i.l’État renforcé, de 1946 aux années 1970...productif, relance la production en hiérarchisant...

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Gouverner la France depuis 1946 : Etat, gouvernement, administration et opinion publique. I. L’État renforcé, de 1946 aux années 1970 Quel rôle l’État joue-t-il face aux besoins exprimés par l’opinion publique ? (livre page p. 172 TS) 1. En 1945-1946, le renforcement de l'Etat a. L'idée d'état-nation Le lien entre l'état et la nation s'affirme progressivement dans l'histoire de France puis s'identifie après la Révolution au régime républicain à partir du XIXème, avec une administration influente et de tradition jacobine. (Définition de jacobinisme : Idéologie politique qui défend l'idée d'un état fort et centralisé, capable d'appliquer à l'ensemble du territoire la même politique au nom de l'égalité). L'état-nation repose sur les droits du peuple souverain (la Nation) qui dirige l'état par l'intermédiaire de ses élus. b. L'état, acteur de la reconstruction et de la modernisation Les destructions et la misère nécessite une intervention forte des pouvoirs publics. Le gouvernement, issu de la Résistance, prône une action forte de l'état dans l'économie afin de soutenir la croissance. C'est le keynésianisme (économiste Keynes). Dès 1944. le GPRF prend des mesures qui font de l'état le premier acteur de la reconstruction. Le maître-mot de l’action de l’État, pour les politiques et les hauts fonctionnaires est la « modernisation ». L’État doit lutter contre les archaïsmes et organiser la croissance pour qu’elle soit profitable au plus grand nombre. Dans une perspective keynésienne assumée, l’État doit stimuler la croissance par la dépense publique et la redistribution des richesses par l’État providence. L’État a besoin d’un personnel nombreux et compétent pour mener à bien sa politique sociale, ce sont les fonctionnaires qui forment la fonction publique. En 1945, la création de l’École nationale d’administration (ENA) permet de former les hauts fonctionnaires qui doivent assurer la modernisation du pays, aidés par les « experts de l'ombre », ingénieurs issus des grandes écoles (Polytechnique, Centrale, Les Mines). La Vème république (1958, de Gaulle) renforce le pouvoir de l'exécutif et promeut « l'indépendance et la grandeur de la France » (refus de la logique des 2 Blocs, construction européenne dans l'optique « Europe des Nations »). L’entrée dans le Marché commun et l’achèvement de la décolonisation ouvre l’économie française à la concurrence internationale : la France ne peut plus miser sur un marché protégé constitué par son Empire et doit relever de la compétitivité. Dans cette perspective, l’État impulse une politique industrielle audacieuse, favorisant les concentrations d’entreprises (Elf) et l’innovation technologique (nucléaire militaire 1962, civil 1962, développement de l'industrie informatique de la France Plan Calcul 1967, programme aéronautique Concorde, Paquebot France, TGV), l'état prend en main l'aménagement du territoire (DATAR) et le développement des infrastructures (routes, autoroutes, barrages, aéroports, RER) ainsi que la modernisation agricole (remembrement). Doc. 1 page 179 TS (Affiche du parti communiste en faveur de la nationalisation de l'électricité, octobre 1945) Comment expliquer le soutien de la majorité de l'opinion et des politiques à ce projet ? - Ce projet obtient le soutien des communistes, première force politique du pays. - Les idées anticapitalistes dans l’opinion sont fortement présentes, au-delà des communistes : le capitalisme Histoire Les échelles de gouvernement dans le monde Echelle nationale Gouverner la France depuis 1946 COURS 1/3

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Gouverner la France depuis 1946 :Etat, gouvernement, administration et opinion publique.

I. L’État renforcé, de 1946 aux années 1970Quel rôle l’État joue-t-il face aux besoins exprimés par l’opinion publique ? (livre page p. 172 TS)

1. En 1945-1946, le renforcement de l'Etat a. L'idée d'état-nation

Le lien entre l'état et la nation s'affirme progressivement dans l'histoire de France puis s'identifie après la Révolution au régime républicain à partir du XIXème, avec une administration influente et de tradition jacobine. (Définition de jacobinisme : Idéologie politique qui défend l'idée d'un état fort et centralisé, capable d'appliquer à l'ensemble du territoire la même politique au nom de l'égalité). L'état-nation repose sur les droits du peuple souverain (la Nation) qui dirige l'état par l'intermédiaire de ses élus.

b. L'état, acteur de la reconstruction et de la modernisationLes destructions et la misère nécessite une intervention forte des pouvoirs publics. Le gouvernement, issu de la Résistance, prône une action forte de l'état dans l'économie afin de soutenir la croissance. C'est le keynésianisme (économiste Keynes). Dès 1944. le GPRF prend des mesures qui font de l'état le premier acteur de la reconstruction. Le maître-mot de l’action de l’État, pour les politiques et les hauts fonctionnaires est la « modernisation ». L’État doit lutter contre les archaïsmes et organiser la croissance pour qu’elle soit profitable au plus grand nombre. Dans une perspective keynésienne assumée, l’État doit stimuler la croissance par la dépense publique et la redistribution des richesses par l’État providence. L’État a besoin d’un personnel nombreux et compétent pour mener à bien sa politique sociale, ce sont les fonctionnaires qui forment la fonction publique. En 1945, la création de l’École nationale d’administration (ENA) permet de former les hauts fonctionnaires qui doivent assurer la modernisation du pays, aidés par les « experts de l'ombre », ingénieurs issus des grandes écoles (Polytechnique, Centrale, Les Mines). La Vème république (1958, de Gaulle) renforce le pouvoir de l'exécutif et promeut « l'indépendance et la grandeur de la France » (refus de la logique des 2 Blocs, construction européenne dans l'optique « Europe des Nations »). L’entrée dans le Marché commun et l’achèvement de la décolonisation ouvre l’économie française à la concurrence internationale : la France ne peut plus miser sur un marché protégé constitué par son Empire et doit relever de la compétitivité. Dans cette perspective, l’État impulse une politique industrielle audacieuse, favorisant les concentrations d’entreprises (Elf) et l’innovation technologique (nucléaire militaire 1962, civil 1962, développement de l'industrie informatique de la France Plan Calcul 1967, programme aéronautique Concorde, Paquebot France, TGV), l'état prend en main l'aménagement du territoire (DATAR) et le développement des infrastructures (routes, autoroutes, barrages, aéroports, RER) ainsi que la modernisation agricole (remembrement).

Doc. 1 page 179 TS (Affiche du parti communiste en faveur de la nationalisation de l'électricité, octobre 1945)Comment expliquer le soutien de la majorité de l'opinion et des politiques à ce projet ?- Ce projet obtient le soutien des communistes, première force politique du pays.- Les idées anticapitalistes dans l’opinion sont fortement présentes, au-delà des communistes : le capitalisme

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associé à la crise de 1929, à la guerre, et parfois, à la collaboration.- le délabrement des mines et des réseaux électriques, qui ont manqué d’investissements avant la guerre et ont souffert aussi du conflit.

Reconstruire la France après la Seconde Guerre mondiale (Dossier double-page p. 182-183 TS et 288-289 T L&ES)Quels grands principes inspirent la reconstruction de la France ? Avant même la fin de la Seconde Guerre mondiale, le Conseil national de la Résistance avait posé les bases d’une refondation de la France après-guerre. Celle-ci devait passer par un retour de l’État dans la sphère économique et sociale. Le libéralisme devait ainsi être tempéré par un interventionnisme étatique au service de la reconstruction et de la justice. Le programme est mis en œuvre après guerre, dès 1944, par le général de Gaulle et le gouvernement provisoire de la République française. Son œuvre est reprise ensuite par les gouvernements de la IVème République à partir de 1946. L’État prend alors une dimension nouvelle : il est État-entrepreneur, grâce aux nationalisations (grandes entreprises d'énergies et de transport : les Charbonnages, EDF-GDF, transports maritimes et aériens, secteur bancaire avec la nationalisation de la Banque de France, du Crédit Lyonnais) et aux planifications (commissariat général au Plan oriente, stimule et modernise l'appareil productif, relance la production en hiérarchisant les secteurs prioritaires : Charbon, électricité, acier, ciment, tracteurs, transports et se lance dans la « Bataille de la production »). L'état est État-providence, grâce à la Sécurité sociale qui protège les travailleurs et les familles face aux aléas de la vie. L'état fait face à la crise du logement (détruits par la guerre et baby-boom) : l'état reconstruit et créé les HLM en 1947. Voir vidéo Jalon « Pénurie d'électricité 1945 », « Nationalisation des houillères, une priorité de reconstruction », « Résoudre le déficit énergétique », « Une réussite économique : reconstruction et modernisation des houillères françaises », « La modernisation de la mine de fer de Hayange ».Cette œuvre favorise la reconstruction, la croissance économique et l’entrée dans les Trente Glorieuses. L’État se rapproche des États-Unis au tout début de la guerre froide qui bénéficie ainsi de l’aide prévue par le Plan Marshall à partir de 1947.La France se reconstruit après 1945 sur les principes suivants : - une démocratie sociale fondée sur de nouveaux droits : « liberté », « dignité » et « sécurité »- un État interventionniste, mais qui agit dans le cadre d’une « économie concertée », où il encourage le dialogue entre les forces vives du pays (entreprises, syndicats)- un impératif de modernisation du pays.

L’État providence (Dossier double-page p. 184-185 TS et 288-289 et 292-293T L&ES)Quels outils l’État met-il en place pour assurer la vie quotidienne des Français ?L'État providence et l’État de droit se veut protecteur, à la fois des libertés fondamentales et aussi des individus en situation matérielle difficile. Les violences de la guerre conjuguées aux impératifs de la reconstruction après 1945 font naître un consensus autour de l’acceptation de l’État comme ciment d’une unité française à reconstruire. Ainsi, la création de la Sécurité sociale constitue l’acte fondateur d’un modèle social français qui marque en profondeur la société desTrente Glorieuses.

Affiche promouvant la Sécurité sociale (1945) Doc 1 p.184 TS et 4 p.289 T L&ESLes mots « misère » de l’affiche et « pauvres » du texte renvoient à un idéal sur lequel repose l’action sociale de l’État, celui d’une solidarité forte de la société envers les plus démunis dans le contexte difficile de l’après-guerre. L’État modernise le système de santé et de protection sociale avec la création de la Sécurité sociale dès 1945 puis la création de Centres hospitaliers universitaires (CHU) modernes à partir de 1958. Au début des années 2000, le modèle social français est en difficulté. Le nombre élevé de chômeurs et de travailleurs précaires déséquilibre les comptes publics : l’État dépense beaucoup en aides sociales mais ses recettes liées aux prélèvements sur les actifs stagnent. Le vieillissement de la population pèse de plus en plus lourdement sur les revenus des actifs pour faire fonctionner le système des retraites et de santé.

II. Depuis les années 1980, l’État remis en cause ?Comment le rôle de l’État se transforme-t-il ? (livre page p. 174 TS)

1. L'état interventionniste mis en causea. La remise en cause du keynésianisme à partir des années 1970

Les années 1970-1980 ouvrent une période de remise en cause de la souveraineté de l’État-nation. Les néo-libéraux (Reagan aux USA, Tatcher au RU, la droite en France) prônent la limitation du rôle économique de

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l'état et reprochent au keynésianisme son incapacité à redresser les économies occidentales touchées par la crise. L'état doit renoncer à l'interventionnisme et laisser libre cours au marché. La mondialisation intensifie les flux transfrontaliers et les firmes multinationales œuvrent à une échelle supranationale en suivant leurs propres stratégies sans donner la priorité aux intérêts nationaux. L'état est confronté à une société de plus en plus individualiste et renouvelée par l'immigration.

b. Election de Mitterrand en 1981 et renforcement du keynésianismeFrançois Mitterrand devient le premier président socialiste de la Vème république en 1981, provoquant ainsi l'alternance. Il fait a fait campagne sur l'indispensable solidarité entre les diverses couches sociales et la nécessaire intégration des exclus. De nouvelles réformes économiques (politique de relance par les nationalisations) et sociales (augmentation du SMIC, prestations sociales, aménagement du temps de travail avec la 5ème semaine de congés payés, les 39 heures, retraite à 60 ans) renforcent l'état-entrepreneur et l'état-providence. La libération des médias permet une plus grande expression de l'opinion publique.

2. L'état confronté à de nouvelles gouvernancesa. Le tournant de rigueur (1983)

Mitterrand revient sur son programme en 1983 et donne la priorité à la compétitivité des entreprises (nationalisations). Les socialistes sont battus aux législatives de 1986, Chirac devient le premier ministre (1ère cohabitation (président appartient à l'opposition et 1er ministre appartient à la majorité de l'Assemblée). Il met en place une politique néo-libérale (privatisations, flexibilité de l'emploi).

b. Du gouvernement à la gouvernance L'état réduit sa capacité d'action en se désengageant de pouvoirs qui lui étaient jusque là réservés.- transferts de pouvoirs aux collectivités territoriales par les lois de décentralisation (1982-1983 et 2003) - Traité de Maastricht (1992) transfert au niveau européen d'une partie de la souveraineté de l'état.- Des réformes visent à réduire les dépenses de l'état (en particulier par le nombre de fonctionnaires) RGPP en 2007 puis MAP en 2012.

3. L'état face à l'opinion publiquea. Les moyens d'action de l'état face à la mondialisation

L'état aménage le territoire pour attirer les investisseurs. Dans un contexte de concurrence internationale accrue, l'état soutient ses FTN localisées à l'étranger par sa diplomatie ou ses interventions militaires. (Uranium du Niger, 2012).

b. Le soutien de l'état face aux difficultés économiques et socialesPour lutter contre le chômage et la pauvreté, l'état-providence créé la CMU en 1999, le RSA en 2009.

Attachée à ce modèle social, une partie des français s'opposent à la mondialisation, aux modalités de la construction européenne et s'inquiète de réformes sociétales. L'opinion publique apparaît comme divisée face à l'état (Ecole libre, 1984, Plan Juppé 1995, mariage pour tous, 2011).

Etude Doc. 3 page 181 livre TSDe 1981 à 1983, le président socialiste François Mitterrand avait mis en place une politique de gauche face aux difficultés économiques et sociales. Cette politique avait privilégié une action forte de l’État, héritage du keynésianisme de l’après-guerre, que Valéry Giscard d’Estaing évoque en termes péjoratifs (« étatisation »). En 1986, la droite revient au pouvoir à la faveur des élections législatives et applique, à l’inverse, les idéaux du néolibéralisme. Cela se traduit par le recul de l’État au profit des acteurs privés (« entreprises »).

L’opinion publique face à l’État entrepreneur (dossier double-page 186-187 TS)Quelles sont les réactions de l’opinion publique face à l’intervention de l’État dans l’économie ?L’intervention de l’État dans l’économie a toujours fortement divisé l’opinion publique. En France, le contexte de l’après-guerre et des Trente Glorieuses fait que la population est alors largement acquise à un interventionnisme fort d’un État perçu comme porteur de la modernisation du pays. L’opinion publique se divise lors de la crise des années 70. À l’heure du néolibéralisme dominant, l’État devient un frein à la croissance pour les uns mais reste le garant d’une justice sociale pour les autres. L’opinion publique est de plus en plus active et revendicative face aux décisions de l’État. La contestation s’exprime, de façon spectaculaire et médiatisée, par des manifestations comme en 1998 sur le thème des OGM ou en 2014 à Notre-Dame-des-Landes contre l’implantation d’un aéroport.

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