images, chiffres et relations d'altérité. passeurs de drogue étrangers au pérou

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1 UNIVERSITÉ CATHOLIQUE DE LOUVAIN École de Criminologie Images, chiffres et relations d’altérité Le paradigme de l’«efficacité» dans la construction de la criminalité des passeurs de drogue d’origine étrangère au Pérou Promoteur: Mémoire présenté en vue de Professeur D. Kaminski l’obtention du diplôme de Master en Criminologie. Par Lucía Nuñovero Cisneros Louvain-la-neuve, juillet 2009

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Le présent travail porte sur la construction de la criminalité des passeurs de drogue d’origine étrangère au Pérou.La révision de la littérature nous invite à considérer trois piliers fondamentaux pour notre recherche. Premièrement, notre inscription dans la ligne des travaux en criminologie qui considèrent la réalité sociale comme quelque chose de construit. Ces travaux s’intéressent aux institutions chargées de la répression du crime de même qu’à la diversité d’acteurs, y compris les chercheurs, qui participent de la construction du crime. Deuxièmement, face aux travaux sur la criminalité liée au trafic de drogue qui se servent sans grande réflexivité des statistiques produites par les agences de la répression, nous considérons ces statistiques de « criminalité » comme images d’un processus de criminalisation qui peut être étudié à travers le discours des acteurs qui y participent. Finalement, les recherches qui traitent le thème « étrangers » nous préviennent de contribuer à fixer des identités selon les catégories sociales utilisées par les agences de l’État et la société. Elles nous proposent aussi une approche discursive et dynamique pour rendre compte de la construction d’images d’altérité ou identité individuelles ou collectives.

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Page 1: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

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UNIVERSITÉ CATHOLIQUE DE LOUVAIN

École de Criminologie

Images, chiffres et relations d’altérité

Le paradigme de l’«efficacité» dans la construction de la criminalité

des passeurs de drogue d’origine étrangère au Pérou

Promoteur: Mémoire présenté en vue de

Professeur D. Kaminski l’obtention du diplôme de

Master en Criminologie.

Par Lucía Nuñovero Cisneros

Louvain-la-neuve, juillet 2009

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Et si vous aviez compris ce que signifie : C’est la miséricorde que je veux, et non le

sacrifice, vous n’auriez pas condamné des gens qui sont sans faute. (Matthieu 12, 7)

Remerciements : À Dieu, à Jésus et à l’Esprit Saint pour son inspiration. À ma famille,

mon père José, ma mère Betty et mon frère Nicolás pour m’avoir soutenue et

encouragée pendant mes études en Belgique.

À Mr. Dan Kaminski pour sa compréhension et pour m’avoir enseigné à conjuguer

l’humain avec le social. À Mme. Fabienne Brion pour l’aide apportée dans son

domaine. À Victor Vargas-Machuca, Jorge Ramírez, Maria Isabel Calderón, Isabel

Berganza et Ana Solórzano pour m’avoir aidé à réaliser le travail de terrain et pour

avoir nourri mes inquiétudes scientifiques. À sœur Mercedes et à Monseigneur Irizar,

Évêque du Callao, pour m’avoir permis de découvrir la réalité humaine des prisons de

Callao et de Chorrillos. Au Dr. Victor Prado Saldarriaga pour sa disponibilité généreuse

à m’orienter dans le domaine du trafic de drogue au Pérou. À mon amie Ilia D’Hondt

pour m’avoir apporté une aide très précieuse dans la rédaction et la correction de ce

manuscrit.

Aux autorités de la Cour Supérieure du Callao, de l’Institut National Pénitentiaire

(INPE), de DIRANDRO-AIJCH, du bureau de l’ONUCD-Perú et de l’Ombudsman

péruvien d’affaires pénales pour m’avoir orientée et aidée dans le recueil

d’informations. À toutes les personnes interviewées : parquets, policiers, juges, avocats,

psychologues, assistants sociaux, fonctionnaires, merci pour votre investissement

sincère. À toutes les personnes d’origine étrangère que j’ai connues dans les prisons de

Chorrillos, Lurigancho et Callao, merci d’avoir partagé avec moi vos souffrances, elles

me rappelleront toujours le mystère de ma profession.

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TABLE DE MATIÈRES

INTRODUCTION…………………………………………………... 8 CHAPITRE I : Préalables théoriques et méthodologiques………. 12 1.1. La criminalité liée aux drogues et à l’origine étrangère comme des objets socialement construits…………………………………….. 12 1.1.1. L’approche constructiviste dans le champ de la criminologie…………….. 12 1.1.2. L’étude du trafic de drogue en termes de criminalité……….…………….. 14 1.1.3. L’approche qualitative du trafic de drogue.……………………………….. 15 1.1.4. La construction discursive de la catégorie sociologique d’ « étranger »….. 16 1.2. La relevance d’une approche compréhensive et constructiviste du trafic de cocaïne au Pérou………………………… 18

1.2.1. L’approche interdisciplinaire du trafic de drogues……………………….. 18 1.2.2. Les savoirs économico-descriptifs sur le trafic international de cocaïne et le Pérou………………………………………………………………... 19 1.2.3. Difficultés de l’étude du trafic illicite de cocaïne au Pérou………………. 22

1.3. Méthodologie du travail…………………………………………. 24 CHAPITRE II : Repères historico-législatifs…………………….. 26

2.1. Avant le conflit………………………………………………….. 26 2.2. Pendant la crise et le conflit……………………………………... 27 2.3. Le challenge démocratique……………………………………… 29 CHAPITRE III : Images d’une « criminalité » : Évolution et caractéristiques des étrangers incarcérés pour trafic de drogue au Pérou…………………………………………………… 30 3.1. L’évolution de la population pénitentiaire au Pérou……………. 30 3.2. L’évolution du trafic de drogue parmi les délits plus représentés. 31 3.3. La population pénitentiaire d’origine étrangère liée au trafic ….. 32 de drogue……………………………………………………………. 33 3.4. Les étrangers dans la population des passeurs de drogue des Établissements Pénitentiaires du Callao et Chorrillos......……….. 39

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CHAPITRE IV : Une activité plus efficace de la police antidrogue…………………………………………………………… 44 4.1. La police comme institution de l’État péruvien…………………. 44

4.1.1. Brève histoire de la police nationale du Pérou……………………………. 44 4.1.2. La direction antidrogue et l’unité antidrogue de l’aéroport……………..… 50

4.2. Les actions à l’aéroport comme des activités efficaces contre le trafic de drogue.…………………………………….......………...….. 53 4.2.1. L’activité de la Police vue à travers les statistiques……………………….. 53 a) Trois étapes d’enregistrement des activités……………………………………. 54 b) Diminution des délits ou de l’activité de la police…………………………….. 54 c) Inexactitudes et reformes………………………………………………………. 54 d) Diminution du total d’arrestations……………………………………………. 56

4.2.2. L’augmentation et corrélation des activités de répression du trafic de drogue.………………….……………………………………………………….. 56

4.2.3. Développement d’indicateurs d’activité efficace en matière de drogues….. 58 a) De la drogue saisie vers le chlorhydrate de cocaïne saisi……………………… 58 b) Des arrestations pour trafic de drogue aux arrestations pour trafic proprement dit…………………………………………………………………..... 61 c) Localisations des activités efficaces de la PNP en matière de drogue……….... 63

4.2.4. Caractérisation des sujets par la division antidrogue de l'aéroport……....... 68 CHAPITRE V : La dynamique de construction d’une image de « détenu étranger pour trafic de drogue »…….………………….. 73 5.1. Relations sociales à propos d’une criminalité…………………… 74 5.1.1. Moment policier…………...……………………………………………… 74 a) Policiers et personnes suspectées de trafic de drogue………………………... 74 b) Policiers et parquets antidrogue……………………………………………… 74 c) Policiers et agents internationaux……………………………………………... 75 d) Policiers et travailleurs de sécurité de l’aéroport Jorge Chavez……………… 78 e) Policiers et journalistes………………………………………………………… 79

5.1.2. Moment judiciaire………………………………………………………… 81 a) Parquets et juges………………………………………………………………. 82 b) Relation tripartite avec les passeurs de drogue.…………………….…………. 83 c) Parquets et acteurs du moment policier……………………………………..… 87 d) Juges et acteurs-preuve………………………………………………………... 88 e) Magistrats et opinion publique………………………………………………… 89

5.1.3. Moment pénitentiaire……………………………………………………… 90 a) Relations de pouvoir au sein des prisons péruviennes………….……………... 90

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b) Fonctionnaires pénitentiaires et journalistes…………………………………... 91 c) Personne détenue étrangère et détenus étrangers……………………………… 92 d) Détenus étrangers et détenus nationaux……………………………………….. 92 e) Détenus et fonctionnaires……………………………………………………… 93 f) Fonctionnaires et magistrats…………………………………………………… 94 g) Les médiateurs entre les détenus étrangers et les fonctionnaires……………… 95 5.1.4. Moment politique…………………………………………………………. 97 a) Le bureau des Nations Unies contre la drogue et le crime au Pérou…………. 98 b) L’ombudsman péruvien pour les affaires pénales et pénitentiaires…………… 99 5.2. Dynamique pendulaire et mobilisation d’image d’un « autre »…100 5.2.1. Moment policier: profils, conflictualité, quantités et images lights……… 102 5.2.2. Moment judiciaire : précarité économique, engorgement et position moins défavorable………………………………………………………………… 105 5.2.3. Moment pénitentiaire : traits antisociaux, précarité économique relativisée et conflictualité exacerbée ………………………………………...….. 108 5.2.4. Moment politique : Dichotomie d’images et relations…………………… 112 5.2.5. Dynamique altérité-identité et résistance au paradigme actuariel………... 114 CONCLUSION………………………………………………………119 BIBLIOGRAPHIE………………………………………………….. 121 ANNEXE 1 : Entretiens menés……………………………………...127 ANNEXE 2 : Relations sociales selon Bajoit...….……..………….. 128 ANNEXE 3 : Chronologie de la législation sur le trafic de drogue au Pérou………………………………………………………………130

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LISTE DE TABLEAUX

Tableau 1 : Offre mondiale de cocaïne

Tableau 2 : Cocaïne saisie et routes mondiales de la cocaïne en 2008.

Tableau 3 : Les routes de la cocaïne au Pérou

Tableau 4 : Marché de la coca au Pérou

Tableau 5 : Évolution de la population pénitentiaire au Pérou et à Lima 1974 -2007

Tableau 6 : Population pénitentiaire nationale selon la situation juridique 1975-2008

Tableau 7 : Population pénitentiaire nationale selon la catégorie de délits 1990-2008

Tableau 8 : Population pénitentiaire nationale pour trafic de drogue en 1998, 2000 et

2005

Tableau 9 : Provenance de la population pénitentiaire en 1987

Tableau 10 : Population pénitentiaire d'origine étrangère en 1987

Tableau 11 : Incidence des délits selon la nationalité en 1987

Tableau 12 : Population pénitentiaire de nationalité étrangère selon la direction

régionale, les EP du département de Lima, la situation juridique et le sexe 2002-2008

Tableau 13: Population Pénitentiaire selon la nationalité en 2008

Tableau 14 : Sexe et situation juridique de la population pénitentiaire totale et de la

population d’origine étrangère en 2008

Tableau 15 : Population pénitentiaire de nationalité étrangère par continent 2002-2008

Tableau 16 : Population pénitentiaire de nationalité étrangère par continent en Janvier

2002, Mai 2003, Juillet 2004 et Janvier 2008

Tableau 17 : Segments de la population pénitentiaire pour trafic de drogue (TID) en

2004

Tableau 18 : Population pénitentiaire totale, population pour trafic de drogue et

population d’étrangers pour TID en 2004

Tableau 19 : Population pénitentiaire de nationalité étrangère pour trafic illégal de

drogue en 1993, 2003 et 2005

Tableau 20 : Drogue transportée par les passeurs

Tableau 21 : Somme attendue par les passeurs

Tableau 22 : Organisation de tâches de la Police Nationale Péruvienne en 1991

Tableau 23 : Organisation de la Police Nationale Péruvienne en 1991

Tableau 24 : Organigramme actuel de la Police Nationale du Pérou

Tableau 25 : Direction Nationale antidrogue de la PNP à Janvier 2009

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Tableau 26 : Direction Antidrogue de la PNP à Juin 2009

Tableau 27 : Interventions en délits / Délits registrés par la PNP 1963-2008

Tableau 28 : Nombre d’arrestations à niveau national par la PNP 1963-2008

Tableau 29 : Interventions pour délit de trafic de drogue 1968-2006

Tableau 30 : Nombre d’arrestations pour trafic de drogue 1963-2008

Tableau 31 : Total de drogue et de chlorhydrate de cocaïne saisis par la PNP 1979-2007

Tableau 32 : Chlorhydrate de cocaïne et autres drogues saisis par la PNP 1979-2006

Tableau 33 : Personnes arrêtées pour TID selon le sexe 1980-2006 et selon la

nationalité 1980-1991

Tableau 34 : Catégories d’arrestations pour trafic de drogue 1994-2007

Tableau 35 : Localisation des activités efficaces en matière de drogues 1983-1991

Tableau 36 : Localisation des activités efficaces en matière de drogues 1992-1998

Tableau 37 : Localisation des activités efficaces en matière de drogues 1999-2006

Tableau 38 : Personnes arrêtées pour trafic et consommation au niveau national, pour

trafic proprement dit et pour trafic proprement dit à l’aéroport 1994-2006

Tableau 39 : Efficacité des activités de répression en matière de drogues á niveau

national et des activités menées à l’aéroport 1999-2006

Tableau 40 : Activités de l’unité policière antidrogue de l'aéroport

Tableau 41 : Personnes arrêtées à l’aéroport selon le sexe 1999-2008

Tableau 42 : Personnes arrêtées à l’aéroport selon la nationalité 1999-2008

Tableau 43 : Interventions selon le type d’intervention et la modalité du délit

Tableau 44 : Principales nationalités des personnes arrêtées à l'aéroport pour trafic de

drogue

Tableau 45 : Principales destinations des personnes arrêtées à l'aéroport pour trafic de

drogue

Tableau 46 : Principales interactions et relation d’altérité/identité du moment policier

Tableau 47 : Images d’arrestations d’étrangers à l’aéroport Jorge Chàvez

Tableau 48: Principales interactions et relation d’altérité/identité du moment judiciaire

Tableau 49 : Images de détenues passeurs de drogue en E.P. de Chorrillos - 1996

Tableau 50 : Principales interactions et relation d’altérité/identité du moment

pénitentiaire

Tableau 51: Principales interactions et relation d’altérité/identité du moment politique

Tableau 52: Dynamique de relation altérité/identité à l’égard des étrangers détenus pour

trafic de drogue.

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INTRODUCTION

Le présent travail porte sur la construction de la criminalité des passeurs de drogue

d’origine étrangère au Pérou.

La révision de la littérature nous invite à considérer trois piliers fondamentaux pour

notre recherche. Premièrement, notre inscription dans la ligne des travaux en

criminologie qui considèrent la réalité sociale comme quelque chose de construit. Ces

travaux s’intéressent aux institutions chargées de la répression du crime de même qu’à

la diversité d’acteurs, y compris les chercheurs, qui participent de la construction du

crime. Deuxièmement, face aux travaux sur la criminalité liée au trafic de drogue qui se

servent sans grande réflexivité des statistiques produites par les agences de la

répression, nous considérons ces statistiques de « criminalité » comme images d’un

processus de criminalisation qui peut être étudié à travers le discours des acteurs qui y

participent. Finalement, les recherches qui traitent le thème « étrangers » nous

préviennent de contribuer à fixer des identités selon les catégories sociales utilisées par

les agences de l’État et la société. Elles nous proposent aussi une approche discursive et

dynamique pour rendre compte de la construction d’images d’altérité ou identité

individuelles ou collectives.

Ainsi, notre question de recherche est la suivante : Comment peut-on expliquer la

construction d’une criminalité liée au trafic de drogue dont les étrangers sont

surreprésentés ? Tout en sachant que le chercheur peut contribuer a cette construction

par la propre activité, le propos de ce mémoire se concentrera a) sur la production des

statistiques de criminalité au cœur d’une dynamique historique impliquant les

institutions pénales, en particulier la police péruvienne et b) sur les relations entre les

acteurs de cette dynamique.

En effet, à cette question nous proposons de répondre à travers une démarche inductive

essentiellement qualitative. Deux autres choix méthodologiques ont été adoptés.

Premièrement, viser deux types de progressions temporelles : Une dynamique

historique, qui sera saisie à travers l’étude de la bibliographie pertinente et une

dynamique actuelle, qui sera saisie à travers la réalisation d’entretiens semi-structurés

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aux acteurs des institutions qui rencontrent cette « criminalité». Nous avons opté pour

que cette dimension historique soit suffisamment vaste, parce que pour nous elle est

révélatrice d’enjeux politiques et globaux qui agissent dans les micro-cosmos de nos

interviewés. Deuxièmement, nous avons opté pour construire une chronologie des lois

sur le trafic de drogues au Pérou comme source de repères pour notre démarche afin de

coïncider avec la théorie qui distingue la création de lois (criminalisation primaire) de

leur mise en œuvre (criminalisation secondaire).

Une précision importante quant au corpus traité. Pendant le travail de terrain réalisé

entre Juin et Septembre 2008 au Pérou, nous avons recueilli des statistiques nationales

et internationales sur la matière, ainsi que compilé des recherches sur le trafic de

drogues et les institutions pénales au Pérou. Notre court séjour nous a aussi permis de

nous entretenir avec 20 personnes des différentes institutions. Ces deux types de corpus

contribuent à deux lignes d’analyse qui se distinguent. Dans la première, nous nous

sommes concentrées sur l’étude du rôle de la police, agence qui démarre le processus de

criminalisation. Elle nous intéresse en tant qu’institution et organisation conductrice

d’activités de répression et productrice de statistiques. Dans la deuxième, le corpus

discursif nous sert à comprendre le type de relations nouées entre les différents acteurs

(policiers, parquets, agents internationaux, détenus, etc.) et la dynamique de

construction d’images d’altérité. Nous avons réalisé cette analyse à la lumière de notre

expérience de trois ans dans un projet d’assistance sociale et juridique aux personnes

détenues dans les prisons de Callao et Chorrillos. L’hypothèse finale est issue de ces

deux lignes d’analyse et essaie de relier les deux progressions temporelles dont on a

parlé en haut.

Nous pouvons déjà anticiper la thèse que nous allons développer tout au long de ce

travail mais qui n’est devenue claire qu’à la fin de notre démarche. Nous soutenons

qu’une dynamique qui implique le paradigme de l’ « efficacité » explique la

construction d’une criminalité de passeurs de drogue d’origine étrangère au Pérou. Ce

paradigme, que Harcourt appelle actuariel et se rapproche de la Nouvelle Pénologie, est

caractérisé par l’emploi d’instruments quantitatifs, par l’effacement de la singularité et

de l’approche clinique, par une efficacité apparente, par la généralisation des traits

antisociaux et par l’élaboration de profils criminels. Pour nous, le déploiement de ce

paradigme, explique la série d’aménagements que les unités antidrogue de la police

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péruvienne ont connue depuis les années 90 et le développement de relations du type

d’altérité conflictuelle entre les acteurs de la criminalisation secondaire et les

« étrangers détenus pour trafic de drogue ». Cependant, un autre mouvement cette fois-

ci contraire à ce paradigme, explique les relations d’identité ou de solidarité à l’égard de

ces personnes.

Notre travail est divisé en cinq chapitres. Le premier chapitre présente les préalables

théoriques et méthodologiques de notre recherche. Dans une première section nous

allons réviser l’apport du constructivisme dans la criminologie et distinguer deux

approches du trafic de drogue : celui qui examine le trafic de drogue à partir des

statistiques produites pour les agences de répression et celui que l’on peut appeler une

approche qualitative ou constructivo-compréhensive qui se distingue par une réflexivité

plus poussée et l’utilisation des outils qualitatifs. Nous préciserons aussi notre position

pour le traitement de l’« étranger », comme objet de questionnement. La deuxième

section présente les limitations des recherches menées au Pérou dans le domaine, tant

économico-descriptives que constructivo-compréhensives. Inscrites dans cette dernière

ligne nous allons expliciter la méthodologie que nous avons utilisée.

Le deuxième chapitre présente une chronologie des législations nationales sur le trafic

de drogue. Elle est issue d’un travail de compilation et analyse des lois et proposée

comme source de repères historico-juridiques de notre construction. Dans le troisième

chapitre, nous allons décrire la criminalité d’étrangers pour trafic de drogue au Pérou

comme un phénomène qui apparaît récemment dans le panorama de statistiques

pénitentiaires du Pérou et notamment dans le segment qui est lié au trafic de drogue. Ici

dans la mesure du possible nous incorporons des statistiques officielles en proposant des

tableaux qui soulignent la perspective temporelle historique.

Le quatrième chapitre essaiera d’interpréter à l’aide d’éléments historiques et

statistiques le rôle de la police dans la construction de cette criminalité. Dans cette

perspective, une étude de la bibliographie sur l’histoire de la police nationale

péruvienne cherchera à identifier sa consistance institutionnelle et organisationnelle.

Ensuite, une lecture des statistiques élaborées par la police en matière de drogues nous

permettra d’expliquer le développement des activités réalisées par les cellules

spécialisées en détection de passeurs internationaux de drogue, figure qui concerne une

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bonne proportion de cette criminalité. À nouveau, la construction des tableaux de

statistiques qui traversent les différents régimes et gouvernements est un outil

d’interprétation non négligeable.

Le cinquième chapitre vise à comprendre, à partir de l’analyse d’entretiens, la

dynamique de construction d’une image de criminalité à laquelle participent les

différents acteurs de la criminalisation. Notre expérience nous a permis d’interpréter le

travail et la vision de ces acteurs. Dans un premier paragraphe quatre moments de

relations entre les acteurs seront explicités. La deuxième partie du chapitre s’attardera à

la relation d’inégalité et l’image d’altérité qui traversent ces quatre moments. Une

dynamique relie les mouvements d’altérité conflictuelle et d’identification solidaire

déployés à l’égard des personnes qui appartiennent à cette catégorie d’étrangers détenus

pour trafic de drogue. Finalement, notre conclusion ressort de l’intégration de cette

dynamique au sein d’un processus plus large qui incorpore nos conclusions sur le rôle

de la police et les enjeux historiques et institutionnels étudiés auparavant.

Nous aimerions que ce travail soit considéré comme un effort d’intégration des savoirs

sur la réalité péruvienne de même qu’un essai d’application d’une méthodologie adaptée

à cette réalité à un des plus graves problèmes du Pérou et de l’humanité.

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CHAPITRE I : Préalables théoriques et méthodologiques 1.1. La criminalité liée aux drogues et à l’origine étrangère comme des objets socialement construits

Le paradigme constructiviste conçoit les objets que nous présente la réalité comme des

entités socialement construites, et donne au chercheur la tâche d'analyser les processus

par lequel ils ont été construits (BERGER & LUCKMANN : 1966). L’influence de

cette perspective dans le champ de la criminologie va de l’étude des institutions de

l’État à l’intérêt pour l’interrelation entre la diversité d’acteurs, y compris les

chercheurs, qui construisent le crime. Par exemple, elle invite à essayer des explications

compréhensives des processus globaux et locaux de construction d’une population

pénitentiaire.

D’une part, les recherches sur le trafic de drogues en termes de criminalité, à force

d’utiliser les statistiques des institutions répressives, risquent d’emprunter sans grande

réflexivité des catégories d’analyse de l’État et la société, et de se consacrer aux

constats des corrélations d’évolution ou aux descriptions des profils. On en trouve un

exemple dans l’étude du drug courrier profile.

D’autre part, les auteurs qui ont emprunté une approche constructiviste ont souligné

l’importance des enjeux politiques et sociaux de même que du rôle des institutions de

répression dans la criminalisation d’individus pour trafic de drogues. Une étude

complète devrait aussi approcher les discours des acteurs du terrain et mener une

analyse soucieuse de toute réduction des subjectivités aux catégories sociologiques.

L’utilisation des catégories de nationalité pour décrire une criminalité liée au trafic de

drogue au Pérou nous invite à tenter d’expliquer à partir de l’analyse des discours d’une

diversité d’acteurs comment s’opère la construction de cette image d’étranger

justiciable.

1.1.1. L’approche constructiviste dans le champ de la criminologie

En criminologie, les auteurs d’une approche sociologique du crime, se sont rendus

compte de comment il est difficile de distinguer, souvent sur le terrain, ce qu’on trouve

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en tant que comportement et ce qui constitue une étiquette qualificative de déviance ou

de crime. Deux termes se sont forgés pour expliciter l’action de l’État et de la société à

l’égard du comportement: l’incrimination ou criminalisation primaire, qui correspond à

l'étude de la législation qui définit le crime, et la criminalisation secondaire qui

correspond à l’étude de la mise en œuvre de la loi à travers des institutions qui sont

chargées de la répression. (BARATTA : 1982).

Conduit à l'extrême, l’accent mis sur la participation de certains acteurs de l’État dans la

construction du crime peut mener à réduire l’objet de la criminologie à une évaluation

critique de l’action de l’État et ses institutions, à une évaluation de l’efficacité de ces

acteurs et conduites, ou encore aux questionnements sur la légitimation des lois. Cet

extrémisme néglige la genèse des comportements problématiques et leur remède

(DIGNEFFE : 1992, BERGALLI : 1991, LACEY : 1997).

Dans la quête d’une nouvelle théorie du crime, certains auteurs ont précisé que l’étude

du processus de construction du crime, n’est que l’analyse d’un jeu d’acteurs : auteur,

victime, société, professionnels publics et privés, etc., ou la récupération de la

dynamique qui relie ces acteurs et leurs actions interdépendantes (ROBERT: 2005). En

plus, du fait que les outils criminologiques peuvent contribuer à fixer les rôles ou les

caractéristiques des individus, les auteurs ont approfondi la consigne réflexive

qu’interpelle leur propre contribution comme spécialistes ou chercheurs dans cette

construction (SHAPLAND : 1994).

Snacken a étudié les populations pénitentiaires comme conséquences d’un processus au

sein duquel des facteurs internes au système de justice pénale, tels que la législation, se

combinent aux facteurs intermédiaires politiques et médiatiques et des facteurs externes

démographiques et économiques (SNACKEN : 1995). Cette approche nous semble

intéressante parce qu’une liaison est construite entre la criminalisation et la criminalité.

Cette dernière, en tant que statistique n’est qu’une image d’un processus de

criminalisation et peut être expliquée d’une façon compréhensive et constructiviste.

Combessie formule l’idée d’un processus de construction d’un taux de criminalité, en

distinguant un plan micro ou local des dynamiques entre les acteurs directement

concernés (policiers ou juges d'un arrondissement) d’un plan macro ou global de

Page 14: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

14

rapports entre les institutions d’une société. L’auteur propose qu’une population

pénitentiaire particulière, souvent définie par un profil social (sexe, âge, statut social,

niveau scolaire, pauvreté, lien familier, et nationalité) peut être expliquée

rétrospectivement par ce qui se passe en amont, par les pratiques des professionnels du

maintien de l’ordre qui atteignent telle population, mais aussi par la législation pénale

au sein d’un approche globale qui l’incorpore dans l’ensemble pénal d’une société

(COMBESSIE : 2001).

1.1.2. L’étude du trafic de drogue en termes de criminalité

Au moins deux versants de la criminalité liée à la drogue peuvent être distingués, des

infractions à la législation sur la drogue et les délits commis sous l’influence de drogues

illicites. À ces deux-ci, aujourd’hui la majorité des chercheurs et agences internationales

ajoutent deux autres catégories : les délits commis par les usagers pour maintenir leur

consommation et les crimes systémiques découlant du fonctionnement des marchés

illicites (combats pour protéger les territoires, corruption des autorités, etc.)

(SCHMALLEGER : 1996, DE RUYVER : 2009).

Quant à la criminalité constituée par les infractions à la législation sur la drogue,

certaines recherches se sont intéressées à son évolution au cours des dernières

décennies. Certains auteurs ont mis en rapport l’évolution du taux d’incarcération pour

délits de drogues avec l’évolution de la consommation de drogues, les prix de la drogue

ou avec les décisions des juges (CAULKINS & CHANDLER : 2006). D’autres peuvent

l’inclure entre les facteurs - tel que l’évolution des populations défavorisées ou

l’accroissement de la différence des salaires – qui ont accompagné l’évolution des

statistiques de population pénitentiaire aux États unis et en Europe (WACQUANT:

2000, SNACKEN : 1995).

Cependant, la difficulté que beaucoup de recherches sur le trafic de drogues en termes

de criminalité peuvent avoir en commun, c’est qu'elles ont du mal à éviter une lecture

du crime et de la criminalité selon les statistiques officielles. Des statistiques des

populations pénitentiaires ou même de toutes les étapes du processus de criminalisation:

condamnation, accusation, détention préventive, etc. utilisent souvent la méthodologie

et l’information produites par les institutions chargées de la mise en œuvre de la loi et

Page 15: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

15

ne garantissent pas une suffisante réflexivité et compréhension des enjeux

sociopolitiques qui sont en œuvre (KAMINSKI, 2003). L’étude des infractions à la

législation sur la drogue apparaît alors comme un domaine tautologique de la

criminalité liée aux drogues (DE RUYVER : 2008).

Etant donné que les définitions du crime peuvent englober différentes sous-catégories

d’activités (trafic, production, manufacture, distribution, offre, importation, possession,

consommation, etc.) ainsi qu’une diversité de substances contrôlés, et des individus

infracteurs (usagers, trafiquants, consommateurs, agresseurs sous abus de drogues,

dealers, etc.) ; de même vu que la définition de la criminalité utilise des catégories

sociologiques telles que l’âge, sexe, race, provenance, etc., les recherches qui ne

justifient pas l’association ou le privilège de certaines catégories (par exemple la

production et les producteurs ou la consommation et les consommateurs) sont

susceptibles de contribuer à la création ou au renforcement des véritables profils des

personnes qui appartiennent aux groupes étudiés. C’est le cas des recherches sur le

« drug courrier profile » qui décrivent une criminalité, liée au trafic de drogues et aux

contrôles dans les aéroports, par des traits d’âge, nationalité, temps de peine, drogue

saisie, etc. (GREEN et al. 1994, HARPER & MURPHY : 2000). Mais les travaux

récents sur les « passeurs internationaux des drogues » relèvent l’impossibilité d’établir

des traits communs et constituent un défi pour la criminologie du profilage (CONSEIL

DE L’EUROPE-GROUPE POMPIDOU : 2009).

1.1.3. L’approche qualitative du trafic de drogue

En revanche, parmi les travaux qui approfondissent la consigne constructiviste et

réflexive pour étudier le trafic de drogue, certains auteurs ont signalé les enjeux

politiques et législatifs, tels que les contraintes socio-économiques et politiques

internationales qui sont à la base de la construction du crime. (KAMINSKI : 2003,

CESONI : 2004) D’autres recherches ont développé le jeu d’interaction des acteurs qui

construisent l’action pénale à travers une série de phases dans lesquelles s'opère une

sélection et orientation des personnes mises en cause. (KOKOREFF : 2004)

Pour les premières, la recherche bibliographique et l’interprétation des documents sont

très importantes tandis que les deuxièmes se servent d’entretiens avec les professionnels

Page 16: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

16

et les justiciables, de l’observation des quartiers et tribunaux, de l’analyse des dossiers,

enfin des outils qualitatifs, afin de tracer les trajectoires des individus, usagers ou

trafiquants de drogue (KAMINSKI & KOKOREFF : 2004)

Dans ce type de recherches, la distinction des niveaux (local, national et international)

permet d’associer certaines pratiques judiciaires aux produits pénaux correspondants.

Par exemple à certains niveaux judicaires les usagers ou bandes de quartiers

disparaissent en faveur d’une diversification des réseaux de trafic. Dans d'autres

niveaux, tels que les arrondissements judiciaires qui couvrent un point de mobilité

internationale, les passeurs de drogue apparaissent comme représentations d’une

criminalité artificielle (DUPREZ : 2001, SCHIRAY : 2000).

Cependant, l’adoption d’une approche constructiviste n’est pas exempte d’enjeux

méthodologiques, notamment dans la lecture du rôle des institutions de l’État et de la

société, mais aussi des « images » que le chercheur contribue à construire. Pour les

criminologues qui adhèrent à la vision constructiviste du crime, le chercheur a un rôle

délicat dans la construction d’une criminalité liée aux drogues, lorsqu’il utilise des

catégories qui révèlent et alimentent les préjugés politiques et ethniques de la société à

laquelle il appartient, entraînant ainsi le risque de la manipulation politique de la

méthodologie (UNESCO: 2000).

En même temps, s’écarter complètement des catégories de la loi et des institutions

consacrées à la répression de cette criminalité, notamment au niveau national et

international est impossible, parce que ces institutions ont plus d’accès à l’information

et aux ressources. Le travail en coopération institutionnelle et la complémentarité

d’objectifs sont des challenges pour les recherches contemporaines dans le domaine

(SCHIRAY : 2000, LANIEL : 2000).

C’est pourquoi il faut préciser que l’analyse des discours nous permet d’accéder pas

seulement aux points de vue des acteurs qui participent à la dynamique de construction

du crime ou d’appréhender le fonctionnement de la justice, les stratégies des acteurs,

leurs ressources et la façon d’intégrer leur expérience dans leur trajectoire, mais aussi

nous permet de rendre compte de la mobilisation que font ces acteurs des images

d’identité et altérité.

Page 17: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

17

1.1.4. La construction discursive de la catégorie sociologique d’ « étranger »

Nous avons signalé que certaines recherches dans le domaine de la criminalité liée aux

drogues se sont intéressées aux profils des infracteurs de la législation de drogues.

Comment conjuguer cet objet avec la question sociologique signalée dans le paragraphe

antérieur, qui exprime un souci éthique d’éviter la réduction des êtres humains aux

catégories socialement construites, telles que coupables et victimes, qui reproduisent

nos préjugés sur la criminalité et finalement renforcent la sélectivité de l’entonnoir

pénal ?

Des travaux qui portent sur la criminalisation des étrangers en Europe ont approfondi

les enjeux d’une criminalité allochtone ou ethnique, constatable dans les statistiques

nationales de la Belgique et la France (BRION : 2004, MUCHIELLI : 2003). L’étranger

compris comme phénomène social universel qui se retrouve dans toutes les sociétés

humaines du présent et du passé serait toute personne qualifiée comme « autre » à cause

de sa provenance, mobilité, religion, culture, etc. À la construction d’une telle altérité

participe l’État nation et des catégories sociales, économiques, culturelles, notamment

celles établies par la loi (Ex : légales/illégales). C’est pourquoi nous pouvons dire que

l’État à travers son appareillage pénal s’intéresse à toute la criminalité d’étrangers. Par

ailleurs, pas seulement pour l’État mais pour la société, y compris les sociologues,

l’immigré et d’autant plus le délinquant étranger, est loin d’être un élément neutre dans

nos catégories de représentations (COSSÉ & al.: 2004, SAYAD: 1996).

Dans la sociologie contemporaine qui a pour objet la construction d’identités, une ligne

d’interprétation s’adresse au flou de la performance dynamique des identités, qui

s’opère à travers les interactions concrètes. Le discours et le social sont étroitement liées

et le rôle du chercheur, « qui regarde exclusivement les catégories d‘appartenance

identitaire relevées du contexte local par les participants », est privilégié (DE FINA &

al.: 2006). Ainsi, l’identité ou le self d’un individu ou d’une collectivité, n’est pas une

essence à localiser ou exprimer mais une image d’un « moi » produite et reproduite à

travers une série d’interactions. Image qui devient historique dès que la mémoire des

interactions persiste (CZARNIAWSKA : 2008).

Cette position épistémologique résout notre souci d’éviter l’établissement des causalités

Page 18: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

18

unidirectionnelles entre l’individu et la société et en même temps, nous préserve de

procéder à une victimisation ou responsabilisation des sujets qu’on rencontre.

L’explicitation de la position de chaque acteur –y inclus la nôtre- convertit le discours

dans un discours polyphonique (HARRÉ : 2003).

Au regard de ces considérations, le traitement de la criminalité liée au trafic de drogue

et à l’origine étrangère comme un objet socialement construit, nous invite à étudier a) le

rôle des institutions de répression du trafic de drogue b) l’élucidation des interactions

entre les différents acteurs de terrain c) la définition d’une image d’altérité qu’opèrent

les acteurs à travers une dynamique relationnelle.

1.2. La relevance d’une approche compréhensive et constructiviste du trafic de

cocaïne au Pérou

Parmi les différentes disciplines qui étudient le trafic de drogues, l’approche

économique et les descriptions quantitatives, élaborées grâce à la collaboration des

institutions chargées de la répression, prédominent au sein de la communauté

internationale.

Dans le cas du Pérou, pays producteur de cocaïne, ce genre de travaux rencontre de

nombreuses difficultés propres au terrain, pas seulement d’ordre géographique mais

aussi socioculturel: les pratiques ne sont pas uniformes, la distinction entre commerce

légal et illégal est diffuse, etc. D’autre part, les travaux menés sur un angle

constructiviste ou compréhensif signalent des enjeux politiques épineux.

Mener une recherche compréhensive et constructiviste sur la population pénitentiaire

d’étrangers détenus pour trafic de drogue, s’avère pour nous l’opportunité de contribuer

à inscrire les statistiques de criminalité comme images d’un processus de

criminalisation et relier ainsi deux genre de travaux. La police sera étudiée en tant

qu’institution qui démarre les activités répressives, mais aussi ses acteurs seront

rapportés à d’autres avec lesquels ils interagissent (magistrats, fonctionnaires de la

prison, journalistes). L’étude de ces interactions révélera une dynamique de construction

d’un autre « étranger détenu pour trafic de drogues ».

Page 19: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

19

1.2.1. L’approche interdisciplinaire du trafic de drogues

Le trafic de drogues est un phénomène qui nous suggère de multiples considérations

d’ordre légal, humain, économique, etc., qui se relient les unes aux autres.

D’un point de vue juridique, le droit fait une distinction primordiale entre commerce

légal et trafic illégal de drogue. Le trafic illégal de drogue a été établi comme crime

dans la majorité de systèmes juridiques nationaux et fait partie du droit international

d’après une série des traités internationaux et bilatéraux.

L’approche économique caractérise le phénomène comme n’importe quel autre marché

international illégal, mettant en exergue le fait qu’une offre est destinée à satisfaire une

demande ou une consommation. Le trafic illégal de drogues n’est que le commerce que

réalisent des enterprises internationales qui cherchent à maximiser leurs bénéfices en

dehors du cadre des réglementations nationales et internationales.

D’un point de vue éthique, des valeurs de la société et de l’État sont en question : entre

autres, la sécurité ou la santé, pas seulement des individus mais des collectivités (des

nationaux, des jeunes ou des consommateurs). Certains auteurs ont aussi signalé des

considérations humanitaires ou de respect des droits de l’homme des populations

criminalisées pour trafic de drogue (des agriculteurs, des consommateurs).

Des problématiques politiques peuvent aussi être relevées. Entre autres, les relations

entre les pays du sud et du nord, les challenges en politique économique et

environnementale des pays producteurs, les rapports entre le trafic de drogue, la

corruption, le terrorisme, ou le trafic d’armes, de même que les interventions étrangères

de certains pays dans le cadre de la lutte contre les drogues.

Enfin, une approche sociale s’attèlerait à décrire une diversité d’unités, acteurs et

activités : usagers, dealers de la rue, gangs, intermédiaires, organisations à différents

niveaux : local, national et international (FRIESENDORF : 2005).

Page 20: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

20

1.2.2. Les savoirs économico-descriptifs sur le trafic international de cocaïne et le

Pérou

L’approche économico-descriptive caractérise les savoirs sur le trafic illégal de cocaïne

qui prédominent au niveau mondial. Le phénomène est divisé en deux étapes : l’offre

(supply) et la consommation (consumption). L’offre comprend l’enlèvement de la plante

et la manufacture du produit et se concentre dans trois pays de l’Amérique du sud: la

Colombie, le Pérou et la Bolivie (WDR : 2009, SCHAMALLEGER : 1996). Le

graphique suivant montre le pourcentage de participation de ces pays dans l’offre

mondiale de cocaïne pour l’année 2008.

Tableau 1 : Offre mondiale de cocaïne1

L’autre versant du phénomène est la consommation de cocaïne. La production se dirige

principalement vers les pays de l’Amérique du Nord, les pays européens mais aussi vers

les pays de l’Amérique latine. (WDR : 2008) Le panorama du commerce international et

illégal de la cocaïne a été construit grâce au travail de coopération entre les agences

internationales et les institutions nationales chargées du contrôle du problème. Par

exemple l’établissement des routes de la cocaïne (Voir Tableau 2) a été fait sur base des

informations sur les quantités de cocaïne saisies que fournissent les institutions

policières et d’autres agences internationales (UN-ODC : 2008).

Au Pérou, cette collaboration produit régulièrement de l’information sur la culture, la

production, l’évolution des prix, la consommation, l’offre de soins et la répression des

drogues. Particulièrement le domaine de la répression inclut des indicateurs de l’activité

des institutions en charge: éradication de cultures, quantité de drogue ou des

Colombie 55%

Pérou 30%

Bolivie 15%

Page 21: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

21

composants saisis, destruction des laboratoires, nombre de détenus, etc. (ONUDD-

PERU : 2007). Le tableau 3 présente les routes de la cocaïne vers l’extérieur.

Tableau 2 : Cocaïne saisie et routes mondiales de la cocaïne en 20082

Tableau 3 : Les routes de la cocaïne au Pérou3

1 Source : World Drug Report – 2008 (UN-ODC:2008) 2 Source: World Drug Report-2008 (UN-ODC:2008)

Page 22: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

22

En plus, du fait que les institutions internationales tels que le Bureau of Justice Statistics

du gouvernement des États-Unis et la Commission Européenne considèrent les

différents liens entre la drogue et le crime, souvent la communauté internationale

dispose des indicateurs tels que le nombre d’enquêtes pour blanchiment d’argent, délits

de corruption, traite de blanches, délinquance juvénile et le taux général de criminalité

du pays (ONUDD-PERU : 2007, SHMALLEGER : 1996, COMMISSION

EUROPÉENNE : 2008)

1.2.3. Difficultés de l’étude du trafic illicite de cocaïne au Pérou

Parallèlement à l’effort de certains criminologues pour approcher le trafic de drogues

différemment, les particularités du terrain ont imposé aux spécialistes de la recherche

quantitative une certaine réflexivité sur les méthodes employées. Entre autres nous

pouvons souligner les points suivants.

Les premiers essais de mesure des cultures, menés par les États-Unis dans les années

80, avaient signalé des divergences entre l’emploi des méthodes de survol aérien et

l’emploi d’enquêtes terrestres. Jusqu’à présent les techniques de mesure par survol

aérien sont méticuleusement exposées et améliorées par les programmes de monitoring

aujourd’hui financés par l’ONU (LIBRARY OF CONGRESS: 1992, ONUDD &

DEVIDA : 2008).

Les experts péruviens signalent que les quantités récoltées de coca4 ne dépendent pas

seulement de l’aire mesurée, mais de la saison, des fléaux, du sol, de l’irrigation, des

pluies et des produits chimiques employés. Par conséquent, les estimations de la

production nette de la surface cultivée peuvent être très variables. Pour la période 2000 -

2005 l’ONU rapportait une croissance de 4% du total de feuilles récoltées tandis que le

Crime Narcotics Center estimait une augmentation de 18% (CEDRO : 2008).

De la même manière, dans la phase de production de la cocaïne, une image définitive

est loin d’être atteinte. L’élaboration d’une drogue à partir de la coca n’est pas du tout

un processus standardisé. Entre autres facteurs qui interviennent nous pouvons citer la

3 Source: ONUDD-PERU, Informe drogas y delito en el Perú, 2007 4 Ici quand nous parlons de coca nous nous référons á la plante d’où est extraite la cocaïne.

Page 23: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

23

disparité de la concentration d’alcaloïde propre à chaque culture, la diversité des

méthodes de manufacture, les quantités et qualités variables des composants utilisés et

finalement les différents produits, sous-produits, ou adultérations possibles (la pâte de

coca, la cocaïne base, la cocaïne HCL en différents degrés de concentration) (CEDRO:

2008). C’est pourquoi, en 2007 l’ONU a recalculé ses estimations de production

potentielle de cocaïne au Pérou, et des révisions similaires se sont opérées les dernières

années pour d’autres pays de la région (UN-OCD, 2008).

Un autre challenge méthodologique pour la communauté mondiale, est la distinction

entre commerce illégal et légal de la coca. La distinction n’est pas claire non plus pour

un grand nombre des marchés qui se développent dans le pays (DE SOTO : 1990). Au

Pérou, au moins trois régimes de commercialisation de la cocaïne se confondent.

Premièrement, il y a des agriculteurs enregistrés dans l’année 1978 pour enlever

licitement les plantes de coca, mais ces agriculteurs enregistrés ne sont pas tous actifs

dans la vente de coca à l’entreprise nationale (ENACO) qui contrôle le commerce légal

de la matière. Deuxièmement, il existe un grand nombre d’agriculteurs informels qui

peuvent destiner leur production aux fournisseurs du crime organisé, mais aussi à

l’autoconsommation et aux collecteurs informels qui finalement rejoignent le marché

licite dans les centres de distribution enregistrés et non enregistrés.

Mais encore, même les agriculteurs enregistrés préfèrent ces collecteurs informels du

fait qu’ils paient plus que l’État, malgré le fait que certains parmi ces collecteurs vont

renvoyer les feuilles vers le crime organisé. Finalement, l’estimé de 200 tonnes5 (t) de

coca destinées à l’industrie (dont seulement 50 t à l’industrie pharmaceutique) et

l’estimé de 8,787 t destinées à l’usage traditionnel excèdent les 10 t estimées comme

licitement produits dans le pays et laissent encore 100,936 t de coca au trafic illégal de

cocaïne. (FONAFE : 2005, ESTELA BENAVIDES : 2009)

En revanche, le nombre très réduit d’auteurs qui ont mené des efforts de compréhension

du phénomène souvent glissent des positions politiques dans les reconstructions

historiques ou politiques du contexte. La complexité sociopolitique du phénomène

relève des enjeux délicats tels que l’exigence de la coopération internationale d’encadrer

5 Unité de masse qui vaut mille kilogrammes.

Page 24: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

24

économiquement le problème et de se focaliser sur le blanchiment d’argent et la

criminalité organisée, les rapports bilatéraux entre les États-Unis et le Pérou qui mettent

mal à l’aise certains membres des derniers gouvernements, le conflit entre l’État

péruvien et les groupes terroristes des années 80, le rôle de la presse dans les régimes

antidémocratiques, la désorganisation de la coopération internationale, les réseaux de

corruption qui opèrent à tous les niveaux, etc. (PRADO : 2006, COTLER : 1999, MC

GREGOR, 1998, ORDINOLA & AL : 2004)

Tableau 4 : Marché de la coca au Pérou6

1.3. Méthodologie du travail

Nous partageons les difficultés du dernier groupe de chercheurs qui reconnaissent le

rôle des gouvernements péruviens, des institutions et agences internationales, dans la

construction du crime à travers la création de normes, stratégies, informations et autres

activités. D’autre part nous nous intéressons aux appartenances collectives des acteurs

du terrain qui vont au-delà de leur inscription institutionnelle. C’est avec eux que nous

cherchons une plate-forme commune d’action, pas seulement sur le plan national mais

mondial.

Dans le souci d’apporter à la démarche compréhensive, réflexive, et engagée dans la

construction d’une culture de paix, nous avons réalisé un travail basé sur l’application

6 Source : M. Estela Benavides, Un enfoque de Mercado : Radiografía del narcotráfico en el Perú, 2008

Licit Peasants (Registered Actives) 10 TM

Illicit Peasants (Some inactive registered) 99, 510T

National Enterprise 3,674 TM

$1,5/Kg

Self- consumption 93 TM

$0,45 COST

Informal Collector 5,500 TM

Illegal Drug trade middle-mens

$1,6

$2,9

Coca leaves destined to Int. Drug Traffic 100,936 TM Cost 292, 719 $

Distribution Formal/ Informal 5,500TM

$2

$3

Traditional consumption 8, 787 TM

Industry Pharmaceutical 50TM Coca cola 150 TM

$6,3

Page 25: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

25

d’une méthodologie constructiviste à un élément singulier du trafic de drogue au Pérou.

Les étrangers détenus pour trafic de drogues au Pérou formeront cette image de

criminalité sur laquelle nous allons poser notre regard constructiviste.

Nous pouvons soulever trois choix méthodologiques pour l’ensemble du travail.

Premièrement, notre démarche est essentiellement inductive et qualitative, mais elle

incorpore aussi des outils quantitatifs, notamment les images statistiques de la

criminalité liée aux drogues que produisent la Police Nationale Péruvienne et l’Institut

National Pénitentiaire.

Deuxièmement, il faut préciser que nous visons deux types de progression temporelle.

a) Un processus historique qui sera saisi à travers l’étude du matériel bibliographique et

b) une dynamique actuelle d’interactions entre acteurs repérable grâce à l’analyse de

leurs discours (voir annexe 1). Nous avons voulu construire une dimension historique,

la plus vaste possible, en tant qu’elle relevait les phénomènes globaux (notamment

politiques et institutionnelles) dans lesquels la dynamique actuelle prend du sens.

Cependant, les deux lignes participent à la construction de l’hypothèse qui explique

cette population d’étrangers pour trafic de drogues au Pérou.

Nous proposons comme point de départ une chronologie des législations sur le trafic de

drogues au Pérou. Nous avons considéré ce travail comme nécessaire pour visualiser le

développement du contexte politique, tout à fait sui generis, à l’égard de la matière.

Notre intérêt pour l’histoire répond sans doute à la progression linéaire que nous visons

dans ce travail, mais aussi à notre engagement au processus de reconstruction nationale

d’un pays qui a subi un conflit entre l’État et des groupes terroristes entre les années

1980 et 2000. Quant au travail sur les lois, il est fondé sur les consignes de la

criminologie qui distinguent la criminalisation primaire ou la création de la loi, de la

criminalisation secondaire, c’est à dire la mise en œuvre de la loi par les institutions et

acteurs chargés de la répression.

Page 26: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

26

CHAPITRE II : Repères historico-législatifs

Une approche constructivo-compréhensive a des multiples enjeux à considérer. La

création des lois et des institutions, le contexte politique et les relations internationales

sont des phénomènes qui agissent dans l’arrière plan de toute construction d’une

criminalité liée au trafic de drogue. En suivant la distinction entre criminalisation

primaire et secondaire dont on a déjà parlé, nous proposons comme source de repères de

notre travail, une révision historique de la base juridique á partir de laquelle les

institutions et les acteurs qu’on va étudier interviennent.

Notre révision historique sur les législations à l’égard du trafic de drogue sera divisée en

trois étapes et onze mouvements. La plupart de ces mouvements d’incrimination se

concentrent entre les années 1990 et 2000. Comme on verra cette période de

prolifération normative à l’égard du trafic de drogue coïncide avec une décennie critique

pour la politique péruvienne. Nous nous sommes servie de différents ouvrages

(CEDRO : 1993, PRADO: 2006, ESTELA BENAVIDES: 2008) ainsi que de sites

internet officiels (ADLP- CONGRESO DEL PERÚ : 2009, UNODC : 2009) pour

construire une chronologie législative et repérer ces tendances (voir l’annexe 3).

2.1. Avant le conflit

Une première série d’incriminations en matière de drogues correspond á la période qui

va du début du XXe siècle jusqu’au début des années 80, moment du déclenchement du

conflit entre l’État péruvien et les groupes terroristes. Cette période commence avec la

législation administrative du commerce de stupéfiants et se dirige graduellement vers

les mesures répressives à l’égard du narcotrafic, jusqu'à arriver aux législations

d’urgence de 1978.

La législation sur la commercialisation des médicaments et de l’opium de 1920 est

la première forme que prend la criminalisation du trafic de drogue au Pérou. Elle

privilégie la voie administrative à la voie pénale et se réfère plutôt à l’opium comme

drogue selon l’influence des législations internationales de l’époque. Le lieu signalé

pour la mise en ouvre de ces lois était déjà le point douanier international du Callao.

Page 27: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

27

Le stade suivant est marqué par la nationalisation de la production de cocaïne et la

criminalisation des activités du trafic de cocaïne en 1946. C’est la première véritable

criminalisation du trafic de drogue parce qu’elle incorpore des dispositifs pénaux,

pénitentiaires et procéduraux qui répondent à une définition du trafic illicite de drogues

comme grave problème national. À travers cette législation les cultures de coca et le

trafic de cocaïne ont été nationalisés, c’est à dire déclarés patrimoine national et objets

de contrôle de l’État. Mais cette batterie des mesures témoigne que la loi est venue après

les faits et que le manque de contrôle et l’informalité régnaient dans le domaine.

La législation sanitaire - sociale qui distingue le trafic de la consommation des

drogues en 1969, suit la tendance du précédent mais établit des dispositifs non pénaux

pour les cas de consommation tels que le traitement pour des toxicomanes, la dérogation

de la peine pour consommation, les mesures de protection pour les mineurs et la

prévention éducative. En même temps ce groupe de lois commence à focaliser la

répression la plus sévère sur les organisations et les bandes.

A la fin de la période, entre 1978et 1982, pendant la fin du régime militaire de Velasco

Alvarado et le retour de la démocratie, la législation s’est adressée à la répression des

formes organisées du narcotrafic, s’est débattue entre la pénalisation et la régulation

des cultures de coca et a déclaré l’état d’urgence dans les lieux de production.

L’inefficacité du contrôle de l’État dans le domaine atteint des niveaux extrêmes.

C’était le début de la démocratie mais aussi d’un période d’hyperinflation économique

et d’une perte de contrôle de l’État sur les territoires ruraux du pays (DEGREGORI :

1996).

2.2. Pendant la crise et le conflit

A partir de 1982 les gouvernements démocratiques et le nouveau parlement se sont

concentrés sur l’élaboration de la législation procédurale, organisationnelle et

pénitentiaire et la prolifération d’accords internationaux en la matière. L’appareil

répressif devait faire face à une énorme quantité d’affaires de trafic de drogues et de

terrorisme (INEI : 1991) en même temps qu’à l’intérieur du pays augmentait

l’incapacité de l’État à se rendre présent et à contrôler les groupes terroristes.

Page 28: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

28

Pendant le régime de Fujimori (1990-2000), une série de lois en matière de trafic de

drogues ont été créées. Pas vraiment par le parlement, dissous avec le coup d’État de

1992 mais plutôt par l’exécutif qui a augmenté ses pouvoirs. En même temps la

politique économique se tournera vers le néolibéralisme et le contrôle militaire

s’accentuera à l’intérieur du pays (DEGREGORI : 1996).

Entre les années 90 et 92, la stratégie de développement alternatif et la répression

conjointe du terrorisme et du narcotrafic par les forces armées et la police

caractérisent la législation. De nouveaux codes et institutions ont été établis, entre

autres la Direction Nationale antidrogue (DIRANDRO), l’Organisme interinstitutionnel

de développement alternatif (ADA), le code pénal, le code de procédures pénales et le

code d’exécution de peines. Cependant, toutes ces normes ne survivront pas au coup

d’État.

Après 1992, l’implémentation de l’ADA et du code de procédure pénale qui

transformait le modèle inquisitoire dans un modèle démocratique sera suspendue. Le

législateur complétera des conduites que le code pénal avait décriminalisées

(blanchiment d’argent, commercialisation de chimiques, drogues synthétiques, etc.) En

effet, en 1992 le législateur déclare la lutte armée contre le trafic international de

drogue (TID) et procède à la diversification des hypothèses de commission du délit

et au renforcement de peines sévères et de l’absence de bénéfices7 pour les

justiciables pour délits de drogues.

Ensuite, la criminalisation incorpore un langage et un encadrement du problème en

concordance avec les organismes internationaux. Le dévouement à la tâche est signé par

un État qui a surmonté la menace terroriste. Ce mouvement se caractérise par la

planification et systématisation de la réponse au niveau national et la possibilité

d’accès aux bénéfices pénitentiaires et procéduraux8 qui assouplissent la sévérité des

normes en la matière. Une première esquisse de peines établies selon la quantité de

drogue saisie apparait.

7 Les bénéfices pénitentiaires regroupent dans la législation péruvienne les mesures de liberté conditionnelle, semi-liberté, permissions de sortie, réduction de peine pour études, etc.

Page 29: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

29

Les dernières années du gouvernement de Fujimori, marquées par des scandales de

corruption, violations de droits de l’homme et l’épuisement du modèle économique

néolibéral, ont été accompagnées par l’implémentation de mécanismes d’investigation

et des bénéfices procéduraux pour les collaborateurs, qui visaient à focaliser l’activité

répressive sur la criminalité organisée.

2.3. Le challenge démocratique

La construction de la paix, la démocratie, la reforme de l’État et la lutte contre la

pauvreté on été les principaux buts signalés par la concertation nationale, le

gouvernement de transition et la Commission Vérité et Réconciliation qui ont suivi le

gouvernement de Fujimori. L’accord de concertation nationale a d’ailleurs reconnu le

problème du trafic de drogue comme un des plus graves de la société péruvienne.

Cette dernière étape commence avec un clivage d’incriminations graves/légères selon

les quantités saisies et se poursuit par l’implémentation d’unités spécialisées et

incriminations qui opérationnalisent la législation de l’ONU sur la criminalité

organisée. Nous pouvons remarquer aussi un retour aux efforts menés en 1978 pour

améliorer l’enregistrement des agriculteurs et des cultures de coca.

Les dernières années reflètent la tendance législative d’une stratégie multi

dimensionnelle, de développement et de paix qui ne tranche pas le débat entre la

pénalisation et la légalisation des cultures de coca et se focalise dans la répression

des délits financiers liés au TID. Il s’agit d’une gestion politique plutôt que militaire

dans laquelle la création de la commission multisectorielle Contradrogas (appelée après

DEVIDA), institution chargée de la coordination entre les différents organismes et de

propulser la prévention dans le domaine, est remarquable. Toutefois, la législation garde

la vision plutôt économico-descriptive que les organismes internationaux ont du

problème (PRADO: 2006). Par ailleurs, le code de procédure de 1991 qui dépassait le

modèle inquisitoire est propulsé, mais les problèmes des paysans qui cultivent la coca

ne trouvent pas de solution législative.

8 Par bénéfices procéduraux nous comprenons les mesures de réduction de peine par l’aveu, la suspension de peine pour collaboration efficace, etc.

Page 30: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

30

CHAPITRE III : Images d’une « criminalité » : Évolution et

caractéristiques des étrangers incarcérés pour trafic de drogue au

Pérou

Dans ce chapitre nous allons présenter les statistiques de la population pénitentiaire

nationale du Pérou qui témoignent d’une criminalité liée au trafic de drogues et à

l’origine étrangère. Premièrement nous allons découvrir l’évolution et les

caractéristiques plus importantes de la population pénitentiaire péruvienne. Ensuite nous

allons présenter deux segments qui évoluent au rythme des chiffres généraux : la

population incarcérée pour trafic de drogues et la population étrangère incarcérée pour

ce délit. Finalement, nous allons reprendre les recherches qui se sont penchées sur ce

segment d’étrangers détenus pour trafic de drogue. Elles vont les ranger dans une des

modalités du délit de drogue : le passeur international de drogue, et établir une série de

caractéristiques de ces personnes et du délit.

3.1. L’évolution de la population pénitentiaire au Pérou

L’institution chargée de l’administration des prisons péruviennes est l’Institut National

Pénitentiaire (INPE), sous-organe du Ministère de la Justice et localisé dans le centre de

la capitale. Le département de Lima, dans lequel se trouve la capitale du même nom, est

pourvu de 7 établissements pénitentiaires. La Direction Régionale de Lima, l’une des

huit divisions régionales dont est constitué l’INPE, est composée des départements de

Lima, Ancash et Ica et de la province du Callao, chacun de ces derniers possédant un

seul établissement pénitentiaire (EP). La Direction Régionale de Lima concentre

environ 50% de toute la population pénitentiaire du pays, et particulièrement les EP du

département du Lima hébergent la majorité de cette population (INPE : 2008). Le

tableau suivant présente l’évolution de la population carcérale au Pérou pendant les

dernières décennies et montre le poids proportionnellement constant des EP du

département de Lima dans le panorama pénitentiaire national.

Les derniers rapports statistiques de l’INPE remarquent l’évolution exponentielle de la

population pénitentiaire en même temps qu’ils décrivent la situation actuelle comme la

crise du système pénitentiaire péruvien, qui cumule entre autres problèmes, la

Page 31: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

31

surpopulation et la présence démesurée de personnes en détention préventive. La

présence d’une majorité des personnes en détention préventive s’avère une

caractéristique structurelle du système (voir tableau 6), tandis que la surpopulation

aggrave l’entassement parce que les ressources et l’infrastructure n’ont pas augmenté au

rythme de la population.

Tableau 5 : Évolution de la population pénitentiaire au Pérou et à Lima 1974 -20079

Tableau 6 : Population pénitentiaire nationale selon la situation juridique 1975-200810

0%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

70%

80%

90%

100%

1975 1982 1987 1991 1999 2008

PREVENTIVE

CONDAMNÉS

En janvier 2008, la capacité d’hébergement des E.P. se limitait á 23.462 places pour une

population totale de 41.745 détenus. Les 18.455 personnes restantes, c’est à dire 78% de

9 Sources: INEI – 1992, Estadísticas de criminalidad 1962-1991; INEI -1999, Estadísticas de violencia y seguridad pública 1998-99; INEI- 2006, Estadísticas 2006 et INPE-2008, Informe Estadístico de Enero 2008. 10 Sources: INEI – 1992, Estadísticas de criminalidad 1962-1991; INEI -1999, Estadísticas de violencia y seguridad pública 1998-99; INEI- 2006, Estadísticas 2006 et INPE-2008, Informe Estadístico de Enero 2008.

0

5,000

10,000

15,000

20,000

25,000

30,000

35,000

40,000

45,000

1974 1977 1980198319861989 1992 1995199820012004 2007

POPULATION TOTALE

DEPARTEMENT LIMA (SANS LE CALLAO)

Page 32: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

32

surpopulation, sont hébergées dans des conditions alarmantes : aménagement des salles

de bain comme chambres, utilisation des couloirs et des matelas sur le sol, etc. qui ne

garantissent ni la dignité des reclus ni la sécurité pénitentiaire. (INPE : 2008,

DEFENSORIA DEL PUEBLO : 2007)

3.2. L’évolution du trafic de drogue parmi les délits les plus représentés

Pour l’administration pénitentiaire le trafic de drogue est un délit spécifique qui

appartient au groupe des délits contre la sécurité publique. Mais avant les années 90 les

statistiques le considéraient, à l’instar du délit de terrorisme, comme un délit spécial qui

n’entrait pas dans les catégories traditionnelles : délits contre la vie, la santé et

l’intégrité ; délits contre le patrimoine et délits contre la liberté. Toutefois, déjà pendant

les années 80 la prévalence du trafic de drogue était alarmante. Elle avait atteint 28% de

la population pénitentiaire nationale dans le recensement de 1987 et notamment 22%,

49 % et 32% dans les départements de Chiclayo, Pucallpa et Huànuco respectivement.

(INPE-INEI : 1987, INEI : 1992)

Tableau 7 : Population pénitentiaire nationale selon la catégorie de délits 1990-200811

11 1/ En 1990 appelé délit « contre les mœurs », 2/ En 1990 il comprend seulement le trafic de drogue , les autres années la possession d’armes est aussi considéré dans cette catégorie. 3/ Le délit du terrorisme est après reparti entre les catégories « tranquillité publique » et « contre l’État et défense publique ». Sources: INEI – 1992, Estadísticas de criminalidad 1962-1991; INEI -1999, Estadísticas de violencia y seguridad pública 1998-99; INEI- 2006, Estadísticas 2006 et INPE-2008, Informe Estadístico Enero 2008.

0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90% 100%

1990 1995 2000 2005 2008

Autres et non specifiés

Liberté 1/ Securité publique (TID) 2 / /

Tranquilité publique

Terrorisme 3/

Vie , santé et intégritéPatrimoine

Page 33: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

33

Plus tard, le délit du trafic de drogue sera inclus dans la catégorie des délits contre la

sécurité avec le délit de possession illégale d’armes, beaucoup moins représenté. Le

nombre de détenus pour trafic de drogue n’a pas cessé d’augmenter parallèlement à

l’augmentation nationale de la population, de manière que son degré de participation

dans le chiffre total demeure intact. En janvier 2008, 10.568 personnes incarcérées ont

été accusées d’avoir commis ce délit, plus du double des 4.377 signalées par les

statistiques de 1990 (INPE : 2008, INEI : 1992). Le tableau nº 8 montre mois par mois

ce développement progressif.

Tableau 8 : Population pénitentiaire nationale pour trafic de drogue en 1998, 2000 et 200512

3.3. La population pénitentiaire d’origine étrangère liée au trafic de drogue

Outre la situation juridique, la population pénitentiaire péruvienne est souvent

caractérisée par une série de traits sociodémographiques : âge, occupation, degré de

scolarisation, sexe, etc. L’origine a été considérée dans le recensement pénitentiaire de

1987 qui a signalé que les détenus provenaient dans leur majorité de la ville de Lima, et

a constaté que seuelement 1 % de la population pénitentiaire provenait de l’étranger.

(INPE-INEI: 1987)

Tableau 9 : Provenance de la population pénitentiaire en 198713

12 Source: Establecimientos Penitenciarios, Oficinas Regionales. Élaboration: INPE/OPP. Unidad de estadísticas 13 Source: INPE-INEI 1987, Censo nacional penitenciario el 7 de abril de 1986

Janv. Fevr. Mars Avril Mai Juin Juillet Août Sept. Octob. Nov. Déc. 1998 5,871 5,885 5,981 6,341 6,094 6,044 6,152 6,268 6,311 6,273 6,213 6,253 2000 6,537 6,572 6,125 6,654 6,637 6,754 6,802 6,770 6,794 6,799 6,671 6,740 2005 7,204 7,374 7,509 7,724 7,772 7,828 7,853 7,890 7,905 7,923 7,980 7,996

LimaLa LibertadCuzcoHuànucoJunín Autres 19 départementsÉtranger

Page 34: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

34

Les auteurs signalaient qu’il était toujours possible de déterminer le pays de provenance

des étrangers, même s’ils n’avaient pas de documents, grâce aux ambassades et

consulats. Bien qu’il s’agisse de détenus étrangers, ils font partie de la population

pénitentiaire nationale. Un total de 24 nationalités a été relevé dont l’italienne et la

colombienne sont les plus récurrentes. (INPE-INEI: 1987).

Tableau 10 : Population pénitentiaire d'origine étrangère en 198714

Par ailleurs, l’étude fournit deux tableaux comparatifs. Le premier attire l’attention sur

la prédominance de l’éducation primaire et secondaire dans la population pénitentiaire

d’origine péruvienne et la prédominance de l’éducation supérieure universitaire et

supérieure dans la population d’origine étrangère.

Tableau 11: Incidence des délits selon la nationalité en 198715

14 Source: INPE-INEI 1987, Censo nacional penitenciario el 7 de abril de 1986 15 Source: INPE-INEI 1987, Censo nacional penitenciario el 7 de abril de 1986

En plus, une autre comparaison établit que l’incidence du trafic de drogues est moins

importante chez les nationaux que chez les étrangers. Seulement 28 % des nationaux

ItalieColombie

CanadaChiliEquateurAutres 19 pays

Étranger

Patrimoine

Vie, corps et santé

Bonnes Moeurs

Autres (Trafic de drogues, terrorisme)

Péruvien

Patrimoine

Vie, corps et santé

Bonnes Moeurs

Autres (Trafic de drogues, terriorisme)

Page 35: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

35

sont incarcérés pour ce motif (pourcentage qui fait partie du 35% de la catégorie autres

délits qu’on montre dans le tableau 11), tandis que presque la totalité de ce 88% d’autres

délits qui amènent les étrangers aux prisons péruviennes est constituée par le trafic

illégal de drogue. De cette manière, déjà à cette époque, de même que la population

pénitentiaire de femmes, la population d’étrangers pouvait être identifiée au délit du

trafic de drogue (INEI-INPE : 1987).

Bien que l’INPE n’ait pas cessé de produire régulièrement de l’information quantitative

sur la population pénitentiaire, l’élaboration des statistiques détaillées sur la population

d’origine étrangère est assez récente. Comme on peut voir dans le tableau 12 la

population d’origine étrangère augmente plus rapidement que la population totale.

Tableau 12 : Population pénitentiaire de nationalité étrangère selon la direction régionale, les EP du département de Lima, la situation juridique et le sexe 2002-200816.

Année17 Janv.2002 Mai 2003 Juill. 2004 Janv.2008

% du total de la population pénitentiaire 1,9% 2% 2,3% 2,5%

Total 502 630 720 1051

Diréctions Régionales Autres Diréctions Reg. 78 94 123

Diréction Reg. Lima 552 626 928

EP de Dir. Reg. Lima EP Callao 248 269 411

EP Chorrillos 144 138 210

EP Cañete 1 20 117

EP Lurigancho 110 113 111

EP Huaraz 8 26

EP Castro Castro 27 31

EP Ancon

Situation Juridique Dét. Preventive 85% 81% 77% 85%

Condamnés 15% 19% 23% 15%

Sexe Femmes 23% 24% 22% 22%

Hommes 77% 76% 78% 78%

16 Sources: INPE, Informes Estadísticos Enero 2002; Mayo 2003; Junio 2004 et Enero 2008. 17 Nous avons choisi ces rapports car plus accessibles pendant notre recueil d’information et après avoir constaté que, malgré les variations mensuelles, l’augmentation était progressive.

Page 36: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

36

Comme on peut voir dans le tableau 12, les rapports mensuels n’indiquent pas de

différences majeures entre la population étrangère et la population d’origine nationale

sauf une légère prédominance de la détention préventive et du sexe féminin. En même

temps il montre qu’une bonne partie de cette population se trouve dans la Direction

Régionale Lima, notamment dans l’E. P. d’hommes du Callao et de femmes de

Chorrillos18.

Tableau 13: Population Pénitentiaire selon la nationalité en 2008 19

Tableau 14 : Sexe et situation juridique de la population pénitentiaire totale et de la population d’origine étrangère en 200820

Les rapports indiquent mensuellement les différentes nationalités des étrangers

incarcérés. D’une variété de 24 nationalités signalées dans le recensement de 1987, on

18 Les rapports on été choisis selon les disponibilités du terrain après avoir constaté en analysant tous les rapports de l’année 2002 et 2008 qu’il n’y a pas de écarts entre les variations mensuelles et elles montrent que les augmentations sont constantes. 19 Source : INPE, Informe Estadístico Enero 2008 20 Source: INPE, Informe Estadístico Enero 2008.

1,051, 3%

40694, 97%

Étrangers

Péruviens

0% 10%20%30%40%50%60%70%80%90%

100%

Étrangers Population totale

Femmes Hommes

0% 10%

20%

30%

40%

50%

60%

70%

80%

90%

100%

Étrangers Population totale

Preventive Condamnés

Page 37: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

37

est passé en 2008 à une septantaine de nationalités issues des différentes régions du

monde.

En Amérique, la citoyenneté la plus récurrente est la colombienne, mais d’autres, telles

que la brésilienne, la bolivienne, l’américaine, la chilienne, l’équatorienne, et la

mexicaine sont bien représentées. Les pays le plus signalés sont la Chine, Israël et la

Malaisie pour l’Asie, tandis que pour l’Europe ce sont l’Espagne, les Pays-Bas et

l’Italie. Finalement, l’Afrique du Sud et la Guinée sont les pays africains le plus souvent

mentionnés.

Tableau 15 : Population pénitentiaire de nationalité étrangère par continent 2002-200821

Tableau 16 : Population pénitentiaire de nationalité étrangère par continent en Janvier 2002, Mai 2003, Juillet 2004 et Janvier 200822

0%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

70%

80%

90%

100%

Janvier 2002 Mai 2003 Juillet 2004 Janv 2008

Océanie

Amérique

Europe

Asie

Afrique

21 Source: INPE, Informes Estadísticos, Enero 2002, Mayo, 2003, Julio 2004 y Enero 2008. 22 Source: INPE, Informes Estadísticos, Enero 2002, Mayo, 2003, Julio 2004 y Enero 2008.

Janv. 2002 Mai 2003 Juillet 2004 Janv 2008

Afrique 56 56 66 74

Asie 33 35 40 51

Europe 169 221 247 396

Amérique 242 318 367 529

Océanie 2 0 0 1

Total 502 630 720 1051

Nombre de pays 62 58 60 78

Page 38: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

38

Les rapports de l’INPE n’offrent pas une analyse ou une interprétation significative de

leurs statistiques, mais la Commission épiscopale d’action sociale (CEAS) dans son

diagnostic national pénitentiaire 2005 constate la situation de la population étrangère, la

majorité provenant de l’Espagne, la Colombie, la Bolivie et l’Afrique du sud, et recluse

dans les prisons du Callao et de Chorrillos. Elle exprime sa préoccupation pour ce

segment de la population qui va en augmentation et qui requiert une politique

pénitentiaire différenciée (CEAS, 2005).

Comme on l’a vu, les rapports mensuels officiels ne précisent pas l’incidence du délit

du trafic de drogue dans la population étrangère. Mais la relation est manifeste pour les

intervenants du milieu pénitentiaire. La rencontre bolivarienne23 d’intervenants

catholiques distingue au sein de la population incarcérée dans les prisons péruviennes

pour délit de trafic de drogue deux segments importants : les nationaux et les étrangers

(CEAS, 2004).

Tableau 17 : Segments de la population pénitentiaire pour trafic de drogue (TID) en

200424 Nº %

Population Pénitentiaire Totale 30398 100 Population Pénitentiaire – TID 6765 22.3

Nationaux 6128 20.2 Étrangers 637 2.1

Tableau 18 : Population pénitentiaire totale, population pour trafic de drogue et population d’étrangers pour TID en 200425

23 Equateur, Colombie, Bolivie et Pérou. 24 Source : INPE, Informe Estadístico Marzo 2004; Élaboration : CEAS, 2004 25 Source : INPE, Informe Estadístico Marzo 2004; Élaboration : CEAS, 2004

0

20

40

60

80

100

Population PénitentiaireTotale

PopulationPénitentiaire TID

Nationaux TID

Etrangers TID

% du total De la Population Pénitentiaire

Page 39: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

39

Les auteurs ajoutent que la prison n’est que « le fidèle reflet de la situation critique de

la problématique de drogues au Pérou » parce qu’elle concentre une population

pénitentiaire de consommateurs, souvent avec des problèmes graves d’assuétude, dont

la situation s’aggrave en compagnie de détenus pour délits de trafic de drogue,

production et micro-commercialisation qui subissent généralement de longues peines.

Ces derniers participent à l’offre de la drogue dans les prisons et aux dynamiques de

corruption et de violence qui impliquent même des surveillants et des autorités (CEAS,

2004).

Enfin, nous avons demandé à l’INPE de nous fournir l’information croisée entre le délit

du trafic de drogue et la nationalité des détenus. Le résultat figure dans le tableau 19 qui

trace l’augmentation constante de cette criminalité allochtone constituée presque dans sa

totalité par les infractions aux lois sur le trafic illégal de drogues. Cette information

n’est pas disponible dans les statistiques de l’INPE avant l’année 2000.

Tableau 19 : Population pénitentiaire de nationalité étrangère pour trafic illégal de drogue en 2003 et 200526

2003 2005

Janvier 587 644

Février 592 620

Mars 605 667

Avril 628 673

Mai 630 672

Juin 643 659

Juillet 652 665

Août 674 670

Septembre 659 680

Octobre 666 669

Novembre 671 686

Décembre 678 700

26 Source: Etablissements pénitentiaires, Bureaux Régionaux. Élaboration INPE/OPP Unité de statistique.

Page 40: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

40

3.4. Les étrangers dans la population des passeurs de drogue des établissements

pénitentiaires de Callao et Chorrillos

Les statistiques pénitentiaires montraient que la population pénitentiaire d’origine

étrangère se concentrait dans deux établissements pénitentiaires : l’E.P d’hommes du

Callao et l’E.P. de femmes de Chorrillos. D’ailleurs, on a précisé que bien que les

statistiques ne se focalisent pas sur le fait que presque la totalité des étrangers sont

incarcérés pour trafic de drogues, les intervenants du terrain souvent les situent, pas

seulement dans la catégorie d’infracteurs pour délit de trafic de drogue, mais dans la

modalité de passeurs de drogues. Les passeurs des drogues sont la plupart du temps

appelés argotiquement « burriers», le mot mélange courrier et burro, âne en espagnol et

est employé depuis le début du phénomène par les intervenants des prisons, les

policiers, la presse et le public en général.

Sur la base d’enquêtes non représentatives de la population totale27, certains auteurs ont

divisé la population pénitentiaire incarcérée pour trafic de drogue en deux segments et

quatre modalités : i) Un segment de criminalité organisée d’ampleur internationale et

nationale et ii) un segment de criminalité locale de micro-commerçants à retrouver dans

les prisons de Lima et qui est constitué des a) paqueteros ou commerçants de rue, qui

sont arrêtés dans leurs maisons ou dans la rue, b) les récepteurs – distributeurs, une sorte

de grossistes qui entre autres peuvent soutenir économiquement la famille des

commerçants de rue pendant qu’ils sont en prison, c) les passeurs nationaux, arrêtés sur

les routes qui vont des lieux de production vers la capitale et d) les passeurs

internationaux, arrêtés dans l’aéroport international Jorge Chavez. (ROMERO & Al.

2000)

En 2005, une enquête s’est intéressée à cette dernière sous-catégorie de criminalité des

passeurs internationaux, qui se distingue des autres parce qu’elle inclut des proportions

similaires de citoyens nationaux et étrangers et qu’elle est souvent destinée vers les

établissements pénitentiaires plus proches de l’arrondissement de l’aéroport

international, c’est à dire aux E.P. d’hommes du Callao et de femmes de Chorrillos.

L’étude a été fait en 2005 sur la base des estimations qui indiquaient que 17%

27 Administrés volontairement aux femmes détenues dans la prison de Chorrillos.

Page 41: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

41

(260/1512) des détenus de l’E.P du Callao et 14% (129/910) de l’E.P. de Chorrillos

étaient des passeurs de drogues. (ZAVALETA : 2005).

L’enquête a été réalisée sur un échantillon non représentatif de la population

pénitentiaire totale, ne permettant pas la généralisation des résultats quant au sexe, à la

situation juridique, ni à la nationalité28 de ces détenus. Toutefois, elle montre certaines

caractéristiques du groupe assez intéressantes. Entre autres, la moitié des interviewés a

signalé un niveau de scolarisation secondaire (hommes 47.5% et femmes 55.9%) et un

quart ont signalé complété que des études primaires (22,3% d’hommes et 36,5% des

femmes). D’autre part, l’état civil prédominant autant pour les femmes que pour les

hommes a été le célibataire, suivi du ménage informel.

La majorité des condamnés subissaient une peine entre 6 et 9 ans (hommes: 59,2% ;

femmes: 68,9%), suivi par ceux qui ont reçu une peine entre 9 et 12 ans (hommes:

26,3% ; femmes:19,7%). Presque la moitié (48,9% d’hommes et 45,1% des femmes)

disaient avoir consommé de la marihuana au moins une fois dans la vie – chiffre qui est

quatre fois supérieur à celle de l’étude épidémiologique nationale (11,9%). Environ un

quart ont dit avoir consommé de la cocaïne et une minorité (12,2% d’hommes et 4,9 de

femmes) avoir goûté la pâte basique de cocaïne. Une proportion similaire dit avoir

consommé de l’XTC (12,3% d’hommes et 10,8 % de femmes) (ZAVALETA: 2005).

D’autres caractéristiques de l’infraction peuvent aussi être décrites. Le Chlorhydrate de

cocaïne est notoirement la drogue la plus transportée. L’Espagne, les Pays Bas, le

Mexique et l’Argentine apparaissent comme les principales destinations de la drogue.

La plupart des hommes manifestent avoir agi en complicité avec d’autres personnes

(60%) tandis que la majorité des femmes manifestent avoir agi seules (56,9%). La

majorité des hommes ont signalé qu’ils prétendaient gagner entre 2500 et 5000 dollars

tandis que la majorité des femmes prétendaient gagner entre 1000 et 2500 dollars. Trois

quarts des deux sexes disaient avoir été contactés à l’étranger et 80% ont manifesté qu’il

n’est pas facile de passer les contrôles péruviens. Finalement, 36,7% des hommes et

28 L’échantillon recruté volontairement n’a pas été rapporté aux proportions que montrent les statistiques pénitentiaires nationales. Par conséquent, les femmes, les condamnés et les étrangers étaient surreprésentés. Du total des enquêtés 6 sur 10 étaient sentenciés, 20% provenant d’Espagne (hommes: 20,1% femmes: 20,6%), et 15% du Pérou (hommes:17,3% et femmes:12,7%). D’autres nationalités

Page 42: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

42

36,3% des femmes disaient avoir commis le délit pour payer des dettes, de même que

29,5% des hommes et 32,4% des femmes disent l’avoir fait par nécessité d’entretenir sa

famille (ZAVALETA : 2005).

Tableau 20 : Drogue transportée par les passeurs29

Tableau 21 : Somme attendue par les passeurs30

0.74.4

11.113.3

43.7

21.5

3.91.51 2

11.9

41.6

31.7

8.9

30

05101520253035404550

Rien 101 -500 $

501 -1,000$

1,001 -2,500$

2,501 -5,000$

5,001 -10,000$

10,001 -25,000$

Plus de25,000$

Hommes Femmes

Les auteurs de l’étude insistent sur la nécessité de mener des campagnes d’information

et de prévention dans certains pays, tel que l’Espagne, d’où provient la majorité des

détenus étrangers. D’autres urgences sont le rapprochement entre ces détenus et leurs

familles ainsi que l’amélioration de l’alimentation, l’appui psychologique, les activités

mentionnées ont été le Brésil dans le cas des hommes (11,5%) et l’Équateur et la Bolivie pour les femmes (les deux avec 10,8%) (ZAVALETA : 2005) 29 Source: CEDRO, Encuesta de Burriers, 2005 30 Source : CEDRO, Encuesta de Burrieres 2005

92.10% 92.20%

5.80% 4.90% 0.70% 0 1.40% 2.90%

0.00%

10.00%20.00%

30.00%

40.00%50.00%

60.00%

70.00%80.00%

90.00%100.00%

CocaïneClorhydrate

Pâtebasique decocaïne

Opiaces Autre

Hommes

Femmes

Page 43: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

43

et les services légaux des E.P., de même que la solution au problème de l’entassement

de la population (ZAVALETA : 2005).

Jusqu’ici nous avons développé la moitié de notre plan d’investigation. Dans le

deuxième chapitre nous avons présenté une chronologie des lois qui traitent du trafic de

drogue au Pérou divisée en trois grandes étapes : la législation avant le conflit, la

législation durant le conflit et le challenge démocratique de nos jours. Nous avons

constaté que c’est pendant la deuxième partie du conflit qui correspond aux années 90 et

au gouvernement de Fujimori que la plupart des mouvements d’incrimination dans la

matière de drogues s’est concentrée.

Dans ce troisième chapitre nous venons de décrire une image de criminalité liée à la

drogue et à l’origine étrangère au Pérou. Elle est sortie de l’ensemble des statistiques de

population pénitentiaire que produit l’INPE ces dernières décennies. Il s’agit d’une

population minime d’origine étrangère qui a été liée au délit du trafic de drogue dans les

statistiques plus anciennes et plus récemment à la modalité de passeur international de

drogue. Son évolution se cache dans l’augmentation progressive – et exponentielle

depuis les années 90– de la population pénitentiaire totale et de la catégorie de détenus

pour trafic de drogue.

Donc, il ne nous reste qu’expliquer ce phénomène à partir des deux lignes

d’interprétation que nous avons tracées. La première s’adresse au rôle de la police

péruvienne dans la construction de cette criminalité d’étrangers détenus pour trafic de

drogues tandis que la deuxième vise à expliciter la dynamique qui relie les interactions

entre les policiers et les autres acteurs qui participent aussi à la construction de telle

criminalité. Cette dernière dynamique, conçue en quatre temps et à partir de la

distinction entre relations d’altérité et d’identité, est susceptible d’être intégrée dans une

hypothèse qui incorpore les éléments les plus significatifs de toute notre démarche.

Page 44: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

44

CHAPITRE IV : Une activité plus efficace de la police antidrogue

L’objectif de ce chapitre est d’étudier le rôle de la police dans la construction de la

population d’étrangers détenus pour trafic de drogue. Cette étude démontre que

l’arrestation de courriers de drogues par l’unité de drogues de l’aéroport est une activité

particulièrement investie dans le cadre d’une tendance de la police péruvienne à mener

des activités efficaces en matière de drogues.

Dans le souci de repenser, reconstruire et mettre en valeur les institutions qui

conforment le tissu social du pays, nous allons d’abord chercher les éléments

historiques et organisationnels caractéristiques de l’institution qui démarre le processus

de criminalisation. Ensuite, nous allons étudier les statistiques d’activités auxquelles

cette institution s’est engagée, notamment celles réalisées en matière de drogues.

Divisées en trois étapes selon les gouvernements qui les ont enregistrées, ces activités

s’expriment dans le nombre d’interventions et de personnes arrêtés. Nous allons

découvrir qu’au contraire de la tendance générale i.e. pour tous les délits, les activités en

matière de drogues ont fortement augmenté depuis les années 90.

Après avoir survolé le développement des indicateurs en la matière, nous allons

constater que, malgré les inexactitudes et le fait que certains chiffres varient selon les

sources, des indicateurs d’ « efficacité» peuvent être repérés : le montant de

chlorhydrate de cocaïne saisie, le nombre d’arrestations pour trafic de drogue

proprement dit (sans inclure consommateurs ou micro-commerçants), de même que la

localisation de ces activités dites efficaces. Dans ce sens, les activités de répression du

trafic de drogues menées à l’aéroport sont apparemment très efficaces. En plus, les

arrestations se caractérisent par la surreprésentation des femmes et des étrangers.

4.1. La police comme institution de l’État péruvien

4.1.1. Brève histoire de la police nationale du Pérou

Au début du XIXe siècle, lorsque naissait la République du Pérou, des vigiles et

serenos31 hérités de la colonie ont formé la première Milicia Civica. Appelée Guardia

31 Le sereno est une espèce de gardien du quartier.

Page 45: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

45

Policía par la première constitution et appartenant aux Institutions Armées, elle s’est

formalisée plus tard comme La Guardia Nacional, et s’est détachée des communes

pour adhérer au gouvernement national. Déjà cette première esquisse de Police

nationale comprenait une Brigada Civil qui s’occupait des conspirateurs contre la cause

républicaine et s’organisait selon un modèle militaire (PNP: 2009).

Des présidents successifs vont s’occuper de l’organisation de la police péruvienne: le

Président Général Echenique en 1852 unifie le corps policier et crée la Gendarmería,

comme institution indépendante du gouvernement. Le Mariscal Ramon Castilla

continue les efforts d’unification et en 1872, Manuel Pardo y Lavalle ratifie son

caractère militaire et la divise en : Organisation du voisinage, Gardes des prisons,

Services spéciaux de la police et Force régulière de la police (divisée en Garde Civile et

Gendarmerie Rurale).

À la fin du XIXe siècle la gendarmerie participe avec l’armée à la guerre contre le Chili.

Ensuite, en 1919 le Président Leguía, inspiré par le modèle français, engage une mission

espagnole qui organise l’école de Police en la divisant en trois corps : Sécurité et ordre

public, Garde Civile et Police d’Investigation et Vigilance. En 1945, Le président Jose

Luis Bustamante y Rivero reconnut l’autonomie institutionnelle de la dernière en créant

la Direction d’Investigation, vigilance et identification (CIV). Elevée à la catégorie de

Direction Générale par le Général Odría en 1949, la CIV, connue après comme la PIP,

était formée par des officiels souvent en civil qui s’occupaient des enquêtes en matière

fiscale, drogues, etc. La CIV se distinguait de la Garde Civile (GC), beaucoup plus

nombreuse et chargée de l’ordre public et la prévention du délit, et de la garde

républicaine (GR), la section plus la proche de l’armée et chargée des prisons et certains

postes de frontières (PNP : 2009)

Basombrío et Costa signalent que selon une tradition du XXe siècle des civils et

hommes de confiance du Président étaient placés à la tête du Ministère de l’Intérieur,

auquel avait été confié la direction de la police, mais que l’on a rompu avec cette

tradition pendant les gouvernements militaires de Velasco Alvarado y Morales

Bermudez (1968-1980), dont l’événement plus violent a été la grève de la police

réprimée par les forces armées en 1975 (COSTA & BASOMRIO : 2004, THE

LIBRARY OF CONGRESS : 2009, CVR : 2003).

Page 46: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

46

Les sévères bouleversements politiques que le pays a subis pendant les dernières

décennies du XXe siècle ont marqué l’histoire de cette institution. Vers la fin des années

70 la CVR la décrit comme une institution dont les rivalités internes étaient importantes

et dont la corruption la discréditait aux yeux de l’opinion publique et piégeait son

travail, notamment au niveau de la Police d’investigations. Au moment du

déclenchement du conflit armé, la police était divisée en trois unités. La Garde Civile

appelée après Police Générale (PG), toujours plus nombreuse et organisée

territorialement et administrativement selon le modèle militaire, s’occupait de réaliser

les interventions en matière de crimes, délits et infractions directement ou en réaction

aux dénonciations de la population. La Garde Républicaine appelée après Police de

Sécurité (PS), prête à s’adapter au conflit et à entreprendre les fonctions des autres corps

quand ils n’étaient pas présents, continuait à assurer les tâches de contrôle de frontières,

des prisons et des installations de l'État. Jusqu’aux années 70, quand son école

d’entraînement spécial a été crée, elle recrutait directement des officiers de l’armée.

Finalement, la Police d’investigations, appelée après Police Technique (PT) qui était

chargée, comme on a dit, des enquêtes spécifiques.

La police est présente tout au long du conflit armé. Elle sera identifiée dans les zones

défavorisées à un État abusif et corrompu, et notamment les postes ruraux et les centres

de réclusion qu’elle gérait seront les premiers objectifs des attentats terroristes. Ensuite,

par décision du gouvernement, des bataillons de policiers pas bien préparés ni bien

équipés seront envoyés à la zone du conflit, d’abord seuls entre 1980 et 1982, et puis

sous la direction des forces armées entre 1983 et 2000. Malgré certaines offensives, leur

surexposition au conflit et leur instruction sadique expliquent en partie la série d’abus

qui ont été commis à cette époque: des détentions arbitraires, des violations sexuelles,

des massacres, etc. La CVR octroie à la police la responsabilité de 6.6% du total des

disparus pendant le conflit et constate que c’est l’institution qui a fait le plus grand

nombre de victimes du conflit : 682 morts, 754 blessés et 107 handicapés

principalement victimes du Sentier Lumineux. (CVR : 2003, LIBRARY OF

CONGRESS : 1992).

Entre 1980 et 1985 le nombre total des policiers s’est accru de 6,450 à 21,484, mais

pendant la fin des années 80 toute la police a souffert une réduction due à la remise des

dates d’admission à ses programmes de formation. Celle-ci s’est ajoutée aux retraites

Page 47: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

47

normales et ordonnées par le Président Garcia, notamment en rapport aux dénonciations

de corruption dans des affaires de trafic de drogue et de violations des droits de

l’homme tels que l’accusation de membres de la PS pour avoir exécuté 124 terroristes

détenus dans une des prisons de Lima. D’autres problèmes tels que le discrédit de

l’institution, des membres qui opéraient comme des délinquants communs, des grèves

du personnel qui protestait contre les mauvaises conditions du travail et les maigres

salaires, et la compétition et le manque de coopération entre les corps, ont conduit à une

série de réformes dans l’institution policière. (INEI : 1991, LIBRARY OF

CONGRESS : 1992, CVR : 2003).

Tableau 22: Organisation de tâches de la Police Nationale Péruvienne en 1991 32

Le gouvernement de García a mené une politique de licenciement et relocalisation qui a

affecté entre 2000 et 3000 membres de la police. Le problème du nombre de policiers

fut résolu par l’installation de l’École nationale de police EPN dans les principales

capitales des départements qui donnait. Elle donnait une formation d’environ 9 mois et

pouvait offrir près de 5,500 graduats par année. (LIBRARY OF CONGRESS : 1992).

De même, à travers une série de lois (L Nº24294, L Nº 24949 et DL Nº 370-372), la

réorganisation de la police a été effectuée par l’intégration des trois corps policiers : la

police générale (PG), la Police technique (PT) et la Police de Sécurité (PS) sous la

Dirección General de las fuerzas policiales de la Policía Nacional del Perú (PNP).

(PNP : 2009, INEI : 1992). À cette époque les deux premiers corps renvoyaient les

32 Source : INEI, Estadísticas de Criminalidad 1962-1992

DÉNON-CIATION -Victime - Intervention directe - D’office - Action populaire.

POLICE GÉNÉRALE

POLICE TECHNIQUE

POLICE DE SECURITÉ

REGISTRE DE DÉNONCIATIONS DE LA POLICE NATIONALE (Par organe, par délit, par lieu, région, type de dénonce, etc.)

MINISTERE PUBLIC

Organe central de statistique et informatique PNP

POLICE NATIONALE PÉROU

Page 48: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

48

dénonciations de délits vers la Police Technique qui devait les formaliser. En 1986 le

staff total de la PT comprenait 13,165 membres qui recevaient aussi les dénonces des

autorités judiciaires afin de centraliser et enregistrer l’information et réaliser

l’investigation correspondante selon le graphique 22 (INEI : 1991).

Les auteurs signalent que pendant le gouvernement de Fujimori la militarisation de la

police s’est consolidée. Cette militarisation avait commencé dans les années 80,

notamment à travers certaines unités telles que la Direction d’opérations spéciales

(DOES) qui recevait armement et équipement des forces armées. Dans le graphique 23

s’apprécient les deux autres unités plus importantes des années 90 : la Direction contre

la Subversion et la Direction Antidrogue (LIBRARY OF CONGRESS: 1992, CVR :

2003). On y reviendra quand on parlera de la Direction Antidrogue (DIRANDRO).

Tableau 23 : Organisation de la Police Nationale Péruvienne en 1991 33

33 Source: USA Library of Congress, Country Study: Peru, 1992

President de la République

Ministre de L’Intérieur

Inspecteur Général

Direction contre subversion

Direction Antidrogue Direction Opérations Spéciales

1 Région: Piura

2 Région: Arequipa

3 Région: Lima

4 Région: Cuzco

5 Région: Iquitos

Police Technique Police Générale Police de Sécurité

Division - Vol

Division - Homicide

Division - Sequestres

Division - antiterrorisme

Bataillon Sinchi

Page 49: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

49

En effet, la police était un contrepoids au pouvoir des forces armées et la coordination

entre les deux institutions s’avérait difficile, jusqu’au moment où Fujimori a mis le

Ministère de l’Intérieur sous l’autorité des militaires. La Constitution établie après le

coup d’État de Fujimori instituait dans son chapitre XII - de la défense et sécurité

nationale – les objectifs de la police de garantir, maintenir et rétablir l’ordre interne,

aider les personnes de même qu’enquêter sur, prévenir et combattre la délinquance. En

même temps l’article 173 la soumettait à la juridiction militaire et au code de justice

militaire. (COSTA : 2004)

Ainsi, en 1992 l’unification de la Police péruvienne s’est consolidée, éliminant les

directions régionales et celles des trois corps policiers. Le principal acteur résultant est

la Police d’Investigations, particulièrement son service d’intelligence de la sécurité de

l’état et la section de la Direction Nationale contre le Terrorisme (DINCOTE), qui a

réussi à capturer Abimael Guzmàn et d’autres têtes des organisations terroristes. De

cette manière elle a assuré la crédibilité de l’institution et du gouvernement de même

que la victoire sur le terrorisme. Longtemps questionnée dans une culture qui mesurait

l’efficience par la quantité et pas par la qualité des détenus, la DINCOTE avait organisé

une formation de 4 ans dans un seul centre d’instruction situé à la capitale et avait

perfectionné les connaissances du terrain et le travail en équipe (LIBRARY OF

CONGRESS: 1992, CVR : 2003).

Une autre caractéristique des années 90 est la corruption qui a inondé le gouvernement

de Fujimori et l’influence de Montesinos comme directeur du système de sécurité du

pays. Elle était déjà présente dans les régimes antérieurs à travers les politiques d’octroi

de positions, sanctions, changements et retraites, l’instrumentalisation politique des

directeurs et la médiatisation des activités de répression. Mais après les aménagements

du gouvernement de Fujimori, la corruption a traversé l’institution policière au point

que tous les responsables du Ministère de l'Intérieur de ces dernières décennies, à

l’exception d’un général, se sont retrouvés en prison ou ont été poursuivis par la justice.

La corruption a affecté tous les niveaux de la PN : la caisse des pensions, les fonds

d’habitation ou de santé pour les membres, les opérations d’achat d’équipement ou

d’essence, les assignations d’alimentation, les démarches administratives, l’admission à

l'école de policiers, les décisions de promotion de grade ou le placement dans les postes

clés comme la logistique, le narcotrafic, le terrorisme, la sécurité d’état, etc. Même la

Page 50: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

50

demande de faveurs à la population civile en échange d’effectuer certains services ou de

laisser impunies des infractions reste une pratique courante de nos jours. (CVR : 2003,

COSTA : 2004).

A partir du 2000 le nouveau gouvernement s’est engagé à trouver une solution à la

faiblesse des institutions de l’État, profitant d’une étape de déclin du prestige des

institutions militaires et policières. En 2001, le gouvernement de concertation nationale

a publié les bases pour la réforme policière et a formé la commission de restructuration

de la Police Nationale. Parallèle à la commission de restructuration des forces armées,

cette commission a accueilli l’opposition du régime de Fujimori et les secteurs engagés

dans la défense des droits de l’homme.

La commission a agi aux niveaux de la presse, de la télévision et de la coopération

internationale, et a élaboré pour la police nationale un programme de réforme qui

implique la des-militarisation de l’institution, la lutte contre la corruption, le

renforcement du bien-être policier (rémunération, santé et logement), le développement

d’une police de proximité, la création d’un ombudsman de la police et l’amélioration de

la qualité de la formation policière. Cependant, l’institution policière ne s’étant pas

approprié le projet, les résistances internes, le contexte politique précaire et la manque

de support des secteurs justice, défense et économie ont mis fin à l’entreprise en 2003

(COSTA : 2004).

Jusqu’à nos jours on écoute souvent les acteurs politiques plaider en faveur d’une

reforme ou restructuration urgente de la police, bien qu’après ce survol historique, il

nous semble que cette quête d’organisation, structuration ou cohérence institutionnelle

caractérise l’institution policière péruvienne.

4.1.2. La direction antidrogue et l’unité antidrogue de l’aéroport

La dernière commission de réorganisation avait aussi signalé la bureaucratisation

excessive et les défauts de coordination, de transmission d’information et de contrôle

des fonctions comme des problèmes à surmonter à travers une nouvelle macrostructure

créée en 2003 (COSTA : 2004). Comme on peut voir dans le graphique 24, dans

l’organigramme actuel, le Directeur Général dépend du Ministre de l’intérieur et

Page 51: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

51

travaille étroitement avec l'inspecteur général et les trois directions exécutives : la

Direction d’opérations (DIREOP), la Direction du développement humain (DIREDH)

et la Direction administrative logistique et informatique (DIREADM). La Direction

Générale est aussi assistée par 5 conseils et par l’État-major général. Quant à la majorité

des acteurs, ils se concentrent dans la Direction d’opérations qui est divisée en

différentes directions : la Direction contre le terrorisme (DIRCOTE), la Direction

criminalistique (DIRINCRI), la Direction Antidrogue (DIRANDRO), etc. (PNP: 2009)

Tableau 24: Organigramme actuel de la Police nationale du Pérou34

Comme on l’a déjà dit, la Direction antidrogue (DIRANDRO) est une de ces unités qui

sont devenues importantes après les reformes des années 90. Elle fut crée par le Décret

Législatif N° 744 du 9 Novembre de 1991, dans le cadre de la lutte contre le trafic

illicite de drogue entreprise par l’État péruvien. Dans la Résolution ministérielle M N°

0535-95-IN/PNP de mai 1995 qui explicite son organisation, sa mission et ses

fonctions, il est précisé qu’elle s’occupe de :

- l’investigation et le constat des délits de production et commercialisation des drogues,

de détournement des composantes chimiques et de blanchiment d’actifs ;

- l‘action d’intelligence qui vise la destruction des laboratoires clandestins d’élaboration

de la drogue et des cultures de pavot;

- la interdicción terrestre, en helicóptero, fluvial y lacustre. Cet objectif est calqué des

objectifs et du langage politique nord-américain. Interdicción selon le dictionnaire de

Page 52: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

52

l’Académie Royale de la langue espagnole signifie - comme en français - l’action de

prohiber ou interdire (prohibir/interdecir) et en jargon juridique il réfère la sanction de

privation de droits civils. Mais tel que le directeur du Centre d’information et éducation

sur la prévention et l’abus de drogues au Pérou (CEDRO) signale, ici interdicción fait

référence aux activités de répression en matière de drogues (identification et capture des

trafiquants), notamment dans les voies de communication qu’utilise le trafic de drogues

(terrestres, fluviales, lacustres, etc.) et auxquelles les Etats-Unis ont contribué

énormément avec son appui économique, technique et logistique35. La terminologie a

été importée du langage du gouvernement nord-américain et des agences telles que la

Drug Enforcement Administration (DEA) ou la Air and Marine Interdiction Division qui

ont un rôle prédominant dans la mise en ouvre des prohibitions du trafic de drogue36.

- le contrôle et la sécurité du personnel du projet CORAH d’éradication de cultures de

coca.

Voici l’organigramme officiel de cette unité qui a d’ailleurs changé durant la réalisation

de notre travail (DIRANDRO : 2009).

Tableau 25 : Direction National Antidrogue de la PNP en Janvier 2009 37

34 Source: PNP, website officiel. 35 Voir l’article de A. VASSILQUI, Interdicción, en CEDRO Actualidad, consulté en Juin 2009, http://www.cedro.org.pe/comunicaciones/actualidad2.htm, 36 Voir l’article de J. GIERMANKI, DHS, Drug Interdiction and Common Sense du 3 Avril 2009, http://www.csoonline.com/article/487963/DHS_Drug_Interdiction_and_Common_Sense et la note de presse du US Costume Service Public Affairs Office du 24 Avril 2001, U.S. Customs Air and Marine Interdiction Division Safeguards Our Borders - In the Air and At Sea, http://www.cbp.gov/hot-new/pressrel/2001/0424-01.htm, consultés en Juillet 2009. 37 Source: PNP, web site officiel, consulté en Janvier 2009.

DIRANDRO

Division Investigation Recherche de responsables

Division Opérations spéciales Interdiction dans les voies de communication. Sécurité groupe CORAH.

DITID-AIJC Identification et détention des courriers de drogues à l’aéroport. Contrôle d’ importation et exportation.

Division Investigation financière

Division Investigation et contrôle de composants chimiques Contrôle de production, utilisation, commercialisation, détournements.

Page 53: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

53

Tableau 26 : Direction Antidrogue de la PNP en Juin 2009 38

Pendant quelques années l’aire de détection des passeurs des drogues a été mise en

exergue en tant que sous-unité, mais aujourd’hui elle n’est plus si visible. Pour nous,

l’organisation et la réorganisation de la Police Nationale, de la Direction Antidrogue, et

de la Division d’investigation contre le trafic de drogues de l’Aéroport International

Jorge Chavez (DITID-AIJCH) font partie des efforts de restructuration, organisation

voire réparation de la faible cohérence de l’institution qui démarre le processus de

criminalisation secondaire.

4.2. Les actions à l’aéroport comme des activités efficaces contre le trafic de drogue

Comme on l’a vu, les phénomènes du terrorisme, la pacification, les efforts de

restructuration, mais aussi la corruption et le trafic de drogue ont contribué à modeler

l’institution policière ces dernières années. Dans les pages qui suivent, à travers la

lecture des statistiques nationales nous allons analyser l’enregistrement des activités de

la police péruvienne contre le trafic illégal de drogue. On verra qu’en général les

activités de la police péruvienne diminuent depuis les années 90. Pourtant, les activités

de répression du trafic de drogue ont augmenté notablement à partir de l’année 92 et se

sont focalisées sur l’arrestation des trafiquants proprement dits et la saisie de

38 Source: PNP, web site officiel, consulté en Juin 2009.

Page 54: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

54

chlorhydrate de cocaïne. Ces développements et la tendance à localiser ces activités

efficaces ont conduit à privilégier les activités menées par l’unité de l’aéroport.

Les tableaux présentés, qui couvrent des séries longues rarement publiées, sont des

recompositions qu’on a effectuées à partir des statistiques fournies par les institutions

concernées. La majorité a été extraite des compendia nationaux édités par l’Institut

National de Statistique et Information (INEI). D’autres plus récentes et qui pointent

mieux notre sujet, nous sommes allées les chercher directement dans les bureaux de la

Direction Antidrogue de la police péruvienne (DIRANDRO). Finalement, des

statistiques qui ont été publiées par d’autres institutions, telles que l’Observatoire

péruvien de drogues (OPD-DEVIDA) ou le bureau des Nations Unies contre la drogue

et le crime de la région (ONUCD), ont été aussi intégrées.

4.2.1. L’activité de la Police vue à travers les statistiques

Une manière de décrire la vie de l’institution policière est l’étude de ses registres

statistiques d’activité. Pourtant, tel que les agences des États-Unis ont signalé, la

difficulté de la tâche vient de l’incomplétude de l’information produite pendant l’état de

conflit et la suspension des garanties constitutionnelles qu’ont subie une série de

provinces du pays pendant les années 80 et 90 (LIBRARY OF CONGRESS : 1992).

Malgré cela, certains efforts menés au niveau national nous fournissent du matériel

nécessaire pour en tirer quelques conclusions.

a) Trois étapes d’enregistrement des activités: En 1991, la commission

multisectorielle, qui a recueilli de l’information directement des 3 corps policiers, a pris

en compte deux indicateurs d’activité policière : las intervenciones et las detenciones39

efectuadas por la Policía Nacional (PNP). Après l’unification de la police et pendant le

régime de Fujimori les statistiques présentent cette information sous la rubrique

intervenciones en delitos registrados por la PNP, et les statistiques publiées récemment

au niveau national utilisent celle de delitos registrados por la PNP. Cette démarche met

déjà en évidence déjà trois temps dans la construction de statistiques, particulièrement

trois formes de gestion d’un chiffre noir implicite dans l’enregistrement de la

39 L’usage du langage ne fait pas la distinction entre arrestation (par la police) et détention (sur mandat judiciaire). Ici on se réfère au premier type d’actions.

Page 55: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

55

criminalité. Effectivement, l’inadéquation entre la criminalité enregistrée et la

criminalité réelle irait à l’encontre de l’image et de la logique prônées par l’institution et

l’État dans les années 90: « la police intervient lorsqu’il y a un délit pour investiguer et

arrêter les coupables » (INEI : 1992 p. 22)

b) Diminution des délits ou de l’activité de la police : Selon l’information reconstruite

dans les années 90, les interventions de la Police Générale, (PG) en infractions, délits et

manifestations révèlent d’une escalade impressionnante à partir des années 70. Dans le

tableau suivant, la ligne bleu claire signale toute une activité par rapport aux fautes, qui

n’est plus publiée pendant les années 90, tandis que les lignes bleue et grenate montrent

l’activité marginale face aux grèves, manifestations et les interventions de la PS dans les

postes de frontières. La deuxième série de chiffres des années 90 montre qu’après un pic

une tendance à la diminution de l’activité policière s’est consolidée, tendance qui

continue jusqu'à nos jours.

c) Inexactitudes et réformes : L’inexactitude des données quantitatives nationales a

sans doute contribué aux réformes impulsées pendant les années 90. Par exemple, les

statistiques nationales de 1993 d’où on tire le nombre d'interventions en infractions,

délits, grèves et manifestations, diffère parfois avec celles fournies par la PG en 1991

(INEI: 1991, INEI : 1993).

Les points jaunes dans le tableau 27 montrent les chiffres qui étaient intéressants pour le

gouvernement des Etats-Unis : le total des délits enregistrés ou recorded crimes

(LIBRARY OF CONGRESS : 1992), quand à l’époque, la division et le renvoi interne

entre la PG, la PS et la PT rendait la tâche de l’élaboration de tel indicateur très difficile.

La focalisation de la PG et la PS sur les actions de terrain et son manque de

préoccupation au sujet de la formalisation, leurs permettait et même les incitait à

montrer des chiffres élevés d’interventions et d’arrestations. En revanche, la PT ne

considérait pas la réalisation des interventions comme une priorité mais se focalisait sur

la réception et la formalisation de ces activités - le lieu, le délit, le total d’arrestations, le

type de détenus, etc. L’information produite était susceptible d’être connue et contrôlée

par d’autres institutions, notamment par l’appareil judiciaire. C’est probablement

pourquoi les chiffres d’interventions et d’arrestations de la PT apparaissent souvent plus

modestes.

Page 56: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

56

Tableau 27 : Interventions en délits / Délits enregistrés par la PNP 1963-200840

d) Diminution du total d’arrestations: Avant 1992 le nombre d’arrestation comme le

nombre d’interventions policières présentaient les mêmes inconvénients : quatre

données, renvoi interne et inexactitude.

Tableau 28 : Nombre d’arrestations au niveau national par la PNP 1963-200841

0

50 000

100 000

150 000

200 000

250 000

Détenus pour commetre délit - PSDétenus pour commetre des fautes - PGDetenus pour commetre délit - PG Detenus pour commetre délits - PT Personnes détenues pour commetre délit - PNP

40 Sources: 1/ et 2/ PG - PS, élaboration: INEI, Estadísticas de Criminalidad 1968-1991 ; 3/ USA Library of Congress , Peru Country study; 4 et 5/ Ministerio del Interior, élaboration: INEI, Perú Serie estadísticas 1970-1992; 6/ PNP – División Estadística, élaboration: INEI, Estadísticas seguridad y violencia 1997-98; 7/ PNP – Oficina Estadística. élaboration: INEI, Compendio Perú 2006. 41 Sources de 1969-1991: PT, PN, PS, élaboration: INEI, Estadísticas de Criminalidad 1991; de 1992- 1998: PNP - División estadística, élaboration: Estadísticas de Seguridad y violencia 1998-99; de 1999-2006: Min. del Interior - Oficina de planificación, élaboration: INEI, Perú compendio estadístico 2007.

0

50000

100000

150000

200000

250000

300000

350000

Interventions en délits - PS /1Interventions en délits- PG /2Délits enregistrés - PG et PT/3Interventions en fautes - PG /4Interventions en grèves et manifestations - PG /5 Interventions en delits registrés . PNP /6Délits enregistrés - PNP /7

Page 57: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

57

En outre, les montants de la PG et la PT n’incluaient pas les détenus pour vol à une

entité privée, délits contre la tranquillité publique ni trafic illégal de drogue, pour

lesquels n’existent pas de précisions sur le lieu de la détention et les caractéristiques des

personnes arrêtées. Cependant, après les efforts de la Police Technique d’agglutiner le

contrôle sur le nombre des détentions et un pic à l’époque du coup d’État de Fujimori, la

ligne du nombre de détentions au niveau national semble aller vers la stabilité et la

décroissance.

4.2.2. L’augmentation et la corrélation des activités de répression du trafic de drogue

L’élaboration de statistiques en matière de drogues est une des activités les plus

florissantes de ces dernières années. L’unification de la police en 1991, la création de la

DIRANDRO en 1992, de son département de statistique en 1995, l’appui de la

coopération internationale dans la formation du personnel de la DIRANDRO et d’autres

institutions tel que le Bureau de Narcotiques de la douane, de même que le

développement d’un software unificateur en 1994 par la Commission interaméricaine

pour le contrôle de l’abus de drogues (CICAD), sont souvent mentionnés dans les

statistiques des années 90, qui d’ailleurs montrent une augmentation du nombre

d’interventions et d’arrestations pour trafic de drogue. (INEI: 1996, INEI : 1997, INEI :

1998)

Tableau 29 : Interventions pour délit de trafic de drogue 1968-200642

1968

1970

1972

1974

1976

1978

1980

1982

1984

1986

1988

1990

1992

1994

1996

1998

2000

2002

2004

2006

Interventions TID 1/

0

2000

4000

6000

8000

10000

12000

14000

InterventionsTID 1/

InterventionsTID- PT 2/

InterventionsTID - PS 3/

InterventionsTID - PG 4/

42 1/ INEI, Compendio Estadístico 2006 et INEI, Estadísticas de Seguridad y violencia 1998; 2, 3 et 4/ INEI, Estadísticas de Criminalidad, 1963-1991

Page 58: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

58

Le tableau 29 montre que les statistiques faites dans les années 90 en matière de drogues

reprennent les anciens chiffres de la police technique. Aussi, il est évident que, à la

différence des interventions de la police pour tous les délits, les interventions en matière

de drogues ont augmenté exponentiellement jusqu’à l’année 2000, quand la tendance

semble avoir commencé à se renverser graduellement.

Tableau 30 : Nombre d’arrestations pour trafic de drogue 1963-200843

0

2000

4000

6000

8000

10000

12000

14000

16000

18000

20000

1980

1982

1984

1986

1988

1990

1992

1994

1996

1998

2000

2002

2004

2006

Détenues pourTID etconsommation dedrogues - PNP 1/

Intervenus parconsommation etdétenus pour TID- PNP 2/

Détenues pourTID - PNP 3/

Détenus pour TID- PT 4/

Détenus pour TID- PS 5/

Une tendance similaire peut être observée dans les statistiques d’arrestations pour trafic

de drogue. La ligne bleue qui court tout au long du tableau précédent représente les

statistiques actuelles d’évolution du nombre de détenus pour trafic ou consommation de

drogues tandis que superposés en bleu clair nous pouvons voir les chiffres de personnes

arrêtées par la PT. Malgré que la PG enregistre plus d’interventions dans la matière, en

1991 elle enregistrait seulement 168 arrestations et par conséquent son activité risquait

d’être qualifiée comme ineffective ou informelle.

Dans le même tableau, en grenat apparaissent le très peu nombre d’arrestations

enregistrées par la Police de Sécurité. En jaune on aperçoit les chiffres construits

pendant les années 90 et le période d’escalade de cette activité, tandis qu’en violet nous

avons superposé les chiffres que l’ONU fourni en 2007 à partir de l’information de la

DIRANDRO.

43 Sources: 1/ INEI, Compendio Estadístico 2006 2/ ONUDD, Informe Perú. Delitos y drogas, 2007 3/ INEI, Estadísticas Violencia y Seguridad Publica 1998-99 4 y 5/ INEI, Estadísticas de Criminalidad 1991.

Page 59: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

59

Par ailleurs, il faut signaler que, bien que cette augmentation et la baisse postérieure du

montant d’arrestations et interventions en matière de drogues ne se reflètent pas dans les

statistiques générales, elles montrent aussi l’unification de la Police Nationale et la

corrélation entre les activités d’arrestation et d’intervention à partir du 1992.

4.2.3. Développement d’indicateurs d’activité efficace en matière de drogues

A partir des années 80 apparaissent d’autres rubriques dans les statistiques policières

nationales de mise en ouvre des lois sur le trafic illégal de drogue. Notamment quatre

thématiques vont dominer la scène quantitative jusqu'à nos jours : a) les indicateurs de

drogue saisie, b) la caractérisation des personnes arrêtées pour trafic de drogue, c) la

localisation des activités et d) les indicateurs d’éradication de cultures de coca. Du fait

que ces derniers quantifient des hectares, pépinières, racoltes, etc. exigeant une analyse

technique qui élargirait notre propos, nous allons nous attarder à l’étude du

développement des trois premières, laissant aussi de coté les thématiques plus récentes:

destruction de laboratoires, biens saisis (voitures, bâtiments, argent ou armes,), etc.

a) De la drogue saisie vers le chlorhydrate de cocaïne saisi: Un des indicateurs les

plus anciens et importants est la quantité de drogue saisie par la police nationale, qui

distingue principalement trois types de drogues : La pâte basique de cocaïne (PBC), le

chlorhydrate de cocaïne (CC), et la marihuana. La pâte basique de cocaïne (PBC) est un

produit qui a été longtemps identifié aux classes socio-économiques défavorisées, parce

qu’elle présente un degré mineur de concentration d’alcaloïde et est accessible à des

prix assez réduits tandis que le chlorhydrate de cocaïne (CC), tout au contraire, a été

identifié aux marchés nationaux plus exigeants ou aux marchés internationaux

(CEDRO : 2007).

À ces trois drogues s’ajoutent d’autres types de drogues saisies par la police : feuilles de

coca, feuilles de coca en élaboration, composants chimiques, stupéfiants, opiacés, etc.

Comme on l’a vu dans le premier chapitre, les indicateurs de saisie de produits de la

cocaïne sont importants pour la communauté internationale. Bien que les chiffres

montrent des divergences selon les institutions qui les ont estimés, nous pouvons

affirmer que le montant total de la drogue saisie au Pérou a augmenté exponentiellement

Page 60: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

60

pendant les années 90 mais que le montant de la cocaïne saisie a varié plus ou moins

autour d’un certain montant entre 1995 et 2003.

En effet, les différentes statistiques présentent estimations différentes du total de drogue

saisie à cause de l’inclusion d’autres items à part la marihuana, le PBC et la CC. Par

exemple les statistiques nationales plus récentes comprennent l’opium, la morphine, le

latex de pavot, l’héroïne (voir première colonne du tableau 31). Un autre problème est le

fait que la PG en 1991 ait pris en compte les composants, qui n’étaient pas comptés par

la PT, et que les statistiques produites pendant le régime de Fujimori ont combiné ces

deux types de calculs et à partir de 1994 ont commencé à ajouter les quantités d’opium

saisi pour déterminer le montant total de drogue saisie (voir deuxième colonne).

Plus récemment d’autres inexactitudes peuvent être relevées en comparant les chiffres

de la police nationale avec ceux des agences internationales. Considérant seulement les

trois drogues plus importantes, la quantité de drogue saisie que présente la stratégie

nationale de lutte contre les drogues pour l’année 1999, diffère avec le montant reconnu

actuellement pour cette année-là (voir cinquième colonne), notamment à cause d’une

différence quant à la quantité de marihuana saisie.

De même, la quantité de cocaïne et de drogue saisies en 1995, semble avoir été corrigée

dans les statistiques récentes, et entre 2000 et 2003 l’observatoire péruvien des drogues,

institution formée par la PNP et d’autres institutions de la société civile, présente des

chiffres qui ne correspondent pas aux statistiques de la PNP. Finalement, les données

publiées par l’ONU-PERU en 2007 s’appuyant sur l’information de l’OEA-CICAD ou

la DIRANDRO, ne coïncident pas avec les chiffres nationaux du total de drogue et de

cocaïne saisie (ONUDD: 2007).

Malgré cela, il est évident que récemment les quantités de chlorhydrate de cocaïne saisie

augmentent progressivement. Le tableau 32 reprend les quantités saisies de

Chlorhydrate de cocaïne (CC) parmi les deux autres drogues plus importantes, et montre

comment pendant longtemps la pâte basique de cocaïne était la drogue majoritairement

saisie et comment la cocaïne a pris après une place prédominante. Le développement de

la catégorie CC est dû au fait que cette drogue est la matière principale qui sort du Pérou

Page 61: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

61

pour le trafic illégal de drogue au niveau international, et par conséquent, elle est

l’indicateur le plus significatif pour la communauté nationale et internationale.

Tableau 31 : Total de drogue et de chlorhydrate de cocaïne saisis par la PNP 1979-2007 44

Total de drogue saisie Cl. de cocaïne saisi

Année Statistiques Nationales 2006 1/

Statistiques de 1999 2/

Drogue Saisie - PT 3/

Drogue Saisie (produit) - PG 4/

Stratégie Nationale de lutte contre le drogues 2003 5/

Statistiques d’observatoire DEVIDA 2005 6/

Rapport ONUDD 2007 7/

Statistiques

Nationales 2006

1/

Statistiques de 1999 2/

Cocaïne Saisie – 1991 PT 3/

Cocaïne saisie - 1991 PG 4/

Rapport ONUDD 2007 7/

1979 2986 5

1980 4733 10

1981 4548 11

1982 5861 7

1983 7 780 11 217 117 3

1984 2 426 2 527 94 5

1985 3 752 1 690 26 12

1986 2 286 1969 1 969 12 0

1987 4 190 6524 6 524 28 23 23

1988 8 778 373 373 419 1 1

1989 2 923 1885 1 885 73 8 8

1990 5 725 5724 5725 8 445 500 500 500 36

1991 6 234 6235 6233 4 521 595 595 595 256

1992 7 776 776 185 185

1993 9 295 9296 424 424

1994 11 620 11619 94 94

1995 23 932 29127 3 605 7 659

1996 170 176 170 113 1 006 1 007

1997 172 723 172 922 2 315 2 509

1998 29 829 29 829 29 819 1 750 1 750

1999 15 430 20 780 16 942 4 025 4 025

2000 43 572 43 572 14 001 27 099 2 837 2 837

2001 50 044 50 044 11 938 27 961 2 915 2 915

2002 121 355 121 355 17 657 93 341 4 129 4 129

2003 27 763 27 763 10 448 27 216 3 574 3 574

2004 15 615 15 616 15 163 7 304 7 304

2005 18 019 18 019 17 505 11 763 11 763

2006 16 718 21 082 10 409 14 749

2007 15 541 8 119

44 Sources: 1/ Ministerio del Interior, élaboration: INEI, Compendio Estadísticas 2006, 2/ PNP División de estadística, élaboration: INEI, Estadísticas de Violencia y seguridad pública 1998-1999 et Apoyo técnico Dinandro, élaboration: INEI, Estadísticas de tràfico, producción y consumo de drogas 1998-1999, 3 y 4 / PG y PT, élaboration : Estadísticas de criminalidad 1991, 5/Dirandro, élaboration: Estrategia de lucha contra las drogas 2002, 6/ DINANDRO, élaboration: OPD-DEVIDA, Información estadística sobre las drogas en el Perú 2006 7/ OEA et CICAD (1998-2003), INEI (2004-2005), DIRANDRO (2006-2007) élaboration: ONUDD, Informe Perú 2007.

Page 62: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

62

Tableau 32 : Chlorhydrate de cocaïne et autres drogues saisis par la PNP 1979-200645

0

20000

40000

60000

80000

100000

120000

140000

160000

180000

1979 1981 1983 1985 1987 1989 1991 1993 1995 1997 1999 2001 2003 2005

Pâte base de cocaïne PBC Clorhydrate Cocaïne CC Marihuana

b) Des arrestations pour infractions à la loi sur les drogues aux arrestations pour

trafic proprement dit: Les premières caractérisations démographiques des personnes

arrêtées pour trafic de drogue auxquelles on a eu accès sont celles élaborées par la

Police Technique jusqu’au début des années 90 et qui révélaient une criminalité

prédominante d’hommes et une petite proportion d’étrangers. De même, comme on peut

voir dans le tableau 33, le pic des années 86-88 et l’énorme augmentation d’arrestations

des années 90 n’ont pas enregistré des variations majeures, quant au sexe et á l’origine

des personnes arrêtées pour trafic de drogues.

Tableau 33 : Personnes arrêtées pour TID selon le sexe 1980-2006 et selon la nationalité 1980-199146

45 Source 1979-1983: PG élaboration : INEI, Estadísticas de Criminalidad, 1983 – 1991 : PT, élaboration : INEI, Estadísticas de criminalidad, 1991-2006, INEI, Compendio Estadístico 2006. 46 Sources 1980-1990: PT, INEI Estadísticas de Criminalidad 1991, 1990-2006: INEI, Compendio Estadístico 2006.

19801982198419861988 19901992 1994 1996 1998 2000 2002 2004 2006

0

2000

4000

6000 8000

10000 12000

14000

16000

18000

Femmes

Hommes

Arrêtées pour TID 1980 1981198219831984 1985 1986 19871988198919901991

0

500 1000

1500 2000

2500

3000

3500

4000

4500

Étrangers Nationaux

Page 63: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

63

En réalité, cet indicateur va se développer en distinguant deux autres sous-catégories. A

partir de la moitié des années 90 apparaît toute une partie des détenus pour trafic de

drogues comme de détenus pour consommation et en conséquence comme des sujets

auxquels la prohibition ne s’adressait pas directement (voir chapitre II sur les lois de

prohibition du trafic de drogue au Pérou). Encore, dans les statistiques plus récentes une

proportion des consommateurs se détache du groupe pour être considérée dans la

catégorie des micro-trafiquants, une espèce de petits dealers de rue.

Dans le tableau 34 nous pouvons nous rendre compte du poids que les différentes

statistiques actuelles octroient à ces segments. Malgré les divergences quant à

l’inclusion ou exclusion des micro-commerçants en ce qui concerne la catégorie des

trafiquants proprement dits, le nombre d’arrestations pour trafic proprement dit est

beaucoup moins important que le nombre total d’arrestations pour trafic de drogue.

Tableau 34 : Catégories d’arrestation pour trafic de drogue 1994-2007 47

TOTA

L Ar

restations

po

ur trafic de

drog

ues 1/

Pour

consom

mation

Pour trafic

prop

remen

t dit

Pour M

icro trafic

Interven

us pou

r Micro trafic

TOTA

L Ar

restations

po

ur trafic de

drog

ues 2/

Pour

consom

mation

Pour trafic

prop

remen

t dit

Par m

icro trafic

TOTA

L

Arrestations

po

ur trafic

de

drog

ues – 3/

Pour

consom

mation

Pour trafic e

t micro trafic

Pour M

icro trafic

1994 6 565 4 357 2 229

1995 10 709 7 018 3 691

1996 12 189 8 651 3 538

1997 14 319 10 260 4 059

1998 17 186 13 846 3 340

1999 15 577 12 590 2 987 0

2000 17 986 15 110 2 876 3819 15 110 2 876

2001 13 343 11 007 2 336 3169 11 007 2 336

2002 13 158 11 076 2 082 3572 13 158 8 898 2 048 2 212 13 158 11 076 2 082

2003 12 234 10 030 2 204 3614 12 234 8 071 2 173 1 990 12 234 10 030 2 204

2004 10 144 6 961 1 988 3786 1 195 10 144 6 962 1 991 1 196 10 144 6 961 3 183

2005 11 259 8 405 1 510 5522 1 344 11 259 8 405 1 511 1 344 … …. …

2006 6944 5 759 1 185 5826 959 7818 5609 2 209 1133

2007 11766 7255 4511 1832

Les statistiques nationales d’activités en matière de drogues présentent aujourd’hui la

catégorie « personnes arrêtées pour TID proprement dit » (voir colonnes en jaune) qui

est celle qui fait partie du total de détenus pour tous les délits de la PNP. Ce chiffre ne

47 1/ INEI, Compendio estadístico 2006 2/ OPD-DEVIDA, Información estadística sobre las drogas en el Perú 2006 3/ONUDD, Informe Perú 2007

Page 64: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

64

compte pas les catégories importantes de personnes arrêtées pour consommation et pour

micro-trafic. Des inexactitudes apparaissent aussi en comparaison avec les chiffres

fournis par l’organisation interinstitutionnelle DEVIDA. Finalement, les dernières

colonnes montrent que les indicateurs de l’ONU sont aussi en désaccord avec les

statistiques nationales depuis 2004, assimilant les arrestations pour micro-trafic aux

arrestations pour trafic proprement dit sans pour autant inclure les consommateurs dans

le groupe.

c) Localisations des activités efficaces de la PNP en matière de drogues: Un des

majeurs inconvénients informatiques que l’on a constaté avant la technicisation de la

Police de 1991 est le défaut de localisation de certaines activités de la police,

particulièrement de la provenance des arrestations. Une thématique importante dans le

développement de l’information quantitative sur les activités de la police va dans ce

sens-là, notamment avec la spécificité des activités des unités antidrogue pendant les

années 90 et après avec la récupération de la division territoriale traditionnelle. Ce

développement et les deux précédents indiquent une direction de l’activité policière vers

une sorte d’efficacité.

En effet, le nombre d’interventions étant un indicateur d’activité pure et simple de la

PNP, la prolifération quantitative de ces dernières décennies en matière des drogues se

dirige vers le ciblage des activités de saisie de chlorhydrate de cocaïne et de détention

des personnes pour trafic illégal de drogue proprement dit. Si nous prenons ces

indicateurs : le nombre d’interventions pures et simples, le montant de Chlorhydrate de

cocaïne saisi et les détenus pour TID proprement dits, pendant les trois étapes, nous

allons constater l’importance de la localisation des activités dites efficaces et

particulièrement l’importance des activités menées à l’aéroport international.

Pendant la première étape d’élaboration des statistiques nationales d’interdiction de

drogues, le contexte du conflit explique en bonne partie pourquoi la PG et la PT, étant

généralement capables de donner ces informations pour les cas des délits communs, ne

pouvaient pas assurer une information détaillée pour les délits contre la tranquillité

publique ou le trafic de drogue. Cependant, la PG fournit déjà l’information sur les

principales régions où il y a eu le nombre majeur d’interventions pour TID, et la PT

commence à élaborer les indicateurs nationaux d’activité efficace. En ordre

Page 65: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

65

décroissant il s’agit du département de Lima, de la province du Callao, du département

de La Libertad et du département de Huánuco où se localisent la plupart d’activités de

répression du trafic illégal de drogues (INEI : 1991).

Tableau 35 : Localisation des activités efficaces en matière de drogues 1983-199148

Département 83 84 85 86 87 88 89 90 91 2/

Interven

tions

TID

Kg. d

e CC

Saisie

Interven

tions

TID

Kg. d

e CC

Saisie

Interven

tions

TID

Kg. d

e CC

Saisie

Interven

tions

TID

Kg. d

e CC

Saisie

Interven

tions

TID

Kg. d

e CC

Saisie

Interven

tions

TID

Kg. d

e CC

Saisie

Interven

tions

TID

Kg. d

e CC

Saisie

Interven

tions

TID

Kg. d

e CC

Saisie

Interven

tions

TID

Kg. d

e CC

Saisie

Total PT 1992 117 1631 94 1813 26 1922 12 2237 28 1247 419 605 73 692 500 828 595

Huànuco 55 6 0 16 3

La Libertad 128 106 17 76 114

Lima 1/ 2182 1232 1035 757 954 Callao 486 401 247 277 113

Les défauts d’information ont été combattus pendant les années 90. Pour commencer le

TID n’est plus considéré comme un délit spécial mais il est rangé avec les délits contre

la sécurité publique (avec la possession d’armes). Ainsi, les statistiques construites

pendant ces années nous fournissent de l’information détaillée sur les indicateurs

d’efficacité pour l’ensemble national et selon les unités policières territorialement

distribuées. L’unité la plus importante est toujours Lima, qui cette fois-ci englobe la

zone urbaine de Lima et le Callao, mais les détentions pour trafic proprement dit sont

plus importantes à Huánuco (zone rurale de production) qu’à La Libertad (zone urbaine

de consommation).

Aussi, pendant les années 90 les nouvelles unités créés spécifiquement pour le trafic de

drogue apparaissent détachées des dépendances territoriales, tel que MGP, la direction

d’opérations spéciales (DIOAS), les établissements pénitentiaires (EP), La force

aérienne du Pérou (FAP), les bureaux de douanes (SUNAD), DINANDRO- Lima et

DINANDRO-Huallaga. Nous pouvons constater que DIRANDRO-Huallaga présente

une activité assez efficace, ayant saisi d’importantes quantités de feuilles de coca dans

48 Source: Oficina de Estadística de la Policía General – Àrea estadística COAS –DS de la Policía Técnica, Éstadísticas de criminalidad 1963-1991. 1/ Le département de Lima n’inclue pas la Provence du Callao. 2/ Jusqu’au Juin 1992.

Page 66: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

66

les régions d’Ayacucho et Apurimac, et les unités de contrôle douanier SUNAD,

particulièrement celles du port et de l’aéroport du Callao, présentent de véritables

chiffres d’efficacité (INEI : 1996, INEI: 1997).

Tableau 36 : Localisation des activités efficaces en matière de drogues 1992-199849

Bien que les statistiques nationales actuelles aient corrigé certains montants de cette

période (en jaune), le tableau montre la localisation principale des activités contre le

trafic de drogue menées pendant cette décennie, ainsi que l’émergente efficacité de la

DINANDRO en matière de TID et des postes des points de mobilité internationale.

Finalement, les statistiques nationales de la période actuelle localisent les activités de la

police nationale selon la division territoriale départementale sans spécifier leur

efficacité. Le manque de précision de la terminologie (detenidos, drogas) contribue á

l’imprécision. La localisation des activités plus efficaces quant à l’arrestation de

personnes pour trafic proprement dit se concentrent toujours dans les régions de Lima,

49 Sources : Brigada antidroga y operaciones especiales ; gerencia de contrabando et Dinandro- apoyo técnico. Elaboration : INEI 1996, 1997 et 1998, Estadísticas sobre la producción, tráfico y consumo de drogas1994-1996, 1996-1997 et 1997-1998 ; Oficina de Estadística de la PNP y DINANDRO, Élaboration : INEI, Estadísticas de violencia y seguridad pública 1998-99.

Département 92 93 94 95 96 97 98 /3

Indicateurs activités trafic de drogues

Interven

tions

TID

Kg. de CC

saisie

Interven

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TID

Kg. de CC

saisie

Interven

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TID

Déten

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Kg. de CC

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Kg. de CC

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Kg. de CC

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prop

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Kg. de CC

saisie

Interven

tions

TID

Déten

us pou

r TID

prop

remen

t dit

Kg. de CC

saisie

Total 3180 185 3862 424 4551 2229 94 7102 3691 3605 8240 3538 1006 9741 4059 2315 11606 3340 1750

Huànuco 21 9 157 5 39 364 298 67 341 394 364

La Libertad 1,7 0,7 216 0,1 0,3 402 141 3 475 196 Lima (inclus Callao et province)

5,4 2 685 122 30 6256 881 255 8170 1168 1286

SUNAD 265 50 24 76 262 49 8 0

Dinandro PNP 124 0 499 7417 414 838 1952 0

Dinadro Lima 19

POSTES DE CONTROL DOUANNE SUNAD National : 293 59 4267,

4 346 732 367

- Callao 2 61 0 46 - Aéroport

Jorge Chàvez 288 57 4258,7 281 686 287

- Tacna 2,6 1 0,9 0 0 0

Page 67: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

67

Huánuco et La Libertad. Toutefois, ces statistiques récentes conservent le souci de

détailler les activités menées à l’aéroport en matière de drogues qui s’avèrent efficaces

grâce aux montants d’arrestations pour trafic proprement dit et de chlorhydrate de

cocaïne saisi. Il faut remarquer que ces chiffres sont aussi en augmentation constante.

Tableau 37 : Localisation des activités efficaces en matière de drogues 1999-200650

En effet, les tableaux 38 et 39 permettent de constater les différences entre les

indicateurs d’efficacité pour l’ensemble de la PNP et ceux de l’unité située à l’aéroport.

Le tableau 38 montre une comparaison entre le nombre d’arrestations pour trafic de

drogue au niveau national, le nombre d’arrestations pour trafic proprement dit au niveau

national (sans compter les consommateurs et les micro-commerçants) et le nombre

d’arrestations pour trafic de drogue proprement dit à l’aéroport. Par rapport au premier

chiffre, le nombre arrestations à l’aéroport apparaît insignifiant mais sa participation

dans le deuxième apparaît de plus en plus importante.

Aussi, le tableau 39 montre que les indicateurs nationaux sont caractérisés – bien qu’à

partir du 2005 cette tendance se renverse - par un grand nombre d’interventions (les

activités de base) par rapport aux chiffres d’activités efficaces (détentions pour trafic

proprement dit et saisie de chlorhydrate de cocaïne) tandis que les chiffres de l’aéroport,

bien qu’ils ne soient pas élevés, montrent la tendance contraire. Notre hypothèse est que

l’efficacité de l’unité encourage son investissement dans ces activités, d’autant plus

qu’elle permet la publication de l’information détaillée sur ces activités dites efficaces.

50 Source: Ministerio del Interior. Oficina de Planificación general. Élaboration: INEI, Compendio Estadístico 2006.

1999

2000

2001 2002

2003

2004

2005

2006

Interven

tions

TID

Détentions

pou

r TID

prop

remen

t

CL. C

ocaïne

saisie

Interven

tions

TID

Détentions

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r TID

prop

remen

t

CL. C

ocaïne

saisie

Interven

tions

TID

Détentions

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r TID

prop

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CL. C

ocaïne

saisie

Interven

tions

TID

Détentions

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r TID

prop

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CL. C

ocaïne

saisie

Interven

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TID

Détentions

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CL. C

ocaïne

saisie

Interven

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TID

Détentions

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prop

remen

t

CL. C

ocaïne

saisie

Interven

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TID

Détentions

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r TID

prop

remen

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CL. C

ocaïne

saisie

Interven

tions

TID

Détentions

pou

r TID

prop

remen

t

CL. C

ocaïne

saisie

Total 11456 2987 4025 13284 2876 2837 11358 2336 2915 11670 2082 4129 10609 2204 3574 9597 1988 7304 11259 1510 11763 7574 1185 10 409

Huànuco 302 255 223 222 206 126 117 46

La Libertad 157 102 50 52 93 61 58 6

Lima 1/ 1161 1 140 776 822 807 776 565 809

Aéroport 83 88 308 98 116 487 112 118 519 186 243 514 190 204 685 214 235 591 265 290 791 431 454 1 586

Page 68: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

68

Tableau 38 : Personnes arrêtées pour trafic et consommation à niveau national, pour trafic proprement dit et pour trafic proprement dit à l’aéroport 1994-200651

Tableau 39 : Efficacité des activités de répression en matière de drogues au niveau national et des activités menées à l’aéroport 1999-200652

4.2.4. Caractérisation des sujets par la division antidrogues de l'aéroport

La direction contre les drogues et particulièrement l’unité de l’aéroport produit de

l’information sur la quantité de cocaïne saisie et le nombre d’arrestations comme des

indicateurs d’efficacité susceptibles d’être mis en exergue. Ces chiffres seront récupérés

par les structures institutionnelles de niveau national et international: la DIRANDRO, la

Police Nationale du Pérou (PNP), l’Observatoire péruvien sur les drogues (OPD-

51 Source: Ministerio del Interior. Oficina General de Planificación. Elaboratión : INEI, Compendio Estadístico 2006 52 Source: Ministerio del Interior - Oficina de Planificación general. Élaboration: INEI, Compendio Estadístico 2006.

19941996

19982000

20022004

2006

0

5 000

10 000

15 000

20 000

pour trafic à l'aéroport pour trafic proprement dit pour traffic, consommation et micro TID

0 2 000 4 000 6 000 8 000 10 000 12 000 14 000

Arrestat TID PDKg- CC SaisiInterventions

Arrestat TID PDKg- CC SaisiInterventions

Arrestat TID PDKg- CC SaisiInterventions

Arrestat TID PDKg- CC SaisiInterventions

Arrestat TID PDKg- CC SaisiInterventions

Arrestat TID PDKg- CC SaisiInterventions

Arrestat TID PDKg- CC SaisiInterventions

Arrestat. TID PD Kg- CC SaisiInterventions

2006

2005

2004

2003

2002

2001

2000

1999

A l'aéroport Totales

Page 69: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

69

DEVIDA), le Ministère de l’Intérieur (MI), l’Institut National de Statistique et

Information (INEI), l’Organisation d’États américains contre la drogue (OEA-CICAD)

et les Nations Unis contre la drogue et le crime pour la région (ONUCD).

Tableau 40 : Activités de l’unité policière antidrogue de l'aéroport53

Interventions Détenus Etrangers Nationaux Hommes Femmes Drogue saisie

Kg. de C.C. PBC Capsules

1999 83 88 … 51 37 318.1 308.2 9.9 0

2000 98 116 … 65 51 487.0 487.0 0

2001 112 118 … 69 49 527.3 519.2 0

2002 186 243 … 168 75 518.8 514.0 4.8 0

2003 190 204 … 140 64 692.1 685.2 0

2004 214 235 … 170 65 600.3 591.3 9.0 0

2005 265 290 … 208 82 798.7 790.6 6.3 0

2006 431 454 361 193 334 120 1,587.3 1,586.3 0 15,067

2007/1 694 721 268 453 577 144 1,963 1,956 6,411 10,722

2008/2 184 207 133 74 160 47 793 793 0 0

Tableau 41 : Personnes arrêtées à l’aéroport selon le sexe 1999-200854

0

100

200

300

400

500

600

700

800

1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 /1 2008/2

Détenus

Hommes

Femmes

Tableau 42 : Personnes arrêtées à l’aéroport selon la nationalité 1999-200855

53 1/ Le rapport ONUDD 2007 estime un total de 1,892 Kg de drogue saisie dont 1,885 de CC. 2/ Au 9 Juillet 2008. Sources : DIRANDRO- LIMA, Statistique non officielle, et Ministerio del interior, oficina general de planificación, élaboration: INEI, Compendio Estadístico 2006 54 Source: Ministerio del Interior. Oficina General de Planificación. Élaboration : INEI, Compendio Estadístico 2006. 55 Source: Statistiques non officielles, DIRANDRO-LIMA

0 100

200

300

400

500

600

700

800

2006 2007 /1 2008/2

Détenus

Étrangèrs

Nationaux

Page 70: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

70

Quant aux statistiques de l’unité de l’aéroport, nous pouvons remarquer qu’elles

n’indiquent pas seulement les montants importants de drogue saisie, mais aussi que sa

caractérisation des détenus récupère les catégories de base utilisées déjà dans les années

80: le sexe et la nationalité. Y apparaît la surreprésentation de femmes et d’étrangers en

comparaison aux chiffres nationaux de personnes arrêtées pour trafic de drogue. Le

nombre de femmes arrêtées au début de cette dernière décennie était considérable en

comparaison au nombre d’hommes, tandis que le nombre d’étrangers de ces dernières

années a parfois dépassé le nombre de nationaux.

Tableau 43 : Interventions selon type d’interventions et la modalité du délit 56

56 Source: DIRANDRO PNP. División de Investigaciones del TID. Departamento antidrogas Aeropuerto internacional Jorge Chávez, Cuadro Estadístico 2008 (à Juillet)

Nº Kg Cocaïne

Interventions 296 1,193,168 Trouvé 75 244,010

Arrestations 221 Passagers 147 791,030 Cargo 2 28,212 GAE 63,000 Encapsulados 52 66,916

Modalité Kg.

Drogue 1,193,168 Valise, Sac 781,347 Artisanats, chaussures 77,788 Ingestion capsules 66,916 Bois 29,342 Couverture 33,108 Bateau gonflable 28,000 Café, thé 21,241 Adhéré au corps 16,126 Boutons, boucles d’oreille 17,406 BBD vêtements 16,762 Trolley 15,080 Bouteilles bière 12,282 Carton structure 12,814 Pelotes, fils, cadres 10,106 Bonbons 9,392 Produits naturels 8,736 Table, bougie 7,196 Napperons 7,676 Plantes médicinales 6,382 Moutard épices 5,278 Sac a couchage 4,190 Livres feuilles imprimées 2,928 Enveloppes couteaux 1,820 Fruit secs 0,652 Peluche 0,510

Page 71: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

71

Par ailleurs l’unité de l’aéroport DITID-AIJCH fournit régulièrement de l’information

sur les différentes nationalités des détenus et les différentes modalités employées pour

transporter la drogue à l'extérieur du pays (25 pendant la moitié de l’année 2008) et les

différentes modalités d'intervention (trouvés, passagers, etc.), ensemble présentées sous

la rubrique « réussites » (logros en espagnol). Nous pouvons voir de quelle information

il s’agit dans le tableau 43.

Le bureau central de la division antidrogue à Lima obtiendra et élaborera l’information

(par exemple perfectionner les classifications) et sera capable d’estimer jour par jour la

quantité de drogue saisie et les différentes nationalités impliquées. En Juillet 2008 sont

signalés16 pays de l'Amérique latine, 3 de l'Amérique du nord, 31 d’Europe, 10 d‘Asie

et 7 d'Afrique. En 2008, les principales nationalités étaient la péruvienne, l’espagnole et

la hollandaise suivies par l'italienne, la malaise et la sud-africaine tandis que les

principales destinations étaient l’Espagne, le Brésil, les Pays-Bas et l’Argentine.

Tableau 44 : Principales nationalités des personnes arrêtées à l'aéroport pour trafic de drogue57

Ainsi, l’unité antidrogue a élaboré une base de données de tous les cas dont certains

seront mis à disposition de la presse. Comment se développe telle relation et comment

comprendre la surreprésentation de femmes et d’étrangers justiciables qui traverse toute

la chaîne d’institutions pénales sera la matière du chapitre suivant.

57 Source : DINANDRO- LIMA. Statistique non officielle.

0%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

70%

80%

90%

100%

2006 2007 2008/1

Afrique Autres

Afrique R. Sudafricaine

Asie Autres

Asie Malasie

Europe Autres

Europe Portugal

Europe Roumanie

Europe Italie

Europe Pays Bas

Europe Espagne

Amérique du Nord Autres

Amérique du Nord Mexique

Amérique Latine Autres

Amérique Latine Argentine

Amérique Latine Brésil

Amérique Latine Bolivie

Amérique Latine Pérou

Page 72: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

72

Tableau 45 : Principales destinations des personnes arrêtées à l'aéroport pour trafic de drogue 58

Pour conclure ici notre premier chapitre analytique, nous rappelons que la police est une

institution située en amont de la série d’activités qui construisent une population

pénitentiaire. Nous pouvons remarquer que l’étude de l’histoire institutionnelle et les

statistiques de la PNP en matière de drogues révèle que depuis les années 90, elle a

développé le souci de mener des activités efficaces de répression du trafic des drogues.

Une série d’insuffisances institutionnelles, de défauts d’organisation et d’enregistrement

ont permis de montrer telle efficacité seulement dans certains indicateurs de certaines

unités auxquelles on a finit par consacrer un investissement d’autant plus important.

C’est le cas de l’unité antidrogues de l’aéroport.

Autrement dit, les réaménagements institutionnels, la création d’unités spécialisées

antidrogue et le développement d’indicateurs d’efficacité en la matière ont favorisé

l’investissement dans les activités de l’unité antidrogues de l’aéroport international. Et

enfin, l’importance des activités de la division de l’aéroport à l’égard des objectifs

institutionnels dans la matière de drogues est à la base du développement d’une

population pénitentiaire qui emprunte la caractérisation et les catégorisations policières

(nationalité, modalité, etc.).

58 Source : DINANDRO- LIMA. Statistique non officielle

0%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

70%

80%

90%

100%

2006 2007 2008

Afrique Autres Afrique R. Sudafricaine

Asie Autres Asie Malasie Europe Autres Europe Portugal Europe Roumanie Europe Italie Europe Pays Bas Europe Espagne Amérique du Nord Autres Amérique du Nord Mexique

Amérique Latine Autres Amérique Latine Argentine Amérique Latine Brésil

Amérique Latine Bolivie Amérique Latine Pérou

Page 73: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

73

CHAPITRE V : La dynamique de construction d’une image de

« détenu étranger pour trafic de drogues »

Dans le chapitre précédent nous avons expliqué le rôle et les activités de la police,

institution qui démarre la construction d’une criminalité d’étrangers pour trafic de

drogue. Mais la participation de la police n’est pas exclusive et nous pouvons l’insérer

au sein d’une série d’interactions avec d’autres acteurs qui participent aussi à la

construction de cette criminalité. Pour cela nous avons incorporé à la démarche une

méthodologie beaucoup plus qualitative. Nous avons réalisé un total de 20 entretiens

avec des acteurs qui ont rencontré dans le cadre de leur travail les personnes qui

constituent la population que nous intéresse. Nous incorporons aussi notre propre

expérience de 3 ans au sein d’un projet d’assistance humanitaire et légale avec environ

40 étrangers détenus dans les prisons de Callao et Chorrillos.

Dans la première partie du chapitre, nous allons décrire les relations qui ont lieu entre

les acteurs: coopérations, conflits, instrumentalisations, etc. Pour cela, nous allons

expliciter d’abord l’espace dans lequel se situent les interactions et le type d’acteurs

convoqués. Souvent il s’agit d’acteurs « de terrain » mais du moment qu’ils font partie

des hiérarchies et portent un discours officiel ou institutionnel, on parlera d’acteurs

« institutionnels ». Notre analyse se divise en quatre temps : un moment policier, un

moment judiciaire, un moment pénitentiaire et un moment politique. En chacun de ces

« moments » on a remarqué la prédominance de certains acteurs ainsi qu’une

prédominante relation d’altérité/identité à l’égard des personnes qui contribuent à cette

« criminalité ». Pour la caractérisation des interactions repérées nous nous sommes

inspirées de la catégorisation des relations sociales qu’a proposée Bajoit (Bajoit :1995).

Cette catégorisation ainsi que les principales définitions reprises de l’ouvrage de Bajoit

sont exposées dans l’annexe 2.

La deuxième partie du chapitre vise à expliciter la dynamique à travers laquelle les

relations décrites se succèdent. En synthétisant les relations en termes de liens d’altérité

et d’identité à l’égard des « étrangers détenus pour trafic de drogues » nous allons

signaler : a) l’image d’ « autre » qui a été mobilisée par les acteurs et b) les mouvements

ou la dynamique relationnelle à l’égard de cette image d’ « autre ». De cette manière on

Page 74: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

74

cherche à comprendre la construction de cette criminalité en tant que construction

interactive d’une image d’étrangers détenus pour trafic de drogue. Notre hypothèse

finale est le résultat de l’interprétation de cette dynamique à la lumière d’un processus

qui l’englobe, dans lequel les reconstructions historiques et le rôle de l’institution

policière étudiés dans les chapitres précédents seront intégrés.

5.1. Relations sociales à propos d’une criminalité

Comme nous l’avons dit, nous allons présenter à l’aide de la classification de Bajoit des

relations sociales qui relient les différents acteurs de la mise en œuvre de la

criminalisation d’étrangers pour trafic de drogue au Pérou. Nous avons distingué quatre

moments d’interaction et les tendances relationnelles prédominantes pour chaque

moment.

5.1.1. Moment policier

Ce premier conglomérat de relations est centré sur les acteurs de l’unité policière

spécialisée en drogues DIRANDRO et notamment sur les unités qui travaillent à

l’aéroport du Callao, la division d’investigation du trafic de drogues de l’aéroport Jorge

Chávez (DIRANDRO-AIJCH) et la Division de sécurité de l’Aéroport. Ces unités

démarrent l’activité répressive à l’égard des passeurs de drogue et du trafic illicite de

drogue en général. Au moment policier, nous avons identifié cinq lignes d’interactions

qui relient les acteurs de la police à d’autres acteurs de la criminalisation. Malgré une

certaine conflictualité et compétitivité, la majorité des relations d’altérité entre les

acteurs tendent vers la complémentarité autour des missions de répression qu’ils

partagent. De l’autre côté surtout les policiers, mais aussi le reste des acteurs nouent une

relation d’altérité contradictoire avec la personne arrêtée et dès lors étiquetée. La

participation du parquet et des représentants diplomatiques corrigent un peu l’inégalité

de cette relation.

a) Policiers et personnes suspectées de trafic de drogue : La police péruvienne

appelle interdicción de campo sa principale tâche de mise en œuvre de la loi qui interdit

l’introduction ou exportation de drogues au Pérou. Les acteurs qui travaillent à

DIRANDRO réalisent les opérations qui visent l’arrestation d’infracteurs et la saisie de

Page 75: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

75

la drogue dans des domiciles, des laboratoires clandestins, etc. Les caractéristiques

hiérarchiques de l’institution policière déterminent que plus on monte dans la hiérarchie,

moins on retrouve d’acteurs du terrain ou de la mise en œuvre concrète. Cependant, à

l’unité d’investigation de la Direction Antidrogue (DIRANDRO-DITID) et surtout à

l’unité de l’aéroport (DIRANDRO-DITID-AIJCH) nous retrouvons bon nombre de

vrais « acteurs du terrain » qui réalisent les actions d’investigation et interventions en

matière de drogues. DIRANDRO-AIJCH est une unité de 50 personnes dévouée

presque entièrement à la mise en œuvre de la prohibition et pas aux activités

bureaucratiques ou complémentaires.

Dans l’accomplissement de la mission concrète, ces acteurs rencontrent des personnes et

établissent une interaction particulière avec elles. Ce sont les acteurs de DINANDRO-

AIJCH, qui rencontrent la majorité d’étrangers et des passeurs de drogue dans leur

travail. Ils ont développé la pratique d’identification d’infracteurs, et qui peut être

développée après ou avant la saisie de la drogue ou de l’argent blanchi (HARCOURT :

2007). Une relation d’altérité est établie : les acteurs de ces unités rencontrent les

personnes avant la saisie de la drogue en leur appliquant une série de critères

psychologiques et physiques pour les identifier au profil de l’infracteur « passeur de

drogue » 59. La reconnaissance d’une identité abstraite dans l’autre qui est en face, ne se

dirige pas vers l’établissement d’une appartenance commune entre policiers et

infracteurs mais d’une appartenance de l’autre au groupe des « infracteurs », en

opposition inévitable avec les policiers.

Cette interaction est asymétrique, les policiers ayant le contrôle du processus. Les

personnes suspectées (souvent des passagers) apparaissent à partir de ce moment

comme los burriers, los intervenidos60, les arrêtés, etc. Ils sont soumis à des

interrogatoires tant à l’aéroport qu’au bureau central de DIRANDRO à Lima. L’échange

s’avère fondamentalement contradictoire parce que la police cherche de l’information

sur le délit tandis que ces personnes essayent de l’occulter61. L’ombudsman pour les

affaires pénales, de même que certains consulats et ambassades, ont pris la parole pour

59 D’après la description des deux policiers qu’on a interviewée à DIRANDRO-AIJCH 60 Comme on a expliqué burrier c’est un argot assez répandu pour designer les courriers de drogues, quant au terme intervenidos, il désigne la qualité d’avoir été sujet d’une intervention ou opérative policier. 61 Entretiens avec P2 policière de l’unité DIRANDRO-AIJCH et A1, Avocat pro deo à Callao respectivement.

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76

ces personnes à ce stade, en particulier il leur offre de la protection et des

renseignements afin de pallier la désorientation qu’elles vivent par rapport au contexte

et aux procédures méconnues qui sont en train de se construire rapidement autour

d’elles.

Ainsi, à ce moment, pour diminuer la profonde inégalité de cette relation d’altérité

contradictoire, deux formes de coopération apparaissent : une coopération contractuelle

proposée par le parquet, qui explique les procédures de collaboration efficace et de fin

anticipée du procès à déployer au moment judiciaire62. D’autre part, la communication

entre ces personnes et les représentants diplomatiques de leurs pays d’origine est une

pratique importante qui veille sur le respect de leurs droits (par exemple le nombre légal

des jours d’arrêt) et les prévient d’actions qui vont à l’encontre de leurs intérêts (par

exemple engagements d’avocats qui se présentent à ce moment et qui offrent des

solutions pas nettes)63.

b) Policiers et parquets antidrogues : Institution de la même nature que la Police

Nationale, le Ministère public compte parmi ses membres des acteurs « de terrain » en

étroite coopération avec ceux de la police de l’aéroport. Les interviewés nous expliquent

qu’à l’instar de la PNP et les unités de la DIRANDRO, le Ministère Public possède une

série de parquets antidrogue qui partagent les missions de mettre en œuvre les lois

pénales à l’égard du trafic de drogue et plus spécifiquement poursuivre ce délit. Entre

ces deux types d’acteurs la coordination s’est avérée nécessaire au point que le parquet

antidrogue du Callao a un bureau situé à l’aéroport et à coté de celui du DIRANDRO-

AIJCH. De cette manière il assure sa disponibilité pour participer aux actions de cette

unité policière.

En effet, à DIRANDRO-AIJCH les policiers mènent une série de tâches pour lesquelles

ils ont besoin de la présence des parquets. La présence des parquets rend valable une

série d’activités qui auront le caractère de preuve au moment judiciaire. Les principales

activités réalisées et documentées par les policiers avec la participation des parquets

antidrogues de l’aéroport sont : la manifestación policial, par laquelle s’établissent les

62 Entretien avec P2, policière de DINANDRO AIJCH. 63 Les entretiens avec O1 et D1, agent de l’ombudsman et espagnol détenu à Callao respectivement coïncident sur cet aspect.

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premières déclarations du justiciable à propos des faits ; el acta de decomiso, despistaje

y pesaje de la droga, qui établit un premier pesage de la drogue saisie ; el registro

personal y de incautación, dans lequel sont décrites les interventions aux domiciles et

auprès des personnes incriminées par les personnes arrêtées (souvent registre

d’habitations d’hôtels où les passeurs de drogue ont été préparés) et la reconnaissance

visuelle des photos des personnes signalées64.

Cette interaction est décrite par les deux parties comme confortable et positive. La

collaboration a été aménagée depuis que la distance physique des parquets ne facilitait

pas sa participation dans toutes les activités policières, en les rendant non valables au

moment judiciaire. Les deux acteurs sont rentrés, selon la terminologie de Bajoit dans la

logique d’un échange inclusif, ils coopèrent pour les mêmes fins65.

Une nuance sera approfondie dans le point suivant : la police a aujourd’hui un rôle

directif dan cette relation. Ce sont les policiers, beaucoup plus nombreux d’ailleurs, qui

sollicitent la participation des parquets à l‘aéroport aux moments particuliers. En même

temps, afin de procéder à l’analyse chimique, l’examen toxicologique ou la

reconnaissance médicale, les acteurs policiers convoquent la participation d’autres

unités spécialisées de la PNP, ils informent directement le juge de la détention,

conduisent le séjour d’arrestation dans le bureau central de DIRANDRO, et préparent

toute la documentation qui sera envoyée formellement au parquet provincial afin qu’il

puisse procéder aux poursuites66. La relation est complémentaire mais risque de devenir

conflictuelle dans le cadre d’un processus institutionnel qui privilège l’autorité des

parquets dans l’investigation criminelle (MULLER : 2009).

La possibilité d’un conflit viendrait du niveau institutionnel. L’influence de l’institution

policière au niveau politique, tel qu’on a vu dans les chapitres précédents, est

caractérisée par un échange qui ne se fonde plus sur des intérêts communs ou du

consensus. Au contraire, son emprise sur les autres institutions se maintient plutôt sur la

base de la coercition qu’elle a exercée pendant les régimes antidémocratiques. Dans ce

64 Entretien avec P2, policier de DINANDRO AIJCH, confirmé par la révision des dossiers juridiques des près de 40 étrangers assistés à travers des projets de l’évêque de Callao entre 2002-2006. 65 Entretiens avec F1, P2, membre du parquet antidrogues du Callao et policier de DINANDRO-AIJCH. 66 Révision des dossiers juridiques des étrangers assistés à travers des projets de l’évêque de Callao entre 2002-2006.

Page 78: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

78

nouveau contexte de paix et réconciliation, cette emprise ne se justifie plus et le

Ministère public commence à renégocier sa position dans cette relation.

c) Policiers et agents internationaux : Parmi toutes les informations sur les

interactions que l’on a voulu connaître, ces interactions ont été les plus difficiles à

connaître. Il s’agirait d’une collaboration étroite entre la police, la DEA et les agents

policiers des ambassades, principalement des pays d’Europe et des Etats-Unis. Le

Département Antidrogue des États-Unis (DEA), aurait même des acteurs de terrain qui

travaillent aussi à l’aéroport. Bien que la coopération soit toujours explicitée par les

acteurs, une complémentarité n’est pas du tout prouvée. Bien que la collaboration

s’avère nécessaire pour certaines tâches, par exemple la vérification de la

documentation des personnes arrêtées, la relation peut présenter des difficultés pour

certains acteurs67.

À notre avis, il est possible que les différents contacts dans les unités policières

internationales soient en concurrence pour rassembler des informations pertinentes. Une

division du travail qui concerne des unités d’intelligence qui excluent le partage

d’information, risque de complexifier les relations. Cette interaction se prolongera au

stade suivant, incorporant la participation des acteurs du ministère public.

d) Policiers et travailleurs de sécurité de l’aéroport Jorge Chavez : L’aéroport Jorge

Chavez est géré par Lima Airport Partners (LAP), un consortium d’entreprises dont la

composition a beaucoup varié ces dernières années. Aujourd’hui la société Fraport AG

Frankfurt Airport Services Worlwide possède 80% des actions, conduisant ainsi la

concession prévue jusque 203068.

Quant à l’interaction entre les acteurs de la police de l’aéroport et les travailleurs de

sécurité de l’aéroport, il s’agit de la concurrence et du conflit pour le contrôle de la

sécurité de l’aéroport international. La relation a évolué de l’échange exclusif vers la

coopération mutuelle et la relation d’altérité complémentaire qui vise à l’objectif

commun de soutenir l’image et la sécurité de l’aéroport.

67 Entretien avec P1, policier de DINANDRO-AIJCH. 68 Website officiel de Lima Aerport Partners, http://www.lap.com.pe/lap_portal/acercalap.html. Consultée en Juin 2009.

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79

Peu après le début de leurs activités dans l’année 2000, les acteurs de LAP ont essayé de

redéfinir le contrôle de la sécurité de l’aéroport, particulièrement en restreignant l’accès

des policiers à certaines installations et en interdisant les armes de feu. La réaction des

membres de la police a dépassé les actions de terrain et a impliqué la création d’une

direction policière aéroportuaire qui agglomère aujourd’hui les unités antidrogue,

antiterrorisme, réquisitoires, swat, etc. De même, les débats ont convoqué la position

d’OSITRAN, l’entité du Ministère de transport et communication qui contrôle

l’exercice de la concession et les normes internationales de sécurité aéroportuaire tels

que la Convention de Chicago.

Face à l’inefficacité des règles contractuelles comme moyens de négociation, les acteurs

chargés d’assurer le contrôle du terrain, c’est à dire la nouvelle direction policière de

l’aéroport, ont communiqué à la direction de LAP les investigations à l’égard de ses

travailleurs qui avaient des antécédents pour trafic de drogue. Cette dernière réponse, un

positionnement adversaire et conflictuel s’est avéré un moyen de pression effectif qui a

facilité les négociations pour rétablir un échange complémentaire, un contrôle partagé

entre le personnel de sécurité de LAP et les policiers de DIRANDRO-AIJCH. Un grand

pas en avant a été l’octroi des autorisations personnelles aux policiers pour l’exercice

de leurs fonctions dans des espaces restreints ou pour le port d’armes à feu. Une

solidarité fonctionnelle est en train d’être dessinée69.

e) Policiers et journalistes : On voit très souvent dans la presse des chiffres sur la

criminalité et l’activité policière en matière de drogues. Il s’agit de notes à propos

d’interventions importantes en matière de trafic de drogue avec de larges quantités de

détenus, de drogue saisie ou d’autres objets qui servaient à la criminalité organisée70.

69 Entretien avec P3, policier de la nouvelle direction de sécurité de l’aéroport. Les plaintes de la police contre LAP ont été exposées publiquement par la police et confirmés par un entretien non enregistré avec un travailleur de LAP. Voir les articles journalistiques : La droga sigue saliendo por el aeropuerto Jorge Chàvez, Perú 21, 10 Novembre 2008, http://peru21.pe/noticia/220814/droga-sigue-saliendo-aeropuerto-jorge-chavez, ou H.MUJICA, LAP, Gate Gourmet y coladera de drogas, Voltairenet, 3 Mars 2008, http://www.voltairenet.org/article155660.html. 70 Voir par exemple le website de RPP le group d’information plus prestigieux du pays qui compte avec une radio qui transmet dans tout le territoire national et une chaine de TV cablée : PNP incinera más de 3 mil Kilos de droga, 26 Juin 2009 ; Grupo de Alumnos arrestan a comercializador de drogas en Jesús María, 4 Juin 2009, Policía peruana detiene a tres españoles por presunto tràfico de drogas, 13 Mars 2009, etc. Consultables en http://www.rpp.com.pe.

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80

La collaboration entre les policiers de DIRANDRO et certains journalistes devient

presque institutionnelle entre en ce qui concerne les cas des passeurs de drogue. Pour

ces cas les acteurs de la police - pas seulement ceux du terrain - fournissent de temps en

temps des chiffres actualisés, des déclarations, etc. La mise à jour d’une base de

données statistiques et vidéographiques et l’institution d’un bureau de relations

publiques à DIRANDRO favorise cette relation.71 Mais les objectifs de ces deux types

d’acteurs ne sont pas les mêmes, et alors plutôt que comme collaboration cette

interaction peut être considérée comme une interaction d’utilisation réciproque.

D’une part, les policiers mènent des investigations et complémentairement ils ont intérêt

à montrer une image de réussite face à l’opinion publique, ou à rendre publics certains

événements. Pour ces fins, certains contacts policiers peuvent donner de l’information à

la presse parfois en échange d’une simple amitié, par intérêt personnel ou même pour

vendre cette information72.

D’autre part, la presse et les journalistes ont un intérêt commercial-professionnel à

satisfaire la curiosité ou la demande d’information d’un public défini par ses

appartenances sociales. Selon la dernière enquête de l’Entreprise péruvienne d’études

sur le marché et l’opinion publique (CPI), le trafic de drogue est mentionné comme le

numéro 11 des problèmes dont la population urbaine exige au gouvernement une

solution (CPI : 2009). L’investigation est faite pour un public objectif auquel se

dirigent les journaux, les revues ou les journaux télévisés.

Le journaliste que nous avons interviewé reprend la stratification de la population

péruvienne urbaine selon le niveau socioéconomique que réalisent les entreprises

spécialisées tel que IPSOS-APOYO73. Â son avis, l’investigation sur la criminalité

organisée qui demande une rigueur particulière, des ressources et du temps, est offerte

au public A/B de la société péruvienne, tandis que la pseudo-investigation ou

71 D’après les trois policiers de DIRANDRO avec lesquels nous nous sommes entretenues informellement au moment de notre visite à ces installations. Ils nous ont fourni extra officiellement d’images, vidéos et statistiques stockés en principe pour la presse. 72 Entretien avec J1, journaliste d’investigation d’une revue politique. 73 IPSOS-APOYO est une entreprise qui fait des enquêtes sur l’opinion publique et sur le marché péruvien. En 2009 ils ont étudié le revenu moyen par ménage dans les villes. C’était de S/. 9,500 pour la catégorie A (1 S/. Nuevo sol = 0.23 Euros), S/. 2,400 pour la catégorie B, S/. 1,300 pour la catégorie C, S/. 850 pour la catégorie D et S/. 600 pour la catégorie E. Ils ont compté 3.7 millions de foyers, dont 18,5% appartenaient au secteur A/B, 32.5% au C et 30% au secteur D (IPSOS APOYO: 2009).

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81

l’information light, comique, sensationnaliste, qui est rassemblée rapidement est

dispensée aux secteurs B et C de la société. Les reportages télévisés sur les passeurs de

drogue, très fréquentes, appartiennent à ce genre d’informations. L’autre extrême est

constitué par les notes des tabloïdes de prix réduit et dirigées au secteur D de la

population. Ces derniers s’intéressent à la criminalité violente liée à la micro-

commercialisation de drogue ou aux paqueteros qui opèrent dans les quartiers

marginaux de la capitale74.

Finalement, une relation conflictuelle mais marginale se noue, cette fois entre les

acteurs «de terrain» de l’aéroport et le journalisme « d’opposition ». Ce journalisme

s’occupe des affaires de trafic de drogue dans lesquels sont incriminées les acteurs de

terrain, tant de la police, que des douanes, du LAP et d’autres entités privées qui

travaillent à l’aéroport, et révèlent d’autres possibilités d’identité qu’auraient certains

acteurs du terrain qui s’alignent avec les objectifs illicites du trafic de cocaïne. Le fait

que les affaires qui impliquent des membres de la police ne soient pas reprises par des

mass-médias mais souvent par de journaux on-line ou des journaux d’opposition,

suggère que la complémentarité décrite entre la presse et la police peut aller loin75.

5.1.2. Moment judiciaire

Au cœur du moment judiciaire nous trouvons la relation entre les acteurs du parquet et

les juges de l’arrondissement judiciaire du Callao. Le terrain du moment judiciaire n’est

plus situé entre l’aéroport et la DIRANDRO centrale mais à l’arrondissement du Callao,

se prolongeant jusqu’aux Cours spécialisées de Lima. Nous pouvons remarquer aussi

une certaine emprise des parquets à l’égard des juges parce que les parquets ont

beaucoup plus de contact avec l’étape précédente, le terrain de l’aéroport et la tâche

d’identification d’infracteurs. D’autant plus qu’ils s’approchent du rôle proactif du

modèle accusatoire qui est en train de se développer au sein du système judiciaire

péruvien. À nouveau ces acteurs s’intègrent avec les acteurs du moment précédent à

travers des échanges de complémentarité et de solidarité fonctionnelle. La conflictualité

74 Entretien avec J1, journaliste d’investigation d’une revue politique. 75 Par exemple l’article Agentes de aduana dejaban pasar droga para México, 17 Mars 2009, http://www.larepublica.pe/politica/17/03/2009/agentes-de-aduanas-de-aeropuerto-dejaban-pasar-droga-para-mexico.

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82

est encore lointaine et dépend de l’implémentation progressive du nouveau code de

procédure pénale.

Bien que les magistrats aient tendance à nouer ces relations d’altérité complémentaire

avec le reste des acteurs, ils peuvent aussi être en conflit. La presse ou les acteurs-

preuve76 ont souvent d’autres finalités mais la position favorable de la magistrature dans

la relation d’inégalité assure un équilibre complémentaire et fonctionnel. De même, au

moment judiciaire, une petite marge d’échanges possibles avec les justiciables

étrangers, accusés de trafic de drogue, s’ouvre. Le plus souvent ils acceptent une

identité de passeurs de drogue et s’intègrent au conglomérat des relations

complémentaires, diminuant ainsi l’inégalité et l’emprise qu’ils supportent. Mais un

certain nombre n’arrive pas à le faire et se positionne dans la conflictualité voire dans la

contradiction vis-à-vis des magistrats.

a) Parquets et juges: Cette relation montre une tendance à l’intégration. Les échanges

tendent vers la complémentarité et le maintien de l’inégalité à travers la persuasion. En

effet, il ressort de nos entretiens et notre expérience du terrain, une proactivité et

directivité de la part du parquet. Dans les cas des étrangers accusés de trafic de drogue

ce sont les parquets spécialisés dans la matière pénale du Callao qui vont démarrer la

série d’interactions du moment judiciaire et persuader les autres acteurs de leurs

finalités.

Les parquets provinciaux qui reçoivent la documentation du procès-verbal, se relayent

pour procéder à formaliser la poursuite. Pour les cas des passeurs de drogue étrangers le

procès-verbal est généralement accompagnée de la demande du mandat de détention et

du signalement de l’article de la loi qui a été transgressé : l’article 296 du code pénal. Le

type pénal était déjà suggéré par la police dans le P-V, de même que la détention avait

été communiquée par celle-ci au juge. Certains cas « compliqués » avec plusieurs

détenus ou plusieurs kilos de cocaïne saisie incorporent l’article 297 du code pénal77.

Normalement, le juge instruit en accord avec les poursuites au commencement du

procès.

76 Acteurs auxquels se dirige le juge pour avoir des informations sur le délit et le justiciable. 77 Entretiens avec A1, avocat pro-deo et J1 Juge pénal de 1ère instance du Callao.

Page 83: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

83

Voilà le moment clé pour que la plupart des affaires d’étrangers aient cette tendance au

consensus fonctionnel qui se prolonge tout au long du procès avec l’accord de l’accusé.

Le pouvoir de décision du juge est relevant quand il reçoit l’opinion du parquet et

décide à la fin de la période d’investigation ordinaire si le cas passe ou ne passe pas au

jugement oral, et après, quand il a écouté l’accusé et le parquet, et décide si la personne

est coupable ou non et la peine. Mais l’engorgement judiciaire contribue à que les juges

et les avocats pro deo que les passeurs de drogue ont souvent, ne réalisent pas un travail

véritablement proactif ou défensif dans la phase d’investigation78.

En même temps, les parquets avouent anticiper et prendre en compte les critères des

magistrats pour déclarer leur opinion et éviter les instances supérieures79. Encore une

série de mécanismes de consensus plutôt contractuels que fonctionnels préservent la

tendance à ce que les décisions du juge ne s’éloignent pas de ce que demande le

parquet.

b) Relation tripartite avec les passeurs de drogue: Une série de mécanismes visent à

incorporer les passeurs de drogue justiciables à une relation de conformité avec les

décisions du juge et ultimement du procureur. Déjà le fait d’être un « passeur de

drogue » et pas un « gros poisson » se reflète dans l’article pénal 296 qui les incrimine

mais aussi dans l’utilisation d’avocats pro deo80. Ces trois acteurs : la personne

étrangère justiciable pour trafic des drogues, le parquet et le juge vont avoir tendance à

trouver un accord sur la définition du justiciable, du délit et de la peine.

Comme nous avons déjà expliqué au moment policier, trois mécanismes sont présentés

par le parquet au justiciable même avant que son opinion soit émise, convoquant sa

collaboration avec ses missions: la « collaboration efficace » qui offre entre autres une

exonération de la peine en échange d’informations importantes sur la criminalité

organisée, la terminaison anticipée du procès par confession sincère qui offre une

réduction de la peine et une procédure accélérée et la conclusion anticipée, de la même

nature que la terminaison anticipée qui opère au moment du jugement.

78 Entretien avec A1, avocat pro-deo au Callao. Notre expérience confirme cette affirmation. 79 Entretien avec P2, parquet supérieur à la Cour du Callao. 80 Entretiens avec P1, parquet antidrogues, J1, Juge pénal de 1ère instance et A1, avocat pro-deo au Callao.

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Ces mécanismes peuvent être présentés à la manière des bénéfices pour le justiciable ou

de négociation entre le parquet et le détenu mais en réalité les trois acteurs vont

bénéficier d’une procédure accélérée et économiser une série de démarches et de

preuves si la personne accepte les conditions et accède au recours à ces dispositifs. La

collaboration efficace est assez rare mais les deux autres sont des procédures courantes

pour les cas des passeurs de drogue81. Le reste des justiciables, qui ne voient pas la

possibilité d’établir une relation contractuelle, rentrent dans une logique d’échange

dissensionnel et commencent à déployer des stratégies de défense de l’emprise des

lourdes législations sur le trafic de drogues.

En effet, la relation avec le justiciable étranger et accusé pour trafic de drogue est

tellement inégale à cause de l’emprise de la législation sur les drogues que les passeurs

sont prêts à accepter ces bénéfices procéduraux. En principe parce que comme on l’a vu

à l’étape précédente, les passeurs de drogue à la différence des dealers ou des bandes

arrêtés à leurs domiciles, ont cumulé une série de documents qui servent de preuve du

délit (drogue saisie, déclaration, expertises, identifications criminelles, etc. réalisées en

présence du parquet). Plaider l’innocence, nier les faits ou la possession de la drogue,

incriminer les policiers, même avoir des avocats qui construisent une superbe défense

est presque impossible82.

Ensuite, comme on l’a déjà dit, les passeurs de drogue n’ont pas déclaré une connexion

quelconque avec la criminalité organisée. Ils déclarent avoir eu un besoin économique,

et souvent ne pas connaître les gens qui les ont contactés83. En agissant généralement

seuls, ils sont facilement dénoncés selon la législation moins sévère contre le trafic de

drogue.

La loi de la « terminaison anticipée » bénéficie aux inculpés qui avouent moyennant la

réduction d’un sixième de la peine. Dans une petite audience le parquet propose une

peine et le justiciable accepte ou pas. Pour la plupart des magistrats il s’agit d’un critère

mathématique. Du fait que le minimum de peine établi par le code est de huit ans la

81 Entretiens avec P1, parquet antidrogues, P2, parquet supérieur, A1, Avocat pro-deo au Callao. 82 Entretiens avec J3, juge de la Cour de Cassation de Lima, A1, avocat pro-deo, P1, parquet antidrogues et P2, parquet supérieur au Callao. 83 Entretiens avec P1 parquet antidrogues, P2 parquet supérieur, A1, avocat pro-deo, J1, juge 1ere instance du Callao.

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85

plupart de cas les passeurs de drogue seront sentenciés avec 6 ans et 8 mois de peine

(5/6 de 8). La sentence sera élevée à l’instance supérieure qui aussi confirmera la

décision dans la plupart des cas84. Par conséquent, demeurer dans l’identification de

courrier de drogues que la police a opérée est accepté en tant qu’elle implique un statut

plus favorable au niveau judiciaire. La majorité des cas des étrangers pour trafic de

drogues vont vite terminer l’étape judiciaire ici. Pas tous.

Une proportion des cas sont des « cas compliqués » auxquels cette possibilité de

procédure raccourcie n’est pas offerte. En particulier parce que la police, le parquet et le

juge ont travaillé sur l’article 297 du Code Pénal. La réalité n’est pas noire et blanche

malgré que la loi la force. D’autres personnes d’origine étrangère peuvent être arrêtées à

propos des enquêtes qui suivent l’intervention d’un passeur de drogue, notamment

d’autres personnes qui allaient commettre la même infraction. Mais la mobilisation de la

répression sévère se fait en fonction de la multiplicité d’accusés ou de la quantité de

drogue puisqu’elle fait partie de la large définition sur la criminalité organisée établie

dans la législation péruvienne. Le reste de justiciables qui ne bénéficient des procédures

avantageuses sont impliqués dans des procès plus complexes. Ils sont parfois identifiés

comme des passeurs de drogue, mais aussi comme des membres d’une bande, ou des

personnes qui gravitent autour, partenaires, prostituées, etc. en fonction des divers

possibilités d’intervention policière85.

Au jugement il y a encore la possibilité contractuelle, le justiciable peut avouer et avoir

accès a une conclusion anticipée du procès qui épargne aussi le temps d’investigation,

de preuves et octroie un certain avantage sur le montant de la peine. Cependant, les

exigences de la part du parquet et du juge supérieur sont plus sévères : expliquer la

relation avec d’autres codétenus « plus mêlés », cohérence des récits, donner de

l’information sur les contacts, l’aveu commun, etc. En même temps les menaces qui

pèsent sur eux sont lourdes : des peines plus longues et sans bénéfices pénitentiaires, la

délation des membres de la criminalité organisée qui peuvent se venger, etc.86

84 Entretiens avec P1, parquet antidrogues, P2, parquet supérieur, A1 avocat pro-deo. 85 Entretiens avec J1, Juge 1ere instance, J2, juge supérieur, A1, avocat pro-deo du Callao et entretien O1, agent de l’ombudsman, J3 Juge de la Cour de Cassation de Lima. 86 Entretiens avec P2, parquet supérieur, D2 italo péruvien détenu pour trafic de drogues et D3 colombienne détenu pour trafic de drogues. Notre expérience aussi nous confirme cette réalité.

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86

Les caractéristiques angoissantes de ce moment encouragent les justiciables à ne rien

dire ou à rester dans le « discours de passeur de drogue » si leur récit ne s’éloigne pas de

celui décrit au moment policier. Il est utilisé comme garde-fou parfois inefficace. La

personne ne peut plus offrir que ce qu’elle a déjà donné au moment policier. Dans les

mots d’un membre d’une bande qui envoyait des passeurs de drogue : « le passeur de

drogue ne vas pas me dénoncer, parce ce que ça veut dire qu’il est déjà plus qu’un

passeur de drogue »87.

Pas seulement pour les étrangers mais aussi pour les nationaux solidarisés sur l’emprise

des mêmes poursuites, l’échange d’objectifs opposés passe du conflit á la contradiction

selon les possibilités qu’ont les juges et les parquets de connaître la réelle identité des

justiciables. Les difficultés au niveau national quant à ce type d’affaires ont entrainé la

création d’une chambre spécialisée de la Cour d’appel qui centralise ces affaires à

Lima88 même si la célérité n’est pas l’objectif privilégié.

Le comportement conflictuel se rationalise d’autant plus que tout justiciable est

encouragé à ne pas faire appel après le jugement. Pour continuer à plaider pour

l’absolution ou pour avoir une peine moins sévère le justiciable évalue ces possibilités

en termes de cout-bénéfice. Il doit tenir compte du fait qu’au moment de la sentence

presque trois ans de procès sont déjà écoulés auxquels il faut ajouter un an pour obtenir

une résolution de la Cour de Cassation, et encore envisager la possibilité des grèves des

magistrats. D’autre part il doit mesurer le temps dont il a besoin pour accéder à une

libération conditionnelle ou semi-liberté. Un justiciable étranger condamné pour trafic

de drogue va continuer á soutenir son dissensus jusqu’à la Cour de Cassation si la peine

a été établie sur la base de l’article 297 du Code Pénal qui sanctionne entre de 15 à 35

ans de peine privative de liberté et exclut la possibilité d’une liberté conditionnelle ou

semi-liberté89.

Malheureusement outre la possibilité de conformité et consensus, ou la stratégie

dissensionnelle qu’offre le clivage entre peines légères et sévères pour le trafic de

drogue, certains justiciables peuvent trouver une troisième forme de relation avec les

87 Entretien avec D2, italio-péruvien détenu pour trafic de drogues. 88 Entretien avec J3, juge de la Cour de Cassation à Lima.

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87

magistrats. Il s’agit d’une stratégie de relation contradictoire entre les magistrats et les

justiciables parce qu’elle détériore toutes les règles de jeu. Deux de nos interviewés ont

signalé le chiffre de 25 mille dollars qui ont servi pour que certains puissent sortir du

système pénal sous la forme d’une « non-opportunité de jugement oral » « innocent » ou

« non-accusation ». Cette fois-ci ce sont les principaux acteurs du moment judiciaire qui

se dissocient des intérêts institutionnelles et qui nouent des liens d’identité avec les

justiciables ou la criminalité organisée90.

c) Parquets et acteurs du moment policier : Les interactions de collaboration entre les

acteurs du moment policier vont se prolonger jusqu’au moment judiciaire. Le parquet

est situé entre les interactions de collaboration qui se nouent entre la DIRANDRO,

DIRANDRO-AIJCH, les agents de la Narcotics affairs section de l’ambassade des

Etats-Unis au Pérou (NAS), le Drug Enforcement Administration du gouvernement des

Etats-Unis (DEA), l’unité d’intelligence du Ministère de l’Intérieur, etc. visant tous à

rassembler la majeure quantité d’information sur le crime. Les parquets vont se diriger

vers ces acteurs pour leur demander des informations et la réalisation de certaines

activités qui servent à l’identification d’auteurs et de ses connexions avec la criminalité

organisée91. Les parquets devraient ainsi consolider la solidarité ou l’intégration entre

ces acteurs. Cependant, ils n’arrivent pas encore à bien diriger ces relations, non plus à

les déplacer du moment policier au moment judiciaire de façon que les juges puissent

les contrôler.

La résistance vient de la part des acteurs de la police, mais aussi d’autres acteurs qui

considèrent les procédures judiciaires peu efficaces. H. Müller conclut à propos de

l’implémentation du nouveau code de procédure pénale qui octroie la direction de

l’investigation au parquet et réduit la fonction de la police de la création de la preuve à

l’élaboration d’un simple rapport : « On ne peut plus continuer à considérer la Police

Nationale comme l’organisation policière chargée d’investiguer le délit, de capturer

l’accusé et de le mettre à la disposition du parquet en qualité de détenu avec le P.-V., en

attendant qu’à partir de ses investigations et conclusions, une peine de privation de

89 Entretiens avec A1, avocat pro-deo au Callao, D2 italo-péruvien détenu pour trafic de drogues et D3 colombienne détenu pour trafic de drogues. Notre expérience aussi nous confirme ces faits. 90 Entretiens avec D2, italo-péruvien détenu pour trafic de drogues, A1, missionnaire espagnol intervenant de la prison de Callao. 91 Entretiens avec P1, parquet antidrogues, et P2 parquet supérieur du Callao.

Page 88: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

88

liberté soit appliquée. C’était le cas dans l’ancien modèle inquisitoire mais on ne peut

pas non plus abandonner l’institution policière et prétendre que ses membres adaptent

leurs critères au nouveau système pénal sans la doter des ressources suffisantes ou de la

capacitation nécessaire pour internaliser le nouveau paradigme » (MULLER : 2009

notre traduction).

En addition aux résistances « institutionnelles » des acteurs policiers, il faut ajouter que

pour les cas de trafic de drogue, le parquet reconnaît que les besoins d’effectivité -

souvent interprétés dans le sens de rapidité - impliquent des relations du type informel.

Ces relations informelles/formelles, pas seulement avec la police mais avec les agents

policiers internationaux, la DEA etc. conditionnent le travail développé autour de

l’identification de passeurs de drogues. Les procédures de coopération judiciaire et

policière incluent des démarches compliquées à travers le ministère des relations

extérieures, les ambassades, etc. D’autres limitations législatives comme la nécessité

d’un permis judiciaire pour procéder aux enregistrements téléphoniques entraineraient

des délais dans les interventions policières92. Au niveau des procureurs supérieurs

quand le temps est écoulé et les preuves et témoins ont disparu, l’activité peut être

réduite à l’envoi de lettres exclusivement93. Ainsi, le parquet appelé à devenir l’interface

entre les deux moments des dynamiques a du mal à mener ce projet embryonnaire de

rejouer « judiciairement » les relations qu’il a jouées dans le moment policier.

d) Juges et « acteurs-preuve » : Dans le moment judiciaire et d’autant plus dans le cas

où les justiciables ne se montrent pas en conformité et n’arrivent pas au consensus avec

le parquet et le juge, le juge interagit avec une série d’acteurs qui sont capables de lui

fournir des preuves de l’identité du justiciable. Dans cas où la relation avec l’accusé est

particulièrement compliquée, l’identité comme passeur de drogue n’est pas établie,

l’article 297 est impliqué, un avocat privé intervient, etc. on va faire avancer ces

activités qui autrement sont éparpillées et standardisées.

Minimalement les juges vont envoyer des correspondances á l’INPE au Registre

Judiciaire et au Bureau de Migrations sollicitant les antécédents de la personne, ses

registres migratoires, etc. Aussi, ils vont possiblement s’adresser à Interpol pour

92 Les entretiens P1, parquet antidrogues, J2, juge supérieur ont coïncidé sur ce point. 93 Entretien P2, parque supérieur.

Page 89: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

89

solliciter des antécédents au niveau international, à l’entreprise de téléphonie pour avoir

accès à leurs contacts privés, aux policiers de DIRANDRO pour s’informer sur les

interventions, ou se diriger vers d’autres personnes pour avoir des témoignages ou

confrontations. L’activité du juge apparaît moins efficace d’autant plus que le temps

l’éloigne du moment du crime et particulièrement dans les cas où les passeurs de

drogues avouent et acceptent les conditions du parquet94.

Enfin, si on considère les difficultés que présente pour le parquet la tâche de

reconstruire les dynamiques d’identification de l’infracteur au moment judiciaire et la

difficulté des juges d’interagir informellement et rapidement avec la diversité d’acteurs

qui fournissent des preuves, on comprend pourquoi tous ces acteurs en viennent

conjointement à déclarer que parmi les affaires de trafic de drogue qui amènent les

étrangers devant la justice on trouve « une majorité de cas très faciles des passeurs de

drogue»95. Ces cas sont objet des mécanismes de consensus et d’échanges d’altérité

assouplie.

e) Magistrats et opinion publique : Finalement un type d’interaction où on retrouve

encore une fois en identification mutuelle les parquets et les juges, est face à l’opinion

publique. Cette relation est distante, conflictuelle, caractérisée par la méfiance à l’égard

des magistrats. L’origine peut se trouver dans le rôle de contrôle que les institutions

judiciaires et la presse ont joué dans un scénario de transition à la démocratie. Les

magistrats expriment la peur d’être pointés comme corrompus lorsqu’ils ne se montrent

pas assez sévères dans les cas du trafic de drogue.

Cette méfiance s’est infiltrée au sein de ces institutions à travers ses organes de contrôle

interne, qui sont très sensibles à la presse et à une opinion publique de plus en plus

intéressée par les affaires de trafic de drogue et de corruption96. Les magistrats ne

chercheront pas la solidarité expressive ou la reconnaissance de la population, mais

auront plutôt une tendance à être discrets et à ne pas nouer des relations instrumentales

avec la presse. Malgré cela, cette dernière a su s’occuper des menaces et attentats qui

subissent les magistrats qui traitent les affaires de drogues.

94 Entretien J1, juge de 1ere instance du Callao. Notre expérience confirme cette réalité. 95 Les entretiens P1, parquet antidrogues, P2, Parquet supérieur, A1, avocat pro-deo, J1 juge de 1ere instance. J3 juge de la Cour de Cassation de Lima ainsi que notre expérience coïncident sur ce point.

Page 90: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

90

Fernando de Trazegnies dans sa brève histoire du pouvoir judiciaire au Pérou dira :

« Comme on peut le voir la situation n’as pas trop changé depuis cette époque jusqu’a

nos jours sauf sur un aspect : les épaulettes militaires n’ont plus autant d’importance et à

sa place aujourd’hui les plumes de la presse les ont remplacées. La pression médiatique

participe aujourd’hui dans les jugements qui intéressent l’opinion publique, peu importe

leur nature. Ainsi peut-on voir comment au moment du procès la presse intervient,

opine, préjuge, évalue les preuves, condamne et même intimide les juges pour qu’ils se

prononcent dans un sens ou l’autre » (DE TRAZEGNIES : 2009).

5.1.3. Moment pénitentiaire

Le moment pénitentiaire est situé principalement dans les deux prisons qui sont les plus

proches de l’aéroport international : L’E.P. du Callao et L’E.P de femmes de Chorrillos.

Ce « moment » court en réalité parallèlement au moment judiciaire mais il correspond à

un autre registre dans lequel l’acteur le plus important est le détenu. Il entrera en

relation avec les autres détenus, les fonctionnaires, les intervenants de la société civil

(église, ONG) ainsi que d’autres acteurs qu’on a appelées les médiateurs.

Les relations d’altérité, qui sont apparues comme atténuées grâce à une série de

mécanismes consensuels au moment précédent, réapparaissent poussées vers la

conflictualité avec ces acteurs. Les fonctionnaires de l’INPE varient entre les relations

de complémentarité et la conflictualité avec les détenus pour maintenir l’institution.

L’asymétrie des relations est plus importante, mais une complémentarité est tranchée

avec la coopération des détenus nationaux en faveur des fonctionnaires et des

fonctionnaires en faveur des magistrats et de la presse. Mais cet équilibre fragile a été

dérangé par la présence des détenus étrangers. Ils ont fait appel à des acteurs qui n’ont

pas des objectifs contraires à l’administration pénitentiaire et qui ont une certaine

importance au niveau politique (ambassades, consulats). L’activité de ces acteurs

comme médiateurs a entrainé le renversement de la situation d’inégalité et de la position

des détenus étrangers dans une complémentarité qui les favorise mais qui renforce aussi

la conflictualité latente.

96 Entretiens avec P2, parquet supérieur et O1 agent de l’ombudsman péruvien.

Page 91: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

91

a) Relations de pouvoir au sein des prisons péruviennes : Pour commencer il faut

rappeler que les prisons péruviennes sont gérées par l’Institut National Pénitentiaire

(INPE) mais qu’avant la tâche appartenait à la Police Nationale. Les missions de

l’institution aujourd’hui sont l’administration des prisons et la réhabilitation des

détenus, toutefois comme on a vu dans les chapitres précédents les prisons de Lima sont

des endroits surpeuplés et qui présentent une série de limitations quant à la sécurité et

les conditions de vie.

Elles ont été étudiées comme des institutions totales par Perez Guadalupe qui a soulevé

l’existence d’échelons de pouvoir dans lesquels s’insèrent les détenus selon leur

parcours délictuel. Certains acteurs du terrain reconnaissent l’existence de groupes qui

jouissent d’une sorte de « respect » de la part des autres détenus et même des

fonctionnaires (PEREZ GUADALUPE : 1994). Bien que les dynamiques de violence et

de pouvoir au sein de la prison soient assez complexes, les intervenants témoignent de

l’influence de certains détenus sur les autres et même de l’exercice d’un certain contrôle

sur les acteurs de l’INPE97.

b) Fonctionnaires pénitentiaires et journalistes : Cette représentation qu’ont certains

intervenants et chercheurs correspond à l’image de la prison que la presse envoie à

l’opinion publique. La capacité qu’ont les groupes des détenus les plus dangereux

d’accéder et contrôler le commerce d’armes, drogues et moyens de communication

(GSM, internet, etc.) à l’intérieur de la prison a été diffusée par les mass-médias

(journaux et tv) ces dernières années. Leur possibilité de rester en contact avec les

bandes qui opèrent encore hors la prison, fait partie de l’inquiétude de l’opinion

publique sur la sécurité citoyenne notamment à Lima. Les fonctionnaires apparaissent

souvent dans « alarmantes » ces notes de presse98.

Toutefois, les prisons étant des institutions fermées, ce sont les mêmes acteurs de

l’INPE qui fournissent les informations sur les activités que réalisent les détenus

97 Entretien avec A1, intervenant au Callao. Notre expérience confirme cette réalité. 98 Voir les articles : Jefe del INPE puso su cargo a disposición luego de admitir la fuga de cuatro presos, El Comercio, 24 Février de 2009, http://www.elcomercio.com.pe/noticia/250605/no-fueron-dos-sino-cuatro-presos-que-fugaron-gracias-ordenes-judiciales-falsas-admite-inpe ou Trabajadores INPE

Page 92: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

92

(souvent des concours ou célébrations), les conditions de vie précaires (un rappel

régulier pour l’opinion publique) et notamment sur les cas de corruption qui impliquent

ses fonctionnaires. Ces derniers ont augmenté depuis que tout un groupe de personnes

du cercle de pouvoir de Fujimori se sont retrouvés en prison pour des délits de

corruption. La relation entre l’INPE ou ses acteurs de terrain et la presse est dans les

meilleurs des cas une coopération instrumentale99.

c) Personne détenue étrangère et détenus étrangers : Lorsqu’il s’insère dans ce

monde de dynamiques, l’une des premières interactions que mène le détenu d’origine

étrangère est la relation avec le groupe des détenus étrangers. Dans les prisons

mentionnées les détenus étrangers sont souvent groupés par nationalité ou proximité

géographique. Les Espagnols, les Colombiens ou les Africains, peuvent être repérés

facilement. Du moment qu’ils partagent au moins la langue ces groupes vont accueillir

le nouveau en lui offrant de l’information, de la protection, voire du soutien moral dont

il a besoin pour s’adapter progressivement au nouvel environnement.

Les passeurs de drogue détenus informent aux nouveaux de leurs droits et de l’existence

de bénéfices procéduraux et pénitentiaires pour eux, de même il leurs expliquent les

marges de manœuvre possibles et les difficultés qu’ils peuvent rencontrer dans la vie en

prison. Comme il s’agit de relations quotidiennes, tout type d’échanges est convoqué et

les énumérer serait peut être impossible, mais pour la plupart des acteurs il est évident

qu’ils ont tendance à développer des liens de solidarité100.

d) Les détenus étrangers et les détenus nationaux : En revanche, les relations entre le

groupe de détenus étrangers et les détenus nationaux sont appréciés par la plupart des

acteurs comme un conflit latent. Bien évidemment avec des exceptions d’humanité et

d’amitié, les nationaux qui connaissent beaucoup mieux le contexte de la détention et

l’environnement peuvent essayer de profiter ou abuser des étrangers. En même temps ce

sont les nationaux qui peuvent « aider » les étrangers à trouver un domicile pour leur

sortie, à faire des connaissances, trouver des partenaires, même à faire des contacts dans

despedidos por abuso sexual en penal de Cusco, Agencia-Perú, 27 du Février 2009, http://agenciaperu.tv/view_video.php?viewkey=caf6d92cc76c5b773e7b&category=&section=12 99 Tout au long de notre expérience nous avons constaté cette relation. 100 Les entretiens avec A1, avocat pro-deo, F1 et F2 fonctionnaires de l’INPE, D1, espagnol détenu pour trafic de drogues, O1 agent de l’ombudsman et notre expérience confirment cet aspect.

Page 93: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

93

le domaine de la falsification de documents ou d’autres secteurs de la délinquance qui

les intéressent pour leur sortie101. Ainsi, les liens de solidarité sont au plus contractuels

c'est-à-dire instrumentaux et peuvent vite tourner vers l’altérité conflictuelle ou la

contradiction du fait de la rareté des services et biens dans les prisons102.

Nous avons recueilli les mêmes informations que Palma quant au fait que les détenus

des pays d’Europe et notamment d’Espagne peuvent montrer un certain mépris pour les

attitudes, la culture et les habitudes des nationaux103. (PALMA : 2006). Mais les

relations conflictuelles que ces détenus peuvent développer vis-à-vis des nationaux

s’expliquent aussi par leur relation avec les fonctionnaires. Les détenus étrangers seront

entrés dans une espèce de « concurrence déloyale » pour les biens et services que les

fonctionnaires offrent.

e) Détenus et fonctionnaires : Dans les prisons les fonctionnaires sont divisés en

fonctionnaires administratifs (psychologues, juristes, assistants sociaux, directeurs, etc.)

et fonctionnaires techniques, c’est-à-dire le personnel de surveillance qui est le plus en

contact avec la population carcérale. Les fonctionnaires des prisons péruviennes se

reconnaissent comme un groupe qui présente déjà beaucoup de conflits en son sein104.

Une étude a révélé que près de 25% de ces travailleurs considèrent leur travail comme à

haut risque et 46% le considèrent à risque moyen (entre autres le risque d’être agressé

par des détenus dans une mutinerie, d’être pris comme otage ou d’être infecté

d’acariens, tuberculose ou SIDA). Cependant, selon l’étude, les niveaux de stress son

bas pour 62% des travailleurs (ESTEBAN, GONZÀLES & GUEVARA : 2006).

Etant donné que les dynamiques de pouvoir n’assurent pas le contrôle des prisons sous

l’autorité des fonctionnaires de l’INPE, la relation entre les détenus et les

fonctionnaires est une relation de négociation constante. Entre la complémentarité et le

conflit, elle se penche vers la première parce que les deux groupes ont besoin de

coopérer réciproquement pour atteindre leurs propres finalités. D’une part les

101 Les entretiens avec F1, F2, fonctionnaires de l’INPE A2, intervenant de ONG à la prison de Chorrillos, A1, avocat pro-deo coïncident sur ce point. 102 Entretiens avec F1 et F2, fonctionnaires de l’INPE. 103 Entretiens avec F1, F2 fonctionnaires de l’INPE et A2, intervenant de la prison Chorrillos. 104 Entretiens avec F1 et F2 fonctionnaires de l’INPE. Notre expérience confirme ce fait.

Page 94: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

94

fonctionnaires cherchent le maintien de l’ordre et d’autre part les détenus veulent avoir

certaines « libertés ».

En considérant qu’existent des conditions pénibles, des ressources humaines et des

infrastructures insuffisantes, l’octroi discriminé des faveurs et la corruption pour

accéder aux services, à des meilleures conditions de vie, et même pour se déplacer à

l’intérieur de la prison, sont des pratiques quotidiennes. De la part des détenus, ils

peuvent essayer de faire plaisir au surveillant, mobiliser un groupe de détenus pour faire

pression, dénoncer les fonctionnaires pour atteintes aux droits de l’homme, de la part

des ainsi dits « techniciens », ils vont employer bien souvent le cachot et restreindre ou

relâcher les normes de discipline ou l’accès aux services et aux activités. L’équilibre

penche du côté des fonctionnaires et en principe les détenus étrangers sont invités à

s’insérer dans cette relation qui varie entre la complémentarité et le conflit explicite.105

Les fonctionnaires administratifs sont plus en interaction avec les autres niveaux de

l’administration pénitentiaire péruvienne, de même qu’avec les magistrats qui ont les

compétences d’octroyer la liberté conditionnelle ou la semi-liberté. Bien qu’il y ait de

beaux exemples de relations de bienveillance, motivation, respect et affection, les

démarches qui définissent la situation juridique et pénitentiaire des détenus sont des

opportunités de renforcement de la relation d’inégalité qui ravivent le conflit avec le

détenu intéressé à demander un bénéfice pénitentiaire106.

En règle générale le détenu qui n’a pas un parcours délictueux important et non plus

accès aux sphères souterraines de pouvoir n’a qu’à adopter une position de soumission

et accepter les exigences (même pécuniaires) et les délais des fonctionnaires. Il va

étudier ou travailler, aller chez le juriste, le psychologue et l’assistant social et même

payer pour ces services107. Il attend patiemment les démarches de gestion de sa sortie.

Cet échange qui était consensuel vire vers le dissensus lorsque les détenus ont réagi à

une relation d’inégalité extrême et d’abus de la part des fonctionnaires108. La relation

incorporant les détenus étrangers a été aménagée pour que l’échange continue d’une

105 Entretiens avec F1, F2, fonctionnaires de l’INPE. Notre expérience confirme aussi cette réalité. 106 Entretiens avec F1, F2, fonctionnaires de l’INPE, A1, missionnaire intervenant de la prison. Notre expérience confirme aussi ce fait. 107 Entretiens avec F1 et F2 fonctionnaires de l’INPE. 108 Entretiens avecF1 et F2 fonctionnaires de l’INPE.

Page 95: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

95

manière complémentaire moins inégale et aujourd’hui par exemple, les fonctionnaires

accomplissent leurs missions dans le cadre des bénéfices pénitentiaires dans des délais

plus respectables109.

f) Fonctionnaires et magistrats : La constitution d’un dossier de bénéfices

pénitentiaires (libération conditionnelle, semi-liberté, réduction de la peine pour travail

ou études, etc.) est l’opportunité des dynamiques d’identification sporadique et à fin

unique entre les fonctionnaires et les détenus face aux magistrats du parquet et des cours

de l’arrondissement du Callao. Les magistrats ont aussi entre eux une certaine tendance

à la conformité mutuelle comme on a vu.

Le parquet va réceptionner le dossier et avancer une opinion souvent méfiante des

documents pénitentiaires. Le magistrat peut devenir exigent pour les cas d’étrangers

détenus pour trafic de drogue et demander la preuve d’assistance du détenu au travail ou

à l’étude de même qu’un extrait de son cassier judiciaire, bien que ces informations

devraient être contrôlées déjà au niveau pénitentiaire. On peut voir des cas où les

rapports psychologiques et sociaux présentés par les fonctionnaires sont rendus à

l’INPE pour être approfondis parce qu’ils signalent des formules synthétiques tels que

« bon comportement » mais rarement ces professionnels seront invités à se présenter

devant les tribunaux comme on fait de plus en plus dans les affaires des mœurs110.

g) Les médiateurs entre les détenus étrangers et les fonctionnaires : L’insertion des

détenus étrangers au sein de cette dynamique complémentaire-conflictuelle a comporté

une évolution. Les possibilités de négociation et de pouvoir au sein des prisons étant

déterminées selon une échelle sociale dans laquelle les étrangers n’étaient guère

considérés, les ont situé dans une position de vulnérabilité, pas seulement face aux

détenus mais aussi face aux fonctionnaires. Comme remède ils ont fait appel à une série

de médiateurs et depuis un certain temps la situation a changé.

Les détenus ont souvent des exigences quant aux conditions de vie, services,

procédures, etc. mais très peu de possibilités de les atteindre et beaucoup moins de les

exprimer face à des acteurs autres que les fonctionnaires. Ces derniers et

109 Entretiens avecF3 fonctionnaire de l’INPE et A1 missionnaire intervenant de la prison du Callao. 110 Entretiens avec F3 fonctionnaire de l’INPE.

Page 96: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

96

particulièrement les fonctionnaires qui ne font pas partie de la direction n’ont pas les

moyens de répondre à ces exigences (manque de ressources, de personnel, peu de

capacités de donner des services psychologiques ou sociaux, etc.). Même l’échange

complémentaire entre ces deux acteurs n’a pas d’effet sur ces problèmes.

Les seuls acteurs auxquels les détenus peuvent s’adresser pour communiquer leurs

difficultés sont les intervenants civils (ONG, église, etc.), très peu nombreux, qui

travaillent dans les prisons et une presse qui s’intéresse de temps en temps à leur

situation. Les visites de l’ombudsman, du parquet ou des organismes de protection de

droits de l’homme aux prisons sont ponctuelles et se dirigent vers les situations plus

urgentes. L’autre possibilité est de chercher par eux-mêmes (épargnes, travail, délits,

etc.) ou de convoquer leurs familles pour avoir les moyens de se procurer une vie digne

et d’acheter les services et les faveurs dont ils ont besoin. Du fait qu’il s’agit souvent

d’individus marginalisés ces possibilités restent réduites111.

En revanche, les étrangers et notamment ceux des pays industrialisés, ou souvent leur

familles, font appel aux ambassades ou aux consulats de leurs pays pour porter plainte

sur les conditions de vie, les démarches administratives, etc. Ceux-ci se constituent en

véritables médiateurs de la relation entre les fonctionnaires (même de la direction) et les

détenus étrangers. Seulement par défaut (quand leurs ambassades ne les aident pas) ou

en complément et comme moyens moins effectifs de médiation ils peuvent recourir aux

intervenants privés qui travaillent dans les prisons (ONG, églises etc.) Le recours à

l’ombudsman est aussi souvent possible via les médiateurs. Ces médiateurs sont

capables de stabiliser les négociations avec les fonctionnaires plus importants de la

prison et même renverser la situation de soumission et vulnérabilité des étrangers112.

Certaines ambassades notamment des pays d’Europe et d’Amérique du nord leur

octroient une allocation pendant leur séjour en prison. D’autres mettent des interprètes,

des avocats à leur disposition ou demandent aux directions de suivre particulièrement le

cas d’un détenu. Le fait d’incorporer des alliés clés à la relation entre les fonctionnaires

et les détenus étrangers a joué pour que le conflit soit tranché et des nouvelles règles

111 Entretiens avec F1 et F2 fonctionnaires de l’INPE, D2 italo-péruvien détenu pour trafic de drogue, D3 colombienne détenus pour trafic de drogues et A1, missionnaire intervenant de la prison du Callao.

Page 97: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

97

soient définies. Aujourd’hui le développement de ce type de relations de «médiation

diplomatique » induit chez les fonctionnaires une attitude de soumission à l’égard d’une

population qui peut tout acheter : de la drogue, du nettoyage, de la nourriture, de la

liberté pour se déplacer et même les démarches de libération conditionnelle ou les

certificats d’études ou de travail.

Les passeurs de drogue étrangers, comme la majorité de passeurs de drogue, peuvent

demander une semi-liberté après environ 3 ans de détention s’ils ont été condamnés à

une peine d’environ 6 ans et 8 mois de prison. À ce moment les relations entre les

fonctionnaires et les détenus étrangers s’ouvrent d’autant plus aux possibilités de

corruption et de complaisance113.

Pendant une de nos dernières visites à la prison de Callao, nous avons entendu le cri

« dans cette prison nous les Espagnols, nous pouvons aller où nous voulons» provenant

d’un détenu espagnol qui se promenait librement dans un couloir à un surveillant qui

ouvrait gentiment la porte pour un intervenant. Peu après, un autre intervenant nous a

dit « cette prison devrait être gérée par l’Ambassade espagnole ».

Mais la soumission des fonctionnaires n’a pas éloigné les possibilités de conflit. Les

fonctionnaires administratifs qui dirigent la prison et d’autres dirigeants de l’INPE ont

commencé à craindre cette concentration de pouvoir et de corruption et ont procédé à la

dispersion de ce groupe d’étrangers dans différents prisons à l’intérieur du pays. Par

ailleurs, nous avions souligné l’existence d’une certaine méfiance entre les détenus

étrangers et les nationaux en tant que groupes de détenus. Selon un des fonctionnaires

que nous avons interviewés les possibilités de conflit entre les nationaux et les étrangers

sont alimentées par cette relation de préférence ou connivence entre fonctionnaires et

étrangers qui génère une certaine jalousie de la part des nationaux114.

112 Entretiens avec F1, F2, fonctionnaires de l’INPE, O1, agent de l’ombudsman, A1, missionnaire intervenant de la prison du Callao, A2 intervenants à la prison de Chorrillos. 113 Entretiens avec F1, F2, fonctionnaires de L’INPE, A1 missionnaire intervenant de la prison de Callao, D1 espagnol détenu pour trafic de drogues. 114 Entretiens avec F1 et F2 fonctionnaires de l’INPE, A1, intervenant de la prison du Callao.

Page 98: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

98

5.1.4. Moment politique

Dans cette catégorie nous avons voulu séparer les interactions qui relient les différents

acteurs qui interviennent dans les moments précédents. Les relations privilégiées sont

celles qu’intègrent des différents intérêts collectifs et objectifs politiques qui touchent

directe ou indirectement aux étrangers criminalisés pour trafic de drogues. Cependant la

particularité des acteurs du moment politique est qu’ils ont un visage « institutionnel »,

ils ne sont pas exactement les mêmes que nous avons connus auparavant. Ce sont plutôt

les dirigeants et les sommets des hiérarchies, leurs actions étant centralisées à Lima et

conglomérées par des institutions qui fonctionnent comme des plaques tournantes entre

elles.

Aborder ici toutes les relations de ce genre qui se développent au sein de la société

péruvienne est hors propos mais, au moins deux institutions ont été proposées par nos

interviewés comme étant particulièrement dévouées à réaliser ce type d’interactions

comme une partie fondamentale de leurs missions. Evidemment ceci n’exclut pas

l’importante participation des acteurs – comme on a déjà dit un tout autre type d’acteur

– des institutions desquelles nous avons déjà parlé dans les étapes précédentes. Les

justiciables dont nous parlons ici ont aussi des relations, malgré la distance, avec les

dirigeants de la Cour de Cassation, du Ministère de la Justice, de l’INPE, de la

DIRANDRO, de la Police Nationale, etc.

a) Le bureau des Nations Unies contre la drogue et le crime au Pérou : Dans le

cadre de la lutte contre le crime organisé et des missions de surveillance des

Conventions de l’ONU sur les drogues, les stupéfiants, la criminalité organisée et la

corruption, ce bureau assume le rôle d’aider l’Etat péruvien dans le domaines de la

formation continue des fonctionnaires, l’élaboration des rapports et des tactiques

efficaces pour désarticuler des réseaux de criminalité. Les acteurs de la délégation des

Nations Unies contre la drogue et le crime de la région apparaissent en relation avec

DIRANDRO et surtout avec l’unité d’éradication de cultures de coca et l’unité

d’investigation sur la criminalité organisée et le blanchiment d’argent. Au contraire dans

l’exercice de leurs fonctions ils ne s’intéressent pas trop aux arrestations à l’aéroport

non plus aux étrangers passeurs de drogue. Toutefois, ils rassemblent régulièrement des

informations statistiques de toute la gamme d’acteurs qui interviennent dans la mise en

Page 99: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

99

œuvre des législations sur les drogues (Ministère de Justice du Pérou, PNP, DEVIDA,

DEA, Ministère de l’Intérieur Espagnol, etc.).

En plus, ce bureau noue des relations avec le Ministère Public et les magistrats des

tribunaux pénaux de Lima, notamment les parquets antidrogue et les magistrats pénaux

spécialisés, pour lesquels il organise de formations sur la criminalité organisée, les

méthodes de recherche, la coopération judiciaire, etc. Par ailleurs, des accords avec les

dirigeants du Ministère de l’Agriculture leur permettent de mettre en œuvre des

programmes conjoints de développent alternatif et de coopération avec les paysans ex

producteurs de coca. Une relation similaire existe avec le Ministère de l’Éducation afin

d’entrer en relation avec la population nationale à travers de modules d’éthique pour les

enfants d’école primaire115.

b) L’ombudsman péruvien pour les affaires pénales et pénitentiaires : Les acteurs

de cet organisme de l’État doivent défendre les personnes vulnérables dans le secteur.

Nous les avons vus dans l’étape précédente comme un des médiateurs appelés à

exprimer et faire valoir les « exigences » des détenus en général. Leur participation sur

le terrain pénitentiaire est sui generis. L’interaction effective avec les étrangers et les

fonctionnaires pénitentiaires est encouragée par l’intervention des consulats,

ambassades et d’autres intervenants du milieu pénitentiaire.

Mais régulièrement l’ombudsman est en relation politique avec les juges et les parquets

notamment à propos de la formation et l’évaluation des acteurs de l’implémentation du

nouveau modèle de procédure pénale. Il entre en relation avec les facettes moins

répressives de la Police Nationale, telles que l’ombudsman des policiers et les initiatives

réformistes. Etant donné que ses fonctions impliquent la défense des droits des

justiciables et des personnes arrêtées, ces acteurs ont du mal à créer des relations

étroites avec une police qui est habitué à réaliser ses activités sans aucun contrôle

d’autres institutions. C’est pourquoi en matière de drogues le rapport privilégié est

celui avec OPD-DEVIDA, institution qui s’engage plutôt dans la prévention du crime.

115 Entretien avec O2, directive du bureau des Nations Unies contre la drogue et le crime de la région andine.

Page 100: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

100

Finalement, les acteurs de l’ombudsman mènent des actions de lobbying avec les

politiciens et législateurs en matière pénale et pénitentiaire. Sensibilisés avec la situation

des étrangers, ils ont participé à la création de la loi récente qui permet aux étrangers

d’être transférés dans leur pays sans payer la somme exigée comme réparation civile116.

Comme on l’a dit, nous n’avons pas voulu présenter ici tous les acteurs qui sont en

relation avec ces personnes d’origine étranger sur un terrain politique. Nous pouvons

ajouter les relations d’intégration que mènent les dirigeants de l’INPE, de l’église, de la

magistrature, de même que des journalistes et des fonctionnaires diplomatiques, etc. qui

ont joué un rôle important dans le lobbying pour la loi récente qui permet leur

expatriation117.

Cependant, l’accès aux discours de ces deux acteurs politiques sur les interactions laisse

entendre que les deux acteurs se basent sur des échanges consensuels et qu’ils se

permettent des échanges dissensuels avec les autres acteurs (par rapport à certaines

normes ou certains objectifs). Ce sont pourtant les acteurs de l’ombudsman qui ont eu

l’opportunité de mieux connaître et de déployer un lien de solidarité à l’égard des

personnes dont on s’occupe dans ce travail. Et d’autre part les acteurs du bureau de

l’ONU semblent avoir le même type de relations avec les acteurs de la police

antidrogue. Ces réflexions nous invitent à expliciter la dynamique dialectique qui opère

à travers ces quatre moments.

Jusqu’ici nous avons décrit les quatre moments d’interactions entre les différents acteurs

du processus de construction d’une criminalité. Dans la suite, les principales relations

d’altérité vis à vis des « étrangers détenus pour trafic de drogue » qui ont été nouées

pendant ces moments seront soulignées ainsi que l’image de l’« autre » qui est mobilisé.

5.2. Dynamique pendulaire et mobilisation de l’image d’un autre

Ici il faut retourner aux principes sur lesquels nous avons basé notre approche et qui ont

été développés dans le chapitre de préalables théoriques et méthodologiques. Nous

116 Entretien avec O1, agent de l’ombudsman péruvien. 117 Loi 29305 du 22 décembre de 2008 qui modifie les articles 542ª et 544º du nouveau code de procédures pénales sur les conditions pour le transfert et accomplissement de peines dans l’étranger.

Page 101: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

101

partageons avec certains auteurs l’idée que le self d’un individu ou d’une collectivité,

n’est pas une essence localisée ou exprimée mais une image d’un « moi » produite et

reproduite à travers une série d’interactions. Cette image d’identité ou d’altérité

constitue - et est constituée par - une communauté et est susceptible d’être repérée à

travers l’analyse des discours. Finalement nous considérons que cette image est

historique parce qu’elle existe en tant que la mémoire des interactions persiste

(CZARNIAWSKA : 2008).

En effet, la criminalité dont on s’occupe est en principe constituée par des personnes

qu’on décrit comme des « étrangers détenus pour trafic de drogues », et souvent comme

des « burriers » ou des « passeurs de drogue». Il s’agit d’une image qui a traversé les

institutions et les acteurs pénaux jusqu’à arriver au terrain politique.

Selon Bajoit les relations sociales avaient fondamentalement deux versants : a) la

relation d’altérité ou d’échange où l’élément qui fait la différence est mis en exergue et

b) la relation d’identité où au contraire l’élément en commun est mis en exergue. Pour

nous la distinction est importante parce qu’au sein d’une société en transition vers la

paix et la démocratie certaines formes de relation sont plus désirables que d’autres.

L’inégalité est plus prononcée quand il s’agit d’une relation conflictuelle ou

contradictoire, tandis qu’une relation nouée en termes contractuels ou complémentaires

relève d’une inégalité moins prononcée. Dans l’autre sens, le développement des

relations d’identité sont signe d’un repositionnement de l’autre vers l’égalité. Les deux

mouvements d’altérité et identité extrêmes ont été présents tout au long de ces quatre

moments, et une dynamique pendulaire est susceptible de les relier. Ces mouvements

sont les principaux constituants de l’image « d’étranger détenu pour trafic de drogues ».

Nous allons représenter cette dynamique à l’aide de cinq graphiques. Les quatre

premiers correspondent à chacun des quatre moments de la dynamique de construction

d’une image d’ « étranger détenu pour trafic de drogues ». Les flèches bidirectionnelles

noires représentent les relations étudiées dans la première partie du chapitre. Il faut

préciser que la position des acteurs signale l’inégalité/égalité des relations (Par exemple

une flèche qui relie un personnage de la partie supérieure du graphique à un personnage

de la partie inférieur du tableau indique une relation privilégiée pour le premier). Les

grandes flèches représentent la dialectique entre les relations d’altérité conflictuelle et

Page 102: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

102

d’identité solidaire nouées avec les « étrangers détenus pour trafic de drogue ». Les

flèches grises évoquent les relations d’altérité conflictuelle tandis que les flèches jaunes

évoquent les relations d’identité solidaire à l’égard de cet « autre ».

Les lignes simples représentent la flexibilité entre des positions « identitaires » des

individus. En effet, chaque moment témoigne des fluctuations entre une image d’altérité

marquée par des traits négatifs (antisocialité, dépendances, conflictualité) et une image

d’une personne qui a droits et des problèmes d’ordre humain (précarité économique,

maladies, vulnérabilité, etc.). Au moment policier, une distinction entre ces deux images

est plus ou moins claire. Un mélange de ces deux constitue l’image de passeur de

drogue qui se distingue de la criminalité organisée au moment judiciaire. Au moment

pénitentiaire l’accent sera mis sur les deux aspects au point qu’on parlera de « personnes

conflictuelles ».

5.2.1. Moment policier : profils, conflictualité, quantités et images light

Tableau 46 : Principales interactions et relation d’altérité/identité du moment policier

Le graphique 46 représente les relations que nous avons décrites pour le moment

policier. Bien qu’on ait signalé des possibilités d’échanges conflictuels avec le parquet,

des épisodes de conflit avec les acteurs du LAP et des échanges compétitifs avec les

Journaliste

Agents internationaux de répression (Ex: DEA)

Policier Parquet

Travailleurs LAP

Personne

Représentants des pays ( Ex: consulats)

IMAGE

Page 103: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

103

agents internationaux, en gros, les acteurs de la police conglomèrent des relations qui

tendent vers l’échange de complémentarité et la solidarité fonctionnelle. Ces acteurs

collaborent primordialement entre eux pour les tâches de répression. Les flèches noires

représentent ces liens. En rouge nous avons dessiné le passage à l’acte.

La flèche grise indique la relation nouée entre la police et les personnes « étrangères

détenues pour trafic de drogues » Cette relation, comme on a vu relève d’une altérité

conflictuelle puisque les objectifs sont contraires. Elle est constitutive d’une image

d’un « autre » très particulier. Le profilage et la sélection des personnes à partir d’une

série de critères servent au propos. Les accessoires (valises avec coutures, passeports

nouveaux, gouttes pour les yeux, etc.), les caractéristiques personnelles qui incluent des

comportements (état nerveux, réponses dubitatives) et des signes physiques (sécheresse

des lèvres, yeux rouges, tremblements, etc.) sont des indices qui seront combinés dans

un processus d’induction continue118.

Des questions visent à induire certaines réactions comportementales d’aveu de

culpabilité, en même temps que la fouille des objets personnels vise à la constitution de

la preuve matérielle. L’identification de l’infracteur souvent n’est que la rencontre d’une

personne qui présente le profil d’un passeur de drogues. Le contexte est un espace

public territorialement défini (l’aéroport) et l’acteur de la répression n’est pas habillé

comme policier mais en civil ou comme un fonctionnaire. Il réalise l’action

systématique d’un franc-tireur.

A posteriori, une fois que les individus ont été arrêtés, leur image incorpore le contenu

des premières déclarations : qu’il a été recruté à cause de sa précarité économique et

qu’il visait à améliorer son niveau de vie. Nos interviewés affirment qu’il s’agit de

personnes antisociales, sans valeurs, enclines à la vie et l’argent faciles et qui sous-

estiment les institutions du pays119. En plus, ils sont d’ores et déjà des détenus parce que

l’usage polyvalent du mot espagnol detenidos sert aussi à la construction de l’objet.

Demeurer dans l’ambigüité (la personne à-t-elle été arrêtée par la police avec ou sans

l’autorisation du juge ?) sert sans doute les intérêts des régimes inquisitoires voire

autoritaires.

118 Entretien avec P2 policier de DINANDRO AIJCH 119 Entretien avec P1 policier de DINANDRO AIJCH

Page 104: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

104

Tableau 47 : Images d’arrestations d’étrangers à l’aéroport Jorge Chàvez120

INTERVENCION REALIZADA POR ELDPTO. AIJCH-DIRANDRO-PNP

NOMBRE/APELLI : FILOMENA ALEXANDRA CUNHA DE MATOS (24)HORA Y FECHA : 19.20 DEL 08ABR2008NACIONALIDAD : PORTUGUESADROGA Kgrs. : 7.232DESTINO : ESPAÑA - BILBAOCIA AEREA : IBERIAMODALIDAD : MALETA

Siendo las 19.20 hrs aprox. de la fecha, personal PNP de servicio del Departamento Antidrogas del AIJCH, con participación de la Representante del Ministerio Publico Dra. Claudia CarolaVALDIVIA PISCOYA, Fiscal Adjunta de la Primera Fiscalía Especializada en Delitos de TID del Callao, intervinieron a la ciudadana Portuguesa Filomena Alexandra CUNHA DE MATOS (22), identificada con Pasaporte. Nº J435507, en circunstancias que controlaba su pasaje en el Counter de la Cia. Aerea “IBERIA”, pretendiendo viajar a la ciudad de Madrid – España, con destino final Bilbao - España, siendo conducida a las instalaciones de esta Dependencia para las diligencias respectivas.

Al efectuar el registro de Una (01) Maleta de lona sintética, color negro, con filos plateados, marca “LOK”, perteneciente a la ciudadana portuguesa Filomena Alexandra CUNHA DE MATOS (22), identificada con Pasaporte. Nº J435507, con precinto de seguridad IB650782 a nombre de la intervenida, se hallo debidamente acondicionado en el interior de la maleta, dos (02) frascos de Súper Silueta de Santa Natura, denominándose MUESTRA 01, dos (02) frascos de Súper line de Kaita, denominándose MUESTRA 02, dos (02) cajas de puré de fréjoles Inka Gourmet, y Arroz con Leche de Provenzal, denominándose MUESTRA 03, dos (02) vicuñas artesanales, denominándose MUESTRA 04, y MUESTRA 05, una (01) casaca sintética color azul con nueve envoltorios plásticos de color negro, de forma rectangular denominándose MUESTRA 06 y seis (06) carteras tejidas de hilo, denominándose MUESTRA 07, conteniendo cada uno de ellas en su interior una sustancia blanquecina pulverulenta, cuya pequeña muestra extraída de cada bolsa, al ser sometida a la prueba de campo, orientación y descarte mediante el reactivo “904 REAGENT FOR COCAINE SALTS AND BASE” se tiñeron de color turquesa, presunto indicativo de “POSITIVO” para alcaloide de cocaína, con un Peso Bruto de (07.232 Kgrs.) SIETE KILOS, DOCIENTOS TREINTA Y DOS GRAMOS.-

INFORMACION

INTERVENCION REALIZADA POR ELDPTO. AIJCH-DIRANDRO-PNP

NOMBRE/APELLI : Juan Antonio MERINO RIVERA (57)HORA Y FECHA : 18.00 DEL 07ABR2008NACIONALIDAD : CHILENOLUGAR NACIMIENTO : VILLA RICA VALDIA - CHILEDROGA Kgrs. : 11.318DESTINO : Santiago de chile- CHILECIA AEREA : LANMODALIDAD : MALETA

INTERVENCION REALIZADA POR ELDPTO. AIJCH-DIRANDRO-PNP

NOMBRE/APELLI : Tomas Estalin PEÑA HUACON (28)HORA Y FECHA : 19.00 DEL 14ABR2008NACIONALIDAD : ECUATORIANODROGA Kgrs. : 01.000DESTINO : MADRID - ESPAÑA / AMMAN - JORDANIACIA AEREA : IBERIAMODALIDAD : INGESTA

INFORMACION

1. El 14ABR2008 a horas 19.00 aprox., Personal PNP de Servicio del Departamento Antidrogas del AIJCH, intervino a Tomas Estalin PEÑA HUACON (28), Ciudadano Ecuatoriano, identificado con PASAPORTE Nº 0918791542, por su actitud sospechosa, en la Zona de Migraciones de salidas Internacionales, pretendiendo viajar por la Cia aerea IBERIA a la ciudad de Madrid – España, con destino final Amman - JORDANIA, por lo que previa coordinación con el Representante del Ministerio Público Dra. Claudia Carola VALDIVIA PISCOYA, Fiscal Adjunto Provincial de la Primera Fiscalía Especializada en Delitos de Tráfico Ilícito de Drogas del Callao en apoyo a la Segunda FETID, se trasladó al precitado ciudadano Ecuatoriano al Hospital San José-Callao, a fin de descartar su posible transporte de droga modalidad de ingesta.

2. Al practicarse el Examen de Rayos X Nº 8921, de abdomen simple al intervenido en el Hospital Nacional San José - Callao, la Dra. Susana LOPEZ VALDEZ, Médico Internista diagnostico “SUGERENTE DE CUERPO EXTRAÑO”, siendo corroborado con la versión del intervenido, quien acepta haber ingerido envoltorios conteniendo presuntamente droga, en cantidad no determinada; asimismo en este estado de la diligencia el intervenido manifiesta que antes de su intervención por personal DIRANDRO PNP, recibió bebida gaseosa por parte de personal PNP de extranjería que le fuera ofrecido, luego que no aceptaba en un primer momento la ingesta al ser preguntado por dicho personal PNP, tomándola por propia voluntad, de lo que se deja constancia estando a los resultado del Examen de Rayos X antes indicado, disponiendo el Representante del Ministerio Público su traslado e internamiento en el Hospital Nacional Daniel Alcides Carrión – Callao, para su evacuación y asistencia médica respectiva.

120 Extraits du dossier d’arrestations du mois d’avril. Bureau de relations publiques DIRANDRO-LIMA. Nous avons couvert certaines parties des visages.

Page 105: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

105

Outre les caractéristiques socioéconomiques (précarité) et psychologiques (antisociales)

qui reviendront tout au long du processus, l’image des étrangers rejoint le contenu de

nos premiers chapitres et le point de départ de notre travail. Les policiers ont tendance à

communiquer la vision quantitative-économique du phénomène. Ils nous renvoient aux

indicateurs de « réussites » et à l’organisation de la Police pour décrire leur travail, de

même qu’aux nouvelles routes du trafic, l’évolution de la production de cocaïne, etc.

Certains acteurs peuvent passer à un discours plus critique, soutenant que les modalités

de transport de la drogue utilisées se renouvellent toujours et les surprennent. Ils

nuancer ainsi la réussite : « si on en arrête 3, c’est parce qu’il y en a 10 en train de

s’embarquer121 ». Mais, jusqu’ici cette image est très semblable à celle que les media

nous fournissent quand ils s’occupent de la matière. Une image « light » pour les

journalistes, et qui essai plutôt d’avoir un impact sur un public hétérogène et pas très

exigeant que d’offrir une investigation épurée. Les photos du tableau 47 font partie du

stock d’information mensuel que DIRANDRO peut mettre à la disposition de la presse.

Par ailleurs, deux premiers mouvements du type identitaire apparaissent : Le premier est

l’imperceptible discours du « passeur de drogues et la précarité économique » qui sert

pour identifier le cas du péruvien et de l’étranger arrêtés par l’unité DIRANDRO-

AIJCH122. D’autre part les consulats et les ambassades se solidarisent avec leurs

compatriotes et les repositionnent face aux acteurs policiers en sauvegardant le respect

des droits de l’homme et les garanties constitutionnelles. C’est pourquoi ils font appel à

l’ombudsman qui s’occupe des affaires pénales au Pérou. Voir la flèche en jaune sur le

tableau 46123.

5.2.2. Moment judiciaire : précarité économique, engorgement et position moins

défavorable

Les magistrats et les avocats ont une image similaire de celle qui a été construite au

moment policier. Ils ont connu les faits exposés dans la dénonciation : la routine du

contact, l’aménagement de cachettes pour la drogue, effectué dans un hôtel et

121 Entretien avec P1 policier de DIRANDRO AIJCH et P3 policier de sécurité de l’aéroport. 122 Entretien P1, policier DIRANDRO AIJCH. 123 Entretien O1, agent de l’ombudsman.

Page 106: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

106

l’embarquement avec un numéro de GSM pour téléphoner une fois arrivé à leur

destination, etc.124 La description socioéconomique et antisociale est aussi utilisée par

les magistrats. Bien que ces acteurs vont souvent dire qu’il s agit de personnes de tout

âge, sexe et classe sociale, l’image de marginalité et l’identité entre les passeurs de

drogue péruviens et étrangers a été aussi repérée. Les acteurs judiciaires signalent pour

ces deux groupes : des problèmes socioéconomiques, de prostitution, des conflits,

manque de travail, des addictions, etc.125

Tableau 48: Principales interactions et relation d’altérité/identité du moment judiciaire

Les acteurs spécialisés (le parquet antidrogue et les magistrats de haut niveau), peut-

être à cause de la formation particulière qu’ils reçoivent des agences internationales de

répression du crime, insèrent la vision de l’étranger trafiquant de drogue dans la

description économique-quantitative dans laquelle le Pérou est l’exportateur de la

cocaïne et la criminalité est organisée à travers des entreprises mexicaines ou

péruviennes qui offrent des services aux grandes organisations. Ces entreprises de

services s’occupent de recruter des passeurs de drogue, préparer la drogue, les frais de

séjour, le billet pour leur voyage. Ainsi, le passeur de drogue n’est pas plus qu’une

124 Entretiens avec J3 juge de la Cour de Cassation de Lima, A1, avocat pro-deo au Callao. 125 Entretiens avec A1, avocat pro-deo, J1, juge pénal de 1ere instance J2, juge supérieur, J3, juge de la Cour de Cassation de Lima et P2 parquet supérieur du Callao.

Acteurs Moment Policier

Journaliste

Juge Parquet

Acteurs-preuve

Crime organisé

Crime organisé

IMAGE

Page 107: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

107

modalité d’exportation de la drogue comme le courrier postal, le transport maritime, etc.

et son évolution se rapporte aux transformations de routes126.

La plupart des magistrats témoignent d’une évolution quantitative d’affaires de

passeurs de drogue, d’affaires d’étrangers et de la diversité de nationalités impliquées.

Mais cette « évolution » est accompagnée de l’image d’engorgement et de

surproduction de produits de basse qualité127. La plupart d’affaires qui impliquent des

passeurs de drogue ne présentent pas la complication probatoire des affaires de micro-

trafic (l’autre grand segment de la criminalité liée aux drogues, des dealers de rue qui

sont arrêtés dans les quartiers souvent sans la présence du ministère public) pourtant ils

éveillent les critiques des magistrats quant aux finalités de resocialisation, réparation,

etc.128 Pour le parquet antidrogue l’évolution n’est pas seulement quantitative mais elle

témoigne aussi d’une institutionnalisation de la criminalité. Des organisations à

l’intérieur de l’aéroport se sont développées et c’est pourquoi on a trouvé des trolleys

qui cachaient de la drogue ou des travailleurs de l’aéroport impliqués129.

La flèche en gris (tableau 48) représente la définition d’une image de l’étranger détenu

pour trafic de drogues en tant que courrier de drogues « privilégié » parmi d’autres

positions d’altérité. En effet, ce moment se caractérise par une position moins

défavorable de l’étranger justiciable et un rapport d’altérité qui tend vers la

complémentarité plutôt que la conflictualité. La plupart des acteurs sont capables de

distinguer des conditions personnelles des justiciables qui les situent différemment à

leurs yeux: des malades terminaux, des mères avec des enfants, des paysans, etc.,

souvent perçus comme des personnes utilisées, abusées, menacées par les organisations

criminelles et dès lors différentes de celles-ci130. La traduction de cette image dans la

responsabilité objective se trouve dans le choix de l’article 296 du Code Pénal et la

procédure accélérée qui leur donne la possibilité d’une peine plus légère.

Pour les juges telle discrimination n’est pas toujours claire parce qu’il existe une

définition assez large de ce qui est la forme aggravée du trafic de drogue sanctionné par

126 Entretiens avec P1, parquet antidrogues du Callao et J3 juge de la Cour de Cassation de Lima 127 Entretiens avec J1, juge pénal de 1ere instance, J2, juge supérieur du Callao. 128 Entretiens avec J1, juge pénal de 1ere instance et J2 Juge supérieur du Callao. 129 Entretien avec P1, parquet antidrogues du Callao.

Page 108: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

108

l’article 297 du Code Pénal. Jadis, la loi considérait un certain montant de cocaïne saisie

(même si on additionne les quantités transportées par deux courriers de drogues dans

leurs valises). Aujourd’hui la jurisprudence de la Cour de Cassation reconnaît que

l’existence de 3 impliqués n’est pas la preuve d’une criminalité organisée puisque le

passeur connaît souvent un récepteur et un émissaire. Dans ces cas les magistrats

évaluent la justification sociale de l’infraction: l’élément de« précarité économique »,

encore une fois, noue un lien d’identité qui traverse la distinction national/étranger131.

5.2.3. Moment pénitentiaire : traits antisociaux, précarité économique relativisée

et conflictualité exacerbée

Les groupes et appartenances qu’on peut distinguer en prison sont principalement le

sexe, la nationalité et le délit qui vont déterminer la segmentation de la population en

prisons, pavillons, ailes, etc. Possiblement du fait que ces relations sont à plus long

terme que les relations établies pendant d’autres moments, certains intervenants ont

mené des études sur les détenus qui vont au delà de l’aspect quantitatif. Ils s’occupent

souvent de la prison des femmes qui concentre un bon échantillon de la population

nationale. Les passeurs de drogue sont mentionnés sous des dénominations différents

(burriers, cargadoras, transportadoras de drogas) et caractérisées par des peines de 7

ans de prison (CALDERÓN : 2001, AYVAR : 2004).

Comme on l’a déjà vu, l’étude de Romero distingue parmi les détenues pour trafic de

drogues les modalités de : paqueteras (commerce de rue), passeurs internationaux ou

burrieres (transport d’un pas à l’autre via l’aéroport J. Chavez), passeurs nationaux

(transport d’une ville à une autre) et récepteurs - distributeurs. Toutefois, il ajoute « il

existe l’image distordue dans la communauté qui responsabilise l’homme du micro

trafic, ou quand il s’agit d’une femme dans le commerce, elle est identifiée à l’image de

jeune femme péruvienne ou étrangère, généralement célibataire, bien habillée et

attractive, condamnée pour avoir été découverte lorsqu’elle transportait de la cocaïne à

l’étranger et qu’on a baptisé comme « burrier » (I. ROMERO & al: 2000 p.75, notre

traduction). Le regard de la presse - la seule source d’images publiques de la prison y a

130 Entretiens avec J1, juge 1ere instance et J2, juge supérieur, P2 parquet supérieur du Callao, J3 Juge de la Cour de Cassation de Lima 131 Entretiens avec J1, juge 1ere instance du Callao, J3, Juge de la Cour de Cassation de Lima.

Page 109: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

109

sans doute contribué. Les images du graphique 49 appartiennent à l’article « prisons et

belles filles »132 publié en 1996 dans Caretas, la revue politique la plus prestigieuse du

pays.

À ce stade il est rare de trouver une référence à l’image économique-quantitative du

trafic de drogue. Calderón signale dans son étude sur les perceptions et représentations

des femmes en prison que la criminalité de passeurs de drogue nationaux et étrangers

émerge dans le cadre de la lutte contre le narcotrafic et de l’utilisation par le narcotrafic

des femmes pauvres ou désœuvrées, attirées par l’expectative de gagner de l’argent

facilement. (CALDERON : 2001) En effet, d’après nos entretiens, les fonctionnaires et

intervenants vont plutôt concevoir les passeurs de drogue comme des personnes

utilisées, des boucs émissaires de la criminalité organisée133. Ils peuvent signaler aussi

une identité entre nationaux et étrangers dans cette envie d’argent ou d’aventure134.

Tableau 49 : Images de détenues passeurs de drogue en E.P. de Chorrillos - 1996

En revanche, dans le tableau 50 on peut voir les traits d’une image antisociale

accentuée chez les étrangers courriers de drogues. Premièrement ils sont associés à un

passé déviant dans leur pays, à la vie de prostitution ou cabaret du sud de l’Espagne, ou

au trafic de diamants en Afrique135. Pour certains intervenants il s’agit de malades

mentaux : l’abus de drogues est associé à d’autres problèmes, tels que la ludopathie, la

132 CARETAS Nº1948, 22 Aout 1996 133 Entretiens avec A1 missionnaire intervenant de la prison du Callao, F3 fonctionnaire de l’INPE 134 Entretien avec A2 intervenant de la prison de Chorrillos. 135 Entretiens avec F1 et F3 fonctionnaires de l’INPE.

Page 110: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

110

bipolarité ou le manque de valeurs. Ils reconnaissent eux-mêmes qu’il y a un groupe

important de consommateurs problématiques de drogues, dans un environnement dans

lequel le prix de la cocaïne est assez bas 136. Leur mode de vie serait associé dans la

plupart des cas aux allocations envoyées par les ambassades. Selon certains

fonctionnaires ils ne nettoient pas et ne font à manger, mais engagent d’autres pour ces

tâches, ils vivent sans discipline ou responsabilités et consomment régulièrement du

tabac, des produits de beauté, ils changent de partenaires régulièrement, etc.137

Tableau 50: Principales interactions et relation d’altérité/identité du moment pénitentiaire

Souvent les fonctionnaires et intervenants vont mette en exergue que certains détenus

étrangers ne s’intéressent pas aux activités de « réhabilitation » (études ou travail) et y

accèdent en faisant des paiements incorrects. Ainsi, la différence avec les Péruviens

n’est pas exclusivement limitée à la solitude de l’étranger éloigné de sa famille, mais il

s’agit des valeurs différentes : le Péruvien étudie, a peur de devenir toxicomane, limite

sa conduite, ses critiques à l’égard de l’autorité, s’investit dans la réhabilitation, etc.138

L’évolution dont ces acteurs témoignent n’est pas seulement une augmentation d’une

population ou l’engorgement administratif, mais une augmentation d’une population de

136 Entretiens avec F1, F2, F3, fonctionnaires de l’INPE A2, intervenant de la prison de Chorrillos, D1, espagnol détenu pour trafic de drogues et D2 colombienne détenue pour trafic de drogues. 137 Entretiens avec F1, F2 fonctionnaires de l’INPE et A1, intervenant de la prison du Callao, D2 détenu italo péruvienne pour trafic de drogues. 138 Entretiens avec F1, F2, D1, espagnol détenu pour trafic de drogues, A1 intervenant de la prison du Callao.

Journaliste Magistrat

Fonctionnaire INPE

Détenu National

Personne conflictuelle

IMAGE

Représentants des pays ( Ex: consulats)

Page 111: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

111

plus en plus compliquée avec des antécédents, des conduites difficiles, des dépressions,

des dépendances, des maladies terminales139. Deux recherches qui leur ont donné voix

récupèrent leurs incertitudes quant à leur situation juridique, leur souffrance pour être

séparés de leur famille, les problèmes dus au fait qu’ils ne parlent pas l’espagnol et

leurs différents problèmes de santé (CALDERÓN : 2001, PALMA : 2006). Les détenus

ont aussi signalé la provenance marginale de certains parmi leurs compatriotes

détenus140. Elle conditionnerait leur adaptation culturelle et engendrerait des conflits

avec les autorités et entre eux (CALDERON : 2001).

L’étude de la chercheuse espagnole Palma, a mis en évidence la série de plaintes que ses

compatriotes détenues font à leurs représentants diplomatiques. L'établissement

pénitentiaire retient l’allocation que leur envoie l'État espagnol (100 euros), elles payent

pour avoir accès aux ateliers, aux services de nettoyage, pour la nourriture, pour les

transferts à l'hôpital, aux avocats, pour l’eau potable et même pour l’envoi d’une lettre.

Elles demandent un meilleur traitement de la part du personnel pénitentiaire, en ce qui

concerne la nourriture, l’hygiène de la cuisine, de même qu’avoir un supermarché, de

l'eau chaude, des couvertures, la vente de leurs produits, un avocat gratuit,

l’augmentation de l’allocation, du nombre des visites intimes, etc. Des Colombiennes

l’auteur apprend qu’il existe un « stigmate social colombien », que leur ambassade

n’envoie que des sous-vêtements et des médicaments, que leur consulat les a informés

qu’elles n’ont pas droit au transfert et qu’elles ont vu disparaître leurs objets personnels

le jour de leur détention (PALMA : 2006).

Finalement, l’image d’une personne conflictuelle est à la base d’une série de

changements. Les procédures de bénéfices pénitentiaires sont plus expéditives au

Callao, les fonctionnaires sont plus dociles, l’INPE est en train d’envoyer des étrangers

dans les différentes prisons du pays et dernièrement la loi leur permet d’accomplir leur

peine dans leur pays d’origine. Le détenu péruvien, même le passeur de drogue, est

beaucoup plus soumis à moins qu’il fasse vraiment partie de l’élite criminelle. Les

acteurs- médiateurs ont aidé les détenus « étrangers » à se positionner différemment.

139 Entretiens avec F1, F2, fonctionnaire de l’INPE, A1, intervenant de la prison du Callao, A2 intervenant de la prison de Chorrillos. 140 Entretiens avec D1 et D2 étrangers détenus pour trafic de drogues.

Page 112: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

112

Cependant, les chercheurs et les interviewés les plus critiques avaient signalé aussi la

difficulté de leur « réinsertion » dans la société, notamment la difficulté de trouver un

domicile en vue d’obtenir une libération conditionnelle et, une fois dehors, d’organiser

leur vie dans la ville où se fait le contrôle judiciaire (CALDERON : 2006). En fait, ils

quittent vite leur domicile et se retrouvent sans travail, sans documents, sans allocation

ni ressources pour payer la réparation civile et la procédure d’expatriation141. Ils optent

souvent pour sortir de manière illégale du pays, ou encore ils rejoignent leurs anciens

recruteurs, des réseaux de criminalité qu’ils ont connus pendant leur séjour en prison, un

nouveau partenaire voire des compatriotes dans la même situation. Ils cherchent aussi

l’aide des intervenants pénitentiaires ou de leurs ambassades pour avoir accès aux

services de santé (il faut penser aux passeurs de drogue qui ont des maladies graves ou

terminales), trouver un logement, ou avoir de l’aide pour quitter le pays par la

frontière142.

5.2.4. Moment politique : dichotomie d’images et relations

Comme on peut voir dans le tableau 51, au moins deux types d’images s’envisagent à

l’égard de ces personnes. La première ne considère pas utile de prêter attention aux

passeurs de drogue parce que dans la cadre de la criminalité organisée ils ne sont pas

des têtes d’organisation, et la relevance de leur infraction est minime par rapport au délit

de financement du trafic de drogues ou à la modalité de trafic maritime. En revanche,

les réseaux de Colombiens, de Mexicaines et récemment de Péruviens qui opèrent de

manière indépendante sont un problème important, qui invitent les États et agences

internationales à appuyer technologiquement les ex-producteurs de coca et à surveiller

de prés les liaisons possibles entre trafic de drogue et terrorisme. Les passeurs de

drogue sont des « fourmis » et l’État cherche la fourmi reine143.

L’ombudsman d’affaires pénales, institution consacrée à la défense des vulnérables, voit

les courriers de drogue comme des personnes vulnérables (surtout les femmes) sans

perspectives ni discernement, sans ressources économiques, abandonnés ou malades

141 Entre autres les traités bilatéraux Pérou - EEUU du 6 Juillet 1979, Pérou - Canada du 22 avril de 1980, Pérou - Espagne approuvé le 31 octobre de 1986, Pérou - l’Italie du 31 octobre de 1986, Pérou -Venezuela du 12 janvier de 1996 et Pérou - Bolivie du 27 Julio de 1996. 142 Entretiens avec F1, F2, fonctionnaires de l’INPE, A1, intervenant de la prison du Callao et A2 intervenant de la prison de Chorrillos.

Page 113: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

113

terminaux, qui subissent une série de difficultés de communication, dépression, et

socialisation dans les prisons péruviennes144.

Nous avons tendance à privilégier la deuxième vision parce qu’elle récupère le vécu de

ces personnes. Loin d’être parfaite, cette dernière image partagée par d’autres acteurs a

généré pourtant un changement politique-législatif qui se manifeste dans la loi 29305

qui modifie les conditions d’exécution de peines à l’étranger exonérant ces détenus du

payement de l’amende et de la réparation civile pour des motifs humanitaires et des

carences socio-économiques.

Tableau 51: Principales interactions et relation d’altérité/identité du moment politique

Jusqu’ici nous n’avons pas seulement étudié les différentes interactions entre les acteurs

qui participent à la construction d’une criminalité d’étrangers pour trafic de drogue,

mais nous avons aussi expliqué comment ces relations sociales mobilisent des images

d’altérité qui marquent chaque moment interactif. Une dichotomie reste à la fin de notre

analyse et sera la clé pour comprendre le développement, d’un côté, des relations et

images d’altérité conflictuelle, et de l’autre, des relations et images de solidarité

humaine.

143 Entretien avec O2, agent de l’ONUDD-région andine. 144 Entretien avec O1, agent de l’ombudsman péruvien.

DE VIDA

Agences internationales de répression es

DIRANDRO

Parlement

IMAGE

INPE

ONUDD - Région

Représentantes des pays

Ministère Publique

Ministère Justice

Ministère Éducation

Ombudsman affaires pénitentiaires

Personne vulnerable

Page 114: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

114

5.2.5. Dynamique altérité-identité et résistance au paradigme actuariel

Sans doute ce qui est d’abord mobilisé par les acteurs dans leurs relations sont les

images d’altérité et d’identité nationales. Les auteurs péruviens ont souligné la

complexité de la construction des identités ethniques et nationales dans le pays (VICH :

2002, CALLIRGOS : 1993). Les études sur l’opérationnalisation à travers les relations

sociales, et les institutions pénales ont souvent signalé que le monopole de la violence

se dirige plutôt vers cet « autre » que représente l’indigène, notamment la Commission

de Vérité et Réconciliation a montré en 2003 que la plupart des victimes du conflit armé

entre l’État et les groupes terroristes ont été des paysans quechua de la montagne et de

la forêt péruvienne (AGUIRRE : 1996, CVR : 2003, PORTOCARRERO : 2004).

Mais les pulsions dominatrices présentes dans la société péruvienne peuvent se diriger

aussi sur un autre « étranger ». C’est Gonzales Cueva qui a repéré l’opposition

péruvien-non péruvien dans la scène politique des années 90. Entre autres la

transformation du paysage politique compte parmi les événements les plus importants la

déchéance judiciaire de la nationalité du directeur d’une chaine de télévision qui s’est

opposé au régime de Fujimori et la déchéance du même Fujimori après que la presse a

eu accès à des documents qui confirmaient sa nationalité japonaise. Pour l’auteur, les

discussions sur la démocratie au Pérou à la fin du siècle, ont été la valve d’échappement

d’un racisme qui cherchait à émerger (GONZALES CUEVA : 1998).

Mais cette fois les images et les relations ne sont pas politiques ou administratives mais

pénales, fait qui mérite aussi une explication. Harcourt inscrit dans le « paradigme

actuariel » le développement de l’utilisation des pratiques d’identification d’infracteurs

- the criminal profile, des outils quantitatifs probabilistes, des prédictions de récidive

qui ont souvent une allure d’efficacité. D’après lui un des derniers outils de répression

de ce type est le Drug courrier profile que la DEA à développé dans les années 90. Les

critiques de ce modèle s’adressent à la perte du particulier, de la singularité des cas et

des personnes qui constituent une population. Simon et Feeley ont parlé aussi en 1990

de la Nouvelle pénologie , un « mode de discours et de technologies pour la gestion de

personnes dangereuses qui remplace un premier langage de culpabilité morale,

diagnostique clinique et traitement d’intervention…c’est un langage actuariel de calculs

Page 115: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

115

probabilistes et distributions statistiques appliquées aux populations »

(HARCOURT :2007, p.109).

À la lumière de ces deux théories nous voulons proposer l’hypothèse qu’une dynamique

pendulaire entre l’identité humaine et l’altérité conflictuelle a opéré au long des

interactions décrites dans ce chapitre. Selon notre analyse le paradigme actuariel qui

caractérise encore l’image quantitative-économique du trafic de drogue au niveau

international imprègne certains acteurs, surtout la vision de la police mais aussi des

magistrats spécialisés dans la matière. Mais il est aussi présent au moment pénitentiaire

dans l’outillage statistique que les dirigeants de l’INPE mettent à jour sur les

populations pénitentiaires et au moment politique dans les institutions nationales et

internationales dévouées à la répression du trafic de drogues. C’est de là qu’on a sorti la

population d’étrangers détenus pour trafic de drogues présentée dans le premier

chapitre.

Nous proposons un schéma de la dynamique de relations d’altérité/identité comme nous

l’avons étudiée au long du chapitre. Dans le tableau 52 il y a une ligne horizontale

divisoire qui montre où l’identité solidaire et l’altérité conflictuelle trouvent un

équilibre. Il y a aussi quatre moments selon notre analyse précédente. Pour chaque

moment nous avons repris les relations d’altérité et identité prédominantes avec les

« étrangers détenus pour trafic de drogue ».

Comme on peut voir la plupart des relations sont plutôt du type conflictuel. Les flèches

grises qui représentent ces relations d’altérité ont été dessinées en fonction du degré

d’inégalité. Ainsi, on peut voir que leur pente est plus marquée dans le moment policier

et politique, et au moment judiciaire elle diminue. Aussi le point de départ diffère pour

les acteurs du moment pénitentiaire qui ont moins de ressources et de marge de

manœuvre que les autres acteurs de la criminalisation. Les flèches jaunes représentent le

mouvement d’identité solidaire présente aux quatre moments. Il est discret au moment

policier, correcteur au moment judiciaire et très protectif au moment pénitentiaire car ici

la majorité d’acteurs se trouve dans une situation très défavorable. Enfin, au moment

politique le mouvement d’identité solidaire devient un véritable équilibre relationnel.

Page 116: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

116

Tableau 52: Dynamique de relation altérité/identité à l’égard des étrangers détenus pour trafic de drogue.

trafic de drogues

Ce n’est pas une coïncidence que les relations d’altérité conflictuelle soient plus

marquées au moment policier et pénitentiaire (voire les flèches grises dans le tableau

52). Comme on a vu la Police Nationale s’est familiarisée avec le paradigme de

l’efficacité particulièrement en matière de drogues, tandis que l’INPE notamment

depuis les années 90 réalise une gestion de populations plutôt que la réhabilitation de

détenus. En plus, les relations d’altérité mobilisent possiblement la réaffirmation de

l’identité nationale à l’égard d’un autre « étranger » qui est apparue cette deuxième

moitié des années 90 au sein de la société péruvienne. La presse qui s’adresse à toute la

population urbaine y participe aussi activement. D’autre part, cette dynamique incorpore

un mouvement d’identification humaine, qui opère en direction contraire, notamment

dans les espaces non envahis par le paradigme actuariel (voir les flèches jaunes).

Ainsi, le mouvement part d’une extrême inégalité dans la relation avec cet « autre »

dans le cadre des pratiques d’identification des courriers de drogues qui s’imposent aux

infracteurs, et d’autant plus aux étrangers au moment policier (Flèche Nº1). Les

représentants de ces pays peuvent corriger en partie telle position (Flèche Nº2). Déjà les

acteurs de la phase policière mentionnent un élément qui permet une certaine

identification entre les courriers de drogues péruviens et étrangers : la précarité

économique (la necesidad económica). Mais la plupart des acteurs de ce moment sont

obnubilés par le langage actuariel : la mission est accomplie et la réussite prouvé.

Altérité : Echange Conflictuel

Moment Policier

Moment Judiciaire

Moment Pénitentiaire

Moment Politique

Identité: Solidarité humaine

1 2

3

7

5 6

4 9 8

Page 117: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

117

Ensuite, les acteurs du moment judiciaire surtout ceux qui ne sont pas spécialisés dans

le domaine antidrogue voient un peu plus clairement la singularité : pas seulement la

nécessité économique mais les conditions personnelles qui servent pour écarter les

peines lourdes et améliorer la position des justiciables étrangers (Flèche Nº3). L’identité

de passeur de drogues leur permet d’installer des relations contractuelles et

coopératives (Flèche Nº4). Les missions de ces acteurs ont été accomplies mais ils ne

les considèrent pas comme des « réussites ».

Le passage du moment judiciaire au moment pénitentiaire exacerbe le clivage. Pour

nous, du fait que la mission de réhabilitation exige de repérer la singularité spéciale de

la personne, avoir certaines conditions personnelles, avoir été condamné par tel article et

avoir une peine légère ne suffit pas. Grâce à notre travail avec l’Évêque du Callao et aux

entretiens menés avec des étrangers détenus à propos de ce travail nous constatons

qu’ils s’identifient difficilement à la description que les fonctionnaires et intervenants

font de leur groupe. Ils peuvent pourtant confirmer les aspects négatifs du groupe.

Pour eux le statut de passeur de drogue et la précarité économique ne signifient pas

grand chose. Ils disent avoir le choix entre d’une part déprimer, abuser des drogues,

s’effondrer, avoir des problèmes de conduite, contracter des dettes, être punis, et

d’autre part s’investir pour essayer de sortir rapidement, avoir une bonne conduite,

passer chez le psychologue et l’assistant social pour demander une libération

conditionnelle, etc.

Même une peine minime signifie pour certains l’investissement dans un type d’image

d’eux-mêmes, la nécessité d’envisager des moyens de survie en prison, l’intérêt à

travailler ou à étudier ou la tendance à se solidariser avec les nouveaux détenus, mais la

souffrance que causent les sévères conditions d’inégalité peut entrainer des problèmes

plus graves : des conduites destructrices, des grèves de faim, un abandon total (Flèche

Nº5). Pour d’autres une peine légère d’autant plus s’il y a de l’argent disponible, des

possibilités de corruption, la solidarité des médiateurs, etc. leur permet une adaptation à

la prison, mais aussi d’aller jusqu’a l’élaboration de cet image « puissante », de celui

qui mène une vie frugale et d’insubordination (Flèche Nº6). En prison l’image de

personne en précarité économique ou utilisée disparaît en faveur de cette dernière image

Page 118: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

118

de personne antisociale et conflictuelle. La vie en communauté renforce les identités

nationales dans le cadre d’une institution qui gère des populations. L’intervention des

représentants des pays renverse leur position dans le rapport conflictuel et les situe

même au dessus des fonctionnaires. Cependant, la singularité de l’individu a encore du

mal à émerger (Flèche Nº7).

Le clivage singularité/paradigme actuariel s’apprécie mieux au moment politique.

D’une part les institutions internationales telles que l’ONUCD et d’autres telles que

DIRANDRO participent au niveau politique avec un langage actuariel (Flèche Nº8). Ici

il faut nous rappeler le contenu du premier chapitre : la réorganisation que la Police

Nationale a subie depuis les années 90, notamment la création d’unités spécialisées

antidrogue et le développement d’un système informatique et des indicateurs

d’efficacité.

D’autre part il existe des institutions telles que l’Ombudsman péruvien qui vont essayer

de repérer les vulnérables du système et de s’approcher de la singularité. Ils prolongent

la solidarité humaine que les représentants des pays et les médiateurs de la relation

conflictuelle, ont nouée avec leurs compatriotes (Flèche Nº9). C’est l’image de

vulnérabilité, de précarité économique et humanitaire qui cette fois-ci permet une

identification solidaire qui dépasse la relation conflictuelle. Nous ne pouvons pas parler

de singularité en tant que connaissance approfondie de la singularité des individus en

question, mais du repérage d’un élément qui permet l’identification, le développement

de relations solidaires. C’est le cas de l’évitement des relations conflictuelles du

moment pénitentiaire.

D’autres clivages sont repérables tout au long de notre analyse. Les clivages peines

légères/lourdes ou fourmis/criminalité organisée : ne sont pas-t-ils que le reflet de la

dynamique expliquée, mais aussi d’une sorte de carte cognitive qui distingue le petit du

grand de manière quantitative et finalement privilège le dernier ? Visiblement une

esquisse de résistance est construite au niveau politique à partir de la récupération de la

singularité et des relations de solidarité avec ces individus étrangers qui ont violé les

lois de l’État péruvien sur le trafic de drogue mais qui sont en « précarité économique et

humaine».

Page 119: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

119

CONCLUSION

Finalement, à notre question sur la construction de la criminalité des passeurs de

drogues d’origine étrangère, nous pouvons répondre, dans le cadre du développement

historique de près d’un siècle de criminalisation du trafic de drogue au Pérou, que ces

images d’évolution d’une population d’étrangers détenus pour trafic de drogue sont

issues de la dernière étape du conflit entre l’État et des groupes terroristes, quand la

police péruvienne s’est investie dans la création d’unités spécialisées et d’indicateurs en

matière de drogues, en mettant en exergue les activités d’arrestation de passeurs de

drogue qui s’avéraient « efficaces ».

Pour nous l’évolution de ce segment de la population pénitentiaire à partir des années

90, liée à l’augmentation exponentielle de la population pénitentiaire totale, à

l’augmentation d’activités de répression en matière de drogues et au privilège de celles

qui avaient cette apparence d’efficacité, répondent à l’application du paradigme que

Harcourt appelle actuariel.

Selon cet auteur ce n’est pas seulement un modèle mais tout un âge qui privilégie les

quantifications de la criminalité et l’apparence d’efficacité au travail au cas par cas.

Dans la construction de cette criminalité, le développement du paradigme actuariel a été

à la base de la dynamique par laquelle les acteurs de la répression oscillaient entre le

déploiement de l’altérité conflictuelle et la résistance de la solidarité humaine à l’égard

des « étrangers détenus pour trafic de drogue ». Nous avons constaté que les relations

d’altérité conflictuelle ont surtout lieu dans les moments les plus envahis par ce modèle

actuariel. Il ne s’agit pas seulement de moments mais aussi d’acteurs qui ont tendance à

porter un regard sur les personnes et le trafic de drogue sous l’angle économique-

descriptif avec lequel la généralisation des traits antisociaux est récurrente.

Certainement ces acteurs vont marquer certaines institutions et contextes politiques,

ultimement ils vont reproduire un langage et vont fixer les images d’altérité dans le sens

conflictuel.

Une narration émancipatrice est proposée comme conclusion de notre investigation. Les

acteurs de la police ne voyaient dans ces personnes que l’image d’antisocialité et de

Page 120: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

120

précarité économique et par conséquent nouaient des relations d’extrême inégalité avec

eux, les acteurs judiciaires privilégiaient l’aspect de la nécessité pour les situer dans une

position moins défavorable, et les acteurs pénitentiaires ont mis l’accent sur l’image

antisociale et conflictuelle en considérant leur situation trop favorable. Malgré cela, un

mouvement de quête d’équilibre a opéré aux différents moments. L’aide et l’action de

solidarité des médiateurs qui appartenaient au niveau politique se sont avérées

correctrices au moment policier mais démesurées au moment pénitentiaire. Enfin, au

niveau politique certains acteurs ont prolongé cette solidarité humaine à travers une loi

qui, selon des considérations économiques et humanitaires, facilite l’extradition

d’étrangers détenus pour trafic de drogues vers leur pays d’origine.

Il existe aussi une résistance à regarder ces personnes à travers ces lunettes de

l« efficacité». Nous l’avons découverte plus ouvertement chez les acteurs qui partagent

notre même formation professionnelle mais cela n’exclut pas d’autres formes de

résistance à rechercher à travers d’autres investigations. Notre méthodologie s’avère

perfectible mais intéressante pour étudier d’autres possibilités de dynamiques

d’altérité/identité, au sein du processus de criminalisation, par exemple la construction

de l’image de « délinquant commun de Lima » ou l’image de « précarité économique »

que mobilisent les interactions à propos de ce dernier type de « criminalité ».

Sur le plan pratique, il semble nécessaire d’envisager pour les acteurs qui partagent les

missions de répression du trafic de drogue au Pérou une formation constante dans les

sciences sociales et humaines. Il doit rester clair que pour nous, il ne s’agit pas

simplement de freiner l’expansion du paradigme de l’effectivité actuarielle ou du

paradigme économico-descriptif du crime, mais d’intégrer au sein de chaque mission et

personne d’autres approches, d’autres valeurs, d’autres schémas cognitifs, et de cette

manière construire le véritable progrès de ce domaine de la criminologie, du pays et de

l’humanité.

Page 121: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

121

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Page 127: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

127

ANNEXE 1 : ENTRETIENS MENÉS

Dans le cadre du travail de terrain conduit au Pérou entre Juin et Septembre 2008 nous

avons réalisé des entretiens avec les différents acteurs qui participaient au processus qui

nous occupe selon le tableau suivant. Nous voulons signaler deux choses.

Premièrement, étant donné les limitations temporelles de notre séjour, nous avions

planifié de contacter au moins trois personnes par institution et diversifier les

hiérarchies et cela a été atteint dans la majorité des cas. La sélection a été aléatoire dans

la mesure du possible. Nous nous sommes présentées à ces différentes personnes et

nous avons demandé leur collaboration. Dans la majorité des cas les premiers contactés

ont accepté. Les interviewés eux-mêmes nous ont dirigée vers d’autres acteurs.

Ensuite, il faut préciser que nous avons choisi de ne pas enregistrer les entretiens, en

raison de la susceptibilité de certains fonctionnaires à tout questionnement sur leur

travail dans les affaires de drogues. Afin d’éviter toute méfiance nous avons pris des

notes et dans certains cas nous avons seulement mémorisé. Malgré les possibles biais, la

précision de notre grille d’entretien a joué à notre faveur.

Personnes interviewées dans les principales institutions concernées

Institution

Police Ministère Public (Pénal)

Magistrats (Pénal) Administration Pénitentiaire

P1 : Policier drogues Aéroport P2 : Policier drogues Aéroport P3 : Policier sécurité Aéroport

P1 : Parquet drogues Callao P2 : Parquet substitut Cour Supérieure Callao

J1 : Juge d’instruction Callao J2 : Juge Cour Supérieure Callao J3 : Juge Cour de Cassation de Lima

F1 : Psychologue de la prison. F3 : Psychologue de la prison. F2 : Assistant sociale, ex vice président nationale de l’INPE.

I Media Barreau

(pénal) Personnes détenues Autres acteurs

politiques Institutions Société civil.

J1 : Journal. d’Investigation Magazine Politique.

A1: Avocat pro deo Callao

D1 : Espagnol détenu pour trafic de drogue D2 : Colombien détenu pour trafic de drogue D3 : Italo-péruvienne détenu pour trafic de drogues

O1 : Agent de ONUDD drogues O2 : Agent de l’ombudsman pour les affaires pénales

A1 : Intervenant de l’Église. A2 : Psychologue de l’ONG CEDRO (prévention drogues)

Page 128: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

128

ANNEXE 2 : LES RELATIONS SOCIALES SELON BAJOIT Nous avons utilisé les concepts développés par Bajoit dans l’ouvrage « Pour une

sociologie relationnelle » (BAJOIT : 1992). Pour l’auteur toute relation sociale est

établie entre deux partenaires qui ont certains aspects en commun et d’autres qui les

différencient. De cette manière, toute relation sociale est à la fois un lien d’identité ou

de solidarité et un lien d’altérité ou d’échange. Bajoit a classifié ces liens d’identité et

d’altérité selon quatre paradigmes sociologiques: l’intégration, la compétition,

l’aliénation et le conflit.

Ces quatre types de liens d’échange/altérité qui correspondent sont les suivants: a)

l’altérité complémentaire entre des fonctionnaires qui remplissent des rôles

différents pour une seule organisation ou finalité, b) l’altérité compétitive des individus

en concurrence, c) l’altérité contradictoire d’individus qui cherchent à s’éliminer

réciproquement et d) l’altérité conflictuelle entre des adversaires qui ont des finalités

opposées. L’auteur qualifie aussi les échanges compétitifs et contradictoires comme

exclusifs parce que le concurrent/ennemi sait seulement arriver à son but en évitant que

l’autre atteigne le sien. En revanche les échanges conflictuels et complémentaires sont

inclusifs parce que le partenaire/adversaire ne peut atteindre son objectif qu’en

coopérant avec l’autre.

En outre, l’inégalité des relations se maintient soit à travers la persuasion, soit à travers

la coercition. La persuasion existe dans les échanges consensuels lorsque les parties

estiment que les inégalités sont nécessaires, ou qu’elles ne leurs empêchent pas

d’atteindre leurs objectifs La coercition existe dans les échanges dissensionnels lorsque

les règles de la relation sont mises en cause. Le conflit serait donc une détérioration de

l’échange complémentaire et l’échange contradictoire, une détérioration de l’échange

compétitif.

Quant aux liens d’identité/solidarité il s’agit de: a) la solidarité fonctionnelle des

partenaires qui remplissent des rôles différentiés et complémentaires pour atteindre des

finalités communes b) la solidarité contractuelle par laquelle au nom du propre intérêt il

faut respecter l’intérêt de l’autre c) la solidarité sérielle qui est la soumission a un

pouvoir commun, et d) la solidarité fusionnelle des partenaires qui identifient le besoin

Page 129: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

129

individuel comme besoin commun et projettent une identification commune. Selon la

finalité de l’identification la solidarité fonctionnelle et la solidarité contractuelle sont

instrumentales parce que chacun a besoin de l’autre pour remplir ses rôles sociaux,

tandis que la solidarité sérielle et la solidarité fusionnelle sont expressives parce que ce

que les partenaires cherchent est l’approbation ou la valorisation de l’autre.

Le tableau suivant montre les caractéristiques des différents types de liens selon les

paradigmes relationnels.

Formes d’altérité (échange) et d’identité (solidarité) selon Bajoit

Paradigme

de relation

sociale

Type de lien

d’altérité ou

échange

Type de lien

d’identité ou

solidarité

Finalités

de

l’échange

Mode de

reproduction

de l’inégalité

Finalité de

l’identificati

on ou

solidarité

Intégration Complémentaire Fonctionnel Inclusif Consensuel Instrumental

Compétition Compétitif Contractuel Exclusif Consensuel Instrumental

Aliénation Contradictoire Sériel Inclusif Dissensionnel Expressif

Conflit Conflictuel Fusionnel Exclusif Dissensionnel Expressif

Page 130: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

130

ANNEXE 3: CHRONOLOGIE DE LA LÉGISLATION SUR LE

TRAFIC DE DROGUE AU PÉROU.

Page 131: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

13

1

1946

Législation su

r la co

mmercialisation

des méd

icam

ents et d’op

ium.

Principa

ux élémen

ts:

-Les d

rogu

es son

t considérés com

me

des prod

uits nuisib

les po

ur la san

té.

-Etabliss

emen

t d’un

contrôle

administratif

du

trafic

d’op

ium,

morph

ine, cocaïne

, hé

roïne

et d

érivé

s présen

tés sous fo

rme de

méd

icamen

ts.

-San

ctions ad

ministratives (ré

vocation

des

concessio

ns de

fabrica

tion

ou

d’impo

rtation

de d

rogu

es) et p

énales

(pas

très

précise

s)

visan

t les

acqu

isitions non

autorisé

es.

-San

ction

que

vise

la p

ossession

des

drog

ues

po

ur la consom

mation

person

nelle.

Lois Interna

tiona

les : La

Convention

internationa

le d

e l’opium

est intég

rée

aux

traités

de pa

ix de

la Prem

ière

Gue

rre m

ondiale, La So

ciété de Na

tions

est crée comme ga

rante. C

onvention

de 1

925, 1

931

et la

Conven

tion

de

Gen

ève

sur

la commercia

lisation

et

péna

lisation du

trafic illic

ite de l’opium

de

193

6.

Natio

nalis

ation de

la produ

ction de

la coc

a. Déb

ut du dé

velopp

emen

t de

la lé

gislation répres

sive

sur le

trafic de drog

ues.

-Le contrôle de la produ

ction, in

dustria

lisation, distrib

ution, con

sommation et

expo

rtation est e

xercé pa

r l’État á

travers du Ministère de

la San

té pub

lique

. -Les cultures de

coca sont déclarées patrim

oine

nationa

l en

bén

éfice

de

l’hum

anité.

-La rédu

ction de

ces cultures do

it se ré

alise

r á travers de

la Ban

que Ag

raire

. -Le tra

fic illicite de stup

éfiants (notam

men

t la cocaïne) est un prob

lème de

prop

ortions alarm

antes (grand

es som

mes d’argen

t, existen

ce des m

afias).

Sa persécution et ré

pressio

n se ré

alise

nt aux nive

aux interne et internationa

l. -La ge

stion du

problèm

e du

TID passe du secteu

r san

té au go

uverne

men

t et

á la police

qui agit san

s être sou

mise

aux garan

ties constitutionn

elles.

-Lég

islation dé

taillé

e sur les activités (fa

brica

tion, com

mercia

lisation etc.), les

peines correspon

dantes (s

aisie

, fermeture d’étab

lissemen

ts), la procédu

re et

le tribun

al ad ho

c po

ur le T

ID (L

e Co

nseil N

ationa

l exécutive contre le Trafic

de Drogu

es que

sera intégré au

x Tribun

aux de

Justice en

196

3.

-Prohibition

des

béné

fices de

grâce, indu

lt, Libé

ration

cond

itionn

elle,

Libé

ration provision

nelle, e

t autres po

ur les affaire

s de

TID.

-Le

Code

de

mineu

rs rép

rime

la v

ente d

e drog

ues

aux

mineu

rs e

t la

législa

tion sur la contreba

nde le con

sidère comme ag

gravan

te.

-Nou

veau

Cod

e de

Procédu

re Pén

ale selon le m

odèle inqu

isitoire

(194

0).

DL 110

05 (M

ars 19

49) e

t mod

ifications, D

L 11

046 (J

uin 19

49), DS 00

2 (Aoû

t 19

49), DS

254

(Dic 19

64) e

t Co

de de Procéd

ure Pé

nale 194

0.

L’Organ

isation

de N

ations U

nies rep

rend

les fon

ctions d

e la S

ociété d

e Na

tions qua

nt á la

fiscalisa

tion de

stupé

fiants. Protocoles de

194

6 et 194

8 qu

e plaçan

t nou

velles substances sou

s contrôle. C

onvention Pé

rou Be

lgique

19

60 sur l’e

xtradition suit á la com

miss

ion d’un

délit. RL 13

465.

Législation sanitaire

soc

iale qui distin

gue le trafic de la

cons

ommation de

drogu

es.

-Organ

isation

de L’En

treprise

Na

tiona

le de

la Co

ca

(ENA

CO)

chargé

e de

la

commercia

lisation

et

l’indu

stria

lisation

de la

coca e

t ap

parte

nant a

u secteu

r ag

riculture.

-La

toxic

oman

ie e

st c

onsid

érée

un

prob

lème

de s

anté

publique

et u

ne atte

inte á la dignité hum

aine

. -Distinction

entre

un

régime

de tra

itemen

t offert

aux

toxic

oman

es et d

es san

ctions destinée

s au

x tra

fiqua

nts

-Dérog

ation de

s sanctions qui vise

nt la possession de

stinée

á la con

sommation pe

rson

nelle.

-Prévention

éducative

du

mau

vais

usag

e de

drogu

es,

créa

tion de

s centres de

réh

abilitation biop

sychosocial d

es

consom

mateu

rs et réd

uction de

s cultures de

coca.

-Mesures de protection de

stinée

s au

x mineu

rs trafiqua

nts.

-San

ctions pou

r les prom

oteu

rs, o

rgan

isateurs, fina

nceu

rs,

ou d

irige

ants d

e ba

ndes o

u grou

pes qu

e tra

fique

nt vers

l’étra

nger.

-San

ctions sévères pou

r l’utilisa

tion de

s mineu

rs et p

our les

mem

bres de

l'État

et la po

lice

qu’agissen

t comme

complice

s.

DL 175

05 (M

ars 19

69), DL

220

95, D

L 19

505 (Aoû

t 197

2) et

DL 222

32 (J

uillet 1

978).

Conven

tion Un

ique

de stup

éfiants de

196

1, P

rotocole de

1972

, Co

nven

tion

de l’ONU

sur les s

ubstan

ces

psycho

tro

piqu

es de

19

71 et Ac

cord sud

américa

in sur

les

stup

éfiantes et les sub

stan

ces psycho

trop

ique

s de

197

5.

Lois Nationa

les : L

oi d

e do

uanes

(Mars 19

20) e

t Lo

i 442

8 (Nov. 1

921)

1975

19

20

1969

Page 132: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

13

2

1978

Conven

tion

EEUU

-Pérou

sur p

olitiq

ue d

e contrôle d

e drog

ues et dévelop

pemen

t alternatif (app

rouvé en

avril

1991

), Ac

te de

Ca

racas

entre

la Bo

livie, Co

lombie,

Equa

teur, Pé

rou et V

enezue

la (Mai 199

1), Co

nven

tion

Pérou- Argen

tina sur la prévention de

l’usag

e inad

équa

t et la

rép

ression du

trafic de drog

ue et de

stupé

fiantes

(Juillet 1

991), A

ccord Pé

rou-Mexique

sur la

coo

pération

en m

atière de na

rcotrafic et toxicom

anie (app

rouvé en

Juille

t 19

91),

Mem

oran

da d

'enten

demen

t Pé

rou-EE

UU

sur

la coop

ération

active

contre le na

rcotrafic et

l’assistan

ce

écon

omique

(app

rouvé

Set

1991

) Co

nven

tion de

l’ONU

con

tre le

trafic de drog

ues et de

substances s

tupé

fiantes d

e 19

88 (ap

prou

vé e

n No

v.

1991

), 40

Re

comman

dations du

grou

p finan

cière

internationa

l con

tre le blanchimen

t d’argen

t GAF

I -19

90

1982

Répres

sion

aux

form

es organ

isée

s du

narco

trafic

, efforts

de régu

latio

n de

s cu

ltures, État d

’urgen

ce.

Loi 220

95 (F

évrie

r 197

8), D

L 22

927(Mars 19

80) c

essé

par L

oi 235

05 (D

éc. 1

982), D

L 02

1 (Jan

vier 1

981) et

DL 122

(Juin1

981).

-Typific

ation d’au

tres varia

ntes du tra

fic (p

rescrip

tion et

expé

dition

de

méd

icamen

ts,

consom

mation

par

coaction, instigation et m

afia, p

articipation de

mem

bres

de l'É

tat e

t de la police, etc.)

-San

ctions sévères pou

r les ban

des et san

ctions pou

r l’app

artena

nce á un

e ba

nde de

narcotra

fic.

-Nou

veau

cad

re Con

stitutionn

el en 19

79 (L

’état rég

ule

et sup

ervis

e l’u

sage

, com

merce…sanctionn

e le trafic.)

-Prohibition et pén

alisa

tion des n

ouvelles cultures de

coca. C

réation d’un

reg

istre de prod

ucteurs au

torisés.

Erad

ication

et sub

stitution

des cultures. P

énalisa

tion

dérogé

e en

198

1.

-En 19

80 se dé

clare l’état d’urgen

ce pou

r les région

s de

Hua

nuco, Sa

n Martin et Co

rone

l Portillo – Lo

reto

afin de contrôler les cultures, détruire

celles qu

e sont

illicites et a

rrêter les auteu

rs.

-Prohibition de

LP, LC, C

ommutation de

peine

, peine

cond

itionn

elle, ind

ult, etc. pou

r délits des drogu

es.

-Création de

la com

miss

ion multisectorie

lle de contrôle

de drogu

es (C

OMUC

OD)

-Peine

s mineu

res

pour la culture,

prod

uction

ou

commercia

lisation en

petite échelle.

Législation proc

édurale, organ

isationn

elle et

pénitentiaire

. Prolifération d’ac

cords internationa

ux.

-Transfert de

com

pétences de juge

men

t et d

’exécution de

pe

ines pou

r délits de drog

ues vers la cap

ital.

-Ampliation de

s cham

bres pén

ales de la Cou

r Sup

rême.

-Successive

s législa

tions pé

nitentiaire

s ajou

tent et

retiren

t les proh

ibitio

ns d

e liberté surveille

, pe

rmis

de

sortie, travaille extra m

uros, réd

emption de

peine

pou

r le

travail,

substitution

et rem

isions d

e pe

ine. S

ource

de

contradictions et p

roblèm

es d’interprétation législa

tive.

-ENA

CO est sou

mise

au droit p

rivé.

-Loi sur la procédu

re d’extradition, 198

7.

DL 122

(19

81), L. 234

14 (Juille

t 19

82), L.24

3905

(No

v.

1982

) DS

158

-PCM

, L.24

063, L

.236

89 (Oct. 19

83),

L.

2488

(Dé

c.19

85), DS

008-82

-AG (19

82), L.24

710 (Juin

1987

)

Stratégie de

dév

elop

pemen

t alte

rnatif. Rép

ress

ion co

njointe

du te

rrorisme et narco

trafic

. Nou

veau

x co

des et in

stitu

tions

. -Stra

tégie de

dévelop

pemen

t alternatif et éradication du

trafic de

drog

ue avec la pa

rticip

ation

de la po

pulation

et diffé

rents

secteu

rs. C

réation de

l’au

torité autono

me po

ur le

dévelop

pemen

t alternatif (ADA

) chargé

e de

l’étab

lissemen

t d’entrepren

antes, de

la libéralisa

tion

d’activités

dans les

région

s prod

uctrices

et

d’assurer la pa

rticip

ation de

s pa

ysan

s prod

ucteurs.

-Dire

ctive

s conjointes pou

r la P

olice

et les Fo

rces A

rmée

s en

matière de lutte

narcotra

fic et subversion proven

antes du

Ministre

de défen

se et d

u Co

mman

de m

ilitaire des ré

gion

s prod

uctrices.

-Autorisa

tion de

la défen

se citoyenn

e contre les de

ux délits.

-Mod

ifications á la

régu

lation de

la com

mercia

lisation de

drogu

es

et des com

posants chimique

s.

-Nou

veau

Cod

e Pé

nal de

199

1: pén

alisa

tion du

trafic et de

la

possessio

n de

drogu

es destinée

s á la com

mercia

lisation. Peine

s légè

res po

ur les petites qu

antités de matières primes. Re

sten

t exem

ptes de pe

ine : la consom

mation de

doses personn

elles, le

supp

ort á

la c

onsommation

d’au

tres, la

commercia

lisation

de

chimique

s, le blan

chimen

t d’arge

nt, la culture de

pa

vot ou

marihua

na et les drogu

e synthé

tique

s ou

dérivé

es du toluèn

e.

-Nou

veau

Cod

e d’exécution de

s pe

ines de 19

91 : Proh

ibitio

n de

semi-liberté, L

ibération Co

nditio

nnelle et d

e ré

demption de

peine

pa

r l’étude

ou tra

vail po

ur le

cas de TID, im

possibilité de

tran

sfert

de déten

us tê

tes d’orga

nisation criminelle á l’é

trang

er.

-Création de

la Dire

ction an

tidrogu

e de

la Police

(DINAN

DRO).

-Nou

veau

Cod

e de

procédu

re pén

ale, sau

f certains articles son

en

trée en

vigue

ur fu

t rep

ortée.

DL 6

38, DL

654

Cod

e exécution

péna

l (Avril199

1), DS1

58-90

PCM (D

éc. 1

990), D

S 13

7-91

PCM , DL

743

(Nov. 9

1) , DL

745

et

752 PN

P FF

AA, DL

749

( nov.199

1) D

L 74

0741

(no

v. 199

1),

Code

Pén

ale 19

91 DL 63

5 (avril 19

91) e

t DL 753

( No

v. 199

1).

1990

19

92

Conven

tion Pé

rou- Brésil sur la ré

pressio

n du

Trafic de

drog

ue de 19

78 e

t Con

vention Pé

rou - E

EUU sur la

répressio

n du

trafic de

drogu

e de 19

78

Page 133: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

13

3

Décla

ration po

litiqu

e et des prin

cipes recteurs po

ur la

rédu

ction de

la dem

ande

de drog

ues AG

NU de

199

8.

-La lutte

con

tre la

con

sommation est d

’intérêt n

ationa

l. -Création

des

Prog

rammes

Nationa

ux :

de

développ

emen

t préven

tive,

de

préven

tion

et

réha

bilita

tion et de lutte

con

tre le

trafic

de drogu

e, le

s cultures et la com

mercia

lisation de

plantes d’opiaces.

-Le

Plan

Nationa

l considère : a) L

a prod

uction, les

cultures

á usag

es traditionn

el, no

n tra

ditionn

el, la

prod

uction

de PB

C et CC

et leur impa

cte

sur

l'enviro

nnem

ent, b) Le dé

velopp

emen

t alternatif et le

s po

litiqu

es agrico

les internationa

les, c) L

e dé

lit de

TID :

orga

nisation,

dyna

mique

, violen

ce,

corru

ption,

contreba

nde, narco te

rrorisme et con

trôle te

rritoria

l. et

d) les facteu

rs /con

séqu

ences de

l'usage

de drog

ues.

-Les stra

tégies inclu

ent: a) La systém

aticité normative

et institutionn

elle. b) L

a priorité

du d

évelop

pemen

t alternatif, c) La

rép

ression du

TID, d) La préven

tion

intégrale, e

) Le

traitemen

t et la

réha

bilita

tion

et f)

L’action internationa

le.

-Etabliss

emen

t de

s qu

antités sou

mise

s à de

s pe

ines

légè

res : 2

5 gr. d

e CC

, 100

gr. de

PBC

et 2

00 m

g. de

cann

abis.

-Possib

ilité de

bén

éfice

s pé

nitentiaire

s po

ur le

s cas de

TID no

n ag

gravés et les non

récidivis

tes. Procédu

re de

mise

á te

rme an

ticipée

du procès de TID.

1992

Lutte

arm

ée con

tre le

TID. D

iversific

ation de

s hy

pothès

es de

commission

du dé

lit. P

eine

s sévè

res et abs

ence

de bé

néfic

es.

-La lutte

con

tre le

narcotra

fic et la corru

ption qu

’il en

gend

re sont

des bu

ts du go

uverne

men

t d’émerge

nce et re

constru

ction na

tiona

le

instau

ré par le

cou

p d’État du 5 Av

ril du 19

92. L

a lutte

con

tre la

subversio

n et le

narcotrafic s

era

men

ée s

ous

la d

irection

du

Comman

de Opé

rative du

Front In

terne (COFI).

-Correction de

s dé

ficiences du code

pén

al. C

riminalisa

tion de

s dé

lits de: diss

imulation du

TID, transfert ou

occultation de

s bien

s du

TID, coa

ction po

ur la culture de coca, p

romotion de

la culture de

pavot. Se

fixent con

curre

nces e

ntre agg

ravantes et a

tténu

antes.

-Peine

s jusqu’au

x 35

ans ou pe

rpétuité pou

r l’occultation de

s bien

s,

finan

cemen

t au

terrorisme, e

tc. Maintient d

e la p

rohibition

de

béné

fices pén

itentiaire

s et procédu

raux.

-Nou

veau

régime de

com

mercia

lisation de

drogu

es et intrants.

-Con

trôle accentué

et dé

claration

d’état d’urge

nce

dans les

aéropo

rts situés en région

s prod

uctrices.

-Les forces armée

s sont app

elée

s à ag

ir en

défau

t de

s effectifs

policiers dan

s les région

s prod

uctrices. U

ne déclaration de

s bien

s et re

ntes est sollicitée au

x mem

bres délég

ués.

-Rég

lemen

tation de

la procédu

re d’extradition active.

DL.254

18 (avril 92), DL

.256

26 (juille

t 92

), D

L. 254

29 (avril 92),

2540

4 (fé

vrier 9

2), D

L. 254

29 (m

ars 92

), DL

.259

16 (N

ov. 9

2), D

L.

2542

6, 2

5428

(avril 9

2), DL

.256

23 (juille

t 9

2), L.27

817

(92)

DS.044

-93-JU

S, L.262

23 (a

oût 2

003) et L

.262

47 (N

ov. 1

993).

2000

L.263

20, L

. 266

19 (juin 94

), L.26

332 (ju

in 94), D

S 82

-94

-PCM

(Oct. 9

4), L

.263

20 et D

U 27-96

(May 96).

DL 824

(96), D

S 00

8-98

JUS (98), L

. 266

00, L

. 266

19

(mai 96), L

. 267

02 (D

éc. 9

6) DS.01

3-97

-PCM

(Avril 97

) DS

.001

-99-IN (J

anv. 99) D

S. 007

-97-ITINCI (A

vril 97

) DS

008

-97-ITINCI (Av

ril 97) D

S 02

1-98

-ITINCI (Dé

c.

98) DS

023

-98-PC

M, DS

022-98

-ITINCI (Dé

c. 9

8),

L.27

024 (Déc. 9

8), L

.271

12 (May 99), D

S 17

0-99

-EF,

L.27

378 (Déc. 2

000) et D

S 02

0-20

01JU

S (ju

illet 2

001).

-Rég

lemen

tation de

la lutte

con

tre les drog

ues.

-Création

de

Contradrog

as, institution

chargé

e de

de

ssiner, c

oordon

ner, préven

ir et exécuter les actions

contre la con

sommation de

s drog

ues.

-Rég

ulation de

s mécan

ismes spé

ciaux d’investigation

(lot con

trôlé, a

gent cou

vert, etc.), exoné

ration de

peine

po

ur les

enqu

êtés ou

accusés

qui remettent de

l’in

form

ation sur un

e orga

nisation de

TID. Lé

gisla

tion

de protection de

collabo

rateurs et té

moins des cas de

criminalité organ

isée.

-Indu

lt po

ssible pou

r les premières cond

amna

tions.

-Fixa

tion

des

obligations et respon

sabilité

s de

s en

treprise

s du

secteur fina

ncière dan

s le cad

re de la

lutte

con

tre le TID.

-Nou

veau

x chimique

s contrôlés. Mod

ification

des

procéd

ures de vérifica

tion et con

trôle de compo

sants.

-Sub

stitution du

mot narcotra

fic par trafic

de drogu

es.

Invitation au

x ministres à Con

tradrog

ues.

-Prohibition de

rédu

ctions de pe

ine po

ur les cas de

TID

Le Program

me de

s Na

tions Unies pou

r le contrôle internationa

l des

drog

ues

(PNU

CID) est créé

à

Vien

ne en

19

91, Co

nven

tion

Interamérica

ine

de c

oopé

ration

judicia

ire m

utue

lle d

e 19

92 e

t Rè

glem

ent mod

èle

américa

ine

pour le

traitemen

t, préven

tion

et

répressio

n du

blanchimen

t d'argen

t du TID et autres dé

lits de 19

92.

Conven

tion ONU sur la répressio

n du

fina

ncem

ent d

u terro

risme de

199

9.

Plan

ifica

tion et sys

tématisation au

nivea

u na

tiona

l. Bé

néfic

es pén

itentiaire

s et procé

duraux

. Ré

gulatio

n de

méc

anismes d’inve

stigation, et

béné

fices

procé

duraux

pou

r les

collabo

rateurs.

1994

19

98

Page 134: Images, chiffres et relations d'altérité. Passeurs de drogue étrangers au Pérou

13

4

- La

produ

ction, le

trafic et la con

sommation de

drogu

es est un prob

lème sanitaire

, sécuritaire,

écon

omique

, enviro

nnem

ental e

t politiq

ue du Pé

rou. L’accord na

tiona

l et le gou

vernem

ent 2

000-

2005

le con

sidèren

t com

me l’un de

s ob

jectifs prim

ordiau

x.

-La Stratégie Na

tiona

le en matière des drogu

es ana

lyse l’offre et la

dem

ande

, la pa

uvreté rurale,

l’end

ommag

emen

t á l’e

nviro

nnem

ent, la destru

ction de

s cultures et les actions de la police

. -Elle propo

se : a) Des program

mes de rédu

ction grad

uelle et c

oncerté

e de

s plan

tations, d

e pa

ix et

du dévelop

pemen

t dan

s ces région

s, b) L

e tra

vail multidisc

iplinaire, c

) La form

alisa

tion de

cen

tres

de ré

habilita

tion et la

form

ation de

s ressou

rces hum

aine

s, d) U

n processus de

décen

tralisation e)

L’intégration de

la coo

pération internationa

le et d

u prog

ramme de

dévelop

pemen

t alternatif de

la

USAID

f) Un

program

me de

prévention et de réha

bilita

tion á l’éga

rd de la con

sommation, g) La

répressio

n du

blanchimen

t d'actifs et d

es d

élits con

nexes, e

t h) le

développ

emen

t alternatif,

l’amélioration de l’enviro

nnem

ent et l’é

radication de

s cultures no

n registrées .

-La stratégie compren

ne la

création d’un

Observatoire

nationa

le des drogu

es com

me pa

rtie de

s systèm

es d’inform

ation de

l’ONU

, OEA

, com

mun

auté and

ine, etc.

-CONT

RADR

OGAS

se tra

nsform

e en

Com

miss

ion na

tiona

l pou

r le dévelop

pemen

t et la vie

san

s drog

ues (DEV

IDA), d

e conformation multi ministérielle (A

gricu

lture, D

éfen

se, E

cono

mie, E

ducation,

intérie

ur, J

ustice, etc.), elle con

voqu

e de

s représen

tantes des produ

cteu

rs de la fe

uille de coca y

des un

iversités de

s région

s prod

uctrices. Son

présid

ent a

le ran

ge de Ministre et s

on bud

get e

st

constitué

par des assigna

tions du go

uverne

men

t et d

e la coo

pération internationa

le.

-Des ordon

nances ré

gion

ales de Cu

zco, Ayacucho et Hua

ncayo reconn

aissen

t á la

feuille de coca

comme pa

trimoine

naturel, culturel et d

e sécurité alim

entaire

. Le Tribun

al Con

stitutionn

el a déclaré

leur inconstitutionn

alité parce qu’elles préten

daient léga

liser les cultures de

coca.

-Peine

sévères et p

rohibition de

bén

éfice

s po

ur les cond

amné

s po

ur blanchimen

t d’actifs en actions

de con

version ou

tran

sferts fina

nciers.

- Mod

ifications aux normes de contrôle de la com

mercia

lisation de

com

posants utilis

és pou

r le TID.

- Nou

veau

cod

e de

procédu

re pén

ale du

200

4. Im

plém

entation et e

ntrée en

vigue

ur progressiv

es.

- No

uvelles co

ndition

s po

ur le tra

nsfert

des dé

tenu

s étrang

ers (aya

nt com

mis des

délits

co

ntre l’État) v

ers leurs pa

ys et l’acc

omplisse

men

t des

peine

s á l'étra

nger.

DL 957

- 200

4, D

S 00

6-20

04 PCM, T

C (sep

200

5), D

S 18

-006

JUS, DL 98

6 (Juillet 2

007), L

.283

55

(Oct. 2

004), L

. 290

09 (Av

ril 200

7), D

L 98

2 (200

7), L

. 290

37 (juin 200

7) L.293

05 (Dé

c. 200

8), L

. 28

460 (Jan

vier 2

005), L

.286

71 (J

anvie

r 200

6), L

.289

94 (A

vril 0

7).

Conven

tion ONU

sur la crim

inalité transna

tiona

le organ

isée de

200

0. C

onvention

ONU

con

tre la

corru

ption

de 2

003

et les 8

Recom

man

dations G

AFI sur le

finan

cemen

t du terro

risme de

200

1.

-Création de

s procureu

rs spé

cialisés en TID

au nive

au nationa

l et d

’un bu

reau

de

coop

ération judicia

ire internationa

le en matière pén

al.

-Cad

re normatif de

Con

tradrog

as : Organ

isation, procédu

res, bud

get, direction, etc.

-Nou

velles procéd

ures de commercia

lisation de

com

posants et de chimique

s.

-Ena

co restre

int l’achat de coca aux paysans enreg

istrés avan

t 19

78 et req

uiert

l’actua

lisation de

s do

nnée

s de

ses re

gistres.

-Création d’un

e un

ité fina

ncière au sein du Ministère de

Justice.

-Distinction

des

hypo

thèses :

a)Prom

otion, favorisation

et facilitation

de la

consom

mation b) possession de

stinée

au tra

fic c) commercia

lisation de

com

posants

-Procédu

re de conclusio

n an

ticipée

pou

r les procès de

micro-commercia

lisation.

-Hypothè

ses ag

gravée

s (Peine

s de

15-25

ans) : 20 Kg

. de PB

C ou

10 Kg

. de CC

, vente

á mineu

r, mem

bre

d’orga

nisation

criminel d

e tra

fic d

e drog

ues

ou d

e compo

sants. Hy

pothèses lé

gères (Peine

s de

3-7 ans) : 50 gr. d

e PB

C, 25 gr. d

e cocaïne, 100

gr. marihua

na, 1

mgr. d

’opium

, 5 gr d

’opiaces et 2

00 m

g. de XT

C.

-Petites qu

antités destinée

s au

con

somme pe

rson

nel son

t exoné

rées de pe

ine : 5

gr.

de PBC

, 2gr. d

e CC

, 8 gr. de

marihua

na et 1

gr. d’op

ium.

-Peine

s sévères po

ur la

tran

sformation (8-15 an

s), c

oaction de

culture (2

5-35

ans),

et com

mercia

lisation de

s semen

ces (5-10 an

s) de pa

vot o

u de

marihua

na.

- Lég

islation sur le blan

chimen

t d’actifs.

- Rég

lemen

tation du

cod

e d’exécution de

peine

s.

Rés. Adm

in. 0

92-200

2.CE

-PJ, Rés. d

u Procureu

r Gén

éral 061

-200

1-MP-FN

(jan

vier

2001

), DS

05

0-20

01-PCM

(mai 20

01), L. 275

01 (juille

t 20

01) L. 276

29 (janvier

2002

), Ré

s. M

in. 1

096-20

01-IN

/110

1 (sep

t 200

1), L

. 276

34 (jan

vier 200

2), R

S 17

2-20

02-PCM

(avril 200

2), D

S 03

2-20

02-PCM

N9 04

4-20

02-PCM

, L.283

05, L

. 276

34

(janvier 2

002), L

. 276

93 (a

vril 20

02), DS

015

-200

3, L.280

02 (Juin 20

03), L. 277

65

(juin 200

2), L

278

18 (200

2), L

281

22 (n

ov. 2

003), s

entence du

TC exp. 008

-200

3-AI-TC (nov. 2

003) et D

S 04

4-20

03-PCM

.

2001

2008

2004

Péna

lités

grave

s/légè

res se

lon vo

lume sa

isi. Un

ités sp

écialis

ées. Reg

istre

des

cu

ltures. Organ

isation de

Con

tradrog

ues.

Stratégie multi dimen

sion

nelle

de dé

velopp

emen

t et d

e pa

ix. E

fforts

de léga

lisation de

s cu

ltures. R

épress

ion sé

vère des

délits

fina

nciers liés

au TID.