hyperthyroid e

6
CURRICULUM Forum Med Suisse N o 5 29 janvier 2003 103 Introduction La prévalence d’une hyperthyroïdie est d’envi- ron 2,5% sous nos latitudes. Ainsi, statistique- ment, environ 7500 personnes en souffrent dans l’agglomération bernoise, et la majorité d’entre elles sont diagnostiquées par les méde- cins de famille. Anamnèse et clinique Les symptômes cliniques et les signes cliniques classiques d’une hyperthyroïdie sont bien connus des non-spécialistes également (tab. 1). Mais des formes oligosymptomatiques sont également possibles particulièrement chez les patients âgés, avec une perte de poids, des arythmies (fibrillation auriculaire), un trémor, une fatigabilité ou un état dépressif comme symptôme prédominant. Dabon-Almirante et al. [1] ont publié une bonne revue des signes cliniques de l’hyperthyroïdie. L’examen clinique doit prêter l’attention à la morphologie de la glande thyroïde et aux éven- tuels signes de manifestations extra-thyroï- diennes comme l’orbitopathie endocrinienne (bien visible en présence d’une exophtalmie), la dermopathie prétibiale (myxœdème prétibial) et l’acropachie (néoformation osseuse sous-pé- riostale). Une glande thyroïde agrandie (goitre) est classifiée en 3 degrés selon l’OMS (tab. 2). Examens de laboratoire Valeur de la TSH La mesure de la TSH (thyroid stimulating hor- mon) est l’examen de dépistage d’une dysfonc- tion thyroïdienne en médecine ambulatoire. Une valeur de TSH normale mesurée selon les méthodes ultrasensibles habituellement em- ployées de nos jours permet d’exclure une hyperthyroïdie primaire. Les formes très rares d’hyperthyroïdies secondaires dues à un adé- nome de l’hypophyse produisant de la TSH montrent des valeurs de TSH élevées (mais exceptionnellement parfois aussi normales!). Hormones thyroïdiennes périphériques (fT4 et fT3) En présence de valeurs de TSH abaissées ou même supprimées, il convient de mesurer aussi les valeurs des hormones thyroïdiennes libres (fT4 et fT3) biologiquement actives, ce qui per- met de distinguer entre une hyperthyroïdie sous-clinique et manifeste (tab. 3). La mesure de fT4 seule suffit dans la majorité des cas, les hyperthyroïdies fT3 isolées étant rares (5% de toutes les hyperthyroïdies) [1]. La mesure des valeurs thyroïdiennes totales (T4 et T3 totaux ) est peu informative, ces paramètres dépendant des modifications des taux de protéines de transport. Auto-anticorps antithyroïdiens La mesure des anticorps antithyroïdiens per- met le plus souvent la distinction importante des hyperthyroïdies d’origines auto-immunes (maladie de Basedow ou thyroïdite d’Hashi- moto) des hyperthyroïdies non auto-immunes (autonomie fonctionnelle). Les anticorps anti- peroxidases thyroïdiennes (anticorps Anti-Thy- Hyperthyroïdie – diagnostic et traitement Radko Fajfr, Bruno Müller, Peter Diem Correspondance: Dr. Radko Fajfr Département d’endocrinologie et de diabétologie Hôpital de l’Ile CH-3010 Berne Tableau 1. Symptômes et signes cliniques de l’hyperthyroïdie. Intolérance à la chaleur, peau moite et chaude Sudation augmentée (Sinus-)Tachycardie Agitation psychomotrice, nervosité augmentée, troubles du sommeil Trémor fin des mains Perte de poids Fréquence de selles augmentée Faiblesse de la musculature des quadriceps (myopathie) Tableau 2. Classification des goitres selon l’OMS. Degré I Goitre palpable Ia invisible lors du renversement de la tête Ib visible lors du renversement de la tête Degré II Goitre visible avec une tête en position normale Degré III Goitre très volumineux, déjà visible à distance

Upload: mechmed

Post on 26-Nov-2015

21 views

Category:

Documents


1 download

DESCRIPTION

thyroide

TRANSCRIPT

Page 1: Hyperthyroid e

CURRICULUM Forum Med Suisse No 5 29 janvier 2003 103

Introduction

La prévalence d’une hyperthyroïdie est d’envi-ron 2,5% sous nos latitudes. Ainsi, statistique-ment, environ 7500 personnes en souffrentdans l’agglomération bernoise, et la majoritéd’entre elles sont diagnostiquées par les méde-cins de famille.

Anamnèse et clinique

Les symptômes cliniques et les signes cliniquesclassiques d’une hyperthyroïdie sont bienconnus des non-spécialistes également (tab. 1).Mais des formes oligosymptomatiques sontégalement possibles particulièrement chez lespatients âgés, avec une perte de poids, desarythmies (fibrillation auriculaire), un trémor,une fatigabilité ou un état dépressif comme

symptôme prédominant. Dabon-Almirante etal. [1] ont publié une bonne revue des signescliniques de l’hyperthyroïdie.L’examen clinique doit prêter l’attention à lamorphologie de la glande thyroïde et aux éven-tuels signes de manifestations extra-thyroï-diennes comme l’orbitopathie endocrinienne(bien visible en présence d’une exophtalmie), ladermopathie prétibiale (myxœdème prétibial)et l’acropachie (néoformation osseuse sous-pé-riostale). Une glande thyroïde agrandie (goitre)est classifiée en 3 degrés selon l’OMS (tab. 2).

Examens de laboratoire

Valeur de la TSHLa mesure de la TSH (thyroid stimulating hor-mon) est l’examen de dépistage d’une dysfonc-tion thyroïdienne en médecine ambulatoire.Une valeur de TSH normale mesurée selon lesméthodes ultrasensibles habituellement em-ployées de nos jours permet d’exclure unehyperthyroïdie primaire. Les formes très raresd’hyperthyroïdies secondaires dues à un adé-nome de l’hypophyse produisant de la TSHmontrent des valeurs de TSH élevées (maisexceptionnellement parfois aussi normales!).

Hormones thyroïdiennes périphériques(fT4 et fT3)En présence de valeurs de TSH abaissées oumême supprimées, il convient de mesurer aussiles valeurs des hormones thyroïdiennes libres(fT4 et fT3) biologiquement actives, ce qui per-met de distinguer entre une hyperthyroïdiesous-clinique et manifeste (tab. 3). La mesurede fT4 seule suffit dans la majorité des cas, leshyperthyroïdies fT3 isolées étant rares (≤ 5% detoutes les hyperthyroïdies) [1]. La mesure desvaleurs thyroïdiennes totales (T4 et T3 totaux )est peu informative, ces paramètres dépendantdes modifications des taux de protéines detransport.

Auto-anticorps antithyroïdiensLa mesure des anticorps antithyroïdiens per-met le plus souvent la distinction importantedes hyperthyroïdies d’origines auto-immunes(maladie de Basedow ou thyroïdite d’Hashi-moto) des hyperthyroïdies non auto-immunes(autonomie fonctionnelle). Les anticorps anti-peroxidases thyroïdiennes (anticorps Anti-Thy-

Hyperthyroïdie – diagnostic et traitementRadko Fajfr, Bruno Müller, Peter Diem

Correspondance:Dr. Radko FajfrDépartement d’endocrinologieet de diabétologieHôpital de l’IleCH-3010 Berne

Tableau 1. Symptômes et signescliniques de l’hyperthyroïdie.

Intolérance à la chaleur, peau moite et chaude

Sudation augmentée

(Sinus-)Tachycardie

Agitation psychomotrice, nervosité augmentée,troubles du sommeil

Trémor fin des mains

Perte de poids

Fréquence de selles augmentée

Faiblesse de la musculature des quadriceps (myopathie)

Tableau 2. Classification des goitres selon l’OMS.

Degré I Goitre palpable

Ia invisible lors du renversement de la tête

Ib visible lors du renversement de la tête

Degré II Goitre visible avec une tête en positionnormale

Degré III Goitre très volumineux, déjà visible àdistance

Page 2: Hyperthyroid e

CURRICULUM Forum Med Suisse No 5 29 janvier 2003 104

roid-Peroxidase- ou AC-TPO) et les anticorpscontre les récepteurs TSH (AC-RT) doivent êtremesurés dans toute hyperthyroïdie d’origine

Tableau 3. Constellation de laboratoire lors d’hyperthyroïdie primaire.

TSH fT4 fT3

Hyperthyroïdie subclinique diminué ou supprimé normal normal

Hyperthyroïdie manifeste supprimé élevé élevé

Tableau 4. Prévalence des auto-anticorps antithyroïdiens.

Personnes saines M. Basedow Thyroïdites d’Hashimoto

TPO-AB (MAB) 10–15% 45–80% 80–99%

TRAB 1–2% 70–100% 6–60%

TAB 3% 12–30% 35–60%

TPO-AB = Thyreoid-Peroxidase-Antibody (aussi: anticorps contre l’antigène microsomial = MAC); TRAB = TSH-Receptor-Antibody; TAB = Thyreoglobulin-Antibody

Tableau 5. Diagnostic différentieldes hyperthyroïdies.

Etiologies les plus fréquentes

Maladie de Basedow (= Graves’ disease)

Autonomie fonctionnelle

unifocale: adénome toxique

multifocale/disséminée: goitre nodulairetoxique ou autonome

Etiologies moins fréquentes

Thyroïdites

thyroïdite subaiguë granulomateuse deQuervain

thyroïdite d’Hashimoto (phase initiale)

thyroïdite subaiguë lymphocytaire (post-partum, silencieuse)

post actinique

Substance contenant de l’iode

médicaments (par ex. Amiodarone)

produits de contraste contenant de l’iode

produits désinfectants contenant de l’iode

Etiologies rares

Adénome de l’hypophyse sécrétant du TSH

Résistance hypophysaire aux hormonesthyroïdiennes

Hyperthyroïdie factice

Transmise par l’hCG durant une grossesse

Cas rarissimes

Hyperthyroïdie lors de cancer thyroïdiendifférencié

Hyperthyroïdie lors de tumeur (trophoblasteproduisant de l’hCG)

Hyperthyroïdie lors de goitre ovarien

indéterminée. Le tableau 4 [2] récapitule la pré-valence des anticorps antithyroïdiens chez lespersonnes saines et chez les personnes at-teintes des deux pathologies thyroïdiennesauto-immunes les plus fréquentes (maladie deBasedow et thyroïdite d’Hashimoto).Le test de stimulation TRH-TSH n’est (plus) re-commandé comme outil diagnostic de routineet est réservé seulement à certains problèmesparticuliers.

Imagerie médicale

Ultrasonographie de la thyroïdeUne ultrasonographie de la thyroïde est indi-quée en présence de tout soupçon clinique denodule thyroïdien. Un nodule thyroïdien estdécelé à l’ultrasonographie chez 20% des per-sonnes, même en l’absence de palpation cli-nique [3], et il faut donc poser généreusementl’indication à cet examen. En présence d’un no-dule volumineux (diamètre >2–3 cm) accom-pagné souvent de compression mécanique dé-butante ou de cellules malignes (obtenues parponction fine guidée sous ultrasons), on opterale plus souvent pour une intervention chirurgi-cale indépendamment de l’étiologie de l’hyper-thyroïdie.

Scintigraphie thyroïdienneUne scintigraphie thyroïdienne n’est que trèsrarement indiquée pour diagnostiquer unehyperthyroïdie, la combinaison des résultatscliniques, de laboratoire et d’ultrasonographie(éventuelle) permettant la classification étio-logique de l’hyperthyroïdie dans la majorité descas. Une scintigraphie peut être utile dans lesrares situations ou un diagnostic demeure in-certain (anticorps antithyroïdiens négatifs,absence de manifestations extrathyroïdienne,absence de nodules à l’ultrasonographie).

Page 3: Hyperthyroid e

CURRICULUM Forum Med Suisse No 5 29 janvier 2003 105

Diagnostic différentiel

Le diagnostic différentiel d’une hyperthyroïdieest large et comporte les maladies et la consom-mation de substances toxiques résumées dansle tableau 5. Les étiologies les plus fréquentesd’une hyperthyroïdie sont la maladie de Base-dow et l’autonomie fonctionnelle.Les thyroïdites, telles la thyroïdite d’Hashimotoou la thyroïdite de Quervain et les intoxicationspar des substances contenant de l’iode commel’amiodarone et certains produits de contrastesont déjà moins fréquentes. Des causes raresd’hyperthyroïdie sont les adénomes de l’hypo-physe sécrétant de la TSH, une résistancehypophysaire aux hormones thyroïdiennes ouune hyperthyroïdie factice (iatrogène). Une trèsgrande rareté est une hyperthyroïdie consécu-

tive à un cancer thyroïdien différencié, une tu-meur sécrétant du hCG ou un goitre ovarien.

Maladie de BasedowLa maladie de Basedow est une maladie auto-immune avec des manifestations thyroïdienneset extrathyroïdiennes. Le diagnostic est le plussouvent posé entre 35 et 60 ans, les femmessont environ 5 fois plus souvent atteintes. Enplus de l’hyperthyroïdie, on trouve souvent ungoitre diffus bilatéral (jusque chez 90% despatients de moins de 50 ans), une orbitopathieendocrinienne est cliniquement évidente dans50% des cas (figure 1). Une dermopathie préti-biale (myxœdème prétibial) est présente dans1–2% des cas, une acropachie (élargissementdes phalanges distales en forme de pilon parépaississement des tissus mous et néoforma-tions osseuses sous périostales) est rare (<1%)[4].Les auto-anticorps antithyroïdiens sont pré-sents chez environ 80–90% des patients atteintsde maladie de Basedow. Les anticorps antiré-cepteurs TSH sont particulièrement souventprésents (dans 70–100% des cas, tab. 4), etdoivent être particulièrement recherchés enl’absence de manifestations extrathyroïdiennes.Si les manifestations extrathyroïdiennes sontprésentes chez des patients hyperthyroïdienset/ou si des auto-anticorps antithyroïdiens peu-vent être mis en évidence, il est permis de poserle diagnostic de maladie de Basedow. Mais,chez environ 5% des patients, il n’est possibleni de mettre en évidence des manifestations ex-trathyroïdiennes, ni des auto-anticorps anti-

Tableau 6. Morbus Basedow ou thyroïdite d’Hashimoto?Caractéristiques des deux maladies thyroïdiennes auto-immunes les plus fréquentes.

Maladie de Basedow Thyroïdite d’Hashimoto

Clinique symptômes d’hyperthyroïdie symptômes d’hyperthyroïdie possible

orbitopathie endocrinienne (50%) initialement (phase initiale); évolution

myxœdème prétibial(1–2%) souvent oligosymptomatique; finalement

acropachie (rare)évolution vers symptômes d’hypothyroïdie

Thyroïde goitre diffus (90%) d’importance variable le plus souvent goitre diffus petit à moyen, indolore, de consistance élastique

Auto-anticorps TRAB (70–100%) TPO-AB (80–99%)TPO-AB (45–80%) TRAB (6–60%)

Imagerie quasiment jamais nécessaire pour poser le traitement!

Sonographie échogénicité du parenchyme thyroïdien échogénicité du parenchyme nettement diminuée diminuée diffusément; organe hypervascularisé globalement; parfois, taches de diminution d’échogénicité

Scintigraphie goitre diffus avec captation radioactive diminution de la captation radioactiveélevée homogène

Evolution sans traitement: hyperthyroïdie persistante phase initiale hyperthyroïdie(<4–6 semaines) passage en état euthyroïdien; évolution en hypothyroïdie (environ 5% par an)

Thérapie thyréostatiques (1er choix initial bêtabloquant d’appoint; phase initiale d’hyperthyroïdie: le plus souvent pas de traitelors d’échec des thyréostatiques: procédé ablatif ment nécessaire; lors d’hypothyroïdie: substitution avec (opération ou radiothérapie à l’iode) levothyroxine

Figure 1.Orbitopathie endocriniennechez une patiente avec hyper-thyroïdie.(Tiré de: Truniger B. Gegensätze. Schweiz MedWochenschr 1997;127:1497.)

Page 4: Hyperthyroid e

CURRICULUM Forum Med Suisse No 5 29 janvier 2003 106

thyroïdiens. Une scintigraphie peut aider àéclaircir le diagnostic dans ces cas rares.

Autonomie fonctionnelleUne autonomie unifocale plus rare (adénometoxique) est caractérisée par un nodule isolé decellules autonomes tandis que le reste du tissuthyroïdien fonctionne normalement, c’est-à-dire sous contrôle de la TSH. L’autonomie mul-tifocale plus fréquente est caractérisée par plu-sieurs foyers autonomes qui peuvent, dans laforme extrême de forme disséminée, aller jus-qu’à englober toute la thyroïde. Une mutationactivant le récepteur TSH est souvent à l’originede l’autonomie [5]. La forme clinique va du no-dule solitaire (adénome toxique) jusqu’au goitrenodulaire (toxique). L’autonomie fonctionnelledevient particulièrement fréquente avec l’âge etest responsable de 70–80% des hyperthyroïdiesdans cette classe d’âge.Si l’on découvre un goitre uni/multinodulairechez le patient hyperthyroïdien vieillissant, onpeut, en l’absence d’anticorps antithyroïdiens,conclure avec une grande probabilité à une au-tonomie fonctionnelle. Une ultrasonographieavec ponction à l’aiguille fine (du plus grand no-dule thyroïdien) est utile dans ce cas, un cancerthyroïdien pouvant en plus exceptionnellementse développer dans un adénome autonome [6].

ThyroïditesLes thyroïdites comme la thyroïdite subaiguë deQuervain et la thyroïdite lymphocytaire chro-nique d’Hashimoto peuvent dans un stade ini-tial – par la destruction du parenchyme thyroï-dien et la libération d’hormones thyroïdiennespréformées – provoquer une hyperthyroïdie. Ils’agit presque toujours d’un état d’hyperthy-roïdie transitoire (autolimitée).Le diagnostic d’une thyroïdite de Quervain estsimple lors de présentation classique (douleurau niveau de la thyroïde irradiant dans lamâchoire, sentiment de malaise général, tem-pératures fébriles ou subfébriles, vitesse desédimentation accélérée). La distinction d’unethyroïdite d’Hashimoto (initialement en hyper-thyroïdie) avec une maladie de Basedow peutoccasionnellement être difficile (tab. 6). L’évo-lution permet le diagnostic, la phase d’hyper-thyroïdie d’une thyroïdite d’Hashimoto ne du-rant que rarement plus de 4 à 6 semaines.

Hyperthyroïdies induites par l’iodeL’apport d’iode à haute dose peut déclencherune hyperthyroïdie lors de maladie thyroï-dienne préexistante (goitre nodulaire, maladiede Basedow euthyroïdienne, status après thy-roïdites entre autres exemples). Plus rarement,une hyperthyroïdie à l’iode peut également êtreinduite en l’absence de maladie thyroïdiennedécelable [7]. Les facteurs déclenchant pos-sibles sont les médicaments contenant de l’iode

(amiodarone), les produits désinfectants et lesproduits de contraste radiologiques. En cas dedoute anamnestique, une mesure de l’excrétionurinaire d’iode (dans les urines de 24 heures)permet d’estimer la surcharge en iode.

Hyperthyroïdies raresSi les investigations d’une hyperthyroïdie don-nent des résultats apparemment contradic-toires (comme par ex. des valeurs de TSH nor-males chez un patient cliniquement hyperthy-roïdien), ou si les investigations ne permettentpas de classifier l’étiologie d’une hyperthyroï-die, il faut songer à l’éventualité d’une formed’hyperthyroïdie rare (tableau 5) et faire appelà un spécialiste.

Traitement

Une hyperthyroïdie manifeste est fondamen-talement une indication à traiter. Les seulesexceptions sont les hyperthyroïdies peu symp-tomatiques et autolimitées dans le cadre dethyroïdites, qui peuvent être traitées sympto-matiquement sans faire appel à une thérapiethyréostatique.

Maladie de BasedowL’hyperthyroïdie de la maladie de Basedow esthabituellement traitée en Europe – contraire-ment aux Etats-Unis – primairement par desthyréostatiques. On utilise des thionamides telsque Carbimazol, Methimazol ou Propylthioura-cil (ils sont considérés équivalents dans la pra-tique clinique – le dernier médicament nommén’est pas disponible sur le marché suisse) quiinhibent la synthèse des hormones thyroï-diennes. Ils semblent posséder en plus despropriétés immunosuppressives ou du moinsimmunomodulatrices, expliquant la diminutiondu taux d’anticorps antirécepteurs TSH (TRAK)fréquemment observée sous thérapie thyréos-tatique.Les thyréostatiques sont initialement dosés àhautes doses (Carbimazol 30–45 mg par jour,Propylthiouracil 300–450 mg par jour); aprèsune première réduction après deux semaines,le dosage est successivement adapté toutes les4–6 semaines jusqu’à la normalisation des pa-ramètres thyroïdiens. Un état euthyroïdien estatteint dans le cas idéal après environ 3 mois,et il est suivi par traitement d’entretien avec laplus faible dose possible (5–10 mg Carbimazolou 50–100 mg Propylthiouracil par jour). Cetraitement d’entretien est poursuivi au moinsdurant 9 mois, la durée complète du traitementallant donc de 12 à 18 mois.Les récidives d’hyperthyroïdies surviennent leplus souvent dans les 3–6 premiers mois aprèsla fin du traitement thyréostatique. Un nouveautraitement médicamenteux est en principe pos-

Page 5: Hyperthyroid e

CURRICULUM Forum Med Suisse No 5 29 janvier 2003 107

sible lors de récidive d’hyperthyroïdie (de nou-veau sur 12–18 mois). Une rémission durableaprès un traitement thyréostatique réussi de-meure une exception, seulement 30–40% de cespatients seulement sont euthyroïdes 10 ansaprès l’arrêt du traitement [4] (nos propres ré-sultats, encore non publiés, montrent des tauxencore inférieurs). Les patients plus jeunes avecdes goitres volumineux, une orbithopathie en-docrinienne, des taux d’anticorps antirécep-teurs TSH élevés, et les récidives d’hyperthy-roïdies après un traitement thyréostatiqueréussi forment des groupes au pronostic parti-culièrement défavorable.Dans certaines situations, l’association de thy-réostatique à haute dose avec la levothyroxineest possible, qui tirerait profit de l’effet immu-nosuppressif des thionamides («block-replaceregimen»). Nous recommandons cette ap-proche seulement lors d’évolution insatisfai-sante sous traitement thyréostatique conven-tionnel, elle est potentiellement grevée de plusd’effets secondaires indésirables et devraitdonc être réservée au spécialiste.

Des effets secondaires sont présents dans envi-ron 15–20% des traitements thyréostatiques.Les réactions les plus fréquentes et les plus lé-gères sont des réactions allergiques cutanées,nécessitant un changement de médicament(par ex. passage de Carbimazol au Propyl-thiouracil). Les effets secondaires graves com-portent une agranulocytose, une hépatite cho-léstatique, une vasculite et un syndrome lu-poïde. Ils apparaissent dans environ 3 cas sur1000 et forcent le plus souvent à arrêter le trai-tement.En cas d’échec du traitement médicamenteux,il faut passer à un traitement ablatif. Les argu-ments pour une approche chirurgicale sont lesgoitres volumineux (>40–60 ml à l’ultrason; ungoitre de degré ≥II selon l’OMS, des signes decompression mécaniques, une orbithopathieendocrinienne ainsi que des contre-indicationsà une radiothérapie au iode (comme par ex. unegrossesse). On effectue le plus souvent une thy-roïdectomie subtotale ou «near total»; une thy-roïdectomie totale est éventuellement supé-rieure en cas d’orbitopathie endocrinienne [8].Une radiothérapie à l’iode est préférable lors degoitre plus petit (<40 ml), en l’absence d’orbi-topathie endocrinienne, en l’absence de signesde malignité ou lors d’inopérabilité (par ex. co-morbidité multiple).

Autonomie fonctionnelleLe traitement des autonomies fonctionnelles esttoujours ablatif, les traitements thyréostatiquesne permettant pas de guérison. Les critères dechoix pour le type de traitement ablatif sontsimilaires à ceux lors de maladie de Basedow.Ainsi les patients avec un gros goitre (nodu-laire) (souvent accompagné de manifestation de compression) ou avec une suspicion de malignité (par ex. nodule solide de croissancerapide, suspicion de malignité à la cytologie)seront de préférence opérés. Une radiothérapieà l’iode est recommandée lors de goitres pluspetits (taille des nodules <3–4 cm), en l’absencede signes de compression, en l’absence desoupçons de malignité ou chez les patients inopérables.Les thyréostatiques sont utilisés comme pré-paration préopératoire – pour obtenir un étateuthyroïdien. Un traitement thyréostatique aulong cours peut aussi avoir sa place chez lespatients gériatriques polymorbides.

ThyroïditesLa phase d’hyperthyroïdie d’une thyroïdite,étant autolimitée, ne nécessite le plus souventpas de traitement thyréostatique. Un traite-ment transitoire aux bêtabloquants peut êtreutile chez les patients très symptomatiques. Lesanti-inflammatoires non stéroïdiens sont utili-sés pour les formes légères et les glucocorti-coïdes pour les formes sévères de thyroïdites

Quintessence

� Le soupçon clinique d’une hyperthyroïdie primaire est d’abord vérifié parla mesure de la TSH, la mesure supplémentaire des hormones thyroïdien-nes libres (fT4 obligatoire, fT3 le plus souvent superflu) permet d’estimer le degré de sévérité de l’hyperthyroïdie.

� Les auto-anticorps antithyroïdiens permettent de distinguer les formes depathologies thyroïdiennes auto-immunes des formes non auto-immunes;les anticorps antirécepteurs de la TSH sont caractéristiques de la maladiede Basedow.

� Les manifestations extrathyroïdiennes comme l’orbitopathie endocri-nienne, le myxœdème prétibial et l’acropachie sont une preuve de maladiede Basedow.

� L’hyperthyroïdie de Basedow est traitée primairement par des thyréosta-tiques. Les thionamides comme le Carbimazol ou le Propylthiouracil sontprescrits sur 12–18 mois. En cas d’échec du traitement thyréostatique, il faut recourir à un traitement ablatif (chirurgical ou par radiothérapie à l’iode).

� L’autonomie fonctionnelle devient la forme d’hyperthyroïdie la plusfréquente avec l’âge; son seul traitement possible est ablatif (chirurgical ou par radiothérapie à l’iode).

� Les hyperthyroïdies lors de thyroïdites sont toutes souvent autolimitées. Un traitement thyréostatique n’est presque jamais nécessaire dans cecontexte.

� Lors d’hyperthyroïdies induites à l’iode, il faut d’abord arrêter la source et éviter une exposition à l’iode supplémentaire; l’hyperthyroïdie induitepar l’amiodarone est traitée par thyréostatiques, au besoin associés au perchlorate ou aux corticostéroïdes (formes I ou mixte), les formes II exclusivement inflammatoires-destructives nécessitent un traitement par corticostéroïdes.

Page 6: Hyperthyroid e

CURRICULUM Forum Med Suisse No 5 29 janvier 2003 108

de Quervain, une guérison survient ainsi le plus souvent dans les quelques semaines ouquelques mois.

Hyperthyroïdies induites à l’iodeSi une hyperthyroïdie survient après une expo-sition à l’iode, le médicament concerné doit êtrearrêté et une exposition supplémentaire à l’iodeévitée. Dans le cas des hyperthyroïdies induitespar l’amiodarone, il faut le remplacer par unautre médicament (sans iode). Différentesformes d’hyperthyroïdies induites par l’amio-darone ont été décrites: une forme I, forme nondestructive avec synthèse excessive d’hor-mones thyroïdiennes, un forme II, forme in-flammatoire-destructive avec libération exces-sive d’hormones thyroïdiennes, et une formemixte. La forme I est traitée par les thiona-

mides, mais souvent cela ne suffit pas, et il fautl’associer à un traitement de perchlorate depotassium. Le traitement de la deuxième formenécessite des corticostéroïdes, le plus souventsur une durée de 2–3 mois (avec prednisone 40 mg par jour ou équivalent). Les formesmixtes sont traitées par des corticostéroïdes etles thionamides (associés en plus au besoinavec le perchlorate de potassium). En casd’échec du traitement médicamenteux, unethyroïdectomie doit être effectuée [9].

RemerciementsNous remercions le Dr Urs Gäumann, spécia-liste en médecine interne et rhumatologie FMH,Berne, pour sa lecture du manuscrit et pour sesprécieuses suggestions.

Références

1 Dabon-Almirante CL, Surks MI. Clin-ical and laboratory diagnosis of thy-rotoxicosis. Endocrinol Metab ClinNorth Am 1998;27:25–35.

2 Saravanan P, Dayan CM.Thyroid au-toantibodies. Endocrinol Metab ClinNorth Am 2001;30:315–37.

3 Tan GH, Gharib H, Reading CC. Soli-tary thyroid nodule: Comparison be-tween palpation and ultrasonogra-phy. Arch Intern Med 1995;155:2418–23.

4 Weetman AP. Graves’ disease. N EngJ Med 2000;343:1236–48.

5 Siegel RD, Lee SL. Toxic nodular goi-ter. Toxic adenoma and toxic multi-nodular goiter. Endocrinol Metab ClinNorth Am 1998;27:151–8.

6 Intenzo CM, Park CH, Cohen SN.Thyroid carcinoma presenting as anautonomous thyroid nodula. ClinNucl Med 1995;15:313–4.

7 Roti E, Uberti ED. Iodine excess andhyperthyroidism. Thyroid 2001;11:493–500.

8 Bartalena L, Pinchera A, Marcocci M.Management of Graves’ ophthalmo-pathy: reality and perspectives. En-docrine Rev 2000;21:168–99.

9 Martino E, Bartalena L, Bogazzi F,Braverman LE. The effects of Amio-darone on the thyroid. EndocrineReviews 2001;22:240–54.