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IL Y A LONGTEMPS DANS L’AVENIR : LE CARIBOU ET LES PEUPLES AUTOCHTONES D’UNGAVA TABLE RONDE AUTOCHTONE DU CARIBOU DE LA PÉNINSULE D’UNGAVA 2017–2117

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IL Y A LONGTEMPS DANS L’AVENIR :

LE CARIBOU ET LES PEUPLES AUTOCHTONES D’UNGAVA

TABLE RONDE AUTOCHTONE DU CARIBOU DE LA PÉNINSULE D’UNGAVA

2017–2117

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DÉDICACE

Cette stratégie est dédiée aux générations futures des peuples autochtones vivant dans l’Ungava, en l’honneur de nos ancêtres. Les Peuples Autochtones des quatre coins de l’Ungava se sont mobilisés afin de puiser dans nos valeurs et notre expérience communes pour célébrer la relation entre peuple, avec nos ancêtres, avec nos enfants et avec le caribou.

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PAGE DES SIGNATURES

Signataires pour la Table ronde autochtone du caribou de la péninsule d’Ungava “Il y a longtemps dans l’avenir : le caribou et les peuples autochtones d’Ungava”

Exécuté dans la ville de Montréal, province du Québec, ce 17 octobre 2017.

Adamie Delisle Alaku Co-président de la TRACPU, Makivik Corporation

Mark Nui Co-président de la TRACPU, Innu Nation

Johannes Lampe Président, Gouvernement du Nunatsiavut

Andy Pirti Trésorier, Makivik Corporation

Etienne Rich Grand Chef adjoint, Innu Nation

Todd Russell Président, NunatuKavut

Noah Swappie Chef, Nation Naskapie de Kawawachikamach

Fred L. Tomatuk Président, Association des trappeurs Cris au nom du Grand Conseil des Cris (Eeyou Istchee)/Gouvernement de la Nation Crie

Rodrigue Wapistan Chef, Nutashkuan, Chef responsable pour le caribou pour la Nation Innue

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REMERCIEMENTS

La Table ronde autochtone du caribou de la péninsule de l’Ungava tient à remercier toutes les personnes qui, depuis plusieurs années ont contribués à l’élaboration et au succès de cette stratégie. En particulier, nous voulons remercier les personnes suivantes

Membres du comité exécutif:

• Inuits du Nunavik (Makivik) : Adamie Delisle-Alaku (Co-président – Québec) • Innu Nation: Mark Nui (Co-président – Labrador) • Gouvernement du Nunatsiavut : Darryl Shiwak • Nation Naskapie de Kawawachikamach : George Guanish • Gouvernement de la Nation Crie : Isaac Voyageur • Nation Innue: Rodrigue Wapistan • Conseil communautaire du NunatuKavut : Todd Russell

Membres du comité technique :

• Inuits du Nunavik (Makivik) : Stas Olpinski et Mark O’Connor • Innu Nation: Richard Nuna • Gouvernement du Nunatsiavut : Carl McLean et Jim Goudie • Nation Naskapie de Kawawachikamach : Natalie D’Astous • Gouvernement de la Nation Crie : Nadia Saganash • Nation Innue: Serge Ashini Goupil • Conseil communautaire du NunatuKavut : George Russell et Patricia Nash

Les comités exécutif et technique de la TRACPU tiennent à remercier sincèrement M. Aaron Dale pour l’écriture et l’élaboration de ce plan stratégique. M. Dale a fait preuve d’ouverture d’esprit, de professionnalisme et de diligence tout au long de ce processus. Nous tenons à aussi remercier le Torngat Wildlife and Plants Co-Managment Board, qui a fourni du support intellectuel, collaboratif et en nature pour la TRACPU. Il reste encore beaucoup de travail à faire pour réaliser l’accomplissement decette stratégie pour la protection du caribou. Nous espérons pouvoir compter sur sa précieuse collaboration pour la poursuite du travail de la TRACPU et l’élaboration des plans d’action associés.

La TRACPU aimerait aussi souligner le travail de Mme Valérie Courtois et l’Initiative de leadership autochtone pour la facilitation et le soutien de notre travail, ainsi que le support financier.

Toutes les photos contenues dans cette stratégie proviennent des membres de la TRACPU.

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MESSAGE DE LA COPRÉSIDENCE

Adamie Delisle Alaku, coprésident

La mobilisation des peuples autochtones pour la protection du caribou, qui nous a nourris pendant des milliers d’années, est essentielle à la survie du troupeau.

Plus que jamais, nous devons nous mobiliser et unir nos forces pour protéger notre caribou et garantir que nos générations futures puissent continuer leurs pratiques traditionnelles.

En tant que coprésident de la Table ronde autochtone du caribou de la péninsule d’Ungava, j’ai le privilège de participer à l’élaboration d’une stratégie de gestion autochtone en vue d’atteindre cet objectif.

Mark Nui, coprésident L’engagement par les peuples autochtones au processus de la TRACPU et au développement d’un plan d’intendance stratégique pour le caribou reconnait le lien fondamental entre les membres de la TRACPU et les troupeaux en danger de la péninsule de l’Ungava.

Il me fait plaisir, en tant que coprésident, de faire partie de ce processus collectif sur l’intendance et la conservation du caribou. La santé physique et culturelle de nos communautés sont intimement reliées à la survie du caribou sur lequel nous dépendons tous. En tant que membre de la TRACPU, nous partageons un espoir collectif qu’avec le temps, notre effort soutenu et notre travail, mènera au rétablissement des populations de caribous sur toute la péninsule de l’Ungava

Nous avons appris beaucoup les uns des autres. Je souhaite que notre cheminement continuera à être guidée par la sagesse de nos ainés et notre engagement commun envers la protection et le rétablissement de cette précieuse ressource.

Remerciements à Sarah Leo, ancienne coprésidente Ancienne présidente du gouvernement du Nunatsiavut, Sarah Leo a joué un rôle déterminant dans l’organisation de la première réunion tenue en janvier 2013 à Kuujjuaaq, Québec, où les dirigeants autochtones de la péninsule Québec-Labrador se sont rencontrés pour discuter de la détérioration de la santé des troupeaux de caribou de la péninsule d’Ungava.

Lors de la deuxième réunion, tenue à Uashat mak Mani-Utenam, Québec, en avril 2013, Mme Leo a été élue coprésidente de la Table ronde autochtone du caribou de la péninsule d’Ungava et cette table ronde a été officialisée. M. Prote Poker, ancien Grand Chef de Innu Nation, a également joué un rôle dans ce processus. Sarah a poursuivi cette fonction jusqu’à la fin de son mandat de présidente du gouvernement du Nunatsiavut en mai 2016.

Nous souhaitons remercier Sarah Leo pour sa détermination et son soutien dans le cadre de l’élaboration de cette stratégie, et pour son engagement envers la protection du caribou et de notre relation avec lui pour les générations présentes et futures.

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TABLE DES MATIÈRES

DÉDICACE ................................................................................................................................................. iiiPAGE DES SIGNATURES .......................................................................................................................... vREMERCIEMENTS .................................................................................................................................... viMESSAGE DE LA COPRÉSIDENCE ....................................................................................................... viiTABLE DES MATIÈRES ......................................................................................................................... viii

Liste des figures ....................................................................................................................................... ixPREMIÈRE PARTIE : VISION ET MISSION ............................................................................................ 1

Vision ........................................................................................................................................................ 1Mission ...................................................................................................................................................... 1Valeurs ...................................................................................................................................................... 1Objectif ...................................................................................................................................................... 1

DEUXIÈME PARTIE : PEUPLES ET TERRITOIRE ................................................................................. 32.1 Introduction ...................................................................................................................................... 32.2 Contexte ........................................................................................................................................... 4

8000 AEC — 1900 EC ............................................................................................................... 41900 — 1960 .............................................................................................................................. 41960 — 2015 .............................................................................................................................. 5

2.3 Zone étudiée et portée de l’étude ..................................................................................................... 82.4 Science et savoir autochtones .......................................................................................................... 9

Morale ....................................................................................................................................... 10Relative à de longues échelles temporelles .............................................................................. 10Inclusive/Holistique .................................................................................................................. 10Qualitative/Relative .................................................................................................................. 10Inductive ................................................................................................................................... 10

TROISIÈME PARTIE : DÉCLARATION DES MEMBRES .................................................................... 113.1 Gouvernement du Nunatsiavut ...................................................................................................... 113.2 Nation Innue au Labrador .............................................................................................................. 133.3 Nation Innue au Québec ................................................................................................................ 153.4 NunatuKavut .................................................................................................................................. 173.5 Nation Naskapie de Kawawachikamach ....................................................................................... 193.6 Cris d’Eeyou Istchee ...................................................................................................................... 213.7 Inuit du Nunavik ............................................................................................................................ 23

CINQUIÈME PARTIE : LES ROUAGES D’UNE STRATÉGIE ............................................................. 24Étape 1 : Établir des tendances et des relations ...................................................................................... 24

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Taille de la population .............................................................................................................. 24Aire de répartition ..................................................................................................................... 25Condition physique ................................................................................................................... 27Recrutement .............................................................................................................................. 28Abondance des prédateurs ........................................................................................................ 28

Étape 2 : Créer des catégories simples .................................................................................................... 28Étape 3 : Définir des indicateurs de statuts environnementaux .............................................................. 30Étape 4 : Assigner des actions simples ................................................................................................... 30

CINQUIÈME PARTIE : LA STRATÉGIE ................................................................................................ 31Catégorie 1 : Abondance élevée .............................................................................................................. 32Catégorie 2 : Abondance élevée et en décroissance ............................................................................... 33Catégorie 3 : Abondance moyenne et en décroissance ........................................................................... 34Catégorie 4 : Abondance faible et en décroissance ................................................................................. 35Catégorie 5 : Abondance faible ............................................................................................................... 36Catégorie 6 : Abondance faible et en décroissance ................................................................................. 37Catégorie 7 : Abondance moyenne et en croissance ............................................................................... 38Catégorie 8 : Abondance élevée et en décroissance ............................................................................... 39

SIXIÈME PARTIE : LES PLANS D’ACTION ......................................................................................... 40Entente de partage autochtone (première priorité) .................................................................................. 40Plan de recherche et de suivi (deuxième priorité) ................................................................................... 40Plan de gestion de l’habitat et de l’impact environnemental (troisième priorité) ................................... 41Programme d’intendance, d’engagement et de communication (quatrième priorité) ............................ 43Plan socio- économique (cinquième priorité) ......................................................................................... 43

HOMMAGES ............................................................................................................................................. 44GLOSSAIRE ............................................................................................................................................... 46RÉFÉRENCES ............................................................................................................................................ 47

Liste des figures

Figure 1 : Zone étudiée du caribou migrateur d’Ungava et des peuples autochtones qui dépendent de cette espèce ........................................................................................................................................... 8

Figure 2 : Abondance relative du caribou migratoire de la rivière George dans le temps .......................... 25Figure 3 : Aire relative du territoire occupé par année par rapport à la taille de la population de la rivière

George (à gauche) et de la rivière aux Feuilles (à droite) .......................................................... 26Figure 4 : Le cercle représentant la dynamique de l’abondance des caribous en matière d’abondance

relative et de seuil ...................................................................................................................... 29Figure 5 : Aires protégées relativement aux aires de mise bas et d’habitat important de la rivière aux

Feuilles et de la rivière George. ................................................................................................. 42

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Il était important pour nos ancêtres, il est maintenant important pour nous et le sera pour nos générations futures. ~ David Etok

C’est là que résident nos histoires — dans le caribou… c’est notre langage ; notre culture. ~ Anastasia Qupee

Quiconque dont la survie dépend des animaux sait que toutes les parties de l’animal étaient utilisées, même les os et la tête du caribou étaient d’importantes parties. Mon souhait est que les peuples commencent à reconnaître et à comprendre de nouveau

l’importance d’utiliser toutes les parties de l’animal et d’en gaspiller le moins possible. Nous devons réinstaurer ce respect qui était si important et central dans la chasse aux

caribous. ~John Petagumskum

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PREMIÈRE PARTIE : VISION ET MISSION

Vision

Le peuple pour le caribou ; le caribou pour le peuple : une relation saine entre le peuple et le caribou d’Ungava, jadis, maintenant, pour toujours.

Mission

Travailler ensemble en toute solidarité pour préserver les caribous et notre relation avec eux, dans le respect de toutes les cultures autochtones, pour le bien-être des générations actuelles et futures.

Valeurs

La table ronde travaillera à l’élaboration et au maintien d’un système de gestion qui :

• Encourage l’utilisation durable, sans perte, et le partage équitable entre les peuples ;

• Protège et optimise la sécurité alimentaire pour les peuples autochtones d’Ungava ;

• Assume une responsabilité, et s’ancre dans le respect du caribou, des droits autochtones, des lois et des protocoles autochtones et à l’égard des autres ;

• Est holistique et inclusif et collabore avec les communautés afin d’associer le caribou au bien-être culturel, social, physique, mental et spirituel ;

• Tisse des liens entre les Aînés et les Jeunes et offre l’occasion d’enseigner et d’apprendre ;

• Encourage la solidarité entre les peuples autochtones de la péninsule d’Ungava et célèbre la souveraineté et l’indépendance de chaque membre ;

• Établit un climat de confiance grâce à une collaboration où s’appliquent les meilleures connaissances disponibles avec ouverture et transparence ;

• Reconnaît l’incertitude, mais pose des gestes mesurés et opportuns ;

• Partage l’information, et contribue à l’inclusion véritable des peuples autochtones, de la science et du savoir autochtones dans toutes les décisions concernant la manière dont la connaissance est générée, partagée, interprétée et appliquée.

• Tous les peuples ont le devoir de vivre ces valeurs, et de les partager.

Objectif

S’adapter aux hausses et aux baisses des populations, dans la mesure du possible, en acceptant la variabilité naturelle et en s’y ajustant, et prendre les bonnes décisions aux bons moments pour maximiser les retombées sociales, spirituelles, économiques et culturelles au profit de tous les peuples en respectant la priorité d’accès réservée aux peuples autochtones.

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DEUXIÈME PARTIE : PEUPLES ET TERRITOIRE

2.1 Introduction

Nous sommes conscients qu’un plan à long terme ne pourra prévoir de dispositions pour toutes les situations qui pourraient survenir si nous ne portons attention qu’à des éléments spécifiques. Nous devons ainsi être prêts à composer avec une approximation de la réalité. Prenant l’histoire comme guide, nous croyons qu’il est possible de déterminer des tendances générales, de créer des catégories pouvant rendre compte de situations spécifiques, et d’y assortir des mesures de gestion simple. Voilà l’objectif général qui sous-tend ce document — faire un retour sur tout ce qui s’est passé avant, définir les tendances récurrentes et les liens unissant le caribou et les peuples de la péninsule d’Ungava et utiliser cette expérience commune pour planifier notre avenir commun.

Les peuples autochtones d’Ungava se sont auto organisés pour former la Table ronde autochtone du caribou de la péninsule d’Ungava (« TRACPU » ou « la table ronde ») au début de l’année 2013. Pour la première fois dans l’histoire humaine, les peuples d’Ungava ont la capacité de coordonner une prise de décision à une échelle pouvant affecter la distribution et l’abondance des caribous. Cette stratégie se veut un document vivant dont l’objectif est de guider les décisions actuelles et futures. Elle est le reflet d’une collaboration véritable et significative forgée par les crises actuelles, mais aussi enracinée dans le passé. Elle représente une vision commune pour le caribou et le peuple d’Ungava.

Table ronde autochtone du caribou de la péninsule d’Ungava, Mushuau-nipi, août 2016.

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2.2 Contexte

8000 AEC — 1900 EC

Il y a dix mille ans, l’Inlandsis laurentien qui s’était formé dans la zone centrale de l’Ungava 60 000 ans auparavant a commencé à se retirer1. Les caribous, qui avaient survécu à la glaciation en se retranchant sur des bandes de toundras au sud de la calotte glaciaire ou dans des îlots des Appalaches, ont remonté vers le nord de l’Ungava alors que se retiraient les glaces — et les humains les ont suivis.

Les caribous sont présents dans l’Ungava, les peuples autochtones sont présents dans l’Ungava, et les gens chassent le caribou dans l’Ungava — il s’agit d’une réalité

fondamentale et inébranlable qui marque les 8 000 dernières années.

La présence des humains sur la péninsule d’Ungava remonte à environ 8 000 ans lorsque les Autochtones de la tradition de l’Archaïque maritime du sud-est ont rencontré, environ 4 000 ans plus tard, les paléo-esquimaux du nord qui prenaient alors de l’expansion vers le sud2. Les caribous étaient — et sont — un élément important des systèmes sociaux, économiques et culturels pour tous les peuples présents sur le territoire.

1900 — 1960

À l’heure actuelle, les populations de caribous de la péninsule d’Ungava ont atteint des niveaux très bas, ce qui cause de vastes préoccupations et bien des difficultés. Cette situation nous est familière. La science et le savoir autochtones sont clairs sur ce point — il y a toujours eu des périodes d’abondance relative suivies de périodes de rareté relative. La première moitié du XXe siècle a été marquée par une période de rareté3. À l’époque, comme aujourd’hui, les gens ont justifié de tels déclins en se lançant le blâme4, en évoquant la chasse autochtone excessive5, les feux de forêt6, l’arrivée de la carabine7, le réchauffement climatique8, le développement du territoire9, le harcèlement par les insectes10, les noyades accidentelles11, la prédation12 et les maladies13. À l’époque, tout comme aujourd’hui, il y a eu de nombreux appels pour une intensification des mesures de conservation et de gestion et l’instauration de programmes socio-économiques14.

1 Banfield, 1961; Lauriol et Gray, 1987; Røed et coll., 1991 2 Bergerud et coll., 2008 résumé de Jordan, 1975; Cox, 1977; Fitzhugh, 1980; Fitzhugh et Lamb, 1985; McGhee et Tuck, 1975; Short, 1978; Spiess, 1993 3 Banfield, 1958 4 Banfield, 1958; Elton, 1942 5 Banfield et Tener, 1958; Bergerud, 1967; Wright, 1944 6 Rousseau, 1951; Wright, 1944 7 Wright, 1944 8 Elton, 1942; Flaherty et Flaherty, 1924; Wright, 1944 9 Banfield, 1958 10 Banfield, 1957 11 Banfield, 1957 12 Bergerud, 1967 13 Gosling, 1910 14 Anderson, 1999; Banfield, 1957; Rousseau, 1950, 1951, 1952; Wright, 1944

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Au milieu des années 1950, on estimait que la population totale de caribous du troupeau de la rivière George se situait entre 5 000 et 15 000 bêtes15,16. Les lois des rendements décroissants, que certains considéraient d’abord comme un moyen de prévenir la chasse excessive, ne semblaient pas avoir d’effets sur la récolte réelle,17,18. La population humaine augmentait rapidement, la transition aux carabines à répétition était terminée et les stratégies de chasse maximisaient les récoltes en dépit de la rareté. La récolte, parallèlement, était estimée à 1 000 bêtes chaque année19.

1960 — 2015

Cette situation a ensuite été suivie d’une augmentation spectaculaire de la population de caribous sur la péninsule d’Ungava qui, de prime abord, avait semblé improbable20. La croissance annuelle du troupeau de la rivière George entre 1955 et 1984 était estimée à 14 %, ce qui a donné lieu à une population de 700 000 bêtes en 198821. Les récoltes se sont intensifiées avec de nouveaux acteurs et une expansion de la chasse sportive et commerciale.

Le troupeau de la rivière George a atteint un sommet au début des années 1990 pour ensuite afficher un déclin très prononcé qui se poursuit à ce jour. Des signes précurseurs sont apparus bien avant le déclin— des observations de changement dans le goût et la texture de la moelle osseuse, des rapports de caribous maigres et malades, et des inquiétudes à propos du surpâturage dans l’aire estivale22. Des recommandations de cogestion ont suivi, et toutes reconnaissaient qu’en réalité le cadre législatif et politique ne pouvait gérer un tel déclin. La cogestion a été recommandée par le gouvernement du Nunatsiavut (alors l’Association des Inuits du Labrador) en 1981 ; par le Comité conjoint de chasse, de pêche, et de piégeage en 1985, 1997, 2004, 2008, 2011 et 2012 ; par le Conseil de la harde de caribous de la Porcupine en 1991 ; par la commission d’évaluation environnementale de la baie Voisey en 1999 ; par la commission d’évaluation environnementale du Bas-Churchill en 2010 ; et par le Conseil de cogestion de la faune et de la flore des monts Torngat en 2010, 2011 et 2012. Pendant ce temps, les caribous continuaient à décliner, passant d’une population estimée à 770 000 en 1993 à 385 000 en 2001 pour chuter davantage à 74 000 en 2010, 22 000 en 2012, 14 000 en 2014 et 9 000 aujourd’hui.

L’histoire du troupeau de la rivière aux Feuilles est similaire à celle du troupeau de la rivière George. Ce troupeau joue depuis longtemps un rôle central dans les stratégies de subsistance des peuples autochtones d’Ungava, mais ce n’est qu’en 1975 que la communauté scientifique occidentale en découvre l’existence23. Les premières tentatives de dénombrement de ce troupeau ont révélé des estimations de 101 000 en 198324 et de 121 000 en 1986 25. La population a rapidement augmenté pour atteindre environ

15 Banfield et coll., 1955; Bergerud, 1958 16 Une réanalyse de Rasiulis (2015) a établi l’estimation de 1954 à 70 000. 17 Banfield et Tener, 1958 18 Bergerud et coll. (2008) pense que la récolte a diminué avec l’abondance, et fournit une évidence qui met en corrélation le déclin marqué de la récolte liée à l’épidémie d’influenza, avec une hausse temporaire au milieu de ce qui autrement aurait été un déclin prolongé. 19 Bergerud et coll., 2008 20 Cet établissement semble peut-être moins probable avec le recul comparativement à cette époque (Anderson, 1999). 21 Messier et coll., 1988 22 Brice-Bennett et coll., 1995 23 Le Hénaff, 1976 24 Couturier et coll., 2004; Le Hénaff, 1983

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276 000 en 199126, et a plafonné dix ans plus tard à environ 628 000 (estimation minimale)27. Depuis ce temps, le troupeau de la rivière aux Feuilles est en déclin avec des populations estimées à 430 000 bêtes animaux en 201128,29 et 199 000 en 201630.

Au Québec, le Comité conjoint de chasse, de pêche, et de piégeage (CCCPP) a été institué en vertu de l’article 24.4 de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois (CBJNQ) et de la Convention du Nord Est québécois (CNEQ) et conformément à ses dispositions. Composé de représentants cris, inuits, et naskapis ainsi que de représentants des gouvernements du Québec et du Canada, le CCCPP a été créé pour étudier, administrer et dans certains cas, surveiller et réglementer le régime de chasse institué par les dispositions du chapitre 24 de la CBJNQ et de la CNEQ. La supervision du régime des pourvoiries établie en vertu de l’article 24.9 de la CBJNQ constitue un élément important du mandat du CCCPP. À la suite de l’important déclin du troupeau de la rivière George au cours des années 1990 et 2000, le CCCPP a recommandé à maintes occasions depuis décembre 2010 la fermeture complète de la chasse sportive au Québec. Ce même comité a aussi coorganisé, avec des partenaires de la région, deux ateliers sur les caribous migrateurs auxquels il a aussi participé. Malgré ces recommandations et les inquiétudes communes formulées par les participants des ateliers, la chasse sportive des caribous du troupeau de la rivière George n’a cessé qu’en 2012 au Québec et 2013 à Terre-Neuve-et-Labrador, alors que la chasse

25 Couturier et coll., 2004; Crête et coll., 1987 26 Couturier, 1994; Couturier et coll., 2004 27 Couturier et coll., 2004; Jean et Lamontagne, 2004 28 Taillon et coll., 2016 29 Taillon et coll., 2016 30 Gouvernement du Québec, données non publiées

Extraits de l’atelier sur le caribou de la rivière George (1995)…

« […] lorsqu’une crise survient, "le gouvernement vont vouloir qu’un vaste groupe de personnes expérimentées fasse des recommandations pour sortir de la crise".

Pendant une crise, si les gestionnaires gouvernementaux tentent par eux-mêmes de régler la situation, les gens n’accepteront pas les lourdes conséquences des mesures

de gestion de crise. » ~ Ross Thompson

« [...] en temps de crise, il est important qu’un comité conseil ait existé bien avant la crise de sorte que les utilisateurs accepteront les moyens de gestion que

présentera ce comité. Si le comité est nouvellement créé, les utilisateurs pourraient lui reprocher d’avoir créé la crise. » ~David Klein

« […] le troupeau de la rivière George semble actuellement en bonne condition , c’est le moment de mettre en place un comité de cogestion. Lorsque la population

sera en déclin, il sera trop tard pour créer un tel comité. » ~Toby Anderson

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sportive du troupeau de la rivière aux Feuilles continue, avec quelques restrictions imposées depuis 2012. Cette dernière sera fermée seulement en 2018.

À titre de réflexion et de résumé, nous estimons que l’expérience tirée de la gestion des caribous de la péninsule d’Ungava depuis 1960 est ponctuée d’échecs et de déceptions spécifiques s’inscrivant dans un paysage de réussites générales. D’abord, parlons des échecs. Le troupeau de la rivière George a enregistré un important déclin depuis au moins vingt ans, possiblement trente. Cette période de déclin a offert la possibilité d’instaurer un processus itératif d’intervention de gestion, mais de telles occasions n’ont pas été saisies, sans exception, malgré les recommandations raisonnées et pratiques formulées durant cette période. Il s’en est suivi d’une dizaine d’années d’accès extrêmement libéral pour tous les groupes utilisateurs sans égards aux tendances de la dynamique de la population des caribous, puis d’un moratoire (au Labrador) imposé à tous les utilisateurs lorsque la population a atteint un niveau extrêmement inquiétant. Des mesures de gestion qui pouvaient, et devaient, être appliquées tout au long de cette période de déclin ont plutôt été condensées et appliquées durant trois années seulement, entre 2010 et 2013.

De telles mesures n’ont pas accordé la priorité d’accès réservée aux détenteurs de droits autochtones, et n’ont pas reconnu la valeur sociale, économique et culturelle des caribous pour les peuples autochtones. Il n’y a eu aucune identification des niveaux de besoins, aucune limite imposée à la récolte totale autorisée et aucun principe ou entente de partage. Dans les faits, aucun plan n’existe depuis que le plan de gestion est arrivé à terme en 2010. La situation du troupeau de la rivière aux Feuilles est similaire, mais offre quand même des possibilités pour une gestion responsable et assurer la priorité d’accès. Ce troupeau enregistre un déclin depuis au moins dix ans, et malgré la situation, et en dépit de recommandations raisonnées, il n’y a eu aucune reconnaissance officielle de priorité d’accès, et la chasse sportive sera fermée seulement en 2018.

Ces échecs doivent être entendus dans un contexte de réussites générales. La gestion de la faune occupe depuis longtemps le premier plan dans les relations entre les autochtones et les gouvernements provinciaux et fédéraux du Canada. Dans une résolution rédigée à Montréal en septembre 2012, les peuples autochtones d’Ungava se sont engagés à former une table ronde qui servirait d’organe consultatif pour la conservation et la gestion du caribou de la péninsule d’Ungava. De bien des façons, ce niveau de coordination de multiples instances n’aurait pas été possible sans une politique favorable et un cadre législatif. Les droits des autochtones d’avoir accès aux ressources de la faune, et d’être inclus de manière significative dans la gestion de la faune, sont de plus en plus reconnus, entre autres, grâce aux ententes sur les revendications territoriales. Nous espérons que les relations qui commencent à se tisser renforceront ces réussites générales en s’attaquant aux échecs spécifiques.

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2.3 Zone étudiée et portée de l’étude

La zone étudiée englobe tout le territoire du caribou migrateur d’Ungava ainsi que le territoire occupé par les peuples autochtones qui dépendent de cette espèce (Figure 1). La zone est délimitée par la mer au nord-ouest, au nord, à l’est et au sud-est. La frontière au sud et au sud-ouest est établie en fonction des ententes sur les revendications territoriales globales qui ont été conclues en vertu de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois et de la Convention du Nord-Est québécois ou proposées conformément au traité de l’approche commune. La délimitation exacte de la zone n’est pas aussi importante que les conclusions générales de l’étude : les caribous d’Ungava et les peuples qui, depuis des milliers d’années, dépendent d’eux pour leur bien-être physique, social, culturel et spirituel, couvrent essentiellement toute la péninsule d’Ungava, un territoire de plus de 1,5 million de kilomètres carrés et abritant plus de 60 000 personnes autochtones et entre 15 000 et 1 500 000 caribous, selon le cas.

Figure 1 : Zone étudiée du caribou migrateur d’Ungava et des peuples autochtones qui dépendent de cette espèce

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2.4 Science et savoir autochtones

La science et le savoir autochtones ne se limitent pas au savoir empirique sur l’environnement, mais il est aussi entendu que les connaissances sur l’utilisation passée et actuelle de l’environnement sont incluses — un code éthique sur lequel se moulent les relations entre les humains et l’environnement, une vision du monde unifiante31. La science et le savoir autochtones ne représentent pas non plus une masse de connaissances statiques cantonnées dans le passé puisqu’ils sont constamment combinés, et comparés, à de nouvelles observations et à un savoir non traditionnel afin de forger une compréhension contemporaine32. La science et le savoir autochtones sont contemporains et exhaustifs.

Observation sur le territoire

Bien qu’il est impossible de saisir pleinement le système de connaissance autochtones ni la connaissance scientifique occidentale à l’aide d’une liste d’attributs caractéristiques, il faut noter que le système de connaissance autochtone relèvent souvent de la morale. Les connaissances autochtones s’établissent sur de longues échelles temporelles, sont holistiques, inclusives, qualitatives et procèdent par inductions. De l’autre côté, la connaissance scientifique occidentale n’est pas accompagnée de valeurs, et elle s’établit sur de courtes échelles temporelles, est compartimentée, exclusive, quantitative, absolue, et procède par déductions33. Cette énumération exagère le niveau de représentation du système de connaissance autochtone et de la connaissance scientifique occidentale comme étant des façons différentes pour établir des connaissances, et nous espérons que nous réussirons à nous déplacer vers un système de gestion

31 Usher, 2000 32 Brody, 1975; Stevenson, 1996; Wenzel, 1991 33 Agrawal, 1995; Nadasdy, 1999; Paci et coll., 2002; Stevenson, 1995; Stevenson, 1996; Wenzel, 1999

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facilitant la coproduction de connaissances écologiques34. Nous reconnaissons aussi que la (co) production de connaissances représente une première étape, et nous envisageons un système de gestion qui prenne en considération tout le poids que peut avoir le savoir autochtone lorsqu’il s’agit de déterminer comment partager les connaissances, comment intégrer les différentes sources de connaissances, comment interpréter et investir de sens ces dernières et comment les incorporer aux prises de décisions. Entre-temps, nous avons élaboré une stratégie pleinement enracinée dans la science et le savoir autochtones — une stratégie qui est :

Morale

Dans leur essence, les décisions relatives à la gestion des ressources sont l’expression de valeurs sociétales. Notre intention est de rendre nos valeurs transparentes et d’encourager un dialogue ouvert au sujet des valeurs des autres.

Relative à de longues échelles temporelles

Nous considérons ce point comme étant une force du savoir autochtone. La relation entre les caribous et les peuples d’Ungava est vieille de 8 000 ans et son intégralité éclaire notre compréhension du présent et de ce que l’avenir nous réserve.

Inclusive/Holistique

L’approche préconisée se veut inclusive à l’égard de tous les types de connaissances et de valeurs. Ainsi, notre approche est holistique, et nous reconnaissons que la gestion du caribou ne peut se limiter uniquement qu’à la gestion du caribou ; elle doit s’intégrer à différentes facettes de la vie qui ont une incidence directe sur le bien-être social, culturel, physique et spirituel.

Qualitative/Relative

Dans cette stratégie, nous définissons de grandes catégories qualitatives pour représenter l’état relatif de la population de caribous à tout moment, et nous associons à chaque catégorie des mesures de gestion. Bien que de nombreux indicateurs soient quantitatifs, ils nous permettront de déterminer de manière relative si les populations sont à la hausse ou à la baisse et d’expliquer leurs dynamiques à l’aide de riches descriptions narratives.

Inductive

Avant tout, notre approche procède par inductions. Le raisonnement par inductions est une approche de bas en haut qui repose sur des observations précises pour définir des tendances et éventuellement formuler des théories plus générales. Voilà le véritable objectif de cette stratégie : à partir d’observations faites au cours des 8 000 dernières années, dégager des tendances récurrentes sur lesquelles nous pouvons fonder une théorie générale qui nous aidera à planifier pour l’avenir.

34 Armitage et coll, 2011; Dale et Armitage, 2011

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TROISIÈME PARTIE : DÉCLARATION DES MEMBRES

3.1 Gouvernement du Nunatsiavut

Les Inuits du Labrador et les caribous qui vivent sur les terres dénudés de la péninsule d’Ungava coexistent depuis des milliers d’années — cette coexistence est plus ancienne que les premiers contacts des Inuits avec d’autres humains. La survie culturelle, sociale et physique des Inuits du Labrador dépendait de leur capacité à chasser et à rassembler le caribou. L’histoire orale et écrite des Inuits du Labrador renferme un savoir détaillé au sujet du caribou et du territoire. Les animaux terrestres sont collectivement dénommés nunamiutak et incluent les marcheurs (pisutik) tels le caribou, l’ours, le loup et le renard.

Traditionnellement, tout au long de l’année, les Inuits du Labrador avaient l’habitude de se déplacer pour tirer profit de l’abondance saisonnière des ressources naturelles. En dépit de changements importants qui ont affecté, au fil des années, l’occupation du territoire et les moyens de subsistance, les Inuits du Labrador ont continué à vivre de la toundra et à maintenir leur utilisation traditionnelle du territoire dont la superficie s’étend de la banquise vers l’intérieur des terres. Aujourd’hui encore, ils utilisent de manière saisonnière le territoire situé à l’extérieur de leurs communautés permanentes.

À l’époque, le mois d’août constituait la principale période de déplacement vers l’intérieur du territoire pour chasser le caribou afin d’en retirer la viande et la peau, car celle-ci à ce moment précis de l’année faisait de meilleurs vêtements et couvertures pour l’hiver. Lors de leurs déplacements à l’intérieur du territoire, les chasseurs inuits du Labrador rencontraient souvent des chasseurs provenant d’ailleurs aussi venus chasser le caribou qui était central au mode de vie de tous. Après que les Inuits du Labrador ont acquis des armes à feu, ils ont commencé à chasser à l’intérieur des terres à la fin de l’hiver et au début du printemps. Cette nouvelle chasse d’hiver et de printemps est graduellement devenue plus importante que la chasse traditionnelle d’été et d’automne. Malgré le changement de saisonnalité de la chasse, le caribou est demeuré intégral et essentiel à la vie des Inuits du Labrador.

Les populations de caribous de la péninsule d’Ungava étaient parfois très abondantes, parfois peu abondantes, et les Inuits du Labrador, observant ces fluctuations au fil des générations, considéraient que cela faisait partie d’un cycle naturel. S’ajuster à ces fluctuations générationnelles d’une population nécessite une stratégie à long terme et de la coopération. Les Inuits du Labrador sont prêts à prioriser la vitalité des populations de caribous de la péninsule d’Ungava. Le caribou nous a aidés à survivre, génération après génération, et nous reconnaissons qu’il a besoin de notre soutien en cette période de déclin.

Son importance pour la culture et l’identité inuite persiste. Notre intérêt n’est pas motivé par une volonté nostalgique ou sentimentale de recréer un mode de vie qui n’est plus actuel ni par le désir de renoncer à tout développement. Plutôt, le caribou permet de reconnaitre l’utilisation du territoire qui a été cruciale à la vie des Inuits, et que si ce lien au territoire se dissout, le mode de vie des Inuits du Labrador est en péril.

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Une récolte fructueuse de caribous au Nunatsiavut dans les années 1970.

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3.2 Nation Innue au Labrador

Le lien qui unit les Innus au caribou et à tous les animaux est ancien et intact. Tous les aspects sociaux, spirituels et culturels de la vie sont liés au caribou. Notre relation avec le caribou et son expression se manifeste dans la chasse et le partage, et elle a façonné nos relations envers nous-mêmes, nos ancêtres et nos familles. Cette relation a aussi contribué au développement de liens avec les autres peuples autochtones, et encore aujourd’hui et de diverses façons. Ce lien se construit à même le territoire sur lequel les chasseurs Innus rencontrent les chasseurs non-Innus, sportifs ou commerciaux, qui bien souvent, ne pratiquent pas la chasse selon les enseignements Innus culturels et spirituels. Les rapports se construisent devant le tribunal, lorsque les Innus se défendent contre des infractions commises au nom d’une tradition culturelle distincte et étrangère. Les rapports se construisent dans les médias, ces derniers ayant souvent alimenté l’incompréhension des motifs et des actions des Innus en occultant la richesse des liens sociaux, culturels et spirituels qui les unissent aux caribous. Finalement, nos rapports sont construits dans les salles de rencontre, alors que la Nation Innue, le gouvernement du Canada et le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador négocient un accord global sur les revendications territoriales afin de définir, de façon formelle et définitive, les droits des Innus, et des non-Innus, au Nitassinan.

Les Innus ont une compréhension du concept de « conservation » très différente du sens qu’on lui attribue dans la législation faunique et les lois qui ont fait leur apparition au cours de la deuxième moitié du XXe siècle et ne reflètent pas les traditions philosophiques, culturelles, sociales et économiques. Nous comprenons certainement l’objectif de la « conservation » qui consiste à contrôler les actions humaines afin d’assurer la pérennité et la santé des populations de caribous pour subvenir aux besoins des humains. Les organismes innus gouvernant les relations que nous entretenons avec le caribou, et avec les uns et les autres, se sont développés de bien des façons à partir de cet objectif central, ce qui explique l’unicité, traditionnelle et actuelle, de la culture, la technologie, le langage, l’économie, la philosophie, l’épistémologie, la spiritualité et la société des Innus. La poursuite de cet objectif est la clé de notre survie depuis des siècles. Cependant, les moyens que nous avons développés pour y parvenir diffèrent de ceux provenant de la tradition occidentale. Pour les Innus, la « conservation » consiste à prendre seulement ce dont nous avons besoin, partager les surplus, utiliser toutes les parties de l’animal, faire preuve de respect à l’égard du caribou avant, pendant et après la chasse et diversifier les stratégies de chasse et les espèces chassées pour exercer une pression équilibrée. Nous ne nions pas la valeur du paradigme occidental de gestion de la faune et des méthodologies scientifiques permettant de quantifier les dynamiques de populations et l’impact de la chasse selon divers scénarios. En outre, nous reconnaissons que la chasse qui s’est effectuée dans la première moitié du XXIe siècle diffère de celle qui se faisait par le passé, en matière d’intensité et de caractère. Cependant, nous confirmons la primauté des paradigmes de gestion de la faune proprement Innus et de sa société et culture qui se sont développées parallèlement au cours de milliers d’années.

« L’ancienneté de la relation entre les êtres humains et le caribou remonte à l’ère glaciaire. Ce n’est pas improbable que le caribou ait fait de nous des humains : les

caractéristiques intrinsèquement humaines telles la coopération, le langage et l’identité sociale ont été forgées, ou certainement renforcées, autour des feux de camp du

Pléistocène de l’Ancien et du Nouveau Monde alors que les familles des chasseurs

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cherchaient autant à capturer et tuer le caribou qu’à apaiser les esprits des animaux et de leurs Maîtres Animaux. Un savoir profondément ancré et un respect à l’égard du

caribou constituent l’héritage innu et représentent une leçon qu’il ne faut pas oublier et qui doit être réapprise alors que nous nous interrogeons sur l’avenir du caribou dans le Nitassinan et partout dans les régions circumpolaires. » — Steven Loring, citation tirée

de « Bergerud » (2008 ; p. 124)

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3.3 Nation Innue au Québec

La Nation Innue occupe une grande portion de l’extrémité sud de la péninsule Québec-Labrador35. Elle lui a donné le nom de Nitassinan. Les Innus ont survécu depuis des temps immémoriaux grâce à Nitassinan et ses animaux, incluant Atiku.

Depuis des milliers d’années, la Nation Innue habite ce territoire et utilise ses ressources. L’utilisation et l’occupation de Nitassinan définissent notre milieu de vie et notre environnement traditionnel et actuel.

Notre occupation du territoire est dictée par des règles et des pratiques héritées des générations antérieures. C’est sur ce patrimoine culturel que repose notre relation avec Atiku. Atiku appartient au Maître du caribou (Papakasiu). Le caribou connait un déclin dans la région de Mushuau-nipi (rivière George), mais se porte un peu mieux sur les territoires cri et inuit (au Nunavik et Eeyou Istchee). Nous devons respecter les liens que les autres Premières Nations et les Inuits ont avec Atiku. Nous, les Innus, sommes responsables de la pérennité de la coexistence avec lui.

Nous espérons que la situation actuelle de déclin du troupeau de la rivière George n’affectera pas, dans le futur, nos frères et sœurs cris, inuits et naskapis. Par contre, si une telle situation survenait — le déclin du troupeau de la rivière aux Feuilles et la récupération du troupeau de la rivière George — la Nation Innue collaborerait avec les autres Premières Nations et les Inuits. C’est dans cet esprit et selon cette réalité que la Déclaration doit être lue.

Au cours des 500 dernières années, et maintenant plus que jamais, les liens qui nous unissent à Nitassinan et ses ressources sont profondément modifiés par la cohabitation avec les Kaikussehts. Il est essentiel d’établir une nouvelle relation basée sur la confiance afin de faire tout ce qui est possible pour protéger le lien que nous entretenons avec Atiku et la responsabilité que nous avons à son égard.

Afin que tous puissent se souvenir de ces règles et pratiques, nous proposons les principes36 fondateurs suivants :

• Respectons et partageons collectivement Atiku à des fins de subsistance et de souveraineté alimentaire ;

• Respectons les rapports que d’autres Premières Nations et les Inuits entretiennent avec Atiku ; • Continuons d’entretenir notre relation actuelle et ancienne de millénaires avec Atiku ; • Poursuivons, pratiquons et transmettons notre savoir innu ; • Fabriquons nos outils et nos vêtements grâce à Atiku  ; • Maintenons le lien entre notre spiritualité et Atiku.

Finalement, nous, les Innus, n’autorisons en aucun cas la mise en marché ou la vente d’Atiku (ni viande, os, peau, gras ou toute autre partie), et la Nation Innue désapprouve toute tentative de vente.

35 La Nation Innue est composé de onze communautés, neuf au Québec et deux au Labrador. 36 La Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones reste un document de référence par rapport à cette déclaration.

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Nous avons l’obligation et le devoir d’agir ainsi. Il s’agit de notre responsabilité collective en tant que Nation.

Nous devons avoir confiance en nous dans la poursuite de l’affirmation et de la mise en pratique de cette Déclaration.

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3.4 NunatuKavut

Les Inuits qui habitent la partie sud du Labrador ont depuis l’antiquité eu un mode de vie basé sur la migration, se déplaçant selon la disponibilité des ressources, incluant le caribou. Le caribou était le pilier de ce peuple, et toutes ses parties étaient utilisées. À l’automne, les Inuits Thuléens effectuaient des prises communes de caribous et l’hiver venu, ils suivaient les troupeaux sur des traîneaux à chien. De récentes fouilles archéologiques effectuées dans le sud du Labrador ont révélé des vestiges datant du milieu du XVIIe siècle et indiquant que ce peuple dépendait du caribou et du phoque. En 1764, Gilbert identifia l’île Esquimaux (baie Château) et donna le nom de « Ca-tuc-to » au peuple inuit chasseur de caribous, un dérivé du mot inuktitut signifiant caribou.

L’arrivée de la motoneige dans les années 1960 a permis à notre peuple de se déplacer sur de plus longues distances à la poursuite du caribou, voyageant près de 1 600 km jusqu’à l’ouest du Labrador ou à Nain, au nord. Les chasses s’organisaient entre huit et quatorze hommes et incluaient un Aîné et une jeune personne afin de transmettre la tradition. Les membres du Conseil communautaire de NunatuKavut (NunatuKavut Community Council) ont répété les traditions établies depuis des milliers d’années en empruntant les mêmes sentiers parcourus par nos ancêtres et en mettant de l’eau dans la bouche du caribou en guise de respect envers l’animal et la viande. Prendre part à la chasse et partager les prises n’étaient pas à la base des activités dont le but était alimentaire ; elles constituaient une partie essentielle de leur identité et étaient directement liées à leur culture et leur bien-être.

Au cours des 25 dernières années, les pratiques de chasse ont profondément changé au Labrador. La Route translabradorienne a rendu le troupeau de la rivière George plus accessible aux allochtones et a d’autres peuples de l’extérieur de la région. Des pressions étaient exercées tout l’hiver sur le caribou, et certains allochtones ont converti la chasse en une activité « industrielle », vendant de grandes quantités de viande de caribou illégalement alors que la province de Terre-Neuve-et-Labrador n’a su appliquer les lois. Des conséquences ont aussi découlé de vols à basse altitude, de la destruction de l’habitat et d’un excès de gaspillage de la viande de caribou par les peuples non autochtones. Puis, « le caribou a simplement marché et cessé de courir ». C’est à ce moment que bien des membres du Conseil communautaire de NunatuKavut, inquiets de la survie du caribou, ont arrêté de le chasser.

Le Conseil communautaire de NunatuKavut et ses membres ont toujours eu un engagement envers la conservation du caribou forestier et du troupeau de la rivière George. En automne 2003, le Conseil communautaire de NunatuKavut (à l’époque la Nation Métis du Labrador) a élaboré son premier Plan de chasse du caribou et rédigé des lignes directrices provisoires en matière de conservation et de sécurité à l’intention des chasseurs métis. Le Conseil communautaire de NunatuKavut a mis en place divers projets de rétablissement des populations de caribous axés sur le rassemblement de savoir autochtone la sensibilisation du public et le rétablissement des populations.

Aujourd’hui, à l’instar du passé, le caribou procure une source saine de nourriture en plus de jouer un rôle central dans les sphères spirituelle et économique et de renforcer les réseaux sociaux. La chasse au caribou incite les gens à parcourir le territoire et à se rapprocher de leurs ancêtres… pour plusieurs, c’est une question d’identité et de survie.

Les membres du Conseil communautaire de NunatuKavut sont extrêmement inquiets de la situation du caribou au Labrador. Un aîné du Conseil communautaire de NunatuKavut a récemment souligné que la

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responsabilité de la gestion du caribou doit être confiée au peuple, et non seulement au gouvernement. « Nous devons entamer le dialogue pour sauver le troupeau. Le gouvernement veut se débarrasser du troupeau pour ouvrir la voie au développement, ce ne sont pas les biologistes, mais les autres membres du gouvernement. Ne rien faire est pire que de trouver une solution. Occupons-nous de nos animaux. La clé réside dans l’éducation et la responsabilisation, et non dans le contrôle. »

© Scot Rich de Natuashish.

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3.5 Nation Naskapie de Kawawachikamach

Les Naskapis de Kawawachikamach ont toujours compté sur le caribou pour survivre. Ce peuple habite la péninsule Québec-Labrador depuis 5 500 ans, et son mode de vie est intimement lié au cycle du caribou. Au moment de l’arrivée des premiers blancs, les Naskapis sont restés à l’écart des marchands plus longtemps que les Innus et les Cris puisqu’ils habitaient des régions éloignées. Les Naskapis ont été relocalisés plusieurs fois entre 1850 et 1900 pour accommoder les besoins et les intérêts commerciaux de la Compagnie de la Baie d’Hudson. Ces déplacements ont affaibli le rapport qu’ils entretenaient traditionnellement avec leur territoire et qui était entièrement basé sur le caribou.

Le déclin du caribou auquel se sont ajoutées les pressions exercées par le commerce de la fourrure, la famine et les maladies transmises par les blancs ont mis en péril la survie même de la Nation Naskapie entre 1900 et 1940. D’autres relocalisations ont suivi : à Fort Chimo, à Fort McKenzie et finalement dans la région de Schefferville. Leurs conditions de vie ont toujours été difficiles. Durant cette période, la chasse aux caribous leur permettait d’améliorer leur situation tout en leur apportant réconfort. La signature de la Convention du Nord-Est québécois en 1978 a permis à la Nation Naskapie de se trouver un territoire d’emplacement plus convenable.

Les Naskapis ont survécu pendant des millénaires grâce au caribou. Le caribou représente bien plus qu’une source de nourriture puisque toutes ses parties sont utilisées pour fabriquer des outils, des vêtements, des tentes, etc. Toutes les facettes de leur vie étaient influencées par le caribou. Même après s’être installés à Kawawachikamach, ils ont continué à dépendre du caribou pour sa viande et les autres matières premières qu’il leur fournissait. C’est encore le cas aujourd’hui, en partie à cause du prix exorbitant des aliments dans le nord du Québec, mais aussi à cause de liens culturels.

Leurs cérémonies, leurs rites et leurs festins sont tous centrés sur le caribou qui, en plus de fournir toutes sortes de matières premières, a une signification spirituelle. Le partage et l’enseignement représentent toujours des éléments centraux dans de tels événements. Le caribou jouant un rôle important dans l’économie et l’idéologie religieuse de la société naskapie, la majorité des toponymes de la région renvoie à la présence du caribou ou à son comportement.

Le caribou n’est pas seulement une garantie de survie, il est aussi une force unificatrice. Par exemple, lorsque les Naskapis se sont retrouvés dans une situation problématique, des rencontres et des discussions ont commencé à se tenir en 2012 entre le peuple Sami de Finlande et la communauté de Kawawachikamach. L’objectif était de trouver des solutions pour parvenir à maintenir les troupeaux de caribous. De plus, l’intérêt que les Naskapis ont pour le caribou les motive à participer activement à de nombreuses conférences scientifiques et à se porter à la défense des caribous durant des consultations impliquant les entreprises et les gouvernements qui veulent mettre en œuvre des projets dans la région.

Même si les rapports que la Nation Naskapie entretient avec le caribou ont changé au cours des dix dernières années, l’espèce continue à revêtir une grande importance pour l’identité naskapie. Ce lien vital se doit d’être protégé.

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Un père naskapi (feu Simon Einish) et son fils dépeçant un caribou.

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3.6 Cris d’Eeyou Istchee

Depuis les temps anciens, les Cris d’Eeyou Istchee ont entretenu une relation intime avec le territoire, les animaux et le caribou. La survie d’autrefois de notre peuple dépendait lourdement du caribou, et encore aujourd’hui, cette espèce est fortement associée à notre culture, notre identité et notre bien-être physique et spirituel. Le respect pour le caribou est un principe fondamental dans la culture crie. La diminution de ce respect s’accompagne de la perte d’une partie de notre identité. Le partage, ne pas chasser plus que nos besoins, et l’utilisation optimale de toutes les parties de l’animal sont au cœur des valeurs de la société crie. Pour un chasseur, le respect est fondamental. Notre croyance veut qu’un manque de respect affecte la réussite des efforts de chasse et peut nuire à ses chances de survie sur son territoire. Aussi nous croyons que c’est l’animal qui gouverne la chasse :

« Un chasseur s’exprime toujours en tenant compte du fait que ce sont les animaux qui régissent la chasse ; sa chasse est fructueuse seulement si l’animal décide de s’offrir à lui. Le chasseur

doit faire preuve de respect à son égard. » tiré du livre Cree Trappers Speak

Un bon chasseur fait preuve de respect tout au long de sa vie, et alors qu’il acquiert de l’expérience, il approfondit sa relation avec les animaux. Ce respect de l’animal se manifeste durant toutes les phases de la chasse — à partir du moment où il se prépare jusqu’au moment du partage communautaire de la viande. La manière dont le chasseur est décoré, l’humilité qu’il démontre, la façon d’approcher l’animal, de le chasser et de le transporter, les offrandes qui lui sont faites, la manière dont la viande est dépecée, partagée et consommée, et finalement, la façon de disposer des restes sont autant de facettes qui démontrent qu’un bon chasseur a du respect pour l’animal.

Un Aîné a un jour déclaré ceci : « … le caribou est reconnu pour disparaître et réapparaître. Il s’agit de cycles naturels. Faire preuve de respect encouragera le retour du caribou. Mais à en juger par la façon dont le caribou est menacé depuis les dernières décennies, je crains qu’il disparaisse pour toujours. » Cette impression est partagée par tous ceux qui ont constaté les résultats honteux de la chasse sportive hivernale. Sur le territoire d’Eeyou Istchee, la chasse sportive hivernale s’est ouverte pour la première fois en 1989. À l’époque, le troupeau de la rivière George augmentait en nombre et hivernait sur le territoire cri. Au vu de cette situation, le gouvernement du Québec avait fait pression pour ouvrir la chasse sportive du caribou sous prétexte que des mesures de gestion étaient nécessaires pour répondre à des préoccupations concernant la capacité de support de l’habitat. Selon le gouvernement, la taille du troupeau devait être réduite avant de devenir « incontrôlable ». Les Cris s’étaient opposés à l’ouverture de la chasse sportive hivernale, soulevant le fait que de telles dispositions étaient prises à la hâte et ne reflétaient pas leurs inquiétudes et recommandations en matière de sécurité, de contrôle, de gaspillage, etc. En dépit des objections des Cris, la chasse sportive hivernale s’est ouverte, entrainant immédiatement avec elle des problèmes de sécurité et de gaspillage.

Le 3 décembre, j’étais dans ma tente avec ma famille et mes petits-enfants. Les enfants jouaient dehors autour du feu de camp quand, soudain, des coups de feu ont retenti, tout près. Ma famille a été très

effrayée. Peu de temps après, nous sommes retournés à Chisasibi pour des raisons de sécurité. Nous avons aussi été surpris d’apprendre qu’[il n’existe] aucune loi [qui] interdit la chasse hors sentier. Ma

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famille et moi avons vu d’autres chasseurs pointant leurs armes vers un groupe de caribous alors qu’il y avait de fortes chances d’abattre ou de blesser plus d’une bête à la fois. J’ai retrouvé dans la forêt un

caribou tué par balles. J’ai aussi vu des carcasses de caribous mises à la verticale dans la neige. Voilà des comportements inacceptables qui reflètent ce manque de respect envers la nature qui caractérise

généralement bien des chasseurs sportifs. Abandonner les entrailles d’un animal éviscéré sur la route est un acte déplorable qui ne devrait pas être commis. En plus, certains chasseurs n’éviscèrent pas sur-le-champ leurs prises, et les laissent se gonfler, ce qui affecte la qualité de la viande. Ces gens devraient apprendre la bonne façon d’éviscérer les animaux pour éviter le gaspillage. » — James Chiskamish,

lettre datée de février 1990

Pendant les 25 années suivantes, les Cris se sont gardés de visiter leurs territoires de chasse aux périodes d’affluence des chasseurs sportifs hivernaux, craignant pour leur sécurité. Cela a affecté leurs activités traditionnelles de chasse et de trappage, et conséquemment, leur sécurité de revenu. Chaque année, lorsqu’ils retournaient sur leur territoire de chasse à la fermeture de la chasse sportive, aussitôt que la neige commençait à fondre se révélait le scandale ; partout gisaient des carcasses entières, des têtes et des entrailles qui avaient été abandonnées en bordure des routes, des camps, des points d’eau, etc. Le constat d’un tel gaspillage est désolant pour tous, mais particulièrement pour nos Aînés qui ont connu des périodes de difficultés et de pénuries.

Ce n’est pas notre intention de mettre tous les chasseurs sportifs dans la même catégorie ou de les accuser tous, parce qu’il existe certains qui respectent le territoire et les animaux. Nous voulons plutôt exprimer à quel point des pratiques si irrespectueuses ne sont pas compatibles avec la façon de faire et les valeurs des Cris. Cela fait des années que les Cris se plaignent d’une telle situation et pourtant, les mesures prises par le gouvernement pour régler les problèmes demeurent minimales.

Notre peuple doit prendre la responsabilité de sauvegarder nos bonnes pratiques et les valeurs de respect que nous avons envers le caribou. Alors que la société change et que les pratiques évoluent, des règles fondamentales doivent être maintenues afin de préserver la relation intime que nous avons avec le territoire, les animaux et le caribou. Le rétablissement efficace des populations de caribous de la péninsule d’Ungava est tributaire d’efforts de conservation et de gestion reposant sur le respect.

Une femme crie (Elizabeth Brien) grattant une peau de caribou. Photo : Arctic Photo

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3.7 Inuit du Nunavik

Des rives de la baie d’Hudson jusqu’à la côte du Labrador, les Inuits du Nunavik subsistent depuis des millénaires sur la péninsule Ungava et les mers qui la bordent. À l’instar des groupes autochtones des autres régions, leur survie a longtemps été dépendante de leurs connaissances approfondies de l’environnement naturel et de leur grand respect pour les animaux qu’ils chassent.

Les Inuits du Nunavik ont l’habitude de ne prendre que ce qui leur est nécessaire, et de faire une utilisation optimale des animaux chassés ; toute forme de gaspillage est réprimandée. Voilà un exemple des principes fondamentaux (maligait) au cœur du système de gestion de la faune traditionnel qui a permis aux Inuits et à la faune de la région de survivre dans un environnement arctique inhospitalier.

Malgré le fait que la subsistance des Inuits du Nunavik est fortement liée à la mer et aux mammifères marins, les troupeaux de caribous de la péninsule d’Ungava ont toujours joué un rôle critique pour leur survie. Outre leur évidente contribution alimentaire, les caribous ont toujours été essentiels (et demeurent importants) pour la fabrication de vêtements, d’outils et de matériel artistique.

Au fil des siècles, la dépendance des Inuits envers le caribou a généré un important savoir historique. Ce savoir traditionnel inuit est transmis oralement de génération à génération et fait continuellement l’objet de corroborations et d’actualisations à la lumière des nouvelles observations, quoique son fondement demeure le même. De nombreux éléments de ce savoir ont été recueillis grâce à des enregistrements d’entrevues de fond effectués dans les années 1970 et le début des années 1980 dans le cadre d’une étude sur l’utilisation du territoire et la collecte de données écologiques de la Société Makivik.

Les Inuits savent que les populations de caribous fluctuent et que les périodes d’extrême abondance sont suivies de rareté relative. Étant donné que cette espèce est très importante pour eux, et compte tenu des besoins des générations futures, la conservation du caribou est une priorité pour les Inuits du Nunavik. Cette protection doit être assurée par la mise en place de systèmes de gestion de la récolte qui reflètent les valeurs traditionnelles, mais aussi en protégeant les écosystèmes desquels dépendent ces animaux. Des caribous près d’une communauté du Nunavik.

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CINQUIÈME PARTIE : LES ROUAGES D’UNE STRATÉGIE

La table ronde a commencé son processus en examinant d’autres plans à long terme prévus pour la faune, les poissons et les forêts37. Les plans les mieux réussis ont appliqué à la lettre les quatre étapes suivantes :

1. Établir des tendances et des relations en observant le passé ; 2. Créer des catégories simples en fonction des tendances et des relations établies ; 3. Définir des indicateurs de statuts environnementaux pour placer la population dans une catégorie

spécifique à un moment précis ; 4. Assigner des actions simples à chaque catégorie.

Étape 1 : Établir des tendances et des relations

La déconstruction des périodes d’abondance et de rareté qui ont marqué le passé permet de dégager certaines tendances et des relations récurrentes. Avant de continuer, soulignons que nous ne sommes pas penchés sur les relations de cause à effet, notre attention était portée plutôt sur la détermination de tendances et de relations. L’analyse repose sur l’observation de corrélations entre l’abondance et les indices vitaux, la taille de l’aire de répartition et l’abondance des prédateurs38. Dans le cas du troupeau de la rivière George, tous ces paramètres ont été mesurés dans l’intervalle d’un cycle complet de dynamique de population : celle-ci est passée d’une dépression extrême dans les années 1950 à une grande abondance à la fin des années 1980 pour redescendre à un niveau très bas dans les années 2010. Le troupeau de la rivière aux Feuilles a fait l’objet d’une analyse plus limitée puisque plusieurs paramètres n’ont été mesurés qu’en période d’abondance relativement élevée (> 200 000). Si, par exemple, nous avons observé dans le passé qu’une augmentation de la population s’accompagnait d’une augmentation de l’aire de répartition, nous pouvons déduire qu’une augmentation future cette aire signifie que la population augmente aussi. Nous avons découvert cinq éléments interdépendants et variables dans le temps : 1) la taille de la population ; 2) l’aire de répartition ; 3) la condition physique ; 4) le recrutement ; et 5) l’abondance des prédateurs.

Taille de la population

Dans le passé proche et lointain, les populations de caribous de la péninsule d’Ungava ont fluctué de manière marquée entre des extrêmes de forte et de faible abondance (Figure 2). Cette tendance s’applique à tous les troupeaux de la région circumpolaire nord39. Les sommets et les dépressions surviennent avec régularité, et les populations sont les plus abondantes tous les 80 à 100 ans40.

37 Bathurst Caribou Management Planning Committee, 2004; Beverly and Qamanirjuaq Caribou Management Board, 2005; Department of Forestry and Agrifoods, 2003; Gouvernement du Nunavut, 2010; Government of the Northwest Territories, 2011; Ministère des Pêches et des Océans, 2007; Porcupine Caribou Management Board, 2010; Western Arctic Caribou Herd Working Group, 2003 38 Bergerud, 1996; Valkenburg et coll. 1994; Whitten, 1996 39 Carruthers et Jakimchuck, 1983; Ferguson et coll., 1998; Gates, 1985; Gunn, 2001; Haber et Walters, 1980; Heard et Calef, 1986; Hemming, 1975; Meldgaard, 1986 40 Il est possible que par le passé l’intervalle de temps entre deux sommets de population était moins long, étant donné que la pression de chasse diminuait (quelque peu) en fonction de l’abondance. L’intervalle de temps entre deux sommets de population peut maintenant être atténué à l’aide d’une gestion responsable des récoltes.

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Figure 2 : Abondance relative du caribou migratoire de la rivière George dans le temps41

L’abondance des caribous fluctue rapidement. Les taux d’augmentation et de diminution sont importants (de 10 à 15 % par année), ce qui veut dire que la taille du troupeau peut doubler ou diminuer de moitié en moins de dix ans42. Ainsi, une population recensée à 400 000 bêtes peut passer à 200 000 ou à 800 000 au recensement suivant. Le troupeau de la rivière George a diminué de moitié deux fois entre le recensement de 2001 et celui de 2010, et deux fois de plus entre 2010 et 2014. Le troupeau de la rivière aux Feuilles a doublé entre le recensement de 1986 et celui de 1991. Les troupeaux de la rivière George et de la rivière aux Feuilles peuvent fluctuer indépendamment l’un de l’autre à l’intérieur de courts intervalles, mais généralement, les troupeaux de caribous du monde entier, migrateurs ou sédentaires, et particulièrement les populations voisines ont des dynamiques plus ou moins semblables dans le temps43.

Aire de répartition

Les fluctuations de la taille des troupeaux s’accompagnent de fluctuations correspondant aux dimensions de l’aires de répartition44 (Figure 3). Plus il y a de caribous, plus l'aire de répartition qu’ils occupent est

41 Adapted from: Banfield & Tener 1958-1960; Bergerud 1967; Boudreau et coll., 2003; Couturier et Courtois, 1996; Couturier et Dale, 2012; Couturier et coll., 1990, 1996, 2004; Elton, 1942; Low, 1896; Messier et coll., 1988; Morneau et Payette, 1998; Payette et coll., 2004; Taillon et coll., 2016; Government of Newfoundland and Labrador, 2016; Government of Quebec, 2010, 2012, 2016 42 Couturier et coll., 2004; Gunn, 2001; Gunn et coll., 2011; Messier et coll., 1988 43 Bergerud, 1996; Gunn, 2001; Gunn et coll., 2011; Vors et Boyce, 2009 44 Bergerud, 2008; Messier, 1988 ; Taillon, 2016

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vaste, et vice-versa. L’aire de répartition est ainsi un bon indice de mesure indirecte, ou un indicateur d’abondance45. En périodes d’extrême abondance, l’aire de répartition du troupeau de la rivière George s’étendait sur la péninsule d’Ungava à partir de l’océan Atlantique à l’est jusqu’à la côte de la baie d’Hudson, à l’ouest. Puis, lorsque leur population a diminué, l'aire de répartition occupée a diminué et s’est concentrée vers l’est. En période d’extrême rareté, ce même troupeau est demeuré au centre de son habitat, dans la maison du caribou, ne daignant même pas traverser le lac Indian House.

« Le caribou vit aux confins du territoire Mushuau-nipi. L’habitat du caribou se trouve où les gens ne peuvent aller. Si quelqu’un s’y aventure, le brouillard se lève pour

cacher le caribou. Des montagnes entourent l’habitat du caribou, si les gens y allaient, ils ne pourraient voir le caribou. Le caribou a un maître puissant qui sait où se

cacher. » – Philip Einish Sr. (Nation Naskapie de Kawawachikamach, 2016)

Cette corrélation entre la taille de la population et l’utilisation du territoire semble aussi s’appliquer au troupeau de la rivière aux Feuilles, mais de manière moins évidente. En outre, nous ne comprenons pas exactement le lien entre l’aire de répartition et l’abondance en période de rareté. L'aire de répartition du troupeau de la rivière aux Feuilles s’est étendue vers le sud avec l’augmentation des populations dans les années 1970, 1980 et 1990. Le cinquante-cinquième parallèle a marqué la frontière la plus au sud dans les années 1970, et le cinquante-deuxième dans les années 1990. Cette expansion s’est poursuivie vers le sud et l’est durant les années 200046. Si le déclin se poursuit comme prévu, nous anticipons une diminution de l’aire de répartition, tendance similaire à ce qui a été observé avec le troupeau de la rivière George, et un retranchement vers le centre de l’habitat dans le nord-ouest47.

Figure 3 : Aire relative du territoire occupé par année par rapport à la taille de la population de la rivière George (à gauche) et de la rivière aux Feuilles (à droite)48

La dimension de l’aire de mise bas a aussi changé dans le temps en fonction des fluctuations d’abondance et d’aire totale de répartition. Dans le cas du troupeau de la rivière George, il existe une relation entre la

45 Bergerud, 2008; Hemming, 1975 46 Taillon, 2016 47 Skoog, 1968 48 Couturier et Dale, 2012

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dimension de l’aire de mise bas et l’abondance49. Lorsque le troupeau était de taille importante, l’aire de répartition totale et l’aire de mise bas l’étaient aussi. Inversement, lorsque le troupeau était de petite taille, l’aire totale de répartition et l’aire de mise bas l’étaient aussi. Dans le cas du troupeau de la rivière aux Feuilles, la corrélation était moins claire, et encore, nos données ne couvrent principalement que les années d’abondance relative, alors que nous n’en avons moins en période de rareté.

« Il y avait beaucoup de sentiers de caribous, et on peut même en voir les traces par terre, mais plusieurs sont maintenant envahis par les buissons et les saules. »

~ Willie Etok (dans Wilson et coll., 2014)

La distribution même a changé depuis l’ère glaciaire, il y a 10 000 ans comparativement à ce que l’on observe aujourd’hui50. L'aire de répartition change aussi à une échelle temporelle plus fine, en fonction de l’alimentation et du piétinement des troupeaux de caribous plus ou moins abondants. Les sentiers de caribous dans l’aire de la rivière George, qui étaient nombreux et abondamment utilisés sont aujourd’hui envahis par la végétation.

Ces études sur les sentiers, ainsi que plusieurs autres études sur l’habitat, peuvent prédire une augmentation imminente, comme on a observé au début des années 195051, ou un déclin imminent, comme on a observé au début des années 198052. Il existe de nombreux moyens de mesure d’habitats, issues de connaissances autochtones et occidentaux, et le Plan d’action de l’impact sur l’habitat et l’environnement se penchera sur les moyens exemplaires (index simple d’habitat) qui pourraient servir à prédire les dynamiques des populations de caribous.

Condition physique

La condition physique est aussi liée à la taille de la population, et dans le cas du troupeau de la rivière George, elle a représenté un indicateur précoce de déclin53. Nous utilisons quatre indicateurs de condition physique : la présence de gras chez l'adulte, la masse du faon à la naissance, la masse du faon à l’automne et le pourcentage de femelles sans bois. Lorsque la population est de grande taille, les caribous adultes sont maigres, les faons pèsent moins de 6 kg à la naissance et moins de 45 kg à l’automne et plus de 7 % des femelles adultes sont sans bois. Lorsque la population est de petite taille, les caribous adultes sont très gras, les faons pèsent plus de 7,5 kg à la naissance et plus de 55 kg à l’automne et moins de 5 % des femelles adultes sont sans bois. Pour le troupeau de la rivière aux Feuilles, de telles données n’ont été recueillies qu’en périodes d’abondance relative (c.-à-d. lorsque la population est supérieure à 200 000). Nous pouvons considérer que les données seraient similaires à celle du troupeau de la rivière George en période de rareté, mais nous devons dresser un portrait plus précis de la tendance alors qu’elle se dessine. De manière plus importante, le rôle de la science et du savoir autochtones dans la détermination et le suivi des indicateurs de la condition physique — incluant l’évaluation de la moelle osseuse — sera défini par le Plan d’action de recherche et de suivi.

49 Bergerud et coll., 2008; Taillon et coll., 2012 50 Short, 1978; Short et Nichols, 1977 51 Hustich, 1951 52 Bergerud et coll., 2008; Couturier et coll., 1988; Messier et coll., 1988 53 Couturier et coll. 1988; Couturier et coll. 1990; Couturier et coll., 2009; Gunn, 2001; Huot, 1989

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Recrutement

Le recrutement — le nombre de faons/100 femelles à la fin de l’automne — a aussi présenté d’importantes différences entre les phases de croissance et de décroissance. Le nombre de faons/100 femelles a généralement été supérieur à 34 en période de croissance, et inférieur à 34 en période de déclin.

Abondance des prédateurs

Dans le passé, lorsque les caribous sont abondants, les prédateurs le sont aussi et le demeurent un certain temps après que les caribous entament leur déclin54. Des populations de caribous de petite taille s’accompagnent également de petites populations de prédateurs, et le nombre de ces dernières reste faible encore quelque temps après que les caribous grimpent en nombre. Il y a moins de dix ans, les loups étaient abondants sur le territoire de la rivière George, et les meutes étaient importantes. Les utilisateurs rapportent que les loups se sont tournés vers d’autres proies sur les côtes, et puis un déclin s’est observé. Les utilisateurs rapportent aussi qu’il y a plus d’ours noirs sur le territoire de la rivière aux Feuilles et de la rivière George depuis les dernières années. L’augmentation des populations de caribous s’accompagne d’une augmentation, quelque temps après, du nombre de jeunes prédateurs (productivité). On a aussi observé que les ours noirs avaient plus fréquemment des portées de trois, et que la taille des portées et des meutes de loups étaient aussi plus importantes 55.

Étape 2 : Créer des catégories simples

À partir de cette compréhension des tendances passées, la table ronde a créé une roue élémentaire représentant le cycle complet des caribous (Figure 4). Ce modèle est une approximation de la réalité, puisque nous avons observé des changements d’abondance dans le passé. Nous savons que la population oscille entre des périodes d’abondance élevée et des périodes d’abondance faible (catégories 1 et 5). Nous savons aussi qu’entre les maximums et les minimums d’abondance se trouvent des cycles de croissances et de décroissance s’échelonnant sur plusieurs dizaines d’années, et que les cycles de croissance diffèrent des cycles de décroissance, autant sur le plan des indicateurs que sur celui des mesures de gestion à adopter. La phase de décroissance, à droite de la roue, est divisée en trois catégories simples (importante, moyenne et faible) tout comme l’est la phase de croissance à gauche.

54 Bergerud, 2008; Elton, 1942 55 Parker et Luttich, 1986

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Figure 4 : Le cercle représentant la dynamique de l’abondance des caribous en matière d’abondance relative et de seuil

À titre indicatif seulement, mentionnons que le cycle de dynamique de population le plus récent a révélé que la catégorie 1 avait duré entre 15 et 20 ans pour les deux troupeaux ; la catégorie 2 s’est échelonnée sur environ cinq ans pour les deux troupeaux ; la catégorie 3 s’est échelonnée sur trois ans pour le troupeau de la rivière George alors que celle de la rivière aux Feuilles est la catégorie présente ; la catégorie 4 s’est échelonnée sur cinq ans pour le troupeau de la rivière George alors que celle de la rivière aux Feuilles reste indéterminée, la catégorie 5 demeure indéterminée, mais pourrait vraisemblablement être de 30 à 35 ans (nous estimons que les mesures de gestion présentées dans cette stratégie pourraient écourter cette catégorie en réduisant la pression exercée par la chasse) ; la catégorie 6 a duré dix ans pour les deux troupeaux ; la catégorie 7 cinq ans pour le troupeau de la rivière George et environ dix ans pour celui de la rivière aux Feuilles ; et finalement, la catégorie 8 s’échalonne sur cinq ans pour les deux troupeaux.

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Étape 3 : Définir des indicateurs de statuts environnementaux

Les tendances et les relations observées dans le passé (étape 1) deviennent des indicateurs pour comprendre l’avenir. L’abondance peut être estimée directement à partir d’inventaire aériens, de projections modélisées, ou encore, à partir d’une approche multicritères déterminant l’utilisation de l’aire de répartition, la condition physique, le recrutement à l’automne et l’abondance des prédateurs. Tous ces outils seront utilisés pour déterminer le statut, à condition que tous les acteurs aient été inclus dans le plan de recherche, les analyses, les interprétations, et que les résultats et les données aient été partagés en temps opportun.

La TRACPU évaluera chaque troupeau tous les deux ans pour leur assigner un statut reflétant la catégorie de la roue (étape 2) dans laquelle il se trouve. Des évaluations se feront plus fréquemment si des données obtenues se situent à l’extérieur de la désignation actuelle, ou si un comité technique a de bonnes raisons de croire qu’un seuil a été franchi en se basant sur un examen annuel. La TRACPU élaborera des protocoles d’évaluation internes pour assurer que tous les gouvernements et les nations autochtones membres fournissent des recommandations standardisées concernant le statut à partir desquelles la TRACPU formulera une désignation de statut consensuelle.

Étape 4 : Assigner des actions simples

Maintenant que nous avons créé des catégories simples en fonction des tendances et des relations observées dans le passé, et que nous avons fait de ces tendances des indicateurs pour comprendre le futur, la dernière étape consiste à mettre en relation la connaissance et les mesures à prendre. Les mesures de gestion doivent s’adapter aux dynamiques des populations qui changent au fil du temps alors que les populations augmentent et diminuent. Ces mesures de gestion comprennent : 1) la priorisation des groupes utilisateurs, 2) le taux d’exploitation par la chasse, 3) les besoins scientifiques et 4) la communication.

La priorisation des utilisateurs est fondamentale à la mise en œuvre de cette stratégie. L’accès des autochtones est prioritaire. Une fois que les besoins cumulatifs autochtones locaux sont comblés, les occasions de chasse supplémentaires doivent d’abord être accordées aux résidents non autochtones, aux chasseurs sportifs, puis aux pourvoiries. Finalement, d’autres occasions de chasse peuvent servir des intérêts commerciaux. Une telle priorisation des utilisateurs n’a pas été appliquée lorsque le troupeau de la rivière George était en déclin, et ne l’est toujours pas alors que le troupeau de la rivière aux Feuilles diminue.

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CINQUIÈME PARTIE : LA STRATÉGIE

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Catégorie 1 : Abondance élevée

Un apercu

Indicateurs — George Indicateurs — Feuilles Mesures Utilisateurs

• Inventaire : > 500 000 • Estimation modélisée : > 500 000 • Aire de répartition : > 500 km2 • Adulte : Maigre • Masse à la naissance : < 6,0 kg • Masse du faon à l’automne : < 45 kg • % de femelles sans bois : > 7 • Faons/100 femelles : Aucune tendance • Prédateurs : Nombreux • Les autres troupeaux sont abondants • De nombreux sentiers de caribous

• Inventaire: > 500 000 • Estimation modélisée : > 500 000 • Aire de répartition : > 400 km2 • Adulte : Maigre • Masse à la naissance : Aucune tendance • Masse du faon à l’automne : Aucune tendance • % de femelles sans bois : > 7 • Faons/100 femelles : Aucune tendance • Prédateurs : Nombreux • Les autres troupeaux sont abondants • De nombreux sentiers de caribous

Taux de récolte : > 10-5 % (80 000-25 000) • Surveillance et déclaration complètes des récoltes • Inventaire tous les cinq ans • Évaluation du statut tous les deux ans

• Autochtones • Non-Autochtones (sportive/résidents/pourvoirie) • Commerciaux

Les caribous sont nombreux et leur aire de répartition est vaste. Les adultes sont maigres, les faons petits au printemps et à l’automne et les prédateurs sont abondants. La récolte est optimisée et respecte les valeurs et les normes. Les récoltes commerciales et sportives sont rentables et bien gérées, et les Autochtones participent aux activités commerciales. L’accès est libéral pour les résidents et les Autochtones, et l’indice de sécurité alimentaire est élevé. Le bien-être social, culturel et spirituel est renforcé grâce à la chasse et le partage : les compétences et les valeurs sont développées, entretenues et transmises d’une génération à l’autre. En dépit d’un haut taux de récolte, il n’y a pas de gaspillage, le respect est optimal et tous les groupes utilisateurs trouvent des moyens de maximiser leur utilisation. Toutes les récoltes sont déclarées et les données sommaires sont rendues publiques. Des inventaires sont effectués tous les cinq ans, mais les évaluations d’habitats ainsi que l’approche multi-critères tentent de déterminer si le maximum a été atteint. Tous les acteurs commencent à planifier en vue d’un long déclin. Même dans cette catégorie, si des données probantes indiquent un déclin continu, la pression exercée par la chasse sera réduite de 10 % à 5 %.

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Catégorie 2 : Abondance élevée et en décroissance

Un apercu

Indicateurs — George Indicateurs — Feuilles Mesures Utilisateurs

• Inventaire : 300 000-500 000 • Estimation modélisée : 300 000-500 000 • Aire de répartition : 300-500km2 • Adulte : Maigre • Masse à la naissance : < 6,0 kg • Masse du faon à l’automne : < 45 kg • % de femelles sans bois : > 7 • Faons/100 femelles : 40-30 • Prédateurs : Nombreux • Les autres troupeaux entament un déclin • De nombreux sentiers de caribous

• Inventaire : 300 000-500 000 • Estimation modélisée : 300-500 000 • Aire de répartition : 300-500 km2 • Adulte : Maigre • Masse à la naissance : Aucune tendance • Masse du faon à l’automne : Aucune tendance • % de femelles sans bois : > 7 • Faon/100 femelles : Aucune tendance • Prédateurs : Nombreux • Les autres troupeaux entament un déclin • De nombreux sentiers de caribous

Taux de récolte : 5-3 % (25 000-9 000) • Surveillance et déclaration complètes des récoltes (évaluation) • Inventaire tous les trois ans • Évaluation du statut tous les deux ans • Retraits de la chasse commerciale • Entente de partage autochtone finalisée • Détermination des besoins des Autochtones finalisée

• Autochtones • Non-Autochtones (sportive/résidents/pourvoirie)

Les caribous sont encore nombreux et leur aire de répartition demeure vaste, mais ces valeurs ont nettement diminué. Les caribous sont de moins en moins accessibles alors que l'aire de répartition qu’ils occupent devient plus restreint. Les adultes sont maigres, les faons demeurent petits et les prédateurs sont nombreux. La récolte commerciale est maintenant interrompue et le restera pour au moins quelques dizaines d’années. Les pourvoiries, les chasseurs sportifs et les résidents sont toujours actifs, mais les allocations diminuent avec le déclin des populations, et l’attribution de permis est réduite pour atteindre un taux d’exploitation réduit à 3 %. La communication est axée sur l’accès alors que les pourvoiries, les chasseurs sportifs et les résidents déterminent le meilleur moyen de se partager l’accès limité. La déclaration des récoltes est évaluée et optimisée, et il n’y a aucun gaspillage. Des inventaires sont effectués tous les trois ans. La sécurité alimentaire autochtone est assurée. Les groupes autochtones renouvellent et mettent à jour leur entente de partage, et un processus est élaboré et mis en œuvre pour déterminer les besoins totaux des Autochtones qui constitueront le seuil maximum de la catégorie 3.

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Catégorie 3 : Abondance moyenne et en décroissance

Un apercu

Indicateurs — George Indicateurs — Feuilles Mesures Utilisateurs

• Inventaire : 150 000-300 000 • Estimation modélisée : 150 000-300 000 • Aire de répartition : 150-300 km2 • Adulte : Gras • Masse à la naissance : < 6,0 kg • Masse du faon à l’automne : 45-50 kg • % de femelles sans bois : 7-5 • Faons/100 femelles : 30-20 • Prédateurs : Rares, se tournent vers d’autres proies • Autres troupeaux en déclin ou faibles • Sentiers de caribous moins visibles

• Inventaire: 150 000-300 000 • Estimation modélisée : 150-300 000 • Aire de répartition : < 300 km2 • Adulte : Gras • Masse à la naissance : Aucune tendance • Masse du faon à l’automne : Aucune tendance • % de femelles sans bois : 7-5 • Faons/100 femelles : Aucune donnée • Prédateurs : Rares, se tournent vers d’autres proies • Autres troupeaux en déclin ou faibles • Sentiers de caribous moins visibles

Taux de récolte : 3-2 % (9 000-3 000) • Surveillance et déclaration complète des récoltes (évaluation) • Inventaire tous les deux ans • Évaluation du statut tous les deux ans • Récoltes non autochtones (sportive/résidents/pourvoirie) éliminées • Entente de partage autochtone mise en œuvre • Recherche et suivi élargis • Programme d’intendance élargi

• Autochtones

Les populations de caribous et leur aire de répartition diminuent de plus en plus — cette diminution est observée depuis plus d’une dizaine d’années. Les adultes et les faons sont gras, mais le recrutement est inférieur à 30 faons/100 femelles et les prédateurs demeurent nombreux. Les récoltes des pourvoiries, des chasseurs sportifs et des résidents sont interrompues et ne reprendront pas avant plusieurs dizaines d’années. La sécurité alimentaire autochtone n’est pas assurée, et les ménages éprouvent des difficultés économiques en raison de récoltes insuffisantes. L’entente de partage autochtone établit que l’accès limité doit être partagé équitablement entre les gouvernements et nations autochtones. La capacité de recherche et de surveillance est augmentée, et l’éducation et l’intendance en matière de chasse se concentrent sur l’optimisation de l’utilisation. Des inventaires sont menés tous les deux ans, alors que les communications sont axées sur les résultats de recherche et la mise en œuvre du plan. Toutes les récoltes sont déclarées et les données sommaires sont rendues publiques. Il n’y a aucun gaspillage, et le taux d’exploitation diminue de 3 % à 2 %.

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Catégorie 4 : Abondance faible et en décroissance

Un apercu

Indicateurs — George Indicateurs — Feuilles Mesures Utilisateurs

• Inventaire : 50 000-150 000 • Estimation modélisée : 50 000-300 000 • Aire de répartition : 100-150 km2 • Adulte : Très gras • Masse à la naissance : > 6,0 kg • Masse du faon à l’automne : 50-55 kg • % de femelles sans bois : 7-5 • Faons/100 femelles : <20 • Prédateurs : Rares • Autres troupeaux en déclin ou faibles • Sentiers de caribous moins visibles

• Inventaire : 50 000-150 000 • Estimation modélisée : 50 000-300 000 • Aire de répartition : Aucune donnée • Adulte : Très gras • Masse à la naissance : Aucune tendance • Masse du faon à l’automne : Aucune tendance • % de femelles sans bois : 7-5 • Faons/100 femelles : Aucune donnée • Prédateurs : Rares • Autres troupeaux en déclin ou faibles • Sentiers de caribous moins visibles

• Taux de récolte : 2-1 % (3 000-500) • Surveillance et déclaration complètes des récoltes • Inventaire chaque année ou aux deux ans • Évaluation du statut tous les deux ans • Entente de partage autochtone revue • Entente de partage autochtone mise en œuvre • Élaboration de plans pour maximiser les valeurs sociales, culturelles et spirituelles

• Autochtones

Le déclin des caribous s’étend maintenant sur plusieurs dizaines d’années, et leur aire de répartition est restreint. Les adultes et les faons sont gras, mais le recrutement est inférieur à 20 faons/100 femelles. Les prédateurs sont encore nombreux mais leur population commencent à réduire dans certains secteurs. La récolte autochtone est bien en deçà des besoins, et la sécurité alimentaire n’est pas assurée. Les gouvernements et les nations autochtones se partagent l’accès limité et élaborent des stratégies pour maximiser les liens sociaux, culturels et spirituels alors que les prises continuent à s’amenuiser. Cela inclut un plan de transition vers une chasse basée sur la communauté. Les inventaires sont effectués chaque année, ou au moins tous les deux ans. Les communications saluent les initiatives fructueuses et sont axées sur des pratiques exemplaires qui optimisent les liens sociaux, culturels et spirituels. Il n’y a aucun gaspillage, et le taux d’exploitation diminue de 2 % à 1 %. Cette catégorie agit en tant que tampon en vue du seuil le plus bas auquel on s’attend.

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Catégorie 5 : Abondance faible

Un apercu

Indicateurs — George Indicateurs — Feuilles Mesures Utilisateurs

• Inventaire : < 50 000 • Estimation modélisée : < 50 000 • Aire de répartition : < 100 000 • Adulte : Très gras • Masse à la naissance : > 7,5 kg • Masse du faon à l’automne : > 55 kg • % de femelles sans bois : < 5 • Faons/100 femelles : Aucune tendance • Prédateurs : Très rares • Autres troupeaux faibles • Sentiers de caribous recouverts de végétation

• Inventaire : < 50 000 • Estimation modélisée : < 50 000 • Aire de répartition : Aucune donnée • Adulte : Très gras • Masse à la naissance : Aucune donnée • Masse du faon à l’automne : Aucune donnée • % de femelles sans bois : < 5 • Faons/100 femelles : Aucune donnée • Prédateurs : Très rares • Autres troupeaux faibles • Sentiers de caribous recouverts de végétation

• Taux de récolte : < 1 % (moins de 500) • Surveillance et déclaration complètes des récoltes • Inventaire tous les ans • Évaluation du statut tous les deux ans • Communications axées sur les réussites et les valeurs fondamentales

• Autochtones

La population de caribous est très faible et l’aire de répartition est très petit. Les adultes et les faons sont très gras, et les prédateurs sont très rares. Les évaluations des habitats pointent vers un rétablissement. La récolte autochtone est très faible et ne contribue pas à la sécurité alimentaire. Chaque gouvernement autochtone et nation autochtone chasse en fonction de ses valeurs fondamentales spirituelles, culturelles et sociales. Dans le respect de la souveraineté, les communications sont axées sur la reconnaissance des valeurs fondamentales et le partage des initiatives fructueuses. Toutes les prises effectuées sont signalées, et la gestion de la chasse maintient et renforce les valeurs fondamentales spirituelles, culturelles et sociales. On s’attend à ce que le seuil le plus bas dure encore quelques années ou dizaines d’années, et les communications concernant le rétablissement se concentrent à appuyer cette réalité. Des inventaires sont faits chaque année si possible.

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Catégorie 6 : Abondance faible et en décroissance

Un apercu

Indicateurs — George Indicateurs — Feuilles Mesures Utilisateurs

• Inventaire : 50 000-150 000 • Estimation modélisée : 50 000-300 000 • Aire de répartition : 100-150km2 • Adulte : Gras • Masse à la naissance : > 7,5 kg • Masse du faon à l’automne : 55-50kg • % de femelles sans bois : < 3 • Faons/100 femelles : 40-45 • Prédateurs : Très rares • Autres troupeaux en croissance • Sentiers de caribous plus visibles

• Inventaire : 50 000-150 000 • Estimation modélisée : 50 000-300 000 • Aire de répartition : Aucune donnée • Adulte : Gras • Masse à la naissance : Aucune donnée • Masse du faon à l’automne : Aucune donnée • % de femelles sans bois : < 3 • Faons/100 femelles : Aucune donnée • Prédateurs : Très rares • Autres troupeaux en croissance • Sentiers de caribous plus visibles

• Taux de récolte : 1-3 % (500-4 500) • Surveillance et déclaration complètes des récoltes • Inventaire tous les deux-trois ans • Entente de partage autochtone mise à jour • Augmentation des récoltes autochtones • Éducation et formation des chasseurs

• Autochtones

Après plusieurs dizaines d’années de déclin, la population et l’aire de répartition sont définitivement en hausse. La qualité de l’habitat est excellente, les adultes et les faons sont très gras, et les prédateurs demeurent rares. Après de nombreuses années à ne pas percevoir de tendance claire, on dénombre maintenant plus de 40 faons/100 femelles. La récolte autochtone est encore limitée, mais commence à augmenter pour accommoder plus de personnes. Cet essor s’accompagne de programmes d’intendance en environnement et d’éducation adressés aux jeunes chasseurs, plusieurs d’entre eux n’ont qu’une mince expérience de la chasse aux caribous. Toutes les prises sont déclarées, l’entente du partage autochtone est mise à jour et assure un partage équitable entre les gouvernements et les nations autochtones. Tous les acteurs se préparent en vue de récoltes plus importantes, et les communications saluent la mise en œuvre fructueuse de la stratégie.

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Catégorie 7 : Abondance moyenne et en croissance

Un apercu

Indicateurs — George Indicateurs — Feuilles Mesures Utilisateurs

• Inventaire : 150 000-300 000 • Estimation modélisée : 150 000-300 000 • Aire de répartition : 150-300 km2 • Adulte : Maigrissant • Masse à la naissance : 7,5 -7 kg • Masse du faon à l’automne : 55-45kg • % de femelles sans bois : < 3 • Faons/100 femelles : > 45 • Prédateurs : Rares, productivité accrue • Autres troupeaux en croissance • Sentiers de caribous plus visibles

• Inventaire : 150 000-300 000 • Estimation modélisée : 150 000-300 000 • Aire de répartition : 150-300 km2 • Adulte : Redeviennent élancés • Masse à la naissance : Aucune tendance • Masse du faon à l’automne : Aucune tendance • % de femelles sans bois : < 3 • Faons/100 femelles : Aucune donnée • Prédateurs : Rares, productivité accrue • Autres troupeaux en croissance • Sentiers de caribous plus visibles

• Taux de récolte : 3-5 % (4 500-15 000) • Surveillance et déclaration complètes des récoltes • Inventaire tous les trois-cinq ans • Détermination des besoins totaux des Autochtones (seuil) • Augmentation des récoltes autochtones • Planification des pratiques exemplaires pour les récoltes des non-Autochtones (sportive/résidents/pourvoirie)

• Autochtones

La population de caribous et l’aire de répartition augmentent depuis des années. Les adultes et les faons sont un peu moins gras. Les prédateurs se font plus abondants, mais demeurent relativement rares. Le recrutement est maintenant de 45 faons/100 femelles. La sécurité alimentaire est assurée, et il n’y a aucun gaspillage. Les besoins totaux des Autochtones sont évalués et revus à la lumière des changements des dernières décennies. La récolte autochtone augmente encore parallèlement à l’augmentation de la population jusqu’à ce que les besoins des Autochtones soient comblés. Les gouvernements de Terre-Neuve-et-Labrador et du Québec travaillent en collaboration avec la TRACPU et tous les utilisateurs afin de planifier le retour des chasseurs sportifs, des chasseurs résidents et des pourvoiries. Des inventaires sont effectués tous les trois à cinq ans. Les besoins totaux des autochtones représentent le seuil inférieur admissible de la catégorie 8.

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Catégorie 8 : Abondance élevée et en décroissance

Un apercu

Indicateurs — George Indicateurs — Feuilles Mesures Utilisateurs

• Inventaire : 300 000-500 000 • Estimation modélisée : 300 000-500 000 • Aire de répartition : 300-500 km2 • Adulte : Maigre • Masse à la naissance : 7-6 kg • Masse du faon à l’automne : 45-40 kg • % de femelles sans bois : < 3 • Faons/100 femelles : > 45 • Prédateurs : En croissance • Autres troupeaux importants et en croissance • Sentiers de caribous fortement fréquentés

• Inventaire : 300 000-500 000 • Estimation modélisée : 300-500 000 • Aire de répartition : 300-500 km2 • Adulte : Maigre • Masse à la naissance : 7-6 kg • Masse du faon à l’automne : Aucune donnée • % de femelles sans bois : < 3 • Faons/100 femelles : Aucune tendance • Prédateurs : En croissance • Autres troupeaux importants et en croissance • Sentiers de caribous fortement fréquentés

• Taux de récolte : 5-10 % (15 000-50 000) • Surveillance et déclaration complètes des récoltes • Inventaire tous les cinq ans • Établissement de récoltes non autochtones (sportive/résidents/pourvoirie) • Planification des pratiques exemplaires pour la récolte commerciale

• Autochtones • Non-Autochtones (sportive/résidents/pourvoirie)

Les caribous sont nombreux et leur aire de répartition est vaste. Les adultes et les faons sont maigres, et les prédateurs sont un peu plus abondants, bien qu’encore relativement rares. L’habitat peut commencer à démontrer des signes de détérioration. Le recrutement est de plus de 45/100 femelles, et la population continue à croître. La sécurité alimentaire autochtone est assurée. Les récoltes sportives, des résidents et des pourvoiries sont établies et augmentent, et tous les utilisateurs déclarent de manière précise et complète leurs récoltes. Les autorités autochtones détiennent le contrôle de tous les aspects de la gestion de la chasse. Les communications sont axées sur l’établissement de pratiques exemplaires de récoltes et de gestion pour tous les utilisateurs et renforcent les valeurs fondamentales sociales, culturelles et spirituelles. Des inventaires s’effectuent tous les cinq ans. Tous les utilisateurs travaillent ensemble pour planifier une récolte commerciale qui respecte les valeurs de la chasse et optimise les retombées socio-économiques dans les communautés autochtones.

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SIXIÈME PARTIE : LES PLANS D’ACTION

Le but de la stratégie de gestion est de fournir une direction stratégique de haut niveau pour la gestion du caribou sur la péninsule d’Ungava. Sa mise en œuvre sera déployée, en partie, selon les cinq plans d’action qui auront été élaborés par la TRACPU et qui feront partie de la stratégie de gestion. Les cinq plans d’action sont les suivants, en ordre de priorité : 1) Entente de partage autochtone ; 2) Plan de recherche et de suivi ; 3) Plan de gestion de l’habitat et de l’impact environnemental ; 4) Plan de programme d’intendance, d’engagement et de communication ; et 5) Plan socio- économique.

Entente de partage autochtone (première priorité)

L’entente de partage autochtone est un document fondamental qui établira comment les gouvernements et les nations autochtones se partageront les récoltes limitées en période de rareté. L’entente de partage autochtone consistera à :

• Élaborer des principes de partage pour assurer un accès équitable entre les gouvernements et les nations autochtones.

• Déterminer les meilleures façons de s’adapter au changement dans le temps. • Trouver des mécanismes pour manipuler des récoltes limitées et allouer aux utilisateurs un

accès reflétant les principes identifiés. • Faire le suivi des taux de récoltes. • Permettre à la TRACPU de surveiller la conformité. • Mettre en place des mesures pour diffuser les principes de partage autochtone.

Plan de recherche et de suivi (deuxième priorité)

Un plan de recherche et de suivi déterminera la priorité des activités de recherche en fonction des différents niveaux d’abondance en s’assurant de fournir la bonne information au bon moment. Qu’avons-nous besoin de savoir, et quand ? Il n’est pas facile de répondre à ces questions et les réponses demandent de la réflexion56. Le plan de recherche et de suivi consistera à :

• Élaborer des pratiques exemplaires pour la coproduction de connaissances. • Créer et mettre en œuvre une approche stratégique qui permettra de recueillir les

connaissances de la science et du savoir autochtones et de les intégrer à tous les aspects de la cogestion du caribou.

• S’assurer que les données sont partagées entre tous les partenaires de cogestion. • Élaborer des stratégies pour surveiller et signaler tous les paramètres inclus dans l’approche

multi-critères. • Déterminer des indicateurs de santé et de condition physique et d’en faire leur suivi.

56 Urquhart, 1996

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• Évaluer l’incidence des différentes stratégies de chasse, incluant le biais induit par la chasse sportive envers les grands mâles

• Élaborer des moyens de surveiller les effets des changements climatiques. • Dans tous les cas, élaborer des programmes de recherche qui aideront à déterminer la

catégorie, parmi les huit identifiées dans le cadre du travail, dans laquelle placer une population.

Plan de gestion de l’habitat et de l’impact environnemental (troisième priorité)

Les répercussions du développement industriel et de la pollution/contamination se font ressentir sur l’ensemble du territoire. Dans la plupart des cas, ces répercussions n’ont pas été considérées dans l’approche multi-critères puisqu’aucune tendance historique n’a pu être déterminée. Le plan de gestion de l’habitat et de l’impact environnemental évaluera les processus de gestion appliqués à l’échelle du paysage ainsi que leur efficacité avérée dans l’identification des habitats critiques aux caribous et l’établissement de mesures de protection contre les utilisations incompatibles des terres. De manière générale, la TRACPU soutient les initiatives d’aménagement du territoire, et de manière spécifique, elle approuve celle du règlement des Inuits du Labrador.

Dans un premier temps, afin de déterminer l’habitat essentiel, la TRACPU a adopté la « Maison du caribou » — connu depuis longtemps comme lieu de refuge des caribous de la rivière George en temps de rareté — comme concept central à tout aménagement du territoire. De même, dans l’ouest de la péninsule d’Ungava57 (Figure 5), on considère que l’aire de mise bas cumulative du troupeau de la rivière aux Feuilles occupe un rôle écologique comparable à celui de « la maison du caribou ». Environ 3,3 % de l’aire de mise bas de la rivière aux Feuilles est sous la protection du parc national des Pingualuit, alors que 13 % de « Caribou House » tombe sous la protection du parc national des Monts-Torngat et du parc national de la Kuururjuaq. Une proportion égale des deux aires de mise bas (variant de 10 à 27 %) est protégée en vertu de la loi québécoise en tant qu’habitat faunique58. Le plan de gestion de l’habitat et de l’impact environnemental consistera à :

• Identifier l’habitat essentiel. • Évaluer les impacts cumulatifs du développement, incluant l’exploration et l’extraction

minérale, le développement hydro-électrique, les vols à basse altitude, les activités militaires, les corridors routiers et ferroviaires et les corridors de ligne de transport d’énergie.

• Synthétiser et évaluer les processus d’aménagement du territoire, les désignations d’utilisation du territoire et la planification des aires protégées sur l’ensemble de la zone étudiée.

• Identifier les pratiques exemplaires d’aménagement du territoire dans le nord du Canada. • Prioriser les aires à protéger en considérant les aménagements du territoire déjà existants ou

les aires protégées projetées.

57 Comme identifié par Taillon et coll. (2011) 58 Taillon, 2011

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• Élaborer des outils pour faire le suivi des conditions de l’aire sur l’ensemble de la zone étudiée.

• Déterminer comment les changements climatiques ont affecté, et affecteront probablement, l’habitat sur l’ensemble de la zone étudiée.

• Élaborer un index simple d’habitat pour les aires estivale et hivernale en fonction de la science et du savoir autochtones et de la science occidentale qui sera utilisé pour prédire les tendances de la dynamique de population des caribous.

Figure 5 : Aires protégées relativement aux aires de mise bas et d’habitat important de la rivière aux Feuilles et de la rivière George.

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Programme d’intendance, d’engagement et de communication (quatrième priorité)

L’intendance, l’engagement et la communication sont des thèmes qui se recoupent, et ils seront au cœur de tous les plans d’action. Le plan d’intendance, d’éducation et de communication consistera à :

• Mettre au point une approche uniformisée de collaboration dans laquelle la TRACPU représente une fenêtre unique.

• Documenter et promouvoir des pratiques et des normes usuelles et les lois autochtones. • Élaborer des outils de programmes éducatifs à l’intention des chasseurs pour réduire au

maximum le gaspillage et encourager le transfert du savoir et des compétences des Aînés aux jeunes lorsque l’accès est limité.

• Établir un programme efficace de conservation et de déclaration pour surveiller la conformité. • Utiliser les médias sociaux et créer des plateformes en ligne pour diffuser de messages

importants. • Créer un plan de consultation efficace pour coordonner le partage d’information entre tous les

groupes utilisateurs.

Plan socio- économique (cinquième priorité)

Le caribou procure des avantages sociaux et économiques à tous les utilisateurs. Le plan socio- économique consistera à :

• Élaborer de pratiques exemplaires pour maximiser la valeur sociale du caribou en fonction des différents niveaux d’abondance.

• Optimiser les retombées économiques du caribou à l’aide de la chasse sportive et commerciale lorsque le niveau de population le permet.

• Minimiser les difficultés sociales et économiques à tous les niveaux d’abondance. • Évaluer la valeur économique du caribou pour les économies familiales et les stratégies de

subsistance, surveiller la sécurité alimentaire et élaborer des plans pour atténuer les problèmes liés à la sécurité alimentaire lorsque le caribou est rare en ayant recours au partage, à des stratégies de chasse de rechange et à d’autres moyens.

• Instaurer des lois applicables à la chasse sportive et commerciale qui reflètent les valeurs d’autres secteurs de récolte.

• Concevoir des pratiques de chasse sportive et commerciale qui avantagent les partenaires et les communautés autochtones et qui respectent les valeurs et les normes autochtones.

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HOMMAGES

Feu Chef Isaac Pien

Chef Isaac Pien était un homme qui a fièrement servi notre communauté pendant de nombreuses années. Isaac était un fervent défenseur de notre Nation : il a siégé de nombreuses années au Conseil de la Nation Naskapie, au conseil d’administration de la Société de développement des Naskapis et au sein de plusieurs comités et groupes de travail. M. Pien a été élu Chef le 23 août 2012.

Tous ceux qui l’ont bien connu le savent, Isaac était un homme dévoué à sa famille qui aimait profondément sa femme, Sannie, ainsi que tous ses enfants et petits-enfants. Isaac avait également une profonde connaissance du territoire et était un actif chasseur, trappeur et pêcheur.

Au cours de son long mandat auprès de la Nation Naskapie de Kawawachikamach Isaac a continuellement cherché à trouver un équilibre entre la protection de l’environnement et de nos activités traditionnelles, et le développement de notre territoire. Il reconnaissait le besoin de créer des emplois, mais pas à n’importe quel prix. Il s’est également montré actif dans la défense des intérêts de nos Aînés et dans la reconnaissance de leurs contributions passées et présentes auprès de nos familles et de notre communauté. Il était présent depuis les débuts de la table ronde à Kuujjuaq en janvier 2013. Il savait combien il peut être difficile à plusieurs égards de réunir toutes nations autochtones, il garantissait résolument la participation de la Nation Naskapie à cette table.

M. Pien avait de nombreuses qualités et deux d’entre elles étaient toujours présentes lors des réunions et des rassemblements : respect et humour. Au sein du Conseil, lors des assemblées communautaires ou à la table ronde, il faisait preuve de respect, même si les discussions s’animaient, et ce respect lui était rendu. C’était systématique, et sans exception. Grâce à son sens de l’humour, il était également formidable pour calmer certaines situations et il ne fallait jamais attendre bien longtemps pour avoir un sourire de sa part.

Le leadership et la présence d’Isaac dans notre communauté nous manqueront pendant encore bien longtemps.

Photo Wycliffe Canada | Alan Hood

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Feu Francis Penashue

Ainé Innu, activist pour l’environnement et ancien chef de la première nation de Sheshatshiu nous a quitté en septembre 2013 de la SLA.

La vie de Francis a été une vie de pouvoir et de transformation personnelle, qui rappel à ceux qui connaissent l’histoire des Innus au Labrador, la juxtaposition entre la force et la fierté des Innus sur le territoire et la réalité des difficultés causées par la colonisation forcée vers une vie communautaire.

Plus tard dans sa vie, Francis représentait tout se que sont les Innus de sa génération : forts, résilients et ayant une capacité de fierté lorsqu’il était sur le Nutshimit (territoire). Il a aussi été démontré ce qu’est la définition de la santé et de l’épanouissement pour un Innu ; c’est-à-dire un survivant qui a ouvert les perceptions de plusieurs sur la possibilité du changement, le rejet des principes forcés par la colonisation et la confiance dans son rôle en tant que chasseur Innu, un fournisseur pour sa famille et un enseignant des connaissances innues.

Les Innus et non-Innus se souviennent de Francis pour ses convictions, et pour sa volonté de partager ses connaissances sur le mode de vie Innu, surtout avec les jeunes pour qu’ils puissent comprendre, apprécier et accepter le rôle de la fierté et la dignité pour faire face à ce monde changeant dans lequel nous vivons.

Il est surtout manqué par sa femme, Tshaukuess, qui continue avec leurs enfants et petits-enfants de démontrer et à nourrir la force culturelle Innu – un périple qu’elle avait partagé avec Francis, pour les générations à venir.

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GLOSSAIRE

Récolte autochtone :

Récolte effectuée par des Autochtones à des fins de subsistance.

Récolte non autochtone (sportive/résidents/pourvoirie) :

Récolte effectuée par des non-Autochtones à des fins de subsistance, de gains financiers ou de loisir.

Récolte commerciale :

Récolte effectuée uniquement à des fins de gains financiers.

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