imaginaires écologues

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Sortie du numéro 32 de la revue Les périphériques vous parlent. Ce numéro est consacré à l'écologie scientifique

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Page 1: Imaginaires écologues
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La politique symbolise aujourd’hui pour la majoritéun jeu de contradictions inextricables qui traduit l’an-tagonisme entre les bonnes intentions des gouvernantscensés répondre aux enjeux mondiaux (crise écologiqueet financière, inégalités sociales et de développement) etdes intérêts économiques et géostratégiques.

La plupart des pays essaient d’harmoniser, parexemple, les exigences de croissance et le bien-êtresocio-économique à la préservation des ressources etdes écosystèmes, au développement des énergies renou-velables et à la réduction des gaz à effet de serre, fac-teurs présidant à la viabilité future de la vie humainesur la planète. Les oxymores même de “développementdurable” ou “d’économie verte” en témoignent. Et biendes formules lénifiantes trahissent la difficulté d’opérerdes choix radicaux, se contentant dans le meilleur descas de pâles régulations du système de production. Laraison invoquée est que l’interdépendance entre lespays, au plan économique et financier, est si considé-rable aujourd’hui, qu’il serait suicidaire pour l’und’entre eux d’oser des changements dont l’audacecontrasterait avec la politique des petits pas en matièred’écologie, mais également au niveau des politiquessociales.

Plus généralement, une situation de schizophréniegénéralisée s’installe dans tous les pays entre la défensede leurs prérogatives, leurs performances industrielleset technologiques, et la nécessaire mutation d’un modede développement à vocation consumériste, dont cha-cun sait le caractère peu reconductible à terme sousses formes actuelles. Ceci explique le hiatus entredes politiques intérieures incitant à unecroissance sans borne soi-disantpourvoyeuse en emplois et, en matière depolitique extérieure, un ton déploratif et alarmiste de lapart des nations hyper-industrialisées prônant desmesures fébriles pour “sauver la planète”, sans bienvouloir prendre la mesure de la transformation desmodes de produire et de consommer que cet objectifimplique ; entre autres la disparition ou la reconversionbrutale de pans entiers de l’industrie avec le chantage àl’emploi que cela induit.

Cette situation a des accents quelque peu tragiques.Elle assoit en politique le règne de l’hypocrisie et dumensonge ou alors celui des aménagements laborieux,des reconversions trop lentes (en agriculture notam-ment), des palliatifs. Nous savons, par exemple, que lafuite des polluants organiques persistants sur la planèteutilisés par de nombreuses technologies est à l’originede millions de cancers de la thyroïde et de leucémieschaque année dans le monde (source OMS). La fabri-cation des mêmes technologies avec des composantsmétabolisables par les organismes vivants est tout à faitpossible, mais elle s’accompagnerait d’une destructiond’emplois dans les industries concernées. Quels choixdevons-nous faire alors ? Éviter une destruction d’em-plois et sauver l’industrie en sacrifiant les enjeux desalubrité publique, sachant que le maintien de cesemplois ne fera que reconduire et aggraver la crise sani-taire mondiale ? Entre deux maux, devons-nous choisirle moindre ou le pire, une fois que nous aurons eu undébat de normes entre nations établissant quel est lemoindre et quel est le pire ? Ce sont là des questionsdécisives de philosophie politique. La conciliation et lamédiation sont du ressort du politique bien sûr, maisjusqu’où ?, si l’on considère la gravité de certainsenjeux qui ne tolèrent plus de ménager la chèvre et lechou, au gré des variables contextuelles qui justifienttoujours des résolutions bien volubiles.

La question est de savoir comment infléchir sur lesorientations à prendre. Ce numéro des

Périphériques est une invitation à devenirtoutes et tous des expert(e)s profanes,

en mouvement pour un deve-nir humain. Le citoyen doit s’ap-

proprier la capacité de fixer l’ordre du jour, écri-vait avec nous l’économiste Riccardo Petrella en

1997. Il ne s’agit plus ni de déléguer, ni defaire des économies dé-culpabilisantes sur

l’eau de nos robinets, mais de faire la relation entrele microcosme et le macrocosme, de reprendre en mainnotre devenir. C’est à quoi notre rédaction vous invite.

La rédaction

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Les périphériques vous parlent - n° 32 - 201080

A B O N N E M E N TLa revue étant multisupport, les abonnés pourront recevoir des numéros papier ou des dvd. Ils pourront également accéder aux numéros internet.

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métissage prix à l’unité : 12 €.� Je commande........ exemplaire(s) du n° 11 VIDÉO Overflow prix à l’unité : 10 €.

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Ecoutez également tous les 3e lun-dis du mois à 16h30 toujours surFPP l’émission Hors champs sur lecinéma et l’image (réalisationFederica Bertelli)

Ces émissions sont retransmisessur internet sur le site de FréquenceParis Plurielle : www.rfpp.net

qui fait quoi ?

n°32, 2010

Comité de rédaction : FedericaBertelli-Giustacchini (directrice dela publication et co-rédactrice enchef ), Yovan Gilles (co-rédacteur enchef ), Cristina Bertelli, Jean-LucMénard.

Remerciements particuliers à :Olivier Faysse, Anne Choplin,Elisabeth B. de Moyencourt et Sara Urlacher.

Revue publiée avec le concours :de la Région Île-de-France

Nous remercions pour leur soutientous les Amis et Lecteurs desPériphériques vous parlent.

Maquette : atelier Patrix Imprimerie : XL Imprimerie ISSN N°1246 - 2314, dépôt légal àparution.

Pour nous contacter :

Les périphériques vous parlentBP 62 - 75462 Paris Cedex 10

Tél : 01 40 05 05 67 Fax : 01 44 79 03 06

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Page 4: Imaginaires écologues

p. 01 Édito

p. 02 Présentation

p. 04 Vers l’Agro-Écologie entretien avec Marc Dufumier

p. 15 Alimentation, contamination chimique, espérance de vie : la fin des illusions ?entretien avec Claude Aubert

p. 20 Gaz de serre et effets méconnusentretien avec Jean-Luc Ménard

p. 30 Dialogues sur les jardinsentretien avec Gilles Clément

p. 42 Les annelés de la terreentretien avec Marcel Bouché

p. 48 Nanotechnologies : entre promesses et périls entretien avec Francelyne Marano

p. 58 Mettre l’écologie au centre de nos culturesentretien avec Jean-Claude Lacaze

p. 64 Virologie et épidémiologie - enjeux contemporainsentretien avec Didier Raoult

p. 74 Écologie, écologisme et environiqueentretien avec Marcel Bouché

p. 80 Abonnement / Ours

Les préoccupations environnementales sont omnipré-sentes dans le débat public et sont désormais inscrites ausommet de l’agenda politique et médiatique. Dans cecontexte, il est de plus en plus difficile de faire la part deschoses tant les déclarations d’intentions et les effets d’an-nonces surabondent. Dans ce numéro, des écologues(écologistes scientifiques), océanographes, écotoxico-logues, virologues ou encore professeurs d’agriculturecomparée nous livrent leurs points de vue et développentleurs analyses. Ces approches visent à mieux nous fairecomprendre les émergences, les obstacles et les enjeuxque chacun(e) rencontre aujourd’hui dans son domaine.L’ensemble apporte également un regard sur les transfor-mations que les menaces écologiques font subir à leursdisciplines, sommées d’y répondre en y apportant dessolutions spécifiques, innovantes et expérimentales.

Les contributions des différents auteurs circonscriventtrois champs d’explorations ayant trait à la caractérisa-tion des changements énergétiques et écosystémiquesplanétaires :

1 Un repositionnement radical de la notion d’écologie,dont la portée excède largement ce que le sens communentend d’ordinaire par la locution émolliente de “protec-tion de l’environnement” (Jean-Claude Lacaze, MarcelBouché).

2 Une approche des nouveaux risques attenant auxindustries de hautes technologies (nanotechnologies),aux changements climatiques et à la poussée démogra-phique mondiale (virus, épidémies), à l’impact des gaz àeffet de serre, ainsi que les dispositifs d’alerte et de pré-vention permettant d’en endiguer les conséquences sani-taires (Francelyne Marano, Didier Raoult, Jean-LucMénard).

3 Enfin, une approche des écosystèmes vivants débou-chant sur une redéfinition des échanges viables et osmo-tiques à long terme entre l’humain, la flore et la faune,cela à la lumière d’un renouveau des pratiques culturalesarticulant global et local, tradition et agriculture qualita-tive post-intensive (Marcel Bouché, Gilles Clément,Marc Dufumier et Claude Aubert).La diversité des diagnostics et des préconisations abor-dées, qu’ils touchent aux perspectives énergétiques, àl’épidémiologie, à la survivance alimentaire des humani-tés, à l’éco-toxicologie des nanomatériaux, à l’inversionde la courbe des pollutions océanes et terrestres et auréchauffement, convergent vers la nécessité d’une recon-version écologique de l’économie. En la matière, le lec-teur ne trouvera ici nulle imprécation en appelant à la“décroissance”, mais des incitations précises à une trans-formation des modes de produire, de consommer et de

travailler ajustée aux constats d’un monde fini.La gravité de la situation actuelle de l’humanité laconfronte à des questions résolument nouvelles depuisquelques décennies mettant en jeu sa survie à long terme(ceci dit sans emphase). Les points de vue scientifiquesdéveloppés ici nous décrivent des problèmes à la foisinterconnectés et distincts en tentant d’y apporter dessolutions “réalistes”. Ces solutions impliquent toutefoisune refonte des savoirs et des technologies qui ont contri-bué depuis deux siècles à la fragilisation autant des équi-libres planétaires que des cadres de vie humains (malgréles évidences contraires : augmentation de la longévité etdu niveau moyen des ressources par habitant...). Face à un modèle économique hégémonique et homogé-néisant à l’échelle mondiale, dérivé d’une foi dans lacompétitivité, l’illimitation des ressources et la démulti-plication majoritairement standardisée des produits dutravail humain, une promesse affleure au destin despeuples immergés pour le moins dans des contradictionsinextricables, écartelés entre le diktat des urgences et l’ho-rizon d’un devenir humain à long terme, qui sera créatifou ne sera pas. Cette promesse, qui couple diversité cul-turelle et culturale, concerne des modes de croissancepluriels, multiples et sélectifs par rapport à des problèmeset des contextes donnés, et non plus la “croissance en soi”au pied de laquelle les États s’agenouillent comme auxpieds de la Madone. Nous savons également que les horizons dessinés dans cenuméro ont pour limite la situation d’une majoritéd’êtres humains vivant dans les servitudes, la misère et lesinégalités sociales ; et pour lesquels, l’avenir de la planèteet la qualité de vie sont des idées dénuées de sens, seulecomptant la survie au jour le jour, à n’importe quel prix.Quoi qu’il en soit, les perspectives succédant aux dia-gnostics formulés ici, ne sauraient non plus enjamber unproblème que la philosophe des sciences Isabelle Stengersformulait dans son ouvrage La guerre des sciences : enrésumé, si la science a vocation à dire “ce qui est”, c’est aucitoyen et au politique de dire, à partir de ce qui est, “cequi doit être”. Et, en l’occurrence, les choix civilisation-nels sont autant motivés par la raison que les intérêtspécuniaires, les croyances ou les sensibilités. Et c’est biencela qui constitue le nœud de toutes les applicationstimorées des différents protocoles de Kyoto et autres scel-lant aujourd’hui les peuples autour d’un destin commun,qu’ils le veuillent ou non. Or, ce destin commun l’estencore par défaut. Car il reste aux humanités à définir un“bien commun vital” à partir duquel le devenir humaincesserait d’être suspendu aux impératifs de la guerre éco-nomique multipolaire. Y parviendra-t-on ? Rien n’estmoins sûr. Mais rien n’est impossible non plus.

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p. 01 Édito

p. 02 Présentation

p. 04 Vers l’Agro-Écologie entretien avec Marc Dufumier

p. 15 Alimentation, contamination chimique, espérance de vie : la fin des illusions ?entretien avec Claude Aubert

p. 20 Gaz de serre et effets méconnusentretien avec Jean-Luc Ménard

p. 30 Dialogues sur les jardinsentretien avec Gilles Clément

p. 42 Les annelés de la terreentretien avec Marcel Bouché

p. 48 Nanotechnologies : entre promesses et périls entretien avec Francelyne Marano

p. 58 Mettre l’écologie au centre de nos culturesentretien avec Jean-Claude Lacaze

p. 64 Virologie et épidémiologie - enjeux contemporainsentretien avec Didier Raoult

p. 74 Écologie, écologisme et environiqueentretien avec Marcel Bouché

p. 80 Abonnement / Ours

Les préoccupations environnementales sont omnipré-sentes dans le débat public et sont désormais inscrites ausommet de l’agenda politique et médiatique. Dans cecontexte, il est de plus en plus difficile de faire la part deschoses tant les déclarations d’intentions et les effets d’an-nonces surabondent. Dans ce numéro, des écologues(écologistes scientifiques), océanographes, écotoxico-logues, virologues ou encore professeurs d’agriculturecomparée nous livrent leurs points de vue et développentleurs analyses. Ces approches visent à mieux nous fairecomprendre les émergences, les obstacles et les enjeuxque chacun(e) rencontre aujourd’hui dans son domaine.L’ensemble apporte également un regard sur les transfor-mations que les menaces écologiques font subir à leursdisciplines, sommées d’y répondre en y apportant dessolutions spécifiques, innovantes et expérimentales.

Les contributions des différents auteurs circonscriventtrois champs d’explorations ayant trait à la caractérisa-tion des changements énergétiques et écosystémiquesplanétaires :

1 Un repositionnement radical de la notion d’écologie,dont la portée excède largement ce que le sens communentend d’ordinaire par la locution émolliente de “protec-tion de l’environnement” (Jean-Claude Lacaze, MarcelBouché).

2 Une approche des nouveaux risques attenant auxindustries de hautes technologies (nanotechnologies),aux changements climatiques et à la poussée démogra-phique mondiale (virus, épidémies), à l’impact des gaz àeffet de serre, ainsi que les dispositifs d’alerte et de pré-vention permettant d’en endiguer les conséquences sani-taires (Francelyne Marano, Didier Raoult, Jean-LucMénard).

3 Enfin, une approche des écosystèmes vivants débou-chant sur une redéfinition des échanges viables et osmo-tiques à long terme entre l’humain, la flore et la faune,cela à la lumière d’un renouveau des pratiques culturalesarticulant global et local, tradition et agriculture qualita-tive post-intensive (Marcel Bouché, Gilles Clément,Marc Dufumier et Claude Aubert).La diversité des diagnostics et des préconisations abor-dées, qu’ils touchent aux perspectives énergétiques, àl’épidémiologie, à la survivance alimentaire des humani-tés, à l’éco-toxicologie des nanomatériaux, à l’inversionde la courbe des pollutions océanes et terrestres et auréchauffement, convergent vers la nécessité d’une recon-version écologique de l’économie. En la matière, le lec-teur ne trouvera ici nulle imprécation en appelant à la“décroissance”, mais des incitations précises à une trans-formation des modes de produire, de consommer et de

travailler ajustée aux constats d’un monde fini.La gravité de la situation actuelle de l’humanité laconfronte à des questions résolument nouvelles depuisquelques décennies mettant en jeu sa survie à long terme(ceci dit sans emphase). Les points de vue scientifiquesdéveloppés ici nous décrivent des problèmes à la foisinterconnectés et distincts en tentant d’y apporter dessolutions “réalistes”. Ces solutions impliquent toutefoisune refonte des savoirs et des technologies qui ont contri-bué depuis deux siècles à la fragilisation autant des équi-libres planétaires que des cadres de vie humains (malgréles évidences contraires : augmentation de la longévité etdu niveau moyen des ressources par habitant...). Face à un modèle économique hégémonique et homogé-néisant à l’échelle mondiale, dérivé d’une foi dans lacompétitivité, l’illimitation des ressources et la démulti-plication majoritairement standardisée des produits dutravail humain, une promesse affleure au destin despeuples immergés pour le moins dans des contradictionsinextricables, écartelés entre le diktat des urgences et l’ho-rizon d’un devenir humain à long terme, qui sera créatifou ne sera pas. Cette promesse, qui couple diversité cul-turelle et culturale, concerne des modes de croissancepluriels, multiples et sélectifs par rapport à des problèmeset des contextes donnés, et non plus la “croissance en soi”au pied de laquelle les États s’agenouillent comme auxpieds de la Madone. Nous savons également que les horizons dessinés dans cenuméro ont pour limite la situation d’une majoritéd’êtres humains vivant dans les servitudes, la misère et lesinégalités sociales ; et pour lesquels, l’avenir de la planèteet la qualité de vie sont des idées dénuées de sens, seulecomptant la survie au jour le jour, à n’importe quel prix.Quoi qu’il en soit, les perspectives succédant aux dia-gnostics formulés ici, ne sauraient non plus enjamber unproblème que la philosophe des sciences Isabelle Stengersformulait dans son ouvrage La guerre des sciences : enrésumé, si la science a vocation à dire “ce qui est”, c’est aucitoyen et au politique de dire, à partir de ce qui est, “cequi doit être”. Et, en l’occurrence, les choix civilisation-nels sont autant motivés par la raison que les intérêtspécuniaires, les croyances ou les sensibilités. Et c’est biencela qui constitue le nœud de toutes les applicationstimorées des différents protocoles de Kyoto et autres scel-lant aujourd’hui les peuples autour d’un destin commun,qu’ils le veuillent ou non. Or, ce destin commun l’estencore par défaut. Car il reste aux humanités à définir un“bien commun vital” à partir duquel le devenir humaincesserait d’être suspendu aux impératifs de la guerre éco-nomique multipolaire. Y parviendra-t-on ? Rien n’estmoins sûr. Mais rien n’est impossible non plus.

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Dans un cadre où domine l’agriculture intensive, les agricultures paysannes,biodynamiques ou encore vivrières incarnent des “niches” de qualité locales, maisqui ne seraient pas en mesure de répondre aux besoins mondiaux alimentairespréemptés par des modes de production bien souvent écocides. Fort de dizainesd’années de recherche et d’investigation sur le terrain, Marc Dufumier soutient, aucontraire, que l’agriculture à l’échelle mondiale peut et doit se convertir à labiodynamie et préserver la diversité culturale, en soutenant qu’il est possible deproduire écologique d’une façon intensive pour une suffisance alimentaire mondiale.

d’Argentine. Sachez que pour leur autoconsomma-tion, un certain nombre d’agriculteurs continuent demettre en œuvre des innovations anciennes qui ontdisparu ailleurs avec la standardisation de l’agricultu-re. Ces denrées sont à l’opposé de celles destinées àl’économie de marché, produites au moindre coûtsur une toujours plus vaste échelle pour l’agro-indus-trie. Mais quand il s’agit de bien manger soi-même,il subsiste encore des petits jardins avec des associa-tions de maïs et d’haricots, ainsi que des basses-coursavec des races de volailles rustiques.

Autrefois, il y avait davantage d’associations deculture. Ainsi en était-il en Normandie avec lespommiers dans les prairies ; et cela d’autant plusque ces prairies mélangeaient différents types degraminées avec des herbes de la famille des légu-mineuses : trèfles, sainfoin, lotiers, etc. En régionsméditerranéennes, les paysans mélangeaient de lavesce à de l’avoine. L’avoine, c’est-à-dire la grami-née, servait de tuteur à la vesce, ce qui lui évitait lerisque de pourrir à même le sol. Tout cela existait

autrefois, et je ne parle pas de la Gaule, mais de laFrance d’il y a un siècle et demi. On trouve enco-re cela, mais c’est une pratique largement en voiede disparition.

Les périphériques : Vous avez fait allusion à l’associa-tion maïs-haricot. Du temps des Mayas, par exemple, enAmérique Centrale, il y avait des associations maïs-haricot, melon-courge, des arbres fruitiers pour faire del’ombre, et également des poissons enfouis pour servird’engrais naturels. Cela était-il réellement efficace ourelevait-il plutôt d’un rituel magique ?

Marc Dufumier : Très clairement, l’associationmaïs-haricot nous vient de l’Amérique précolom-bienne. En France, le maïs a été introduit dans laBresse et dans certaines régions du Sud-Ouest, là oùles étés chauds sont aussi orageux, parce que le maïsa besoin d’eau en plein été. C’est l’extension du maïsen Charente ou dans le Vexin (Normandie) qui nouspose énormément de problèmes, car ce sont desrégions où les pluies interviennent plutôt en hiver.

5Les périphériques vous parlent - n°32 - 2010

Traditions, ingéniosités et associationsde cultures

Les périphériques vous parlent : Un de vos livress’intitule Agricultures et paysanneries des Tiersmondes. Pourquoi parlez-vous “des” tiers mondes ?

Marc Dufumier : Le mot tiers monde me convientpour qualifier ce que les gens appellent les pays dusud, parce que cela se réfère au Tiers-État, et donc àdes peuples et des nations exploités et soumis. Saufque certains considèrent que l’expression est désuè-te, parce que le deuxième monde (communiste)aurait disparu suite à la chute du mur de Berlin. Ilest vrai que le tiers monde, tel qu’on l’entrevoyait aulendemain de la deuxième guerre mondiale, s’estdepuis lors considérablement différencié. On obser-ve aujourd’hui des pays émergents (on pense en par-ticulier à Taiwan, à la Corée du Sud, au Brésil, àl’Inde, à la Chine continentale) et il y a encore des

4Les périphériques vous parlent - n° 32 - 2010

Vers l’Agro-Écologie Entretien avec Marc Dufumier*

La difficulté est

*Marc Dufumier est professeur d’agriculture comparée et dedéveloppement agricole à l’AgroParisTech (Institut des scienceset industries du vivant et de l’environnement), auteur entreautres de Agricultures africaines et marché mondial (fondationGabriel Péri) et Agricultures et paysanneries des Tiers mondes (édi-tions Karthala). Des ouvrages collectifs sont également éditéssous sa direction : Mutations de l’agriculture en Asie du Sud-Est(n° 162 de la Revue Tiers Monde) et Un agronome dans son siècle :Actualités de René Dumont (éditions Karthala).

pays que certains veulent à tout prix qualifier de“moins avancés”. Le mot ne me plaît pas du tout,mais il s’agirait notamment des pays de l’Afriquesub-saharienne, de la Bolivie, d’Haïti, duBengladesh... Et donc évoquer “les” tiers mondesétait une façon de ne pas abandonner l’expression,mais de montrer son extrême diversité entre des paysqui continuent de souffrir de la concurrence, defaçon très inégale, sur le marché international, et despays qui ont pu ou commencent à pouvoir émergerun peu. Dans les pays émergents, tout le monden’émerge pas, il y a également des populations qui semeurent. Je voulais donc rappeler par cette expres-sion, au pluriel, la diversité de ce qu’autrefois onappelait le tiers monde.

Les périphériques : Dans votre ouvrage vous faiteségalement allusion assez souvent à l’association des cul-tures dans les pays des tiers mondes. Trouve-t-on desexemples similaires dans des campagnes d’autres pays ?

Marc Dufumier : Oui. Dans certains recoins duBéarn, par exemple, sur les fameuses terres noires oùl’on pratique généralement la monoculture de maïs,des locaux cultivent parfois du haricot ou du sojasous l’ombrage du maïs, dans les champs situés àproximité de leurs maisons, à côté de la basse-cour.Le haricot est destiné à leur consommation de cas-soulet et les paysans le préfèrent à celui importé

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Dans un cadre où domine l’agriculture intensive, les agricultures paysannes,biodynamiques ou encore vivrières incarnent des “niches” de qualité locales, maisqui ne seraient pas en mesure de répondre aux besoins mondiaux alimentairespréemptés par des modes de production bien souvent écocides. Fort de dizainesd’années de recherche et d’investigation sur le terrain, Marc Dufumier soutient, aucontraire, que l’agriculture à l’échelle mondiale peut et doit se convertir à labiodynamie et préserver la diversité culturale, en soutenant qu’il est possible deproduire écologique d’une façon intensive pour une suffisance alimentaire mondiale.

d’Argentine. Sachez que pour leur autoconsomma-tion, un certain nombre d’agriculteurs continuent demettre en œuvre des innovations anciennes qui ontdisparu ailleurs avec la standardisation de l’agricultu-re. Ces denrées sont à l’opposé de celles destinées àl’économie de marché, produites au moindre coûtsur une toujours plus vaste échelle pour l’agro-indus-trie. Mais quand il s’agit de bien manger soi-même,il subsiste encore des petits jardins avec des associa-tions de maïs et d’haricots, ainsi que des basses-coursavec des races de volailles rustiques.

Autrefois, il y avait davantage d’associations deculture. Ainsi en était-il en Normandie avec lespommiers dans les prairies ; et cela d’autant plusque ces prairies mélangeaient différents types degraminées avec des herbes de la famille des légu-mineuses : trèfles, sainfoin, lotiers, etc. En régionsméditerranéennes, les paysans mélangeaient de lavesce à de l’avoine. L’avoine, c’est-à-dire la grami-née, servait de tuteur à la vesce, ce qui lui évitait lerisque de pourrir à même le sol. Tout cela existait

autrefois, et je ne parle pas de la Gaule, mais de laFrance d’il y a un siècle et demi. On trouve enco-re cela, mais c’est une pratique largement en voiede disparition.

Les périphériques : Vous avez fait allusion à l’associa-tion maïs-haricot. Du temps des Mayas, par exemple, enAmérique Centrale, il y avait des associations maïs-haricot, melon-courge, des arbres fruitiers pour faire del’ombre, et également des poissons enfouis pour servird’engrais naturels. Cela était-il réellement efficace ourelevait-il plutôt d’un rituel magique ?

Marc Dufumier : Très clairement, l’associationmaïs-haricot nous vient de l’Amérique précolom-bienne. En France, le maïs a été introduit dans laBresse et dans certaines régions du Sud-Ouest, là oùles étés chauds sont aussi orageux, parce que le maïsa besoin d’eau en plein été. C’est l’extension du maïsen Charente ou dans le Vexin (Normandie) qui nouspose énormément de problèmes, car ce sont desrégions où les pluies interviennent plutôt en hiver.

5Les périphériques vous parlent - n°32 - 2010

Traditions, ingéniosités et associationsde cultures

Les périphériques vous parlent : Un de vos livress’intitule Agricultures et paysanneries des Tiersmondes. Pourquoi parlez-vous “des” tiers mondes ?

Marc Dufumier : Le mot tiers monde me convientpour qualifier ce que les gens appellent les pays dusud, parce que cela se réfère au Tiers-État, et donc àdes peuples et des nations exploités et soumis. Saufque certains considèrent que l’expression est désuè-te, parce que le deuxième monde (communiste)aurait disparu suite à la chute du mur de Berlin. Ilest vrai que le tiers monde, tel qu’on l’entrevoyait aulendemain de la deuxième guerre mondiale, s’estdepuis lors considérablement différencié. On obser-ve aujourd’hui des pays émergents (on pense en par-ticulier à Taiwan, à la Corée du Sud, au Brésil, àl’Inde, à la Chine continentale) et il y a encore des

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Vers l’Agro-Écologie Entretien avec Marc Dufumier*

La difficulté est

*Marc Dufumier est professeur d’agriculture comparée et dedéveloppement agricole à l’AgroParisTech (Institut des scienceset industries du vivant et de l’environnement), auteur entreautres de Agricultures africaines et marché mondial (fondationGabriel Péri) et Agricultures et paysanneries des Tiers mondes (édi-tions Karthala). Des ouvrages collectifs sont également éditéssous sa direction : Mutations de l’agriculture en Asie du Sud-Est(n° 162 de la Revue Tiers Monde) et Un agronome dans son siècle :Actualités de René Dumont (éditions Karthala).

pays que certains veulent à tout prix qualifier de“moins avancés”. Le mot ne me plaît pas du tout,mais il s’agirait notamment des pays de l’Afriquesub-saharienne, de la Bolivie, d’Haïti, duBengladesh... Et donc évoquer “les” tiers mondesétait une façon de ne pas abandonner l’expression,mais de montrer son extrême diversité entre des paysqui continuent de souffrir de la concurrence, defaçon très inégale, sur le marché international, et despays qui ont pu ou commencent à pouvoir émergerun peu. Dans les pays émergents, tout le monden’émerge pas, il y a également des populations qui semeurent. Je voulais donc rappeler par cette expres-sion, au pluriel, la diversité de ce qu’autrefois onappelait le tiers monde.

Les périphériques : Dans votre ouvrage vous faiteségalement allusion assez souvent à l’association des cul-tures dans les pays des tiers mondes. Trouve-t-on desexemples similaires dans des campagnes d’autres pays ?

Marc Dufumier : Oui. Dans certains recoins duBéarn, par exemple, sur les fameuses terres noires oùl’on pratique généralement la monoculture de maïs,des locaux cultivent parfois du haricot ou du sojasous l’ombrage du maïs, dans les champs situés àproximité de leurs maisons, à côté de la basse-cour.Le haricot est destiné à leur consommation de cas-soulet et les paysans le préfèrent à celui importé

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Les périphériques vous parlent : Parlons tout d’abordde votre ouvrage Espérance de vie, la fin des illusions.De façon générale, très peu de publications traitent duthème que vous abordez. En quoi pouvez-vous dire quec’est la “fin de l’illusion pour l’espérance de vie” ?

Claude Aubert : Parce que nous sommes dans unmoment de l’histoire de l’humanité très particulierqui ne se reproduira plus. Pour commencer, posons-nous la question suivante : quelle est l’origine del’augmentation de l’espérance de vie ? Il y a encoreune vingtaine d’années, l’augmentation de l’espéran-ce de vie était liée majoritairement à la baisse de lamortalité infantile. Évidemment, s’il y a une baisseminime de la mortalité infantile, cela a un impactbeaucoup plus fort qu’une baisse de la mortalité àl’âge de quatre-vingts ans. Or, il faut prendre encompte la baisse de la mortalité pour les personnesde plus de quatre-vingts ans, puis la baisse de la mor-talité aux âges encore plus avancés. Cette tranched’âge-là, entre quatre-vingts et cent ans, n’a émergéqu’au début du XXe siècle. Les personnes concernéesn’ont donc pas subi durant leurs trente premièresannées d’existence la pollution, les erreurs de l’ali-mentation actuelle comme les excès de produits ani-maux, ou la consommation d’aliments raffinés etdéséquilibres provoquant certaines carences. Un lieu

Alimentation, contamination chimique, espérance de vie : la fin des illusions ?Entretien avec Claude Aubert*

À la lumière de plusieurs décennies de recherches sur l’agriculture biologique àl’échelle planétaire, Claude Aubert aborde ici les deux grands thèmes connexes dela santé et de l’environnement. L’émergence de nouvelles pathologies relatives àune alimentation chimique et polluante met à mal l’idée généralement admise desprogrès de l’espérance de vie humaine à l’échelle mondiale.

14Les périphériques vous parlent - n° 32 - 2010

où elles pourront

*Claude Aubert est spécialiste de l’agriculture biologique,ancien secrétaire de Nature & Progrès, co-fondateur de Terrevivante, auteur entre autres de Espérance de vie, la fin des illu-sions (Terre vivante, 2006), Une autre assiette (Le Courrier duLivre, 2009).

commun consiste à dire que nous nous nourrissonsmieux à notre époque, mais c’est une erreur. Enn’ignorant pas les difficultés de subsistance de cer-taines personnes, l’alimentation était généralementplus équilibrée. Par ailleurs, cette tranche d’âge asubi une “sélection naturelle”, car il existait avant unetrès forte mortalité infantile. Celles et ceux qui ontsurvécu possédaient un meilleur capital génétique.Par ailleurs, cette génération a bénéficié, en deuxièmepartie de vie, à partir des années 1950/1960, desprogrès de la médecine, ainsi que de l’améliorationde l’hygiène et des conditions de vie, globalementbeaucoup plus confortables que celles des personnesâgées qui vivaient il y a un siècle. Il y a donc uneconjonction de facteurs favorables pour expliquer lesraisons de leur longévité.

Deuxièmement, on constate une augmentation rela-tivement récente des pathologies liées au mode devie actuel. Les plus flagrantes sont le cancer et le dia-bète. Les personnes subissant notre mode de vieactuel, c’est-à-dire une alimentation déséquilibréecumulée à une pollution générant ces problèmes desanté, sont issues de la génération née à la fin destrente glorieuses dans les années 70. Elles sontaujourd’hui âgées de quarante ou cinquante ans, etne sont donc pas en âge de mourir d’un cancer, bienque cela arrive, mais rarement. À mon avis, c’estcette tranche de la population qui aura de gros pro-blèmes de santé avant d’atteindre l’âge de quatre-vingts ou quatre-vingt-dix ans, à contrario de lagénération précédente.

Cristina Bertelli (photo du haut) ; Bertrand Meunier / Tendance Floue

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Les périphériques vous parlent : Parlons tout d’abordde votre ouvrage Espérance de vie, la fin des illusions.De façon générale, très peu de publications traitent duthème que vous abordez. En quoi pouvez-vous dire quec’est la “fin de l’illusion pour l’espérance de vie” ?

Claude Aubert : Parce que nous sommes dans unmoment de l’histoire de l’humanité très particulierqui ne se reproduira plus. Pour commencer, posons-nous la question suivante : quelle est l’origine del’augmentation de l’espérance de vie ? Il y a encoreune vingtaine d’années, l’augmentation de l’espéran-ce de vie était liée majoritairement à la baisse de lamortalité infantile. Évidemment, s’il y a une baisseminime de la mortalité infantile, cela a un impactbeaucoup plus fort qu’une baisse de la mortalité àl’âge de quatre-vingts ans. Or, il faut prendre encompte la baisse de la mortalité pour les personnesde plus de quatre-vingts ans, puis la baisse de la mor-talité aux âges encore plus avancés. Cette tranched’âge-là, entre quatre-vingts et cent ans, n’a émergéqu’au début du XXe siècle. Les personnes concernéesn’ont donc pas subi durant leurs trente premièresannées d’existence la pollution, les erreurs de l’ali-mentation actuelle comme les excès de produits ani-maux, ou la consommation d’aliments raffinés etdéséquilibres provoquant certaines carences. Un lieu

Alimentation, contamination chimique, espérance de vie : la fin des illusions ?Entretien avec Claude Aubert*

À la lumière de plusieurs décennies de recherches sur l’agriculture biologique àl’échelle planétaire, Claude Aubert aborde ici les deux grands thèmes connexes dela santé et de l’environnement. L’émergence de nouvelles pathologies relatives àune alimentation chimique et polluante met à mal l’idée généralement admise desprogrès de l’espérance de vie humaine à l’échelle mondiale.

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où elles pourront

*Claude Aubert est spécialiste de l’agriculture biologique,ancien secrétaire de Nature & Progrès, co-fondateur de Terrevivante, auteur entre autres de Espérance de vie, la fin des illu-sions (Terre vivante, 2006), Une autre assiette (Le Courrier duLivre, 2009).

commun consiste à dire que nous nous nourrissonsmieux à notre époque, mais c’est une erreur. Enn’ignorant pas les difficultés de subsistance de cer-taines personnes, l’alimentation était généralementplus équilibrée. Par ailleurs, cette tranche d’âge asubi une “sélection naturelle”, car il existait avant unetrès forte mortalité infantile. Celles et ceux qui ontsurvécu possédaient un meilleur capital génétique.Par ailleurs, cette génération a bénéficié, en deuxièmepartie de vie, à partir des années 1950/1960, desprogrès de la médecine, ainsi que de l’améliorationde l’hygiène et des conditions de vie, globalementbeaucoup plus confortables que celles des personnesâgées qui vivaient il y a un siècle. Il y a donc uneconjonction de facteurs favorables pour expliquer lesraisons de leur longévité.

Deuxièmement, on constate une augmentation rela-tivement récente des pathologies liées au mode devie actuel. Les plus flagrantes sont le cancer et le dia-bète. Les personnes subissant notre mode de vieactuel, c’est-à-dire une alimentation déséquilibréecumulée à une pollution générant ces problèmes desanté, sont issues de la génération née à la fin destrente glorieuses dans les années 70. Elles sontaujourd’hui âgées de quarante ou cinquante ans, etne sont donc pas en âge de mourir d’un cancer, bienque cela arrive, mais rarement. À mon avis, c’estcette tranche de la population qui aura de gros pro-blèmes de santé avant d’atteindre l’âge de quatre-vingts ou quatre-vingt-dix ans, à contrario de lagénération précédente.

Cristina Bertelli (photo du haut) ; Bertrand Meunier / Tendance Floue

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Gaz à effet de serre répertoriés, dont quelques killers

Les périphériques vous parlent : Peut-on dresser unbilan des gaz à effet de serre présents actuellement dansl’atmosphère ?

Jean-Luc Ménard : En fait, il y a 48 gaz à effet deserre détectés dans l’atmosphère actuellement, ce quine veut pas dire qu’il n’y en ait pas davantage, parceque certains composés chimiques ne sont pas encoreforcément détectés. Commençons par les halocar-bures dont on entend peu parler, pourtant ils repré-sentent l’essentiel des gaz à effet de serre, puisque surles 48 détectés, 39 sont des halocarbures. En général,ils servent pour la réfrigération, le nettoyage, ledégraissage de toutes sortes de composants et de pro-duits. On peut les classer en deux catégories : leshalocarbures qui ont à la fois du chlore et du fluor,et ceux qui n’ont que du fluor. La distinction n’estpas anodine, puisque les molécules de chlore détrui-sent les molécules de l’ozone stratosphérique, et lesmolécules de fluor sont très performantes pour

Pour le grand public, le CO2 (dioxyde de carbone) symbolise à lui seul la cause du

réchauffement climatique. Or, la complexité des phénomènes climatologiquesrelève essentiellement de la présence d’un nombre considérable d’autres gaz àeffets de serre pour la plupart méconnus, voire inaperçus. L’auteur nous lesdétaille ici avec de nombreuses données chiffrées à l’appui pour les amateurs.Ces gaz sont pour certains naturels (mais redevables comme le méthane, enpartie, de la fonte des glaces). D’autres sont des composés synthétisés par laproduction industrielle. Tous se combinent pour doper la spirale du réchauffement,dont l’inversion impliquerait autre chose que des mesures qui reviennent à joueraux billes sur le pont du Titanic.

Les périphériques vous parlent - n°32 - 201021

Gaz de serre et effets méconnusEntretien avec Jean-Luc Ménard*

Les périphériques vous parlent - n° 32 - 201020

Mais parmi ces halocarbures qui possèdent à la foisdu chlore et du fluor, il y a aussi les hydrochloro-fluorocarbures (HCFC) utilisés surtout comme réfri-gérants et également dans les mousses anti-incendies.Ils sont en moyenne 3 000 fois plus réchauffants quele dioxyde de carbone (donc chaque kg correspond à3 tonnes de CO2) et ils persistent en moyenne 17 ansdans l’atmosphère. Ils devraient disparaître des paysdéveloppés en 2020, des autres pays en 2040 auregard de l’application du protocole de Montréal,protecteur de la couche d’ozone. En revanche, lesCFC et les HCFC dont je parlais ont été retirés duprotocole de Kyoto comptabilisant les gaz à effet deserre. Or, leurs émissions dans l’atmosphère n’appa-raissant plus dans le bilan humain des gaz à effet deserre, le résultat de ce dernier est donc faussé.

Revenons maintenant à la seconde catégorie d’halocar-bures qui ne contiennent que du fluor, les hydrofluo-rocarbures. Ils sont surtout utilisés dans la climatisationautomobile, dans le dépoussiérage des semi-conduc-teurs, et, pour les spécialistes, dans la gravure ioniqueréactive très utilisée dans les produits high-tech. Ils sont

en moyenne 1 848 fois plus réchauffants que le CO2

(donc chaque kg d’HFC dans l’atmosphère équivaut à1,8 tonne de CO2), et ils restent une quarantaine d’an-nées dans l’atmosphère. Puis viennent les redoutablesperfluorocarbures, avec leur potentiel de réchauffe-ment planétaire moyen 8 600 fois plus élevé que ledioxyde de carbone, et dont la durée de vie moyennedans l’atmosphère est de 14 000 ans.

Les périphériques : Quels facteurs expliquent la ven-tilation de ces molécules dans l’atmosphère ?

Jean-Luc Ménard : Trois causes sont propices à cetteventilation : la production elle-même des gaz enquestion, leur incorporation dans les produits, leséquipements ou les installations, enfin les pannesnécessitant d’ouvrir les appareils en contenant, telsles ordinateurs, lorsqu’ils sont considérés commeobsolètes.

Pour revenir aux perfluorocarbures, citons deuxexemples : le tetrafluorure de carbone, 8 000 foisplus réchauffant que le CO2, qui reste 50 000 ans

leurs profitations,

*Jean-Luc Ménard est écologue et “expert profane”, auteurd’une série d’articles parus dans la revue, dont “Un AutreGrenelle de l’environnement, diagnostic planétaire”, instigateurde ce numéro.

absorber le re-rayonnement solaire émis par la sur -face de la Terre.

Dans la catégorie des halocarbures ayant à la fois duchlore et du fluor, on trouve les chlorofluorocarbures(CFC), qui jouent le rôle de nettoyeurs industriels,par exemple de circuits imprimés, ou sont utilisésdans les pressings pour le nettoyage à sec. Ces chlo-rofluorocarbures ont en moyenne un potentiel deréchauffement planétaire 8 800 fois plus élevé que ledioxyde de carbone.

Les périphériques : Ces gaz se répandent-ils en quan-tités moindres que le dioxyde de carbone qui mono polisel’attention du public et des médias ?

Jean-Luc Ménard : Oui, mais leurs effets deréchauffement sont beaucoup plus importants.Quand 1 kg d’un chlorofluorocarbure se répanddans l’atmosphère, il correspond à 8,8 tonnes deCO2 en moyenne, puisqu’il est 8 800 fois plusréchauffant que ce dernier. Le CO2 est effectivementtrès abondant, mais c’est le moins réchauffant des 48gaz à effet de serre. Depuis le 1er janvier 2010, il estinterdit de produire des chlorofluorocarbures sur la planète. Or, comme leur durée de vie dans l’atmo-sphère est en moyenne de 75 ans, leur influence sefera sentir encore longtemps.

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Gaz à effet de serre répertoriés, dont quelques killers

Les périphériques vous parlent : Peut-on dresser unbilan des gaz à effet de serre présents actuellement dansl’atmosphère ?

Jean-Luc Ménard : En fait, il y a 48 gaz à effet deserre détectés dans l’atmosphère actuellement, ce quine veut pas dire qu’il n’y en ait pas davantage, parceque certains composés chimiques ne sont pas encoreforcément détectés. Commençons par les halocar-bures dont on entend peu parler, pourtant ils repré-sentent l’essentiel des gaz à effet de serre, puisque surles 48 détectés, 39 sont des halocarbures. En général,ils servent pour la réfrigération, le nettoyage, ledégraissage de toutes sortes de composants et de pro-duits. On peut les classer en deux catégories : leshalocarbures qui ont à la fois du chlore et du fluor,et ceux qui n’ont que du fluor. La distinction n’estpas anodine, puisque les molécules de chlore détrui-sent les molécules de l’ozone stratosphérique, et lesmolécules de fluor sont très performantes pour

Pour le grand public, le CO2 (dioxyde de carbone) symbolise à lui seul la cause du

réchauffement climatique. Or, la complexité des phénomènes climatologiquesrelève essentiellement de la présence d’un nombre considérable d’autres gaz àeffets de serre pour la plupart méconnus, voire inaperçus. L’auteur nous lesdétaille ici avec de nombreuses données chiffrées à l’appui pour les amateurs.Ces gaz sont pour certains naturels (mais redevables comme le méthane, enpartie, de la fonte des glaces). D’autres sont des composés synthétisés par laproduction industrielle. Tous se combinent pour doper la spirale du réchauffement,dont l’inversion impliquerait autre chose que des mesures qui reviennent à joueraux billes sur le pont du Titanic.

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Gaz de serre et effets méconnusEntretien avec Jean-Luc Ménard*

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Mais parmi ces halocarbures qui possèdent à la foisdu chlore et du fluor, il y a aussi les hydrochloro-fluorocarbures (HCFC) utilisés surtout comme réfri-gérants et également dans les mousses anti-incendies.Ils sont en moyenne 3 000 fois plus réchauffants quele dioxyde de carbone (donc chaque kg correspond à3 tonnes de CO2) et ils persistent en moyenne 17 ansdans l’atmosphère. Ils devraient disparaître des paysdéveloppés en 2020, des autres pays en 2040 auregard de l’application du protocole de Montréal,protecteur de la couche d’ozone. En revanche, lesCFC et les HCFC dont je parlais ont été retirés duprotocole de Kyoto comptabilisant les gaz à effet deserre. Or, leurs émissions dans l’atmosphère n’appa-raissant plus dans le bilan humain des gaz à effet deserre, le résultat de ce dernier est donc faussé.

Revenons maintenant à la seconde catégorie d’halocar-bures qui ne contiennent que du fluor, les hydrofluo-rocarbures. Ils sont surtout utilisés dans la climatisationautomobile, dans le dépoussiérage des semi-conduc-teurs, et, pour les spécialistes, dans la gravure ioniqueréactive très utilisée dans les produits high-tech. Ils sont

en moyenne 1 848 fois plus réchauffants que le CO2

(donc chaque kg d’HFC dans l’atmosphère équivaut à1,8 tonne de CO2), et ils restent une quarantaine d’an-nées dans l’atmosphère. Puis viennent les redoutablesperfluorocarbures, avec leur potentiel de réchauffe-ment planétaire moyen 8 600 fois plus élevé que ledioxyde de carbone, et dont la durée de vie moyennedans l’atmosphère est de 14 000 ans.

Les périphériques : Quels facteurs expliquent la ven-tilation de ces molécules dans l’atmosphère ?

Jean-Luc Ménard : Trois causes sont propices à cetteventilation : la production elle-même des gaz enquestion, leur incorporation dans les produits, leséquipements ou les installations, enfin les pannesnécessitant d’ouvrir les appareils en contenant, telsles ordinateurs, lorsqu’ils sont considérés commeobsolètes.

Pour revenir aux perfluorocarbures, citons deuxexemples : le tetrafluorure de carbone, 8 000 foisplus réchauffant que le CO2, qui reste 50 000 ans

leurs profitations,

*Jean-Luc Ménard est écologue et “expert profane”, auteurd’une série d’articles parus dans la revue, dont “Un AutreGrenelle de l’environnement, diagnostic planétaire”, instigateurde ce numéro.

absorber le re-rayonnement solaire émis par la sur -face de la Terre.

Dans la catégorie des halocarbures ayant à la fois duchlore et du fluor, on trouve les chlorofluorocarbures(CFC), qui jouent le rôle de nettoyeurs industriels,par exemple de circuits imprimés, ou sont utilisésdans les pressings pour le nettoyage à sec. Ces chlo-rofluorocarbures ont en moyenne un potentiel deréchauffement planétaire 8 800 fois plus élevé que ledioxyde de carbone.

Les périphériques : Ces gaz se répandent-ils en quan-tités moindres que le dioxyde de carbone qui mono polisel’attention du public et des médias ?

Jean-Luc Ménard : Oui, mais leurs effets deréchauffement sont beaucoup plus importants.Quand 1 kg d’un chlorofluorocarbure se répanddans l’atmosphère, il correspond à 8,8 tonnes deCO2 en moyenne, puisqu’il est 8 800 fois plusréchauffant que ce dernier. Le CO2 est effectivementtrès abondant, mais c’est le moins réchauffant des 48gaz à effet de serre. Depuis le 1er janvier 2010, il estinterdit de produire des chlorofluorocarbures sur la planète. Or, comme leur durée de vie dans l’atmo-sphère est en moyenne de 75 ans, leur influence sefera sentir encore longtemps.

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nage nouveau en rupture absolueavec l’horticulture ou l’agricul -ture dites conventionnelles utili-sant uniquement des implants oudes engrais et pour lesquelles lessols sont des substrats stériles -parce que stérilisés par un certainnombre de toxiques - qu’on nour-rit ensuite artificiellement pour ysemer. Cette approche limite ladiversité à un champ tellementrestreint, que c’est pour moi lecontraire d’un futur heureux, celanous condamne à terme à unesorte de suicide collectif, or nousdépendons trop de cette diversitépour affirmer que nous pourrionsnous en passer.

Les périphériques : Donc, vousêtes parti d’un jardin en mouve-ment, le vôtre, dans la Creuse.Après, si l’on suit la chronologie,c’est le jardin planétaire ?

Gilles Clément : La notion dejardin planétaire est celle de laterre considérée elle-mêmecomme un jardin, et cela pourdeux raisons. La première raisonest que la terre est, on pourraitdire, très “entreprisée”, le regardde l’homme peut couvrir sa surfa-ce de façon globale, pensez auxsatellites, d’où l’on regarde laterre comme un jardin. Ladeuxième raison est liée au faitque le mot “jardin” signifie“enclos”. L’écologie nous apprendque tout est compté et que noussommes dans un système fini. Lafinitude écologique restreint levivant à la biomasse disponible,avec une quantité d’eau qui esttoujours la même. Nous ne perce-vions pas cela auparavant, et c’estassez inquiétant. C’est comme sinous étions dans un enclos. Jejustifie par là le terme “jardin pla-

nétaire”, un terme qui permet deresponsabiliser “les passagers” dela terre, tous les citoyens, dansleur rôle de jardiniers, de lesimpliquer dans le vivant, dansune action de jardinage globale.Chacun de nos gestes a une réper-cussion sur l’état de la qualité dessubstrats, sur la diversité, sur lanourriture, sa qualité. Je ne peuxpas dire “je fais un jardin plané-taire”, mais “je participe à un jar-dinage planétaire”, c’est-à-direpar exemple que je fais en sortequ’il soit écologique, et cela pardes actions diverses comme engarantir la diversité ou éviter legaspillage par un arrosage accru.Plus globalement, étendue au ter-ritoire agricole, la question est lamême : comment peut-on exploi-ter une diversité dont on se sert,s’occupe et dépend, sans ladétruire ? C’est la question que je

Jardins planétaires,jardins en mouvement

Les périphériques vous parlent :Vous parlez de jardin de résistance,de jardin planétaire ou encore dejardin en mouvement. Pouvez-vousen préciser les distinctions ?

Gilles Clément : Je commenceraichronologiquement. Les jardinsen mouvement sont vraimentissus d’une expérimentation sur leterrain à partir de mon proprejardin acheté en 1977, dans laCreuse, mon territoire d’origine.J’avais essayé d’y développer unmode de jardinage qui soit pré-cautionneux de toutes les espècesque je connaissais, puisque c’étaitle milieu où, enfant, j’allais fairedes prélèvements entomolo-giques, botaniques. Avant depouvoir acheter un terrain j’avaismalgré tout travaillé pendantcinq ans selon les méthodes habi-tuelles, mais je me suis vite rendu

compte que je ne pouvais pasappliquer ce que l’on m’avaitappris lors de mes études d’ingé-nieur horticole et de paysagiste,où finalement toutes lesméthodes enseignées étaient vio-lentes, allant contre la nature, aulieu de l’épouser. J’ai pu, aveccette expérience propre, prendreposition, pratiquer et ensuitethéoriser l’idée de “jardin enmouvement” adapté aux échellesde toutes sortes de milieux et declimats.

Le jardinier, dans ce jardin, suit le déplacement physique desespèces sur le terrain, et les dyna-miques, observe les comporte-ments ; il ne les contrarie pasavant de les avoir compris. Je me suis aperçu, par exemple, quecertaines espèces, que j’aimaisbien, avaient tendance à se dépla-cer et à s’éloigner de l’espace quileur était assigné traditionnelle-ment ; je pouvais les retrouverdans un chemin. Je me disaisalors : “dois-je les arracher ou les garder ? auraient-elles changéde statut ? seraient-elles devenues“mauvaises” du seul fait de setrouver sur le chemin ?” J’ai finalement changé le tracé demon chemin et, au final, cetteoption a bouleversé les formes du

jardin. C’est cela le “jardin enmouvement”. Sa philosophie globale est : comment faire le plus possible “avec” et aller lemoins possible “contre” ?.

Les périphériques : En somme,avec un minimum d’interventionhumaine.

Gilles Clément : Peu d’interven-tion humaine, plus d’investisse-ment dans la connaissance desespèces et de leurs comporte-ments : comment une plante dia-logue-t-elle éventuellement avecune autre, comment l’échangeest-il possible avec les animaux ?Il y a des choses très complexesqu’on apprend tous les jours. Unsol d’une épaisseur de 30 à 40 cmest un monde en soi avec énor-mément d’échanges entre lesplantes, les animaux et les micro-organismes. On apprend qu’uneplantule, quand elle germe, émetdes substances qui attirent desbactéries permettant à la plantede mieux croître. Enfin, ce sontdes dialogues fantastiquementcompliqués, mais passionnants !Au bout d’un certain temps, uneplante émet des toxines lui per-mettant de se désherber elle-même, et de refouler les autresplantes ailleurs. S’ensuit un jardi-

Dialogues sur les jardins Entretien avec Gilles Clément*

Les jardins paysagers ou les paysages jardinés conçus par Gilles Clément ouvrentaujourd’hui une réflexion sur l’un des actes fondateurs de l’humanité : cultiver. Et si le jardinage redevenait au XXIe siècle un mode cultural majeur face à uneagriculture intensive, dont la violence des méthodes signe le déclin ?

Les périphériques vous parlent - n° 32 - 201030

Les périphériques vous parlent - n°32 - 201031

qui paraît mondialiste.

*Gilles Clément, jardinier et botaniste, est àl’initiative de plusieurs types de jardins d’unnouveau type. Il est l’auteur, entre autres,de Éloge des vagabondes - herbes, arbres etfleurs à la conquête du monde (Nil éditions),Nuages (éditions Bayard), Le jardin en mou-vement (Sens & Tonka).

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nage nouveau en rupture absolueavec l’horticulture ou l’agricul -ture dites conventionnelles utili-sant uniquement des implants oudes engrais et pour lesquelles lessols sont des substrats stériles -parce que stérilisés par un certainnombre de toxiques - qu’on nour-rit ensuite artificiellement pour ysemer. Cette approche limite ladiversité à un champ tellementrestreint, que c’est pour moi lecontraire d’un futur heureux, celanous condamne à terme à unesorte de suicide collectif, or nousdépendons trop de cette diversitépour affirmer que nous pourrionsnous en passer.

Les périphériques : Donc, vousêtes parti d’un jardin en mouve-ment, le vôtre, dans la Creuse.Après, si l’on suit la chronologie,c’est le jardin planétaire ?

Gilles Clément : La notion dejardin planétaire est celle de laterre considérée elle-mêmecomme un jardin, et cela pourdeux raisons. La première raisonest que la terre est, on pourraitdire, très “entreprisée”, le regardde l’homme peut couvrir sa surfa-ce de façon globale, pensez auxsatellites, d’où l’on regarde laterre comme un jardin. Ladeuxième raison est liée au faitque le mot “jardin” signifie“enclos”. L’écologie nous apprendque tout est compté et que noussommes dans un système fini. Lafinitude écologique restreint levivant à la biomasse disponible,avec une quantité d’eau qui esttoujours la même. Nous ne perce-vions pas cela auparavant, et c’estassez inquiétant. C’est comme sinous étions dans un enclos. Jejustifie par là le terme “jardin pla-

nétaire”, un terme qui permet deresponsabiliser “les passagers” dela terre, tous les citoyens, dansleur rôle de jardiniers, de lesimpliquer dans le vivant, dansune action de jardinage globale.Chacun de nos gestes a une réper-cussion sur l’état de la qualité dessubstrats, sur la diversité, sur lanourriture, sa qualité. Je ne peuxpas dire “je fais un jardin plané-taire”, mais “je participe à un jar-dinage planétaire”, c’est-à-direpar exemple que je fais en sortequ’il soit écologique, et cela pardes actions diverses comme engarantir la diversité ou éviter legaspillage par un arrosage accru.Plus globalement, étendue au ter-ritoire agricole, la question est lamême : comment peut-on exploi-ter une diversité dont on se sert,s’occupe et dépend, sans ladétruire ? C’est la question que je

Jardins planétaires,jardins en mouvement

Les périphériques vous parlent :Vous parlez de jardin de résistance,de jardin planétaire ou encore dejardin en mouvement. Pouvez-vousen préciser les distinctions ?

Gilles Clément : Je commenceraichronologiquement. Les jardinsen mouvement sont vraimentissus d’une expérimentation sur leterrain à partir de mon proprejardin acheté en 1977, dans laCreuse, mon territoire d’origine.J’avais essayé d’y développer unmode de jardinage qui soit pré-cautionneux de toutes les espècesque je connaissais, puisque c’étaitle milieu où, enfant, j’allais fairedes prélèvements entomolo-giques, botaniques. Avant depouvoir acheter un terrain j’avaismalgré tout travaillé pendantcinq ans selon les méthodes habi-tuelles, mais je me suis vite rendu

compte que je ne pouvais pasappliquer ce que l’on m’avaitappris lors de mes études d’ingé-nieur horticole et de paysagiste,où finalement toutes lesméthodes enseignées étaient vio-lentes, allant contre la nature, aulieu de l’épouser. J’ai pu, aveccette expérience propre, prendreposition, pratiquer et ensuitethéoriser l’idée de “jardin enmouvement” adapté aux échellesde toutes sortes de milieux et declimats.

Le jardinier, dans ce jardin, suit le déplacement physique desespèces sur le terrain, et les dyna-miques, observe les comporte-ments ; il ne les contrarie pasavant de les avoir compris. Je me suis aperçu, par exemple, quecertaines espèces, que j’aimaisbien, avaient tendance à se dépla-cer et à s’éloigner de l’espace quileur était assigné traditionnelle-ment ; je pouvais les retrouverdans un chemin. Je me disaisalors : “dois-je les arracher ou les garder ? auraient-elles changéde statut ? seraient-elles devenues“mauvaises” du seul fait de setrouver sur le chemin ?” J’ai finalement changé le tracé demon chemin et, au final, cetteoption a bouleversé les formes du

jardin. C’est cela le “jardin enmouvement”. Sa philosophie globale est : comment faire le plus possible “avec” et aller lemoins possible “contre” ?.

Les périphériques : En somme,avec un minimum d’interventionhumaine.

Gilles Clément : Peu d’interven-tion humaine, plus d’investisse-ment dans la connaissance desespèces et de leurs comporte-ments : comment une plante dia-logue-t-elle éventuellement avecune autre, comment l’échangeest-il possible avec les animaux ?Il y a des choses très complexesqu’on apprend tous les jours. Unsol d’une épaisseur de 30 à 40 cmest un monde en soi avec énor-mément d’échanges entre lesplantes, les animaux et les micro-organismes. On apprend qu’uneplantule, quand elle germe, émetdes substances qui attirent desbactéries permettant à la plantede mieux croître. Enfin, ce sontdes dialogues fantastiquementcompliqués, mais passionnants !Au bout d’un certain temps, uneplante émet des toxines lui per-mettant de se désherber elle-même, et de refouler les autresplantes ailleurs. S’ensuit un jardi-

Dialogues sur les jardins Entretien avec Gilles Clément*

Les jardins paysagers ou les paysages jardinés conçus par Gilles Clément ouvrentaujourd’hui une réflexion sur l’un des actes fondateurs de l’humanité : cultiver. Et si le jardinage redevenait au XXIe siècle un mode cultural majeur face à uneagriculture intensive, dont la violence des méthodes signe le déclin ?

Les périphériques vous parlent - n° 32 - 201030

Les périphériques vous parlent - n°32 - 201031

qui paraît mondialiste.

*Gilles Clément, jardinier et botaniste, est àl’initiative de plusieurs types de jardins d’unnouveau type. Il est l’auteur, entre autres,de Éloge des vagabondes - herbes, arbres etfleurs à la conquête du monde (Nil éditions),Nuages (éditions Bayard), Le jardin en mou-vement (Sens & Tonka).

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Quand le monde entier est égaré, qui pourrait encore le troubler ? Lie-tseu

Le monde a été créé par des idiotsafin que les sages puissent y vivre.Oscar Wilde

Olivier Culmann / Tendance Floue

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Quand le monde entier est égaré, qui pourrait encore le troubler ? Lie-tseu

Le monde a été créé par des idiotsafin que les sages puissent y vivre.Oscar Wilde

Olivier Culmann / Tendance Floue

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avec des particules de ce type. Ladifférence réside dans le fait queles nanoparticules, quant à elles,sont fabriquées volontairementpour un usage particulier, pourl’industrie, pour la médecine…

Les périphériques : On les fabriqueintentionnellement afin qu’elleschangent de propriétés également ?

Francelyne Marano : En fait,oui, c’est ce qu’il y a de remar-quable dans le domaine de la

nanotechnologie. Prenons le casdu carbone. Une particule de car-bone dont le diamètre est d’unmicromètre et une autre particulede carbone dont le diamètre estpar exemple de 10 nanomètres,n’ont pas les mêmes propriétés,alors qu’elles sont chimiquementde même nature. Il y a donc unedifférence qui tient à la taille et àce qu’on appelle la réactivité desurface de ces nanomatériaux, quileur confère des propriétésnotoires par rapport à l’environ-

nement et au vivant. Ces proprié-tés sont intéressantes bien sûrpour toute utilisation industrielle,mais elles ont aussi leur côté néga-tif. Si l’on rentre en contact avecces nanoparticules, sans l’avoirvoulu, par voie respiratoire, par lapeau, ou encore dans le tubedigestif, ces nanoparticules, quiont la propriété de détruire desbactéries ou des spores, vont sus-citer des réponses biologiquessimilaires de destruction. C’est làle problème.

Définitions, propriétés etcaractéristiques

Les périphériques vous parlent :Comment définir les nanomaté-riaux, les nanoparticules ?

Francelyne Marano : En fait,nanoparticules, nanomatériaux,ce n’est pas exactement la mêmechose. Les nanoparticules sontdes particules dont l’une desdimensions est égale ou inférieureà 100 nanomètres1. Certainsconsidèrent qu’on peut aller au-delà, jusqu’à 200 nanomètres,mais il faut au moins une dimen-sion de taille de niveau nanomé-trique. Sont classées dans lesnanoparticules, celles de typesphérique, mais celles aussi detype allongé, les nanotubes, dontle diamètre est égal ou inférieur à100 nanomètres. Ceux-ci peu-vent avoir des longueurs beau-coup plus grandes jusqu’à

quelques micromètres2, c’est-à-dire une taille 10 ou 100 foissupérieure à la dimension définis-sant la nanoparticule. Ces nano-particules sont ensuite intégréesdans des nanomatériaux pour for-mer des structures plus ou moinscomplexes, comme par exemple,en électronique, des sortes de fila-ments qui permettront ensuite defaire circuler des électrons ouautre chose. Elles sont égalementutilisées en nanomédecine pour letransport des médicaments, ouencore incluses dans du ciment,de l’acier, etc. Les nanoparticulesd’argent, qui ont un pouvoir bac-téricide, servent par exemple pourdes traitements de surface, pourdes tissus, des claviers d’ordina-teur ; à l’intérieur de réfrigéra-teurs elles sont utilisées, pour leurpropriétés en quelque sorte net-toyantes, comme revêtementpour éviter le développement decontaminants pour les aliments.Elles entrent également dans lacomposition de matériaux extrê-mement légers, mais très résis-tants, comme les raquettes de

tennis, les cadres de vélo. Leursremarquables propriétés les desti-nent à de multiples utilisations.

Les périphériques : Ces propriétéssont-elles issues de manipulations ?

Francelyne Marano : En fait, cesnanoparticules, à la différence desparticules ultra fines que l’ontrouve dans l’environnement engénéral, sont fabriquées artificiel-lement : c’est la différence avec lescontaminants particulaires qu’ontrouve dans l’atmosphère (icidans cette pièce où nous noustrouvons, il doit y en avoir pasmal). Les particules ultra finesont les mêmes types de caractéris-tiques en dimension que lesnanoparticules manufacturées,mais ne sont pas fabriquées inten-tionnellement, elles sont pro-duites au cours de processus dedégradation, d’usure. Les cendresvolcaniques du volcan en Islandeont, par exemple, émis des parti-cules ultra fines comme celless’échappant des moteurs Diesel.On est en permanence en contact

Nanotechnologies : entre promesses et périlsEntretien avec Francelyne Marano*

La fulgurance avec laquelle les nanotechnologies se sont développées cesdernières années a différé la mise en place des législations et des dispositifs dediagnostics et d’évaluations toxicologiques des milliers de produits disponiblessur le marché. Comme avec l’amiante, les OGM ou encore la téléphonie mobile,l’innovation industrielle a précédé toute forme de contrôle visant à vérifier lanocuité ou l’innocuité de composants lâchés dans la nature. Au-delà du pour oucontre les nanotechnologies, les enjeux aujourd’hui concernent la maîtrise socialedes ingéniosités technologiques aux effets sanitaires encore peu connus.

Les périphériques vous parlent - n° 32 - 201048

Les périphériques vous parlent - n°32 - 201049

*Francelyne Marano est biologiste toxico-logue, directrice du laboratoire de cytophysio-logie et de toxicologie à l’Université Paris VII.

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Cul

man

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Tend

ance

Flo

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Elles espèrent ainsi

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avec des particules de ce type. Ladifférence réside dans le fait queles nanoparticules, quant à elles,sont fabriquées volontairementpour un usage particulier, pourl’industrie, pour la médecine…

Les périphériques : On les fabriqueintentionnellement afin qu’elleschangent de propriétés également ?

Francelyne Marano : En fait,oui, c’est ce qu’il y a de remar-quable dans le domaine de la

nanotechnologie. Prenons le casdu carbone. Une particule de car-bone dont le diamètre est d’unmicromètre et une autre particulede carbone dont le diamètre estpar exemple de 10 nanomètres,n’ont pas les mêmes propriétés,alors qu’elles sont chimiquementde même nature. Il y a donc unedifférence qui tient à la taille et àce qu’on appelle la réactivité desurface de ces nanomatériaux, quileur confère des propriétésnotoires par rapport à l’environ-

nement et au vivant. Ces proprié-tés sont intéressantes bien sûrpour toute utilisation industrielle,mais elles ont aussi leur côté néga-tif. Si l’on rentre en contact avecces nanoparticules, sans l’avoirvoulu, par voie respiratoire, par lapeau, ou encore dans le tubedigestif, ces nanoparticules, quiont la propriété de détruire desbactéries ou des spores, vont sus-citer des réponses biologiquessimilaires de destruction. C’est làle problème.

Définitions, propriétés etcaractéristiques

Les périphériques vous parlent :Comment définir les nanomaté-riaux, les nanoparticules ?

Francelyne Marano : En fait,nanoparticules, nanomatériaux,ce n’est pas exactement la mêmechose. Les nanoparticules sontdes particules dont l’une desdimensions est égale ou inférieureà 100 nanomètres1. Certainsconsidèrent qu’on peut aller au-delà, jusqu’à 200 nanomètres,mais il faut au moins une dimen-sion de taille de niveau nanomé-trique. Sont classées dans lesnanoparticules, celles de typesphérique, mais celles aussi detype allongé, les nanotubes, dontle diamètre est égal ou inférieur à100 nanomètres. Ceux-ci peu-vent avoir des longueurs beau-coup plus grandes jusqu’à

quelques micromètres2, c’est-à-dire une taille 10 ou 100 foissupérieure à la dimension définis-sant la nanoparticule. Ces nano-particules sont ensuite intégréesdans des nanomatériaux pour for-mer des structures plus ou moinscomplexes, comme par exemple,en électronique, des sortes de fila-ments qui permettront ensuite defaire circuler des électrons ouautre chose. Elles sont égalementutilisées en nanomédecine pour letransport des médicaments, ouencore incluses dans du ciment,de l’acier, etc. Les nanoparticulesd’argent, qui ont un pouvoir bac-téricide, servent par exemple pourdes traitements de surface, pourdes tissus, des claviers d’ordina-teur ; à l’intérieur de réfrigéra-teurs elles sont utilisées, pour leurpropriétés en quelque sorte net-toyantes, comme revêtementpour éviter le développement decontaminants pour les aliments.Elles entrent également dans lacomposition de matériaux extrê-mement légers, mais très résis-tants, comme les raquettes de

tennis, les cadres de vélo. Leursremarquables propriétés les desti-nent à de multiples utilisations.

Les périphériques : Ces propriétéssont-elles issues de manipulations ?

Francelyne Marano : En fait, cesnanoparticules, à la différence desparticules ultra fines que l’ontrouve dans l’environnement engénéral, sont fabriquées artificiel-lement : c’est la différence avec lescontaminants particulaires qu’ontrouve dans l’atmosphère (icidans cette pièce où nous noustrouvons, il doit y en avoir pasmal). Les particules ultra finesont les mêmes types de caractéris-tiques en dimension que lesnanoparticules manufacturées,mais ne sont pas fabriquées inten-tionnellement, elles sont pro-duites au cours de processus dedégradation, d’usure. Les cendresvolcaniques du volcan en Islandeont, par exemple, émis des parti-cules ultra fines comme celless’échappant des moteurs Diesel.On est en permanence en contact

Nanotechnologies : entre promesses et périlsEntretien avec Francelyne Marano*

La fulgurance avec laquelle les nanotechnologies se sont développées cesdernières années a différé la mise en place des législations et des dispositifs dediagnostics et d’évaluations toxicologiques des milliers de produits disponiblessur le marché. Comme avec l’amiante, les OGM ou encore la téléphonie mobile,l’innovation industrielle a précédé toute forme de contrôle visant à vérifier lanocuité ou l’innocuité de composants lâchés dans la nature. Au-delà du pour oucontre les nanotechnologies, les enjeux aujourd’hui concernent la maîtrise socialedes ingéniosités technologiques aux effets sanitaires encore peu connus.

Les périphériques vous parlent - n° 32 - 201048

Les périphériques vous parlent - n°32 - 201049

*Francelyne Marano est biologiste toxico-logue, directrice du laboratoire de cytophysio-logie et de toxicologie à l’Université Paris VII.

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