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V ie des collections 236 Les nouvelles salles d’art grec classique et hellénistique du musée du Louvre : rendre visibles les recherches sur les collections Le 7 juillet 2010, après d’importants travaux de réaménagement, le musée du Louvre a ouvert au public les nouvelles salles consacrées à l’art grec classique et hellénistique (450-30 avant J.-C.). Ces travaux ont été rendus possibles grâce à la générosité du groupe japonais Nippon Television Network. Abrité dans l’angle sud-ouest de la cour Carrée, cet ensemble de dix salles (1 163 m 2 appartenant aux anciens appartements royaux) précède la célèbre salle des Cariatides, clôturant ainsi le parcours chronologique dédié à l’art grec antique au musée du Louvre. Ce redéploiement, commencé en 1997 par l’ouverture, à l’entresol, de la galerie de la Grèce préclassique, a permis, selon un programme scientifique imaginé dès 1998 par l’ensemble de l’équipe de conservation, de mieux rendre compte des progrès de la recherche menée sur les collections depuis la précédente présentation, qui remontait aux années 1980 : réévaluation chronologique des périodes classique et hellénistique, redécouverte du contexte archéologique des objets issus des fouilles du XIX e siècle, étude de l’histoire des salles du palais. Ce projet a également bénéficié des résultats d’une exposition itinérante organisée en Asie en 2006-2008 durant la fermeture des salles (Japon, Chine, Singapour, Macao), « La Grèce classique au Louvre. Chefs-d’œuvre des V e et IV e siècles avant J.-C. », qui a permis de tester les principes de classement mis en œuvre pour les salles permanentes du musée. Espaces muséographiques Rez-de-chaussée du pavillon du Roi, salle de la Vénus de Milo, inaugurée en juillet 2010

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Vie des collections

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Les nouvelles salles d’art grec classique et hellénistique du musée du Louvre : rendre visibles les recherches sur les collections

Le 7 juillet 2010, après d’importants travaux de réaménagement, le musée du Louvre a ouvert au public les nouvelles salles consacrées à l’art grec classique et hellénistique (450-30 avant J.-C.). Ces travaux ont été rendus possibles grâce à la générosité du groupe japonais Nippon Television Network. Abrité dans l’angle sud-ouest de la cour Carrée, cet ensemble de dix salles (1 163 m2 appartenant aux anciens appartements royaux) précède la célèbre salle des Cariatides, clôturant ainsi le parcours chronologique dédié à l’art grec antique au musée du Louvre. Ce redéploiement, commencé en 1997 par l’ouverture, à l’entresol, de la galerie de la Grèce préclassique, a permis, selon un programme scientifique imaginé dès 1998 par l’ensemble de l’équipe de conservation, de mieux rendre compte des progrès de la recherche menée sur les collections depuis la précédente présentation, qui remontait aux années 1980 : réévaluation chronologique des périodes classique et hellénistique, redécouverte du contexte archéologique des objets issus des fouilles du xixe siècle, étude de l’histoire des salles du palais. Ce projet a également bénéficié des résultats d’une exposition itinérante organisée en Asie en 2006-2008 durant la fermeture des salles (Japon, Chine, Singapour, Macao), « La Grèce classique au Louvre. Chefs-d’œuvre des ve et ive siècles avant J.-C. », qui a permis de tester les principes de classement mis en œuvre pour les salles permanentes du musée.

Espaces muséographiques

Rez-de-chaussée du pavillon du Roi, salle de la Vénus de Milo, inaugurée en juillet 2010

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Deux parcours qui redéfinissent les frontières chronologiques de l’art grec classique et hellénistiqueLe projet, inauguré en 2010, avait pour ambition de créer un parcours cohérent, en introduisant, comme pour les salles de l’entresol, les techniques et les matériaux les plus divers afin de mieux montrer tous les aspects matériels de la civilisation grecque. La précédente présentation, strictement chronologique, avait montré les limites d’un tel classement, par ailleurs presque exclusivement limité alors à la sculpture en marbre. Or, pour les périodes couvrant l’art classique et hellénistique, les collections du Louvre sont certes assez riches, mais dans des domaines ou pour des séries isolés. Pour la sculpture, si l’on met à part les fragments du décor du Parthénon présentés dans la salle dite de Diane, on soulignera l’importance des statues et des stèles funéraires attiques du ive siècle avant J.-C., de l’ensemble des portraits des souverains lagides et des stèles funéraires d’Asie Mineure ou de Grèce du Nord, dont la chronologie s’étend du ive au ier siècle avant J.-C. La Vénus de Milo reste une œuvre isolée et tardive, tout comme le Gladiateur Borghèse, sculpture « grecque » sans doute commandée pour une clientèle romaine et très vite retirée de ce parcours après sa spectaculaire restauration, rendue possible grâce à la générosité de Marc Ladreit de Lacharrière. Quant à la Victoire de Samothrace, elle est elle aussi isolée, trônant au sommet du monumental escalier qui lui sert de présentoir. À l’étage, d’autres ensembles ne s’accordaient guère avec la chronologie définie au rez-de-chaussée pour la sculpture : les miroirs à boîte en bronze du ive siècle, les nombreuses figurines de terre cuite de Tanagra, Myrina ou Smyrne ou l’imposante collection de vases attiques des ve et ive siècles ne pouvaient guère trouver toute leur place aux côtés des sculptures. À cette difficulté inhérente aux collections du Louvre s’ajoutait l’épineuse question, bien connue des spécialistes, de la datation des œuvres des iiie-iie siècles avant J.-C., période pour laquelle les repères chronologiques manquent et que le phénomène de la citation et des styles rétrospectifs rend particulièrement complexe. Dans le même temps, les découvertes archéologiques faites en Grèce du Nord – l’incroyable mise au jour de la nécropole royale de Vergina en 1978 par Manólis Ándronikos – modifiaient définitivement la périodisation de l’art grec classique et hellénistique, beaucoup trop marquée jusque-là par une vision athénocentriste fondée sur les sources littéraires. La commande royale, la diffusion du luxe, l’exaltation de l’individu, tous ces traits que l’on considérait comme caractéristiques de l’époque hellénistique, arbitrairement rattachée à l’avènement ou à la mort d’Alexandre le Grand (respectivement 336 et 323 avant J.-C.), sont des phénomènes bien antérieurs remontant au moins au règne de son père Philippe (359-336 avant J.-C.). La datation du palais royal de Palatitza, dont le Louvre possède des fragments, a par exemple été largement remontée. Les distinctions entre les différentes périodes paraissent donc de plus en plus artificielles : l’éphémère classicisme du ve siècle semble se limiter au seul chantier du Parthénon (447-432 avant J.-C.) ; le mal défini « second classicisme » ne vaudrait que pour la Grèce des cités et la longue période hellénistique qui débuterait pour certaines régions dès le milieu du ive siècle avant J.-C. ne semble guère s’interrompre brutalement avec la conquête romaine. Ces frontières mouvantes expliquent que nous ayons choisi d’isoler le Parthénon et de présenter ensemble les périodes « classique » et « hellénistique » de l’art grec selon un

parcours géographique et thématique correspondant mieux à la nature des collections du Louvre : parcours géographique au nord et « mythologique » au sud, autour des répliques des sculptures grecques classiques disparues.

Présenter autrement les « copies » de la sculpture grecque disparueC’est que, dans le même temps, les progrès de la recherche dans le domaine de la « critique des copies » aboutissaient à une réévaluation complète de la sculpture d’époque impériale, obligeant également à revoir les frontières entre l’art grec, longtemps privilégié au Louvre, et l’art romain. Plusieurs œuvres, créations d’artistes grecs travaillant à Rome, furent déplacées dans les salles romaines (le Vase dit de Sosibios par exemple), tandis que d’autres, qui passaient pour des originaux, sont interprétées comme des pastiches romains (l’Apollon du type de Mantoue) ou des répliques (la célèbre Suppliante Barberini, notamment à la suite de la découverte dans les réserves du musée de l’Acropole de fragments de l’œuvre originale). L’importance du contexte archéologique a également fait réserver certaines œuvres pour un parcours romain en préparation. C’est le cas par exemple de plusieurs statues découvertes dans les palais impériaux du Palatin (le Satyre au repos d’après Praxitèle) ou à la Villa Hadriana de Tivoli (le Pâris Lansdowne). On notera enfin qu’un courant récent de la recherche a exploré l’histoire de la restauration de ces statues à l’époque moderne ainsi que leur réception. Ces œuvres composites sont donc désormais exposées dans la salle du Manège, inaugurée en 2004, qui rassemble les antiques des collections françaises (Richelieu, Mazarin, Louis XIV) et italiennes (Borghèse et Albani) des xviie et xviiie siècles. Il en résulte que l’on ne peut plus, comme autrefois, présenter les copies romaines des sculptures grecques au sein d’un parcours strictement chronologique. Nous avons donc fait le choix d’une sélection limitée de statues selon un parcours thématique consacré à la mythologie grecque. L’insertion dans cette galerie sud de la Vénus de Milo, qui a gagné la plus grande salle du secteur, 210 m2 au rez-de-chaussée du pavillon du Roi, salle qu’elle occupa de 1824 à 1848, est donc un signe scientifique fortement révélateur de ce changement de perspective : réplique d’un original connu par d’autres œuvres (la célèbre Vénus de Capoue notamment) et pourtant

Salle 13, consacrée au phénomène de la réplique

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création « originale » des ateliers grecs qui travaillaient dans le goût rétrospectif de la fin de l’époque hellénistique, la Vénus de Milo a peut-être enfin trouvé sa place au sein des collections du Louvre, dans une salle qui fait l’articulation entre les deux parcours géographique et thématique.

Ce parcours mythologique au sud (salles 13-15) intègre donc la salle de la Vénus de Milo (salle 16) et se prolonge dans la salle des Cariatides remaniée (salle 17). Une salle d’introduction dominée par la Pallas de Velletri est consa-crée au phénomène de la réplique. Dans les deux vastes salles suivantes (salles 14-15), les dieux et héros de la mythologie sont rassem-blés et permettent d’évoquer plusieurs thèmes : le culte d’Athéna, particulièrement représenté par une produc-tion issue majoritairement des ateliers athéniens ; l’énigme du nu masculin dans la sculp-ture grecque, avec les nus athlétiques et des représenta-tions des dieux Apollon, Arès et Hermès ; l’étude des drapés féminins, admirable-ment suggérée par la réunion des Aphrodite de la fin du ve siècle. La salle immédiate-ment située avant celle de la Vénus de Milo prolonge ce parcours thématique en évoquant les carrières de Praxitèle et de Lysippe, ce qui permet d’évoquer les rares représentations d’Éros et celles plus abondantes d’Héraclès. On ne s’est pas interdit, pour ces salles regrou-pant majoritairement des sta-tues de marbre, d’introduire des répliques miniatures exé-cutées dans d’autres maté-riaux pour rappeler que ce phénomène de la citation n’était pas limité à l’artisanat du marbre (la Vénus Génitrix en terre cuite ou le Mercure polyclétéen des collections de Louis XIV par exemple).

Recontextualiser les objets issus des fouilles archéologiques du xixe siècleLe parcours thématique présenté dans les six salles

au nord (salles 7-12) propose un véritable voyage dans le monde grec, de l’époque du Parthénon à la conquête de la Grèce par Rome. Ce programme est le fruit du long travail mené depuis des années par la conservation du département pour publier les collections méconnues du Louvre et, à cette

Salles 7 et 8, consacrées à Athènes et à la Grèce centrale

Salles 14 et 15, consacrées aux dieux et héros du monde grec antique

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occasion, étudier le contexte de découverte archéologique des objets. C’est là l’un des axes principaux de la politique de recherche du département. On rappellera ici trois expositions qui se sont tenues au Louvre et qui sont autant d’étapes marquantes pour cette recherche fondamentale : « Tanagra. Mythe et archéologie », présentée en 2003 par Violaine Jeammet, « La Lettre et l’argile. Autour d’une semaine de fouilles à Myrina », par Néguine Mathieux en 2007, « D’Izmir à Smyrne », organisée en 2009 par Isabelle Hasselin, Ludovic Laugier et Jean-Luc Martinez. C’est dans ce programme de recherche que s’inscrit le projet d’exposition que prépare Sophie Descamps à l’automne 2011, autour d’Alexandre le Grand et la Macédoine antique. Plusieurs catalogues récents témoignent également des progrès de cette recherche. On citera (voir ci-dessous la bibliographie) les études fondamentales de Marianne Hamiaux, qui ont permis de réévaluer la collection des sculptures hellénistiques et particulièrement les stèles, ou la publication par Agnès Rouveret des rares peintures grecques, véritable redécouverte de l’une des richesses du musée, enfin montrée au public.

Chaque salle rassemble les témoignages d’une région du monde grec, en mêlant les matériaux et les techniques (vases, bijoux, sculptures, éléments d’architecture, et même la numismatique grâce au dépôt de quarante-sept monnaies aimablement consenti par le cabinet des Monnaies, Médailles et Antiques de la Bibliothèque nationale de France). Le visiteur y découvre l’art à Athènes et en Grèce centrale, dans les cités grecques d’Italie du Sud, en Macédoine et en Grèce du Nord, en Asie Mineure et dans tout le Proche-Orient de langue grecque, en Égypte et en Cyrénaïque (Libye). C’est une mise en valeur remarquable de la collection, qui a bénéficié d’un long et patient travail de mise en contexte des objets par l’équipe scientifique de la conservation. On en citera quelques exemples : les fragments d’architecture du palais royal de Vergina ou des tombes macédoniennes, autrefois perdus dans la cour du Sphinx, ont rejoint les peintures hellénistiques sur pierre de Volos (Thessalie) et le matériel découvert par Léon Heuzet replaçant l’exceptionnelle collection du Louvre consacrée à la Grèce du Nord au centre de ce parcours. On a pu également évoquer la riche cité de Canosa (Italie du Sud) en réunissant du matériel autrefois dispersé à l’étage (skyphos

en verre, diadème en or ou les grandes Pleureuses de Canosa) ou encore Alexandrie et la Libye hellénistique.

Le parcours chronologique consacré à l’art grec antique au musée du Louvre est aujourd’hui achevé : il commence à l’entresol par la galerie de la Grèce préclassique et se poursuit par deux salles consacrées à deux monuments d’exception, le temple d’Olympie et le Parthénon d’Athènes, qui font l’articulation avec le nouveau projet des galeries d’art grec classique et hellénistique.

J.-L. Martinez

Bibliographie

Sur les salles du départementMartinez (J.-L.), « Les salles d’art grec classique et hellénistique du

musée du Louvre », La Revue des musées de France. Revue du Louvre,

2011-1, p. 32-42.

Pasquier (A.) et alii, « Le département des Antiquités grecques, étrusques

et romaines : agrandissement et nouvelles présentations », La Revue

des musées de France. Revue du Louvre, 1997-5, p. 29-38.

Sur les collections présentées dans ces sallesArveiller (V.) et Nenna (M.-D.), Les Verres antiques, t. 1, Paris, RMN,

2000.

Arveiller (V.) et Nenna (M.-D.), Les Verres antiques du musée du Louvre,

t. 2 et 3, Paris, Musée du Louvre et Somogy, 2005 et 2011.

Hamiaux (M.), Les Sculptures grecques. II. La période hellénistique, Paris,

RMN, 1998.

Martinez (J.-L.), La Grèce au Louvre, Paris, Musée du Louvre éditions et

Somogy, 2010.

Pasquier (A.) et Martinez (J.-L.), Cent chefs-d’œuvre de la sculpture grecque

du Louvre, Paris, Musée du Louvre éditions et Somogy, 2007.

Rouveret (A.), Peintures grecques antiques. La collection hellénistique du

musée du Louvre, Paris, Musée du Louvre éditions et Fayard, 2004.

 On 7 July 2010, after major reorganisation work, the Louvre opened new exhibition rooms devoted to Classical Greek and Hellenistic art (450–30 bc). This work was made possible by the generosity of the Japanese group Nippon Television Network. Located in the south-western corner of the Cour Carrée, this ensemble of ten rooms (1,163 sq.m belonging to the former royal apartments) precedes the famous Salle des Cariatides, thereby completing the chronological order of the area devoted to classical Greek art. This reorganisation, which began in 1997 with the opening of the pre-classical Greek art section in the entresol, has facilitated—in accordance with a scientific programme that was formulated in 1998 by the entire conservation team—a better understanding of the progress made in the research on the collections since the last presentation in the 1980s. The chronological limits defining the Classical and Hellenistic periods have been re-evaluated, thanks to recent research; and more knowledge has been gained about the archaeological context of the objects found in nine-teenth-century excavations, thanks to ongoing research in the Depart-ment, which has been highlighted in several recent exhibitions and catalogues.

Salle 12, consacrée à l’archéologie de l’Égypte et de la Libye

Expositions

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Musée à vocation universelle, le Louvre s’attache à montrer, selon les mots de Charles Péguy, le « long et visible cheminement de l’humanité ». L’année s’est ouverte sur la grande exposition « Sainte Russie », qui s’inscrit

pleinement dans notre volonté d’ouverture vers une civilisation trop longtemps restée hors de nos regards et de notre considération. Événement majeur de la saison culturelle franco-russe, cette manifestation évoquait de façon exceptionnelle près de mille ans de l’histoire de l’art russe. Autre continent, autres terres nouvelles, le Louvre a souhaité porter son attention vers la Nubie et le Soudan avec l’exposition « Méroé. Un empire sur le Nil », qui illustrait la majesté d’une civilisation antique encore trop méconnue où se mêlent les influences africaines, égyptiennes et gréco-romaines. L’exposition « Routes d’Arabie » a, quant à elle, dressé un panorama inédit des cultures de la péninsule Arabique. L’actuel royaume d’Arabie Saoudite abrite en effet dans son sol des vestiges de cultures remontant à la préhistoire et les routes commerciales tracées dès l’Antiquité y ont perduré tout au long de la période islamique en se doublant des routes de pèlerinage qui convergent vers les Lieux saints de La Mecque et de Médine.

En consacrant au xviiie siècle les principales expositions du dernier trimestre de l’année 2010, le Louvre a rendu hommage à cette vision humaniste et universaliste qui s’ancre dans la pensée des Lumières dont il est issu.

« L’Antiquité rêvée » montrait comment courants et contre-courants ont dialogué, se sont affrontés et se sont positionnés par rapport aux œuvres antiques nouvellement découvertes et publiées. Les savants des xviie et xviiie siècles ont souvent rassemblé leur savoir dans d’imposants recueils figurés – ces « musées de papier » qui nous étaient présentés dans la salle de la Chapelle, nous laissant parcourir sous forme de gravures ou de dessins un nombre considérable d’œuvres antiques. « Paestum, archéologie d’une cité » faisait revivre cette cité majeure de l’Italie méridionale où l’on redécouvrit au xviiie siècle de grands temples grecs mais également des vases peints et des fresques funéraires. « Le Louvre au temps des Lumières » mettait en évidence le creuset intellectuel et social qu’a constitué le palais en cette période charnière de l’histoire. La saison xviiie au Louvre s’est achevée par la redécouverte du sculpteur Messerschmidt, un artiste à l’humour décapant, expert dans l’art du portrait, dont l’audace séduit depuis deux siècles.

C’est à l’occasion d’expositions régulières que le département des Arts graphiques donne à contempler les chefs-d’œuvre de son fonds de plus de cent quatre-vingt mille œuvres. Les études menées sur la collection ont permis au public du musée de découvrir ou redécouvrir « Toussaint Dubreuil, premier peintre d’Henri IV », « Watteau et l’art de l’estampe », « Luca Cambiaso, maître de l’école génoise », ainsi qu’une exposition consacrée aux cinq dernières années d’acquisitions.

Au sein des collections sont organisées chaque année des expositions discrètes qui n’en demeurent pas moins fondamentales, regroupées sous l’appellation « Actualités des départements ». Préparées durant des années, elles montrent des œuvres exceptionnelles de nos collections, lèvent le voile sur des cultures, des artistes, des collectionneurs, des moments de l’archéologie et de l’histoire de l’art…

Mais le Louvre rayonne aussi par ses nombreuses expositions hors les murs : au Grand Palais avec les remarquables expositions « Turner et ses peintres » et « France 1500 » ; en région, où la section copte du département des Antiquités égyptiennes a proposé un autre regard sur l’Égypte ; et à l’étranger avec « Les Tanagras » à Valence,

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« Napoléon et le Louvre » et « Voyager et dessiner » à Moscou, et enfin « La Renaissance italienne dans la collection Edmond de Rothschild » à Pékin.

Henri Loyrette

 In its role as universal museum, the Louvre aims to show what Charles Péguy described as the “long and visible path of man’s progress”. The year began with the major “Sainte Russie” (Holy Russia) exhibition, which exemplifies the Museum’s aim to embrace a civilisation that has for too long remained outside its sphere of interest. This major event in the Franco-Russian cultural season offered an exceptional opportunity to explore almost one thousand years of art history in Russia. The Louvre also decided to focus on other “unexplored” regions—Nubia and the Sudan—on another continent, with the “Méroé, un empire sur le Nil” (Meroë, an Empire on the Nile) exhibition, which provided visitors with an opportunity to view the splendour of a still largely unknown ancient civilisation combining African, Egyptian, and Graeco-Roman influences. The “Routes d’Arabie” (Roads of Arabia) exhibition offered a novel overview of the cultures in the Arabian Peninsula. There are vestiges of prehistoric cultures in modern Saudi Arabia, and the commercial routes that appeared in Antiquity continued to be used throughout the Islamic period; they were complemented by the establishment of pilgrimage routes that lead to the holy sites of Mecca and Medina.

By devoting the principal exhibitions in the last quarter of 2010 to the eighteenth century, the Louvre paid homage to the Museum’s humanist and universalistic vision, which is rooted in the Enlightenment thought from which the institution originated.

The “Antiquity Rediscovered” exhibition showed how the various movements and counter-movements interacted, confronted each other, and positioned themselves in relation to the newly discovered and published antique works. Seventeenth- and eighteenth-century antiquarians often assembled their expertise in imposing illustrated volumes of antiquities: these “Musées de papier” (paper museums) were exhibited in the Salle de La Chapelle and enabled visitors to view a considerable number of antique works in the form of engravings and drawings. “Paestum, archéologie d’une cité” (Paestum, the archaeology of a city) brought the ancient city in southern Italy back to life; large Greek temples, painted vases, and funerary frescoes were discovered in the city in the eighteenth century. “Le Louvre au temps des Lumières” (The Louvre in the Age of Enlightenment) highlighted the Louvre’s role as an intellectual and social melting pot in this pivotal period of history. The season devoted to the eighteenth century in the Louvre ended with a review of the sculptor Messerschmidt, an expert portraitist, whose scathing humour and audacity have fascinated people for two centuries.

The regular exhibitions held by the Department of Graphic Arts enable visitors to view masterpieces from its collection of more than 180,000 works. The studies of the collection have enabled visitors to discover or rediscover ‘”Toussaint Dubreuil, Premier Peintre d’Henri IV”, “Watteau et l’art de l’Estampe” (Watteau and the Art of Engraving), “Luca Cambiaso – Maître de l’école génoise” (Luca Cambiaso – Master of the Genoese School), and view an exhibition of works acquired over the last five years.

Exhibitions on a smaller scale—but equally important—are organised within the individual departments each year, and are classified under the term “Actualités des départements”. Prepared over many years, the exhibitions focus on exceptional works, and spotlight cultures, artists, collectors, and key moments in archaeology and the history of art.

But the Louvre also contributes to or collaborates on many exhibitions in external venues: in the Grand Palais, with the remarkable exhibitions entitled “Turner et ses peintres” (Turner and his Painters), and “France 1500”; in the provinces, where the Coptic division of the Department of Egyptian Antiquities offered a different view of Egypt; and abroad with “Les Tanagras” (The Tanagras) in Valencia; “Napoléon et le Louvre” (Napoleon and the Louvre), and “Voyager et dessiner” (To Draw and To Travel) in Moscow; and, “La Renaissance italienne dans la collection Edmond de Rothschild” (The Italian Renaissance in the Edmond de Rothschild Collection) in Beijing.

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Sainte Russie. L’art russe des origines à Pierre le GrandHall Napoléon, 5 mars – 24 mai 2010Commissaires : Jannic Durand et Dorota Giovannoni, département des Objets d’art

Organisée dans le cadre de l’année France-Russie 2010, l’expo-sition était la première consacrée par le musée du Louvre à l’art russe ancien. Elle se proposait de retracer les grands traits de l’histoire de l’art russe depuis le temps de la conversion des Slaves de l’Est au christianisme orthodoxe, à la fin du xe siècle, jusqu’au début du règne de Pierre le Grand et des grands bou-leversements imposés en Russie par le souverain, avec la fon-dation symbolique d’une nouvelle capitale, Saint-Pétersbourg, en 1703.

Trop souvent, au regard des icônes notamment, l’art russe ancien est surtout considéré comme un simple prolongement de l’art byzantin jusqu’au seuil du siècle des Lumières. Au contraire, l’exposition souhaitait montrer que si l’art russe, essentiellement religieux jusqu’au xvie siècle dans les monu-ments conservés, est bien l’héritier privilégié de Byzance à laquelle la Russie doit sa conversion, d’autres apports, pério-diquement renouvelés, sont venus fertiliser l’art russe dès ses débuts et lui donner une véritable et solide identité. C’est en particulier le cas de l’art occidental, roman puis gothique, puis des modèles de la Renaissance et du xviie siècle, qui, bien avant le règne de Pierre le Grand, ont contribué à infléchir plus ou moins fortement l’héritage byzantin et à donner naissance à un art russe autonome et profondément original.

Il a semblé que seul le parti d’une présentation chrono-logique permettait de mesurer l’intensité et l’impact réels

du phénomène à travers chacune des grandes périodes de l’histoire russe et de rendre compte en même temps de l’évo-lution interne de l’art russe. C’était aussi le moyen de per-mettre au public de mieux appréhender ces liens en fonction des époques et de replacer plus facilement dans leur contexte les grandes figures historiques qu’il connaissait : Alexandre Nevski, Ivan le Terrible ou Boris Godounov. L’organisation du catalogue obéit au même principe, chaque section étant systé-matiquement précédée d’une introduction historique, tandis que des introductions spécifiques sur l’architecture s’efforcent de compléter la vision très partielle donnée par les maquettes et les fragments d’architecture et de décor monumental qui ont pu être exposés.

Il fallait aussi pouvoir confronter concrètement des œuvres byzantines originales parvenues en Russie et leur postérité russe, en tentant aussi de distinguer les apports successifs – et différen-ciés – de l’art byzantin antérieur au xiiie siècle, de l’art des Paléo-logues et de l’art post-byzantin grec ou balkanique. De même, la présence dans l’exposition de plusieurs œuvres occidentales par-venues en Russie dès leur création – bronzes du Saint-Empire, émaux de Limoges et émaux mosans, manuscrits – offrait un répertoire technique et décoratif varié dont on retrouvait immé-diatement l’écho plus ou moins sensible dans la genèse de « l’âge d’or » de l’art russe qui fut celui de la Rous’ kiévienne aux xie et xiie siècles. Et cela, jusque sur les portes monumentales de la

Exposition « Sainte Russie », section « Premier épanouissement chrétien (milieu du xie – début du xiiie siècle) »

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cathédrale de Souzdal au début du xiiie siècle, où la fameuse technique de la « chrysographie » est en fait celle du vernis brun propre à toute l’Europe romane. Une fois ce constat établi, on pouvait ainsi retrouver, renouvelant subtilement l’héritage byzantin, l’écho continuel de l’art occidental – aux côtés de celui des arts orientaux – dans la genèse de l’art russe : sinuosités de la peinture italienne du Duecento sur l’icône de la Vierge de la Tolga après les invasions mongoles du xiiie siècle, fleurons gothiques du panaghiarion de Novgorod datant de 1435, subtili-tés dogmatiques latines introduites sur les icônes du temps d’Ivan le Terrible, répertoire ornemental et techniques des orfèvres de la Renaissance sur le grand oklad de la Trinité de Roublev conservé à Serguei Possad, tentations baroques des peintres et orfèvres du palais des Armures au xviie siècle…

Surtout, à la différence des expositions précédentes d’art russe ancien, y compris en Russie, il était indispensable de ne pas se contenter d’une seule technique, comme par exemple la seule peinture d’icône, ni même de deux ou trois grands musées prêteurs. Il fallait solliciter le concours d’un grand nombre d’institutions russes – au total vingt-quatre, de Mos-cou, de Saint-Pétersbourg et des grandes régions de la Russie ancienne – et le compléter par quelques prêts ponctuels signifi-catifs européens et français. On ne devait pas non plus négliger l’apport de pièces archéologiques, de documents historiques ou des monnaies, reflets immédiats de la réalité, placés en regard des chefs-d’œuvre qu’ils contribuaient à mieux com-prendre. On pouvait ainsi espérer montrer que si l’art russe ancien a certes fait preuve d’une singulière capacité à préserver l’héritage de Byzance jusqu’au seuil du xviiie siècle, il est par-venu dès l’origine à se forger une véritable et forte identité en se « réinventant » continuellement.

Enfin, au-delà de l’exposition, trois manifestations ont pro-posé aux intervenants et au public une série de réflexions nou-velles parallèles ou complémentaires : une table ronde organi-sée avec Pierre Gonneau et l’École pratique des hautes études (le 13 avril 2010) ; à l’auditorium du Louvre, un colloque « L’in-vention de la Sainte Russie » (les 26 et 27 mars 2010) ; enfin, toujours à l’auditorium, une journée-débat « Musée-musées » : « Restaurer, reconstruire : les églises russes, un patrimoine architectural » (le 7 avril 2010).

J. Durand

 Organised in the framework of the year of France-Russia 2010, this was the Musée du Louvre’s first exhibition consecrated to ancient Russian art, from the tenth century to the reign of Peter the Great. The exhibition aimed to show that while Russian art was mainly religious until the sixteenth century and was heavily influenced by the Byzantine heritage, it was also open to other influences that contributed to its development and gave it a veritable and solid identity. This is particularly true for Western, Romanesque, Gothic, Renaissance, and seventeenth-century art, which, well before the reign of Peter the Great, all brought some degree of change to the Byzantine heritage. The decision to present the exhibition chronologically facilitated the analysis of this phenomenon and its real impact in each of the great periods of Russian history and included the internal evolution of Russian art. To fulfil these aims it was necessary to solicit the help of many Russian institutions and complement it with a selected number of significant European and French loans.

In addition to the exhibition the public and the participants were provided with a series of parallel and complementary events: there was a round table with Pierre Gonneau and the EPHE (13 April 2010), a conference on L’invention de la Sainte Russie (on 26 and 27 March 2010), and the day of talks on “Musée-musées”, reconstruire: les églises russes, un patrimoine architectural (7 April 2010).

Exposition « Sainte Russie », salle de l’iconostase de la Dormition du monastère

Saint-Cyrille du lac Blanc

Exposition « Sainte Russie », section « Le temps des troubles », avec l’oklad de

la Trinité d’André Roublev

Exposition « Sainte Russie », section « De Michel Romanov à Pierre le Grand »,

l’iconostase funéraire de la régente Sophie

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La Collection Motais de Narbonne. Tableaux français et italiens des xviie et xviiie siècles Aile Sully, 2e étage, 25 mars – 21 juin 2010 Commissaire : Stéphane Loire, département des Peintures

Depuis deux siècles, les collections du Louvre n’ont cessé de s’enrichir grâce aux dons de généreux amateurs. Certains d’entre eux ont créé leur collection avec la volonté de complé-ter les lacunes du musée ; pour beaucoup d’autres, ce dernier a été à l’origine de leur vocation de collectionneur, tout en les aidant à former leur goût. Héléna et Guy Motais de Narbonne, amateurs parisiens familiers du Louvre, ont constitué avec pas-sion depuis le début des années 1980 une collection remar-quablement cohérente. Cette exposition l’a révélée au public à travers quarante-quatre peintures françaises et italiennes des xviie et xviiie siècles. La plupart ont des sujets d’histoire, d’ins-piration religieuse ou mythologique : l’ensemble ne comporte pas de paysage, une seule nature morte, et peut-être un portrait traité sur un mode allégorique. Certaines œuvres, inédites, sont dues à des artistes déjà bien représentés au Louvre ; d’autres à des peintres absents des collections du musée. Parmi celles-ci, et grâce à la générosité des col-lectionneurs, deux tableaux choisis par les conservateurs du département des Peintures sont venus enrichir son fonds de peinture ancienne : dès la fin de l’exposition, La Bataille entre les Amazones et les Grecs de Claude Déruet a trouvé sa place dans les salles de pein-ture française du xviie siècle, et Le Retour du fils prodigue de Domenico Maria Viani dans celles de peinture italienne du xviiie siècle. En faisant découvrir cet ensemble de peintures inconnu des visi-teurs du Louvre, l’exposition a souhaité montrer qu’il était encore possible aujourd’hui de composer une collection de grande qualité. Mais elle témoigne aussi de l’esprit du musée, attentif à l’action des collectionneurs, qu’il consi-dère comme complémentaire de la sienne.

S. Loire

 Since the 1980s, Héléna and Guy Motais de Narbonne, Parisian collectors associated with the Louvre, have passionately assembled a remarkably coherent collection of seventeenth- and eighteenth-century French and Italian paintings. Most of them have historical, religious, and mythological themes. By introducing this ensemble of paintings to the

Louvre’s visitors, the exhibition aimed to demonstrate that it was still possible to assemble a collection of great quality today. It also showed that the Museum is interested in the activities of collectors that it considers as complementary to its own.

Exposition « La Collection Motais de Narbonne », vue générale de l’exposition

Exposition « La Collection Motais de Narbonne », La Bataille entre les Amazones et les Grecs de Claude Déruet, don

d’Héléna et Guy Motais de Narbonne au Louvre en 2009.

Expositions

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Méroé. Un empire sur le NilAile Richelieu, 26 mars – 6 septembre 2010Commissaires : Guillemette Andreu-Lanoë, Michel Baud et Aminata Sackho-Autissier, département des Antiquités égyptiennes

Cette exposition a été à plus d’un titre un événement nova-teur dans la programmation culturelle du musée. Inscrite dans l’accord de coopération signé en 2005 avec les autorités de la National Corporation for Antiquities and Museums du Sou-dan, elle a été l’élément le plus visible de la politique d’ouver-ture du département des Antiquités égyptiennes sur l’archéo-logie soudanaise et les civilisations peu connues qui se sont épanouies dans l’antiquité de ce pays, situé à la frontière méri-dionale de l’Égypte.

Présenter la grandeur et les particularités de la civilisation de Méroé était une première en France. Le public, intrigué par ce sujet neuf et exotique, est venu nombreux à cette exposi-tion dédiée aux vestiges archéologiques et culturels de Méroé, vaste empire qui s’est développé sur les rives du Nil subsaha-rien entre 270 avant J.-C. et 350 après J.-C. Réunissant quelque deux cents œuvres, dont la plupart (cent dix-huit) étaient prê-tées à titre exceptionnel par le musée de Khartoum, les com-missaires firent aussi des emprunts au musée Dobrée (Nantes), au British Museum (Londres), au World Museum et au Gars-tang Museum (Liverpool), aux Staatliche Museen zu Berlin

(Ägyptisches Museum und Papyrussammlung), au Staatliches Museum Ägyptischer Kunst (Munich) et au Rijksmuseum van Oudheden (Leyde).

Le commissariat, assuré par Guillemette Andreu-Lanoë, Michel Baud et Aminata Sackho-Autissier, s’est appuyé sur les expériences de terrain et sur les découvertes scientifiques et archéologiques effectuées lors des deux dernières décennies dans le domaine méroïtique pour donner à comprendre et à admirer ce que l’on a appris récemment de cette civilisation.

Après une évocation des pionniers de l’archéologie nilo-tique qui s’aventurèrent au xixe siècle dans la nécropole de Méroé où ils découvrirent les centaines de pyramides de grès ocre qui y avaient été érigées, l’exposition était divisée en sec-tions thématiques qui présentaient la vie quotidienne, l’arti-sanat, les bijoux, les rois et leurs insignes du pouvoir, le rôle des reines dans le gouvernement, les systèmes sociaux, les cultes, le panthéon où cohabitent Amon l’Égyptien et Diony-sos le Grec, ainsi que l’au-delà tel que le concevait le peuple de Méroé. La langue et l’écriture méroïtiques – laquelle n’est que partiellement déchiffrée et dont la compréhension fait

Exposition « Méroé. Un empire sur le Nil », vue de l’entrée

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des progrès réguliers quoique pas encore décisifs – faisaient l’objet d’une section particulièrement dense et pédagogique, destinée à illustrer la méthode actuellement mise en place pour aboutir à un déchiffrement intégral. De ce foisonne-ment d’œuvres tantôt rudes et massives, tantôt subtiles et délicates, marquées par les cultures égyptienne, africaine, grecque et romaine, se dégageait l’impression d’une création artistique inventive, parfois impérieuse, reflet d’une société multicuturelle forte des influences qui s’y côtoyaient et s’y mêlaient, et qui a produit des œuvres que l’archéologue n’a aucun mal à qualifier de méroïtiques, tant leurs caractères sont identifiables.

Deux projections silencieuses, à l’entrée et à la fin de l’ex-position, permettaient au visiteur d’admirer le paysage des sites archéologiques de l’« île de Méroé » et de voir quelques séquences d’un film documentaire tourné sur le chantier du

Louvre à Mouweis, qui livre des renseignements précieux sur l’archéologie urbaine de cette brillante civilisation africaine.

G. Andreu-Lanoë

 As part of the cooperation agreement signed with the authorities of the National Corporation for Antiquities and Museums of Sudan in 2005, the exhibition was the most visible result of the policy of openness of the Sudanese department of Egyptian antiquities on Sudanese archaeology and the relatively unknown civilisations that flourished in Antiquity in this country located at Egypt’s southern border. The two hundred or so works mostly came from the Khartoum Museum, and were complemented with several national and European loans.

The curators were Guillemette Andreu-Lanoë, Michel Baud, and Aminata Sackho-Autissier, based on their own experiences on-site and on the scientific and archaeological discoveries made over the last two decades: this provided an insight into and admiration for recent discoveries about the cultural traits of the Meroë, the vast empire that developed on the banks of the sub-Saharan Nile between 270 bc and ad 350.

Routes d’Arabie. Archéologie et histoire du royaume d’Arabie Saoudite Hall Napoléon, 14 juillet – 27 septembre 2010Commissaires : Musée du Louvre : Béatrice André-Salvini, Françoise Demange, assistées de Marianne Cotty, département des Antiquités orientales, et Carine Juvin, département des Arts de l’Islam – Arabie Saoudite : Ali Ibrahim Al-Ghabban, vice-président des Antiquités et des Musées (SCTA)

L’exposition, placée sous le haut patronage de S. M. le roi Abdallah bin Abdulaziz Al Saoud et du président Nicolas Sarkozy, est l’aboutissement d’un accord de collaboration culturelle signé en 2004 par S. A. R. le prince Sultan bin Salman bin Abdulaziz Al Saoud, président de la Commission pour le tourisme et les antiquités du royaume d’Arabie Saou-dite, et le musée du Louvre.

« Routes d’Arabie » est la première grande exposition consa-crée au passé du royaume d’Arabie Saoudite. Le Louvre a eu le privilège de pouvoir présenter, pour la première fois en Occi-dent, une sélection d’environ trois cents œuvres – dont deux cent cinquante antérieures à l’époque de l’Islam –, dans un parcours archéologique et culturel allant de la préhistoire à l’aube des temps modernes. Elles offraient un panorama inédit

des différentes cultures qui se sont succédé dans la péninsule Arabique jusqu’à l’orée de la période moderne.

Les œuvres, d’un intérêt historique, esthétique et symbo-lique majeur, révèlent un territoire encore mal connu. Venant majoritairement du musée national de Riyad, mais aussi du musée du département d’Archéologie de l’université Roi-Saoud à Riyad, et de plusieurs musées régionaux (Dammam, Jedda, Taymâ’, Al-’Ulâ), elles n’étaient – à deux exceptions près – jamais sorties d’Arabie Saoudite. Une partie d’entre elles, iné-dites et/ou issues de fouilles récentes, n’y sont pas exposées au public.

En dépit de conditions naturelles difficiles, du fait de sa position géographique centrale en Asie occidentale et de l’étendue de son territoire, l’Arabie Saoudite abrite dans son

Exposition « Méroé. Un empire sur le Nil », la statue d’un roi archer Exposition « Méroé. Un empire sur le Nil », Tambour ornemental à scènes bachi-

ques, département des Antiquités égyptiennes (E 11522)

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sol de nombreux vestiges de cultures remontant à la pré-histoire. Au fil de l’histoire, les relations ou le passage de relais entre ces cultures se sont faits le plus souvent au rythme des contacts avec les civilisations voisines de Mésopotamie, d’Iran, d’Égypte, du Levant ou du Yémen, puis avec les grands empires de la fin de l’Anti-quité. Des caravanes ont de tout temps sillonné l’Arabie d’est en ouest et du nord au sud. Elles ouvrirent et sui-virent des routes tracées au gré des paysages et des lieux d’étapes ; elles entretinrent pendant des millénaires le rôle privilégié de la région en tant que nœud commercial et culturel, au cœur du com-merce des matières précieuses et des circuits de l’encens. C’est le long de ces routes que se créèrent les principaux centres habités, simples cam-pements d’une tribu ou capi-tales d’un État.

Cette « itinérance » le long de parcours bien identifiés a conféré une particularité, une unité à ce pays aux pay-sages et au peuplement pour-tant diversifiés. Elle a mis en contact, au cours de l’Anti-quité, des régions, des tribus, des croyances, des cultures, des langues et écritures, ou-vrant ainsi la voie à l’implan-tation et à la diffusion rapide de l’islam, né dans la région côtière nord-occidentale du Hijâz. Les routes de com-merce devinrent routes du pèlerinage, reliant les grandes capitales musulmanes aux villes saintes de La Mecque et de Médine. Elles furent celles de l’unification politique du pays par la dynastie Al Saoud.

Dans ces lieux de confluence de divers courants intellec-tuels ou artistiques, un art original se développa pourtant à plusieurs époques, notamment dans les États du Hijâz au nord-ouest, au Ier millénaire avant notre ère. Le grès rouge des mas-sifs montagneux de la région permettait une grande finesse de gravure et d’expressivité, comme le montrent par exemple les petites stèles funéraires du IVe millénaire avant J.-C. ou le développement de la sculpture monumentale du royaume de Lihyân (ive-iiie siècles avant J.-C.).

Pour reconstruire, dans une exposition, l’histoire du pays – véritable « melting pot » des civilisations alentour, où se mêlent et s’influencent les langues et écritures diverses qui donnèrent naissance à l’arabe d’aujourd’hui –, une approche archéologique s’imposait, permettant de replacer les déve-loppements régionaux dans le cadre historique plus vaste du Proche-Orient.

Les routes d’Arabie constituaient le fil conducteur de cette exposition qui proposait un parcours dans l’espace et dans le temps, conçu comme une succession d’étapes dans quelques-

Exposition « Routes d’Arabie », stèles funéraires du IVe millénaire

Exposition « Routes d’Arabie », le royaume de Lihyân

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unes des grandes oasis de la péninsule : dans la province orientale de l’Arabie, sur les rives du Golfe aux époques très anciennes (VIe-IIIe millénaire avant J.-C.) ; puis au nord-ouest, dans le Hijâz, carrefour des routes venant du Yémen et se diri-geant vers la Mésopotamie ou la Méditerranée au Ier millénaire, lorsque se développe le commerce de l’encens venu du Yémen ; enfin au sud-ouest, notamment pour l’époque hellénistique et romaine, en relation, de nouveau, avec la côte orientale. La naissance de l’islam nous ramenait dans la région côtière du Hijâz, où sont situées les villes saintes.

Cette approche fut facilitée par la volonté d’ouverture des autorités saoudiennes et par le développement très important de l’archéologie nationale et de la mise en valeur des sites depuis près d’un demi-siècle, mais particulièrement ces der-nières années. Des pièces exceptionnelles ont été prêtées. Une collaboration exemplaire, autant institutionnelle que scien-tifique, s’est développée au cours de l’élaboration du projet. Les recherches nécessaires à sa réalisation et la présentation au Louvre de nombreuses œuvres inédites ont fait progresser la connaissance de l’histoire de l’Arabie. Ce travail commun a notamment permis que soient effectuées, au musée du Louvre, des restaurations spectaculaires. Les statues colossales des an-ciens rois de Lihyân ont été nettoyées et remontées au Louvre (voir chapitre « Restaurations » ci-dessus), avec la bienveillante permission et la confiance des autorités saoudiennes, qui nous

ont permis d’intervenir sur la totalité des œuvres venues au Louvre. De nouveaux programmes de coopération, portant sur la formation, la restauration et la muséologie, sont en projet.

B. André-Salvini

 “Routes d’Arabie” (Roads of Arabia) was the first major exhibition about the history of the Kingdom of Saudi Arabia. In this mixed archaeological and cultural initiative, the Louvre was proud to exhibit a selection of around 300 works ranging from prehistory to the dawn of modern times, displayed together for the first time in the West. The exhibition provided an unprecedented panorama of the various cultures that succeeded each other in the Arabian peninsula, up until the beginning of the modern era.

The works shown had great historical, aesthetic, and symbolic importance, and provided insights into a still unknown territory. Most of the exhibits were provided by the Riyadh National Museum, the museum of the department of archaeology of the King Saud University in Riyadh, and several national museums (Dammam, Jeddah, Tayma’, and Al-’Ula). Except in two cases, none of these items had ever left Arabia before, and some works were either previously unseen, or had been unearthed in recent excavations and had not yet been exhibited to the public.

The exhibition’s common theme was the great trade routes across Arabia. Visitors were taken on a journey through space and time, and shown the successive phases of development affecting one of the peninsula’s great oases, a journey spanning from the sixth millennium in Arabia’s eastern province, on the banks of the Gulf, through to Islam in the coastal region of Hejaz, the site of the holy cities.

Exposition « Routes d’Arabie », la découverte d’al-Rabadha, ville des premiers

temps de l’Islam

Exposition « Routes d’Arabie », les stèles du cimetière d’al-Ma‘lâ à La Mecque,

et au fond la porte de la Ka’ba

Expositions

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UNE SAISON XVIIIe AU LOUVRE

Musées de papier. L’Antiquité en livres, 1600-1800Salle de la Chapelle, 25 septembre 2010 – 3 janvier 2011Commissaire : Élisabeth Décultot, CNRS – Centre Marc-Bloch, Berlin

L’idée de l’exposition « Musées de papier. L’Antiquité en livres, 1600-1800 » est née d’un constat : le mouvement du retour à l’antique qui traverse la production artistique des xviie et xviiie siècles s’est appuyé sur la constitution et la circulation dans l’Europe entière de recueils d’images représentant les œuvres d’art de l’Antiquité. Ces recueils ont pu revêtir des formes diverses : collections de dessins sur le modèle du Museo cartaceo de Cassiano dal Pozzo (1588-1657) ou encore séries de gravures commentées et reliées en livres, telles que L’Antiquité expliquée et représentée en figures de Bernard de Montfaucon (1719). Quelle que soit leur forme, ces recueils d’images de l’art antique ont eu une incidence forte sur une série de phé-nomènes marquants au xviiie siècle : naissance des disciplines archéologie et histoire de l’art, essor du goût pour l’Antiquité grecque et romaine, curiosité pour des ères historiques de plus en plus variées, incluant l’Égypte ancienne, le monde étrusque ou encore la période paléochrétienne. Or peu de travaux ont été consacrés à l’exploration de ce phénomène. C’est pour-quoi il nous a paru nécessaire d’organiser cette exposition, qui constitue sans doute une entreprise quelque peu inhabituelle pour le musée du Louvre. Si elle entre bien par son sujet – l’art antique et son histoire – dans les grands domaines tradition-nellement représentés au Louvre, elle ne s’intéresse néanmoins pas prioritairement aux œuvres d’art antiques elles-mêmes, mais à leurs représentations graphiques modernes, dessinées ou imprimées, et singulièrement aux livres qui, aux xviie et xviiie siècles, ont permis la diffusion de ces représentations.

Les musées de papier doivent leur nom au savant, collec-tionneur et mécène italien Cassiano dal Pozzo, qui constitua avec son frère Carlo Antonio l’une des collections de dessins les plus riches du xviie siècle. Cette collection de plusieurs milliers de feuillets reçut le nom de Museo car-taceo. Si la botanique, la zoolo-gie et la géologie occupent une place importante dans cet ensemble, c’est surtout à ses reproductions d’œuvres an-tiques que le musée de papier de dal Pozzo dut sa célébrité. Cette partie de sa collection, dont plusieurs pièces sont pré-sentées dans l’exposition, ser-vit de modèle ou de source d’inspiration à de multiples antiquaires dans l’Europe en-tière, parmi lesquels Antonio Bosio (1575-1629), Giovanni Ciampini (1633-1698), Pietro

Sante Bartoli (1635-1700) ou encore Francesco et Giuseppe Bianchini (1662-1729 ; 1704-1764) pour la tradition italienne, François Roger de Gaignières (1642-1715) et Bernard de Mont-faucon pour la tradition française. Dans un parcours chronologi-quement ample, l’exposition « Musées de papier » mène le visi-teur des recueils d’antiquités rassemblés par ces représentants italiens ou français de la tradition antiquaire du xviie et du début du xviiie siècle jusqu’aux années 1760-1800, marquées par les ouvrages illustrés de Caylus (1692-1765), Winckelmann (1717-1768) et Jean-Baptiste Séroux d’Agincourt (1730-1814). Elle donne un aperçu des systèmes de classement qui président à l’organisation de ces recueils et montre comment, à la suite no-tamment des fouilles d’Herculanum à partir de 1738, la littéra-ture antiquaire s’enrichit d’une série de publications somptueu-sement illustrées, telles Le antichità di Ercolano esposte (1757-1792), ou encore de comptes rendus et de récits de voyage dus entre autres à Julien David Le Roy (1724-1803), James Stuart (1713-1788) et Robert Wood (1717-1771). Si elle ménage une place cen-trale aux dessins et aux supports imprimés, l’exposition ne s’y limite cependant pas. Dans un espace central évoquant le cabi-net de travail d’un antiquaire, elle donne également à voir quelques-uns des multiples objets et instruments (maquettes d’architecture, réductions en bronze, etc.) qui ont accompagné le travail antiquaire. Alternatifs au livre, ces objets sont cepen-dant inséparables du livre, qui reste sans conteste la forme essen-tielle par laquelle la connaissance de l’Antiquité s’élabore et se diffuse. Une collection d’empreintes de pierres gravées illustre bien ce lien intime avec le livre dans son apparence même : il

Exposition « Musées de papier. L’Antiquité en livres, 1600-1800 »

Expositions

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s’agit de la dactyliothèque de Philipp Daniel Lippert (1755), l’une des plus fameuses du xviiie siècle, qui présente les em-preintes de pierres gravées dans des coffrets en bois ressemblant à des livres.

É. Décultot

 During the seventeenth and eighteenth centuries, many antiquarians compiled their accumulated expertise in imposing illustrated volumes of antiquities, each one offering a sort of musée de papier (paper museum) displaying a considerable number of antique works in the form of engravings and drawings. The images of antique art contained in these “paper museums” heralded the eighteenth-century surge of interest in Greek and Roman Antiquity, and fostered a widespread curiosity for increasingly varied historic eras, including ancient Egypt, the Etruscan world, and the early Christian period. The aim of the Louvre’s “Musées de papier” exhibition was to highlight the extraordinary wealth of these collections of drawings and engravings. The show took the visitor on a tour that started with the Museo cartaceo de Cassiano dal Pozzo, famous for its reproductions of antique works, and continued up to the period 1760–1800, which was strongly influenced by the illustrated books of Caylus, Winckelmann, and Jean-Baptiste Séroux d’Agincourt. The exhibition also provided insights into the classification systems of these collections, and showed how, following the excavations at Herculaneum, the repertoire of antiquarian literature suddenly burgeoned with richly illustrated publications. Lastly, the exhibition presented a great variety of the objects and instruments (bronze reductions, architectural models, dactyliothèques, etc.) employed by the antiquarians in their work, which paved the way for the two modern disciplines of art history and archaeology.

Exposition « Musées de papier », évocation du cabinet de travail d’un antiquaire

Le Louvre au temps des LumièresAile Sully, 2e étage, 11 novembre 2010 – 7 février 2011Commissaire : Guillaume Fonkenell, Histoire du Louvre

L’exposition a été l’occasion de présenter un premier bilan des recherches entreprises depuis 2008 par Guillaume Fonkenell dans le cadre d’une thèse de doctorat de l’université Paris IV-Sorbonne (sous la direction de Claude Mignot). Le choix des œuvres et leur commentaire sont tirés du catalogue de cette thèse, en cours de rédaction. L’exposition n’a pas donné lieu à la rédaction d’un catalogue, mais elle fera l’objet d’une pu-blication au sein du livre sur l’histoire du Louvre dont la parution est prévue en 2012. Le travail présenté doit beau-coup à la collaboration avec le service des Cartes et Plans des Archives nationales et avec le département des Estampes de la Bibliothèque nationale. Il a permis de montrer l’intérêt d’une période ordinairement considérée comme un temps mort de l’histoire du Louvre : aucune construction nou-velle ne fut entreprise et, en dépit de quelques tentatives, le bâtiment resta dans l’état inachevé de ruine grandiose où Louis XIV l’avait laissé. Cependant, le Louvre, cette « grande chaumière de la mo-narchie », selon l’expression de Marc Fumaroli, accueillit sans distinction les person-nalités et les activités les plus

diverses et devint un véritable creuset de réflexion sur les en-jeux d’une société en pleine réflexion sur elle-même.

Réflexion urbaine, qui prend naissance sous l’administra-tion du marquis de Marigny, directeur des Bâtiments du Roi de 1751 à 1772, autour de l’achèvement d’un palais au cœur de la capitale. Les critiques émises par La Font de Saint-Yenne et Voltaire sur l’abandon du Louvre font du palais un enjeu

Exposition « Le Louvre au temps des Lumières », vue générale de l’exposition

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urbain au cœur de la capitale. De 1750 à la Révolution, on y projeta en particulier plusieurs places royales, espaces formant écrin autour de la statue du souverain et marqueurs symbo-liques du pouvoir royal. Le Louvre fut également le site retenu pour un nouvel opéra, autre programme emblématique d’une société du spectacle et des loisirs. Les grandes vues de Boullée pour un opéra circulaire témoignent du développement dans les années 1780 de l’architecture néoclassique, faisant appel au jeu monumental des formes simples.

Le Louvre est aussi le lieu d’une réflexion sur la place des intellectuels et des arts dans la société, surtout avec le comte d’Angiviller, successeur de Marigny (1774-1791) et initiateur du projet de muséum qui allait devenir, sous la Révolution, l’embryon de l’institution que nous connaissons aujourd’hui. Mais ce musée doit être compris au sens antique du terme, comme espace de conservation des collections, de présenta-tion de l’art moderne (avec la grande exposition biennale du Salon) et aussi comme lieu d’enseignement et de recherche (marqué par la présence des académies). Il doit être complété par la bibliothèque royale. Si le Louvre a fait rêver les hommes du temps des Lumières, il a aussi été le cadre désordonné et inachevé de leur vie quotidienne. Ancienne demeure royale, les Tuileries hébergent le souverain lors de ses séjours à Paris, ponctuels sous Louis XV, permanents et forcés pour Louis XVI entre 1789 et 1792. Le Louvre abrite aussi tous ceux que la monarchie souhaite accueillir : administrations, logements de fonction et de faveur pour la noblesse, pour les artistes … qui font du palais le kaléidoscope de la société des Lumières.

G. Fonkenell

 The exhibition was part of a research project undertaken by Guillaume Fonkenell for a doctoral thesis from the Université de Paris IV, and was made possible by the active collaboration of loans from three organisations: the department of Maps and Plans in the French national Archives, the Prints Department of the Bibliothèque Nationale de France, and the Musée Carnavalet’s Drawings Department. After Louis XIV’s major construction works, and prior to the building’s completion in the nineteenth century, the Age of Enlightenment seems to have marked a pause in the Louvre’s history.

However, the palace reflects the ambitions of the society at that time, and was the object of numerous projects: urban settings in the heart of Paris and the desire to create a building consecrated to the arts and sciences, which prefigured today’s museum. Although these projects did not materialise, the Louvre became a refuge for all those welcomed by the monarchy, from the nobility to the artists, and provides insights into the society of the Enlightenment. This historical period is retraced through a selection of fifty drawings, engravings, and paintings.

L’Antiquité rêvée. Innovations et résistances au xviiie siècleHall Napoléon, 2 décembre 2010 – 14 février 2011Commissariat général : Henri Loyrette, musée du Louvre, et Marc Fumaroli, de l’Académie françaiseCommissaires : Guillaume Faroult, département des Peintures, Christophe Leribault, département des Arts graphiques, et Guilhem Scherf, département des Sculptures

L’exposition « L’Antiquité rêvée. Innovations et résistances au xviiie siècle » a été entreprise avec la volonté de rendre compte de la fertilité d’un siècle, le xviiie, dont la modernité fut pétrie de références au passé. Cette confrontation dynamique avait pris sa source à Paris, à la fin du xviie siècle, dans le cadre de l’Académie française, où se forma « la querelle des Anciens et des Modernes ». Ce conflit toucha bientôt l’Académie royale de peinture et de sculpture où l’on osa proférer cette question : les chefs-d’œuvre modernes peuvent-ils égaler ceux légués par l’Antiquité ? Cette question reprit une considérable vigueur au cours du deuxième tiers du xviiie siècle, et ce à une échelle euro-péenne, quand les théoriciens de l’art, les critiques et les ar-tistes eux-mêmes entreprirent de régénérer l’art de leur temps en se reportant directement aux sources de l’art antique. Cette exigence se trouva favorisée à la fois par l’abondance excep-tionnelle des découvertes (notamment sur les sites d’Hercu-lanum et de Pompéi) et aussi par la structuration progressive des champs de l’archéologie (en particulier grâce au comte de Caylus en France ou à Johann Joachim Winckelmann à Rome)

et de l’histoire de l’art (avec la publication de l’Histoire de l’art dans l’Antiquité de Winckelmann en 1764).

Exposition « Le Louvre au temps des Lumières », projets pour une place royale

Exposition « L’Antiquité rêvée », le renouveau du goût pour l’antique

Expositions

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C’est véritablement à la fin des années 1960 que les histo-riens de l’art, anglo-saxons tout d’abord, entreprirent d’étudier et, surtout, de réévaluer l’art européen de cette période quali-fiée de « néoclassique » grâce aux ouvrages fondateurs de Robert Rosenblum, Transformations in Late Eighteenth Century Art (1967), et de Hugh Honour, Neo-classicism (1968), auxquels on peut adjoindre l’admirable somme de Svend Eriksen, Early Neo-classicism in France, publiée en 1974. L’exposition « The Age of Neo-classicism », présentée à Londres en 1972, rassembla un ensemble exceptionnel de près de deux mille œuvres couvrant un champ considérable, tant géographique (de l’Espagne à la Russie) que chronologique (de 1760 à 1840). Aucune entre-

prise ne put depuis prétendre à une telle ampleur ! Depuis une quinzaine d’années, des expositions majeures ont rendu compte, essentielle-ment à l’étranger, de la vita-lité de l’art de cette période, et ce jusqu’à l’exposition « Le Goût à la grecque. La nais-sance du néoclassicisme dans l’art français », organisée par le musée du Louvre et pré-sentée à Madrid et Lisbonne en 2007-2008, puis à Athènes en 2009-2010.

Notre projet s’inscrit dans la lignée de ces entreprises et entend, pour la première fois depuis l’exposition lon-donienne de 1972, présenter une approche synthétique de l’art européen de cette période néoclassique. Bien entendu, nous ne pouvions pas prétendre brosser toute l’histoire de l’art européen sur près de soixante-dix années (de 1720 à 1790 en-viron) avec la sélection de quelque cent cinquante-sept œuvres que nous avons pu rassembler.

Dans un premier temps, pour raconter le déploiement de cette histoire qui s’impose dans ses grandes lignes de 1720 à la fin des années 1760 environ, nous avons opéré des choix selon cinq axes déterminants : le buste à l’an-tique ; le parcours d’un artiste exemplaire, Edme Bouchar-don ; les débats intellectuels et académiques au cours de ces années ; la question du renouveau du décor antique et celle, enfin, de la représen-tation de l’histoire (dans son acception académique) sui-vant le modèle antique.

Pour la première fois dans le cadre d’une exposition, nous avons voulu évoquer cette période néoclassique sur un mode contradictoire. Aussi avons-nous consacré la deuxième partie, en son centre donc, aux différentes « résistances » qu’oppo-sèrent les artistes en réaction à ces innovations à l’antique. En effet, au cours des années 1760-1790, il y eut des théoriciens et des créateurs pour contester cette prééminence de l’Anti-quité et en appeler à d’autres courants artistiques hérités du passé. Notre investigation se décline selon trois directions : un courant « néobaroque », une certaine veine « néomaniériste » et l’esthétique du « sublime ».

Exposition « L’Antiquité rêvée », le néobaroque

Exposition « L’Antiquité rêvée », le sublime

Expositions

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Enfin, dans un troisième mouvement, qui nous porte jusqu’au début des années 1790, lorsque la Révolu-tion française marqua une profonde césure dans la vie politique et, plus largement, dans l’histoire européenne, nous avons tenté d’éclairer certains aspects exemplaires des « néoclassicismes » triom-phants depuis la fin des an-nées 1770, à savoir le goût du décorum martial, l’exemple du grand homme, l’apologie de la vertu et, enfin, le corps magnifié, manifestation d’un art épuré et d’une humanité régénérée.

La force du projet reposait, croyons-nous, sur le croise-ment de ces références mul-tiples au passé qui sont au-tant de manières de le rêver, c’est-à-dire de le recréer selon différentes attentes. Ainsi, l’Antiquité – sans cesse invoquée par les différents créateurs que nous présentons dans l’expo-sition – n’est pas une, mais multiple, et semble plus modelée dans l’étoffe des songes que sculptée dans le marbre.

Notre entreprise a bénéficié de la remarquable contribution de Marc Fumaroli, de l’Académie française, qui, dès l’origine, a par-ticipé à la définition du propos, et des interventions des profes-seurs Thomas Gaehtgens et Christian Michel, ainsi que d’autres éminents spécialistes : Stephen Astley, Angelo Loda, Helen Smailes et, tout particulièrement, Alexandre et Bénédicte Gady.

G. Faroult, Ch. Leribault et G. Scherf

 At the end of the seventeenth century, one of the most widely discussed questions at the Académie Royale de Peinture et de Sculpture in Paris was whether modern masterpieces could ever equal those handed down from Antiquity. The question arose again in the later eighteenth century, this time on a European scale, when art theorists, critics, and the artists themselves turned to the art of Classical Antiquity as a source of regeneration for the art of their own times, in reaction to the works that came to light during the excavations at Herculaneum and Pompeii, and

with the birth of the new fields of archaeology and art history. At the end of the 1960s, art historians, especially in Britain and America,

began to re-evaluate European art of the period described as Neoclassical. Over the last fifteen years major exhibitions—especially outside France—have highlighted the vitality of the art of this period.

Through a selection of over one hundred-and-fifty major works, the exhibition Antiquité rêvée. Innovations et résistances au XVIIIe siècle (Antiquity Revived: Neoclassical Art in the Eighteenth Century) adopted a three-part synthetic approach to the art of this Neoclassical period in Europe:

- between 1720 and 1760, in opposition to the Parisian taste for rocaille and “decorative” Italian baroque, a stylistic renewal swept through all the arts, stimulated by archaeological discoveries and academic debates.

- however, in the 1760s, certain artists chose to express their unique vision of a less archaeological, more fanciful idea of Classical Antiquity, justifying this approach by inspiration from the Renaissance, the seventeenth century, and even the Middle Ages, which was synonymous with national antiquity.

- in the last quarter of the century, a more universal language emerged that largely took inspiration from the heroic values of the epoch, illustrated in the exhibition through the themes of the “Triumph of Mars”, “Great Men”, “The Apology of Virtue”, and “The Body Idealised”.

Paestum. Archéologie d’une citéGalerie Campana, salle 44, 1er décembre 2010 – 30 mai 2011Commissaire : Laurent Haumesser

L’actualité archéologique consacrée à Paestum entendait d’abord illustrer l’histoire de la redécouverte de ce site majeur d’Italie méridionale : la présentation de publications du xviiie et du xixe siècle a permis de rappeler l’intérêt suscité en Europe par la redécouverte des grands temples grecs (Soufflot, Labrouste), mais également des vases peints et des fresques funéraires. Ce fut également l’occasion de mettre en lumière une pièce mé-connue, l’un des rares exemplaires attestés d’une maquette en

liège d’une tombe paestane, exécutée au xixe siècle en Italie et conservée au musée Auguste-Grasset de Varzy (Nièvre).

L’histoire de la redécouverte du site, qui se prolongeait par une présentation des fouilles et des recherches récentes, trouvait une illustration directe dans une sélection de pièces conservées dans les collections du musée du Louvre, à com-mencer par la riche série de vases peints qui a permis de mon-trer les principaux artisans et les grands thèmes iconogra-

Exposition « L’Antiquité rêvée », le corps magnifié

Expositions

256

phiques de la céramique paestane. L’accent a également été mis sur les cultes de la cité et sur les statuettes votives, notam-ment sur une exceptionnelle statuette en argent d’Héraklès : la restauration au Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF) et l’étude menées à cette occasion ont permis de montrer toute l’importance de cette pièce pour la connaissance du culte du héros dans la cité de Paestum et plus largement dans le monde italique.

L. Haumesser

BibliographieHaumesser (L.), « À la découverte de Paestum », Grande Galerie. Le Journal

du Louvre, 14, décembre 2010 – février 2011, p. 54-63.

 This exhibition-dossier retraces the history of Poseidonia, a Greek colony founded circa 600 bc, which became known as Paestum when the Lucani occupied the city at the end of the fifth century bc. In the fourth century, the city was one of the main production centres for red-figure vases in southern Italy.

Franz Xaver Messerschmidt, 1736-1783Aile Richelieu, 28 janvier – 25 avril 2011Commissaire : Guilhem Scherf

L’exposition consacrée au sculpteur Franz Xaver Messerschmidt a été présentée au Louvre en 2011 après New York en 2010. Son catalogue, publié sous la direction de Maria Pötzl-Malikova et de Guilhem Scherf, a été pour ce dernier, qui y signe un essai, l’occasion de recherches menées au cours de l’année 2010. L’exposition a mis en lumière la place de Messerschmidt dans l’histoire de la sculpture de son temps (notamment en Italie) et le contexte culturel et intellectuel dans lequel il a baigné lorsqu’il se trouvait à Vienne.

G. Scherf

 The Louvre 2011 exhibition devoted to the sculptor Franz Xaver Messerschmidt follows the New York exhibition held last year. The exhibition catalogue, edited by Maria Pötzl-Malikova and Guilhem Scherf, comprises research carried out in 2010 by Scherf, author of an essay on the artist. The project examines Messerschmidt’s place in the history of contemporary sculpture (particularly in Italy) and the cultural and intellectual circles he moved in during his sojourn in Vienna.

Exposition « Paestum »

Exposition « Franz Xaver Messerschmidt, 1736-1783 »

Expositions

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EXPOSITIONS DU DÉPARTEMENT DES ARTS GRAPHIQUES

Toussaint Dubreuil, premier peintre d’Henri IVAile Denon, salles Mollien, 25 mars – 21 juin 2010Commissaire : Dominique Cordellier, département des Arts graphiques

L’année 2010, en marquant le quatrième centenaire de la mort d’Henri IV, a été l’occasion de reconsidérer l’histoire des arts en France durant son règne (1589-1610). Le département des Arts graphiques y a contribué en organisant une exposition de l’œuvre de Toussaint Dubreuil, premier peintre d’Henri IV (1558 ou 1561 – 1602).

Les cinquante-six dessins présentés en regard de cinq tableaux de Dubreuil lui-même, de gravures de Lejeune, Goltzius et Matham et de dessins de Michel-Ange, Primatice, Passerotti, Carrache, Rubens et Vouet faisaient ressortir la personnalité de l’artiste le plus inventif de la seconde école de Fontainebleau, capable de dialoguer avec les plus grands. Dubreuil apparaissait d’abord comme l’héritier des maniéristes italiens (Michel-Ange, Primatice, Passerotti) et français (Antoine Caron), puis comme un virtuose emphatique et hyperbolique à l’égal des maîtres du Nord (Goltzius, Cornelis van Haarlem), capable de tirer les effets les plus expressifs de sa science anatomique, et enfin comme l’inventeur d’un classicisme français inspiré de l’éloquence nou-velle, claire et mesurée, de Ludovico et Annibale Carracci.

L’œuvre de ce peintre qui occupa dans l’histoire des arts une place équivalente à celle de Malherbe dans la littérature n’avait jamais fait l’objet, en dépit de son rôle singulier, d’une exposition monographique. La manifestation était donc par-ticulièrement nouvelle et c’est pourquoi elle a été inaugurée au moment de la Semaine du dessin, qui réunit chaque année à Paris amateurs, collectionneurs, spécialistes, marchands et conservateurs concernés par le dessin ancien.

Outre une meilleure connais-sance de l’œuvre, elle a offert l’occasion d’une campagne de restauration des dessins du Louvre dont le résultat le plus visible a été la décou-verte d’un dessin inédit au verso d’une feuille jusqu’alors contrecollée. L’art du dessi-nateur, qui donnait le fil conducteur de l’évolution rapide de l’artiste, sur à peine plus de vingt ans (1578-1602), a fait l’objet d’une étude particulière dans un catalogue publié dans la collection « Cabinet des des-sins » et coédité par les éditions du Louvre et 5 Continents. Cette publica-tion associe à une présenta-tion didactique et littéraire de l’artiste (en introduction)

une biographie vérifiée sur les documents et les sources et un catalogue synthétique et précis. Une bibliographie approfon-die achève d’en faire une publication de référence. Elle peut donc être comptée au nombre des divers apports durables du département des Arts graphiques aux commémorations de l’année Henri IV (expositions dans les musées nationaux de Pau, Saint-Germain-en-Laye et Fontainebleau ; colloque au Louvre).

D. Cordellier

 In the context of the fourth centenary of Henri IV’s death, the Department of Graphic Arts organised the first monographic exhibition devoted to Toussaint Dubreuil, Premier Peintre to Henri IV and the most inventive artist of the Second School of Fontainebleau. Fifty-six drawings were presented alongside five paintings by Dubreuil himself, as well as a number of drawings and engravings by other artists. Dubreuil first made his mark as the inheritor of the Italian and French mannerists, then as a virtuoso who was the equal of the Northern masters, and finally as the inventor of a French classicism.

The Louvre’s drawings were restored for the occasion; the most visible result was the discovery of a hitherto unknown drawing on the back of a sheet of paper that had been glued on. The exhibition opened during the Semaine du dessin (Drawings Week), which brought together specialists and collectors interested in old drawings.

The catalogue published in the “Cabinet des Dessins” collection combines a presentation of the artist with a synthetic and precise catalogue

of his works in the exhibition and an exhaustive bibliography.

Exposition « Toussaint Dubreuil », vue générale de l’exposition

Expositions

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Antoine Watteau et l’art de l’estampe. Gravures de la collection du baron Edmond de Rothschild au LouvreAile Sully, 2e étage, 8 juillet – 11 octobre 2010Commissaire : Marie-Catherine Sahut, Florence Raymond, département des Peintures, et Pascal Torres-Guardiola, département des Arts graphiques

Peintre, graveur et inlassable dessinateur, Antoine Watteau (1684-1721) a marqué le xviiie siècle par la grâce et la spontanéité de son art. L’exposition lui a rendu hommage à travers l’his-toire d’une entreprise éditoriale hors du commun, le Recueil Jullienne. Sous ce titre, on désigne les quatre gros livres d’es-tampes publiés à l’initiative d’un riche négociant en teinture et ami de Watteau, Jean de Jullienne (1686-1766), peu de temps après la mort prématurée du peintre. Les deux premiers volumes reproduisent ses dessins et portent le titre de Figures de Diffé-rents Caractères. Les deux autres, désignés sous le titre générique d’Œuvre gravé, reproduisent ses peintures et ses ornements.

L’exposition, inscrite dans le programme de mise en valeur de la collection d’estampes du baron Edmond de Rothschild au Louvre, s’est construite à partir de ce fonds exceptionnel offert au Louvre en 1935. Formé dans les années 1870, lorsque la réhabilitation de l’art du xviiie siècle était au plus fort, c’est le plus beau rassemblement au monde de gravures d’après Watteau pour ce qui est de la qualité d’impression, de l’état de conservation et de la rareté. Outre les quatre volumes du Recueil Jullienne, la collection contient trois cent cinq « feuilles libres », la plupart des épreuves avant la lettre. Une centaine d’entre elles ont été retenues pour l’exposition.

Les critères qui ont présidé à la sélection sont multiples. Nous avons voulu montrer toutes les gravures originales de Watteau, qui sont peu nombreuses, et fait appel pour ce faire à la Bibliothèque nationale de France pour deux des pièces. Nous avons souhaité également évoquer la situation avanta-geuse de l’estampe au début du xviiie siècle en représentant vingt et un des trente-cinq graveurs présents dans le Recueil Jullienne. Nous avons choisi les plus belles pièces, œuvre de Cochin le Père, Tardieu, Laurent Cars, Le Bas, Crépy, Aveline et Boucher. Restituant au mieux ce « je ne sais quoi de galant, de vif et de vrai » propre à Watteau, ces brillants praticiens ont contribué à étendre son influence au-delà des frontières.

Tous les genres traités par l’artiste étaient présents, à des degrés divers, dans l’ex-position : peinture d’histoire, scène de genre, décor d’ara-besques, chinoiserie, singe-rie, portrait, études de figures et de paysages. Ont été privi-légiés les aspects les plus no-vateurs de son art, qui sont aussi ceux que les graveurs ont le mieux interprétés : la fête galante, la Comédie-

Italienne et les scènes de la vie quotidienne. La question du rapport entre modèle original et gravure a été abordée grâce à la présence dans l’exposition d’un tableau, Les Deux Cousines, et d’une dizaine de dessins en provenance du Louvre et d’une collection particulière.

Le projet a donné l’occasion de numériser la totalité des six cent vingt et une planches du Recueil Jullienne de la collection Rothschild, qui défilaient sur un écran numérique dans l’ex-position. Les images sont désormais accessibles sur le site du C2RMF, auteur de cette numérisation, ainsi qu’une restitution de l’accrochage de l’exposition (http://merovingio.c2rmf.cnrs.fr/technologies/?q=fr/antoine-watteau-et-lart-de-lestampe).

M.-C. Sahut

Exposition « Antoine Watteau et l’art de l’estampe », vue générale

Exposition « Antoine Watteau et l’art de l’estampe », au centre le Recueil Jullienne

Expositions

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 As a painter, engraver, and tireless draughtsman, Antoine Watteau (1684–1721) left his mark on the eighteenth century with the grace and spontaneity of his art. The exhibition paid homage to him through the history of a highly unusual editorial enterprise, called the Recueil Jullienne. This title comprises four large books of prints that were published on the initiative of a rich textiles dealer and friend of Watteau’s, Jean de Jullienne (1686–1766). This monumental book was posthumously dedicated to celebrate the painter after his premature death, and brought together thirty of the finest printers of the times: Cochin le Père, Tardieu, Laurent

Cars, Le Bas, Crépy, Aveline, Boucher, among others. Faithfully transmitting the “je ne sais quoi de galant, de vif et de vrai” (Jullienne) that had established the master’s reputation, these skilful craftsmen disseminated the painter’s influence well beyond France’s borders. The prints, most of the proof engravings, came from the collection of Baron Edmond de Rothschild donated to the Louvre in 1935, and is one of the world’s most important due to the quality of the conserved plates. The selection was complemented by one of Watteau’s paintings, The Two Cousins, and ten drawings relating to the engravings.

De la Renaissance au romantisme. Cinq ans d’acquisitions au département des Arts graphiquesAile Denon, salles Mollien, 7 juillet – 11 octobre 2010Commissaires : Carel van Tuyll van Serooskerken, Louis Frank et Federica Mancini, département des Arts graphiques

La politique poursuivie par le département des Arts graphiques du musée du Louvre en matière d’acquisitions a pour ambi-tion d’enrichir le fonds de nouveaux chefs-d’œuvre, tout en maintenant une attention exigeante envers des feuilles a priori moins recherchées. Depuis cinq ans, ce sont ainsi plus de mille œuvres qui ont fait leur entrée au cabinet des Dessins (fonds Louvre et fonds du musée d’Orsay), par la conjonction des opportunités du marché de l’art et de l’inlassable engagement des donateurs. On sait les relatives lacunes de la collection du Louvre : écoles anglaise et scandinave, périodes telles que les xviiie et xixe siècles italiens ou germaniques. Ces dernières années ont donc été notamment marquées par l’acquisition d’œuvres particulièrement significatives en ces domaines : des-sins de l’école danoise, de l’école de Prague, de l’école belge, dessins néoclassiques anglais, suisses ou italiens, dessins naza-réens... (voir rubrique «Acquisitions»).

C. van Tuyll van Serooskerken

 The acquisition policy pursued by the Department of Graphic Arts aims to augment the number of masterpieces held in the collection, while focusing on sheets that are a priori less sought-after. Over the last five years, numerous works have been acquired for the Cabinet des Dessins, through the conjunction of opportunities in the art market and the unwavering commitment of the donors. The Louvre’s collection is weak in certain areas, such as the English and Scandinavian schools, and eighteenth- and nineteenth-century Italian and German drawings. Hence, over the last few years, the focus has been placed on particularly significant works in these domains: drawings from the Danish, Prague, and Belgian schools were acquired, together with a number of English, Swiss, and Italian Neoclassical drawings, as well as some drawings by Nazarene artists.

Exposition « De la Renaissance au romantisme », vue générale de l’exposition

Expositions

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Luca Cambiaso, maître de l’école génoise, 1550-1620Aile Denon, salles Mollien, 11 novembre 2010 – 7 février 2011Commissaire : Federica Mancini, département des Arts graphiques

Connu du grand public pour les nombreux dessins à la plume qu’il a exécutés tout au long de sa carrière et notamment pour sa façon géométrique de schématiser la figure humaine, Luca Cambiaso (Moneglia, 1527 – El Escorial [Madrid], 1585) est un artiste aux multiples facettes. Formé au métier de peintre et de sculpteur sous la direction de son père, Giovanni, il grandit dans un milieu effervescent : en 1528, la ville de Gênes connaît un changement radical, car c’est l’année où l’amiral Andrea Doria met fin à la domination française en faveur d’une al-liance avec l’empereur Charles Quint.

La nouvelle situation politique qui en est issue, une répu-blique sous forme d’oligarchie dirigée par douze personnes, sus-cite un intérêt inédit pour l’art. Les familles les plus puissantes le manifestent par la construction de somptueux palais dont elles confient les décors à de nombreux artistes, notamment le palais du Prince, c’est-à-dire la demeure du même Doria dans le quartier de Fassolo, pour laquelle il fut fait appel à des artistes renommés comme Perino del Vaga et Domenico Beccafumi.

Célèbre de son vivant pour ses décors peints dans les somp-tueux palais génois et pour son imagination inépuisable qui le poussait à travailler et retravailler sur papier toutes ses idées, Luca Cambiaso s’inscrit dans cette tradition et a été l’un des premiers artistes dont l’œuvre graphique ait séduit les plus grands collectionneurs en dépassant les frontières de l’Italie.

En France, si l’intérêt pour l’artiste avait déjà saisi le roi Louis XIV et le banquier Everhard Jabach, l’acquisition de ses feuilles s’est poursuivie au cours des siècles de manière constante, signe qu’il était apprécié car les collectionneurs les plus raffinés comme Pierre Jean Mariette, Saint-Morys, le comte d’Orsay en possédaient et l’on trouve aujourd’hui encore des dessins de Luca Cambiaso dans la plupart des grandes collections françaises.

Depuis la période de sa jeunesse, marquée par une fascina-tion pour l’art de Michel-Ange et Perino del Vaga, puis pour Corrège et les Vénitiens, jusqu’à ses œuvres tardives d’une grande finesse, en passant par ses esquisses et dessins prépa-

ratoires, l’exposition présentée dans les salles 9 et 10 du pa-villon Mollien et le catalogue qui l’accompagne permettent de parcourir presque toutes les étapes de sa carrière, jusqu’à son départ pour la cour espagnole de Philippe II, en 1583.

À la sélection d’œuvres originales de Cambiaso, qui donnent l’occasion de mieux comprendre l’importance du dessin dans le processus créatif de l’artiste et de son atelier, s’ajoutent une vingtaine de feuilles dessinées par d’autres artistes actifs au même moment, de Giovanni Battista Castello à Ottavio et Andrea Semino, et par ses disciples comme Lazzaro Tavarone ou Giovanni Battista Paggi.

L’étude scientifique, conduite pendant plus de quatre ans sur le riche fonds de dessins du Louvre, qui a mené à cette sélec-tion de cinquante-trois dessins exposés a eu pour but d’éclairer l’imaginaire d’un artiste dont les inventions graphiques ont fasciné les créateurs du xxe siècle, et aussi, dans la mesure du possible, de distinguer les originaux des nombreuses pièces qui ont été ajoutées au fil du temps à son corpus graphique.

F. Mancini

 Famous in his lifetime for his frescoes in sumptuous Genoese palaces and for his inexhaustible imagination, Luca Cambiaso was one of the first

artists whose graphic works inter-ested the major collectors, both within Italy and abroad. In France, the banker Jabach and King Louis XIV appreciated the importance of his work and Cambiaso’s drawings were systematically acquired over the centuries.

The exhibition and accompany-ing catalogue present almost every stage of the artist’s career, until his departure for the Spanish court of Philip II in 1583. In addition to the selection of Cambiaso’s original works that provide an insight into the role of drawing within the crea-tive process of the artist and his workshop, twenty sheets were in-cluded that were drawn by other, contemporary artists. The ensem-ble attests to the artistic vivacity of the Genoese milieu at the begin-ning of the seventeenth century.

Exposition « Luca Cambiaso », vue générale de l’exposition

Exposition « Luca Cambiaso », Vénus et Adonis, département des Peintures (R.F. 2008-49)

Expositions

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LE LOUVRE AU GRAND PALAIS

Turner et ses peintresParis, Galeries nationales du Grand Palais, 22 février – 24 mai 2010Commissaires : Guillaume Faroult, conservateur, département des Peintures du musée du Louvre, Paris, David H. Solkin, professeur d’histoire de l’art, Courtauld Institute, Londres, et Ian Warrell, conservateur, Tate Britain, Londres

Joseph Mallord William Turner (1775-1851) est aujourd’hui considéré comme le plus grand – car le plus novateur sans doute ! – des peintres anglais de paysages et l’un des géants de la peinture européenne au xixe siècle. En effet, il a su opé-rer dans ses peintures, et dans ses œuvres ultimes surtout, un dépassement radical de la forme et de la fonction classique du paysage (le dessin, les contours, la description précise…) par une dilution dans la lumière et la couleur qui a ouvert les portes de la modernité. Cependant, ce révolutionnaire est aus-si bien un héritier, un continuateur et un compagnon de route. La profonde singularité de son œuvre s’est en effet constam-ment nourrie de son dialogue avec les autres peintres, tant les maîtres anciens que ses contemporains. Selon les préceptes de la Royal Academy, où il a reçu sa formation de peintre, Turner a été formé à « l’école des maîtres ». Il a appris son art, puis forgé son (ses) style(s) en étudiant, en pastichant et très vite en corrigeant à sa manière l’art des plus grands (Claude Lorrain et Rembrandt mais aussi Poussin, Ruysdael, Canaletto, Richard Wilson ou Gainsborough). Il s’est ainsi voulu le rénovateur d’une tradition plutôt que son fossoyeur. En outre, la scène artistique londonienne de la première moitié du xixe siècle était un espace extrêmement compétitif et Turner y trouva des rivaux à sa mesure (Thomas Girtin, Francis Danby par exemple, ainsi que Bonington et Constable bien sûr), dont il épia les succès et les innovations pour tenter de les surpasser à son tour.

Pour la première fois, l’exposition « Turner et ses peintres », fruit et aboutissement des travaux de nombreux chercheurs depuis de nombreuses années, proposait une remarquable confrontation entre Turner et « ses » peintres. Attachement

sincère et stratégie « commerciale » ont pu guider les choix qui ont conduit l’artiste à peindre certains de ses tableaux les plus éblouissants… ou les plus surprenants. Ce sont ces œuvres de Turner (marines, grands paysages classiques, scènes fantas-tiques…) que l’exposition mettait en regard des chefs-d’œuvre des maîtres qui les avaient inspirées, en adoptant pour la pre-mière fois cet angle de vision élargi. Conçue par une équipe scientifique internationale sous la conduite de David H. Solkin, professeur d’histoire de l’art au Courtauld Institute of Arts à Londres, et avec les importantes contributions de Ian Warrell et de Philippa Simpson, conservateurs à la Tate Britain, l’exposition reçut un accueil favorable tant du public que de la communauté des historiens d’art. Pour l’étape parisienne, le projet s’enrichit d’une section originale dédiée à la rencontre de Turner avec les peintres français néoclassiques (de paysages

notamment) lors de son pre-mier séjour hors de Grande-Bretagne, à Paris, en 1802.

G. Faroult

 The exhibition was prepared in conjunction with the Tate Britain, London, and the Prado Museum in Madrid. The English painter J. M. W. Turner (1775–1851) is considered one of the most innovative artists of the nineteenth century. However, the revolutionary painter also continued and developed his artistic heritage. The distinctive uniqueness of his work was nurtured by influence from other painters, whether they were past masters or contemporary confreres. For the first time, the exhibition presented a remarkable confrontation between Turner and “his” favourite painters or designated rivals.

Exposition « Turner et ses peintres » au Grand Palais. Claude Gellée dit le Lorrain, Port de mer au soleil couchant, dépar-

tement des Peintures (INV. 4715)

Exposition « Turner et ses peintres » au Grand Palais. Jan Victors, Jeune fille à la

fenêtre, département des Peintures (INV. 1286)

Expositions

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France 1500. Entre Moyen Âge et RenaissanceParis, Galeries nationales du Grand Palais, 6 octobre 2010 – 10 janvier 2011Commissaires : Élisabeth Taburet-Delahaye, directeur du musée de Cluny – musée national du Moyen Âge, Geneviève Bresc-Bautier, directeur du département des Sculptures du musée du Louvre, Thierry Crépin-Leblond, directeur du musée national de la Renaissance, château d’Écouen, et Martha Wolff, conservateur des Peintures et Sculptures européennes avant 1750, fonds Eleanor Wood Prince, The Art Institute of Chicago

La période des règnes de Charles VIII et de Louis XII n’est pas un moment secondaire dans le panorama de l’art en France, mais au contraire un temps d’expériences nouvelles. Loin d’être le moment du dépérissement de l’art gothique et de l’arrivée d’une Renaissance italienne victorieuse, les débuts du xvie siècle voient en France l’épanouissement de foyers actifs où se mêlent des artistes venus d’horizons divers, sous la direc-tion de mécènes aux goûts éclectiques.

Après avoir montré ces différents foyers (Val de Loire, Paris, Lyon, Bourbonnais, Champagne), l’exposition insistait sur cer-tains thèmes – les nouvelles iconographies, le double langage de l’ornement, la transmission des modèles –, avant de mettre en lumière les deux courants qui s’interpénètrent, ceux des Pays-Bas et de l’Italie.

L’exposition a bénéficié d’œuvres exceptionnelles prêtées par le musée national du Moyen Âge, l’Art Institute de Chicago, les Monuments historiques, la Bibliothèque nationale de France et, bien sûr, le Louvre. Ainsi, huit peintures du « Maître de Mou-lins » entouraient les célèbres portraits conservés au Louvre, qui s’était aussi départi de chefs-d’œuvre de la sculpture, de l’émail peint, du mobilier, de la tapisserie, de l’enluminure et du dessin. Tous les arts étaient convoqués pour composer un panorama de l’effervescence artistique dans un temps de tran-sition, quand le royaume de France s’offrait aux échanges et aux innovations.

G. Bresc-Bautier

 The exhibition presented exceptional works loaned by the Musée National du Moyen Age, the Art Institute of Chicago, the Monuments Historiques, and the Bibliothèque Nationale de France. Thanks to these loans, eight paintings by the “Master of Moulins” provided a backdrop for the Louvre’s own set of portraits, and were complemented by masterpieces of sculpture, painted enamel, furniture, tapestries, illuminated manuscripts, and drawings. Each of the arts was represented, offering a broad panorama of the intense creativity of this transitional period, during which the kingdom of France underwent great upheaval and innovation.

Exposition « France 1500 » au Grand Palais

Expositions

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LE LOUVRE EN RÉGION

Une autre Égypte. Collections coptes du musée du LouvreLe Mans, musée de Tessé, 20 novembre 2009 – 21 février 2010Millau, musée de Millau et des Grands Causses, 19 mars – 20 juin 2010Sarrebourg, musée du Pays de Sarrebourg, 9 juillet – 10 octobre 2010Commissaires : Marie-Hélène Rutschowscaya et Dominique Bénazeth

« Une autre Égypte » avait pour dessein de faire un tableau complet de ce moment de la civilisation égyptienne, peu connu ou méconnu, qui commence avec l’apparition du chris-tianisme durant l’époque romaine et perdure bien après l’arri-vée des Arabes musulmans. Tout en devenant une terre entiè-rement chrétienne, rattachée au ve siècle à l’Empire byzantin, l’Égypte intériorise son héritage pharaonique et s’adapte aux mondes romain puis byzantin dans lesquels s’ancre la religion nouvelle. L’arabisation et l’islamisation du pays à partir du viie siècle ne marquent aucune rupture dans le mode de vie des Coptes, nom donné aux Égyptiens chrétiens par les conqué-rants. Les objets souvent retrouvés dans les tombes, qu’il s’agisse d’humbles témoins de la vie quotidienne ou d’œuvres d’art, constituent une source de documentation de première importance sur le milieu et la manière de vivre. À travers cent soixante-treize objets faits de tous types de matériaux (textiles, pierre, métaux, bois, os et ivoire, papyrus et parchemin, céra-mique, cuir, verre), la richesse des collections du Louvre a été le prétexte à évoquer les activités des hommes liées à la fois au désert et à la luxuriante vallée du Nil, la vie quotidienne, l’usage des langues et des écrits, qu’ils soient en grec, en copte ou plus tard en arabe. Le christianisme est illustré par des ob-jets liturgiques et funéraires ainsi que par des sculptures sur pierre et sur bois ; les décors architecturaux proviennent du site de Baouit, l’un des plus grands monastères d’Égypte, fondé au ive siècle, dans lequel le Louvre et l’Institut français d’archéo-logie orientale ont repris des fouilles depuis 2003.

M.-H. Rutschowscaya

 The exhibition retraced every aspect of daily life for the Copts, the Egyptian Christians, from the Roman era to the Islamic period. One hundred and seventy-three objects in every type of material illustrated the Pharaonic past and the Roman, Byzantine, and Islamic influences. Liturgical and funerary objects, as well as sculptures in stone and wood, represented the characteristics of Egyptian Christianity, and especially the evocation of monarchism.

Exposition « Une autre Égypte » à Millau

Expositions

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LE LOUVRE À L’INTERNATIONAL

Les Tanagras. Figurines pour la vie et l’éternité – Tanagras. Figurines for Life and EternityValence (Espagne), Fondation Bancaja, 30 mars – 7 juillet 2010Commissaire : Violaine Jeammet

Sur proposition de la Fondation Bancaja, le département des Antiquités grecques, étrusques et romaines du musée du Louvre a pu proposer en 2010 une nouvelle version de l’expo-sition « Tanagra » montrée au Louvre en 2003. Deux cent dix œuvres du Louvre ont été exposées à Valence, selon un parti pris différent permettant de faire état des derniers résultats de la recherche qui s’était poursuivie après l’exposition pari-sienne. L’organisation de cet événement a rendu possible la restauration (fondamentale ou simple nettoyage) d’une cin-quantaine d’œuvres nouvelles, jusqu’à présent conservées en réserve. Le catalogue en langues anglaise et espagnole est revu et augmenté de textes portant en particulier sur la signification de ces œuvres au sein de la société antique. Il fait en outre le point sur la question des traitements de surface. Les figurines semblent surtout liées aux enfants et aux jeunes adultes : of-frandes dans les temples marquant les rites de passage, consa-crées aux divinités protectrices de l’enfant (notamment de la fillette lors de son accession au statut de femme mariée), ou dans les tombes en tant que substituts à ce que n’avait pu offrir une vie trop tôt interrompue.

Le récent et luxueux catalogue fait également la synthèse des études sur les traitements de surface menées conjointement avec le C2RMF, concernant notamment la polychromie et la dorure. L’analyse des pigments et l’étude stratigraphique des couches colorées et des feuilles d’or sur les figurines débouchent sur une connaissance plus fine des matériaux, certes, mais sur-tout sur une meilleure compréhension des gestes des artisans, permettant ainsi la corrélation entre document archéologique (parfois œuvre d’art) et magistral savoir-faire technique.

V. Jeammet

 Two hundred-and-ten works on the theme of the Tanagras (Louvre 2003)—only those from the collection of Greek, Etruscan, and Roman Antiquities and four figurines from the Department of Near Eastern Antiquities—were exhibited at Valencia with the support of the Fundación Bancaja. This sponsorship enabled the restoration (in-depth or simple cleaning) of around fifty works, which until then had remained in storage;

this enabled them to be exhibited on site or to replace objects in the Charles X rooms. This exhibition also resulted in the publication of an English and Spanish catalogue, which was complemented with texts relating to recent studies carried out in the Louvre, particularly on surface treatments and the significance of these works in antique society.

Napoléon et le LouvreMoscou, Musée historique d’État, 21 septembre – 10 décembre 2010Commissaire : Isabelle Leroy-Jay-Lemaistre

L’exposition « Napoléon et le Louvre », conçue pour le Musée historique de Moscou, a fait appel à des prêts importants consentis par les musées napoléoniens d’Ile-de-France. Il était proposé la séquence sur les campagnes militaires qu’attendait le public russe, mais aussi un aperçu de la volonté dynastique et impérialiste de Napoléon d’asseoir son pouvoir sur l’Europe

grâce à son réseau familial et en s’appuyant sur une commu-nication soigneusement dirigée faisant appel à l’écrit et aux images. Le rôle des symboles utilisés par la propagande impé-riale et le choix des images commandées par Vivant Denon, grand ordonnateur de ces mises en scène, ont été mis en avant.

Cette exposition a permis de montrer l’importance de cette

Exposition « Les Tanagras » à Valence

Expositions

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période pour le Louvre, devenu ce « musée Napoléon » qui ac-cueillit et présenta à un très large public l’ensemble des princi-paux chefs-d’œuvre alors reconnus dans le monde occidental. Ces démonstrations se sont appuyées sur des œuvres de très grande qualité et les principaux artistes, de David à Gros ou Canova, ont été convoqués pour soutenir le propos. Une sec-tion spéciale a permis de montrer l’influence des décors impé-riaux sur le style russe de tout le xixe siècle grâce à une étude détaillée des commandes russes aux manufactures françaises durant cette période.

Cette exposition et sa préparation avec nos homologues russes ont permis de mettre en lumière la puissance de l’image napoléonienne pour toute l’Europe, image qui ne fait que grandir, curieusement, en ces temps de construction difficile d’une Europe unie.

Catalogue en russe, avec des essais en russe et en français.I. Leroy-Jay-Lemaistre

 The exhibition “Napoléon et le Louvre” (Napoleon and the Louvre) presented major loans from Napoleonic museums in the Île-de-France region. It provided insights into Napoleon’s drive to impose his rule and influence over Europe through his extensive family, and the use of written and visual communication. The exhibition focused on the importance of

this period in the history of the Louvre, which was turned into a “Napoleonic museum” whereby the general public was able to view all the major masterpieces known in the Western world at that time.

Catalogue in Russian, with essays in Russian and French.

Voyager et dessiner. Dessins du musée du Louvre et du musée d’Orsay, 1580-1900Moscou, galerie Tretiakov, 22 septembre – 14 novembre 2010Commissaire : Catherine Loisel

L’exposition avait pour but de donner une idée des collections du Louvre à partir d’une sélection de dessins sur le thème des voyages d’artistes.

Les œuvres choisies étaient essentiellement nordiques et françaises des xviie et xviiie siècles et le choix a été conduit avec le souci de présenter des dessins colorés et de ne pas s’en tenir aux artistes les plus connus, comme Hubert Robert et Delacroix.

L’exposition comportait trois parties : le xviie siècle et la nais-sance de l’esprit scientifique ; le xviiie siècle, entre réalité et fas-cination de l’Antiquité ; le voyageur romantique.

C. Loisel

 The exhibition aimed to represent the Louvre’s collections through a selection of drawings on the theme of artists’ travels.

The exhibited works were mainly Northern and French drawings from the seventeenth and eighteenth centuries; the selection emphasised coloured drawings and presented the work of a broad range of artists, and not only the most famous of them like Hubert Robert and Delacroix.

The exhibition is presented in three parts: - the seventeenth century and the advent of the scientific approach;- the eighteenth century, from reality to the fascination with Antiquity; - the romantic traveller.

Exposition « Napoléon et le Louvre » à Moscou

Exposition « Voyager et dessiner » à Moscou

Expositions

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La Renaissance italienne dans la collection Edmond de RothschildPékin, Museum of Chinese Academy of Fine Arts, 18 novembre 2010 – 23 janvier 2011Commissaire : Pascal Torres-Guardiola

Cent dix pièces de la collection Edmond de Rothschild, des-sins, nielles et estampes, ont été exposées à l’Académie des beaux-arts de Pékin : l’objet de l’exposition consistait à pré-senter au public chinois la richesse du dessin renaissant ainsi que l’invention de l’art de la gravure depuis les premiers ate-liers florentins jusqu’à l’apogée de la Renaissance (évoqué par des œuvres graphiques de Léonard, Fra Bartolomeo et Raphaël, ainsi que deux bronzes renaissants d’après Michel-Ange).

P. Torres-Guardiola

 One hundred and ten works from the Edmond de Rothschild Collection, including drawings, niellos, and prints, were exhibited at the Chinese Academy of Fine Arts in Beijing. The exhibition’s aim was to introduce the Chinese public to works dating from the first Florentine workshops to the zenith of the Renaissance (represented by the graphic works of Leonardo, Fra Bartolomeo, and Raphael, as well as two Renaissance bronzes based on the work of Michelangelo), by presenting the richness of Renaissance drawing, and the invention of the art of engraving.

Exposition « La Renaissance italienne dans la collection Edmond de Rothschild »,

vue générale de l’exposition à Pékin

Expositions

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ACTUALITÉS DES SALLES

Les feuillets des Actualités des salles peuvent être consultés sur le site www.louvre.fr

Antiquités orientales

Le Service de table du mort dans la nécropole de Suse I. Nouvelle approche du répertoire décoratif 3 février – 28 juin 2010 Texte d’Agnès Benoit

Alors qu’en Mésopotamie la céramique peinte connaît un cer-tain déclin, à la même époque, dans tout l’Iran, cette tech-nique est au contraire le domaine privilégié de l’expression artistique. C’est à Suse que se trouvent les témoignages les plus beaux de cette vaisselle en plein épanouissement.

Mission archéologique en Arabie6 juillet – 29 novembre 2011 Texte de Béatrice André-Salvini et Françoise Demange

La photographie fut utilisée par les pères dominicains de l’École biblique de Jérusalem A. Jaussen et R. Savignac, lors de leurs trois expéditions dans la région du Hijâz, au milieu des révoltes accompagnant la fin de la domination des Ottomans et la construction du chemin de fer reliant Damas aux villes saintes. Outre un appareil photographique de la mission, un choix de tirages de plaques de verre rapportées par les deux sa-vants illustre les étapes de leur parcours et le minutieux travail épigraphique d’estampages et de relevés d’inscriptions qu’ils accomplirent, associé pour la première fois dans la région à de véritables fouilles archéologiques.

Antiquités égyptiennes

Le département ne possède pas de salle d’actualités.

Antiquités grecques, étrusques et romaines

Paestum. Archéologie d’une cité1er décembre 2010 – 30 mai 2011Texte de Laurent Haumesser

Cette exposition-dossier retrace l’histoire de Poseidonia, colonie grecque fondée vers 600 avant J.-C., devenue Paestum lorsque les Lucaniens l’occupèrent à la fin du ve siècle. La cité devint durant le ive siècle l’un des principaux centres de production de vases à figures rouges en Italie méridionale.

Objets d’art

Trois ivoires de l’ancienne collection du comte de Montesquiou-Fezensac7 avril – 7 juillet 2010Texte d’Élisabeth Antoine

Le département des Objets d’art s’est enrichi récemment de trois ivoires du haut Moyen Âge qui viennent éclairer des périodes peu représentées dans nos collections, entre l’Anti-quité tardive et le premier art roman.

Une chapelle d’orfèvrerie8 septembre – 29 novembre 2010Texte de Philippe Malgouyres

L’étude conduite par le département des Objets d’art du musée du Louvre sur les collections du château de Grignan et la publi-cation de leur catalogue ont été l’occasion de redécouvrir cette chapelle d’orfèvrerie.

Charles Sauvageot, collectionneur d’ivoires1er décembre 2010 – 12 janvier 2011Texte de Philippe Malgouyres

La parution du catalogue des ivoires modernes du musée du Louvre est l’occasion d’évoquer la personnalité de Charles Sauvageot, qui donna sa riche collection d’objets d’art du Moyen Âge et de la Renaissance au Louvre en 1856.

Sculptures

Deux reliefs italiens de la Renaissance récemment restaurés15 septembre 2010 – fin mars 2011Texte de Marc Bormand

Deux reliefs de Vierge et l’Enfant du xve siècle florentin, une Vierge et l’Enfant de l’entourage de Michelozzo et Donatello en pierre calcaire et la Madone Piot de Donatello, en terre cuite avec des médaillons de cire, ont fait récemment l’objet d’im-portantes études en collaboration avec le C2RMF et de restau-rations qui ont permis de mieux comprendre et leur aspect et leur polychromie et de les remettre en valeur.

Expositions

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Peintures

Portrait du comte Mathieu Louis Molé (1781-1855), de Jean Auguste Dominique Ingres (1780-1867). Acquis grâce au mécénat d’Eiffage, de la Banque de France, de la Société des Amis du Louvre et de Mazars10 décembre 2009 – 1er février 2010Texte de Vincent Pomarède

Demeuré chez les descendants du modèle, ce portrait excep-tionnel illustre les liens entretenus par Ingres avec le monde du pouvoir ; après un patron de presse influent, Monsieur Bertin, puis l’héritier du trône, Le Duc d’Orléans – tous deux déjà au Louvre –, l’artiste dépeint, dans une mise en scène aus-tère et mélancolique, l’un des hommes d’État les plus impor-tants de la Restauration.

L’empereur Héraclius décapitant Chosroês, roi des Perses, de Jan de Beer (actif à Anvers entre 1504 et 1528)3 février – 1er mars 2010Texte de Cécile Scailliérez

Vraisemblablement élément de prédelle d’un retable consacré à la Croix dont d’autres éléments sont dispersés entre le Kunst-historisches Museum, la collection Harrach de Vienne et une collection madrilène, ce petit panneau offert par la Société des Amis du Louvre incarne l’extravagante théâtralité du manié-risme anversois vers 1515.

Portrait de Magdalena Luther, par Lucas Cranach l’Ancien (1472-1553). Une identification rétablie3 mars – 5 avril 2010Texte d’Élisabeth Foucart-Walter

Contestée par la critique en raison de la date précoce assignée à cet attachant portrait, sur des bases stylistiques, l’identification du jeune modèle avec Magdalena Luther (1529-1542), la fille du réformateur, a été rétablie grâce à un examen dendrochro-nologique du support de hêtre qui révèle une exécution plus tardive, compatible cette fois avec l’âge de la fillette.

Vertumne et Pomone, par Nicolò dell’Abate ? (1509 ? – 1571 ?). Un tableau de l’école de Fontainebleau récemment acquis7 avril – 3 mai 2010Texte de Cécile Scailliérez

Traditionnellement attribué à Primatice, puis rapproché de ses suiveurs de la seconde école de Fontainebleau tels que Toussaint Dubreuil, ce tableau inconnu jusqu’à son acquisi-

tion en 2007 semble plutôt l’œuvre de Nicolò dell’Abate, col-laborateur immédiat de Primatice à Fontainebleau.

La Liseuse, par Jean Raoux (1677-1734). Un « sujet de caprice » récemment restauré2 juin – 5 juillet 2010Texte de Guillaume Faroult

Ce « sujet de caprice » du peintre Jean Raoux offert au Louvre par Louis La Caze en 1869 vient d’être restauré. L’artiste avait coutume de répliquer ses compositions les plus appréciées. On connaît ainsi au moins deux autres versions autographes et une gravure (avant 1723). La charmante peinture du Louvre ne semble pas être la première version.

La Présentation de la Vierge au Temple, du Cavalier d’Arpin (1568-1640). Un important tableau d’autel enfin exposé au Louvre1er septembre – 4 octobre 2010Texte de Stéphane Loire

Présent dans les collections du musée depuis 1809, cet impor-tant tableau d’autel peint en 1597 par Giuseppe Cesari, dit le Cavalier d’Arpin, n’y avait encore jamais été exposé. À la suite d’un retour de dépôt permis par la Présidence du Sénat, qui le conservait depuis 1926, il a enfin trouvé sa place dans l’accro-chage des collections permanentes du Seicento.

Quatre heures au Salon (également dit « On ferme ! ») de François Auguste Biard (1798-1847). Choses vues dans la Grande Galerie6 octobre – 1er novembre 2010Texte de Richard Dagorne

Quatre heures au Salon dépeint les efforts déployés par les gar-diens du musée, lors du Salon annuel des artistes vivants, pour procéder à la fermeture de la Grande Galerie. Biard se plaît ici à décrire sur un ton proche de la caricature les poses et les manies de la société de la monarchie de Juillet.

Les Réformateurs, de l’école allemande du xvie siècle. Une imposture ancienne dévoilée3 novembre 2010 – 3 janvier 2011Texte d’Élisabeth Foucart-Walter

Entrée au Louvre en 1896 en provenance du musée de Cluny, cette œuvre était alors censée représenter un groupe de réfor-mateurs. Elle a fait en réalité l’objet d’une habile supercherie, diverses inscriptions ayant été ajoutées sur la peinture et sur le cadre pour « protestantiser » un banal tableau de dévotion.

Expositions

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Les Attributs de la musique civile et Les Attributs de la musique guerrière, par Jean Siméon Chardin (1699-1779). Un don de la Société des Amis du Louvre et des descendants d’Eudoxe Marcille1er décembre 2010 – 31 janvier 2011Texte de Marie-Catherine Sahut

Peintes en 1767 pour le château de Bellevue, les deux natures mortes comptent parmi les ultimes tableaux de Chardin. Douze instruments de musique, répartis selon leur genre, sont prétexte à un exercice de pure virtuosité formelle. Les toiles ont fait partie au xixe siècle de la collection Marcille, le plus bel ensemble jamais réuni de tableaux du maître. (Voir le chapitre « Acquisitions ».)

Arts graphiques

Un signe de distinction du dessin : la marque de collection17 mars – 22 juin 2010Texte de Laurence Lhinares et Dominique Cordellier

Cette exposition a présenté un choix de dessins dont les marques ont récemment été identifiées dans le cadre du grand travail de mise à jour du répertoire des marques de collections de dessins et d’estampes de Frits Lugt entrepris par la Fonda-tion Custodia et le musée du Louvre.

Jean-Baptiste Marie Pierre (1714-1789). Œuvres du musée du Louvre1er septembre – 22 novembre 2010Texte de Bénédicte Gady

La parution en 2009 d’une monographie sur le premier peintre du roi Jean-Baptiste Marie Pierre offre une belle occasion de découvrir le travail de cet artiste et d’exposer un ensemble de dessins, peintures, estampes et planches gravées qui n’avaient pour la plupart jamais été montrés depuis leur entrée au Louvre.