’électricité.

Un ordi, un lave-linge et une radioDonc, pas une minute à perdre pour se lancer dans la chasse au gaspi. Personnellement, j’évite les consommations électriques superficielles : exit presse-agrumes, machine à pain, appareil à raclette et j’en passe. Quant à la consommation électrique résiduelle, elle est facile à traquer : hormis le radio-réveil, zéro équipement en veille. En journée, j’éteins mon boîtier internet haut débit (ces 23 millions d’appareils correspondent à 1 % de la consommation électrique nationale). Je bannis chauffage et chauffe-eau électriques – ce qui est vrai, dépend de ma proprio, que j’embrasse – et j’affiche une consommation modérée avec seulement un ordi, un lave-linge, une radio, et surtout aux plaques de cuisson.J’ai personnellement investi 190 euros – oui, je sais, c’est un truc de bobo – dans sept ampoules à LED qui remplacent avantageusement mes fluocompactes. Oui, elles m’ont ruinée mais je compte bien ne pas les changer de mon vivant ! Enfin, les bricoleurs peuvent aussi s’adjoindre les services d’un majordome de l’électricité, comme le boîtier Wattson. Mais en France, il faut, pour l’installer, défoncer le boîtier scellé d’EDF, ce que je n’ai pas fait bien sûr, pour se connecter à la ligne. Objectif : 40 % d’économies sur la note. Forte de ma souscription à Enercoop et de mon pistage du gaspillage, ma facture atteint désormais 24 euros par mois (dont 9 d’abonnement). Qui dit mieux ?www.enercoop.fr

Pour souscrire, un formulaire suffit : on l’imprime, on le remplit, on l’envoie et basta ! On n’appelle jamais son ancien dealer. Enercoop s’en charge pour vous.

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Des recharges pour remplir ses flacons, des emballages écoconçus… La marque de luxe fait de réels efforts. Dommage qu’elle soit desservie par une com plus kitsch et sexiste que glamour. Par EMMANUELLE VIBERT

Le marketing expliqué à ma mère

La pin-up Thierry Mugler : écolo, rétro… et macho

C’est une pin-up échappée des années 1950. Dégaine de pom-piste avec jupe ras la culotte. L’air mutin, elle sort un chiffon de son décolleté forcément

profond et en astique le flacon qu’elle tient dans la main… Cette miss bouillante occupe la page d’accueil du site Save Your Bottle mis en ligne à la mi-mars. La bombe a pour mission de convaincre les adeptes des parfums Thierry Mugler de recharger leur flacon une fois celui-ci vide.

StratégieDes flacons rechargeables pour un parfum de luxe ? Cela fait partie de la stratégie de la marque Thierry Mugler depuis le début. « Dès 1992 et le lancement du premier parfum, Angel, nous avons proposé des recharges et des “ sources ” pour remplir son flacon en boutique », raconte Yvette James, direc-trice du développement responsable du groupe Clarins, à qui appartient Thierry Mugler Parfums. En 2011, la Source adopte le look d’une pompe à essence vintage, et se dote d’une mascotte, la pin-up. L’objet de ce nouveau site, selon le dossier de presse ? « Rappeler que le ressourçage est avant tout un instant de dialogue et d’échange entre la détentrice du joyau et sa conseillère, qui reste une interlocutrice privilégiée et impliquée ; revenir à la source est un service unique qui allie économie et écologie. » Parlons dr

peu, parlons bien : il s’agit de faire de la récup glamour.

Cas d’écoleEt pourquoi pas ? « Toutes les actions qui visent à réutiliser les emballages sont  écologiquement  intéressantes, avance Sylvain Lambert, associé chez PricewaterhouseCoopers, respon-sable du département développement durable. D’autant que le luxe est souvent copié. Mais cette démarche demande à être validée par une mesure de son efficacité. Si elle ne sert qu’à la com-munication de la marque sans que les consommateurs suivent le mouvement, elle perd son intérêt. »Sur ce point, Yvette James nous rassure : les recharges représentent la moitié des ventes d’Angel en 2010 alors que ce parfum se classait numéro trois des ventes de fragrances pour femmes en France. Et les cartouches de ressour-

çage des parfums Angel et Alien ont permis d’économiser 1,5 million de flacons et étuis l’année dernière. La marque fait par ailleurs de sérieux efforts d’écoconception. Les flacons recharges d’aujourd’hui sont fabriqués en « verre étiré », quatre fois plus léger que le modèle de 1992. Depuis le lan-cement de Womanity, en 2010, les étuis en carton sont conçus selon ce même principe : suppression des cales et des notices, les infos étant imprimées à l’intérieur de l’étui ; emballage ajusté au plus près du flacon… « Et ça, dans un secteur où on a plutôt l’habitude de vendre un miniflacon dans un maxi-coffret pour tromper les clients, ça n’est pas rien », assure Yvette James.Pourtant, Cécile Ducrot-Lochard s’est esclaffée en parcourant le site. Cette consultante en philanthropie, luxe et développement durable au sein de sa structure, Citizen Luxury, justifie son fou rire : « Sur le fond, je trouve ça intéressant par rapport à toutes les initiatives de communication écolo des concurrents. Je bondis, par exemple, quand je vois Hugo Boss qui plante un arbre pour un flacon acheté. Mais cette imagerie de la pin-up plus que sexy, les mots employés… Vous avez entendu les mots ? »Oui, on a vu et entendu Miss pompiste manier son flacon au son d’une voix off masculine qui assène des commentaires dignes d’un film crypto-érotique de

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Alice Audouin, responsable du développement durable Havas Media France« Il ne faut pas voir du greenwashing là où il n’y a pas d’utilisation d’argument écologique. L’honnêteté de cette pub est de ne pas faire passer pour environnemental un geste avant tout économique pour l’entreprise (les flacons coûtent très cher à la fabrication) et son client. Par ailleurs, rendre glamour la durabilité d’un objet est une piste toujours intéressante à suivre, et le secteur du luxe peut s’avérer créatif, même si ici, le glamour touche à la caricature de la femme-objet. »www.aliceaudouin-blog.com

Avis de l’expert : 3/5

la TNT. Exemple (éloignez les jeunes lecteurs) : « Mmmh… Notez la finesse de la pompe, parfaitement adaptée à votre flacon. Le ressourcer est si simple, c’est, de toute évidence, un plaisir. » Même réaction du côté de Sylvain Lambert, « choqué par les connotations sexistes et sexuelles de cette communication ».

VerdictJ’en entends déjà certains : on ne com-prend rien au second degré, on est

des rabat-joies… « Je suis entièrement pour le fait de casser les codes classiques des pubs écolos, assure Cécile Ducrot-Lochard. Je suis convaincue qu’il faut que le luxe offre toute sa créativité à la valorisation des produits écoconçus. Mais je n’en demandais pas tant ! » Entre la vertitude de la com responsable et la kitschitude – voire la machitude –, il y avait peut-être une troisième voie pos-sible. Celle du progressisme, non ? —www.saveyourbottle.comdr

« Mmmh… Notez la finesse de la pompe, parfaitement adaptée à votre flacon », prononce une voix off masculine digne d’un film érotique.

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38 juin 2011 terra eco

« Notre Bretagne est une terre de labeur. Mon père s’est construit avec ça. Et il a toujours fait en sorte qu’on ne se la pète pas ! »

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Il vous offre une graine d’Entada giga, un arbre de Madagascar. De couleur noire aux reflets acajou, elle est grande comme un galet. Un cadeau pour dire sa passion pour les arbres. Il se dit même « obsédé » par eux. Avec la Fondation Yves Rocher, qu’il préside depuis vingt ans, il s’est engagé à en planter 50 millions d’ici

à 2014. Jacques Rocher est l’un des trois fils d’Yves. Hériter d’un empire industriel, c’est un fou d’arbres, qui ne renie pas ses racines.Soit un Breton parti de rien à la fin des années 1950, dans son village de La Gacilly qu’il voulait sauver du désœu-vrement. A sa mort en 2009, Yves Rocher lègue aux siens un groupe qui compte huit marques, 2 000 magasins et 15 000 salariés dans le monde. Bris, l’aîné des petits-enfants du fondateur, en a pris la tête. Et le clan est resté soudé autour des 80 % de parts de capital qu’il détient et des 1 800 millions d’euros que pesait leur fortune en 2010, selon le magazine Challenges.De quoi faire tourner la tête d’un héritier ? « Notre Bretagne est une terre de labeur, de pauvreté. Mon père s’est construit avec ça. Et il a toujours fait en sorte qu’on ne se la pète pas ! » Pas besoin d’études dans cette famille d’autodi-dactes. Jacques commence sa carrière en travaillant deux ou trois ans avec son père. Puis il s’échappe : chef de produit ici, producteur de vidéos institutionnelles là… Pas pour tuer le père mais pour voir ailleurs – « Quand on travaille dans une entreprise familiale, on risque de penser que tout tourne autour de cet écosystème. » Et pour mieux renouer avec ses racines, revenir s’abriter sous l’arbre familial, en 1991, et y faire fructifier sa propre branche en prenant la direction de l’environnement et en créant la Fondation. 1991, c’est aussi l’année de son choc amazonien. Jacques Rocher passe alors plusieurs semaines au Brésil et en Guyane, avec une association qui agit auprès de communautés

reculées vivant près du fleuve. « La nature, soit on la voit comme un concept, soit on plonge dedans. L’Amazone, ça vous explose la tête », dit-il de cette époque. L’année suivante lui offre en cadeau un autre choc. Jacques Rocher est invité au Sommet de la Terre à Rio pour parler de l’engagement du groupe. « Il y avait les Etats, mais aussi la société civile, avec des ONG, et des représentants d’entreprises, comme moi. C’était nouveau et enthousiasmant. Sous un chapiteau, j’ai vu plus de mille femmes réunies pour parler de leur rôle dans l’écologie. »« Il a une vision écologique personnelle très forte, dit de lui son ami le photographe Pierre de Vallombreuse. Il utilise les moyens financiers à sa disposition et sa notoriété pour servir ses convictions. » Le groupe profite-t-il de l’action de la Fondation pour s’acheter une place au paradis vert ? Pas pour Jacques Rocher, qui sépare les genres.D’un côté, il y a le groupe, « qui a pour objet de croître, tout en réduisant son impact. On y travaille chaque jour. On vient par exemple de remplacer le chauffage au gaz de l’usine de La Gacilly par un chauffage au bois, ce qui écono-mise 1 000 tonnes de CO

2 par an. » Qu’importe qu’elle ne

produise que très peu de produits estampillés bio et que la « cosmétique végétale » d’Yves Rocher ne soit pas exempte de chimie. « Elle a un véritable intérêt et la cosmétique bio ne correspond pas aux attentes de toutes les femmes. »

Un budget secret défenseDe l’autre côté, il y a la Fondation qui plante des arbres partout dans le monde. Avec quel budget au fait ? Secret défense. « Cela n’a rien à voir avec de la compensation car-bone ! Il s’agit de retenir l’eau, de préserver la biodiversité, en s’adaptant à chaque fois aux problématiques locales. » Jacques Rocher a rencontré la prix Nobel de la paix Wangari Maathai en 2007. Il s’est alors engagé auprès d’elle

Son père Yves est parti de rien. Lui non. Mais Jacques Rocher a trouvé sa voix et sa place dans le groupe familial en semant des graines partout dans le monde.Par EMMANUELLE VIBERT

Jacques Rocher, au nom des arbres

Le portrait

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à planter 1 million d’arbres avec les clientes de la marque avant 2009. Ce furent finalement 5 millions,

puis 50 millions d’ici à 2014. Pour y parvenir, la Fondation soutient des ONG en Inde, au Brésil, au Sénégal, en Haïti… Mais les arbres ne sont pas la seule manie de l’homme. Avec sa Fondation, il soutient aussi celles qui valorisent le végétal. Depuis dix ans, le prix Terre de femmes récompense des créatrices de jardin d’insertion en France ou d’une coopérative de femmes cultivant l’argan au Maroc. « J’étais obsédé par le fait de soutenir des anonymes dans un monde de “ peoplisation ”. Ce prix crédibilise l’action de ces femmes et dans certains pays comme la Russie, c’est vraiment utile. »

« Village global »Une autre obsession ? Oui, son village, La Gacilly dont le destin est lié à la famille. Pour Jacques Rocher, « La Gacilly synthétise une vision », celle de son père qui avait décidé de sauver son village moribond. Le patriarche y a construit ses usines – 90 % des produits vendus dans le monde entier sont fabriqués dans un rayon de 30 km –, planté des champs de camomille ou d’arnica (44 hectares aujourd’hui certifiés bio), il en est devenu le maire en 1962… Jacques y a créé un Festival Photo Peuples et Nature en 2003 – oui, la photo est une autre des ses « obsessions » ! Il y a exposé notamment le travail de son ami Pierre de Vallombreuse sur les « Hommes racines », et la relation intime qui lie les peuples autochtones à leur environne-ment. Dans son village, Jacques Rocher a été élu à son tour maire (sans étiquette) en 2008. L’année suivante, il a fait construire avec sa femme un hôtel spa, La Grée des Landes, écolo de A à Z… Et à La Gacilly, dans son « village global », comme il l’appelle, l’arbre des Rocher continue de croître. Et ses racines de s’enfoncer dans le sol. —

1957 Naissance à Rennes (Ille-et-Vilaine)1991 Prend la direction de l’environnement du groupe Yves Rocher et crée la Fondation Yves Rocher1992 Participe au sommet de la Terre de Rio2001 Crée le Prix Terre de Femmes2007 Rencontre Wangari Maathai et s’engage à faire planter 1 million d’arbres2008 Elu maire de La Gacilly (Morbihan)2009 Ouverture de son éco-hôtel spa « La Grée des Landes »

En dates

éco-AgAcéE MADoNNAIl va en falloir du yoga pour se remettre de cet échec. L’association « Raising Malawi » lancée par la chanteuse a dû annuler le projet d’école pour filles dans lequel elle avait investi personnellement 11 millions de dollars. Le personnel est soupçonné d’avoir dilapidé presque 4 millions de dollars en voitures avec chauffeur, abonnements à un club de golf… sans qu’aucune école ne sorte de terre. Tout ce petit monde a été licencié.

éco-VéLocE JEAN ToDTAprès le Grand Prix électrique de Pau, la Fédération internationale de l’automobile s’y met. Son président et ex-patron de l’écurie Ferrari veut lancer des compétitions internationales avec de drôles de Formule 1, marchant à l’électricité. En temps normal, un bolide de F1 brûle pas moins de 3 000 litres d’essence pendant une course.

éco-éLoIgNé coLDPLAYBranchés par l’écologie et le son des boys du quatuor londonien ? Alors il va falloir sortir le chéquier. D’abord pour filer en Australie où

les auteurs de « Viva la vida » se produiront lors du festival de « Splendour in the grass » fin juillet, compensé et écoconçu. S’il reste des places il vous faudra ensuite débourser de 290 à 380 euros pour franchir les portes. Vous aurez alors peut-être la chance de voir un bout de mèche de Chris Martin.

éco-DoNATEUR RIchARD BRANsoNLorsqu’on est milliardaire, on peut se permettre quelques fantaisies… comme offrir une île à des lémuriens. Le père de Virgin a décidé de consacrer son île Moustique, achetée en 2007, à ces animaux endémiques de Madagascar. Reste à savoir si les lémuriens ne vont pas déstabiliser le fragile écosystème de l’îlot.

éco-coNsTRUcTEUR PhILIPPE sTARcKLe concept réunit le designer Starck et l’écoconstructeur slovène Riko. L’objectif : proposer un logement écologique et bon marché. Le prototype sera bientôt visible au château de Versailles. Comptez environ 1 000 euros du mètre carré et pas moins de deux mois entre l’arrivée des éléments et la prise de possession.

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« la nature, soit on la voit comme un concept, soit on plonge dedans. »

Le portrait

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42 juin 2011 terra eco

3 à 5 % des Parisiens sont susceptibles d’acheter », déplore Jean-Yves Mano. C’en est trop, ou plutôt pas assez, pour l’adjoint de Bertrand Delanoë chargé du logement : « Toute une population est exclue de l’accession à la propriété, jusqu’aux classes moyennes supérieures. Les politiques sont restés trop longtemps spectateurs. » Traduction : Paris brûle et nous regardons ailleurs.

Paris flambe-t-il ? Assurément. En dix ans, les prix de l’im-mobilier ont doublé dans la capitale. Aujourd’hui, à presque 8 000 euros le mètre carré dans

l’ancien, n’est pas candidat à la pro-priété qui veut. Trop cher Paris. « Dans le neuf, les propositions des promoteurs se situent entre 10 000 et 15 000 euros le  mètre  carré.  A  ces  tarifs-là,  seuls 

Jean-Yves Mano, lui, se verrait bien pompier volontaire. Avec, pour lance à incendie, un concept très british : la propriété temporaire. Son principe ? L’acheteur acquiert les murs auprès d’un promoteur mais loue le foncier pour une durée déterminée (99 ans en France, variable en Angleterre). Grâce à ce bail emphytéotique, son petit nom en jargon immobilier, il

Investir dans la pierre à Paris ? Mieux vaut avoir le porte-monnaie bien accroché. Et si la solution s’appelait la propriété temporaire ? L’acheteur loue le terrain à la ville et acquiert les murs à un prix défiant toute concurrence. Explications.Par LOUISE ALLAVOINE / Illustration OLIVIER MARBŒUF pour « Terra eco »

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Centre-ville cherche propriétaires en CDD

L’économie expliquée à mon père

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de vente. Et avec un loyer du foncier assez léger, « par exemple 2 000 euros par an pour un 60 mètres carrés », la facture s’allège « d’au moins 40 % », assure-t-il. Abracadabra ! Pour casser la ronde infernale de la hausse conti-nuelle des prix, Jean-Yves Mano veut également inclure dans l’acte notarié une clause de non-spéculation.

Où sont les terrains ?Les professionnels de l’immobilier, qui voient là plus de clients potentiels, applaudissent. Quant aux Français, sont-ils prêts pour cette nouvelle forme de propriété, eux qu’on dit très atta-chés à la transmission patrimoniale. « Ça fait six ans que je pense à cette idée, et on m’a toujours répété que ça ne fonctionnerait pas à cause de cette tradition soi-disant bien ancrée. Mais ce n’est plus le cas », veut croire Jean-Yves Mano. Dans les couloirs de l’Hôtel de ville de Paris, le concept fait son chemin. Un hic, les terrains municipaux dis-ponibles pour la construction de ces biens sont rares : « une dizaine d’hectares en mutation » en tout et pour tout. L’adjoint ne vise pour le moment que 2 000 logements sur dix ans. « C’est symbolique », recon-naît l’adjoint-pompier. Mais ce serait déjà un verre d’eau contre la flambée immobilière. —

conserve des droits quasi analogues à ceux d’un propriétaire classique : louer, faire des travaux, hypothéquer. Le bail est également cessible, vendable et renouvelable.

Système moyenâgeuxSauf qu’en Angleterre, la propriété limitée ou bail à long terme, appelez ça comme vous voulez, n’a jamais été conçue pour éteindre la flambée immobilière. Le système, hérité du Moyen Age, a perduré, notamment parce qu’il « permet aux propriétaires de garder le contrôle de leurs biens sans les contraintes de la location à court terme », explique Chris Bond, agent (immobilier) de sa Majesté, basé à Londres. Mais remarque-t-il, « c’est amusant que Paris veuille lancer les baux à long terme quand les Anglais cherchent plutôt à en sortir ». En cause notamment, les problèmes rencontrés avec des proprios de terrain parfois peu coopératifs pour assurer l’entretien, par exemple. Mais Jean-Yves Mano veut s’inspirer du modèle anglais sans en reproduire les écueils. Dans son schéma, la mairie reste propriétaire du terrain. La suren-chère à laquelle se livrent les promo-teurs pour l’acquérir est donc évitée. Ainsi, les charges foncières, « autour de 3 800 à 4 000 euros le mètre carré à Paris » d’après l’élu, sortent du prix

Avec un loyer du foncier « à 2 000 euros par an pour 60 m2, la note baisse « d’au moins 40 % »Jean-Yves Mano, adjoint au maire de Paris

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3 questions à ChRISTOPhE ROBERT, délégué général adjoint de la Fondation abbé Pierre Que pensez-vous de cette idée ? Ce n’est pas inintéressant. on ne peut que valider tous les outils qui permettent de diminuer les prix et de dissocier le foncier du bâti. il existe d’ailleurs quelque chose d’assez similaire dans le logement social, où les collectivités prêtent le foncier. et ça fonctionne. Un objectif de 2 000 logements sur dix ans, n’est-ce pas un coup d’épée dans l’eau ?Ce ne peut évidemment pas être la seule réponse à la crise du logement. d’autant qu’il faudrait en construire 70 000 par an. Mais il faut intervenir sur tous les volets. la ville de Paris agit sur le logement social et l’habitat indigne. elle doit poursuivre ses efforts.Quelles solutions prônez-vous contre la spéculation immobilière ? globalement, il faut absolument intervenir sur les prix. sans ça, on ne s’en sortira pas. dans le détail, des politiques comme « louez solidaire » (1) sont intéressantes. il faut les multiplier.

(1) opération instaurée à Paris, qui met des logements du parc privé à disposition de personnes démunies, avec des garanties et des avantages fiscaux pour le propriétaire.

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44 juin 2011 terra eco

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10 milliards d’êtres d’humains en 2100 ?

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A 9 milliards, se disait-on, il fau-dra se serrer. Mieux partager les ressources et les richesses.

Mais à 10 milliards ? Jusqu’ici, on pen-sait que la population atteindrait un pic en 2050 avant de se stabiliser. Un rapport des Nations unies publié le 3 mai penche plutôt vers une pour-suite de l’augmentation. Et prévoit que 10,1 milliards d’individus arpenteront le monde en 2100. Aux racines de cette prévision, quelques engrais : une fer-tilité moins limitée que prévu dans les pays pauvres et en progression dans quelques pays riches – Etats-Unis et Royaume-Uni notamment. Et si on se bouscule aux portes du monde, on se précipite moins vers la sortie. Dans presque tous les pays, l’espérance de vie est en progression. En Afrique, l’épidé-mie de sida contenue par l’apparition de nouveaux traitements, a fait revoir les prévisions à la hausse.

une nouvelle barre en octobreMais où risque-t-on de se marcher sur les pieds ? En Afrique notamment. La population pourrait y tripler en un siècle et passer de 1 milliard au-jourd’hui à 3,6 milliards. Un défi pour

un continent qui peine déjà à nourrir ses habitants. L’Amérique du Nord devrait elle aussi voir sa population grandir : de 344,5 millions aujourd’hui à 526,4. L’Europe, en revanche, pourrait perdre des têtes. Riche de 738 millions d’habitants aujourd’hui, elle n’abri-tera sans doute plus que 675 millions d’âmes en 2100.Mais les prévisions des Nations unies pourraient êtres modifi ées si le change-ment climatique, les guerres, la famine ou les épidémies venaient à enrayer la hausse de population. Une chose est sûre néanmoins. Fin octobre prochain nous serons 7 milliards, douze ans seulement après avoir passé la barre précédente des 6 milliards. —

En direct de terraeco.net

Réagissez à l’actualité

EN AFRIQUE :

Zambie : population x11

13,1 millions en 2010

140,3 millions en 2100

Niger : population x9

15,5 millions en 2010

139,2 millions en 2100

Malawi : population x8,7

14,9 millions en 2010

129,5 millions en 2100

EN AMÉRIQUE LATINE :

guatemala : population x3

14,4 millions en 2010

46 millions en 2100

Quelques exemples

Venezuela : +40 %

29 millions en 2010

40,5 millions en 2100

EN AMÉRIQUE DU NORD :

etats-unis : +50 %

310,4 millions en 2010

478 millions en 2100

EN ASIE :

Chine : -30 %

1,34 milliard en 2010

941 millions en 2100

Inde : +26 %

1,22 milliard en 2010

1,55 milliards en 2100

Japon : -28 %

126,5 millions en 2010

91,3 millions en 2100

pakistan : +50 %

173,6 millions en 2010

261,3 millions en 2100

EN EUROPE :

allemagne : -14 %

82,3 millions en 2010

70,4 millions en 2100

France : +30 %

62,8 millions en 2010

80,3 millions en 2100

royaume-uni : +20 %

62 millions en 2010

75,7 millions en 2100

russie : -22 %

142,9 millions en 2010

111 millions en 2100

A la fi n du siècle, nous risquons d’être 10 milliards d’individus dans le monde. Et non 9, comme prévu auparavant.

par KarINe Le LOËT

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La ViDÉo Du MoiS « comme un humain en cage… d’ascenseur »

Un petit lion mignon mignon ? Un chimpanzé rigolo ? Ça vous dit ? Cela vous tentera-t-il moins quand vous aurez passé quelques minutes

enfermé comme un animal en cage ? Pour faire passer à ses compatriotes l’envie de s’offrir une bébête exotique, l’ONG brésilienne SOS Fauna a bloqué des victimes dans un ascenseur et fi lmé les montées d’angoisse. Après quelques longues secondes de stress, les portes s’ouvrent enfi n et une hôtesse tend un tract : « Etre bloqué pendant quelques secondes est déjà effrayant. Imaginez que ce soit pour toute la vie. »Tapez dans le moteur de recherche de terraeco.net : « Fauna ».

« 2012 sera l’année de toutes les élections. D’ici là, attendez-vous à voir dégainer des cadeaux de dernière

minute par des élus briguant un second mandat. Les primes fi niront sans doute en G20 de perlimpinpin et autres Grenelle de dupes. »par FLOre VaSSeur entrepreneuse, chroniqueuse sur France Culture, mais aussi documentariste et romancière

« L’énergie nucléaire serait peut-être la

meilleure des énergies, si nous vivions dans un monde parfait. (…)Mais ce monde idéal n’est pas le nôtre et nous devons apprendre à composer avec l’incertain et l’imprévisible. »

par NICOLaS IMBerT, ingénieur et consultant en stratégie développement durable et ville durableeMMaNueL DeLaNNOY, directeur de l’institut Inspire (Initiative pour la promotion d’une industrie réconciliée avec l’écologie et la société) et secrétaire général de la Ligue ROC

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Le chiFFre

60 % C’est la part des communes françaises classées en zone sismique depuis mai. Une

jolie hausse par rapport aux 14 % du précédent zonage. Sur cette nouvelle carte, les régions susceptibles d’être secouées sont classées de 2 (faible) à 5 (forte). La commune de Fessenheim (Haut-Rhin) qui abrite la plus ancienne centrale nucléaire française, passe notamment d’une zone sismique « faible » à « modérée ». Seuls les DOM sont classés à fort risque, en particulier la Guadeloupe et la Martinique, situées à la frontière de plaques tectoniques.

L’inSoLiTe question à deux pounds : le mariage du siècle a-t-il été écolo ?Bilan après l’union de Kate Middleton et de William. La mariée n’a pas porté de robe en coton bio mais les menus ont été imprimés sur du papier recyclé. What else ? Pour acheminer les 1 900 invités jusqu’à Westminster

puis jusqu’au dîner, un système de minibus a été mis en place. Selon l’ONG environnementale Landcare research, le bilan carbone du mariage s’élève à 6 767 tonnes équivalent CO

2, soit 1 230 fois l’impact annuel d’un ménage britannique !

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46 juin 2011 terra eco

La chronique L’animal est politique

Considéré comme un enjeu mineur, le sort que nous réservons aux animaux constitue pourtant une question politique de premier ordre.

«Tôt ou tard, le rapport à l’animal se répète et même

commande le rapport des hommes entre eux. » Cette idée avancée par la philosophe Elisabeth de Fontenay, auteure notamment du remarquable ouvrage Le silence des bêtes (1), se vérifie souvent. Si tant est que l’on puisse juger une société en fonction des valeurs qu’elle promeut, la façon dont celle-ci considère et traite les animaux renseigne bien sur la hauteur de ces valeurs. En 2009, les conditions innommables d’élevage des porcs dans l’Etat de Ve-racruz au Mexique ont conduit à une épidémie de grippe qui aura largement

dépassée les frontières du pays. Nous pourrions aussi citer le massacre in-dustriel des baleines et des dauphins, les corridas, mais aussi le gavage des oies, etc.

Inventaire du vivantQue dire des dizaines de milliers de photos et de vidéos montrant des sévices de nature sexuelle envers les animaux, accessibles en quelques clics sur Inter-net ? La déviance prend ici le pas sur la transgression en constituant un délit réprimé à juste titre par la loi. Le retrait des photos et vidéos zoophiles dans les références des moteurs de recherche, ainsi que la fermeture de tout site les diffusant reste à réaliser. Internet a créé un espace privilégié de liberté d’expression et de communication à l’échelle planétaire, n’acceptons pas qu’il desserve la dignité humaine.Au-delà du principe de responsabilité, le

par Serge Orru directeur général du WWF France www.wwf.fr

rapport que les hommes entretiennent avec les animaux est un indicateur fiable pour mesurer le degré d’évolution atteint par l’humanité. Parce que nous formons avec le reste du vivant un tout interdépendant, les éléments qui composent la nature (animaux, végé-taux, minéraux, etc.) ne doivent plus être appréhendés comme un univers extérieur mais comme une « partie de nous-mêmes ».Pour vivre en harmonie avec la nature, une mutation profonde de nos modes de vie et de production s’avère nécessaire. La survie même de notre espèce dépend de cette vision renouvelée du progrès. Selon l’Union internationale pour la conservation de la Nature, 17 291 es-pèces sur les 47 677 répertoriées sont menacées d’extinction. Alors que nous sommes loin d’avoir fait l’inventaire du vivant, la crise d’extinction en cours n’en finit pas de gagner du terrain malgré les initiatives entreprises.

Baleines et périlsDes histoires merveilleuses d’animaux sont racontées aux enfants dans le monde entier. En voici une pour ter-miner : l’histoire de plusieurs dizaines de baleines qui s’échouaient sur les plages d’année en année. Les hommes ne comprenaient pas pourquoi ces mastodontes des mers se suicidaient. Certains avançaient des interpréta-tions mais aucune n’était vraiment convaincante. Un groupe de baleines expliqua un jour son sacrifice. Les hommes entendirent alors un message d’alerte sur les périls qui menaçaient à cause d’eux l’avenir de la planète. Ils décidèrent en conséquence de changer radicalement leurs comportements. Depuis, on ne vit jamais plus de ba-

leines venir s’échouer sur les plages. —(1) Fayard, 1998

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« La façon dont une société considère et traite les animaux renseigne bien sur la hauteur de ses valeurs. »

En direct de terraeco.net

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48 juin 2011 terra eco

Al’heure de faire ses « comptes CO

2 », le constat se révèle

souvent douloureux. Pour ma part : 24 000 km de vol au compteur de l’année 2010 au cours desquels ont été rejetés 7 200 kg

d’équivalent CO2. Soit 3,9 fois ce que

la Terre peut supporter par personne et par an sans augmenter l’effet de serre. J’avoue : je n’ai toujours pas trouvé le moyen de faire mon job sans écharper les objectifs que je prône dans mes articles, comme réduire son empreinte écologique. Il faut donc que je répare fissa cette offense à l’environnement. Prix de cette compensation, calculée sur le site de la fondation Good Planet : 145 euros. Et si je finançais la plantation d’arbres ? C’est bien, les arbres : c’est concret, vert dans tous les sens du terme et avec eux, on a vraiment l’impression

Reportage

Planter des arbres, c’est tout bénef ! Ça profite aux populations locales, absorbe des gaz à effet de serre… et rassure le voyageur responsable. Pourtant, la compensation carbone, ce n’est pas aussi simple qu’on le dit. Pour y voir plus clair, enquête sur le terrain, en Afrique de l’Est. Texte et photos ALICE BOMBOY (au Kenya)

Au Kenya, les bons plants de la reforestation

de mettre la main à la pâte. Mais sur le terrain, comment ça marche ? Pour le savoir, je crains de ne pouvoir échapper à l’un de ces gloutons déplacements, un de plus à compenser. Cap sur le Kenya pour passer quelques jours les pieds dans la boue avec le Green Belt Movement (GBM). Créée par la Nobel de la paix Wangari Maathai,

l’ONG s’est choisi pour mission de replanter des arbres aux quatre coins du pays. L’endroit idéal pour comprendre les dessous de la reforestation et ce que vont devenir mes 145 euros.Première escale, Matimbei, au cœur du massif kenyan des Aberdares, atteint après trois heures de routes épiques. Nids de poule et falaises s’enchaînent. Quand je pose enfin le pied à destina-tion, un Green Belt Ranger fond sur moi, machette à la main. Ce membre du mouvement de Wangari Maathai prend sa mission très à cœur. « Plus de 11 000 plants ont été mis en terre, ici, en 2008. Je dois faire attention à ce que le bétail ne vienne pas les détruire en attendant qu’ils soient suffisamment robustes, détaille Antony Mwaura. Je veille aussi à ce que personne ne vienne couper du bois ici. » Devant les milliers de fragiles pousses de genévriers d’Afrique,

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Dans la forêt de South Kinangop, au sud du massif des Aberdares, des gardes forestiers du Kenyan Forest Service sont chargés d’empêcher les habitants de couper du bois ou de récolter des graines.

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de pruniers africains et de chênes de Meru qui tentent de reverdir

cette interminable balafre dans la forêt, on comprend toute la difficulté de son travail. Pas très loin vivent des commu-nautés villageoises, dont la population augmente et les besoins alimentaires aussi, à l’instar de ce qui se passe dans tout le pays. A tel point que, dans les années 1990, le Président Moi a dû prendre une mesure radicale pour empêcher que les forêts nationales soient toujours plus grignotées : une barrière verte, faite de plantations de thé, sépare désormais les terres vivrières de la forêt préservée. Celle-ci se dresse justement sur la gauche. Mais mani-festement, elle ne se porte toujours pas bien : vaches et chèvres viennent y brouter les jeunes arbres ; certains gardes du Kenyan Forest Service, l’ins-tance officielle, ferment les yeux sur les coupes non autorisées en échange de quelques shillings. La colossale hémor-ragie continue.Dans les années 1900, le poumon vert

kenyan couvrait un tiers du territoire. Aujourd’hui, il ne s’étend plus que sur 1,7 %. En cause ? Une défores-tation massive par les colonisateurs britanniques pour cultiver du thé et du café, un dépeçage des massifs par les pouvoirs successifs afin de les distribuer à leurs alliés ou encore les caprices d’une ex-première dame du pays qui souhaitait boire son propre mixed tea… A l’échelle mondiale, l’his-toire se répète : 13 millions d’hectares de forêts disparaissent tous les ans. Si leur destruction met aujourd’hui le monde en alerte et amène l’ONU à

consacrer 2011 année internationale de la forêt, c’est notamment parce que les scientifiques voient dans ces massifs un moyen de limiter l’emballement de la machine climatique (lire encadré ci-dessous).

Les projets se multiplientToutefois, enrayer l’abattage de forêts encore sur pied n’est pas chose facile. Alors, à défaut, les projets de reboise-ment se multiplient. Depuis 1977, le GBM a replanté 40 millions d’arbres. En Amazonie péruvienne, la « zone rouge » retrouve progressivement ses

Les plantations de thé ont large-ment pris la place des forêts du massif des Aberdares.

Reportage

Comment l’arbre assure la clim de la planète

Mais comment les forêts pourraient bien mettre le holà au réchauffement climatique ? Explication : les arbres fonctionnent par photosynthèse. En utilisant l’énergie lumineuse, ils consomment du dioxyde de carbone, le CO2, et rejettent du dioxygène, l’O2. Ils sont ainsi capables d’extraire le carbone du CO2 et de le stocker, réduisant la concentration toujours plus grande de CO2 atmosphérique grâce à cette « respiration inversée ». D’où leur étiquette de « puits de carbone ».

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ChOISIr VOTrE prOjET DE rEfOrESTATIOn1. « Le meilleur soutien que l’on peut apporter aux forêts, c’est avant tout commencer par réduire ses propres émissions », rappelle Nicolas Métro, de Kinomé.

2. Connaître les opérateurs qui ont signé la charte de bonnes pratiques de l’Ademe. www.compensationco2.fr

3. Pour faire le point sur ses émissions de CO2, on peut utiliser le calculateur d’Action carbone.http://actioncarbone.org

4. Vous voulez planter sans prise de tête ? Voici Reforest’action. 1,5 euro l’arbre, à planter soi-même via une plateforme interactive qui explique le fonctionnement du village sénégalais qui en bénéficiera ! www.reforestaction.com

5. Vous souhaitez voir votre arbre grandir ? Cœur de forêt vous donne ses coordonnées GPS, au Cameroun ou à Madagascar. Vous plantez et participez à la mise en place d’un jardin botanique, à la valorisation des produits de la forêt, à la formation des communautés locales, à la préservation de la biodiversité et à la mise en œuvre d’un four solaire. www.coeurdeforet.com

6. La rubrique Alternative carbone d’Action carbone propose de soutenir un projet de reforestation aux bénéfices des Mapuches du Chili, en partenariat avec ONF International. Pas de certificat carbone à la clé mais une estimation du stockage de carbone : 58 tonnes pour 145 hectares plantés.

7. Vous tenez à votre certif ? Cœur de forêt propose des kits de 15 à 300 euros, correspondant à une séquestration de 1 000 à 20 000 kg. Les arbres sont plantés en Amazonie péruvienne, dans le cadre d’un projet d’agroforesterie.

arbres grâce à un projet aidé par l’as-sociation Cœur de forêt. Les bois du Pontal do Paranapanema au Brésil sont en train d’être repeuplés de 116 millions d’arbres via le soutien de l’entreprise Kinomé. La société compte d’ailleurs en planter 15 milliards d’ici à 2018, puis autant par an pendant dix ans afin de faire recouvrer à la terre son couvert végétal de 1950. Le bureau de conseil en environnement ONF International estime ainsi qu’en vingt ans, les surfaces reboisées dans le monde ont augmenté de 40 %. Et pour financer cet élan (re)fores-tier, on pense bien évidemment à la

ranger du Green Belt Movement, Antony Mwaura entretient et veille sur les 11 000plants mis en terre depuis 2008 dans la forêt de Matimbei.

compensation carbone. Avec cet outil, une entreprise, une institution ou un particulier peut compenser ses émis-sions de CO

2 en finançant un projet qui

permet d’« éviter » ou d’en séquestrer la même quantité.

Casse-tête arborescentAvec les arbres, l’idée semble on ne peut plus simple : en en replantant, vous constituez un stock de carbone équivalent à vos émissions. Du moins en théorie… Car en pratique, les opé-rateurs n’osent pas, ou plus, proposer à leurs clients des projets de refo-restation dans le cadre d’une

Depuis 1977, le Green Belt Movement de la prix Nobel de la paix Wangari Maathai a replanté 40 millions d’arbres.

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compensation carbone. « Trop complexe ! », répondent-ils en

chœur. Et de décliner leurs arguments. « Il  faut souvent attendre au moins dix  années  de  croissance  des  arbres avant que ces projets ne génèrent les crédits carbone qui permettent de les financer. C’est très long à gérer pour nous ! », explique Matthieu Tiberghien, chez Action Carbone. Et une fois ces crédits attribués, ils sont estampillés « temporaires » et non « permanents ». « Quand on compense une tonne de CO

émise avec des arbres, il existe un risque qu’elle soit finalement relâchée dans l’incendie d’une forêt quelques années plus tard, ou tout simplement à la mort de l’arbre ! Avec des arbres, on a vraiment du mal à garantir que le carbone sera toujours stocké », poursuit-il. Enfin, évaluer le stockage en carbone d’une forêt relève d’un grand casse-

tête. Les spécialistes parviennent à peu près à estimer la quantité de carbone qu’un arbre d’une espèce et d’une taille données peut stocker. Mais mettez-le dans un écosystème vivant, entouré de

spécimens d’espèces différentes inte-ragissant entre eux, avec le sol et les aléas climatiques, et les calculettes pren-nent un coup de chaud. Me voilà bien ennuyée pour compenser mes 7 200 kg

Cultures du thé et du café poussées par les colonisateurs, dépeçage des terres par les pouvoirs successifs… les causes de la déforestation sont diverses.

Reportage

L’INFO CONTINUE SUR

Découvrez tous les articles, enquêtes et reportages de notre rubrique Nature sur :www.terraeco.net/-Nature,254-.html

Biodiversité, forêts, océans… Toutes les infos sont disponibles sur Terraeco.net, sur le fil twitter et la page Facebook de « Terra eco ». twitter.com/terraeco - www.facebook.com/terraeco

ENTRETIENPeut-on penser l’homme sans l’animal ?« C’est absurde », explique la philosophe Vinciane Despret.

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peine semblent avoir réussi à braver la complexité du processus permettant de requalifier un projet de reforestation en projet de compensation… Et si la forêt avait surtout autre chose

que la neutralité carbone à offrir ? « Nous choisissons nos projets de refo-restation en fonction de l’impact qu’ils ont dans la vie quotidienne des popula-tions locales, confirme Nicolas Métro, fondateur de l’entreprise Kinomé, qui propose de soutenir des projets de reforestation. Le financement via la compensation carbone peut aider cer-tains d’entre eux, mais ce n’est pas ce qui motive leur lancement. » Et l’homme de rappeler les constatations parlantes du ministre de l’Environnement du Burkina Faso lors du sommet sur le climat de Cancún, en décembre der-nier : dans ce pays, la part du Produit national brut attribuée

Les rangers du Kenyan forest Service,l’instance officielle, ont vu s’ajouter à leur mission anti-braconnage la protection des arbres.

A 68  ans, Wambui Ndirangui récolte encore les carottes dans son champ pour les six membres de sa famille. Leur qualité de vie s’est améliorée depuis la reforestation.

d’équivalent CO2. Sur les 29 opéra-

teurs de compensation signataires de la charte de bonnes pratiques de l’Ademe, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, cinq à

DIAPORAMA SONOREA la chasse au carboneavec Tristan LecomteLutter contre la déforestation et le changement climatique, c’est l’objectif de Pur Projet. Ce programme parie sur les petits producteurs du Sud. Reportage au Pérou.

CHRONIQUEFume, c’est de la forêt primaire !La cigarette détruit les poumons et la forêt. C’est l’avis de Serge Orru, du WWF.

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aux activités forestières serait de 3 % à 5 %. Mais 43 % de la population dépendrait de ces massifs pour

se nourrir, et 75 % pour se soigner !Lorsque Wangari Maathai a lancé son mouvement, elle aussi avait une conviction : si les enfants se mettaient à souffrir de carences alimentaires dans les Aberdares, c’est parce que les vil-lageois avaient troqué leurs cultures vivrières pour des plantations de thé et de café. Et celles-ci avaient fini par avoir raison des forêts qui, notamment, ne fournissaient plus assez de bois pour cuisiner, entraînant un changement de régime alimentaire…Coincée entre la forêt kenyane de Geta et celle de Kipipiri, la ferme de

Ndirangu Macharia n’aurait ainsi jamais dû manquer d’eau. Des sommets alen-tour dévalent les ruisseaux. Sauf que les pentes sont bien dégarnies : les arbres y ont été coupés, causant une érosion dramatique des sols et modi-fiant jusqu’au climat local. « Les pluies ont fini par diminuer et les cours d’eau se sont asséchés, témoigne le paysan de 72 ans. Ça a posé beaucoup de pro-blèmes avec nos cultures. » Les dégâts ne sont d’ailleurs pas que locaux. « Les Aberdares, avec quatre autres massifs, sont les “ châteaux d’eau ” du Kenya. Ce sont eux qui fournissent de l’eau à tout le pays : quand les forêts des Aberdares souffrent, on le ressent jusqu’à Nairobi. Réhabiliter ces réservoirs d’eau est essen-

tiel en terme de développement, que ce soit d’un point de vue agricole, sanitaire ou énergétique », développe Nyokabi Gitahi, chargée de mission à l’Agence française de développement, qui sou-tient le GBM à hauteur de 1,3 million d’euros sur la période 2006-2011.

Les femmes en première ligneC’est l’une des pépinières du mouve-ment que Ndirangu Macharia a décidé d’accueillir sur sa ferme, il y a plusieurs années. Cette petite révolution a bou-leversé les habitudes dans la forêt de Geta : « Les personnes qui coupaient les arbres sont les mêmes que celles qui replantent désormais ! Avant, nous uti-lisions la forêt mais nous n’avions plus 

Les pépinières abritentles jeunes pousses appelées à devenir de grands arbres. Elles y sont bichonnées avant d’être replantées.

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à manger. Maintenant, nous respectons la forêt et nos champs commencent à nous donner de nouveau à manger », poursuit le paysan. Tous les vendredis, les quinze membres de son groupe se retrouvent chez lui. Suivant la saison et les impératifs, ils partent en forêt récolter des graines et des pousses d’arbres, ou bien les mettent en pots et irriguent la pépinière, baptisée Kianugu, et installée dans un recoin de sa propriété. « Ce sont surtout les femmes qui vont en forêt. Nous sommes capables de rapporter sur notre dos des quantités de graines bien plus grandes que les hommes ! », tient à préciser Flora Wangari, solide jeune femme

de 35 ans. Le dos courbé dans son champ de carottes, Wambui, la femme du pro-priétaire, sort de terre les tubercules orange. « Depuis que nous travaillons avec le GBM, nos récoltes se sont aussi améliorées parce que nous avons appris de nouvelles méthodes de culture, notam-ment comment améliorer la qualité des sols, affirme-t-elle. Mais pour nourrir les six personnes de ma famille, nos terres restent insuffisantes. Alors, quand on nous verse l’argent de la plantation des arbres, ça nous aide aussi pour acheter de la nourriture au marché. »

Exploits des villageoisComme 6 000 autres groupes au Kenya, la communauté de la pépinière Kianugu, touche en effet cinq shillings (environ 4 cents d’euro) par arbre replanté. « Il y a des conditions, précise Mercy Karunditu, chargée de projet pour l’association. Les arbres ne sont payés qu’après six mois de croissance et de surveillance en forêt par les membres de la pépinière. Sans cela, ils pourraient 

être mangés par du bétail et tout notre travail ne servirait à rien !  »« Reforester, c’est avant tout donner une valeur à l’arbre pour les populations locales », confirme Nicolas Métro, de Kinomé. En Haute-Casamance, au Sénégal, un des projets soutenus par cette entreprise ambitionne ainsi, en parallèle du reboisement, d’apprendre aux habitants à tirer profit de ces plan-tations. « En plus d’une forêt replantée, dont les services environnementaux ont été restaurés, nous installons un coin de plantations “ utiles ”, avec des euca-lyptus, qui servent comme bois de feu, des manguiers, pour l’alimentation et le commerce, ou des jatrophas, pour un usage énergétique local, énumère-t-il. Cette combinaison permet d’éviter la déforestation et de redonner aux com-munautés locales leurs responsabilités sur un environnement qui reprend toute sa valeur. » Autre impératif pour une reforestation fructueuse : que le nouveau massif s’intègre dans l’environnement naturel. Au Kenya, plutôt que de

Reportage

« Les personnes qui coupaient les arbres avant sont les mêmes que celles qui les replantent désormais. »Ndirangu Macharia, paysan et chef de la pépinière de Kianugu

ndirangu Macharia, 72 ans, a décidé d’accueillir dans sa ferme une pépinière du Green Belt Movement. Une révolu-tion pour la petite com-munauté qui participe au projet.

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Reportage

fournir directement des graines aux pépinières, des échantillons

sont récoltés dans les forêts environ-nantes. « Cela nous permet de reboiser en respectant la composition en espèces indi-gènes. Les communautés locales savent quand les récolter, comment les faire pousser, et nous leur faisons confiance pour mettre en œuvre ces savoirs dans la reforestation », remarque Reuben Nduati, un des agents du GBM. Afin d’apprécier les exploits qu’accom-plissent les villageois pour ressusciter leurs bois, direction la forêt de South Kinangop, au sud des Aberdares. Après deux heures de marche, sur des che-mins rincés par les pluies, une clairière

replantée en 2006 apparaît enfin… piétinée par un éléphant ! « Avec la saison des pluies, les routes sont impra-ticables et les femmes parcourent tout ce chemin à pied, en portant les pousses sur leur dos. Elles en ont déjà amené 17 000 ici !, raconte Mercy Karunditu. Pour l’instant, elles n’ont utilisé qu’une seule espèce, qui n’est pas mangée par les éléphants. Quand la forêt sera plus vigoureuse, nous la compléterons avec les autres espèces. »

Des « forêts mortes »Ce souci de respecter la structure ori-ginelle de l’endroit, essentiel, constitue pourtant le point faible de nombreux projets de reforestation. Leurs objectifs se révèlent alors plus économiques qu’écologiques et sociaux : les arbres sont replantés… pour être aussitôt coupés et vendus. Caractéristiques de ces « forêts » : des essences plantées en rang d’oignon, issues d’espèces à croissance rapide, comme les cyprès et les eucalyptus. Aucun gazouillement ou bruissement de feuilles ne s’y fait entendre. « Nous appelons ça des “ forêts mortes ” », grimace Mercy Karunditu en traversant une de ces anomalies

environnementales qui jalonnent le pays. En 2007, une étude argento-américaine a évalué l’impact désas-treux de ces monocultures. Elle s’est concentrée sur un site, en Argentine, où une culture d’eucalyptus jouxte un écosystème indigène de pampa. Verdict : victoire par K.-O. des euca-lyptus. Avec leurs racines profondes et efficaces, ces arbres pompent près de la moitié des précipitations annuelles, entraînent une salinisation accrue des sols et finissent par mettre en danger l’écosystème traditionnel. En décembre 2009, l’ONG britannique REM révélait un autre coup bas : une société néerlandaise aurait carrément

rasé une parcelle de forêt en Tanzanie pour y faire pousser des jatrophas. La plantation de ces arbustes producteurs d’agrocarburants pouvait en effet être financée par le marché européen de la compensation carbone ! Un autre leurre inquiète beaucoup les asso-ciations : le fait que certains pays, à l’instar de la Chine, reboisent mas-sivement leurs forêts… pour mieux tailler ailleurs. Sur le continent africain par exemple !Et mes 145 euros dans tout ça ? Une certitude : j’abandonne ma course à la séquestration de carbone et au certi-ficat de compensation, qui n’a que peu d’intérêt pour un particulier. « Pour une entreprise, c’est différent, admet Nicolas Métro. Quand elle finance la plantation de millions d’arbres et qu’elle veut valoriser cette action par un certi-ficat de compensation, on peut toujours mettre en marche une méthodologie, complexe mais existante, pour lui vendre des crédits carbone. » Reste, pour ma part, à trouver mon projet coup de cœur parmi tous ceux proposés par les opérateurs, au simple titre de la « reforestation utile aux communautés locales ». Et c’est déjà pas mal. —

Arbres, forêts, déforestation et reforestation en chiffres…

31 % de la superficie des terres de la planète sont occupés par les forêts.

Un peu plus de 4 milliards d’hectares, c’est la superficie forestière totale.

Les 5 pays les mieux dotés en forêts possèdent plus de la moitié de superficie forestière (Russie, Brésil, Canada, Etats-Unis et Chine).

Environ 13 millions d’hectares de forêts ont disparu durant la décennie 2000-2010.

16 millions d’hectares par an étaient touchés par ce phénomène dans les années 1990.

plus de 7 millions d’hectares de nouvelles forêts ont été plantés chaque année ces dernières années.

5,2 millions d’hectares par an, c’est la perte nette de superficie forestière sur la période 2000-2010, une superficie qui correspond à peu près à celle du Costa Rica.

Cette perte s’élevait à 8,3 millions d’hectares par an pour la période 1990–2000.

Chiffres de l’Organisation des nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, datant de mars 2010 www.fao.org

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Certains pays, comme la Chine, reboisent massivement leurs forêts… pour mieux tailler ailleurs, comme en Afrique.

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Lucy et Jorge Orta. Elle est anglaise, lui argentin. Ensemble, ils ont posé leur baluchon en Amazonie

péruvienne, au cœur d’une réserve protégée sur la rivière Madre de Dios, dans le parc naturel de Manú, classé au patrimoine de l’humanité de l’Unesco. Leur travail artistique se décline en deux chapitres. Le premier – Amazonia – sous forme de dessins, de sculptures, de vidéos sonores et de photographies. Il a été exposé au musée d’Histoire naturelle de Londres l’année dernière. Le second opus, articulé autour de l’étude et de la protection de la forêt amazonienne devrait jeter l’ancre à Paris en 2012. Les deux artistes ont adopté une méthode originale : cartographier au mètre près un hectare de forêt primaire et en extraire des photos grand format qui seront ensuite exposées sous forme labyrinthique. Les tirages/parcelles répertoriant espèces animales et végétales feront l’objet d’un certificat de propriété morale de soixante ans. Ce certificat sera ensuite transmis avec l’image correspondante aux générations suivantes. Le projet « Perpetual Amazonia » est candidat au prix Coal qui récompense depuis l’an dernier le projet d’un artiste contemporain sur les thématiques de l’environnement. —www.studio-orta.com

www.projetcoal.org

Le projet « Perpetual Amazonia » veut cartographier et photographier mètre par mètre un hectare de forêt péruvienne. Objectif : étudier, préserver et magnifier cet écrin vert.Par ALIOUNE ZERGAL

Amazonia for ever

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T-shirt en boisAvez-vous déjà porté un T-shirt en bambou ? C’est désormais possible – à moins que vous n’optiez pour un modèle en coton bio – grâce à la marque In-Yoo. Créée par deux Françaises amoureuses de culture nippone, l’enseigne privilégie le chic, le bio et l’écoconception des modèles. Le résultat est plutôt chouette à regarder (à « Terra eco », on n’a pas encore testé).

Le + environnemental : écoconception. Prix : 29 à 36 euros. www.in-yoo.com

Design localDes meubles tendance à l’empreinte écologique riquiqui, c’est possible avec Béô Design. Le jeune designer Benoit Fournier-Mottet réfl échit déjà à la fi n de vie de ses créations dès leur conception et utilise au maximum des matériaux naturels. Pour limiter les transports, il s’entoure d’entreprises qui pourront produire ses objets de A à Z. Attention, ils sont en série limitée !

Le + environnemental : matériaux naturels et production locale. Prix : 38 euros le porte-livres

http://beodesign.fr

64 L’objet L’huile d’olive

66 L’alimentation L’algue française grandira-t-elle un jour ?

68 Le casse-tête Facebook ou Google ?

70 Ils changent le monde Expédition MED : « On ne peut pas fi ltrer la Méditerranée »

76 Cinéma Sorties en salles, DVD

78 Chroniques livres

80 Agenda

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Un goût de modernitéPour savourer du jambon noir de Bigorre ou du sirop de safran du Quercy, un seul clic suffit. Le site « Le goût est dans le pré » propose de rapprocher gourmets, artisans et producteurs. 300 références sont déjà présentes sur le site, toutes issues de petites productions respectueuses de l’environnement. Camarades, l’éco-gastronomie est en marche.

Le + environnemental : agriculture bio ou respectant la biodiversité (maintien des races ou des variétés).www.legoutestdanslepre.fr

Hôtels en orComment concilier tourisme, bien-être, environnement et respect de l’homme ? La réponse se trouve sur le site de Biolodging. Cette sélection d’hôtels de charmes éco-responsables (ils affichent presque tous un écolabel) propose ainsi une gamme allant de la maison de famille à l’hôtel décalé, en passant par la péniche. Recyclage, économies d’eau, achats éco-responsables, toute la panoplie y passe. Et pas de panique, pour faire votre choix, le diagnostic écologique de chaque hôtel est affiché selon trois critères : écologie, bien-être et humain.

Le + environnemental : labels écolos.

www.biolodging-hotels.com.fr

L’éco-conso

ÇA VAUt Le JUSA la fraise, à l’orange ou au citron, au sucre de canne ou au sirop d’agave… la gamme de sodas mise au point par la petite équipe de Com and B est 100 % bio. Lancée il y a seulement quelques semaines, l’entreprise – La Compagnie des boissons biologiques - privilégie les valeurs

sociales et humaines et défend sa production intégralement réalisée sur le sol français (en grande partie dans le Nord). Les bouteilles sont déjà dans les rayons et ciblent une clientèle jeune.

Le + environnemental : fruits bio. Prix : 1,69 euro la bouteille de 1,5 litre.www.cbb.io

Sacs de secoursMatières premières originales et pièces uniques, voilà ce qui fait le succès de Bilum depuis 2006. La marque récupère bâches publicitaires, ceintures de sécurité et même depuis peu de vieux airbags pour leur donner une seconde jeunesse. Sacs ou housses d’ordinateur, chaque pièce est unique alors dépêchez-vous pour choisir le sac de vos rêves !

Le + environnemental et social : matières recyclées, pièces préparées par des entreprises d’insertion sociale et confectionnées par des Etablissements et services d’aide par le travailPrix : 155 euros pour le modèle Voyageur (photo). www.bilum.frdr

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64 juin 2011 terra eco

Tout l’été, la belle va truster nos assiettes. Mais ce succès n’est pas toujours du goût de l’environnement. L’or vert tournera-t-il au vinaigre ?Par AUDREY GARRIC

Au rayon assaisonnement, l’huile d’olive possède les atours d’une reine : elle sonne locale, naturelle et saine quand ses cousines à

base de graines de tournesol ou de fruits de palmier sont taxées des pires maux : obésité, déforestation, émissions de gaz à effet de serre… Alors que j’agrémente allègrement ma salade en pensant à ses bienfaits pour mon corps et pour l’environnement, un doute m’assaille : elle vient d’où, cette huile ? L’étiquette de la bouteille m’indique des « origines européennes ». Première déception : je la pensais provençale.En réalité, la France, avec 0,2 % de la fo

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L’huile d’olive

production mondiale, compte pour quelques gouttes. Elle importe près de 95 % de ce qu’elle consomme, soit environ 100 000 tonnes. Plus de 40 % des huiles d’olive sont en réalité produites en Espagne, selon les chiffres 2009 de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, la FAO. Le reste vient d’Italie, de Grèce, de Syrie, de Tunisie ou encore de Turquie.

30 m3 par hectare et par jour Mon huile commence à se troubler. Car, dans ces pays, les olives font des ravages inversement proportionnels à leur taille. Pour vendre l’or vert dans des

volumes toujours supérieurs et à des prix plus compétitifs en supermarché, les oléiculteurs troquent leurs fermes traditionnelles contre des exploitations intensives. Avec les dégâts qui vont de pair : ces cultures d’oliviers englou-tissent des litres et des litres d’eau, jusqu’à 30 m3 par hectare et par jour, dans des régions en proie aux pénu-ries. La production d’un litre d’huile nécessiterait ainsi jusqu’à 3 500 litres d’eau. « Les oliviers sont adaptés aux conditions sèches. Mais si on les arrose constamment, on peut doubler voire tri-pler la production », explique Sébastien Le Verge, technicien à l’Association française interprofessionnelle de l’olive (Afidol). Conséquence : la désertification fait tache d’huile et menace sévèrement la biodiversité. Pour Guy Beaufoy, auteur d’un rapport pour le WWF datant de 2001 mais toujours d’actualité et consultant sur les politiques agricoles et environnementales en Europe, la « situation est catastrophique ». « En Espagne, où les pénuries d’eau sont un problème majeur, 80 % des réserves d’eau 

L’objet du mois

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terra eco juin 2011 65

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Les pays producteurs d’huile d’olive http://fao.org, rubrique « statistiques », puis FAOSTAT, puis onglet « production » puis « récoltes transformées » Conseil oléicole international www.internationaloliveoil.org Rapport sur l’impact environnemental de la production d’huile d’olive dans l’Union européenne (en anglais) ec.europa.eu/environment/agriculture/pdf/oliveoil.pdf Association française interprofessionnelle de l’olivewww.afi dol.org

Pour aller plus loin

REPÉRER LES BONS CRUSDepuis les années 1990, et le fort accroissement de la demande, l’huile d’olive s’est quasiment transformée en produit de luxe. Pour faire baisser les prix, la tentation devient grande de vendre des mélanges d’huile de colza ou de tournesol sous l’étiquette « olive ». Voici trois conseils pour éviter l’huile de friture :

1/ Une huile d’olive vierge extra,première pression à froid, a été extraite par un processus mécanique et non chimique qui conserve les arômes. Il s’effectue à des températures inférieures à 27°�C. Les olives ne doivent pas avoir été stockées pour ne pas fermenter. Sinon, on parle seulement d’huile vierge.

2/ Le label AOC garantit sa provenance. Le mieux : la choisir européenne, si possible française. Aller au marché ou au moulin permet de s’assurer de la traçabilité tout en limitant les transports. Forcément, la qualité a un prix : 10 à 20 euros le litre contre 3 à 6 euros pour l’espagnole.

3/ Le label AB identifi e des huiles issues de l’agriculture biologique. Elles ne représentent que 2,5�% de la production oléicole française mais ont l’avantage d’avoir été obtenues sans produits phytosanitaires ni engrais, et avec des techniques d’irrigation raisonnée.

du pays sont attribuées à l’irrigation des cultures. Les producteurs épuisent des sources qui n’avaient pas été touchées depuis des milliers d’années pour quelques olives de plus. »

Au pas de chargeLes champs sont aussi massivement désherbés afi n de s’assurer que la vilaine verdure n’ôte pas la précieuse eau de la bouche des oliviers et n’entrave pas une récolte qui sera effectuée au pas de charge, à coups de vibreurs de troncs. Erodés, stérilisés et pollués par les her-bicides, pesticides… les sols souffrent.Arrivées à maturation, les fruits verts, eux, doivent encore franchir le par-cours du combattant. Récolte, triage, lavage, broyage, malaxage, pressage par centrifugation, décantation et fi ltra-tion permettent de récupérer l’huile, qui représente entre 10 % et 20 % de l’olive. On l’obtient après l’avoir séparée de l’eau et du grignon (la pulpe et le noyau). Au fi nal, l’obtention d’un litre d’huile nécessite 4 à 10 kg d’olives, selon leur maturité et leur variété.Ce processus d’extraction alourdit encore l’addition d’eau. Car, dans de nombreux pays, les moulins qui réalisent la production, avalent jusqu’à 50 litres pour 100 kg d’olives triturées. Bien sûr, cette eau qui entre doit ressortir. Or, en cas de législation peu regardante, ce n’est plus un liquide bleu qui rejoint les nappes phréatiques mais une eau noirâtre – qu’on appelle les margines – chargée de déchets organiques et de polluants qui vont priver le milieu aquatique de son oxygène. En Syrie, on parle de 700 000 m3 d’effl uents par an. Au Maroc, de 300 000. Des efforts sont toutefois entrepris. « L’Espagne s’est dotée de systèmes d’extraction qui ne consomment pas d’eau et donc n’en émettent pas, assure Sébastien Le Verge. Par ailleurs, les grignons sont recyclés 

comme combustible pour produire de l’énergie. »

La bouteille sauve l’honneurA ce stade, l’huile doit encore parcourir des milliers de kilomètres par bateaux et camions avant de trôner dans les supermarchés. Une fois qu’elle a lour-dement assaisonné notre sauce, elle fi nit toutefois sa vie avec un peu plus de panache, sa bouteille étant qualifi ée pour le recyclage. Car contrairement à ce que certains consommateurs pensent, le contenu gras du récipient ne lui interdit pas d’être triée ! —

« Si on arrose constamment les oliviers, on peut doubler voire tripler la production. » Sébastien Le Verge, technicien à l’Afi dol

« Les apprentis Z’écolos » et le déodorantDécouvrez ce qui se cache derrière le coup de

« pschitt » matinal dans ce nouvel épisode de

la série de dessins animés de « Terra eco » *.

A visionner sur : www.terraeco.net

(rubrique Terra eco TV)

* En coproduction avec Télénantes et Six Monstres.

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66 juin 2011 terra eco

L’algue française grandira-t-elle un jour ?L’herbe des mers est belle, jeune et riche mais ne séduit qu’un cercle restreint de gourmets. Alors, faut-il penser plus grand et passer à l’algoculture intensive ? Ou préserver cette niche artisanale ? Le secteur se déchire.Par CÉCILE CAZENAVE

A marée basse, entre Roscoff et l’île de Batz, dans le Finistère, le touriste écarte les algues pour dénicher les crabes. Le

maraîcher au pied marin, lui, fait l’inverse. «  L’estran  (la portion du littoral entre la plus haute mer et la plus basse, ndlr) est un jardin marin plein  de  ressources  :  nous  avons  la chance d’avoir  le plus grand champ d’algues  d’Europe  !  »,  sourit Henri Courtois, gérant d’Algue service, une société artisanale spécialisée dans les algues alimentaires. Ces herbes sauvages, il les achète à des récoltants à pied, entre 50 centimes et un euro le kilo. Dulse, laitue de mer, wakamé, kombu royal et nori frais constituent le gros de la cueillette. Arrivées chez Algue service, elles sont lavées puis séchées et réduites en paillettes, ou préparées en marinades avant d’être vendues dans les épiceries fines et magasins spécialisés. On trouve les pots d’Henri Courtois sous la marque Bord à bord à 4,5 euros les cent grammes. Et comptez le double, en général, pour un sachet de dulse ou de nori séché. Les soins artisanaux sont coûteux.

Japonisants et végétariensSi bien que ces mets étranges trouvent pour l’instant preneurs du côté des gourmands bien lotis ou des gourmets japonisants, végétariens et autres amateurs d’alimentation macrobiotique. Mais dans leur em

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ensemble, les Français montrent peu de goût pour les algues, en dehors des feuilles de nori entourant les makis japonais, toutes importées. Alors que les Nippons consomment 1,4 kg d’algues par personne et par an, de multiples espèces et sous mille formes, difficile chez nous de

s’en mettre une made in France sous la dent. Sur les 70 000 tonnes récoltées chaque année en Bretagne, en mer ou à marée basse, 99 % appartiennent à la famille des laminaires, du genre algue brune aux longs rubans aplatis. On en extrait l’alginate de sodium, utilisé pour épaissir les crèmes dessert

Alimentation

Page 67: IMMIgréS cE qu’IlS raPPortEnt a la FrancE

L’ail est frais mais ne le restera pas. Au marché, 6 000 tonnes d’ail

dit « vert » se frottent aux oignons

nouveaux jusqu’à la mi-juin. Invitez

votre dulcinée à en croquer : l’ail

vert est doux. « On en exporte une 

partie vers les pays nordiques qui 

aiment ces légumes rafraîchissants,

explique Hervé Hel, directeur général

d’Alinéa, coopérative de producteurs

de Midi-Pyrénées. Mais pour plaire aux 

Français, l’ail doit être sec. » Deuxième

round, donc, pour l’ail tricolore.

Jusqu’à fin juin, les producteurs de

Lomagne récoltent l’ail pour vos rôtis.

Dans cette zone entre Gers et Tarn-

et-Garonne, ils sont 200 à rassembler

les tiges en bouquets pour les faire

sécher jusqu’à fin juillet. Il faut ensuite

peler les têtes et ratiboiser l’espèce

de poireau qui les couronne. Ces

opérations manuelles ont un coût : l’ail

blanc de Lomagne part vers Rungis à

2 euros le kilo environ. Alors que l’ail

vert est livré en vingt-quatre heures, le

sec, qui se garde six mois, supporte les

voyages. Résultat : l’importé menace.

« Il y a deux ans, l’ail de Chine arrivait 

à Rotterdam à 70 centimes d’euros 

le kilo », peste Hervé Hel. Mais les

spécialistes sont formels : l’ail chinois

est moins fort que l’ail de Lomagne.

Contre les vampires, rien ne vaut nos

aulx… —

Production française : environ

20 000 tonnes par an dont

70 % produits en Midi-Pyrénées

Importations : 23 300 tonnes

Exportations : 10 500 tonnes

Il n’y a que le sec qui leur ail par Miss Bouffe

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et les soupes. Seules 700 tonnes environ d’une petite dizaine d’espèces d’algues alimentaires sont transformées par une poignée d’entreprises.

Approvisionnement aléatoirePourtant, le végétal au goût iodé ne manque pas d’atouts : il est particuliè-rement riche en minéraux, en fibres et en composés antioxydants. « C’est une sorte de superlégume à utiliser comme un condiment ou une épice », signale Hélène Marfaing, chef de projets agroa-limentaires au Centre d’étude et de valorisation des algues (Ceva). Des toques étoilées le cuisinent volontiers. « Mais sans une grosse campagne pro-

motionnelle, ça ne prendra pas, ajoute Hélène Marfaing. Il y a quinze ans, des groupes de l’agroalimentaire se sont inté-ressés à l’algue mais les consommateurs n’étaient pas prêts : c’est maintenant qu’il faut prendre le virage. » Or, selon les experts bretons, le principe de la récolte sauvage, donc le risque d’un approvisionnement aléatoire, fait peur aux industriels. Seule solution pour attirer les gros : intensifier l’algoculture.En Bretagne, à peine une quinzaine d’hectares de concessions maritimes y sont dédiés. Quatre entreprises y produisent, sur des cordages immergés en mer, entre 50 et 100 tonnes par an. Autant dire quelques brins d’herbe… « Notre problème, c’est qu’on manque de place ! », explique Olivier Bourtourault, fondateur de la société Aleor. A Lézardrieux, dans les Côtes-d’Armor, à quelques encablures de l’île de Bréhat, ce jeune ingénieur biologiste, associé au Ceva, teste la culture de masse avec une dizaine d’ostréiculteurs : ceux-ci produisent des algues sur une partie de leurs concessions. Avantage de la em

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plante : elle n’a besoin d’aucun soin et se récolte en six mois, assurant un complément de revenu salutaire en ces temps de marasme viral pour les éleveurs d’huîtres. Aleor fournit les plants et s’engage à racheter l’inté-gralité de la récolte en wakamé et en kombu royal à 500 euros la tonne. « Notre écloserie peut fournir de quoi produire 1 000 tonnes d’algues l’année prochaine : reste à trouver les marchés », lance Olivier Bourtourault, qui se prend à rêver d’exportation. Car la Bretagne présente des conditions idéales : eaux pures et brassées au large, températures et ensoleillement adéquats, réseau logis-tique… « Peu de zones dans le monde ont autant d’atouts et les Japonais adorent 

ce qui vient de France : nous avons une carte à jouer », insiste-t-il. Séchage au ventDans l’estuaire de la Rance, en aval de Saint-Malo (Ille-et-Vilaine), Jean-François Arbona se montre sceptique. Ce pionnier de l’algoculture française, directeur de la société C-Weed aqua-culture, n’en démord pas : l’algue doit rester artisanale ! Lui s’enorgueillit de traiter depuis plusieurs décennies ses 45 tonnes de wakamé avec les égards d’un herboriste : un séchage lent, au vent si possible, à très basse tempéra-ture. « L’algue est comme un vin : il faut l’affiner, lâche-t-il. Dès qu’on voudra augmenter les tonnages et aller vite, on produira du sopalin. » —

Le Centre d’étude et de valorisation des algues www.ceva.frLa chambre syndicale des algues et végétaux marins www.chambre-syndicale-algues.org

Pour aller plus loin

« Peu de zones dans le monde ont autant d’atouts et les Japonais adorent ce qui vient de France. » Olivier Bourtourault, fondateur d’Aleor

Les pieds dans le plat

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68 juin 2011 terra eco

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Consommation d’énergie : avantage FaCebookAprès les polémiques sur les émissions de CO

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recherche sur Google, le moteur a pris sa calculette et est arrivé à 0,0003 kWh consommé par requête, soit l’énergie que le corps humain brûle en dix secondes. Un chiffre atteint grâce à ses serveurs rapides et économes, deux millions aujourd’hui.De son côté, Facebook assure que grâce à HIPHOP, un nouveau langage qui allège la charge des serveurs, leur consommation énergétique est divisée par deux. L’entreprise recensait 60 000 serveurs en juin 2010 contre 30 000 en 2009, soit tout de même beaucoup moins que Google.

Centres de données : matCh nulGoogle indique que ses centres de données obtien-nent, en moyenne, un rendement énergétique meilleur que ce que préconise l’Agence pour la protection de l’environnement américaine. Facebook, qui jusqu’à présent hébergeait ses serveurs dans des data centers extérieurs, a dévoilé début avril son tout nouveau centre, dans l’Oregon, l’un des plus écolos au monde. L’entreprise annonce une économie de 38 % d’énergie par rapport à ses anciennes installations. Pas si mal.Alors, avantage Facebook ? Pas si vite… Greenpeace s’est empressé de noter que le centre de données flambant neuf du réseau social carburait pour l’es-sentiel au charbon. Tout comme le data center de Google, construit en 2009 en Caroline du Nord, qui marche au charbon et au nucléaire.

Dilemme : Facebook ou Google ?600 millions d’inscrits contre 6 % du trafic Internet global : les deux poids lourds de la Toile sont aussi de gros mangeurs d’énergie. Qui ont encore du boulot avant de devenir des géants verts.Par anne sengÈs

énergie verte : avantage google Google a créé en 2010 la filiale Google Energy afin, entre autres, d’acheter directement son électricité et d’approvisionner ses centres de données en pri-vilégiant les énergies propres. La société a aussi massivement investi dans des fermes éoliennes. Et vient de mettre quelques billes – 118 millions d’euros – dans Bright Source Energy, entreprise qui monte une gigantesque ferme solaire dans le désert des Mojaves. Seul souci, Greenpeace a noté que Google avait encore recours au charbon pour ses infrastructures à hauteur de 34,71 % de ses besoins. Toujours mieux que Facebook : à 53,2 %.

PolitiQues d’entrePrise : avantage google Googleplex, le siège de la société, héberge 9 212 pan-neaux solaires ; ses 30 000 employés mangent bio ; l’entreprise teste des véhicules verts (électriques, hybrides et automatisés) et met à la disposition des bus et des vélos. Quant au compostage et au recyclage, il s’agit de valeurs enseignées dès la crèche de l’entreprise. Enfin, Google investit 1 % de son chiffre d’affaires dans des causes philanthropiques et encourage ses employés à dédier 1 % de leur temps à sauver le monde. En toute modestie !Facebook et ses 2 000 employés ne sont pas en reste. L’entreprise se targue d’avoir réduit de 60 % sa consommation d’eau en installant, par exemple, des WC plus économes et écolos. Et plus de 40 % des employés utilisent des transports publics ou verts grâce aux programmes incitatifs mis en place par leur boîte. —

Casse-tête

Au nom des milliards de dollars investis pour la cause verte, Google remporte la partie contre son jeune et fougueux concurrent. Pourtant, Greenpeace lui a accordé à peine la moyenne dans la dernière édition de son classement « Cool It » : 47/100. Un score médiocre pour un géant qui se dit vert !

et le gagnant 2.0 est…

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70 juin 2011 terra eco

« On ne peut pas filtrer la mer Méditerranée »

C’est une première en Europe : un programme de recherche scientifique qui fait le point sur les microfrag-ments de plastique en mer

Méditerranée. L’expédition MED part chaque été depuis l’an der-

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Le programme scientifique MED repart sur les flots cet été pour analyser les milliards de microfragments de plastique qui gangrènent la « grande bleue ». Recueilli par FRANÇOIS MEURISSE

nion et les pouvoirs publics pour sauver une mer menacée de devenir une « soupe de plastique ».

Après votre première expédition, vous avez dévoilé le chiffre de 250 milliards de microfragments de plastiques flottants en Méditerranée. D’où viennent-ils ?

D’abord et même si nous pensons que le chiffre est en réalité plus important, il faut le manier avec pru-dence. 250 milliards, c’est une estimation fournie par l’Ifremer (Institut français de recherche pour l’exploi-tation de la mer, ndlr), une

extrapolation à partir de la cinquan-taine de prélèvements que nous avons réalisés l’été dernier au large des côtes françaises, espagnoles et italiennes. Il s’agit de prélèvements en surface de fragments flottants, dans la première

Ils changent le monde

nier sur les traces des morceaux de sacs ou de polystyrène qui flottent à la surface de la « grande bleue ». Ambitieux et soutenu par plus d’une dizaine de laboratoires et d’univer-sités, le chef d’expédition Bruno Dumontet compte sensibiliser l’opi-

Bruno DumontetChef d’expédition

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terra eco juin 2011 71

couche de mer de 15 à 20 cm appelée neuston. Les microfragments proviennent à 70 % ou 80 % de la terre. Le reste vient des bateaux de pêche, des fer-ries, etc. Un laboratoire avec lequel nous travaillons étudie actuellement leur nature pour en connaître l’ori-gine précise. C’est un peu comme une enquête, il s’agit de remonter à la source. A première vue, il s’agit de sacs plastique décomposés, d’éclats de peinture et surtout de petites boules de polystyrène que l’on a récupérées en grande quantité car elles ne coulent presque jamais. En revanche, nous ne cherchons pas à stigmatiser telle ou telle collectivité locale. Avec le vent et les courants, du plastique récu-péré au large de Marseille ne vient pas forcément de la région.

Quel impact les microfragments ont-ils sur la biodiversité ?Un des problèmes est celui des pois-sons des abysses qui vivent entre 300 et 500 mètres de profondeur et qui remontent la nuit pour se nourrir de plancton, base de toute la chaîne alimentaire. Or ils ne le distinguent pas de ces microfragments de plas-tiques et l’ingèrent. Ces poissons sont ensuite la proie des thons et des dauphins notamment. On ignore si ces matières, comme les polluants chimiques, passent ensuite dans les tissus. C’est l’une des recherches que nous menons avec l’université de Gênes en Italie. Ce qui est sûr, c’est qu’aucun micro-organisme n’est à même de dégrader complètement le plastique. Au-delà de cette question, avec un milieu déséquilibré, se pose le problème de l’apparition d’espèces invasives.

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Que proposez-vous pour lutter contre ce phénomène ?Le constat est alarmant. Il est déjà trop tard pour ces microfragments : il y en a trop et on ne peut pas filtrer la Méditerranée. Il faut donc agir en amont, à la source. Nous proposons donc deux choses : améliorer le tri et le recyclage et surtout légiférer pour renforcer l’écoconception des produits et taxer les produits importés qui ne sont pas écoconçus. Nous avons eu des rendez-vous avec les pouvoirs publics mais il ne sont pas moteur pour le moment. Il faut que cela vienne d’en bas, des citoyens. C’est pourquoi, comme les textes nous le permettent, nous avons décidé de nous adresser directement au Parlement européen en lançant une pétition en ligne intitulée « Un million de clics pour la Méditerranée ». Qui plus est, en France, la loi Grenelle 2 exige des autorités qu’elles prennent « toutes les mesures nécessaires pour réaliser ou maintenir un bon état écologique du milieu marin au plus tard en 2020 ». Ce n’est donc pas une idée en l’air.

La pétition est aujourd’hui notre seule arme et la seule solution pour légiférer au plan européen de manière forte. C’est pourquoi nous voulons apporter des éléments concrets et crédibles et dire, entre guillemets, qui sont les cou-pables. Aujourd’hui, la législation est très floue et les industries plasturgiques s’en donnent à cœur joie pour tricher. Or, il y a urgence pour la Méditerranée. Il faut mettre les politiques face à leurs responsabilités.

Vous continuez cette expédition cet été et au-delà…On est dans les starting-blocks puisque nous partons dans la deuxième quinzaine de juin pour deux mois et demi ou trois mois. Nous allons repasser aux mêmes endroits qu’en 2010 pour prélever de nouveaux échantillons. Nous nous rendrons également dans des zones que nous n’avons pas encore visitées : le sud de l’Espagne, le Maghreb, Malte, la Sardaigne, etc. En 2012, nous irons au large des côtes de l’Adriatique et en 2013 au Proche-Orient. Evidemment, le problème n’est pas spécifique à la Méditerranée et dans le futur, la même expédition est envisageable en mer du Nord, dans l’océan Atlantique… Mais pour continuer, nous qui sommes tous bénévoles pour le moment avons besoin de moyens. C’est pourquoi il est possible sur notre site Internet de « financer des milles nautiques ». —www.expeditionmed.eu

« 250 milliards de microfragments de plastique en Méditerranée, c’est une estimation fournie par l’Ifremer d’après les prélèvements réalisés l’été dernier. »

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72 juin 2011 terra eco

D u hameau de Brangoulo, il ne reste qu’une dizaine de bâtisses en ruines. La vieille cidrerie, un four à pain émergeant des

herbes et des habitations qui per-dent un peu plus leur âme à chaque pierre emportée par les pilleurs. « Dans trois ans, ce lieu sera de nou-veau vivant. Nous allons entièrement le repenser », entend-on pourtant. Ces mots, c’est la Princesse Constance de Polignac qui vient de les prononcer. Campée fièrement dans ses bottes, le regard bleu et décidé, aucun doute qu’elle y parviendra. Elle n’en est pas à son premier défi sur le Domaine de Kerbastic, à Guidel, près de Lorient (Morbihan). Sa famille, de lignée aris- dr

tocratique, lui en a donné la prési-dence il y a quinze ans. « Il a fallu que tous les hommes de la famille meurent pour qu’on me le propose », sourit-elle.

Guérisseuse pygméeDans ses souvenirs d’enfance, Kerbastic est le lieu magique où une tante conviait ses amis Cocteau ou Colette. Quand elle retrouve l’endroit à son retour des Etats-Unis, la nou-velle administratrice découvre un site pas vraiment à son goût : le parc est taillé au carré, l’herbe coupée à ras, sans les pâquerettes. Or la Princesse a passé une bonne partie de sa vie dans la nature. Enfant, celle des Etats-Unis ou de Suisse. Adulte, celle de la

La princesse au sang vertA Kerbastic, près de Lorient, Constance de Polignac a radicalement transformé l’aristocratique domaine familial. On y prône désormais la conversion de la société et l’agriculture bio. Visite. Par ALICE BOMBOY

forêt gabonaise, où pendant sept ans, elle est initiée par une guérisseuse pygmée. « J’ai tout de suite annoncé que le parc allait évoluer. Ça n’est pas bien passé. Je suis une femme et on me rétorquait  qu’on  avait  toujours  fait comme ça. » Son rêve ? Planter des cerisiers au milieu des arbres trop ali-gnés, faire pousser des carottes et des pommes de terre bio pour alimenter le domaine. En clair : lui redonner vie.

Dans les bras de Pierre RabhiPremier acte : elle ouvre le parc au public et organise un fest-noz, la fête traditionnelle bretonne, et le Festival musical de Polignac. Deuxième acte : la rencontre avec Pierre Rabhi (voir photo), héraut de l’agroécologie, lors d’un dîner à Paris. « Nous sommes tombés dans les bras l’un de l’autre », se souvient-elle. « Je suis un peu devenu son garant pour entamer la conversion du domaine », répond le penseur d’origine algérienne. Et la « princesse bobo-écolo » d’être prise un peu plus au sérieux.Un agriculteur bio s’installe. Les céréales et les légumes sont rejoints par le chanvre. L’idée ? « L’utiliser pour restaurer de façon écologique Brangoulo », détaille Edouard Bouin, qui conseille la Princesse dans la gestion durable du lieu. « Lorsque des habitants se réins-talleront ici, ce sera pour cultiver du safran, faire du maraîchage, relancer la boulangerie. Nous voulons remettre le hameau au cœur de Guidel. » Près du château, qui accueille un hôtel de luxe et un restaurant, le maraîchage va bon train. Le lieu doit être autosuf-fisant et les courgettes et tomates sont désormais servies à table. Plusieurs per-sonnes handicapées qui viennent d’un établissement spécialisé de la région y travaillent. Et côtoient les chefs d’en-treprise qui tentent l’expérience « Art, Santé et Nature ». Le programme reste secret mais la Princesse assure « qu’ils arrivent accrochés à leurs portables et qu’ils en repartent joyeux comme des gosses ». Son secret : « C’est en allant au cœur des choses qu’on peut transformer la société, en se transformant avant tout soi-même. Et ce lieu est fait pour ça. » —www.domaine-de-kerbastic.com

Ils changent le monde

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Etre propre, ça coûte moins cher. C’est ce qu’ont appris les ménages rennais, qui économisent cette

année de 15 à 45 euros sur leur taxe sur les ordures ménagères. L’explication de ce « cadeau » de la communauté d’ag-glomération ? Le résultat d’« une poli-tique innovante en matière de déchets », répond Jean-Louis Merrien, vice-pré-sident de Rennes Métropole, en charge du dossier. Dès 2003, les dépenses ont été réduites grâce au compactage des déchets. Plus innovant, le système de télérelève indique quand le conteneur est plein, ainsi les camions de collecte circulent moins. Parmi la foule de petites mesures inci-tatives à destination des habitants, la suppression des sacs de supermarché, l’expérimentation de couches lavables dans les crèches, ou encore la création d’une filière de réparation des vélos. Bientôt, des guitounes Emmaüs, judi-

A Rennes, les poubelles en plein remue-ménage

cieusement placées sur le chemin de deux déchetteries, permettront aussi de déposer tout ce qui peut être récupéré. Côté tri, les Rennais excellent : seuls 14 % de leurs détritus sont refusés au centre. Et dans 200 immeubles et une maison sur deux, les déchets verts sont envoyés dans un composteur. « On ne se contente pas de les vendre : on organise des réunions pour mutualiser les bonnes pratiques et on forme des volontaires “ maîtres-composteurs ”. Au pied des immeubles, c’est aussi devenu un lieu de sociabilité, assure Jean-Louis Merrien. On ne discute pas dans le local à poubelle, mais autour du composteur. » A l’arrivée, le tas d’ordures des Rennais se fait léger comme une plume. En un an, un ménage de la capitale bre-tonne produit 470 kg de déchets, soit 120 de moins que la moyenne française. —www.rennes-metropole.fr

74 juin 2011 terra eco

Talents des citésJeunes des quartiers, à vos projets. Chaque année, une quarantaine de moins de quarante ans – issus des zones « prioritaires dans la politique de la ville » – sont soutenus. Soit car ils ont un projet d’entreprise ou d’association, soit car ils en ont déjà créé une. Condition « sine qua non » : l’entreprise doit se situer dans ces quartiers, afin de créer de l’emploi là où le chômage atteint des sommets. Dans chaque région, un porteur de projet et un créateur d’entreprise gagnent des prix allant de 1 500 à 3 000 euros. Les meilleurs sont récompensés par des prix nationaux de 7 000 à 12 000 euros. Et les meilleurs des meilleurs reçoivent, en complément, une rallonge de 5 000 euros. Les anciens lauréats donnent un coup de main à d’autres jeunes débordant d’initiatives. —www.talentsdescites.com

Les bons Tuyaux Vous avez un projet, ils peuvent vous aider.

Depuis 2003, la communauté d’agglomération combat les ordures superflues. La population, elle, voit ses taxes baisser. Par ANGELA BOLIS

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[email protected]

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76 juin 2011 terra eco

Alamarpedro gonzÁlez-rubio 1 DVD, EpicEntrE films, 20 EurosNatan, cinq ans, quitte Rome où il vit avec sa mère, pour aller retrouver

son père, Jorge, pêcheur sur la côte caribéenne du Mexique. A partir d’une relation filiale réelle – les deux acteurs sont père et fils –, le film raconte cette parenthèse enchantée. Dans une maison sur pilotis plantée sur un lagon, près de

la barrière de corail, le père, l’enfant et le grand-père partagent une vie simple, rythmée par la pêche, la plongée, les repas de poissons et les discussions autour du café. Entre Jorge et Natan se noue une relation instinctive, d’abord peureuse, puis fusionnelle à mesure que le père initie l’enfant aux gestes de la pêche et à l’observation de la nature, superbe et omniprésente, dont leur survie dépend. Une aigrette blanche, baptisée Blanquita par le petit garçon, les accompagne pendant un temps avant de reprendre sa liberté, peu soucieuse des besoins du tournage. Réalisé avec des comédiens amateurs, qui pourtant crèvent l’écran, Alamar est un long métrage tout en fragilité. Celle de la petite maison qu’il faut retaper, celle de la barrière de corail qu’il faut préserver, celle d’une relation, intense et rare, entre un père et son fils qui n’appartiennent plus au même monde. —Anne de mAllerAy

Faites le murbanksy, 1 DVD, lE pactE, 20 EurosIdole des anti-systèmes, Banksy, figure culte du street art, est aussi devenu un artiste bankable depuis qu’il squatte les murs des galeries. Ce brillant « documen-teur » est une forme de mea-culpa. Il retrace la pré-tendue carrière d’un Français expatrié à Los Angeles qui réussit une percée fulgurante et mercantile dans l’art, en pompant et en recyclant les motifs du street art. Blague à part, le phénomène illustre avec brio les affres que connaît ce mouvement, contestataire et illégal, quand il est rattrapé par le marché. — A. de m.

Inside JobCHarles Ferguson1 DVD, sonY, 20 EurosCe docu a beau se présenter comme une leçon d’économie, c’est une leçon d’histoire. Il explique remarquablement la crise des subprimes, les produits dérivés, la titrisation ou les « swaps » mais il met aussi au jour un moment historique. Comment, entre 1981 et 2008, une poignée d’escrocs a taillé en pièces l’économie américaine, avec l’aval des élus et instances étatiques. Le tout dans l’indifférence quasi générale, avant le grand effondrement. Cela ressemble à du Michael Moore (sans l’ego). Mais n’oublions pas la grande question : « Qui paiera les dégâts ? » Pas eux. Nous. — A. g.

Maudite pluiesatisH manwar, En sallEs lE 1Er juinDepuis quinze ans, 165 000 paysans endettés se sont suicidés en Inde. Cette statistique – qui n’émeut personne – est l’objet de ce film sensible qui narre l’acharnement de Kisna, paysan de l’Ouest du pays, à cultiver sa terre. De peur qu’il ne mette fin à ses jours, sa femme le fait suivre toute la journée par leur fils et lui cuisine des mets fins, achetés à crédit. Tous attendent la pluie et la récolte de la dernière chance. — A. de m.

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A voir mer, père et terre

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78 juin 2011 terra eco

Une nouvelle conscience pourun monde en criseJEREMY RIFKINED. LES LIENS QUI LIBÈRENT, 656 P., 29 EUROS

Pour comprendre ce livre, imaginez-vous assis dans le RER parisien, disons à la station Châtelet-les Halles en

octobre. Quoi, c’est tristoune ? Pas de clichés, please ! Bien sûr, les gens font la gueule (air connu). Bien sûr, ils s’ignorent (re). Et pourtant, c’est un petit miracle culturel qui se déroule sous vos yeux. Des millions de personnes se croisent tous les jours, se côtoient sans se juger. Des Blancs, des Noirs, des bébés, des vieillards, des musulmans, des hindouistes, des travestis, des fascistes, des SDF, des journalistes de Terra eco et même une poignée de génies. D’innombrables nationalités, religions, langues et cultures brassées tranquillement entre deux stations. Non, ils ne se serrent

pas dans les bras. Mais ils cohabitent en bonne intelligence, ont appris à se connaître, à s’apprécier (un peu), et surtout – ô sagesse – à se foutre la paix. Pas un hasard si, de tous temps, des « anormaux » (homos, femmes « libres », minorités…) ont fui le venin de la promiscuité villageoise pour l’anonyme bonheur citadin.

Pouvoir de nuisanceLa mondialisation, c’est un peu ça, nous dit Jeremy Rifkin. Un grand Châtelet-les Halles où les gens ne se disent pas bonjour, d’accord, mais où ils fraient sereinement les uns avec les autres. Ce n’est certes pas l’empathie (le fait de se réjouir du

bonheur éprouvé par les autres et de souffrir de leurs maux), mais c’est le vrai début du chemin qui y conduit.Le titre français (cucul) de cet Empathic Civilization laisse croire à un constat béni-oui-oui du grand prospectiviste américain. Ce n’est pas le cas, même si son optimisme paraît suspect à un Européen. L’auteur ne fait pas l’impasse sur un problème majeur. La cité cosmopolite a un pouvoir de nuisance immense comparé au village : elle dévore la planète. Et, selon Rifkin, elle ne survivra que grâce à l’avènement d’une « conscience biosphérique » – un gouvernement mondial, seul capable de sauver ce qui peut l’être. L’homme est-il assez responsable pour oublier sa nature égoïste, xénophobe et consommatrice et se relever les manches afi n de préserver les écosystèmes ? Rifkin pense (et démontre) qu’il n’a, au cours de son histoire, fonctionné que de cette manière. Il appelle ça l’« empathisation », c’est-à-dire la civilisation.

Du paléolithique à Lady DiGénial ? Excessivement euphorique ? Une chose est certaine : il faut lire cet opus magnum pour être en mesure de comprendre le monde qui nous attend. En gardant en tête qu’il a le défaut, très américain, de noyer sa démonstration dans une cascade d’érudition et de données attrapées partout et comme assemblées du coq à l’âne. On navigue de Lady Di à Saint Thomas, en passant par les chasseurs cueilleurs du paléolithique. Fatigant ! —ARNAUD GONZAGUE

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A LIRE DE L’EMPATHIE DANS L’ÈRE

La mondialisation, c’est un peu ça, dit Jeremy Rifkin : une grande station de RER comme Châtelet-les Halles.

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terra eco mai 2011 79

BiomimétismeJANINE M. BENYUS, RUE DE L’ECHIQUIER, 408 P., 23 EUROSLe biomimétisme, c’est de l’espionnage industriel, mais appliqué à la nature. Comment imiter l’action d’une feuille pour améliorer les cellules solaires ? Comment reproduire la forme des écailles du requin pour fabriquer des sols antibactériens ? Pour la passionnante Janine M. Benyus, spécialiste de l’innovation, c’est « une ère qui ne repose pas sur ce que nous pouvons prendre dans la nature, mais sur ce que nous pouvons en apprendre ». Et ça change tout. Car depuis 3,8 milliards d’années, Dame Nature a appris à fabriquer du beau, du solide et qui ne pollue pas. Pourvu qu’on fasse rapido de même ! — A.G.

Willy WonderFRANCESCO ARTIBANI ET SILVIO CAMBONIVENTS D’OUEST, 48 P., 9,95 EUROSSi Willy Wonder se présentait à la primaire du Parti socialiste, sûr qu’il emporterait le morceau. Car ce petit garçon extraterrestre a des super-pouvoirs, notamment la capacité, hop !, de faire apparaître des montagnes de billets. Et il a envie d’aider son prochain, donc il enrichit les SDF. Evidemment, une pluie de biftons ne suffi t pas à résoudre les problèmes – cela en crée plutôt de nouveaux... Une BD futée (à partir de 10 ans), où, signe des temps, le super-méchant n’a plus un sou pour faire le mal. — A.G.

Narco business, l’irrésistible ascension des mafi as mexicainesBABETTE STERN, ÉDITIONS MAX MILO, 288 P., 18 EUROSVoilà une réussite économique qui n’a pas fait la une des Echos : ces dernières années, les cartels du Mexique sont devenus les premiers producteurs de drogue au monde. Pourtant, c’est une belle démonstration de capitalisme que nous livrent sept géants mexicanos, lesquels se sont installés en tête du PIB local. Ils appliquent à la perfection les règles de notre belle mondialisation : multinationales imprenables, délocalisations et sous-traitance sauvages, contournement du fi sc (et de quelques autres services policiers). Une enquête fort bien fi celée sur ces voyous devenus des hommes d’affaires. Ou l’inverse ? — A.G.

Pour vivre libres, soyons autonomes !MARCEL GUEDJ, ED. DE LA MARTINIÈRE, 224 P., 4,90 EUROSCeci n’est pas un manifeste de la mouvance autonome mais un appel au bon sens : plutôt que de maugréer contre la « société de consommation » passive et bêtifi ante, apprenez à vous en passer ! Comment ? En cultivant votre potager (bio), en créant une basse-cour, des ruches et un four à pain. En retapant de vieux meubles. En isolant votre cahute, voire en produisant votre propre énergie… Une cascade de conseils pratiques pour les bricoleurs et jardiniers du dimanche, joliment illustrés, pas toujours simples à mettre en pratique – ne serait-ce que pour une question de place – mais bons à connaître. — A.G.

Toutes les chroniques culturelles sur

Toutes les chroniques culturelles sur

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80 juin 2011 terra eco

Sur vos agendas

Jusqu’au 27 mai

Green Week Cette conférence annuelle

européenne sur la biodiversité a

réuni 3 000 participants en 2010 :

institutionnels, représentants

des secteurs du commerce, de

l’industrie, des ONG et de la

communauté scientifi que. Cette

année, son

thème concerne

l’utilisation des

ressources pour

consommer moins

tout en vivant

mieux (Bruxelles,

Belgique).

http://ec.europa.eu/environment/

greenweek

Jusqu’au 1er juin

Ateliers du goût Salades, fromages, vins, etc.

A l’initiative du mouvement Slow

Food, cet événement propose

six ateliers-dégustations en présence

de producteurs et d’experts (Nantes,

Loire-Atlantique).

www.slowfood.fr/les-ateliers-du-gout

27 au 29 mai

Fête du vélo« Chaque fois que je vois un adulte

sur une bicyclette, je ne désespère

plus de l’espèce humaine », disait

l’écrivain H.G. Wells. Confi rmation

ce week-end (partout en France).

www.feteduvelo.fr

28 et 29 mai

Rencontres nationales des étudiants pour le développement durable

Organisés par le Réseau

français des étudiants

pour le développement durable,

ces deux jours sont ponctués

d’ateliers et de tables rondes (Cité

internationale universitaire, Paris).

www.refedd.org

31 mai

Débat « Urgence sociale, urgence environnementale : faut-il choisir ? »Deux personnalités échangent

sur ces thématiques d’actualité :

l’ingénieur et spécialiste de l’énergie

Jean-Marc Jancovici et Jean-Marc

Borello, délégué général et président

du directoire du Groupe SOS. Entrée

libre mais inscriptions obligatoires

sur le site (Sciences Po, Paris).

www.lamanufacturedurable.com

1er juin

Journée mondiale du tourisme responsable

5e édition de cet

événement qui se

penchera cette année sur le

« tourisme durable ». Un pays est

mis à l’honneur : l’Afrique du Sud

(partout dans le monde).

www.coalition-tourisme-responsable.org

1er au 15 juin

Printemps bioPendant la première quinzaine de

juin, les acteurs de l’agriculture

biologique organisent des

événements pour se faire connaître

du grand public. L’Agence bio est

à l’origine de cette manifestation

(partout en France).

www.printempsbio.com

3 au 5 juin

Rendez-vous au jardinLes parcs et jardins proposeront

des animations sur le thème du

« jardin nourricier ». Une initiative

du ministère de la Culture en

collaboration avec le Comité des

parcs et jardins de France (partout

en France).

www.parcsetjardins.fr

5 juin

Journée mondiale de l’environnementLors de cette journée lancée par le

Programme des Nations unies pour

l’environnement, chacun est appelé à

faire un geste pour l’environnement

(partout dans le monde).

www.unep.org

6 au 11 juin

Semaine du microcrédit Pendant cinq jours, sont organisées

des réunions dans des lieux publics,

autour de la création de micro-

entreprises (partout en France).

www.adie.org

7 au 9 juin

Congrès « Eco-technologies pour le futur »Evolutions et innovations

A venir

14 au 15 juin

Assises nationales de la biodiversitéPour la première fois, sont

organisées ces rencontres dans

la continuité de 2010, année

internationale de la biodiversité.

L’objectif : mettre en œuvre la

préservation de la biodiversité

(Pau, Pyrénées-Atlantiques).

www.assises-biodiversite.com

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82 juin 2011 terra eco

technologiques seront abordées

lors de ces trois jours de débats

européens (Lille, Nord).

www.cerdd.org

7 au 9 juin

Salon EnvironordL’un des événements phares des

« greentechs » à destination des

entreprises et des collectivités

locales (Lille, Nord).

www.salon-environord.com

8 au 10 juin

Salon HandicaPlus de 280 exposants viennent

présenter des solutions pour une

meilleure autonomie des personnes

handicapées, à domicile ou en

institution (Eurexpo, Lyon).

www.handica.com

15 au 16 juin

Salon « Nouvelles matières premières »Plus d’une centaine d’exposants

pour ce rendez-vous des

professionnels des métiers du

recyclage et de la valorisation. A

noter, une exposition des travaux

des designers et artistes qui

redonnent vie aux métaux, papiers,

cartons (Tours, Indre-et-Loire).

www.nouvelles-matieres-premieres.com

16 juin

Forum « Science, Recherche et Société » Santé, énergie, environnement,

nouvelles

technologies…

Ces rencontres

abordent toutes

ces questions

sous l’intitulé

« Cultivons le

futur » (Collège de

France, Paris).

www.forum-srs.com

Vous souhaitez nous informerd’une manifestation, écrivez-nous :[email protected]

17 au 19 juin

Etats généraux de l’économie sociale et solidaireProposer des réponses aux enjeux

de sociétés, c’est l’objectif de ces

états généraux. A la fi n, des cahiers

d’espérances seront produits (Palais

Brongniart, Paris).

www.lelabo-ess.org

26 juin

La Course des hérosUn événement pionnier du sport

solidaire. Sur 6 km, les participants

courent au profi t d’une cinquantaine

d’associations caritatives et d’ONG

(Sèvres, Hauts-de Seine).

http://2011.coursedesheros.fr

27 au 28 juin

Forum mondial du développement durableOrganisé par la revue « Passages »

et l’association ADAPes, ce forum a

lieu deux fois par an, en Afrique et

en France (Ecole militaire, Paris).

www.passages-forum.fr

Jusqu’au 24 juillet

« La Ville fertile »La question de la nature en ville est

abordée sous les dimensions sociale,

économique, historique, écologique…

Cette exposition se présente comme

une immersion dans l’urbain et le

végétal (Cité de l’architecture et du

patrimoine, Paris).

www.citechaillot.fr

Jusqu’au 31 octobre

« Eau + art + design »Ce rendez-vous de l’innovation

au service de l’eau propose une

exposition de différents outils

et projets grâce auxquels la

consommation d’eau devient plus

rationnelle (Pavillon de l’eau, Paris).

www.ensci.com

A venir

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