hue travel guide by découverte

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La porte du Sud (1833), entrée principale de la citadelle, servait aussi de tribune lors des manifestations officielles. Des tuiles vernissées jaunes couvrent le pavillon aux Cinq Phénix. La Cour se tenait sous les toits latéraux, à tuiles vertes. Cent colonnes, le chiffre de l’infini, portent l’édifice. Dans la Cité impériale, tout est symbole. 30 31 Capitale impériale pendant un siècle, meurtrie par le temps et les guerres, elle conserve des vestiges imposants, préservant ainsi son statut royal. Inscrite au patrimoine mondial, comme Hôi An, ville proche, intime et tout aussi attachante. TEXTE DANIELLE TRAMARD - PHOTOS FRÉDÉRIC REGLAIN Huê MÉLANCOLIQUE ET IMPÉRIALE

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The Vietnam travel guide by Découverte features many beautiful attractions that one shouldn't miss when visit Vietnam!

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Page 1: Hue Travel Guide by Découverte

La porte du Sud (1833), entréeprincipale de la citadelle, servaitaussi de tribune lors desmanifestations officielles. Des tuilesvernissées jaunes couvrent le pavillonaux Cinq Phénix. La Cour se tenaitsous les toits latéraux, à tuiles vertes.Cent colonnes, le chiffre de l’infini,portent l’édifice. Dans la Citéimpériale, tout est symbole.

30 31

Capitale impériale pendant un siècle, meurtrie par le temps et les

guerres, elle conserve des vestiges imposants, préservant ainsi

son statut royal. Inscrite au patrimoine mondial, comme Hôi An,

ville proche, intime et tout aussi attachante.

TEXTE DANIELLE TRAMARD - PHOTOS FRÉDÉRIC REGLAIN

HuêMÉLANCOLIQUE ET IMPÉRIALE

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Heureux à Diệp Đỗng Nguyễn,leur maison musée, M. Vinh Tanet son épouse, d’origine chinoise,se prêtent volontiers à une séancephoto. Aux murs, des clichés dela famille et, dans les vitrines,une magnifique collection deporcelaine chinoise.

DIỆP�ÔNGNGUYỂN,ANCIENNEMAISONDECOMMERCEDEHỘI AN,DÉLICIEUSEETVÉRITABLEMUSÉE

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Bouquet champêtre devantl’autel du Bouddha, objetspersonnels pour celui des

ancêtres, Phan Thuận An posedans la maison nommée Templede la princesse Ngọc Sơn car ellefut la grand-mère de son épouse.

Elle n’est jamais aussi belle que lorsqu’elle ruisselle d’eau, de brume,

de mélancolie. Capitale impériale, elle le fut, tardivement mais

qu’importe, et le demeure. Signes de cette prééminence d’un siècle,

une citadelle entourant la Cité interdite, des tombeaux en forme de palais,

un temple de la Littérature infiniment poétique et une cuisine réputée pour

sa finesse et ses saveurs.

Entre les fortunes d’hier et le présent, des ruines laissées par les typhons,

deux conflits avec la France et les États-Unis (1947), et une guerre civile

(1968). Livres d’histoire et films les font revivre. Pour nous, cité impériale

oblige, nous avons rencontré, dans sa demeure en forme demusée, un des-

cendant, par son épouse, de ces derniers empereurs. Un lettré devenu ensei-

gnant et chercheur, aujourd’hui en retraite studieuse. Rencontre privilégiée.

Découverte VIETNAM

Phan Thuận An, un vieuxmonsieur digne et sérieux, mince dans sa tunique

blanche, nu-pieds en plastique, évoque ses fantômes personnels. Jusqu’en

1975, il enseigne l’histoire à l’École nationale de la ville, ouverte par les

Français en 1896. Puis travaille au Centre pour la conservation des monu-

ments de Huề. Les lieux impériaux, il les a recensés dans une dizaine delivres, certains publiés par la Library of Congress, à Washington.

À l’est de la citadelle, dans un quartier arboré et fleuri, aux maisons ravis-

santes avec leurs couleurs délavées par la pluie, la villa habitée par cinq

générations successives, trois aujourd’hui, porte le nom de Temple de la

princesse Ngọc Sơn. Près de la table ronde laquée, incrustée de nacre, decuivre et d’argent, à motifs de longévité, branches de fleurs d’abricotier

évoquant le printemps, il s’exprime en anglais. « La princesse Ngọc Sơnétait la grand-mère de mon épouse. Son arrière-grand-père un mandarin

de haut rang.» Jusqu’à son mariage, elle vécut dans la Cité interdite.

Grande pièce portée par huit colonnes, bouquets de fleurs champêtres sur

les tables, bibliothèques vitrées, murs blanchis à la chaux : simplicité, pous-

sière et savoir, une âme. Deux autels, l’un au Bouddha, l’autre aux ancêtres.

Au centre de ce dernier, le portrait du plus important, le grand-père, à gauche

la princesse, à droite la deuxième épouse. Fruits, fleurs et objets d’usage

quotidien : baguettes de la princesse, petits godets pour le thé, porcelaine

bleue de Huề. Il déroule soigneusement le diplôme royal donné à son grand-père par l’empereur et frappé de son sceau. Un sceau de 8,5 kg conservé

au musée d’Histoire de Hà Nội. Le petit meuble fermé ? « Les tablettesdes ancêtres. » Comme les Vietnamiens, il croit que, après leur mort, leur

esprit demeure avec leur famille. Aussi, chaque soir, brûle-t-il de l’encens

Temple de la LittératureIci souffle l’espritLes mandarins de la dynastie Nguyễn, qui succéda à celledes Lý, à Hà Nội, furent formés, de 1822 à 1919, dans cetemple confucéen au bord de la rivière des Parfums. Passéun portique d’entrée en pierre moussue, où les herbesfrissonnent dans le vent, il ne reste plus qu’un champet deux allées de brique bordées des trente-deux stèlesoù figurent les noms des 293 étudiants reçus au concoursdu mandarinat. Le temps, les guerres, ont détruit le reste.Au loin, sur la colline, des tombes de pierre. Les oiseauxpépient, parfois un bateau pétarade sur la rivière.Impressionnant par le silence qui y règne, un lieu désert,nostalgique, où souffle l’esprit.

NHA TRANGLes tours chàms de Po NagarCe sanctuaire, jadis précédé d’une grande salle dont il ne resteque deux rangées de colonnes, a pris sa forme actuelle entrele VIIIe et le XIIIe siècle. La grande tour date des Xe-XIe siècles et,au-dessus de l’entrée, le relief au Shiva dansant (1064), repré-sente « un hermaphrodite moitié Shiva, moitié Bhagavati.Il résume à lui seul l’ambiguïté de ce sanctuaire dédié à desdéesses mères », note Anne-Valérie Schweyer, épigraphistespécialiste du Vietnam. Déesse de la terre et de la fertilité desChàms, Po Nagar est l’objet d’un culte fervent qui ne se démentpas à travers le temps. À l’intérieur du temple, fuselé comme latour qui l’enveloppe, dont on ne voit pas le sommet tant il estsombre, murs noircis par les bougies et les volutes d’encens,les dévots se mettent à genoux. Ils se prosternent trois foisavant de déposer offrandes et bâtonnets allumés devant lesstatues aux bracelets de perles colorées surmontées de para-sols. Un recueillement extrême de la part de jeunes gens.

Devant le temple de Shivahermaphrodite, un pèlerin est venuhonorer Po Nagar, déesse de la Terre

des Chặms.

Gardant l’entrée de la citadelle,la porte du Sud. Vue de dos, sonplan en U apparaît clairement. Desdouves doublent les fortifications.

PHAN THUẬN AN, LETTRÉ, DEVENU ENSEIGNANT ETCHERCHEUR, ÉVOQUE SES FANTÔMES PERSONNELS

Huế

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Trà QuếVillage des légumesPar un chemin de campagne cahotant, parmi parcs àcrevettes et jacinthes d’eau, visite au village des légumes.Salades, herbes aromatiques, oignons aux tiges frémis-sant sous la brise poussent en carrés bien alignés. Ici et là,des monticules d’engrais ramassé dans la rivière. Penchésous son chapeau conique, le non la, le paysan creuse unsillon dans la terre brune, dispose l’engrais, la semence, lerecouvre de terre et l'asperge avec des arrosoirs attachés àdes palanches. Des palmes séchées abritent les planta-tions qui le nécessitent. Ainsi cultive-t-on, biologique-ment sans le savoir, ces légumes qui seront vendus aumarché de Hội An.

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et prie-t-il pour leur rendre hommage ainsi qu’au Bouddha.

Accrochés aux colonnes, des instruments de musique à deux et six cordes.

«La musique était l’activité favorite des mandarins à la Cour. Ils buvaient le

thé, fumaient, récitaient des poèmes.» Il y avait «deuxmillemandarins, civils

et militaires, à Huề, les civils étant plus nombreux. Deux cents, précise-t-il,pour chaque ministère.» Ils se rendaient à la citadelle en palanquin.

La dynastie Nguyễn (prononcer muen), qui régna de 1802 à 1945, unifia lepays. Pour célébrer cette unité, le premier empereur, Gia Long, fit construire

la citadelle selon les principes du feng shui. Devant, l’eau de la rivière des

Parfums. En sentinelles, à gauche une île figure le dragon bleu, une autre,

à droite, le tigre blanc. En face, une montagne arrête les vents contraires.

L’ensemble regarde le sud-est, direction auspicieuse. Chine, Corée, Japon

adoptent une configuration semblable.

La citadelle, carré de 500 hectares construit en 27 ans (1805-1832), entourée

de douves et d’unemuraille à bastions, adopte un plan en étoile, à la Vauban,

connu en Orient dès le XVIIIe siècle. À l’intérieur, ministères, casernes,

archives, cent cinquante bâtiments au total, dont la Cité impériale, 29 ans

de construction et, à l’intérieur encore, le saint des saints, la Cité pourpre

interdite, résidence du roi et de sa famille. Ainsi allait une hiérarchie, infran-

gible : citadelle et ses fortifications de 10 kilomètres, Cité impériale entourée

d’une muraille de 2,4 kilomètres, Cité pourpre interdite ceinte de 1,2 kilo-

mètre de murs. Gardant ceci en mémoire, le visiteur progresse parmi les

groupes curieux. La Cité impériale, achevée en 1833, dispose de quatre

portes dont la porte du Sud (1833), la principale, dans ce style chinois qui

donne le ton à l’ensemble : sur le toit, tuiles vernissées yin yang rouge ou

Vietnam, 90 millions d’habitants,35 millions de motos… Pour faireson marché, cet homme ne quitte

pas son deux-roues.

La chambre vietnamienne,épurée, parquet en teck,du Victoria Hotel, située en bordurede la plage, à 5 km de Hội An.

La délicieuse petite ville de Hội An,sous un ciel d’hiver. Il fait chaud maisla rivière Thu Bồn roule des flotsboueux, inondant la rue.

Un bijou architectural, aussi intime que Huề estimpériale. Trois rues parallèles à la rivière et un petitpont japonais de 1593 reliant le quartier chinois auquartier japonais. Car, aux XVIe et XVIIe siècles,Hội An fut un port florissant – lamer n’est qu’à 5 kilo-mètres –, attirant les marchands étrangers venus etrepartis avec lamousson. Peu à peu, ils firent souche.Anciens comptoirs, les maisons aux façades étroitesse déroulent en profondeur : négoce, cour ouvertesur le ciel avec des arbres, des plantes vertes et descages à oiseaux. C’est elle qui apporte lumière, airfrais et eau de pluie à la maison. Dans l’arrière-cour,la cuisine. À gauche de l’entrée, l’autel des ancêtres.Partout, de magnifiques lanternes. Les stores, que

l’on abaisse, divisent l’espace semé de meubles.Đưc An, habitée par huit générations successives,faisait commerce de médecines importées de Chine.Exposées sur les murs, les photos anciennes : géné-ral Giáp, Hồ Chí Minh près du grand-oncle qui fondale parti communiste local…TầnKýhabitée, à l’étage,par la sixième et la septième génération, mêle élé-ments architecturaux chinois et japonais. C’est la plusconnue : les groupes se succèdent sans interruptionet la visite est une épreuve. À la différence de DiệpĐống Nguyên, ancienne maison de commerce habi-tée par la huitième génération, d’origine chinoise,délicieuse et véritable musée. Couvrent les toits àcharpentes superposées, certaines à voûte « en

carapace de crabe », les tuiles vernissées « yin etyang », concaves et convexes en alternance, à sceaud’éternité fermant l’extrémité de chaque rangée. Surl’arête du toit, dragon échevelé recouvert d’éclats deporcelaine. L’architecture est chinoise, le matériauvietnamien. Plus étendues, avec temples et jardins,les maisons communes des congrégations chinoisesréunissent la communauté qui rend ici un culte à sesdieux et honore sesmorts. Voyez le temple Phúc Kiến(1757) ou celui des Cantonais, spectaculaire avec sastatue d’un dragon menaçant et d’une carpe.N’oublions pas, en conclusion, Alexandre de Rhodes,jésuite français qui, au XVIIe siècle, passa trois ansici, adaptant l’alphabet vietnamien au latin.

HỘI AN — Le goût de la poésie

VICTORIA HOTELPlaisirs de l’eauC’est le plus agréable resort de Hội An. Il égrène ses villas à toitde tuile au bord de la plage de sable blanc ou le long de canauxsillonnant les jardins. Le voyageur apprécie le choix dechambres : vietnamienne, japonaise, ou coloniale. Toutes avecbalcon caressé par la brise, baignoire, douche en plein air entrela chambre et le salon dans les suites, douche seule dans lachambre vietnamienne qui ignore le bain. Notre préférenceabsolue va à cette dernière, discrète et raffinée avec sonmobi-lier sino-vietnamien en bois sombre se détachant sur le murclair et le parquet : chaise à dossier cambré et canapé à motifrond et ajouré symbolisant l’infinité, tables de nuit gigogne,estampes à l’encre de Chine au mur. C’est tout et c’est suffisantpour créer une atmosphère. La junior suite japonaise ravira lesamoureux de ce pays avec son plafond à poutres débordanten toit sur la terrasse et son salon au ras du sol. Détail raffiné :la nuit, un lumignon à pince éclaire la page du livre.

FLEURS CHAMPÊTRES, BIBLIOTHÈQUES VITRÉES, MURS BLANCHISÀ LA CHAUX : SIMPLICITÉ, POUSSIÈRE ET SAVOIR, UNE ÂME

Page 5: Hue Travel Guide by Découverte

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Découverte VIETNAM

L’avant dernier empereur,Khải Đinh, mort en 1925,ne laissa pas un bon souvenir.Sur l’esplanade de son tombeau,statues de mandarins, civils etmilitaires, soldats pieds nusderrière eux.

Des éclats de porcelainejaponaise décorent les murs dutombeau de Khải Đinh, amateurde culture occidentale. Noter sastatue dorée sous un dais. Il eutune femme, douze concubines et

un enfant, Bảo Đại.

SUR LES COLLINES AU SUD-OUEST DE LA CITADELLE, SEPT EMPEREURSFIRENT CONSTRUIRE LEUR TOMBEAU, RÉSIDENCE ÉTERNELLE

Page 6: Hue Travel Guide by Découverte

Epikurean ResortCôté farnienteEn bord de mer, à 7 km de Huế, il élève sa réceptionmassive au sommet d’une volée de marches, devant unlong bassin qui semble déborder dans la mer. L’hôtel jouel’espace, le confort et la commodité. Villas dispersées dansun parc arboré, au bord de l’eau ou en partie cachées par lefeuillage, plage mais aussi piscine, les vagues étant trophautes et la mer tumultueuse en hiver. Vastes chambres,minimalistes, adoptant le même mobilier dans les quatrecatégories, salle de bains à douche pluie et baignoire,terrasse et vue sur le jardin ou lamer. Y aller à la bonne sai-son, d’avril à juin, quand le ciel et la mer se parent de bleu.

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dorées, dragons royaux à cinq griffes, symboles du pouvoir royal, murs en

grès et en brique dégageant une impression de puissance.

À l’intérieur, précédé par l’esplanade de la Grande Salutation, le palais de

la Suprême Harmonie (1805), où les treize empereurs de la dynastie Nguyễn,de Gia Long à BảoĐại, furent couronnés. Magnifique avec ses quatre-vingtscolonnes en bois de fer laqué rouge à dragons et nuages dorés symboli-

sant la rencontre du roi et de son peuple. Notez la base des colonnes en

marbre contre l’humidité et les termites et imaginez les rideaux jaunes

remplacés par des portes au début du XXe siècle. À l’extérieur, même archi-

tecture : tuiles vernissées et dragons échevelés sur l’arête du toit.

Un peu à l’écart, le palais Diên Thọ, de laReine Mère et des épouses impor-

tantes, les concubines étant, à la mort du roi, renvoyées dans leur famille.

Notez les fixés sous verre accrochés aux colonnes. Illustrant les poèmes du

troisième empereur, ils ont été peints, avec quelle habileté, au dos de la

plaque, par des Chinois. Dans le fond de la salle, un salon Louis XV acheté

en France par l’empereur Bảo Đại. Sur le côté, un étang, son pavillonet, devant le palais, le traditionnel mur paravent, sculpté, éloignant les

mauvais esprits.

Sur les collines au sud-ouest de la citadelle, sept empereurs firent construire

leur tombeau, ces résidences éternelles, choisissant un site feng shui. Suivant

un schéma récurrent que chacun aménage selon son tempérament : mur

d’enceinte, triple porte, esplanade peuplée de statues, stèle sur la vie de

l’empereur, temples et palais, jardins et étangs.

Minh Mạng, le deuxième empereur, fit, en vingt ans de règne (1820-1840),

La résidence de Huề fut construite pour accueillir leshôtes du gouvernement. Une bâtisse blanche de1930, en rotonde, à laquelle furent ajoutées, en2005, deux ailes qui se fondent parfaitement dansl’ensemble. Illustration parfaite, côté jardin, du stylepaquebot avec leurs extrémités arrondies, balconsévoquant des coursives. Dans la partie historique,suites et chambres sont personnalisées. Au centre dela résidence, au 1er étage, Voyage en Chine épouseparfaitement la forme de l’édifice. Avec ses cinqfenêtres et portes-fenêtres ouvrant sur une terrasseen croissant de lune, elle rayonne de lumière. C’est laplus belle chambre, donnant sur le jardin, la piscineet la rivière des Parfums. Admirons-la : lit blanc à

baldaquin etmoustiquaire, pales au plafond, parquetsombre en teck, murs jaune pâlissime, mobilier duplus pur style Art Déco, qu’il s’agisse des tables denuit gigognes, triangulaires, de la coiffeuse basse àmiroir trapézoïdal ou du secrétaire. Jusqu’au réveilnoir et argent, lui aussi de forme géométrique.La prolonge une grande salle de bains à deuxfenêtres, baignoire à pieds griffus, carrelage crèmerehaussé d’une frise à petits carreaux. En résumé,une beauté simple, sans ostentation. Des photos ennoir et blanc du pavillon Indochine, lors del’Exposition internationale des arts décoratifs de1925, sont accrochées aux murs, une constante de larésidence et une unité de décor qui fait son charme

discret. Face à l’entrée le bar, rouge, où tout résidentaime à prendre un verre dans les fauteuils Art Déco,un œil sur le va-et-vient des hôtes, s’arrêtant aupassage devant une gravure sur L’Embarquement despassagers pour la France à Saigon, en 1922.Accueillant délégations officielles et hôtes demarque – Bao Dai et Bhumipol, roi de Thaïlande, –la Résidence fut le témoin privilégié des soubresautsde l’histoire vietnamienne. Fin du Protectorat fran-çais sur l’Annam, offensive Viêt Cộng lors du Têt de1968 quand les soldats l’envahirent, capturantl’adjoint du gouverneur. Ce qui donna un récit,Wherethe Ashes Are, de Nguyễn QuíĐừc, qui s’ouvre dansles couloirs de La Résidence.

LA RÉSIDENCE — L’Histoire en habits Art Déco

EN BORDURE DE LA MER DE CHINE, NHA THRANG OFFRE UN CADREENCHANTEUR : LUXE, CALME ET SÉRÉNITÉ

Des palmiers ébouriffés bordent la plageprivée de l’Ana Mandara, havre de beautéà Nha Trang. Sieste sur la véranda de savilla, bercée par le déferlement des flots.

Bons pour la peau et le moral, lesbains de boue de Tháp Bà, à

Nha Trang proviennent de sourceschaudes filtrées et portées à 34°C.

Extrémités arrondies, balconsévoquant des coursives, le style« paquebot » de la Résidence,à Huế, apparaît clairement.

Découverte VIETNAM

ÉVASON ANA MANDARAUn havre de beautéÀ Nha Trang, ce resort haut de gamme et pourtant sans osten-tation utilise les matériaux les plus simples : le bois, la pierre,la tuile rouge. Bambous, frangipaniers jaillissent dès l’entrée.Le voyageur découvre alors, d’un regard, les bassins, la plage,la mer. Il aura tout le loisir d’écouter les vagues qui se ruentsur le sable, près des chaises longues et parasols en paille.D’admirer, allongé sur un lit de repos pour deux en rotin ettoile blanche au bord de la piscine, le bassin aux nénuphars,les tortues en pierre crachant l’eau, les poissons qui frétillentet glissent dans le courant censé apporter la richesse.Chambres et suites ont vue sur le jardin ou la mer. Lit à balda-quin et moustiquaire, pales au plafond, briques jaunes au sol,peinture mate aux murs, charpente et plafond en rotin debambou, coin salon à fauteuils et table vietnamienne. Sansoublier la baignoire extérieure en terrazzo, la douche pluie etle lavabo en cuivre martelé. En langue chàm, Ana ne signifie-t-il pas beauté etMandara, havre, maison ?

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Découverte VIETNAM

beaucoup pour le développement du pays et le bien du peuple. Il eut trois

cents concubines, cent quarante-deux enfants et mourut avant la réalisa-

tion de sa sépulture. Le premier fils de la première épouse lui succéda et

la fit achever suivant les plans de son père. Sur le toit du palais principal,

le dragon de l’empereur, le phénix de l’impératrice, la tortue de la longé-

vité et la licorne de la vérité. Une grande salle et un lit ressemblant pour

nous à une table — les Vietnamiens dorment, aujourd’hui encore, directe-

ment sur le bois. Dans le pavillon au bord d’un étang, l’empereur prenait le

thé, composait des poèmes et contemplait la lune…

Tự Đực (1829-1883) vécut seize ans après l’achèvement de son tombeau.Aussi venait-il travailler et dormir dans ce palais simple et paisible nommé

Hòa Khiêm : colonnes et parois en bois de fer, non peintes, surélevées

pour le protéger des inondations, toit bas contre les typhons, tuiles jaunes

habituelles et dragons de part et d’autre de la fiole recueillant le nectar

céleste. « Ses palais en font une cité impériale idéale », note Phan ThuậnAn. Le cadre est verdoyant, enchanteur : douve à balustrade de pierre,

longanes à tronc tortueux, frangipaniers aux branches nues en ce mois de

novembre mélancolique et pluvieux.

Ainsi va l’impériale Huế. La rivière des Parfums sépare le nord de la ville,

résidentiel, où s’élève la citadelle, et le sud, ses universités, hôtels et bureaux,

là où autrefois s’étendaient les rizières. Les habitants vaquent à leurs occu-

pations. Les jeunes filles à bicyclette pédalent, dos droit telles des reines,

en ao dai traditionnel, tunique flottante découvrant, dans la fente, un

triangle de peau.

ĐÀ LẠTLe dernier empereurĐà Lạt hésite entre la Normandie et la Suisse. Il faut aller à lademeure de BảoĐại, dernier empereur de la dynastie Nguyễn,pour retrouver, un peu seulement, le Vietnam. Une maisonjaune, Art Déco, construite de 1933 à 1938, qu’il utilisaitcommepalais d’été. Vingt-six chambres aumobiliermodeste sil’on excepte le piano à queue de la reine. Tout se visite : lebureau aux deux téléphones, les chambres à coucher des cinqenfants, en jaune, couleur impériale, pour le prince héritier, enrouge pour les autres. La reine (1915-1963), fille d’un richepropriétaire, était très belle. La chambre de l’empereur possè-de son balcon « pour regarder la lune», une tradition impéria-le, et le jardin à la française entouré de sapins. Quand la reinepartit en France avec ses enfants, BảoĐại vécut àĐà Lạt avecune concubine. En 1954, après la Convention de Genève, il eutune épouse française à Paris. Le « protégé de la France » ymourut en 1997, à quatre-vingt-cinq ans.

En toute saison, Hội An, jadis portflorissant, reste une petite ville

aimée des voyageurs en raison deson habitat traditionnel.

À Đà Lạt, la résidence d’étéde Bảo Đại, Art Déco, au milieud’un jardin à la française, reflèteles goûts de l’empereur.

DANS LE PAVILLON AU BORD D’UN ÉTANG, L’EMPEREUR PRENAITLE THÉ, COMPOSAIT DES POÈMES ET REGARDAIT LA LUNE

Demi-dieu gardien des portes du grand sanctuairebouddhique de Dȏng Duơng, ces statues de Dvarapâlapiétinant un buffle à gauche, un ours à droite, figurentau musée de Sculpture chǎm de Đà Nẫng.

Un « jardin de sculptures » précéda l’ouverture, en1919, du musée de Sculpture chǎm de Đà Nằng.L’École française d’Extrême-Orient, fondée en 1900,eut une part prépondérante dans toutes les phasesde sa réalisation. Elle réunit, dans les années 1920-1930, l’essentiel des collections qui font la célébritéde ce musée. Elles proviennent des provinces ducentre du Vietnam et sont présentées par ordre chro-nologique, en fonction de leur origine, les sites deKhươngMỹ, Trà Kiệu,Mỹ Sơn etĐông Dương dansla province de Quãng Nam, au sud deĐà Nẫng, et lesite de Tháp Mẫm, dans la province de BìnhĐịnh.De la fin du IIe siècle au XVe siècle, le pays chǎmétaitformé de plusieurs royaumes chǎmpa indépendants.

« Les chercheurs disposent de différentes sourcesécrites pour tenter d’enmieux comprendre l’histoire.Inscriptions en sanscrit ou en cham offrant une vuepartielle de la société car elles émanent des classesdirigeantes ; textes en viet ou en chinois, donnantun regard extérieur complémentaire, souvent par-tial ; inscriptions en sanscrit ou en khmer, duCambodge. Sans omettre les textes arabes, rares,sur le commerce, et les textes occidentaux, posté-rieurs au XVe siècle », explique Anne-ValérieSchweyer, épigraphiste auteur de Vietnam HistoireArt Archéologie, qui vient de paraître chez Olizane.L’édifice à l’architecture coloniale jaune, grandesouvertures ventilant les vastes salles carrelées de

blanc ou de gris, a connu deux extensions accompa-gnant l'accroissement des collections. Si les sculp-tures, en bronze mais surtout en pierre, évoquent lesdieux hindous, « leur traitement stylistique est bienlocal. Un spécialiste ne peut confondre un Shivaindien et un Shiva cham », précise-t-elle. Brahma,Vishnu, Ganesh mais aussi Bouddha et un bodhisatt-va proviennent de temples brahmaniques et boud-dhiques construits par les Chǎms entre les VIIe et XVIesiècles, avec un âge d’or du VIIIe au Xe siècle. Unepièce d’une grande finesse, le piédestal « auxdanseuses », incarne la grâce de la sculpture chǎm,la grande déesse en bronze deĐông Dương sa forceimpressionnante.

ĐÀ NẴNG — Le musée de Sculpture chăm

Guide pratique pages93 à 95

Thiên MụLa pagode inspiréeAu bord de la rivière des Parfums, la pagode Thiên Mụ,la Dame céleste (1601) tient une place spéciale dans lecœur des habitants et sa tour à sept niveaux est devenuel’emblème de la ville. Noter que, au Vietnam, la pagode estdédiée au Bouddha, le temple aux ancêtres. Le monastèreabrite, outre ses quatre-vingts moines – Huế est un foyerbouddhiste important –, l’Austin qui transporta leVénérable Thích Quảng Đửc avant son immolation parle feu à Saigon, le 11 juin 1963, pour protester contre lerégime du président Diêm. En ce lieu de dévotion, un jeunemoine en robe brune frappe sur un bol dont l’onde sonorevibre longtemps dans l’air.