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TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE LA BANQUE AFRICAINE DE DÉVELOPPEMENT

QUORUM : Professeur Maurice GLÈLÈ AHANHANZO Président Juge Lombe CHIBESAKUNDA Vice-président Professeur Christian TOMUSCHAT Membre Professeur Yadh BEN ACHOUR Membre Juge Salihu Modibbo Alfa BELGORE Membre

REQUÊTE N° 2007/01

Monsieur C. A. B. O., Requérant Banque Africaine de Développement, Défendeur

Jugement du Tribunal, rendu le 08 août 2008

I. LES FAITS 1. Monsieur C. A. B. O. a été recruté par la Banque Africaine de Développement le 20

mai 2004, en qualité d’expert principal en gouvernance, pour un contrat de trois ans, renouvelable. Il a servi au Département POPR (Operations Policies & Review) devenu ORPC (Operations Policy & Compliance/Politiques de l’Évaluation & Normes) les deux ans et demi de sa présence au sein de la Banque.

La mission du 06 octobre 2005

2. Selon les termes de référence d’une lettre de mission en date du 03 octobre 2005, le

Requérant avait été autorisé à entreprendre un voyage de Tunis à Bruxelles pour prendre part à une réunion tripartite entre la Banque Mondiale, la Banque Allemande de Développement (KfW) et le Défendeur, le 06 octobre 2005.

3. Conformément à sa politique de transport appliquée aux membres du personnel, le

Défendeur avait mis à la disposition du Requérant un titre de transport aérien, des frais de mission. Le Requérant avait quitté Tunis le 05 octobre 2005 ; il était de retour le 11 octobre 2005.

4. Le 08 novembre 2005, le Requérant adressait un rapport de mission à son superviseur, ainsi qu’une demande de remboursement afférente à des frais dits engagés en joignant des reçus de taxi et d’hôtel.

L’audit de la mission 5. Par mémorandum interne du 19 décembre 2005, le Directeur du Département POPR

dont relève le Requérant saisit le Bureau de l’Auditeur Général afin de procéder à la vérification de l’exactitude du contenu du rapport de mission et des justificatifs des dépenses produits.

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6. Le Requérant s’est présenté aux auditions du 10 et du 22 février 2006, pour élucider

les quatre points suivants :

- établir si oui ou non il s’est tenu, au siège de l’Union Européenne à Bruxelles (Belgique), le 06 octobre 2005, une réunion tripartite entre la Banque Africaine de Développement, la Banque Allemande de Développement (KfW) et la Banque Mondiale ;

- établir si oui ou non Monsieur O. a pris part à cette réunion ; - établir l’authenticité de son rapport de mission et l’exactitude du contenu; - vérifier le bien-fondé de sa demande de remboursement de frais de

déplacement.

7. Du rapport d’audit, transmis le 03 mai 2006 au Président du Groupe de la Banque Africaine de Développement, il ressort que :

- la réunion tripartite sur l’harmonisation de la gouvernance locale dont parle le

rapport de mission du 08 novembre 2005 n’a jamais eu lieu à Bruxelles le 06 octobre 2005 ;

- le Requérant n’ignorait pas, avant de quitter Tunis le 05 octobre 2005, qu’elle

avait été annulée ; mais il avait réussi à convenir d’une rencontre informelle avec le représentant de la Banque Mondiale dans une gare de chemin de fer à la Haye ; et à avoir un entretien téléphonique de quinze minutes avec le représentant de la Banque Allemande de Développement à partir d’une cabine d’une gare de Bruxelles, autour de 18 heures, le 06 octobre 2005 ;

- le Requérant s’était abstenu d’en informer son superviseur ;

- le Requérant a utilisé le prétexte de la mission officielle et a fait usage des

moyens mis à sa disposition par son employeur pour se rendre à Amsterdam aux Pays-Bas où résidait sa famille ;

- le Requérant a menti dans son mémorandum du 30 novembre 2005, destiné au

Directeur du Département POPR, en affirmant avoir participé à la réunion des « Core Partners on Local Governance in Africa » le mardi 06 octobre 2005 à Bruxelles ;

- le Requérant a présenté un rapport de mission mensonger sur les décisions et

conclusions de la prétendue réunion de Bruxelles ; mais également sur l’heure de la rencontre avec le représentant de la Banque Mondiale ;

- la demande de remboursement des frais de déplacement pour ce voyage à

Bruxelles comportait un reçu de taxi falsifié et une facture d’hôtel contestable ;

- le Requérant a eu une absence à son poste de travail non justifiée, le lundi 10 octobre 2005.

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La notification des charges

8. Par mémorandum du 21 juillet 2006, le Directeur du Département CHRM

(Département de la Gestion des Ressources Humaines) a notifié au Requérant trois charges de faute grave, retenues contre lui, au terme de l’enquête : - avoir entrepris une fausse mission « officielle » sous le prétexte d’une réunion

qu’il savait annulée ; ceci en violation de l’article 3.5. du Statut du Personnel, - avoir présenté un rapport de mission mensonger, toujours en violation du

même article ; - avoir introduit une demande frauduleuse de remboursement des dépenses de

déplacement, en violation de la disposition 105.00 du Règlement du personnel.

9. Par ailleurs, le mémorandum attirait l’attention du Requérant sur le préjudice causé à la réputation de la Banque et sur le risque de faire dépendre son action d’une information fausse, qui prétendument provenait d’une rencontre avec des institutions partenaires.

10. La notification des charges, faite en application de la disposition 101.02 (a) du Règlement du personnel, était assortie d’une demande de réponse écrite dans les quatorze jours suivants, conformément à la disposition 101.03 (b) du Règlement du personnel.

La réponse du Requérant aux charges

11. La réponse du Requérant a été adressée au Directeur du Département CHRM par mémorandum du 07 août 2006. Elle se résume en quatre points principaux. Le premier porte sur la charge du prétexte de la mission officielle pour entreprendre une visite familiale, ailleurs que sur le lieu de la rencontre avec les partenaires de l’employeur. Le Requérant a récusé l’accusation de n’avoir effectué qu’un trajet Tunis-Den Haag. Il a asserté que c’est pour des raisons indépendantes de sa volonté que la réunion tripartite du 06 octobre 2005 n’a pas eu lieu à Bruxelles. Mais dès qu’il est apparu qu’elle était compromise, il a été décidé d’avoir des rencontres dans deux villes différentes, l’une à Den Haag entre la BAD et la Banque Mondiale le 05 octobre 2005, l’autre à Bruxelles avec la Banque allemande de développement le 06 octobre 2005. Cette dernière aurait dû être un face-à-face mais elle est devenue un entretien téléphonique. Le Requérant a ajouté que la synthèse des discussions a été approuvée par les différents partenaires qui ont fait pris aux échanges.

12. La deuxième charge à laquelle a répondu le Requérant est celle de la présentation d’un

rapport de mission mensonger. A l’accusation du rapport d’audit selon laquelle les réunions ci-dessus évoquées n’avaient pas d’objet réel, il a rétorqué que les conclusions qui en ont été tirées sont devenues des points de référence pour les rencontres ultérieures. En somme, le rapport de mission n’était pas dénué de contenu substantiel ; et cette mission a eu pour effet de faciliter l’interaction entre les partenaires et de faire faire des avancées à l’agenda de travail et à la mise en œuvre des activités.

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13. A propos de la troisième charge sur la demande de remboursement à base de justificatifs douteux, le Requérant a affirmé que le Bureau de l’Auditeur Général n’a mis en doute qu’un seul reçu ; celui du taxi, dont il aurait lui-même reconnu et signalé le caractère problématique : égaré d’abord puis substitué par un autre. Le Requérant a affirmé l’authenticité du reçu d’hôtel et explique la méprise de l’enquêteur par le fait qu’il a été établi au nom du client D. O. et non à celui de C. A. B. O., qui est l’identité officiellement connue de l’employeur.

14. A la quatrième charge sur l’atteinte à la réputation de la Banque, le Requérant a

opposé les témoignages et les appréciations des partenaires sur la manière dont il a représenté les intérêts du Défendeur, avant et après la dite mission de Bruxelles. Il a invoqué également la reconnaissance de sa probité professionnelle par l’enquêteur qui a eu accès à son dossier administratif au Département CHRM.

II. LES ARGUMENTS DES PARTIES

Le Requérant 15. Il rappelle que sa demande de révision administrative est restée sans suite, en dépit de

ses courriers de relance. Il dit être toujours dans l’attente d’une réponse promise dans un courriel du 13 février 2007, en provenance du cabinet du Président de la Banque. Il remet en cause les conclusions sur la base desquelles son licenciement a été prononcé : celles des rapports du Bureau de l’Auditeur Général et du Comité de discipline.

L’illégalité de la sanction au regard du droit applicable 16. Les textes du Défendeur lui-même, la jurisprudence des tribunaux administratifs

internationaux n’offrent aucune base légale permettant de qualifier le comportement du Requérant de faute lourde, justifiant ainsi un licenciement sans préavis et sans indemnités. En l’absence de toute définition claire de la notion de faute lourde par les textes du Défendeur, il y a lieu de se référer à une autre base légale, dont les principes généraux du droit administratif international et notamment la jurisprudence des Tribunaux administratifs de la Banque Mondiale et de l’Organisation Internationale du Travail (annexes 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20 de la requête) qui ont eu à connaître d’affaires similaires à celle du Requérant.

17. Les deux conditions constitutives de la faute professionnelle lourde, telles qu’elles ont été énoncées par cette jurisprudence, ne sont pas réunies dans le cas présent : le flagrant délit de faute lourde ; l’atteinte aux intérêts de l’institution impliquant une rupture de contrat immédiate et définitive. Tout manquement d’un membre du personnel à une obligation ne saurait être "proprement" qualifié de faute lourde justifiant un licenciement sans préavis et sans indemnités.

18. La faute professionnelle lourde n’est pas effectivement établie ; le comportement du Requérant est mal qualifié à la lumière du critère restrictif de la disposition 101.02 (c) du Règlement du personnel. L’article 3.5 du Statut du personnel, le paragraphe 2.1.1. du Code de conduite s’appliquent d’avantage aux actes des membres du personnel induisant la fraude, la tentative de fraude, la corruption et autres formes de malhonnêteté ou de moralité douteuse. L’article 3.5 ne saurait être un texte "passe-partout" couvrant tout écart de conduite de tout membre du personnel. Le comportement du Requérant durant sa mission de Bruxelles ne saurait tomber sous le

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coup de la qualification juridique de faute professionnelle grave. Le Requérant estime que tous ces textes évoqués par le Défendeur ne s’appliquent pas à son cas. Il y a eu plutôt abus d’exercice du pouvoir discrétionnaire, sur la base des conclusions erronées, des erreurs de droit et dans la qualification juridique des faits.

19. La motivation de la recommandation du Comité de discipline, « faire un exemple » en

infligeant au Requérant la sanction la plus sévère, n’a de fondement ni dans les textes de la Banque, ni dans le droit administratif international. Des conclusions erronées, tirées des faits

20. Le lien établi entre la résidence de la famille du Requérant aux Pays-Bas et son voyage à la Haye a fondé la conviction fausse de l’enquêteur du Bureau de l’Auditeur Général que le Requérant a fait un voyage Tunis-La Haye uniquement pour rendre visite à sa famille ; que ce dernier a passé la nuit du 05 octobre 2005 aux Pays-Bas (plutôt qu’à Bruxelles) ; qu’enfin la facture d’hôtel à Bruxelles, établie en son nom, n’est qu’un faux.

21. Les faits contredisent toutes ces allégations. Aucun des enfants du Requérant ne se

trouvait en Europe au moment de la mission litigieuse ; ils étaient tous aux États-Unis d’Amérique et au Nigeria pour des raisons d’ordre scolaire. L’épouse du Requérant, qui, depuis que son conjoint avait rejoint la Banque, effectuait des allers et retours entre la Tunisie et les Pays Bas, se trouvait être en Italie au moment de la dite mission.

22. Le Requérant soutient avoir passé la nuit du 05 octobre 2005 au Holiday Inn Brussels Airport. La réception de l’hôtel a apporté la confirmation de la présence de Monsieur O. qui avait, lui-même, signé le registre de départ : il s’était acquitté de sa note d’hôtel à 4h30 parce qu’il est un « lève-tôt » ; il est quotidiennement debout à 3 heures du matin. Mais il est resté dans l’hôtel jusqu’autour de 6 heures. Le doute suscité dans l’esprit de l’enquêteur par le départ si matinal de l’hôtel ne constitue en rien la preuve que le Requérant n’a pas passé cette nuit du 05 octobre 2005 à Bruxelles, même si les services de l’Union Européenne l’avaient informé qu’il lui fallait vingt à trente minutes pour se rendre de son hôtel au siège de l’UE. Des faits pertinents passés sous silence

23. Dans la contestation de l’authenticité de la facture établie par l’hôtel, le rapport d’audit n’a pas pris en compte le fait que le Requérant est « formellement et socialement » connu par le diminutif de son nom D. (O.). C’est sous ce nom qu’avait été faite la réservation de la chambre d’hôtel par Monsieur Mike Nwanegbo, un ami du Requérant. Celui-ci fait le constat selon lequel d’autres justificatifs établis sous la même identité n’ont suscité aucune quelconque suspicion.

En sus du ticket de taxi, jugé douteux, deux autres, apportant la preuve des mouvements du Requérant dans la ville de Bruxelles, ont été présentés (annexe 22 de la requête). Le rapport d’audit n’en donne aucune mention.

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La disproportion de la sanction 24. Le Requérant fait le reproche au Défendeur de n’avoir pas pris en considération

l’échelle des sanctions prévues par la disposition 101.04 (b) du Règlement du personnel.

25. La décision de mettre fin au contrat d’engagement du Requérant n’a pas tenu compte

d’un certain nombre d’éléments positifs : sa conduite irréprochable durant les deux années de sa présence au sein de la Banque, son apport à la mise en œuvre du programme de la gouvernance

26. Le Requérant en appelle à la compétence du Tribunal pour apprécier si la sanction

n’est pas significativement disproportionnée par rapport à cette unique faute commise durant toute sa carrière à la Banque.

27. Le Requérant sollicite du Tribunal que son affaire soit examinée selon les principes

posés par les tribunaux administratifs de la Banque Mondiale et de l’Organisation Internationale du Travail, dans les décisions n° 142 (Carew vs. International Bank for

Reconstruction and Development), n° 304 (D. vs. International Finance Corporation) et n° 246 (Koudogbo vs. International Bank for Reconstruction).

Le préjudice moral causé 28. Le Requérant dit avoir souffert d’un licenciement sans préavis et sans indemnités

décidé sur la base de simples allégations de mauvaise foi : présentation d’un rapport de mission mensonger, demande frauduleuse de remboursement de frais de déplacement. Ceci a causé énormément de tort à sa réputation professionnelle.

Le Défendeur La légalité de la décision 29. Le Défendeur affirme avoir pris la décision de rupture de contrat d’engagement avec

son ancien membre du personnel en toute légalité et après avoir assuré à celui-ci toutes les garanties d’une procédure régulière. Quatre occasions, au moins, ont été offertes au Requérant pour s’expliquer, organiser sa défense, établir les circonstances atténuantes susceptibles de justifier une sanction moins lourde : au niveau de son Département, à la demande de son superviseur ; au cours de l’investigation du Bureau de l’Auditeur Général; dans sa réponse écrite à la notification des charges par le Directeur CHRM; devant le Comité de discipline qui a entendu des témoins cités par lui.

30. Après avoir procédé à l’examen exhaustif des faits, le Défendeur est fondé à user de

son pouvoir discrétionnaire au terme des articles 10.1 et 10.2 du Statut du personnel pour mettre fin au contrat de travail d’un de ses employés. La disposition 101.04 (a) et (b) du Règlement du personnel est claire quant à la nature de la sanction disciplinaire envisageable au regard de la gravité de la faute du Requérant.

31. Les exigences de rendement, de compétence technique et d’intégrité (à laquelle le

Requérant a fait une grosse entorse) sont inscrites dans l’Accord portant création de la Banque Africaine de Développement [Article 37 (5)]. Ces trois exigences sont des « qualités » impérativement requises dans le recrutement des membres du personnel

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par le Président. Le Défendeur ne saurait tolérer de ses employés la présentation de documents falsifiés, de surcroît par un expert principal en gouvernance, dont la fonction est de promouvoir, de défendre les principes de la transparence, de la bonne gouvernance et l’obligation d’être comptable de ses propres actes.

32. Face à la gravité de la faute commise par le Requérant, aucun fait, aucun texte ne sauraient être invoqués pour justifier une révision administrative de la décision du Défendeur. Plutôt, il y a lieu de se référer à la jurisprudence d’autres tribunaux administratifs internationaux (Jugement UNAT n° 490, § IV, p. 9) et à celle du Tribunal de la Banque elle-même. Dans l’affaire Chifwambwa vs.. BAD, le Tribunal a dit:

« … le Tribunal rappelle le principe établi par la jurisprudence internationale

selon lequel en matière de révision des décisions disciplinaires du Président, le

rôle du Tribunal se limite à déterminer si la décision prise n’est pas entachée

d’erreur de fait ou de droit ou de violation ou détournement de procédure, ou

viciée par des éléments extérieurs ou préjudiciables. En d’autres termes, le

Tribunal n’a pas compétence pour substituer son propre jugement quant à

l’existence ou non d’une faute professionnelle ou d’une faute lourde. » 33. La sanction prise par le Défendeur est tout à fait conforme à la nature de la faute

commise et au rang du Requérant au moment des faits. En cela il n’existe aucun élément de comparaison possible entre l’affaire Carew et celle-ci. De même, l’affaire D. vs. International Finance Corporation n’apporte aucun élément concourant à établir le caractère disproportionné de la sanction infligée au Requérant.

34. A l’argument selon lequel le dossier administratif du Requérant durant les deux années de présence au sein de la Banque justifierait une sanction moins lourde, le Défendeur rétorque que dans l’affaire Bimpeh, le Tribunal a rejeté l’idée de mettre en balance les dix-huit années d’états de service à la Banque et la gravité de la faute commise. Les faits accablants et les aveux du Requérant

35. Le Requérant ne conteste pas les faits majeurs. Pour le Défendeur, c’est avancer un argument fallacieux que d’affirmer qu’il existerait des données pertinentes, susceptibles de modifier les conclusions de l’affaire, qui n’auraient pas été prises en compte par les autorités qui ont instruit le dossier.

36. Le mémorandum du 07 août 2006 comporte de nombreux aveux du Requérant. Au moins une semaine avant son départ, le Requérant savait par des échanges de courrier électronique que la réunion tripartite du 06 octobre 2005 avait été annulée. Le Défendeur rapporte un certain nombre de passages : le contenu du 4.1. de ce mémorandum est conforté par les paragraphes 20 (première phrase) et 25 (troisième phrase) de la requête.

37. Le Requérant a bien admis que son rapport de mission est du « trompe-l’œil » : les

incohérences dans la chronologie des prétendues réunions de Den Haag et de Bruxelles sont très apparentes (avant-dernier paragraphe de la page 3). Le Requérant a assumé que sa manière d’introduire la demande de remboursement des frais de déplacement visait à dissimuler l’itinéraire réellement effectué durant la période de la mission (§ 4.1.4., de la 5e à la 8e phrase). Il a également reconnu avoir produit un reçu

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de taxi contrefait (§ 4.5.1., les 4 premières phrases). Le reçu de taxi, ultérieurement présenté en remplacement d’un premier douteux serait celui d’une course de Maastricht à Amsterdam, révélant ainsi une anomalie entre l’itinéraire porté sur ce reçu et celui des termes de référence de la mission, faussement repris dans le rapport de mission.

38. Parmi les justificatifs de remboursement fournis par le Requérant figure au moins un

reçu factice : le Requérant a reconnu l’avoir fabriqué lui-même (§ 4.5.1). Les contradictions du Requérant dans ses déclarations et dépositions 39. L’information sur l’annulation de la réunion tripartite n’avait pas été portée à la

connaissance du superviseur pour les raisons les plus contradictoires. Dans un cas, le Requérant dit vouloir anticiper sur les réunions bilatérales et atteindre ainsi les objectifs de son employeur (§. 3.5.2); dans l’autre, il dit entretenir des relations plutôt difficiles avec son supérieur hiérarchique immédiat qui aurait tout simplement supprimé la mission (§ 5.1.). Le Requérant redoutait ainsi de se voir refuser l’opportunité du voyage.

40. Les inexactitudes sur l’itinéraire suivi sont également source de versions contradictoires entre ce qu’affirme le rapport de mission et le reçu de taxi de substitution. Le Requérant dit avoir quitté Bruxelles pour Amsterdam. La question posée est celle de savoir quand est-il allé à Maastricht et quand s’est-il trouvé physiquement à Amsterdam ? Le Requérant devrait s’expliquer sur cet itinéraire.

41. De nombreuses déclarations du Requérant apportent la preuve de sa culpabilité : il a admis avoir délibérément présenté un reçu truqué et un rapport de mission mensonger dans l’intention de brouiller le détournement des moyens mis à sa disposition par son employeur pour une réunion qu’il savait annulée. Son comportement n’est rien d’autre que de la fraude, de la vénalité, de la déloyauté vis-à-vis de son employeur.

Le préjudice causé au Défendeur 42. Sous le prétexte d’une mission officielle, le Requérant a entrepris un voyage d’ordre

privé sur le temps et aux frais du Défendeur. Son voyage n’était pas conforme aux termes de référence de sa lettre de mission, émise par son employeur.

43. L’atteinte aux intérêts du Défendeur est manifeste dès l’instant que les propos

mensongers du Requérant mettent en cause des tiers : son « prétendu » rapport de mission évoque des discussions et des conclusions fictives prises avec des partenaires du Défendeur, dont une institution sœur.

44. La réputation et la crédibilité du Défendeur sont en jeu. Il a dû prendre contact aussi

avec la Banque Mondiale qu’avec la Banque Allemande de Développement pour vérifier l’authenticité de ces réunions, des conclusions et des recommandations énumérées dans le rapport de mission du Requérant. Le représentant de la Banque Mondiale a affirmé n’avoir pas eu avec le Requérant, le 05 octobre 2005, dans une gare de chemin de fer, une rencontre ayant valeur de réunion officielle. Pour sa part, le représentant de la Banque Allemande de Développement a confirmé qu’il n’y a pas eu une réunion des « Core Partners on Local Governance in Africa » le 06 octobre 2005.

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45. Le Requérant n’a pas pu apporter la démonstration que son voyage était nécessaire à la réalisation des objectifs du Défendeur. Bien au contraire son comportement a été de nature à affecter l’intégrité des opérations du Défendeur. En soumettant un rapport de mission mensonger, le Requérant mettait le Défendeur dans une situation délicate vis-à-vis de ses partenaires et lui faisait prendre le risque d’engager des actions ultérieures sur la base de conclusions et des recommandations fictives.

III. LES DEMANDES DES PARTIES 46. Le Requérant Il demande au Tribunal de :

- casser la décision de licenciement prise par la Banque pour faute lourde ; - procéder à sa réintégration ou à défaut au paiement de trois années de salaire,

comme compensation du licenciement abusif; - procéder au paiement de ses mois de salaire et de tous ses droits,

rétroactivement, de la date du licenciement à celle du prononcé du jugement ; - lui verser 25 000$ au titre du préjudice moral, de la détresse psychologique,

du tort causé à sa personne et à sa réputation professionnelle ; - d’effacer de son dossier administratif toute mention de ce licenciement et de

lui délivrer une attestation certifiant un départ volontaire de la Banque ; - d’imputer au Défendeur tous les frais de justice, d’avocat, d’autres dépenses

occasionnées par ce licenciement sans préavis et sans indemnités. 47. Le Défendeur

Sur la base des faits et au regard du droit applicable, la sanction a été juste et raisonnable. Il a été établi que le Requérant est bien coupable de ce qui lui est reproché. Le Défendeur est en droit de qualifier son comportement de faute lourde. En conséquence, le Défendeur demande au Tribunal de rejeter la requête comme non fondée.

IV. LA PROCEDURE La saisine du Comité de discipline 48. Non satisfait de la réponse du Requérant, le Directeur du Département ORPC a

demandé à son collègue, le Directeur CHRM de saisir le Comité de discipline. Par mémorandum CHRM. O/MEMO/C. Discipline/06 du 18 septembre 2006 et en vertu de la disposition 101.03 (a) et (c) du Règlement du personnel, le Requérant a été renvoyé devant le Comité de discipline.

49. Le 12 octobre 2006, le Président du Comité de discipline a adressé à la Vice-

présidente CSVP (Vice-présidente des services institutionnels) un rapport sur les auditions des 22 et 29 septembre 2006.

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50. Après avoir entendu, tour à tour, le Directeur CHRM, le Requérant lui-même,

Monsieur Epie qui a conduit l’enquête d’audit pour le compte du Bureau de l’Auditeur Général, les deux témoins cités par le Requérant, Madame Karim Millet (Directeur de Joint Africa Institute), Monsieur Stephan Olanrewaju (économiste en chef au Département ORSA), le Comité de discipline a noté que le Requérant :

- a plaidé coupable pour deux des trois charges retenues contre lui (avoir produit

un rapport de mission mensonger et présenté un reçu frauduleux comme justificatif en vue d’un remboursement de ses dépenses de déplacement). En revanche, il conteste le grief selon lequel il avait pris l’avion pour une mission officielle qu’il savait annulée;

- a reconnu que la réunion avait été effectivement annulée ; le Comité de

discipline a eu accès, comme l’enquêteur du Bureau de l’Auditeur Général, aux échanges de courrier électronique apportant la preuve que la réunion avait été annulée une semaine avant le voyage du Requérant;

- a dit n’avoir pas informé son superviseur de peur de voir la mission supprimée

et pour anticiper sur les rencontres bilatérales de substitution, dans l’intérêt de la Banque et de la réalisation de ses objectifs.

51. C’est à l’unanimité que les membres du Comité de discipline ont conclu à la

culpabilité de Monsieur O. : coupable de s’être comporté de manière contraire à l’éthique du fonctionnaire international qu’il était et à son statut d’expert en gouvernance à la Banque. C’est également à l’unanimité que les membres du Comité de discipline ont établi la faute professionnelle grave et ont recommandé le licenciement du Requérant.

La notification du licenciement 52. Par lettre du 10 novembre 2006, rappelant les conclusions et les recommandations du

Comite de discipline, le Requérant s’est vu notifier son licenciement pour faute lourde. La demande de révision administrative de la décision de licenciement 53. Le 29 novembre 2006, le Requérant a introduit auprès du Président du Groupe de la

Banque Africaine de Développement une demande de révision administrative de la décision de son licenciement.

Le 29 mai 2007, le Requérant a saisi le Tribunal Administratif de la Banque.

V. LE DROIT 54. Conformément à l’article 101.03 (a)(c) du Statut du personnel, le directeur de CHRM,

convaincu qu’un problème de discipline se pose, a renvoyé le Requérant au Comité de discipline.

55. Le Requérant a bénéficié d’une procédure de recours normale conformément à

l’article 101.02 du Statut du personnel, et a été informé :

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i) de la nature de la faute et des circonstances dans lesquelles elle a été commise ;

ii) du degré auquel la faute affecte négativement l'intégrité, la réputation ou les intérêts de la Banque

iii) du degré auquel la faute implique des actions ou une négligence intentionnelle(s)

56. Le Requérant a eu l'opportunité de se défendre face aux allégations portées contre lui,

y compris au moyen de témoignages oraux et écrits devant le Comité de Discipline. La procédure appropriée a été suivie conformément à la Disposition 102.07 du Règlement du personnel

57. En conclusion, au vu de tous les faits, il est établi que le Requérant :

i) a entrepris une mission officielle alors qu’il savait que la réunion y afférente était annulée, en violation de l’article 3.5. du Statut du Personnel,

ii) a délibérément présenté un faux rapport de mission, toujours en violation du même article ;

iii) a introduit une demande de remboursement des dépenses de déplacement, qu’il savait fausse et injustifiée, sur la base d’un voyage non autorisé, en violation de l’article 105.00 du Statut du Personnel.

58. L'article 37(5) de l'Accord portant création de la Banque africaine de développement

prescrit entre autres, l'intégrité en vue de recruter le personnel de la Banque et le Président doit en tenir compte dans la nomination des fonctionnaires.

59. Le Requérant était pleinement conscient que la réunion prévue à Bruxelles entre les

représentants de la Banque mondiale, de la Banque allemande de développement (KfW) et de la Banque africaine de développement avait été annulée. Malgré cela, il s’est abstenu d’en informer son directeur et a entrepris de voyager de manière frauduleuse.

60. Le comportement du Requérant, qui a entrepris le voyage, a été aggravée par sa

déclaration selon laquelle la réunion s’est effectivement tenue et par la soumission d'une demande de remboursement de dépenses fictives.

61. Dans sa soumission, le Requérant cite plusieurs affaires de tribunaux internationaux. Il

convient de souligner, avec le plus grand respect, qu’il n’existe aucun élément de comparaison possible entre ces affaires et celle-ci. L’affaire Carew vs IBRD, et l’affaire D. vs International Finance Corporation n’apportent aucun élément de comparaison pertinent, tant au regard de sa gravité que de son caractère mensonger.

62. Le rapport de mission du Requérant était non seulement « trompeur », mais également

fallacieux. Le reçu de taxi présenté était un faux et le remplacement soumis ne correspondait pas à l'itinéraire prévu, même pour le voyage non autorisé. L'explication fournie par le Requérant au sujet de son déplacement était émaillée de contradictions: il a déclaré avoir quitté Bruxelles pour Amsterdam et est revenu sur cette déclaration pour affirmer qu'il a quitté Maastricht pour Amsterdam.

63. La question soumise à l'attention du Tribunal n'est pas de savoir si le Requérant a

effectué le voyage pour rendre visite à sa famille qui se trouvait à La Haye, mais elle

Page 12: I. LES FAITS - afdb.org · PDF fileLa notification des charges 8. ... A l’accusation du rapport d’audit selon ... La motivation de la recommandation du Comité de discipline, «

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renvoie plutôt au fait que ce voyage non autorisé a été entrepris frauduleusement aux frais de la Banque, mettant l'institution dans l'embarras.

64. La Banque africaine de développement est l’une des principales entités sur lesquelles

repose le développement du continent africain. Le personnel de la Banque est censé avoir un comportement irréprochable, agir avec le maximum de respectabilité et d'honnêteté. Dans l'exécution de ses missions officielles, un membre du personnel de la Banque ne doit pas se rendre coupable de malhonnêteté ou de dissimulation de faits à l'égard de la Banque.

65. Le Requérant, de par sa conduite, a trahi la confiance placée en lui par la Banque et ne

pouvait pas s’attendre à ce que la Banque lui fasse confiance. Le contrat d'emploi est toujours établi sur la plus entière bonne foi, surtout pour une institution financière internationale comme la Banque. Le Requérant a trahi cette confiance et il ne peut pas s'attendre à demeurer membre du personnel de la Banque.

VI. LA DÉCISION

Par ces motifs, La requête est jugée sans fondement. Par conséquent, elle est rejetée.

Pour le Président Lombe CHIBESAKUNDA Vice-Président Mme Albertine LIPOU MASSALA Secrétaire Exécutif LE CONSEIL DU REQUERANT Me. Rose Marie DENNIS Me. Oladejo OLOWU LE CONSEILLER DU DÉFENDEUR M. Kalidou GADIO M. Dotse TSIKATA M. Steven ONEN