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Introduction témoin"lorsque craignant l'emportement des plaideurs, les tribunaux ont toléré qu'on appelâtdes tiers, ils n'ont pas entendu que ces défenseurs modérés deviendraient impunémentdes insolents privilégiés" Beaumarchais: les noces de Figaro.Se définit comme témoin, toute personne susceptible d ‘apporter des ren-seignementintéressant la justice et pouvant intervenir au stade de l’enquête ou de l’instruction et/ oudevant la juridiction de jugement.Le témoignage est un mode de preuve très répandu de telles sorte que de nombreusescondamnations reposent sur la seule foi des témoins et des témoignages. Cependant, cetélément ne constitue que l’un des moyens de preuve pouvant être soumis à l’appréciationdes juges et leur permettant de forger leur intime conviction, en vertu du principe de laliberté probatoire. Celui-ci s’oppose au système de légalité des preuves dans lequelchaque élément apporté à une valeur probatoire prédéfinie et qui subor-donne la décision àune sorte d’opération mathématique, excluant toute appréciation de la part des juges.Ce principe, qui rencontre un franc succès outre-Atlantique et outre-Manche aégalement fait parti de notre système de preuve.Une tradition remontant au moyen âge et développée à la renaissance ex-pliquait ce quedevait être la nature et l’efficacité des preuves. Encore au 18e siècle, on distinguait lespreuves vraies, directes et légitimes (parmi lesquelles figurait le témoi-gnage) et lespreuves indirectes, conjoncturelles et artificielles, ou encore les preuves manifestes et lespreuves imparfaites ou légères. Il existait une dernière classification les preuvesnécessaires ou urgentes qui permettent d’attester du fait commis. Ces preuves constituentsoit des preuves soit pleines, soit des preuves semi pleines ou indices éloi-gnées etadminicules. Par exemple, une preuve pleine peut consister en une dépo-sition de deuxtémoins irréprochables déclarant avoir vu l’accusé, une épée ensanglan-tée à la main sortirdu lieu où le défunt a été découvert. Cette distinction est importante puisque en fonctionde la qualité de la preuve, ne peut être prononcée qu’une sentence corres-pondante à la
valeur des charges. En conséquence, les preuves pleines peuvent aboutir à unecondamnation, les semi-pleines peut engendré des peines afflictives mais jamais la peinede mort. Mais le système probatoire obeit à de véritables opérations de calcul puisque 2semie pleines correspondait à une preuve complète. Pourtant, de nom-breux indicesadminicules peut constituer une preuve incomplète mais ne sera jamais l’équivalent d’unepreuve pleine.Concernant en particulier le témoignage, le droit romain l’utilisait comme moyen depreuve aux côtés de l’aveu, dépositions parfois recueillies sous la torture. A l’époquefranque, l’inculpé pouvait se disculper par le serment purgatoire en jurant de soninnocence, à la condition toutefois que l’honneur et la parole de l’accusé ne puissent êtrecontestées. Mais aussi, l’accusé pouvait produire devant la juridiction des co-jureurs, cojurantes,individus se portant garant de son innocence, et ce parfois sans en être sûr. Leurnombre était fixé par la justice et variait suivant la gravité des faits. Pour reprendre leterme de M … les co-jureurs correspondaient en quelque sorte à des té-moins demoralité et attestaient de la confiance que l’on pouvait attendre de l’accu-sé. Lesdépositions de ces co-jurés étaient importantes puisqu’elles avaient autant de poids quecelui de l’accusation sans preuve.La justice féodale laïque retrace aussi l’existence de ces co jureurs, per-mettant de purgerl’accusé qui n’avoue pas. Mais la place est encore belle dans la procédure pour les duelsjudiciaires qui depuis la période franque a essuyé de nombreuses critiques sans toutefoisêtre mise en cause. Si les parties envisageaient une enquête , une partie pouvait accuser letémoin de son adversaire de mentir. Le témoin qui maintenait sa version devait combattreen duel son contestataire. Le vainqueur de cet affrontement emportait la preuve.Par ailleurs;et ce tout au long de la période décrite, la validité et la valeur du témoignagepeut évoluer en fonction de la personne dont il est issu. Ainsi, un témoi-gnage est annulés’il provient d’un vagabond mais il est au contraire renforcé s’il est issu d’une personne
« considérable » (par exemple, le témoignage d’un maître)
Un adage de l’ancienne France, « témoins passent lettres » signifiait qu’on accordait
plus de force probatoire aux témoignages qu’aux écrits. L’oralité du témoignage est sans
aucun doute un gage de fiabilité qui garantie la bonne administration de la justice dans la
recherche de la vérité ainsi que le respect des droits de la défense. Comme le constate M.
Susini, l’obligation de comparution du témoin et la spontanéité de sa déposition induits par
l’oralité de ce mode de preuve vont permettre au delà de la seule déclaration, d’analyser les
attitudes, les mimiques et les différents langages non verbaux du porteur de l’information.
C’est à partir de l’ensemble de ces éléments que le juge va pouvoir forger son intime
conviction.
Cependant, cette facette subjective du témoignage va également jouer en sa défaveur puisque
c’est également dans celle ci que réside tout le danger de ce mode de preuve. M. Susini
constate d’ailleurs que c’est l’individualisation même même du processus de témoignage qui
va conduire à le relativiser.
Ce processus se décompose en une perception, une conservation, un rappel des souvenirs puis
une déposition verbalisée, autant d’étapes qui laissent une marge pour l’intervention de
variables extérieures ou internes à la personne du témoin, variables qui vont pouvoir altérer de
façon plus ou moins imperceptibles les ressources testimoniales. Ainsi, même si le témoin
désire dire la vérité, il faudra prendre en compte les lacunes du milieu psychique qui vont
pouvoir modifier les faits dont la personne est dépositaire. Dés le départ, des tensions
affectives vont pouvoir vicier l’observation, d’autant plus qu’il faut tenir compte de la
différence des pouvoirs d’observation compte tenu de la qualité naturelle et intellectuelle du
témoin. (un garçon ou une fille, un enfant, un adulte ou un vieillard avec une plus ou moins
grande faculté auditive ou visuelle…). Le témoin peut alors inconsciemment mélanger ce
qu’il a effectivement vu avec ce qu’il a entendu par le biais de médias de plus en plus
influents dans notre société d’information. On ne peut donc que constater les erreurs et les
limites de la preuve testimoniale, outils d’autant plus dangereux et fragile que le témoin peut
être soumis à des pressions extérieures. (crainte de représailles ou appât du gain )
Cette peur du faux témoignage a poussé les EU, depuis le début du siècle à mettre au point
des techniques permettant de contrôler la sincérité du témoin, de détecter ses mensonges
(technique du polygraphe …).
Toutefois, la fiabilité de cette preuve testimoniale qui participe à la bonne administration de la
justice et au respect des droits de la défense ne passe t’elle pas plutôt par la définition et la
garantie d’un statut protecteur du simple témoin ?
Nous avons choisi de ne pas vous parler par manque de temps des particularités des
témoignages ministériels ou diplomatiques. La comparution comme témoin des membres du
gouvernement (652CPP et s) est subordonné à une autorisation du conseil des ministres,
comme cela a été le cas pour M. Villepin dans l’affaire Clear Stream. Toutefois cet art ne
s’applique pas lorsqu’ils sont entendus comme témoins assistés. En cas de refus du conseil
des ministres la déposition sera reçue par écrit dans la demeure du témoin par le premier
président de la cour d’appel.
L’apport du témoin dans la procédure pénale es essentiel (I). Toutefois la fiabilité et la
coopération de celui ci restent subordonné à un système de protection efficace. (II)
I
Si le témoin joue encore un rôle central dans l'établissement de la vérité judiciaire, en
participant à une bonne administration de la justice et en garantissant les droits de la défense,
(A), il n'en demeure pas moins un outils de preuve dangereux qu'il s'agit d'utiliser avec
précaution afin de s'assurer de sa fiabilité (B). « Tant vaut le témoin tant vaut le témoignage
»...
A. le témoignage, un outils de preuve essentiel en procédure pénale
Il permet de satisfaire à deux exigences souvent contradictoires entre lesquelles il est difficile
de trouver un équilibre, à savoir la bonne administration de la justice derrière laquelle on
entend efficacité et célérité ainsi que le respect des droits de la défense.
1.importance pour une bonne administration de la justice.
Les témoins sont « les yeux et les oreilles de la justice » pour reprendre l’expression
fameuse de Bentham (Traité des preuves tome 1, no93 ), ceux ci apparaissant alors comme des
auxiliaires indispensables de la justice, en participant à la bonne administration de celle ci.
En effet, le témoignage c’est à dire le récit d’un témoin à l’occasion d’un procès (au sens
large) sur ce qu’il a vu ou entendu, conserve une place prédominante dans le système de
preuve gouverné par le principe de la liberté probatoire( ART 427 du CPP). Alors même que
l’aveu est encore souvent présenté comme la ‘reine’ des preuves, notamment au vu du
foisonnement des procédures alternatives( CRPC ou composition pénale…) qui lui font la part
belle et que, parallèlement aux évolutions scientifiques et technologiques, la police
scientifique a conquis une place non négligeable dans l’établissement de la preuve, le principe
demeure celui de l’intime conviction du juge. C’est lui qui apprécie souverainement la portée
de tous les éléments de preuve contradictoirement débattus devant lui.
C’est à la lumière des témoignages de personnes tierces au procès, qui ne viennent donc pas y
défendre leurs intérêts, que le juge va pouvoir apprécier la probité des déclarations de la
personne poursuivie qui peut soit essayer de se dégager d’accusations dont elle fait l’objet ,
soit s’accuser de choses qu’elle n’a pas commise. Ainsi, dans la récente affaire Taoufik el
Amri, des contradictions importantes sont apparues entre les déclarations des policiers et des
témoins. La confrontation entre le ou les témoignages et les déclarations de la personne
poursuivie permet ainsi d’atténuer le risque d’erreur judiciaire en permettant au juge
d’avancer sur le chemin de la vérité.
Si la preuve testimoniale conserve encore toute sa force, c’est aussi parce qu’elle permet de
répondre en partie à la problématique récurrente de la lenteur de la justice derrière laquelle se
profile les exigences européennes de délai raisonnable. M. David souligne en effet que le
témoignage « répond aux exigences de célérité dans la collecte d’informations » et « favorise
une évolution rapide de l’affaire. » Face au travail de la police scientifique, dont la technicité
est garante de fiabilité, le témoignage va pouvoir jouer la carte de la rapidité voire de
l’immédiateté, l’ART 61 du CPP permettant d’ailleurs à l’OPJ « de défendre à toute personne
de s’éloigner du lieu de l’infraction jusqu’à la clôture des opérations ». C’est en effet bien
souvent sur la base de ces seuls témoignages que va démarrer et s’orienter l’enquête en
l’absence d’autres éléments de preuve ou dans l’attente des conclusions de la police
scientifique. Avant de devenir un témoin de la justice, le témoin est au préalable un témoin
de l’enquêteur qui a répondu à une convocation nominative ou anonyme, les officiers de
police judiciaire pouvant être à l’initiative de la publication d’un appel à témoin par voie de
presse(ART 62). La phase policière se caractérise donc par la faiblesse de son formalisme en
matière de choix et de convocation des témoins alors même que l’enquête tend à devenir la
phase déterminante du procès pénal, en amont de l’audience. Toutefois, la loi du 15 juin 2000
a supprimé la possibilité d’utiliser la garde à vue contre des témoins peu coopérants dans le
cadre des enquêtes de flagrance comme le prévoyait l’ART 63 du CPP. La France risquait en
effet de se faire condamner par la CEDH pour violation de son article 5 qui interdit la
privation de liberté d’une personne sauf dans les cas limitativement énumérés. Désormais, le
témoin ne peut être retenu que le temps strictement nécessaire à sa déposition aussi bien dans
le cadre d’une enquête préliminaire (ART 78) que lors d’une enquête de flagrance (ART 62),
une circulaire du 4 décembre 2000 précisant que cela implique « une opération d’audition
continue, non susceptible d’interruption ». La garde à vue est réservée aux seules personnes
contre lesquelles il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elles ont
commis ou tenter de commettre une infraction.(ART 63 et 77 CPP). Ainsi, a contrario, le
témoin est la personne contre laquelle il n'existe aucune raison plausible de soupçonner qu'elle
a commis ou tenté de commettre une infraction.
La célérité offerte par la preuve testimoniale va également être intéressante dans le cadre des
procédures accélérées de jugement, l’ART 397-5 relatif à la comparution immédiate
prévoyant que les témoins peuvent alors « être cités sans délai et par tout moyen ».
En pratique, il est rare qu’aucun témoin n’existe à propos d’une infraction, ce qui n’est pas
toujours le cas pour les traces, les indices, ou encore les déclarations de la personne
poursuivie. Cela tient également à l’étendue des questions sur lesquelles on peut témoigner au
procès pénal. L’ART 331 pour la Cour d’assise mais également l’ART 444 pour le tribunal
correctionnel ou encore l’ART 536 pour le tribunal de police prévoient que « les témoins
déposent uniquement soit sur les faits reprochés à l’accusé, soit sur sa personnalité et sur sa
moralité ». Au vu de cette liste exhaustive, le témoin va pouvoir être entendu sur ce qu’il a
perçu lui même de l’infraction mais également sur ce qu’il a appris d’autres personnes au
sujet de cette infraction, le système de preuve français admettant les témoignages indirects. La
CEDH, quant à elle a admis le témoignage indirect, dés lors qu'il existe d'autres éléments
probatoires venant le corroborer.
Selon les auteurs Merle et Vitu, le témoin va également pouvoir être entendu sur les « faits
qui ont précédés l’infraction et qui sont utiles à connaître pour apprécier la genèse du crime
ou du délit, mais également sur les suites de l’infraction », ce qui contribue à replacer
l’infraction dans son contexte et participe à la compréhension du chemin criminel suivi par
l’accusé ou le prévenu.
Quand bien même est posé le principe de l’indifférence des mobiles, au delà des seuls faits, le
juge ou les jurés vont forger leur intime conviction à partir d’un ensemble d’éléments ce qui
leur permet de se rapprocher au plus près de la vérité. C’est ainsi que le témoin va également
pouvoir être entendu sur l' accusé dont il connaît la psychologie et la personnalité, témoignage
sur la personnalité qui a pris une grande importance dans la procédure moderne. Il faut le
distinguer de celui des ‘témoins de moralité’ qui venaient attester que ‘l’accusé est un homme
d’honneur, de probité et d’une conduite irréprochable’, témoignage qui avait peu d’utilité.
Instituée par une ordonnance du 4 juin 1960, modifiant l’ART 81 du CPP (relatif aux
pouvoirs du juge d’instruction), et rendue obligatoire en matière de crime mais demeurant
facultative en matière de délit, l’enquête de personnalité porte non seulement sur la
personnalité des personnes poursuivies mais aussi sur leur situation matérielle, familiale ou
sociale, et est donc au moins pour partie une enquête sociale. Dans la liste hétéroclite des
personnes qui acquièrent le statut de simple témoin, on trouve donc très souvent des
travailleurs sociaux chargés de réaliser ces enquêtes. La lumière faite sur la psychologie et la
personnalité de l’accusé ou du prévenu jouera également dans la phase postérieure à la
déclaration de culpabilité de détermination de la peine, gouvernée par le principe de
personnalisation(ART 132-24CP).
Si le législateur a tenu à encadrer limitativement les questions sur lesquelles le témoin peut
être entendu, malgré un champ d’intervention qui demeure très large, c’est notamment afin
d’éviter que la publicité de l’audience ne devienne une tribune pour les personnalités trouvant
ici l’occasion de se mettre en avant et pour contrecarrer les éventuelles manoeuvres dilatoires
des parties qui, par principe, peuvent faire citer à l’audience autant de témoins qu’elles le
souhaitent. De telles interventions, ne participant en rien à la manifestation de la vérité, ne
feraient qu’allonger la durée des audiences et rendrait le travail de jugement encore plus
difficile. Dans un arrêt du 14 mai 1996, la chambre criminelle a eu l‘occasion de préciser que
les restrictions de l’ART 331 n’étaient pas incompatibles avec l’ART 6,§3 de la CEDH qui
n’interdit pas que des restrictions soient apportées au droit de l’accusé de faire interroger un
témoin lorsque la question posée est étrangère aux causes de l’accusation ou porte atteinte au
respect de la vie privée de ce témoin. Une des exigences européennes du procès équitable
réside en effet dans le droit de tout accusé « à interroger ou faire interroger les témoins à
charge et obtenir la convocation et l’interrogation des témoins à décharge dans les mêmes
conditions que les témoins à charge ».
Une des premières obligations qui pèse sur le témoin est un devoir d’objectivité et de
neutralité dans la présentation des faits ou de la personnalité de l’accusé. Même si les
éléments qu’ils apportent peuvent venir étayer la thèse de l’une ou l’autre des parties au
procès, en théorie les témoins n’attendent du procès, comme tout citoyen, que la justice soit
rendue par les juges ou les jurés en pleine connaissance de la vérité. Ainsi, le témoin ne peut
pas exprimer sa propre opinion ou un jugement de valeur sur la gravité des faits ou la
responsabilité de l’auteur même si, comme le constatent les auteurs Merle et Vitu, en pratique,
« il n’est pas toujours facile de cantonner les témoins dans leur rôle », « d’autant que les
avocats eux même, à tort, les invitent trop souvent à porter sur les faits perçus des
appréciations qu’il ne leur appartient pas de faire ».
C’est là encore pour répondre au souci de rapidité de la justice que l’ART 309 du CPP prévoit
que le président, qui « a la police de l’audience et la direction des débats », a la faculté
de rejeter « tout ce qui tendrait à compromettre leur dignité ou à les prolonger sans donner
lieu d’espérer plus de certitude dans les résultats ». En vertu de ce pouvoir discrétionnaire, le
président va pouvoir interrompre les témoins dans leurs déposition et les écarter du débat
comme le prévoit l’ART 331. C’est notamment le cas lorsque, comme dans un arrêt de la
chambre criminelle du 31 janvier 1979, après avoir prêté serment, le témoin déclare tout
ignorer des faits de la cause et de la personne accusée. Ce pouvoir discrétionnaire du
président, même si il faut souligner le caractère exceptionnel de son utilisation qui repose sur
un effort de motivation du juge, n’est pas sans rappeler une ancienne jurisprudence de la
chambre criminelle qui a valu à la France plusieurs condamnation par la CEDH au vu de
l’ART 6,§3 de la Convention, un des fondements de l’obligation de comparution du témoin.
2. importance pour les droits de la défense
Pendant longtemps, la Cour de cassation a estimé que l’audition de tel ou tel témoin
relevait de l’appréciation souveraine des juges du fond ce qui ressortait notamment d’un arrêt
de la chambre criminelle du 5 novembre 1975. Toutefois, dans son arrêt du 24 novembre
1986 Unterpertinger, la CEDH a condamné l’Autriche en considérant que la Convention
n’était pas respectée si, à aucun stade de la procédure, l’accusé n’avait l’occasion d’interroger
les témoins dont les déclarations étaient lues à l’audience. Devant le risque de s’attirer les
foudres de la juridiction européenne, la chambre criminelle du réviser sa position, ce qu’elle
fit dans deux arrêts du 12 janvier1989 et du 25 mars 1989. Le principe était désormais que
l’audition contradictoire est de droit et que le refus doit être motivé et ne peut avoir lieu que
dans le respect des droits de la défense. Ce revirement n’empêcha pas des condamnations de
la France par la CEDH pour des affaires antérieures dans l’arrêt du 12 octobre 1989 Delta
puis dans l’arrêt Saïdi du 20 septembre 1993.La CEDH a en effet constaté que sur l’ensemble
de la procédure, l’accusé n’avait jamais pu interroger ou faire interroger les témoins.
Le principe est donc désormais l’obligation de comparution des témoins à l’audience, ce qui
permet également de satisfaire aux exigences d’oralité et de contradictoire. Afin d’assurer
l’effectivité du respect de cette obligation, l’ART 326 relatif à la procédure devant la Cour
d’assise prévoit la possibilité de contraindre le témoin à comparaître en recourant à la force
publique. La menace d’une condamnation à une amende de 3750 euros, amende prononcée
directement par la cour, peut contraindre le témoin à comparaître devant la Cour d’assise mais
également devant le tribunal correctionnel(ART 438) ou le tribunal de police(ART 536).
Ainsi, la carence d'un témoin va pouvoir conduire le juge a prononcer le renvoi de l'affaire.
Les parties peuvent renoncer d'un commun accord à l'audition d'un témoin absent ou adresser
au juge une demande de confrontation par le biais de conclusions motivées, en s'appuyant sur
l'importance de l'audition ou l'absence de confrontation antérieure. Au cours de l'audience, la
juridiction, prenant en compte la demande de confrontation, peut ordonner toutes les
recherches utiles pour y faire venir le témoin et sursoit à statuer sur la demande de renvoi
jusqu'à la fin des débats. Si le témoin n'a toujours pas comparu à la fin des débats, la
juridiction, après l'audition de toutes les parties va statuer sur la demande de renvoi, renvoi
qu'elle ordonne ou qu'elle peut rejeter en se fondant sur les circonstances qui rendent
impossibles l'audition ou en affirmant que, suite aux débats, l'audition ne serait pas nécessaire
à la manifestation de la vérité.(ART326 439 536). Le président peut, en vertu de son puvoir
discrétionnaire lire une déposition antérieure du témoin à l'audience. Toutefois, l'absence de
confrontation entre l'accusé et le déclarant sur l'ensemble de la procédure peut faire craindre
une sanction de la CEDH, surtout si la décision des juges se fonde en partie sur cette
déposition.
L’obligation de comparution pèse aussi sur le témoin dés la phase d’enquête(ART 62) et
d’instruction (ART 109) toujours avec la possibilité de recourir à la force publique même si la
loi du 15 juin 2000 a supprimé la possibilité de prononcer une amende pour contraindre le
témoin à comparaître devant le juge d’instruction. Pourtant, l’ART 434-15-1du CP sanctionne
toujours « le fait de ne pas comparaître(…) sans excuse ni justification devant le juge
d’instruction, ou devant un officier de police judiciaire agissant sur commission rogatoire par
une personne qui a été citée par lui pour y être entendue comme témoin » d’une amende de
3750 euros. Cependant, la sanction interviendra moins rapidement puisqu’il faudra engager
des poursuites ce qui n'est pas un gage de certitude.
Toutefois, il faut relever une différence entre la phase d’instruction et la phase de jugement,
différence qui tient au caractère toujours inquisitoire de la première et à une audience
éminemment accusatoire.
En effet, au cours des débats les parties ont la liberté de faire citer autant de témoins qu‘elles
le souhaitent dés lors qu’ils sont régulièrement cités et dénoncés conformément aux ART 550
et suivant. Devant la Cour d’assise, chaque partie doit signifier au ministère public et aux
autres parties, réciproquement, la liste de ses témoins, vingt quatre heure au plus tard avant
l’ouverture des débats. C’est ce qui ressort de l’ART 281. Dans un souci d’une meilleure
garantie des droits de la défense, la loi du 9 mars 2004 est même venue rajouter que cette
signification doit intervenir « dés que possible ». L’ART 281 reconnaît également à la défense
le droit de faire citer des témoins (au maximum 5) par l’intermédiaire du ministère public. Ce
procédé lui évite d’avoir à payer elle-même les frais de citation et de déplacement de ses
témoins.
En revanche, lors de la phase d’information préalable le juge d’instruction apprécie seul
l’opportunité de l’audition des témoins comme pour tout acte d’instruction (ART 81).
Toutefois, les parties peuvent toujours saisir le juge d’instruction d’une demande écrite et
motivée tendant à l’audition d’un témoin ou à une confrontation, le juge devant rendre une
ordonnance motivée en cas de refus, ordonnance susceptible d’appel devant la chambre de
l’instruction(ART 82-1).
Si l’effectivité de l’obligation de comparution du témoin est garantie par la possibilité de
recourir à la force publique ou par le prononcé d’une amende, c’est également le cas pour les
deux autre obligations qui pèsent sur le témoin, à savoir l’obligation de prêter serment et
l’obligation de déposer qui signifie que le témoin doit s’expliquer sur les faits mais qu’il doit
aussi, comme il a prêté serment de le faire, dire tout ce qu’il sait. En effet, L’ART 326 pour
la cour d’assise comme les ART438 et 536 prévoient que « dans tous les cas, le témoin ( …)
qui refuse soit de prêter serment soit de faire sa déposition peut sur réquisitions du ministère
public être condamné par la Cour à une amende de 3750euros ».
Au vu de la suppression à l’ART 109, par la loi du 15 juin 2000 de la possibilité de prononcer
une amende en cas de refus de témoigner ou de déposer devant le juge d’instruction, certains
auteurs ont regrettés la suppression de cette sanction qui encouragerait les témoins inciviques
à se dérober à leur devoir. L’ART 434-15-1 du CP prévoit toujours la possibilité de
sanctionner le témoin dans cette hypothèse d’une amende mais cela suppose d’engager des
poursuites parallèles ce qui ne va pas dans le sens d’une plus grande célérité de la justice.
C’est également le cas lorsque la personne qui « déclare publiquement connaître les auteurs
d’un crime ou d’un délit refuse de répondre aux questions qui lui sont posées à cet égard »,
l’ART 434-12 du CP prévoyant qu’elle encourt alors une peine d’un an d’emprisonnement et
une amende de 15 000 euros. De même, l’ART 434-11 du CP prévoit que « le fait, pour
quiconque connaissant la preuve de l’innocence d’une personne détenue provisoirement ou
jugée pour crime ou délit de s’abstenir volontairement d’en apporter aussitôt le témoignage
aux autorités judiciaires et administratives est puni de 3 ans d’emprisonnement et de 45000
euros d’amende » avec une possibilité d’exemption en cas de témoignage tardif, dés lors qu’il
est volontaire.
La survie de la formalité du serment atteste du souci de garantir la fiabilité de la déposition du
témoin. En effet, si le témoignage demeure un outils de preuve essentiel à la manifestation de
la vérité, il n'en demeure pas moins un outils dangereux, à manier et apprécier avec
précaution. Si le témoignage peut être altéré de façon imperceptible pour des raisons
psychologiques, au moment de la perception des faits ou du recueil de la déposition, il peut
également être vicié volontairement par le témoin de mauvaise foi ou victime de pression.
B. comment s’assurer de la fiabilité du témoignage sur laquelle repose toute sa crédibilité.
C'est en effet sur cette fiabilité que repose toute la crédibilité du témoignage.
1. le serment
La force probatoire du témoignage serait grandement relativisée si le témoin n’avait
pas l’obligation de « dire toute la vérité rien que la vérité »permettant aux juges de forger leur
intime conviction sur les informations dont celui ci est dépositaire. C’est aussi la formule du
serment qu’il doit prêter, déjà devant le juge d’instruction (ART 103) mais aussi devant le
tribunal correctionnel (ART 446) ou devant le tribunal de police (ART536), avant toute autre
déclaration, en jurant la main droite levée et la tête découverte. Devant la Cour d’assises, ils
doivent également jurer de parler « sans haine et sans crainte »(ART 331)ce qui peut
s’expliquer par la pression et les passions que peut déchaîner le procès d’un criminel. L’enjeu
est tel, notamment au vu des peines encourues, qu’il peut faire craindre au témoin des
représailles ou l’inciter à se laisser porter par les ardeurs de l'opinion public en en oubliant son
devoir d'objectivité.
Emprunt de solennité, le serment vise ainsi à attirer l’attention du témoin sur l’importance de
l’acte qu’il va accomplir et sur le danger de déclarations mensongères. Il permet alors de
conférer à sa déclaration une présomption de véracité, facilitant le travail de décision des
juges, même si cette présomption est loin d’être irréfragable et va être soumise au
contradictoire de l’audience ou des confrontations. Il en appelle à la conscience morale mais a
également conservé un caractère éminemment religieux même dans un procédure devenue
laïque. L’utilisation du verbe ‘jurer’ à connotation religieuse signifierait, tout du moins chez
les personnes croyantes, que l’on prend Dieu à témoin de sa sincérité et implicitement que
l’on s’offre à la vengeance divine en cas de parjure. De plus, il est en effet toujours possible
d’ajouter à la formule « sacramentelle et ne pouvant comporter ni modification, ni
retranchement »(Crim 9 déc 1948), d’autres considérations faisant appel a sa religion qui ne
viendraient que renforcer la crédibilité de la déposition du témoin. Tout de fois, au vu du recul
du sentiment religieux dans nos sociétés actuelles on peut craindre, à l’instar de certains
auteurs que le seul serment soit insuffisant pour garantir la fiabilité des témoignages alors
même qu’il demeure un obligation pour le témoin. (ART 326,438,536)
Le serment demeurant d’ordre public, la déposition d’un témoin en l ’absence de prestation de
serment, même si il est régulièrement cité et notifié, constitue depuis longtemps pour la Cour
de Cassation une cause de nullité, solution qui ressort déjà d’un arrêt ancien du 13 juillet
1923. Toutefois il nous faut signaler un arrêt du 2 octobre 1990 qui pose une condition pour
que l’omission du serment ou la prestation de serment tardive puisse constituer une cause de
nullité. L’inobservation de cette formalité qui n’est sanctionnée par aucun texte selon la
chambre criminelle, n’est une cause de nullité que si elle a eu pour effet de porter atteinte aux
droits de la défense. Cette solution intervenant seulement pour la phase de l'instruction, il
s'agissait ici de mettre en conformité le régime des nullités avec l'absence de sanction
effective de l'obligation de prêter serment, carence palliée par l'entrée en vigueur du nouveau
code pénal de 1994 jusqu'à la loi du 15 juin 2000 qui modifie l'ART 109 et supprime à
nouveau la possibilité pour la Cour de prononcer une amende.
Cependant, si le témoin fait l’objet de plusieurs audition au cours de l’audience, il est possible
de ne lui faire prêter qu’une seule prestation de serment. C’est ce qui ressort d’ un arrêt du 14
septembre 1893 et du 8 juillet 1987, le témoin qui a prêté serment ne pouvant plus être
entendu à titre de simple renseignement sauf dans l’hypothèse de la survenance d’une cause
d’incapacité ou d’incompatibilité.
Cette obligation de prêter serment interdit toute dispense, même pour les personnes qui
soutiendraient être liées par le secret professionnel, contrainte qu'elles ne pourront faire
prévaloir qu'après s'être accomplies de cette formalité.
La prestation de serment exigeant que le témoin dise la vérité sur ce qu'il a vu, perçu, entendu,
la chambre criminelle a eu l'occasion de rappeler dans un arrêt du 12 décembre 2000 que «
l'audition d'un témoin sous hypnose élude les règles de procédure et compromet les droits de
la défense , même si elle est pratiquée avec l'accord de l'accusé »,le témoignage ayant été ici
recueilli grâce à l'intervention d'un expert. En effet, l'exigence de vérité implique que la
personne soit pleinement consciente de ce qu'elle dit, alors que « la parole d'une personne
placée sous hypnose n'est pas contrôlée par son auteur ». Même si elle était inexacte, sa parole
ne pourrait pas être qualifiée de mensonge. Le même problème se poserait pour la narco-
analyse comme le constatent D. Mayer et J-F Chassaing.
Le serment qui est caractéristique du seul statut de simple témoin permet de faire la
distinction avec le statut d’autres personnes qui interviennent au cours de la procédure, même
si les experts qui peuvent être entendus se doivent eux aussi dans certain cas de prêter un
serment particulier(ART160). On peut également penser au serment des jurés (ART 304) ou
de l'interprète.
Ainsi, la personne entendue par l’officier de police judiciaire au stade de l’enquête n’a pas à
prêter serment. Il est vrai qu’à cette étape de la procédure, caractérisée par la faiblesse de son
formalisme, il est encore difficile de choisir entre le statut de simple témoin et celui de
suspect, c’est à dire de mis en examen ou encore de témoin assisté, nouveau statut hybride
dont nous reparlerons ultérieurement. Le risque serait alors grand de remettre en cause le
principe de l’absence de serment du suspect, principe qui a pour corollaire le privilège de non
autoincrimination et le droit de mentir de la personne poursuivie. L’ART 113-7 prévoit en
effet que le témoin assisté ne prête pas serment. De même, l’ART 105 prévoit que « les
personnes à l’encontre desquelles il existe des indices graves et concordants d’avoir participé
aux faits dont le juge d’instruction est saisi ne peuvent être entendues comme témoins ».C’est
sur la base de cet article que des mises en examens tardives vont pouvoir constituer des causes
de nullité.
On ne peut donc véritablement parler de témoin que lorsqu’ils déposent, après avoir prêté
serment, au cours de l’instruction préparatoire ou devant la juridiction de jugement.
De plus, comme le constate Mrs Merle et Vitu, dans la pratique la police et la justice vont
entendre de nombreuses personnes qui ne prêtent pas serment et qui ne peuvent être entendu
qu’a titre de simple renseignement. Ainsi l’ART 310 prévoit qu’en vertu de son pouvoir
discrétionnaire, le président de la cour d’assise va pouvoir « au cours des débats appeler , au
besoin par mandat d’amener toute personne ou se faire apporter toute nouvelle pièces qui lui
paraissent utiles à la manifestation de la vérité ». Ces personnes qui n’ont pas été
régulièrement citées, ne prêtent pas serment, leurs déclaration n’étant considéré que comme
des renseignements. Pourtant le législateur n’a pas hésité à les qualifier de témoins ce qui ne
clarifie pas vraiment la situation. Mais il est vrai qu’à l’aune du principe d’intime conviction
du juge qui décide seul de la valeur probatoire de tel ou tel élément, la distinction peut
apparaître artificielle, les témoins et les personnes qui interviennent à titre de simple
renseignement pouvant être placés sur un pied d’égalité même si l’absence de serment peut
laissé penser que la crédibilité de ces derniers sera affaiblie, comme pour les personnes
frappées d’incapacité ou d’incompatibilité.
2. incapacités et incompatibilités
La qualité de témoin va pouvoir être refusée à un certain nombre de personnes, refus tenant à
la situation propre au déposant. Leurs dires devront être accueillis avec réserve, leur situation
ne leur permettant pas d’offrir, de garantir la fiabilité attendue d’un témoin. Ne prêtant pas
serment, il leur est possible de mentir librement, sans encourir la sanction pour faux
témoignage dont nous reparlerons ultérieurement. Toutefois, là encore, cette distinction ne
présente plus vraiment d’intérêt dans la formation de la conviction du juge et est dénoncée par
Mrs Merle et Vitu comme la « survivance contestable du système de preuve légal », la loi
fixant la valeur probatoire de chaque élément.
Quant aux personnes frappées d’incapacité, elles ne peuvent être entendues qu’a titre de
simple renseignement. Toutefois, leur audition sous serment n’est pas une cause de nullité dés
lors qu’il n’y a pas eu d’opposition formulée par les parties.
L’incapacité peut tout d’abord tenir à une difficulté dans l’appréciation des faits étant donné
le jeune age de la personne. Entendre de jeunes enfants comme témoin pourrait s’avérer
dangereux du fait d’une imagination et d’une suggestibilité très forte. Ce problème du
recueillement de la parole de l'enfant nous permet de faire le rapprochement avec la
désastreuse affaire d' Outreau, pour laquelle on a pu dénoncer une mise en forme de la parole
des enfants par les familles d'accueil. Ainsi les ART 108, 335 7émement ,447 et 536 prévoient
que les enfants au-dessous de l’age de 16 ans sont entendus sans prestation de serment.
Toutefois, leur âge va être apprécié au moment de leur déposition ce qui tend a relativiser
cette incapacité, d’autant plus qu’avec le problème de l’encombrement des juridictions et le
jeu des prescriptions les procès vont intervenir de plus en plus longtemps après les faits.
Alors même que leur perception des faits peut être altérée, il n'a pas été prévu pour les
vieillards ou les déments une telle cause d'incapacité, le juge appréciant souverainement la
valeur de leur déposition en pouvant faire appel aux services d'un expert pour analyser leur
capacité à témoigner.
L'incapacité peut également tenir à l'affaiblissement de la conscience morale du déposant ou
de son impartialité. C'est le cas de la personne qui a été condamnée définitivement avant la
fourniture de son témoignage à une peine d'interdiction des droits civiques, civils et de famille
qui peut emporter si le juge le décide la privation du droit de témoigner.(ART 131-26). On
peut regretter, à l'instar de plusieurs auteurs qu'une telle peine permette en réalité de
s'exonérer d'un devoir (puisqu'il faut parler de devoir et non du droit de témoigner) et de
mentir en toute impunité.
L'existence d'une présomption de partialité explique l'exclusion du statut de simple témoin de
certains parents ou alliés des personnes poursuivies (qu'il s'agisse de l'accusé ou du coaccusé)
(ART 335, 446 et 536). On peut en effet craindre que les passions familiales ou affectives
(solidarité ou conflit)ne viennent orienter leur déposition.
En revanche, les membres de la famille de la victime ne sont pas frappés par cette incapacité,
et ce même si la victime s'est constituée partie civile. En effet, c'est seulement dans cette
dernière hypothèse (Constitution partie civile), que la victime ne pourra pas être entendue à
titre de simple témoin. Toutefois, rien n'empêche la victime de venir témoigner sous serment
avant de se constituer partie civile pour défendre ses intérêts. Cela nous permet de faire le
rapprochement avec le système anglo-saxon, dans lequel les parties au procès n'interviennent
pas en tant que partie mais seulement à titre de témoin.
Enfin le principe et que le dénonciateur pécuniairement récompensé (dont on peut
légitimement craindre sa partialité), peut témoigner sous serment « à moins qu'il n'y ait
opposition d'une des parties ou du ministère public »comme le prévoient les ART 337 al2,
451 al2. Il faut noter que durant la phase d'instruction, la seule incapacité prévue par le
législateur à l' ART 108 est celle du mineur de 16 ans. Les exclusions de certaines personnes
du statut de simple témoin sont moins strictes au stade de l'instruction, ce qui peut s'expliquer
comme nous l'avons déjà souligné, par le fait que la valeur du témoignage va croissant plus
on s'approche de la décision de jugement, à laquelle le juge d'instruction ne participe pas.
D'autres personnes vont être frappées d'une incompatibilité qui rend impossible leur audition.
Ainsi les interprètes, les juges, les greffiers qui sont intervenus dans la procédure ou encore
les membres du ministère public de la juridiction de jugement sont frappés d'une
incompatibilité absolue. C'est aussi le souci d'impartialité qui a conduit le législateur, à l' ART
291, à prévoir le retrait de la liste des jurés, des témoins de l'affaire à juger. La fonction de
juré implique en effet de pouvoir agir en toute objectivité, dégagé de toute impression
personnelle antérieure aux débats. En revanche, les OPJ et APJ ou le juge d'instruction et les
membres du parquet qui ont joué un rôle dans l'enquête préliminaire dans l'enquête de
flagrance ou à l'instruction, bénéficient de la possibilité de témoigner sous serment. Au delà
des actes écrits de l'enquête et de l'instruction, leur témoignage est soumis au contradictoire et
à l'oralité, vont participer à la formation de l'intime conviction.
Comme nous l'avons précédemment soulevé, le ou les co prévenus ou co accusés ne prêtent
pas serment, serment qui deviendrait une entrave à leur défense. Ils ne vont pas être
auditionnés ou entendus mais interrogés et choisiront la réponse à apporter en fonction de leur
stratégie de défense.
En revanche, le souci de fiabilité du témoignage suppose que l'intervention du témoin débute
par une déposition spontanée.
3. la déposition spontanée du témoin
Le témoin va « être entendu » contrairement à l'accusé qui lui va être interrogé. C'est ce qu'on
peut lire à l' ART 109 du CPP. Il ne va pas se contenter de répondre à des questions, devant le
risque de réponses suggérées, ce qui fausserait le témoignage et ferait apparaître une vérité
erronée. De même les ART 329, 437 et 536 prévoient cette déposition spontanée des témoins
à l'audience, après que le président leur ait demandé leur nom, prénom, âge, profession,
domicile, s'ils sont parents ou alliés de l'accusé , du prévenu de la partie civile, de la personne
civilement responsable, ou s'il est attaché à leur service. (ART 331, 445). Avant de
comparaître les témoins vont être tenus à l'écart pour préserver leur spontanéité et éviter qu'ils
ne soient influencés. Afin d'éviter toute collusion entre les témoins, le président peut
également prendre toute mesure utile pour empêcher les témoins de conférer entre eux avant
leurs dépositions.
Après ces formalités d'identification , il devra prêter serment, avant de déposer oralement
(ART 452), sans pouvoir être interrompu (ART 331) devant le juge d'instruction ou la
juridiction de jugement.
A l'audience, où l'oralité des débats prévaut, le principe est que les témoins ne peuvent lire
une déposition préalablement écrite, dans un souci de spontanéité, garante d'une plus grande
fiabilité. Cependant, les juges admettent que les témoins puissent s'aider de documents écrits,
notamment afin de leur permettre de répondre avec plus de précision aux questions qui vont
pouvoir leur être posées. En effet, après cette déposition, le juge d'instruction ou le président
de la juridiction vont pouvoir interroger le témoin, même si il est rare que les questions du
juge d'instruction soient intégralement relevées dans le procès verbal d'audition qui sera relu
et signé par le témoin (ART 106 et 107) (il s'agit de limiter le risque de discordances entre la
déposition et le procès verbal). Si cela demeure une simple faculté, en pratique, les témoins
vont souvent avoir du mal à s'exprimer avec précision ou à faire une relation claire et
cohérente de ce qu'ils ont pu voir ou entendre, d'autant plus que le témoignage suppose un
effort de remémoration, de rappel des souvenirs, qui n'est pas facilité par des procès
intervenant de plus en plus tardivement après les faits. L'expérience du témoignage est
d'ailleurs souvent décrite par les principaux intéressés comme un véritable 'calvaire' (J.
Susini), en raison d'une confrontation souvent redoutée avec les parties, confrontation qui
pourra être souverainement décidée par le juge d'instruction. Toutefois, au stade de
l'instruction, l'audition est par principe secrète c'est à dire qu'elle ne va se dérouler qu'en
présence de certaines personnes, à savoir le juge d'instruction, le greffier et parfois l'interprète,
à l'exclusion de la personne poursuivie. L'objectif est d'instaurer un climat de confiance qui va
permettre au témoin de parler librement.
Cependant, la fiabilité de la déposition repose également sur la possibilité pour chaque partie
de soumettre le témoin à un interrogatoire, exigence du procès équitable et fondement de
l'obligation de comparaître. La loi du 15 juin 2000 prévoit désormais que le ministère public
et les avocats des parties peuvent poser directement des questions aux témoins, sans passer
par l'intermédiaire du président(ART 312, 442-1 et 536). Si on a pu craindre que sans ce
passage obligé par le président de la juridiction, les témoins ne soient malmenés par les
parties, ces tentatives de déstabilisation permettront de jauger leur sincérité et de mettre à jour
d'éventuels mensonges.
4. le faux témoignage
Afin de s'assurer de la sincérité du témoin, le législateur a en effet prévu un volet pénal en
espérant que celui ci jouera son effet dissuasif. Ainsi, l'ART 434-13 du CP prévoit que « le
témoignage mensonger fait sous serment devant toute juridiction ou devant un officier de
police judiciaire agissant en exécution d'une commission rogatoire est puni de 5 ans
d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende ».
Le législateur a toutefois prévu une exemption de peine dans le cas d'un témoignage tardif
mais spontané, dés lors que celui ci intervient « avant la décision mettant fin à la procédure
rendue par la juridiction d'instruction ou par la juridiction de jugement ». (ART 342 et 457)
Toutefois cette seule menace de poursuites pour faux témoignage peut apparaître bien faible
face aux pressions que peuvent subir certains témoins, d'où la nécessité de mesures de
protection du témoin.
II la protection du témoin devant les juridictions françaisesA) la nécessité de protéger le témoin en vue de favoriser la bonne admi-nistration de lajustice.1.La qualité et le sentiment de fiabilité d’un témoignage s’inscrit en droit français par lamise en place d’un système de protection des témoins.A divers degrés, le législateur a instauré des processus de protection répri-mant toutepersonne désirant menacer, influencer les témoins. Au coté de méthodes pouvant êtrequalifiés de « dissuasives » a été instituées des mesures pouvant avoir un impact sur ledéroulement de la procédure.Dans un premier temps, le législateur a, en effet, pensé que le témoins, en raison de saqualité et de son implication dans une affaire, pouvait être victime d’in-fractions de droitcommun. Un tel agissement, bien que bouleversant la bonne administra-tion de la justice,devait être sanctionné avec d’autant plus de sévérité qu’il risquait à l’ave-nir, de dissuaderles éventuels témoins de déposer. Ainsi, l’ART 221-4 5° CP punit d’une peine deréclusion criminelle à perpétuité le meurtre commis sur un témoin, une victime, unepartie civile… soit pour empêcher de dénoncer les faits, de porter plainte, de dénoncer lesfaits ou de déposer en justice, ou en raison d’une dénonciation, d’une plainte ou d’unedéposition. Le meurtre sans circonstances aggravantes est sanctionné par une peine,rappelons le de 30 ans de réclusion criminelle. Le même dispositif est constaté à l’ART222-3 CP relatif à l’incrimination de torture et actes de barbarie. Le 5° de cette infractionénonce la même circonstance aggravante que celle mentionnée ci-dessus. Dans cettehypothèse, la peine est élevée à 20 ans de réclusion criminelle contre 15 ans de réclusioncriminelle sans aucune circonstance aggravante. Enfin, dernier exemple à l’ART 222-12et -13 relatif à l’infraction de violences volontaires quelles que soient leur résultat. Cesdeux incriminations prévoient au 5° la même circonstance relative au té-moin, intervenantdans la procédure. Le mécanisme de la circonstance aggravante permet ainsi de focaliser
l’attention de l’opinion publique sur le témoins et des éventuels auteurs d’infraction sur letémoins , individu qui est désormais protéger explicitement par les autori-tés publiques.2. Ensuite, certaines infractions intéressant particulièrement le témoin ont étéinstitués dans le cadre de la procédure afin de s’assurer la qualité de son témoignage.Ainsi, l’ART 434-5 CP dispose que toute menace ou tout autre acte d’inti-midation àl’égard de quiconque commis en vue de déterminer la victime d’un crime, d’un délit à nepas porter plainte ou à se rétracter, est puni de 3 ans d’emprisonnement et de 45000 €d’amende.Bien que cet article vise la victime, il suggère que, pour parvenir à ses fins, l’auteur del’infraction peut menacer ou intimider toute personne susceptible d’in-fluencer la victimedans le déroulement de la procédure. Ainsi, pourquoi ne pas envisager dans cettehypothèse un témoin, qui suite à des menaces refuserait de se manifester, abstention quipourrait retirer se plainte si le témoignage se révélait important pour le déroulement de laprocédure.Dans le même ordre d’idée, l’ART 434-15 CP prévoit l’incrimination desubornation de témoin. Plusieurs éléments sont à relever dans cette dispo-sition. Dans unpremier temps, le législateur à envisager tous les actes de subornation. Ainsi, il peuts’agir de promesses, offres ou présent, autrement dit, d‘avances et propo-sitions (terme).Aussi, il est prévu le fait d’user de pressions, de menaces et de voies de fait, c’est à dire,d’actes de vilenies ou d’intimidations. Enfin, il peut s’agir de manœuvre ou d’artifices,donc, de manipulations dans le but de tromper le témoin.L’objet de la subornation suggère deux situations: premièrement, faire ou délivrer unedéposition, une déclaration ou une attestation mensongère,. Élément qui insiste sur unacte positif mensonger. Deuxièmement, s’abstenir de fournir, délivrer une déposition,déclaration et attestation, se rapportant ainsi plus à un acte d’omission.La jurisprudence a été amenée à préciser certains éléments de l’infraction de subornationde témoin. Elle a ainsi insisté sur le fait que l’infraction de l’ART 365 (sous empire ACP)
était constituée que la subornation ait ou non été produite d’effets.(crim 11/1/56;crim31/1/56; 10/12/58; 6/11/62)Dans une décision du 22/2/56, la chambre criminelle a énoncé que le délit de subornationde témoin n’est réalisé qu’autant qu’il est fait usage de l’un des moyens li-mitativementénuméré par l’article, à l’exclusion de la simple sollicitation. Ceci est com-préhensible, ilest demandé de la part de l’auteur un acte univoque, précis, qui puisse en-gagervéritablement l’auteur des faits.Enfin, l’ART 434-16CP prévoit que la publication, avant l’intervention de la décisionjuridictionnelle définitive, de commentaires tendant à exercer des pres-sions en vued’influencer les déclarations des témoins ou des décisions de juridiction d‘instruction oudes juridictions de jugement est punie de 6 mois d’emprisonnement et 7500€ d’amende.L’Al 2 renvoie aux dispositions de la loi du 29 juillet 1881 si l’infraction est commise parvoie de presse. ART 31 à 33 et 38et s de la loi.Il est possible de relever ici que les sanctions sont moins élevés dans cette dernièreinfraction, en effet, on peut penser qu’ici, plus que le témoins pouvait être touché c’est laliberté d’expression qui était en jeu. D’où la difficile conciliation que tente d’instaurerl’article 434-16CP.Toutes ces dispositions figurent dans la section 2 du chapitre relatif aux atteintes à lajustice, nommé « entrave à l’exercice de la justice ». Ceci met en exergue que, bien que lapersonne du témoin soit visée , c’est bien de la bonne administration de la justice dont ilest question et la nécessitée mettre hors de tout soupçon le témoin et sa déposition.3.Dans un second temps, la protection du témoin peut avoir des effets sur ledéroulement de la procédure, et plus particulièrement sur les droits du mis en examen.Ainsi, à l’occasion du contrôle judiciaire, le mis en examen peut être assi-gné à résidenceselon l’ART 138 2°CPP ou se voir imposer l’interdiction de recevoir, de ren-contrer oud’entrer en relation avec certains individus (ART 138, 9°CPP).Si ces exigences ne sont pas respectées par le mis en examen, le contrôle judiciaire peut
être révoqué et l’accusé incarcéré quel que soit la peine encourue en ver-tu de l’ART 141-2CPP. La décision plus grave de placer l’individu en détention provisoire peut être dictéepar la nécessité de protéger le témoin et d’éviter que la moindre pression ou menace soitexercée à leur égard ( ART 144 1°CPP). Par ailleurs, les droits du détenu peuvent êtred’autant plus restreints en vue de garantir la sécurité du témoin. Ainsi, il peut être interditau détenu d’entretenir toute communication extérieure, à l’exception de son avocat, pourun maximum de 20 jours. Ses visites et correspondantes sont susceptibles d’être contrôlersi la sécurité d’un témoin l’impose.4.Enfin, le législateur par la loi du 15 novembre 2001a accorder la possibilité deconserver l’anonymat du témoin dans l’hypothèse où ce dernier est sus-ceptible d’apporterdes éléments de preuve intéressant la procédure mais dont l’audition peut mettregravement en danger la vie ou l’intégrité physique de cette personne, des membres de safamille ou de ces proches. Les individus visés dans cette mesure sont suffi-samment largepour pouvoir espérer une protection efficace du témoin . En effet, res-treindre lespersonnes à protéger au seul témoin aurait ouvert la voie à des individus peu scrupuleux,capables de s’attaquer aux proches de celui-ci pour parvenir à ses fins.Le Juge des libertés et de la détention JLD prend en vertu de l’ART 706-58CPPune décision motivée, sur requête elle même motivée du procureur de la République oudu juge d’instruction. Afin d’autoriser que les déclarations du témoin soient recueilliessans que son identité apparaisse dans le dossier de procédure. Par ailleurs, le JLD peutdécider de procéder lui même à l’interrogatoire du témoin dans le but d’assurer la sécuritéde celui-ci. Cette faculté était ouverte à l’origine pour les procédures por-tant sur lescrimes ou délits punis d’au moins de 5 ans d’emprisonnement. La loi du 9 septembre2002 a porté le seuil à 3 ans, étendant considérablement son champ d’in-tervention. Parexemple, un témoin intervenant dans une procédure intentée suite à un vol ou un abus deconfiance pourrait bénéficié, s’il s’avère nécessaire, de l‘anonymat..
L’identité et l’adresse de l’intéressé sont versées dans des procès verbaux séparés et ellessont reportées sur un registre côté et paraphé ouvert à cet effet au T.G.I.L’identité ou l’adresse d’un témoin ayant bénéficié de l’anonymat ne peut être révéléesous peine d’être sanctionné par 5 ans d’emprisonnement et de 75000€ d’amende.L’anonymat du témoin est un progrès, mais elle peut revêtir en son sein des effetspervers. Ainsi, le risque de faux témoignage et d’utilisation malveillante de la justice estaccru par cet anonymat. Aussi, peut-on craindre de cette procédure qu’elle soitpréjudiciable aux droits de la défense.C’est pourquoi le législateur a cru nécessaire de multiplier les gardes-fous. Ainsi, l’ART706-60CPP prévoit que les dispositions relatives au témoin anonyme ne sont pasapplicables si, au regard des circonstances dans lesquelles l’infraction a été commise oula personnalité du témoin, la connaissance de l’identité de la personne est indispensable àl’exercice des droits de la défense. L’ART 760-60 CPP souligne qu’une pro-cédure decontestation est ouverte dans les 10 jours à compté de la date où il a eu connaissance del’audition du témoin anonyme. Cette procédure est ouverte devant le pré-sident de lachambre de l’instruction, autorité supérieur chargée de statuer sur les ap-pels des décisionsdu juge d’instruction ou du JLD. Le président rend une décision motivée, in susceptiblede recours. Si la contestation du mis en examen est justifiée, il prononcera l’annulation dela mesure. Il peut également ordonner que l’identité du témoin soit révé-lée à conditionque ce dernier fasse expressément connaître sa volonté de levé l’anony-mat. Ensuite, lelégislateur a permis que la personne mise en examen puisse demander à être confrontéavec le témoin. Cette confrontation se déroule par l’intermédiaire d’un dis-positiftechnique permettant du témoin à distance ou faire interroger ce témoin par son avocatpar ce même moyen. La voix du -témoin sera rendue non identifiable par les procédéstechniques appropriés. L’existence même de cette confrontation ne fait aucun doute maiscertaines questions se posent sur le déroulement même de cette procé-dure. Le budget de
la justice sera t’il capable d’affronter cette nouvelle dépense et d’équiper les tribunauxdes moyens techniques nécessaires? Comment s’assurer que le témoin déposera en touteindépendance et spontanément? Comment garantir que la défense pourra interroger letémoin librement, conformément au principe du contradictoire?Enfin, dernière précaution, la loi de 2001 a insisté sur le fait qu’aucune condamnation nepeut être prononcée sur le seul fondement de déclarations recueillies dans l cadre detémoignage anonyme.Le dispositif ci-dessus est l’aboutissement du système mis en place dans la loi du20 janvier 1995 qui accordait la possibilité au témoin de ne pas faire figu-rer son adresseau dossier en déclarant comme adresse, celle des services chargés de l’enquête. Lesmesures de protection des témoins, notamment celle relative au témoin anonyme, ont étéconstruites et affinées grâce à la Cour EDH. A de nombreuses reprises, la juridictionstrasbourgeoise a précisé que les systèmes de protection des témoins trouvaient leurlimite dans l’art 6-3 cedh.Ainsi la CEDH a constaté qu’en violation de la convention, l’arrêt UNTER-PERTINGERdu 24/11/86 souligne que la convention n’était pas respectée si l’accusé n’avait pas eul’occasion à aucun stade de la procédure de questionner le témoin dont les déclarationsétaient lues à l’audience. Dans un arrêt DELTA du 12/10/89 relatif à la pro-cédure desaisine directe, l’accusé n’avait jamais eu l’occasion de contester les té-moignages et d’eninterroger les auteurs, au moment de leur déposition ou ultérieurement. Bien avantl’adoption de la loi du 15/11/2001, la police avait, de manière informelle mis en place desprocessus « d’anonymisation » des témoins dans des enquêtes dange-reuses et complexes(notamment trafics de stupéfiant). Ce procédé avait été utilisé dans l’af-faire Saïd, lestémoins ayant identifié l’accusé au travers d’une glace sans tain. Cette procédure a donnélieu à une condamnation de la France par la Cedh le 20/9/93, où la cour a relevé que letémoignage avait été la base de la condamnation et que, ni au stade de l’instruction, ni au
cours des débats, le requérant n’avait pu interroger ou faire interroger les auteursprésumés. L’absence de toute confrontation a engendré ici l’absence de procès équitable.Ainsi, la protection du témoin se justifie en raison de l’aide qu’il apporte à la justice et àla manifestation de la vérité, vérité qui doit être établie dans le respects des droits detoutes les parties. Pourtant le tiers au procès qu’est le témoin devrait lui aussi êtreprotéger contre les conséquences personnelles et professionnelles que pourraitoccasionner son intervention (B)B) la protection du témoin lui même contre les conséquences que pourrait avoir sesdéclarations...........1.La question du secret professionnel manifeste une nouvelle fois la difficileposition du témoin face à la justice. L’ART 226-13CP prévoit l’infraction d’atteinte ausecret professionnel par le fait de révéler une information à caractère se-cret par unepersonne qui en est dépositaire soit par son état, ou par sa profession, soit en raison d’unefonction ou d’une mission temporaire. ( 1 ans et 15000€ d’amende.)Cependant, dans la matière qui nous intéresse, et ce qui fait la complexité de l’infractionde violation du secret professionnel est de savoir dans quelles circons-tances le dépositairede l’information est dans l’obligation de la révéler ou s’il bénéficie d’une marge demanœuvre dans le cas où les renseignement qu’il possède pourraient inté-ressé la justice.L’ART 226-14 CP donne une première réponse à cette question en souli-gnant que l’ART226-13 CP n’est pas applicable dans le cas où la loi impose ou autorise la révélation dusecret. Cette injonction ou proposition de parler peut revêtir 3 formes: l’obligation dedénoncer, l’obligation de déclarer, que nous allons écarter de notre étude) et l’obligationde témoigner. Dans un premier temps, la doctrine représentée par M. Vouin, distinguaitl’obligation de témoigner en faveur d’un innocent de l’ART 434-11CP et les autrestémoignages. Le secret professionnel ne pouvait justifier en aucune cir-constance à l’égardde ce premier , que le dépositaire puisse garder le silence. La loi pourtant suggère le
contraire à l’article 434-11 2° al2. Pour les autres témoignages, la loi pré-cise le cadre del’atteinte au secret et pour cela utilise 2 mécanismes. Ainsi, certains textes précisentqu’une activité est soumise au secret professionnel et pose immédiate-ment que le secretne peut être opposé à la justice (juridiction d’instruction et juridiction de jugement). Cettedisposition a été adoptée par l’ordonnance du 19/9/45 aux experts-comp-tables ou par laloi du 7/5/46 aux géomètres-experts. Plus récemment, l’ART 511-33 code monétaire etfinancier, après avoir précisé que les banquier et employés sont soumis au secretprofessionnel, insiste sur le fait que ce secret ne serait être opposé, ni à la commissionbancaire, ni à la banque de France, ni aux autorités judiciaires agissant dans le cadred’une procédure pénale. Ce mécanisme a l’avantage d’être clair et d’affir-mer auprofessionnel le principe du secret et ses limites.Vertu qu’on ne pourrait apprécier dans le second mécanisme qui prévoitl’assujettissement d’une activité au secret professionnel mais qui renvoie à une autredisposition les circonstances dans lesquelles le secret peut être révélé. Par exemple,l’ART 310-19 code des assurances issu de la loi du 31/12/89 et décret 90 lescommissaires au compte d’une entreprise d’assurance sont déliés du se-cret professionnelà l’égard de la commission de contrôle des assurances lorsque celle-ci de-manderenseignement sur l’activité de l’organisme contrôlé… Dans cette dernière illustration, ilne faut pas se méprendre sur les termes puisqu’il semble que le délit en-gendrevéritablement l’obligation de révéler les renseignements.Outre l’obligation de témoignage et de révéler les faits, le législateur a parfoislaissé au professionnel la faculté de choisir s’il doit dévoiler le secret ou non. Ainsi, encombinant l’ART 226-14 1° CP disposant que l’ART 226-13 n’est pas appli-cable à celuiqui informe les autorités judiciaires, médicales ou administratives de priva-tions ou desévices, y compris sévices sexuelles dont il a eu connaissance et qui ont été infligées à unmineurs ou à une personnes qui n’est pas en mesure de protéger en rai-son de son âge ou
de son incapacité physique ou psychique et l’ART 434-3 al 2 disposant que lesprofessionnels assujettis au secret professionnel ne serait pas punis s’ils décident de nepas informer les autorités nécessaires. Dans cette situation, il est possible de conclure quesi le professionnel parle, l’infraction d’atteinte au secret professionnel ne sera pasconstituée, de même que s’il choisit de se taire, aucune sanction ne pour-ra lui êtreimposée. Une liberté d’appréciation lui est donc accordée en cette ma-tière. Quoi qu’il ensoit, la contradiction et l’obscurité des deux textes n’est pas de nature à faciliter la prisede décision du professionnel qui serait témoin dans une affaire. La juris-prudence a tentéde clarifier les positions et de trouver des solutions au cas par cas. Ainsi, le secret absolua été accordé limitativement aux médecins par une décision Crim 8/5/47, crim 22/11/66),aux prêtres et avocats et aux assistantes sociales (crim 14/2/78). Le droit de refuser a étérejeté pour les agents des postes (crim 21/11/74), les fonctionnaires de manière généraleet les éducateurs de prévention (crim 4/11/71).Ainsi, les dispositions relatives au secret professionnel, et leurs assouplis-sements,permettent certes, de favoriser la bonne administration de la justice, mais surtout, tenterde protéger l’honneur de l’activité en cause et le témoin professionnel qui aurait pucraindre d’éventuels sanctions pénales et disciplinaires en raison de ses déclarations enjustice.Aussi, le témoin bénéficie d’une certaine immunité due à son intervention dansune procédure pénale. En effet, selon la décision du tribunal correctionnel de la Seine du31/5/50, le témoin ne peut être poursuivi lors de sa déposition en diffama-tion devant lesjuridiction de jugement puisque il doit sur ordre de la loi dire la vérité.2Parfois, l’intervention du témoin devant la justice peut jeter le doute sur soninnocence. Ainsi, Bernard Bouloc en 200? Qu’il y a une quinzaine d’an-nées, le procès necomportait que 2 personnes: le témoin et celui qui était appelé l’inculpé. Le témoin estconsidéré comme un individu pouvant facilité la manifestation de la vérité. Le témoin est
considéré comme un individu pouvant faciliter la manifestation de la véri-té. Cependant,ce témoin peut sembler être un faux et tenté d’orienter l’enquête vers une personne quiest innocente. Or, comment protéger les droits de quelqu’un sur qui pèse-rait dessoupçons. Le CPP de 1958 avait institué à l’ART 105 l’interdiction d’en-tendre commetémoin la personne contre laquelle existent des indices graves et concor-dants deculpabilité et à l’ART 104 CPP la possibilité à la personne, nommément dé-signée dans laplainte avec constitution de partie civile de choisir entre le statut de té-moin et le statutd’inculpé. Statut permettant l’accès au dossier et l’assistance d’un avocat.+ anecdoteLa commission Soyer en 1978 a émis la proposition de créer une passe-relle entre les 2, endonnant la faculté aux personnes visées dans une plainte avec constitu-tion de partie civilede se faire assisté de son avocat. La loi du 30/12/87 a mis en place le sta-tut de témoinassisté reprenant l’hypothèse visée par la commission Soyer.La loi 24/8/93 a créé un second cas de témoin assisté en donnant la facul-té aux personnesnommément visées dans un réquisitoire introductif de bénéficier de cer-tains droits du misen examen.Cependant, c’est par la loi du 15/6/2000 que le témoin assisté prit vérita-blement sa placedans le Code de procédure pénale où une sous section lui a été attribuée. Le statut detémoin assisté peut être affecté dans diverses hypothèses. Premièrement, il peut êtreattribué de manière obligatoire lorsqu’un individu est nommément visé par unréquisitoire introductif (ART 113-1 CPP) ou supplétif, élément ajouté par la loi 9/3/2004.La qualité de témoin assisté peut être mis en place de manière facultative dansl’hypothèse où un individu est nommément visé par une plainte avec constitution departie civile, ou s’il est mis en cause par une victime en dehors de toute plainte, ou, enfin,si l’intéressé en fait lui-même la demande. Aussi, le juge peut décider de faire bénéficié lestatut de témoin assisté si un témoin le met en cause ou s’il existe des in-dices rendantvraisemblable sa participation à l’infraction. Enfin, le statut de témoin as-sisté peut
succéder au prononcé de la nullité de la mise en examen. Suite à cette an-nulation, lesdéclarations du témoin seront rétroactivement considérées comme effec-tuée sous laqualité de témoin assisté.Grâce à cette procédure, le témoin sur qui pèserait des soupçons bénéficie de certainsdroits et garanties. Ainsi, comme son nom l’indique le témoin est assisté de son avocat,avisé avant chaque audition et a accès au dossier. Il doit être informé de ses droits dès lapremière audition. Ce dispositif était la principale requête formulée par les défendeursd’un statut hybride entre le mis en examen et le témoin. Pourtant, le légis-lateur a accordéd’autres prérogatives, quelques unes, les plus importants seront mention-nés dans cetteétude. Ainsi, le témoin assisté a le droit de refuser d’être entendu par un O.P.J. (s’ilaccepte, il doit en faire la demande et garde la possibilité à tout moment de l‘audition ledroit de l‘interrompre. Aussi, il a le droit de demander au juge d’instruction uneconfrontation avec l’individu qui le met en cause ( ART 113-3 al 2). Il a la possibilité dedéposer des requêtes en annulation depuis la loi du 9/3/2004. Il a le droit à tout momentde la procédure de demander d’être mis en examen, par lettre recomman-dée ou au coursd’une audition. (il a le droit de demander le règlement de la procédure à la fin du délaiprévu à l’ART 116 al 8CPP et selon son corollaire, d’être avisé du délai pré-visibled’achèvement de la procédure.)…Enfin, le témoin assisté bénéficie de mul-tiples garantiesafin qu’il ne puisse avoir lieu de détournement de procédure. Ainsi, le té-moin assisté neprête pas serment. ART 113-7CPP Cette règle a été instauré dans le but de permettre autémoin particulièrement impliqué dans une affaire de bénéficier de son droit de ne pasêtre auto incriminer. Puisqu’il n ‘est pas mis en examen, le témoin assisté ne peut fairel’objet de mesures privatives ou restrictives de liberté ( contrôle jud et en-core moinsdétention provisoire)ART 113-5CPP enfin, il ne peut pas être renvoyé de-vant unejuridiction de jugement en vertu de l’ART 113-5CPP.Ainsi, bien que le statut de témoin assisté avait été créé dans le but de protéger le
témoin soupçonné par les services judiciaires, celui-ci s’avère être une qualité serapprochant plus de l’état de suspect . État qui sera présenté dans un prochain exposé….