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Page 1: ,I D: manifestaticins. dëhorizon.documentation.ird.fr/exl-doc/pleins_textes/...tions ontologiques de l'écrice et du penser .africains, en relation-avec le passé (colonial) et le

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f i s la 1ittiYature acmellemerit consacrée à l'Afrique et ami manifestaticins. dë - la plongée,', du. continent dans ' uneicrise D: mùltiforme, 'les ~tellec&els,..lÖn~emps 'au Eentre des débats

sur le !?estin d&*TAfrique - comme arocl46teurs 'de sens/objePde sävoirs .-, .brillent par .leur.;ahsence. ' Peufzon' dès lors "suivie ¡es ' trices de cette perk-à la,fois de la vÖcatïon'(ia péd&gogie de' l'éclaireur) et la notoriété (la production d'un savoir de l'altérité et d'une mytho- lògie de rétablïssement de la continuité historique) en inscrivant l'Afrique. dans la modernité, tout autant économique, politique que sociale ? Assiste-t-on à une perte d'identité, à un effondrement de leur statut économique, de leur position sociologique etlou de leur compétence scientifique ? Ou bien encore, la clôture, certes pro- gressive, de la séquence nationaliste impose-t-elle aux intellectuels d'être technocrates, (( ringards n, ou tout simplement réduits au silence ? Plus simplement, peut-on être intellectuel et africain ? Et de quelle tradition relève-t-on, à quelle ratification est-on soumis pour s'(auto)attribuer cette identité ? Est-elle pérenne ou conjonc- turelle ? En effet, la qualification n'est ni neutre, ni innocente, que la référence soit politique ou intellectuelle. Elle remet sur le tapis - du moins pour beaucoup d'observateurs avertis - le fait -par- fois incongru d'accoler un concept (professionnellmoral) à une appar- tenance géographique et continentale. Proximité et compagnonnage qui se paient au prix fort : le désir de reconnaissance par l'autre (institutions physiques et/ou morales...), la marginalisation pour pro- vincialisme académique ou subjectivisme." exacerbé (1). . . . . . .

Produire un savoir sur les intellectuels -africains, :c'est essayer de les inscrire dans un double mouvement : d'abord Its' replacer

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FACE A LA DÉMOGRATIE

dans 'lé' tissu complexe 'des 'sociétés afr-idairies, et :identifier les logi- ques de l'auto(att&bution) d'un statut, c'est:à-dire repérer, si .cela est possible, un fondement documentaire ' au statut d'intellectué1:en. Afrique; ensuite, les situer dans l'ordre du savoir, la logique des institutions, les modalités et ratifications (institutionnelleslmédiati- queslsociales) de production de savoirs ésta-mpillés d'Occident (3):

La réflexion qui suit ne s'attardera pas sur les questions de dési- gnation, dénombrement .et/ou de légitimation du statut d'intellectuel. De même, on s'intéressera ,très peu à la. thématique. et .aux. .maté- riaux sur lesquels s'exerce, se dévoile et se constitue l'intelligence africaine des: choses, des situations et de. l'humanité. Sur toutes ,ces questions,. les réflexions de V,Y. Mudimbe et, d'A. Mbembe et les débats .qu'elles oTt : provoqués, I dispensent de- .revenir sur les ques- tions ontologiques de l'écrice et du penser .africains, en relation-avec le passé (colonial) et le présent (occidental, libéral et démocratique) (3).

Cette éwde!n'a donc pour ambition que de. rendre compte, ,dans une perspective dynamique, .de la. trajectoire heurtée des intellec; tuels 3 africains - . .de .leurs ,prétentions .messianiques . des années d'indépendance,. à leur (( panne )) (4), retraite du, champ politique ou tout simplement irresponsabilité ou.jadicalisme dénoncés dans plusieurs ,journaux, ,indépendants ou $Etat (5). I1 est en effet tout à .fait. clair que les .changements de contexte, de. l'euphorie .natio- naliste des années 60 aux transitions démocratiques profondément influencées par les contraintes Gconomiques internes et externes, retentissent, sur la productionj le statut .et le ,comportement des intel- lectuels, comme. sur leur, poids dans .l'élucidation et .le devenir' des sociétés -africaines. Afin #éviter les malentendus, il s'agira de ne pas perdre de vue .la tâche; que l'auteur de. cet.,article s'assigne, introduire. un débat sur -les intellectuels africains - surtout franco-

- . . . , . . . , . _ - , .

I .

'~ (1) Voir à ce sujet l'abondante littérahire dÖn, Zed Books, 1986, kt'Dipesli Cha!uab&, des écrivaios 'de la négritude et de leurs cri- (! The Death.-of History ?~ Historical 'Cons- tiques, les controverses autour de l'oeuvre de ciousness of Late Capitalism )), Public Cqlt,ure, Cheikh Anta Diop et les essayistes de l'eth- vol. 4,(2),,Spring 1992, pp. 46-65. nophilosöphie, plus particulièrement, ceux (3) S e reporter 'a&.ouvrages déjà cités de qui sont l'objet deI'ire' de P. Hountondji;: V.Y.:Mudimbe ; concernant A. Mbembe, on Sur la philosopliie afri-cpite, Paris, 'Maspero,- se reportera avec utilité à son, article The 1976. On se reportera aussi a i \ livres essen-, Banality of Power and the Aesthetics of VS- tiel$ de 'V.Y. Mudimbe, The Invention of -garity in' the Postcolony b), 'Public Culture, Africa, Bloomington, ~ Indiana., University 4(2),' Spring" 1992, 1-30 et les. réactions sus- Press, 1988, et .Tie, +breptitious, Speech. Pré- citées par ce texte et. la réponse de l'auteur sence Africaine anil the TQliìics of Othekess,. dans' Public Culture, 5(1), Fall' 1992, Cliicagó, .Chicago UnivërsiG Press, '1991'. pp. 36-145.-' . I .

: (2) Les débats les plus intéressants-sur ces : (4) yoir , ¿( Intellectuels , ,sénégalais : , la questions ,,se trouvent,, dans les travaux du panne ))) Sud-Hebdo, journal indépendant groupe indien Sdalterìi Stzidies, plus particul sénégalais, 8 et 9: janvier 1990. . lièrement R. Guha h G. Chakravorty Spirak (5) Voir l'excellent dossier établi par (eds), Selected Subaltern Studies, New Libertitres, no 10, mars 1992 qui présente les YorkLondres, Oxford University Press, 1988 ; articles de Werents journaux africains sur Partha Chatterjee, Naiionabt Thought aad the la communautC universitaire, plus particuliè- Colonial World : a Derivative Discourse; Lon- rement les étudiants.

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phones -, de l,a.,mission historique attribuée par, le nationalisme, et l'ethnologie coloniale,. à la redécouverte de la démocratie comme- motifs d'action et de pensée.

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Filiation. et topographie . I . .

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' L'intellectuél: africain;' qu'il.' le reconnaisse ou. non, qu'.il s'en détourne ou non, - est pris' áu piège d'une alternative dont il n'est' pas le producteur: I1 en est plutôt l a victime expiatoire, consen- tante ou' rebelle. I1 a; le plus souvent, .resserré les mailles du piège, en' ajoutant 'd'autres. alternatives à celle de sa genèse- dont les 'deuri déments sont de l'órdre de la généalogie êt Ide. la géographie. Elles alimentent et konditionnent . l'historicité .propre des intellectuels afri- c,ai-ns. .. . , - , . . L ., , I , ' ,

Même s'il ne s'agit pas' de s'interroger súr la qualité d'intellec- tuel dans l'environnement africain, une question 'se pose d'emblée. Le. seul acte, semble-t-il', qui ,est la force des intellectuels -est l'acte de réfléchir. Et la .réflexion, comme 1a.lecture .dont elle se.nourrit, sont. des actes ou,., plutôt, des actions solitaires, des postures difi- ciles à tenir dans :des sociétés de convivialité, dont l'oralité est eons- tamment -mise en -scène dans Ia' conversation, et où .la parole sou. veraine se réalise en, actes. Parole qui se démarque de ,l'étriture qui' relèverait de l'ordre de' la technicité, donc de la clandestinité magique qui,confère une extériorité 'par rapport à sa société, .donc une incompétence politique 'et sociale. Cette situation est très cer- tainement la cause .des controverses sur le statut .des idiomes .indi- gènes et les-lãngües coloniales, aussi bien pour rendre compte de la "complexité des réalités dafricaines (concepts, .méthodes et narra- tions) qu'en termes de transfert technologique et scientifique. La stature politique .et sqciale .que la maîtrise de la 1,angue coloniale attribue se: traduirait .dans, l'impossible transformation des produc-

, rencontre historique )) entre l'occident et les mondes :non européens, 'dormant- sur .(¿ la natte'des autres )) ,(6), l'intellec~el, .., . . africain . est toujours défini par rapport :à ún , référent. Il- est. .une, contradiction dans les .termes, précisément àt cause de son origine (7).. Bien sûr que dans ,cette quête de 1a.fon- dation, s'est opérée 'très justement la; dichotomie entre intellectuels traditionnels et modernes, dichotomie ;qui, pareille au concept colo- nial d'évolué; inscrit, l'approche de l'.intellectuel 'africain. dans. l'anth- ropologie évolutïonnfste. I1 est ' défini ,'-par, Uri . savoir _ . . ethnologique. 1

. . I , , . . , . . , , . .

tions' intellectuelles en culFres. ' . I , . . Et c'est ,ainsi. que, 'broduit d'une

. . , ,,. . , . , , . .

. - , .

I I ' , . , , . , . i .

Dakar, Codesria, ,1992.. I I

(6) J. Ki-Zerbo (éd), La natte des auzres,

(7) Cette idée est empryntée à G. Spivak

qui parle,- lui, . des intellectuels, du Tiers .monde,, 6 1 , Other. Worlds : Essays in, Ci~lt.ural Politics, New =Yorwondon, Rovtlege, 1988.

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FACE 'a LA DÉMOCRA TIE

11 fait partie d'une structure 'de parenté qui. le -distribue 'comme uil cadet -attendant 'toujours- qu'attestation' (de son statut, de sa sta- ture) lui soit délivrée par' l'aîné occidental: ' Comprendre ce 'balani cement entre tradition et modernité, c'est" se conformer %,''&'récit

à la catégorie' natio- ethriographiqué. 'Elle

discours, au cœ* ajustement voire

retohinement de la kission cijiilisatrice, les seconds, par cdntre, de manière fëïnte 'dans . l'entreprise "de .recdnst@&on et 'réfection de l'économïë. er .de, fa société, ou de'.manière volontariste dans i'entre- prise ' de modernisation; s'adjugent Úfie '.mission historique : mener les sociétés africaines sur le chemin de la modernisation, du'déve- loppement.' , , . et p,eut-être ' de"PéqÜité' socïale. . . . . ' Enkffer, . . , ce qui est en cause' dans Yévénement nationaliste est

beaucoup plus de 'l'ordre de la' géographie que Ide l'idéologie. Les questions ' d'appartenance ' et d'identité sont toujours des questions de'localisatiori; de lie& d'drigine.' Du lieu d'où l'on 'parle, ' du vec- teur lingúïstique et -de- l'identité .'mise en' .œùhe, se 'construit l'intel- lectuel en tant 'qu'acteur "social. Sa .destinée manifeste se, réalise. dans

, , . , . r T - : , - , . ~ . ,

son, du canular, pour des intérêts dont on ne sait plus aujoUrd'fiui s'ils sont de cl.ass& d'ethié, de religion, de,parenté, de' région, etc. . -Si lëg'recherches . - Úniversitaires, , - . . " > , l'écriture ~ . de ., , . fiction, sont , , , effec- . .

tiveinent un"versant du ' répertoire occidental, 'se 'pose 'la question du discours scientifiquelidéologique africain dans la producGon' fhéÖ- rique et l'économie des discours scientifiques. Peut-on mesurer son efficacité et ,originalité , da,ns les mattria?, le traitement ou l'inter- vention, dans les modalités et procédures de constitution des savoirs e~'~onnaíssanc.es',occidentaleS et dans 'ses instances' de ,rátification.? Question:!décisiie,, mais, ' i l ,<j a une ,, tr& .grande ,dificulté. à rende compte dès problèmes .liés. 2 la constructidn de récits intellectuels,

I .

aussi Eien .,en termes &e canons "de Yénonciation.

de;'.vérité, ' regles,, légitimations et d'autant .,plus, vrai.'que la situa: rentes' de-situation acquises dans la crise économique et les politi- cet éclairage, on repère assez,bien

africain (máis aussi du reste

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, , . . M. DIOUF

du, Tiers monde) .est, .défini et ,,parfois s,'autodéfinit. Constamment balloté entre d e 9 pôles, entre . . l'.insurrectiÖnnel .-, l a , subveSsion des techniques" et des s,av,oirs - .et {e révisionnisme (8), 1~ , technique (scientifique ?) .et le politique (g), l'intellectuel- africain. est . . s.ommé .

Toutefois, il ,'est à noter ie qopiipt d;intellictuel=est" ti-+ extensible. ,Même ,si. le, ' ;sta elève beaucoup. .plus: de l'auto- proclamation que de la ', dési , des condiiions préalables, -asso- ciées o u ,non,' doivent .,êtr tes, : .' la prise' de ;Earole politi: que, d o T e , acte intellechel, participe, pleinement,!du 3évoilemént de l'identité , de. celui ,-qui- Se.' présent,e. comme tel ;, l'obtention de didômes unïversitaiKes :,et .' Pexpression ,-$une, expertise, dans. un dÓmaine quelconque ,du champ 'academique ;. l'exercice' d'une~ pro; fession bureaucratique, combinant" écr isé- (en' . bon;. ~I ' français) . . -et

. S'y' ajoutent des symboles vestimentaires; '. des attiGdes, un regard qui I , sont , à la fois .les 'représentations, sociales de"1'intellec- tuel' par les, autres 'segments: de, la '.société et 'les reprQentations de lui-même et, celles' qp'il ao+ë 2: voir pour, son, .identification. En Afrique,, sont considérés' comme ,intellekuels: les acteurs iociauk qui, , par. la. $ace privilégiée qu'ils Qccupent dans le'. système, de production des. idées: et .de leur :diffusion,, I par .. , ' . la détention d'un savoir :ou ~d'une expertise,, 'prochjsent l a *conscience, historique! ;don{ nent sens auy faits socia-. en. les ordonnant, de manière :lisible, et ont ,une ,influence sur les' Gtermidiairps. politicues. et culturels: Le, résultat est souvent <un culte de-, la, compétence fortemen1 'tein- tée de l'idée dë. progrCs dont ils. .sont: à 'la fois,-la 'référence., et .les dispensateurs, Les, intellectuels africains se sont en effet très. tôt arrogé le .'monopole de l'interprétation - t . ~ :, idéologique ' . . . , ,du > . , - devenir des sociétés africaines. . ,

' ' Tracer. leur généalogie permet, d.e. mieux. comprendre, leur. @o.- lution,:.,instabiliié, mobilité. Ö u absence. dans ie ,champ. politique et soFial,, qui les stkchre, . ' 2 . .-alors, ",qu'ils. aident . en t . , ,même I L _ . temps .- à . . s,a

A .

I . . ~, , ~ ~ #être Iforcément ,militant.. , . . . " , .

.. - . , # , ' c . : , , _ , , . I - " I . . réfleiion. . . '- ~ ~ , . I

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- 6 ' ,_ ,,i I _, I - . , . . _ ' , , , . _ - i , structuration. .. . I ,

. : ' i C I . , . , . I I i . .: , - , , ..: 1 . , r . , _ - ~. I .. .~

' (8) Sur 'ce& question,' on' se repoAe?a tioh; l'éx&ap!e- s é n é g h l ~ s ~ montre qu'g de$ avec ,dace l'article. de E: Saïd; (( Third', pas facili 'd'opérer cette '.,distinction de World, Intellectuals- and Metropolitan Cul-, manière radicale. Entre ,yq historien comme ture ;), Ruritan,. 9(3), Winter 1990 (27-50), A. Ly- qui fait G dhoix .scientifqÜe rigoú- p:29 et à R. Guh$ (( An *Indian Historio- ' rem dans Là Compupak;nie du' SénigaP ( lre 'édi: graphy : a. t19th c. Agenda and .its Implica-. .tion, Présence Africaine, -1958,; Ze.édition, tions n, S.G. D+skm Lectures on Indian His-. Karthala, l993), ,fondé sur un engagement i&, Cdcútta, K.P. Bagaclíi, 1988, p. 3, qui ' politique, et Cheikh 'Anta Diop, précÚrseur introduit, dans- l'analyse.de la dichotomie, ia d'un nationalism& afiitain Edérateur,' 12 ques- mens ion politique comme, enj!,u de pou-, I tion,de la tzchnicité de;l'arg!i"tation. his- vou. torique -et du devpir, politique ,ne, peut se . '(9) Ali El ,Reni,' Au-fir de la'&+. 'Qua- réduire'à 'cette caiactérisätion binake.'Il'kt tre -études .sur - Z'Algérie et le monde. ,arabe,, srai cependant:que, dans8 notre &mplej. le Alger, Bouchène, 1989, p. 11::s~ . . cette ques: . . . ~secopd -. a,.acquis . ., ,une ., notonét58inégalable.-,a

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FACE,A LA DÉMOCRATZE

. . . La, production ..d'une ,.élite , . *

, ' I I .~ . I .

4' . -I ,- , , - ; : i ' ~1 1 ;..' , : - , '_ .' ,, I , . , ' , j

; .' L'émergGnce::de l'élite coloniaie africaine. .,répond au désir .h;l système colonial- de .forger :une i catégoyie dligdigènes .pour. les besoins administratifs et commerciaux. , Cette ,politique, fut ,déterminée*:par les :impératifs: de, la démarche assimilationnist qui est au c ,œq de la logique coloniale française. ;L'éCole .a éte, ,lieu, de ,produd,on de cette ,élite indigène; Elle a favorisé-.et 1 8 acc y &$. la ,mise 'en; place et le^ développemenL .d'une nouvelle culture. L-'inno,vatign a joué un rôle très important -dans l'élahoration de: f ette nouvelle cul,mre qui n'est nullement. ':une. réplique, .du: -madèle . culturel .franc;ai:s. ,

? ! " L'école',quij .comme le^ constate;.M,xYI,,Mudimbe, esa.le vecteur par lequel 'I<( l'ordre, de;;la lonisation..qui: s'instaure comme ..yecom: mencement, absplu de, l'histoire s'inyente comme passage absolu entre la mémoire traditionnelle,_er: le pouyoir; -du! renouyeau radical>)) (.lo), crée une: nouvelle dynamique. .Elle. conditionee ,les: logiques d'inter- ventión politique et sociologique de. ses ,produits, par: (( un, pouvoir administratif. fortem-ent hiérachisé, une +.nidiction ,mixte. et pne sur; veillance policière. !fortement. hiérarahide. )i,,( 1.13 .que T.0, Ranger a caractérisés comme- la tradition coloniale qui i.mppse une très,, forte subordination 2. l?Etat.,et - a m . leaders (12). :? ; 7 : ' I ,' . , :,

, ..La .dynamique: de, ,,lai fraction. indigène - de, la société coloniale dopère dans ce. territoire,.où, la parcelle .de p uvoir attribuée;.sou- tient- une. place. , privilégiée dans. -la I société c' ile. Celle-ci impose des devoirs et exige des mutations dansla .ision que l'on,~a de sa propre société, mais aussi -de. la- domination col-oniale. Elle.,o.uvre sur. w e dynamique- de la $( conversion ?> (13). C tte conversion sociale et- culturelle,, malgré. les, crises :et.. les traumati i mes, admirablement .décrits par .O. Socé Qiop et C.H..Kane.(14), non. seulement trace une ligne de 'partage, entre N lettrés L et [email protected]. lettrés B,, mais assi- gne aux acteurs: sociaux une place: id$ntifiable dans. le dispositif colo- nial. C'est,..en,.e_ffet, 1.e. rapport .à Y-Etat et .$ son ,idé,Ólogie du pro- grès (la nouvelle version de. l'œuvre civilisatrice) qui ' détermine. la

-: . En. s'aménageant :un.espace ,,dom&é kassociations, daps 'la société coloniale, les. instituteurs, .médecins. africains, agents, administratifs

. , , fo.nction , sociale 'et,, politique.. ,- _. 1

. . ~. . . . , . - . r ' - , , : , - c : : " . ' . . . , . " i _ , . . I , : , i

(IO) V.Y. Mudikbè, (ÏÈspace'afiricain -et ' mémoire m, communicatiõn présentée au col- loque international (< Mémoires, , , histoires, identités : expériences des sociétés fiancopho- nes n, Université de Laval, Québec, 9:12, octobre 1987,. p: 3: . ,

(11) Zbid.,:p:,3 ' _

! 112) T,O. Ranger, :The'Invk.ntim of Tra- dition, Cambhdge, ' Cambridge Universiy

(13) V.Y.'Mudimbe; à qd j'&p&te le Press, 1986, 'pp: 220-224.

t e h e 'de conversion;b 'écrit : (c Ainsi, derrière la piperasserìe de l'administration;.. et dans 'l'ennui des .jeunes bureaucrates .africains ver- sés à présent dans les métaphores des sigles

%. - . I .

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M. DIOUF

.> , I i r et commerciaux- se-crispent sur une logiqud ethnoI¿&que empniri- tée à l'idéologie coloniale et s'attribuent ainsi un rôle pédagogique vis-à+is de leur Lproprê. -société:. ,En. ce Isens, .."ils - sont largement influencés par le pbuvbir' des ;clercs des IIe'et- IVe Républiques-fran- çai'sec .En entretenant un"rapport très équivoque - iomission -'et Iiostilité - avec Ie pouvoir, toIonia1 et' la' société civile4 ! ils: acèapa- , *

rent ài eux seuls, ie >rôle. cIe:-so'ciété civile. 3 ' 8 . !, * " . . , ', , '

-. ' - Ainsi, la ,noÚvelle' culture &radine qbi s'instaure, dédaigne les cultures populaires '-tout en'. les- ié-élaboritnt poùr . des Lräisons 'politi- ques: L'éCole s'impose comme .un moyen'. dei promotion- .socialer He français, la langue :et. ;ses. attributs; cúlturels deviennent <( sociol6gí- qùément 'des codes "rë~treints""abso1us.. ed-terhies -de, ipouvoir et de prestige dans la- hi~rarchie-,coloniale!ij. (1 5);. !Ils.'permettent 'une éva- hation -constante ' des,' capacïtés. intellectuéïres ' ef :des , dispositions morales par I'école,- ,l'administfation,* dont " .lek :insthnenfs! :sont 16 sélectionj- la censure- et dal iépression. Ils infôrment: la. .pratique des intellectuels. Eu% aussi s'adaptent constamfnent aux nouvelles ,figures du' colonialisme. français: Des - tentátives de se: faire reconnaître des droits à la contestation del l'ordre- colonial, les élites modernes vont se i forger une constience' historique 'pour -+ revendiqùer la souverai- neté nationale. Malgré des .métaphores et dés images cétincelante's, elles restent ' prisonnières de! la logique: ethnol6gique *euro-centriste. Elles considèrent, en effet, -que la souveraineté réappropriée est-[ la cóndition* sine hua ñon 'du. développementkonomlque.' et social- et

'Le mouvement social qui Yaffirine dès les annéesL30; au sein duquel les -couches . intellectuelles. occupent :une. glacer ,privilégiéé grâce à leur *accès "aux' sävoirs occidentaux, produisit:.un nationa- lisme élitiste: L'espace' rhétorique que les intellectuels dessinent. avec une langue, - le.,français -,'. un 'lieu --"la- ville-cóloriiale :- leur ,offre des moyens d'épano&ement'"individuël, un support de .posi- tiónnement sòcial, source-' de' légitimation. d'üne-:ascendance de rai- son sur -le destin colleet'if .des -communautês - africaines:. ..-/ : :--

Dès lors, trois modèles vont s'imposer. et Stiuctureril'espac& idéo- 'logique africain .: lé modèle de' la'.'modernisation, -le- moilèle &iltu- re1 nationaliste- et' 'le modèle- makiste 'dans ,.ses différentes varián- tes (16). Ces trois modèles, tout en entretenant des rapports con- tradictoires, n o t v e n t politiques, partagent une communauté d'ori- gine ,: le mouvement intélleciuel colonlal.:,Tous .trois ,ont pour v0c.a- tion 'de reconstruire une -'nouvelle .légitimité . fondée _ . sur un peuple

Duke University Press, 1987 ; et i n collabo- ration avec P. Benson (ed), African Cültural and Intellectual 'Leadeis and the Development of New Africun Nations,. Hew York, Rock- feller Foundation, Ibadan, University Ó f Iba- 'daÚ.Press, 1982.

, .. ./ ,de la ',démocratie ~polit.ique. ' : ''.A '' I : ' ~ i . ' 2 : . , a " . .

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, (i5j V.Y: .h&ib<,.oj: +., (16) Voir i ce sujet R.W. July, The .OG-

gins- of Modem .Africa Thought, N e y ,York, Praeger,~, 1976. London; Faber, 1968 ; du même autek, An Africun L'o& Tire Role of Humaniries in African Indepeendance, Durham,

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FACE A LA DÉMOCRATIE

débarrassé de 'la domination coloniale. 'Et c'est cela qui- leur dorine le droit à diriger -la constrktion' nationale. , I

,Les trois paradigmes (modernisation,. enracinement ;culturel et marxisme) 'repFsent. en fait sur. une figure unique, celle he la cons- thiction de'l'Etat et 'de la nation, sur la base d'une logique uni- taire dont -l'expression relève du parti et dont les" ácteurs sont les intellectuels 'porteurs d'un' savoïr tendÜ vers ld modernid. Ces der- niers revendiquent une 'expertise qui leur assigne -un r$è pédago- gique, lequel- ne. se définit que, dans et 'par rapport 'ä'1'Etat. L'iina- ginair6 de 1'Etat et de la nation, produit de l'activité intellectuelle, n'dffre aux ' masses africaines que la soumission au -projet- institué. Au Coius de la- phase natidaliste, elles sont mobilisées -par le" recours aux métaphores de. la renaissante culturelle et r de la démocratie, et, dans la phase post-coloniale, elles sont politiquement démobili- sées car .-la logique unitaire opère par ,la négation de la diversité ethnique, confessionnelle, linguistique,, religieuse, etc.

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Postures. et impostures 1

' L'idéologie de, la , mbdernisation, de la construction de l'État natiQna1 et du décollage 'éconcimique, ,'qui informa 'la pratique de la classe dirigeante accaparant le, pouvoir dès 1960, eut comme con- séquence la démobilisation des acteurs non, lettrés de la société. Ils étaient porteurs de la, piversité (ethnique, religieuse.'. .) que les déten- teurs du, pouvoir d'Etat voulaient gommer pdur .l'édification d'un h a t plus cohérent et plus intégré. L'objectif: mettre en place une sbciété plus, gouvernable. La prise en charge ,de cette diversité s'effec.tua de de& manières :. d'une -part, une stratégie d'arrimage des communautés au projet du cëntre par la coopération des entre- preneurs politiqués locaux, détenant une forme ou une autre de légitimité ; d'auti-e part, la ' cónstitution de régions administratives, d'*partir dyun 'inventaire ethnique, économique 'et social (17).

Ces procédures ont eu. comme conséquence de circonscrire' un espace politique qui n'est lisible que par des intellectuels. Et c'est pourquoi les variations constitutionnelles, la confection des lois et les pratiques institutionnelles ne; sont tendues que vers la consoli- dation -de la mainmise de la petite bourgeoisie sur l'État, les sour- ces d'accum$ation et les prébendes distribuées par le capital inter- national. L'Etat devient ainsi une réalité_incontournable. L'histoire post-coloniale démontre en effet que 1'Etat dans son extension a réussi à dominer la société civile et non à la servir.

L'ironie de cette situation, est une tendance'à établir une réfé-

(17) Voir le rapport Ciam/Seresa, Dakar, 1961.

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rence culturelle unique, celle des élites dont les constituants ont été mis en évidence par la tradition européenne. En même temps, les cultures populaires sont exclues du champ politique. Elles se révèlent, dans le regard des intellectuels, comme des archaïsmes fai- sant obstacle à la modernisation. Et c’est ainsi que le développe- ment de l’appareil #État est identifié au développement général tout court. De-manière paradoxale, ce mouvement qui impose la centralité de 1’Etat accentue la fragmentation instrumentale de la société civile qui se constitue etlou se défait sous l’impact de l’inter- vention étatique et de l’extraordinaire extension de son domaine de compétence. Jeu clientéliste et constitution de lieux de patro- nage obligent. Le jeu instauré par ce double mouvement semble justifié par la défintion assez large de la compétence intqllectuelle (savoir lire et écrire) dans les. dix premières années de 1’Etat post- colonial. L’élite intellectuelle s’approprie par la narration histori- que toutes les autres manifestations.

En pensant que la zociété ne pouvait être transformée que par la transformation de l’Etat, les nationalistes et les marxistes parti- cipaient à la même Jogique que )a classe dirigeante. En dévoilant leur identité dans 1’Etat et par l’Etat, les intellectuels développaient une conception instrumentale de la société, niant la pluralité de ses manifestations. L‘illusion ‘unitaire récusait ainsi toute procédure d‘articulation et de prise en compte des aspirations d’un peuple mis sous tutelle.

La réduction de l’activité intellectuelle à la seule prise de parole politique permit ainsi à la nouvelle classe dirigeante de délimiter un (( ghetto D surprotégé pour les enseignants, les universitaires et les chercheurs, secteurs dans lesquels se recrutait la dissidence. Déconnectés de la société aussi bien au niveau du langage, de la pratique politique que du mode de vie, ils offraient au pouvoir poli- tique la possibilité de ne pas s’occuper de la mise en place d‘une censure codifiée et systématique. L’autocensure et l’opportunisme firent le reste. C’est ainsi que, très vite, l’université ne fonctionna plus comme lieu d’une autonomie intellectuelle. La fonction uni- versitaire va précipiter les enseignants et chercheurs vers des stra- tégies individuelles d‘ascension sociale et d’accumulation financière au service de la bureaucratie ou du secteur public. Pour les paro- les dissidentes, ce furent la prison, l’exil et parfois l’assassinat. Et ces manifestations belliqueuses et d’une violence inouïe des pou- voirs publics face à la contestation des intellectuels (enseignants, chercheurs et étudiants plus particulièrement) s’inscrivent dans l’actualité des transitions démocratiques et des processus de réfec- tion de la démocratie dans les pays africains. L’intervention des militaires sur les campus universitaires de Lubumbashi (Zaïre, 1990), de Yopougon (Côte-d’Ivoire, 1991), les années blanches au Séné- gal, au Niger, la violente réaction des étudiants et scolaires maliens

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FACE A ' U DÉMOCRATIE

(1 993) et la présence, massivé des universitaires Idans les gouverne- ments, les palais' présidentiels 'et les pai-& politiques, sont des indi- ces, avec la violation' des libertës individuelles des membres 'de 'la communauté 'universitaire. et des créateúrs, de l'enjeu que consti- nient ,aujourd'hui 'encore les ,universités,, la recherche: et, la création, dans la' mise" en 'ordre .politique africaine. L'intervention musclëe des militaires témóigne' de l'investissement des :intellectuels africains dans la lutte pour 1a':démocratie (18): -! I '

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Retrait de ia sche politique ou profess3ohnalisation

' , La crise *des années 70 et ¡es mutati0 . tconomiques qu'elle inaugure, bouscule' la que africaiqe. ~ Les politiques d'ajustement s posées par le FMI et ,la Bañque mondiale vea& dis cours^ (ethniiue, ' religieux) qui contestent' l'hégémonie du mode occidental de développement et 'de gestion de 'la modernité africaine. ' La cohésion intellectuelle des porteurs de l a modernité se, fissure progressivem$nt sous les effets dè. la ,crise et des cures d'amaigrissement de 1'Etat et ' des finances publiques, Le diplôme n'ouvre plus ' l'accès à des 'fonctipns, de commandement d o u . , de préstige. La technocratisation de la. gestion- gouvernementale cb'n- sacre l'obsolescence du regard intellectuel nationaliste porteur dlun projet politique. Au contraire, ia politique devient. 'une affaire 'de profèssionnels. . '

, - , , , Désormais, les solutions technocratiques globales,'fondent l'exclu- sion de larges segments socia6 de l'État et du procès de dévelop- pement. L'Etat en tant que structure institutionnelle est discrédité ; la privatisation est présentée comme 'la panacée, l'occasion de nou- velles opportunités. L'objectif technocratique est d'eIij7isager le ' déve- loppement .et. la démocratie non comme ,_ des' questions politi-ques mais comme des, 'questions techniques.' C'est ,'ainsi que le processus démocratique initié partout en ~ Afrique se -'cÓricrétise non, pás en termes c~oi~erture de nouveaux espaces pour ,ia soGiété civile, ,mais d'qminagement , . , d'espace au sein ,de lfappareil d'Etat.

1 . c vémii~teqient: de l'espace politique par' le ,m;iltipartisme ,et Ia profonde désagrégation des institutions' éducatives ' ont eu comme conséquence, la " réapparition' ,de logiques ,ethniqu&," "confessionnel-

I les, ,, régionales, etc-. ~L'échec' ,politique 'des, pörtëurs de la 'modernï- sation. a .poUsS6, une partie'\de la ,société vep 'un <+tour aux inté-

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) Se reporter, 'pour' des .témoignages plus éloquents et des analyses minutieuses, aux communications du colloque de Kampala organisé par le Coklesria, (( Academic Free- dom and the Social Responsibility of Afri-

CG Intellectuhls n, dont.les actës, édités par M. Diouf et M. Mamdani, vont paraître sous le même' titre, Codesria,' 1993 et à la (( Let- tre ouverte )s~de P.N. " i a )), Politique africaine, '41, mars 1991.

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M. DIOUF

grismes. religieux (musulman, et chrétien) .(19) et à- la, ,revendication ethnique. Et la ,confrontation entre le (( terroir, )? et,,!é ((-territoire. n national amène une .partie- de l'intelligentsia africaine.à un repli cor- poratiste. On peut interpreter ce repli corpoKatiste de plusieurs manières. .Avec" le déshabillage de l'Etat,. .¡es intellectuels ,perdent .leur: place privilégiée dans %le système sociwéconomique ,,.et,, avec. elle, leur. fonction tribunicienne. ,Les, nouvelles, figures idéologiques. (indi- gènes et religieuses) s'inscrivent dans, ,les, terroirs", plutôt que dans les territoires. L'informel et la technocratie se partagent le champ du discours et de la pratique politiques et économiques. La notion de réseau intellqctuel ., et -de recherchq p i .-se, généralise, achève de banaliser l'intelligence 'africaine; ~

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,;L'Etat ,qui surgit ainsi. de,: cette longue 1 . . quête, s'impose comme le , I-, , <. . 1 . . . . : "li.. .. :L. i I .. .. I. . .

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,.beaucoup d'attention aux:ravages, ou su_ccès .res, anglophdnes . .. sÚrtout. ,,_ ::. I;' ..,; des mouvements de revitalisation chrétienne .. , I , : . .:

. . . (19) .O! ne prête pas iia$è,u+s?knt (&i<a&L...j , (áni .lii , + i & L , - + v e & i -

1 . I . , , a .. .

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FACE A LA DÉMOGRATIE

seul instrument de progrès, le lieu décisif de construction. d’une nation sans les communautés qyi la composent, la référence au peu- ple se réduisant à une figure rhétorique (an empty formula)(20).

I1 paraît certain sous cet éclairage, que le mouvement intellec- tuel est en train de traverser une crise. Crise qui se résorbe dans une professionnalisation plus pqussée et dont la conséquence est la prise de distance vis-à-vis de 1’Etat. La recherche d’une autonomie intellectuelle et institutionnelle semble dessiner une nouvelle figure de l’intelligentsia affricaine. Même si le domaine académique res- treint est réinvesti de manière plus objective, les relents de terro- risme idéologique et l’ostracisme étatique demeurent les obstacles principaux pour la création d’un espace intellectuel libre et stimu- lant. Et peut-être pour l’émergence d’un intellectuel africain sus- ceptible non pas de dissocier sa pratique politique de sa pratique intellectuelle, mais libre de penser les systèmes et pratiques socia- les. En effet, la segmentation du champ intellectuel, l’émergence des universitaires, des journalistes et des avocats permettent de penser que de nouveaux espaces de contestation s’ouvrent pour la promo- tion démocratique. Aujourd‘hui, les intellectuels tentent de briser la logique de l’enfermement et de la cooptation mise en Oeuvre par la classe dirigeante qui a toujours favorisé leur mise au pas.

La trajectoire du mouvement intellectuel africain, dans son évo- lution et ses dynamiques, est porteuse d‘indices qui rendent com- préhensibles les figures prises par les sociétés post;coloniales afri- caines. Leur empreinte sur la direction prise par l’Etat et les poli- tiques de développement, de même que l’impact de celles-ci sur la société, ont été dgterminantes pendant au moins trois décennies. S’il n’est pas difficile de suivre les traces de l’intervention des intel- lectuels dans le champ politique - ils sont censés signer des tex- tes -, il est cependant difficile, au-delà de la représentation qu’ils ont de leur peuple et de ses aspirations, de repérer les mécanis- mes par lesquels ils engagent un dialogue avec ce même peuple. L’échec d’une véritable institutionnalisation et la logique exclusi- vement étatique de leur contestation et/ou incorporation aux pou- voirs publics ont fragilisé leur participation au débat politique. Et c’est cela qui explique que l’inadéquation de leur fonction tribuni- cienne à la nouvelle conjoncture économique les a réduits au silence et à un retour vers des territoires beaucoup moins mouvants, ceux de leur propre expertise et corporation. Cette conversion semble fonction de l’hégémonie de la technocratie - type FMI ou Ban- que mondiale - qui n’est pas intéressée à leur cooptation. La logi-

(20) La formule est empruntée à A. de Breganfa et J. Dépelchin, (( From Idealization of Frelimo to the Understanding of Recent History of Mozambique D, African Joirmal of Political Economy, 1986, 1, (pp. 168-180), pp. 1-76.

p. 171. Voir aussi B. Jewsiewidd, u African Historical Studies : Academic Knowledge as Usable Past and Radical Scholarship , Afri- can Studies Reviezu, décembre 1989, no 3,

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que unitaire qui a informé aussi bien les intellectuels que. les politi- ciens s'efface devant l'irruption des cdrpdrations, des jeunes, des fem- mes, 'réclamant dés voies autono'mes 'et 'des espaces de liberté; non dans ,VÉtat mais dans la -société. La professionnalisation,, en se con- solidant, pourrait" alors ouvrir sur l'émergence d'une söciétë civile, pèut-être par la lutte tenaces pour faire respecter. 'certains .'droits et devoirs,, mais aussi par h contrôle ,s.& les gouvernants, d'abord pour des' raison&.de survie et .de réussite économique. Cela suppose avant tout 'la reconnaissànce -du pluralisme des. sociétés africainës, ;inScri- tes de fórce'dans un territoire qui. reste colonial, et l'invention d'une épistémologie 'proprement africaine' - dans la logique intellectuelle : celle de l'argumentatïon; de la réhtation, 'de la créativité subversive.

Les. transitions démocratiques -sont :une nouvelle conjoncture dont les contours 'sont' marqués du signe de: l'hstabilité. Les 'réfections democratiques;' dans les. cas où, des élections ont eu lieu, restent incer- tainés'même si les autocraties'ont cédé Sous la pression des mouve- ments syndicauk,' popúlaires et des velléités. d'engagement démocra- tiques des bailleurs de fonds. Ce qui n'est ni un gage' de démocra- tisationi'ni le signe $We clôture -défmitive de la parenthèke de'l'auto- ritärisme. Et pourtant, les péripéties de la transition politique et, des réfections ' démocratiques sont l'actualité de l'Afrique.' Elles pèsent et pèseront encore plils ' sur 'les 'libertés universitairês- et la responsa- bilité sociale des intellectuels., Annoncént-elles avec 'l'épuisement de la' 'séquence nationaliste, l'émergence ,d'un autre type d'intellectuel ou s'agit41 d'une répétition de la 'même- scène ? Quel .avenir pour l'intelligentsia et les -institutions 'qu'elle anime dans 'le jeu de pen- dule intégrisme ret tolérance qui semble de plus, en plus structurer le champ politique 'et épistémologique africain.? La crise de l'ensei- gnement 'supérieur provoque des secousses très violentes (les années blanches et la .descente des militaires 'sur les campus en 'sont des illustrations) parce. qu'elle reflète 1 et répercute les séismes des ensem- bles sociaux africains' en pleine mutation. L'impératif de,rompre avec l'isolement ,qui a tbujouis été. le lot des enseignants et des chercheurs en Afrique, isolement social, dans leur rapport avec la société, iso- lement intellectuel dans 'le regard inquisiteur et condescendant des institutions occidentales, '11 s'agit aujourd'hui de savoir si la séquence de la transition démocratique, accouchera nécessairement de ses pro- pres intellectuels organiques, c'est-à-dire' un groupe susceptible d'arti- culer de manière - dynamique les ,synthèses. sociale, économique et politique 'en cours dans- l'Afrique contemporaine, surtout dans son versant éthique, celui de la régulation "morale (21). - .

Mamadou Diouf I I . . , ' Codesria-Dakar

(21) P. Corrigan, (( State Formation and Moral Regulation in 19th Century Britain,

Sociological Investigations )), Durham Univer- sity, 1977.

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