images, chiffres et relations d'altérité. passeurs de drogue étrangers au pérou
DESCRIPTION
Le présent travail porte sur la construction de la criminalité des passeurs de drogue d’origine étrangère au Pérou.La révision de la littérature nous invite à considérer trois piliers fondamentaux pour notre recherche. Premièrement, notre inscription dans la ligne des travaux en criminologie qui considèrent la réalité sociale comme quelque chose de construit. Ces travaux s’intéressent aux institutions chargées de la répression du crime de même qu’à la diversité d’acteurs, y compris les chercheurs, qui participent de la construction du crime. Deuxièmement, face aux travaux sur la criminalité liée au trafic de drogue qui se servent sans grande réflexivité des statistiques produites par les agences de la répression, nous considérons ces statistiques de « criminalité » comme images d’un processus de criminalisation qui peut être étudié à travers le discours des acteurs qui y participent. Finalement, les recherches qui traitent le thème « étrangers » nous préviennent de contribuer à fixer des identités selon les catégories sociales utilisées par les agences de l’État et la société. Elles nous proposent aussi une approche discursive et dynamique pour rendre compte de la construction d’images d’altérité ou identité individuelles ou collectives.TRANSCRIPT
1
UNIVERSITÉ CATHOLIQUE DE LOUVAIN
École de Criminologie
Images, chiffres et relations d’altérité
Le paradigme de l’«efficacité» dans la construction de la criminalité
des passeurs de drogue d’origine étrangère au Pérou
Promoteur: Mémoire présenté en vue de
Professeur D. Kaminski l’obtention du diplôme de
Master en Criminologie.
Par Lucía Nuñovero Cisneros
Louvain-la-neuve, juillet 2009
2
Et si vous aviez compris ce que signifie : C’est la miséricorde que je veux, et non le
sacrifice, vous n’auriez pas condamné des gens qui sont sans faute. (Matthieu 12, 7)
Remerciements : À Dieu, à Jésus et à l’Esprit Saint pour son inspiration. À ma famille,
mon père José, ma mère Betty et mon frère Nicolás pour m’avoir soutenue et
encouragée pendant mes études en Belgique.
À Mr. Dan Kaminski pour sa compréhension et pour m’avoir enseigné à conjuguer
l’humain avec le social. À Mme. Fabienne Brion pour l’aide apportée dans son
domaine. À Victor Vargas-Machuca, Jorge Ramírez, Maria Isabel Calderón, Isabel
Berganza et Ana Solórzano pour m’avoir aidé à réaliser le travail de terrain et pour
avoir nourri mes inquiétudes scientifiques. À sœur Mercedes et à Monseigneur Irizar,
Évêque du Callao, pour m’avoir permis de découvrir la réalité humaine des prisons de
Callao et de Chorrillos. Au Dr. Victor Prado Saldarriaga pour sa disponibilité généreuse
à m’orienter dans le domaine du trafic de drogue au Pérou. À mon amie Ilia D’Hondt
pour m’avoir apporté une aide très précieuse dans la rédaction et la correction de ce
manuscrit.
Aux autorités de la Cour Supérieure du Callao, de l’Institut National Pénitentiaire
(INPE), de DIRANDRO-AIJCH, du bureau de l’ONUCD-Perú et de l’Ombudsman
péruvien d’affaires pénales pour m’avoir orientée et aidée dans le recueil
d’informations. À toutes les personnes interviewées : parquets, policiers, juges, avocats,
psychologues, assistants sociaux, fonctionnaires, merci pour votre investissement
sincère. À toutes les personnes d’origine étrangère que j’ai connues dans les prisons de
Chorrillos, Lurigancho et Callao, merci d’avoir partagé avec moi vos souffrances, elles
me rappelleront toujours le mystère de ma profession.
3
TABLE DE MATIÈRES
INTRODUCTION…………………………………………………... 8 CHAPITRE I : Préalables théoriques et méthodologiques………. 12 1.1. La criminalité liée aux drogues et à l’origine étrangère comme des objets socialement construits…………………………………….. 12 1.1.1. L’approche constructiviste dans le champ de la criminologie…………….. 12 1.1.2. L’étude du trafic de drogue en termes de criminalité……….…………….. 14 1.1.3. L’approche qualitative du trafic de drogue.……………………………….. 15 1.1.4. La construction discursive de la catégorie sociologique d’ « étranger »….. 16 1.2. La relevance d’une approche compréhensive et constructiviste du trafic de cocaïne au Pérou………………………… 18
1.2.1. L’approche interdisciplinaire du trafic de drogues……………………….. 18 1.2.2. Les savoirs économico-descriptifs sur le trafic international de cocaïne et le Pérou………………………………………………………………... 19 1.2.3. Difficultés de l’étude du trafic illicite de cocaïne au Pérou………………. 22
1.3. Méthodologie du travail…………………………………………. 24 CHAPITRE II : Repères historico-législatifs…………………….. 26
2.1. Avant le conflit………………………………………………….. 26 2.2. Pendant la crise et le conflit……………………………………... 27 2.3. Le challenge démocratique……………………………………… 29 CHAPITRE III : Images d’une « criminalité » : Évolution et caractéristiques des étrangers incarcérés pour trafic de drogue au Pérou…………………………………………………… 30 3.1. L’évolution de la population pénitentiaire au Pérou……………. 30 3.2. L’évolution du trafic de drogue parmi les délits plus représentés. 31 3.3. La population pénitentiaire d’origine étrangère liée au trafic ….. 32 de drogue……………………………………………………………. 33 3.4. Les étrangers dans la population des passeurs de drogue des Établissements Pénitentiaires du Callao et Chorrillos......……….. 39
4
CHAPITRE IV : Une activité plus efficace de la police antidrogue…………………………………………………………… 44 4.1. La police comme institution de l’État péruvien…………………. 44
4.1.1. Brève histoire de la police nationale du Pérou……………………………. 44 4.1.2. La direction antidrogue et l’unité antidrogue de l’aéroport……………..… 50
4.2. Les actions à l’aéroport comme des activités efficaces contre le trafic de drogue.…………………………………….......………...….. 53 4.2.1. L’activité de la Police vue à travers les statistiques……………………….. 53 a) Trois étapes d’enregistrement des activités……………………………………. 54 b) Diminution des délits ou de l’activité de la police…………………………….. 54 c) Inexactitudes et reformes………………………………………………………. 54 d) Diminution du total d’arrestations……………………………………………. 56
4.2.2. L’augmentation et corrélation des activités de répression du trafic de drogue.………………….……………………………………………………….. 56
4.2.3. Développement d’indicateurs d’activité efficace en matière de drogues….. 58 a) De la drogue saisie vers le chlorhydrate de cocaïne saisi……………………… 58 b) Des arrestations pour trafic de drogue aux arrestations pour trafic proprement dit…………………………………………………………………..... 61 c) Localisations des activités efficaces de la PNP en matière de drogue……….... 63
4.2.4. Caractérisation des sujets par la division antidrogue de l'aéroport……....... 68 CHAPITRE V : La dynamique de construction d’une image de « détenu étranger pour trafic de drogue »…….………………….. 73 5.1. Relations sociales à propos d’une criminalité…………………… 74 5.1.1. Moment policier…………...……………………………………………… 74 a) Policiers et personnes suspectées de trafic de drogue………………………... 74 b) Policiers et parquets antidrogue……………………………………………… 74 c) Policiers et agents internationaux……………………………………………... 75 d) Policiers et travailleurs de sécurité de l’aéroport Jorge Chavez……………… 78 e) Policiers et journalistes………………………………………………………… 79
5.1.2. Moment judiciaire………………………………………………………… 81 a) Parquets et juges………………………………………………………………. 82 b) Relation tripartite avec les passeurs de drogue.…………………….…………. 83 c) Parquets et acteurs du moment policier……………………………………..… 87 d) Juges et acteurs-preuve………………………………………………………... 88 e) Magistrats et opinion publique………………………………………………… 89
5.1.3. Moment pénitentiaire……………………………………………………… 90 a) Relations de pouvoir au sein des prisons péruviennes………….……………... 90
5
b) Fonctionnaires pénitentiaires et journalistes…………………………………... 91 c) Personne détenue étrangère et détenus étrangers……………………………… 92 d) Détenus étrangers et détenus nationaux……………………………………….. 92 e) Détenus et fonctionnaires……………………………………………………… 93 f) Fonctionnaires et magistrats…………………………………………………… 94 g) Les médiateurs entre les détenus étrangers et les fonctionnaires……………… 95 5.1.4. Moment politique…………………………………………………………. 97 a) Le bureau des Nations Unies contre la drogue et le crime au Pérou…………. 98 b) L’ombudsman péruvien pour les affaires pénales et pénitentiaires…………… 99 5.2. Dynamique pendulaire et mobilisation d’image d’un « autre »…100 5.2.1. Moment policier: profils, conflictualité, quantités et images lights……… 102 5.2.2. Moment judiciaire : précarité économique, engorgement et position moins défavorable………………………………………………………………… 105 5.2.3. Moment pénitentiaire : traits antisociaux, précarité économique relativisée et conflictualité exacerbée ………………………………………...….. 108 5.2.4. Moment politique : Dichotomie d’images et relations…………………… 112 5.2.5. Dynamique altérité-identité et résistance au paradigme actuariel………... 114 CONCLUSION………………………………………………………119 BIBLIOGRAPHIE………………………………………………….. 121 ANNEXE 1 : Entretiens menés……………………………………...127 ANNEXE 2 : Relations sociales selon Bajoit...….……..………….. 128 ANNEXE 3 : Chronologie de la législation sur le trafic de drogue au Pérou………………………………………………………………130
6
LISTE DE TABLEAUX
Tableau 1 : Offre mondiale de cocaïne
Tableau 2 : Cocaïne saisie et routes mondiales de la cocaïne en 2008.
Tableau 3 : Les routes de la cocaïne au Pérou
Tableau 4 : Marché de la coca au Pérou
Tableau 5 : Évolution de la population pénitentiaire au Pérou et à Lima 1974 -2007
Tableau 6 : Population pénitentiaire nationale selon la situation juridique 1975-2008
Tableau 7 : Population pénitentiaire nationale selon la catégorie de délits 1990-2008
Tableau 8 : Population pénitentiaire nationale pour trafic de drogue en 1998, 2000 et
2005
Tableau 9 : Provenance de la population pénitentiaire en 1987
Tableau 10 : Population pénitentiaire d'origine étrangère en 1987
Tableau 11 : Incidence des délits selon la nationalité en 1987
Tableau 12 : Population pénitentiaire de nationalité étrangère selon la direction
régionale, les EP du département de Lima, la situation juridique et le sexe 2002-2008
Tableau 13: Population Pénitentiaire selon la nationalité en 2008
Tableau 14 : Sexe et situation juridique de la population pénitentiaire totale et de la
population d’origine étrangère en 2008
Tableau 15 : Population pénitentiaire de nationalité étrangère par continent 2002-2008
Tableau 16 : Population pénitentiaire de nationalité étrangère par continent en Janvier
2002, Mai 2003, Juillet 2004 et Janvier 2008
Tableau 17 : Segments de la population pénitentiaire pour trafic de drogue (TID) en
2004
Tableau 18 : Population pénitentiaire totale, population pour trafic de drogue et
population d’étrangers pour TID en 2004
Tableau 19 : Population pénitentiaire de nationalité étrangère pour trafic illégal de
drogue en 1993, 2003 et 2005
Tableau 20 : Drogue transportée par les passeurs
Tableau 21 : Somme attendue par les passeurs
Tableau 22 : Organisation de tâches de la Police Nationale Péruvienne en 1991
Tableau 23 : Organisation de la Police Nationale Péruvienne en 1991
Tableau 24 : Organigramme actuel de la Police Nationale du Pérou
Tableau 25 : Direction Nationale antidrogue de la PNP à Janvier 2009
7
Tableau 26 : Direction Antidrogue de la PNP à Juin 2009
Tableau 27 : Interventions en délits / Délits registrés par la PNP 1963-2008
Tableau 28 : Nombre d’arrestations à niveau national par la PNP 1963-2008
Tableau 29 : Interventions pour délit de trafic de drogue 1968-2006
Tableau 30 : Nombre d’arrestations pour trafic de drogue 1963-2008
Tableau 31 : Total de drogue et de chlorhydrate de cocaïne saisis par la PNP 1979-2007
Tableau 32 : Chlorhydrate de cocaïne et autres drogues saisis par la PNP 1979-2006
Tableau 33 : Personnes arrêtées pour TID selon le sexe 1980-2006 et selon la
nationalité 1980-1991
Tableau 34 : Catégories d’arrestations pour trafic de drogue 1994-2007
Tableau 35 : Localisation des activités efficaces en matière de drogues 1983-1991
Tableau 36 : Localisation des activités efficaces en matière de drogues 1992-1998
Tableau 37 : Localisation des activités efficaces en matière de drogues 1999-2006
Tableau 38 : Personnes arrêtées pour trafic et consommation au niveau national, pour
trafic proprement dit et pour trafic proprement dit à l’aéroport 1994-2006
Tableau 39 : Efficacité des activités de répression en matière de drogues á niveau
national et des activités menées à l’aéroport 1999-2006
Tableau 40 : Activités de l’unité policière antidrogue de l'aéroport
Tableau 41 : Personnes arrêtées à l’aéroport selon le sexe 1999-2008
Tableau 42 : Personnes arrêtées à l’aéroport selon la nationalité 1999-2008
Tableau 43 : Interventions selon le type d’intervention et la modalité du délit
Tableau 44 : Principales nationalités des personnes arrêtées à l'aéroport pour trafic de
drogue
Tableau 45 : Principales destinations des personnes arrêtées à l'aéroport pour trafic de
drogue
Tableau 46 : Principales interactions et relation d’altérité/identité du moment policier
Tableau 47 : Images d’arrestations d’étrangers à l’aéroport Jorge Chàvez
Tableau 48: Principales interactions et relation d’altérité/identité du moment judiciaire
Tableau 49 : Images de détenues passeurs de drogue en E.P. de Chorrillos - 1996
Tableau 50 : Principales interactions et relation d’altérité/identité du moment
pénitentiaire
Tableau 51: Principales interactions et relation d’altérité/identité du moment politique
Tableau 52: Dynamique de relation altérité/identité à l’égard des étrangers détenus pour
trafic de drogue.
8
INTRODUCTION
Le présent travail porte sur la construction de la criminalité des passeurs de drogue
d’origine étrangère au Pérou.
La révision de la littérature nous invite à considérer trois piliers fondamentaux pour
notre recherche. Premièrement, notre inscription dans la ligne des travaux en
criminologie qui considèrent la réalité sociale comme quelque chose de construit. Ces
travaux s’intéressent aux institutions chargées de la répression du crime de même qu’à
la diversité d’acteurs, y compris les chercheurs, qui participent de la construction du
crime. Deuxièmement, face aux travaux sur la criminalité liée au trafic de drogue qui se
servent sans grande réflexivité des statistiques produites par les agences de la
répression, nous considérons ces statistiques de « criminalité » comme images d’un
processus de criminalisation qui peut être étudié à travers le discours des acteurs qui y
participent. Finalement, les recherches qui traitent le thème « étrangers » nous
préviennent de contribuer à fixer des identités selon les catégories sociales utilisées par
les agences de l’État et la société. Elles nous proposent aussi une approche discursive et
dynamique pour rendre compte de la construction d’images d’altérité ou identité
individuelles ou collectives.
Ainsi, notre question de recherche est la suivante : Comment peut-on expliquer la
construction d’une criminalité liée au trafic de drogue dont les étrangers sont
surreprésentés ? Tout en sachant que le chercheur peut contribuer a cette construction
par la propre activité, le propos de ce mémoire se concentrera a) sur la production des
statistiques de criminalité au cœur d’une dynamique historique impliquant les
institutions pénales, en particulier la police péruvienne et b) sur les relations entre les
acteurs de cette dynamique.
En effet, à cette question nous proposons de répondre à travers une démarche inductive
essentiellement qualitative. Deux autres choix méthodologiques ont été adoptés.
Premièrement, viser deux types de progressions temporelles : Une dynamique
historique, qui sera saisie à travers l’étude de la bibliographie pertinente et une
dynamique actuelle, qui sera saisie à travers la réalisation d’entretiens semi-structurés
9
aux acteurs des institutions qui rencontrent cette « criminalité». Nous avons opté pour
que cette dimension historique soit suffisamment vaste, parce que pour nous elle est
révélatrice d’enjeux politiques et globaux qui agissent dans les micro-cosmos de nos
interviewés. Deuxièmement, nous avons opté pour construire une chronologie des lois
sur le trafic de drogues au Pérou comme source de repères pour notre démarche afin de
coïncider avec la théorie qui distingue la création de lois (criminalisation primaire) de
leur mise en œuvre (criminalisation secondaire).
Une précision importante quant au corpus traité. Pendant le travail de terrain réalisé
entre Juin et Septembre 2008 au Pérou, nous avons recueilli des statistiques nationales
et internationales sur la matière, ainsi que compilé des recherches sur le trafic de
drogues et les institutions pénales au Pérou. Notre court séjour nous a aussi permis de
nous entretenir avec 20 personnes des différentes institutions. Ces deux types de corpus
contribuent à deux lignes d’analyse qui se distinguent. Dans la première, nous nous
sommes concentrées sur l’étude du rôle de la police, agence qui démarre le processus de
criminalisation. Elle nous intéresse en tant qu’institution et organisation conductrice
d’activités de répression et productrice de statistiques. Dans la deuxième, le corpus
discursif nous sert à comprendre le type de relations nouées entre les différents acteurs
(policiers, parquets, agents internationaux, détenus, etc.) et la dynamique de
construction d’images d’altérité. Nous avons réalisé cette analyse à la lumière de notre
expérience de trois ans dans un projet d’assistance sociale et juridique aux personnes
détenues dans les prisons de Callao et Chorrillos. L’hypothèse finale est issue de ces
deux lignes d’analyse et essaie de relier les deux progressions temporelles dont on a
parlé en haut.
Nous pouvons déjà anticiper la thèse que nous allons développer tout au long de ce
travail mais qui n’est devenue claire qu’à la fin de notre démarche. Nous soutenons
qu’une dynamique qui implique le paradigme de l’ « efficacité » explique la
construction d’une criminalité de passeurs de drogue d’origine étrangère au Pérou. Ce
paradigme, que Harcourt appelle actuariel et se rapproche de la Nouvelle Pénologie, est
caractérisé par l’emploi d’instruments quantitatifs, par l’effacement de la singularité et
de l’approche clinique, par une efficacité apparente, par la généralisation des traits
antisociaux et par l’élaboration de profils criminels. Pour nous, le déploiement de ce
paradigme, explique la série d’aménagements que les unités antidrogue de la police
10
péruvienne ont connue depuis les années 90 et le développement de relations du type
d’altérité conflictuelle entre les acteurs de la criminalisation secondaire et les
« étrangers détenus pour trafic de drogue ». Cependant, un autre mouvement cette fois-
ci contraire à ce paradigme, explique les relations d’identité ou de solidarité à l’égard de
ces personnes.
Notre travail est divisé en cinq chapitres. Le premier chapitre présente les préalables
théoriques et méthodologiques de notre recherche. Dans une première section nous
allons réviser l’apport du constructivisme dans la criminologie et distinguer deux
approches du trafic de drogue : celui qui examine le trafic de drogue à partir des
statistiques produites pour les agences de répression et celui que l’on peut appeler une
approche qualitative ou constructivo-compréhensive qui se distingue par une réflexivité
plus poussée et l’utilisation des outils qualitatifs. Nous préciserons aussi notre position
pour le traitement de l’« étranger », comme objet de questionnement. La deuxième
section présente les limitations des recherches menées au Pérou dans le domaine, tant
économico-descriptives que constructivo-compréhensives. Inscrites dans cette dernière
ligne nous allons expliciter la méthodologie que nous avons utilisée.
Le deuxième chapitre présente une chronologie des législations nationales sur le trafic
de drogue. Elle est issue d’un travail de compilation et analyse des lois et proposée
comme source de repères historico-juridiques de notre construction. Dans le troisième
chapitre, nous allons décrire la criminalité d’étrangers pour trafic de drogue au Pérou
comme un phénomène qui apparaît récemment dans le panorama de statistiques
pénitentiaires du Pérou et notamment dans le segment qui est lié au trafic de drogue. Ici
dans la mesure du possible nous incorporons des statistiques officielles en proposant des
tableaux qui soulignent la perspective temporelle historique.
Le quatrième chapitre essaiera d’interpréter à l’aide d’éléments historiques et
statistiques le rôle de la police dans la construction de cette criminalité. Dans cette
perspective, une étude de la bibliographie sur l’histoire de la police nationale
péruvienne cherchera à identifier sa consistance institutionnelle et organisationnelle.
Ensuite, une lecture des statistiques élaborées par la police en matière de drogues nous
permettra d’expliquer le développement des activités réalisées par les cellules
spécialisées en détection de passeurs internationaux de drogue, figure qui concerne une
11
bonne proportion de cette criminalité. À nouveau, la construction des tableaux de
statistiques qui traversent les différents régimes et gouvernements est un outil
d’interprétation non négligeable.
Le cinquième chapitre vise à comprendre, à partir de l’analyse d’entretiens, la
dynamique de construction d’une image de criminalité à laquelle participent les
différents acteurs de la criminalisation. Notre expérience nous a permis d’interpréter le
travail et la vision de ces acteurs. Dans un premier paragraphe quatre moments de
relations entre les acteurs seront explicités. La deuxième partie du chapitre s’attardera à
la relation d’inégalité et l’image d’altérité qui traversent ces quatre moments. Une
dynamique relie les mouvements d’altérité conflictuelle et d’identification solidaire
déployés à l’égard des personnes qui appartiennent à cette catégorie d’étrangers détenus
pour trafic de drogue. Finalement, notre conclusion ressort de l’intégration de cette
dynamique au sein d’un processus plus large qui incorpore nos conclusions sur le rôle
de la police et les enjeux historiques et institutionnels étudiés auparavant.
Nous aimerions que ce travail soit considéré comme un effort d’intégration des savoirs
sur la réalité péruvienne de même qu’un essai d’application d’une méthodologie adaptée
à cette réalité à un des plus graves problèmes du Pérou et de l’humanité.
12
CHAPITRE I : Préalables théoriques et méthodologiques 1.1. La criminalité liée aux drogues et à l’origine étrangère comme des objets socialement construits
Le paradigme constructiviste conçoit les objets que nous présente la réalité comme des
entités socialement construites, et donne au chercheur la tâche d'analyser les processus
par lequel ils ont été construits (BERGER & LUCKMANN : 1966). L’influence de
cette perspective dans le champ de la criminologie va de l’étude des institutions de
l’État à l’intérêt pour l’interrelation entre la diversité d’acteurs, y compris les
chercheurs, qui construisent le crime. Par exemple, elle invite à essayer des explications
compréhensives des processus globaux et locaux de construction d’une population
pénitentiaire.
D’une part, les recherches sur le trafic de drogues en termes de criminalité, à force
d’utiliser les statistiques des institutions répressives, risquent d’emprunter sans grande
réflexivité des catégories d’analyse de l’État et la société, et de se consacrer aux
constats des corrélations d’évolution ou aux descriptions des profils. On en trouve un
exemple dans l’étude du drug courrier profile.
D’autre part, les auteurs qui ont emprunté une approche constructiviste ont souligné
l’importance des enjeux politiques et sociaux de même que du rôle des institutions de
répression dans la criminalisation d’individus pour trafic de drogues. Une étude
complète devrait aussi approcher les discours des acteurs du terrain et mener une
analyse soucieuse de toute réduction des subjectivités aux catégories sociologiques.
L’utilisation des catégories de nationalité pour décrire une criminalité liée au trafic de
drogue au Pérou nous invite à tenter d’expliquer à partir de l’analyse des discours d’une
diversité d’acteurs comment s’opère la construction de cette image d’étranger
justiciable.
1.1.1. L’approche constructiviste dans le champ de la criminologie
En criminologie, les auteurs d’une approche sociologique du crime, se sont rendus
compte de comment il est difficile de distinguer, souvent sur le terrain, ce qu’on trouve
13
en tant que comportement et ce qui constitue une étiquette qualificative de déviance ou
de crime. Deux termes se sont forgés pour expliciter l’action de l’État et de la société à
l’égard du comportement: l’incrimination ou criminalisation primaire, qui correspond à
l'étude de la législation qui définit le crime, et la criminalisation secondaire qui
correspond à l’étude de la mise en œuvre de la loi à travers des institutions qui sont
chargées de la répression. (BARATTA : 1982).
Conduit à l'extrême, l’accent mis sur la participation de certains acteurs de l’État dans la
construction du crime peut mener à réduire l’objet de la criminologie à une évaluation
critique de l’action de l’État et ses institutions, à une évaluation de l’efficacité de ces
acteurs et conduites, ou encore aux questionnements sur la légitimation des lois. Cet
extrémisme néglige la genèse des comportements problématiques et leur remède
(DIGNEFFE : 1992, BERGALLI : 1991, LACEY : 1997).
Dans la quête d’une nouvelle théorie du crime, certains auteurs ont précisé que l’étude
du processus de construction du crime, n’est que l’analyse d’un jeu d’acteurs : auteur,
victime, société, professionnels publics et privés, etc., ou la récupération de la
dynamique qui relie ces acteurs et leurs actions interdépendantes (ROBERT: 2005). En
plus, du fait que les outils criminologiques peuvent contribuer à fixer les rôles ou les
caractéristiques des individus, les auteurs ont approfondi la consigne réflexive
qu’interpelle leur propre contribution comme spécialistes ou chercheurs dans cette
construction (SHAPLAND : 1994).
Snacken a étudié les populations pénitentiaires comme conséquences d’un processus au
sein duquel des facteurs internes au système de justice pénale, tels que la législation, se
combinent aux facteurs intermédiaires politiques et médiatiques et des facteurs externes
démographiques et économiques (SNACKEN : 1995). Cette approche nous semble
intéressante parce qu’une liaison est construite entre la criminalisation et la criminalité.
Cette dernière, en tant que statistique n’est qu’une image d’un processus de
criminalisation et peut être expliquée d’une façon compréhensive et constructiviste.
Combessie formule l’idée d’un processus de construction d’un taux de criminalité, en
distinguant un plan micro ou local des dynamiques entre les acteurs directement
concernés (policiers ou juges d'un arrondissement) d’un plan macro ou global de
14
rapports entre les institutions d’une société. L’auteur propose qu’une population
pénitentiaire particulière, souvent définie par un profil social (sexe, âge, statut social,
niveau scolaire, pauvreté, lien familier, et nationalité) peut être expliquée
rétrospectivement par ce qui se passe en amont, par les pratiques des professionnels du
maintien de l’ordre qui atteignent telle population, mais aussi par la législation pénale
au sein d’un approche globale qui l’incorpore dans l’ensemble pénal d’une société
(COMBESSIE : 2001).
1.1.2. L’étude du trafic de drogue en termes de criminalité
Au moins deux versants de la criminalité liée à la drogue peuvent être distingués, des
infractions à la législation sur la drogue et les délits commis sous l’influence de drogues
illicites. À ces deux-ci, aujourd’hui la majorité des chercheurs et agences internationales
ajoutent deux autres catégories : les délits commis par les usagers pour maintenir leur
consommation et les crimes systémiques découlant du fonctionnement des marchés
illicites (combats pour protéger les territoires, corruption des autorités, etc.)
(SCHMALLEGER : 1996, DE RUYVER : 2009).
Quant à la criminalité constituée par les infractions à la législation sur la drogue,
certaines recherches se sont intéressées à son évolution au cours des dernières
décennies. Certains auteurs ont mis en rapport l’évolution du taux d’incarcération pour
délits de drogues avec l’évolution de la consommation de drogues, les prix de la drogue
ou avec les décisions des juges (CAULKINS & CHANDLER : 2006). D’autres peuvent
l’inclure entre les facteurs - tel que l’évolution des populations défavorisées ou
l’accroissement de la différence des salaires – qui ont accompagné l’évolution des
statistiques de population pénitentiaire aux États unis et en Europe (WACQUANT:
2000, SNACKEN : 1995).
Cependant, la difficulté que beaucoup de recherches sur le trafic de drogues en termes
de criminalité peuvent avoir en commun, c’est qu'elles ont du mal à éviter une lecture
du crime et de la criminalité selon les statistiques officielles. Des statistiques des
populations pénitentiaires ou même de toutes les étapes du processus de criminalisation:
condamnation, accusation, détention préventive, etc. utilisent souvent la méthodologie
et l’information produites par les institutions chargées de la mise en œuvre de la loi et
15
ne garantissent pas une suffisante réflexivité et compréhension des enjeux
sociopolitiques qui sont en œuvre (KAMINSKI, 2003). L’étude des infractions à la
législation sur la drogue apparaît alors comme un domaine tautologique de la
criminalité liée aux drogues (DE RUYVER : 2008).
Etant donné que les définitions du crime peuvent englober différentes sous-catégories
d’activités (trafic, production, manufacture, distribution, offre, importation, possession,
consommation, etc.) ainsi qu’une diversité de substances contrôlés, et des individus
infracteurs (usagers, trafiquants, consommateurs, agresseurs sous abus de drogues,
dealers, etc.) ; de même vu que la définition de la criminalité utilise des catégories
sociologiques telles que l’âge, sexe, race, provenance, etc., les recherches qui ne
justifient pas l’association ou le privilège de certaines catégories (par exemple la
production et les producteurs ou la consommation et les consommateurs) sont
susceptibles de contribuer à la création ou au renforcement des véritables profils des
personnes qui appartiennent aux groupes étudiés. C’est le cas des recherches sur le
« drug courrier profile » qui décrivent une criminalité, liée au trafic de drogues et aux
contrôles dans les aéroports, par des traits d’âge, nationalité, temps de peine, drogue
saisie, etc. (GREEN et al. 1994, HARPER & MURPHY : 2000). Mais les travaux
récents sur les « passeurs internationaux des drogues » relèvent l’impossibilité d’établir
des traits communs et constituent un défi pour la criminologie du profilage (CONSEIL
DE L’EUROPE-GROUPE POMPIDOU : 2009).
1.1.3. L’approche qualitative du trafic de drogue
En revanche, parmi les travaux qui approfondissent la consigne constructiviste et
réflexive pour étudier le trafic de drogue, certains auteurs ont signalé les enjeux
politiques et législatifs, tels que les contraintes socio-économiques et politiques
internationales qui sont à la base de la construction du crime. (KAMINSKI : 2003,
CESONI : 2004) D’autres recherches ont développé le jeu d’interaction des acteurs qui
construisent l’action pénale à travers une série de phases dans lesquelles s'opère une
sélection et orientation des personnes mises en cause. (KOKOREFF : 2004)
Pour les premières, la recherche bibliographique et l’interprétation des documents sont
très importantes tandis que les deuxièmes se servent d’entretiens avec les professionnels
16
et les justiciables, de l’observation des quartiers et tribunaux, de l’analyse des dossiers,
enfin des outils qualitatifs, afin de tracer les trajectoires des individus, usagers ou
trafiquants de drogue (KAMINSKI & KOKOREFF : 2004)
Dans ce type de recherches, la distinction des niveaux (local, national et international)
permet d’associer certaines pratiques judiciaires aux produits pénaux correspondants.
Par exemple à certains niveaux judicaires les usagers ou bandes de quartiers
disparaissent en faveur d’une diversification des réseaux de trafic. Dans d'autres
niveaux, tels que les arrondissements judiciaires qui couvrent un point de mobilité
internationale, les passeurs de drogue apparaissent comme représentations d’une
criminalité artificielle (DUPREZ : 2001, SCHIRAY : 2000).
Cependant, l’adoption d’une approche constructiviste n’est pas exempte d’enjeux
méthodologiques, notamment dans la lecture du rôle des institutions de l’État et de la
société, mais aussi des « images » que le chercheur contribue à construire. Pour les
criminologues qui adhèrent à la vision constructiviste du crime, le chercheur a un rôle
délicat dans la construction d’une criminalité liée aux drogues, lorsqu’il utilise des
catégories qui révèlent et alimentent les préjugés politiques et ethniques de la société à
laquelle il appartient, entraînant ainsi le risque de la manipulation politique de la
méthodologie (UNESCO: 2000).
En même temps, s’écarter complètement des catégories de la loi et des institutions
consacrées à la répression de cette criminalité, notamment au niveau national et
international est impossible, parce que ces institutions ont plus d’accès à l’information
et aux ressources. Le travail en coopération institutionnelle et la complémentarité
d’objectifs sont des challenges pour les recherches contemporaines dans le domaine
(SCHIRAY : 2000, LANIEL : 2000).
C’est pourquoi il faut préciser que l’analyse des discours nous permet d’accéder pas
seulement aux points de vue des acteurs qui participent à la dynamique de construction
du crime ou d’appréhender le fonctionnement de la justice, les stratégies des acteurs,
leurs ressources et la façon d’intégrer leur expérience dans leur trajectoire, mais aussi
nous permet de rendre compte de la mobilisation que font ces acteurs des images
d’identité et altérité.
17
1.1.4. La construction discursive de la catégorie sociologique d’ « étranger »
Nous avons signalé que certaines recherches dans le domaine de la criminalité liée aux
drogues se sont intéressées aux profils des infracteurs de la législation de drogues.
Comment conjuguer cet objet avec la question sociologique signalée dans le paragraphe
antérieur, qui exprime un souci éthique d’éviter la réduction des êtres humains aux
catégories socialement construites, telles que coupables et victimes, qui reproduisent
nos préjugés sur la criminalité et finalement renforcent la sélectivité de l’entonnoir
pénal ?
Des travaux qui portent sur la criminalisation des étrangers en Europe ont approfondi
les enjeux d’une criminalité allochtone ou ethnique, constatable dans les statistiques
nationales de la Belgique et la France (BRION : 2004, MUCHIELLI : 2003). L’étranger
compris comme phénomène social universel qui se retrouve dans toutes les sociétés
humaines du présent et du passé serait toute personne qualifiée comme « autre » à cause
de sa provenance, mobilité, religion, culture, etc. À la construction d’une telle altérité
participe l’État nation et des catégories sociales, économiques, culturelles, notamment
celles établies par la loi (Ex : légales/illégales). C’est pourquoi nous pouvons dire que
l’État à travers son appareillage pénal s’intéresse à toute la criminalité d’étrangers. Par
ailleurs, pas seulement pour l’État mais pour la société, y compris les sociologues,
l’immigré et d’autant plus le délinquant étranger, est loin d’être un élément neutre dans
nos catégories de représentations (COSSÉ & al.: 2004, SAYAD: 1996).
Dans la sociologie contemporaine qui a pour objet la construction d’identités, une ligne
d’interprétation s’adresse au flou de la performance dynamique des identités, qui
s’opère à travers les interactions concrètes. Le discours et le social sont étroitement liées
et le rôle du chercheur, « qui regarde exclusivement les catégories d‘appartenance
identitaire relevées du contexte local par les participants », est privilégié (DE FINA &
al.: 2006). Ainsi, l’identité ou le self d’un individu ou d’une collectivité, n’est pas une
essence à localiser ou exprimer mais une image d’un « moi » produite et reproduite à
travers une série d’interactions. Image qui devient historique dès que la mémoire des
interactions persiste (CZARNIAWSKA : 2008).
Cette position épistémologique résout notre souci d’éviter l’établissement des causalités
18
unidirectionnelles entre l’individu et la société et en même temps, nous préserve de
procéder à une victimisation ou responsabilisation des sujets qu’on rencontre.
L’explicitation de la position de chaque acteur –y inclus la nôtre- convertit le discours
dans un discours polyphonique (HARRÉ : 2003).
Au regard de ces considérations, le traitement de la criminalité liée au trafic de drogue
et à l’origine étrangère comme un objet socialement construit, nous invite à étudier a) le
rôle des institutions de répression du trafic de drogue b) l’élucidation des interactions
entre les différents acteurs de terrain c) la définition d’une image d’altérité qu’opèrent
les acteurs à travers une dynamique relationnelle.
1.2. La relevance d’une approche compréhensive et constructiviste du trafic de
cocaïne au Pérou
Parmi les différentes disciplines qui étudient le trafic de drogues, l’approche
économique et les descriptions quantitatives, élaborées grâce à la collaboration des
institutions chargées de la répression, prédominent au sein de la communauté
internationale.
Dans le cas du Pérou, pays producteur de cocaïne, ce genre de travaux rencontre de
nombreuses difficultés propres au terrain, pas seulement d’ordre géographique mais
aussi socioculturel: les pratiques ne sont pas uniformes, la distinction entre commerce
légal et illégal est diffuse, etc. D’autre part, les travaux menés sur un angle
constructiviste ou compréhensif signalent des enjeux politiques épineux.
Mener une recherche compréhensive et constructiviste sur la population pénitentiaire
d’étrangers détenus pour trafic de drogue, s’avère pour nous l’opportunité de contribuer
à inscrire les statistiques de criminalité comme images d’un processus de
criminalisation et relier ainsi deux genre de travaux. La police sera étudiée en tant
qu’institution qui démarre les activités répressives, mais aussi ses acteurs seront
rapportés à d’autres avec lesquels ils interagissent (magistrats, fonctionnaires de la
prison, journalistes). L’étude de ces interactions révélera une dynamique de construction
d’un autre « étranger détenu pour trafic de drogues ».
19
1.2.1. L’approche interdisciplinaire du trafic de drogues
Le trafic de drogues est un phénomène qui nous suggère de multiples considérations
d’ordre légal, humain, économique, etc., qui se relient les unes aux autres.
D’un point de vue juridique, le droit fait une distinction primordiale entre commerce
légal et trafic illégal de drogue. Le trafic illégal de drogue a été établi comme crime
dans la majorité de systèmes juridiques nationaux et fait partie du droit international
d’après une série des traités internationaux et bilatéraux.
L’approche économique caractérise le phénomène comme n’importe quel autre marché
international illégal, mettant en exergue le fait qu’une offre est destinée à satisfaire une
demande ou une consommation. Le trafic illégal de drogues n’est que le commerce que
réalisent des enterprises internationales qui cherchent à maximiser leurs bénéfices en
dehors du cadre des réglementations nationales et internationales.
D’un point de vue éthique, des valeurs de la société et de l’État sont en question : entre
autres, la sécurité ou la santé, pas seulement des individus mais des collectivités (des
nationaux, des jeunes ou des consommateurs). Certains auteurs ont aussi signalé des
considérations humanitaires ou de respect des droits de l’homme des populations
criminalisées pour trafic de drogue (des agriculteurs, des consommateurs).
Des problématiques politiques peuvent aussi être relevées. Entre autres, les relations
entre les pays du sud et du nord, les challenges en politique économique et
environnementale des pays producteurs, les rapports entre le trafic de drogue, la
corruption, le terrorisme, ou le trafic d’armes, de même que les interventions étrangères
de certains pays dans le cadre de la lutte contre les drogues.
Enfin, une approche sociale s’attèlerait à décrire une diversité d’unités, acteurs et
activités : usagers, dealers de la rue, gangs, intermédiaires, organisations à différents
niveaux : local, national et international (FRIESENDORF : 2005).
20
1.2.2. Les savoirs économico-descriptifs sur le trafic international de cocaïne et le
Pérou
L’approche économico-descriptive caractérise les savoirs sur le trafic illégal de cocaïne
qui prédominent au niveau mondial. Le phénomène est divisé en deux étapes : l’offre
(supply) et la consommation (consumption). L’offre comprend l’enlèvement de la plante
et la manufacture du produit et se concentre dans trois pays de l’Amérique du sud: la
Colombie, le Pérou et la Bolivie (WDR : 2009, SCHAMALLEGER : 1996). Le
graphique suivant montre le pourcentage de participation de ces pays dans l’offre
mondiale de cocaïne pour l’année 2008.
Tableau 1 : Offre mondiale de cocaïne1
L’autre versant du phénomène est la consommation de cocaïne. La production se dirige
principalement vers les pays de l’Amérique du Nord, les pays européens mais aussi vers
les pays de l’Amérique latine. (WDR : 2008) Le panorama du commerce international et
illégal de la cocaïne a été construit grâce au travail de coopération entre les agences
internationales et les institutions nationales chargées du contrôle du problème. Par
exemple l’établissement des routes de la cocaïne (Voir Tableau 2) a été fait sur base des
informations sur les quantités de cocaïne saisies que fournissent les institutions
policières et d’autres agences internationales (UN-ODC : 2008).
Au Pérou, cette collaboration produit régulièrement de l’information sur la culture, la
production, l’évolution des prix, la consommation, l’offre de soins et la répression des
drogues. Particulièrement le domaine de la répression inclut des indicateurs de l’activité
des institutions en charge: éradication de cultures, quantité de drogue ou des
Colombie 55%
Pérou 30%
Bolivie 15%
21
composants saisis, destruction des laboratoires, nombre de détenus, etc. (ONUDD-
PERU : 2007). Le tableau 3 présente les routes de la cocaïne vers l’extérieur.
Tableau 2 : Cocaïne saisie et routes mondiales de la cocaïne en 20082
Tableau 3 : Les routes de la cocaïne au Pérou3
1 Source : World Drug Report – 2008 (UN-ODC:2008) 2 Source: World Drug Report-2008 (UN-ODC:2008)
22
En plus, du fait que les institutions internationales tels que le Bureau of Justice Statistics
du gouvernement des États-Unis et la Commission Européenne considèrent les
différents liens entre la drogue et le crime, souvent la communauté internationale
dispose des indicateurs tels que le nombre d’enquêtes pour blanchiment d’argent, délits
de corruption, traite de blanches, délinquance juvénile et le taux général de criminalité
du pays (ONUDD-PERU : 2007, SHMALLEGER : 1996, COMMISSION
EUROPÉENNE : 2008)
1.2.3. Difficultés de l’étude du trafic illicite de cocaïne au Pérou
Parallèlement à l’effort de certains criminologues pour approcher le trafic de drogues
différemment, les particularités du terrain ont imposé aux spécialistes de la recherche
quantitative une certaine réflexivité sur les méthodes employées. Entre autres nous
pouvons souligner les points suivants.
Les premiers essais de mesure des cultures, menés par les États-Unis dans les années
80, avaient signalé des divergences entre l’emploi des méthodes de survol aérien et
l’emploi d’enquêtes terrestres. Jusqu’à présent les techniques de mesure par survol
aérien sont méticuleusement exposées et améliorées par les programmes de monitoring
aujourd’hui financés par l’ONU (LIBRARY OF CONGRESS: 1992, ONUDD &
DEVIDA : 2008).
Les experts péruviens signalent que les quantités récoltées de coca4 ne dépendent pas
seulement de l’aire mesurée, mais de la saison, des fléaux, du sol, de l’irrigation, des
pluies et des produits chimiques employés. Par conséquent, les estimations de la
production nette de la surface cultivée peuvent être très variables. Pour la période 2000 -
2005 l’ONU rapportait une croissance de 4% du total de feuilles récoltées tandis que le
Crime Narcotics Center estimait une augmentation de 18% (CEDRO : 2008).
De la même manière, dans la phase de production de la cocaïne, une image définitive
est loin d’être atteinte. L’élaboration d’une drogue à partir de la coca n’est pas du tout
un processus standardisé. Entre autres facteurs qui interviennent nous pouvons citer la
3 Source: ONUDD-PERU, Informe drogas y delito en el Perú, 2007 4 Ici quand nous parlons de coca nous nous référons á la plante d’où est extraite la cocaïne.
23
disparité de la concentration d’alcaloïde propre à chaque culture, la diversité des
méthodes de manufacture, les quantités et qualités variables des composants utilisés et
finalement les différents produits, sous-produits, ou adultérations possibles (la pâte de
coca, la cocaïne base, la cocaïne HCL en différents degrés de concentration) (CEDRO:
2008). C’est pourquoi, en 2007 l’ONU a recalculé ses estimations de production
potentielle de cocaïne au Pérou, et des révisions similaires se sont opérées les dernières
années pour d’autres pays de la région (UN-OCD, 2008).
Un autre challenge méthodologique pour la communauté mondiale, est la distinction
entre commerce illégal et légal de la coca. La distinction n’est pas claire non plus pour
un grand nombre des marchés qui se développent dans le pays (DE SOTO : 1990). Au
Pérou, au moins trois régimes de commercialisation de la cocaïne se confondent.
Premièrement, il y a des agriculteurs enregistrés dans l’année 1978 pour enlever
licitement les plantes de coca, mais ces agriculteurs enregistrés ne sont pas tous actifs
dans la vente de coca à l’entreprise nationale (ENACO) qui contrôle le commerce légal
de la matière. Deuxièmement, il existe un grand nombre d’agriculteurs informels qui
peuvent destiner leur production aux fournisseurs du crime organisé, mais aussi à
l’autoconsommation et aux collecteurs informels qui finalement rejoignent le marché
licite dans les centres de distribution enregistrés et non enregistrés.
Mais encore, même les agriculteurs enregistrés préfèrent ces collecteurs informels du
fait qu’ils paient plus que l’État, malgré le fait que certains parmi ces collecteurs vont
renvoyer les feuilles vers le crime organisé. Finalement, l’estimé de 200 tonnes5 (t) de
coca destinées à l’industrie (dont seulement 50 t à l’industrie pharmaceutique) et
l’estimé de 8,787 t destinées à l’usage traditionnel excèdent les 10 t estimées comme
licitement produits dans le pays et laissent encore 100,936 t de coca au trafic illégal de
cocaïne. (FONAFE : 2005, ESTELA BENAVIDES : 2009)
En revanche, le nombre très réduit d’auteurs qui ont mené des efforts de compréhension
du phénomène souvent glissent des positions politiques dans les reconstructions
historiques ou politiques du contexte. La complexité sociopolitique du phénomène
relève des enjeux délicats tels que l’exigence de la coopération internationale d’encadrer
5 Unité de masse qui vaut mille kilogrammes.
24
économiquement le problème et de se focaliser sur le blanchiment d’argent et la
criminalité organisée, les rapports bilatéraux entre les États-Unis et le Pérou qui mettent
mal à l’aise certains membres des derniers gouvernements, le conflit entre l’État
péruvien et les groupes terroristes des années 80, le rôle de la presse dans les régimes
antidémocratiques, la désorganisation de la coopération internationale, les réseaux de
corruption qui opèrent à tous les niveaux, etc. (PRADO : 2006, COTLER : 1999, MC
GREGOR, 1998, ORDINOLA & AL : 2004)
Tableau 4 : Marché de la coca au Pérou6
1.3. Méthodologie du travail
Nous partageons les difficultés du dernier groupe de chercheurs qui reconnaissent le
rôle des gouvernements péruviens, des institutions et agences internationales, dans la
construction du crime à travers la création de normes, stratégies, informations et autres
activités. D’autre part nous nous intéressons aux appartenances collectives des acteurs
du terrain qui vont au-delà de leur inscription institutionnelle. C’est avec eux que nous
cherchons une plate-forme commune d’action, pas seulement sur le plan national mais
mondial.
Dans le souci d’apporter à la démarche compréhensive, réflexive, et engagée dans la
construction d’une culture de paix, nous avons réalisé un travail basé sur l’application
6 Source : M. Estela Benavides, Un enfoque de Mercado : Radiografía del narcotráfico en el Perú, 2008
Licit Peasants (Registered Actives) 10 TM
Illicit Peasants (Some inactive registered) 99, 510T
National Enterprise 3,674 TM
$1,5/Kg
Self- consumption 93 TM
$0,45 COST
Informal Collector 5,500 TM
Illegal Drug trade middle-mens
$1,6
$2,9
Coca leaves destined to Int. Drug Traffic 100,936 TM Cost 292, 719 $
Distribution Formal/ Informal 5,500TM
$2
$3
Traditional consumption 8, 787 TM
Industry Pharmaceutical 50TM Coca cola 150 TM
$6,3
25
d’une méthodologie constructiviste à un élément singulier du trafic de drogue au Pérou.
Les étrangers détenus pour trafic de drogues au Pérou formeront cette image de
criminalité sur laquelle nous allons poser notre regard constructiviste.
Nous pouvons soulever trois choix méthodologiques pour l’ensemble du travail.
Premièrement, notre démarche est essentiellement inductive et qualitative, mais elle
incorpore aussi des outils quantitatifs, notamment les images statistiques de la
criminalité liée aux drogues que produisent la Police Nationale Péruvienne et l’Institut
National Pénitentiaire.
Deuxièmement, il faut préciser que nous visons deux types de progression temporelle.
a) Un processus historique qui sera saisi à travers l’étude du matériel bibliographique et
b) une dynamique actuelle d’interactions entre acteurs repérable grâce à l’analyse de
leurs discours (voir annexe 1). Nous avons voulu construire une dimension historique,
la plus vaste possible, en tant qu’elle relevait les phénomènes globaux (notamment
politiques et institutionnelles) dans lesquels la dynamique actuelle prend du sens.
Cependant, les deux lignes participent à la construction de l’hypothèse qui explique
cette population d’étrangers pour trafic de drogues au Pérou.
Nous proposons comme point de départ une chronologie des législations sur le trafic de
drogues au Pérou. Nous avons considéré ce travail comme nécessaire pour visualiser le
développement du contexte politique, tout à fait sui generis, à l’égard de la matière.
Notre intérêt pour l’histoire répond sans doute à la progression linéaire que nous visons
dans ce travail, mais aussi à notre engagement au processus de reconstruction nationale
d’un pays qui a subi un conflit entre l’État et des groupes terroristes entre les années
1980 et 2000. Quant au travail sur les lois, il est fondé sur les consignes de la
criminologie qui distinguent la criminalisation primaire ou la création de la loi, de la
criminalisation secondaire, c’est à dire la mise en œuvre de la loi par les institutions et
acteurs chargés de la répression.
26
CHAPITRE II : Repères historico-législatifs
Une approche constructivo-compréhensive a des multiples enjeux à considérer. La
création des lois et des institutions, le contexte politique et les relations internationales
sont des phénomènes qui agissent dans l’arrière plan de toute construction d’une
criminalité liée au trafic de drogue. En suivant la distinction entre criminalisation
primaire et secondaire dont on a déjà parlé, nous proposons comme source de repères de
notre travail, une révision historique de la base juridique á partir de laquelle les
institutions et les acteurs qu’on va étudier interviennent.
Notre révision historique sur les législations à l’égard du trafic de drogue sera divisée en
trois étapes et onze mouvements. La plupart de ces mouvements d’incrimination se
concentrent entre les années 1990 et 2000. Comme on verra cette période de
prolifération normative à l’égard du trafic de drogue coïncide avec une décennie critique
pour la politique péruvienne. Nous nous sommes servie de différents ouvrages
(CEDRO : 1993, PRADO: 2006, ESTELA BENAVIDES: 2008) ainsi que de sites
internet officiels (ADLP- CONGRESO DEL PERÚ : 2009, UNODC : 2009) pour
construire une chronologie législative et repérer ces tendances (voir l’annexe 3).
2.1. Avant le conflit
Une première série d’incriminations en matière de drogues correspond á la période qui
va du début du XXe siècle jusqu’au début des années 80, moment du déclenchement du
conflit entre l’État péruvien et les groupes terroristes. Cette période commence avec la
législation administrative du commerce de stupéfiants et se dirige graduellement vers
les mesures répressives à l’égard du narcotrafic, jusqu'à arriver aux législations
d’urgence de 1978.
La législation sur la commercialisation des médicaments et de l’opium de 1920 est
la première forme que prend la criminalisation du trafic de drogue au Pérou. Elle
privilégie la voie administrative à la voie pénale et se réfère plutôt à l’opium comme
drogue selon l’influence des législations internationales de l’époque. Le lieu signalé
pour la mise en ouvre de ces lois était déjà le point douanier international du Callao.
27
Le stade suivant est marqué par la nationalisation de la production de cocaïne et la
criminalisation des activités du trafic de cocaïne en 1946. C’est la première véritable
criminalisation du trafic de drogue parce qu’elle incorpore des dispositifs pénaux,
pénitentiaires et procéduraux qui répondent à une définition du trafic illicite de drogues
comme grave problème national. À travers cette législation les cultures de coca et le
trafic de cocaïne ont été nationalisés, c’est à dire déclarés patrimoine national et objets
de contrôle de l’État. Mais cette batterie des mesures témoigne que la loi est venue après
les faits et que le manque de contrôle et l’informalité régnaient dans le domaine.
La législation sanitaire - sociale qui distingue le trafic de la consommation des
drogues en 1969, suit la tendance du précédent mais établit des dispositifs non pénaux
pour les cas de consommation tels que le traitement pour des toxicomanes, la dérogation
de la peine pour consommation, les mesures de protection pour les mineurs et la
prévention éducative. En même temps ce groupe de lois commence à focaliser la
répression la plus sévère sur les organisations et les bandes.
A la fin de la période, entre 1978et 1982, pendant la fin du régime militaire de Velasco
Alvarado et le retour de la démocratie, la législation s’est adressée à la répression des
formes organisées du narcotrafic, s’est débattue entre la pénalisation et la régulation
des cultures de coca et a déclaré l’état d’urgence dans les lieux de production.
L’inefficacité du contrôle de l’État dans le domaine atteint des niveaux extrêmes.
C’était le début de la démocratie mais aussi d’un période d’hyperinflation économique
et d’une perte de contrôle de l’État sur les territoires ruraux du pays (DEGREGORI :
1996).
2.2. Pendant la crise et le conflit
A partir de 1982 les gouvernements démocratiques et le nouveau parlement se sont
concentrés sur l’élaboration de la législation procédurale, organisationnelle et
pénitentiaire et la prolifération d’accords internationaux en la matière. L’appareil
répressif devait faire face à une énorme quantité d’affaires de trafic de drogues et de
terrorisme (INEI : 1991) en même temps qu’à l’intérieur du pays augmentait
l’incapacité de l’État à se rendre présent et à contrôler les groupes terroristes.
28
Pendant le régime de Fujimori (1990-2000), une série de lois en matière de trafic de
drogues ont été créées. Pas vraiment par le parlement, dissous avec le coup d’État de
1992 mais plutôt par l’exécutif qui a augmenté ses pouvoirs. En même temps la
politique économique se tournera vers le néolibéralisme et le contrôle militaire
s’accentuera à l’intérieur du pays (DEGREGORI : 1996).
Entre les années 90 et 92, la stratégie de développement alternatif et la répression
conjointe du terrorisme et du narcotrafic par les forces armées et la police
caractérisent la législation. De nouveaux codes et institutions ont été établis, entre
autres la Direction Nationale antidrogue (DIRANDRO), l’Organisme interinstitutionnel
de développement alternatif (ADA), le code pénal, le code de procédures pénales et le
code d’exécution de peines. Cependant, toutes ces normes ne survivront pas au coup
d’État.
Après 1992, l’implémentation de l’ADA et du code de procédure pénale qui
transformait le modèle inquisitoire dans un modèle démocratique sera suspendue. Le
législateur complétera des conduites que le code pénal avait décriminalisées
(blanchiment d’argent, commercialisation de chimiques, drogues synthétiques, etc.) En
effet, en 1992 le législateur déclare la lutte armée contre le trafic international de
drogue (TID) et procède à la diversification des hypothèses de commission du délit
et au renforcement de peines sévères et de l’absence de bénéfices7 pour les
justiciables pour délits de drogues.
Ensuite, la criminalisation incorpore un langage et un encadrement du problème en
concordance avec les organismes internationaux. Le dévouement à la tâche est signé par
un État qui a surmonté la menace terroriste. Ce mouvement se caractérise par la
planification et systématisation de la réponse au niveau national et la possibilité
d’accès aux bénéfices pénitentiaires et procéduraux8 qui assouplissent la sévérité des
normes en la matière. Une première esquisse de peines établies selon la quantité de
drogue saisie apparait.
7 Les bénéfices pénitentiaires regroupent dans la législation péruvienne les mesures de liberté conditionnelle, semi-liberté, permissions de sortie, réduction de peine pour études, etc.
29
Les dernières années du gouvernement de Fujimori, marquées par des scandales de
corruption, violations de droits de l’homme et l’épuisement du modèle économique
néolibéral, ont été accompagnées par l’implémentation de mécanismes d’investigation
et des bénéfices procéduraux pour les collaborateurs, qui visaient à focaliser l’activité
répressive sur la criminalité organisée.
2.3. Le challenge démocratique
La construction de la paix, la démocratie, la reforme de l’État et la lutte contre la
pauvreté on été les principaux buts signalés par la concertation nationale, le
gouvernement de transition et la Commission Vérité et Réconciliation qui ont suivi le
gouvernement de Fujimori. L’accord de concertation nationale a d’ailleurs reconnu le
problème du trafic de drogue comme un des plus graves de la société péruvienne.
Cette dernière étape commence avec un clivage d’incriminations graves/légères selon
les quantités saisies et se poursuit par l’implémentation d’unités spécialisées et
incriminations qui opérationnalisent la législation de l’ONU sur la criminalité
organisée. Nous pouvons remarquer aussi un retour aux efforts menés en 1978 pour
améliorer l’enregistrement des agriculteurs et des cultures de coca.
Les dernières années reflètent la tendance législative d’une stratégie multi
dimensionnelle, de développement et de paix qui ne tranche pas le débat entre la
pénalisation et la légalisation des cultures de coca et se focalise dans la répression
des délits financiers liés au TID. Il s’agit d’une gestion politique plutôt que militaire
dans laquelle la création de la commission multisectorielle Contradrogas (appelée après
DEVIDA), institution chargée de la coordination entre les différents organismes et de
propulser la prévention dans le domaine, est remarquable. Toutefois, la législation garde
la vision plutôt économico-descriptive que les organismes internationaux ont du
problème (PRADO: 2006). Par ailleurs, le code de procédure de 1991 qui dépassait le
modèle inquisitoire est propulsé, mais les problèmes des paysans qui cultivent la coca
ne trouvent pas de solution législative.
8 Par bénéfices procéduraux nous comprenons les mesures de réduction de peine par l’aveu, la suspension de peine pour collaboration efficace, etc.
30
CHAPITRE III : Images d’une « criminalité » : Évolution et
caractéristiques des étrangers incarcérés pour trafic de drogue au
Pérou
Dans ce chapitre nous allons présenter les statistiques de la population pénitentiaire
nationale du Pérou qui témoignent d’une criminalité liée au trafic de drogues et à
l’origine étrangère. Premièrement nous allons découvrir l’évolution et les
caractéristiques plus importantes de la population pénitentiaire péruvienne. Ensuite nous
allons présenter deux segments qui évoluent au rythme des chiffres généraux : la
population incarcérée pour trafic de drogues et la population étrangère incarcérée pour
ce délit. Finalement, nous allons reprendre les recherches qui se sont penchées sur ce
segment d’étrangers détenus pour trafic de drogue. Elles vont les ranger dans une des
modalités du délit de drogue : le passeur international de drogue, et établir une série de
caractéristiques de ces personnes et du délit.
3.1. L’évolution de la population pénitentiaire au Pérou
L’institution chargée de l’administration des prisons péruviennes est l’Institut National
Pénitentiaire (INPE), sous-organe du Ministère de la Justice et localisé dans le centre de
la capitale. Le département de Lima, dans lequel se trouve la capitale du même nom, est
pourvu de 7 établissements pénitentiaires. La Direction Régionale de Lima, l’une des
huit divisions régionales dont est constitué l’INPE, est composée des départements de
Lima, Ancash et Ica et de la province du Callao, chacun de ces derniers possédant un
seul établissement pénitentiaire (EP). La Direction Régionale de Lima concentre
environ 50% de toute la population pénitentiaire du pays, et particulièrement les EP du
département du Lima hébergent la majorité de cette population (INPE : 2008). Le
tableau suivant présente l’évolution de la population carcérale au Pérou pendant les
dernières décennies et montre le poids proportionnellement constant des EP du
département de Lima dans le panorama pénitentiaire national.
Les derniers rapports statistiques de l’INPE remarquent l’évolution exponentielle de la
population pénitentiaire en même temps qu’ils décrivent la situation actuelle comme la
crise du système pénitentiaire péruvien, qui cumule entre autres problèmes, la
31
surpopulation et la présence démesurée de personnes en détention préventive. La
présence d’une majorité des personnes en détention préventive s’avère une
caractéristique structurelle du système (voir tableau 6), tandis que la surpopulation
aggrave l’entassement parce que les ressources et l’infrastructure n’ont pas augmenté au
rythme de la population.
Tableau 5 : Évolution de la population pénitentiaire au Pérou et à Lima 1974 -20079
Tableau 6 : Population pénitentiaire nationale selon la situation juridique 1975-200810
0%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
70%
80%
90%
100%
1975 1982 1987 1991 1999 2008
PREVENTIVE
CONDAMNÉS
En janvier 2008, la capacité d’hébergement des E.P. se limitait á 23.462 places pour une
population totale de 41.745 détenus. Les 18.455 personnes restantes, c’est à dire 78% de
9 Sources: INEI – 1992, Estadísticas de criminalidad 1962-1991; INEI -1999, Estadísticas de violencia y seguridad pública 1998-99; INEI- 2006, Estadísticas 2006 et INPE-2008, Informe Estadístico de Enero 2008. 10 Sources: INEI – 1992, Estadísticas de criminalidad 1962-1991; INEI -1999, Estadísticas de violencia y seguridad pública 1998-99; INEI- 2006, Estadísticas 2006 et INPE-2008, Informe Estadístico de Enero 2008.
0
5,000
10,000
15,000
20,000
25,000
30,000
35,000
40,000
45,000
1974 1977 1980198319861989 1992 1995199820012004 2007
POPULATION TOTALE
DEPARTEMENT LIMA (SANS LE CALLAO)
32
surpopulation, sont hébergées dans des conditions alarmantes : aménagement des salles
de bain comme chambres, utilisation des couloirs et des matelas sur le sol, etc. qui ne
garantissent ni la dignité des reclus ni la sécurité pénitentiaire. (INPE : 2008,
DEFENSORIA DEL PUEBLO : 2007)
3.2. L’évolution du trafic de drogue parmi les délits les plus représentés
Pour l’administration pénitentiaire le trafic de drogue est un délit spécifique qui
appartient au groupe des délits contre la sécurité publique. Mais avant les années 90 les
statistiques le considéraient, à l’instar du délit de terrorisme, comme un délit spécial qui
n’entrait pas dans les catégories traditionnelles : délits contre la vie, la santé et
l’intégrité ; délits contre le patrimoine et délits contre la liberté. Toutefois, déjà pendant
les années 80 la prévalence du trafic de drogue était alarmante. Elle avait atteint 28% de
la population pénitentiaire nationale dans le recensement de 1987 et notamment 22%,
49 % et 32% dans les départements de Chiclayo, Pucallpa et Huànuco respectivement.
(INPE-INEI : 1987, INEI : 1992)
Tableau 7 : Population pénitentiaire nationale selon la catégorie de délits 1990-200811
11 1/ En 1990 appelé délit « contre les mœurs », 2/ En 1990 il comprend seulement le trafic de drogue , les autres années la possession d’armes est aussi considéré dans cette catégorie. 3/ Le délit du terrorisme est après reparti entre les catégories « tranquillité publique » et « contre l’État et défense publique ». Sources: INEI – 1992, Estadísticas de criminalidad 1962-1991; INEI -1999, Estadísticas de violencia y seguridad pública 1998-99; INEI- 2006, Estadísticas 2006 et INPE-2008, Informe Estadístico Enero 2008.
0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90% 100%
1990 1995 2000 2005 2008
Autres et non specifiés
Liberté 1/ Securité publique (TID) 2 / /
Tranquilité publique
Terrorisme 3/
Vie , santé et intégritéPatrimoine
33
Plus tard, le délit du trafic de drogue sera inclus dans la catégorie des délits contre la
sécurité avec le délit de possession illégale d’armes, beaucoup moins représenté. Le
nombre de détenus pour trafic de drogue n’a pas cessé d’augmenter parallèlement à
l’augmentation nationale de la population, de manière que son degré de participation
dans le chiffre total demeure intact. En janvier 2008, 10.568 personnes incarcérées ont
été accusées d’avoir commis ce délit, plus du double des 4.377 signalées par les
statistiques de 1990 (INPE : 2008, INEI : 1992). Le tableau nº 8 montre mois par mois
ce développement progressif.
Tableau 8 : Population pénitentiaire nationale pour trafic de drogue en 1998, 2000 et 200512
3.3. La population pénitentiaire d’origine étrangère liée au trafic de drogue
Outre la situation juridique, la population pénitentiaire péruvienne est souvent
caractérisée par une série de traits sociodémographiques : âge, occupation, degré de
scolarisation, sexe, etc. L’origine a été considérée dans le recensement pénitentiaire de
1987 qui a signalé que les détenus provenaient dans leur majorité de la ville de Lima, et
a constaté que seuelement 1 % de la population pénitentiaire provenait de l’étranger.
(INPE-INEI: 1987)
Tableau 9 : Provenance de la population pénitentiaire en 198713
12 Source: Establecimientos Penitenciarios, Oficinas Regionales. Élaboration: INPE/OPP. Unidad de estadísticas 13 Source: INPE-INEI 1987, Censo nacional penitenciario el 7 de abril de 1986
Janv. Fevr. Mars Avril Mai Juin Juillet Août Sept. Octob. Nov. Déc. 1998 5,871 5,885 5,981 6,341 6,094 6,044 6,152 6,268 6,311 6,273 6,213 6,253 2000 6,537 6,572 6,125 6,654 6,637 6,754 6,802 6,770 6,794 6,799 6,671 6,740 2005 7,204 7,374 7,509 7,724 7,772 7,828 7,853 7,890 7,905 7,923 7,980 7,996
LimaLa LibertadCuzcoHuànucoJunín Autres 19 départementsÉtranger
34
Les auteurs signalaient qu’il était toujours possible de déterminer le pays de provenance
des étrangers, même s’ils n’avaient pas de documents, grâce aux ambassades et
consulats. Bien qu’il s’agisse de détenus étrangers, ils font partie de la population
pénitentiaire nationale. Un total de 24 nationalités a été relevé dont l’italienne et la
colombienne sont les plus récurrentes. (INPE-INEI: 1987).
Tableau 10 : Population pénitentiaire d'origine étrangère en 198714
Par ailleurs, l’étude fournit deux tableaux comparatifs. Le premier attire l’attention sur
la prédominance de l’éducation primaire et secondaire dans la population pénitentiaire
d’origine péruvienne et la prédominance de l’éducation supérieure universitaire et
supérieure dans la population d’origine étrangère.
Tableau 11: Incidence des délits selon la nationalité en 198715
14 Source: INPE-INEI 1987, Censo nacional penitenciario el 7 de abril de 1986 15 Source: INPE-INEI 1987, Censo nacional penitenciario el 7 de abril de 1986
En plus, une autre comparaison établit que l’incidence du trafic de drogues est moins
importante chez les nationaux que chez les étrangers. Seulement 28 % des nationaux
ItalieColombie
CanadaChiliEquateurAutres 19 pays
Étranger
Patrimoine
Vie, corps et santé
Bonnes Moeurs
Autres (Trafic de drogues, terrorisme)
Péruvien
Patrimoine
Vie, corps et santé
Bonnes Moeurs
Autres (Trafic de drogues, terriorisme)
35
sont incarcérés pour ce motif (pourcentage qui fait partie du 35% de la catégorie autres
délits qu’on montre dans le tableau 11), tandis que presque la totalité de ce 88% d’autres
délits qui amènent les étrangers aux prisons péruviennes est constituée par le trafic
illégal de drogue. De cette manière, déjà à cette époque, de même que la population
pénitentiaire de femmes, la population d’étrangers pouvait être identifiée au délit du
trafic de drogue (INEI-INPE : 1987).
Bien que l’INPE n’ait pas cessé de produire régulièrement de l’information quantitative
sur la population pénitentiaire, l’élaboration des statistiques détaillées sur la population
d’origine étrangère est assez récente. Comme on peut voir dans le tableau 12 la
population d’origine étrangère augmente plus rapidement que la population totale.
Tableau 12 : Population pénitentiaire de nationalité étrangère selon la direction régionale, les EP du département de Lima, la situation juridique et le sexe 2002-200816.
Année17 Janv.2002 Mai 2003 Juill. 2004 Janv.2008
% du total de la population pénitentiaire 1,9% 2% 2,3% 2,5%
Total 502 630 720 1051
Diréctions Régionales Autres Diréctions Reg. 78 94 123
Diréction Reg. Lima 552 626 928
EP de Dir. Reg. Lima EP Callao 248 269 411
EP Chorrillos 144 138 210
EP Cañete 1 20 117
EP Lurigancho 110 113 111
EP Huaraz 8 26
EP Castro Castro 27 31
EP Ancon
Situation Juridique Dét. Preventive 85% 81% 77% 85%
Condamnés 15% 19% 23% 15%
Sexe Femmes 23% 24% 22% 22%
Hommes 77% 76% 78% 78%
16 Sources: INPE, Informes Estadísticos Enero 2002; Mayo 2003; Junio 2004 et Enero 2008. 17 Nous avons choisi ces rapports car plus accessibles pendant notre recueil d’information et après avoir constaté que, malgré les variations mensuelles, l’augmentation était progressive.
36
Comme on peut voir dans le tableau 12, les rapports mensuels n’indiquent pas de
différences majeures entre la population étrangère et la population d’origine nationale
sauf une légère prédominance de la détention préventive et du sexe féminin. En même
temps il montre qu’une bonne partie de cette population se trouve dans la Direction
Régionale Lima, notamment dans l’E. P. d’hommes du Callao et de femmes de
Chorrillos18.
Tableau 13: Population Pénitentiaire selon la nationalité en 2008 19
Tableau 14 : Sexe et situation juridique de la population pénitentiaire totale et de la population d’origine étrangère en 200820
Les rapports indiquent mensuellement les différentes nationalités des étrangers
incarcérés. D’une variété de 24 nationalités signalées dans le recensement de 1987, on
18 Les rapports on été choisis selon les disponibilités du terrain après avoir constaté en analysant tous les rapports de l’année 2002 et 2008 qu’il n’y a pas de écarts entre les variations mensuelles et elles montrent que les augmentations sont constantes. 19 Source : INPE, Informe Estadístico Enero 2008 20 Source: INPE, Informe Estadístico Enero 2008.
1,051, 3%
40694, 97%
Étrangers
Péruviens
0% 10%20%30%40%50%60%70%80%90%
100%
Étrangers Population totale
Femmes Hommes
0% 10%
20%
30%
40%
50%
60%
70%
80%
90%
100%
Étrangers Population totale
Preventive Condamnés
37
est passé en 2008 à une septantaine de nationalités issues des différentes régions du
monde.
En Amérique, la citoyenneté la plus récurrente est la colombienne, mais d’autres, telles
que la brésilienne, la bolivienne, l’américaine, la chilienne, l’équatorienne, et la
mexicaine sont bien représentées. Les pays le plus signalés sont la Chine, Israël et la
Malaisie pour l’Asie, tandis que pour l’Europe ce sont l’Espagne, les Pays-Bas et
l’Italie. Finalement, l’Afrique du Sud et la Guinée sont les pays africains le plus souvent
mentionnés.
Tableau 15 : Population pénitentiaire de nationalité étrangère par continent 2002-200821
Tableau 16 : Population pénitentiaire de nationalité étrangère par continent en Janvier 2002, Mai 2003, Juillet 2004 et Janvier 200822
0%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
70%
80%
90%
100%
Janvier 2002 Mai 2003 Juillet 2004 Janv 2008
Océanie
Amérique
Europe
Asie
Afrique
21 Source: INPE, Informes Estadísticos, Enero 2002, Mayo, 2003, Julio 2004 y Enero 2008. 22 Source: INPE, Informes Estadísticos, Enero 2002, Mayo, 2003, Julio 2004 y Enero 2008.
Janv. 2002 Mai 2003 Juillet 2004 Janv 2008
Afrique 56 56 66 74
Asie 33 35 40 51
Europe 169 221 247 396
Amérique 242 318 367 529
Océanie 2 0 0 1
Total 502 630 720 1051
Nombre de pays 62 58 60 78
38
Les rapports de l’INPE n’offrent pas une analyse ou une interprétation significative de
leurs statistiques, mais la Commission épiscopale d’action sociale (CEAS) dans son
diagnostic national pénitentiaire 2005 constate la situation de la population étrangère, la
majorité provenant de l’Espagne, la Colombie, la Bolivie et l’Afrique du sud, et recluse
dans les prisons du Callao et de Chorrillos. Elle exprime sa préoccupation pour ce
segment de la population qui va en augmentation et qui requiert une politique
pénitentiaire différenciée (CEAS, 2005).
Comme on l’a vu, les rapports mensuels officiels ne précisent pas l’incidence du délit
du trafic de drogue dans la population étrangère. Mais la relation est manifeste pour les
intervenants du milieu pénitentiaire. La rencontre bolivarienne23 d’intervenants
catholiques distingue au sein de la population incarcérée dans les prisons péruviennes
pour délit de trafic de drogue deux segments importants : les nationaux et les étrangers
(CEAS, 2004).
Tableau 17 : Segments de la population pénitentiaire pour trafic de drogue (TID) en
200424 Nº %
Population Pénitentiaire Totale 30398 100 Population Pénitentiaire – TID 6765 22.3
Nationaux 6128 20.2 Étrangers 637 2.1
Tableau 18 : Population pénitentiaire totale, population pour trafic de drogue et population d’étrangers pour TID en 200425
23 Equateur, Colombie, Bolivie et Pérou. 24 Source : INPE, Informe Estadístico Marzo 2004; Élaboration : CEAS, 2004 25 Source : INPE, Informe Estadístico Marzo 2004; Élaboration : CEAS, 2004
0
20
40
60
80
100
Population PénitentiaireTotale
PopulationPénitentiaire TID
Nationaux TID
Etrangers TID
% du total De la Population Pénitentiaire
39
Les auteurs ajoutent que la prison n’est que « le fidèle reflet de la situation critique de
la problématique de drogues au Pérou » parce qu’elle concentre une population
pénitentiaire de consommateurs, souvent avec des problèmes graves d’assuétude, dont
la situation s’aggrave en compagnie de détenus pour délits de trafic de drogue,
production et micro-commercialisation qui subissent généralement de longues peines.
Ces derniers participent à l’offre de la drogue dans les prisons et aux dynamiques de
corruption et de violence qui impliquent même des surveillants et des autorités (CEAS,
2004).
Enfin, nous avons demandé à l’INPE de nous fournir l’information croisée entre le délit
du trafic de drogue et la nationalité des détenus. Le résultat figure dans le tableau 19 qui
trace l’augmentation constante de cette criminalité allochtone constituée presque dans sa
totalité par les infractions aux lois sur le trafic illégal de drogues. Cette information
n’est pas disponible dans les statistiques de l’INPE avant l’année 2000.
Tableau 19 : Population pénitentiaire de nationalité étrangère pour trafic illégal de drogue en 2003 et 200526
2003 2005
Janvier 587 644
Février 592 620
Mars 605 667
Avril 628 673
Mai 630 672
Juin 643 659
Juillet 652 665
Août 674 670
Septembre 659 680
Octobre 666 669
Novembre 671 686
Décembre 678 700
26 Source: Etablissements pénitentiaires, Bureaux Régionaux. Élaboration INPE/OPP Unité de statistique.
40
3.4. Les étrangers dans la population des passeurs de drogue des établissements
pénitentiaires de Callao et Chorrillos
Les statistiques pénitentiaires montraient que la population pénitentiaire d’origine
étrangère se concentrait dans deux établissements pénitentiaires : l’E.P d’hommes du
Callao et l’E.P. de femmes de Chorrillos. D’ailleurs, on a précisé que bien que les
statistiques ne se focalisent pas sur le fait que presque la totalité des étrangers sont
incarcérés pour trafic de drogues, les intervenants du terrain souvent les situent, pas
seulement dans la catégorie d’infracteurs pour délit de trafic de drogue, mais dans la
modalité de passeurs de drogues. Les passeurs des drogues sont la plupart du temps
appelés argotiquement « burriers», le mot mélange courrier et burro, âne en espagnol et
est employé depuis le début du phénomène par les intervenants des prisons, les
policiers, la presse et le public en général.
Sur la base d’enquêtes non représentatives de la population totale27, certains auteurs ont
divisé la population pénitentiaire incarcérée pour trafic de drogue en deux segments et
quatre modalités : i) Un segment de criminalité organisée d’ampleur internationale et
nationale et ii) un segment de criminalité locale de micro-commerçants à retrouver dans
les prisons de Lima et qui est constitué des a) paqueteros ou commerçants de rue, qui
sont arrêtés dans leurs maisons ou dans la rue, b) les récepteurs – distributeurs, une sorte
de grossistes qui entre autres peuvent soutenir économiquement la famille des
commerçants de rue pendant qu’ils sont en prison, c) les passeurs nationaux, arrêtés sur
les routes qui vont des lieux de production vers la capitale et d) les passeurs
internationaux, arrêtés dans l’aéroport international Jorge Chavez. (ROMERO & Al.
2000)
En 2005, une enquête s’est intéressée à cette dernière sous-catégorie de criminalité des
passeurs internationaux, qui se distingue des autres parce qu’elle inclut des proportions
similaires de citoyens nationaux et étrangers et qu’elle est souvent destinée vers les
établissements pénitentiaires plus proches de l’arrondissement de l’aéroport
international, c’est à dire aux E.P. d’hommes du Callao et de femmes de Chorrillos.
L’étude a été fait en 2005 sur la base des estimations qui indiquaient que 17%
27 Administrés volontairement aux femmes détenues dans la prison de Chorrillos.
41
(260/1512) des détenus de l’E.P du Callao et 14% (129/910) de l’E.P. de Chorrillos
étaient des passeurs de drogues. (ZAVALETA : 2005).
L’enquête a été réalisée sur un échantillon non représentatif de la population
pénitentiaire totale, ne permettant pas la généralisation des résultats quant au sexe, à la
situation juridique, ni à la nationalité28 de ces détenus. Toutefois, elle montre certaines
caractéristiques du groupe assez intéressantes. Entre autres, la moitié des interviewés a
signalé un niveau de scolarisation secondaire (hommes 47.5% et femmes 55.9%) et un
quart ont signalé complété que des études primaires (22,3% d’hommes et 36,5% des
femmes). D’autre part, l’état civil prédominant autant pour les femmes que pour les
hommes a été le célibataire, suivi du ménage informel.
La majorité des condamnés subissaient une peine entre 6 et 9 ans (hommes: 59,2% ;
femmes: 68,9%), suivi par ceux qui ont reçu une peine entre 9 et 12 ans (hommes:
26,3% ; femmes:19,7%). Presque la moitié (48,9% d’hommes et 45,1% des femmes)
disaient avoir consommé de la marihuana au moins une fois dans la vie – chiffre qui est
quatre fois supérieur à celle de l’étude épidémiologique nationale (11,9%). Environ un
quart ont dit avoir consommé de la cocaïne et une minorité (12,2% d’hommes et 4,9 de
femmes) avoir goûté la pâte basique de cocaïne. Une proportion similaire dit avoir
consommé de l’XTC (12,3% d’hommes et 10,8 % de femmes) (ZAVALETA: 2005).
D’autres caractéristiques de l’infraction peuvent aussi être décrites. Le Chlorhydrate de
cocaïne est notoirement la drogue la plus transportée. L’Espagne, les Pays Bas, le
Mexique et l’Argentine apparaissent comme les principales destinations de la drogue.
La plupart des hommes manifestent avoir agi en complicité avec d’autres personnes
(60%) tandis que la majorité des femmes manifestent avoir agi seules (56,9%). La
majorité des hommes ont signalé qu’ils prétendaient gagner entre 2500 et 5000 dollars
tandis que la majorité des femmes prétendaient gagner entre 1000 et 2500 dollars. Trois
quarts des deux sexes disaient avoir été contactés à l’étranger et 80% ont manifesté qu’il
n’est pas facile de passer les contrôles péruviens. Finalement, 36,7% des hommes et
28 L’échantillon recruté volontairement n’a pas été rapporté aux proportions que montrent les statistiques pénitentiaires nationales. Par conséquent, les femmes, les condamnés et les étrangers étaient surreprésentés. Du total des enquêtés 6 sur 10 étaient sentenciés, 20% provenant d’Espagne (hommes: 20,1% femmes: 20,6%), et 15% du Pérou (hommes:17,3% et femmes:12,7%). D’autres nationalités
42
36,3% des femmes disaient avoir commis le délit pour payer des dettes, de même que
29,5% des hommes et 32,4% des femmes disent l’avoir fait par nécessité d’entretenir sa
famille (ZAVALETA : 2005).
Tableau 20 : Drogue transportée par les passeurs29
Tableau 21 : Somme attendue par les passeurs30
0.74.4
11.113.3
43.7
21.5
3.91.51 2
11.9
41.6
31.7
8.9
30
05101520253035404550
Rien 101 -500 $
501 -1,000$
1,001 -2,500$
2,501 -5,000$
5,001 -10,000$
10,001 -25,000$
Plus de25,000$
Hommes Femmes
Les auteurs de l’étude insistent sur la nécessité de mener des campagnes d’information
et de prévention dans certains pays, tel que l’Espagne, d’où provient la majorité des
détenus étrangers. D’autres urgences sont le rapprochement entre ces détenus et leurs
familles ainsi que l’amélioration de l’alimentation, l’appui psychologique, les activités
mentionnées ont été le Brésil dans le cas des hommes (11,5%) et l’Équateur et la Bolivie pour les femmes (les deux avec 10,8%) (ZAVALETA : 2005) 29 Source: CEDRO, Encuesta de Burriers, 2005 30 Source : CEDRO, Encuesta de Burrieres 2005
92.10% 92.20%
5.80% 4.90% 0.70% 0 1.40% 2.90%
0.00%
10.00%20.00%
30.00%
40.00%50.00%
60.00%
70.00%80.00%
90.00%100.00%
CocaïneClorhydrate
Pâtebasique decocaïne
Opiaces Autre
Hommes
Femmes
43
et les services légaux des E.P., de même que la solution au problème de l’entassement
de la population (ZAVALETA : 2005).
Jusqu’ici nous avons développé la moitié de notre plan d’investigation. Dans le
deuxième chapitre nous avons présenté une chronologie des lois qui traitent du trafic de
drogue au Pérou divisée en trois grandes étapes : la législation avant le conflit, la
législation durant le conflit et le challenge démocratique de nos jours. Nous avons
constaté que c’est pendant la deuxième partie du conflit qui correspond aux années 90 et
au gouvernement de Fujimori que la plupart des mouvements d’incrimination dans la
matière de drogues s’est concentrée.
Dans ce troisième chapitre nous venons de décrire une image de criminalité liée à la
drogue et à l’origine étrangère au Pérou. Elle est sortie de l’ensemble des statistiques de
population pénitentiaire que produit l’INPE ces dernières décennies. Il s’agit d’une
population minime d’origine étrangère qui a été liée au délit du trafic de drogue dans les
statistiques plus anciennes et plus récemment à la modalité de passeur international de
drogue. Son évolution se cache dans l’augmentation progressive – et exponentielle
depuis les années 90– de la population pénitentiaire totale et de la catégorie de détenus
pour trafic de drogue.
Donc, il ne nous reste qu’expliquer ce phénomène à partir des deux lignes
d’interprétation que nous avons tracées. La première s’adresse au rôle de la police
péruvienne dans la construction de cette criminalité d’étrangers détenus pour trafic de
drogues tandis que la deuxième vise à expliciter la dynamique qui relie les interactions
entre les policiers et les autres acteurs qui participent aussi à la construction de telle
criminalité. Cette dernière dynamique, conçue en quatre temps et à partir de la
distinction entre relations d’altérité et d’identité, est susceptible d’être intégrée dans une
hypothèse qui incorpore les éléments les plus significatifs de toute notre démarche.
44
CHAPITRE IV : Une activité plus efficace de la police antidrogue
L’objectif de ce chapitre est d’étudier le rôle de la police dans la construction de la
population d’étrangers détenus pour trafic de drogue. Cette étude démontre que
l’arrestation de courriers de drogues par l’unité de drogues de l’aéroport est une activité
particulièrement investie dans le cadre d’une tendance de la police péruvienne à mener
des activités efficaces en matière de drogues.
Dans le souci de repenser, reconstruire et mettre en valeur les institutions qui
conforment le tissu social du pays, nous allons d’abord chercher les éléments
historiques et organisationnels caractéristiques de l’institution qui démarre le processus
de criminalisation. Ensuite, nous allons étudier les statistiques d’activités auxquelles
cette institution s’est engagée, notamment celles réalisées en matière de drogues.
Divisées en trois étapes selon les gouvernements qui les ont enregistrées, ces activités
s’expriment dans le nombre d’interventions et de personnes arrêtés. Nous allons
découvrir qu’au contraire de la tendance générale i.e. pour tous les délits, les activités en
matière de drogues ont fortement augmenté depuis les années 90.
Après avoir survolé le développement des indicateurs en la matière, nous allons
constater que, malgré les inexactitudes et le fait que certains chiffres varient selon les
sources, des indicateurs d’ « efficacité» peuvent être repérés : le montant de
chlorhydrate de cocaïne saisie, le nombre d’arrestations pour trafic de drogue
proprement dit (sans inclure consommateurs ou micro-commerçants), de même que la
localisation de ces activités dites efficaces. Dans ce sens, les activités de répression du
trafic de drogues menées à l’aéroport sont apparemment très efficaces. En plus, les
arrestations se caractérisent par la surreprésentation des femmes et des étrangers.
4.1. La police comme institution de l’État péruvien
4.1.1. Brève histoire de la police nationale du Pérou
Au début du XIXe siècle, lorsque naissait la République du Pérou, des vigiles et
serenos31 hérités de la colonie ont formé la première Milicia Civica. Appelée Guardia
31 Le sereno est une espèce de gardien du quartier.
45
Policía par la première constitution et appartenant aux Institutions Armées, elle s’est
formalisée plus tard comme La Guardia Nacional, et s’est détachée des communes
pour adhérer au gouvernement national. Déjà cette première esquisse de Police
nationale comprenait une Brigada Civil qui s’occupait des conspirateurs contre la cause
républicaine et s’organisait selon un modèle militaire (PNP: 2009).
Des présidents successifs vont s’occuper de l’organisation de la police péruvienne: le
Président Général Echenique en 1852 unifie le corps policier et crée la Gendarmería,
comme institution indépendante du gouvernement. Le Mariscal Ramon Castilla
continue les efforts d’unification et en 1872, Manuel Pardo y Lavalle ratifie son
caractère militaire et la divise en : Organisation du voisinage, Gardes des prisons,
Services spéciaux de la police et Force régulière de la police (divisée en Garde Civile et
Gendarmerie Rurale).
À la fin du XIXe siècle la gendarmerie participe avec l’armée à la guerre contre le Chili.
Ensuite, en 1919 le Président Leguía, inspiré par le modèle français, engage une mission
espagnole qui organise l’école de Police en la divisant en trois corps : Sécurité et ordre
public, Garde Civile et Police d’Investigation et Vigilance. En 1945, Le président Jose
Luis Bustamante y Rivero reconnut l’autonomie institutionnelle de la dernière en créant
la Direction d’Investigation, vigilance et identification (CIV). Elevée à la catégorie de
Direction Générale par le Général Odría en 1949, la CIV, connue après comme la PIP,
était formée par des officiels souvent en civil qui s’occupaient des enquêtes en matière
fiscale, drogues, etc. La CIV se distinguait de la Garde Civile (GC), beaucoup plus
nombreuse et chargée de l’ordre public et la prévention du délit, et de la garde
républicaine (GR), la section plus la proche de l’armée et chargée des prisons et certains
postes de frontières (PNP : 2009)
Basombrío et Costa signalent que selon une tradition du XXe siècle des civils et
hommes de confiance du Président étaient placés à la tête du Ministère de l’Intérieur,
auquel avait été confié la direction de la police, mais que l’on a rompu avec cette
tradition pendant les gouvernements militaires de Velasco Alvarado y Morales
Bermudez (1968-1980), dont l’événement plus violent a été la grève de la police
réprimée par les forces armées en 1975 (COSTA & BASOMRIO : 2004, THE
LIBRARY OF CONGRESS : 2009, CVR : 2003).
46
Les sévères bouleversements politiques que le pays a subis pendant les dernières
décennies du XXe siècle ont marqué l’histoire de cette institution. Vers la fin des années
70 la CVR la décrit comme une institution dont les rivalités internes étaient importantes
et dont la corruption la discréditait aux yeux de l’opinion publique et piégeait son
travail, notamment au niveau de la Police d’investigations. Au moment du
déclenchement du conflit armé, la police était divisée en trois unités. La Garde Civile
appelée après Police Générale (PG), toujours plus nombreuse et organisée
territorialement et administrativement selon le modèle militaire, s’occupait de réaliser
les interventions en matière de crimes, délits et infractions directement ou en réaction
aux dénonciations de la population. La Garde Républicaine appelée après Police de
Sécurité (PS), prête à s’adapter au conflit et à entreprendre les fonctions des autres corps
quand ils n’étaient pas présents, continuait à assurer les tâches de contrôle de frontières,
des prisons et des installations de l'État. Jusqu’aux années 70, quand son école
d’entraînement spécial a été crée, elle recrutait directement des officiers de l’armée.
Finalement, la Police d’investigations, appelée après Police Technique (PT) qui était
chargée, comme on a dit, des enquêtes spécifiques.
La police est présente tout au long du conflit armé. Elle sera identifiée dans les zones
défavorisées à un État abusif et corrompu, et notamment les postes ruraux et les centres
de réclusion qu’elle gérait seront les premiers objectifs des attentats terroristes. Ensuite,
par décision du gouvernement, des bataillons de policiers pas bien préparés ni bien
équipés seront envoyés à la zone du conflit, d’abord seuls entre 1980 et 1982, et puis
sous la direction des forces armées entre 1983 et 2000. Malgré certaines offensives, leur
surexposition au conflit et leur instruction sadique expliquent en partie la série d’abus
qui ont été commis à cette époque: des détentions arbitraires, des violations sexuelles,
des massacres, etc. La CVR octroie à la police la responsabilité de 6.6% du total des
disparus pendant le conflit et constate que c’est l’institution qui a fait le plus grand
nombre de victimes du conflit : 682 morts, 754 blessés et 107 handicapés
principalement victimes du Sentier Lumineux. (CVR : 2003, LIBRARY OF
CONGRESS : 1992).
Entre 1980 et 1985 le nombre total des policiers s’est accru de 6,450 à 21,484, mais
pendant la fin des années 80 toute la police a souffert une réduction due à la remise des
dates d’admission à ses programmes de formation. Celle-ci s’est ajoutée aux retraites
47
normales et ordonnées par le Président Garcia, notamment en rapport aux dénonciations
de corruption dans des affaires de trafic de drogue et de violations des droits de
l’homme tels que l’accusation de membres de la PS pour avoir exécuté 124 terroristes
détenus dans une des prisons de Lima. D’autres problèmes tels que le discrédit de
l’institution, des membres qui opéraient comme des délinquants communs, des grèves
du personnel qui protestait contre les mauvaises conditions du travail et les maigres
salaires, et la compétition et le manque de coopération entre les corps, ont conduit à une
série de réformes dans l’institution policière. (INEI : 1991, LIBRARY OF
CONGRESS : 1992, CVR : 2003).
Tableau 22: Organisation de tâches de la Police Nationale Péruvienne en 1991 32
Le gouvernement de García a mené une politique de licenciement et relocalisation qui a
affecté entre 2000 et 3000 membres de la police. Le problème du nombre de policiers
fut résolu par l’installation de l’École nationale de police EPN dans les principales
capitales des départements qui donnait. Elle donnait une formation d’environ 9 mois et
pouvait offrir près de 5,500 graduats par année. (LIBRARY OF CONGRESS : 1992).
De même, à travers une série de lois (L Nº24294, L Nº 24949 et DL Nº 370-372), la
réorganisation de la police a été effectuée par l’intégration des trois corps policiers : la
police générale (PG), la Police technique (PT) et la Police de Sécurité (PS) sous la
Dirección General de las fuerzas policiales de la Policía Nacional del Perú (PNP).
(PNP : 2009, INEI : 1992). À cette époque les deux premiers corps renvoyaient les
32 Source : INEI, Estadísticas de Criminalidad 1962-1992
DÉNON-CIATION -Victime - Intervention directe - D’office - Action populaire.
POLICE GÉNÉRALE
POLICE TECHNIQUE
POLICE DE SECURITÉ
REGISTRE DE DÉNONCIATIONS DE LA POLICE NATIONALE (Par organe, par délit, par lieu, région, type de dénonce, etc.)
MINISTERE PUBLIC
Organe central de statistique et informatique PNP
POLICE NATIONALE PÉROU
48
dénonciations de délits vers la Police Technique qui devait les formaliser. En 1986 le
staff total de la PT comprenait 13,165 membres qui recevaient aussi les dénonces des
autorités judiciaires afin de centraliser et enregistrer l’information et réaliser
l’investigation correspondante selon le graphique 22 (INEI : 1991).
Les auteurs signalent que pendant le gouvernement de Fujimori la militarisation de la
police s’est consolidée. Cette militarisation avait commencé dans les années 80,
notamment à travers certaines unités telles que la Direction d’opérations spéciales
(DOES) qui recevait armement et équipement des forces armées. Dans le graphique 23
s’apprécient les deux autres unités plus importantes des années 90 : la Direction contre
la Subversion et la Direction Antidrogue (LIBRARY OF CONGRESS: 1992, CVR :
2003). On y reviendra quand on parlera de la Direction Antidrogue (DIRANDRO).
Tableau 23 : Organisation de la Police Nationale Péruvienne en 1991 33
33 Source: USA Library of Congress, Country Study: Peru, 1992
President de la République
Ministre de L’Intérieur
Inspecteur Général
Direction contre subversion
Direction Antidrogue Direction Opérations Spéciales
1 Région: Piura
2 Région: Arequipa
3 Région: Lima
4 Région: Cuzco
5 Région: Iquitos
Police Technique Police Générale Police de Sécurité
Division - Vol
Division - Homicide
Division - Sequestres
Division - antiterrorisme
Bataillon Sinchi
49
En effet, la police était un contrepoids au pouvoir des forces armées et la coordination
entre les deux institutions s’avérait difficile, jusqu’au moment où Fujimori a mis le
Ministère de l’Intérieur sous l’autorité des militaires. La Constitution établie après le
coup d’État de Fujimori instituait dans son chapitre XII - de la défense et sécurité
nationale – les objectifs de la police de garantir, maintenir et rétablir l’ordre interne,
aider les personnes de même qu’enquêter sur, prévenir et combattre la délinquance. En
même temps l’article 173 la soumettait à la juridiction militaire et au code de justice
militaire. (COSTA : 2004)
Ainsi, en 1992 l’unification de la Police péruvienne s’est consolidée, éliminant les
directions régionales et celles des trois corps policiers. Le principal acteur résultant est
la Police d’Investigations, particulièrement son service d’intelligence de la sécurité de
l’état et la section de la Direction Nationale contre le Terrorisme (DINCOTE), qui a
réussi à capturer Abimael Guzmàn et d’autres têtes des organisations terroristes. De
cette manière elle a assuré la crédibilité de l’institution et du gouvernement de même
que la victoire sur le terrorisme. Longtemps questionnée dans une culture qui mesurait
l’efficience par la quantité et pas par la qualité des détenus, la DINCOTE avait organisé
une formation de 4 ans dans un seul centre d’instruction situé à la capitale et avait
perfectionné les connaissances du terrain et le travail en équipe (LIBRARY OF
CONGRESS: 1992, CVR : 2003).
Une autre caractéristique des années 90 est la corruption qui a inondé le gouvernement
de Fujimori et l’influence de Montesinos comme directeur du système de sécurité du
pays. Elle était déjà présente dans les régimes antérieurs à travers les politiques d’octroi
de positions, sanctions, changements et retraites, l’instrumentalisation politique des
directeurs et la médiatisation des activités de répression. Mais après les aménagements
du gouvernement de Fujimori, la corruption a traversé l’institution policière au point
que tous les responsables du Ministère de l'Intérieur de ces dernières décennies, à
l’exception d’un général, se sont retrouvés en prison ou ont été poursuivis par la justice.
La corruption a affecté tous les niveaux de la PN : la caisse des pensions, les fonds
d’habitation ou de santé pour les membres, les opérations d’achat d’équipement ou
d’essence, les assignations d’alimentation, les démarches administratives, l’admission à
l'école de policiers, les décisions de promotion de grade ou le placement dans les postes
clés comme la logistique, le narcotrafic, le terrorisme, la sécurité d’état, etc. Même la
50
demande de faveurs à la population civile en échange d’effectuer certains services ou de
laisser impunies des infractions reste une pratique courante de nos jours. (CVR : 2003,
COSTA : 2004).
A partir du 2000 le nouveau gouvernement s’est engagé à trouver une solution à la
faiblesse des institutions de l’État, profitant d’une étape de déclin du prestige des
institutions militaires et policières. En 2001, le gouvernement de concertation nationale
a publié les bases pour la réforme policière et a formé la commission de restructuration
de la Police Nationale. Parallèle à la commission de restructuration des forces armées,
cette commission a accueilli l’opposition du régime de Fujimori et les secteurs engagés
dans la défense des droits de l’homme.
La commission a agi aux niveaux de la presse, de la télévision et de la coopération
internationale, et a élaboré pour la police nationale un programme de réforme qui
implique la des-militarisation de l’institution, la lutte contre la corruption, le
renforcement du bien-être policier (rémunération, santé et logement), le développement
d’une police de proximité, la création d’un ombudsman de la police et l’amélioration de
la qualité de la formation policière. Cependant, l’institution policière ne s’étant pas
approprié le projet, les résistances internes, le contexte politique précaire et la manque
de support des secteurs justice, défense et économie ont mis fin à l’entreprise en 2003
(COSTA : 2004).
Jusqu’à nos jours on écoute souvent les acteurs politiques plaider en faveur d’une
reforme ou restructuration urgente de la police, bien qu’après ce survol historique, il
nous semble que cette quête d’organisation, structuration ou cohérence institutionnelle
caractérise l’institution policière péruvienne.
4.1.2. La direction antidrogue et l’unité antidrogue de l’aéroport
La dernière commission de réorganisation avait aussi signalé la bureaucratisation
excessive et les défauts de coordination, de transmission d’information et de contrôle
des fonctions comme des problèmes à surmonter à travers une nouvelle macrostructure
créée en 2003 (COSTA : 2004). Comme on peut voir dans le graphique 24, dans
l’organigramme actuel, le Directeur Général dépend du Ministre de l’intérieur et
51
travaille étroitement avec l'inspecteur général et les trois directions exécutives : la
Direction d’opérations (DIREOP), la Direction du développement humain (DIREDH)
et la Direction administrative logistique et informatique (DIREADM). La Direction
Générale est aussi assistée par 5 conseils et par l’État-major général. Quant à la majorité
des acteurs, ils se concentrent dans la Direction d’opérations qui est divisée en
différentes directions : la Direction contre le terrorisme (DIRCOTE), la Direction
criminalistique (DIRINCRI), la Direction Antidrogue (DIRANDRO), etc. (PNP: 2009)
Tableau 24: Organigramme actuel de la Police nationale du Pérou34
Comme on l’a déjà dit, la Direction antidrogue (DIRANDRO) est une de ces unités qui
sont devenues importantes après les reformes des années 90. Elle fut crée par le Décret
Législatif N° 744 du 9 Novembre de 1991, dans le cadre de la lutte contre le trafic
illicite de drogue entreprise par l’État péruvien. Dans la Résolution ministérielle M N°
0535-95-IN/PNP de mai 1995 qui explicite son organisation, sa mission et ses
fonctions, il est précisé qu’elle s’occupe de :
- l’investigation et le constat des délits de production et commercialisation des drogues,
de détournement des composantes chimiques et de blanchiment d’actifs ;
- l‘action d’intelligence qui vise la destruction des laboratoires clandestins d’élaboration
de la drogue et des cultures de pavot;
- la interdicción terrestre, en helicóptero, fluvial y lacustre. Cet objectif est calqué des
objectifs et du langage politique nord-américain. Interdicción selon le dictionnaire de
52
l’Académie Royale de la langue espagnole signifie - comme en français - l’action de
prohiber ou interdire (prohibir/interdecir) et en jargon juridique il réfère la sanction de
privation de droits civils. Mais tel que le directeur du Centre d’information et éducation
sur la prévention et l’abus de drogues au Pérou (CEDRO) signale, ici interdicción fait
référence aux activités de répression en matière de drogues (identification et capture des
trafiquants), notamment dans les voies de communication qu’utilise le trafic de drogues
(terrestres, fluviales, lacustres, etc.) et auxquelles les Etats-Unis ont contribué
énormément avec son appui économique, technique et logistique35. La terminologie a
été importée du langage du gouvernement nord-américain et des agences telles que la
Drug Enforcement Administration (DEA) ou la Air and Marine Interdiction Division qui
ont un rôle prédominant dans la mise en ouvre des prohibitions du trafic de drogue36.
- le contrôle et la sécurité du personnel du projet CORAH d’éradication de cultures de
coca.
Voici l’organigramme officiel de cette unité qui a d’ailleurs changé durant la réalisation
de notre travail (DIRANDRO : 2009).
Tableau 25 : Direction National Antidrogue de la PNP en Janvier 2009 37
34 Source: PNP, website officiel. 35 Voir l’article de A. VASSILQUI, Interdicción, en CEDRO Actualidad, consulté en Juin 2009, http://www.cedro.org.pe/comunicaciones/actualidad2.htm, 36 Voir l’article de J. GIERMANKI, DHS, Drug Interdiction and Common Sense du 3 Avril 2009, http://www.csoonline.com/article/487963/DHS_Drug_Interdiction_and_Common_Sense et la note de presse du US Costume Service Public Affairs Office du 24 Avril 2001, U.S. Customs Air and Marine Interdiction Division Safeguards Our Borders - In the Air and At Sea, http://www.cbp.gov/hot-new/pressrel/2001/0424-01.htm, consultés en Juillet 2009. 37 Source: PNP, web site officiel, consulté en Janvier 2009.
DIRANDRO
Division Investigation Recherche de responsables
Division Opérations spéciales Interdiction dans les voies de communication. Sécurité groupe CORAH.
DITID-AIJC Identification et détention des courriers de drogues à l’aéroport. Contrôle d’ importation et exportation.
Division Investigation financière
Division Investigation et contrôle de composants chimiques Contrôle de production, utilisation, commercialisation, détournements.
53
Tableau 26 : Direction Antidrogue de la PNP en Juin 2009 38
Pendant quelques années l’aire de détection des passeurs des drogues a été mise en
exergue en tant que sous-unité, mais aujourd’hui elle n’est plus si visible. Pour nous,
l’organisation et la réorganisation de la Police Nationale, de la Direction Antidrogue, et
de la Division d’investigation contre le trafic de drogues de l’Aéroport International
Jorge Chavez (DITID-AIJCH) font partie des efforts de restructuration, organisation
voire réparation de la faible cohérence de l’institution qui démarre le processus de
criminalisation secondaire.
4.2. Les actions à l’aéroport comme des activités efficaces contre le trafic de drogue
Comme on l’a vu, les phénomènes du terrorisme, la pacification, les efforts de
restructuration, mais aussi la corruption et le trafic de drogue ont contribué à modeler
l’institution policière ces dernières années. Dans les pages qui suivent, à travers la
lecture des statistiques nationales nous allons analyser l’enregistrement des activités de
la police péruvienne contre le trafic illégal de drogue. On verra qu’en général les
activités de la police péruvienne diminuent depuis les années 90. Pourtant, les activités
de répression du trafic de drogue ont augmenté notablement à partir de l’année 92 et se
sont focalisées sur l’arrestation des trafiquants proprement dits et la saisie de
38 Source: PNP, web site officiel, consulté en Juin 2009.
54
chlorhydrate de cocaïne. Ces développements et la tendance à localiser ces activités
efficaces ont conduit à privilégier les activités menées par l’unité de l’aéroport.
Les tableaux présentés, qui couvrent des séries longues rarement publiées, sont des
recompositions qu’on a effectuées à partir des statistiques fournies par les institutions
concernées. La majorité a été extraite des compendia nationaux édités par l’Institut
National de Statistique et Information (INEI). D’autres plus récentes et qui pointent
mieux notre sujet, nous sommes allées les chercher directement dans les bureaux de la
Direction Antidrogue de la police péruvienne (DIRANDRO). Finalement, des
statistiques qui ont été publiées par d’autres institutions, telles que l’Observatoire
péruvien de drogues (OPD-DEVIDA) ou le bureau des Nations Unies contre la drogue
et le crime de la région (ONUCD), ont été aussi intégrées.
4.2.1. L’activité de la Police vue à travers les statistiques
Une manière de décrire la vie de l’institution policière est l’étude de ses registres
statistiques d’activité. Pourtant, tel que les agences des États-Unis ont signalé, la
difficulté de la tâche vient de l’incomplétude de l’information produite pendant l’état de
conflit et la suspension des garanties constitutionnelles qu’ont subie une série de
provinces du pays pendant les années 80 et 90 (LIBRARY OF CONGRESS : 1992).
Malgré cela, certains efforts menés au niveau national nous fournissent du matériel
nécessaire pour en tirer quelques conclusions.
a) Trois étapes d’enregistrement des activités: En 1991, la commission
multisectorielle, qui a recueilli de l’information directement des 3 corps policiers, a pris
en compte deux indicateurs d’activité policière : las intervenciones et las detenciones39
efectuadas por la Policía Nacional (PNP). Après l’unification de la police et pendant le
régime de Fujimori les statistiques présentent cette information sous la rubrique
intervenciones en delitos registrados por la PNP, et les statistiques publiées récemment
au niveau national utilisent celle de delitos registrados por la PNP. Cette démarche met
déjà en évidence déjà trois temps dans la construction de statistiques, particulièrement
trois formes de gestion d’un chiffre noir implicite dans l’enregistrement de la
39 L’usage du langage ne fait pas la distinction entre arrestation (par la police) et détention (sur mandat judiciaire). Ici on se réfère au premier type d’actions.
55
criminalité. Effectivement, l’inadéquation entre la criminalité enregistrée et la
criminalité réelle irait à l’encontre de l’image et de la logique prônées par l’institution et
l’État dans les années 90: « la police intervient lorsqu’il y a un délit pour investiguer et
arrêter les coupables » (INEI : 1992 p. 22)
b) Diminution des délits ou de l’activité de la police : Selon l’information reconstruite
dans les années 90, les interventions de la Police Générale, (PG) en infractions, délits et
manifestations révèlent d’une escalade impressionnante à partir des années 70. Dans le
tableau suivant, la ligne bleu claire signale toute une activité par rapport aux fautes, qui
n’est plus publiée pendant les années 90, tandis que les lignes bleue et grenate montrent
l’activité marginale face aux grèves, manifestations et les interventions de la PS dans les
postes de frontières. La deuxième série de chiffres des années 90 montre qu’après un pic
une tendance à la diminution de l’activité policière s’est consolidée, tendance qui
continue jusqu'à nos jours.
c) Inexactitudes et réformes : L’inexactitude des données quantitatives nationales a
sans doute contribué aux réformes impulsées pendant les années 90. Par exemple, les
statistiques nationales de 1993 d’où on tire le nombre d'interventions en infractions,
délits, grèves et manifestations, diffère parfois avec celles fournies par la PG en 1991
(INEI: 1991, INEI : 1993).
Les points jaunes dans le tableau 27 montrent les chiffres qui étaient intéressants pour le
gouvernement des Etats-Unis : le total des délits enregistrés ou recorded crimes
(LIBRARY OF CONGRESS : 1992), quand à l’époque, la division et le renvoi interne
entre la PG, la PS et la PT rendait la tâche de l’élaboration de tel indicateur très difficile.
La focalisation de la PG et la PS sur les actions de terrain et son manque de
préoccupation au sujet de la formalisation, leurs permettait et même les incitait à
montrer des chiffres élevés d’interventions et d’arrestations. En revanche, la PT ne
considérait pas la réalisation des interventions comme une priorité mais se focalisait sur
la réception et la formalisation de ces activités - le lieu, le délit, le total d’arrestations, le
type de détenus, etc. L’information produite était susceptible d’être connue et contrôlée
par d’autres institutions, notamment par l’appareil judiciaire. C’est probablement
pourquoi les chiffres d’interventions et d’arrestations de la PT apparaissent souvent plus
modestes.
56
Tableau 27 : Interventions en délits / Délits enregistrés par la PNP 1963-200840
d) Diminution du total d’arrestations: Avant 1992 le nombre d’arrestation comme le
nombre d’interventions policières présentaient les mêmes inconvénients : quatre
données, renvoi interne et inexactitude.
Tableau 28 : Nombre d’arrestations au niveau national par la PNP 1963-200841
0
50 000
100 000
150 000
200 000
250 000
Détenus pour commetre délit - PSDétenus pour commetre des fautes - PGDetenus pour commetre délit - PG Detenus pour commetre délits - PT Personnes détenues pour commetre délit - PNP
40 Sources: 1/ et 2/ PG - PS, élaboration: INEI, Estadísticas de Criminalidad 1968-1991 ; 3/ USA Library of Congress , Peru Country study; 4 et 5/ Ministerio del Interior, élaboration: INEI, Perú Serie estadísticas 1970-1992; 6/ PNP – División Estadística, élaboration: INEI, Estadísticas seguridad y violencia 1997-98; 7/ PNP – Oficina Estadística. élaboration: INEI, Compendio Perú 2006. 41 Sources de 1969-1991: PT, PN, PS, élaboration: INEI, Estadísticas de Criminalidad 1991; de 1992- 1998: PNP - División estadística, élaboration: Estadísticas de Seguridad y violencia 1998-99; de 1999-2006: Min. del Interior - Oficina de planificación, élaboration: INEI, Perú compendio estadístico 2007.
0
50000
100000
150000
200000
250000
300000
350000
Interventions en délits - PS /1Interventions en délits- PG /2Délits enregistrés - PG et PT/3Interventions en fautes - PG /4Interventions en grèves et manifestations - PG /5 Interventions en delits registrés . PNP /6Délits enregistrés - PNP /7
57
En outre, les montants de la PG et la PT n’incluaient pas les détenus pour vol à une
entité privée, délits contre la tranquillité publique ni trafic illégal de drogue, pour
lesquels n’existent pas de précisions sur le lieu de la détention et les caractéristiques des
personnes arrêtées. Cependant, après les efforts de la Police Technique d’agglutiner le
contrôle sur le nombre des détentions et un pic à l’époque du coup d’État de Fujimori, la
ligne du nombre de détentions au niveau national semble aller vers la stabilité et la
décroissance.
4.2.2. L’augmentation et la corrélation des activités de répression du trafic de drogue
L’élaboration de statistiques en matière de drogues est une des activités les plus
florissantes de ces dernières années. L’unification de la police en 1991, la création de la
DIRANDRO en 1992, de son département de statistique en 1995, l’appui de la
coopération internationale dans la formation du personnel de la DIRANDRO et d’autres
institutions tel que le Bureau de Narcotiques de la douane, de même que le
développement d’un software unificateur en 1994 par la Commission interaméricaine
pour le contrôle de l’abus de drogues (CICAD), sont souvent mentionnés dans les
statistiques des années 90, qui d’ailleurs montrent une augmentation du nombre
d’interventions et d’arrestations pour trafic de drogue. (INEI: 1996, INEI : 1997, INEI :
1998)
Tableau 29 : Interventions pour délit de trafic de drogue 1968-200642
1968
1970
1972
1974
1976
1978
1980
1982
1984
1986
1988
1990
1992
1994
1996
1998
2000
2002
2004
2006
Interventions TID 1/
0
2000
4000
6000
8000
10000
12000
14000
InterventionsTID 1/
InterventionsTID- PT 2/
InterventionsTID - PS 3/
InterventionsTID - PG 4/
42 1/ INEI, Compendio Estadístico 2006 et INEI, Estadísticas de Seguridad y violencia 1998; 2, 3 et 4/ INEI, Estadísticas de Criminalidad, 1963-1991
58
Le tableau 29 montre que les statistiques faites dans les années 90 en matière de drogues
reprennent les anciens chiffres de la police technique. Aussi, il est évident que, à la
différence des interventions de la police pour tous les délits, les interventions en matière
de drogues ont augmenté exponentiellement jusqu’à l’année 2000, quand la tendance
semble avoir commencé à se renverser graduellement.
Tableau 30 : Nombre d’arrestations pour trafic de drogue 1963-200843
0
2000
4000
6000
8000
10000
12000
14000
16000
18000
20000
1980
1982
1984
1986
1988
1990
1992
1994
1996
1998
2000
2002
2004
2006
Détenues pourTID etconsommation dedrogues - PNP 1/
Intervenus parconsommation etdétenus pour TID- PNP 2/
Détenues pourTID - PNP 3/
Détenus pour TID- PT 4/
Détenus pour TID- PS 5/
Une tendance similaire peut être observée dans les statistiques d’arrestations pour trafic
de drogue. La ligne bleue qui court tout au long du tableau précédent représente les
statistiques actuelles d’évolution du nombre de détenus pour trafic ou consommation de
drogues tandis que superposés en bleu clair nous pouvons voir les chiffres de personnes
arrêtées par la PT. Malgré que la PG enregistre plus d’interventions dans la matière, en
1991 elle enregistrait seulement 168 arrestations et par conséquent son activité risquait
d’être qualifiée comme ineffective ou informelle.
Dans le même tableau, en grenat apparaissent le très peu nombre d’arrestations
enregistrées par la Police de Sécurité. En jaune on aperçoit les chiffres construits
pendant les années 90 et le période d’escalade de cette activité, tandis qu’en violet nous
avons superposé les chiffres que l’ONU fourni en 2007 à partir de l’information de la
DIRANDRO.
43 Sources: 1/ INEI, Compendio Estadístico 2006 2/ ONUDD, Informe Perú. Delitos y drogas, 2007 3/ INEI, Estadísticas Violencia y Seguridad Publica 1998-99 4 y 5/ INEI, Estadísticas de Criminalidad 1991.
59
Par ailleurs, il faut signaler que, bien que cette augmentation et la baisse postérieure du
montant d’arrestations et interventions en matière de drogues ne se reflètent pas dans les
statistiques générales, elles montrent aussi l’unification de la Police Nationale et la
corrélation entre les activités d’arrestation et d’intervention à partir du 1992.
4.2.3. Développement d’indicateurs d’activité efficace en matière de drogues
A partir des années 80 apparaissent d’autres rubriques dans les statistiques policières
nationales de mise en ouvre des lois sur le trafic illégal de drogue. Notamment quatre
thématiques vont dominer la scène quantitative jusqu'à nos jours : a) les indicateurs de
drogue saisie, b) la caractérisation des personnes arrêtées pour trafic de drogue, c) la
localisation des activités et d) les indicateurs d’éradication de cultures de coca. Du fait
que ces derniers quantifient des hectares, pépinières, racoltes, etc. exigeant une analyse
technique qui élargirait notre propos, nous allons nous attarder à l’étude du
développement des trois premières, laissant aussi de coté les thématiques plus récentes:
destruction de laboratoires, biens saisis (voitures, bâtiments, argent ou armes,), etc.
a) De la drogue saisie vers le chlorhydrate de cocaïne saisi: Un des indicateurs les
plus anciens et importants est la quantité de drogue saisie par la police nationale, qui
distingue principalement trois types de drogues : La pâte basique de cocaïne (PBC), le
chlorhydrate de cocaïne (CC), et la marihuana. La pâte basique de cocaïne (PBC) est un
produit qui a été longtemps identifié aux classes socio-économiques défavorisées, parce
qu’elle présente un degré mineur de concentration d’alcaloïde et est accessible à des
prix assez réduits tandis que le chlorhydrate de cocaïne (CC), tout au contraire, a été
identifié aux marchés nationaux plus exigeants ou aux marchés internationaux
(CEDRO : 2007).
À ces trois drogues s’ajoutent d’autres types de drogues saisies par la police : feuilles de
coca, feuilles de coca en élaboration, composants chimiques, stupéfiants, opiacés, etc.
Comme on l’a vu dans le premier chapitre, les indicateurs de saisie de produits de la
cocaïne sont importants pour la communauté internationale. Bien que les chiffres
montrent des divergences selon les institutions qui les ont estimés, nous pouvons
affirmer que le montant total de la drogue saisie au Pérou a augmenté exponentiellement
60
pendant les années 90 mais que le montant de la cocaïne saisie a varié plus ou moins
autour d’un certain montant entre 1995 et 2003.
En effet, les différentes statistiques présentent estimations différentes du total de drogue
saisie à cause de l’inclusion d’autres items à part la marihuana, le PBC et la CC. Par
exemple les statistiques nationales plus récentes comprennent l’opium, la morphine, le
latex de pavot, l’héroïne (voir première colonne du tableau 31). Un autre problème est le
fait que la PG en 1991 ait pris en compte les composants, qui n’étaient pas comptés par
la PT, et que les statistiques produites pendant le régime de Fujimori ont combiné ces
deux types de calculs et à partir de 1994 ont commencé à ajouter les quantités d’opium
saisi pour déterminer le montant total de drogue saisie (voir deuxième colonne).
Plus récemment d’autres inexactitudes peuvent être relevées en comparant les chiffres
de la police nationale avec ceux des agences internationales. Considérant seulement les
trois drogues plus importantes, la quantité de drogue saisie que présente la stratégie
nationale de lutte contre les drogues pour l’année 1999, diffère avec le montant reconnu
actuellement pour cette année-là (voir cinquième colonne), notamment à cause d’une
différence quant à la quantité de marihuana saisie.
De même, la quantité de cocaïne et de drogue saisies en 1995, semble avoir été corrigée
dans les statistiques récentes, et entre 2000 et 2003 l’observatoire péruvien des drogues,
institution formée par la PNP et d’autres institutions de la société civile, présente des
chiffres qui ne correspondent pas aux statistiques de la PNP. Finalement, les données
publiées par l’ONU-PERU en 2007 s’appuyant sur l’information de l’OEA-CICAD ou
la DIRANDRO, ne coïncident pas avec les chiffres nationaux du total de drogue et de
cocaïne saisie (ONUDD: 2007).
Malgré cela, il est évident que récemment les quantités de chlorhydrate de cocaïne saisie
augmentent progressivement. Le tableau 32 reprend les quantités saisies de
Chlorhydrate de cocaïne (CC) parmi les deux autres drogues plus importantes, et montre
comment pendant longtemps la pâte basique de cocaïne était la drogue majoritairement
saisie et comment la cocaïne a pris après une place prédominante. Le développement de
la catégorie CC est dû au fait que cette drogue est la matière principale qui sort du Pérou
61
pour le trafic illégal de drogue au niveau international, et par conséquent, elle est
l’indicateur le plus significatif pour la communauté nationale et internationale.
Tableau 31 : Total de drogue et de chlorhydrate de cocaïne saisis par la PNP 1979-2007 44
Total de drogue saisie Cl. de cocaïne saisi
Année Statistiques Nationales 2006 1/
Statistiques de 1999 2/
Drogue Saisie - PT 3/
Drogue Saisie (produit) - PG 4/
Stratégie Nationale de lutte contre le drogues 2003 5/
Statistiques d’observatoire DEVIDA 2005 6/
Rapport ONUDD 2007 7/
Statistiques
Nationales 2006
1/
Statistiques de 1999 2/
Cocaïne Saisie – 1991 PT 3/
Cocaïne saisie - 1991 PG 4/
Rapport ONUDD 2007 7/
1979 2986 5
1980 4733 10
1981 4548 11
1982 5861 7
1983 7 780 11 217 117 3
1984 2 426 2 527 94 5
1985 3 752 1 690 26 12
1986 2 286 1969 1 969 12 0
1987 4 190 6524 6 524 28 23 23
1988 8 778 373 373 419 1 1
1989 2 923 1885 1 885 73 8 8
1990 5 725 5724 5725 8 445 500 500 500 36
1991 6 234 6235 6233 4 521 595 595 595 256
1992 7 776 776 185 185
1993 9 295 9296 424 424
1994 11 620 11619 94 94
1995 23 932 29127 3 605 7 659
1996 170 176 170 113 1 006 1 007
1997 172 723 172 922 2 315 2 509
1998 29 829 29 829 29 819 1 750 1 750
1999 15 430 20 780 16 942 4 025 4 025
2000 43 572 43 572 14 001 27 099 2 837 2 837
2001 50 044 50 044 11 938 27 961 2 915 2 915
2002 121 355 121 355 17 657 93 341 4 129 4 129
2003 27 763 27 763 10 448 27 216 3 574 3 574
2004 15 615 15 616 15 163 7 304 7 304
2005 18 019 18 019 17 505 11 763 11 763
2006 16 718 21 082 10 409 14 749
2007 15 541 8 119
44 Sources: 1/ Ministerio del Interior, élaboration: INEI, Compendio Estadísticas 2006, 2/ PNP División de estadística, élaboration: INEI, Estadísticas de Violencia y seguridad pública 1998-1999 et Apoyo técnico Dinandro, élaboration: INEI, Estadísticas de tràfico, producción y consumo de drogas 1998-1999, 3 y 4 / PG y PT, élaboration : Estadísticas de criminalidad 1991, 5/Dirandro, élaboration: Estrategia de lucha contra las drogas 2002, 6/ DINANDRO, élaboration: OPD-DEVIDA, Información estadística sobre las drogas en el Perú 2006 7/ OEA et CICAD (1998-2003), INEI (2004-2005), DIRANDRO (2006-2007) élaboration: ONUDD, Informe Perú 2007.
62
Tableau 32 : Chlorhydrate de cocaïne et autres drogues saisis par la PNP 1979-200645
0
20000
40000
60000
80000
100000
120000
140000
160000
180000
1979 1981 1983 1985 1987 1989 1991 1993 1995 1997 1999 2001 2003 2005
Pâte base de cocaïne PBC Clorhydrate Cocaïne CC Marihuana
b) Des arrestations pour infractions à la loi sur les drogues aux arrestations pour
trafic proprement dit: Les premières caractérisations démographiques des personnes
arrêtées pour trafic de drogue auxquelles on a eu accès sont celles élaborées par la
Police Technique jusqu’au début des années 90 et qui révélaient une criminalité
prédominante d’hommes et une petite proportion d’étrangers. De même, comme on peut
voir dans le tableau 33, le pic des années 86-88 et l’énorme augmentation d’arrestations
des années 90 n’ont pas enregistré des variations majeures, quant au sexe et á l’origine
des personnes arrêtées pour trafic de drogues.
Tableau 33 : Personnes arrêtées pour TID selon le sexe 1980-2006 et selon la nationalité 1980-199146
45 Source 1979-1983: PG élaboration : INEI, Estadísticas de Criminalidad, 1983 – 1991 : PT, élaboration : INEI, Estadísticas de criminalidad, 1991-2006, INEI, Compendio Estadístico 2006. 46 Sources 1980-1990: PT, INEI Estadísticas de Criminalidad 1991, 1990-2006: INEI, Compendio Estadístico 2006.
19801982198419861988 19901992 1994 1996 1998 2000 2002 2004 2006
0
2000
4000
6000 8000
10000 12000
14000
16000
18000
Femmes
Hommes
Arrêtées pour TID 1980 1981198219831984 1985 1986 19871988198919901991
0
500 1000
1500 2000
2500
3000
3500
4000
4500
Étrangers Nationaux
63
En réalité, cet indicateur va se développer en distinguant deux autres sous-catégories. A
partir de la moitié des années 90 apparaît toute une partie des détenus pour trafic de
drogues comme de détenus pour consommation et en conséquence comme des sujets
auxquels la prohibition ne s’adressait pas directement (voir chapitre II sur les lois de
prohibition du trafic de drogue au Pérou). Encore, dans les statistiques plus récentes une
proportion des consommateurs se détache du groupe pour être considérée dans la
catégorie des micro-trafiquants, une espèce de petits dealers de rue.
Dans le tableau 34 nous pouvons nous rendre compte du poids que les différentes
statistiques actuelles octroient à ces segments. Malgré les divergences quant à
l’inclusion ou exclusion des micro-commerçants en ce qui concerne la catégorie des
trafiquants proprement dits, le nombre d’arrestations pour trafic proprement dit est
beaucoup moins important que le nombre total d’arrestations pour trafic de drogue.
Tableau 34 : Catégories d’arrestation pour trafic de drogue 1994-2007 47
TOTA
L Ar
restations
po
ur trafic de
drog
ues 1/
Pour
consom
mation
Pour trafic
prop
remen
t dit
Pour M
icro trafic
Interven
us pou
r Micro trafic
TOTA
L Ar
restations
po
ur trafic de
drog
ues 2/
Pour
consom
mation
Pour trafic
prop
remen
t dit
Par m
icro trafic
TOTA
L
Arrestations
po
ur trafic
de
drog
ues – 3/
Pour
consom
mation
Pour trafic e
t micro trafic
Pour M
icro trafic
1994 6 565 4 357 2 229
1995 10 709 7 018 3 691
1996 12 189 8 651 3 538
1997 14 319 10 260 4 059
1998 17 186 13 846 3 340
1999 15 577 12 590 2 987 0
2000 17 986 15 110 2 876 3819 15 110 2 876
2001 13 343 11 007 2 336 3169 11 007 2 336
2002 13 158 11 076 2 082 3572 13 158 8 898 2 048 2 212 13 158 11 076 2 082
2003 12 234 10 030 2 204 3614 12 234 8 071 2 173 1 990 12 234 10 030 2 204
2004 10 144 6 961 1 988 3786 1 195 10 144 6 962 1 991 1 196 10 144 6 961 3 183
2005 11 259 8 405 1 510 5522 1 344 11 259 8 405 1 511 1 344 … …. …
2006 6944 5 759 1 185 5826 959 7818 5609 2 209 1133
2007 11766 7255 4511 1832
Les statistiques nationales d’activités en matière de drogues présentent aujourd’hui la
catégorie « personnes arrêtées pour TID proprement dit » (voir colonnes en jaune) qui
est celle qui fait partie du total de détenus pour tous les délits de la PNP. Ce chiffre ne
47 1/ INEI, Compendio estadístico 2006 2/ OPD-DEVIDA, Información estadística sobre las drogas en el Perú 2006 3/ONUDD, Informe Perú 2007
64
compte pas les catégories importantes de personnes arrêtées pour consommation et pour
micro-trafic. Des inexactitudes apparaissent aussi en comparaison avec les chiffres
fournis par l’organisation interinstitutionnelle DEVIDA. Finalement, les dernières
colonnes montrent que les indicateurs de l’ONU sont aussi en désaccord avec les
statistiques nationales depuis 2004, assimilant les arrestations pour micro-trafic aux
arrestations pour trafic proprement dit sans pour autant inclure les consommateurs dans
le groupe.
c) Localisations des activités efficaces de la PNP en matière de drogues: Un des
majeurs inconvénients informatiques que l’on a constaté avant la technicisation de la
Police de 1991 est le défaut de localisation de certaines activités de la police,
particulièrement de la provenance des arrestations. Une thématique importante dans le
développement de l’information quantitative sur les activités de la police va dans ce
sens-là, notamment avec la spécificité des activités des unités antidrogue pendant les
années 90 et après avec la récupération de la division territoriale traditionnelle. Ce
développement et les deux précédents indiquent une direction de l’activité policière vers
une sorte d’efficacité.
En effet, le nombre d’interventions étant un indicateur d’activité pure et simple de la
PNP, la prolifération quantitative de ces dernières décennies en matière des drogues se
dirige vers le ciblage des activités de saisie de chlorhydrate de cocaïne et de détention
des personnes pour trafic illégal de drogue proprement dit. Si nous prenons ces
indicateurs : le nombre d’interventions pures et simples, le montant de Chlorhydrate de
cocaïne saisi et les détenus pour TID proprement dits, pendant les trois étapes, nous
allons constater l’importance de la localisation des activités dites efficaces et
particulièrement l’importance des activités menées à l’aéroport international.
Pendant la première étape d’élaboration des statistiques nationales d’interdiction de
drogues, le contexte du conflit explique en bonne partie pourquoi la PG et la PT, étant
généralement capables de donner ces informations pour les cas des délits communs, ne
pouvaient pas assurer une information détaillée pour les délits contre la tranquillité
publique ou le trafic de drogue. Cependant, la PG fournit déjà l’information sur les
principales régions où il y a eu le nombre majeur d’interventions pour TID, et la PT
commence à élaborer les indicateurs nationaux d’activité efficace. En ordre
65
décroissant il s’agit du département de Lima, de la province du Callao, du département
de La Libertad et du département de Huánuco où se localisent la plupart d’activités de
répression du trafic illégal de drogues (INEI : 1991).
Tableau 35 : Localisation des activités efficaces en matière de drogues 1983-199148
Département 83 84 85 86 87 88 89 90 91 2/
Interven
tions
TID
Kg. d
e CC
Saisie
Interven
tions
TID
Kg. d
e CC
Saisie
Interven
tions
TID
Kg. d
e CC
Saisie
Interven
tions
TID
Kg. d
e CC
Saisie
Interven
tions
TID
Kg. d
e CC
Saisie
Interven
tions
TID
Kg. d
e CC
Saisie
Interven
tions
TID
Kg. d
e CC
Saisie
Interven
tions
TID
Kg. d
e CC
Saisie
Interven
tions
TID
Kg. d
e CC
Saisie
Total PT 1992 117 1631 94 1813 26 1922 12 2237 28 1247 419 605 73 692 500 828 595
Huànuco 55 6 0 16 3
La Libertad 128 106 17 76 114
Lima 1/ 2182 1232 1035 757 954 Callao 486 401 247 277 113
Les défauts d’information ont été combattus pendant les années 90. Pour commencer le
TID n’est plus considéré comme un délit spécial mais il est rangé avec les délits contre
la sécurité publique (avec la possession d’armes). Ainsi, les statistiques construites
pendant ces années nous fournissent de l’information détaillée sur les indicateurs
d’efficacité pour l’ensemble national et selon les unités policières territorialement
distribuées. L’unité la plus importante est toujours Lima, qui cette fois-ci englobe la
zone urbaine de Lima et le Callao, mais les détentions pour trafic proprement dit sont
plus importantes à Huánuco (zone rurale de production) qu’à La Libertad (zone urbaine
de consommation).
Aussi, pendant les années 90 les nouvelles unités créés spécifiquement pour le trafic de
drogue apparaissent détachées des dépendances territoriales, tel que MGP, la direction
d’opérations spéciales (DIOAS), les établissements pénitentiaires (EP), La force
aérienne du Pérou (FAP), les bureaux de douanes (SUNAD), DINANDRO- Lima et
DINANDRO-Huallaga. Nous pouvons constater que DIRANDRO-Huallaga présente
une activité assez efficace, ayant saisi d’importantes quantités de feuilles de coca dans
48 Source: Oficina de Estadística de la Policía General – Àrea estadística COAS –DS de la Policía Técnica, Éstadísticas de criminalidad 1963-1991. 1/ Le département de Lima n’inclue pas la Provence du Callao. 2/ Jusqu’au Juin 1992.
66
les régions d’Ayacucho et Apurimac, et les unités de contrôle douanier SUNAD,
particulièrement celles du port et de l’aéroport du Callao, présentent de véritables
chiffres d’efficacité (INEI : 1996, INEI: 1997).
Tableau 36 : Localisation des activités efficaces en matière de drogues 1992-199849
Bien que les statistiques nationales actuelles aient corrigé certains montants de cette
période (en jaune), le tableau montre la localisation principale des activités contre le
trafic de drogue menées pendant cette décennie, ainsi que l’émergente efficacité de la
DINANDRO en matière de TID et des postes des points de mobilité internationale.
Finalement, les statistiques nationales de la période actuelle localisent les activités de la
police nationale selon la division territoriale départementale sans spécifier leur
efficacité. Le manque de précision de la terminologie (detenidos, drogas) contribue á
l’imprécision. La localisation des activités plus efficaces quant à l’arrestation de
personnes pour trafic proprement dit se concentrent toujours dans les régions de Lima,
49 Sources : Brigada antidroga y operaciones especiales ; gerencia de contrabando et Dinandro- apoyo técnico. Elaboration : INEI 1996, 1997 et 1998, Estadísticas sobre la producción, tráfico y consumo de drogas1994-1996, 1996-1997 et 1997-1998 ; Oficina de Estadística de la PNP y DINANDRO, Élaboration : INEI, Estadísticas de violencia y seguridad pública 1998-99.
Département 92 93 94 95 96 97 98 /3
Indicateurs activités trafic de drogues
Interven
tions
TID
Kg. de CC
saisie
Interven
tions
TID
Kg. de CC
saisie
Interven
tions
TID
Déten
us pou
r TID
prop
remen
t dit
Kg. de CC
saisie
Interven
tions
TID
Déten
us pou
r TID
prop
remen
t dit
Kg. de CC
saisie
Interven
tions
TID
Déten
us pou
r TID
prop
remen
t dit
Kg. de CC
saisie
Interven
tions
TID
Déten
us pou
r TID
prop
remen
t dit
Kg. de CC
saisie
Interven
tions
TID
Déten
us pou
r TID
prop
remen
t dit
Kg. de CC
saisie
Total 3180 185 3862 424 4551 2229 94 7102 3691 3605 8240 3538 1006 9741 4059 2315 11606 3340 1750
Huànuco 21 9 157 5 39 364 298 67 341 394 364
La Libertad 1,7 0,7 216 0,1 0,3 402 141 3 475 196 Lima (inclus Callao et province)
5,4 2 685 122 30 6256 881 255 8170 1168 1286
SUNAD 265 50 24 76 262 49 8 0
Dinandro PNP 124 0 499 7417 414 838 1952 0
Dinadro Lima 19
POSTES DE CONTROL DOUANNE SUNAD National : 293 59 4267,
4 346 732 367
- Callao 2 61 0 46 - Aéroport
Jorge Chàvez 288 57 4258,7 281 686 287
- Tacna 2,6 1 0,9 0 0 0
67
Huánuco et La Libertad. Toutefois, ces statistiques récentes conservent le souci de
détailler les activités menées à l’aéroport en matière de drogues qui s’avèrent efficaces
grâce aux montants d’arrestations pour trafic proprement dit et de chlorhydrate de
cocaïne saisi. Il faut remarquer que ces chiffres sont aussi en augmentation constante.
Tableau 37 : Localisation des activités efficaces en matière de drogues 1999-200650
En effet, les tableaux 38 et 39 permettent de constater les différences entre les
indicateurs d’efficacité pour l’ensemble de la PNP et ceux de l’unité située à l’aéroport.
Le tableau 38 montre une comparaison entre le nombre d’arrestations pour trafic de
drogue au niveau national, le nombre d’arrestations pour trafic proprement dit au niveau
national (sans compter les consommateurs et les micro-commerçants) et le nombre
d’arrestations pour trafic de drogue proprement dit à l’aéroport. Par rapport au premier
chiffre, le nombre arrestations à l’aéroport apparaît insignifiant mais sa participation
dans le deuxième apparaît de plus en plus importante.
Aussi, le tableau 39 montre que les indicateurs nationaux sont caractérisés – bien qu’à
partir du 2005 cette tendance se renverse - par un grand nombre d’interventions (les
activités de base) par rapport aux chiffres d’activités efficaces (détentions pour trafic
proprement dit et saisie de chlorhydrate de cocaïne) tandis que les chiffres de l’aéroport,
bien qu’ils ne soient pas élevés, montrent la tendance contraire. Notre hypothèse est que
l’efficacité de l’unité encourage son investissement dans ces activités, d’autant plus
qu’elle permet la publication de l’information détaillée sur ces activités dites efficaces.
50 Source: Ministerio del Interior. Oficina de Planificación general. Élaboration: INEI, Compendio Estadístico 2006.
1999
2000
2001 2002
2003
2004
2005
2006
Interven
tions
TID
Détentions
pou
r TID
prop
remen
t
CL. C
ocaïne
saisie
Interven
tions
TID
Détentions
pou
r TID
prop
remen
t
CL. C
ocaïne
saisie
Interven
tions
TID
Détentions
pou
r TID
prop
remen
t
CL. C
ocaïne
saisie
Interven
tions
TID
Détentions
pou
r TID
prop
remen
t
CL. C
ocaïne
saisie
Interven
tions
TID
Détentions
pou
r TID
prop
remen
t
CL. C
ocaïne
saisie
Interven
tions
TID
Détentions
pou
r TID
prop
remen
t
CL. C
ocaïne
saisie
Interven
tions
TID
Détentions
pou
r TID
prop
remen
t
CL. C
ocaïne
saisie
Interven
tions
TID
Détentions
pou
r TID
prop
remen
t
CL. C
ocaïne
saisie
Total 11456 2987 4025 13284 2876 2837 11358 2336 2915 11670 2082 4129 10609 2204 3574 9597 1988 7304 11259 1510 11763 7574 1185 10 409
Huànuco 302 255 223 222 206 126 117 46
La Libertad 157 102 50 52 93 61 58 6
Lima 1/ 1161 1 140 776 822 807 776 565 809
Aéroport 83 88 308 98 116 487 112 118 519 186 243 514 190 204 685 214 235 591 265 290 791 431 454 1 586
68
Tableau 38 : Personnes arrêtées pour trafic et consommation à niveau national, pour trafic proprement dit et pour trafic proprement dit à l’aéroport 1994-200651
Tableau 39 : Efficacité des activités de répression en matière de drogues au niveau national et des activités menées à l’aéroport 1999-200652
4.2.4. Caractérisation des sujets par la division antidrogues de l'aéroport
La direction contre les drogues et particulièrement l’unité de l’aéroport produit de
l’information sur la quantité de cocaïne saisie et le nombre d’arrestations comme des
indicateurs d’efficacité susceptibles d’être mis en exergue. Ces chiffres seront récupérés
par les structures institutionnelles de niveau national et international: la DIRANDRO, la
Police Nationale du Pérou (PNP), l’Observatoire péruvien sur les drogues (OPD-
51 Source: Ministerio del Interior. Oficina General de Planificación. Elaboratión : INEI, Compendio Estadístico 2006 52 Source: Ministerio del Interior - Oficina de Planificación general. Élaboration: INEI, Compendio Estadístico 2006.
19941996
19982000
20022004
2006
0
5 000
10 000
15 000
20 000
pour trafic à l'aéroport pour trafic proprement dit pour traffic, consommation et micro TID
0 2 000 4 000 6 000 8 000 10 000 12 000 14 000
Arrestat TID PDKg- CC SaisiInterventions
Arrestat TID PDKg- CC SaisiInterventions
Arrestat TID PDKg- CC SaisiInterventions
Arrestat TID PDKg- CC SaisiInterventions
Arrestat TID PDKg- CC SaisiInterventions
Arrestat TID PDKg- CC SaisiInterventions
Arrestat TID PDKg- CC SaisiInterventions
Arrestat. TID PD Kg- CC SaisiInterventions
2006
2005
2004
2003
2002
2001
2000
1999
A l'aéroport Totales
69
DEVIDA), le Ministère de l’Intérieur (MI), l’Institut National de Statistique et
Information (INEI), l’Organisation d’États américains contre la drogue (OEA-CICAD)
et les Nations Unis contre la drogue et le crime pour la région (ONUCD).
Tableau 40 : Activités de l’unité policière antidrogue de l'aéroport53
Interventions Détenus Etrangers Nationaux Hommes Femmes Drogue saisie
Kg. de C.C. PBC Capsules
1999 83 88 … 51 37 318.1 308.2 9.9 0
2000 98 116 … 65 51 487.0 487.0 0
2001 112 118 … 69 49 527.3 519.2 0
2002 186 243 … 168 75 518.8 514.0 4.8 0
2003 190 204 … 140 64 692.1 685.2 0
2004 214 235 … 170 65 600.3 591.3 9.0 0
2005 265 290 … 208 82 798.7 790.6 6.3 0
2006 431 454 361 193 334 120 1,587.3 1,586.3 0 15,067
2007/1 694 721 268 453 577 144 1,963 1,956 6,411 10,722
2008/2 184 207 133 74 160 47 793 793 0 0
Tableau 41 : Personnes arrêtées à l’aéroport selon le sexe 1999-200854
0
100
200
300
400
500
600
700
800
1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 /1 2008/2
Détenus
Hommes
Femmes
Tableau 42 : Personnes arrêtées à l’aéroport selon la nationalité 1999-200855
53 1/ Le rapport ONUDD 2007 estime un total de 1,892 Kg de drogue saisie dont 1,885 de CC. 2/ Au 9 Juillet 2008. Sources : DIRANDRO- LIMA, Statistique non officielle, et Ministerio del interior, oficina general de planificación, élaboration: INEI, Compendio Estadístico 2006 54 Source: Ministerio del Interior. Oficina General de Planificación. Élaboration : INEI, Compendio Estadístico 2006. 55 Source: Statistiques non officielles, DIRANDRO-LIMA
0 100
200
300
400
500
600
700
800
2006 2007 /1 2008/2
Détenus
Étrangèrs
Nationaux
70
Quant aux statistiques de l’unité de l’aéroport, nous pouvons remarquer qu’elles
n’indiquent pas seulement les montants importants de drogue saisie, mais aussi que sa
caractérisation des détenus récupère les catégories de base utilisées déjà dans les années
80: le sexe et la nationalité. Y apparaît la surreprésentation de femmes et d’étrangers en
comparaison aux chiffres nationaux de personnes arrêtées pour trafic de drogue. Le
nombre de femmes arrêtées au début de cette dernière décennie était considérable en
comparaison au nombre d’hommes, tandis que le nombre d’étrangers de ces dernières
années a parfois dépassé le nombre de nationaux.
Tableau 43 : Interventions selon type d’interventions et la modalité du délit 56
56 Source: DIRANDRO PNP. División de Investigaciones del TID. Departamento antidrogas Aeropuerto internacional Jorge Chávez, Cuadro Estadístico 2008 (à Juillet)
Nº Kg Cocaïne
Interventions 296 1,193,168 Trouvé 75 244,010
Arrestations 221 Passagers 147 791,030 Cargo 2 28,212 GAE 63,000 Encapsulados 52 66,916
Modalité Kg.
Drogue 1,193,168 Valise, Sac 781,347 Artisanats, chaussures 77,788 Ingestion capsules 66,916 Bois 29,342 Couverture 33,108 Bateau gonflable 28,000 Café, thé 21,241 Adhéré au corps 16,126 Boutons, boucles d’oreille 17,406 BBD vêtements 16,762 Trolley 15,080 Bouteilles bière 12,282 Carton structure 12,814 Pelotes, fils, cadres 10,106 Bonbons 9,392 Produits naturels 8,736 Table, bougie 7,196 Napperons 7,676 Plantes médicinales 6,382 Moutard épices 5,278 Sac a couchage 4,190 Livres feuilles imprimées 2,928 Enveloppes couteaux 1,820 Fruit secs 0,652 Peluche 0,510
71
Par ailleurs l’unité de l’aéroport DITID-AIJCH fournit régulièrement de l’information
sur les différentes nationalités des détenus et les différentes modalités employées pour
transporter la drogue à l'extérieur du pays (25 pendant la moitié de l’année 2008) et les
différentes modalités d'intervention (trouvés, passagers, etc.), ensemble présentées sous
la rubrique « réussites » (logros en espagnol). Nous pouvons voir de quelle information
il s’agit dans le tableau 43.
Le bureau central de la division antidrogue à Lima obtiendra et élaborera l’information
(par exemple perfectionner les classifications) et sera capable d’estimer jour par jour la
quantité de drogue saisie et les différentes nationalités impliquées. En Juillet 2008 sont
signalés16 pays de l'Amérique latine, 3 de l'Amérique du nord, 31 d’Europe, 10 d‘Asie
et 7 d'Afrique. En 2008, les principales nationalités étaient la péruvienne, l’espagnole et
la hollandaise suivies par l'italienne, la malaise et la sud-africaine tandis que les
principales destinations étaient l’Espagne, le Brésil, les Pays-Bas et l’Argentine.
Tableau 44 : Principales nationalités des personnes arrêtées à l'aéroport pour trafic de drogue57
Ainsi, l’unité antidrogue a élaboré une base de données de tous les cas dont certains
seront mis à disposition de la presse. Comment se développe telle relation et comment
comprendre la surreprésentation de femmes et d’étrangers justiciables qui traverse toute
la chaîne d’institutions pénales sera la matière du chapitre suivant.
57 Source : DINANDRO- LIMA. Statistique non officielle.
0%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
70%
80%
90%
100%
2006 2007 2008/1
Afrique Autres
Afrique R. Sudafricaine
Asie Autres
Asie Malasie
Europe Autres
Europe Portugal
Europe Roumanie
Europe Italie
Europe Pays Bas
Europe Espagne
Amérique du Nord Autres
Amérique du Nord Mexique
Amérique Latine Autres
Amérique Latine Argentine
Amérique Latine Brésil
Amérique Latine Bolivie
Amérique Latine Pérou
72
Tableau 45 : Principales destinations des personnes arrêtées à l'aéroport pour trafic de drogue 58
Pour conclure ici notre premier chapitre analytique, nous rappelons que la police est une
institution située en amont de la série d’activités qui construisent une population
pénitentiaire. Nous pouvons remarquer que l’étude de l’histoire institutionnelle et les
statistiques de la PNP en matière de drogues révèle que depuis les années 90, elle a
développé le souci de mener des activités efficaces de répression du trafic des drogues.
Une série d’insuffisances institutionnelles, de défauts d’organisation et d’enregistrement
ont permis de montrer telle efficacité seulement dans certains indicateurs de certaines
unités auxquelles on a finit par consacrer un investissement d’autant plus important.
C’est le cas de l’unité antidrogues de l’aéroport.
Autrement dit, les réaménagements institutionnels, la création d’unités spécialisées
antidrogue et le développement d’indicateurs d’efficacité en la matière ont favorisé
l’investissement dans les activités de l’unité antidrogues de l’aéroport international. Et
enfin, l’importance des activités de la division de l’aéroport à l’égard des objectifs
institutionnels dans la matière de drogues est à la base du développement d’une
population pénitentiaire qui emprunte la caractérisation et les catégorisations policières
(nationalité, modalité, etc.).
58 Source : DINANDRO- LIMA. Statistique non officielle
0%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
70%
80%
90%
100%
2006 2007 2008
Afrique Autres Afrique R. Sudafricaine
Asie Autres Asie Malasie Europe Autres Europe Portugal Europe Roumanie Europe Italie Europe Pays Bas Europe Espagne Amérique du Nord Autres Amérique du Nord Mexique
Amérique Latine Autres Amérique Latine Argentine Amérique Latine Brésil
Amérique Latine Bolivie Amérique Latine Pérou
73
CHAPITRE V : La dynamique de construction d’une image de
« détenu étranger pour trafic de drogues »
Dans le chapitre précédent nous avons expliqué le rôle et les activités de la police,
institution qui démarre la construction d’une criminalité d’étrangers pour trafic de
drogue. Mais la participation de la police n’est pas exclusive et nous pouvons l’insérer
au sein d’une série d’interactions avec d’autres acteurs qui participent aussi à la
construction de cette criminalité. Pour cela nous avons incorporé à la démarche une
méthodologie beaucoup plus qualitative. Nous avons réalisé un total de 20 entretiens
avec des acteurs qui ont rencontré dans le cadre de leur travail les personnes qui
constituent la population que nous intéresse. Nous incorporons aussi notre propre
expérience de 3 ans au sein d’un projet d’assistance humanitaire et légale avec environ
40 étrangers détenus dans les prisons de Callao et Chorrillos.
Dans la première partie du chapitre, nous allons décrire les relations qui ont lieu entre
les acteurs: coopérations, conflits, instrumentalisations, etc. Pour cela, nous allons
expliciter d’abord l’espace dans lequel se situent les interactions et le type d’acteurs
convoqués. Souvent il s’agit d’acteurs « de terrain » mais du moment qu’ils font partie
des hiérarchies et portent un discours officiel ou institutionnel, on parlera d’acteurs
« institutionnels ». Notre analyse se divise en quatre temps : un moment policier, un
moment judiciaire, un moment pénitentiaire et un moment politique. En chacun de ces
« moments » on a remarqué la prédominance de certains acteurs ainsi qu’une
prédominante relation d’altérité/identité à l’égard des personnes qui contribuent à cette
« criminalité ». Pour la caractérisation des interactions repérées nous nous sommes
inspirées de la catégorisation des relations sociales qu’a proposée Bajoit (Bajoit :1995).
Cette catégorisation ainsi que les principales définitions reprises de l’ouvrage de Bajoit
sont exposées dans l’annexe 2.
La deuxième partie du chapitre vise à expliciter la dynamique à travers laquelle les
relations décrites se succèdent. En synthétisant les relations en termes de liens d’altérité
et d’identité à l’égard des « étrangers détenus pour trafic de drogues » nous allons
signaler : a) l’image d’ « autre » qui a été mobilisée par les acteurs et b) les mouvements
ou la dynamique relationnelle à l’égard de cette image d’ « autre ». De cette manière on
74
cherche à comprendre la construction de cette criminalité en tant que construction
interactive d’une image d’étrangers détenus pour trafic de drogue. Notre hypothèse
finale est le résultat de l’interprétation de cette dynamique à la lumière d’un processus
qui l’englobe, dans lequel les reconstructions historiques et le rôle de l’institution
policière étudiés dans les chapitres précédents seront intégrés.
5.1. Relations sociales à propos d’une criminalité
Comme nous l’avons dit, nous allons présenter à l’aide de la classification de Bajoit des
relations sociales qui relient les différents acteurs de la mise en œuvre de la
criminalisation d’étrangers pour trafic de drogue au Pérou. Nous avons distingué quatre
moments d’interaction et les tendances relationnelles prédominantes pour chaque
moment.
5.1.1. Moment policier
Ce premier conglomérat de relations est centré sur les acteurs de l’unité policière
spécialisée en drogues DIRANDRO et notamment sur les unités qui travaillent à
l’aéroport du Callao, la division d’investigation du trafic de drogues de l’aéroport Jorge
Chávez (DIRANDRO-AIJCH) et la Division de sécurité de l’Aéroport. Ces unités
démarrent l’activité répressive à l’égard des passeurs de drogue et du trafic illicite de
drogue en général. Au moment policier, nous avons identifié cinq lignes d’interactions
qui relient les acteurs de la police à d’autres acteurs de la criminalisation. Malgré une
certaine conflictualité et compétitivité, la majorité des relations d’altérité entre les
acteurs tendent vers la complémentarité autour des missions de répression qu’ils
partagent. De l’autre côté surtout les policiers, mais aussi le reste des acteurs nouent une
relation d’altérité contradictoire avec la personne arrêtée et dès lors étiquetée. La
participation du parquet et des représentants diplomatiques corrigent un peu l’inégalité
de cette relation.
a) Policiers et personnes suspectées de trafic de drogue : La police péruvienne
appelle interdicción de campo sa principale tâche de mise en œuvre de la loi qui interdit
l’introduction ou exportation de drogues au Pérou. Les acteurs qui travaillent à
DIRANDRO réalisent les opérations qui visent l’arrestation d’infracteurs et la saisie de
75
la drogue dans des domiciles, des laboratoires clandestins, etc. Les caractéristiques
hiérarchiques de l’institution policière déterminent que plus on monte dans la hiérarchie,
moins on retrouve d’acteurs du terrain ou de la mise en œuvre concrète. Cependant, à
l’unité d’investigation de la Direction Antidrogue (DIRANDRO-DITID) et surtout à
l’unité de l’aéroport (DIRANDRO-DITID-AIJCH) nous retrouvons bon nombre de
vrais « acteurs du terrain » qui réalisent les actions d’investigation et interventions en
matière de drogues. DIRANDRO-AIJCH est une unité de 50 personnes dévouée
presque entièrement à la mise en œuvre de la prohibition et pas aux activités
bureaucratiques ou complémentaires.
Dans l’accomplissement de la mission concrète, ces acteurs rencontrent des personnes et
établissent une interaction particulière avec elles. Ce sont les acteurs de DINANDRO-
AIJCH, qui rencontrent la majorité d’étrangers et des passeurs de drogue dans leur
travail. Ils ont développé la pratique d’identification d’infracteurs, et qui peut être
développée après ou avant la saisie de la drogue ou de l’argent blanchi (HARCOURT :
2007). Une relation d’altérité est établie : les acteurs de ces unités rencontrent les
personnes avant la saisie de la drogue en leur appliquant une série de critères
psychologiques et physiques pour les identifier au profil de l’infracteur « passeur de
drogue » 59. La reconnaissance d’une identité abstraite dans l’autre qui est en face, ne se
dirige pas vers l’établissement d’une appartenance commune entre policiers et
infracteurs mais d’une appartenance de l’autre au groupe des « infracteurs », en
opposition inévitable avec les policiers.
Cette interaction est asymétrique, les policiers ayant le contrôle du processus. Les
personnes suspectées (souvent des passagers) apparaissent à partir de ce moment
comme los burriers, los intervenidos60, les arrêtés, etc. Ils sont soumis à des
interrogatoires tant à l’aéroport qu’au bureau central de DIRANDRO à Lima. L’échange
s’avère fondamentalement contradictoire parce que la police cherche de l’information
sur le délit tandis que ces personnes essayent de l’occulter61. L’ombudsman pour les
affaires pénales, de même que certains consulats et ambassades, ont pris la parole pour
59 D’après la description des deux policiers qu’on a interviewée à DIRANDRO-AIJCH 60 Comme on a expliqué burrier c’est un argot assez répandu pour designer les courriers de drogues, quant au terme intervenidos, il désigne la qualité d’avoir été sujet d’une intervention ou opérative policier. 61 Entretiens avec P2 policière de l’unité DIRANDRO-AIJCH et A1, Avocat pro deo à Callao respectivement.
76
ces personnes à ce stade, en particulier il leur offre de la protection et des
renseignements afin de pallier la désorientation qu’elles vivent par rapport au contexte
et aux procédures méconnues qui sont en train de se construire rapidement autour
d’elles.
Ainsi, à ce moment, pour diminuer la profonde inégalité de cette relation d’altérité
contradictoire, deux formes de coopération apparaissent : une coopération contractuelle
proposée par le parquet, qui explique les procédures de collaboration efficace et de fin
anticipée du procès à déployer au moment judiciaire62. D’autre part, la communication
entre ces personnes et les représentants diplomatiques de leurs pays d’origine est une
pratique importante qui veille sur le respect de leurs droits (par exemple le nombre légal
des jours d’arrêt) et les prévient d’actions qui vont à l’encontre de leurs intérêts (par
exemple engagements d’avocats qui se présentent à ce moment et qui offrent des
solutions pas nettes)63.
b) Policiers et parquets antidrogues : Institution de la même nature que la Police
Nationale, le Ministère public compte parmi ses membres des acteurs « de terrain » en
étroite coopération avec ceux de la police de l’aéroport. Les interviewés nous expliquent
qu’à l’instar de la PNP et les unités de la DIRANDRO, le Ministère Public possède une
série de parquets antidrogue qui partagent les missions de mettre en œuvre les lois
pénales à l’égard du trafic de drogue et plus spécifiquement poursuivre ce délit. Entre
ces deux types d’acteurs la coordination s’est avérée nécessaire au point que le parquet
antidrogue du Callao a un bureau situé à l’aéroport et à coté de celui du DIRANDRO-
AIJCH. De cette manière il assure sa disponibilité pour participer aux actions de cette
unité policière.
En effet, à DIRANDRO-AIJCH les policiers mènent une série de tâches pour lesquelles
ils ont besoin de la présence des parquets. La présence des parquets rend valable une
série d’activités qui auront le caractère de preuve au moment judiciaire. Les principales
activités réalisées et documentées par les policiers avec la participation des parquets
antidrogues de l’aéroport sont : la manifestación policial, par laquelle s’établissent les
62 Entretien avec P2, policière de DINANDRO AIJCH. 63 Les entretiens avec O1 et D1, agent de l’ombudsman et espagnol détenu à Callao respectivement coïncident sur cet aspect.
77
premières déclarations du justiciable à propos des faits ; el acta de decomiso, despistaje
y pesaje de la droga, qui établit un premier pesage de la drogue saisie ; el registro
personal y de incautación, dans lequel sont décrites les interventions aux domiciles et
auprès des personnes incriminées par les personnes arrêtées (souvent registre
d’habitations d’hôtels où les passeurs de drogue ont été préparés) et la reconnaissance
visuelle des photos des personnes signalées64.
Cette interaction est décrite par les deux parties comme confortable et positive. La
collaboration a été aménagée depuis que la distance physique des parquets ne facilitait
pas sa participation dans toutes les activités policières, en les rendant non valables au
moment judiciaire. Les deux acteurs sont rentrés, selon la terminologie de Bajoit dans la
logique d’un échange inclusif, ils coopèrent pour les mêmes fins65.
Une nuance sera approfondie dans le point suivant : la police a aujourd’hui un rôle
directif dan cette relation. Ce sont les policiers, beaucoup plus nombreux d’ailleurs, qui
sollicitent la participation des parquets à l‘aéroport aux moments particuliers. En même
temps, afin de procéder à l’analyse chimique, l’examen toxicologique ou la
reconnaissance médicale, les acteurs policiers convoquent la participation d’autres
unités spécialisées de la PNP, ils informent directement le juge de la détention,
conduisent le séjour d’arrestation dans le bureau central de DIRANDRO, et préparent
toute la documentation qui sera envoyée formellement au parquet provincial afin qu’il
puisse procéder aux poursuites66. La relation est complémentaire mais risque de devenir
conflictuelle dans le cadre d’un processus institutionnel qui privilège l’autorité des
parquets dans l’investigation criminelle (MULLER : 2009).
La possibilité d’un conflit viendrait du niveau institutionnel. L’influence de l’institution
policière au niveau politique, tel qu’on a vu dans les chapitres précédents, est
caractérisée par un échange qui ne se fonde plus sur des intérêts communs ou du
consensus. Au contraire, son emprise sur les autres institutions se maintient plutôt sur la
base de la coercition qu’elle a exercée pendant les régimes antidémocratiques. Dans ce
64 Entretien avec P2, policier de DINANDRO AIJCH, confirmé par la révision des dossiers juridiques des près de 40 étrangers assistés à travers des projets de l’évêque de Callao entre 2002-2006. 65 Entretiens avec F1, P2, membre du parquet antidrogues du Callao et policier de DINANDRO-AIJCH. 66 Révision des dossiers juridiques des étrangers assistés à travers des projets de l’évêque de Callao entre 2002-2006.
78
nouveau contexte de paix et réconciliation, cette emprise ne se justifie plus et le
Ministère public commence à renégocier sa position dans cette relation.
c) Policiers et agents internationaux : Parmi toutes les informations sur les
interactions que l’on a voulu connaître, ces interactions ont été les plus difficiles à
connaître. Il s’agirait d’une collaboration étroite entre la police, la DEA et les agents
policiers des ambassades, principalement des pays d’Europe et des Etats-Unis. Le
Département Antidrogue des États-Unis (DEA), aurait même des acteurs de terrain qui
travaillent aussi à l’aéroport. Bien que la coopération soit toujours explicitée par les
acteurs, une complémentarité n’est pas du tout prouvée. Bien que la collaboration
s’avère nécessaire pour certaines tâches, par exemple la vérification de la
documentation des personnes arrêtées, la relation peut présenter des difficultés pour
certains acteurs67.
À notre avis, il est possible que les différents contacts dans les unités policières
internationales soient en concurrence pour rassembler des informations pertinentes. Une
division du travail qui concerne des unités d’intelligence qui excluent le partage
d’information, risque de complexifier les relations. Cette interaction se prolongera au
stade suivant, incorporant la participation des acteurs du ministère public.
d) Policiers et travailleurs de sécurité de l’aéroport Jorge Chavez : L’aéroport Jorge
Chavez est géré par Lima Airport Partners (LAP), un consortium d’entreprises dont la
composition a beaucoup varié ces dernières années. Aujourd’hui la société Fraport AG
Frankfurt Airport Services Worlwide possède 80% des actions, conduisant ainsi la
concession prévue jusque 203068.
Quant à l’interaction entre les acteurs de la police de l’aéroport et les travailleurs de
sécurité de l’aéroport, il s’agit de la concurrence et du conflit pour le contrôle de la
sécurité de l’aéroport international. La relation a évolué de l’échange exclusif vers la
coopération mutuelle et la relation d’altérité complémentaire qui vise à l’objectif
commun de soutenir l’image et la sécurité de l’aéroport.
67 Entretien avec P1, policier de DINANDRO-AIJCH. 68 Website officiel de Lima Aerport Partners, http://www.lap.com.pe/lap_portal/acercalap.html. Consultée en Juin 2009.
79
Peu après le début de leurs activités dans l’année 2000, les acteurs de LAP ont essayé de
redéfinir le contrôle de la sécurité de l’aéroport, particulièrement en restreignant l’accès
des policiers à certaines installations et en interdisant les armes de feu. La réaction des
membres de la police a dépassé les actions de terrain et a impliqué la création d’une
direction policière aéroportuaire qui agglomère aujourd’hui les unités antidrogue,
antiterrorisme, réquisitoires, swat, etc. De même, les débats ont convoqué la position
d’OSITRAN, l’entité du Ministère de transport et communication qui contrôle
l’exercice de la concession et les normes internationales de sécurité aéroportuaire tels
que la Convention de Chicago.
Face à l’inefficacité des règles contractuelles comme moyens de négociation, les acteurs
chargés d’assurer le contrôle du terrain, c’est à dire la nouvelle direction policière de
l’aéroport, ont communiqué à la direction de LAP les investigations à l’égard de ses
travailleurs qui avaient des antécédents pour trafic de drogue. Cette dernière réponse, un
positionnement adversaire et conflictuel s’est avéré un moyen de pression effectif qui a
facilité les négociations pour rétablir un échange complémentaire, un contrôle partagé
entre le personnel de sécurité de LAP et les policiers de DIRANDRO-AIJCH. Un grand
pas en avant a été l’octroi des autorisations personnelles aux policiers pour l’exercice
de leurs fonctions dans des espaces restreints ou pour le port d’armes à feu. Une
solidarité fonctionnelle est en train d’être dessinée69.
e) Policiers et journalistes : On voit très souvent dans la presse des chiffres sur la
criminalité et l’activité policière en matière de drogues. Il s’agit de notes à propos
d’interventions importantes en matière de trafic de drogue avec de larges quantités de
détenus, de drogue saisie ou d’autres objets qui servaient à la criminalité organisée70.
69 Entretien avec P3, policier de la nouvelle direction de sécurité de l’aéroport. Les plaintes de la police contre LAP ont été exposées publiquement par la police et confirmés par un entretien non enregistré avec un travailleur de LAP. Voir les articles journalistiques : La droga sigue saliendo por el aeropuerto Jorge Chàvez, Perú 21, 10 Novembre 2008, http://peru21.pe/noticia/220814/droga-sigue-saliendo-aeropuerto-jorge-chavez, ou H.MUJICA, LAP, Gate Gourmet y coladera de drogas, Voltairenet, 3 Mars 2008, http://www.voltairenet.org/article155660.html. 70 Voir par exemple le website de RPP le group d’information plus prestigieux du pays qui compte avec une radio qui transmet dans tout le territoire national et une chaine de TV cablée : PNP incinera más de 3 mil Kilos de droga, 26 Juin 2009 ; Grupo de Alumnos arrestan a comercializador de drogas en Jesús María, 4 Juin 2009, Policía peruana detiene a tres españoles por presunto tràfico de drogas, 13 Mars 2009, etc. Consultables en http://www.rpp.com.pe.
80
La collaboration entre les policiers de DIRANDRO et certains journalistes devient
presque institutionnelle entre en ce qui concerne les cas des passeurs de drogue. Pour
ces cas les acteurs de la police - pas seulement ceux du terrain - fournissent de temps en
temps des chiffres actualisés, des déclarations, etc. La mise à jour d’une base de
données statistiques et vidéographiques et l’institution d’un bureau de relations
publiques à DIRANDRO favorise cette relation.71 Mais les objectifs de ces deux types
d’acteurs ne sont pas les mêmes, et alors plutôt que comme collaboration cette
interaction peut être considérée comme une interaction d’utilisation réciproque.
D’une part, les policiers mènent des investigations et complémentairement ils ont intérêt
à montrer une image de réussite face à l’opinion publique, ou à rendre publics certains
événements. Pour ces fins, certains contacts policiers peuvent donner de l’information à
la presse parfois en échange d’une simple amitié, par intérêt personnel ou même pour
vendre cette information72.
D’autre part, la presse et les journalistes ont un intérêt commercial-professionnel à
satisfaire la curiosité ou la demande d’information d’un public défini par ses
appartenances sociales. Selon la dernière enquête de l’Entreprise péruvienne d’études
sur le marché et l’opinion publique (CPI), le trafic de drogue est mentionné comme le
numéro 11 des problèmes dont la population urbaine exige au gouvernement une
solution (CPI : 2009). L’investigation est faite pour un public objectif auquel se
dirigent les journaux, les revues ou les journaux télévisés.
Le journaliste que nous avons interviewé reprend la stratification de la population
péruvienne urbaine selon le niveau socioéconomique que réalisent les entreprises
spécialisées tel que IPSOS-APOYO73. Â son avis, l’investigation sur la criminalité
organisée qui demande une rigueur particulière, des ressources et du temps, est offerte
au public A/B de la société péruvienne, tandis que la pseudo-investigation ou
71 D’après les trois policiers de DIRANDRO avec lesquels nous nous sommes entretenues informellement au moment de notre visite à ces installations. Ils nous ont fourni extra officiellement d’images, vidéos et statistiques stockés en principe pour la presse. 72 Entretien avec J1, journaliste d’investigation d’une revue politique. 73 IPSOS-APOYO est une entreprise qui fait des enquêtes sur l’opinion publique et sur le marché péruvien. En 2009 ils ont étudié le revenu moyen par ménage dans les villes. C’était de S/. 9,500 pour la catégorie A (1 S/. Nuevo sol = 0.23 Euros), S/. 2,400 pour la catégorie B, S/. 1,300 pour la catégorie C, S/. 850 pour la catégorie D et S/. 600 pour la catégorie E. Ils ont compté 3.7 millions de foyers, dont 18,5% appartenaient au secteur A/B, 32.5% au C et 30% au secteur D (IPSOS APOYO: 2009).
81
l’information light, comique, sensationnaliste, qui est rassemblée rapidement est
dispensée aux secteurs B et C de la société. Les reportages télévisés sur les passeurs de
drogue, très fréquentes, appartiennent à ce genre d’informations. L’autre extrême est
constitué par les notes des tabloïdes de prix réduit et dirigées au secteur D de la
population. Ces derniers s’intéressent à la criminalité violente liée à la micro-
commercialisation de drogue ou aux paqueteros qui opèrent dans les quartiers
marginaux de la capitale74.
Finalement, une relation conflictuelle mais marginale se noue, cette fois entre les
acteurs «de terrain» de l’aéroport et le journalisme « d’opposition ». Ce journalisme
s’occupe des affaires de trafic de drogue dans lesquels sont incriminées les acteurs de
terrain, tant de la police, que des douanes, du LAP et d’autres entités privées qui
travaillent à l’aéroport, et révèlent d’autres possibilités d’identité qu’auraient certains
acteurs du terrain qui s’alignent avec les objectifs illicites du trafic de cocaïne. Le fait
que les affaires qui impliquent des membres de la police ne soient pas reprises par des
mass-médias mais souvent par de journaux on-line ou des journaux d’opposition,
suggère que la complémentarité décrite entre la presse et la police peut aller loin75.
5.1.2. Moment judiciaire
Au cœur du moment judiciaire nous trouvons la relation entre les acteurs du parquet et
les juges de l’arrondissement judiciaire du Callao. Le terrain du moment judiciaire n’est
plus situé entre l’aéroport et la DIRANDRO centrale mais à l’arrondissement du Callao,
se prolongeant jusqu’aux Cours spécialisées de Lima. Nous pouvons remarquer aussi
une certaine emprise des parquets à l’égard des juges parce que les parquets ont
beaucoup plus de contact avec l’étape précédente, le terrain de l’aéroport et la tâche
d’identification d’infracteurs. D’autant plus qu’ils s’approchent du rôle proactif du
modèle accusatoire qui est en train de se développer au sein du système judiciaire
péruvien. À nouveau ces acteurs s’intègrent avec les acteurs du moment précédent à
travers des échanges de complémentarité et de solidarité fonctionnelle. La conflictualité
74 Entretien avec J1, journaliste d’investigation d’une revue politique. 75 Par exemple l’article Agentes de aduana dejaban pasar droga para México, 17 Mars 2009, http://www.larepublica.pe/politica/17/03/2009/agentes-de-aduanas-de-aeropuerto-dejaban-pasar-droga-para-mexico.
82
est encore lointaine et dépend de l’implémentation progressive du nouveau code de
procédure pénale.
Bien que les magistrats aient tendance à nouer ces relations d’altérité complémentaire
avec le reste des acteurs, ils peuvent aussi être en conflit. La presse ou les acteurs-
preuve76 ont souvent d’autres finalités mais la position favorable de la magistrature dans
la relation d’inégalité assure un équilibre complémentaire et fonctionnel. De même, au
moment judiciaire, une petite marge d’échanges possibles avec les justiciables
étrangers, accusés de trafic de drogue, s’ouvre. Le plus souvent ils acceptent une
identité de passeurs de drogue et s’intègrent au conglomérat des relations
complémentaires, diminuant ainsi l’inégalité et l’emprise qu’ils supportent. Mais un
certain nombre n’arrive pas à le faire et se positionne dans la conflictualité voire dans la
contradiction vis-à-vis des magistrats.
a) Parquets et juges: Cette relation montre une tendance à l’intégration. Les échanges
tendent vers la complémentarité et le maintien de l’inégalité à travers la persuasion. En
effet, il ressort de nos entretiens et notre expérience du terrain, une proactivité et
directivité de la part du parquet. Dans les cas des étrangers accusés de trafic de drogue
ce sont les parquets spécialisés dans la matière pénale du Callao qui vont démarrer la
série d’interactions du moment judiciaire et persuader les autres acteurs de leurs
finalités.
Les parquets provinciaux qui reçoivent la documentation du procès-verbal, se relayent
pour procéder à formaliser la poursuite. Pour les cas des passeurs de drogue étrangers le
procès-verbal est généralement accompagnée de la demande du mandat de détention et
du signalement de l’article de la loi qui a été transgressé : l’article 296 du code pénal. Le
type pénal était déjà suggéré par la police dans le P-V, de même que la détention avait
été communiquée par celle-ci au juge. Certains cas « compliqués » avec plusieurs
détenus ou plusieurs kilos de cocaïne saisie incorporent l’article 297 du code pénal77.
Normalement, le juge instruit en accord avec les poursuites au commencement du
procès.
76 Acteurs auxquels se dirige le juge pour avoir des informations sur le délit et le justiciable. 77 Entretiens avec A1, avocat pro-deo et J1 Juge pénal de 1ère instance du Callao.
83
Voilà le moment clé pour que la plupart des affaires d’étrangers aient cette tendance au
consensus fonctionnel qui se prolonge tout au long du procès avec l’accord de l’accusé.
Le pouvoir de décision du juge est relevant quand il reçoit l’opinion du parquet et
décide à la fin de la période d’investigation ordinaire si le cas passe ou ne passe pas au
jugement oral, et après, quand il a écouté l’accusé et le parquet, et décide si la personne
est coupable ou non et la peine. Mais l’engorgement judiciaire contribue à que les juges
et les avocats pro deo que les passeurs de drogue ont souvent, ne réalisent pas un travail
véritablement proactif ou défensif dans la phase d’investigation78.
En même temps, les parquets avouent anticiper et prendre en compte les critères des
magistrats pour déclarer leur opinion et éviter les instances supérieures79. Encore une
série de mécanismes de consensus plutôt contractuels que fonctionnels préservent la
tendance à ce que les décisions du juge ne s’éloignent pas de ce que demande le
parquet.
b) Relation tripartite avec les passeurs de drogue: Une série de mécanismes visent à
incorporer les passeurs de drogue justiciables à une relation de conformité avec les
décisions du juge et ultimement du procureur. Déjà le fait d’être un « passeur de
drogue » et pas un « gros poisson » se reflète dans l’article pénal 296 qui les incrimine
mais aussi dans l’utilisation d’avocats pro deo80. Ces trois acteurs : la personne
étrangère justiciable pour trafic des drogues, le parquet et le juge vont avoir tendance à
trouver un accord sur la définition du justiciable, du délit et de la peine.
Comme nous avons déjà expliqué au moment policier, trois mécanismes sont présentés
par le parquet au justiciable même avant que son opinion soit émise, convoquant sa
collaboration avec ses missions: la « collaboration efficace » qui offre entre autres une
exonération de la peine en échange d’informations importantes sur la criminalité
organisée, la terminaison anticipée du procès par confession sincère qui offre une
réduction de la peine et une procédure accélérée et la conclusion anticipée, de la même
nature que la terminaison anticipée qui opère au moment du jugement.
78 Entretien avec A1, avocat pro-deo au Callao. Notre expérience confirme cette affirmation. 79 Entretien avec P2, parquet supérieur à la Cour du Callao. 80 Entretiens avec P1, parquet antidrogues, J1, Juge pénal de 1ère instance et A1, avocat pro-deo au Callao.
84
Ces mécanismes peuvent être présentés à la manière des bénéfices pour le justiciable ou
de négociation entre le parquet et le détenu mais en réalité les trois acteurs vont
bénéficier d’une procédure accélérée et économiser une série de démarches et de
preuves si la personne accepte les conditions et accède au recours à ces dispositifs. La
collaboration efficace est assez rare mais les deux autres sont des procédures courantes
pour les cas des passeurs de drogue81. Le reste des justiciables, qui ne voient pas la
possibilité d’établir une relation contractuelle, rentrent dans une logique d’échange
dissensionnel et commencent à déployer des stratégies de défense de l’emprise des
lourdes législations sur le trafic de drogues.
En effet, la relation avec le justiciable étranger et accusé pour trafic de drogue est
tellement inégale à cause de l’emprise de la législation sur les drogues que les passeurs
sont prêts à accepter ces bénéfices procéduraux. En principe parce que comme on l’a vu
à l’étape précédente, les passeurs de drogue à la différence des dealers ou des bandes
arrêtés à leurs domiciles, ont cumulé une série de documents qui servent de preuve du
délit (drogue saisie, déclaration, expertises, identifications criminelles, etc. réalisées en
présence du parquet). Plaider l’innocence, nier les faits ou la possession de la drogue,
incriminer les policiers, même avoir des avocats qui construisent une superbe défense
est presque impossible82.
Ensuite, comme on l’a déjà dit, les passeurs de drogue n’ont pas déclaré une connexion
quelconque avec la criminalité organisée. Ils déclarent avoir eu un besoin économique,
et souvent ne pas connaître les gens qui les ont contactés83. En agissant généralement
seuls, ils sont facilement dénoncés selon la législation moins sévère contre le trafic de
drogue.
La loi de la « terminaison anticipée » bénéficie aux inculpés qui avouent moyennant la
réduction d’un sixième de la peine. Dans une petite audience le parquet propose une
peine et le justiciable accepte ou pas. Pour la plupart des magistrats il s’agit d’un critère
mathématique. Du fait que le minimum de peine établi par le code est de huit ans la
81 Entretiens avec P1, parquet antidrogues, P2, parquet supérieur, A1, Avocat pro-deo au Callao. 82 Entretiens avec J3, juge de la Cour de Cassation de Lima, A1, avocat pro-deo, P1, parquet antidrogues et P2, parquet supérieur au Callao. 83 Entretiens avec P1 parquet antidrogues, P2 parquet supérieur, A1, avocat pro-deo, J1, juge 1ere instance du Callao.
85
plupart de cas les passeurs de drogue seront sentenciés avec 6 ans et 8 mois de peine
(5/6 de 8). La sentence sera élevée à l’instance supérieure qui aussi confirmera la
décision dans la plupart des cas84. Par conséquent, demeurer dans l’identification de
courrier de drogues que la police a opérée est accepté en tant qu’elle implique un statut
plus favorable au niveau judiciaire. La majorité des cas des étrangers pour trafic de
drogues vont vite terminer l’étape judiciaire ici. Pas tous.
Une proportion des cas sont des « cas compliqués » auxquels cette possibilité de
procédure raccourcie n’est pas offerte. En particulier parce que la police, le parquet et le
juge ont travaillé sur l’article 297 du Code Pénal. La réalité n’est pas noire et blanche
malgré que la loi la force. D’autres personnes d’origine étrangère peuvent être arrêtées à
propos des enquêtes qui suivent l’intervention d’un passeur de drogue, notamment
d’autres personnes qui allaient commettre la même infraction. Mais la mobilisation de la
répression sévère se fait en fonction de la multiplicité d’accusés ou de la quantité de
drogue puisqu’elle fait partie de la large définition sur la criminalité organisée établie
dans la législation péruvienne. Le reste de justiciables qui ne bénéficient des procédures
avantageuses sont impliqués dans des procès plus complexes. Ils sont parfois identifiés
comme des passeurs de drogue, mais aussi comme des membres d’une bande, ou des
personnes qui gravitent autour, partenaires, prostituées, etc. en fonction des divers
possibilités d’intervention policière85.
Au jugement il y a encore la possibilité contractuelle, le justiciable peut avouer et avoir
accès a une conclusion anticipée du procès qui épargne aussi le temps d’investigation,
de preuves et octroie un certain avantage sur le montant de la peine. Cependant, les
exigences de la part du parquet et du juge supérieur sont plus sévères : expliquer la
relation avec d’autres codétenus « plus mêlés », cohérence des récits, donner de
l’information sur les contacts, l’aveu commun, etc. En même temps les menaces qui
pèsent sur eux sont lourdes : des peines plus longues et sans bénéfices pénitentiaires, la
délation des membres de la criminalité organisée qui peuvent se venger, etc.86
84 Entretiens avec P1, parquet antidrogues, P2, parquet supérieur, A1 avocat pro-deo. 85 Entretiens avec J1, Juge 1ere instance, J2, juge supérieur, A1, avocat pro-deo du Callao et entretien O1, agent de l’ombudsman, J3 Juge de la Cour de Cassation de Lima. 86 Entretiens avec P2, parquet supérieur, D2 italo péruvien détenu pour trafic de drogues et D3 colombienne détenu pour trafic de drogues. Notre expérience aussi nous confirme cette réalité.
86
Les caractéristiques angoissantes de ce moment encouragent les justiciables à ne rien
dire ou à rester dans le « discours de passeur de drogue » si leur récit ne s’éloigne pas de
celui décrit au moment policier. Il est utilisé comme garde-fou parfois inefficace. La
personne ne peut plus offrir que ce qu’elle a déjà donné au moment policier. Dans les
mots d’un membre d’une bande qui envoyait des passeurs de drogue : « le passeur de
drogue ne vas pas me dénoncer, parce ce que ça veut dire qu’il est déjà plus qu’un
passeur de drogue »87.
Pas seulement pour les étrangers mais aussi pour les nationaux solidarisés sur l’emprise
des mêmes poursuites, l’échange d’objectifs opposés passe du conflit á la contradiction
selon les possibilités qu’ont les juges et les parquets de connaître la réelle identité des
justiciables. Les difficultés au niveau national quant à ce type d’affaires ont entrainé la
création d’une chambre spécialisée de la Cour d’appel qui centralise ces affaires à
Lima88 même si la célérité n’est pas l’objectif privilégié.
Le comportement conflictuel se rationalise d’autant plus que tout justiciable est
encouragé à ne pas faire appel après le jugement. Pour continuer à plaider pour
l’absolution ou pour avoir une peine moins sévère le justiciable évalue ces possibilités
en termes de cout-bénéfice. Il doit tenir compte du fait qu’au moment de la sentence
presque trois ans de procès sont déjà écoulés auxquels il faut ajouter un an pour obtenir
une résolution de la Cour de Cassation, et encore envisager la possibilité des grèves des
magistrats. D’autre part il doit mesurer le temps dont il a besoin pour accéder à une
libération conditionnelle ou semi-liberté. Un justiciable étranger condamné pour trafic
de drogue va continuer á soutenir son dissensus jusqu’à la Cour de Cassation si la peine
a été établie sur la base de l’article 297 du Code Pénal qui sanctionne entre de 15 à 35
ans de peine privative de liberté et exclut la possibilité d’une liberté conditionnelle ou
semi-liberté89.
Malheureusement outre la possibilité de conformité et consensus, ou la stratégie
dissensionnelle qu’offre le clivage entre peines légères et sévères pour le trafic de
drogue, certains justiciables peuvent trouver une troisième forme de relation avec les
87 Entretien avec D2, italio-péruvien détenu pour trafic de drogues. 88 Entretien avec J3, juge de la Cour de Cassation à Lima.
87
magistrats. Il s’agit d’une stratégie de relation contradictoire entre les magistrats et les
justiciables parce qu’elle détériore toutes les règles de jeu. Deux de nos interviewés ont
signalé le chiffre de 25 mille dollars qui ont servi pour que certains puissent sortir du
système pénal sous la forme d’une « non-opportunité de jugement oral » « innocent » ou
« non-accusation ». Cette fois-ci ce sont les principaux acteurs du moment judiciaire qui
se dissocient des intérêts institutionnelles et qui nouent des liens d’identité avec les
justiciables ou la criminalité organisée90.
c) Parquets et acteurs du moment policier : Les interactions de collaboration entre les
acteurs du moment policier vont se prolonger jusqu’au moment judiciaire. Le parquet
est situé entre les interactions de collaboration qui se nouent entre la DIRANDRO,
DIRANDRO-AIJCH, les agents de la Narcotics affairs section de l’ambassade des
Etats-Unis au Pérou (NAS), le Drug Enforcement Administration du gouvernement des
Etats-Unis (DEA), l’unité d’intelligence du Ministère de l’Intérieur, etc. visant tous à
rassembler la majeure quantité d’information sur le crime. Les parquets vont se diriger
vers ces acteurs pour leur demander des informations et la réalisation de certaines
activités qui servent à l’identification d’auteurs et de ses connexions avec la criminalité
organisée91. Les parquets devraient ainsi consolider la solidarité ou l’intégration entre
ces acteurs. Cependant, ils n’arrivent pas encore à bien diriger ces relations, non plus à
les déplacer du moment policier au moment judiciaire de façon que les juges puissent
les contrôler.
La résistance vient de la part des acteurs de la police, mais aussi d’autres acteurs qui
considèrent les procédures judiciaires peu efficaces. H. Müller conclut à propos de
l’implémentation du nouveau code de procédure pénale qui octroie la direction de
l’investigation au parquet et réduit la fonction de la police de la création de la preuve à
l’élaboration d’un simple rapport : « On ne peut plus continuer à considérer la Police
Nationale comme l’organisation policière chargée d’investiguer le délit, de capturer
l’accusé et de le mettre à la disposition du parquet en qualité de détenu avec le P.-V., en
attendant qu’à partir de ses investigations et conclusions, une peine de privation de
89 Entretiens avec A1, avocat pro-deo au Callao, D2 italo-péruvien détenu pour trafic de drogues et D3 colombienne détenu pour trafic de drogues. Notre expérience aussi nous confirme ces faits. 90 Entretiens avec D2, italo-péruvien détenu pour trafic de drogues, A1, missionnaire espagnol intervenant de la prison de Callao. 91 Entretiens avec P1, parquet antidrogues, et P2 parquet supérieur du Callao.
88
liberté soit appliquée. C’était le cas dans l’ancien modèle inquisitoire mais on ne peut
pas non plus abandonner l’institution policière et prétendre que ses membres adaptent
leurs critères au nouveau système pénal sans la doter des ressources suffisantes ou de la
capacitation nécessaire pour internaliser le nouveau paradigme » (MULLER : 2009
notre traduction).
En addition aux résistances « institutionnelles » des acteurs policiers, il faut ajouter que
pour les cas de trafic de drogue, le parquet reconnaît que les besoins d’effectivité -
souvent interprétés dans le sens de rapidité - impliquent des relations du type informel.
Ces relations informelles/formelles, pas seulement avec la police mais avec les agents
policiers internationaux, la DEA etc. conditionnent le travail développé autour de
l’identification de passeurs de drogues. Les procédures de coopération judiciaire et
policière incluent des démarches compliquées à travers le ministère des relations
extérieures, les ambassades, etc. D’autres limitations législatives comme la nécessité
d’un permis judiciaire pour procéder aux enregistrements téléphoniques entraineraient
des délais dans les interventions policières92. Au niveau des procureurs supérieurs
quand le temps est écoulé et les preuves et témoins ont disparu, l’activité peut être
réduite à l’envoi de lettres exclusivement93. Ainsi, le parquet appelé à devenir l’interface
entre les deux moments des dynamiques a du mal à mener ce projet embryonnaire de
rejouer « judiciairement » les relations qu’il a jouées dans le moment policier.
d) Juges et « acteurs-preuve » : Dans le moment judiciaire et d’autant plus dans le cas
où les justiciables ne se montrent pas en conformité et n’arrivent pas au consensus avec
le parquet et le juge, le juge interagit avec une série d’acteurs qui sont capables de lui
fournir des preuves de l’identité du justiciable. Dans cas où la relation avec l’accusé est
particulièrement compliquée, l’identité comme passeur de drogue n’est pas établie,
l’article 297 est impliqué, un avocat privé intervient, etc. on va faire avancer ces
activités qui autrement sont éparpillées et standardisées.
Minimalement les juges vont envoyer des correspondances á l’INPE au Registre
Judiciaire et au Bureau de Migrations sollicitant les antécédents de la personne, ses
registres migratoires, etc. Aussi, ils vont possiblement s’adresser à Interpol pour
92 Les entretiens P1, parquet antidrogues, J2, juge supérieur ont coïncidé sur ce point. 93 Entretien P2, parque supérieur.
89
solliciter des antécédents au niveau international, à l’entreprise de téléphonie pour avoir
accès à leurs contacts privés, aux policiers de DIRANDRO pour s’informer sur les
interventions, ou se diriger vers d’autres personnes pour avoir des témoignages ou
confrontations. L’activité du juge apparaît moins efficace d’autant plus que le temps
l’éloigne du moment du crime et particulièrement dans les cas où les passeurs de
drogues avouent et acceptent les conditions du parquet94.
Enfin, si on considère les difficultés que présente pour le parquet la tâche de
reconstruire les dynamiques d’identification de l’infracteur au moment judiciaire et la
difficulté des juges d’interagir informellement et rapidement avec la diversité d’acteurs
qui fournissent des preuves, on comprend pourquoi tous ces acteurs en viennent
conjointement à déclarer que parmi les affaires de trafic de drogue qui amènent les
étrangers devant la justice on trouve « une majorité de cas très faciles des passeurs de
drogue»95. Ces cas sont objet des mécanismes de consensus et d’échanges d’altérité
assouplie.
e) Magistrats et opinion publique : Finalement un type d’interaction où on retrouve
encore une fois en identification mutuelle les parquets et les juges, est face à l’opinion
publique. Cette relation est distante, conflictuelle, caractérisée par la méfiance à l’égard
des magistrats. L’origine peut se trouver dans le rôle de contrôle que les institutions
judiciaires et la presse ont joué dans un scénario de transition à la démocratie. Les
magistrats expriment la peur d’être pointés comme corrompus lorsqu’ils ne se montrent
pas assez sévères dans les cas du trafic de drogue.
Cette méfiance s’est infiltrée au sein de ces institutions à travers ses organes de contrôle
interne, qui sont très sensibles à la presse et à une opinion publique de plus en plus
intéressée par les affaires de trafic de drogue et de corruption96. Les magistrats ne
chercheront pas la solidarité expressive ou la reconnaissance de la population, mais
auront plutôt une tendance à être discrets et à ne pas nouer des relations instrumentales
avec la presse. Malgré cela, cette dernière a su s’occuper des menaces et attentats qui
subissent les magistrats qui traitent les affaires de drogues.
94 Entretien J1, juge de 1ere instance du Callao. Notre expérience confirme cette réalité. 95 Les entretiens P1, parquet antidrogues, P2, Parquet supérieur, A1, avocat pro-deo, J1 juge de 1ere instance. J3 juge de la Cour de Cassation de Lima ainsi que notre expérience coïncident sur ce point.
90
Fernando de Trazegnies dans sa brève histoire du pouvoir judiciaire au Pérou dira :
« Comme on peut le voir la situation n’as pas trop changé depuis cette époque jusqu’a
nos jours sauf sur un aspect : les épaulettes militaires n’ont plus autant d’importance et à
sa place aujourd’hui les plumes de la presse les ont remplacées. La pression médiatique
participe aujourd’hui dans les jugements qui intéressent l’opinion publique, peu importe
leur nature. Ainsi peut-on voir comment au moment du procès la presse intervient,
opine, préjuge, évalue les preuves, condamne et même intimide les juges pour qu’ils se
prononcent dans un sens ou l’autre » (DE TRAZEGNIES : 2009).
5.1.3. Moment pénitentiaire
Le moment pénitentiaire est situé principalement dans les deux prisons qui sont les plus
proches de l’aéroport international : L’E.P. du Callao et L’E.P de femmes de Chorrillos.
Ce « moment » court en réalité parallèlement au moment judiciaire mais il correspond à
un autre registre dans lequel l’acteur le plus important est le détenu. Il entrera en
relation avec les autres détenus, les fonctionnaires, les intervenants de la société civil
(église, ONG) ainsi que d’autres acteurs qu’on a appelées les médiateurs.
Les relations d’altérité, qui sont apparues comme atténuées grâce à une série de
mécanismes consensuels au moment précédent, réapparaissent poussées vers la
conflictualité avec ces acteurs. Les fonctionnaires de l’INPE varient entre les relations
de complémentarité et la conflictualité avec les détenus pour maintenir l’institution.
L’asymétrie des relations est plus importante, mais une complémentarité est tranchée
avec la coopération des détenus nationaux en faveur des fonctionnaires et des
fonctionnaires en faveur des magistrats et de la presse. Mais cet équilibre fragile a été
dérangé par la présence des détenus étrangers. Ils ont fait appel à des acteurs qui n’ont
pas des objectifs contraires à l’administration pénitentiaire et qui ont une certaine
importance au niveau politique (ambassades, consulats). L’activité de ces acteurs
comme médiateurs a entrainé le renversement de la situation d’inégalité et de la position
des détenus étrangers dans une complémentarité qui les favorise mais qui renforce aussi
la conflictualité latente.
96 Entretiens avec P2, parquet supérieur et O1 agent de l’ombudsman péruvien.
91
a) Relations de pouvoir au sein des prisons péruviennes : Pour commencer il faut
rappeler que les prisons péruviennes sont gérées par l’Institut National Pénitentiaire
(INPE) mais qu’avant la tâche appartenait à la Police Nationale. Les missions de
l’institution aujourd’hui sont l’administration des prisons et la réhabilitation des
détenus, toutefois comme on a vu dans les chapitres précédents les prisons de Lima sont
des endroits surpeuplés et qui présentent une série de limitations quant à la sécurité et
les conditions de vie.
Elles ont été étudiées comme des institutions totales par Perez Guadalupe qui a soulevé
l’existence d’échelons de pouvoir dans lesquels s’insèrent les détenus selon leur
parcours délictuel. Certains acteurs du terrain reconnaissent l’existence de groupes qui
jouissent d’une sorte de « respect » de la part des autres détenus et même des
fonctionnaires (PEREZ GUADALUPE : 1994). Bien que les dynamiques de violence et
de pouvoir au sein de la prison soient assez complexes, les intervenants témoignent de
l’influence de certains détenus sur les autres et même de l’exercice d’un certain contrôle
sur les acteurs de l’INPE97.
b) Fonctionnaires pénitentiaires et journalistes : Cette représentation qu’ont certains
intervenants et chercheurs correspond à l’image de la prison que la presse envoie à
l’opinion publique. La capacité qu’ont les groupes des détenus les plus dangereux
d’accéder et contrôler le commerce d’armes, drogues et moyens de communication
(GSM, internet, etc.) à l’intérieur de la prison a été diffusée par les mass-médias
(journaux et tv) ces dernières années. Leur possibilité de rester en contact avec les
bandes qui opèrent encore hors la prison, fait partie de l’inquiétude de l’opinion
publique sur la sécurité citoyenne notamment à Lima. Les fonctionnaires apparaissent
souvent dans « alarmantes » ces notes de presse98.
Toutefois, les prisons étant des institutions fermées, ce sont les mêmes acteurs de
l’INPE qui fournissent les informations sur les activités que réalisent les détenus
97 Entretien avec A1, intervenant au Callao. Notre expérience confirme cette réalité. 98 Voir les articles : Jefe del INPE puso su cargo a disposición luego de admitir la fuga de cuatro presos, El Comercio, 24 Février de 2009, http://www.elcomercio.com.pe/noticia/250605/no-fueron-dos-sino-cuatro-presos-que-fugaron-gracias-ordenes-judiciales-falsas-admite-inpe ou Trabajadores INPE
92
(souvent des concours ou célébrations), les conditions de vie précaires (un rappel
régulier pour l’opinion publique) et notamment sur les cas de corruption qui impliquent
ses fonctionnaires. Ces derniers ont augmenté depuis que tout un groupe de personnes
du cercle de pouvoir de Fujimori se sont retrouvés en prison pour des délits de
corruption. La relation entre l’INPE ou ses acteurs de terrain et la presse est dans les
meilleurs des cas une coopération instrumentale99.
c) Personne détenue étrangère et détenus étrangers : Lorsqu’il s’insère dans ce
monde de dynamiques, l’une des premières interactions que mène le détenu d’origine
étrangère est la relation avec le groupe des détenus étrangers. Dans les prisons
mentionnées les détenus étrangers sont souvent groupés par nationalité ou proximité
géographique. Les Espagnols, les Colombiens ou les Africains, peuvent être repérés
facilement. Du moment qu’ils partagent au moins la langue ces groupes vont accueillir
le nouveau en lui offrant de l’information, de la protection, voire du soutien moral dont
il a besoin pour s’adapter progressivement au nouvel environnement.
Les passeurs de drogue détenus informent aux nouveaux de leurs droits et de l’existence
de bénéfices procéduraux et pénitentiaires pour eux, de même il leurs expliquent les
marges de manœuvre possibles et les difficultés qu’ils peuvent rencontrer dans la vie en
prison. Comme il s’agit de relations quotidiennes, tout type d’échanges est convoqué et
les énumérer serait peut être impossible, mais pour la plupart des acteurs il est évident
qu’ils ont tendance à développer des liens de solidarité100.
d) Les détenus étrangers et les détenus nationaux : En revanche, les relations entre le
groupe de détenus étrangers et les détenus nationaux sont appréciés par la plupart des
acteurs comme un conflit latent. Bien évidemment avec des exceptions d’humanité et
d’amitié, les nationaux qui connaissent beaucoup mieux le contexte de la détention et
l’environnement peuvent essayer de profiter ou abuser des étrangers. En même temps ce
sont les nationaux qui peuvent « aider » les étrangers à trouver un domicile pour leur
sortie, à faire des connaissances, trouver des partenaires, même à faire des contacts dans
despedidos por abuso sexual en penal de Cusco, Agencia-Perú, 27 du Février 2009, http://agenciaperu.tv/view_video.php?viewkey=caf6d92cc76c5b773e7b&category=§ion=12 99 Tout au long de notre expérience nous avons constaté cette relation. 100 Les entretiens avec A1, avocat pro-deo, F1 et F2 fonctionnaires de l’INPE, D1, espagnol détenu pour trafic de drogues, O1 agent de l’ombudsman et notre expérience confirment cet aspect.
93
le domaine de la falsification de documents ou d’autres secteurs de la délinquance qui
les intéressent pour leur sortie101. Ainsi, les liens de solidarité sont au plus contractuels
c'est-à-dire instrumentaux et peuvent vite tourner vers l’altérité conflictuelle ou la
contradiction du fait de la rareté des services et biens dans les prisons102.
Nous avons recueilli les mêmes informations que Palma quant au fait que les détenus
des pays d’Europe et notamment d’Espagne peuvent montrer un certain mépris pour les
attitudes, la culture et les habitudes des nationaux103. (PALMA : 2006). Mais les
relations conflictuelles que ces détenus peuvent développer vis-à-vis des nationaux
s’expliquent aussi par leur relation avec les fonctionnaires. Les détenus étrangers seront
entrés dans une espèce de « concurrence déloyale » pour les biens et services que les
fonctionnaires offrent.
e) Détenus et fonctionnaires : Dans les prisons les fonctionnaires sont divisés en
fonctionnaires administratifs (psychologues, juristes, assistants sociaux, directeurs, etc.)
et fonctionnaires techniques, c’est-à-dire le personnel de surveillance qui est le plus en
contact avec la population carcérale. Les fonctionnaires des prisons péruviennes se
reconnaissent comme un groupe qui présente déjà beaucoup de conflits en son sein104.
Une étude a révélé que près de 25% de ces travailleurs considèrent leur travail comme à
haut risque et 46% le considèrent à risque moyen (entre autres le risque d’être agressé
par des détenus dans une mutinerie, d’être pris comme otage ou d’être infecté
d’acariens, tuberculose ou SIDA). Cependant, selon l’étude, les niveaux de stress son
bas pour 62% des travailleurs (ESTEBAN, GONZÀLES & GUEVARA : 2006).
Etant donné que les dynamiques de pouvoir n’assurent pas le contrôle des prisons sous
l’autorité des fonctionnaires de l’INPE, la relation entre les détenus et les
fonctionnaires est une relation de négociation constante. Entre la complémentarité et le
conflit, elle se penche vers la première parce que les deux groupes ont besoin de
coopérer réciproquement pour atteindre leurs propres finalités. D’une part les
101 Les entretiens avec F1, F2, fonctionnaires de l’INPE A2, intervenant de ONG à la prison de Chorrillos, A1, avocat pro-deo coïncident sur ce point. 102 Entretiens avec F1 et F2, fonctionnaires de l’INPE. 103 Entretiens avec F1, F2 fonctionnaires de l’INPE et A2, intervenant de la prison Chorrillos. 104 Entretiens avec F1 et F2 fonctionnaires de l’INPE. Notre expérience confirme ce fait.
94
fonctionnaires cherchent le maintien de l’ordre et d’autre part les détenus veulent avoir
certaines « libertés ».
En considérant qu’existent des conditions pénibles, des ressources humaines et des
infrastructures insuffisantes, l’octroi discriminé des faveurs et la corruption pour
accéder aux services, à des meilleures conditions de vie, et même pour se déplacer à
l’intérieur de la prison, sont des pratiques quotidiennes. De la part des détenus, ils
peuvent essayer de faire plaisir au surveillant, mobiliser un groupe de détenus pour faire
pression, dénoncer les fonctionnaires pour atteintes aux droits de l’homme, de la part
des ainsi dits « techniciens », ils vont employer bien souvent le cachot et restreindre ou
relâcher les normes de discipline ou l’accès aux services et aux activités. L’équilibre
penche du côté des fonctionnaires et en principe les détenus étrangers sont invités à
s’insérer dans cette relation qui varie entre la complémentarité et le conflit explicite.105
Les fonctionnaires administratifs sont plus en interaction avec les autres niveaux de
l’administration pénitentiaire péruvienne, de même qu’avec les magistrats qui ont les
compétences d’octroyer la liberté conditionnelle ou la semi-liberté. Bien qu’il y ait de
beaux exemples de relations de bienveillance, motivation, respect et affection, les
démarches qui définissent la situation juridique et pénitentiaire des détenus sont des
opportunités de renforcement de la relation d’inégalité qui ravivent le conflit avec le
détenu intéressé à demander un bénéfice pénitentiaire106.
En règle générale le détenu qui n’a pas un parcours délictueux important et non plus
accès aux sphères souterraines de pouvoir n’a qu’à adopter une position de soumission
et accepter les exigences (même pécuniaires) et les délais des fonctionnaires. Il va
étudier ou travailler, aller chez le juriste, le psychologue et l’assistant social et même
payer pour ces services107. Il attend patiemment les démarches de gestion de sa sortie.
Cet échange qui était consensuel vire vers le dissensus lorsque les détenus ont réagi à
une relation d’inégalité extrême et d’abus de la part des fonctionnaires108. La relation
incorporant les détenus étrangers a été aménagée pour que l’échange continue d’une
105 Entretiens avec F1, F2, fonctionnaires de l’INPE. Notre expérience confirme aussi cette réalité. 106 Entretiens avec F1, F2, fonctionnaires de l’INPE, A1, missionnaire intervenant de la prison. Notre expérience confirme aussi ce fait. 107 Entretiens avec F1 et F2 fonctionnaires de l’INPE. 108 Entretiens avecF1 et F2 fonctionnaires de l’INPE.
95
manière complémentaire moins inégale et aujourd’hui par exemple, les fonctionnaires
accomplissent leurs missions dans le cadre des bénéfices pénitentiaires dans des délais
plus respectables109.
f) Fonctionnaires et magistrats : La constitution d’un dossier de bénéfices
pénitentiaires (libération conditionnelle, semi-liberté, réduction de la peine pour travail
ou études, etc.) est l’opportunité des dynamiques d’identification sporadique et à fin
unique entre les fonctionnaires et les détenus face aux magistrats du parquet et des cours
de l’arrondissement du Callao. Les magistrats ont aussi entre eux une certaine tendance
à la conformité mutuelle comme on a vu.
Le parquet va réceptionner le dossier et avancer une opinion souvent méfiante des
documents pénitentiaires. Le magistrat peut devenir exigent pour les cas d’étrangers
détenus pour trafic de drogue et demander la preuve d’assistance du détenu au travail ou
à l’étude de même qu’un extrait de son cassier judiciaire, bien que ces informations
devraient être contrôlées déjà au niveau pénitentiaire. On peut voir des cas où les
rapports psychologiques et sociaux présentés par les fonctionnaires sont rendus à
l’INPE pour être approfondis parce qu’ils signalent des formules synthétiques tels que
« bon comportement » mais rarement ces professionnels seront invités à se présenter
devant les tribunaux comme on fait de plus en plus dans les affaires des mœurs110.
g) Les médiateurs entre les détenus étrangers et les fonctionnaires : L’insertion des
détenus étrangers au sein de cette dynamique complémentaire-conflictuelle a comporté
une évolution. Les possibilités de négociation et de pouvoir au sein des prisons étant
déterminées selon une échelle sociale dans laquelle les étrangers n’étaient guère
considérés, les ont situé dans une position de vulnérabilité, pas seulement face aux
détenus mais aussi face aux fonctionnaires. Comme remède ils ont fait appel à une série
de médiateurs et depuis un certain temps la situation a changé.
Les détenus ont souvent des exigences quant aux conditions de vie, services,
procédures, etc. mais très peu de possibilités de les atteindre et beaucoup moins de les
exprimer face à des acteurs autres que les fonctionnaires. Ces derniers et
109 Entretiens avecF3 fonctionnaire de l’INPE et A1 missionnaire intervenant de la prison du Callao. 110 Entretiens avec F3 fonctionnaire de l’INPE.
96
particulièrement les fonctionnaires qui ne font pas partie de la direction n’ont pas les
moyens de répondre à ces exigences (manque de ressources, de personnel, peu de
capacités de donner des services psychologiques ou sociaux, etc.). Même l’échange
complémentaire entre ces deux acteurs n’a pas d’effet sur ces problèmes.
Les seuls acteurs auxquels les détenus peuvent s’adresser pour communiquer leurs
difficultés sont les intervenants civils (ONG, église, etc.), très peu nombreux, qui
travaillent dans les prisons et une presse qui s’intéresse de temps en temps à leur
situation. Les visites de l’ombudsman, du parquet ou des organismes de protection de
droits de l’homme aux prisons sont ponctuelles et se dirigent vers les situations plus
urgentes. L’autre possibilité est de chercher par eux-mêmes (épargnes, travail, délits,
etc.) ou de convoquer leurs familles pour avoir les moyens de se procurer une vie digne
et d’acheter les services et les faveurs dont ils ont besoin. Du fait qu’il s’agit souvent
d’individus marginalisés ces possibilités restent réduites111.
En revanche, les étrangers et notamment ceux des pays industrialisés, ou souvent leur
familles, font appel aux ambassades ou aux consulats de leurs pays pour porter plainte
sur les conditions de vie, les démarches administratives, etc. Ceux-ci se constituent en
véritables médiateurs de la relation entre les fonctionnaires (même de la direction) et les
détenus étrangers. Seulement par défaut (quand leurs ambassades ne les aident pas) ou
en complément et comme moyens moins effectifs de médiation ils peuvent recourir aux
intervenants privés qui travaillent dans les prisons (ONG, églises etc.) Le recours à
l’ombudsman est aussi souvent possible via les médiateurs. Ces médiateurs sont
capables de stabiliser les négociations avec les fonctionnaires plus importants de la
prison et même renverser la situation de soumission et vulnérabilité des étrangers112.
Certaines ambassades notamment des pays d’Europe et d’Amérique du nord leur
octroient une allocation pendant leur séjour en prison. D’autres mettent des interprètes,
des avocats à leur disposition ou demandent aux directions de suivre particulièrement le
cas d’un détenu. Le fait d’incorporer des alliés clés à la relation entre les fonctionnaires
et les détenus étrangers a joué pour que le conflit soit tranché et des nouvelles règles
111 Entretiens avec F1 et F2 fonctionnaires de l’INPE, D2 italo-péruvien détenu pour trafic de drogue, D3 colombienne détenus pour trafic de drogues et A1, missionnaire intervenant de la prison du Callao.
97
soient définies. Aujourd’hui le développement de ce type de relations de «médiation
diplomatique » induit chez les fonctionnaires une attitude de soumission à l’égard d’une
population qui peut tout acheter : de la drogue, du nettoyage, de la nourriture, de la
liberté pour se déplacer et même les démarches de libération conditionnelle ou les
certificats d’études ou de travail.
Les passeurs de drogue étrangers, comme la majorité de passeurs de drogue, peuvent
demander une semi-liberté après environ 3 ans de détention s’ils ont été condamnés à
une peine d’environ 6 ans et 8 mois de prison. À ce moment les relations entre les
fonctionnaires et les détenus étrangers s’ouvrent d’autant plus aux possibilités de
corruption et de complaisance113.
Pendant une de nos dernières visites à la prison de Callao, nous avons entendu le cri
« dans cette prison nous les Espagnols, nous pouvons aller où nous voulons» provenant
d’un détenu espagnol qui se promenait librement dans un couloir à un surveillant qui
ouvrait gentiment la porte pour un intervenant. Peu après, un autre intervenant nous a
dit « cette prison devrait être gérée par l’Ambassade espagnole ».
Mais la soumission des fonctionnaires n’a pas éloigné les possibilités de conflit. Les
fonctionnaires administratifs qui dirigent la prison et d’autres dirigeants de l’INPE ont
commencé à craindre cette concentration de pouvoir et de corruption et ont procédé à la
dispersion de ce groupe d’étrangers dans différents prisons à l’intérieur du pays. Par
ailleurs, nous avions souligné l’existence d’une certaine méfiance entre les détenus
étrangers et les nationaux en tant que groupes de détenus. Selon un des fonctionnaires
que nous avons interviewés les possibilités de conflit entre les nationaux et les étrangers
sont alimentées par cette relation de préférence ou connivence entre fonctionnaires et
étrangers qui génère une certaine jalousie de la part des nationaux114.
112 Entretiens avec F1, F2, fonctionnaires de l’INPE, O1, agent de l’ombudsman, A1, missionnaire intervenant de la prison du Callao, A2 intervenants à la prison de Chorrillos. 113 Entretiens avec F1, F2, fonctionnaires de L’INPE, A1 missionnaire intervenant de la prison de Callao, D1 espagnol détenu pour trafic de drogues. 114 Entretiens avec F1 et F2 fonctionnaires de l’INPE, A1, intervenant de la prison du Callao.
98
5.1.4. Moment politique
Dans cette catégorie nous avons voulu séparer les interactions qui relient les différents
acteurs qui interviennent dans les moments précédents. Les relations privilégiées sont
celles qu’intègrent des différents intérêts collectifs et objectifs politiques qui touchent
directe ou indirectement aux étrangers criminalisés pour trafic de drogues. Cependant la
particularité des acteurs du moment politique est qu’ils ont un visage « institutionnel »,
ils ne sont pas exactement les mêmes que nous avons connus auparavant. Ce sont plutôt
les dirigeants et les sommets des hiérarchies, leurs actions étant centralisées à Lima et
conglomérées par des institutions qui fonctionnent comme des plaques tournantes entre
elles.
Aborder ici toutes les relations de ce genre qui se développent au sein de la société
péruvienne est hors propos mais, au moins deux institutions ont été proposées par nos
interviewés comme étant particulièrement dévouées à réaliser ce type d’interactions
comme une partie fondamentale de leurs missions. Evidemment ceci n’exclut pas
l’importante participation des acteurs – comme on a déjà dit un tout autre type d’acteur
– des institutions desquelles nous avons déjà parlé dans les étapes précédentes. Les
justiciables dont nous parlons ici ont aussi des relations, malgré la distance, avec les
dirigeants de la Cour de Cassation, du Ministère de la Justice, de l’INPE, de la
DIRANDRO, de la Police Nationale, etc.
a) Le bureau des Nations Unies contre la drogue et le crime au Pérou : Dans le
cadre de la lutte contre le crime organisé et des missions de surveillance des
Conventions de l’ONU sur les drogues, les stupéfiants, la criminalité organisée et la
corruption, ce bureau assume le rôle d’aider l’Etat péruvien dans le domaines de la
formation continue des fonctionnaires, l’élaboration des rapports et des tactiques
efficaces pour désarticuler des réseaux de criminalité. Les acteurs de la délégation des
Nations Unies contre la drogue et le crime de la région apparaissent en relation avec
DIRANDRO et surtout avec l’unité d’éradication de cultures de coca et l’unité
d’investigation sur la criminalité organisée et le blanchiment d’argent. Au contraire dans
l’exercice de leurs fonctions ils ne s’intéressent pas trop aux arrestations à l’aéroport
non plus aux étrangers passeurs de drogue. Toutefois, ils rassemblent régulièrement des
informations statistiques de toute la gamme d’acteurs qui interviennent dans la mise en
99
œuvre des législations sur les drogues (Ministère de Justice du Pérou, PNP, DEVIDA,
DEA, Ministère de l’Intérieur Espagnol, etc.).
En plus, ce bureau noue des relations avec le Ministère Public et les magistrats des
tribunaux pénaux de Lima, notamment les parquets antidrogue et les magistrats pénaux
spécialisés, pour lesquels il organise de formations sur la criminalité organisée, les
méthodes de recherche, la coopération judiciaire, etc. Par ailleurs, des accords avec les
dirigeants du Ministère de l’Agriculture leur permettent de mettre en œuvre des
programmes conjoints de développent alternatif et de coopération avec les paysans ex
producteurs de coca. Une relation similaire existe avec le Ministère de l’Éducation afin
d’entrer en relation avec la population nationale à travers de modules d’éthique pour les
enfants d’école primaire115.
b) L’ombudsman péruvien pour les affaires pénales et pénitentiaires : Les acteurs
de cet organisme de l’État doivent défendre les personnes vulnérables dans le secteur.
Nous les avons vus dans l’étape précédente comme un des médiateurs appelés à
exprimer et faire valoir les « exigences » des détenus en général. Leur participation sur
le terrain pénitentiaire est sui generis. L’interaction effective avec les étrangers et les
fonctionnaires pénitentiaires est encouragée par l’intervention des consulats,
ambassades et d’autres intervenants du milieu pénitentiaire.
Mais régulièrement l’ombudsman est en relation politique avec les juges et les parquets
notamment à propos de la formation et l’évaluation des acteurs de l’implémentation du
nouveau modèle de procédure pénale. Il entre en relation avec les facettes moins
répressives de la Police Nationale, telles que l’ombudsman des policiers et les initiatives
réformistes. Etant donné que ses fonctions impliquent la défense des droits des
justiciables et des personnes arrêtées, ces acteurs ont du mal à créer des relations
étroites avec une police qui est habitué à réaliser ses activités sans aucun contrôle
d’autres institutions. C’est pourquoi en matière de drogues le rapport privilégié est
celui avec OPD-DEVIDA, institution qui s’engage plutôt dans la prévention du crime.
115 Entretien avec O2, directive du bureau des Nations Unies contre la drogue et le crime de la région andine.
100
Finalement, les acteurs de l’ombudsman mènent des actions de lobbying avec les
politiciens et législateurs en matière pénale et pénitentiaire. Sensibilisés avec la situation
des étrangers, ils ont participé à la création de la loi récente qui permet aux étrangers
d’être transférés dans leur pays sans payer la somme exigée comme réparation civile116.
Comme on l’a dit, nous n’avons pas voulu présenter ici tous les acteurs qui sont en
relation avec ces personnes d’origine étranger sur un terrain politique. Nous pouvons
ajouter les relations d’intégration que mènent les dirigeants de l’INPE, de l’église, de la
magistrature, de même que des journalistes et des fonctionnaires diplomatiques, etc. qui
ont joué un rôle important dans le lobbying pour la loi récente qui permet leur
expatriation117.
Cependant, l’accès aux discours de ces deux acteurs politiques sur les interactions laisse
entendre que les deux acteurs se basent sur des échanges consensuels et qu’ils se
permettent des échanges dissensuels avec les autres acteurs (par rapport à certaines
normes ou certains objectifs). Ce sont pourtant les acteurs de l’ombudsman qui ont eu
l’opportunité de mieux connaître et de déployer un lien de solidarité à l’égard des
personnes dont on s’occupe dans ce travail. Et d’autre part les acteurs du bureau de
l’ONU semblent avoir le même type de relations avec les acteurs de la police
antidrogue. Ces réflexions nous invitent à expliciter la dynamique dialectique qui opère
à travers ces quatre moments.
Jusqu’ici nous avons décrit les quatre moments d’interactions entre les différents acteurs
du processus de construction d’une criminalité. Dans la suite, les principales relations
d’altérité vis à vis des « étrangers détenus pour trafic de drogue » qui ont été nouées
pendant ces moments seront soulignées ainsi que l’image de l’« autre » qui est mobilisé.
5.2. Dynamique pendulaire et mobilisation de l’image d’un autre
Ici il faut retourner aux principes sur lesquels nous avons basé notre approche et qui ont
été développés dans le chapitre de préalables théoriques et méthodologiques. Nous
116 Entretien avec O1, agent de l’ombudsman péruvien. 117 Loi 29305 du 22 décembre de 2008 qui modifie les articles 542ª et 544º du nouveau code de procédures pénales sur les conditions pour le transfert et accomplissement de peines dans l’étranger.
101
partageons avec certains auteurs l’idée que le self d’un individu ou d’une collectivité,
n’est pas une essence localisée ou exprimée mais une image d’un « moi » produite et
reproduite à travers une série d’interactions. Cette image d’identité ou d’altérité
constitue - et est constituée par - une communauté et est susceptible d’être repérée à
travers l’analyse des discours. Finalement nous considérons que cette image est
historique parce qu’elle existe en tant que la mémoire des interactions persiste
(CZARNIAWSKA : 2008).
En effet, la criminalité dont on s’occupe est en principe constituée par des personnes
qu’on décrit comme des « étrangers détenus pour trafic de drogues », et souvent comme
des « burriers » ou des « passeurs de drogue». Il s’agit d’une image qui a traversé les
institutions et les acteurs pénaux jusqu’à arriver au terrain politique.
Selon Bajoit les relations sociales avaient fondamentalement deux versants : a) la
relation d’altérité ou d’échange où l’élément qui fait la différence est mis en exergue et
b) la relation d’identité où au contraire l’élément en commun est mis en exergue. Pour
nous la distinction est importante parce qu’au sein d’une société en transition vers la
paix et la démocratie certaines formes de relation sont plus désirables que d’autres.
L’inégalité est plus prononcée quand il s’agit d’une relation conflictuelle ou
contradictoire, tandis qu’une relation nouée en termes contractuels ou complémentaires
relève d’une inégalité moins prononcée. Dans l’autre sens, le développement des
relations d’identité sont signe d’un repositionnement de l’autre vers l’égalité. Les deux
mouvements d’altérité et identité extrêmes ont été présents tout au long de ces quatre
moments, et une dynamique pendulaire est susceptible de les relier. Ces mouvements
sont les principaux constituants de l’image « d’étranger détenu pour trafic de drogues ».
Nous allons représenter cette dynamique à l’aide de cinq graphiques. Les quatre
premiers correspondent à chacun des quatre moments de la dynamique de construction
d’une image d’ « étranger détenu pour trafic de drogues ». Les flèches bidirectionnelles
noires représentent les relations étudiées dans la première partie du chapitre. Il faut
préciser que la position des acteurs signale l’inégalité/égalité des relations (Par exemple
une flèche qui relie un personnage de la partie supérieure du graphique à un personnage
de la partie inférieur du tableau indique une relation privilégiée pour le premier). Les
grandes flèches représentent la dialectique entre les relations d’altérité conflictuelle et
102
d’identité solidaire nouées avec les « étrangers détenus pour trafic de drogue ». Les
flèches grises évoquent les relations d’altérité conflictuelle tandis que les flèches jaunes
évoquent les relations d’identité solidaire à l’égard de cet « autre ».
Les lignes simples représentent la flexibilité entre des positions « identitaires » des
individus. En effet, chaque moment témoigne des fluctuations entre une image d’altérité
marquée par des traits négatifs (antisocialité, dépendances, conflictualité) et une image
d’une personne qui a droits et des problèmes d’ordre humain (précarité économique,
maladies, vulnérabilité, etc.). Au moment policier, une distinction entre ces deux images
est plus ou moins claire. Un mélange de ces deux constitue l’image de passeur de
drogue qui se distingue de la criminalité organisée au moment judiciaire. Au moment
pénitentiaire l’accent sera mis sur les deux aspects au point qu’on parlera de « personnes
conflictuelles ».
5.2.1. Moment policier : profils, conflictualité, quantités et images light
Tableau 46 : Principales interactions et relation d’altérité/identité du moment policier
Le graphique 46 représente les relations que nous avons décrites pour le moment
policier. Bien qu’on ait signalé des possibilités d’échanges conflictuels avec le parquet,
des épisodes de conflit avec les acteurs du LAP et des échanges compétitifs avec les
Journaliste
Agents internationaux de répression (Ex: DEA)
Policier Parquet
Travailleurs LAP
Personne
Représentants des pays ( Ex: consulats)
IMAGE
103
agents internationaux, en gros, les acteurs de la police conglomèrent des relations qui
tendent vers l’échange de complémentarité et la solidarité fonctionnelle. Ces acteurs
collaborent primordialement entre eux pour les tâches de répression. Les flèches noires
représentent ces liens. En rouge nous avons dessiné le passage à l’acte.
La flèche grise indique la relation nouée entre la police et les personnes « étrangères
détenues pour trafic de drogues » Cette relation, comme on a vu relève d’une altérité
conflictuelle puisque les objectifs sont contraires. Elle est constitutive d’une image
d’un « autre » très particulier. Le profilage et la sélection des personnes à partir d’une
série de critères servent au propos. Les accessoires (valises avec coutures, passeports
nouveaux, gouttes pour les yeux, etc.), les caractéristiques personnelles qui incluent des
comportements (état nerveux, réponses dubitatives) et des signes physiques (sécheresse
des lèvres, yeux rouges, tremblements, etc.) sont des indices qui seront combinés dans
un processus d’induction continue118.
Des questions visent à induire certaines réactions comportementales d’aveu de
culpabilité, en même temps que la fouille des objets personnels vise à la constitution de
la preuve matérielle. L’identification de l’infracteur souvent n’est que la rencontre d’une
personne qui présente le profil d’un passeur de drogues. Le contexte est un espace
public territorialement défini (l’aéroport) et l’acteur de la répression n’est pas habillé
comme policier mais en civil ou comme un fonctionnaire. Il réalise l’action
systématique d’un franc-tireur.
A posteriori, une fois que les individus ont été arrêtés, leur image incorpore le contenu
des premières déclarations : qu’il a été recruté à cause de sa précarité économique et
qu’il visait à améliorer son niveau de vie. Nos interviewés affirment qu’il s’agit de
personnes antisociales, sans valeurs, enclines à la vie et l’argent faciles et qui sous-
estiment les institutions du pays119. En plus, ils sont d’ores et déjà des détenus parce que
l’usage polyvalent du mot espagnol detenidos sert aussi à la construction de l’objet.
Demeurer dans l’ambigüité (la personne à-t-elle été arrêtée par la police avec ou sans
l’autorisation du juge ?) sert sans doute les intérêts des régimes inquisitoires voire
autoritaires.
118 Entretien avec P2 policier de DINANDRO AIJCH 119 Entretien avec P1 policier de DINANDRO AIJCH
104
Tableau 47 : Images d’arrestations d’étrangers à l’aéroport Jorge Chàvez120
INTERVENCION REALIZADA POR ELDPTO. AIJCH-DIRANDRO-PNP
NOMBRE/APELLI : FILOMENA ALEXANDRA CUNHA DE MATOS (24)HORA Y FECHA : 19.20 DEL 08ABR2008NACIONALIDAD : PORTUGUESADROGA Kgrs. : 7.232DESTINO : ESPAÑA - BILBAOCIA AEREA : IBERIAMODALIDAD : MALETA
Siendo las 19.20 hrs aprox. de la fecha, personal PNP de servicio del Departamento Antidrogas del AIJCH, con participación de la Representante del Ministerio Publico Dra. Claudia CarolaVALDIVIA PISCOYA, Fiscal Adjunta de la Primera Fiscalía Especializada en Delitos de TID del Callao, intervinieron a la ciudadana Portuguesa Filomena Alexandra CUNHA DE MATOS (22), identificada con Pasaporte. Nº J435507, en circunstancias que controlaba su pasaje en el Counter de la Cia. Aerea “IBERIA”, pretendiendo viajar a la ciudad de Madrid – España, con destino final Bilbao - España, siendo conducida a las instalaciones de esta Dependencia para las diligencias respectivas.
Al efectuar el registro de Una (01) Maleta de lona sintética, color negro, con filos plateados, marca “LOK”, perteneciente a la ciudadana portuguesa Filomena Alexandra CUNHA DE MATOS (22), identificada con Pasaporte. Nº J435507, con precinto de seguridad IB650782 a nombre de la intervenida, se hallo debidamente acondicionado en el interior de la maleta, dos (02) frascos de Súper Silueta de Santa Natura, denominándose MUESTRA 01, dos (02) frascos de Súper line de Kaita, denominándose MUESTRA 02, dos (02) cajas de puré de fréjoles Inka Gourmet, y Arroz con Leche de Provenzal, denominándose MUESTRA 03, dos (02) vicuñas artesanales, denominándose MUESTRA 04, y MUESTRA 05, una (01) casaca sintética color azul con nueve envoltorios plásticos de color negro, de forma rectangular denominándose MUESTRA 06 y seis (06) carteras tejidas de hilo, denominándose MUESTRA 07, conteniendo cada uno de ellas en su interior una sustancia blanquecina pulverulenta, cuya pequeña muestra extraída de cada bolsa, al ser sometida a la prueba de campo, orientación y descarte mediante el reactivo “904 REAGENT FOR COCAINE SALTS AND BASE” se tiñeron de color turquesa, presunto indicativo de “POSITIVO” para alcaloide de cocaína, con un Peso Bruto de (07.232 Kgrs.) SIETE KILOS, DOCIENTOS TREINTA Y DOS GRAMOS.-
INFORMACION
INTERVENCION REALIZADA POR ELDPTO. AIJCH-DIRANDRO-PNP
NOMBRE/APELLI : Juan Antonio MERINO RIVERA (57)HORA Y FECHA : 18.00 DEL 07ABR2008NACIONALIDAD : CHILENOLUGAR NACIMIENTO : VILLA RICA VALDIA - CHILEDROGA Kgrs. : 11.318DESTINO : Santiago de chile- CHILECIA AEREA : LANMODALIDAD : MALETA
INTERVENCION REALIZADA POR ELDPTO. AIJCH-DIRANDRO-PNP
NOMBRE/APELLI : Tomas Estalin PEÑA HUACON (28)HORA Y FECHA : 19.00 DEL 14ABR2008NACIONALIDAD : ECUATORIANODROGA Kgrs. : 01.000DESTINO : MADRID - ESPAÑA / AMMAN - JORDANIACIA AEREA : IBERIAMODALIDAD : INGESTA
INFORMACION
1. El 14ABR2008 a horas 19.00 aprox., Personal PNP de Servicio del Departamento Antidrogas del AIJCH, intervino a Tomas Estalin PEÑA HUACON (28), Ciudadano Ecuatoriano, identificado con PASAPORTE Nº 0918791542, por su actitud sospechosa, en la Zona de Migraciones de salidas Internacionales, pretendiendo viajar por la Cia aerea IBERIA a la ciudad de Madrid – España, con destino final Amman - JORDANIA, por lo que previa coordinación con el Representante del Ministerio Público Dra. Claudia Carola VALDIVIA PISCOYA, Fiscal Adjunto Provincial de la Primera Fiscalía Especializada en Delitos de Tráfico Ilícito de Drogas del Callao en apoyo a la Segunda FETID, se trasladó al precitado ciudadano Ecuatoriano al Hospital San José-Callao, a fin de descartar su posible transporte de droga modalidad de ingesta.
2. Al practicarse el Examen de Rayos X Nº 8921, de abdomen simple al intervenido en el Hospital Nacional San José - Callao, la Dra. Susana LOPEZ VALDEZ, Médico Internista diagnostico “SUGERENTE DE CUERPO EXTRAÑO”, siendo corroborado con la versión del intervenido, quien acepta haber ingerido envoltorios conteniendo presuntamente droga, en cantidad no determinada; asimismo en este estado de la diligencia el intervenido manifiesta que antes de su intervención por personal DIRANDRO PNP, recibió bebida gaseosa por parte de personal PNP de extranjería que le fuera ofrecido, luego que no aceptaba en un primer momento la ingesta al ser preguntado por dicho personal PNP, tomándola por propia voluntad, de lo que se deja constancia estando a los resultado del Examen de Rayos X antes indicado, disponiendo el Representante del Ministerio Público su traslado e internamiento en el Hospital Nacional Daniel Alcides Carrión – Callao, para su evacuación y asistencia médica respectiva.
120 Extraits du dossier d’arrestations du mois d’avril. Bureau de relations publiques DIRANDRO-LIMA. Nous avons couvert certaines parties des visages.
105
Outre les caractéristiques socioéconomiques (précarité) et psychologiques (antisociales)
qui reviendront tout au long du processus, l’image des étrangers rejoint le contenu de
nos premiers chapitres et le point de départ de notre travail. Les policiers ont tendance à
communiquer la vision quantitative-économique du phénomène. Ils nous renvoient aux
indicateurs de « réussites » et à l’organisation de la Police pour décrire leur travail, de
même qu’aux nouvelles routes du trafic, l’évolution de la production de cocaïne, etc.
Certains acteurs peuvent passer à un discours plus critique, soutenant que les modalités
de transport de la drogue utilisées se renouvellent toujours et les surprennent. Ils
nuancer ainsi la réussite : « si on en arrête 3, c’est parce qu’il y en a 10 en train de
s’embarquer121 ». Mais, jusqu’ici cette image est très semblable à celle que les media
nous fournissent quand ils s’occupent de la matière. Une image « light » pour les
journalistes, et qui essai plutôt d’avoir un impact sur un public hétérogène et pas très
exigeant que d’offrir une investigation épurée. Les photos du tableau 47 font partie du
stock d’information mensuel que DIRANDRO peut mettre à la disposition de la presse.
Par ailleurs, deux premiers mouvements du type identitaire apparaissent : Le premier est
l’imperceptible discours du « passeur de drogues et la précarité économique » qui sert
pour identifier le cas du péruvien et de l’étranger arrêtés par l’unité DIRANDRO-
AIJCH122. D’autre part les consulats et les ambassades se solidarisent avec leurs
compatriotes et les repositionnent face aux acteurs policiers en sauvegardant le respect
des droits de l’homme et les garanties constitutionnelles. C’est pourquoi ils font appel à
l’ombudsman qui s’occupe des affaires pénales au Pérou. Voir la flèche en jaune sur le
tableau 46123.
5.2.2. Moment judiciaire : précarité économique, engorgement et position moins
défavorable
Les magistrats et les avocats ont une image similaire de celle qui a été construite au
moment policier. Ils ont connu les faits exposés dans la dénonciation : la routine du
contact, l’aménagement de cachettes pour la drogue, effectué dans un hôtel et
121 Entretien avec P1 policier de DIRANDRO AIJCH et P3 policier de sécurité de l’aéroport. 122 Entretien P1, policier DIRANDRO AIJCH. 123 Entretien O1, agent de l’ombudsman.
106
l’embarquement avec un numéro de GSM pour téléphoner une fois arrivé à leur
destination, etc.124 La description socioéconomique et antisociale est aussi utilisée par
les magistrats. Bien que ces acteurs vont souvent dire qu’il s agit de personnes de tout
âge, sexe et classe sociale, l’image de marginalité et l’identité entre les passeurs de
drogue péruviens et étrangers a été aussi repérée. Les acteurs judiciaires signalent pour
ces deux groupes : des problèmes socioéconomiques, de prostitution, des conflits,
manque de travail, des addictions, etc.125
Tableau 48: Principales interactions et relation d’altérité/identité du moment judiciaire
Les acteurs spécialisés (le parquet antidrogue et les magistrats de haut niveau), peut-
être à cause de la formation particulière qu’ils reçoivent des agences internationales de
répression du crime, insèrent la vision de l’étranger trafiquant de drogue dans la
description économique-quantitative dans laquelle le Pérou est l’exportateur de la
cocaïne et la criminalité est organisée à travers des entreprises mexicaines ou
péruviennes qui offrent des services aux grandes organisations. Ces entreprises de
services s’occupent de recruter des passeurs de drogue, préparer la drogue, les frais de
séjour, le billet pour leur voyage. Ainsi, le passeur de drogue n’est pas plus qu’une
124 Entretiens avec J3 juge de la Cour de Cassation de Lima, A1, avocat pro-deo au Callao. 125 Entretiens avec A1, avocat pro-deo, J1, juge pénal de 1ere instance J2, juge supérieur, J3, juge de la Cour de Cassation de Lima et P2 parquet supérieur du Callao.
Acteurs Moment Policier
Journaliste
Juge Parquet
Acteurs-preuve
Crime organisé
Crime organisé
IMAGE
107
modalité d’exportation de la drogue comme le courrier postal, le transport maritime, etc.
et son évolution se rapporte aux transformations de routes126.
La plupart des magistrats témoignent d’une évolution quantitative d’affaires de
passeurs de drogue, d’affaires d’étrangers et de la diversité de nationalités impliquées.
Mais cette « évolution » est accompagnée de l’image d’engorgement et de
surproduction de produits de basse qualité127. La plupart d’affaires qui impliquent des
passeurs de drogue ne présentent pas la complication probatoire des affaires de micro-
trafic (l’autre grand segment de la criminalité liée aux drogues, des dealers de rue qui
sont arrêtés dans les quartiers souvent sans la présence du ministère public) pourtant ils
éveillent les critiques des magistrats quant aux finalités de resocialisation, réparation,
etc.128 Pour le parquet antidrogue l’évolution n’est pas seulement quantitative mais elle
témoigne aussi d’une institutionnalisation de la criminalité. Des organisations à
l’intérieur de l’aéroport se sont développées et c’est pourquoi on a trouvé des trolleys
qui cachaient de la drogue ou des travailleurs de l’aéroport impliqués129.
La flèche en gris (tableau 48) représente la définition d’une image de l’étranger détenu
pour trafic de drogues en tant que courrier de drogues « privilégié » parmi d’autres
positions d’altérité. En effet, ce moment se caractérise par une position moins
défavorable de l’étranger justiciable et un rapport d’altérité qui tend vers la
complémentarité plutôt que la conflictualité. La plupart des acteurs sont capables de
distinguer des conditions personnelles des justiciables qui les situent différemment à
leurs yeux: des malades terminaux, des mères avec des enfants, des paysans, etc.,
souvent perçus comme des personnes utilisées, abusées, menacées par les organisations
criminelles et dès lors différentes de celles-ci130. La traduction de cette image dans la
responsabilité objective se trouve dans le choix de l’article 296 du Code Pénal et la
procédure accélérée qui leur donne la possibilité d’une peine plus légère.
Pour les juges telle discrimination n’est pas toujours claire parce qu’il existe une
définition assez large de ce qui est la forme aggravée du trafic de drogue sanctionné par
126 Entretiens avec P1, parquet antidrogues du Callao et J3 juge de la Cour de Cassation de Lima 127 Entretiens avec J1, juge pénal de 1ere instance, J2, juge supérieur du Callao. 128 Entretiens avec J1, juge pénal de 1ere instance et J2 Juge supérieur du Callao. 129 Entretien avec P1, parquet antidrogues du Callao.
108
l’article 297 du Code Pénal. Jadis, la loi considérait un certain montant de cocaïne saisie
(même si on additionne les quantités transportées par deux courriers de drogues dans
leurs valises). Aujourd’hui la jurisprudence de la Cour de Cassation reconnaît que
l’existence de 3 impliqués n’est pas la preuve d’une criminalité organisée puisque le
passeur connaît souvent un récepteur et un émissaire. Dans ces cas les magistrats
évaluent la justification sociale de l’infraction: l’élément de« précarité économique »,
encore une fois, noue un lien d’identité qui traverse la distinction national/étranger131.
5.2.3. Moment pénitentiaire : traits antisociaux, précarité économique relativisée
et conflictualité exacerbée
Les groupes et appartenances qu’on peut distinguer en prison sont principalement le
sexe, la nationalité et le délit qui vont déterminer la segmentation de la population en
prisons, pavillons, ailes, etc. Possiblement du fait que ces relations sont à plus long
terme que les relations établies pendant d’autres moments, certains intervenants ont
mené des études sur les détenus qui vont au delà de l’aspect quantitatif. Ils s’occupent
souvent de la prison des femmes qui concentre un bon échantillon de la population
nationale. Les passeurs de drogue sont mentionnés sous des dénominations différents
(burriers, cargadoras, transportadoras de drogas) et caractérisées par des peines de 7
ans de prison (CALDERÓN : 2001, AYVAR : 2004).
Comme on l’a déjà vu, l’étude de Romero distingue parmi les détenues pour trafic de
drogues les modalités de : paqueteras (commerce de rue), passeurs internationaux ou
burrieres (transport d’un pas à l’autre via l’aéroport J. Chavez), passeurs nationaux
(transport d’une ville à une autre) et récepteurs - distributeurs. Toutefois, il ajoute « il
existe l’image distordue dans la communauté qui responsabilise l’homme du micro
trafic, ou quand il s’agit d’une femme dans le commerce, elle est identifiée à l’image de
jeune femme péruvienne ou étrangère, généralement célibataire, bien habillée et
attractive, condamnée pour avoir été découverte lorsqu’elle transportait de la cocaïne à
l’étranger et qu’on a baptisé comme « burrier » (I. ROMERO & al: 2000 p.75, notre
traduction). Le regard de la presse - la seule source d’images publiques de la prison y a
130 Entretiens avec J1, juge 1ere instance et J2, juge supérieur, P2 parquet supérieur du Callao, J3 Juge de la Cour de Cassation de Lima 131 Entretiens avec J1, juge 1ere instance du Callao, J3, Juge de la Cour de Cassation de Lima.
109
sans doute contribué. Les images du graphique 49 appartiennent à l’article « prisons et
belles filles »132 publié en 1996 dans Caretas, la revue politique la plus prestigieuse du
pays.
À ce stade il est rare de trouver une référence à l’image économique-quantitative du
trafic de drogue. Calderón signale dans son étude sur les perceptions et représentations
des femmes en prison que la criminalité de passeurs de drogue nationaux et étrangers
émerge dans le cadre de la lutte contre le narcotrafic et de l’utilisation par le narcotrafic
des femmes pauvres ou désœuvrées, attirées par l’expectative de gagner de l’argent
facilement. (CALDERON : 2001) En effet, d’après nos entretiens, les fonctionnaires et
intervenants vont plutôt concevoir les passeurs de drogue comme des personnes
utilisées, des boucs émissaires de la criminalité organisée133. Ils peuvent signaler aussi
une identité entre nationaux et étrangers dans cette envie d’argent ou d’aventure134.
Tableau 49 : Images de détenues passeurs de drogue en E.P. de Chorrillos - 1996
En revanche, dans le tableau 50 on peut voir les traits d’une image antisociale
accentuée chez les étrangers courriers de drogues. Premièrement ils sont associés à un
passé déviant dans leur pays, à la vie de prostitution ou cabaret du sud de l’Espagne, ou
au trafic de diamants en Afrique135. Pour certains intervenants il s’agit de malades
mentaux : l’abus de drogues est associé à d’autres problèmes, tels que la ludopathie, la
132 CARETAS Nº1948, 22 Aout 1996 133 Entretiens avec A1 missionnaire intervenant de la prison du Callao, F3 fonctionnaire de l’INPE 134 Entretien avec A2 intervenant de la prison de Chorrillos. 135 Entretiens avec F1 et F3 fonctionnaires de l’INPE.
110
bipolarité ou le manque de valeurs. Ils reconnaissent eux-mêmes qu’il y a un groupe
important de consommateurs problématiques de drogues, dans un environnement dans
lequel le prix de la cocaïne est assez bas 136. Leur mode de vie serait associé dans la
plupart des cas aux allocations envoyées par les ambassades. Selon certains
fonctionnaires ils ne nettoient pas et ne font à manger, mais engagent d’autres pour ces
tâches, ils vivent sans discipline ou responsabilités et consomment régulièrement du
tabac, des produits de beauté, ils changent de partenaires régulièrement, etc.137
Tableau 50: Principales interactions et relation d’altérité/identité du moment pénitentiaire
Souvent les fonctionnaires et intervenants vont mette en exergue que certains détenus
étrangers ne s’intéressent pas aux activités de « réhabilitation » (études ou travail) et y
accèdent en faisant des paiements incorrects. Ainsi, la différence avec les Péruviens
n’est pas exclusivement limitée à la solitude de l’étranger éloigné de sa famille, mais il
s’agit des valeurs différentes : le Péruvien étudie, a peur de devenir toxicomane, limite
sa conduite, ses critiques à l’égard de l’autorité, s’investit dans la réhabilitation, etc.138
L’évolution dont ces acteurs témoignent n’est pas seulement une augmentation d’une
population ou l’engorgement administratif, mais une augmentation d’une population de
136 Entretiens avec F1, F2, F3, fonctionnaires de l’INPE A2, intervenant de la prison de Chorrillos, D1, espagnol détenu pour trafic de drogues et D2 colombienne détenue pour trafic de drogues. 137 Entretiens avec F1, F2 fonctionnaires de l’INPE et A1, intervenant de la prison du Callao, D2 détenu italo péruvienne pour trafic de drogues. 138 Entretiens avec F1, F2, D1, espagnol détenu pour trafic de drogues, A1 intervenant de la prison du Callao.
Journaliste Magistrat
Fonctionnaire INPE
Détenu National
Personne conflictuelle
IMAGE
Représentants des pays ( Ex: consulats)
111
plus en plus compliquée avec des antécédents, des conduites difficiles, des dépressions,
des dépendances, des maladies terminales139. Deux recherches qui leur ont donné voix
récupèrent leurs incertitudes quant à leur situation juridique, leur souffrance pour être
séparés de leur famille, les problèmes dus au fait qu’ils ne parlent pas l’espagnol et
leurs différents problèmes de santé (CALDERÓN : 2001, PALMA : 2006). Les détenus
ont aussi signalé la provenance marginale de certains parmi leurs compatriotes
détenus140. Elle conditionnerait leur adaptation culturelle et engendrerait des conflits
avec les autorités et entre eux (CALDERON : 2001).
L’étude de la chercheuse espagnole Palma, a mis en évidence la série de plaintes que ses
compatriotes détenues font à leurs représentants diplomatiques. L'établissement
pénitentiaire retient l’allocation que leur envoie l'État espagnol (100 euros), elles payent
pour avoir accès aux ateliers, aux services de nettoyage, pour la nourriture, pour les
transferts à l'hôpital, aux avocats, pour l’eau potable et même pour l’envoi d’une lettre.
Elles demandent un meilleur traitement de la part du personnel pénitentiaire, en ce qui
concerne la nourriture, l’hygiène de la cuisine, de même qu’avoir un supermarché, de
l'eau chaude, des couvertures, la vente de leurs produits, un avocat gratuit,
l’augmentation de l’allocation, du nombre des visites intimes, etc. Des Colombiennes
l’auteur apprend qu’il existe un « stigmate social colombien », que leur ambassade
n’envoie que des sous-vêtements et des médicaments, que leur consulat les a informés
qu’elles n’ont pas droit au transfert et qu’elles ont vu disparaître leurs objets personnels
le jour de leur détention (PALMA : 2006).
Finalement, l’image d’une personne conflictuelle est à la base d’une série de
changements. Les procédures de bénéfices pénitentiaires sont plus expéditives au
Callao, les fonctionnaires sont plus dociles, l’INPE est en train d’envoyer des étrangers
dans les différentes prisons du pays et dernièrement la loi leur permet d’accomplir leur
peine dans leur pays d’origine. Le détenu péruvien, même le passeur de drogue, est
beaucoup plus soumis à moins qu’il fasse vraiment partie de l’élite criminelle. Les
acteurs- médiateurs ont aidé les détenus « étrangers » à se positionner différemment.
139 Entretiens avec F1, F2, fonctionnaire de l’INPE, A1, intervenant de la prison du Callao, A2 intervenant de la prison de Chorrillos. 140 Entretiens avec D1 et D2 étrangers détenus pour trafic de drogues.
112
Cependant, les chercheurs et les interviewés les plus critiques avaient signalé aussi la
difficulté de leur « réinsertion » dans la société, notamment la difficulté de trouver un
domicile en vue d’obtenir une libération conditionnelle et, une fois dehors, d’organiser
leur vie dans la ville où se fait le contrôle judiciaire (CALDERON : 2006). En fait, ils
quittent vite leur domicile et se retrouvent sans travail, sans documents, sans allocation
ni ressources pour payer la réparation civile et la procédure d’expatriation141. Ils optent
souvent pour sortir de manière illégale du pays, ou encore ils rejoignent leurs anciens
recruteurs, des réseaux de criminalité qu’ils ont connus pendant leur séjour en prison, un
nouveau partenaire voire des compatriotes dans la même situation. Ils cherchent aussi
l’aide des intervenants pénitentiaires ou de leurs ambassades pour avoir accès aux
services de santé (il faut penser aux passeurs de drogue qui ont des maladies graves ou
terminales), trouver un logement, ou avoir de l’aide pour quitter le pays par la
frontière142.
5.2.4. Moment politique : dichotomie d’images et relations
Comme on peut voir dans le tableau 51, au moins deux types d’images s’envisagent à
l’égard de ces personnes. La première ne considère pas utile de prêter attention aux
passeurs de drogue parce que dans la cadre de la criminalité organisée ils ne sont pas
des têtes d’organisation, et la relevance de leur infraction est minime par rapport au délit
de financement du trafic de drogues ou à la modalité de trafic maritime. En revanche,
les réseaux de Colombiens, de Mexicaines et récemment de Péruviens qui opèrent de
manière indépendante sont un problème important, qui invitent les États et agences
internationales à appuyer technologiquement les ex-producteurs de coca et à surveiller
de prés les liaisons possibles entre trafic de drogue et terrorisme. Les passeurs de
drogue sont des « fourmis » et l’État cherche la fourmi reine143.
L’ombudsman d’affaires pénales, institution consacrée à la défense des vulnérables, voit
les courriers de drogue comme des personnes vulnérables (surtout les femmes) sans
perspectives ni discernement, sans ressources économiques, abandonnés ou malades
141 Entre autres les traités bilatéraux Pérou - EEUU du 6 Juillet 1979, Pérou - Canada du 22 avril de 1980, Pérou - Espagne approuvé le 31 octobre de 1986, Pérou - l’Italie du 31 octobre de 1986, Pérou -Venezuela du 12 janvier de 1996 et Pérou - Bolivie du 27 Julio de 1996. 142 Entretiens avec F1, F2, fonctionnaires de l’INPE, A1, intervenant de la prison du Callao et A2 intervenant de la prison de Chorrillos.
113
terminaux, qui subissent une série de difficultés de communication, dépression, et
socialisation dans les prisons péruviennes144.
Nous avons tendance à privilégier la deuxième vision parce qu’elle récupère le vécu de
ces personnes. Loin d’être parfaite, cette dernière image partagée par d’autres acteurs a
généré pourtant un changement politique-législatif qui se manifeste dans la loi 29305
qui modifie les conditions d’exécution de peines à l’étranger exonérant ces détenus du
payement de l’amende et de la réparation civile pour des motifs humanitaires et des
carences socio-économiques.
Tableau 51: Principales interactions et relation d’altérité/identité du moment politique
Jusqu’ici nous n’avons pas seulement étudié les différentes interactions entre les acteurs
qui participent à la construction d’une criminalité d’étrangers pour trafic de drogue,
mais nous avons aussi expliqué comment ces relations sociales mobilisent des images
d’altérité qui marquent chaque moment interactif. Une dichotomie reste à la fin de notre
analyse et sera la clé pour comprendre le développement, d’un côté, des relations et
images d’altérité conflictuelle, et de l’autre, des relations et images de solidarité
humaine.
143 Entretien avec O2, agent de l’ONUDD-région andine. 144 Entretien avec O1, agent de l’ombudsman péruvien.
DE VIDA
Agences internationales de répression es
DIRANDRO
Parlement
IMAGE
INPE
ONUDD - Région
Représentantes des pays
Ministère Publique
Ministère Justice
Ministère Éducation
Ombudsman affaires pénitentiaires
Personne vulnerable
114
5.2.5. Dynamique altérité-identité et résistance au paradigme actuariel
Sans doute ce qui est d’abord mobilisé par les acteurs dans leurs relations sont les
images d’altérité et d’identité nationales. Les auteurs péruviens ont souligné la
complexité de la construction des identités ethniques et nationales dans le pays (VICH :
2002, CALLIRGOS : 1993). Les études sur l’opérationnalisation à travers les relations
sociales, et les institutions pénales ont souvent signalé que le monopole de la violence
se dirige plutôt vers cet « autre » que représente l’indigène, notamment la Commission
de Vérité et Réconciliation a montré en 2003 que la plupart des victimes du conflit armé
entre l’État et les groupes terroristes ont été des paysans quechua de la montagne et de
la forêt péruvienne (AGUIRRE : 1996, CVR : 2003, PORTOCARRERO : 2004).
Mais les pulsions dominatrices présentes dans la société péruvienne peuvent se diriger
aussi sur un autre « étranger ». C’est Gonzales Cueva qui a repéré l’opposition
péruvien-non péruvien dans la scène politique des années 90. Entre autres la
transformation du paysage politique compte parmi les événements les plus importants la
déchéance judiciaire de la nationalité du directeur d’une chaine de télévision qui s’est
opposé au régime de Fujimori et la déchéance du même Fujimori après que la presse a
eu accès à des documents qui confirmaient sa nationalité japonaise. Pour l’auteur, les
discussions sur la démocratie au Pérou à la fin du siècle, ont été la valve d’échappement
d’un racisme qui cherchait à émerger (GONZALES CUEVA : 1998).
Mais cette fois les images et les relations ne sont pas politiques ou administratives mais
pénales, fait qui mérite aussi une explication. Harcourt inscrit dans le « paradigme
actuariel » le développement de l’utilisation des pratiques d’identification d’infracteurs
- the criminal profile, des outils quantitatifs probabilistes, des prédictions de récidive
qui ont souvent une allure d’efficacité. D’après lui un des derniers outils de répression
de ce type est le Drug courrier profile que la DEA à développé dans les années 90. Les
critiques de ce modèle s’adressent à la perte du particulier, de la singularité des cas et
des personnes qui constituent une population. Simon et Feeley ont parlé aussi en 1990
de la Nouvelle pénologie , un « mode de discours et de technologies pour la gestion de
personnes dangereuses qui remplace un premier langage de culpabilité morale,
diagnostique clinique et traitement d’intervention…c’est un langage actuariel de calculs
115
probabilistes et distributions statistiques appliquées aux populations »
(HARCOURT :2007, p.109).
À la lumière de ces deux théories nous voulons proposer l’hypothèse qu’une dynamique
pendulaire entre l’identité humaine et l’altérité conflictuelle a opéré au long des
interactions décrites dans ce chapitre. Selon notre analyse le paradigme actuariel qui
caractérise encore l’image quantitative-économique du trafic de drogue au niveau
international imprègne certains acteurs, surtout la vision de la police mais aussi des
magistrats spécialisés dans la matière. Mais il est aussi présent au moment pénitentiaire
dans l’outillage statistique que les dirigeants de l’INPE mettent à jour sur les
populations pénitentiaires et au moment politique dans les institutions nationales et
internationales dévouées à la répression du trafic de drogues. C’est de là qu’on a sorti la
population d’étrangers détenus pour trafic de drogues présentée dans le premier
chapitre.
Nous proposons un schéma de la dynamique de relations d’altérité/identité comme nous
l’avons étudiée au long du chapitre. Dans le tableau 52 il y a une ligne horizontale
divisoire qui montre où l’identité solidaire et l’altérité conflictuelle trouvent un
équilibre. Il y a aussi quatre moments selon notre analyse précédente. Pour chaque
moment nous avons repris les relations d’altérité et identité prédominantes avec les
« étrangers détenus pour trafic de drogue ».
Comme on peut voir la plupart des relations sont plutôt du type conflictuel. Les flèches
grises qui représentent ces relations d’altérité ont été dessinées en fonction du degré
d’inégalité. Ainsi, on peut voir que leur pente est plus marquée dans le moment policier
et politique, et au moment judiciaire elle diminue. Aussi le point de départ diffère pour
les acteurs du moment pénitentiaire qui ont moins de ressources et de marge de
manœuvre que les autres acteurs de la criminalisation. Les flèches jaunes représentent le
mouvement d’identité solidaire présente aux quatre moments. Il est discret au moment
policier, correcteur au moment judiciaire et très protectif au moment pénitentiaire car ici
la majorité d’acteurs se trouve dans une situation très défavorable. Enfin, au moment
politique le mouvement d’identité solidaire devient un véritable équilibre relationnel.
116
Tableau 52: Dynamique de relation altérité/identité à l’égard des étrangers détenus pour trafic de drogue.
trafic de drogues
Ce n’est pas une coïncidence que les relations d’altérité conflictuelle soient plus
marquées au moment policier et pénitentiaire (voire les flèches grises dans le tableau
52). Comme on a vu la Police Nationale s’est familiarisée avec le paradigme de
l’efficacité particulièrement en matière de drogues, tandis que l’INPE notamment
depuis les années 90 réalise une gestion de populations plutôt que la réhabilitation de
détenus. En plus, les relations d’altérité mobilisent possiblement la réaffirmation de
l’identité nationale à l’égard d’un autre « étranger » qui est apparue cette deuxième
moitié des années 90 au sein de la société péruvienne. La presse qui s’adresse à toute la
population urbaine y participe aussi activement. D’autre part, cette dynamique incorpore
un mouvement d’identification humaine, qui opère en direction contraire, notamment
dans les espaces non envahis par le paradigme actuariel (voir les flèches jaunes).
Ainsi, le mouvement part d’une extrême inégalité dans la relation avec cet « autre »
dans le cadre des pratiques d’identification des courriers de drogues qui s’imposent aux
infracteurs, et d’autant plus aux étrangers au moment policier (Flèche Nº1). Les
représentants de ces pays peuvent corriger en partie telle position (Flèche Nº2). Déjà les
acteurs de la phase policière mentionnent un élément qui permet une certaine
identification entre les courriers de drogues péruviens et étrangers : la précarité
économique (la necesidad económica). Mais la plupart des acteurs de ce moment sont
obnubilés par le langage actuariel : la mission est accomplie et la réussite prouvé.
Altérité : Echange Conflictuel
Moment Policier
Moment Judiciaire
Moment Pénitentiaire
Moment Politique
Identité: Solidarité humaine
1 2
3
7
5 6
4 9 8
117
Ensuite, les acteurs du moment judiciaire surtout ceux qui ne sont pas spécialisés dans
le domaine antidrogue voient un peu plus clairement la singularité : pas seulement la
nécessité économique mais les conditions personnelles qui servent pour écarter les
peines lourdes et améliorer la position des justiciables étrangers (Flèche Nº3). L’identité
de passeur de drogues leur permet d’installer des relations contractuelles et
coopératives (Flèche Nº4). Les missions de ces acteurs ont été accomplies mais ils ne
les considèrent pas comme des « réussites ».
Le passage du moment judiciaire au moment pénitentiaire exacerbe le clivage. Pour
nous, du fait que la mission de réhabilitation exige de repérer la singularité spéciale de
la personne, avoir certaines conditions personnelles, avoir été condamné par tel article et
avoir une peine légère ne suffit pas. Grâce à notre travail avec l’Évêque du Callao et aux
entretiens menés avec des étrangers détenus à propos de ce travail nous constatons
qu’ils s’identifient difficilement à la description que les fonctionnaires et intervenants
font de leur groupe. Ils peuvent pourtant confirmer les aspects négatifs du groupe.
Pour eux le statut de passeur de drogue et la précarité économique ne signifient pas
grand chose. Ils disent avoir le choix entre d’une part déprimer, abuser des drogues,
s’effondrer, avoir des problèmes de conduite, contracter des dettes, être punis, et
d’autre part s’investir pour essayer de sortir rapidement, avoir une bonne conduite,
passer chez le psychologue et l’assistant social pour demander une libération
conditionnelle, etc.
Même une peine minime signifie pour certains l’investissement dans un type d’image
d’eux-mêmes, la nécessité d’envisager des moyens de survie en prison, l’intérêt à
travailler ou à étudier ou la tendance à se solidariser avec les nouveaux détenus, mais la
souffrance que causent les sévères conditions d’inégalité peut entrainer des problèmes
plus graves : des conduites destructrices, des grèves de faim, un abandon total (Flèche
Nº5). Pour d’autres une peine légère d’autant plus s’il y a de l’argent disponible, des
possibilités de corruption, la solidarité des médiateurs, etc. leur permet une adaptation à
la prison, mais aussi d’aller jusqu’a l’élaboration de cet image « puissante », de celui
qui mène une vie frugale et d’insubordination (Flèche Nº6). En prison l’image de
personne en précarité économique ou utilisée disparaît en faveur de cette dernière image
118
de personne antisociale et conflictuelle. La vie en communauté renforce les identités
nationales dans le cadre d’une institution qui gère des populations. L’intervention des
représentants des pays renverse leur position dans le rapport conflictuel et les situe
même au dessus des fonctionnaires. Cependant, la singularité de l’individu a encore du
mal à émerger (Flèche Nº7).
Le clivage singularité/paradigme actuariel s’apprécie mieux au moment politique.
D’une part les institutions internationales telles que l’ONUCD et d’autres telles que
DIRANDRO participent au niveau politique avec un langage actuariel (Flèche Nº8). Ici
il faut nous rappeler le contenu du premier chapitre : la réorganisation que la Police
Nationale a subie depuis les années 90, notamment la création d’unités spécialisées
antidrogue et le développement d’un système informatique et des indicateurs
d’efficacité.
D’autre part il existe des institutions telles que l’Ombudsman péruvien qui vont essayer
de repérer les vulnérables du système et de s’approcher de la singularité. Ils prolongent
la solidarité humaine que les représentants des pays et les médiateurs de la relation
conflictuelle, ont nouée avec leurs compatriotes (Flèche Nº9). C’est l’image de
vulnérabilité, de précarité économique et humanitaire qui cette fois-ci permet une
identification solidaire qui dépasse la relation conflictuelle. Nous ne pouvons pas parler
de singularité en tant que connaissance approfondie de la singularité des individus en
question, mais du repérage d’un élément qui permet l’identification, le développement
de relations solidaires. C’est le cas de l’évitement des relations conflictuelles du
moment pénitentiaire.
D’autres clivages sont repérables tout au long de notre analyse. Les clivages peines
légères/lourdes ou fourmis/criminalité organisée : ne sont pas-t-ils que le reflet de la
dynamique expliquée, mais aussi d’une sorte de carte cognitive qui distingue le petit du
grand de manière quantitative et finalement privilège le dernier ? Visiblement une
esquisse de résistance est construite au niveau politique à partir de la récupération de la
singularité et des relations de solidarité avec ces individus étrangers qui ont violé les
lois de l’État péruvien sur le trafic de drogue mais qui sont en « précarité économique et
humaine».
119
CONCLUSION
Finalement, à notre question sur la construction de la criminalité des passeurs de
drogues d’origine étrangère, nous pouvons répondre, dans le cadre du développement
historique de près d’un siècle de criminalisation du trafic de drogue au Pérou, que ces
images d’évolution d’une population d’étrangers détenus pour trafic de drogue sont
issues de la dernière étape du conflit entre l’État et des groupes terroristes, quand la
police péruvienne s’est investie dans la création d’unités spécialisées et d’indicateurs en
matière de drogues, en mettant en exergue les activités d’arrestation de passeurs de
drogue qui s’avéraient « efficaces ».
Pour nous l’évolution de ce segment de la population pénitentiaire à partir des années
90, liée à l’augmentation exponentielle de la population pénitentiaire totale, à
l’augmentation d’activités de répression en matière de drogues et au privilège de celles
qui avaient cette apparence d’efficacité, répondent à l’application du paradigme que
Harcourt appelle actuariel.
Selon cet auteur ce n’est pas seulement un modèle mais tout un âge qui privilégie les
quantifications de la criminalité et l’apparence d’efficacité au travail au cas par cas.
Dans la construction de cette criminalité, le développement du paradigme actuariel a été
à la base de la dynamique par laquelle les acteurs de la répression oscillaient entre le
déploiement de l’altérité conflictuelle et la résistance de la solidarité humaine à l’égard
des « étrangers détenus pour trafic de drogue ». Nous avons constaté que les relations
d’altérité conflictuelle ont surtout lieu dans les moments les plus envahis par ce modèle
actuariel. Il ne s’agit pas seulement de moments mais aussi d’acteurs qui ont tendance à
porter un regard sur les personnes et le trafic de drogue sous l’angle économique-
descriptif avec lequel la généralisation des traits antisociaux est récurrente.
Certainement ces acteurs vont marquer certaines institutions et contextes politiques,
ultimement ils vont reproduire un langage et vont fixer les images d’altérité dans le sens
conflictuel.
Une narration émancipatrice est proposée comme conclusion de notre investigation. Les
acteurs de la police ne voyaient dans ces personnes que l’image d’antisocialité et de
120
précarité économique et par conséquent nouaient des relations d’extrême inégalité avec
eux, les acteurs judiciaires privilégiaient l’aspect de la nécessité pour les situer dans une
position moins défavorable, et les acteurs pénitentiaires ont mis l’accent sur l’image
antisociale et conflictuelle en considérant leur situation trop favorable. Malgré cela, un
mouvement de quête d’équilibre a opéré aux différents moments. L’aide et l’action de
solidarité des médiateurs qui appartenaient au niveau politique se sont avérées
correctrices au moment policier mais démesurées au moment pénitentiaire. Enfin, au
niveau politique certains acteurs ont prolongé cette solidarité humaine à travers une loi
qui, selon des considérations économiques et humanitaires, facilite l’extradition
d’étrangers détenus pour trafic de drogues vers leur pays d’origine.
Il existe aussi une résistance à regarder ces personnes à travers ces lunettes de
l« efficacité». Nous l’avons découverte plus ouvertement chez les acteurs qui partagent
notre même formation professionnelle mais cela n’exclut pas d’autres formes de
résistance à rechercher à travers d’autres investigations. Notre méthodologie s’avère
perfectible mais intéressante pour étudier d’autres possibilités de dynamiques
d’altérité/identité, au sein du processus de criminalisation, par exemple la construction
de l’image de « délinquant commun de Lima » ou l’image de « précarité économique »
que mobilisent les interactions à propos de ce dernier type de « criminalité ».
Sur le plan pratique, il semble nécessaire d’envisager pour les acteurs qui partagent les
missions de répression du trafic de drogue au Pérou une formation constante dans les
sciences sociales et humaines. Il doit rester clair que pour nous, il ne s’agit pas
simplement de freiner l’expansion du paradigme de l’effectivité actuarielle ou du
paradigme économico-descriptif du crime, mais d’intégrer au sein de chaque mission et
personne d’autres approches, d’autres valeurs, d’autres schémas cognitifs, et de cette
manière construire le véritable progrès de ce domaine de la criminologie, du pays et de
l’humanité.
121
BIBLIOGRAPHIE
ADLP-CONGRESO, Archivo Digital de la legislación en el Perú del Congreso de la República, Site officiel du Parlament de la Repúblique du Pérou, Consulté en Mai 2009, http://www.congreso.gob.pe/ntley/LeyNume_1.asp AGUIRRE, C., The Lima Penitentiary and the modernization of criminal justice in nineteenth-century Peru, in R. SALVATORE (dir.), The birth of the penitentiary in Latin America: essays on criminology, prison, reform and social control, 1830-1940, Austin: University of Texas Press, 1996, pp.55-69.
AYVAR QUISPE, H., Situación criminológica de las reclusas en los establecimientos penitenciarios de la Región Lima, Thèse pour l’obtention du degré de Docteur de la Faculté de Droit y Science Politique, UNMSM, Lima: 2004. BAJOIT, G., Pour une sociologie relationnelle, Paris : PUF, 1992. BARATTA, A., Criminología crítica y crítica del derecho penal, Buenos Aires: Siglo XXI editores, 1982. BERGALLI, R., El control penal en el marco sociedad jurídica, in R. BERGALLI (dir.) Sociology of penal control within the framework of the sociology of law, Oñati proceedings Nº10, Oñati international institute for the sociology of law, 1991 pp. 25-46 BERGER, P. & LUCKMANN, N., La construction sociale de la réalité, Paris : Armand Collier, 1996. BRION, F., Immigration et délinquance dans la Région de Bruxelles Capitale. Un bilan de connaissances, Revue de droit pénal et de criminologie, 2004/4, pp. 462-489 BROCHU, S., Drogue et criminalité: une relation complexe, Montréal : Presses Université Montréal, 2006. CALDERON, M-I., Informe de la encuesta nacional sobre valoraciones, percepciones, actitudes y situación económica y social de mujeres en cárceles desde una perspectiva de género, Lima: MIMDES: 2001. CALLIRGOS, J., El racismo y el racismo peruano, in DESCO (ed.), El racismo: la cuestión del otro (y de uno), Lima: DESCO, 1993, p.145-213. CAULKINS, J. & CHANDLER, S., Long run trend in incarceration of drugs offenders in the United States, Crime and delinquency, Oct.2006, Vol.52-4, pp. 619-641 CEAS, Perú: Informe sobre la situación penitenciaria, Lima: CEAS, 2005. CEAS, Memoria del Encuentro bolivariano de pastoral penitenciaria. Drogas en la sociedad y en la càrcel: un desafío para la pastoral. Lima: CEAS, 2004. CEDRO, El problema de las drogas en el Perú. Informe 2008, Lima: Cedro, 2008.
122
CEDRO, El problema de las drogas en el Perú, Informe 2007, Lima: Cedro, 2007 CEDRO & RUBIO, M., Legislación peruana sobre drogas 1920-1993, Lima: Cedro, 1994. CESONI, M.L., Politiques en matière d’usage de stupéfiants et peines privatives de liberté en Europe, in D. KAMISNSKI & M.KOKOREFF (eds.), Sociologie Pénale : Système et Expérience pour Claude Fagueron, Ramonville Saint-Agne : Eres, 2004. pp. 85-106 COMBESSIE, P., Sociologie de la prison, Paris : La découverte, 2001. COMMISSION EUROPÉENE, Criminalité liée à la drogue, Consulté en Mai 2009 http://ec.europa.eu/justice_home/fsj/drugs/supply/fsj_drugs_supply_reduction_fr.htm. CONSEIL DE L’EUROPE – GROUPE POMPIDOU, Le groupe aéroports du Groupe Pompidou : Lutte contre l’abus et le trafic de drogues. Consulté le 15 Juillet 2009, http://www.coe.int/t/dg3/pompidou/activities/airports_FR.asp COSSÉE, C., LADA, E. & RIGONI, I. (Coll.), Faire figure d’étranger, Paris : Armand Collins, 2004. COSTA, G. & BASOMBRÍO, C., Liderazgo civil en el Ministerio del Interior, Lima: IEP, 2004. COTLER, J., Drogas y política en el Perú: la conexión norteamericana, Lima: IEP, 1999. CZARNIAWSKA, B., Alterity/Identity Interplay in Image Construction, in P. BARRY, DAVED & H. HANSEN (eds.), The SAGE handbook of new approaches in management and organization, London: Sage, 2008, pp. 49-67. CVR, Informe Final de la Comisión de la Verdad y Reconciliación, Tomo II: Los actores del conflicto: Las fuerzas policiales, Lima: CVR, 2003. DEFENSORÍA DEL PUEBLO (PERÚ), Supervisión del Sistema Penitenciario 2006, Informe Nº 113, Lima: Defensoría del Pueblo, 2007. DE FINA, A., SCHIFFRIN, D. & BAMBERG, M., Discourse and identity, Cambridge: University Press, 2006. DEFENSORIA DEL PUEBLO (PERÚ), Mujeres y sistema penitenciario, Lima: Defensoría del pueblo, 2005. DEGREGORI, C., Perú: crisis de régimen constitucional en un contexto de ajuste neoliberal y violencia política, in P. GAYTAN, R. PEÑARANDA et E. PIZARRO (eds.), Democracia y reestructuración económica en América Latina, Bogotá: CEREC 1996
123
DE PAUW, W., Á la recherche de temps perdu ? Les condamnations en matière de stupéfiants à Bruxelles de 1976 à 1998, in D. KAMISNKI, (dir.) L’usage pénal des drogues, Bruxelles : De Boeck Université, 2003, pp. 213-228. DE RUYVER COOR, B., Définition et mesure de la criminalité liée aux drogues, Synthèse web de Politique scientifique fédérale, Consulté en Mai 2009, http://www.belspo.be/belspo/home/publ/pub_ostc/Drug/rDR30r_fr.pdf. DE SOTO, H., El otro sendero, Bogotá: Fundes, 1990. DE TRAZEGNIES, F., El poder judicial peruano en la historia, participation au I Congrès sur l’histoire du droit constitutionnel, Consulté en Juin 2009, http://www.pucp.edu.pe/departamento/derecho/images/Fernando_de_Trazegnies._EL_PODER_JUDICIAL_PERUANO_EN_LA_HISTORIA.pdf DIRANDRO, Historia y Organización, Site officiel Dirección nacional antidrogas de la Policía Nacional del Perú PNP - DINANDRO, Consulté en Mars et Juillet 2009, http://www.pnp.gob.pe/direcciones/dirandro/historia.html. DUPREZ, D., KOKOREFF, M. & WEINBERGER, M., Carrières, territoires et filières pénales : pour une sociologie comparée des trafics de drogue (Hauts-de-Seine, Nord, Seine-Saint-Denis), Paris : Observatoire français des drogues et toxicomanies, 2001. ESTEBAN, S., DIAZ, S., GONZÀLES, P. & GUEVARA, N., Riesgo laboral y estrés en trabajadores de E.E.P.P. de la Dirección regional Lima, in S. ESTEBAN, S. REYES TAVARA & al., II Compendio de investigaciones 2005-2006, Callao: INPE-CENEP, 2006, p.16-114. ESTELA BENAVIDES, M., Un enfoque de mercado: radiografía del Narcotráfico en el Perú, in M. ESTELA BENAVIDES et al., El narcotráfico: amenaza al crecimiento sostenible del Perú. Estudios sobre Coca, cocaína, seguridad y desarrollo, Lima: Macroconsult, 2009. FRANCIS, V., L’étranger objet de toutes attentions, in F. BRION, A. REA & A. TIXHON (eds.), Mon délit? Mon origine, Bruxelles: De Boeck, 2000, pp. 187-200. FRIESENDORF, C., Squeezing the balloon? United States Air Interdiction and the Restructuring of the South American Drug Industry in the 1990s, Crime, Law & Social Change, Nº44, 2005, pp. 35–78. FONAFE, Perú oferta de hoja de coca 2001-2004, Estadística básica, Lima: FONAFE, 2005. GREEN, P., MILL, C. & READ, T., The characteristics and sentencing of illegal drug importer, British journal of criminology, 1994, 34/4, pp. 479 – 486. GONZALEZ CUEVA, E., ¿Auténtica peruanidad?: transformaciones del concepto de representación política en el Perú de Fujimori, América Latina hoy: Revista de ciencias sociales, Vol. 19, 1998, pp. 81-89.
124
HARCOURT, B., Against Prediction: Profiling, Policing, and Punishing in an Actuarial Age, Chicago: University of Chicago Press, 2007. HARPER, R. & MURPHY, R., An analysis of drug trafficking, British journal of criminology, 2000, Nº 40, pp. 746-749. HARRÉ, R., The Discursive Turn in Social Psychology, in D. SCHIFFRIN, D. TANNEN, H. HAMILTON (dir.) The Handbook of Discourse Analysis, Oxford: Blackwell, 2003, pp. 688-705. KAMINSKI, D., L’activité pénale sous influence: un bilan de recherche, in : D. KAMISNKI, (dir.) L’usage pénal des drogues, Bruxelles : De Boeck Université, 2003, pp. 11-37. KAMINSKI, D. & KOKOREFF, M., (eds.) Sociologie Pénale : Système et Expérience pour Claude Fagueron, Ramonville Saint-Agne : Eres, 2004. KOKOREFF, M., Les trajectoires recomposées ou le pénal entre mises en scène et zones d’ombre. in D. KAMISNSKI & M.KOKOREFF (dir.) Sociologie Pénale : Système et Expérience pour Claude Fagueron, Ramonville Saint-Agne : Eres, 2004. pp. 107-131. LACEY, N., Criminology, criminal law and criminalization, in M. MAGUIRE, R. MORGAN, R. REINER (eds.) Oxford Handbook of criminology, Oxford : Clarendon press ,1997 pp. 437-448. LANIEL, L., The relationship between research and drug policy in the United States, in C. GEFFRAY, G. FABRE & M. SCHIRAY, Globalisation, drugs and criminalisation: final research report on Brazil, China, India and Mexico, UNESCO, 2002, Consulté en Avril 2008, http://unesdoc.unesco.org/images/0012/001276/127644e.pdf LIBRARY OF (USA) CONGRESS, Country study, Peru, General Police, dernière mise à jour en septembre 1992, consulté en Mai 2009, http://memory.loc.gov/cgi-bin/query/r?frd/cstdy:@field(DOCID+pe0160). MAC GREGOR, F, Droga: desinflando el globo: narcotráfico, corrupción y opinión pública en el Perú, Lima: Universidad del Pacífico, Instituto para la paz, 1998. MAPELLI (dir.), B., La mujer en el sistema penitenciario peruano, Lima: IDEMSA, 2006 ORDINOLA. M., RUDOLPH, J. & al., La ruta de la coca: de caserío en caserío a la coca global, Qué hacer, Nº 149, Lima: Desco, 2004, p.27-60 ONUCD & DEVIDA, Perú: monitoreo de cultivos de coca, Lima: ONUCD-PERU, 2008. ONUCD - PERÚ, Drogas y Delitos en el Perú, situación actual y evolución, Lima: ONUCD, 2007.
125
PALMA CHAZARRA, L., Experiencias personales de mi encuentro con mujeres privadas de libertad en la cárcel de Chorrillos, in B. MAPELLI (dir.), La mujer en el sistema penitenciario peruana, Lima: IDEMSA, 2006, p. 295 – 322. PEREZ GUADALUPE, J-L., Faites y atorrantes: una etnografía del penal de Lurigancho, Lima: Facultad de Teología Pontificia y Civil de Lima, 1994. POLICIA NACIONAL DEL PERÚ, Historia de la PNP, Site officiel de la Policía Nacional de Perú, Consulté en Mars 2009, http://www.pnp.gob.pe/historia.html. PORTOCARRERO, G., Rostros criollos del mal: cultura y transgresión en la sociedad peruana, Lima: Red para el Desarrollo de las Ciencias Sociales en el Perú, 2004. PRADO SALDARRIAGA, V., Criminalidad organizada: conceptos, características, tráfico ilícito de drogas, asistencia judicial mutua, entrega vigilada de bienes, extradición, convenios internacionales y legislación nacional, Lima: IDEMSA, 2006. ROBERT, P., Sociologie du crime, Paris : L’Harmattan, 2005. ROMERO, I., CHUQUIRAY, N., ZAVALETA, A. & ROMERO, E., Perfil de la mujer micro comercializadora de drogas en Lima-Perú, Psicoactiva, Nº 18, 2000, pp. 17-91. SAYAD, A., L’immigration et la pensée d’état. Réflexions sur la double peine, in COMMISSION EUROPÉENE, Sciences sociales : Délit d’immigration Bruxelles : Commission européenne 1996, pp. 11-30. SCHIRAY, M., Certainties and uncertainties as regards illicit drug trafficking: research in the case of France, in C. GEFFRAY, G. FABRE & M. SCHIRAY, Globalization, drugs and criminalization: final research report on Brazil, China, India and Mexico, UNESCO, 2002, Consulté en Avril 2008, http://unesdoc.unesco.org/images/0012/001276/127644e.pdf SCHMALLEGER, F., Criminology Today, N. Jersey: Prentice Hall, 1996. SHAPLAND, J., Crime : a social indicator or social normality ?, in P. ROBERT & F. SACK (dir.), Normes et déviances en Europe: un débat Est-Ouest, Paris : L’Harmattan, 1994, pp.101-155. SNACKEN, S., BEYENS, S. & TUBEX, H., Changing prisons in Western countries: fate or policy, European journal of crime, criminal law and criminal justice, 1995, nº 1, pp. 18-53. UN-OFFICE ON DRUGS AND CRIME, World drug report 2008, United Nations publications, 2008. UN-OFFICE ON DRUGS AND CRIME, Chronologie : cent ans de contrôle de drogues, Consulté en Mai 2009, http://css.unodc.org/documents/wdr/timeline_F.pdf
126
VICH, V., El caníbal es el otro: violencia y discurso en el Perú contemporáneo, Lima: IEP, 2002. WACQUANT, L., Las cárceles de la miseria, Buenos Aires: Manantial, 2000. WRIGHT, R. & al., Encyclopedia of Criminology Vol. 1, Oxon: Routledge, 2005. ZAVALETA, A., ROMERO, E. & ROMERO, I., Diagnóstico de la situación del detenido por TID bajo modalidad de burrier en los establecimientos penitenciarios de mujeres de Chorrillos y de varones del Callao, Psicoactiva, Nº 24, 2005. Statistiques INPE, Informe Estadístico Enero 2008, Lima: Instituto Nacional Penitenciario, 2008. INPE, Informe Estadístico Junio 2004, Lima: Instituto Nacional Penitenciario, 2004. INPE, Informe Estadístico Mayo 2003, Lima: Instituto Nacional Penitenciario, 2003. NPE, Informe Estadístico Enero 2002, Lima: Instituto Nacional Penitenciario, 2002. INEI, Estadísticas sobre la producción el tràfico y consumo de drogas 1994-1996, Lima: INEI, 1996. INEI Estadísticas sobre la producción el tràfico y consumo de drogas 1996-1997, Lima: INEI, 1997. INEI, Estadísticas sobre la producción el tràfico y consumo de drogas 1997-1998, Lima: INEI, 1998. INEI, Estadísticas de criminalidad 1962-1991, Lima: INEI, 1991. INEI, Estadísticas seguridad y violencia, 1997-98, Lima: INEI, 1998. INEI -1999, Estadísticas de violencia y seguridad pública 1998-99, Lima: INEI, 1999. INEI- 2006, Estadísticas 2006, Lima: INEI, 2006. INPE-INEI, Censo nacional penitenciario del 7 de abril de 1986, Lima: INEI, 1987. INEI: Perú Serie estadísticas 1970-1992, Lima: INEI, 1993. INEI, Compendio Perú, 2006, Lima: INEI: 2007. OPD-DEVIDA, Observatorio peruano de drogas - DEVIDA, Informe Estadística sobre drogas en el Perú, 2006.
127
ANNEXE 1 : ENTRETIENS MENÉS
Dans le cadre du travail de terrain conduit au Pérou entre Juin et Septembre 2008 nous
avons réalisé des entretiens avec les différents acteurs qui participaient au processus qui
nous occupe selon le tableau suivant. Nous voulons signaler deux choses.
Premièrement, étant donné les limitations temporelles de notre séjour, nous avions
planifié de contacter au moins trois personnes par institution et diversifier les
hiérarchies et cela a été atteint dans la majorité des cas. La sélection a été aléatoire dans
la mesure du possible. Nous nous sommes présentées à ces différentes personnes et
nous avons demandé leur collaboration. Dans la majorité des cas les premiers contactés
ont accepté. Les interviewés eux-mêmes nous ont dirigée vers d’autres acteurs.
Ensuite, il faut préciser que nous avons choisi de ne pas enregistrer les entretiens, en
raison de la susceptibilité de certains fonctionnaires à tout questionnement sur leur
travail dans les affaires de drogues. Afin d’éviter toute méfiance nous avons pris des
notes et dans certains cas nous avons seulement mémorisé. Malgré les possibles biais, la
précision de notre grille d’entretien a joué à notre faveur.
Personnes interviewées dans les principales institutions concernées
Institution
Police Ministère Public (Pénal)
Magistrats (Pénal) Administration Pénitentiaire
P1 : Policier drogues Aéroport P2 : Policier drogues Aéroport P3 : Policier sécurité Aéroport
P1 : Parquet drogues Callao P2 : Parquet substitut Cour Supérieure Callao
J1 : Juge d’instruction Callao J2 : Juge Cour Supérieure Callao J3 : Juge Cour de Cassation de Lima
F1 : Psychologue de la prison. F3 : Psychologue de la prison. F2 : Assistant sociale, ex vice président nationale de l’INPE.
I Media Barreau
(pénal) Personnes détenues Autres acteurs
politiques Institutions Société civil.
J1 : Journal. d’Investigation Magazine Politique.
A1: Avocat pro deo Callao
D1 : Espagnol détenu pour trafic de drogue D2 : Colombien détenu pour trafic de drogue D3 : Italo-péruvienne détenu pour trafic de drogues
O1 : Agent de ONUDD drogues O2 : Agent de l’ombudsman pour les affaires pénales
A1 : Intervenant de l’Église. A2 : Psychologue de l’ONG CEDRO (prévention drogues)
128
ANNEXE 2 : LES RELATIONS SOCIALES SELON BAJOIT Nous avons utilisé les concepts développés par Bajoit dans l’ouvrage « Pour une
sociologie relationnelle » (BAJOIT : 1992). Pour l’auteur toute relation sociale est
établie entre deux partenaires qui ont certains aspects en commun et d’autres qui les
différencient. De cette manière, toute relation sociale est à la fois un lien d’identité ou
de solidarité et un lien d’altérité ou d’échange. Bajoit a classifié ces liens d’identité et
d’altérité selon quatre paradigmes sociologiques: l’intégration, la compétition,
l’aliénation et le conflit.
Ces quatre types de liens d’échange/altérité qui correspondent sont les suivants: a)
l’altérité complémentaire entre des fonctionnaires qui remplissent des rôles
différents pour une seule organisation ou finalité, b) l’altérité compétitive des individus
en concurrence, c) l’altérité contradictoire d’individus qui cherchent à s’éliminer
réciproquement et d) l’altérité conflictuelle entre des adversaires qui ont des finalités
opposées. L’auteur qualifie aussi les échanges compétitifs et contradictoires comme
exclusifs parce que le concurrent/ennemi sait seulement arriver à son but en évitant que
l’autre atteigne le sien. En revanche les échanges conflictuels et complémentaires sont
inclusifs parce que le partenaire/adversaire ne peut atteindre son objectif qu’en
coopérant avec l’autre.
En outre, l’inégalité des relations se maintient soit à travers la persuasion, soit à travers
la coercition. La persuasion existe dans les échanges consensuels lorsque les parties
estiment que les inégalités sont nécessaires, ou qu’elles ne leurs empêchent pas
d’atteindre leurs objectifs La coercition existe dans les échanges dissensionnels lorsque
les règles de la relation sont mises en cause. Le conflit serait donc une détérioration de
l’échange complémentaire et l’échange contradictoire, une détérioration de l’échange
compétitif.
Quant aux liens d’identité/solidarité il s’agit de: a) la solidarité fonctionnelle des
partenaires qui remplissent des rôles différentiés et complémentaires pour atteindre des
finalités communes b) la solidarité contractuelle par laquelle au nom du propre intérêt il
faut respecter l’intérêt de l’autre c) la solidarité sérielle qui est la soumission a un
pouvoir commun, et d) la solidarité fusionnelle des partenaires qui identifient le besoin
129
individuel comme besoin commun et projettent une identification commune. Selon la
finalité de l’identification la solidarité fonctionnelle et la solidarité contractuelle sont
instrumentales parce que chacun a besoin de l’autre pour remplir ses rôles sociaux,
tandis que la solidarité sérielle et la solidarité fusionnelle sont expressives parce que ce
que les partenaires cherchent est l’approbation ou la valorisation de l’autre.
Le tableau suivant montre les caractéristiques des différents types de liens selon les
paradigmes relationnels.
Formes d’altérité (échange) et d’identité (solidarité) selon Bajoit
Paradigme
de relation
sociale
Type de lien
d’altérité ou
échange
Type de lien
d’identité ou
solidarité
Finalités
de
l’échange
Mode de
reproduction
de l’inégalité
Finalité de
l’identificati
on ou
solidarité
Intégration Complémentaire Fonctionnel Inclusif Consensuel Instrumental
Compétition Compétitif Contractuel Exclusif Consensuel Instrumental
Aliénation Contradictoire Sériel Inclusif Dissensionnel Expressif
Conflit Conflictuel Fusionnel Exclusif Dissensionnel Expressif
130
ANNEXE 3: CHRONOLOGIE DE LA LÉGISLATION SUR LE
TRAFIC DE DROGUE AU PÉROU.
13
1
1946
Législation su
r la co
mmercialisation
des méd
icam
ents et d’op
ium.
Principa
ux élémen
ts:
-Les d
rogu
es son
t considérés com
me
des prod
uits nuisib
les po
ur la san
té.
-Etabliss
emen
t d’un
contrôle
administratif
du
trafic
d’op
ium,
morph
ine, cocaïne
, hé
roïne
et d
érivé
s présen
tés sous fo
rme de
méd
icamen
ts.
-San
ctions ad
ministratives (ré
vocation
des
concessio
ns de
fabrica
tion
ou
d’impo
rtation
de d
rogu
es) et p
énales
(pas
très
précise
s)
visan
t les
acqu
isitions non
autorisé
es.
-San
ction
que
vise
la p
ossession
des
drog
ues
po
ur la consom
mation
person
nelle.
Lois Interna
tiona
les : La
Convention
internationa
le d
e l’opium
est intég
rée
aux
traités
de pa
ix de
la Prem
ière
Gue
rre m
ondiale, La So
ciété de Na
tions
est crée comme ga
rante. C
onvention
de 1
925, 1
931
et la
Conven
tion
de
Gen
ève
sur
la commercia
lisation
et
péna
lisation du
trafic illic
ite de l’opium
de
193
6.
Natio
nalis
ation de
la produ
ction de
la coc
a. Déb
ut du dé
velopp
emen
t de
la lé
gislation répres
sive
sur le
trafic de drog
ues.
-Le contrôle de la produ
ction, in
dustria
lisation, distrib
ution, con
sommation et
expo
rtation est e
xercé pa
r l’État á
travers du Ministère de
la San
té pub
lique
. -Les cultures de
coca sont déclarées patrim
oine
nationa
l en
bén
éfice
de
l’hum
anité.
-La rédu
ction de
ces cultures do
it se ré
alise
r á travers de
la Ban
que Ag
raire
. -Le tra
fic illicite de stup
éfiants (notam
men
t la cocaïne) est un prob
lème de
prop
ortions alarm
antes (grand
es som
mes d’argen
t, existen
ce des m
afias).
Sa persécution et ré
pressio
n se ré
alise
nt aux nive
aux interne et internationa
l. -La ge
stion du
problèm
e du
TID passe du secteu
r san
té au go
uverne
men
t et
á la police
qui agit san
s être sou
mise
aux garan
ties constitutionn
elles.
-Lég
islation dé
taillé
e sur les activités (fa
brica
tion, com
mercia
lisation etc.), les
peines correspon
dantes (s
aisie
, fermeture d’étab
lissemen
ts), la procédu
re et
le tribun
al ad ho
c po
ur le T
ID (L
e Co
nseil N
ationa
l exécutive contre le Trafic
de Drogu
es que
sera intégré au
x Tribun
aux de
Justice en
196
3.
-Prohibition
des
béné
fices de
grâce, indu
lt, Libé
ration
cond
itionn
elle,
Libé
ration provision
nelle, e
t autres po
ur les affaire
s de
TID.
-Le
Code
de
mineu
rs rép
rime
la v
ente d
e drog
ues
aux
mineu
rs e
t la
législa
tion sur la contreba
nde le con
sidère comme ag
gravan
te.
-Nou
veau
Cod
e de
Procédu
re Pén
ale selon le m
odèle inqu
isitoire
(194
0).
DL 110
05 (M
ars 19
49) e
t mod
ifications, D
L 11
046 (J
uin 19
49), DS 00
2 (Aoû
t 19
49), DS
254
(Dic 19
64) e
t Co
de de Procéd
ure Pé
nale 194
0.
L’Organ
isation
de N
ations U
nies rep
rend
les fon
ctions d
e la S
ociété d
e Na
tions qua
nt á la
fiscalisa
tion de
stupé
fiants. Protocoles de
194
6 et 194
8 qu
e plaçan
t nou
velles substances sou
s contrôle. C
onvention Pé
rou Be
lgique
19
60 sur l’e
xtradition suit á la com
miss
ion d’un
délit. RL 13
465.
Législation sanitaire
soc
iale qui distin
gue le trafic de la
cons
ommation de
drogu
es.
-Organ
isation
de L’En
treprise
Na
tiona
le de
la Co
ca
(ENA
CO)
chargé
e de
la
commercia
lisation
et
l’indu
stria
lisation
de la
coca e
t ap
parte
nant a
u secteu
r ag
riculture.
-La
toxic
oman
ie e
st c
onsid
érée
un
prob
lème
de s
anté
publique
et u
ne atte
inte á la dignité hum
aine
. -Distinction
entre
un
régime
de tra
itemen
t offert
aux
toxic
oman
es et d
es san
ctions destinée
s au
x tra
fiqua
nts
-Dérog
ation de
s sanctions qui vise
nt la possession de
stinée
á la con
sommation pe
rson
nelle.
-Prévention
éducative
du
mau
vais
usag
e de
drogu
es,
créa
tion de
s centres de
réh
abilitation biop
sychosocial d
es
consom
mateu
rs et réd
uction de
s cultures de
coca.
-Mesures de protection de
stinée
s au
x mineu
rs trafiqua
nts.
-San
ctions pou
r les prom
oteu
rs, o
rgan
isateurs, fina
nceu
rs,
ou d
irige
ants d
e ba
ndes o
u grou
pes qu
e tra
fique
nt vers
l’étra
nger.
-San
ctions sévères pou
r l’utilisa
tion de
s mineu
rs et p
our les
mem
bres de
l'État
et la po
lice
qu’agissen
t comme
complice
s.
DL 175
05 (M
ars 19
69), DL
220
95, D
L 19
505 (Aoû
t 197
2) et
DL 222
32 (J
uillet 1
978).
Conven
tion Un
ique
de stup
éfiants de
196
1, P
rotocole de
1972
, Co
nven
tion
de l’ONU
sur les s
ubstan
ces
psycho
tro
piqu
es de
19
71 et Ac
cord sud
américa
in sur
les
stup
éfiantes et les sub
stan
ces psycho
trop
ique
s de
197
5.
Lois Nationa
les : L
oi d
e do
uanes
(Mars 19
20) e
t Lo
i 442
8 (Nov. 1
921)
1975
19
20
1969
13
2
1978
Conven
tion
EEUU
-Pérou
sur p
olitiq
ue d
e contrôle d
e drog
ues et dévelop
pemen
t alternatif (app
rouvé en
avril
1991
), Ac
te de
Ca
racas
entre
la Bo
livie, Co
lombie,
Equa
teur, Pé
rou et V
enezue
la (Mai 199
1), Co
nven
tion
Pérou- Argen
tina sur la prévention de
l’usag
e inad
équa
t et la
rép
ression du
trafic de drog
ue et de
stupé
fiantes
(Juillet 1
991), A
ccord Pé
rou-Mexique
sur la
coo
pération
en m
atière de na
rcotrafic et toxicom
anie (app
rouvé en
Juille
t 19
91),
Mem
oran
da d
'enten
demen
t Pé
rou-EE
UU
sur
la coop
ération
active
contre le na
rcotrafic et
l’assistan
ce
écon
omique
(app
rouvé
Set
1991
) Co
nven
tion de
l’ONU
con
tre le
trafic de drog
ues et de
substances s
tupé
fiantes d
e 19
88 (ap
prou
vé e
n No
v.
1991
), 40
Re
comman
dations du
grou
p finan
cière
internationa
l con
tre le blanchimen
t d’argen
t GAF
I -19
90
1982
Répres
sion
aux
form
es organ
isée
s du
narco
trafic
, efforts
de régu
latio
n de
s cu
ltures, État d
’urgen
ce.
Loi 220
95 (F
évrie
r 197
8), D
L 22
927(Mars 19
80) c
essé
par L
oi 235
05 (D
éc. 1
982), D
L 02
1 (Jan
vier 1
981) et
DL 122
(Juin1
981).
-Typific
ation d’au
tres varia
ntes du tra
fic (p
rescrip
tion et
expé
dition
de
méd
icamen
ts,
consom
mation
par
coaction, instigation et m
afia, p
articipation de
mem
bres
de l'É
tat e
t de la police, etc.)
-San
ctions sévères pou
r les ban
des et san
ctions pou
r l’app
artena
nce á un
e ba
nde de
narcotra
fic.
-Nou
veau
cad
re Con
stitutionn
el en 19
79 (L
’état rég
ule
et sup
ervis
e l’u
sage
, com
merce…sanctionn
e le trafic.)
-Prohibition et pén
alisa
tion des n
ouvelles cultures de
coca. C
réation d’un
reg
istre de prod
ucteurs au
torisés.
Erad
ication
et sub
stitution
des cultures. P
énalisa
tion
dérogé
e en
198
1.
-En 19
80 se dé
clare l’état d’urgen
ce pou
r les région
s de
Hua
nuco, Sa
n Martin et Co
rone
l Portillo – Lo
reto
afin de contrôler les cultures, détruire
celles qu
e sont
illicites et a
rrêter les auteu
rs.
-Prohibition de
LP, LC, C
ommutation de
peine
, peine
cond
itionn
elle, ind
ult, etc. pou
r délits des drogu
es.
-Création de
la com
miss
ion multisectorie
lle de contrôle
de drogu
es (C
OMUC
OD)
-Peine
s mineu
res
pour la culture,
prod
uction
ou
commercia
lisation en
petite échelle.
Législation proc
édurale, organ
isationn
elle et
pénitentiaire
. Prolifération d’ac
cords internationa
ux.
-Transfert de
com
pétences de juge
men
t et d
’exécution de
pe
ines pou
r délits de drog
ues vers la cap
ital.
-Ampliation de
s cham
bres pén
ales de la Cou
r Sup
rême.
-Successive
s législa
tions pé
nitentiaire
s ajou
tent et
retiren
t les proh
ibitio
ns d
e liberté surveille
, pe
rmis
de
sortie, travaille extra m
uros, réd
emption de
peine
pou
r le
travail,
substitution
et rem
isions d
e pe
ine. S
ource
de
contradictions et p
roblèm
es d’interprétation législa
tive.
-ENA
CO est sou
mise
au droit p
rivé.
-Loi sur la procédu
re d’extradition, 198
7.
DL 122
(19
81), L. 234
14 (Juille
t 19
82), L.24
3905
(No
v.
1982
) DS
158
-PCM
, L.24
063, L
.236
89 (Oct. 19
83),
L.
2488
(Dé
c.19
85), DS
008-82
-AG (19
82), L.24
710 (Juin
1987
)
Stratégie de
dév
elop
pemen
t alte
rnatif. Rép
ress
ion co
njointe
du te
rrorisme et narco
trafic
. Nou
veau
x co
des et in
stitu
tions
. -Stra
tégie de
dévelop
pemen
t alternatif et éradication du
trafic de
drog
ue avec la pa
rticip
ation
de la po
pulation
et diffé
rents
secteu
rs. C
réation de
l’au
torité autono
me po
ur le
dévelop
pemen
t alternatif (ADA
) chargé
e de
l’étab
lissemen
t d’entrepren
antes, de
la libéralisa
tion
d’activités
dans les
région
s prod
uctrices
et
d’assurer la pa
rticip
ation de
s pa
ysan
s prod
ucteurs.
-Dire
ctive
s conjointes pou
r la P
olice
et les Fo
rces A
rmée
s en
matière de lutte
narcotra
fic et subversion proven
antes du
Ministre
de défen
se et d
u Co
mman
de m
ilitaire des ré
gion
s prod
uctrices.
-Autorisa
tion de
la défen
se citoyenn
e contre les de
ux délits.
-Mod
ifications á la
régu
lation de
la com
mercia
lisation de
drogu
es
et des com
posants chimique
s.
-Nou
veau
Cod
e Pé
nal de
199
1: pén
alisa
tion du
trafic et de
la
possessio
n de
drogu
es destinée
s á la com
mercia
lisation. Peine
s légè
res po
ur les petites qu
antités de matières primes. Re
sten
t exem
ptes de pe
ine : la consom
mation de
doses personn
elles, le
supp
ort á
la c
onsommation
d’au
tres, la
commercia
lisation
de
chimique
s, le blan
chimen
t d’arge
nt, la culture de
pa
vot ou
marihua
na et les drogu
e synthé
tique
s ou
dérivé
es du toluèn
e.
-Nou
veau
Cod
e d’exécution de
s pe
ines de 19
91 : Proh
ibitio
n de
semi-liberté, L
ibération Co
nditio
nnelle et d
e ré
demption de
peine
pa
r l’étude
ou tra
vail po
ur le
cas de TID, im
possibilité de
tran
sfert
de déten
us tê
tes d’orga
nisation criminelle á l’é
trang
er.
-Création de
la Dire
ction an
tidrogu
e de
la Police
(DINAN
DRO).
-Nou
veau
Cod
e de
procédu
re pén
ale, sau
f certains articles son
en
trée en
vigue
ur fu
t rep
ortée.
DL 6
38, DL
654
Cod
e exécution
péna
l (Avril199
1), DS1
58-90
PCM (D
éc. 1
990), D
S 13
7-91
PCM , DL
743
(Nov. 9
1) , DL
745
et
752 PN
P FF
AA, DL
749
( nov.199
1) D
L 74
0741
(no
v. 199
1),
Code
Pén
ale 19
91 DL 63
5 (avril 19
91) e
t DL 753
( No
v. 199
1).
1990
19
92
Conven
tion Pé
rou- Brésil sur la ré
pressio
n du
Trafic de
drog
ue de 19
78 e
t Con
vention Pé
rou - E
EUU sur la
répressio
n du
trafic de
drogu
e de 19
78
13
3
Décla
ration po
litiqu
e et des prin
cipes recteurs po
ur la
rédu
ction de
la dem
ande
de drog
ues AG
NU de
199
8.
-La lutte
con
tre la
con
sommation est d
’intérêt n
ationa
l. -Création
des
Prog
rammes
Nationa
ux :
de
développ
emen
t préven
tive,
de
préven
tion
et
réha
bilita
tion et de lutte
con
tre le
trafic
de drogu
e, le
s cultures et la com
mercia
lisation de
plantes d’opiaces.
-Le
Plan
Nationa
l considère : a) L
a prod
uction, les
cultures
á usag
es traditionn
el, no
n tra
ditionn
el, la
prod
uction
de PB
C et CC
et leur impa
cte
sur
l'enviro
nnem
ent, b) Le dé
velopp
emen
t alternatif et le
s po
litiqu
es agrico
les internationa
les, c) L
e dé
lit de
TID :
orga
nisation,
dyna
mique
, violen
ce,
corru
ption,
contreba
nde, narco te
rrorisme et con
trôle te
rritoria
l. et
d) les facteu
rs /con
séqu
ences de
l'usage
de drog
ues.
-Les stra
tégies inclu
ent: a) La systém
aticité normative
et institutionn
elle. b) L
a priorité
du d
évelop
pemen
t alternatif, c) La
rép
ression du
TID, d) La préven
tion
intégrale, e
) Le
traitemen
t et la
réha
bilita
tion
et f)
L’action internationa
le.
-Etabliss
emen
t de
s qu
antités sou
mise
s à de
s pe
ines
légè
res : 2
5 gr. d
e CC
, 100
gr. de
PBC
et 2
00 m
g. de
cann
abis.
-Possib
ilité de
bén
éfice
s pé
nitentiaire
s po
ur le
s cas de
TID no
n ag
gravés et les non
récidivis
tes. Procédu
re de
mise
á te
rme an
ticipée
du procès de TID.
1992
Lutte
arm
ée con
tre le
TID. D
iversific
ation de
s hy
pothès
es de
commission
du dé
lit. P
eine
s sévè
res et abs
ence
de bé
néfic
es.
-La lutte
con
tre le
narcotra
fic et la corru
ption qu
’il en
gend
re sont
des bu
ts du go
uverne
men
t d’émerge
nce et re
constru
ction na
tiona
le
instau
ré par le
cou
p d’État du 5 Av
ril du 19
92. L
a lutte
con
tre la
subversio
n et le
narcotrafic s
era
men
ée s
ous
la d
irection
du
Comman
de Opé
rative du
Front In
terne (COFI).
-Correction de
s dé
ficiences du code
pén
al. C
riminalisa
tion de
s dé
lits de: diss
imulation du
TID, transfert ou
occultation de
s bien
s du
TID, coa
ction po
ur la culture de coca, p
romotion de
la culture de
pavot. Se
fixent con
curre
nces e
ntre agg
ravantes et a
tténu
antes.
-Peine
s jusqu’au
x 35
ans ou pe
rpétuité pou
r l’occultation de
s bien
s,
finan
cemen
t au
terrorisme, e
tc. Maintient d
e la p
rohibition
de
béné
fices pén
itentiaire
s et procédu
raux.
-Nou
veau
régime de
com
mercia
lisation de
drogu
es et intrants.
-Con
trôle accentué
et dé
claration
d’état d’urge
nce
dans les
aéropo
rts situés en région
s prod
uctrices.
-Les forces armée
s sont app
elée
s à ag
ir en
défau
t de
s effectifs
policiers dan
s les région
s prod
uctrices. U
ne déclaration de
s bien
s et re
ntes est sollicitée au
x mem
bres délég
ués.
-Rég
lemen
tation de
la procédu
re d’extradition active.
DL.254
18 (avril 92), DL
.256
26 (juille
t 92
), D
L. 254
29 (avril 92),
2540
4 (fé
vrier 9
2), D
L. 254
29 (m
ars 92
), DL
.259
16 (N
ov. 9
2), D
L.
2542
6, 2
5428
(avril 9
2), DL
.256
23 (juille
t 9
2), L.27
817
(92)
DS.044
-93-JU
S, L.262
23 (a
oût 2
003) et L
.262
47 (N
ov. 1
993).
2000
L.263
20, L
. 266
19 (juin 94
), L.26
332 (ju
in 94), D
S 82
-94
-PCM
(Oct. 9
4), L
.263
20 et D
U 27-96
(May 96).
DL 824
(96), D
S 00
8-98
JUS (98), L
. 266
00, L
. 266
19
(mai 96), L
. 267
02 (D
éc. 9
6) DS.01
3-97
-PCM
(Avril 97
) DS
.001
-99-IN (J
anv. 99) D
S. 007
-97-ITINCI (A
vril 97
) DS
008
-97-ITINCI (Av
ril 97) D
S 02
1-98
-ITINCI (Dé
c.
98) DS
023
-98-PC
M, DS
022-98
-ITINCI (Dé
c. 9
8),
L.27
024 (Déc. 9
8), L
.271
12 (May 99), D
S 17
0-99
-EF,
L.27
378 (Déc. 2
000) et D
S 02
0-20
01JU
S (ju
illet 2
001).
-Rég
lemen
tation de
la lutte
con
tre les drog
ues.
-Création
de
Contradrog
as, institution
chargé
e de
de
ssiner, c
oordon
ner, préven
ir et exécuter les actions
contre la con
sommation de
s drog
ues.
-Rég
ulation de
s mécan
ismes spé
ciaux d’investigation
(lot con
trôlé, a
gent cou
vert, etc.), exoné
ration de
peine
po
ur les
enqu
êtés ou
accusés
qui remettent de
l’in
form
ation sur un
e orga
nisation de
TID. Lé
gisla
tion
de protection de
collabo
rateurs et té
moins des cas de
criminalité organ
isée.
-Indu
lt po
ssible pou
r les premières cond
amna
tions.
-Fixa
tion
des
obligations et respon
sabilité
s de
s en
treprise
s du
secteur fina
ncière dan
s le cad
re de la
lutte
con
tre le TID.
-Nou
veau
x chimique
s contrôlés. Mod
ification
des
procéd
ures de vérifica
tion et con
trôle de compo
sants.
-Sub
stitution du
mot narcotra
fic par trafic
de drogu
es.
Invitation au
x ministres à Con
tradrog
ues.
-Prohibition de
rédu
ctions de pe
ine po
ur les cas de
TID
Le Program
me de
s Na
tions Unies pou
r le contrôle internationa
l des
drog
ues
(PNU
CID) est créé
à
Vien
ne en
19
91, Co
nven
tion
Interamérica
ine
de c
oopé
ration
judicia
ire m
utue
lle d
e 19
92 e
t Rè
glem
ent mod
èle
américa
ine
pour le
traitemen
t, préven
tion
et
répressio
n du
blanchimen
t d'argen
t du TID et autres dé
lits de 19
92.
Conven
tion ONU sur la répressio
n du
fina
ncem
ent d
u terro
risme de
199
9.
Plan
ifica
tion et sys
tématisation au
nivea
u na
tiona
l. Bé
néfic
es pén
itentiaire
s et procé
duraux
. Ré
gulatio
n de
méc
anismes d’inve
stigation, et
béné
fices
procé
duraux
pou
r les
collabo
rateurs.
1994
19
98
13
4
- La
produ
ction, le
trafic et la con
sommation de
drogu
es est un prob
lème sanitaire
, sécuritaire,
écon
omique
, enviro
nnem
ental e
t politiq
ue du Pé
rou. L’accord na
tiona
l et le gou
vernem
ent 2
000-
2005
le con
sidèren
t com
me l’un de
s ob
jectifs prim
ordiau
x.
-La Stratégie Na
tiona
le en matière des drogu
es ana
lyse l’offre et la
dem
ande
, la pa
uvreté rurale,
l’end
ommag
emen
t á l’e
nviro
nnem
ent, la destru
ction de
s cultures et les actions de la police
. -Elle propo
se : a) Des program
mes de rédu
ction grad
uelle et c
oncerté
e de
s plan
tations, d
e pa
ix et
du dévelop
pemen
t dan
s ces région
s, b) L
e tra
vail multidisc
iplinaire, c
) La form
alisa
tion de
cen
tres
de ré
habilita
tion et la
form
ation de
s ressou
rces hum
aine
s, d) U
n processus de
décen
tralisation e)
L’intégration de
la coo
pération internationa
le et d
u prog
ramme de
dévelop
pemen
t alternatif de
la
USAID
f) Un
program
me de
prévention et de réha
bilita
tion á l’éga
rd de la con
sommation, g) La
répressio
n du
blanchimen
t d'actifs et d
es d
élits con
nexes, e
t h) le
développ
emen
t alternatif,
l’amélioration de l’enviro
nnem
ent et l’é
radication de
s cultures no
n registrées .
-La stratégie compren
ne la
création d’un
Observatoire
nationa
le des drogu
es com
me pa
rtie de
s systèm
es d’inform
ation de
l’ONU
, OEA
, com
mun
auté and
ine, etc.
-CONT
RADR
OGAS
se tra
nsform
e en
Com
miss
ion na
tiona
l pou
r le dévelop
pemen
t et la vie
san
s drog
ues (DEV
IDA), d
e conformation multi ministérielle (A
gricu
lture, D
éfen
se, E
cono
mie, E
ducation,
intérie
ur, J
ustice, etc.), elle con
voqu
e de
s représen
tantes des produ
cteu
rs de la fe
uille de coca y
des un
iversités de
s région
s prod
uctrices. Son
présid
ent a
le ran
ge de Ministre et s
on bud
get e
st
constitué
par des assigna
tions du go
uverne
men
t et d
e la coo
pération internationa
le.
-Des ordon
nances ré
gion
ales de Cu
zco, Ayacucho et Hua
ncayo reconn
aissen
t á la
feuille de coca
comme pa
trimoine
naturel, culturel et d
e sécurité alim
entaire
. Le Tribun
al Con
stitutionn
el a déclaré
leur inconstitutionn
alité parce qu’elles préten
daient léga
liser les cultures de
coca.
-Peine
sévères et p
rohibition de
bén
éfice
s po
ur les cond
amné
s po
ur blanchimen
t d’actifs en actions
de con
version ou
tran
sferts fina
nciers.
- Mod
ifications aux normes de contrôle de la com
mercia
lisation de
com
posants utilis
és pou
r le TID.
- Nou
veau
cod
e de
procédu
re pén
ale du
200
4. Im
plém
entation et e
ntrée en
vigue
ur progressiv
es.
- No
uvelles co
ndition
s po
ur le tra
nsfert
des dé
tenu
s étrang
ers (aya
nt com
mis des
délits
co
ntre l’État) v
ers leurs pa
ys et l’acc
omplisse
men
t des
peine
s á l'étra
nger.
DL 957
- 200
4, D
S 00
6-20
04 PCM, T
C (sep
200
5), D
S 18
-006
JUS, DL 98
6 (Juillet 2
007), L
.283
55
(Oct. 2
004), L
. 290
09 (Av
ril 200
7), D
L 98
2 (200
7), L
. 290
37 (juin 200
7) L.293
05 (Dé
c. 200
8), L
. 28
460 (Jan
vier 2
005), L
.286
71 (J
anvie
r 200
6), L
.289
94 (A
vril 0
7).
Conven
tion ONU
sur la crim
inalité transna
tiona
le organ
isée de
200
0. C
onvention
ONU
con
tre la
corru
ption
de 2
003
et les 8
Recom
man
dations G
AFI sur le
finan
cemen
t du terro
risme de
200
1.
-Création de
s procureu
rs spé
cialisés en TID
au nive
au nationa
l et d
’un bu
reau
de
coop
ération judicia
ire internationa
le en matière pén
al.
-Cad
re normatif de
Con
tradrog
as : Organ
isation, procédu
res, bud
get, direction, etc.
-Nou
velles procéd
ures de commercia
lisation de
com
posants et de chimique
s.
-Ena
co restre
int l’achat de coca aux paysans enreg
istrés avan
t 19
78 et req
uiert
l’actua
lisation de
s do
nnée
s de
ses re
gistres.
-Création d’un
e un
ité fina
ncière au sein du Ministère de
Justice.
-Distinction
des
hypo
thèses :
a)Prom
otion, favorisation
et facilitation
de la
consom
mation b) possession de
stinée
au tra
fic c) commercia
lisation de
com
posants
-Procédu
re de conclusio
n an
ticipée
pou
r les procès de
micro-commercia
lisation.
-Hypothè
ses ag
gravée
s (Peine
s de
15-25
ans) : 20 Kg
. de PB
C ou
10 Kg
. de CC
, vente
á mineu
r, mem
bre
d’orga
nisation
criminel d
e tra
fic d
e drog
ues
ou d
e compo
sants. Hy
pothèses lé
gères (Peine
s de
3-7 ans) : 50 gr. d
e PB
C, 25 gr. d
e cocaïne, 100
gr. marihua
na, 1
mgr. d
’opium
, 5 gr d
’opiaces et 2
00 m
g. de XT
C.
-Petites qu
antités destinée
s au
con
somme pe
rson
nel son
t exoné
rées de pe
ine : 5
gr.
de PBC
, 2gr. d
e CC
, 8 gr. de
marihua
na et 1
gr. d’op
ium.
-Peine
s sévères po
ur la
tran
sformation (8-15 an
s), c
oaction de
culture (2
5-35
ans),
et com
mercia
lisation de
s semen
ces (5-10 an
s) de pa
vot o
u de
marihua
na.
- Lég
islation sur le blan
chimen
t d’actifs.
- Rég
lemen
tation du
cod
e d’exécution de
peine
s.
Rés. Adm
in. 0
92-200
2.CE
-PJ, Rés. d
u Procureu
r Gén
éral 061
-200
1-MP-FN
(jan
vier
2001
), DS
05
0-20
01-PCM
(mai 20
01), L. 275
01 (juille
t 20
01) L. 276
29 (janvier
2002
), Ré
s. M
in. 1
096-20
01-IN
/110
1 (sep
t 200
1), L
. 276
34 (jan
vier 200
2), R
S 17
2-20
02-PCM
(avril 200
2), D
S 03
2-20
02-PCM
N9 04
4-20
02-PCM
, L.283
05, L
. 276
34
(janvier 2
002), L
. 276
93 (a
vril 20
02), DS
015
-200
3, L.280
02 (Juin 20
03), L. 277
65
(juin 200
2), L
278
18 (200
2), L
281
22 (n
ov. 2
003), s
entence du
TC exp. 008
-200
3-AI-TC (nov. 2
003) et D
S 04
4-20
03-PCM
.
2001
2008
2004
Péna
lités
grave
s/légè
res se
lon vo
lume sa
isi. Un
ités sp
écialis
ées. Reg
istre
des
cu
ltures. Organ
isation de
Con
tradrog
ues.
Stratégie multi dimen
sion
nelle
de dé
velopp
emen
t et d
e pa
ix. E
fforts
de léga
lisation de
s cu
ltures. R
épress
ion sé
vère des
délits
fina
nciers liés
au TID.