ii. l'endommagement du matériau implanté - insa de...

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Chapitre 1 - Implantation ionique : état de l'art ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 59 II. L'endommagement du matériau implanté : théorie et modèles - Le recuit La production de défauts ponctuels ou étendus dans le matériau à doper est l'inconvénient majeur de l'implantation ionique. Deux types de défauts doivent être considérés : ceux qui proviennent directement de la présence physique des dopants implantés, et ceux qui sont générés dans le matériau par leurs collisions avec la matrice. Les premiers sont liés à la position des ions à la fin de leur trajectoire. Les ions implantés peuvent s'arrêter sur deux sortes de sites : - site substitutionnel (ion à la place d'un atome matriciel) - site interstitiel (ion en-dehors du réseau et électriquement inactif) Les seconds défauts proviennent de la modification de la structure du matériau au cours du bombardement ionique. Ils sont principalement issus des collisions nucléaires s'étant produites entre les dopants implantés et les noyaux des atomes-cibles. A cause de l'effet de recul, un ion implanté peut générer plusieurs déplacements d'atomes, c'est-à-dire plusieurs paires de Frenkel (associations lacune - interstitiel). C'est pourquoi la concentration de ces défauts dynamiques peut être bien plus importante que celle des défauts du premier type, cette dernière ne pouvant dépasser la concentration du dopant. Après avoir présenté sommairement la théorie de la création et de la distribution de ces défauts, ainsi que le problème de l'amorphisation du cristal implanté, nous en verrons les principales modélisations. Ensuite, nous examinerons la technique du recuit, dont un des buts consiste à réduire la concentration en volume des défauts liés à l'implantation. Nous verrons en particulier les interactions pouvant exister entre la recombinaison de ces défauts et la diffusion éventuelle des dopants (ce phénomène est très important pour les jonctions submicroniques dans le silicium). Une comparaison entre le Si et le SiC est donnée au cours des différentes parties.

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II. L'endommagement du matériau implanté : théorie

et modèles -

Le recuit

La production de défauts ponctuels ou étendus dans le matériau à doper est

l'inconvénient majeur de l'implantation ionique. Deux types de défauts doivent être

considérés : ceux qui proviennent directement de la présence physique des dopants

implantés, et ceux qui sont générés dans le matériau par leurs collisions avec la matrice.

Les premiers sont liés à la position des ions à la fin de leur trajectoire. Les ions

implantés peuvent s'arrêter sur deux sortes de sites :

- site substitutionnel (ion à la place d'un atome matriciel)

- site interstitiel (ion en-dehors du réseau et électriquement inactif)

Les seconds défauts proviennent de la modification de la structure du matériau au

cours du bombardement ionique. Ils sont principalement issus des collisions nucléaires

s'étant produites entre les dopants implantés et les noyaux des atomes-cibles. A cause de

l'effet de recul, un ion implanté peut générer plusieurs déplacements d'atomes, c'est-à-dire

plusieurs paires de Frenkel (associations lacune - interstitiel). C'est pourquoi la

concentration de ces défauts dynamiques peut être bien plus importante que celle des

défauts du premier type, cette dernière ne pouvant dépasser la concentration du dopant.

Après avoir présenté sommairement la théorie de la création et de la distribution de

ces défauts, ainsi que le problème de l'amorphisation du cristal implanté, nous en verrons

les principales modélisations. Ensuite, nous examinerons la technique du recuit, dont un

des buts consiste à réduire la concentration en volume des défauts liés à l'implantation.

Nous verrons en particulier les interactions pouvant exister entre la recombinaison de ces

défauts et la diffusion éventuelle des dopants (ce phénomène est très important pour les

jonctions submicroniques dans le silicium). Une comparaison entre le Si et le SiC est

donnée au cours des différentes parties.

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A. Les défauts engendrés par l'implantation

ionique

Le cas de l’amorphisation

1. Les défauts ponctuels

Les défauts ponctuels, bien que de densité faible par rapport au cristal, peuvent

avoir un rôle important sur l'activation des dopants implantés. En effet, il y a souvent une

grande possibilité de coalescence de ces défauts en boucles de dislocations durant le recuit,

ce qui peut gêner fortement la recristallisation.

Il existe quatre sources principales d'interstitiels en excès. La Fig. II-1 représente

schématiquement l'arrivée d'un ion sur une surface cristalline, et les quatre cas de figures

qui peuvent en résulter (dans la gamme énergétique étudiée). Premièrement, si les ions

implantés ne déplacent aucun atome de la matrice, ils sont stoppés à une distance

proportionnelle à leur énergie d'incidence, et forment ainsi un défaut interstitiel à cet

endroit. Si l'ion déplace un atome de la surface (deuxième cas) ou un atome se trouvant

dans une zone amorphe éventuelle (troisième cas), un interstitiel supplémentaire sera alors

créé. Ce troisième cas se révèle très important dans la pratique. Enfin, une paire de Frenkel

peut être créée si l'atome éjecté n'est pas remplacé par un ion incident, produisant ainsi une

lacune dans le réseau.

Dans le quatrième cas, la particule éjectée peut à son tour créer une autre paire de

Frenkel si son énergie est suffisante pour briser une liaison cristalline. Un seul ion incident

peut donc déplacer de nombreux atomes par suite de nombreuses collisions nucléaires : ce

phénomène est dénommé cascade de collisions. On comprend que le taux de défauts

engendrés sera directement proportionnel au nombre d'ions, c'est-à-dire à la dose

implantée. Pour une implantation donnée, le point d’endommagement maximal se situe aux

environs du pic de distribution du dopant. Ensuite, lorsque la dose augmente pour une

énergie donnée, on observe généralement une extension de la zone endommagée à partir de

ce point jusque vers la surface.

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A m o rphe

P re m ie r c a s

D e uxiè m e c a s

T ro is iè m e c a s

Q ua tr iè m e c a s

Fig. II-1 Les sources d'interstitiels

Le taux de défauts engendrés dépend également de la masse de l'ion et de son

énergie. En effet, l’énergie transférée au cristal suite aux collisions nucléaires (dEn

dx)

dépend essentiellement de ces deux paramètres. Dans le cas du silicium, il a été prouvé

qu’au-dessus d’un transfert d’énergie égal à 1024 eV/cm3, l'endommagement du cristal est

tel que toutes les symétries locales seront brisées, produisant ainsi son amorphisation

[Maszara’86]. Lorsqu’un ion est implanté, il subit d’abord des collisions électroniques,

puis nucléaires à mesure de son ralentissement. Plus l’ion sera lourd, et plus la limite entre

les deux types de collisions sera rapidement atteinte (les arrêts nucléaires étant importants).

Cela signifie que, dans le cas d’un ion lourd, le transfert d’énergie seuil d’amorphisation

sera atteint avec des énergies d’implantation plus faibles que dans le cas d’un ion léger.

Un autre paramètre très important pour la création de défauts est la température du

matériau-cible lors de l’implantation (notée TI). Si elle est supérieure à la température

ambiante, les atomes déplacés peuvent diffuser vers des sites vacants, provoquant ainsi une

recombinaison partielle des défauts. Ce phénomène est appelé ‘auto-recuit’ ; il permet

notamment d’amoindrir l’endommagement produit par l’implantation d’ions massifs ou à

dose élevée [Giles’88]. Dans le cas du SiC, il a été montré par plusieurs auteurs qu'une

implantation à température élevée permettait d'éviter l'amorphisation ([Rao'95],

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[Gardner'96], [Edmond'87]). Il semble exister une température optimale pour laquelle

l'endommagement est minimal : elle est comprise entre 300 et 1000°C, et dépend de la

dose et de l'ion [Glaser'96]. Si la température est plus faible que sa valeur optimale, le taux

de recombinaison lacune-interstitiel est trop faible par rapport à leurs créations, et si elle est

supérieure, des défauts étendus se créent dans le cristal à cause de la mobilité thermique

(dislocations, précipités).

2. Les défauts étendus

Afin de classer les types de défauts étendus induits par une implantation

ionique, une méthode intéressante revient à comparer la distribution de densité de défauts

avec la valeur du Transfert d'Energie Seuil (TES). Ce dernier peut être exprimé en eV/cm3,

eV/atome ou en dpa (déplacements par atome). Le Tableau II-1 compare les valeurs du

TES pour Si et SiC. Notons que, outre le fait que le seuil d'amorphisation est plus

important pour le SiC à cause de ses liaisons chimiques plus énergétiques, il est constant en

température entre 20 et 300 K. Cela est dû à la très faible mobilité des défauts dans le SiC

en-dessous de 300 K, ce qui rend impossible tout effet d'auto-recuit à cette température.

1024 eV/cm3 eV/atome dpa

Si à 300 K

[Wang'85]

1,4 28 0,8

Si à 90 K

[Wang'85]

0,5 10 0,3

SiC (20-300 K)

[Weber'96]

2,0 20 0,3

Tableau II-1 Transferts d'Energie Seuil d'amorphisation comparés

Notons que pour calculer le déplacement par atome, il est nécessaire de connaître

les valeurs des énergies de déplacement, qui sont les énergies nécessaires pour déloger un

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atome de son site cristallin. Les valeurs retenues pour établir ce tableau ont été : 15 eV

pour Si et 25 eV pour SiC [Alexander'96].

La comparaison entre le TES et la distribution de défauts peut donner lieu à trois

situations possibles, qui déterminent le type des défauts qui résulteront ensuite du recuit :

pas de couche amorphe (dose trop faible), couche amorphe enterrée, ou encore couche

amorphe en surface. La catégorie de défauts est directement reliée à la position de la

couche amorphe dans le matériau. Cinq types de défauts sont catalogués ([Jones'93]).

Sur les figures suivantes, la lettre c désigne le cristal, et a la zone amorphe.

a) Type I

R p

c

T E S

De

nsité

de

faut

s

T ype I

Fig. II-2 Défaut de type I

Ces défauts se forment au-dessus d'une certaine dose critique, sans qu'il n'y ait

d'amorphisation. Cette dose critique, égale à 1014 cm-2 pour Si, représente le point où la

concentration des interstitiels dépasse le niveau nécessaire à la formation de défauts

étendus stables. Ces défauts sont une sursaturation d'interstitiels, qui évoluent ensuite en

boucles de dislocations pendant le recuit. Ils sont placés autour du parcours moyen projeté

Rp dans le cas du Si, et autour de 0,7 x Rp dans le cas du SiC [Rao'95]. Notons qu'ils sont

souvent reliés à l'implantation d'ions légers, pour lesquels le TES est important.

Une forte dépendance des défauts de type I avec la dose et l'énergie a été observée.

Cela prouve que la source de ces défauts est associée, d'une part aux ions implantés eux-

mêmes, et d'autre part aux paires de Frenkel (dont le nombre croît avec l'énergie

d'implantation).

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Notons que l'effet de canalisation tendra à réduire l'apparition de ces défauts, en

augmentant la valeur de la dose critique correspondante.

b) Type II

Ces défauts se forment derrière l'interface amorphe/cristal lorsque qu'une zone

amorphe surfacique est créée. Ce sont les défauts les plus courants, et nous aurons souvent

l'occasion de les étudier. Nous les appellerons : défauts Fin De Parcours, ou défauts FDP.

R p

c

T E S

De

nsité

de

faut

s

T ype I I

a

Fig. II-3 Défauts de type II

Contrairement aux défauts de type III, IV et V qui peuvent être évités dans certaines

conditions opératoires bien précises, ces défauts sont inévitables en cas d'amorphisation.

Après l'implantation, la zone est sursaturée d'interstitiels, qui évoluent en boucles de

dislocations pendant le recuit : le comportement est donc similaire aux défauts de type I.

A l'aide de micrographies TEM, il a été montré que l'augmentation de l'énergie et de

la dose provoquait une augmentation des interstitiels [Jones'88]. La source des interstitiels

ne pouvait être néanmoins les ions implantés eux-mêmes, car la densité de défauts est plus

élevée que la dose. D'autre part, les interstitiels ne pouvaient être totalement issus des

paires de Frenkel, car la concentration d'atomes liés aux défauts n'est pas correctement

modélisée par le taux d'endommagement déposé vers l'interface a/c. Une autre

modélisation a permis d'établir que la source dominante était les atomes de la matrice,

repoussés par les collisions nucléaires, et provenant de la zone amorphe [Gannin'89]. Cette

hypothèse est aujourd'hui acceptée par la plupart des auteurs.

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Une diminution de la température d'implantation tendra à diminuer la valeur du

TES, et donc à augmenter l'épaisseur de la zone amorphe. Par conséquent, il y aura moins

d'atomes repoussés derrière l'interface a/c pour une implantation donnée, et donc moins de

défauts de type II. Le phénomène contraire est observé si l'on augmente TI. La propriété

primordiale de ces défauts de type II est de constituer un centre de diffusion des dopants et

des diverses impuretés. Cette diffusion, appelée 'Transient Enhanced Diffusion' (TED), est

un problème important pour la création de jonctions électriques peu profondes dans le Si,

car le dopant peut énormément diffuser en volume vers les boucles de dislocations, et ainsi

conduire à un élargissement de la jonction.

Dans le cas du SiC, les faibles mobilités des dopants et des défauts permettent de

considérer ce problème comme relativement mineur par rapport à d'autres paramètres. C'est

pourquoi les auteurs ne choisissent généralement pas une valeur de TI inférieure à 25°C,

mais au contraire supérieure (afin d'éviter l'amorphisation).

c) Type III

R p

c

T E S

De

nsité

de

faut

s

T ype I I

a

T ype I I I

Fig. II-4 Défauts de type III

Ces défauts sont associés à une recristallisation imparfaite durant le recuit. Ce sont

souvent des dislocations en forme de V, qui apparaissent lorsque l'interface a/c rencontre

des zones microcristallines désorientées par rapport au substrat. Ces zones peuvent être

importantes lorsque l'interface a/c est graduelle, soit quand l'ion implanté est léger. Une

étape intermédiaire de recuit vers 300°C, avant la recristallisation proprement dite, s'est

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avérée être une bonne méthode (pour Si) pour réduire ces zones grâce à un réarrangement

local [Cerofolini'84].

Les défauts de type III proviennent parfois de la réjection d'espèces implantées par

l'interface a/c durant le recuit. A cause de la faible solubilité de ces espèces et de leur

grande diffusivité dans le silicium amorphe, l'ion est rejeté vers la surface suite à la

cinétique de l'épitaxie en phase solide.

d) Type IV

C'est le cas d'une couche amorphe enterrée. Les défauts de type IV apparaissent

entre les deux interfaces a/c lors du recuit.

R p

c

T E S

De

nsité

de

faut

s

T ype I I

a

T ype IV

c

Fig. II-5 Défauts de type IV

Une couche amorphe enterrée résulte souvent de l'implantation d'ions à forte

énergie et à faible dose. La recristallisation de cette zone crée des boucles de dislocations,

dont le diamètre peut atteindre 2000 Å. Ces dislocations, comme beaucoup d'autres défauts,

peuvent piéger les dopants, et réduire leur activation électrique. Précisons que ces défauts

sont moins stables thermiquement que les défauts de type II [Jones'88].

e) Type V

La configuration est la même que celle de la Fig. II-4, à cette différence près que la

solubilité solide du dopant est dépassée. Le recuit pourra alors dissoudre les précipités de

dopants, lesquels forment ensuite des boucles de dislocations, souvent centrées sur Rp.

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Notons que les défauts étendus ne s'observent pas pour tous les dopants (dans le Si), et

qu'un recuit thermique rapide (1100°C / 2s) permet de les annihiler.

3. L'amorphisation

De la même manière que pour le transfert d’énergie, nous pouvons définir une dose

critique, définie comme étant la dose minimale nécessaire pour amorphiser le matériau-

cible. La Fig. II-6 montre la variation de cette dose critique pour Si en fonction de la

température, et pour trois ions de masses différentes [Morehead’70]. Les deux tendances à

retenir sont :

- l’augmentation de la dose critique avec la température d’implantation, grâce à

l’auto-recuit qui provoque une recombinaison des défauts

- la variation inverse de la dose critique avec la masse de l’ion : les ions lourds

déplaçant plus d’atomes-cibles, l’amorphisation risque de se produire avec une dose plus

faible.

Fig. II-6 Variation de la dose critique avec TI et la masse de l’ion implanté dans Si[Morehead’70]

La formation d'une phase amorphe durant l'implantation du silicium, notamment

étudiée par Shih, a été montrée comme résultant d'une transformation de phase du premier

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ordre, et non d'une simple accumulation graduelle de défauts ponctuels [Shih’85]. Cette

transformation thermodynamique du premier ordre a été révélée expérimentalement, par le

caractère souvent très abrupt de l'interface amorphe/cristal observé sur des photographies

XTEM [Jones'93]. Notons que cette interface sera d'autant plus abrupte que la dose est

élevée, et que l'ion implanté est lourd.

Plusieurs modèles ont été proposés pour décrire l'amorphisation dans un matériau.

La plupart de ces modèles sont catalogués suivant deux catégories, dépendant du caractère

homogène ou hétérogène du procédé. Le modèle hétérogène repose sur l'idée que chaque

ion implanté crée un cylindre amorphe, et que l'exodiffusion des lacunes hors de ce

cylindre décrit la dépendance de l'amorphisation avec la température [Morehead'70]. Une

couche amorphe résulte du chevauchement de ces cylindres. Le modèle homogène est basé

sur le fait que lorsque la concentration de défauts atteint une valeur critique en un point du

système, le matériau s'amorphise [Shih'85]. Ces deux modèles peuvent prédire s'il y aura

amorphisation pour une implantation donnée, mais ils ne peuvent donner ni sa profondeur,

ni sa continuité (poches amorphes isolées ou zone continue).

Le concept de Transfert d'Energie Seuil propose de calculer le taux d'énergie

transférée par collisions nucléaires [Williams'83]. Le TES est mesuré en comparant la

profondeur de l'interface a/c (mesurée sur des photographies TEM) avec la distribution de

défauts simulée. Il suffit de multiplier la valeur obtenue (en eV/Å) par la dose implantée,

pour obtenir le TES en eV/cm3 donné dans le Tableau II-1. Comme nous l'avons vu en II-

A-2, ce modèle permet ensuite de prédire la profondeur de la couche amorphe, ainsi que les

types de défauts issus du recuit.

L'amorphisation du SiC est également souvent décrite par le modèle d'énergie

critique. Contrairement au Si, l'amorphisation du SiC à température ambiante n'est que peu

influencée par la masse de l'ion. La Fig. II-7 montre la densité d'énergie critique en fonction

de la perte d'énergie par collisions nucléaires : alors que le seuil d'amorphisation devient

très élevé pour les ions de faible masse dans le cas du Si, il ne varie quasiment pas pour le

SiC. Cela signifie qu'il est possible d'amorphiser le SiC avec des ions très légers, même de

l'hydrogène ou de l'hélium [Musumeci'96].

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Fig. II-7 Densité d'énergie critique en fonction de la perte d'énergie élastique

[Musumeci'96]

Un effet important de l'amorphisation est la diminution de densité du SiC : elle vaut

2,80 g.cm-3, au lieu de 3,2 g.cm-3 dans l'état cristallin [Alexander'96]. Cet effet

s'accompagne d'un 'gonflement' du volume du cristal, aisément détectable par

profilométrie, valant environ 15 % (cf. [Heera'95], [McHargue'93] ).

B. La modélisation des défauts

Dans la gamme énergétique qui nous concerne, les ions légers perdent beaucoup de

leur énergie cinétique par des collisions inélastiques, tandis que les ions lourds la perdent

plutôt par des collisions élastiques. Or, ce sont ces dernières qui sont responsables de

l'endommagement cristallin du réseau, en créant surtout des paires de Frenkel.

Dans le but d'estimer le nombre d'atomes déplacés par ion, les formules de Kinchin-

Pease ont été d'abord développées, en se basant sur un calcul local. Des développements

dans les calculs de déplacement atomique ont conduit à d'autres méthodes d'estimation de

la distribution de densité de défauts. Nous verrons les deux programmes principaux de

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simulation basés sur la méthode de Monte-Carlo, à savoir TRIM et MARLOWE. Le

programme spécifique pour le SiC, et développé au CNM, sera également examiné.

1. La méthode de Kinchin-Pease

La méthode de Kinchin-Pease détermine le nombre total d'atomes déplacés dans le

matériau par le simple calcul suivant :

N EEn

Ed( ) =

⋅2Eq. II-1 [Kinchin'55]

où En est l'énergie totale perdue par les chocs nucléaires

Ed est l'énergie de seuil de déplacement des atomes du matériau. Cette

énergie est de l'ordre de 15 eV pour Si et 25 eV pour SiC [Alexander'96]. Ce modèle

considère qu'un ion incident augmente le nombre de particules en mouvement, uniquement

si son énergie est supérieure à 2 Ed. Si elle est inférieure, l'atome sera délogé hors de son

site, mais l'ion incident perdra une énergie au moins égale à Ed, et il sera stoppé. Le

nombre de particules en mouvement restera donc identique dans le matériau.

Ce modèle a servi en fait de principe de base pour beaucoup d'autres, et notamment

pour le modèle '+1' qui considère que le nombre total d'interstitiels dans le matériau

implanté est la somme des atomes cristallins éjectés (paire de Frenkel) et des ions

implantés [Giles'91].

Il est reconnu en fait que ce modèle Kinchin-Pease n'est qu'une approximation très

locale de l'endommagement, qui néglige en particulier les trajectoires des atomes éjectés, la

séparation spatiale des profils de lacunes et d'interstitiels, et leur éventuelle recombinaison.

2. La simulation Monte-Carlo

Plusieurs auteurs ont affiné le modèle Kinchin-Pease, en l'adaptant à la simulation

du type Monte-Carlo. Le domaine énergétique courant (quelques centaines de keV au

maximum) a principalement été étudié par Hobler [Hobler'95], et des calibrations dans le

domaine des MeV ont même été récemment présentées [Lulli'97]. Dans ce dernier cas, un

phénomène particulier semble avoir lieu : des macrodéfauts sont formés dans le matériau

implanté, donnant lieu à un volume amorphe 10 fois plus important que prévu. Cet effet a

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été d'abord attribué à un 'pic thermique', l'énergie totale des atomes étant supérieure au

point de fusion du silicium [Brown'85]. Une autre explication attribue cet effet à

'l'explosion de Coulomb', d'origine purement électronique [Fedotov'95].

Selon le modèle de Kinchin-Pease modifié, le nombre d'atomes déplacés par

collisions nucléaires s'exprime de la façon suivante :

N EEn

Ed( )

.= ⋅ν

2Eq. II-2 [Robinson'65]

Le paramètre ν est appelé facteur d'endommagement. Il dépend de la section de

capture et des potentiels interatomiques. Une valeur typique de 0,8 existe, qui peut

néanmoins varier selon les auteurs [Sigmund'69].

a) Le code TRIM

Dans le programme standard TRIM, l'énergie transférée à un atome-cible est

analysée pour donner les résultats suivants : l'ionisation induite par les atomes repoussés, le

nombre de lacunes et d'interstitiels créés suite à une cascade de collisions, et également le

nombre de collisions transférant des énergies inférieures à Ed (énergie de déplacement), et

qui produisent des phonons. Le code TRIM couple deux méthodes : celle de Kinchin-Pease

modifiée pour les calculs locaux, et celle de la cascade de collisions (suivi des atomes

individuels reculés jusqu'à ce que leur énergie devienne inférieure à Ed). Cette dernière

donne directement la distribution spatiale des défauts [Ziegler'85].

Nous donnons ici de façon très schématique le principe global de raisonnement.

Soit Z1 le numéro atomique de l'ion, et Z2 celui de l'atome-cible. E1 et E2 sont les

énergies des deux particules après la collision.

Si E2 > Ed, l'atome bousculé a assez d'énergie pour quitter son site : c'est le

déplacement. Si, en plus, E1 > Ed, l'ion incident quitte également le site. L'atome-cible

devient à son tour une particule incidente, d'énergie égale à E2 moins son énergie de liaison

cristalline.

En cas de déplacement de l'atome, mais si E1 < Ed, deux cas de figure peuvent se

présenter : (1) Z1 = Z2 l'ion incident reste sur le site, c'est une collision de remplacement

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(équivalente à un 'carreau' au jeu de pétanque) ; (2) Z1 ≠ Z2 l'ion devient substitutionnel (et

électriquement actif).

Si E2 < Ed, l'atome éjecté n'aura pas assez d'énergie et il retournera alors à son site

en créant des phonons. Si, de plus, E1 < Ed, l'ion devient un interstitiel tout en produisant

également des phonons, ce qui échauffe le matériau.

b) Le code MARLOWE

Dans ce code, les déplacements des atomes du réseau cristallin sont régis par le

critère du seuil d'énergie, ou par celui de la séparation des paires de Frenkel [Robinson'74].

Notons qu'avec la procédure de collision binaire utilisée par MARLOWE, les atomes

déplacés le sont de façon permanente (il n'y a pas d'instabilité ou d'interactions).

Le critère du seuil d'énergie utilise un raisonnement comparable à celui de TRIM,

en utilisant une énergie minimale Ed nécessaire pour provoquer un déplacement permanent.

Le nombre de paires de Frenkel déterminé est linéaire avec l'énergie cinétique transférée, et

indépendant de TI. Le critère de la séparation des paires de Frenkel considère que si la

distance entre une lacune et un interstitiel est inférieur à une certaine valeur, les défauts

ponctuels vont nécessairement se recombiner. Dans ce cas, le nombre de défauts produits

n'est pas linéaire avec l'énergie, due à une forte recombinaison dans les zones très

perturbées.

De nombreux auteurs ont travaillé sur l'implémentation de modèles

d'endommagement valides dans le code MARLOWE. Un modèle de défauts cumulés,

particulièrement utilisé pour l'implantation de bore dans le silicium, prend en compte la

formation des défauts ponctuels, leur recombinaison éventuelle, et leur effet sur les

trajectoires des ions implantés par la suite [Klein'91]. Ce modèle s'est révélé être inadéquat

pour des ions plus lourds tel que l'arsenic, qui peuvent créer des zones amorphes très

localisées.

Une amélioration de ce modèle permet de tenir compte de ces 'poches amorphes'

[Yang'96]. Le critère de transition cristal/amorphe utilisé considère la concentration des

atomes déplacés, la valeur de transition étant égale à 10 % [Christel'81b]. Nous verrons

d'ailleurs que ce critère s'applique également au SiC. Ensuite, la structure du cristal local

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Chapitre 1 - Implantation ionique : état de l'art----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

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est tournée aléatoirement pour simuler cette zone amorphe. La probabilité pour un ion de

pénétrer dans cette zone est calculée avec un paramètre ajustable suivant les cas.

c) Le logiciel du CNM

Le logiciel spécifique au SiC, mis au point au CNM, se propose d'étudier l'effet de

canalisation et du transport d'énergie par recul sur la création des défauts par implantation.

Pour cela, il suit la cascade de collisions engendrée par les atomes de silicium et de carbone

délogés de leurs sites. L'endommagement créé par ces atomes est simulé, ainsi que

l'éventuelle canalisation de leur trajectoire.

Avec ce logiciel, les distributions de lacunes et d'interstitiels sont différentes selon

le type d'atomes considéré (Si ou C). Le pic de distribution dépend de l'énergie incidente

des ions, ainsi que des angles d'implantation. Par exemple, si la canalisation des dopants est

importante, le pic de défauts est décalé en profondeur.

Le phénomène d'amorphisation est également pris en compte, ainsi que le

changement de densité du SiC qui l'accompagne.

C. Le recuit

Le recuit thermique est une étape primordiale dans le procédé du dopage par

implantation ionique. Les deux buts principaux sont : la recristallisation du matériau, c'est-

à-dire une recombinaison des défauts, et l'activation électrique des dopants, soit une

diffusion locale en site substitutionnel.

Nous présentons d'abord le problème lié à la recristallisation : nous verrons les

problèmes liés à l'annihilation des défauts ponctuels, puis à celle des défauts étendus. Nous

reviendrons en particulier sur la classification de ceux-ci en cinq types, chacun de ces types

étant plus ou moins stable durant un même recuit [Jones'93]. La présence d'une phase

amorphe et des défauts Fin De Parcours (type II) sera examinée de près, le recuit

s'accompagnant dans ce cas d'une épitaxie en phase solide.

Les principales étapes du recuit du silicium implanté seront ensuite étudiées, ainsi

que les mécanismes physiques qui les accompagnent. Le cas du Si est primordial pour

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notre étude, le recuit du SiC n'étant que très peu modélisé à l'heure actuelle. Deux

catégories de recuit thermique existent : le recuit dans un four 'classique', et le recuit rapide.

Ce dernier est utilisé principalement pour la création de jonctions très superficielles dans le

silicium. Nous verrons quels sont les problèmes cruciaux à résoudre dans ce dernier cas.

1. Les défauts ponctuels

Les travaux présentés dans la littérature à propos des interactions entres les défauts

durant le recuit du Si ont souvent pour but de modéliser les phénomènes. En fait, une

grande partie des connaissances des structures des défauts et de leur comportement

thermique provient des études détaillées, menées durant les vingt dernières années, à

propos des irradiations électroniques [Asom'87]. Des techniques telles que la DLTS (Deep

Level Transient Spectroscopy), la photoluminescence ou EPR (Electron Paramagnetic

Resonance) ont permis d'identifier la plupart de ces structures, surtout dans le domaine des

faibles doses (< 1013 cm-2). Pour des doses plus élevées, ce sont la RBS (Rutherford

Backscattering Spectrometry) ou la TEM (Transmission Electron Microscopy) qui sont

utilisées.

Les interstitiels et lacunes générés par l'implantation sont mobiles à la température

ambiante, et il se produit d'importantes recombinaisons, ainsi que des amas de défauts, ou

des formations de paires défaut-dopant. Ces phénomènes finissent par introduire de

nombreux complexes assez stables. En général, les paires de défauts ponctuels, soit les

associations interstitiel-dopant ou lacune-dopant, sont dissoutes vers 450°C dans Si. Mais

les paires de Frenkel (lacune-interstitiel) et les associations interstitiel-interstitiel ou

lacune-lacune sont beaucoup plus stables, et elles se coalescent souvent en défauts étendus

lors d'un recuit. Le modèle '+1' considère que, même si tous les défauts se recombinent

intensément, il restera toujours des interstitiels (le dopant lui-même par exemple).

Une étude récente a permis de comprendre l'évolution des défauts ponctuels en

défauts étendus, à partir d'implantation de Si par du Si [Benton'97]. Jusqu'à 350°C,

seulement 2 % des paires de Frenkel ne se recombinent pas : le nombre d'interstitiels et de

lacunes est alors exactement identique. Au-delà de cette température, seuls les interstitiels

demeurent, ce qui prouve que ces derniers sont plus stables thermiquement que les lacunes.

Si la température augmente, les interstitiels s'agglomèrent et forment de nombreux amas.

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La taille de ces amas augmente avec la dose ; des défauts très étendus apparaissent à partir

de 680°C lorsque la dose est supérieure à 5x1013 cm-2. Ces défauts étendus sont très

importants, et nous examinerons leur rôle dans la partie II-C-3 concernant la TED

(Transient Enhanced Diffusion).

La recristallisation du SiC est plus difficile que celle du Si. Les faibles mobilités

des défauts ponctuels dans le SiC font que les paires de Frenkel nécessitent une

température plus élevée que dans le Si pour se recombiner. Le Tableau II-2 présente une

comparaison entre les énergies de migration des défauts et leurs diffusivités dans les deux

matériaux.

Energie de migration (eV) Diffusivité à 1000°C (cm2s-1)

Si SiC Si SiC

Lacune (V) Si 1,80 7,39 2,3 x 10-9 6,2 x 10-32

C 6,10 1,1 x 10-26

Interstitiel (I) Si 1,77 6,04 5,0 x 10-6 1,4 x 10-26

C 1,47 2,0 x 10-8

Tableau II-2 Mobilités des défauts ponctuels dans Si [Agarwal'95]

et SiC [Huang'94]

Les défauts ponctuels les plus mobiles dans le SiC sont les interstitiels de carbone.

De plus, l'énergie de déplacement d'un atome de carbone est plus faible que celle d'un

atome de silicium. Précisons que des analyses Raman récentes ont montré la présence de

nombreuses liaisons homonucléaires Si-Si et C-C dans le SiC après implantation

[Perez'96]. Si le SiC n'est pas amorphisé, des températures de recuit inférieures à 1400°C

peuvent produire une bonne recristallisation [Pacaud'97]. Suite à une implantation à faible

dose de chrome, des auteurs ont même observé l'absence de défauts pour un recuit inférieur

à 1000°C [McHargue'93].

2. Les défauts étendus

Les défauts étendus formés par implantation peuvent être classés en cinq types

distincts (cf. II-A-2) [Jones'93]. Les défauts de type III, IV et V peuvent être évités en

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jouant sur les conditions opératoires de l'implantation. Nous examinons ici les défauts de

type I et II qui sont particulièrement importants.

Les défauts de type I sont une sursaturation d'interstitiels placés aux alentours de

Rp (ou de 0,7 x Rp pour SiC), formés sans apparition de phase amorphe. Leur cinétique de

dissolution dans Si indique que, pour une même température de recuit, le temps de recuit

nécessaire varie avec la dose implantée [Gannin'89]. Par exemple, pour une dose égale à

4x1014 cm-2, les défauts sont dissous pour un recuit d'une durée de 47 s à 1100°C. Si la

dose est doublée, il faudra 64 s pour obtenir le même résultat. Cela s'explique par le fait

qu'une grande partie des interstitiels liés aux dislocations sont des dopants ; une

augmentation de la dose implique donc une plus grande densité de défauts de type I, et

nécessitera un temps de recuit plus élevé pour les dissoudre.

Certains auteurs, après avoir implanté des ions Si dans du SiC-6H à une dose

suffisamment faible pour ne pas avoir d'amorphisation, ont observé l'apparition durant le

recuit de microinclusions SiC-3C vers le pic de distribution [Pezoldt'93].

Les défauts de type II sont appelés défauts FDP (Fin de Parcours), et sont situés en

cas d'amorphisation derrière l'interface a/c (amorphe/cristal). Ils résultent de l'empilement

d'atomes éjectés hors de la zone amorphe par les collisions nucléaires avec les dopants, et

ce sont les défauts les plus stables. Ils sont d'autant plus stables que l'énergie d'implantation

est importante. Par contre, si la dose est suffisamment grande pour avoir un excès de la

solubilité pendant le recuit, et que TI est très faible (afin de minimiser la concentration des

défauts - cf. II-A-2), la dissolution peut être complète pour certaines espèces telles que As,

P ou Ga [Jones'88]. Mais en général, il est très difficile de les annihiler.

L'énergie d'activation de leur dissolution est égale à 5 eV, ce qui est comparable

avec l'énergie de diffusion du Si dans le Si [Seidel'85]. En effet, les atomes de Si liés aux

dislocations diffusent hors de celles-ci pour provoquer la dissolution.

Une modélisation du comportement dynamique des défauts FDP durant le recuit a

été récemment proposée [Bonafos'98]. Durant le recuit, le carré du rayon moyen des

boucles de dislocation augmente linéairement avec le temps de recuit t, tandis que leur

densité diminue (en 1/t) par l'inter-diffusion d'atomes Si entre les boucles. Le nombre total

des interstitiels emmagasinés dans les boucles reste constant. Ensuite, lorsque la nucléation

est terminée, et qu'est obtenu un équilibre local entre les défauts ponctuels et étendus,

l'épitaxie en phase solide commence et l'interface a/c se déplace vers la surface du

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matériau. Le comportement des défauts FDP est modélisé à l'aide de la théorie d'Ostwald

appliquée à la géométrie des boucles de dislocation. Notons que si ces défauts sont situés

dans la zone de charge d'espace d'une jonction, ils peuvent être responsables de

l'augmentation du courant de fuite en inverse [Alquier'95].

Dans le silicium, l'épitaxie en phase solide (ou EPS) débute aux environs de 500°C.

Il a été montré que les dopants qui sont déjà en substitution augmentent la vitesse de

déplacement de l'interface a/c vers la surface [Drosd'80]. Dans le SiC, il semble qu'une

recristallisation de la phase amorphe débute vers 900°C [Heera'95]. La vitesse d'avancée de

l'interface a/c semble augmenter avec la température du recuit.

Une étude de l'influence de la dynamique de chauffe au début du recuit a donné des

résultats intéressants [Pezoldt'93]. La Fig. II-8 montre la fraction recristallisée d'une couche

amorphe en fonction de la température de l'échantillon, et ceci pour trois rampes linéaires

de chauffe. Plus cette rampe est rapide, et plus la recristallisation s'accomplit à une

température élevée. Des analyses TEM ont permis aux auteurs de conclure que la structure

du polytype n'est pas déterminée par la température du plateau de recuit, mais par la

température à laquelle la plus grande partie de la zone amorphe est recristallisée. Or, la

phase cubique est d'autant plus stable qu'elle apparaît à une température faible. Cela

signifie que la reproduction du polytype du matériau implanté ne peut advenir que dans le

cas où le temps de chauffe est plus faible que le temps de recristallisation de la couche

amorphe.

Fig. II-8 Fraction cristallisée χ en fonction de la température de recuit, etparamétrée suivant la vitesse de chauffe

1 - 30 K/s ; 2 - 120 K/s ; 3 - 600 K/s

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3. Les étapes principales du recuit

Nous décrivons en premier lieu les propriétés du recuit 'conventionnel', où les

durées sont au minimum de quelques minutes. C'est ce type de recuit qui va être exploité

pour le SiC. Mais en VLSI (Very Large Scale Integration), le but du recuit n'est pas

seulement la recristallisation ou l'activation du dopant, il est aussi d'éviter la diffusion de

celui-ci, afin d'avoir des jonctions superficielles. Nous verrons ce recuit, dit rapide, où les

durées sont de quelques secondes.

a) Le recuit 'conventionnel'

Les caractéristiques du recuit dépendent du type du dopant et des paramètres de

l'implantation. Si le matériau est amorphe, la recroissance se fait par Epitaxie en Phase

Solide (EPS), où l'interface amorphe/cristal avance vers la surface, à une vitesse qui dépend

de la température, du dopage, et de l'orientation du cristal. A 600°C, la vitesse vaut environ

100 Å/mn dans Si [Csepregi'78].

Si les conditions de l'implantation ne sont pas suffisantes pour créer une zone

amorphe, la recristallisation s'opère par la génération et la diffusion des défauts ponctuels.

En général, une température de 900°C permet une bonne réorganisation du silicium.

La Fig. II-9 montre l'activation électrique du bore implanté dans Si à des doses

différentes, et avec des recuits de même durée et de températures TA variables. L'activation

électrique est ici définie comme étant le rapport entre le dopage moyen effectif mesuré par

effet Hall, avec la dose de dopants implantés.

Dans la zone I (TA < 500°C), les défauts ponctuels dominent la concentration de

porteurs libres. A mesure que la température augmente, ces défauts diffusent et se

recombinent, ce qui permet au bore en substitution de jouer un rôle électrique de plus en

plus notable. Au-dessus de 500°C (zone II), des défauts étendus apparaissent, et

commencent à se dissoudre à partir de 600°C (zone III). La fraction des atomes de bore en

substitution augmente alors continuellement avec TA.

La dose 8x1012 cm-2 est trop faible pour créer des défauts étendus, ce qui empêche

la zone II d'apparaître. La courbe correspondant à une amorphisation du silicium n'est pas

représentée, mais elle serait paradoxalement très proche de la courbe (8x1012 cm-2). En

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effet, l'EPS ayant lieu à 600°C, l'activation électrique devient importante à partir de cette

température. Cela peut signifier qu'il est souvent plus facile de réparer une zone amorphe

qu'une zone partiellement endommagée. Cela est moins vrai pour le SiC, car la présence de

nombreuses liaisons homonucléaires (Si-Si et C-C) dans la phase amorphe rendent moins

aisée la recristallisation [Perez'96].

Le principal inconvénient lié à l'augmentation du temps de recuit TA est que le

profil implanté s'élargit à cause de la diffusion des dopants en volume. Dans le SiC, cet

effet n'a pas été mis en évidence jusqu'à présent, sauf pour le bore ; c'est pourquoi le recuit

'conventionnel' est couramment pratiqué pour ce matériau.

Fig. II-9 Activation électrique du bore implanté dans Si en fonction de la températurede recuit [Eisen'71]

b) Le recuit rapide (RTA ou 'Rapid Thermal Annealing')

Dans le silicium, l'énergie d'activation de la réorganisation cristalline vaut 5 eV,

tandis que celle de la diffusion des dopants est comprise entre 3 et 4 eV. A cause de ces

différences, lorsque la température est élevée, la recristallisation devient plus rapide que la

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diffusion. Si la durée est courte, il est possible d'obtenir un bon réarrangement atomique

sans que le profil de dopants ne s'élargisse.

Le RTA est divisé en trois catégories :

1) le recuit adiabatique ( < 10-7 s) souvent pratiqué à l'aide d'un laser pulsé à haute

énergie qui fond la surface. Celle-ci recristallise ensuite par épitaxie en phase

liquide. Le profil de dopants est alors rectangulaire, entre la surface et le point de

fusion du Si.

2) le recuit par flux thermique (entre 10-7 et 1 s). L'échantillon est chauffé sur une

face, et traversé par un gradient thermique sur toute son épaisseur.

3) le recuit isothermique ( > 1 s) utilise souvent des fours à lampe halogène et à

parois froides. Les photons sont absorbés par les porteurs libres de Si qui

transfèrent leur énergie au réseau.

Le RTA est apparu comme étant une technique indispensable pour l’élaboration de

jonctions électriques submicroniques : la profondeur étudiée actuellement est 0,25 µm, les

deux prochaines étapes prévues (dixit la société Eaton) sont 0,18 et 0,13 µm. La société

italienne INFM parle même d'une profondeur de 0,05 µm pour 2020.

Le problème principal est qu'une forte diffusion transitoire du bore implanté est

souvent observée lors du recuit (TED, ou Transient Enhanced Diffusion). Le taux de

diffusion pendant les premières secondes du recuit peut être 100 fois supérieur au taux

usuel. Cet effet a été attribué à la forte concentration d'interstitiels présente en fin de

parcours, lesquels se coalescent en boucles de dislocations durant le recuit [Bonafos'97].

Ces défauts Fin De Parcours sont présents à cause de la préamorphisation du Si par une

implantation d'ions lourds (généralement du germanium), afin d'éviter toute canalisation du

bore et d'avoir ainsi une jonction abrupte [Fair'93]. Les jonctions submicroniques

nécessitant des implantations de bore à 3 keV, la canalisation serait trop importante sans

cette étape initiale. En effet, même avec des angles optimisés (tilt et rotation), 30 %

environ des atomes de bore seraient encore canalisés si le silicium était cristallin. Beaucoup

de travaux sont actuellement publiés afin de simuler la TED [Baccus'96].

Le RTA a pour but d’éviter la création des défauts FDP grâce à une dynamique très

rapide. Les fours à parois chaudes peuvent chauffer à 85°C/s, et les fours à lampe peuvent

atteindre plus de 200°C/s. Les fours à parois chaudes sont aussi appelés fours à gradient

thermique : le réacteur est vertical, chauffé par résistance au sommet et refroidi à la base.

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La température de l'échantillon est déterminée par sa position dans le réacteur. La plupart

de ces fours sont prévus pour des plaquettes en silicium de diamètre maximal 12 pouces.

Notons qu'une méthode intéressante a été récemment montrée pour réduire la TED

du bore implanté à faible énergie (3 à 5 keV - 1013 cm-2), et ceci sans avoir recours à du

RTA. Après avoir été implanté à travers de l’oxyde, l’échantillon est soumis à un plasma

(CHF3/CF4 ou Argon) qui crée des dislocations en surface. Au cours du recuit suivant

(800°C-35 mn), le bore est piégé par les dislocations et ne diffuse pas. Le plus curieux est

que ceci ne semble pas gêner l’activation électrique du bore (70 %) [Mannino'98].

D. Conclusion

Les collisions nucléaires entre les ions implantés et les atomes du matériau

engendrent des défauts qui peuvent perturber localement le réseau cristallin. Ces défauts

peuvent être ponctuels ou étendus. Lorsqu'ils sont ponctuels, les lacunes se trouvent entre

la surface et le pic de distribution des dopants, tandis que les interstitiels sont situés entre

ce pic et la fin de parcours des ions. Le point de croisement entre les deux courbes de

distributions des lacunes et des interstitiels correspond à la zone de densité maximale des

défauts ; elle est située à 0,7 x Rp dans le SiC. Ce point risque d'être un centre de diffusion

important pour les dopants lors du recuit. Dans certains cas, une température de recuit

égale à 1400°C peut dissoudre ces défauts. Notons que la concentration volumique des

défauts peut être du même ordre de grandeur que celle des dopants.

Le défaut le plus mobile dans le SiC est l'interstitiel de carbone : après avoir été

délogé de son site suite à une collision, l'atome de carbone pénètre plus profondément en

volume que l'atome de silicium. La concentration d'interstitiels augmente quasi-

linéairement avec la dose implantée. Lorsqu'ils dépassent une certaine dose critique, il se

produit une sursaturation de ces interstitiels, et ils coalescent ensuite en boucles de

dislocations pendant le recuit. C'est le premier type des défauts étendus, lesquels sont

classés en cinq catégories. Les quatre autres sont liés à l'apparition d'une phase amorphe

lors de l'implantation. Les défauts du type II sont particulièrement importants, car

inévitables en cas d'amorphisation. Ce sont des sursaturations d'auto-interstitiels (atomes Si

et C), qui s'agglomèrent pendant le recuit, et qui diffusent par la suite dans le matériau, en

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provoquant un déplacement de l'interface amorphe/cristal vers la surface : c'est l'Epitaxie

en Phase Solide. Ce phénomène débute à 500°C dans Si, et à 900°C dans SiC.

La concentration de porteurs issus du dopant implanté dépend du taux de particules

en site substitutionnel par rapport à la dose. Le recuit provoque, dans un premier temps,

une recristallisation du matériau, puis une diffusion locale des dopants. S'ils diffusent vers

des défauts, ils sont alors piégés et électriquement inactifs. Pour obtenir un bon résultat, la

température de recuit du SiC doit être plus élevée que dans le cas du Si, notamment à cause

du très faible taux de diffusion des dopants.

III. LE DOPAGE DU SiC PAR IMPLANTATION IONIQUE

A l'opposé de la technologie du silicium, la diffusion thermique ne peut pas être

utilisée pour doper localement le SiC. Les coefficients de diffusion des dopants sont en

effet trop faibles à température ambiante. Les premiers essais de dopage à partir d'une

source solide ont été ceux de Van Opdorp, avec une couche de SiC épitaxiée en phase

vapeur sur un substrat de type n et dopée à l'aluminium [Opdorp'71]. Or, aucune diffusion

notable n'a été observée dans le substrat, et ce même à 2400°C. Les coefficients de

diffusion thermique aujourd'hui reconnus sont les suivants : entre 3 x 10-14 cm2s-1 et 6 x 10-

12 cm2s-1 pour Al et 5 x 10-12 cm2s-1 pour N. Quant au bore, il peut être caractérisé par deux

branches : une de type rapide (entre 2 x 10-9 cm2s-1 et 1 x 10-7 cm2s-1), et une de type lent

(entre 2,5 x 10-13 cm2s-1 et 3 x 10-11 cm2s-1) [Mokhov'88]. Ces coefficients sont plus grands

que ceux des autres espèces.

Quelques exemples bibliographiques de dopage par implantation ionique du SiC

sont ici présentés. Nous verrons le dopage de type p avec l'aluminium et le bore, et le

dopage de type n avec l'azote. Enfin, des essais d'implantations d'autres ions seront

également exposés, tels que le gallium, le beryllium et le phosphore.

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A. Le dopage de type p : Aluminium et Bore

L'ionisation théorique de ces deux dopants sera étudiée au préalable, en tenant

compte du niveau de concentration et de l'énergie d'ionisation. Le cas particulier du centre

D pour le bore sera envisagé. Ensuite, une étude des défauts générés et de leur

recombinaison sera présentée, en mettant l'accent sur l'influence de la température

d'implantation. Quelques valeurs d'activation électrique obtenues dans la littérature seront

données, ainsi que la diffusion éventuelle des dopants pendant le recuit. Une technique

relativement nouvelle, la coimplantation, sera également présentée. Enfin, nous verrons des

exemples de composants électroniques réalisés à l'aide de l'implantation, ainsi que leurs

caractéristiques les plus notables.

1. Les niveaux d'énergie - Le coefficient d'ionisation I

a) Les énergies d'ionisation

Rappelons tout d'abord les valeurs du numéro et de la masse atomiques, ainsi que

les rayons de covalence, de Si, C, Al et B.

Si : Z = 14 m = 28,09 amu Rc = 1,11 Å

C : Z = 6 m = 12,01 amu Rc = 0,77 Å

Al : Z = 13 m = 26,98 amu Rc = 1,18 Å

B : Z = 5 m = 10,81 amu Rc = 0,82 Å

Le Tableau III-I donne les énergies d'ionisation de Al et B dans les trois polytypes

du SiC principalement étudiés à ce jour.

Dans le 3C, les dopants de type p ont des états accepteurs assez profonds.

Pour chaque dopant, il existe trois niveaux énergétiques principaux : deux

superficiels et un profond. Lorsque l'aluminium et le bore occupent les sites de silicium, ce

sont des accepteurs, et les énergies d'ionisation correspondantes sont superficielles

[Choyke'70]. Les deux niveaux superficiels dépendent de ce que le dopant occupe un site

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cubique (k) ou hexagonal (h). Pour l'aluminium, le niveau le plus profond des deux

correspondrait au site cubique. Notons l'existence d'un centre i, dont l'énergie d'activation

se situerait vers Ev + 0,57 eV dans le 4H, et vers Ev + 0,61 eV dans le 6H, et qui n'a pas

été jusqu'à ce jour très étudié [Anikin'86]. Ce centre a été récemment attribué au complexe

formé par un antisite AlSi et une lacune de carbone [Meyer'98].

3C 6H 4H

Aluminium Al

(colonne IIIA)

[Ne]3s2p1

248 [Suzuki'77]

254 [Ikeda'80]

231 [Suzuki'77]

h : 239, k : 249

[Ikeda'80]

199 [Pensl'96]

168 [Suzuki'77]

191, 270 [Ikeda'80]

Bore B

(colonne IIIA)

1s22s22p1

735 [Ikeda'80]

h : 698, k : 723

[Ikeda'80]

390 [Lomakina'65]

330, 700 [Baranov'98]

628 [Suzuki'77]

285 [Troffer'96]

Tableau III-I Energies d'ionisation de Al et B dans trois polytypes du SiC (en meV).

Quant au bore, sa petite taille (son rayon atomique est plus petit que celui de Si) lui

permet de se substituer à l'un ou l'autre site [Baranov'96]. De nombreuses mesures de type

EPR (Electron Paramagnetic Resonance) ou ENDOR (Electron Nuclear DOuble

Resonance) sur les accepteurs ont permis de mieux comprendre leur structure électronique

lorsqu'ils sont en site substitutionnel. Il a été notamment prouvé que l'atome Al en site Si

ne brisait pas la symétrie locale du cristal, contrairement à l'atome B [Baranov'98]. Ce

dernier donne lieu à deux énergies d'activation très différentes l'une de l'autre [Devaty'97] :

environ 300 et 600-700 meV (au-dessus du maximum de l'énergie de valence). Le niveau

superficiel est généralement attribué au bore en site Si [Mitchel'96], tandis que le niveau

profond, ou centre D, est un sujet de débats : antisite BC, complexe associant BC avec un

défaut (lacune de carbone par exemple) [Baranov'96], ou même complexe associant Bsi

avec un défaut [Schmidt'98] ? La question n'est toujours pas résolue avec certitude. D'autre

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Chapitre 1 - Implantation ionique : état de l'art----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

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part, selon Konstantinov, le bore occupe surtout les sites Si en surface et les sites C en

volume [Konstantinov'92].

Le comportement accepteur ou donneur du centre D est également sujet à

discussion. En se basant sur des analyses DDLTS (Double-correlated Deep Level Transient

Spectroscopy), Suttrop et al. proposent un type donneur [Suttrop'90], tandis que

Ballandovich et Mokhov plaident pour le type accepteur à partir de caractéristiques

électriques [Ballandovich'95]. Toujours est-il que ce centre D peut jouer un rôle assez

important (et globalement plutôt négatif) sur les comportements des composants

électriques [Ortolland'97a].

b) Le coefficient d'ionisation I

Le degré d'ionisation I représente l'activation thermique des dopants, ainsi que la

compensation électrique des porteurs générés. Cette compensation est causée par des

porteurs électriquement opposés, qui peuvent être des porteurs libres ou des complexes.

IN N

N N

p

N NA comp

A comp A comp

=−−

=−

−Eq. III-1

où NA, NA- et Ncomp sont, respectivement, les concentrations en accepteurs, en

accepteurs ionisés, et en centres de compensation. La concentration p de porteurs libres est

obtenue à partir de l'équation suivante :

NN

gE E

k T

Ng p

N

E E

k T

p NAA

A F

A

V

A Vcomp− =

+ ×−⋅

=+

×⋅

−⋅

= +1 1exp( ) exp( )

Eq. III-2

Le calcul est opéré à partir des valeurs suivantes : un facteur de dégénérescence g =

4, une densité d'états dans la bande de valence Nv = 2,5 1019 cm-3, et une énergie

d'ionisation (EA-EV) égale à 200 meV pour Al, et à 300 meV pour B.

La variation du nombre de porteurs libres p, ainsi que celle du coefficient

d'ionisation I, en fonction de la concentration d'atomes accepteurs NA à 25°C sont données

sur la Fig. III-2.

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86

1E+15

1E+16

1E+17

1E+18

1E+17 1E+18 1E+19 1E+20

Concentration Na (cm-3)

port

eurs

libr

es p

(cm

-3)

Al

B

0,001

0,01

0,1

1

1E+17 1E+18 1E+19 1E+20

Concentration Na (cm-3)

Ioni

satio

n I

Al

B

Fig. III-1 Nombre de porteurs p et coefficient I en fonction de Na pour l'aluminium et

le bore dans SiC-6H. La compensation Ncomp vaut 5.1015 cm-3, T = 25°C.

La concentration de trous libres est d'un ordre de grandeur plus élevée pour Al que

pour B. Les coefficients d'ionisation obtenus sont pour Al (B) : 15 % (2,5 %) à 1017 cm-3, 5

% (0,8 %) à 1018 cm-3, et 2 % (0,15 %) à 1019 cm-3.

Un travail récemment publié montre la variation du coefficient I en fonction de la

température [Troffer'97]. La Fig. III-2 montre le résultat pour une compensation de 1 x

1015cm-2. Le coefficient I diminue assez fortement si la compensation augmente. Par

exemple, il ne vaut plus que 1 % pour une concentration d'Al à 1018 cm-3 (à 25°C), si Ncomp

= 1017 cm-3.

Fig. III-2 I en fonction de la température [Troffer'97]

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Chapitre 1 - Implantation ionique : état de l'art-----------------------------------------------------------------------------------------------------------

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2. Les défauts générés et leur recombinaison - La température

d'implantation T I

Addamiano et al. ont fait partie des premiers auteurs à reporter une étude complète

d'implantation d'aluminium, de bore et d'azote dans le SiC-6H [Addamiano'72]. Pour une

dose d'Al égale à 5 x 1015 cm-2 et implantée à 25°C, ils ont observé que l'échantillon prenait

une coloration sombre qui disparaissait après le recuit. Alors que l'implantation de bore

n'avait pas donné de résultat satisfaisant, celle de l'aluminium avait donné lieu à une

conversion de la surface en type p, après un recuit effectué à 1400°C pendant 15 mn. Après

avoir noté, d'une part, que des analyses SIMS montraient une certaine diffusion des dopants

Al vers la surface (et en volume), et d'autre part qu'une graphitisation de la surface avait eu

lieu durant le recuit, les auteurs en arrivaient à la conclusion que le dopage p en surface

était dû à la migration des atomes Al vers les lacunes Si provoquées par la sublimation du

silicium.

Afin d'éviter les problèmes liés à l'importante évaporation du silicium vers 1415°C,

des recuits au laser pulsé ont été étudiés dès 1984. Le recuit de couches amorphisées par

l'implantation d'Al a été mené à bien, avec une puissance égale à 120 J/cm2 : au-delà de

cette valeur, la surface des échantillons est érodée [Violin'84a]. Les mêmes auteurs ont

réussi à créer une jonction p-n, donc à activer électriquement des atomes Al, par un recuit

au laser CO2 avec des pulsations de 30 µs [Violin'84b].

Des analyses systématiques d'implantations d'Al et de B à 25°C ont permis de

connaître précisément la dose critique d'amorphisation pour ces deux éléments: 1 x 1015

cm-2 pour Al, et 5 x 1015 cm-2 pour B [Kimoto'96]. Précisons que ces valeurs sont surtout

valables pour une énergie de 180 keV pour Al, et de 100 keV pour B. En effet, il se conçoit

aisément qu'une dose plus élevée sera nécessaire pour amorphiser le cristal si l'énergie est

plus élevée, et inversement.

Une des premières études du rôle de la température d'implantation TI a été menée

par Suttrop et al. [Suttrop'92a]. Une implantation d'Al est menée avec une dose égale à 2 x

1015 cm-2, une énergie de 280 keV, et à deux températures différentes : 25°C et 1000°C. La

Fig. III-3 montre les spectres RBS obtenus. Nous voyons que, pour TI = 25°C, une couche

amorphe est formée jusqu'à une profondeur de 0,2 µm sous la surface. Les recuits rapides

qui suivent montrent deux interfaces de recristallisation. La même implantation avec TI =

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1000°C s'avère être très efficace : l'auto-recuit a considérablement diminué

l'endommagement du matériau, et le RTA à 1060°C / 2 mn donne un signal comparable à

celui d'un cristal vierge.

Fig. III-3 Signaux RBS d'échantillons implantés Al et recuits

a) TI = 25°C b) TI = 1000°C [Suttrop'92a]

Une étude du recuit pour une implantation semblable d'aluminium (330 keV, 2 x

1015 cm-2) et à TI = 25°C a été ensuite proposée par Nakata et al. [Nakata'93]. Le recuit a

lieu sous argon, dans un creuset de SiC, avec des températures qui s'échelonnent entre

1000°C et 1500°C et une durée de 40 mn. Les analyses RBS révèlent un spectre

comparable à celui de la Fig. III-3 (a) après un recuit à 1500°C : la zone amorphe semble

donc être très difficile à recristalliser. Les analyses SIMS montrent une diffusion assez

importante de Al en volume. Par contre, aucune exodiffusion n'a eu lieu pendant le recuit ;

or, la RBS et les analyses Raman rapportent que la surface est recristallisée à partir de

1000°C. Le creuset SiC semble ainsi avoir amélioré l'état de surface, et conséquemment

diminué l'exodiffusion. La résistance carrée diminue avec la température de recuit, jusqu'à

se stabiliser vers 105 Ω/ au-delà de 1400°C.

Le phénomène de l'auto-recuit a été bien mis en évidence par Rao et al. [Rao'95].

Une triple implantation d'Al est faite à 200 keV, à TI = 25°C, et à une dose suffisamment

élevée pour créer une amorphisation du matériau de la surface jusqu'à Rp. La courbe SIMS

montre alors une petite accumulation des dopants en Rp pendant le recuit (à 1400°C). Pour

TI = 850°C, trois phénomènes importants se produisent : premièrement, un élargissement

du profil de dopants a lieu. Ensuite, les signaux RBS révèlent qu'il n'y a plus de couche

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amorphe, et enfin que le point d'endommagement maximal est désormais situé vers 0,7 x

Rp. Ce point constitue alors un centre de diffusion pour les dopants lors du recuit, qui

devient prédominant lorsqu'il n'y a pas d'exodiffusion ou de diffusion en volume. Notons

que le recuit à 1400°C est effectué dans un four à céramique, sous atmosphère d'argon, et

avec un creuset SiC. La durée est de 10 mn, les auteurs considérant qu'aucune variation

structurale ni électrique n'a lieu au-delà.

Troffer et al. ont également montré que si une couche amorphe était créée à TI =

25°C, elle n'était pas recristallisée après un recuit à 1700°C ; alors que les échantillons

implantés à partir de 200°C et recuits donnaient des spectres RBS identiques à celui d'un

cristal vierge. Des photographies XTEM leur ont permis de préciser que c'était seulement

dans ce dernier cas, que l'on pouvait éviter la formation de zones monocristallines

désorientées pendant le recuit [Troffer'97].

Notons enfin les travaux récents de Panknin et al. [Panknin'98]. L'étude porte sur

des implantations multiples d'Al donnant lieu à un plateau de concentration de 5 x 1019 cm-

3 sur une profondeur de 0,5 µm. La température TI varie de 25 à 1200°C. Les analyses RBS

montrent la présence d'une phase amorphe à 25°C, et lorsque TI augmente, le nombre de

défauts diminue. Ce phénomène est valable jusqu'à 1000°C, car au-delà des défauts étendus

apparaissent dans le matériau. Le taux de décanalisation du spectre RBS de l'échantillon

implanté à 25°C et recuit à 1500°C est égal à celui de l'échantillon implanté à 1000°C et

non recuit. Ce résultat prouve bien que l'élévation de la température d'implantation permet

réellement de diminuer la température de recuit pour obtenir la même recristallisation.

D'autre part, la variation de la résistivité de surface a montré que la température

d'implantation optimale était de 400°C, et ce quelle que soit la température du recuit. Au-

delà de 400°C, la résistivité augmente, et les auteurs tentent de relier cet effet aux

apparitions de défauts d'origine thermique dans le matériau.

3. L'activation électrique

Soit D le coefficient de recuit ou de mise en substitution, qui représente le taux de

dopants incorporés en sites substitutionnels. Ce coefficient peut s'exprimer comme suit :

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90

DN x

N xA

i

=( )

( )Eq. III-3

où NA(x) est la concentration électriquement active de l'espèce x, c'est-à-dire la

concentration d'atomes en sites substitutionnels, et Ni(x) est la concentration totale des

atomes de cette même espèce présents dans le matériau après le recuit. Si ce recuit ne

provoque pas d'exodiffusion, Ni(x) correspond à la dose implantée. Ce coefficient D

dépend de nombreux paramètres, tant au niveau de l'implantation (telle que la température

TI) qu'au niveau du recuit (température, durée, dynamique, configuration du four, etc.). Si

toutes les conditions réunies font en sorte que D soit proche de l'unité, la concentration de

porteurs libres ne dépendra plus que du coefficient d'ionisation I, lequel varie selon

l'énergie d'ionisation du dopant et la température. Au cours de notre travail, nous parlerons

d'activation électrique pour le coefficient D, et d'activation thermique pour le coefficient I.

Les premiers essais de recuit de l'aluminium implanté dans le SiC étaient souvent

assez peu fructueux, et la difficulté revenait alors à comprendre l'origine de l'échec. Quatre

raisons principales peuvent l'expliquer : le manque de dopants suite à leur exodiffusion,

leur localisation en sites non substitutionnels (interstitiels ou défauts), la présence de

défauts électriques donneurs, ou bien la formation de complexes entre le dopant et un

défaut ponctuel du réseau.

Après avoir implanté Al (ou B) à 25°C pour former une couche dopée p à 1019 cm-3,

et suite à des recuits à 1700°C, Marsh avait constaté que les échantillons étaient tous

fortement résistifs [Marsh'73]. Cet auteur attribuait cet effet à la présence de défauts

donneurs profonds, formés par un complexe dopant-lacune, antérieurement révélée par des

analyses de photoluminescence [Patrick'72].

Lucke et al. ont mené des analyses de résonance nucléaire Al(p, γ)Si sur des

échantillons implantés à très forte dose (4 x 1016 cm-2), et avec une énergie assez faible (60

keV) [Lucke'75]. Un recuit à 1400°C pendant 15 mn ayant provoqué la perte de 30 % des

atomes Al, une mesure électrique sur l'échantillon révélait la présence d'une couche de type

p. Cette conversion électrique était attribuée par les auteurs à l'accumulation des dopants en

surface, les dopants en volume se trouvant piégés dans des précipités. De plus, une

augmentation de la durée du recuit leur a permis d'observer une perte exponentielle des

atomes Al.

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91

Une température de recuit critique TC a été déterminée par Gudkov et al.,

correspondant à la dissociation de la surface de l'échantillon amorphisé par l'implantation

d'aluminium [Gudkov'86]. Lorsque T < TC, la conductivité de surface augmente avec la

température. Au-delà de TC, le profil de dopants est décalé vers la surface, et l'épaisseur de

la zone électrique de type p diminue alors avec la durée du recuit, jusqu'à l'exodiffusion

totale. Ces auteurs ont réussi à mesurer une résistivité de 0,03 Ω.cm pour une concentration

Ni de 1019 cm-3, correspondant à une ionisation comprise entre 3 et 6 %. Notons qu'aucun

renseignement n'est donné sur les conditions du recuit.

Des implantations d'Al à forte dose (1,5 x 1015 cm-2), et à 25°C, dans le SiC cubique

ont permis d'obtenir des résultats intéressants [Edmond'86]. Les recuits effectués étaient

des recuits rapides (5 mn), avec des rampes de chauffe de 35°C/s, et dans un four contenant

des pièces en graphite recouvert de SiC. Selon les auteurs, une durée supérieure à 5 mn n'a

pas d'influence sur l'activation électrique. La résistance carrée mesurée est alors constante

(42 Ω/ ) jusqu'à une température de recuit de 1600°C, et elle chute ensuite à 10 Ω/ à

1800°C. Les courbes SIMS montrent un peu de diffusion d'Al, et les photographies XTEM

ne révèlent aucune inclusion de polytypes lors de l'épitaxie en phase solide. Les bonnes

conditions du recuit doivent être une des raisons certaines de ces bons résultats. Des profils

C-V donnent une concentration p de 3 x 1017 cm-3, ce qui correspond à une activation de

0,5 % par rapport au nombre d'atomes Al présents après le recuit.

La méthode du recuit sacrificiel consiste à protéger la face implantée de

l'échantillon à recuire en la plaquant sur la surface d'un autre échantillon SiC [Flemish'95].

Grâce à cette technique, Flemish et al. ont pu obtenir d'assez faibles résistances carrées sur

des plaquettes implantées Al (dose 2,9 x 1014 cm-2, TI = 500°C). Le recuit optimal est à une

température de 1450°C, où la résistance vaut 630 Ω/ (réduction d'un facteur 4 par rapport

à l'échantillon non recuit). Si la température de recuit augmente, la résistance augmente

également : ceci est probablement dû à une dégradation de la surface à cause de la présence

d'oxygène dans le gaz d'argon utilisé (selon les auteurs). En effet, 1 ppm de O2 et de H2O

dans l'argon provoquerait des pressions partielles de SiO et CO gazeux égales à 1,5 x 10-6

atm à 1350°C, alors que la pression partielle de Si gazeux serait seulement de 10-9 atm.

Sonntag et Kalbitzer ont également pratiqué la méthode du recuit sacrificiel sur des

échantillons très faiblement dopés Al et B (dose de 1012 cm-2, soit une concentration Ni de

1017 cm-3) [Sonntag'95]. Après un recuit à 1400°C, les ionisations déduites des mesures

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d'effet Hall valent 3 % pour Al et 1 % pour B ; après un recuit à 1500°C, elles valent 8 %

pour Al et 3 % pour B. Au-delà de 1500°C, la surface se dégrade et les propriétés

électriques également.

Une conduction de type p a été notifiée par Rao et al. suite à l'implantation

d'aluminium à une dose de 8 x 1014 cm-2 à 850°C, et recuit à 1400°C pendant 10 mn dans

un creuset SiC [Rao'95]. Des mesures d'effet Hall indiquant une concentration de trous

égale à 5 x 1017 cm-3, l'ionisation est alors de 1 % (par rapport au pic de dopants de 5 x 1019

cm-3). La mobilité mesurée vaut 35 cm2/V.s. Les échantillons implantés à 25°C, et toutes

les implantations de bore (y compris à 850°C) n'ont donné lieu à aucune activation

électrique détectable.

Une activité électrique optimale du bore et de l'aluminium a été déterminée pour

une température de recuit de 1700°C en se basant sur des mesures d'effet Hall [Pensl'96].

Ce même type de mesures sur le polytype 4H a donné les courbes suivantes [Troffer'97] :

Fig. III-4 Mesures d'effet Hall paramétrées avec la température de recuit pour deux

dopants implantés dans SiC-4H : aluminium et bore [Troffer'97]

La concentration visée d'Al est de 2 x 1018 cm-3, et celle de B est de 1 x 1019 cm-3.

Les différents recuits sont effectués sous argon, dans un creuset SiC, et durent 30 mn.

Avant de pratiquer les mesures, les échantillons ont subi une gravure sur les côtés afin

d'éviter les courants de fuites. Les auteurs tirent des courbes obtenues les énergies

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d'ionisation suivantes : ∆E (Al) = 183 meV, et ∆E (B) = 285 meV. De plus, une très forte

compensation de type n est constatée ; sa concentration est de l'ordre de 2 x 1018 cm-3, soit

100 fois plus importante que la concentration de la couche n épitaxiée. Cette compensation

est peut-être due à la génération de défauts profonds donneurs par l'implantation (ou le

recuit). Néanmoins, ces défauts sont indétectables par les analyses DLTS, qui ne peuvent

observer que des défauts dont la bande énergétique est située à 1 eV au-dessus de la bande

de valence. Pour un recuit de 1700°C, le coefficient de recuit D calculé par les auteurs est

égal à 3,6 pour Al et à 1 pour B. Ce coefficient ne pouvant être supérieur à l'unité, les

valeurs obtenues sont entachées d'une erreur systématique, que les auteurs attribuent à deux

sources principales : premièrement, l'incertitude sur le coefficient de Hall RH qui détermine

la concentration de trous p ; deuxièmement, les courants de fuite existant entre la couche

épitaxiée et le substrat. Troffer et al. suggèrent tout de même que le coefficient D des

atomes Al implantés est proche de 100 % pour un recuit de 1800°C, et que celui des

atomes B est plus faible à cause de leur exodiffusion.

Donnons enfin trois valeurs d'ionisation de Al récemment trouvées dans la

littérature : 8 % pour une concentration visée de 1020 cm-3 et un recuit de 1600°C [Rao'96],

2,4 % pour une dose de 5 x 1015 cm-2 et un recuit de 1500°C avec une rampe de chauffe

supérieure à 40°C/s [Kimoto'96], et 6 % pour une concentration visée de 1020 cm-3

implantée à 400°C et recuite à 1650°C [Panknin'98]. Ce dernier compare le recuit utilisant

un four inductif sous argon (10 mn), avec un recuit rapide à lampes halogènes (2000°C / 20

s). Ce recuit rapide devient intéressant lorsque le plateau de concentration est supérieur à

1020 cm-3, mais les mobilités obtenues sont alors plus faibles qu'avec un recuit plus long.

Cela indique peut-être qu'un recuit rapide incorpore bien les dopants en substitution lorsque

leur densité est importante, mais qu'il ne recristallise pas suffisamment le matériau.

4. La coimplantation

La coimplantation a été introduite dans le but de réduire les défauts donneurs

introduits lors d'un dopage de type p [Rao'95]. La coimplantation d'un des composants du

cristal diminue les lacunes de l'espèce correspondante, et augmente les lacunes de l'autre

espèce. Si la faible activation électrique est due à la formation d'un complexe entre le

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dopant et une lacune, cette technique pourra réduire la concentration de ce complexe. Dans

le SiC, l'énergie de formation d'une lacune de carbone VC vaut 4 eV, tandis que celle de VSi

vaut 7,8 eV. Or, VC est un double donneur [Wang'88]. Si la compensation électrique par

VC est responsable de la faible activation, la coimplantation d'Al (ou de B) avec C peut être

utile : elle augmente en effet la concentration des interstitiels de carbone, lesquels se

recombinent avec VC pendant le recuit. De plus, cela aura également pour effet

d'augmenter VSi, et donc d'augmenter la probabilité pour les atomes de Al (ou B) d'occuper

un site Si. Rappelons que la coimplantation avait donné de bons résultats dans GaAs et InP.

La première application de cette technique au SiC s'est d'abord avérée être peu

prometteuse [Rao'96]. Ces auteurs ont comparé une implantation Al avec les

coimplantations Al/C et Al/Si. Les analyses SIMS ont d'abord révélé de l'exodiffusion lors

du recuit à 1600°C pour l'échantillon implanté Al/Si, et rien de tel pour les deux autres

types d'implantation. Ce phénomène est attribué au nombre important d'interstitiels Al dans

le cas d'une coimplantation Al/Si (puisque le nombre de VSi diminue), ce qui facilite leur

diffusion thermique. Les résistances carrées après recuit étaient les suivantes : 1,5 x 105

Ω/ pour Al, 6,9 x 105 Ω/ pour Al/Si, et 5,6 x 105 Ω/ pour Al/C. Alors que

l'augmentation de la résistance carrée était prévisible pour Al/Si, elle ne l'était pas pour

Al/C. La raison doit certainement être attribuée à la dose élevée d'Al implanté (2,66 x 1015

cm-2).

Des analyses systématiques menées dans du 4H par Itoh et al. ont permis d'établir la

concentration optimale de C coimplanté avec une concentration Al (et B) de 5 x 1018 cm-3

[Itoh'97]. La Fig. III-5 montre la concentration de trous à 25°C après des recuits effectués à

1630°C et 1700°C durant 30 mn. Avec une concentration optimale de C égale à 1018 cm-3,

l'ionisation de Al vaut 10 %, soit 1,4 fois plus que sans coimplantation. De plus, le nombre

de trous augmente encore si la coimplantation est effectuée à 800°C. La stabilisation

thermique élevée de VSi (jusqu'à 1000°C) explique peut-être ce phénomène.

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Fig. III-5 Concentration de trous à 25°C dans des échantillons 4H-SiC coimplantés,

avec [Al] = [B] = 5 x 1018 cm-3 , et [C] = 1018 cm-3 [Itoh'97]

Un avantage certain de la coimplantation B/C réside dans la possibilité de contrôler

la concentration du centre D [Frank'98]. Des mesures DLTS ont montré que ce centre ne

devenait plus visible en DLTS lorsque la concentration de C était 25 fois plus élevée que

celle de B.

Un article récent proposait même cette technique pour améliorer les contacts

ohmiques sur le 6H-SiC, la diode ainsi formée étant plus redresseuse [Zhao'97].

5. Les composants

La première jonction p-n créée par implantation Al et caractérisée électriquement a

été présentée par Kalinina et al. en 1980 [Kalinina'80]. La couche épitaxiée avait un

dopage assez élevé (1017 cm-3), et la dose Al était également élevée (jusqu'à 3 x 1017 cm-2).

Les caractéristiques C-V ont permis de noter que la jonction était d'autant plus abrupte que

la dose implantée était élevée, et que le recuit se passait à une température élevée (1700°C)

et une durée courte (180 s). Nous retrouvons ici les principes du recuit rapide, qui a pour

but d'empêcher la diffusion des dopants en volume. De plus, cela induit également une

amélioration du coefficient d'idéalité sur les courbes I-V, et une diminution de la résistance

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série. Notons enfin que la dépendance de cette résistance série avec la température de

fonctionnement devenait moins évidente lorsque la jonction devenait plus abrupte.

Une implantation d'Al dans le même type de couche a permis à Vodakov et al. de

noter le comportement électrique de la diode p-n avec la température de fonctionnement

(jusqu'à 250°C). Lorsque cette dernière augmente, la résistance série diminue et la tension

de claquage diminue également [Vodakov'87].

Une triple implantation d'Al à 1000°C, suivie d'un recuit rapide (1060°C / 2 mn), a

montré de bonnes caractéristiques I-V : 22 A/cm2 @ 5 V en direct, et 10-5 A/cm2 @ (-10 V)

en inverse [Suttrop'92a].

Précisons que de nombreuses études électriques de jonctions implantées se sont

portées sur le polytype 3C (cf. [Avila'87], [Edmond'88] ). La conduction directe est assez

bonne, avec des coefficients d'idéalité relativement faibles, mais les tenues en tension sont

plus faibles que dans le 6H. La bande d'énergie plus petite du 3C, et son champ électrique

critique plus faible, peuvent être des causes possibles de ce phénomène.

De bonnes caractéristiques I-V de diodes implantées bore ont été obtenues pour la

première fois par Ghezzo et al. [Ghezzo'93]. Les diodes p+n de type mesa sont implantées

afin d'avoir un plateau de concentration 2,5 x 1021 cm-3 sur une profondeur de 0,24 µm. Les

effets de la température d'implantation TI sont très intéressants à noter : lorsque TI vaut

1000°C au lieu de 25°C, le courant de fuite en inverse diminue (il passe de 3,2 x 10-7

A/cm2 à 4 x 10-9 A/cm2 @ -10 V), le coefficient d'idéalité diminue (1,64 contre 1,77) et la

tension de claquage augmente (650 V contre 90 V). Notons que la dose implantée est très

élevée, et qu'une implantation à 1000°C ne pouvait qu'améliorer la recristallisation.

Une diode pn de type planar créée par implantation de bore avec une tenue en

tension de 800 V, mais une forte résistance série et un coefficient d'idéalité égal à 3,2, était

annoncée peu après [Shenoy'95].

En général, les diodes p+n implantées Al montrent une meilleure conduction directe

que les diodes implantées B, avec notamment une résistivité plus faible, mais elles ont une

plus faible tenue en tension et un courant de fuite en inverse plus élevé [Kimoto'98].

Citons enfin deux travaux récents de Rottner et al. Une diode p+n protégée par

extension latérale de jonction (dite 'JTE') présente une tenue en tension de 2,5 kV

[Rottner'97a]. Elle possède un émetteur doublement implanté : du bore pour la jonction

proprement dite, afin que lors de la diffusion du bore lors du recuit, la jonction se trouve

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située ensuite dans une zone hors des défauts créés par l'implantation ; et de l'aluminium

pour améliorer le contact ohmique et la conduction directe. La même structure, additionnée

d'une double protection périphérique, et conçue dans le polytype 4H, est annoncée avec une

tenue en tension de 3,4 kV [Rottner'97b].

Un MOSFET de type planar conçu par une double implantation de bore et d'azote a

été récemment annoncé, avec une tenue en tension de 760 V et une résistance spécifique à

l'état passant Ron de 66 mΩ.cm2 [Shenoy'97].

B. Le dopage de type n : azote

Dans cette partie, une présentation succincte des questions relatives à l'implantation

de l'azote dans le SiC est faite. L'accent est mis sur le coefficient d'ionisation, les défauts

générés et l'influence de la température d'implantation, ainsi que l'activation électrique.

Quelques exemples de composants réalisés sont également donnés.

1. L'ionisation

Le Tableau III-II donne les énergies d'ionisation de N dans les polytypes 6H, 4H et

3C.

3C 6H 4H

Azote N

(colonne VA)

Z=7, m=14.01 amu,

Rc=0.75 Å

1s22s2p3

37, 48 [Pensl'93] h, k1, k2:170, 200, 230

[Hamilton'63]

h:85, k:125

[Suttrop'92b]

66 [Suzuki'76]

h:52,1, k:91,8

[Götz'93]

h:66, k:124

[Ikeda'80]

Tableau III-II Energies d'ionisation de N dans trois polytypes du SiC (en meV)

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Dans le 3C, l'azote donne des niveaux superficiels, et d'une manière générale, le

faible niveau d'activation électrique de l'azote fait que le matériau SiC non

intentionnellement dopé est quasiment toujours de type n.

Notons que les atomes d'azote doivent occuper les sites de carbone pour être

électriquement actifs [Hamilton'63].

En se basant sur l'Eq. III-2, nous pouvons calculer la concentration d'électrons libres

et le coefficient d'activation thermique I en fonction du nombre total d'atomes donneurs Nd.

Les calculs sont faits avec ∆E(N) = 80 meV, Ncomp = 5 x 1015cm-3, et g = 2.

1E+16

1E+17

1E+18

1E+19

1E+17 1E+18 1E+19 1E+20

Nd (cm-3)

n (c

m-3

)

0%

10%

20%30%

40%

50%

60%70%

80%

90%

Coe

ffici

ent I

Fig. III-6 Nombre de porteurs n et coefficient I en fonction de Nd à 25°C, avec une

compensation Ncomp de 5.1015 cm-3

Alors que le coefficient I est inférieur à 10 % pour l'aluminium au-dessus de Na =

1017 cm-3, nous constatons qu'il est toujours supérieur à 10 % pour l'azote en-dessous de Nd

= 1020 cm-3, grâce à la faible énergie d'ionisation de N.

La Fig. III-7 montre un calcul donnant la variation de cette concentration d'électrons

libres n en fonction de la température, avec Nd = 1017 cm-3, et Ncomp = 1016 cm-3

[Sonntag'95]. Une comparaison est établie avec le phosphore, autre atome donneur dans le

SiC. Les énergies d'ionisation choisies sont : ∆E(N) = 80 meV et ∆E(P) = 210 meV.

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Fig. III-7 Concentration n calculée dans le 6H en fonction de la température pour

deux impuretés : azote et phosphore [Sonntag'95]

2. La température d'implantation T I

Historiquement, les premières implantations du SiC ont été celles d'atomes

donneurs, du fait de leur coefficient d'ionisation plus faible que celui des accepteurs.

Les premières implantations d'azote, effectuées à température ambiante, ont permis

de déterminer une dose critique d'amorphisation égale à 9 x 1014 cm-2 pour une énergie de

30 keV [Marsh'73]. Des implantations à 800°C avec la même dose ont plus tard permis de

vérifier, grâce aux analyses RBS, que la densité de défauts était fortement réduite

[Suttrop'92a]. Les effets de la haute température d'implantation se sont avérés être très

importants dans le domaine des fortes doses, et particulièrement au-dessus de 4 x 1015 cm-2

[Kimoto'97]. De plus, des photographies XTEM des échantillons implantés à 800°C et

recuits à 1500°C ne révèlent aucune formation de défauts étendus.

3. L'activation électrique

Des couches SiC de type p et implantées avec de l'azote à une dose de 2 x 1015 cm-2

ont montré un comportement électrique de type n après un recuit à 1100°C [Marsh'73]. Les

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mesures d'effet Hall sur ces échantillons ont montré que, lorsque la température de recuit

augmentait, la croissance de la mobilité des électrons et la diminution de la résistivité

étaient symétriques, de sorte que la concentration d'électrons était constante de 1100°C à

1700°C. L'ionisation correspondante valait 50 % (et 30 % dans le cas de P). D'autres

auteurs ont fait le même type d'analyses (avec des doses implantées comparables), et ils ont

abouti à une résistance carrée de 820 Ω/ et une ionisation de 36 % pour un recuit à

1600°C [Yaguchi'95].

Deux résultats intéressants et relatifs à l'implantation de doses élevées ont été

montrés. D'abord, Ghezzo et al. ont obtenu une résistance minimale de 843 Ω/ avec une

dose de 4,3 x 1015 cm-2, et des températures d'implantation et de recuit égales à 1000°C et

1300°C, respectivement [Ghezzo'92]. Ensuite, la même dose a conduit à une résistance de

542 Ω/ , soit une ionisation de 17 %, avec des températures d'implantation et de recuit

égales à 500°C et 1500°C [Kimoto'97].

Concernant les doses très faibles, des implantations à 1012 cm-2 ont donné une

activation de 80 % suite à un recuit de 1500°C [Sonntag'95].

Citons enfin une étude du type de recuit menée sur une triple implantation N à

25°C, et présentée par Suttrop et al. [Suttrop'92a]. Alors que le recuit à 1470°C pendant 7

mn dans un four avec des pièces en graphite recouvert de SiC conduit à une ionisation de

presque 100 %, le recuit à 1050°C pendant 4 mn donne 'seulement' 77 %, mais avec une

meilleure mobilité. Les auteurs attribuent ce phénomène à l'augmentation de la

compensation électrique dans le deuxième cas.

4. Les composants

Les premières diodes à jonction n-p implantées azote ont été présentées par Dunlap

et Marsh en 1969 [Dunlap'69]. Les caractéristiques I-V montrent un courant direct dominé

par la génération de porteurs dans la zone de désertion, et le courant inverse varie peu avec

la température de fonctionnement (jusqu'à 300°C).

Les diodes n+p de type mesa et conçues dans le polytype 3C, proposées par Edmond

et al., restent redresseuses jusqu'à 400°C [Edmond'88]. Le coefficient d'idéalité varie de 3,8

(25°C) à 2,0 (400°C), démontrant ainsi l'amélioration du type de conduction directe. Les

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diodes de Ghezzo et al., implantées azote à 1000°C, possèdent des courants de fuite en

inverse aussi faibles que 5.10-11 A/cm2 @ (-10 V) à 25°C [Ghezzo'92].

Citons enfin les diodes de puissance de Kimoto et al., dont la tenue en tension

atteint 820 V, et dont le courant de fuite inverse est fortement réduit si l'implantation

d'azote est effectuée à haute température [Kimoto'97].

C. Les autres dopants

Deux espèces autres que l'aluminium et le bore sont parfois étudiées pour doper le

SiC de type p : le gallium et le beryllium. Nous verrons les principaux résultats obtenus.

1. Le gallium

A l'instar de Al et B, les atomes de Ga qui résident en sites Si sont des accepteurs

[Kuwabara'76]. L'énergie d'ionisation du gallium dans le 4H-SiC est située à (Ev + 290

meV) [Troffer'98], et à (Ev + 317 meV) dans le 6H-SiC [Ikeda'80]. Sa masse atomique est

égale à 69,7 amu. Ainsi, le nombre de collisions nucléaires risque d'être plus élevé qu'avec

l'aluminium. Une étude complète des défauts créés par l'implantation de Ga dans le SiC-6H

à une énergie de 230 keV a été proposée [Heft'95]. La valeur de la dose critique

d'amorphisation est réduite à 2 x 1014 cm-2 à 25°C, et une implantation à 300°C permet

d'éviter la formation d'une couche amorphe (même avec une dose aussi élevée que 1 x 1016

cm-2). Selon les auteurs, dans ce dernier cas, 50 % des atomes Ga sont déjà en substitution

après l'implantation.

Des caractérisations électriques de type effet Hall ont récemment montré une nette

augmentation de la concentration en trous libres avec la température de recuit [Troffer'98].

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2. Le beryllium

Le beryllium se trouve dans la colonne II-A ; sa masse atomique vaut 9 amu. Deux

niveaux accepteurs ont été déterminés dans le SiC-6H à partir de la dépendance en

température des mesures d'effet Hall : 420 et 600 meV au-dessus de EV [Maslakovets'68].

Ramungul et al. ont présenté une diode p+n de type mesa, implantée Be à 600°C, et

ils ont comparé ses caractéristiques électriques avec la même diode implantée B

[Ramungul'98]. La diode Be montre une meilleure conduction directe que la diode B, mais

son courant de fuite en inverse est dix fois plus important. Les auteurs annoncent d'autres

études à venir sur ce dopant.

D. Conclusion

Le dopage de type p est couramment étudié en utilisant l'aluminium ou le bore. Ce

dernier possède l'avantage d'être plus léger, et par conséquent de créer moins de défauts

que Al pour une même énergie d'implantation. Mais son énergie d'ionisation plus élevée

fait que la concentration de porteurs générés sera d'un ordre de grandeur plus faible que

dans le cas de Al. De plus, la diffusion du bore a souvent été observée durant le recuit,

alors que les atomes Al sont plus stables. Les doses critiques d'amorphisation pour ces

deux éléments sont : 1 x 1015 cm-2 pour Al (énergie de 180 keV) et 5 x 1015 cm-2 pour B

(énergie de 100 keV).

L'azote est le dopant majoritairement utilisé pour effectuer le dopage de type n.

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IV. Conclusion du chapitre 1

L'implantation ionique possède deux principaux avantages sur les autres techniques

de dopage :

la distribution en profondeur et la concentration des dopants sont aisément

contrôlées (c'est la seule méthode comptant effectivement les impuretés arrivant

dans le matériau)

la solubilité limite des impuretés dans le matériau peut être dépassée,

l'implantation ionique étant un procédé hors équilibre.

Cette technique reste aujourd'hui la seule possible pour doper localement le SiC.

Contrairement au Si, la simulation des implantations doit tenir compte du caractère

cristallin du SiC : en effet, sa forte densité volumique a tendance à augmenter la

canalisation des dopants.

Si l'implantation ne provoque pas d'amorphisation, la zone d'endommagement

maximale est située vers 0,7 x Rp. La recristallisation provoquée par le recuit risque de

créer des défauts étendus autour de ce point, et de stabiliser les atomes dopants en ce point.

S'il y a présence de couche amorphe, il semble que la zone critique se trouve vers Rp. Mais

ceci est moins systématique, dans la mesure où la profondeur de cette couche amorphe

dépend également de la dose utilisée.

Si la concentration de porteurs libres visée est importante, il faudra que la dose

implantée le soit également. Or, l'endommagement du matériau risque d'être plus

important. Un bon compromis semble résider dans l'élévation de la température

d'implantation, qui provoque une recombinaison des défauts ponctuels pendant le procédé.

Dans certains cas, l'implantation à haute température nécessite une température de recuit

moins importante que pour une implantation à température ambiante, et ce pour obtenir les

mêmes résultats physiques et électriques. Une température de 400°C a récemment été

donnée comme étant optimale concernant la résistivité de surface juste après le recuit.

Une température critique de recuit est souvent donnée, au-delà de laquelle les

propriétés électriques de la couche implantée sont moins bonnes. Ce phénomène est très

souvent relié à la détérioration de la surface qui survient à cette température (variable

suivant la configuration du recuit), et qui joue un rôle important sur l'exodiffusion des

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dopants et sur le taux de recristallisation. Notons que les principales techniques existantes

pour augmenter cette température critique sont : la présence de SiC dans le réacteur (sous

forme de poudre ou de revêtement), ou le recuit sacrificiel (plaquette SiC posée contre la

face implantée). Il semble également qu'une grande dynamique thermique soit importante

pour la recristallisation. La coimplantation avec du carbone est une technique prometteuse

pour l'obtention d'une meilleure mise en substitution des dopants, voire même pour la

suppression du centre D dans le cas du bore.

La réalisation de nombreuses structures tests par implantation ionique démontre

réellement la faisabilité de cette technique. Les deux problèmes principaux restent : les

niveaux accepteurs assez profonds des dopants, qui induisent une tension de seuil directe

plus élevée que dans le Si, et la diffusion non contrôlée du bore qui élargit la jonction

électrique.